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Commission des affaires sociales

Mardi 9 février 2016

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 28

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur l’épidémie de maladie à virus Zika

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 9 février 2016

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales procède à l’audition de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur l’épidémie de maladie à virus Zika

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je remercie Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes d’avoir répondu si promptement à notre invitation pour évoquer ce que l’on peut désormais appeler la crise sanitaire du virus Zika, tout en la priant d’emblée de bien vouloir excuser les éventuelles allées et venues des députés qui pourraient, au cours de l’audition, avoir à se rendre dans l’hémicycle où l’article 2 du projet de loi constitutionnelle est actuellement en discussion.

Le virus Zika n’a certes pas encore touché la métropole, mais il concerne certains de nos territoires – dont plusieurs élus sont parmi nous, ce dont je les remercie. Il s’est également répandu en Amérique latine. Il ne fait guère de victimes mais provoque le syndrome de Guillain-Barré, qui se caractérise par des atteintes neurologiques, et touche surtout les femmes enceintes et leur fœtus en entraînant entre autres des risques de micro-encéphalie. De ce fait, la question de l’interruption volontaire de grossesse se repose de manière criante dans des pays où elle était interdite, pour qu’il soit permis à des femmes de faire le choix d’interrompre leur grossesse pour des raisons sanitaires aisément compréhensibles.

J’ajoute que nous auditionnerons demain M. Meunier, directeur général de l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, dont une équipe s’est rendue sur place pour organiser la réponse à l’épidémie, ainsi que le professeur Jean-François Delfraissy dont la parole est attendue, puisqu’il nous avait prédit que l’épidémie d’Ebola, en son temps, ne toucherait pas notre territoire – l’histoire lui a donné raison et Mme la ministre, qui avait fait passer le même message, avait d’ailleurs mis tous les moyens en place pour accueillir et traiter ceux de nos compatriotes qui avaient été contaminés à l’étranger.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. L’épidémie de Zika qui sévit en Amérique du Sud et en Amérique centrale depuis plusieurs mois est majeure. À ce stade, des cas ont été notifiés dans vingt-six pays et territoires de cette région. La France est directement concernée depuis que la Martinique et la Guyane sont entrées en phase épidémique ; quelques cas ont été détectés en Guadeloupe et à Saint-Martin, mais l’épidémie n’y est pas encore déclarée. Le niveau d’alerte est élevé et cette épidémie constitue selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) une « urgence de santé publique de portée internationale ».

Je rappelle que la maladie ne produit aucun symptôme dans 70 % à 80 % des cas, soit une écrasante majorité ; lorsque les symptômes existent, ils sont bénins. Nous sommes préoccupés par certains cas plus rares dans lesquels les effets du virus peuvent entraîner un syndrome de Guillain-Barré, c’est-à-dire des complications neurologiques sévères, ou bien provoquer, semble-t-il, des malformations fœtales chez les femmes enceintes. Même si le lien entre le virus Zika et le développement de telles malformations n’est pas scientifiquement établi, il est fortement suspecté.

Ce virus est transmis par l’intermédiaire d’une piqûre de moustique du genre Aedes, mais des éléments nouveaux sont apparus la semaine dernière concernant quelques cas possibles de transmission sexuelle du Zika – j’y reviendrai.

Je me suis récemment entretenue avec les députés ultramarins et la ministre des outre-mer pour faire le point sur les préoccupations des personnes – notamment les femmes enceintes – résidant dans les départements français d’Amérique et m’assurer qu’elles étaient prises en compte.

Quelle est aujourd’hui l’étendue de l’épidémie en France ? Selon un dernier bilan effectué le 6 février dernier, il y avait 3 940 cas évocateurs en Martinique et 430 en Guyane ; dix-sept cas autochtones ont également été confirmés en Guadeloupe et un cas à Saint-Martin. Le prochain bilan sera établi en fin de semaine. À la même date, 23 femmes enceintes avaient été déclarées positives au virus Zika dans les départements français d’Amérique. Elles font désormais l’objet d’un suivi renforcé ; aucune malformation n’a été détectée à ce jour. D’autre part, deux cas de patients atteints du syndrome de Guillain-Barré sont suivis.

En métropole, dix-huit cas de Zika, tous importés, ont été pris en charge. L’un des porteurs, qui revenait en métropole après un séjour dans une zone touchée par le virus, présentait une forme neurologique de l’infection. J’insiste sur le fait que la saison hivernale actuelle n’est pas propice au développement des moustiques ; il n’y a donc pas lieu aujourd’hui de craindre une épidémie en métropole. Il faudra naturellement réévaluer les risques au terme de cette période, et nous prévoyons d’ores et déjà des actions de lutte antivectorielle, y compris sur le territoire métropolitain.

Face à cette épidémie, les pouvoirs publics se sont mobilisés : nous avons pris des mesures d’urgence dès l’apparition des premiers cas. C’est au mois de juillet 2015 que les agences régionales de santé (ARS) des départements français d’Amérique ont activé les systèmes de surveillance. Le 11 décembre dernier, un message a été adressé aux agences régionales de santé pour leur faire part du risque élevé de contamination et demander à chacune d’entre elles d’élaborer un plan d’action. Le 19 décembre 2015, les deux premiers cas autochtones de personnes contaminées par le virus ont été confirmés en Guyane et en Martinique. C’est le même jour que le ministère de la santé a envoyé des messages électroniques à l’ensemble des établissements et des professionnels de santé des territoires concernés pour leur indiquer la conduite à tenir face à l’épidémie en les appelant à une vigilance particulière à l’égard des femmes enceintes. Depuis cette date, des messages sont adressés très régulièrement afin d’actualiser les recommandations de suivi et de prise en charge.

