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Commission des affaires sociales

Mardi 26 avril 2016

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 45

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition de Mme Catherine de Salins, conseillère d’État, dont la désignation à la présidence du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est envisagée par le Gouvernement (application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 26 avril 2016

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales procède à l’audition de Mme Catherine de Salins, conseillère d’État, dont la désignation à la présidence du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est envisagée par le Gouvernement (application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, notre Commission reprend aujourd’hui ses travaux après une interruption de quinze jours. Je souhaite la bienvenue à nos collègues Denys Robiliard, de retour parmi nous à l’issue de sa convalescence, et Alain Ballay, suppléant de notre regrettée collègue Sophie Dessus.

Nous accueillons aujourd’hui Mme Catherine de Salins, conseillère d’État, dont la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) est envisagée par le Gouvernement.

Cette audition a lieu en application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique. L’ANSM fait en effet partie des organismes dont les dirigeants pressentis doivent être auditionnés par le Parlement – en l’espèce les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat – avant leur nomination.

Je précise que nous ne sommes pas dans le cadre de la procédure de mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution : il s’agit d’une simple audition et non pas d’un avis demandé aux commissions compétentes. C’est pourquoi cette audition ne sera pas suivie d’un vote.

Je rappelle brièvement que l’ANSM, établissement public placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé, est chargée d’évaluer les bénéfices et les risques liés à l’utilisation des produits de santé tout au long de leur cycle de vie ; il s’agit des produits de santé au sens large, ce qui englobe les produits cosmétiques – cela avait fait l’objet d’une discussion lors de la loi de décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Elle dispose de larges compétences, notamment dans le domaine de la recherche, des études de suivi des patients et du recueil des données d’efficacité et de tolérance, mais aussi en matière de contrôle de la publicité, d’information des patients et des professionnels, voire de sanctions à l’égard des fabricants de médicaments ou de dispositifs médicaux en cas de manquement à leurs obligations.

L’ANSM exerce donc un rôle majeur dans notre système de santé et de sécurité sanitaire. Cette agence, qui s’est substituée à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) après le scandale du Mediator et la loi de décembre 2011, est très souvent sollicitée – je rappelle son intervention à la suite de l’accident survenu à Rennes en janvier dernier au cours d’essais cliniques.

Mme de Salins, dont le curriculum vitae est en distribution dans la salle, va d’abord nous présenter son parcours professionnel ainsi que les raisons pour lesquelles elle a postulé ou accepté cette fonction de présidente du conseil d’administration de l’ANSM. Notre commission est également très désireuse de vous entendre, madame, sur les orientations que vous entendez donner à l’agence et, plus généralement, votre vision de la politique en matière de sécurité sanitaire des médicaments.

Vous avez la parole pour un exposé liminaire, avant que les députés présents ne vous posent quelques questions – d’abord au nom des groupes qu’ils représentent, puis à titre individuel.

Mme Catherine de Salins. Pressentie par le Président de la République pour être nommée présidente du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), je vais d’abord me présenter à vous puis, après avoir rappelé les missions de l’agence et le rôle de son conseil d’administration, vous indiquer comment je conçois le rôle de son président.

Fille, petite-fille, nièce et sœur de médecins, j’ai grandi dans un univers familial où les questions de santé et de prévention des risques sanitaires étaient au menu des discussions. Elles l’étaient d’autant plus que mon père, médecin biologiste et praticien hospitalier, a dirigé un centre de transfusion sanguine de 1970 jusqu’à sa retraite en 1994. Jeune magistrate administrative, j’ai beaucoup échangé avec lui sur les causes de cette crise de santé publique qu’a constituée la transmission du virus du sida par voie transfusionnelle. Enfin, ayant moi-même été transfusée à deux reprises en 1980 et 1987, je sais ce que signifie être exposée à un risque de contamination par voie transfusionnelle.

Cela dit, je ne suis pas devenue médecin et mes premières années de pratique professionnelle m’ont éloignée des questions de santé. Le droit fiscal et l’urbanisme, qui sont les premiers contentieux dont j’ai eu à traiter en qualité de conseiller au tribunal administratif de Paris, ou les règles européennes en matière d’aides d’État, que j’ai suivies en qualité d’expert national détaché à la Commission européenne de 1990 à 1992, entretiennent des liens très indirects avec la médecine et les produits de santé.

La pratique contentieuse m’a enseigné la maîtrise du risque juridique. Au-delà de l’exercice très exigeant d’analyse et de synthèse que le traitement de tout dossier contentieux implique, elle m’a aussi appris les vertus du travail collégial et ses méthodes : identifier les points qui méritent débat, écouter avec la plus grande attention la position de chacun de ceux qui participent au délibéré, exposer son point de vue avec clarté, en mettant bien en évidence les arguments qui justifient la solution proposée et, à partir de ces positions et arguments, contribuer à construire une solution qui soit, non pas le plus petit commun dénominateur, mais la meilleure solution possible au regard des textes, des faits de l’espèce et des enjeux du litige. Juger, c’est aussi prendre position et trancher après avoir pesé tous ces éléments. De même qu’un médecin, un juge prend parti sur un cas pour appliquer ensuite une solution – et, en général, il dispose pour cela de plus de temps que le médecin.

Mon expérience européenne, tant au sein de la Commission européenne qu’à la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères de 1992 à 1997, m’a permis d’acquérir une expertise en droit de l’Union européenne, y compris en droit de la concurrence. Au-delà, elle m’a donné une connaissance de l’intérieur du fonctionnement des institutions européennes et du processus de décision, de l’élaboration des projets de texte jusqu’à leur adoption et leur interprétation par la Cour de justice.

