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Commission des affaires sociales

Mercredi 8 juin 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 58

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition de M. Christophe Sirugue, auteur du rapport « Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune »

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 8 juin 2016

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales procède à l’audition de M. Christophe Sirugue, auteur du rapport « Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commun ».

Mme la présidente Catherine Lemorton. Notre ordre du jour appelle l'audition de M. Christophe Sirugue, que je ne m’attarderai pas à présenter… Je voudrais simplement le remercier de prendre le temps, entre les deux lectures du projet de loi Travail, de nous présenter son rapport sur les minima sociaux.

Je rappelle que, par lettre du 18 octobre 2015, le Premier ministre a confié une mission de réflexion sur les minima sociaux à notre collègue. C’est un paysage complexe pour nos concitoyens, parfois même pour nous parlementaires. Une simplification est certainement souhaitable, car elle permettrait d’améliorer le recours aux droits. Nous savons que certains de nos concitoyens ne touchent pas les minima sociaux auxquels ils ont droit, par méconnaissance. Il était donc grand temps de produire un tel rapport, et M. Sirugue l’a remis au Gouvernement le 18 avril dernier.

M. Christophe Sirugue. Les travaux que j’ai conduits conformément à la lettre de mission du Premier ministre s’inscrivent dans la volonté du Gouvernement de lutter contre la pauvreté et l’exclusion, volonté qui s’est traduite par la mise en place d’un plan pluriannuel. Ce plan de lutte contre la pauvreté a déjà connu plusieurs phases. La première a consisté à augmenter le montant du revenu de solidarité active (RSA) sur plusieurs années, la seconde à remplacer le RSA « activité » et la prime pour l’emploi (PPE) par la prime d’activité.

Dans les conclusions du suivi annuel du plan de lutte contre la pauvreté, les partenaires de ce plan avaient souhaité qu’une réflexion sur l’ensemble des minima sociaux soit menée, puisqu’ils participent en grande partie au système de solidarité existant aujourd’hui dans notre pays. L’idée de fusionner le RSA et l’allocation de solidarité spécifique (ASS) a cours depuis longtemps ; elle avait d’ailleurs été évoquée lors des précédentes mandatures. Il nous est très vite apparu que la simple fusion entre ces deux prestations posait des difficultés et, surtout, qu’elle empêchait d’analyser tous les autres minima sociaux qui participent de notre système de solidarité.

Aujourd’hui, dix minima sociaux existent dans notre pays, qui concernent 4 millions de personnes.

Tout d’abord, le RSA, qui a remplacé en 2008 le revenu minimum d’insertion (RMI) créé en 1988, concerne 2,35 millions de personnes, pour un montant mensuel moyen de 524,68 euros et un budget total de 10,5 milliards d’euros.

L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), qui a succédé au minimum vieillesse créé en 1956, concerne 557 800 bénéficiaires. Son montant s’élève à 801 euros par mois, pour un budget de 2,37 milliards d’euros.

L’allocation de solidarité spécifique (ASS), autrefois appelée allocation de fin de droits, a été créée en 1975. Elle concerne 475 472 personnes, son montant mensuel est de 487,50 euros pour un budget de 2,57 milliards d’euros.

La prime transitoire de solidarité (PTS) a été créée en 2015. Elle s’éteindra rapidement, puisque sa vocation est d’accompagner les personnes qui n’ont pas atteint l’âge légal de départ en retraite, mais qui ont cotisé le nombre de trimestres suffisant. Elle concerne 28 000 personnes, son montant mensuel est de 300 euros et elle peut venir en complément du RSA et de l’ASS. Son budget est de 100,1 millions d’euros.

L’allocation temporaire d’activité (ATA) bénéficie aux personnes en attente de réinsertion, notamment aux détenus sortis de prison. Créée en 2006, elle concerne 10 246 personnes pour un montant mensuel de 343,50 euros, et représente un budget de 41,9 millions d’euros.

L’allocation veuvage, créée en 1980, concerne 7 500 personnes. Son montant mensuel s’élève à 602,73 euros et son budget est de 62 millions d’euros.

Le revenu de solidarité outre-mer (RSO) a été créé en 2000. Il est perçu par 9 842 personnes, sont montant est de 511,71 euros par mois et son budget est de 65 millions d’euros.

L’allocation pour les demandeurs d’asile (ADA) a été créée en 2015. Elle concerne 85 299 personnes, son montant est de 204 euros par mois, et le budget qui lui est consacré est de 20 millions d’euros.

Les deux dernières allocations ont trait au handicap. L’allocation aux adultes handicapés (AAH), créée en 1975, concerne 1,2 million de personnes, pour un montant mensuel de 808,46 euros et un budget annuel de 8,2 milliards d’euros. Quant à l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), crée en 1957, elle concerne 81 100 personnes, pour un montant mensuel de 404,17 euros et un budget annuel de 239 millions d’euros.

Cette énumération permet de constater la juxtaposition de ces dispositifs, que l’État a créés pour répondre à des situations spécifiques, et qui fonctionnent selon un principe de statut : c’est le fait d’avoir un statut donné qui ouvre droit à telle ou telle prestation.

Le développement de ces outils ne s’est pas fait de manière cohérente, puisqu’ils ont été instaurés au fil du temps. Ils sont donc facteurs d’inéquités extrêmement importantes, tenant aux ressources de référence, à la nature forfaitaire ou différentielle des allocations, aux critères d’âge retenus, aux exonérations fiscales éventuelles et, surtout, aux droits connexes attachés à certains d’entre eux, parfois à l’initiative des collectivités locales.

Nous avons également constaté qu’il existait des difficultés d’accès à ces prestations, parfois en raison de la complexité des dispositifs, mais aussi du fait de la connotation attachée à certains d’entre eux. Personne ne vous reprochera jamais de toucher l’AAH ou l’ASPA, mais on entend parfois dans le débat public des remarques plus critiques à l’égard des bénéficiaires d’autres dispositifs – je pense notamment au RSA. Or tous ces dispositifs ont la même vocation de solidarité.

La commande du Gouvernement avait trois objectifs et était assortie de deux recommandations. Le premier objectif était d’améliorer le recours aux droits. Le deuxième était de simplification, afin que les allocataires comme les travailleurs sociaux puissent comprendre ces dispositifs et leur mécanique. Le troisième objectif était de rétablir une forme d’équité, puisque de nombreuses injustices existent.

Quant aux recommandations, la première était d’évaluer l’impact des mesures proposées sur les opérateurs. Je rappelle que, lorsque nous avons mis en place la prime d’activité, nous l’avons confiée aux caisses d’allocations familiales (CAF). Réfléchir à la manière de mettre ces dispositifs en place dans un délai donné sans perturber le fonctionnement des opérateurs est extrêmement important. La deuxième recommandation était de procéder à l’évaluation financière des dispositifs proposés.

Le groupe de travail que j’ai animé était composé de représentants du monde associatif, des partenaires sociaux, des opérateurs, des administrations concernées et des collectivités territoriales. Il a conclu que trois pistes pouvaient être explorées.

La première piste ne remet pas en cause les statuts sur lesquels ont été fondés les minima sociaux et maintient les dix prestations existantes, mais elle tend à faire évoluer les paramètres.

La deuxième piste, qui était suggérée par la Cour des comptes, consiste à regrouper les minima sociaux par pôles.

Enfin, la troisième piste explorée par le groupe de travail conduit à abandonner la logique de statut pour créer un dispositif de droit commun, ce qui impose de réviser l’ensemble du système.

Pour comprendre les enjeux du premier scénario, dit « paramétrique », il faut garder à l’esprit la disparité des critères d’attribution des différentes prestations.

Tout d’abord, les « bases ressources » ne sont pas les mêmes : parfois on retient les ressources de l’année « n – 2 », parfois celles des trois mois précédents, parfois celles du mois précédent. Selon la prestation que vous percevez, la base ressources retenue est donc extrêmement fluctuante.

Autre paramètre : l’âge. On comprend aisément que le minimum vieillesse soit attribué sous condition d’âge, mais d’autres sont ouverts à 25 ou 18 ans sans que l’on puisse justifier cette différence autrement que par une appréciation politique ou morale.

La prise en compte de la situation familiale varie aussi selon les différents cas. Certains minima sociaux ne prennent pas en compte la présence de personnes vivant avec vous, d’autres sont réduits si vous vivez en couple ou que plusieurs personnes composent le ménage.

Si l’on souhaite faciliter le recours aux droits, simplifier le système et le rendre plus juste sans supprimer aucun de ces dix minima sociaux, il faut jouer sur ces paramètres.

Nous avons tout d’abord préconisé de renforcer l’« effet figé » des prestations, à l’instar de ce que nous avons déjà fait pour la prime d’activité. Sur une période donnée – le trimestre –, les allocations versées doivent être définitives. Peu importe qu’il y ait des trop-perçus au cours de ces trois mois : si nous voulons que les personnes qui bénéficient de ces dispositifs, qui ont, par définition, des ressources extrêmement précaires, aient une vision claire de ce qu’elles vont percevoir, il ne faut pas que l’on puisse leur demander de reverser des sommes le trimestre suivant. L’effet figé est un élément essentiel, impératif, de notre approche.