La Martinique et la Guyane ont respectivement franchi le seuil épidémique les 20 et 22 janvier 2016. Dès le 22 janvier, le Haut Conseil de santé publique, que j’avais saisi, précisait les recommandations de suivi des femmes enceintes dans les territoires concernés par le virus. Il recommandait aux femmes enceintes ayant un projet de déplacement dans des territoires touchés de reporter leur voyage. J’ai moi-même formulé officiellement cette recommandation ce même jour et l’ai rappelée le 28 janvier dernier. Là encore, j’insiste sur le fait que les zones concernées ne se limitent évidemment pas aux seuls départements français d’Amérique ; la même recommandation vaut pour tous les pays d’Amérique latine dans lesquels sévit l’épidémie de Zika. D’autres pays ont émis la même recommandation à l’intention de leurs ressortissantes : les États-Unis, le Canada et l’Australie. Le Brésil lui-même recommande aux femmes enceintes de ne pas se rendre sur son territoire, en particulier à l’occasion des Jeux Olympiques.

Aujourd’hui, notre système de santé et d’alerte sanitaire est pleinement mobilisé et poursuit trois objectifs : prévenir, renforcer le suivi des personnes à risque et anticiper. La prévention consiste avant tout à lutter contre les moustiques – ce que l’on appelle la lutte antivectorielle. C’est un domaine dans lequel nous possédons, hélas ! une riche expérience, puisque les départements français d’Amérique ont été touchés par des épidémies de dengue ou de chikungunya, qui sont également des virus transmissibles par les moustiques. Si un vaccin contre la dengue a été mis sur le marché depuis, il n’existe s’agissant du Zika ni vaccin ni traitement – d’où l’importance des mesures de prévention. En lien avec les services préfectoraux et les collectivités territoriales, dont je salue l’action, nous avons renforcé les mesures qui visent à limiter la prolifération des moustiques en détruisant leurs gîtes potentiels de reproduction et en intervenant autour et à l’intérieur du domicile de chaque personne dont la contamination par le Zika est confirmée.

Prévenir l’expansion de l’épidémie passe avant tout par une lutte permanente et déterminée contre les moustiques qui propagent la maladie. C’est une responsabilité tout à la fois collective et individuelle. J’entends donc renforcer davantage la lutte antivectorielle en mobilisant des moyens supplémentaires en lien, notamment, avec les experts de l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, et en mobilisant des volontaires du service civique. Avec le centre national d’expertise sur les vecteurs, nous avons également entamé une étude visant à améliorer les connaissances relatives à la résistance des moustiques aux traitements utilisés et, ainsi, à en optimiser l’utilisation.

La prévention passe ensuite par l’information de la population, qui a été renforcée dès l’apparition du premier cas de contamination pour que le grand public soit sensibilisé aux mesures de protection individuelle. J’ai par ailleurs saisi le conseil supérieur de l’audiovisuel pour que soient diffusés dans les médias locaux des messages radiophoniques puis télévisés.

Enfin, la prévention passe par les recommandations adressées aux personnes qui habitent dans les zones d’épidémie ou qui souhaitent s’y rendre. Je veux avant tout évoquer avec précision la situation des populations qui vivent dans les zones touchées, qui sont prioritaires. En ce qui concerne le risque de transmission, tout un chacun doit d’abord se protéger des piqûres de moustiques, principalement en portant des vêtements longs et amples et en utilisant des répulsifs ; les femmes enceintes doivent y être particulièrement attentives. J’insiste sur ces recommandations, qui pourront paraître toutes simples à beaucoup d’entre vous, car dans les territoires concernés, qui sont souvent touchés par des maladies épidémiques transmises par les moustiques, on sait qu’il est absolument essentiel de se protéger contre ce vecteur. Pour ceux qui se rendent dans ces territoires sans en avoir nécessairement conscience, nous redoublons ces recommandations de protection vestimentaire et d’utilisation de répulsifs.

Depuis la semaine dernière se pose la question de l’éventuelle transmission sexuelle du virus et des mesures de précaution qui doivent être proposées. C’est pourquoi, suite à l’évocation de tels cas, j’ai immédiatement saisi le Haut Conseil de la santé publique afin qu’il m’indique son avis et ses recommandations pour la France, en particulier concernant l’emploi du préservatif pour les couples exposés. Le Haut Conseil m’a remis son avis aujourd’hui même. Il estime « que la transmission sexuelle du virus Zika est probable même si, à ce jour, les données scientifiques sont trop peu nombreuses pour évaluer son importance dans la transmission » du virus. Aussi émet-il des recommandations de précaution pour la population. Il recommande notamment « aux femmes enceintes vivant dans des zones d’épidémie de Zika d’éviter tout rapport sexuel non protégé pendant la grossesse, aux femmes ayant un projet de grossesse ou en âge de procréer et vivant dans des zones d’épidémie de Zika d’envisager une contraception pendant la durée de l’épidémie dans la zone où elles vivent, aux femmes enceintes et aux femmes ayant un projet de grossesse ou en âge de procréer qui vivent dans une zone indemne de virus Zika d’éviter tout rapport sexuel non protégé avec un homme ayant pu être infecté par le virus, aux femmes enceintes qui envisagent un voyage dans une zone d’épidémie de Zika d’envisager, quel que soit le terme de la grossesse, un report de leur voyage et, à défaut, d’éviter tout rapport sexuel non protégé pendant le voyage, aux femmes ayant un projet de grossesse ou en âge de procréer qui prévoient un voyage dans une zone d’épidémie de Zika d’envisager de reporter leur projet de grossesse à leur retour de voyage ou de reporter leur voyage et, en cas de voyage, d’envisager une contraception pendant la durée du voyage ou, à défaut, d’éviter tout rapport sexuel non protégé pendant le voyage ».

