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Commission des affaires sociales

Mercredi 6 avril 2016

Séance de 21 heures 40

Compte rendu n° 42

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Suite de l’examen des articles sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600) (M. Christophe Sirugue, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 6 avril 2016

La séance est ouverte à vingt et une heures quarante.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission poursuit l’examen des articles du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600) (M. Christophe Sirugue, rapporteur).

Article 20 : Règles d’attribution des crédits du fonds de financement du dialogue social pour les professions du spectacle

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS836 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 20 modifié.

TITRE III
Sécuriser les parcours et construire les bases d’un nouveau modèle social à l’ère du numérique

Chapitre Ier
Mise en place du compte personnel d’activité

Article 21 : Création du compte personnel d’activité

La Commission est saisie de l’amendement AS27 de M. Patrick Hetzel.

M. Élie Aboud. Nous proposons de supprimer les alinéas 1 à 46.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. L’article 21 a pour objet de créer un compte personnel d’activité, qui doit constituer une grande avancée pour les salariés. Comme cela a été dit précédemment, il est nécessaire, pour que ce texte soit équilibré, qu’il comporte des éléments de nature à répondre aux inquiétudes de chacun. En proposant de supprimer les alinéas 1 à 46 de l’article 21, vous allez contre cette logique, et c’est pourquoi je suis très défavorable à votre amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS839 et AS838 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS202 de M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. Si l’on peut supposer que les salariés de grandes entreprises trouveront toujours l’aide nécessaire pour se réorienter, il en va tout autrement des salariés de TPE et de PME, ainsi que des entrepreneurs indépendants. L’amendement AS202 a donc pour objet de préciser, à la première phrase de l’alinéa 9 de l’article 21, que l’accompagnement dont bénéficie le titulaire du compte personnel d’activité est personnalisé.

M. le rapporteur. La notion d’accompagnement est importante. Vous proposez que cet accompagnement puisse prendre la forme d’un conseil personnalisé, quelle que soit l’institution le dispensant. J’émets un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS841, AS840 et AS842 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS885 de la commission des affaires économiques.

M. Yves Blein, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’amendement a pour objet de préciser que le compte personnel d’activité se prolonge au-delà de la période d’activité professionnelle, comme le recommande France Stratégie. Dans la mesure où l’on ouvre la possibilité de capitaliser des heures de formation utiles à l’engagement citoyen, il semble particulièrement justifié d’ouvrir le CPA au-delà de la période d’activité, car c’est bien lorsqu’on est à la retraite que l’on dispose de temps pour un engagement citoyen, et que l’on peut avoir besoin d’acquérir des compétences propres à cet engagement.

M. le rapporteur. Cette proposition s’inscrit dans une vision assez large du compte personnel d’activité, tenant compte de l’apport du compte d’engagement citoyen : il est exact que les retraités peuvent exercer des activités relevant de l’engagement citoyen. Surtout, il me paraît essentiel de ne pas raisonner à court terme : je suis convaincu que le compte personnel d’activité est amené à évoluer, et nous ne pouvons en exclure les retraités, d’autant que certains peuvent reprendre une activité temporaire. J’émets donc un avis favorable à l’amendement.

M. Jean-Patrick Gille. Je suis, pour ma part, un peu plus réservé. Avec le compte personnel d’activité, nous essayons de mettre en place un compte recensant les droits acquis par les personnes en activité, et éventuellement par les bénévoles. Ce compte, qui suivra chaque personne durant toute sa vie professionnelle – c’est pourquoi il s’ouvre à seize ans –, est avant tout destiné à sécuriser les transitions professionnelles. Pour ma part, je ne pense pas que le fait de l’ouvrir aux personnes retraitées constitue une priorité.

L’amendement vise à ce qu’il soit ouvert un compte personnel d’activité pour toute personne ayant fait valoir ses droits à la retraite : ipso facto, dès la promulgation de la loi, on ouvrirait donc un CPA à chaque retraité. Comme cela a déjà été le cas avec le compte personnel de formation (CPF), du jour au lendemain des millions de retraités se retrouveraient avec un CPA et se connecteraient à Internet pour finalement constater que leur compte n’est pas abondé.

Ce qui importe avant tout, c’est de mieux définir le compte personnel d’activité, qui reste encore très flou pour le moment, et je ne pense pas que cette proposition contribue à préciser ses contours. Avec cette proposition, on se fait plaisir, on se donne à bon compte l’impression d’être généreux, mais on n’aide en rien à la construction du CPA.

Mme Isabelle Le Callennec. Effectivement, beaucoup de flou entoure encore le compte personnel d’activité. La première question que l’on peut se poser à son sujet est de savoir à quel moment il sera fermé et, si l’on ouvre des droits à la formation, qui va payer pour cela – a fortiori si des droits sont accordés aux personnes retraitées. Lors de l’annonce de la création du CPA, le ministre du travail de l’époque avait dit que l’on laisserait aux partenaires sociaux le soin de déterminer son contenu. Aujourd’hui, il est question d’y rattacher le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité, le compte d’engagement citoyen, et certains plaident même pour le connecter au compte épargne temps.

L’article 21 est censé préciser les choses, mais de nombreuses inconnues demeurent, ce qui a sans doute donné l’idée à certains de nos collègues de déposer un amendement de suppression. Pour ma part, je pense que la discussion sur cet article est l’occasion pour nous de discuter du contenu du compte personnel d’activité. Quant à l’idée d’ouvrir le CPA aux personnes retraitées, elle me laisse dubitative car, comme son nom l’indique, il s’agit d’un compte d’activité, qui a bien vocation à être fermé à un moment donné.

Mme Monique Iborra. Il n’est jamais simple de préciser le contenu et le périmètre d’un nouveau droit. Cela dit, nous avons bien compris que la création du CPA devait se concevoir comme un premier pas, représentant pour un certain nombre de bénéficiaires une importante ouverture de droits. Je sais que Jean-Patrick Gille, qui fait preuve d’un tropisme marqué pour les jeunes et les missions locales, accorde beaucoup d’importance à la Garantie Jeunes. Si l’on ne saurait lui donner tort, il ne faut pas oublier que les retraités sont d’anciens actifs : comment dénier à une personne ayant travaillé toute sa vie le droit de s’engager en tant que citoyen ? Pour ma part, je suis donc favorable à l’amendement.

M. Gérard Cherpion. La complexité qui préside à la création du compte personnel d’activité est censée se traduire, à terme, par une grande simplicité pour l’utilisateur du compte, qui doit pouvoir prendre connaissance facilement de la totalité des droits qu’il a acquis au cours de sa carrière, via le compte personnel de formation ou le compte d’engagement citoyen. Je suis favorable au compte d’engagement citoyen, qui sera à mon sens très utile pour récompenser les personnes assumant la fonction de tuteur dans le cadre de l’apprentissage, par exemple.

D’autres comptes, tels le compte de prévention de la pénibilité et, éventuellement, le compte épargne-temps, peuvent se trouver rattachés au CPA. En tout état de cause, nous devons veiller à le construire prudemment, car c’est un système nouveau et complexe – on ignore tout, par exemple, des possibilités de fongibilité à l’intérieur de ce compte. Pour ma part, je crois plus raisonnable de ne pas chercher à l’étendre au-delà de ce qui est prévu actuellement, c’est-à-dire au-delà de la carrière professionnelle. À l’heure où les demandeurs d’emploi sont plus nombreux que jamais, mieux vaut utiliser les droits acquis dans le cadre du CPA pour former les actifs à un nouvel emploi.

M. Jean-Patrick Gille. Alors que l’on s’apprête à enrichir le CPA en accordant des droits supplémentaires aux personnes les moins bien formées, en particulier les jeunes, il n’est pas fait mention, dans l’article 21, de financements supplémentaires. Si l’on ouvre le CPA à 16 millions de retraités, ils vont le mettre à profit pour accéder à des formations de bénévoles alimentées par le compte d’engagement citoyen, mais dont le financement sera pris sur la masse globale de crédits affectés au CPA : autant d’argent qui ne sera plus disponible pour les autres publics.

Loin de moi l’idée de vouloir opposer les générations, mais il me semble que nous ne devons pas perdre de vue que ce texte relatif au travail et à l’emploi est censé nous permettre d’adapter le droit du travail et la vie des travailleurs aux nouveaux modes d’organisation du travail, caractérisés par la multiplication des contrats successifs, donc des transitions professionnelles. C’est ainsi que je vois ce compte : comme un moyen de sécuriser les transitions professionnelles, en permettant de capitaliser du temps et éventuellement des financements durant les périodes d’activité, pour les retrouver et les mettre à profit en se formant au cours des périodes de non-activité. En élargissant d’un coup le CPA à 16 millions de personnes supplémentaires sans prévoir les crédits correspondants, nous détournons cet outil de son objectif initial et allons au-devant de sérieuses difficultés.

M. le rapporteur pour avis. J’attire votre attention sur le fait que le compte d’engagement citoyen est défini, aux termes mêmes du texte, par le fait que les activités bénévoles ou de volontariat sont recensées dans le cadre du traitement de données à caractère personnel. L’article 21 fait mention des « activités de bénévolat associatif, lorsqu’elles comportent la participation à l’organe d’administration ou de direction d’une association ». Enfin, cet article précise que la mobilisation des heures mentionnées à l’article L. 5151-10 est financée par l’État, par la commune ou par l’établissement public chargé de la gestion de la réserve sanitaire, en fonction de la nature des activités : le financement est donc bien prévu, en provenance si ce n’est en volume.

Il me paraît difficilement concevable que le CPA soit soldé au moment de partir à la retraite, alors que l’on a cumulé des heures d’engagement citoyen donnant droit à formation et que l’on va justement avoir le temps de suivre des formations – que ce soit à tenir la trésorerie ou à assumer la responsabilité juridique d’une association, toutes choses que l’on n’a pas eu le temps de faire durant sa vie active. À mon sens, il est donc tout à fait cohérent avec l’esprit du texte d’ouvrir le CPA à la période postérieure au départ à la retraite.

M. Arnaud Richard. C’est une très bonne idée, mais il faut se préoccuper de savoir où l’on va. Le dossier médical personnel (DMP), auquel tout le monde à l’époque était très favorable a été un fiasco, et même un scandale d’État, dans lequel ont été englouties d’énormes sommes d’argent public. Essayons de ne pas reproduire la même chose. Chacun, à terme, souhaitera être dans le CPA. Il faut donc procéder par étapes et ne pas sous-estimer les conséquences pour le modèle social français. Je ne suis pas certain qu’il soit pertinent d’inclure dès à présent l’engagement citoyen, même si c’est assez habile en termes de marketing ; il aurait mieux valu commencer par tout ce qui concerne le travail.

M. le rapporteur. Nous créons un noyau dur, qui a vocation à accueillir plus tard d’autres éléments que ceux que nous y mettons aujourd’hui.

Nous posons la question du moment où le compte doit être fermé. Ce compte est conçu pour être une plateforme d’accès aux droits sociaux ; si la fermeture a lieu au moment du départ à la retraite, cela signifie qu’à l’âge de la retraite la personne se verra fermer l’accès à une information sur ses propres droits.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS886 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement, corollaire du précédent, prévoit la fermeture du CPA au décès de la personne.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1008 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de supprimer les mots « sauf disposition contraire ». Notre volonté est en effet de garantir la pleine portabilité des droits acquis sur le CPA. Or la rédaction actuelle laisse penser que certains de ces droits peuvent être annulés par une autre disposition du texte, ce qui n’est pas le cas. C’est pour lever cette ambiguïté que j’ai déposé l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS887 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de renommer les différents comptes, et en particulier d’employer l’expression « compte d’engagement citoyen » plutôt que « compte engagement citoyen ».

M. le rapporteur. Favorable, sous réserve d’une rectification supplémentaire. Le nom exact du compte visé au troisième alinéa est « compte personnel de formation ».

M. Christophe Cavard. Je profite de cet amendement pour m’émouvoir de ce que trois de nos amendements, relatifs à l’intégration du compte épargne-temps, ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Sur les trois, deux mentionnaient des dates d’entrée en vigueur, ce qui peut entraîner, je l’admets même si c’est discutable, des conséquences financières, notamment fiscales, mais le troisième se bornait à préconiser une mise en œuvre « au plus tôt ». Je ne comprends pas que de tels amendements ne puissent franchir l’obstacle de l’article 40, alors que 16 millions de retraités viennent de « débarquer » dans le CPA. Je représenterai ces amendements en séance et j’espère que nous en débattrons.