Nous estimons également que la période de référence doit être la même pour tout le monde. Dès lors que nous préconisons un effet figé sur trois mois, cette période de référence doit être le trimestre précédent. Nous préconisons donc d’abandonner la référence à l’année « n – 2 », qui pose de vrais problèmes aux personnes en situation précaire.

Nous avons aussi travaillé sur la simplification, notamment en matière de handicap. La secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion en a d’ailleurs parlé la semaine dernière, lors des questions au Gouvernement. Nous proposons ainsi que les personnes souffrant d’un handicap de naissance, ou irréversible, ne soient pas obligées de revenir devant une commission tous les cinq ou dix ans, alors qu’aucune évolution favorable n’est à attendre. Cette complication administrative est en effet une source d’angoisse pour les personnes qui y sont soumises.

De telles mesures répondent à l’objectif de simplification et en partie à celui d’équité, mais elles n’améliorent pas, à elles seules, le recours aux droits. Si les simulateurs en ligne, qui permettent à chacun de savoir s’il a droit à telle ou telle allocation, doivent être développés, il ne faut pas oublier qu’une partie de la population n’a pas accès à internet. Les simulateurs en ligne ne sauraient donc se substituer totalement à la relation humaine que les CAF assurent excellemment aujourd’hui, notamment en prévoyant des modalités d’accueil délocalisées lorsque des coopérations s’établissent avec les collectivités locales.

Le deuxième scénario que j’ai mentionné consiste à créer cinq pôles en remplacement des dix minima sociaux actuellement existants. Dans ce deuxième scénario, les simplifications proposées dans le premier scénario peuvent également trouver à s’appliquer.

Le pôle « vieillesse » est assez simple à définir. On y trouverait l’ASPA, ancien minimum vieillesse, qui fonctionne aujourd’hui de manière satisfaisante.

Un deuxième pôle rassemblerait les prestations qui concernent le handicap, c’est-à-dire l’AAH et l’ASI. Ce rapprochement prendrait un peu de temps, car il est préalablement nécessaire d’harmoniser ces deux prestations, qui ne sont pas définies dans les mêmes conditions : l’une requiert l’avis d’un médecin, l’autre celui d’une équipe pluridisciplinaire ; certains aspects relèvent de la Sécurité sociale, d’autres des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). C’est donc une piste intéressante, mais qui n’est pas simple à suivre.

L’ADA constituerait à elle seule un troisième pôle.

Il existe une demande assez forte, déjà émise lorsque Martin Hirsch était haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, pour fusionner le RSA et l’ASS. Notre rapport souligne le risque extrêmement grave que cette mesure ferait courir aux bénéficiaires de ces dispositifs. Le nombre de perdants serait en effet considérable, notamment parmi les bénéficiaires de l’ASS. Qui plus est, cette prestation correspond à des droits acquis par ses bénéficiaires au cours de leur parcours professionnel et emporte validation de trimestres de retraite, ce qui n’est pas le cas du RSA ni des autres minima sociaux, non contributifs.

Je plaide pour une réforme de l’ASS qui ne fusionnerait ni ne supprimerait celle-ci, mais ferait d’elle le quatrième pôle. Il existe toutefois de nombreuses difficultés : un nombre non négligeable de personnes perçoit l’ASS depuis plus de dix ans, et nous n’osons pas dire qu’il s’agit en fait d’un outil permettant d’atteindre l’âge de la retraite. Je plaide pour que la durée de l’ASS soit limitée à deux ans, mais que les moyens du service public de l’emploi pour accompagner les bénéficiaires de cette allocation soient puissamment renforcés. Une telle mesure soulève cependant des questions : l’ASS est un droit que ses bénéficiaires ont acquis au cours de leur parcours professionnel.

Le cinquième et dernier pôle serait constitué d’un RSA renforcé, puisque tous les autres minima sociaux que je n’ai pas mentionnés en décrivant les quatre premiers pôles y seraient intégrés : ils participent en effet des mêmes logiques et le nombre de leurs bénéficiaires n’est pas considérable.

Nous aurions ainsi cinq pôles, qui ne seraient toutefois pas découpés exactement comme le préconise la Cour des comptes.

C’est toutefois le troisième scénario, dit « systémique », qui a ma préférence. Je plaide pour que nous traitions la question des bénéficiaires des minima sociaux non plus en se fondant sur leur statut, mais par un dispositif de droit commun.

L’évolution de notre société est telle que personne, aujourd’hui, n’est assuré qu’il ne sera pas confronté à un accident de la vie, même s’il a une bonne situation à un instant donné. Ces accidents peuvent être de nature professionnelle, comme la perte d’un emploi ; familiale, comme un divorce aux incidences potentiellement très lourdes sur le niveau de vie de personnes dont le conjoint avait des ressources importantes ; ou encore liés à des phénomènes personnels – burn-out ou autres. Nous ne pouvons ignorer ces ruptures, et c’est pourquoi je plaide pour que nous cessions d’aborder la question sous l’angle du statut des personnes. Une société moderne doit prévoir un outil et un système de solidarité de droit commun pour tous.

Je propose donc un socle universel, accessible dès 18 ans, d’un montant de 400 euros mensuels, et que deux « compléments de parcours » viendraient abonder. Le premier bénéficierait aux personnes qui ne peuvent pas travailler – je pense aux personnes âgées et aux handicapés inaptes au travail. Ce complément, dit « de soutien » serait d’un montant légèrement supérieur à 400 euros, ce qui porterait le total au niveau de l’AAH ou de l’ASPA, de sorte que les bénéficiaires de ces deux allocations ne subiraient pas de pertes. Le second complément, dit « d’insertion », serait d’un montant de 100 euros, ce qui ferait passer le montant total de l’allocation à 500 euros par mois, soit plus que le montant actuel du RSA, aujourd’hui ramené dans les faits à 470 euros par la déduction du forfait logement.

Je plaide par ailleurs pour que les systèmes ne soient pas familialisés, mais individualisés. Actuellement, un couple dont les deux membres sont au RSA ne touche pas deux fois le montant de celui-ci, mais un forfait. Dans le dispositif que je suggère, c’est la personne qui est prise en compte, et il n’y a donc pas de raison de réduire les montants.

J’ai aussi souhaité que soit soulevée, dans le cadre de ce dispositif, la question des 18-25 ans, et qu’elle le soit en faisant abstraction des aspects idéologiques. Depuis la mise en place du RMI, en 1988, ce débat est en effet récurrent. Au nom d’une logique selon laquelle on ne peut pas faire démarrer les jeunes dans la vie active avec un minimum social, le bénéfice du RMI ne leur a pas été ouvert à l’époque. Lors de la mise en place du RSA, j’étais déjà député et porte-parole de mon groupe sur ce sujet. Nous avions débattu de l’opportunité d’un RSA pour les jeunes, et il avait été tranché par l’arbitrage le plus indécent qui soit : il a été décidé qu’il fallait aider les jeunes, mais selon des critères si restrictifs que seuls 8 000 d’entre eux bénéficient du RSA-jeunes. Ces critères ont été choisis à dessein, les débats de l’époque en témoignent.

La logique qui prévaut aujourd’hui suppose que le jeune doit se débrouiller tout seul ou bénéficier de la solidarité familiale, mais cette solidarité familiale est devenue beaucoup plus problématique qu'elle ne l’a jamais été. Elle est déjà sollicitée par les ascendants, touchés par la dépendance, et par les enfants lorsqu’ils sont en situation de précarité et qu’ils n’ont pas de ressources. Je rappelle en effet qu’avant l’âge de 25 ans aucune prestation n’est offerte hors des processus d’insertion, et que ces places ne sont pas ouvertes à tous. Nous devons donc nous interroger sérieusement sur l’éventualité d’ouvrir ces dispositifs aux 18-25 ans.

Certains affirment que cela ne les inciterait pas à entrer dans la vie active. Si c’était vrai, si le RSA incitait vraiment les jeunes à ne pas travailler, on le constaterait au moment où ils atteignent 25 ans. Or toutes les études – elles sont adjointes à mon rapport – montrent qu’il n’en est rien. Aucune rupture n’apparaît à l’âge de 25 ans. Il faut être conscient de ce que signifie vivre avec 500 euros par mois : je ne pense pas que ce soit un modèle ni une ambition pour qui que ce soit.

Je plaide donc pour que nous considérions qu’attribuer ces minima sociaux à la tranche d’âge des 18-25 ans est un investissement. Si ces jeunes sont accompagnés – je reviendrai sur la question des politiques d’insertion –, ils seront dans de meilleures conditions pour entrer dans la vie active. C’est l’ambition que nous devons avoir.

Je n’ai pas souhaité limiter mon rapport aux trois scénarios que je viens de vous exposer, et mon propos n’est pas non plus de banaliser les minima sociaux. Hormis en ce qui concerne l’ASPA et l’AAH, notre objectif doit être de faire sortir les gens de ces dispositifs. Et, pour ce faire, nous devons nous interroger sur l’efficacité des politiques d’insertion dans notre pays.

Mon rapport est très clair sur ce point : les politiques d’insertion sont aujourd’hui sinistrées. On peut en comprendre la raison : elles sont essentiellement menées par les conseils départementaux, qui sont confrontés à des difficultés financières réelles. Mais je ne suis pas sûr que cet aspect suffise à expliquer l’effondrement des politiques d’insertion. J’ai été président de conseil général, j’ai présidé la commission « insertion » de l’Assemblée des départements de France (ADF) de 2004 à 2008, au moment du transfert du RMI aux départements, et je le dis clairement : il n’y a plus d’innovation sociale dans les politiques d’insertion. Dans le meilleur des cas, les départements soutiennent ce qui existe, mais les subventions attribuées diminuent de manière substantielle. L’innovation sociale est aujourd’hui en panne : il n’y a ni ingénierie, ni dimension collective.