J’ai retrouvé les questions de santé dès mon intégration au Conseil d’État, où j’ai été affectée à la première sous-section de la section du contentieux. Pendant toute la période où j’y ai été rapporteur, de 2001 à 2007, elle était juge de premier et dernier ressort des décisions en matière de produits de santé, de mise sur le marché de médicaments, de suspension ou d’interdiction de produits de santé, de remboursement ou déremboursement de médicaments et de fixation de leur prix.

Si elle est assurément très réductrice, l’approche contentieuse d’une politique est à tout le moins révélatrice des intérêts en jeu, des relations entre les parties prenantes au processus de décision, de la qualité des décisions prises lorsqu’elles sont confirmées et que le dossier révèle qu’elles ne s’exposaient pas à une critique sérieuse, à l’inverse des éventuelles failles du processus de décision lorsqu’il aboutit à une annulation.

Je n’ai cessé, depuis lors, de traiter de questions en lien avec la politique de santé publique. Mon affectation à la cinquième sous-section de la section du contentieux de 2008 à 2010, et à nouveau depuis mai 2014, m’a conduite à connaître, dans le cadre de pourvois en cassation, des actions en responsabilité dans le domaine de la santé, qu’il s’agisse de responsabilité hospitalière, de demandes d’indemnisation dans le cadre de la solidarité nationale au titre d’accidents médicaux ou d’infections nosocomiales, ou encore de l’indemnisation de contaminations transfusionnelles ou de vaccinations, désormais assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).

Enfin, de 2010 à la fin de l’année 2013, j’ai mis en place puis dirigé la direction des affaires juridiques au sein des ministères sociaux, notamment auprès du ministre chargé de la santé. Cette direction ressource venant en appui au ministre, aux autres directions et aux services territoriaux, est notamment chargée de leur apporter son expertise juridique lors de la préparation des principaux textes, puis à l’occasion de leur mise en œuvre.

À peine venais-je de prendre mes fonctions qu’a éclaté l’affaire du Mediator, avec la publication du rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS). La direction des affaires juridiques a été associée à la mise en place auprès de l’ONIAM du dispositif visant à faciliter le traitement des demandes d’indemnisation présentées par les victimes. Elle a également été associée à la préparation et à la rédaction de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé et de ses décrets d’application, notamment des dispositions relatives à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts. Ainsi, au printemps 2012, les compétences de la direction ont été étendues aux questions de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts.

Un poste de chargé de mission de ces questions a été créé et pourvu, afin de jouer un rôle d’expertise et de conseil auprès des ministres, des administrations centrales, des services territoriaux et des établissements publics rattachés au ministère, dans la mise en œuvre des principes édictés par la loi. L’objectif a été de développer, au sein des services, une culture de la prévention des conflits, en identifiant les postes exposés, en prévenant les risques de conflit dès le recrutement de nouveaux responsables, et tout au long des processus de décision. Il s’est agi de mettre en place non seulement les processus de déclaration et d’actualisation des déclarations d’intérêts, mais aussi, plus fondamentalement, d’analyse de ces déclarations, précisément afin d’éviter que les processus de décision ne soient viciés par la participation de personnes en situation de conflit. La chargée de mission de la direction a d’ailleurs fait partie du comité de déontologie de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, dans sa composition antérieure à février 2016.

Je voudrais aussi souligner l’importance dans mon parcours professionnel des questions de transparence de l’action administrative. Rapporteur général de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) de 2004 à 2007 et présidente suppléante de cette commission depuis la fin de l’année 2014, je me suis efforcée de promouvoir une culture de la diffusion de ces documents et, plus largement, des informations publiques, dans le respect des données personnelles et des secrets protégés par la loi, afin de parvenir à une vraie transparence de l’action administrative.

Ce parcours explique l’intérêt prononcé que je porte à l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, et ma candidature aux fonctions de présidente de son conseil d’administration. L’ANSM est en effet une structure d’expertise de très haut niveau, chargée de veiller en toute indépendance à la sécurité sanitaire des produits de santé entendus dans un sens très large.

Créée par la loi du 29 décembre 2011, l’agence aura juridiquement quatre ans le 1er mai 2016. Issue de la crise sanitaire du Mediator, sa création en remplacement de l’AFSSAPS a constitué l’un des instruments destinés à remédier aux dysfonctionnements du système national de sécurité sanitaire. Elle traduit la volonté de disposer d’une agence plus efficace et plus indépendante, plus ouverte et plus transparente, qui s’est concrétisée par la réorientation de sa mission première, un élargissement de ses missions, un renouvellement de sa gouvernance dans un cadre déontologique renforcé et un accroissement de ses moyens.

La mission première de l’agence telle qu’elle est désormais exposée au II de l’article L. 5311-1 du code de la santé publique est « l’évaluation des bénéfices et des risques liés à l’utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et des produits à finalité cosmétique », afin que l’agence ne se perçoive plus d’abord comme un guichet de délivrance d’autorisations de mise sur le marché – même si elle le demeure. L’élargissement de ses missions a consisté à lui confier notamment un rôle de soutien à la recherche indépendante, un rôle de conduite d’études de pharmaco-épidémiologie, de contrôle de la publicité – qui se fait désormais a priori – et de sécurité de la chaîne d’approvisionnement au regard des risques de rupture des stocks.