M. Gilles Lurton. Comme M. Cavard, j’ai déposé des amendements qui ont été déclarés irrecevables, et je ne vois pas la différence avec ceux que nous venons d’adopter.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Adressez-vous au président Carrez…

Monsieur le rapporteur pour avis, acceptez-vous la rectification proposée par le rapporteur ?

M. le rapporteur pour avis. Oui.

M. Jean-Patrick Gille. Comme Christophe Cavard, j’ai déposé un amendement sur le compte épargne-temps (CET) et je fais miennes ses remarques.

Le CET n’est pas un compte qui viendrait s’ajouter aux autres ; c’est sans doute le plus important de tous, car c’est celui qui est susceptible de donner du sens au CPA. L’enjeu est d’offrir aux actifs la possibilité de gérer leur vie professionnelle. Le monde du travail, le contrat de travail lui-même, sont en train d’évoluer ; il faut permettre aux salariés de retrouver la maîtrise de leur vie professionnelle en s’appuyant sur une gestion différente des temps.

C’est le même mouvement qu’il y a un siècle dans le domaine la santé. Les salariés avaient une mutuelle ou n’en avaient pas, selon l’entreprise où ils travaillaient, puis la sécurité sociale a été créée au lendemain de la Libération : la couverture santé se trouvait ainsi transférée sur un compte externalisé. Il est essentiel de faire la même chose pour le compte épargne-temps. Ce n’est pas difficile, des entreprises ont déjà choisi de l’externaliser, en le faisant gérer par la Caisse des dépôts et consignations.

La Commission adopte l’amendement tel qu’il vient d’être rectifié.

En conséquence, les amendements AS145 de M. Yannick Moreau, AS80 de M. Lionel Tardy, AS91 de M. Patrick Hetzel, AS166 de M. Gérard Cherpion, AS464 de M. Alain Tourret et AS591 de M. Bernard Perrut tombent.

La Commission examine l’amendement AS1009 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à inscrire dans la loi le principe de fongibilité des droits. La capacité du CPA à sécuriser le parcours professionnel et à faciliter les transitions entre métiers ou entre statuts repose sur deux principes clés : la portabilité des droits, inscrite à l’alinéa 16 du présent article, et leur fongibilité, non explicitée par la rédaction actuelle. L’amendement corrige ce silence de la loi en mentionnant la vocation du CPA à permettre la conversion des droits d’un compte à un autre.

M. Jean-Patrick Gille. C’est là, en effet, la seconde dimension du compte, qui ne peut se contenter d’être une juxtaposition des comptes existants. La fongibilité, cependant, ne peut être totale ni dans tous les sens, comme cela semble être le cas dans la rédaction de l’amendement. Elle doit plutôt aller dans le sens de la formation ; c’est ce qui a été fait dans le cadre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Je pense que les règles de la fongibilité nécessitent une renégociation par les partenaires sociaux.

M. Gérard Cherpion. Si fongibilité il doit y avoir, elle doit s’organiser selon des règles. Si, demain, le CET est inclus dans le système, nous verrons l’inverse de ce qui est recherché, à savoir des départs en retraite plus précoces, alors que la vocation du CPA est de favoriser l’activité.

M. Bernard Accoyer. La complexité du CPA, tel qu’il se présente, est un problème majeur, qu’aggrave encore l’inclusion du compte personnel de prévention de la pénibilité. Vous mélangez des choses qui n’ont ni le même objectif ni la même logique. Ce sera totalement inapplicable.

Mme Isabelle Le Callennec. J’essaie de comprendre ce que sera le CPA. L’alinéa 8 de l’article dispose que : « Le titulaire du compte personnel d’activité décide de l’utilisation de ses droits dans les conditions définies par le présent chapitre, le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie ainsi que le chapitre II du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du présent code. » Pourrait-on, avant même de parler de fongibilité, avoir une définition claire des droits associés à ce compte ? J’ai compris qu’il y avait des droits à la formation ; y en a-t-il d’autres ? Lorsque nous travaillons pour essayer d’améliorer le code du travail, nous avons parfois besoin d’éclaircissements, face à ce genre d’alinéas.

M. le rapporteur. Je pensais que c’était évident. Cela couvre le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte d’engagement citoyen. L’objet de mon amendement est d’inscrire dans la loi le principe de fongibilité, sans toucher aux modalités prévues par chacun des comptes. M. Gille a raison de dire que les partenaires sociaux devront participer à cette réflexion. Le débat sur la modulation de la fongibilité est important, mais l’amendement ne traite pas cette question.

Mme Le Callennec cherche à donner du texte l’image d’une incroyable complexité, mais ce n’est pas la première fois qu’une loi renvoie à des articles de code et je n’ai jamais vu que cela surprenne un parlementaire.

M. Arnaud Richard. Le CPA est l’expression d’une utopie universaliste plutôt sympathique, mais un feu follet tout de même, à l’image de ce que la gauche peut produire. Son impact, à terme, sera la déconnexion des droits sociaux du contrat de travail. Si le compte de prévention de la pénibilité et le CPF sont solvabilisés, en revanche le compte d’engagement citoyen, pour enthousiasmant qu’il soit, ne donne pas lieu à des financements liés au contrat de travail.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Richard, je vous rappelle que le DMP dont vous parliez tout à l’heure a été lancé par la droite en 2004, pour un coût approchant le milliard d’euros. Avant que le CPA nous coûte un milliard, nous avons de la marge !

M. le rapporteur pour avis. Le compte d’engagement citoyen est une très belle idée. Une personne qui a été président ou trésorier d’une association pendant dix ans, par exemple, pourra justifier de mille heures d’engagement citoyen. Il faut, comme le propose le rapporteur, une clé de conversion : mettons que cela ouvre droit à 200 heures de formation. L’État finance aujourd’hui les formations de bénévoles : les financements existent déjà, c’est leur allocation qui sera différente. Du fait de la fongibilité, ces 200 heures pourront être consacrées à une formation dans le cadre de l’engagement citoyen – ou, par exemple, à une formation en BTS d’électromécanique si la personne a décidé de changer d’orientation professionnelle.

M. Élie Aboud. Nous ne sommes pas contre le CPA, mais il faut le construire de manière progressive. Le 3 mars, le Conseil d’État a annulé le financement du compte personnel de prévention de la pénibilité. Il faut modérer la cadence et ne pas tout mélanger.

M. Gérard Cherpion. La fongibilité peut être un danger. Une étude du Centre d’observation économique et de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises (COE-REXECODE) en date du 28 janvier montre plusieurs difficultés inhérentes au compte de prévention de la pénibilité. Celui-ci est financé par un système de double cotisation : à compter du 1er janvier 2017, les entreprises seront redevables d’une cotisation de 0,01 %, celles en mono-exposition de 0,2 %, et celles en poly-exposition de 0,4 %. Ces cotisations fourniraient quelque 270 millions d’euros de recettes annuelles, soit des recettes inférieures aux besoins de financement dès 2025. Si nous en restons à ce système, de deux choses l’une : ou bien l’on augmente les cotisations, qui pourraient, pour couvrir les besoins de financement, aller jusqu’à 6 %, ou bien l’on reste au même niveau, et la fongibilité sera à sens unique et ne servira qu’à remplir ce compte pénibilité. Le risque de la fongibilité est que l’un des comptes absorbe tout.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS844 et AS873 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS1010 du rapporteur.

M. le rapporteur. Plusieurs dispositifs étant regroupés dans le CPA, il est nécessaire d’assurer la cohérence des différents systèmes d’information. C’est un préalable à la conversion des droits et à l’appropriation du dispositif par les titulaires du compte. Aussi cet amendement vise-t-il à provoquer la négociation d’une convention entre la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui gère le compte personnel de formation (CPF), et la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), en charge du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous avons tous en mémoire le régime social des indépendants (RSI), dont la création a donné lieu à une fusion de caisses : comme les systèmes informatiques étaient incompatibles, il s’en est suivi les difficultés que nous connaissons. Les systèmes informatiques de la CDC et de la CNAVTS sont-ils compatibles ?

M. le rapporteur. Ce sera tout l’enjeu de la convention.

Mme Isabelle Le Callennec. Eh bien, bonne chance !

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS85 de M. Patrick Hetzel.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Chaque titulaire d’un CPA aura un identifiant unique, qui lui donnera accès à plusieurs services, dont l’information sur ses droits sociaux. Les modalités d’accès à ces services relèvent de la mise en œuvre opérationnelle du CPA ; elles sont au cœur des actuels travaux de la CDC.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement AS199 de M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. La plateforme de services en ligne sera un vecteur d’information pour le salarié, notamment sur ses droits sociaux. Ce dernier concept étant assez vaste, je propose de préciser que ces droits incluent la protection sociale et la retraite.

M. le rapporteur. Ces droits recouvrent par définition l’ensemble des droits ouverts par notre système de protection sociale, y compris ceux relatifs à l’assurance vieillesse. Il me semble donc que votre demande est satisfaite.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS888 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Le texte prévoit que le CPA fournit à son titulaire une information sur ses droits sociaux. Mon amendement vise à ce que le titulaire puisse également les simuler.

M. le rapporteur. Avis favorable. Nous avons vu, à propos de la prime d’activité, qu’un simulateur contribue à une meilleure connaissance du dispositif, ainsi qu’à une simplification de celui-ci.

Mme Isabelle Le Callennec. La simulation sera-t-elle possible à la fois sur les droits ouverts par les trois comptes et – je me réfère à la discussion sur l’amendement précédent – sur ceux relatifs à la protection sociale et aux retraites ?

M. Jean-Patrick Gille. Je ne crois pas du tout au compte qui va gérer tous les comptes. Si, en plus, nous rajoutons la Sécu et la retraite, ça ne marchera jamais. Et quand bien même cela marcherait, je redoute ce monde orwellien !

M. Bernard Accoyer. L’intervention de M. Gille est frappée au coin du bon sens. Cet article relatif au CPA est le fruit de mutations importantes par rapport au texte initial, et l’improvisation conduit à des opérations hasardeuses. Vous mélangez des unités qui n’ont rien à voir entre elles, et dont certaines n’ont même plus d’existence réelle après l’annulation des financements par le Conseil d’État, tandis que d’autres sont contestées de manière frontale par ceux qui doivent les appliquer. Et vous arrivez à présent avec la fée numérique, censée produire une plateforme magique où les salariés pourront voir tous leurs droits. Cela me rappelle fortement le DMP, dont on a rappelé le coût exorbitant et l’échec retentissant.

M. Arnaud Richard. Votre intention, monsieur le rapporteur pour avis, est tout à fait louable. Cependant, le CPA, dispositif complexe, n’est pas encore mis en œuvre, si bien que votre idée ne trouvera à s’appliquer que dans trois à quatre ans. Nous sommes en train de procéder à la disruption du modèle social français qui, somme toute, ne fonctionne pas si mal.

En outre, je partage les inquiétudes de M. Gille sur l’émergence d’un Big Brother contenant toutes les informations relatives à chacun d’entre nous.

M. le rapporteur. Il y a là une vraie confusion : personne n’a jamais dit que tous les droits seraient placés dans le CPA. Il existera une plateforme d’accès aux éléments comme ceux de l’assurance vieillesse, qui sont distincts des droits du CPA, qui rassemble trois comptes. Le texte ne présente aucun risque de création d’un Big Brother.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS1011 du rapporteur et AS889 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à instaurer la consultation du bulletin de paie dématérialisé depuis le CPA. Le terme de consultation s’avère plus adapté à l’objectif du dispositif, qui n’est pas de transférer à l’État la responsabilité de la conservation du bulletin de paie. Les obligations de l’employeur de conserver les bulletins de paie sont maintenues, et le salarié pourra accéder à ses bulletins de paie dématérialisés à partir de la plateforme.

M. le rapporteur pour avis. Je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur.

Mme Isabelle Le Callennec. L’alinéa 22 précise que la plateforme de services en ligne donne au titulaire d’un compte « accès à un service de conservation de ses bulletins de paie lorsqu’ils ont été transmis par l’employeur (…) ». Ce dernier ayant l’obligation d’assurer cet accès, a-t-on mesuré l’impact de cette contrainte pour les entreprises dépourvues de direction des ressources humaines ? 

M. le rapporteur. La réponse se trouve à l’article 24 du projet de loi.

M. Bernard Accoyer. Portant une grande attention au respect des engagements pris par le président de la République, je m’inquiète de la façon dont vous allez insérer le prélèvement de l’impôt à la source dans votre amendement, monsieur le rapporteur…

M. le rapporteur. Les règles d’établissement du bulletin de paie et des circuits de paiement n’étant pas modifiées, votre question n’a pas d’objet, monsieur Accoyer…

L’amendement AS889 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS1011.

