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Commission des affaires sociales

Mardi 12 juillet 2016

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 66

Présidence de M. Jean-Patrick Gille, Vice-président

– Audition de M. Lionel Collet, dont la désignation en tant que président du conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique (ANSP) est envisagée par le Gouvernement en application de l’article L. 1451-1 du code de santé publique

– Information relative à la Commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 12 juillet 2016

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

(Présidence de M. Jean-Patrick Gille, vice-président de la Commission)

La commission des affaires sociales procède à l’audition de M. Lionel Collet, dont la désignation en tant que président du conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique (ANSP) est envisagée par le Gouvernement en application de l’article L. 1451-1 du code de santé publique.

M. le vice-président Jean-Patrick Gille, président. Nous procédons cet après-midi à l’audition de M. Lionel Collet, conseiller d’État, dont la nomination en tant que président du conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique (ANSP) est envisagée par le Gouvernement. Monsieur Collet, je vous souhaite la bienvenue.

Je rappelle que l’article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé a prévu la création de l’agence nationale de santé publique par le regroupement de l’Institut de veille sanitaire (InVs), l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES) et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).

L’Agence, dont l’existence est effective depuis le 1er mai, en application d’une ordonnance du 14 avril dernier, exerce donc une triple mission de surveillance, de prévention et d’alerte, et de réponse aux urgences sanitaires.

Je précise que cette audition a lieu en application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique. L’Agence nationale de santé publique fait en effet désormais partie des organismes dont les dirigeants pressentis doivent être auditionnés par le Parlement – en l’espèce les commissions des affaires sociales des deux assemblées – avant leur nomination. Nous avons d’ailleurs à ce titre entendu le 18 mai dernier M. François Bourdillon, nommé directeur général de cette même agence.

Il ne s’agit donc que d’une simple audition, et non d’un avis demandé aux commissions compétentes. C’est pourquoi cette audition ne sera pas suivie d’un vote.

J’indique que le CV de M. Collet est en distribution dans cette salle.

Monsieur Collet, je vous laisse maintenant la parole pour que vous puissiez vous présenter, puis nous exposer les orientations que vous entendez donner à l’agence et, plus généralement, votre vision de la politique en matière de santé publique.

M. Lionel Collet. À la demande de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, je suis effectivement pressenti pour présider le conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique (ANSP), née de la fusion des trois agences nationales compétentes en matière de santé publique et de sécurité sanitaire, conformément à la loi de modernisation de notre système de santé, qui a été suivie d’une ordonnance et d’un décret.

L’Agence nationale de santé publique a été constituée à « droit constant ». Elle reprend, conformément à la loi, l’ensemble des missions exercées par les trois anciennes agences : observation épidémiologique et surveillance de l’état de santé de la population, pour l’INVS ; promotion de la santé et développement de la prévention et de l’éducation à la santé, pour l’INPES ; gestion des stocks stratégiques et de la réserve sanitaire, pour l’EPRUS. La nouvelle agence devra donc optimiser les liens qui existaient entre ces trois agences sanitaires.

Il se trouve que j’ai présidé le conseil d’administration de deux de ces trois agences, celui de l’Institut de veille sanitaire et celui de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires. Au sein du conseil d’administration de ce dernier, j’ai pu constater la capacité d’anticipation et de réactivité exceptionnelle de cette agence sanitaire qui pouvait faire arriver un produit de santé sur n’importe quel endroit du territoire en douze heures et envoyer un réserviste n’importe où sur le globe en 24 heures : ces capacités doivent impérativement être maintenues.

Le conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique exerce des missions propres, qu’il ne peut pas déléguer, à savoir les délibérations sur les orientations stratégiques pluriannuelles, le contrat d’objectifs et de performance conclu avec l’État, les modalités de mise en œuvre des règles de déontologie, l’organisation générale de l’Agence, la composition des différents conseils. Il exerce également des missions qu’il délègue le cas échéant au directeur général ou au président, parmi lesquelles l’autorisation d’engager une action en justice ou l’acceptation de dons et legs.