Deux chiffres intéressants illustrent mon propos. Avant que la loi ne supprime cette obligation, 20 %, puis 17 %, des ressources totales consacrées par les départements aux politiques d’insertion – allocations et outils d’insertion – devaient l’être au financement d’outils et d’acteurs d’insertion. Contre l’avis de beaucoup, Martin Hirsch a proposé de supprimer cette référence, si bien que la proportion est tombée à 8 %. Il ne faut donc pas s’étonner que nous ayons aussi peu de moyens. Les ressources sont certes limitées, mais le choix a été fait de réduire de manière drastique les moyens consacrés aux politiques d’insertion. On dit aux gens qu’ils doivent s’insérer, mais les crédits d’insertion se sont effondrés, les chiffres le prouvent de manière très précise.

Je plaide pour que, à l’issue du dialogue entre l’ADF, que j’ai auditionnée, et le Gouvernement, le RSA soit recentralisé, sans quoi nous allons voir se multiplier des dispositifs absurdes, à l’image de celui suggéré par le Haut-Rhin, où l’on souhaite obliger les bénéficiaires du RSA à participer à des actions de bénévolat dont on sait très bien qu’on ne pourra pas les mettre en place, ou de ce que j’ai pu voir dans les Alpes-Maritimes, ou encore de ces propositions tendant à vérifier les comptes bancaires des allocataires – toutes initiatives particulièrement accusatoires ou discriminantes, alors que ce dont nous avons besoin, c’est d’accompagnement.

Il est vrai que la charge financière est lourde pour les départements, et nous devons en tenir compte. C’est pourquoi je plaide pour une recentralisation non à 100 %, mais à 80 %, laissant aux départements le financement du complément d’insertion. Ainsi, un dialogue incitatif pourra exister entre les départements et l’État sur ces politiques.

Au sein de l’ADF, trois positions se font jour. Certains disent qu’il ne faut surtout pas recentraliser, car cela affaiblirait les départements et donnerait à penser qu’ils sont voués à disparaître. D’autres disent qu’il ne faut surtout rien reprendre aux départements, car ils veulent gérer eux-mêmes les politiques d’insertion en imposant leurs options. Certains, enfin, pensent qu’il faut en effet trouver une voie intermédiaire et avancer sur ces questions.

S’agissant des politiques d’insertion, je ne voudrais toutefois pas limiter mon propos aux conseils départementaux. Il faut également parler du service public de l’emploi, dont le pilotage au niveau territorial est actuellement défaillant. Ce n’est pas forcément un problème de moyens : si l’on fait la somme, sur un territoire donné, des moyens dont disposent les maisons de l’emploi, Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi et tous les dispositifs locaux, il apparaît que le problème est surtout celui du pilotage. Pendant longtemps, celui-ci a été mené par les sous-préfets. Or, à la suite de la révision générale des politiques publiques (RGPP), les ressources à la disposition des services de l’État ont été fortement réduites : soit il y a un sous-préfet motivé, et les choses avancent ; soit la motivation est moindre, et les avancées sont plus timides.

La question se pose donc de savoir si l’État doit encore être pilote du service public de l’emploi au niveau territorial ou si ce sont les collectivités qui doivent s’en charger – mais lesquelles ? Ce pourrait être les régions, auxquelles nous avons déjà transféré les compétences économiques, mais les départements font valoir qu’il s’agit d’insertion et qu’il ne saurait en être dessaisis. Le législateur ne fera pas l’économie d’une réflexion et d’une décision en la matière, car on ne peut pas traiter la question de l’insertion sans la relier à celle de l’emploi et des formations.

Je conclurai en évoquant les incidences financières de mes propositions. Les deux premiers scénarios ont un impact financier limité. Le troisième scénario, dès lors que l’on étendrait le bénéfice des prestations aux 18-25 ans et que l’on revaloriserait les minima sociaux, aurait un coût que j’ai estimé aux alentours de 3,5 milliards d’euros. Il faut cependant rapporter cette somme à l’ensemble de l’enveloppe, qui est aujourd’hui de 25 milliards d’euros. L’effort demandé est donc d’à peu près 13 %. Je considère, pour ma part, qu’il s’agit d’un investissement et qu’il faut cesser d’avoir une vision misérabiliste des minima sociaux, au profit d’une double ambition de protection à l’égard de ceux qui ne peuvent pas travailler
– les handicapés et les personnes âgées – et de solidarité dynamique à l’égard de ceux qui sont aujourd’hui en situation d’exclusion. Ces 3,5 milliards d’euros, par ailleurs, ne représenteraient pas une perte sèche, car verser une allocation aux 18-25 ans aura une incidence sur les ressources des parents lorsqu’ils sont encore rattachés à leur foyer fiscal. Et quand bien même le coût net pour les finances publiques s’établirait à 3,5 milliards d’euros, je pense que cette dépense peut être assumée.

Le calendrier dépend maintenant du Gouvernement. Le Premier ministre a exprimé le souhait de s’engager vers le troisième scénario et de le réaliser dans un délai de deux ans, tout en mettant en place dès le 1er janvier 2017 des éléments de simplification inspirés du premier scénario.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur le rapporteur, vous avez raison d’insister sur la nécessité de mettre en place des dispositifs d’insertion efficaces. La Garantie Jeunes en est un : selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE), 60 % des jeunes qui passent par ce dispositif sont dans un parcours d’insertion ou de formation au bout d’un an. Il faut donc aider les jeunes de 18 à 25 ans, car plus on les laissera en errance, plus il sera difficile après leurs 25 ans de les ramener, voire de les amener, vers un lieu de formation ou d’insertion.

En tout cas, merci pour votre rapport qui ouvre des pistes de travail très intéressantes.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER), je félicite notre rapporteur pour ce travail important.

Notre pays compte dix minima sociaux ; or, ces dispositifs qui se sont empilés au fil du temps ne répondent plus aux objectifs de l’accompagnement des parcours de vie des personnes et stigmatisent les populations en les classant par catégorie.

Aujourd’hui, il faut simplifier le système tout en améliorant l’accès aux droits. Je salue la cohérence de l’exposé du rapporteur en faveur d’un dispositif de droit commun, qui permettra d’éviter la stigmatisation des personnes et d’apporter un accompagnement de qualité. D’où la proposition d’une couverture socle commune – qui pourrait à terme devenir un revenu universel. Pour les personnes en situation de handicap, le montant de l’allocation pourrait atteindre 400 euros, auquel s’ajouterait un complément de 400 euros, soit un total équivalent au montant actuel de l’AAH. Monsieur le rapporteur, les autres allocations complémentaires, comme la majoration pour vie autonome (MVA), seront-elles maintenues ?

D’autre part, les personnes bénéficiaires des minima sociaux sont régulièrement confrontées à des indus liés aux déclarations trimestrielles auprès des caisses d’allocations familiales. Il y a souvent un décalage entre la liquidation et le calcul effectif de la prestation, engendrant des indus qui sont retenus sur les prestations futures. Cette situation renforce la précarité des personnes en situation de vulnérabilité financière. Quel dispositif permettrait d’éviter un tel décalage ?

Par ailleurs, est-il possible d’imaginer une règle contraignante qui permette d’éviter une rupture des droits, en interdisant l’arrêt des versements d’une prestation par un organisme tant que celui qui lui succède n’a pas effectivement mis en place le versement des nouvelles allocations auquel le bénéficiaire peut prétendre ? Nous assistons à une précarisation et à une exclusion de nombreux publics en décrochage vis-à-vis des institutions et des structures d’accompagnement dans les départements. Comment améliorer ces situations ?

Les propositions de ce rapport vont dans le sens de la sécurisation de l’accès aux droits, et notre groupe est favorable au scénario 3. Dans quel délai le nouveau dispositif pourrait-il être mis en place ?

Mme Isabelle Le Callennec. À mon tour, je félicite le rapporteur pour le travail réalisé.

Dépensant quelque 25 milliards d’euros pour lutter contre la pauvreté, notre pays verse dix minima sociaux – auxquels on pourrait ajouter la trentaine de prestations versées entre la naissance et la fin de vie – dont bénéficient plus de 4 millions d’allocataires. Dans un référé de septembre 2015 sur les minima sociaux, la Cour des comptes dresse le constat douloureux que « les minima sociaux réduisent le taux de pauvreté, [mais] ne permettent pas aux allocataires de sortir de la situation de pauvreté, [malgré] une progression de près de 30 % de la dépense de 2008 à 2014 ». Pour simplifier le système, elle préconise le regroupement des minima sociaux autour de trois grandes allocations – RSA, AAH et ASPA –, autrement dit, autour de trois pôles : solidarité-insertion, handicap, vieillesse.

« La diversité des règles applicables aux allocataires, le manque d’équité global du système et sa complexité d’ensemble », comme vous l’écrivez dans votre rapport, monsieur le rapporteur, nécessitent que la représentation nationale se penche sur les évolutions souhaitables, d’autant que 25 % de nos compatriotes expriment la crainte de basculer dans la pauvreté dans les prochaines années.