La composition du conseil d’administration est l’une des illustrations du renforcement de sa gouvernance. Si en sont désormais exclus les représentants de l’industrie pharmaceutique, en revanche, y siègent maintenant six parlementaires – trois sénateurs et trois députés –, des représentants d’associations d’usagers, de patients et professionnels de santé. Il en va de même des modifications apportées au conseil scientifique de l’agence. Son financement traduit aussi le souci de rompre tout lien avec l’industrie. L’essentiel du budget de l’agence est désormais financé par une subvention de l’État et non plus par le produit des taxes perçues auprès de cette industrie en contrepartie des activités de l’agence.

Des prérogatives et moyens accrus consistent notamment dans le pouvoir d’accéder, à sa demande et dans des conditions préservant la confidentialité des données à l’égard des tiers aux informations nécessaires à l’exercice de ses missions qui sont détenues par toute personne physique ou morale, sans que puisse lui être opposé le secret médical, le secret professionnel ou le secret en matière industrielle et commerciale. La loi lui reconnaît aussi une possibilité d’accès aux données du Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie (SNIIRAM). Contribue également fortement à l’accroissement de ses moyens le pouvoir d’injonction de respecter les textes en vigueur et d’infliger des sanctions financières. L’extension de ses moyens a consisté en 2012 dans une augmentation de ses ressources par une subvention accrue de l’État et des créations de postes.

L’agence emploie aujourd’hui plus de 1 000 personnes travaillant sur trois sites. En 2015, elle disposait d’un budget initial d’un peu moins de 130 millions d’euros, financé à hauteur d’environ 115 millions d’euros par la subvention d’État et le reste provenant, pour une large part, de versements opérés par l’Agence européenne des médicaments (EMA) en rémunération des travaux effectués par l’ANSM. L’agence comprend aujourd’hui huit directions produits, cinq directions métiers, quatre directions ressources, deux directions rattachées directement au directeur général – une direction scientifique et de la stratégie européenne, une direction de la communication et de l’information. Elle est également dotée d’un service de déontologie et d’une mission de pilotage et de contrôle interne.

En 2014, l’agence a autorisé 1 795 essais cliniques, dont 821 pour les médicaments. Elle a contribué à l’autorisation de 74 nouveaux médicaments dans le cadre de la procédure européenne centralisée, et a délivré 576 autorisations de mise sur le marché dans le cadre des procédures décentralisées et de reconnaissance mutuelle. Elle a soumis 161 substances actives à un programme de révision au titre de la révision systématique des médicaments autorisés. Elle a reçu des déclarations pour 46 497 effets indésirables concernant les seuls médicaments. Elle a mené sept études de pharmaco-épidémiologie et a financé onze projets de recherche académique.

L’agence vit depuis quatre ans une mutation importante, se traduisant par une modification radicale de son organigramme. Mais au-delà de la nouvelle arborescence matricielle de l’agence, qui traduit la diversité de ses missions et la complexité de leur mise en œuvre, c’est à la mise en place de nouvelles méthodes de travail qu’elle s’attelle. Elle a été aidée dans cette démarche par l’enquête de la Cour des comptes sur sa mise en place, dont le rapport a été remis en novembre 2014, et par l’audit de son organisation mené par l’IGAS, qui a rendu son rapport définitif en février 2015. Ces deux rapports, ainsi que celui établi par l’IGAS en février 2007 à la suite de l’enquête relative aux spécialités pharmaceutiques comprenant du valproate de sodium, dressent le constat que le processus de réforme en cours porte ses fruits et doit être poursuivi.

Parallèlement, l’agence doit faire face à l’accroissement constant de ses missions, avec le risque que se crée un effet de ciseau entre celles-ci et les moyens de les assurer. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé y concourt, par exemple avec l’extension du champ des missions de l’agence au logiciel d’aide à la prescription et au logiciel d’aide à la dispensation de médicaments.

Par la nature de ses missions et la portée des décisions qu’elle prend, l’agence est particulièrement exposée. Ainsi, l’accident particulièrement grave survenu lors des essais cliniques menés à Rennes pour le compte de la société portugaise Bial crée une situation exceptionnelle au plan européen et international, qui rend nécessaire de faire toute la lumière sur ses causes.

Dans ce contexte sensible, le maintien de la motivation de tous les agents de l’agence pour continuer à accomplir leur mission tout en faisant évoluer leurs méthodes de travail doit être salué. Le rôle du conseil d’administration de l’agence est particulièrement important. Aux côtés du directeur général chargé de diriger l’établissement, le conseil d’administration est en effet chargé tout à la fois de définir les orientations stratégiques de l’agence, d’adopter le contrat de performances qu’elle signe avec l’État et de décliner ses missions en programmes de travail annuels. Il est également chargé de lui donner les moyens de les accomplir, en adoptant le budget de l’agence, en arrêtant l’organisation générale de celle-ci et en décidant de ses principaux investissements, ainsi que des conditions d’emploi de ses agents. Il est enfin chargé de veiller à la bonne exécution de ses missions. La diversité de son conseil d’administration, qui compte 27 membres, contribue à la bonne réalisation de ses missions.

Le contrat de performances de l’agence pour la période 2015-2018 dégage quatre orientations stratégiques : premièrement, garantir un haut niveau de sécurité sanitaire de tous les produits de santé tout au long de leur cycle de vie ; deuxièmement, favoriser un accès rapide, encadré et large, à l’ensemble des produits de santé ; troisièmement, consolider les liens de l’agence avec les parties prenantes et améliorer leur implication ; quatrièmement, enfin, renforcer l’efficience de l’agence et poursuivre sa modernisation.