Le conseil d’administration de l’ANSP présente trois particularités.

D’abord, c’est le premier conseil d’administration de la nouvelle agence, et il va devoir s’atteler à plusieurs tâches : mise en place du programme de travail, qui sera assuré par le directeur général ; construction des éléments relevant du contrat d’objectifs et de performance ; définition des relations avec la tutelle et les partenaires – Direction générale de la santé et agences régionales de santé (ARS) – ; maintien du dialogue social et accompagnement du changement né de la fusion des trois agences ; suivi des aspects techniques que constituent le système d’information unifié, le schéma des installations et des bâtiments, et la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP).

Deuxième particularité de ce conseil d’administration : sa composition et son mode de délibération. Ce conseil comprend une trentaine de membres : des représentants de l’État ; un représentant de l’Assurance maladie ; des représentants des élus ; des représentants des partenaires institutionnels ; des professionnels de santé ; des représentants du personnel ; et enfin quatre représentants des associations dans les champs suivants : aide aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, protection de l’environnement, défense des consommateurs, et qualité de la santé et de la prise en charge des malades.

D’autre part, les délibérations ne sont pas prises selon le principe « un homme ou une femme égale une voix ». Les représentants du ministre chargé de la santé disposent chacun de dix voix, le représentant du ministre chargé du budget dispose de quatre voix, les représentants des autres ministres disposent chacun de deux voix, et le représentant des régimes obligatoires d’assurance maladie dispose de trois voix.

Troisième particularité de ce conseil d’administration : il peut siéger en formation restreinte, ce qui est inédit pour une agence sanitaire. Ce conseil restreint se justifie par l’existence de sujets très confidentiels qui peuvent relever de la défense nationale, de la sécurité civile, voire des secrets industriels et commerciaux. La formation restreinte du conseil d’administration comprend, outre le président du conseil d’administration qui la préside, les représentants des ministres chargés de la santé et de l’action sociale, le représentant du ministre de la défense, le représentant du ministère chargé du budget, et le représentant des régimes obligatoires d’assurance maladie. Cette formation restreinte répond en miroir à la composition du conseil d’administration de l’EPRUS, qui était très confidentiel et où étaient abordés des sujets secrets – il ne comportait pas de représentants des personnels.

Que va faire l’Agence nationale de santé publique ? Je serai très vigilant sur deux aspects en particulier.

Premièrement, nous ne devons pas fonctionner sur le modèle de trois agences en silo, mais réellement réussir la fusion de l’ensemble. Le professeur Bourdillon a particulièrement insisté sur ce point dans son rapport de préfiguration.

Aujourd’hui, la protection de la santé publique est organisée autour de cinq grands pôles : produits de santé, dans lequel intervient l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ; pratiques médicales avec la Haute Autorité de santé (HAS) et l’Agence de la biomédecine ; sécurité sanitaire du milieu de vie, avec l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) ; radioprotection et nucléaire, où interviennent l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ; et enfin, un pôle axé sur la population, avec la surveillance épidémiologique et la prévention, assurées par cette nouvelle agence, l’Agence nationale de santé publique.

L’organisation de ce pôle « population-santé publique » se veut comparable à celle des grands modèles internationaux – le modèle américain, avec le fameux Center for disease control and prevention (CDC), et les modèles québécois et anglais –, en intégrant ce qui relève de l’épidémiologie, mais aussi de la prévention et de l’éducation.