Puis elle étudie l’amendement AS890 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement propose de compléter l’alinéa 22 par la phrase suivante : « Ce service garantit l’intégrité, la disponibilité et la confidentialité de ces documents ».

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le rapporteur, j’ai lu l’article 24, où il est écrit que « sauf opposition du salarié, l’employeur peut procéder à la remise du bulletin de paie sous forme électronique » ; or vous m’avez dit qu’il ne s’agissait pas d’une possibilité, mais d’une obligation.

M. le rapporteur. Monsieur le rapporteur pour avis, je partage vos objectifs, car l’accès au bulletin de paie dématérialisé sur le CPA est conditionné aux trois garanties d’intégrité, de confidentialité et de disponibilité des données, inscrites à l’article L. 3243-2 du code du travail, mentionné à l’alinéa 22. Votre proposition se trouve déjà satisfaite, et je vous suggère donc de retirer votre amendement.

Madame Le Callennec, l’employeur a l’obligation de rendre accessible le bulletin de salaire dématérialisé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le salarié peut refuser le transfert dématérialisé mais s’il y a un tel transfert, l’accessibilité est obligatoire.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS689 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Nous souhaitons proposer aux partenaires sociaux d’engager, d’ici à la fin de l’année, une négociation visant à élargir le CPA à l’assurance chômage. Mes amendements AS699 et AS701 sont semblables, et concernent respectivement le compte épargne-temps (CET) et l’assurance retraite. Il convient cependant de ne pas aller plus loin, et je m’oppose au développement d’un compte englobant toute la protection sociale. Seules les matières relevant de l’activité salariée devraient être intégrées au CPA.

M. le rapporteur. Je partage totalement votre propos, monsieur Gille : le CPA repose sur trois piliers et a vocation, dans un délai à préciser, à accueillir d’autres éléments. Pourraient en effet figurer parmi ceux-ci l’assurance chômage, l’assurance vieillesse, le CET et d’autres composantes. Ne souhaitant pas dresser une liste limitative, j’ai déposé un amendement précisant l’esprit de cet élargissement du CPA. Je vous propose de retirer vos trois amendements au profit du mien.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet élargissement diffère de ce que prévoyait la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, dite loi Rebsamen, et la mise en œuvre de ce que vous proposez ne peut qu’inquiéter. Avons-nous réuni autour d’une table l’ensemble des institutions gérant ces droits sociaux avant d’avancer de telles suggestions ?

On a déjà créé le CPA sans le définir, et je vous entends souvent dire que les partenaires sociaux se saisiront de tel ou tel sujet, si bien qu’ils finissent par être saturés. Ils éprouvent des difficultés à conclure la renégociation de l’assurance chômage, attendue pour le mois de juin. Il faut arrêter de leur charger la barque !

M. Philip Cordery. Je soutiens l’esprit de ces trois amendements et me rallierai à celui de notre rapporteur. J’avais déposé un amendement élargissant le CPA au CET, mais il s’est heurté à l’article 40 de la Constitution.

Le CPA constitue à mes yeux le cœur de la loi, car il organise la sécurisation des parcours professionnels et la flexisécurité, l’objectif étant d’assurer aux salariés un temps utile et bref entre deux emplois. La négociation représente la seule méthode envisageable pour élargir le CPA, comme il en a la vocation.

Mme Monique Iborra. Il reste à définir clairement avec le Gouvernement la nature du CPA, pour le présent et pour l’avenir. M. Gille réserve essentiellement ce compte aux salariés, mais que deviendra, demain, le salariat ? Ce texte s’adresse aux citoyens, si bien que le Gouvernement doit choisir entre une conception proche de celle de M. Gille et une autre, différente, s’attachant à faire de ce compte un projet de société.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame Iborra, le titre du projet de loi apporte la réponse à votre question, puisqu’il emploie le terme d’« actifs ». Le CPA s’adresse donc aux actifs.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Lors de la présentation du rapport de France Stratégie sur le CPA, il est clairement apparu que le compte s’adressait à tous les citoyens, y compris les indépendants et les auto-entrepreneurs. Tous les actifs sont donc concernés.

M. Arnaud Richard. Je suis heureux que Mme Iborra ait enfin compris la difficulté de l’exercice, pour rester diplomate… Le modèle social français repose sur le travail, et l’on souhaite le bâtir sur l’engagement ou sur l’universalisme. Je doute que cela puisse être durable.

M. Christophe Cavard. Le CPA s’adresse à un public large et, lors de la rencontre à laquelle Mme la présidente a fait allusion, M. François Soulage avait souhaité, comme M. Gille ce soir, qu’il englobe d’autres comptes. Il importe d’élargir le CPA à l’assurance chômage, afin de donner corps à la sécurité sociale professionnelle et de l’adosser à un parcours citoyen. Cette évolution soulève la question de la gestion, aujourd’hui paritaire, d’un tel dispositif. M. le rapporteur a déposé un amendement prévoyant une date d’ouverture des négociations, et il convient d’avancer rapidement pour que le CPA offre de nouveaux droits aux citoyens.

M. Jean-Patrick Gille. Je retire l’amendement ainsi que les suivants, mais j’aurais préféré que celui déposé par le rapporteur après l’article 21 soit plus précis et cite les différents domaines que le CPA pourrait englober.

Les amendements AS689, AS699 et AS701 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS845 du rapporteur.

Puis elle étudie l’amendement AS891 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. La rédaction actuelle de l’alinéa 39 de l’article 21 s’avère complexe, puisqu’elle propose que les activités bénévoles pouvant créditer le compte d’engagement citoyen se fassent dans le cadre d’associations, dont un arrêté des ministres chargés de la vie associative et de la formation professionnelle, pris après avis du Haut Conseil à la vie associative (HCVA), dressera la liste. Or la grande diversité des associations qui, parmi les quelque 1,8 million d’associations qui existent en France, sont reconnues d’intérêt général au sens de la jurisprudence fiscale, rend très délicate la constitution, puis la tenue actualisée, de cette liste. Je propose donc de conserver le champ défini par l’article 74 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, qui permet de retenir, outre la qualification d’intérêt général, un critère d’ancienneté de l’association, fixé à trois ans minimum.

M. le rapporteur. Je partage votre objectif, mais l’amendement présente l’inconvénient de limiter le dispositif aux seules associations créées depuis au moins trois ans. Je vous suggère donc que nous le réécrivions avec le Gouvernement d’ici à la séance publique.

M. Philip Cordery. On pourrait intégrer les nombreuses associations comptant des éducateurs sportifs, car il ne faudrait pas restreindre le compte d’engagement citoyen aux seuls dirigeants d’association. Les éducateurs sportifs encadrent les jeunes et mériteraient de gagner des points pour leur formation. Je souhaiterais que l’on évoque ce sujet lors de la séance publique, mon amendement s’étant vu opposer l’article 40 de la Constitution.

M. Gilles Lurton. Je m’interroge sur la liste prise par arrêté des ministres chargés de la vie associative et de la formation professionnelle. Comment sera définie cette liste ? Que comprendra-t-elle ? C’est très flou.

M. le rapporteur. L’article 200 du code général des impôts (CGI) dresse la liste des organismes d’intérêt général.

M. le rapporteur pour avis. En effet. Mon amendement intègre les associations bénéficiant de la petite capacité, qui correspond à des capacités fiscales améliorées, et celles jouissant d’une certaine solidité car existant depuis au moins trois ans. Ce dernier critère offre une garantie et évite l’effet d’opportunité. Nous pouvons réécrire cet amendement, monsieur le rapporteur, mais je tiens à le maintenir puisqu’il a déjà passé l’obstacle de l’article 40 de la Constitution.

M. le rapporteur. Il présente d’autres difficultés et devra vraiment être amélioré, mais, étant d’accord avec son objet, j’émets un avis favorable à son adoption.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement AS892 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Je retire cet amendement, puisqu’un vote précédent l’a satisfait, en permettant que les heures inscrites pour le temps citoyen puissent être transcrites dans une unité de compte de formation.

L’amendement est retiré.

Elle examine ensuite l’amendement AS893 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rappeler que l’on ne peut pas échanger des droits acquis au titre du compte d’engagement citoyen contre des congés possédant les mêmes caractéristiques. Les congés de formation demeurent, indépendamment de ce que l’on peut capitaliser dans le compte d’engagement citoyen.

Mme Isabelle Le Callennec. Je voudrais que l’on me confirme que les droits du compte d’engagement citoyen ne peuvent que s’ajouter à ceux qui existent.

M. le rapporteur pour avis. Mon amendement précise que les droits capitalisés au titre du compte d’engagement citoyen ne peuvent pas se substituer à des droits déjà existants.

M. le rapporteur. Je partage l’esprit de votre amendement, mais il ne vise que ce congé spécifique et peut donner l’impression d’exclure les autres types de congé du dispositif. Je vous demande de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS846 du rapporteur.

Puis elle se penche sur l’amendement AS894 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de remplacer, à la seconde phrase de l’alinéa 46, le mot « sont » par « peuvent être », afin que le titulaire du compte d’engagement citoyen reste libre de décider des activités qu’il souhaite y recenser.

M. le rapporteur. Cette précision rédactionnelle présente l’avantage de soutenir la liberté d’utilisation du CPA et, par conséquent, du compte d’engagement citoyen. Cependant, l'alinéa 28 prévoit que le compte recense les activités bénévoles et permet d’acquérir des jours de congé accordés par l’employeur pour effectuer ces activités. Ces dernières ont donc vocation à figurer dans le compte d’engagement citoyen ; si tel n’était pas le cas, ces dispositions n’auraient pas leur place dans la section de l’article consacrée à ce compte. Je vous suggère donc, monsieur Blein, de retirer l’amendement.

M. le rapporteur pour avis. L’alinéa 32 de l’article 21 précise bien que le titulaire du compte décide des activités qu’il souhaite y recenser. Il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation.

M. Jean-Patrick Gille. Que met-on finalement dans le compte d’engagement citoyen ?

M. le rapporteur. Monsieur Gille, le texte est précis : le titulaire du compte décide des activités qu’il veut voir inscrites dans le compte d’engagement citoyen ; il en a donc la possibilité, et rien n’est automatique.

Le texte dresse la liste des activités bénévoles ou de volontariat permettant d’acquérir des heures pour le compte personnel de formation, à savoir le service civique, la réserve militaire, la réserve communale de sécurité civile, la réserve sanitaire, l’activité de maître d’apprentissage et les activités de bénévolat associatif.

M. le rapporteur pour avis. J’accepte de retirer mon amendement pour le retravailler.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS847 du rapporteur.

Puis elle aborde l’amendement AS895 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Mon amendement vise à encourager les employeurs à offrir des jours de congés payés pour les activités bénévoles, en leur accordant les mêmes avantages fiscaux que pour les dons et le mécénat d’entreprise ; les employeurs pourront ainsi déduire partiellement le coût financier de ces congés de leur impôt sur les sociétés (IS). Cette mesure renforcera l’attractivité du dispositif.

M. le rapporteur. L’amendement me pose un problème philosophique, car son adoption aurait pour effet de créer une niche fiscale et de faire entrer l’engagement du compte d’engagement citoyen dans une logique marchande.

M. le rapporteur pour avis. Les entreprises font du mécénat, notamment de compétences, et font aussi des dons qu’elles déduisent de leur impôt. Quel employeur aura la générosité d’accorder des jours de congés payés pour des activités bénévoles ? Comme il s’agit d’une charge pour lui, je propose qu’il puisse la déduire de son IS en assimilant cette faculté à un don ou à du mécénat.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Certaines entreprises privées possèdent des fondations, et un salarié d’une société pourrait être mis à la disposition d’une de ces structures. J’ai des doutes quant à l’opportunité d’adopter l’amendement.

M. le rapporteur. Qu’une entreprise puisse utiliser le mécénat dans un esprit philanthropique tout en en bénéficiant d’un avantage fiscal, dont acte ! En revanche, je suis opposé à ce que l’on attribue une déduction fiscale en échange de jours de congé.