Ce sont, de façon plus détaillée, douze objectifs et vingt-deux actions qui ont été définis pour préciser son exécution et permettre son suivi. Je ne vous citerai que six de ces actions afin de vous permettre d’en mesurer la pertinence à l’aune de l’actualité. La première action est de poursuivre les procédures dédiées à la réévaluation de la balance bénéfice-risque des médicaments.

La deuxième action consiste à renforcer le développement de l’épidémiologie des produits de santé.

La cinquième action est de renforcer le positionnement de l’agence dans les instances européennes, afin que la France conserve une présence importante et efficiente dans les travaux et décisions de ces instances que sont l’Agence européenne du médicament, mais aussi le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC), qui est placé auprès de l’Agence européenne du médicament. Il est essentiel que l’ANSM soit un partenaire actif dans les processus de décision européens. Aujourd’hui, relèvent en effet obligatoirement de la procédure européenne d’autorisation de mise sur le marché tous les médicaments innovants, qu’il s’agisse de nouvelles substances actives qui n’étaient pas autorisées en 2004 et qui sont destinées au traitement du sida, du cancer, du diabète, des maladies neurodégénératives, des maladies virales, des médicaments issus de procédés biotechnologiques, ou encore les médicaments de thérapie innovante ou les médicaments orphelins. Les décisions importantes consécutives à la pharmacovigilance sont également prises au niveau européen. Il est donc essentiel que l’agence soit acteur, que ce soit en qualité de rapporteur ou de corapporteur, pour l’instruction de ces dossiers.

La neuvième action retenue dans le cadre du projet stratégique de l’agence consiste à mettre en œuvre le règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain.

Il est prévu par la onzième action de poursuivre l’optimisation du processus d’évaluation des demandes d’autorisation d’essais cliniques.

La dix-huitième action vise à finaliser et mettre en œuvre le schéma directeur des emplois et des compétences centré sur les métiers de l’expertise scientifique afin de renforcer l’expertise interne – tout en établissant un dialogue social de qualité, qui constitue la dix-neuvième action.

En toutes circonstances, le conseil d’administration me semble devoir inscrire ses débats et décisions dans la perspective de la mission première de l’agence, qui est de garantir la sécurité des produits de santé en suivant une double ligne directrice : d’une part, hiérarchiser les objectifs, d’autre part, veiller à garantir une adéquation entre les moyens de l’agence et ses missions.

Si, après mon audition par votre commission, le Président de la République me nomme présidente du conseil d’administration de l’agence, comme il en a manifesté l’intention, je me fixerai pour objectif de permettre au conseil d’administration d’exercer de façon efficace les responsabilités que le texte lui confie. Mettant en pratique les méthodes de délibération collégiale en usage au sein de la juridiction administrative, en faisant application d’un sens développé de l’écoute, je m’emploierai à atteindre cet objectif par la qualité des débats au sein du conseil et de leur préparation, par la fluidité des relations avec la direction générale, par la régularité et l’objectivité des relations avec l’ensemble des parties prenantes
– tutelles, professions de santé, associations de patients et d’usagers, autorités européennes –, sans empiéter pour autant sur les compétences du directeur général.

J’ai conscience que, bien que les fonctions du président du conseil d’administration ne soient pas des fonctions exécutives et qu’elles ne soient pas rémunérées, la tâche qui attend le prochain président du conseil d’administration sera prenante. Dans cette perspective, j’ai d’ores et déjà pris la décision de mettre fin à certaines fonctions annexes à mes fonctions principales d’assesseur à la section du contentieux du Conseil d’État – vous comprendrez néanmoins qu’il me soit impossible de renoncer à cette fonction principale.

Je conclurai mon propos liminaire en insistant sur les valeurs collectives de l’agence, qui me semblent reposer sur un triptyque : un très haut niveau d’expertise et de compétence, une déontologie sans faille au regard des risques de conflits d’intérêts, et une très grande transparence, dans le respect des secrets protégés par la loi.

Le fait que le président du conseil d’administration soit, ès qualités, président du comité de déontologie de l’agence dans sa composition nouvellement définie, concourt à faire du conseil d’administration et de son président un garant de ses valeurs.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous remercie pour cette présentation très complète et je rappelle que vous viendrez en remplacement de Mme Agnès Jeannet, dont le mandat a pris fin en octobre 2015 et qui assure depuis lors l’intérim de ses fonctions – je la salue au nom de notre Commission.

M. Gérard Bapt. Je commencerai par saluer également Mme Jeannet, qui s’est beaucoup investie pour améliorer le climat social au sein de la nouvelle agence qu’était l’ANSM à son arrivée, dans le cadre de la crise du Mediator.

À voir votre parcours, madame de Salins, on se rend compte que vous n’êtes jamais restée éloignée très longtemps des questions de santé, y compris lorsque vous étiez membre de la commission chargée de débattre de l’ouverture des données publiques de santé – l’open data – ou dans la fonction que vous occupez actuellement de présidente suppléante de la Commission d’accès aux documents administratifs. Il ne fait aucun doute que vous possédez les compétences requises pour la fonction à laquelle vous êtes appelée.