L’arrivée de la fièvre Zika est un exemple typique de la valeur ajoutée de l’Agence. L’INVS a identifié le premier cas en Martinique et en Guyane, puis elle a assuré le suivi épidémiologique ; l’EPRUS a été capable, grâce à sa réserve sanitaire de plus de 2 000 personnes, d’envoyer directement sur le site des professionnels de santé ; et l’INPES a conduit des actions de prévention et d’éducation sur l’infection par le virus du Zika. Il est donc beaucoup plus simple d’assurer le continuum de l’action, depuis la veille jusqu’à l’envoi sur le terrain de professionnels, sans oublier la prévention, grâce à l’intervention d’une seule agence plutôt que de trois agences distinctes qu’il faut coordonner. Ainsi, le conseil d’administration et son président devront s’assurer de la bonne synergie des missions des anciennes agences afin que la fusion des trois établissements garantisse une réelle valeur ajoutée.

Deuxième point sur lequel je serai particulièrement vigilant : nous devrons être capables de mettre en place des soutiens méthodologiques. Je prends l’exemple du sida, sur lequel je sais qu’il y a des spécialistes ici. Le CDC a été capable d’identifier l’arrivée du sida aux États-Unis à partir de moins de dix cas qui présentaient trois particularités : une pathologie inconnue sur le territoire américain ; une pathologie classique, le syndrome de Kaposi connu en Afrique, qui frappait une population blanche ; une population blanche qui présentait une préférence sexuelle. Cela veut dire que nous devons être capables de repérer des signaux faibles. Or pour repérer des signaux extrêmement faibles, il nous faut mettre au point de nouvelles techniques, non que les techniques actuelles soient mauvaises, mais nous devrons continuer cette recherche en lien avec les organismes de recherche méthodologique.

Enfin, le programme de travail de l’Agence nationale de santé publique est structuré autour de cinq axes stratégiques – déterminants de santé, populations, pathologies, interventions et territoires, infrastructures – regroupant 28 programmes. L’axe 5 « infrastructures » décline un programme « stratégies scientifique et internationale ». Le rôle du conseil d’administration sera de suivre la mise en place de cette programmation.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur le professeur, cher confrère, vous êtes sur le point de devenir président du conseil d’administration de cette nouvelle agence de santé publique, dotée de 200 millions d’euros de budget, de 625 agents et de 15 cellules d’intervention en région. Elle remplira une grande et belle mission, et vous nous avez fait part de la complexité inhérente à la coordination des missions des trois anciennes agences.

Vous connaissez parfaitement le monde médical, ainsi que les politiques de santé et les rouages institutionnels et politiques, puisque vous avez dirigé le cabinet de la ministre Geneviève Fioraso. Vous coordonnerez les travaux du conseil stratégique des industries de santé ; vous avez d’ailleurs été chargé par le Premier ministre d’organiser la grande conférence de la santé en février dernier. Pour avoir présidé le conseil d’administration de l’INVS et celui de l’EPRUS, vous connaissez parfaitement les enjeux de santé publique.

Le conseil d’administration que vous allez présider est chargé de se prononcer sur les grandes orientations stratégiques de l’Agence, son programme d’activité, les moyens humains et financiers nécessaires à l’exercice de ses missions, les aspects méthodologiques. Au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, j’ai plusieurs questions d’ordre général à vous poser.

Santé Publique France est construite sur le modèle des grandes agences anglo-saxonnes. Quel changement cela apportera-t-il par rapport au schéma des anciennes agences ?

Quelles orientations stratégiques vous paraissent essentielles et les plus urgentes, notamment pour mettre en œuvre une prévention efficace à destination des populations les plus vulnérables, autrement dit, les plus éloignées du message de prévention et victimes des inégalités de santé ?

Le rapport « charges et produits » de l’Assurance maladie, publié vendredi dernier, avance toute une série de propositions. Qu’en pensez-vous ?

Je suis profondément convaincue que nous ne sauverons notre système de santé qu’en réduisant drastiquement les maladies évitables. Nous comptons sur votre action en faveur de la santé des populations, un des piliers de notre République.

M. Arnaud Viala. Monsieur le professeur, au nom du groupe Les Républicains, je tiens à vous remercier de votre présentation.