Vous exposez trois scénarios de réforme. Le premier vise à mettre en œuvre, dès le 1er janvier 2017, douze mesures de simplification de l’architecture des minima sociaux. Le deuxième vise à diviser par deux le nombre de dispositifs existants à l’horizon 2020. Le troisième, dont vous recommandez la mise en œuvre et que le Premier ministre a commenté, consiste à créer une couverture socle commune pour remplacer les dix minima sociaux actuels. Le complément d’insertion du troisième scénario devrait être financé par les départements, dont chacun connaît la situation financière actuelle. Avez-vous mesuré l’impact en termes financiers et organisationnels de ces trois scénarios, non seulement pour l’État mais aussi pour chacune des institutions qui gèrent ces minima sociaux ?

Lors de la présentation de votre rapport au Premier ministre, les commentateurs ont surtout retenu votre proposition de créer un « RSA jeunes ». Le groupe Les Républicains est opposé à une telle mesure : nous souhaitons que les jeunes se voient offrir de meilleures perspectives qu’un minimum social pour démarrer dans la vie. L’ouverture du dispositif aux jeunes ouvrirait considérablement le champ des ayants droit – le chiffre de 5 millions de potentiels nouveaux bénéficiaires a été avancé. Vous évoquez un montant de 3,5 à 5 milliards d’euros : où trouverez-vous les économies pour mettre place ce dispositif ? Les ministères du budget, des affaires sociales et des collectivités territoriales ont-ils évalué l’impact financier d’une telle mesure ?

Au-delà de la question de son coût, cette mesure est-elle pertinente ? Sans entrer dans le débat sur l’assistanat, ne faut-il pas plutôt insister sur la réforme de l’orientation et de la formation professionnelle, privilégier l’alternance qui conduit à un emploi, et prévoir un soutien financier aux seuls jeunes qui en ont vraiment besoin ? Pour présider un fonds d’aide aux jeunes dans le département d’Ille-et-Vilaine, je vois des jeunes plongés dans la détresse en raison de l’absence de solidarité familiale. Néanmoins, la généralisation de la Garantie Jeunes ne serait pas un bon signal envoyé aux jeunes, qui souhaitent d’abord s’insérer professionnellement. Nous devons donc tout mettre en œuvre pour leur procurer un emploi.

Votre rapport a relancé le débat sur le revenu universel. Il faudrait s’entendre sur les mots. Je dis oui lorsqu’il s’agit de faire plus efficace, plus lisible, dans le respect des deniers publics. Mais je dis non à des débats sans fin sur des concepts inadaptés à notre pays et dont la concrétisation se révélerait coûteuse pour les finances publiques – un chiffre de 8 milliards d’euros est avancé. Le revenu universel fera l’objet d’innombrables publications et autres colloques, et des candidats à l’élection présidentielle ne manqueront pas de se saisir de cette opportunité pour faire des propositions aux Français. En tout cas, votre rapport fournit quelques éléments sur le sujet, en citant des exemples d’expérimentation dans d’autres pays.

En conclusion, je réitère mes remerciements sincères pour ce travail de fond réalisé avec le concours d’un inspecteur de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et d’un administrateur de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Nous disposons là d’un outil d’aide à la décision, mais le troisième scénario n’aura pas forcément la préférence de mon groupe. En tant que membre du Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE), je pense que les recommandations de la Cour des comptes sont plus réalistes à ce stade. En tout état de cause, nous débattrons entre nous et avec les Français sur ce que doit être dans notre pays une vraie justice sociale.

M. Arnaud Richard. Je remercie et félicite notre collègue Christophe Sirugue pour la qualité de son rapport. Cet exercice présente le double intérêt de clarifier les enjeux et de formuler des propositions plus ou moins ambitieuses. Le temps presse : la balle est dans le camp du Gouvernement pour trancher entre les différents scénarios, sachant qu’il s’est engagé à effectuer cette simplification d’ici à 2017.

Le groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) souscrit totalement à la conclusion du rapporteur selon laquelle notre système de minima sociaux est à bout de souffle. Face à la multiplication des accidents de la vie, ce système ne permet plus de protéger les personnes les plus faibles et crée un sentiment d’injustice dans notre pays au regard des disparités considérables qu’il présente, tant en matière de périmètre, de modalités, de coût et de fonctionnement. La méthode révolutionnaire que nous propose le rapporteur, le remplacement de dix prestations par une couverture socle unique, devra passer par l’expérimentation. Dans un rapport de 2005, Valérie Létard avait elle-même évoqué la fusion de certains minima sociaux.

Par l’intermédiaire d’Yves Jégo notamment, le groupe UDI propose depuis longtemps la création d’une allocation unique, modulable, plafonnée et contrôlée. Cette mesure de bon sens au service des plus démunis permettrait de placer chaque bénéficiaire sur un pied d’égalité, tout en respectant les situations particulières. Le regroupement des différentes allocations permettrait d’économiser les coûts liés à la gestion des nombreuses prestations auxquelles nos concitoyens ont droit tout au long de leur vie, ce qui participerait d’une meilleure transparence des comptes publics.

Notre seule réserve porterait sur le montant de l’allocation mise en place. Elle ne devrait pas décourager les bénéficiaires de travailler, ce qui pourrait être le cas si elle était trop élevée. L’objectif est de mieux concilier équité et reprise d’activité. Le travail est une activité nécessaire à la société, un lien social fort ; il finance les prestations sociales via les taxes et cotisations sur les salaires.

Les discussions sur l’allocution unique – ou revenu universel – se multiplient. Une mission d’information sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France est en cours au Sénat. Une réflexion européenne devrait être menée sur ce sujet, d’autant que la Suisse, la Finlande, les Pays-Bas s’en sont saisis.

En résumé, c’est l’ensemble de notre système de protection sociale qu’il faudrait remettre à plat, en commençant par les retraites. Nous ne pouvons pas nous permettre de retarder ce chantier. Ce rapport apporte à cette majorité, et sans doute à la prochaine, les solutions à mettre en œuvre.

Mme Sylviane Bulteau. À mon tour, je félicite le rapporteur pour son travail, réalisé dans la concertation, notamment avec les associations.

Le troisième scénario recueille également ma préférence. Dire aux Français que les minima sociaux sont pris en charge par la Nation signifie que nous privilégions les valeurs d’égalité, de solidarité, de fraternité, et que nous ne validons pas le discours extrême selon lequel « l’assistanat est le cancer de la société ». J’espère que l’on n’entendra plus ce discours choquant et que les Français comprendront que tout peut basculer dans une vie à cause de la maladie, de la perte d’un être cher, du chômage. Du reste, nous rencontrons tous dans nos permanences des populations en difficulté.

Le rapporteur l’a souligné : les départements négligent de plus en plus le volet de l’insertion sociale et professionnelle en raison, certes, des difficultés financières auxquels ils sont confrontés, mais aussi des choix politiques qu’ils opèrent. Si le troisième scénario était mis en place, il faudrait repenser la façon dont l’État peut encourager l’innovation sociale et les politiques d’insertion. Le financement de certains minima sociaux doit avoir comme contrepartie l’insertion des personnes, je pense notamment aux jeunes de 18 à 25 ans dans le cas où les minima sociaux leur seraient étendus. Je pense enfin que l’accompagnement est également important pour toutes les personnes qui sont frappées par le handicap ou le chômage.

M. Bernard Perrut. Plus de 4 millions de personnes bénéficient des minima sociaux en France, qui se caractérisent par leur complexité et la diversité des règles applicables. La France a su se doter d’un système de solidarité ambitieux, à même de répondre à des situations individuelles de plus en plus complexes. Mais le bilan interroge : la pauvreté progresse, la fracture sociale s’accroît, tout comme la fracture territoriale et culturelle, alors que notre pays consacre 34 % de son produit intérieur brut (PIB) aux dépenses sociales, l’un des taux les plus élevés au monde. Les allocataires des minima sociaux sont confrontés à des différences de traitement considérables, les montants servis varient en fonction du dispositif retenu, la prise en compte des ressources est hétérogène. Bref, le système ne donne pas satisfaction et impose une réforme profonde.

Le besoin d’un traitement équitable sur le territoire est immense. Je pense en particulier aux personnes en situation de handicap, mais aussi aux bénéficiaires du RSA, revenu minimal dont le financement exige de nouveaux fondements entre l’État et les départements, si l’on veut que le dispositif soit utile.

J’évoquerai également, comme vous l’avez fait, monsieur le rapporteur, les politiques d’insertion dont l’échec est patent : nos jeunes sont victimes d’exclusion, ils sont frappés par le chômage, de plus en plus de familles sont dans la précarité. Mais si les Français les plus fragiles et les plus modestes doivent être aidés par un juste effort de solidarité nationale, il importe aussi de toujours faire en sorte que les revenus du travail soient supérieurs à ceux de l’assistance pour favoriser le retour à l’emploi. L’assistance est un droit, mais l’assistanat peut être un piège.

Depuis les années 1980, la courbe déclinante de notre productivité croise celle toujours ascendante de nos dépenses sociales. Le meilleur moyen de lutter contre les inégalités et la pauvreté est de soutenir la croissance, ce qui suppose une véritable politique économique permettant d’accompagner les Françaises et les Français. À mon sens, la solidarité consiste à garantir à chacun son autonomie, sa dignité, sa capacité à être responsable. C’est dire l’importance des réformes que nous devons engager tous ensemble.