Cela dit, il vous faudra bien du courage pour l’assumer dans le contexte actuel. Bernard Bégaud, qui a présidé le comité technique mis en place par l’Agence nationale de sécurité du médicament sur l’affaire de Rennes, affirmait récemment que « six ans après le scandale du Mediator, rien n’a bougé », ce qui montre que beaucoup de travail reste à faire.

Sans doute faudra-t-il réfléchir à une nouvelle modification des structures de l’agence, qui se sont complexifiées sans que cela permette de répondre de manière satisfaisante aux besoins. Je pense au fait qu’elle n’a pris que tardivement la mesure du problème posé par les pilules contraceptives de troisième et quatrième générations, ou à l’affaire du valproate de sodium – la Depakine –, en cours d’instruction, mais où il apparaît d’ores et déjà que des données faisant état de malformations à la naissance, connues depuis 1980 et précisées en 1990, n’ont été portées à la connaissance des patientes qu’en 2015 – les prescripteurs n’ayant été prévenus que quelques années avant –, ce qui semble ahurissant ! Enfin, on ne peut manquer d’évoquer le drame des essais cliniques de Rennes. En tant qu’administrateur, je trouve anormal de découvrir dans la presse des éléments relatifs à cette affaire, qui n’avaient pas été transmis au conseil d’administration. Comme on le voit, des progrès restent à accomplir en matière de réactivité et de transparence.

Par ailleurs, j’estime que l’agence devrait prendre en considération, de concert avec la Haute autorité de santé, les problèmes de suivi des prescriptions. Certes, le médecin dispose d’une liberté de prescription, mais il est tout de même anormal que plus de la moitié des prescriptions de Depakine se fassent hors AMM, pour soigner des troubles bipolaires pour lesquels il n’y a pas d’AMM – le même problème s’était posé pour le Mediator. Il conviendrait donc de renforcer le suivi des prescriptions, afin de pouvoir éventuellement agir en informant les prescripteurs, et ainsi éviter que des erreurs sanitaires ne surviennent.

Je vous assure du soutien des administrateurs députés et vous souhaite bon courage dans les fonctions que vous serez amenée à exercer.

M. Jean-Pierre Door. Chacun se souvient de l’évolution de ce qui est aujourd’hui l’ANSM. L’Agence du médicament a été créée en 1993 suite au drame du sang contaminé, avant d’être remplacée par l’AFSSAPS en 1999, puis par l’actuelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en 2012, suite au rapport sur le Mediator rendu par la mission parlementaire que Gérard Bapt et moi-même présidions, et à la loi de décembre 2011 sur la sécurité sanitaire.

Votre parcours est davantage celui d’une juriste que d’une scientifique, ce qui n’est pas un défaut, mais va nécessiter que vous vous immergiez totalement dans les problématiques de la santé de nos concitoyens, qui soulèvent des questions extrêmement graves et complexes, comme on le voit en ce moment avec la gestion des stocks de vaccins ou l’affaire des essais cliniques de Rennes, dans laquelle il est probable que des fautes ont été commises.

La délivrance des AMM, qui constitue un véritable passeport pour traiter les pathologies actuelles et à venir, est très importante. Dans ce domaine, l’ANSM partage ses attributions avec l’Agence européenne des médicaments, et le partenariat entre les deux agences n’a pas toujours fonctionné de manière satisfaisante : ainsi le Mediator était-il interdit en 1995 dans certains pays européens, tandis qu’il restait autorisé dans d’autres. Comme l’a dit M. Bapt, le suivi des prescriptions doit également être amélioré, comme le prévoyait la loi de 2011.

À mon sens, l’innovation constituera l’une des préoccupations majeures de demain. Elle doit être beaucoup plus active, plus large et plus rapide, car elle constitue la clé de l’obtention de nouveaux moyens de soigner.

Comment envisagez-vous les relations entre l’ANSM et une industrie pharmaceutique souvent considérée avec méfiance ? Selon vous, faut-il brider l’industrie ou avoir avec elle des relations de nature à favoriser le développement de l’innovation et de la recherche ?

Le nombre d’agences de santé est une question qui revient fréquemment dans nos débats. Si au Royaume-Uni, le nombre d’agences s’est réduit d’une trentaine à une dizaine, il semble plus difficile de procéder à un resserrement similaire en France, où une multitude d’agences continuent de coexister, chacune avec des attributions qui lui sont propres : en plus de l’ANSM, je pense notamment à la Haute autorité de santé, à l’Institut de veille sanitaire (INVS), au Comité économique des produits de santé (CEPS) – chargé de fixer le prix des médicaments, tandis que l’ANSM s’attache à déterminer leur intérêt médico-économique –, mais aussi à la Haute autorité de santé, et il faut se demander si une mutualisation de ces agences ne permettrait pas d’obtenir de meilleures performances.

Je conclurai en évoquant la question des experts. Si la transparence est une nécessité absolue, il ne faut pas aller trop loin en voulant mettre en place des experts « asexués », je veux dire occupant des fonctions totalement étrangères au monde de la recherche et des laboratoires – ce qui, à mon sens, nuirait à la qualité de leur expertise.

Je vous souhaite également bon courage dans vos nouvelles fonctions.

Mme la présidente Catherine Lemorton. En réponse à ce que vient de dire M. Door, je rappelle que la loi de 2011 a déjà abouti à la fusion de trois agences sanitaires. Nous allons d’ailleurs auditionner prochainement M. François Bourdillon, appelé à prendre la tête de l’Agence nationale de santé publique, qui regroupera l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), l’INVS et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).