L’Agence nationale de santé publique est une instance très jeune. Comment comptez-vous associer les anciennes entités afin de créer un ADN propre à cette agence et lui donner une impulsion nouvelle ? Comment comptez-vous associer les cellules en région et le réseau national, les professionnels de santé et les représentants de l’État ? Quel sera votre carnet de route ou les premières actions que vous mènerez aussitôt après votre nomination ?

Le 12 janvier dernier, Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a lancé une concertation citoyenne sur la vaccination en vue de la rénovation de la politique vaccinale. Cette concertation, confiée initialement à l’INVS, sera réalisée par des jurys de citoyens et de professionnels de santé, qui pourront questionner les acteurs, débattre puis remettre un avis au comité d’orientation de la vaccination. C’est à la fin de l’année 2016 que sera tranchée la question du maintien ou de la levée de l’obligation vaccinale. On sait que la vaccination a permis de faire reculer, voire d’éradiquer les maladies particulièrement dangereuses. Qu’en est-il de la politique vaccinale en France ? Qu’est-ce qui a présidé à la mise en place de cette concertation ? Avez-vous des réserves sur la vaccination obligatoire ? Quels sont les retours attendus de cette vaste opération ?

Le périmètre de l’Agence nationale de santé publique a été élargi à l’étude de maladies en lien avec la pollution atmosphérique. L’INVS avait publié des travaux sur l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé en France métropolitaine, mettant en exergue plusieurs éléments inquiétants. La pollution particulaire, plus particulièrement les particules fines liées à l’activité humaine, est à l’origine de plus 48 000 décès en France. La pollution de l’air n’affecte pas que les grandes villes : dans les zones urbaines de plus de 100 000 habitants, les résultats montrent en moyenne une perte de 15 mois d’espérance de vie à 30 ans ; dans les zones urbaines de 2 000 à 100 000 habitants, la perte d’espérance de vie est de 10 mois en moyenne ; dans les zones rurales, la perte moyenne d’espérance de vie est de 9 mois. Si la qualité de l’air était améliorée, 34 000 décès pourraient être évités chaque année. Les pics de pollution pèsent beaucoup moins sur la santé que l’exposition chronique. Comment l’ANSP entend-elle répondre à cette menace sur la santé des Français ? Quelle politique de prévention entendez-vous initier ?

L’Agence nationale de santé publique sera chargée d’analyser les données collectées dans le cadre de l’enquête ESPA 13 novembre (enquête de santé publique post-attentats de novembre 2015), menée du 7 juillet au 1er octobre 2016 en collaboration avec les professionnels de la prise en charge du psycho-traumatisme chez les victimes des attentats et dont l’objectif est d’estimer l’impact sanitaire des attentats de novembre 2015. L’information ainsi récoltée permettra d’aider les pouvoirs publics à agir en faveur des populations touchées et d’améliorer les stratégies de réponse à adopter en cas de situation de ce type. Elle permettra également d’apporter des informations sur la prise en charge des personnes impliquées. Cette enquête concerne les personnes qui étaient sur les lieux des attaques perpétrées à Saint-Denis et à Paris le 13 novembre : celles qui étaient directement visées ou menacées par les terroristes, celles qui ont dû se cacher, celles qui ont été témoins directs des attaques ; les personnes témoins de l’assaut de l’immeuble à Saint-Denis le 18 novembre ; les personnes qui ont perdu un proche dans les attentats ; et les personnes qui sont intervenues, notamment les membres des services de secours et des forces de l’ordre. Qu’attendez-vous de cette enquête ? Comment l’ANSP appréhende-t-elle cette mission délicate qui va au-delà de ses missions traditionnelles ?