M. Michel Issindou. L’idée est généreuse, mais me paraît bien difficile à appliquer. Je rappelle que nous avons examiné récemment une proposition de loi de M. Favennec qui visait à valoriser l’engagement associatif en octroyant aux personnes concernées des trimestres complémentaires lors du calcul de leur retraite, et que nous avons rejeté ce texte au motif, notamment, qu’un tel engagement est essentiellement bénévole. Or, il me semble que cet amendement présente le même travers. Je comprends que l’on souhaite compléter le contenu du CPA, qui est une belle idée, mais tenons-nous en, pour l’instant, aux trois piliers prévus dans le texte et évitons d’y inclure des dispositifs trop complexes. Le groupement d’intérêt public (GIP) Info-retraites, qui permettra de calculer l’ensemble des droits acquis par les salariés du privé au cours de leur carrière professionnelle, est si difficile à mettre sur pied qu’il ne pourra pas être opérationnel au 1er janvier 2017, comme le prévoyait la loi. Le numérique ne permet pas tout… Je suis donc assez réservé sur cet amendement – qui, en outre créerait une dépense fiscale supplémentaire –, même si, encore une fois, je comprends l’initiative de M. Blein.

M. Arnaud Richard. Soudain, M. Issindou découvre que le compte d’engagement citoyen ne repose sur rien, ou plutôt sur le seul engagement et non sur le travail, qui fonde notre modèle social. Vous allez donc casser tout ce qui fonctionne bien dans notre pays, même si je comprends que l’idée d’un tel compte soit enthousiasmante.

Par ailleurs, je tiens à préciser à M. Cordery que l’activité des éducateurs sportifs n’entre pas dans le champ du compte d’engagement citoyen tel qu’il a été très précisément décrit par le rapporteur.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous nous éloignons de l’objectif du projet de loi qui, comme son titre l’indique, est de créer « de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». Je me permets de rappeler que cette catégorie comprend, selon la définition de l’INSEE, les personnes pourvues d’un emploi, salarié ou non salarié, et les chômeurs. Le texte doit viser avant tout à sécuriser le parcours professionnel de ces personnes. Nous sommes tous d’accord pour valoriser le bénévolat et l’engagement citoyen, mais il serait plus pertinent de le faire dans le cadre du futur projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Encore une fois, concentrons-nous sur les questions de transition et de mobilité professionnelle. En inscrivant la notion de compte d’engagement citoyen – qui est une bonne idée – dans un texte qui concerne les actifs et la sécurisation des parcours professionnels, nous nous créons des difficultés.

Mme Monique Iborra. Si chacun défend sa propre conception, différente de celle des auteurs du projet de loi, nous ne pourrons pas avancer. M. Gille et M. Cherpion indiquaient récemment – on semble l’avoir oublié – que l’on pouvait se poser la question de savoir si c’est aux partenaires sociaux qu’il appartient de gérer le compte personnel de formation. Il nous faut avancer, désormais : soit nous supprimons le compte d’engagement citoyen, et l’on assure ainsi une certaine cohérence, soit nous le conservons. Mais il nous faut maintenant passer à autre chose, car nous perdons beaucoup de temps.

M. le rapporteur pour avis. Je ferai observer que personne n’a déposé d’amendement visant à supprimer l’alinéa 46 ; j’en déduis qu’il n’est pas contesté. Or, il dispose que « l’employeur a la faculté d’accorder des jours de congés payés dédiés à l’exercice d’activités bénévoles ou de volontariat. » Si l’employeur use de cette faculté, il fait un don qui, comme tout autre don, qu’il prenne la forme de « cash » ou de mécénat de compétences, doit être déductible de l’impôt sur les sociétés de l’entreprise. Mon amendement vise uniquement à donner un contenu concret à cette disposition, car je ne vois pas quelle entreprise pourrait faire don de jours de congés payés sans ce type de contrepartie.

M. le rapporteur. Je n’ai pas du tout la même lecture que vous de l’alinéa 46 qui, selon moi, relève, non pas de la politique fiscale de l’entreprise, mais de sa politique sociale.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS896 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est la conséquence de l’extension du CPA aux personnes retraitées.

M. le rapporteur. Il me semble qu’une telle mesure relève de la négociation entre les partenaires sociaux. Je vous suggère donc de retirer l’amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Bernard Accoyer. Il est tout de même assez étonnant que l’on revienne sur l’extension du CPA aux retraités, qui est hors sujet. C’est un cavalier !

L’amendement est retiré.

La Commission examine en discussion commune, les amendements AS1001 du rapporteur, AS113 de M. Gérard Cherpion et AS703 de M. Jean-Patrick Gille.

M. le rapporteur. L’amendement AS1001 est de clarification rédactionnelle.

M. Gérard Cherpion. L’article 21 élargit le champ d’éligibilité au compte personnel de formation (CPF) au bilan de compétences pour les personnes qui n’ont pas droit au congé de bilan de compétences mentionné à l’article L. 6322-42 du code du travail. Pour bénéficier de ce congé, le salarié doit en effet justifier d'une ancienneté en qualité de salarié d'au moins cinq ans, dont douze mois dans l'entreprise. Le dispositif proposé serait complexe à mettre en œuvre. Il est donc proposé, par l’amendement AS113, de rendre le bilan de compétences éligible au CPF pour tout salarié, quelle que soit son ancienneté.

M. Jean-Patrick Gille. Mon amendement a le même objet que celui de M. Cherpion. Je rappelle en effet que le texte limite l’extension de l’éligibilité au CPF du bilan de compétences aux personnes qui ne peuvent réaliser un tel bilan dans le cadre du congé individuel de formation (CIF).

M. le rapporteur. Je partage l’objectif de nos deux collègues. Toutefois, la rédaction de l’amendement AS113 n’étant pas compatible avec mon amendement AS1001, je suggérerais à M. Cherpion de le retirer.

M. Gérard Cherpion. Les deux amendements posent en effet un problème de rédaction. Il serait donc préférable que M. Gille et moi-même les retirions et les redéposions en vue de la discussion en séance publique.

Les amendements AS113 et AS703 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AS1001.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS1002 du rapporteur et AS114 de M. Gérard Cherpion.

M. le rapporteur. L’amendement AS1002 est de clarification rédactionnelle.

M. Gérard Cherpion. L’article 21 du projet de loi élargit le champ d’éligibilité au CPF aux formations dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises. L’accompagnement des entrepreneurs en vue de la création ou de la reprise d’une entreprise consiste généralement dans des actions de formation, d’accompagnement, d’information et de conseil. Cet amendement vise à prendre en compte ces actions d’ores et déjà reconnues comme actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue aux termes de l’article L. 6313-1 du code du travail.

M. le rapporteur. Il me semble que l’amendement AS114 serait satisfait par l’amendement AS1002.

M. Jean-Patrick Gille. Je pense que cette mesure mérite réflexion. À l’origine, étaient éligibles au CPF les actions qualifiantes, notamment la validation des acquis de l’expérience (VAE) et le socle de compétences. Nous venons d’y intégrer le bilan de compétences. Si nous y ajoutons l’ensemble des actions de conseil et de formation des créateurs d’entreprises, nous risquons de rendre payantes des actions qui jusque-là étaient gratuites. Je pense notamment à celles qui relèvent des chambres consulaires. Peut-être pourrions-nous limiter cette extension aux formations qualifiantes destinées aux créateurs d’entreprises. En tout cas, je ne suis pas certain qu’il faille rendre éligibles au CPF l’ensemble des actions de formation et de conseil.

M. Arnaud Richard. Je partage l’avis de M. Gille : n’intégrons pas dans le CPF tous les dispositifs existants. Ne soyons pas comme Christophe Colomb, qui ne savait pas où il allait, mais y allait tout de même – avec l’argent des autres…

L’amendement AS114 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS1002.

Puis elle examine l’amendement AS897 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a permis d’établir que constituent des actions de formation les formations destinées à permettre aux bénévoles associatifs d’acquérir les connaissances nécessaires à l’exercice de leurs responsabilités associatives. Dans le cadre de la création du compte d’engagement citoyen, il semble légitime que les personnes qui assument des responsabilités associatives ou bénévoles puissent utiliser les points qu’elles possèdent au titre de ce compte afin de bénéficier de formations adaptées. Il s’agit donc de prévoir, dans des conditions fixées par décret, que ces formations seront bien accessibles via le CPF.

M. le rapporteur. Vous proposez, par cet amendement, d’étendre l’éligibilité du CPF à l’ensemble de ses titulaires. Ainsi ses financements seraient mobilisés plutôt que ceux dédiés au compte d’engagement citoyen. Cela pose problème, car les financements du CPF doivent être orientés en premier lieu vers la sécurisation des parcours professionnels.

M. Jean-Patrick Gille. Nous avons précisé tout à l’heure que les différents comptes n’étaient pas fongibles. Que se passera-t-il, si nous adoptons cet amendement ? Nous risquons de voir 16 millions de retraités demander que l’on finance leurs formations de bénévoles avec l’argent que nous sommes censés consacrer aux jeunes… Il y a un moment où il faut s’arrêter !

M. le rapporteur pour avis. Je vais illustrer ma proposition par un exemple. Pendant ma vie active, j’ai capitalisé, au titre du compte d’engagement citoyen, des heures de formation que je souhaite utiliser pendant ma retraite pour me former aux activités que j’exerce en tant que bénévole. Je ne vais pas les utiliser pour obtenir une qualification professionnelle, alors que je suis à la retraite.

M. le rapporteur. Je vous rappelle que le CPF est fermé lorsque le titulaire fait valoir ses droits à la retraite. Un retraité ne pourrait donc utiliser ces heures de formation que si nous avions tranché la question de la fongibilité, ce qui n’est pas le cas pour l’instant. En effet, j’ai bien indiqué tout à l’heure que nous reconnaissions le principe de la fongibilité sans modifier les règles de fonctionnement de chacun des comptes, cette fongibilité devant faire l’objet d’une réflexion avec les partenaires sociaux. Du reste, M. Cherpion et M. Gille ont bien précisé, à ce propos, que des clés de répartition devaient être définies.

M. Christophe Cavard. Je comprends l’objectif de la commission des affaires économiques et de son rapporteur pour avis. Nous savons que, dans le secteur de l’économie sociale et solidaire notamment, certains responsables d’associations se retrouvent employeurs de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines, de salariés. Mieux vaut, en effet, que ces administrateurs bénévoles soient correctement formés. Mais n’oublions pas que le CPF a été créé essentiellement pour financer des formations dans le cadre d’un parcours professionnel. Il me semble donc qu’il serait plus pertinent d’aborder la question des moyens qui doivent être accordés aux bénévoles pour qu’ils puissent se former lors de l’examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Je soutiendrai cet amendement s’il est déposé sur cet autre texte.

M. le rapporteur pour avis. Je rappelle que l’alinéa 49 précise que le compte personnel de formation est ouvert et fermé dans les conditions définies à l’article L. 5151-2, c’est-à-dire dans les mêmes conditions que celles applicables au CPA, dont on a dit tout à l’heure qu’il serait fermé lors du décès de l’intéressé. Le CPF restera donc ouvert après la retraite de son titulaire. Certes, la question de la fongibilité se pose. Mais le projet de loi dispose que le compte d’engagement citoyen permet de capitaliser des heures de formation. Il faut bien que son titulaire puisse les consommer, y compris au-delà du temps de vie active, comme le permettent les amendements que nous avons adoptés. Je veux bien admettre que le dispositif mérite d’être simplifié, mais il y a là une vraie question.

M. Gérard Cherpion. Je suis inquiet de la tournure absurde que prend notre discussion. Un journaliste spécialisé dans les ressources humaines, qui suit notre débat, vient de laisser le message suivant sur un réseau social : « Donc, le CPA est fermé à la mort de son détenteur. Les descendants héritent des heures du CPF. » Et c’est un spécialiste qui écrit cela !

M. le rapporteur. Je déplore que nous laissions ce débat sur le compte personnel d’activité partir dans toutes les directions. Revenons-en au texte : le CPA est constitué d’un noyau dur composé de trois comptes. Deux d’entre eux existent déjà ; le troisième, le compte d’engagement citoyen, est nouveau. Que nous réfléchissions à la manière dont celui-ci doit se développer ne me paraît pas scandaleux, dès lors qu’il est créé par ce texte.

Ce qui est certain, c’est que nous voulons que le compte personnel d’activité s’appuie sur deux principes : celui de la portabilité, qui figure dans le texte, et celui de la fongibilité. Or, ce dernier principe pose problème, car, comme l’a indiqué M. Gille, nous ne devons pas, au motif qu’existe désormais le compte d’engagement citoyen, oublier l’objectif initial des deux autres comptes, qui ont vocation à accompagner leurs titulaires dans le cadre d’une formation professionnelle qu’ils suivent, par exemple, en vue d’une reconversion ou d’une réorientation. Nous devons donc veiller à ne pas créer un système de vases communicants sans aucune régulation qui serait préjudiciable aux objectifs que nous nous fixons.