Mme Véronique Massonneau. L’une des missions de l’ANSM est d’assurer la sécurité des patients par le biais des autorisations des médicaments et des produits de santé. Le système actuellement en place n’a pu éviter, le 17 janvier dernier, le décès d’un volontaire sain lors d’essais cliniques pratiqués à Rennes. Alors que le protocole avait été autorisé par l’ANSM, les experts de l’agence estiment que le décès est imputable à la toxicité de la molécule testée, et que les règles semblent avoir été globalement respectées. L’agence que vous vous apprêtez à diriger a pour mission principale d’éviter que ne surviennent de tels drames, et c’est notamment sur le critère de leur réduction significative que votre action sera jugée. Même si vous n'êtes pas encore en poste, pouvez-vous nous faire partager l’analyse que vous faites de la situation et nous exposer les pistes que vous entendez suivre pour renforcer les procédures de contrôle ?

Par ailleurs, ma famille politique a toujours milité pour que les produits cosmétiques, aujourd’hui soumis à un simple contrôle, fassent, au même titre que les médicaments, l’objet d’une autorisation préalable à leur mise sur le marché. Aujourd’hui, il appartient à la personne responsable associée à chaque produit cosmétique de garantir que celui-ci satisfait aux exigences législatives et réglementaires, et qu’il ne présente aucun risque pour la santé. Or, on sait que dans le cadre d’une utilisation quotidienne, ces produits peuvent représenter un danger, étant donné la dose non négligeable de substances toxiques entrant ainsi en contact avec l’organisme. Ne pensez-vous pas qu’ils devraient faire l’objet d’une autorisation systématique de mise sur le marché relevant de la compétence de l’ANSM ?

Mme Dominique Orliac. Depuis bientôt quatre ans, le cahier des charges de l’ANSM s’est considérablement diversifié, dans un contexte de restrictions budgétaires : j’aimerais donc savoir comment vous envisagez la question des ressources humaines et financières de l’agence.

Je souhaite également connaître votre position au sujet des partenariats que l’ANSM sera amenée à poursuivre avec d’autres organismes tels la Haute autorité de santé, le Comité économique des produits de santé ou l’Agence européenne des médicaments. Estimez-vous souhaitable que l’ANSM renforce sa coopération avec ses partenaires, voire opère un regroupement avec certains d’entre eux, dans le souci d’une meilleure efficacité ?

Enfin, la loi de santé de janvier 2016 donne une place plus importante aux usagers dans la défense de leurs intérêts. J’aimerais savoir quelle place vous entendez donner à la parole des usagers, notamment par la présence de leurs représentants au sein du conseil d’administration de l’agence.

Mme Bérengère Poletti. Je veux saluer votre courage et votre engagement, car les problématiques relevant des compétences de l’ANSM sont lourdes et complexes – et, comme on l’a vu par le passé avec les affaires du sang contaminé et du Mediator, nos concitoyens y sont extrêmement sensibles.

Pensez-vous que l’ANSM dispose de moyens lui permettant d’assumer toutes ses missions, notamment celle consistant à prendre en compte et relayer les alertes ?

La ministre de la santé a souhaité engager un débat public au sujet du vaccin, ce qui me paraît justifié compte tenu de la méfiance exprimée par nombre de nos concitoyens à ce sujet. Ayant moi-même alerté l’ANSM au sujet du Meningitec dès le mois d’octobre 2015, je n’ai reçu aucune réponse à ce jour. Si les parlementaires sont très bien placés pour faire remonter les observations et questions qu’ils recueillent auprès de leurs concitoyens, de la même manière, ils sont tout disposés à retransmettre les réponses que les agences de santé sont susceptibles de leur communiquer. Je suis donc très intéressée par toute information ou piste de réflexion dont vous pourriez me faire part au sujet de cette question du vaccin.

M. Michel Liebgott. J’aimerais savoir par quels moyens vous entendez assurer l’indépendance des usagers – susceptibles, eux aussi, d’agir sous l’influence de lobbies.

Par ailleurs, le magazine Que Choisir a récemment publié un article au titre quelque peu provocateur – « Indépendance des experts de la santé : on est loin du compte ! » –, soulignant le fait que les débats du Comité économique des produits de santé, qui fixe le prix des médicaments, ne sont pas publics. Quelle est votre position sur ce point ?

M. Bernard Perrut. Vous avez insisté, dans votre exposé, sur l’importance des missions confiées à l’ANSM – évaluation scientifique et technique, délivrance d’autorisations de mise sur le marché, réévaluation constante des produits, encadrement de la publicité et, d’une manière générale, évaluation du rapport bénéfice-risque des médicaments commercialisés – et des moyens dont elle doit disposer pour les mener à bien. L’émoi suscité par l’accident récemment survenu à Rennes confirme l’importance que nos concitoyens attachent aux questions relatives à la sécurité sanitaire.

Considérez-vous que l’ANSM dispose de suffisamment de moyens pour assurer la surveillance des produits de santé, par la mise en place de dispositifs destinés à recueillir les signalements et les alertes en provenance des patients et des professionnels de santé ? Pour nos concitoyens, il est important d’avoir la certitude, lorsqu’ils prennent un médicament, que celui-ci n’aura pas d’effets indésirables et surtout qu’il n’est pas susceptible de constituer un danger pour eux.

Par ailleurs, comment envisagez-vous de conforter les associations d’usagers dans leur rôle ?