Enfin, je voudrais vous interroger sur les risques sanitaires à venir. Face à l’implantation du moustique tigre en France, pouvez-vous nous faire un état de lieux sur le risque de contamination par les virus du chikungunya, de la dengue et du Zika, ce dernier ayant déjà contaminé environ 180 personnes à ce jour ? Nous le savons, la situation en outre-mer est particulièrement critique. Pouvez-vous faire également le point sur la borréliose de Lyme, transmise par les tiques et susceptible de provoquer des troubles neurologiques handicapants ?

Merci beaucoup de vos réponses.

M. Lionel Collet. Nous avons choisi « Santé publique France » comme marque de notre agence. En effet, pour certains, le signe « ANSP » signifie agence nationale de services aux personnes.

Le changement, c’est la synergie que nous devons être capables d’assurer entre les anciennes agences pour optimiser l’action de la nouvelle agence. Nous sommes déjà dans un rapprochement en matière de système d’information. L’ex-EPRUS va se rapprocher du site de Saint-Maurice, où un bâtiment est prévu à l’horizon 2017. L’unité de lieux à terme est indispensable car les équipes doivent se rencontrer, discuter et mettre en place des programmes intégrés – le directeur général a déjà plusieurs programmes intégrés en route ou en projet.

Parmi les 28 programmes de nos cinq axes stratégiques, quelques-uns me tiennent particulièrement à cœur.

D’abord, la lutte contre le tabagisme doit être une de nos grandes priorités. La France a sa « journée sans tabac », mais nos voisins anglais ont « le mois sans tabac ». Le ministère de la santé va lancer en novembre 2016 la grande campagne de communication « Moi(s) sans tabac », pour inciter le plus grand nombre de fumeurs à arrêter de fumer pendant 30 jours. Nous sommes tous d’accord pour dire que jusqu’à présent la lutte contre le tabagisme dans notre pays n’a pas eu le succès escompté par rapport à d’autres pays. L’Agence doit donc mettre l’accent sur la lutte contre le tabagisme, qui fait partie de son axe stratégique « déterminants de santé ».

Au titre de ce même axe stratégique, je citerai également le programme « vaccination ». Je fais partie d’une génération qui a vu les séquelles de la poliomyélite chez la génération précédente ; heureusement, la jeune génération n’est pas touchée. Aujourd’hui, alors que le taux souhaitable de couverture vaccinale est en baisse dans notre pays – je ne dis qu’il est bas –, la priorité absolue est une couverture vaccinale suffisante de la population. La grande consultation, voulue par la ministre de la santé et menée sous la présidence du professeur Fischer, est assurée par l’ANSP en termes de secrétariat et d’aide. Mais l’ambition de l’Agence doit se concrétiser au travers de son site internet sur la vaccination qui est actuellement mis en place. Quand vous tapez le mot « vaccination » dans un moteur de recherche, les premiers sites qui s’affichent sont ceux qui concernent les opposants à la vaccination. Il est donc indispensable que l’ANSP mette en avant la santé de tous au travers de ce site d’information sur la vaccination.

Vous avez raison, la question des populations vulnérables est très importante. C’est pourquoi l’un des programmes de l’axe stratégique « populations » s’intitule « populations vulnérables ».

Concernant la pollution due aux particules fines, c’est l’ANSP, au travers d’actions préalables de l’Institut de veille sanitaire, qui a mis en avant les chiffres que vous avez cités. L’Agence met en œuvre la politique de prévention, mais elle doit aussi faire des propositions visant à protéger la population, la première étant la nécessité de diminuer les particules fines.

L’enquête ESPA 13 novembre est essentielle. Les psychiatres militaires savaient identifier ce qu’ils appelaient les névroses post-traumatiques : l’école française des psychiatres militaires, d’une qualité exceptionnelle, je pense notamment aux agrégés du Val-de-Grâce, a contribué à la caractérisation de cette population atteinte de névroses post-traumatiques. Je ne dis pas que toutes les personnes touchées par les attentats de novembre entrent dans ce cadre, mais les données collectées grâce à cette enquête permettront, d’abord, d’avoir une information sur l’état psychologique de ces personnes, et, ensuite, de caractériser cette population au regard de ce que l’on appelle les troubles post-traumatiques.