M. Michel Liebgott. Je me félicite que le Premier ministre Manuel Valls ait commandé ce rapport et que notre collègue du groupe Socialiste, écologiste et républicain défende ces propositions – c’est une fierté, d’autres ne l’ont pas fait. Je signale néanmoins que Frédéric Lefebvre, député du groupe Les Républicains, a déclaré que la mise en œuvre d’un revenu universel serait la preuve d’un « pays ouvert et conquérant » et permettrait de « sortir de la paperasse qui empêche ceux qui en ont le plus besoin de toucher le RSA ». Il n’y a pas que ceux qui abusent du système : il y a aussi des gens qui n’y accèdent jamais, faute de connaître les procédures – le non-recours est une question importante que nous devons traiter. Du reste, je note dans le propos d’Arnaud Richard la possibilité d’une ouverture ; il a évoqué plusieurs pays, auxquels on pourrait ajouter le Québec et l’Ontario. Il ne s’agit donc pas d’un sujet franco-français, mais d’un sujet européen, voire mondial.

Le montant est un point qui fait débat. Mais les 400 euros auxquels s’ajoute un complément de 100 ou de 400 euros constituent une bonne réponse.

Le processus de décision est également un point central. Qui pourrait décider, compte tenu de la multiplicité des décideurs actuellement ?

Enfin, j’insisterai sur les politiques d’insertion. En la matière, quels seront les interlocuteurs des bénéficiaires ? Sur le terrain, les problèmes sont importants. Dans ma communauté d’agglomération, qui compte 70 000 habitants, 21 000 salariés et 8 000 demandeurs d’emploi, les entreprises cherchent à recruter, mais ne trouvent pas de candidats.

M. Dominique Dord. Merci, monsieur le rapporteur, de ce travail.

Dans la perspective électorale de 2017, beaucoup de propositions émergent sur ce sujet. Il y a un consensus sur le caractère illisible et injuste du système actuel et sur la nécessité de le simplifier. Sans vouloir faire de polémique, je dirai que vous auriez peut-être dû sortir ce rapport en début plutôt qu’en fin de mandat... En tout cas, ce travail nous sera utile dans nos débats à venir.

Nous ne partageons pas l’idée d’alourdir la note. Vous évoquez un montant de 3,5 milliards d’euros ; or, après cinq ans de gestion des finances publiques, vous devriez comprendre que rajouter des dépenses supplémentaires est assez incompréhensible. Cela étant dit, je suis assez d’accord avec vous sur l’idée d’un bouleversement systémique, sur la nécessité de faire table rase du passé, même si, comme l’a dit Mme Le Callennec, cela engendrera un bouleversement organisationnel.

Quoi qu’il en soit, le sujet est plus vaste : il est celui de l’ensemble des allocations versées dans notre pays, et non des seuls minima sociaux, qui engendrent disparité, complexité et fraude. L’instauration d’une allocation unique, d’un socle commun, nécessiterait donc de prendre en compte l’ensemble des allocations.

Vous évacuez la question de la contrepartie travail quand elle est possible : je trouve cela dommage.

Enfin, vous ne traitez pas la question du plafonnement, autrement dit le niveau d’assistance par rapport au niveau des revenus du travail. Certes, la Suisse a rejeté ce week-end le projet de revenu universel, mais l’idée fait son chemin, et beaucoup d’entre nous se posent la question de savoir si elle pourrait prospérer.

M. Christian Hutin. Je vous félicite, monsieur le rapporteur, pour ce rapport de grande qualité. Votre connaissance des sujets et vos qualités humaines sont remarquables.

Vous avez eu raison de souligner, madame la présidente, que la complexité empêche souvent nos concitoyens de bénéficier de revenus sociaux sur lesquels ils n’ont aucune information. J’ajouterai que de la complexité à l’opacité, il n’y a qu’un pas, que certains populistes n’hésitent pas à franchir en alimentant les fantasmes sur Internet. La simplification du système est donc indispensable.

Le troisième scénario est parfait ; comme le disait Napoléon, on ne gouverne pas une nation avec des demi-mesures. Ce scénario est, certes, révolutionnaire, mais il témoigne du progrès dans l’esprit du politique et de la société.

Vous avez confirmé que le Gouvernement et le Premier ministre avaient privilégié ce scénario. Mon interrogation porte sur le calendrier, non que je sois inquiet pour la prochaine législature, mais si les choses pouvaient démarrer vite, ce serait bien !

M. Jean-Pierre Barbier. Après la loi « travail », après la Garantie Jeunes, vous nous proposez maintenant de repenser les minima sociaux pour créer une couverture socle commune, monsieur le rapporteur. J’aurais préféré plus de cohérence : rester sur l’idée que le travail est le souhait de tous et attendre les effets de cette loi travail.

La solidarité est essentielle, tout le monde le reconnaît. Tout le monde reconnaît également la difficulté à se retrouver dans le maquis des minima sociaux, un système devenu extrêmement complexe. Le troisième scénario est le plus intéressant, les deux autres ne proposant qu’une refonte du système. Le revenu universel n’est pas une idée neuve : Christine Boutin en avait déjà parlé ; Frédéric Lefebvre le défend. C’est donc un sujet transpartisan.

Votre rapport propose des dépenses supplémentaires, avec une orientation vers le « RSA jeunes » notamment. Je voudrais donc vous interroger sur les conséquences organisationnelles de telles mesures. Car partout où le revenu universel a été mis en œuvre, cela s’est accompagné de la volonté de supprimer purement et simplement toutes les structures qui accordent les minima sociaux. Si tout le monde a droit à la couverture socle, on n’aura plus besoin ni du contrôle ni de l’instruction ; c’est aussi le but. Quelles seront les économies ? L’innovation est là. Quels opérateurs seront supprimés : les CAF ou les services départementaux ?

Les présidents de conseil départemental s’efforcent d’innover, et moi le premier. Mais essayez de parler de réciprocité, dans le respect de l’individu, sur la base du volontariat, et vous verrez les réactions… Il faut inventer de nouvelles politiques d’insertion qui passent, non pas forcément par l’augmentation des budgets, mais par la réorientation des budgets. Des chantiers éducatifs sont possibles autour d’une idée essentielle : le travail.

Mme Luce Pane. À mon tour, je salue votre excellent travail, monsieur le rapporteur. Je partage votre constat sur la complexité des dispositifs et je souscris à vos propositions pour aboutir à une couverture socle unique. Une telle réforme doit s’accompagner d’une réflexion sur les politiques d’insertion qui pèchent par leur absence, malgré les efforts de notre pays, comme vous l’avez souligné.

Cela étant dit, on peut craindre que la recentralisation du RSA aboutisse à pénaliser les politiques d’insertion. En effet, la recentralisation totale du RSA pose la question du maintien de la compétence des départements, sachant que la région s’occupe du service public de l’emploi et que les communes mettent en œuvre des politiques de solidarité de proximité. En cas de recentralisation partielle, scénario le plus probable, il serait nécessaire d’inciter les départements à agir de façon plus déterminée pour l’insertion sociale. Des échanges sont en cours à ce sujet ; le Premier ministre a évoqué des discussions approfondies sur la mise en œuvre des mécanismes d’incitation financière des départements visant à renforcer les dispositifs d’insertion. J’aimerais donc savoir où en sont ces échanges.

Les mesures d’insertion sont souvent éparses, peu contrôlées, et un suivi personnalisé manque cruellement. Des outils ont pourtant été créés, mais ils sont peu utilisés. À l’occasion des auditions que j’ai menées dans le cadre de l’avis budgétaire sur la mission « solidarité, insertion et égalité des chances », les acteurs associatifs et institutionnels de la protection des majeurs ont exprimé la nécessité de trouver des dispositifs. Au titre de ceux existants, l’accompagnement social personnalisé, qui peut être mis en place par le département, prévoit une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social individualisé, mais ce dispositif intéressant et gradué est peu utilisé. Il permet pourtant de mettre en place un contrat garantissant, d’un côté, le droit à un accompagnement individualisé de qualité, et, de l’autre, le devoir de chercher à s’insérer. Qu’en pensez-vous ?

Pour conclure, je me réjouis des mesures prises dans le cadre du projet de loi travail, notamment la généralisation de la Garantie Jeunes ou l’aide au premier emploi, dispositifs qui peuvent aider nos jeunes à franchir les obstacles et à favoriser leur insertion dans la vie active.

M. Gilles Lurton. Merci, monsieur le rapporteur, pour ce rapport exhaustif.

Les mesures annoncées la semaine dernière, dans le cadre des questions d’actualité, par Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion sont tout à fait bienvenues. Annoncées dans votre rapport, ces mesures visent à permettre aux personnes atteintes d’une invalidité irréversible de bénéficier sur une longue durée – Mme Ségolène Neuville a parlé de dix ans, contre cinq ans aujourd’hui – d’une allocation sans aucun contrôle. Je les approuve d’autant plus que nous les avions demandées à plusieurs reprises. En effet, pour les personnes handicapées sous tutelle, la procédure de contrôle devant les MDPH pour le renouvellement de l’allocation est généralement assortie d’une procédure devant le juge des tutelles, très contraignante pour la personne handicapée et pour la famille.