Ces recommandations sont à la fois très précises et très fortes. J’invite toutes les femmes enceintes, ayant un projet de grossesse ou en âge de procréer et résidant dans des zones d’épidémie ou y voyageant, ou ayant un partenaire y ayant séjourné récemment
– c’est-à-dire depuis moins de vingt-huit jours – à se rapprocher de leur médecin traitant ou de leur gynécologue afin de se faire conseiller les mesures de protection les plus appropriées à leur situation personnelle.

Par ailleurs, l’agence de la biomédecine vient d’adresser aux établissements de santé des départements concernés la recommandation de différer les dons de gamètes et les assistances médicales à la procréation. Pour tout ce qui relève des donneurs vivants d’organes, l’agence de la biomédecine recommande également de différer de vingt-huit jours – après la fin de l’épidémie ou après le retour en métropole selon les cas – les prélèvements et greffes d’organes et tissus d’une part et de cellules-souches hématopoïétiques – cellules de la moelle osseuse – d’autre part. Néanmoins, si l’état du receveur ne permet pas d’attendre, une évaluation individuelle du bénéfice-risque avec, le cas échéant, des examens supplémentaires, doit être réalisée.

J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer que l’établissement français du sang a pris toutes les mesures nécessaires en prévoyant que les transfusions sanguines concernant les femmes enceintes dans les territoires concernés soient, comme partout ailleurs, réalisées grâce à des dons provenant de zones non touchées. Il a également prévu l’ajournement de vingt-huit jours pour les donneurs revenant de zones touchées et la mise en place d’un test de dépistage du Zika pour tous les dons réalisés dans les départements français d’Amérique.

Après la prévention, notre deuxième objectif concerne le renforcement du suivi. Les agences régionales de santé de Martinique et de Guyane ont installé un comité de suivi hebdomadaire avec les professionnels de santé et les services de protection maternelle et infantile concernant les femmes enceintes. Un suivi et une prise en charge spécifiques ont été mis en place pour les femmes enceintes résidant dans les territoires concernés. Toutes les femmes enceintes ont ainsi été invitées à consulter un médecin pour être précisément informées des risques. En cas de suspicion d’infection, un bilan complet est réalisé et la recherche du virus est effectuée. En cas d’infection confirmée, comme cela s’est déjà produit pour vingt-trois femmes, une surveillance échographique mensuelle orientée vers la recherche de malformations fœtales possibles est mise en place. Le test de diagnostic biologique qui permet d’attester de l’infection par le virus Zika se déroule actuellement dans le cadre hospitalier ; j’ai engagé en urgence une procédure permettant la prise en charge de ce test en médecine de ville.

Troisième objectif : l’anticipation. Tout est mis en œuvre pour garantir que notre système de santé puisse faire face à cette épidémie. J’ai donc mobilisé l’EPRUS, que vous recevrez demain ; quatre de ses professionnels de santé sont sur place depuis le 29 janvier dernier afin d’évaluer les besoins complémentaires et les moyens à fournir aux hôpitaux et aux médecins de ces territoires. Sans attendre les résultats définitifs de la mission d’évaluation de l’EPRUS, j’ai décidé de renforcer le matériel de prise en charge en réanimation des syndromes neurologiques graves dans les hôpitaux concernés, d’autant plus que l’épidémie de grippe arrive, d’où un éventuel surcroît d’activité dans les services de réanimation. Six respirateurs supplémentaires sont livrés aujourd’hui même au centre hospitalier universitaire de Martinique, et deux autres seront livrés dans les prochains jours au centre hospitalier de Cayenne. D’autre part, l’EPRUS a d’ores et déjà prémobilisé des renforts en professionnels de santé : une équipe de vingt professionnels venant de métropole et comprenant notamment des médecins réanimateurs et des représentants des professions paramédicales se déploie depuis le 6 février au CHU de Martinique pour apporter un appui et constituer une base avancée de professionnels de santé pouvant, le cas échéant, être rapidement déployés au profit de la Guadeloupe ou de la Guyane. Il va de soi que l’évaluation se poursuit de manière continue ; si des moyens complémentaires doivent être apportés, ils le seront.

Tout est mis en œuvre, mesdames et messieurs les députés, pour garantir la sécurité de nos compatriotes et en particulier la protection des femmes enceintes. Je suis la situation en temps réel grâce à la direction générale de la santé. Je me rendrai avant la fin du mois dans les départements français d’Amérique pour faire le point sur la mobilisation de notre système de santé et m’assurer du déploiement des mesures prévues pour faire face à l’épidémie.

M. Michel Liebgott. Madame la ministre, je vous remercie pour votre intervention qui nous permet de faire le point sur la situation actuelle. S’il ne faut pas créer de phobie, on ne saurait pour autant se désintéresser du sort de nos compatriotes des départements et territoires d’outre-mer, pas plus que de celui des Français métropolitains qui eux aussi pourraient être touchés : j’habite dans une région qui a accueilli des dizaines de milliers de Cap-Verdiens, le Cap-Vert ayant été également infecté par le virus. On peut imaginer que des personnes contaminées arrivent en France et transmettent le virus.

Le virus Zika n’est pas inconnu : il avait été identifié en Ouganda, en 1947. Il semble particulièrement résistant puisqu’il peut vivre longtemps dans des eaux stagnantes. Il faut donc envisager la suppression des réservoirs potentiels. La directrice de l’OMS a fait de ce virus une urgence de santé publique, puisque trente-trois pays sont touchés et que trois à quatre millions de personnes pourraient être infectées.

Aucun symptôme n’est constaté dans 70 à 80 % des cas. Dès lors, comment faire de la prévention, en particulier en direction des femmes enceintes, si elles ne sont pas conscientes qu’elles sont atteintes de ce virus ? Se pose ensuite la question de son identification, par des tests de dépistage, et des mesures à prendre pour éviter que les voyageurs ne l’exportent. Quels contrôles effectuer dans les aéroports ? Quelles indications mentionner sur le site du ministère des affaires étrangères ou celui de la santé ? Quelles mesures prendre au moment de manifestations importantes, comme l’Euro 2016, qui favorisent des mouvements massifs de populations ?