Enfin, comment comptez-vous communiquer avec le public ? Le site Internet de l’ANSM est très bien conçu, mais la richesse de son contenu peut rendre son abord difficile. Pensez-vous qu’il soit possible de le rendre plus lisible, afin qu’il joue encore mieux son rôle consistant à rassurer nos concitoyens ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. En matière de médicaments et de produits de santé, s’il existe de nombreux sites privés au contenu d’origine incertaine, on constate cependant que le référencement du site de l’ANSM s’améliore progressivement – il apparaît même en tête de classement lorsqu’on effectue une recherche sur certaines molécules.

M. Gilles Lurton. Je m’associe aux encouragements qui ont été adressés à Mme de Salins qui, je n’en doute pas, possède toutes les compétences requises pour accomplir la mission qui va lui être confiée.

Élu d’Ille-et-Vilaine, où j’ai longtemps été administrateur du CHU de Rennes, je me suis évidemment intéressé de près à l’accident survenu lors des essais cliniques effectués pour le compte du laboratoire Bial. Si Mme Massonneau a affirmé il y a quelques instants que la procédure de contrôle avait été respectée par l’ANSM, pour ma part, j’ai cru comprendre que l’agence avait reconnu une évaluation insuffisante du médicament, l’ayant conduite à tort à estimer que la sécurité du patient était assurée. Quelle est votre position sur cette affaire, et comment comptez-vous assurer la plus grande transparence sur des affaires de ce type ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. J’ajouterai deux questions avant de vous redonner la parole, madame de Salins.

Premièrement, pensez-vous que, dans le cadre de la procédure par laquelle l’Agence européenne des médicaments confie à un État le soin d’instruire le dossier sur la base duquel sera prise au niveau européen la décision d’autoriser, ou non, la mise sur le marché, la France soit encore bien placée, c’est-à-dire qu’elle figure parmi les pays auxquels il est fréquemment fait appel pour jouer le rôle de rapporteur ou de corapporteur ? Je vous pose cette question parce qu’il me semble que notre pays a eu tendance à perdre du terrain dans ce domaine.

Deuxièmement, si les Français sont assez méfiants à l’égard des vaccins, ils le sont aussi en ce qui concerne les médicaments génériques, souvent fabriqués dans des usines situées dans des pays émergents – notamment la Chine et l’Inde. Je sais que l’agence procède à des contrôles sur les sites de fabrication : selon vous, sont-ils suffisants ou convient-il de les renforcer ? En tout état de cause, comment pourrions-nous rassurer nos concitoyens au sujet des génériques, qui sont précieux en ce qu’ils permettent de bien soigner pour un coût moindre – à condition que toutes les conditions de sécurité soient réunies ?

Mme Catherine de Salins. Je vous remercie pour votre accueil, pour vos encouragements et pour les nombreuses questions que vous m’avez posées, témoignant de l’intérêt que vous portez à l’agence.

Plusieurs questions ont porté sur l’adéquation entre les missions de l’ANSM et les moyens qui lui sont alloués. L’exécution des budgets passés laisse penser que l’agence a, jusqu’à présent, disposé de moyens suffisants. Cela dit, nous devons être vigilants car la subvention versée par l’État a été considérablement réduite et le fonds de roulement de l’agence, qui lui avait initialement permis d’amortir cette baisse, va se trouver intégralement consommé : il importe donc de ne plus réduire le montant de la subvention, d’autant que les missions de l’agence sont de plus en plus nombreuses et font l’objet d’une réorganisation se traduisant, elle aussi, par un coût important. En tant que présidente du conseil d’administration, j’entends porter une attention particulière à ce point.

J’ai pris bonne note des préoccupations exprimées par M. Bapt au sujet des structures de l’agence et la capacité à les faire évoluer, ainsi que sur la bonne information des administrateurs.

Les représentants des associations de patients et d’usagers disposent aujourd’hui de deux sièges au conseil d’administration de l’agence. Les associations peuvent également s’exprimer par le biais des comités de liaison, et participent à certains groupes de travail de l’agence. Pour ce qui est des garanties relatives à l’indépendance des représentants des associations, je précise que ces représentants déposent, comme tous les membres du conseil d’administration, une déclaration publique d’intérêts consultable sur le site de l’ANSM. Par ailleurs, lorsqu’une association d’usagers participe à un groupe de travail ou à une commission de l’agence, c’est non seulement la personne participant aux travaux qui doit déposer une DPI, mais aussi l’association elle-même, ce qui permet notamment de savoir si ses financements proviennent d’une entreprise.

Pour ce qui est des relations entre les associations et les industriels du médicament et des produits de santé, la loi de décembre 2011 a cherché à rompre tout lien pouvant conduire à mettre en doute l’indépendance de l’agence par rapport à ces entreprises. Il me paraît essentiel de rester dans ce schéma, afin que l’agence ne puisse être soupçonnée de prendre une décision dans le but de complaire à tel ou tel laboratoire. Pour autant, cela ne signifie pas que l’agence doive s’interdire toute relation avec les industriels : lorsque ceux-ci veulent déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché, par exemple, ils le font par l’intermédiaire d’un comité de liaison. Il faut en fait trouver le juste équilibre entre l’indépendance et la nécessité de communiquer.

J’ai également été interrogée au sujet de la capacité de l’agence à disposer d’une expertise de qualité. La loi de 2011 a essayé de trouver un équilibre entre la nécessité d’éviter tout conflit d’intérêts, qui rendrait les décisions illégales et amoindrirait la confiance que l’on peut avoir dans l’agence, et la qualité de l’expertise apportée. Il me semble que cet équilibre doit être préservé, et qu’il sera intéressant de procéder prochainement à une évaluation sur ce point. La Cour des comptes a rendu récemment un rapport portant sur le respect des obligations de déclaration d’intérêts, mais il me semble important que la capacité d’expertise de l’ANSM et des autres agences fasse, elle aussi, l’objet d’une évaluation dont le législateur devra éventuellement tirer les conséquences.