Je souhaite revenir sur les conditions d’attribution de l’AAH. Votre rapport souligne les disparités qui existent entre les territoires en termes de délai d’examen des dossiers – plus les délais sont longs, plus les personnes sont privées de ressources pendant un certain temps, même si l’allocation une fois accordée est rétroactive –, mais aussi les disparités en termes de conditions d’attribution, ce qui est tout à fait inacceptable.

Reste un point que je n’ai pas retrouvé dans votre rapport : il s’agit de la situation des personnes reconnues handicapées par les MDPH, potentiellement bénéficiaires de l’allocation adultes handicapés à taux plein, mais qui ne peuvent en bénéficier parce qu’elles vivent officiellement en couple. Il s’agit souvent de femmes qui travaillaient antérieurement et qui, du jour au lendemain, se sont retrouvées privées de revenus du fait de leur handicap. Elles se trouvent donc totalement dépendantes de leur conjoint. Ce point pourrait-il évoluer, monsieur le rapporteur ?

Mme Chaynesse Khirouni. Merci à Christophe Sirugue pour le travail engagé visant à remettre la solidarité au cœur de l’action publique.

Il faut mener une véritable bataille idéologique, culturelle et politique pour, d’une part, parler de solidarité et non d’assistanat, et, d’autre part, considérer les bénéficiaires des prestations comme des acteurs de leur insertion et non comme des objets des politiques sociales. La réciprocité, ou le conditionnement du RSA à des heures de bénévolat, ne répond pas à cette logique – elle répond à la logique : « je te donne, tu me dois ».

Dans la situation économique et sociale actuelle, et face à l’évolution de notre société, avec en particulier le vieillissement de la population, les départements doivent assumer une augmentation des dépenses de solidarité. Or nombre d’entre eux ne peuvent plus assurer le versement du RSA, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, si bien que l’État est intervenu en débloquant un fonds d’urgence.

Pour remédier à la situation, vous plaidez pour une recentralisation du RSA – avec une prise en charge par l’État à hauteur de 80 % –, ce qui permettrait aux départements de se concentrer sur leurs missions d’accompagnement et d’innover en réinventant les politiques d’insertion. Au-delà, quelles sont vos pistes de réflexion pour assurer un financement pérenne des prestations, dont certaines fluctuent en fonction des difficultés économiques et sociales, mais aussi pour permettre aux départements d’assurer celui des politiques d’insertion ?

M. François Vannson. Je m’associe aux félicitations adressées à Christophe Sirugue. Son rapport est une photographie fidèle de la situation actuelle. La complexité des dispositifs et le nombre croissant de bénéficiaires des minima sociaux constituent un véritable problème pour notre société. Une simplification s’impose, mais encore faut-il que certains principes soient respectés.

Les départements sont confrontés à de réelles difficultés pour le financement du RSA. Les Vosges, où je suis élu, compte 385 000 habitants et 14 000 bénéficiaires du RSA, soit une enveloppe avoisinant les 80 millions d’euros ! Mais 80 millions pour quel résultat ?

Au sein de cette commission, nous partageons tous l’idée que le bénéfice d’un minimum social n’est pas une fin en soi. Certes, les politiques sociales doivent remplir leur rôle de parachute, de coup de pouce apporté au bon moment. Mais la mobilisation de toutes ces sommes doit avoir pour objectif de réinsérer dans la société les publics concernés. Un homme et une femme sont réellement libres à partir du moment où ils sont autonomes.

Nous souscrivons donc à la nécessité d’une réforme. Mais il faut garder à l’esprit qu’aux termes de la loi, les bénéficiaires du RSA doivent entreprendre des démarches pour se réinsérer et démontrer aux services sociaux les actions qu’ils entreprennent pour trouver un emploi. Si nous renversons la table pour mettre en place une nouvelle allocation dite « couverture socle commune », des contreparties seront-elles demandées aux allocataires ? Autrement dit, leur sera-t-il demandé de déployer des actions en vue de leur réinsertion ?

M. Michel Issindou. Je félicite Christophe Sirugue pour son rapport, dont la synthèse elle-même est très éclairante sur un système devenu inéquitable à cause de la diversité des règles applicables, qui se manifeste par une application hétérogène de ces règles, par des difficultés d’accès, par une grande complexité. Au fil du temps, le législateur a empilé des textes en croyant bien faire. À présent, il doit simplifier le système.

Le troisième scénario est le bon car, au-delà des accidents de la vie, beaucoup de gens rencontrent durablement de grandes difficultés pour s’insérer. Je pense en particulier aux jeunes qui n’arrivent pas à décrocher un emploi, quel que soit leur niveau de diplôme. Cela fait quarante ans que cela dure, et on ne peut rien leur reprocher : ce n’est pas leur faute si la société ne leur offre pas de travail. Certes, madame Le Callennec, il faut développer l’apprentissage et la formation. Mais la réalité est plus cruelle que celle que vous décrivez pour les jeunes. La situation est tout aussi difficile pour les chômeurs : une personne qui perd son emploi du jour au lendemain se retrouve totalement démunie. Je pense bien évidemment aussi aux personnes âgées qui ne touchent pas une retraite correcte. Bref, la société doit prendre en compte toutes ces difficultés, indépendantes de la volonté des personnes.

Affirmer que les minima sociaux pourraient être un objectif de vie me semble exagéré : ceux que vous proposez, monsieur le rapporteur, sont très raisonnables, pour ne pas dire limités. Un revenu de base de 400 euros, éventuellement de 500 euros, constitue un minimum pour une personne en difficulté qui a envie de s’en sortir. Ces personnes ne peuvent se satisfaire d’un objectif consistant à vivre avec 500 euros pendant trente ans et ne vont pas s’enkyster dans un statut de bénéficiaire.

En conclusion, monsieur le rapporteur, le troisième scénario est une très belle solution de solidarité globale : c’est elle qu’il faut développer au plus vite.

M. Arnaud Viala. Chacun en convient, une vision globale apportera de la lisibilité et une meilleure prise en charge des situations de fragilité que chacun peut traverser dans son existence. Mais une vision d’ensemble impose de réfléchir au-delà de la question des minima sociaux et des prestations versées à nos concitoyens.

Monsieur le rapporteur, comment s’articule votre réflexion avec la question de la répartition des compétences ? Vos préconisations, si elles étaient retenues, conduiraient à remettre en cause la législation récente sur les responsabilités des collectivités ; en particulier, les départements se retrouveraient privés de leur compétence « action sociale », notamment pour ce qui concerne le RSA.

Ensuite, comment articulez-vous les préconisations de ce rapport avec les récents textes sur l’encouragement au retour à l’emploi, qui comportent notamment des dispositions sur des allégements de charges ? Vous envisagez des dépenses nouvelles, mais leur financement constituera un frein aux recrutements des entreprises.

Par ailleurs, de quelle manière conciliez-vous la création de prestations nouvelles, d’une part, et la volonté, que nous partageons tous, de permettre à tous l’accès à l’emploi le plus facilement possible, d’autre part ? La prestation que vous prévoyez en faveur des jeunes pose un problème de fond quant à la conception de la place de l’individu dans la société.

Enfin, envisagez-vous le financement de ces dépenses nouvelles grâce au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ?

M. Jean-Patrick Gille. À mon tour, je salue le travail du rapporteur, qui défend l’objectif de simplification au travers du troisième scénario ; celui-ci introduit la notion pertinente de socle unique, auquel s’ajouterait un complément selon la situation des personnes. Le rapport met en évidence le fonctionnement d’un système en « tuyaux d’orgue », y compris s’agissant des opérateurs, qu’il est donc temps de réformer.

Cette logique pourrait être appliquée aussi à l’assurance chômage, comme le font un grand nombre de pays. Dans un rapport d’information sur l’assurance chômage européenne, je préconise la mise en place d’un socle commun d’indemnisation, autrement dit, d’un minimum social, auquel s’ajouterait un complément en fonction de l’activité antérieure des personnes, de leur niveau de revenus, etc. Cette démarche heuristique sera certainement au cœur de nos débats dans les mois à venir.

Mme la présidente Catherine Lemorton. J’ai entendu des propos choquants.

La cohésion sociale est financée par les impôts et cotisations. Elle ne peut pas s’appuyer sur l’aide intergénérationnelle. Sinon, les familles, notamment des classes moyennes, devront aider tout le monde : leurs aînés et leurs enfants. Ces familles ont déjà contribué financièrement à l’éducation de leurs enfants : si elles devaient continuer à les aider, cela créerait des inégalités encore plus importantes entre les familles aisées, qui pourront continuer à le faire, et celles qui n’en ont pas les moyens ou qui le font au prix d’efforts gigantesques.

Ensuite, toutes les évaluations de politique sociale ont montré que, lorsqu’on s’occupe de gens en précarité, un plus un n’égale pas toujours deux. On prend en charge chacun où il est. Quand j’entends le discours « on lui donne une aide, donc il doit », je dis non ! Les choses ne sont pas aussi simples que cela quand on s’occupe d’êtres humains. Les acteurs sur le terrain le savent : il est faux de dire qu’en aidant les gens qui sont loin de tout, on peut les amener en un an à réintégrer un appartement, à payer un loyer et à se réinsérer par le travail. Pour certaines personnes, c’est même impossible. Pour m’être occupée de gens en situation d’extrême précarité – qui n’ont plus de contact avec leur famille ni leurs amis, qui vivent dans la rue, parfois au sein de groupes humains en errance totale –, je peux vous dire qu’une aide minimum leur permet tout juste de garder la tête hors de l’eau et de ne pas mourir à quarante ans dans la rue. La réalité de certains de nos concitoyens est celle-là !