Enfin, une grande incertitude demeure, semble-t-il, quant aux modes de transmission. Aux États-Unis, la contamination sexuelle est reconnue. Certains se posent la question de la contamination par la salive, mais elle ne semble pas encore avérée.

Comme ce virus n’a pas touché les pays les plus développés, les laboratoires privés n’en ont pas fait une priorité absolue.

Y a-t-il un lien entre le développement de ces différents virus et un éventuel réchauffement climatique, indépendamment même des échanges qui sont de plus en plus nombreux entre les pays ? Dans le sud de la France, certaines espèces d’insectes vecteurs peuvent constituer des réservoirs susceptibles d’évoluer. Peut-être serons-nous davantage concernés que nous ne l’avons été par le passé par ce type d’épidémie. Existe-t-il un risque d’atteindre un pic épidémique en France métropolitaine si nous n’entravons pas l’extension de ce virus ?

Mme Isabelle Le Callennec. C’est en octobre dernier que les autorités brésiliennes ont signalé à l’OMS l’existence d’un nombre très important de bébés brésiliens atteints de microcéphalie. Le lien a été très rapidement établi avec le virus Zika soupçonné d’être responsable d’une contamination in utero. Le lundi 1er février, l’OMS a qualifié l’épidémie d’urgence de santé publique de portée internationale.

Vous venez de nous indiquer les mesures d’urgence que vous venez de prendre, le rôle des ARS et les priorités que vous avez définies – prévenir, informer et renforcer le suivi des femmes enceintes.

L’OMS a manifestement tiré les leçons de la crise Ebola où elle avait tardé à réagir, pour prendre la mesure de la situation et coordonner des moyens de lutte contre la propagation du virus. Le plus tôt on prend la mesure d’une épidémie, plus les moyens de l’endiguer seront mis en œuvre de façon efficace. Quelle est la place de la France dans la lutte contre l’épidémie au niveau mondial ?

Nous avons déjà l’expérience de la lutte contre la dengue et le chikungunya dans les zones d’épidémie qui sont aujourd’hui concernées. Vous l’avez dit, vous renforcez les moyens en matériels et en professionnels de santé. Les hôpitaux à la Martinique, en Guyane et dans les autres zones, sont-ils bien équipés pour faire face à une éventuelle augmentation des admissions ?

Si j’ai bien compris, il n’existe à ce jour aucun vaccin ni traitement contre le virus Zika, d’où les recommandations que vous venez de formuler. Compte tenu des conditions de transmission de ce virus, le meilleur espoir d’endiguer l’épidémie réside dans la recherche. Vous venez d’évoquer le rôle des laboratoires privés : l’OMS prône l’intensification des recherches pour mettre au point des traitements, des nouveaux tests de diagnostic, et surtout un vaccin. Un de nos fleurons de l’industrie, Sanofi Pasteur, a annoncé vouloir se lancer dans la recherche d’un vaccin contre le virus Zika, s’appuyant sur le succès qu’il a obtenu avec le vaccin contre la dengue. Comptez-vous soutenir la démarche de ce laboratoire ?

M. Arnaud Richard. Madame la ministre, je vous prie de m’excuser pour mon retard : j’étais en séance publique où je suis intervenu sur le fâcheux article 2 du projet de loi constitutionnelle de protection de la nation.

L’épidémie a été recensée en 2007 en Micronésie et en 2013-2014 en Polynésie française. Quels retours d’expérience a pu faire, à l’époque, le ministère de la santé, quels « apprentissages » a-t-il pu en tirer ? Comment expliquez-vous qu’une pareille explosion de cas se soit produite dans un temps aussi restreint ? Des signes précurseurs, des « bruits faibles », comme on dit, laissant soupçonner une propagation du virus auraient-ils pu être perçus ces derniers mois ?

M. Michel Issindou. L’OMS s’est emparée de ce problème très sérieux : le danger est réel pour les femmes enceintes et les fœtus qu’elles portent. Il est donc naturel que vous mettiez en œuvre toutes les mesures nécessaires. Votre dispositif semble tout à fait efficace. En tout cas, la prévention, votre action de mise en garde des femmes enceintes ou souhaitant le devenir est significative.

Vous avez parlé de l’éradication des moustiques. Toutefois, la tâche paraît immense. C’est un travail de fourmi, si je puis dire, car il faut procéder maison par maison, bouquet de fleurs par bouquet de fleurs, poche d’eau stagnante par poche d’eau stagnante : il existe des milliers de lieux où ces insectes peuvent proliférer et se développer. De quels moyens dispose-t-on aujourd’hui pour supprimer les moustiques ? Autrefois, dans le Midi de la France, il était facile de répandre par hélicoptère des tonnes de produits qui les détruisaient, même s’ils n’étaient pas toujours très bons pour la santé des gens qui étaient dessous… Mais cette méthode ne peut pas être utilisée en milieu très urbanisé. Quels moyens seront mis en œuvre pour essayer de limiter la prolifération de ces moustiques, voire les éradiquer ? Qui en aura la responsabilité ? S’agira-t-il des collectivités locales ultramarines ?

Mme Chantal Berthelot. Madame la présidente, je vous remercie de m’accueillir dans votre commission.

Madame la ministre, on ne peut que saluer la réactivité dont vous avez fait preuve en envoyant notamment une équipe de l’EPRUS pour évaluer les besoins des territoires touchés par ce virus.

Nous examinons en ce moment même un projet de loi constitutionnelle visant à la protection de la nation ; or la protection de la nation passe aussi par la protection des territoires touchés par le virus Zika. Décréter l’état d’urgence sanitaire aurait peut-être été souhaitable.