Si j’ai indiqué à M. Blein que nous ne pouvions pas le suivre, c’est parce que les critères de la fongibilité doivent faire l’objet d’une discussion avec les partenaires sociaux. Je souhaiterais donc que l’on arrête de proposer de nouveaux dispositifs. Je proposerai d’ailleurs, dans un amendement que nous examinerons ultérieurement, que les partenaires sociaux se saisissent de nouveau de cette question. Nous ne pouvons pas, en effet, prétendre définir seuls le contenu du compte personnel d’activité, dès lors que certains éléments ont déjà été confiés aux partenaires sociaux par le législateur.

Nous avons tous beaucoup d’idées, mais, de grâce, n’oublions pas les fondamentaux du compte personnel d’activité ! Le compte d’engagement citoyen est une nouveauté et nous lui permettrons de jouer son rôle spécifique, mais nous ne pouvons pas le faire au détriment des autres objectifs.

L’amendement AS897 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS848 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS639 de Mme Catherine Coutelle.

Mme Chaynesse Khirouni. Le compte personnel de formation (CPF) est alimenté à hauteur de 24 heures par année de travail à temps complet jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis de 12 heures par année de travail à temps complet, dans la limite d’un plafond total de 150 heures. Pour les salariés à temps partiel, il est alimenté au prorata temporis. Or, outre le fait que les emplois à temps partiel sont occupés en grande majorité par des femmes – de sorte que cette règle crée une inégalité dans l’accès à la formation –, les salariés à temps partiel ont un besoin de formation identique à celui des salariés à temps complet. Nous proposons donc de sécuriser les parcours professionnels et de permettre une accélération du rythme d’acquisition des heures du compte personnel de formation pour les salariés à temps partiel en prévoyant que ces derniers bénéficient, en la matière, des mêmes droits que les salariés à temps complet.

M. le rapporteur. Vous souhaitez que le CPF soit alimenté à la même hauteur pour un salarié à temps plein et un salarié à temps partiel. Or, cela créerait une inégalité entre ces salariés puisqu’ils bénéficieraient du même nombre d’heures de formation, quel que soit leur temps de travail. En outre, cette mesure alourdirait considérablement la charge des entreprises. Je vous suggère donc de retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

Mme Chaynesse Khirouni. Je maintiens l’amendement, car je le défends au nom de la délégation aux droits des femmes. Il ne s’agit pas d’accorder un privilège aux salariés à temps partiel. Il ne me paraît pas aberrant que ceux-ci puissent bénéficier d’heures de formation supplémentaires pour acquérir des compétences et, éventuellement, accéder ainsi à un emploi à temps complet.

M. Jean-Louis Bricout. Le raisonnement de notre collègue n’est pas faux : deux salariés exerçant le même métier ont des besoins de formation identiques, qu’ils travaillent à temps complet ou à temps partiel. Mais il est certain que cette mesure aurait un coût important pour les entreprises.

M. le rapporteur. Personne ne conteste le besoin de formation des salariés à temps partiel, mais il faut bien mesurer la charge qui pèserait sur les entreprises si elles devaient alimenter à la même hauteur le CPF de leurs salariés à temps partiel et celui de leurs salariés à temps complet. Néanmoins, la question posée par Mme Khirouni est pertinente. On peut en effet s’interroger sur la manière dont les salariés à temps partiel pourraient bénéficier d’un accompagnement spécifique qui leur permette, par exemple, de s’orienter vers une branche professionnelle où ils auront plus de facilité à accéder à un emploi à temps complet. Mais, encore une fois, la mesure proposée créerait une trop grande insécurité.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS710 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Pour un salarié travaillant à temps plein, le CPF est alimenté à hauteur de vingt-quatre heures par an, soit deux heures par mois. Dans le projet de loi, une avancée est prévue pour les personnes qui n’ont pas atteint le premier niveau de qualification – le niveau V –, c’est-à-dire celles qui ont le plus besoin de formation, car il leur est très difficile de trouver un emploi stable : leur compte sera crédité de quarante heures par an au lieu de vingt-quatre, et elles pourront bénéficier, au total, d’un capital de 400 heures. Je propose de faire passer ce crédit d’heures annuel de quarante à quarante-huit heures, soit quatre heures par mois, c’est-à-dire le double du cas général, ce qui a le mérite de la simplicité. Cela ferait environ une heure par semaine travaillée. Ce serait une petite avancée, toutefois notable, notamment pour les jeunes qui alternent travail et chômage.

M. le rapporteur. Je partage votre objectif. C’est une excellente idée. Cependant, de même que pour l’amendement précédent, l’impact financier de la mesure mérite d’être examiné. À cette fin, je vous invite à retirer votre amendement et à le présenter à nouveau, le cas échéant, en séance publique.

M. Jean-Patrick Gille. Nous avions eu le même débat lors de l’examen de la loi qui a créé le CPF. Or votre argument ne tient pas, monsieur le rapporteur : cette mesure ne crée de dépense supplémentaire ni pour l’État – sinon, l’amendement aurait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution –, ni pour les entreprises. On ne modifie pas les recettes, assises sur la contribution de 0,2 % de la masse salariale ; ce que l’on change, c’est la répartition des heures : on redistribue en faveur de ceux qui n’ont pas atteint le premier niveau de qualification. C’est bien ce que nous cherchons à faire depuis le début. D’autre part, l’amendement ne modifie pas le plafond de 400 heures.

M. Christophe Cavard. Je vous invite, chers collègues, à être attentifs à cette proposition. Nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à avoir travaillé sur les questions relatives à la formation, notamment sur celle de son coût. En l’espèce, cette question ne se pose pas, puisqu’il y un plafond à 400 heures. Il s’agit simplement de faire en sorte que, pour ce public donné, le CPF arrive un peu plus vite au plafond.

Lors de la séance de présentation du CPA, un certain nombre de partenaires, notamment M. François Soulage, ancien président du Secours catholique, ont fait valoir la chose suivante : si nous voulons que le CPA soit une plus-value, en particulier pour les personnes non qualifiées, il faut que le droit à la formation soit mesurable tout de suite et accessible rapidement. Sinon, ce droit n’existera que sur le papier. Lesdits partenaires jugent donc intéressant que certains publics puissent accumuler des heures de formation plus vite, ce qui est important pour leur reconversion ou leur évolution professionnelle. Je soutiens la proposition de Jean-Patrick Gille, qui répond à leur préoccupation. En outre, cette mesure est conforme à l’esprit du projet de loi et aux propositions de la ministre du travail.

M. Arnaud Richard. Je pense que Jean-Patrick Gille et Christophe Cavard ont entièrement raison et qu’il faut les entendre. La dimension financière ne compte pas car, sinon, nous n’examinerions pas cet amendement – l’article 40 est suffisamment efficace pour écarter les amendements qui emportent un coût. C’est vraiment conforme à ce que nous voulons : aider les personnes qui ont un niveau de qualification inférieur au niveau V à se former.

Mme Monique Iborra. Si l’on croit qu’il suffit d’augmenter les heures de formation pour les personnes sans qualification, c’est que l’on connaît vraiment mal la question – or, tel n’est pas votre cas, chers collègues. L’expérience montre que, d’une manière générale, les personnes sans qualification ne veulent pas de formation. C’est regrettable, mais c’est une réalité. Que vous leur offriez quarante, quarante-deux ou quarante-huit heures de formation ne changera pas grand-chose. Pour ma part, je souhaiterais plutôt que l’on insiste sur la qualité de la formation et sur les organismes qui la dispense.

M. le rapporteur. Je suis plutôt favorable au dispositif proposé. Cependant, je ne partage pas votre analyse, chers collègues : si l’on arrive plus vite au plafond de 400 heures, le capital d’heures sera renouvelé plus fréquemment. Cela a donc une incidence, même dans le cadre d’une enveloppe fermée. Si j’avais disposé des éléments d’information pertinents, je ne me serais probablement pas opposé à la mesure. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS849 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS1012 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de ne pas prendre en compte, dans le plafond du CPF, les abondements complémentaires effectués au titre du compte d’engagement citoyen.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS850, AS851, AS852, AS853, AS854 et AS855 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS1013 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le rôle du conseil en évolution professionnelle (CEP) est conforté dans le cadre de la mise en œuvre du CPA et de sa mission d’accompagnement global. En cohérence avec l’essor des formations à distance, le projet de loi prévoit la possibilité nouvelle de délivrer ce conseil à distance. Il reprend ainsi une préconisation de l’excellent rapport de Gérard Cherpion et de Jean-Patrick Gille relatif à l’application de la loi du 5 mars 2014. Les modules pouvant être délivrés à distance devront être identifiés dans le cahier des charges du CEP, parmi les trois étapes du CEP : l’accueil individualisé, le conseil personnalisé et l’accompagnement dans la mise en œuvre du projet professionnel.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 21 modifié.

Après l’article 21

La Commission est saisie de l’amendement AS228 de M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. S’agissant du CPA, la situation, déjà confuse dans la première version du texte, l’est encore plus à l’issue de nos débats ! Cet amendement vise à abroger les chapitres Ier et II du titre VI du livre Ier du code du travail, c’est-à-dire les dispositions relatives au compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), dont le CPA serait ainsi débarrassé. Le C3P est d’une complexité ingérable pour les entreprises. D’ailleurs, son mode de financement a été récemment annulé par le Conseil d’État. Il s’agit donc d’un amendement de grande clarification, aux sens législatif et économique du terme !

M. le rapporteur. Mon avis est évidemment défavorable. Le C3P constitue une avancée significative, qui vise à prendre en compte des différences de situation réelles entre les actifs de ce pays. Des difficultés de mise en œuvre ont été constatées. J’ai été chargé par le Premier ministre d’une mission pour faciliter la mise en place du C3P. Nous avons formulé des préconisations très importantes. Parmi celles-ci figure l’adoption de référentiels de branche. Selon moi, si les branches se saisissent de cet aspect de la question, elles contribueront à la simplification du dispositif. En tout cas, le C3P est un des éléments phares du CPA. Il n’est pas question de le supprimer.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous en sommes à la troisième mission d’évaluation du C3P, et des difficultés concrètes de mise en œuvre apparaissent toujours. Vous nous aviez indiqué, monsieur Sebaoun, qu’un certain nombre de branches avaient réussi à s’entendre sur les référentiels, notamment celle du bâtiment. Cela m’avait beaucoup étonnée car, s’agissant du bâtiment, ce n’est manifestement pas le cas : la Fédération française du bâtiment (FFB), la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et l’Union professionnelle artisanale (UPA) ont demandé très officiellement au Gouvernement de reporter d’un an l’entrée en vigueur du C3P, arguant du fait qu’ils ont encore une vraie difficulté à l’appliquer concrètement. Les ouvriers du bâtiment exercent des tâches multiples, enchaînent des postures, vont d’un chantier à l’autre, ce qui rend les choses très difficiles à mesurer. À défaut de moratoire, si la branche ne réussit pas à s’entendre avant le 1er juillet, il risque d’y avoir un véritable problème.

M. Gérard Sebaoun. Je maintiens ce que j’ai dit : dès 2011, la branche du bâtiment disposait d’un référentiel extrêmement détaillé, qui est à peu près celui que l’on retrouve aujourd’hui dans les travaux sur le C3P. On a utilisé ce référentiel à un moment donné, puis il est resté en l’état, ce qui est dommage, car les professionnels du bâtiment « savent faire ». Les intéressés sont en effet montés au créneau, mais leur problème était beaucoup moins le C3P que leur carnet de commandes.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement AS1014 du rapporteur, l’amendement AS200 de M. Philip Cordery et les amendements identiques AS513 de Mme Martine Carrillon-Couvreur et AS712 de M. Jean-Patrick Gille.

M. le rapporteur. L’objet de mon amendement est de préciser notre vision concernant le CPA et de ne pas fermer les évolutions possibles.

Ainsi que je l’ai indiqué, le CPA reposera sur un « noyau dur » de trois comptes : le CPF, le CEC et le C3P. Notre démarche doit être pragmatique : il s’agit de garantir la pleine entrée en vigueur du dispositif tel qu’il est prévu dans le texte le 1er janvier 2017. Néanmoins, la vocation du CPA dépasse ce périmètre : à terme, d’autres comptes pourraient y être intégrés, afin de faciliter les transitions professionnelles.

Selon moi, il est nécessaire de renvoyer dès aujourd’hui à une concertation puis à une négociation des partenaires sociaux la réflexion sur l’intégration d’autres dispositifs une fois que le CPA sera mis en place. Je suis particulièrement attentif à l’enjeu de la gestion des temps et à celui de leur articulation, notamment entre le temps professionnel et le temps personnel.