M. Christophe Sirugue. Je remercie l’ensemble de mes collègues pour leurs remarques positives sur mon rapport. Je rappelle que j’ai été accompagné dans ce travail : il est essentiel de ne jamais se couper des acteurs qui œuvrent sur le terrain.

Madame Carrillon-Couvreur, le troisième scénario, qui prévoit un socle et un complément de parcours, et qui maintient donc l’AAH à son niveau actuel, ne remet pas en cause les deux autres prestations que sont le complément de ressources et la majoration pour vie autonome – qui n’entrent pas dans la catégorie des minima sociaux.

La gestion des indus peut être améliorée grâce à la mise en place de l’effet figé sur trois mois, qui apporterait aux allocataires une plus grande stabilité en rendant leurs revenus plus prévisibles. Le calcul mois par mois ne me semble pas adapté, car il supposerait une information immédiate sur la situation des personnes, ce que nous ne sommes pas en mesure d’obtenir pour l’instant, et comporterait un risque d’aléas d’un mois à l’autre, alors qu’une grande partie des personnes dont nous parlons aujourd’hui vit dans des conditions très précaires.

Je confirme par ailleurs que, dès lors que le socle commun sera mis en place dans le cadre du troisième scénario, aucune rupture de droits ne sera possible.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur les délais de mise en œuvre. Comme il me l’a indiqué, le Gouvernement a demandé aux administrations d’intégrer le maximum de propositions de simplification dès le 1er janvier 2017, ce qui signifie qu’un certain nombre d’éléments seront débattus dans le cadre du projet de loi financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017. Pour ce qui est de l’orientation vers le troisième scénario, j’ai toujours dit qu’il nous faudrait encore une bonne année de travail : entre l’année de réflexion et l’année de mise en place de ce scénario, le délai sera de deux ans.

Madame Le Callennec, les minima sociaux n’ont pas le même objectif que les prestations versées au titre de la politique familiale, qui a ses priorités et ses objectifs propres. Ne mélangeons pas les deux. Certains dispositifs ont vocation à être individualisés, et les faire dépendre de la politique familiale aboutit à créer difficultés extrêmement lourdes.

S’agissant des jeunes de 18 à 25 ans, on nous explique depuis quarante ans qu’il ne faut surtout pas leur proposer un dispositif spécifique, sinon, ils deviendront des assistés. Mais c’est ignorer la réalité des difficultés de ces jeunes aujourd’hui ! La situation des personnes âgées s’est améliorée depuis plusieurs années, ce dont nous nous réjouissons, car nous avons beaucoup travaillé à réduire leur pauvreté. Par contre, les chiffres montrent que la situation des jeunes s’est considérablement dégradée ! Ce serait une erreur de continuer à fermer les yeux sur la situation des jeunes, en se disant « ils vont bien vivre de quelque chose » – sans vouloir offenser personne, ce serait même hypocrite. Le RSA pour les jeunes, ou une prestation pour les jeunes, fait toujours l’objet d’un débat d’opposition idéologique, ce que je regrette profondément, car pendant ce temps, la précarité des jeunes s’aggrave et aucun accompagnement spécifique ne leur est apporté.

M. Richard a rappelé que le système était à bout de souffle ; je le pense aussi.

Les expérimentations sont intéressantes, à condition d’être menées jusqu’au bout et d’en tirer les enseignements. Or elles sont généralement écourtées, ce qui complique leur évaluation, comme on l’a vu pour le RSA.

Certes, le montant de l’allocation ne doit pas décourager l’activité, mais il doit aussi permettre de protéger les personnes. Prétendre qu’un minimum social de 500 euros découragera les gens à chercher du travail me semble tout à fait caricatural.

Mme Bulteau a évoqué l’insertion. Dans mon rapport, je parle de « droit opposable à l’accompagnement », d’un « devoir de respect du projet d’insertion ». Monsieur Vannson, en 2004, les départements se battaient pour afficher le meilleur taux de contractualisation ; or, aujourd’hui, ce taux est tombé à 25 %. Autrement dit, 75 % des allocataires n’ont pas de contrat ! On nous explique que les allocataires ont des droits, mais aussi des devoirs, mais leurs droits ne sont même pas respectés actuellement. Je ne crois pas à l’approche en termes de droits et de devoirs, je crois à un contrat respectueux des uns et des autres.

M. Perrut a déclaré que l’assistanat était un piège. Le piège, c’est l’enlisement, c’est le maintien des personnes dans les minima sociaux à cause de l’absence de politique d’insertion ambitieuse. Je ne parle pas de l’accompagnement des personnes âgées ni des personnes handicapées, qui ne peuvent pas travailler. Je parle des autres personnes, pour lesquelles il faut affirmer qu’elles ont vocation à sortir des minima sociaux.

M. Liebgott a cité Frédéric Lefebvre, qui défend l’idée du revenu universel. Valérie Létard, sénatrice UDI-UC et ancienne secrétaire d’Etat, travaille également sur le sujet, tout comme notre collègue Marc-Philippe Daubresse, du groupe Les Républicains, qui défend comme moi la nécessité d’une réforme des minima sociaux – réforme qu’il avait préconisée sans être suivi par le gouvernement auquel il appartenait à l’époque.

Le processus de décision pose la question des partenaires, des opérateurs. Les caisses d’allocations familiales disposent de quasiment toutes les informations – sur le logement, la composition de la famille, etc. Il faut arrêter de vouloir inventer des opérateurs par principe : sans être pour autant décisionnaires, les CAF pourront continuer à verser la prestation.

Plusieurs d’entre vous se sont posé la question du pilotage des politiques d’insertion. Je plaide pour la recentralisation du RSA, mais je ne propose pas de retirer aux départements la prérogative « insertion ». L’idée est de trouver un lien entre une politique de droit commun, qui relève de l’État, et des politiques d’insertion de proximité, qui incombent aux départements.

J’espérais que personne ne me ferait de « sortie » sur la fraude ! M. Dord l’a fait... Selon les chiffres, corroborés par la Cour des comptes, sur 82 milliards d’euros de prestations versées par le système de solidarité, la fraude représente 1 milliard d’euros, soit moins de 1,3 %. C’est toujours trop, bien sûr, mais il faut arrêter de dire que la fraude est inhérente aux minima sociaux – elle est inhérente à tous les dispositifs fiscaux ou autres –, car une telle affirmation alimente les discours nauséabonds et mensongers.

Je remercie M. Hutin de son propos. Nous partageons tous les deux la même ambition sur ces politiques. Il a raison, la complexité engendre l’opacité. Beaucoup de gens ne comprennent pas les dispositifs dont ils dépendent, ce qui est très problématique : les taux de recours sont particulièrement faibles. L’opacité est également problématique pour les travailleurs sociaux qui voient sans cesse les règles changer : on leur parle de politique d’insertion globalisée, puis quelques années plus tard, on leur demande de distinguer insertion sociale et insertion professionnelle. Comme le disait fort justement notre présidente, la situation des gens – l’humain – est indissociable des parcours d’insertion. Or la logique du RSA a consisté à dissocier les politiques d’insertion sociale et les politiques d’insertion professionnelle, ce qui pour moi est une faute majeure que nous payons encore aujourd’hui.

Notre collègue Barbier a déclaré que le travail doit rester le souhait de tous. Le problème est que notre pays ne va certainement pas renouer de sitôt avec le plein-emploi. À partir du moment où le plein-emploi n’est plus l’élément de référence, il faut s’occuper des personnes privées d’emploi et arrêter de dire « elles n’ont qu’à ». Voilà pourquoi je parle de droit commun, et non de statut. Ce qui renvoie à l’idée du revenu universel.

L’insertion ne passe pas par une augmentation des budgets, ai-je entendu. Elle ne passe surtout pas par une diminution drastique des budgets – qui ont chuté, je l’ai dit, de 17 % à 8,1 %. Or je ne vois pas comment des structures d’insertion sans moyens et confrontées à une incertitude sur leurs financements pourront mettre en place des politiques d’insertion qui, par nature, ne peuvent être déployées que sur la durée.

Mme Pane a évoqué la cohérence des acteurs. Nous avons défini, dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) notamment, les prérogatives des collectivités : les questions économiques relèvent de la région ; la politique d’insertion est restée aux départements, et elle le restera. Or l’insertion est indissociable de la formation, laquelle est une compétence des régions. Comment mettre en place des outils, sans remettre en cause les prérogatives des uns et des autres ? Les communautés d’agglomération ou de communes seront probablement le bon niveau d’intervention. J’évoque dans mon rapport la notion de « référent », notion compliquée car on a vu fleurir des référents partout – référent Pôle Emploi, référent mission locale, référent centre communal d’action sociale (CCAS), etc. Dans le cadre des réflexions sur l’évolution du métier des travailleurs sociaux, Mme Ségolène Neuville a proposé la mise en place d’un référent unique, ce qui éviterait aux allocataires d’avoir à frapper à plusieurs portes. Cela renvoie à la légitimité du pilotage. Les programmes départementaux d’insertion n’ont servi à rien, ils n’ont pas permis d’impulser des dynamiques. Je ne vais pas jusqu’à formuler dans mon rapport une proposition, mais il est clair qu’il faut réaffirmer le rôle de l’accompagnement au niveau territorial.