La Guyane est régulièrement touchée par des infections véhiculées par les moustiques : nous avons eu le chikungunya – là encore, vous avez envoyé l’EPRUS – et la dengue contre laquelle nous disposons désormais d’un vaccin. Mais le meilleur moyen de combattre ces virus, c’est effectivement la prévention, l’éradication des nids de moustiques. Dans un territoire comme le mien d’une superficie de 80 000 kilomètres carrés et qui connaît une saison des pluies, ce n’est pas évident… Nos collectivités ont besoin d’un réel accompagnement de l’État dans les campagnes d’éradication des nids à moustiques. Sinon, je crains que, après Zika, de nouveaux virus ne se développent année après année et ne mettent en danger nos populations.

Vous avez parlé des moyens attribués aux établissements hospitaliers. Je vous ai entendue parler du CHAR (Centre hospitalier Andrée Rosemon) de Cayenne ; j’espère que vous avez pensé aussi au Centre hospitalier de l’ouest guyanais (CHOG) de Saint-Laurent-du-Maroni, situé en zone épidémique et qui a aussi besoin de matériel et de personnel. C’est le plus grand centre de maternité de Guyane, voire de France. Il faut pouvoir pratiquer des échographies mobiles car 15 % des femmes enceintes ne sont pas suivies pendant leur grossesse, en raison de leur éloignement, mais cela exige du personnel supplémentaire. Il convient donc de faire un effort accru en faveur de l’Ouest guyanais.

Je souhaite vous interroger sur la coopération frontalière avec le nord du Brésil et le Surinam. Nous constatons actuellement un afflux de femmes brésiliennes sur la partie est de la Guyane et de Surinamiennes sur la partie ouest. Comptez-vous interpeller vos homologues pour mener une action de coopération internationale ?

M. Élie Aboud. Je souhaite faire une remarque et poser une question.

Ma remarque concerne l’aspect asymptomatique de l’infection par le Zika, ce qui le rend extrêmement dangereux dans la mesure où la prévention de masse est pratiquement impossible.

Ma question, mais peut-être y avez-vous déjà répondu car je suis arrivé en retard, est relative aux dons du sang. Avez-vous donné des consignes en la matière ?

Mme la ministre. Effectivement.

M. Gabriel Serville. Je veux redire à Mme la ministre à quel point j’ai été satisfait de sa réponse lorsque je l’ai interpellée sur la situation financière catastrophique des centres hospitaliers de Cayenne et de Kourou. Des habitants de Saint-Laurent m’ont indiqué que leur hôpital connaissait également de gros problèmes d’ordre structurel et conjoncturel qui nécessiteraient une attention soutenue de votre part.

L’annonce que vous avez faite d’interdire aux femmes enceintes de voyager à la Guyane et à la Martinique a soulevé chez nous un petit tollé : la population s’est demandé quelles mesures vous auriez prises si le virus Zika s’était mis à faire des ravages dans l’hexagone…

Par ailleurs, qu’allait-il advenir des femmes enceintes qui sont déjà en Guyane ? Nous connaissons les précautions d’usage : se couvrir le corps, utiliser des répulsifs et autres. Mais au vu de la situation matérielle extrêmement défavorable de certaines de nos compatriotes, ces mesures risquent d’être totalement insignifiantes face à la complexité du problème et à l’ampleur de la catastrophe annoncée. Il serait bon d’assurer une coordination maximale entre les différents ministères, les collectivités et l’ARS, pour mutualiser les moyens humains, matériels et éventuellement les quelques moyens financiers supplémentaires qui seront octroyés pour pouvoir lutter efficacement contre ce fléau.

Comme l’a dit Mme Berthelot, le virus Zika fait déjà des ravages au Brésil et au Surinam. Des dispositions particulières ont-elles été prises dans le cadre d’une coopération accrue avec ces deux pays frontaliers pour atteindre un niveau optimal de prévention ?

Enfin, vous avez annoncé votre venue prochaine à la Martinique et en Guyane. J’accueille personnellement cette annonce avec beaucoup d’intérêt. J’espère simplement que vous ne vous limiterez pas à une petite incursion dans ces territoires, car il y a beaucoup de choses à voir… Sachez en tout cas que nous vous attendons, et que vous serez la bienvenue.

M. Fernand Siré. En Languedoc-Roussillon, le littoral a été aménagé dans les années soixante-dix. La priorité était alors à la démoustication pour que les gens puissent y vivre et les touristes y venir. Mais petit à petit, les traitements, financés par la région et les départements, sont devenus de moins en moins efficaces. Et comme on a dû recréer les zones humides qui avaient été supprimées en 1970 et construire d’immenses bassins de rétention pour les routes et les lotissements à cause des inondations, les foyers de nidification se sont multipliés et le territoire se retrouve de nouveau envahi par les moustiques, en particulier les moustiques tigre. Au mois de septembre, leur prolifération est telle qu’il devient parfois impossible de faire les vendanges…

L’arrivée des touristes l’été prochain va entraîner un mélange de populations, dont certaines reviendront peut-être de zones infectées. Peut-être faudrait-il autoriser, pendant un an, des traitements plus efficaces que les produits utilisés actuellement et dont se plaignent les syndicats de démoustication, particulièrement dans les zones humides ; faute de quoi, nous risquons de voir le virus Zika se propager dans notre propre territoire.

M. Bernard Perrut. Comme l’a dit très clairement l’OMS, nous sommes face à une urgence de santé publique de portée mondiale. Ce fléau ne peut laisser personne indifférent puisqu’il concerne les futures mères – certains journaux parlent des « mères pauvres ». Plusieurs dizaines de cas ont été confirmés et les premiers décès ont été enregistrés. Le virus Zika entraîne de graves déficiences, comme la microcéphalie qui compromet le développement intellectuel du nouveau-né et remet en cause son avenir.

Comment éradiquer les moustiques porteurs de ce virus ? Comment bloquer le virus ? Comment le faire disparaître ?