Plusieurs options pourront être envisagées. Certains, notamment parmi vous, évoquent l’intégration du compte épargne-temps (CET) dans le CPA. D’autres proposent de mettre en place une « banque du temps » permettant à tout salarié de préparer et de mener à terme des projets personnels. Plusieurs d’entre vous ont évoqué cette idée au cours de nos échanges. Elle me semble très intéressante compte tenu de l’évolution des métiers et des parcours professionnels. D’autres amendements, tels celui présenté tout à l’heure par Jean-Patrick Gille, visent à intégrer l’assurance vieillesse ou l’indemnisation chômage dans le périmètre du compte.

Je prends soin de mentionner ainsi les différentes pistes, notamment pour répondre à la remarque de Jean-Patrick Gille, mais j’imagine qu’il peut y en avoir d’autres auxquelles nous ne pensons pas aujourd’hui, et qui pourraient être intéressantes.

Dans leur position commune de février dernier, les partenaires sociaux n’ont pas souhaité élargir le périmètre, tout au moins dans un premier temps. Il faut en tenir compte, mais ce sujet demeure central et reviendra donc nécessairement dans nos débats. C’est pourquoi, selon moi, le CPA doit être conçu dès aujourd’hui de manière à pouvoir intégrer d’autres comptes. Ses paramètres doivent être facilement applicables à un dispositif élargi.

Pour l’ensemble de ces raisons, je plaide pour que la réflexion soit la plus ouverte possible. Mon amendement prévoit qu’une concertation sur les dispositifs pouvant être intégrés dans le CPA sera engagée avant le 1er octobre avec les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, qui ouvriront, si elles le souhaitent, une négociation à ce sujet. Comme d’habitude, si les négociations portent leurs fruits, le législateur aura toute latitude pour en transcrire le résultat dans le droit. Si elles n’aboutissent pas, cela ne nous empêchera pas de prendre nos responsabilités. Nous avons besoin de consulter les partenaires sociaux : cela me paraît une étape intermédiaire indispensable. Mais il ne faut pas renvoyer la discussion aux calendes grecques, d’où la date que je vous propose de fixer.

M. Philip Cordery. Je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur.

Mme Isabelle Le Callennec. Que se passera-t-il si les organisations d’employeurs et de salariés ne souhaitent pas ouvrir de négociation à ce sujet, ou bien si seulement une partie d’entre elles le souhaitent ? Est-ce de nouveau le Gouvernement et le législateur qui reprendront la main ?

M. le rapporteur. Oui. Je suis tenté de vous répondre que c’est la règle habituelle, que nous avons d’ailleurs suivie pour le CPA. Nous saisissons les partenaires sociaux, et ils décident entre eux s’ils veulent ou non ouvrir une négociation. Première hypothèse : ils ouvrent une négociation. On leur laisse alors le soin de travailler et de produire leurs conclusions. Deuxième hypothèse : ils choisissent de ne pas ouvrir de négociation. Dans ce cas, le législateur peut considérer qu’il doit se saisir lui-même du débat. Les termes de la négociation et les éventuelles conclusions des partenaires sociaux retiendront bien évidemment l’attention du législateur, qui pourra les reprendre ou non à son compte.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour la clarté de vos explications, car ce sont des sujets assez compliqués. Vous avez indiqué que les partenaires sociaux n’avaient pas souhaité élargir le périmètre du CPA. Pouvez-vous préciser à quoi ? D’autre part, sait-on aujourd’hui comment les choses vont se passer dans le temps ? On a bien compris qu’il était important de poser d’abord les trois piliers du CPA, puis de travailler pour que les choses se mettent en place progressivement.

Aux termes de mon amendement AS513, le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport sur la faisabilité de l’élargissement du CPA au CET. Cette question a été souvent évoquée au cours des auditions, en particulier par les syndicats. Pouvez-vous nous donner quelques indications à propos de cette demande ?

M. Jean-Patrick Gille. Mon amendement, ainsi que les amendements AS711 et AS713, sont des amendements de repli sollicitant la remise de rapports. Je les retire et me rallie à celui du rapporteur.

Il faut faire une distinction entre le CET, d’une part, et l’assurance chômage et les retraites, d’autre part.

Pour l’assurance chômage et les retraites, le gros du travail est fait : elles sont financées par les cotisations sociales et leur gestion est externalisée. Dès lors, il appartient aux partenaires sociaux de décider si chacun reste sur son quant à soi et « gère sa caisse » ou si l’on met les choses en commun.

Quant au CET, sa gestion a été externalisée dans certains cas, mais reste totalement dépendante de l’entreprise dans d’autres. Nous pourrions proposer une généralisation de son externalisation, ce qui le rapprocherait des autres types de comptes.

J’ai bien entendu que la ministre n’était pas favorable à l’intégration du CET dans le CPA compte tenu de l’absence d’accord entre les partenaires sociaux. Mais, selon moi, il faudra insister sur ce point en séance publique, car c’est le CET qui crédibilisera le CPA et apportera quelque chose de nouveau.

De plus, nous pourrions, dès le débat en séance publique, poser la question de la généralisation du CET. Il est d’ailleurs curieux que l’on n’ose pas le faire, alors que l’on crée un compte temps universel.

À cet égard, Isabelle Le Callennec et Monique Iborra ont lancé un débat légitime. Jusqu’à présent, le CPF ne concernait que les actifs salariés. Donc, il était logique qu’il soit financé par les cotisations sociales et géré par les partenaires sociaux. À partir du moment où on l’élargit à tous les actifs, voire aux retraités, il devient universel. Dès lors, qui a vocation à le piloter ? D’autant qu’il faudra trouver d’autres financements. Cette question est devant nous.

Ainsi que le rapporteur pour avis a eu l’honnêteté de le rappeler, l’alinéa 49 de l’article 21 tend à élargir le CPF aux retraités. Dès lors, que se passera-t-il pour un actif au moment où il prend sa retraite s’il lui reste des heures sur son CPF ? Cela soulève la question des règles de fongibilité. Il va falloir interroger à nouveau les partenaires sociaux à ce sujet ou bien préciser les choses : nous avons généralisé le CEC, mais peut-être ne faut-il pas le faire pour le CPF ? Nous en avions débattu et n’avions pas choisi cette option jusqu’à présent.

M. le rapporteur. J’entends dire que l’enveloppe qui financera le CPA est exclusivement l’addition des deux enveloppes qui financent actuellement le CPF et le C3P. Ce n’est pas du tout exact : aux alinéas 43, 44, et 45 de l’article 21, le texte prévoit des financements supplémentaires de la part de l’État, des communes et de l’établissement public chargé de la gestion de la réserve sanitaire pour la partie spécifique qu’est le CEC.

Madame Carrillon-Couvreur, les partenaires sociaux ont négocié et sont parvenus à une position commune, qui n’a cependant pas de caractère officiel puisqu’elle n’a été signée, à ce stade, que par quatre syndicats de salariés. Les partenaires sociaux n’ont trouvé d’accord ni sur l’intégration de l’indemnisation chômage au CPA, ni sur celle du CET – que Jean-Patrick Gille et vous-même avez évoquée. En revanche, l’intégration du CPF et celle du C3P ont fait l’objet d’un consensus, sur lequel nous nous appuyons. À ces deux comptes, nous adjoignons le CEC, pour former ce que j’appelle le « noyau dur » du CPA.

Selon moi, il faut que la négociation se poursuive. Tel est l’objectif de mon amendement AS1014, qui consiste à inviter les partenaires sociaux à se saisir à nouveau du débat – encore une fois, nous en avons besoin – et à essayer d’ouvrir le champ du CPA à d’autres éléments que ceux que nous avons inscrits dans le texte de loi.

Je remercie MM. Gille et Cordery d’avoir retiré leurs amendements. Je vous invite à retirer le vôtre, madame Carrillon-Couvreur.

Les amendements AS200, AS513 et AS712 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement AS1014.

Les amendements AS711 et AS713 de M. Jean-Patrick Gille sont retirés.

Article 22 : Habilitation à étendre par ordonnance le compte personnel d’activité aux agents publics

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS856, AS857 et AS1003 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 22 modifié.

Article 23 : Renforcement de l’accompagnement des jeunes vers l’emploi et l’autonomie

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS858 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS898 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. L’article 23 crée un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, qui vient se substituer au contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) et généralise la garantie jeunes. Dans un souci de clarté juridique et de cohérence, je propose d’en récrire les alinéas 6 à 14.

Premièrement, il convient de mieux combiner les articles L. 5131-4 et L. 5131-5 du code du travail, pour faire apparaître clairement que la garantie jeunes ne constitue qu’une modalité d’accompagnement des jeunes – certes, la plus intensive – dans le cadre de ce parcours.

Deuxièmement, il est nécessaire de préciser que ce parcours contractualisé engage bien le jeune, la rédaction actuelle étant porteuse d’insécurité juridique.

Troisièmement, il s’agit d’inclure dans l’article L. 5131-5 du code du travail les dispositions encore utiles, mais actuellement mal articulées, de l’article L. 5131-6, lequel serait, par conséquent, abrogé.

Enfin, cet amendement vise à préciser que l’allocation accompagnant la garantie jeunes sera dégressive dans le temps, selon des modalités fixées par décret. Il s’agit d’éviter un effet d’aubaine. Il ne faut pas donner le sentiment que cette allocation est un revenu minimum d’activité : il s’agit d’un forfait qui rémunère un contrat. Dans la rédaction actuelle, le versement de ce forfait s’arrête brutalement, alors que l’on peut très bien envisager qu’il en soit autrement : l’allocation pourrait être fixe pendant une durée de six mois, renouvelable une fois, puis dégressive ensuite.

M. le rapporteur. Cette proposition de réécriture me pose quelques difficultés : vous supprimez l’allocation pouvant être versée dans le cadre du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie ; vous ne mentionnez plus la définition d’engagements qui doivent être respectés par le jeune dans le cadre de la garantie jeunes ; vous introduisez la notion de dégressivité. Ce sont trois éléments relativement lourds, dont je ne comprends pas les fondements. Avis défavorable.

Mme Isabelle Le Callennec. Dans l’exposé sommaire de l’amendement, il est indiqué que l’article 23 généralise la garantie jeunes et supprime le CIVIS. Est-ce bien le cas ? Le CIVIS continuera-t-il d’exister ? On entend souvent sur le terrain, en particulier dans les missions locales, qu’il y a trop de fonds et de dispositifs destinés aux jeunes, qu’on ne s’y retrouve plus et qu’une certaine fongibilité serait nécessaire. Je crois savoir qu’il y a actuellement un débat entre le Gouvernement, les associations de jeunes et les associations étudiantes sur l’insertion professionnelle des jeunes. Ne serait-ce pas le moment de faire un peu de ménage et de rendre les choses plus lisibles ? Je rappelle que le rapport d’information de nos collègues Jean-Frédéric Poisson et Régis Juanico sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes a dressé la liste de tous les dispositifs existants.

M. le rapporteur. Le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie a vocation à rassembler l’ensemble des dispositifs et à remplacer le CIVIS, lequel n’est plus aussi attractif qu’il a pu l’être.

M. Jean-Patrick Gille. L’idée est celle que vous souhaitez, madame Le Callennec : simplifier le dispositif. C’est pourquoi je préfère la version du Gouvernement, qui établit en toute clarté le principe selon lequel tout jeune a droit à un accompagnement global et personnalisé et, le cas échéant, à une allocation interstitielle visant à combler les périodes sans revenus. C’est aux conseillers qu’il revient de doser le niveau de l’accompagnement et, si nécessaire, de l’allocation.

La garantie jeunes constitue le socle de ce dispositif. Elle garantit au jeune concerné, pendant toute la durée de son engagement, un niveau de revenu qui correspond au revenu social d’activité (RSA), soit 461 euros environ, sachant qu’elle ne saurait être dégressive, même si elle est différentielle. Ainsi, un jeune à qui des « petits boulots » rapporteraient 300 euros, par exemple, percevrait au titre de la garantie jeunes un montant complémentaire lui permettant de toucher l’équivalent du RSA.

En clair, cette garantie jeunes, dont la généralisation à l’ensemble du territoire à partir du 1er janvier 2017 permettra à chaque jeune qui estime pouvoir en bénéficier d’en faire la demande, complète un dispositif général d’accompagnement.