Il existe effectivement en France une multitude d’agences compétentes dans le domaine de la santé, dont les missions respectives se recoupent parfois, que ce soit dans le domaine des vaccins, par exemple, ou de l’appréciation de l’apport des médicaments et des produits de santé. L’ANSM est signataire de conventions et veille à intervenir en association avec les autres agences. Pour ce qui est de l’architecture générale, j’y vois une question relevant de la responsabilité du législateur – et n’étant pas encore en poste, je ne m’estime pas en mesure de vous indiquer si un rapprochement avec telle ou telle autre agence est souhaitable.

Madame la présidente, vous m’avez posé une question sur la place de la France au sein de l’Agence européenne des médicaments. Le projet stratégique de l’agence prévoit le renforcement de son rôle : en tant que présidente, je m’efforcerai de faire en sorte que l’ANSM joue un rôle central au sein de l’EMA, car c’est là que se prennent les décisions importantes en matière d’autorisation des nouveaux médicaments – ou de modification d’une AMM, justifiée par les informations recueillies dans le cadre de la pharmacovigilance.

Plusieurs questions ont porté sur les produits cosmétiques. Je ne suis pas en mesure de vous dire si ces produits devraient ou non être soumis à une autorisation de mise sur le marché. Ce qui importe, c’est que l’agence exerce sa mission d’évaluation, de surveillance, de contrôle et d’inspection de ces produits. La presse a rapporté récemment que, dans ce cadre, l’agence avait suspendu la mise sur le marché, la commercialisation et la fabrication de produits provenant d’un site de fabrication d’un laboratoire. Il appartient au législateur de déterminer s’il faut aller plus loin en soumettant les produits cosmétiques à une AMM.

En matière de médicaments génériques, l’agence procède également à des contrôles. C’est de cette manière qu’elle rassure nos concitoyens : en leur montrant que s’il y avait un problème, des mesures seraient immédiatement prises – et que s’il n’y en a pas, c’est que les génériques peuvent être utilisés en toute confiance.

Pour ce qui est des essais cliniques de Rennes, je ne dispose que des informations diffusées dans la presse, qui ne me permettent pas de dire ce qui s’est passé. Cette affaire exceptionnelle doit donner lieu à une analyse très précise du schéma de prise de décision. En ce qui concerne la molécule elle-même, des analyses ont déjà été effectuées par le Comité scientifique temporaire que l’agence a mis en place. Parallèlement, une mission de l’IGAS va rendre prochainement son rapport, et le juge est saisi. La réflexion doit se poursuivre au niveau de l’Agence européenne des médicaments et de nos partenaires européens – puisque les règles de déroulement des essais cliniques sont définies par un règlement européen –, afin que les processus de définition des essais cliniques soient les plus sûrs possibles pour les volontaires, mais aussi pour que les résultats obtenus à l’issue des tests soient concluants et fiables.

Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la publicité des débats au sein du Comité économique des produits de santé. Pour ce qui est de l’agence, elle débat de questions couvertes pour partie par le secret des procédés, ce qui empêche de rendre les débats complètement publics. Cela dit, il est important que, dans le respect des secrets protégés par la loi, l’agence continue à communiquer sur les processus de contrôle auxquels elle a recours et les décisions qu’elle prend, et qu’elle informe ses partenaires, à savoir les professionnels de santé – pharmaciens, médecins – et les usagers de la façon la plus pédagogique possible. La sécurité sanitaire est une mission qui incombe à l’agence, mais qui repose aussi sur une chaîne d’acteurs, à la fois professionnels de santé et patients : pour cette raison, il est important que chacun dispose de la meilleure information possible. L’ANSM a conçu une base de données disponible sur Internet, sur laquelle on peut trouver des informations sur tous les médicaments et qu’elle va continuer à alimenter et actualiser, tout en faisant en sorte qu’elle soit la plus accessible et la plus lisible possible.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je m’étonne que certains experts puissent déclarer que rien n’a changé : peut-être tout n’est-il pas parfait, mais il me semble que si rien n’avait changé, on ne se poserait pas la question du financement de l’agence ou de la ressource humaine en experts, par exemple. Les débats sur la loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ont été l’occasion d’instituer des règles drastiques concernant l’ANSM, notamment celle prévoyant la révision tous les cinq ans de tous les produits de santé en vente sur le territoire.

Madame, je vous remercie d’être venue vous exprimer devant notre Commission. L’accueil que nous vous avons réservé montre que nous sommes favorables à votre nomination, et nous n’hésiterons pas à faire appel à vous lorsque vous serez en fonction afin de bénéficier de votre expertise.

La séance est levée à dix-huit heures dix.

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Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 26 avril 2016 à 17 heures

Présents. – M. Pierre Aylagas, M. Alain Ballay, M. Gérard Bapt, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, M. Gérard Cherpion, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Richard Ferrand, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Catherine Lemorton, Mme Marie-Thérèse Le Roy, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Robert Olive, Mme Dominique Orliac, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Denys Robiliard, M. Christophe Sirugue

Excusés. - M. Stéphane Claireaux, M. Henri Guaino, Mme Chaynesse Khirouni