Quels efforts de recherche sont menés ? Sanofi Pasteur a annoncé qu’il travaillait à l’élaboration d’un vaccin. Combien faut-il de temps avant qu’un vaccin soit mis au point ? L’OMS s’attend à une propagation explosive dans les Amériques, avec trois à quatre millions de cas cette année. À quelle échéance va-t-on pouvoir agir dans ce domaine ?

Enfin, combien de cas ont été recensés en France métropolitaine ? Quelles mesures sont prises pour faire face à ce véritable fléau dans les mois et les années à venir ?

M. Jean-Louis Costes. Nous sommes face à un problème de santé apparu assez soudainement, et dont la médiatisation a été immédiate. Comment informer sans affoler ? Comment est diffusée l’information ? Ce sujet fait-il l’objet d’une information spécifique via les ARS auprès des professionnels de santé ? Certains de nos administrés nous posent des questions parfois à bon escient, mais parfois aussi sur la base d’éléments parfaitement erronés.

Mme Valérie Boyer. Ce problème de santé publique, désormais considérée comme une urgence sanitaire mondiale, donne lieu à une intense campagne d’information, diffusée partout et qui finit par devenir très anxiogène. Sans mésestimer ce qui se passe chez nos compatriotes ultramarins, je veux faire remarquer qu’à Marseille on ne parvient plus à éradiquer des chenilles processionnaires depuis que l’épandage a été interdit. De la même façon, le moustique tigre s’est répandu dans de nombreux quartiers un an après l’apparition de l’épidémie de chikungunya aux Antilles et la maladie de Lyme se propage. Comme nous ne pouvons plus utiliser de produits phytosanitaires, nous ne parvenons pas à éradiquer tous ces fléaux qui, s’ils n’ont pas la même portée que l’épidémie de Zika, n’en ont pas moins des conséquences majeures en termes de santé publique.

Face à ces épidémies qui arrivent de tous les coins du monde du fait de la banalisation des transports, comment faire pour continuer à ne pas utiliser de produits phytosanitaires ? Quelles propositions concrètes faire aux maires pour qu’ils puissent agir dans la rue, dans les espaces verts et autres, et ainsi rassurer leurs concitoyens ? Quelles consignes donner aux propriétaires de jardin ? Comment faire pour prendre en charge ces fléaux sanitaires qui ne font que prospérer et qu’il est devenu impossible à endiguer par de l’épandage et de la démoustication ? Ne doit-on pas changer notre façon de traiter les espaces publics ? Ces questions posent des problèmes majeurs de santé publique. Aujourd’hui, je crois que tous les Français sont inquiets, y compris en métropole.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la ministre, je tiens à saluer votre réactivité par rapport à ce qui se passait dans le monde. Les fêtes de fin d’année approchant, nous avions la tête ailleurs, mais vous avez fait des communications très rapidement, notamment auprès des ARS.

Je tiens également à saluer votre lutte contre la défiance à l’égard des vaccinations dans notre pays et à féliciter le Gouvernement pour avoir confié une mission à Mme Sandrine Hurel sur la politique vaccinale en France. Vous avez fait une communication aux laboratoires en ce qui concerne la pénurie du vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). Il est important en effet d’imposer aux laboratoires qu’ils remettent du DTP sur le marché : car ce n’est pas en imposant aux Français de se vacciner contre cinq ou six choses dont le vaccin n’est pas forcément obligatoire qu’on les réconciliera avec la vaccination obligatoire…

Je vous laisse maintenant la parole pour répondre aux questions de nos collègues.

Mme la ministre. M. Liebgott a parfaitement raison : il faut éviter la phobie. Le sentiment d’inquiétude que plusieurs d’entre vous ont relevé s’explique par le fait que les personnes concernées sont surtout des femmes enceintes. Dans la mesure où le risque est celui d’une malformation du fœtus ou du nouveau-né, on comprend que la charge émotionnelle soit très forte.

Nous devons être d’une extrême vigilance, mais nous ne devons pas céder à l’affolement pour autant : en dehors d’un certain nombre de cas identifiés, le virus Zika semble avoir des effets relativement bénins. Le fait qu’il soit asymptomatique dans de nombreux cas ne facilite certes pas les traitements ni les actions à mettre en place, mais cela signifie aussi que les choses se passent assez simplement pour bon nombre de personnes infectées, qui deviennent probablement immunisées contre la maladie.

Notre vigilance est d’autant plus forte que nous ne disposons aujourd’hui ni de vaccin ni de traitement autre que symptomatique – ainsi, une personne infectée qui souffre de maux de tête ou de fièvre prendra les traitements habituels pour combattre ces symptômes. Le laboratoire Sanofi Pasteur a en effet manifesté son intention de se lancer dans la recherche d’un vaccin contre le virus Zika, compte tenu de l’expérience indéniable qu’il a acquise en concevant un vaccin contre la dengue, dont la mise sur le marché a été autorisée dans de très nombreux pays d’Amérique latine et d’Asie. D’autres laboratoires internationaux ont eux aussi fait part de leur volonté de s’engager dans cette voie.

Le processus d’élaboration d’un vaccin, pour autant qu’il soit couronné de succès, est de l’ordre de dix ans. L’expérience que Sanofi Pasteur a acquise face à la dengue lui fait espérer une réduction de ce délai. Mais, soyons clairs, en aucun cas nous ne disposerons d’un vaccin qui nous sera utile dans la crise que nous connaissons actuellement. Notons toutefois que les situations de crise sont l’occasion d’une accélération remarquable des travaux de recherche, notamment grâce aux efforts internationaux, ainsi que nous l’avons constaté lors de l’épidémie de fièvre Ebola.

La mobilisation de l’OMS vise notamment à faire converger les expériences nationales et à mettre en place une coopération internationale, en particulier en matière de recherche. La France joue un rôle très important au sein de l’OMS. D’une part, en tant que pays développé touché par l’épidémie, elle apporte son expérience à d’autres États. D’autre part, en sa qualité de membre du comité exécutif de l’OMS, elle contribue directement aux travaux de l’organisation. Elle a ainsi été rapporteure de toutes les mesures prises dans les départements français d’Amérique.