M. le rapporteur pour avis. J’accepte de retirer l’amendement s’il crée de la confusion, mais j’en rappelle l’objectif : que la garantie jeunes consiste en un parcours, un contrat, une allocation, et qu’elle remplace les autres dispositifs en vigueur. Or, en l’état, il restera çà et là des bribes de CIVIS et autres contrats qui brouillent la lisibilité du système. Adoptons donc le principe d’une garantie universelle correspondant à un dispositif contractualisé, assorti d’une allocation renouvelable et non dégressive pendant la période d’accompagnement, quoiqu’elle puisse le devenir au terme de celle-ci pour éviter toute interruption brutale de revenu.

Mme Isabelle Le Callennec. Prenez garde aux effets d’affichage : la communication faite autour de cette garantie « universelle » laisse entendre à certains jeunes qu’elle les concernera tous, alors qu’elle ne bénéficiera qu’à ceux qui remplissent les critères. En effet, si cette garantie fonctionne, comme je le constate sur mon territoire, c’est justement parce qu’elle s’adresse à des jeunes éloignés de l’emploi, qui sont pris en charge et accompagnés de manière collective pendant six semaines de telle sorte qu’ils sont encouragés à s’adresser aux entreprises. La notion d’universalité devrait nous inciter à faire preuve de prudence.

M. le rapporteur. La garantie jeunes n’est que l’une des différentes modalités de parcours, monsieur le rapporteur pour avis. Si elle couvrait l’ensemble des parcours, comme vous le suggérez, alors les jeunes qui n’en rempliraient pas les critères ne pourraient bénéficier d’aucune autre modalité de parcours. Autrement dit, elle ne saurait se substituer à l’ensemble des dispositifs et constituer une sorte de droit opposable à l’accompagnement. Elle est certes une pièce importante du dispositif d’accompagnement globalisé, mais d’autres doivent coexister avec elle.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS714 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement vise à ce que le droit à l’accompagnement soit mis en œuvre par les missions locales.

M. le rapporteur. S’il est en effet légitime que les missions locales mettent en œuvre le droit à l’accompagnement, je ne crois pas qu’elles doivent être les seules à le faire.

Mme Monique Iborra. À défaut de devenir universelle à proprement parler, la garantie jeunes sera étendue, ce qui se traduira par une hausse du nombre de demandes. Or, le délégué général de l’Union nationale des missions locales (UNML) que nous avons auditionné nous a clairement indiqué que les missions ne pourraient pas faire face à cette augmentation, non pas par manque de moyens – ils seront augmentés – mais en raison de la charge administrative que représente un tel travail. La liste des documents exigés pour remplir le dossier est abondante, notamment parce que le dispositif repose pour partie sur des financements européens. Dès lors, il serait sage que le législateur permette à d’autres organismes que les seules missions locales de traiter la demande qu’il s’apprête à gonfler.

M. Christophe Cavard. Qu’entendez-vous par « d’autres organismes » ? Faut-il comprendre que des entreprises telles que Manpower ou Vediorbis seraient concernées ? En l’état, rien ne le leur interdit, et elles agissent d’ailleurs déjà dans le cadre d’autres dispositifs réservés à d’autres publics. Qu’est-ce qui les empêchera de capter cette possibilité de mettre en œuvre l’accompagnement des jeunes ? Je voudrais m’assurer qu’elles ne le pourront pas et que la gestion de l’accompagnement demeurera le fait de services publics, en particulier – mais pas exclusivement – les missions locales, qui sont tout à fait adaptées à cette mission.

M. le rapporteur. Ces éléments seront fixés par décret, et le Gouvernement n’a nullement l’intention d’ouvrir le champ de l’accompagnement des jeunes aux entreprises privées. Les écoles de la deuxième chance, en revanche, pourraient avoir un rôle à jouer aux côtés des missions locales, dont nul ne nie la place prépondérante et décisive. Il me semblerait regrettable, toutefois, que d’autres organismes à vocation publique ne puissent pas prétendre exercer cette mission.

Mme Isabelle Le Callennec. Mme Iborra a soulevé à juste titre la question de la complexité des dossiers exigés, en particulier lorsque des fonds européens sont impliqués. La ministre du travail, qui rencontre régulièrement ses homologues européens, ne pourrait-elle pas ouvrir une discussion avec eux sur ce point ? La complexité des dossiers, en effet, pénalise tous les pays, qu’il s’agisse des chantiers d’insertion ou de tout autre domaine relevant du Fonds social européen (FSE). Tous les acteurs se plaignent de la complexité des procédures et des problèmes de trésorerie qui en découlent, les versements du FSE n’étant pas immédiats ; il est temps de s’attaquer aux racines du mal.

L’amendement est retiré.

La Commission passe à l’amendement AS716 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement vise à ce que la garantie jeunes, à défaut de l’ensemble des parcours d’accompagnement personnalisé, soit mise en œuvre par les missions locales, comme le prévoit déjà le droit existant. Ne pas leur réserver cette compétence risquerait de susciter un débat assez vif. Quant aux propos tenus par le délégué général que vous avez auditionné, il me semble assez bien le connaître pour affirmer que telle n’est pas exactement la position qu’il défend.

Si je comprends – sans être d’accord – les arguments qui poussent à ne pas réserver aux seules missions locales la mise en œuvre du droit à l’accompagnement dans son ensemble, je crois en revanche que les missions locales doivent être chargées de déployer la garantie jeunes – sauf à en modifier le dispositif –, d’autant plus qu’il s’agit d’un mécanisme de financement complexe. Toutes les déclarations publiques sont d’ailleurs allées en ce sens.

M. le rapporteur. Tout d’abord, je confirme les propos de Mme Iborra concernant l’audition des missions locales : il nous a été expliqué en toute clarté – ce que chacun sait déjà – que la garantie jeunes semble donner satisfaction. Néanmoins, ce dispositif visant à introduire les jeunes dans le monde de l’entreprise, il va de soi que la hausse du nombre de demandes risque de présenter des difficultés dans certains territoires. D’autre part, l’objectif et la répartition du coût de 1 600 euros pose problème ; j’ai d’ailleurs fait part à la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) de mon étonnement face au caractère extrêmement exigeant des critères requis – y compris celui de 100 % de réussite sur une partie du financement obtenu, ce qui, à ma connaissance, est sans équivalent.

J’ai demandé à la DGEFP si les missions locales étaient seules compétentes pour mettre en œuvre la garantie jeunes. La réponse suivante m’a été faite : les missions locales sont naturellement compétentes, mais elles ne sont pas seules à l’être. C’est par décret que la répartition des tâches sera définie ; en l’état, j’émets un avis défavorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement AS899 de la commission des affaires économiques est retiré.

La Commission examine l’amendement AS1015 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser que l’allocation liée à la garantie jeunes est incessible et insaisissable, et qu’elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS859 et AS1004, l’amendement de coordination AS860 et l’amendement rédactionnel AS861 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS900 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le rapporteur. Ce n’est pas mon avis ; au demeurant, il est déjà satisfait. L’emploi du terme « respectifs » dans l’alinéa est redondant, car les engagements sont par nature respectifs et les jeunes ne sont pas censés contrôler les engagements pris par l’État. Je vous propose donc de le retirer.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements de conséquence AS862 et AS863 ainsi que les amendements rédactionnels AS866, AS864 et AS865 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

Après l’article 23

La Commission examine l’amendement AS312 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à revaloriser la gratification des stagiaires. Aujourd’hui, tout employeur accueillant un stagiaire au-delà de deux mois a l’obligation de lui verser une gratification minimale dont le taux horaire est fixé à 3,60 euros depuis septembre 2015. Cette rémunération, très modeste, est près de trois fois moindre que le SMIC horaire ! Nous proposons simplement de faire un geste en direction de ces jeunes qui participent au travail et à la vie de l’entreprise en même temps qu’ils acquièrent des expériences et apprennent leur métier. Je rappelle que près de 1,2 million d’étudiants sont concernés chaque année. La revalorisation que nous proposons aboutit à un taux horaire de 5,20 euros, soit légèrement plus de la moitié du SMIC horaire.

M. le rapporteur. Porter la gratification de 15 % à 22 % du plafond horaire de la sécurité sociale n’est pas neutre financièrement. Mme Chaynesse Khirouni a accompli un travail de grande qualité sur la question des stages : au-delà de la gratification, l’enjeu principal des stages en entreprise réside dans leur capacité à délivrer des compétences professionnelles et à conduire vers un emploi pérenne.

Tel qu’il est formulé, votre amendement a une incidence financière pour les employeurs ; d’autre part, à quoi correspond le taux de 22 % que vous proposez ? Avis défavorable.

Mme Chaynesse Khirouni. La loi du 10 juillet 2014 a profondément remanié plusieurs aspects de l’encadrement des stagiaires, dont les conditions de stage et le statut des stagiaires. Il a été rappelé que le stage est un outil pédagogique en lien avec une formation. Aujourd’hui, en effet, les formations doivent comporter un volume minimum d’heures de face-à-face pédagogique pour éviter les formations « bidon ». Autre aspect important de la loi : la lutte contre le recours abusif aux stages et la requalification de certains stages en contrats salariés.

Vous évoquez le caractère modeste de la « rémunération » des stages, madame Fraysse. Or, nous nous sommes efforcés de rappeler que le stage n’est pas un travail et qu’à ce titre, il ne donne pas lieu à une rémunération, mais à une gratification par indemnisation. J’ajoute que cette indemnité a déjà été augmentée. Quoi qu’il en soit, le fait d’entretenir cette confusion entre rémunération et gratification ne peut que profiter aux entreprises qui tentent d’abuser des stages. De ce point de vue, il n’est pas inutile de plafonner la gratification à un niveau qui permette de distinguer nettement entre l’outil pédagogique qu’est le stage et un véritable emploi.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne confonds nullement rémunération et gratification, comme en atteste l’exposé des motifs de mon amendement. Il va de soi qu’une gratification n’est pas une rémunération – et c’est heureux, vu son caractère très modeste, qui justifierait l’adoption de cet amendement.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mme Khirouni, rapporteure de la proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, avait dû trouver un équilibre avec nos collègues sénateurs qui souhaitaient augmenter la gratification, ce qui n’aurait pas manqué de compliquer la recherche de stages dans certains secteurs – ainsi que cela s’est d’ailleurs produit. Je pense en particulier aux stages obligatoires des futurs auxiliaires médicaux, qu’il s’agisse des kinésithérapeutes, des infirmières, des diététiciennes ou encore des ergothérapeutes. Le Gouvernement avait annoncé qu’une enveloppe budgétaire spécifique leur serait consacrée ; pourtant, au-delà de deux mois de stage, ces étudiants ne sont plus rémunérés, ce qui les oblige à enchaîner deux stages dans deux hôpitaux différents, donc dans deux villes différentes. Or, certains stagiaires ne trouvent pas à se loger pour la durée de leur stage et ont les plus grandes peines du monde à trouver un stage qui leur convient, parce que les établissements publics ne disposent pas des fonds nécessaires. Il faudra relancer le Gouvernement sur cette question, car plusieurs dizaines de milliers d’étudiants sont tout de même concernés !

Mme Chaynesse Khirouni. En outre, la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche avait étendu la gratification des stagiaires au secteur public. Or, des problèmes se sont posés dans le secteur du travail social, certaines collectivités arguant du fait qu’elles ne peuvent accepter les candidats stagiaires au motif qu’elles doivent les indemniser au-delà de deux mois. Pour y remédier, des enveloppes de crédits exceptionnels ont été allouées de manière ponctuelle. Compte tenu de ces difficultés, je propose néanmoins de stabiliser le dispositif applicable au secteur privé et au secteur public avant d’envisager une éventuelle hausse de la gratification.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS668 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à la mise en œuvre de la loi de 2012 portant création des emplois d’avenir, afin d’explorer l’opportunité de prolonger ces emplois au-delà du délai de trois ans initialement prévu par la loi.

Au 31 janvier 2016, environ 130 000 contrats étaient en cours, 35 000 autres étant prévus pour l’année 2016, sans doute davantage au premier semestre qu’au second. Le bilan global est positif : chaque jeune concerné bénéficie en moyenne de 2,4 actions de formation, dont 30 % de formations qualifiantes. Certes, 35 000 jeunes sans emploi et sans formation pourront prétendre à bénéficier de ce dispositif en 2016, mais d’autres devront le quitter pour des raisons souvent liées aux contraintes budgétaires auxquelles se heurtent les collectivités et le milieu associatif. Des dispositions existent déjà pour consolider l’emploi dans les structures les plus « porteuses », comme le nouveau dispositif d’aide à l’embauche, qui peut s’appliquer au secteur associatif et au secteur marchand, lequel peut également bénéficier du contrat initiative-emploi (CIE) Starter. Cependant, dans le cas de contrats proposés par les collectivités, la rupture en fin d’engagement peut être brutale, l’aide passant subitement de 75 % à 0 %, ce qui freine la consolidation de ces emplois et oblige parfois les jeunes concernés à repartir de zéro.