Notre collègue Lurton est revenu sur les efforts consentis pour les bénéficiaires de l’AAH1. S’il ne convient pas, en effet, de paraître remettre en cause leurs droits, s’agissant en particulier des personnes lourdement handicapées depuis la naissance, il faut néanmoins veiller à ne pas s’estimer quitte vis-à-vis d’eux du seul fait qu’on leur verse une allocation, ce qui pourrait aboutir à une sorte d’abandon. Concernant les personnes handicapées qui vivent en couple, la problématique est celle que j’évoquais tout à l’heure : le mélange des politiques familiales avec des politiques qui devraient être individualisées. Ces confusions ne sont souhaitables ni pour les handicapés, ni pour les autres allocataires. On ne peut pas faire porter à des politiques dédiées aux personnes des éléments de « familialisation » qui viennent diminuer ce à quoi elles auraient droit si elles étaient seules. Il faut continuer à travailler sur ce dossier.

Mme Khirouni m’a interrogé sur la pérennité des financements. Sans réforme du système, on aura plutôt intérêt à être une personne âgée dans un département, une personne handicapée dans un autre, un bénéficiaire du RSA dans un troisième… C’est pourquoi je plaide pour la recentralisation du RSA. Dans la mesure où les conseils départementaux n’ont pas leur mot à dire sur le montant – c’est l’État qui choisit de l’augmenter ou non –, ni sur le nombre d’allocataires, je ne vois pas pourquoi ils supporteraient seuls le coût de l’allocation. Il faut réfléchir, en revanche, à la territorialisation des politiques d’insertion, qui diffèrent selon que l’on est en secteur rural ou en secteur urbain. En particulier, les problèmes de mobilité en milieu rural sont importants : il est faux de croire que les gens pourront aller participer à une demi-journée de formation à trente kilomètres de leur domicile. La mise en place de politiques de proximité est indispensable.

Comme ma collègue, je trouve effarant de raisonner en termes de droits et de devoirs, de considérer que les gens devraient consentir une contrepartie parce qu’on leur verse de l’argent. Parallèlement à une politique nationale de solidarité, il faut développer des politiques publiques visant à sortir les gens de la précarité. C’est ainsi que je conçois une politique d’insertion digne de ce nom. Monsieur Vannson, les politiques d’insertion doivent être acceptées par les uns et les autres, et par conséquent débattues, faute de quoi, elles sont vouées à l’échec.

Vous avez raison, monsieur Issindou, l’élément majeur est le droit commun, et non le statut. À partir du moment où notre société crée trop de motifs de rupture dans la vie personnelle des gens, elle doit leur offrir un socle qui couvre le risque.

Monsieur Viala, je ne vois aucun lien entre les allégements de charges des entreprises que nous avons votés et la hausse des dépenses induite par le scénario 3. Bien évidemment, nous allons poursuivre notre soutien à la création d’emplois et au maintien de l’activité des entreprises.

Certes, le troisième scénario va coûter 3,5 milliards d’euros, mais la précarité induit de lourdes dépenses – en termes de santé, d’accompagnement, etc. – qui seront beaucoup plus élevées si on ne fait rien. J’évoquais tout à l’heure la notion d’« investissement » : oui, il faut envisager ces politiques de solidarité en termes d’investissement.

Je partage votre propos, monsieur Gille, sur l’assurance chômage. Il faut progresser sur ces questions – même si c’est compliqué, car certains éléments correspondent à des droits acquis au cours de parcours professionnels, et d’autres non. En tout cas, le scénario 3 est celui qui va dans le sens de votre proposition.

Je partage mille fois le propos de notre présidente Catherine Lemorton. Un dispositif qui imposerait à une personne en rupture profonde d’aller se présenter à un employeur aboutirait à un échec, non seulement pour la personne – car sa situation ne le lui permet pas –, mais également pour l’employeur et les travailleurs sociaux.

Le « socle » que je défends pour les minima sociaux n’est pas le revenu universel, qui, lui, couvre tous les revenus. L’annexe 2 de mon rapport traite du revenu universel, en détaillant les expérimentations dans différents pays. L’approche finlandaise, avec un dispositif expérimenté sur 8 000 personnes par une majorité désireuse de réduire la dépense publique et de « remettre les gens au travail », ne correspond pas à la logique progressiste. Le revenu universel est en effet porté à la fois par une logique progressiste et une logique ultralibérale. Ainsi, le dispositif soulève plusieurs questions.

La première est celle du montant de ce revenu universel. Doit-il être un complément ou un vrai revenu ? Ce montant va en effet de 100 euros, comme en Alaska, à 1 000 euros dans d’autres pays qui expérimentent le dispositif.

La deuxième question, liée à la première, est de savoir si le revenu universel doit aller jusqu’à la disparition des systèmes de politique familiale et de protection sociale. Dans la logique ultralibérale, les gens bénéficient d’une couverture de 1 000 euros, mais doivent se débrouiller pour bénéficier d’une protection sociale en travaillant s’ils le souhaitent. Je mets en garde contre cette vision individualisée du revenu universel.

La troisième question qui se pose est qu’il n’existe pas actuellement de modèle de revenu universel ; seules des expérimentations sont menées. Or le revenu universel en lui-même change profondément la nature de la relation au travail : vous ne travaillez que si vous avez envie d’améliorer votre situation, ce n’est plus le travail qui vous positionne dans la société.

Bref, les choses ne sont pas aussi simples et il faudra mesurer les incidences du revenu universel, ce qui ne manquera pas d’être fait au travers de multiples colloques et autres publications.

M. Richard Ferrand. Une dernière question, madame la présidente, si vous le permettez, après cette présentation et ces réponses très éclairantes.

La réforme des minima sociaux doit s’accompagner d’une véritable revalorisation des politiques d’insertion. Sinon, rien n’avancera. Pis, le revenu minimum social issu de la réforme des minima sociaux risquerait d’institutionnaliser, avant de la stigmatiser, une catégorie sociale « assistée ». Monsieur le rapporteur, avez-vous des perspectives à nous présenter pour que nous puissions marcher sur deux jambes et pas seulement claudiquer sur une ?

M. Christophe Sirugue. Au Danemark, une expérimentation a été abandonnée qui visait à la reconnaissance du « handicap social », c’est-à-dire de l’exclusion durable de certaines personnes d’un quelconque emploi, voire d’une quelconque activité. Je me suis toujours battu contre cette notion de handicap social. D’abord, elle est une trappe monstrueuse – les gens ne sortent plus jamais de cette situation. Ensuite, si des gens ont beaucoup de difficultés à retrouver un emploi, ils peuvent par contre exercer une activité – des modèles sont proposés à ce sujet, comme celui développé par ATD-Quart Monde et notre collègue Laurent Grandguillaume.

Je le redis : il n’y a plus d’innovation dans ce pays en termes de politique d’insertion ! Il faut s’interroger sur les chantiers d’insertion, car certaines structures se préoccupent davantage de leur avenir que des publics qu’elles accueillent ; ce n’est pas faire injure aux gens dont je parle, c’est une réalité que je constate sur le terrain, comme d’autres. Il faut donc réhabiliter la notion de « parcours » – un parcours comporte des chutes, des reculs -, ce qui permettra de réhabiliter les politiques d’insertion. Nous avons fait évoluer, et c’est une bonne chose, les contrats aidés : leur durée n’est plus de 20 heures comme prévu initialement, car une personne fragile peut être incapable de travailler plus de 5 heures et une autre peut au contraire avoir besoin de travailler 25 heures pour la cohérence de son parcours. Faisons évoluer les dispositifs et, surtout, interrogeons-nous sur l’insertion par l’activité économique, ce que nous ne faisons plus depuis des années.

Enfin, toutes les mesures de simplification figurant dans mon rapport vont être proposées, comme l’effet figé sur trois mois qui devrait être mis en place au 1er janvier 2017. Reste un point de blocage : tant que le pilotage des politiques d’insertion au niveau territorial ne sera tranché, on n’avancera pas. L’État n’a plus les moyens d’accompagner ces politiques au niveau territorial ; mais l’intervention des collectivités pose la question de l’aléa des choix politiques, autrement dit, du développement d’actions différentes selon les territoires. Le législateur devra s’interroger sur le pilotage des politiques d’insertion et du service public de l’emploi.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, cher collègue, pour ce travail de longue haleine.

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 8 juin 2016 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Pierre Aylagas, M. Alexis Bachelay, M. Alain Ballay, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Sylviane Bulteau, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, Mme Michèle Delaunay, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Richard Ferrand, M. Renaud Gauquelin, M. Jean-Patrick Gille, Mme Joëlle Huillier, M. Christian Hutin, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Marie-Thérèse Le Roy, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Philippe Noguès, M. Robert Olive, Mme Luce Pane, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Pierre Ribeaud, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumégas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. François Vannson, M. Arnaud Viala

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, M. Stéphane Claireaux, M. Henri Guaino, Mme Monique Iborra, Mme Conchita Lacuey, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Louis Touraine, M. Francis Vercamer, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. – Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Dominique Potier