La recherche est menée non seulement par des laboratoires privés, mais aussi par des organismes publics, notamment par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) – votre commission recevra demain M. Jean-François Delfraissy, qui est à la pointe de la recherche en la matière – et par l’Institut Pasteur. Or il se trouve que la France et le Brésil ont une tradition de travail commun dans le domaine des vaccins : l’Institut Pasteur jouit d’une grande renommée au Brésil où il travaille depuis longtemps avec un remarquable organisme de recherche, la Fondation-institut Oswaldo Cruz (Fiocruz). Cette coopération va s’intensifier. De plus, nous travaillons à la mise en place d’un partenariat entre les gynécologues-obstétriciens français et brésiliens afin d’échanger sur les pratiques utilisées pour le suivi des femmes touchées par l’épidémie. En juillet dernier, je m’étais rendue au Brésil pour faire le point sur l’ensemble de nos coopérations en matière de santé avec ce pays, qui sont très actives, indépendamment de la lutte contre le virus Zika.

J’y insiste : l’élément central, aujourd’hui, c’est la lutte antivectorielle. Nous avons une expérience en la matière avec les épidémies de dengue et de chikungunya – je m’étais rendue dans les départements français d’Amérique à ce moment-là. Les ARS, les préfectures et les collectivités territoriales font le point ensemble chaque jour sur les actions en cours ou à mener. Nous mobilisons des moyens supplémentaires, notamment humains, en faisant appel à des volontaires du service civique, ainsi que nous l’avions fait avec beaucoup de succès lors de l’épidémie de chikungunya : ils se rendent de maison en maison pour expliquer ce qu’il faut faire. Nous avions également envoyé les pompiers pour appliquer les mesures de lutte antivectorielle dans des endroits difficiles d’accès tels que les toits des hôpitaux, des maisons de retraite et des habitations : dans tous ces lieux, les pompiers s’assuraient qu’il n’y avait pas d’eau stagnante propice à la prolifération des moustiques. Nous enverrons à nouveau des équipes analogues sur le terrain si cela s’avère nécessaire.

La question des biocides et des insecticides se pose, bien évidemment. Face au chikungunya, nous avions utilisé du Malathion de manière dérogatoire pendant six mois en Guyane. Ce produit pouvant avoir des effets secondaires sérieux, nous considérons qu’il ne doit être employé que de manière très parcimonieuse. À ce stade, les autorités compétentes ne nous recommandent pas d’y recourir.

D’autre part, les produits qui étaient efficaces il y a quelques années ne le sont plus aujourd’hui : les moustiques deviennent résistants aux insecticides que nous utilisons, un peu de la même manière que les micro-organismes deviennent résistants aux antibiotiques. Ainsi que je l’ai indiqué tout à l’heure, de nombreux travaux sont en cours pour développer de nouvelles substances et en évaluer l’efficacité, notamment au Centre national d’expertise sur les vecteurs et à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

M. Arnaud Richard s’est demandé, au fond, si nous n’aurions pas pu percevoir le risque d’épidémie plus tôt. En réalité, c’est au Brésil que les médecins et les scientifiques ont constaté un nombre inhabituel de malformations congénitales et ont suspecté pour la première fois une relation entre ces malformations et le Zika. Et c’est parce que nous avons reçu ces informations en provenance du Brésil – c’est notamment en cela que la coopération internationale est utile –, que nous avons repris et étudié l’ensemble des données épidémiologiques recueillies en Polynésie et que nous avons identifié a posteriori douze cas de malformations dont nous pensons qu’ils sont liés au Zika. Ce lien n’avait pas été établi à l’époque, douze cas n’étant pas un phénomène d’ampleur suffisante pour donner l’alerte. C’est grâce à ces travaux que nous avons pu nous mobiliser dès le mois de juillet 2015 en demandant aux ARS concernées de préparer des plans d’action pour le cas où l’épidémie arriverait dans les départements français d’Amérique, ce qui s’est produit six mois plus tard.

J’en viens aux recommandations que nous émettons à l’attention des personnes concernées. J’y insiste : nous ne devons affoler ni la population métropolitaine ni celle des départements français d’Amérique – où la situation n’est, certes, pas du tout la même.

En métropole, dix-huit cas ont été identifiés depuis le début du mois de janvier. Cependant, pour qu’il y ait une transmission du virus, il faudrait qu’une série de conditions soit réunies, à savoir qu’un moustique tigre pique une personne malade chez qui le virus est actif et pique ensuite une autre personne. Or, d’une part, la fenêtre pendant laquelle une personne est contagieuse si elle est piquée par un moustique est relativement restreinte : la charge virale disparaît au bout de quelques jours. Autrement dit, si vous êtes allé passer vos vacances à la Martinique il y a un an, vous ne représentez aucun risque pour vos voisins… Qui plus est, en raison de la saison hivernale, il n’y pas en ce moment sur le territoire métropolitain de moustiques susceptibles de propager l’épidémie.

Compte tenu des données dont nous disposons actuellement, je ne suis pas en mesure de faire le moindre pronostic. Je note seulement que, lors de l’épisode majeur de chikungunya que nous avons connu dans les départements français d’Amérique, il n’y a pas eu d’épidémie en métropole, en dépit de quelques cas sur le territoire métropolitain et de la présence de moustiques à ce moment-là. Cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir d’épidémie de Zika en métropole, mais, encore une fois, il faudrait que toute une série de conditions soient réunies. C’est précisément cette chaîne de contamination que nous cherchons à briser dans les départements français d’Amérique, tout en apportant une protection aux personnes qui y vivent, en particulier aux femmes enceintes.