Le rapport demandé permettra de conduire une analyse des sorties positives des emplois d’avenir en tenant compte de l’impact que pourrait avoir le prolongement de deux années de l’aide, laquelle passerait à 50 % la quatrième année et à 25 % la cinquième, en vue d’éviter toute rupture financière trop dure et de consolider l’emploi des jeunes.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Article 24 : Dématérialisation du bulletin de paie

La Commission examine l’amendement AS1016 du rapporteur.

M. le rapporteur. En cohérence avec un amendement adopté à l’article 21, cet amendement vise à faciliter l’accessibilité du bulletin de paie dématérialisé sur le compte personnel d’activité (CPA). Sauf opposition du salarié, le bulletin de paie pourra être transmis par voie dématérialisée et accessible via le CPA. D’autre part, cet amendement renvoie à un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL l’encadrement de cette accessibilité, que justifie l’impératif de préservation de la confidentialité et de l’intégrité des données à caractère personnel.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS473 de Mme Jeanine Dubié, AS901 et AS902 de la commission des affaires économiques tombent.

La Commission examine l’amendement AS903 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prévoir les modalités selon lesquelles le salarié choisit ou non de disposer de son bulletin de paie sous forme électronique. Ce choix peut par exemple prendre la forme d’une clause optionnelle du contrat de travail, éventuellement réversible par voie d’avenant.

M. le rapporteur. Il aurait pour effet de faire coexister au même article deux procédures contradictoires : l’absence d’opposition du salarié d’une part et, d’autre part, son accord exprès. Il faut choisir entre l’une et l’autre. Je vous propose donc de retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement AS538 de M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. La dématérialisation du bulletin de paie est une idée intéressante, mais il me semble trop optimiste de prévoir sa mise en œuvre dès le 1er janvier 2017. Plus réalistes, nous proposons de décaler son application d’un an. J’ajoute que cette dématérialisation est liée au CPA, lequel ne sera certainement pas opérationnel à cette date.

Concernant l’amendement précédent, le rapporteur a tout à fait raison. Le projet de loi utilise la formule « sauf opposition du salarié », contrairement à la méthode employée jusqu’ici. Néanmoins, la transmission du bulletin se fait via un système de coffre-fort numérique si le salarié le demande, ce qui pose problème.

M. le rapporteur. La France accuse un énorme retard par rapport à ses voisins européens en ce qui concerne la dématérialisation du bulletin de paie. Or, celle-ci permet de réduire le coût de transmission des bulletins et de faciliter leur préservation. J’ajoute que le salarié peut s’opposer s’il le souhaite à la dématérialisation de son bulletin de paie ou à l’« hébergement » de celui-ci sur son CPA. En repoussant d’un an, comme vous le proposez, l’inversion de la règle d’option inscrite à cet article, on priverait le CPA de l’une de ses fonctionnalités importantes ; avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 24 modifié.

Chapitre II
Adaptation du droit du travail à l’ère du numérique

Article 25 : Modalités d’exercice du droit à la déconnexion

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS867 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement AS940 de la commission des affaires économiques.

Mme Corinne Erhel. Cet amendement précise que l’affirmation du droit à la déconnexion vise non seulement à assurer le respect des temps de repos et de congé du salarié, mais aussi à préserver l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle de ce dernier. Ce point a déjà été abordé lors de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail mais il est important de réaffirmer ici cet objectif.

Introduisant la notion de « plein exercice du droit à la déconnexion », l’amendement vise également à affirmer le rôle central que doit jouer le salarié en la matière.

M. le rapporteur. Si ces deux objectifs me paraissent importants, l’adoption de cet amendement rendrait sans objet ceux qui suivent. Je vous demanderai donc de le retirer.

M. Gérard Sebaoun. Il convient de trouver un équilibre entre le droit du salarié et les devoirs de son entreprise. Or cet amendement, contrairement à ceux qui suivent, est exclusivement centré sur le salarié.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AS314 de Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Cet amendement vise uniquement à reprendre la deuxième partie de l’amendement précédent, introduisant la notion de « plein exercice » par le salarié de son droit à la déconnexion.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite, en discussion commune, les amendements AS1017 du rapporteur et AS337 de M. Gérard Sebaoun.

M. le rapporteur. Mon amendement vise à compléter l’instauration du droit à la déconnexion par celle de devoir de déconnexion, tel que préconisé par le rapport commandé à M. Bruno Mettling. Pour être effectif, le droit de déconnexion du salarié doit s’accompagner de l’appropriation par les acteurs de l’entreprise d’une régulation volontariste et partagée de l’usage des outils numériques. Il s’agit d’aller au-delà des seuls dispositifs techniques de déconnexion mis en place par l’entreprise qui peuvent toujours être contournés.

M. Gérard Sebaoun. Nous vivons dans une société totalement connectée, et j’ignore si nous pourrions faire autrement. Aujourd’hui, les entreprises ont parfaitement intégré la dimension numérique, ce qui n’est pas sans poser problème. Nous avons besoin non seulement de protéger les salariés, mais aussi d’entendre les acteurs de la société qui demandent la liberté de continuer à user de ces objets connectés pendant leur temps de travail comme pendant leur temps personnel. La difficulté est de savoir quand mettre fin à la connexion, et je ne suis pas certain que les acteurs soient favorables à ce que ce soit la loi qui en décide…

La société dans laquelle travaille M. Bruno Mettling a élaboré une charte. D’après lui, la santé et la sécurité du salarié risquant d’être affectées par l’usage intempestif de l’outil du travail, il convient de négocier un équilibre entre entreprise et salarié sans pour autant empiéter sur la liberté qu’ont certains acteurs d’utiliser de façon acceptable cet outil. On ne peut à la fois les priver d’autonomie et parler, comme on le fait aujourd’hui, de nomadisme et de coworking ! Nous ne résoudrons pas le problème en adoptant des règles trop rigides – comme l’a fait Volkswagen en Allemagne –, car les utilisateurs d’objets connectés savent parfaitement contourner tous les obstacles techniques qu’on peut leur imposer.

L’amendement que je propose tend à assurer un équilibre entre l’exercice du droit à la déconnexion et le devoir de déconnexion et renvoie à la négociation collective le soin de définir les modalités de cet équilibre.

M. le rapporteur. Je partage totalement vos propos, monsieur Sebaoun. Il est tout à fait nécessaire d’envisager le problème tant du côté du salarié que de celui de l’employeur. Simplement, nous n’avons pas encore de définition précise du devoir de déconnexion, expression à laquelle vous faites référence dans votre amendement. Je vous propose donc de le retirer au profit du mien qui évoque la mise en place, par l’entreprise, de dispositifs de régulation – éléments plus faciles à identifier tout en ayant le même objectif que le vôtre.

M. Gérard Sebaoun. Je suis d’accord pour retirer mon amendement. J’ajouterai simplement que le plus important, dans la négociation collective qui doit s’ouvrir entre les acteurs, sera de définir la charge de travail.

L’amendement AS337 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS1017.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS869 du rapporteur.

Puis elle aborde, en discussion commune, les amendements AS1018 du rapporteur et AS261 de Mme Corinne Erhel.

M. le rapporteur. L’exercice du droit à la déconnexion n’a pas pour unique objectif d’assurer le respect des temps de repos et de congé. Il vise également à garantir la préservation de la vie personnelle et familiale. C’est le sens de mon amendement.

Mme Corinne Erhel. Le mien a pour objet de viser dans le texte la préservation de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

M. le rapporteur. Comme il est rédigé dans le même esprit que le mien, je vous propose de le retirer.

L’amendement AS261 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS1018.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS868 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement AS674 de M. Benoît Hamon.

M. Kader Arif. Aujourd’hui, un cadre moyen doit traiter environ 150 sollicitations par jour, que ce soit par e-mail ou sur son portable. Le traitement et la rapidité de l’accès à l’information sont essentiels au travail des salariés, mais l’omniprésence croissante des flux d’information peut s’avérer contre-productive et dangereuse lorsqu’elle empêche le repos. Le Gouvernement propose donc que les modalités d’exercice du droit à la déconnexion soient discutées lors des négociations annuelles sur la qualité de vie au travail.

Toutefois, pour que la déconnexion soit effective, elle ne doit pas simplement être un droit pour les salariés mais un devoir pour les employeurs. Nous proposons donc de rendre contraignante l’obligation faite à l’employeur de définir et communiquer les modalités d’exercice de son droit par le salarié. Enfin, il est essentiel de permettre l’application de ce droit aux salariés des entreprises comprenant au moins 50 salariés.

M. le rapporteur. Vous proposez que la charte prévue à cet article soit plus largement diffusée, ce qui me semble cohérent avec l’objectif du texte. Je m’interroge néanmoins quant à l’opportunité d’obliger toute entreprise d’au moins cinquante salariés à élaborer une telle charte – qui ne doit pas s’apparenter à une nouvelle contrainte formelle. Cela étant, j’émettrai un avis favorable à cet amendement.

M. Gérard Sebaoun. Je ne suis guère favorable aux chartes : il en existe dans plusieurs grands groupes, mais je ne suis pas certain qu’il soit efficace d’en édicter à des niveaux inférieurs.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS941 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.

M. le rapporteur. J’y suis favorable sous réserve d’une rectification : accepteriez-vous d’en supprimer les mots « de l’entreprise » ?

M. le rapporteur pour avis. Oui.

M. Gérard Sebaoun. La notion d’usage raisonnable n’a pas grand-chose à voir avec le sujet dont nous parlons.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Lors de son audition, M. Mettling nous a bien dit que les partenaires sociaux avançaient un peu dans l’inconnu sur la question numérique et qu’ils préféraient observer les choses avant d’agir. Je ne suis pas certaine que nous ayons nous-mêmes une vision bien claire de ce qui se passe. Il n’est pas idéal de faire figurer l’adjectif « raisonnable » dans la loi, mais, à défaut d’autre solution, je propose que nous retenions cette rédaction pour l’instant.

La Commission adopte l’amendement AS941 tel qu’il vient d’être rectifié.

Puis elle en vient à l’amendement AS757 de M. Benoît Hamon.

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’instauration d’une sanction me semble poser problème.

L’amendement est retiré.

La Commission aborde les amendements identiques AS942 de la commission des affaires économiques et AS263 de Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. De nombreuses réflexions ont été engagées de façon non coordonnée sur l’usage des messageries électroniques en dehors des horaires de travail classiques et durant les jours non travaillés. Dans la continuité de ces initiatives dispersées, cet amendement vise à instituer une expérimentation coordonnée par la puissance publique afin d’explorer cette question au sein d’entreprises de tailles, de secteurs et de structures variables, mais aussi au sein d’administrations publiques. Un décret définira le périmètre de cette expérimentation et notamment les structures publiques et privées concernées, la taille de l’échantillon, les populations cibles et les modalités d’évaluation. À l’issue de cette expérimentation, des lignes directrices seront définies à l’usage des entreprises et des administrations publiques sur cette question de plus en plus prégnante à l’heure où le numérique bouleverse l’ensemble des modèles d’organisation.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques AS371 de M. Christophe Cavard et AS717 de M. Jean-Patrick Gille, ainsi que les amendements identiques AS943 de la commission des affaires économiques et AS262 de Mme Corinne Erhel.

M. Christophe Cavard. Il n’y a aucun frein technique à la mise en application des mesures que nous venons d’adopter. Nous proposons donc d’en avancer l’entrée en vigueur d’un an, au 1er janvier 2017.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte les amendements identiques AS371 et AS717.

En conséquence, les amendements AS943 et AS262 tombent.

La Commission adopte l’article 25 modifié.

La séance est levée à une heure dix.

Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 6 avril 2016 à 21 heures 40

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Gérard Bapt, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Sylviane Bulteau, M. Alain Calmette, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, M. Jean-Louis Costes, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Patrick Gille, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Marie-Thérèse Le Roy, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Philippe Noguès, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Jean-Louis Roumégas, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Francis Vercamer

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, M. Stéphane Claireaux, M. Dominique Dord, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Arnaud Viala, M. Jean-Sébastien Vialatte

Assistaient également à la réunion. – M. Kader Arif, M. Frédéric Barbier, M. Yves Blein, M. Jean-Louis Bricout, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Catherine Coutelle, Mme Corinne Erhel