Monsieur Serville, nous n’interdisons aucun voyage dans les départements français d’Amérique ; nous n’en aurions d’ailleurs pas la possibilité. Nous émettons simplement des recommandations de précaution, comme le fait de son côté le Haut Conseil de la santé publique, en appelant en priorité l’attention des femmes enceintes sur les risques potentiels auxquels elles s’exposeraient en ce moment dans les zones où sévit l’épidémie. Nous leur conseillons de différer leur voyage si elles le peuvent et d’éviter tout rapport sexuel non protégé avec un homme qui réside dans ces territoires ou y est allé quelques jours auparavant.

Les femmes enceintes étant la priorité, nous avons mis en place un suivi rapproché de ces femmes. Près de 90 % des Martiniquaises ont déjà bénéficié d’un suivi de grossesse conforme aux recommandations que nous avons adressées aux ARS. Nous faisons tout pour atteindre les 100 %, à la Martinique comme en Guyane, où un renforcement des moyens professionnels et échographiques est également prévu.

Pour répondre précisément à votre question, monsieur Costes, nous avons envoyé des messages aux hôpitaux et aux médecins, en leur indiquant que, s’ils observaient tel et tel symptôme, il pouvait s’agit du Zika, et que, s’ils pensaient que des femmes enceintes étaient touchées par le virus, ils devaient mettre en place un test pour le vérifier et faire un suivi échographique très rapproché. Des médecins ont ainsi appelé au téléphone les femmes enceintes de leur patientèle pour leur donner des conseils.

Actuellement, notre inquiétude ne porte pas sur un éventuel débordement des structures de soins : à ce stade de l’épidémie, il n’y a pas de surcharge excessive pour les hôpitaux. En revanche, si l’épidémie se poursuit, nous devrons faire face à un afflux de malades, à la fatigue des professionnels de santé et au fait que certains d’entre eux seront peut-être eux-mêmes malades, ainsi que nous l’avons vu lors de l’épidémie de chikungunya. Lors de cet épisode, nous avions envoyé des renforts : des professionnels de santé métropolitains étaient venus remplacer leurs collègues à la Martinique ou à la Guadeloupe, pour permettre au système de soins de fonctionner. Nous mettrons en place, de la même façon, tous les moyens nécessaires pour faire face au Zika.

M. Arnaud Viala. Je reviens sur la question de l’information. J’ai vu par hasard deux reportages à la télévision. Le premier concernait les territoires ultramarins et contenait un passage extrêmement frappant : on annonçait à une femme enceinte que le fœtus qu’elle portait était contaminé et que sa grossesse ne pouvait plus être interrompue. Le deuxième reportage, diffusé le lendemain, relatait que le virus Zika était arrivé dans l’Indre. Les médias de masse, en particulier la télévision, peuvent donner l’alerte – vous avez d’ailleurs saisi le CSA à cette fin –, mais aussi créer de l’agitation au sein de la population. Nos concitoyens nous posent des questions sur la propagation du virus Zika en métropole – en disant cela, je ne minimise nullement ce qui se passe actuellement dans les territoires ultramarins. Je crains que cette inquiétude ne se propage beaucoup plus vite que le danger de contamination lui-même.

Mme la ministre. J’y insiste : il n’y a eu aucun cas de transmission du virus Zika en métropole. Il s’agit uniquement de cas importés : les personnes contaminées – y compris celle que vous mentionnez dans l’Indre – avaient toutes séjourné au cours des jours précédents dans un des départements français d’Amérique ou un pays touché par l’épidémie. Aucune d’elle n’a transmis la maladie. Si le virus Zika est détecté chez un patient, on lui demande immédiatement s’il a voyagé ou non dans un de ces territoires.

Il ne faut pas céder à la panique. Nous mettons en place toutes les protections possibles et nous continuerons à le faire. La bataille est lourde et difficile. Elle requiert des moyens importants, mais aussi un effort de conviction auprès des populations locales. Lors de l’épidémie de chikungunya, je m’étais rendue chez des habitants qui soutenaient qu’il n’était pas possible qu’une maladie aussi grave fût transmise par quelque chose d’aussi petit qu’un moustique. Les ARS ont donc envoyé des médecins dans les maisons pour expliquer que le chikungunya n’était pas une malédiction divine, mais une maladie transmise par les moustiques, et que c’est en luttant contre les moustiques que l’on pouvait éviter la propagation de la maladie : cela pouvait leur prendre dix à quinze minutes par maison, autrement dit un temps considérable au total.

La priorité, aujourd’hui, c’est de mobiliser des moyens pour circonscrire l’épidémie, sachant qu’elle est très forte tout autour des départements français d’Amérique. Nous devons donc nous préparer à ce qu’elle continue à s’étendre dans ces départements et faire preuve d’une très grande vigilance.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Notons que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche accompagne la mobilisation des chercheurs du consortium REACTing sous l’égide de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, dans le cadre de projets non seulement nationaux, mais aussi européens, des appels d’offres devant être lancés par l’Union européenne en la matière.

L’objectif de cette audition était à la fois de faire le point et d’apaiser, sans pour autant sous-estimer l’importance de l’épidémie. Je vous remercie de vous être bien volontiers prêtée à cet exercice, madame la ministre. Il est important que nous puissions relayer les bonnes informations dans nos circonscriptions.

La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.

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Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 9 février 2016 à 16 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Alexis Bachelay, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, M. Gérard Cherpion, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Dominique Dord, M. Jean-Patrick Gille, Mme Joëlle Huillier, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Catherine Lemorton, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, M. Pierre Morange, M. Bernard Perrut, M. Arnaud Richard, M. Fernand Siré, M. Arnaud Viala

Excusés. – M. Henri Guaino, M. David Habib, Mme Bérengère Poletti

Assistaient également à la réunion. – Mme Chantal Berthelot, M. Régis Juanico, M. Gabriel Serville