Vous m’interrogez sur les risques sanitaires à venir. C’est vrai, il y a des cas de Zika et de dengue en France métropolitaine du fait de la présence du moustique tigre, et une inquiétude également sur le chikungunya. En outre-mer, la question est traitée différemment, car l’EPRUS a agi dès 2013 quand le virus Zika a touché la Polynésie française, où le suivi de l’épidémie a permis de constater que le pourcentage de la population touchée, 40 % à l’époque, a diminué. En France, les ARS ont engagé des campagnes de désinsectisation dans le cadre d’une politique de prévention extrêmement soutenue. L’action des pouvoirs publics dans ce domaine est donc résolument active.

Enfin, l’association des cellules en région est une question importante. Ce premier conseil d’administration devra construire des relations fortes avec ses partenaires institutionnels, à savoir la tutelle et les agences régionales de santé. Cela est indispensable, d’autant qu’un représentant des ARS siège au conseil d’administration, où sont également présents un élu nommé par l’Association des maires de France et un autre par l’Association des départements de France.

M. Lionel Tardy. L’Agence nationale de santé publique est une nouvelle instance, mais elle a le mérite de reprendre les attributions des trois agences qu’étaient l’INPES, l’INVS et l’EPRUS.

Le décret du 27 avril 2016 prévoit que le conseil d’administration de l’Agence comprend 26 membres. Mais en dehors d’un membre d’une association de consommateurs, les usagers des établissements de santé publique sont peu représentés. Comment comptez-vous associer les usagers des établissements de santé publique et plus généralement la population ? Je pense notamment à votre mission de gestion des crises sanitaires et d’information du public.

Ce même décret vous autorise à employer l’appellation « Santé Publique France ». Quelle appellation allez-vous utiliser ? S’agira-t-il bien d’une appellation unique afin que votre action soit lisible de tous ?

M. Jean-Louis Touraine. Nous ne pouvons que nous réjouir de l’arrivée du professeur Collet à la présidence du conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique : peu de personnes ont autant d’expérience que lui dans le domaine qui nous intéresse aujourd’hui, aussi bien par ses fonctions dans le secteur médical que par les fonctions administratives qu’il a exercées. Nous avions déjà noté avec plaisir la nomination de François Bourdillon à la direction générale de l’Agence, qui a montré une efficacité remarquable.

Mes questions porteront sur la prévention, point faible de notre système de santé. Autant le volet curatif est d’une grande qualité, autant la prévention demande quelques corrections.

En matière de maladies transmissibles, la population générale et beaucoup de professionnels de santé ont une mauvaise image des vaccins. Qu’envisagez-vous de faire pour corriger cela ?

En matière de maladies non transmissibles, le tabagisme, qui provoque la mort de 80 000 personnes chaque année, est la première cause de mortalité évitable dans notre pays. Je citerai également l’alcool, avec 50 000 morts, mais aussi l’épidémie de diabète, l’obésité, les cancers professionnels, la pollution. Envisagez-vous une forme de benchmarking, sachant que d’autres pays ont un peu plus d’expérience que la France dans ces domaines ? Je pense également aux organisations internationales : la World Prevention Alliance située à Lyon et qui a tenu à la fin de la semaine dernière son congrès annuel sous la présidence de Peter Boyle, mais aussi à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Comptez-vous augmenter les liens avec les uns et les autres pour développer une politique de prévention plus efficace en France ?

M. Gilles Lurton. Monsieur le professeur, vous êtes pressenti pour présider le conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique qui, pour éviter toute confusion avec d’autres organisations, prendra l’appellation « Santé Publique France ».

Le regroupement des trois agences – INVS, INPES et EPRUS – en une seule va permettre une simplification que nous appelons tous de nos vœux. Cette simplification sera-t-elle génératrice d’économies de fonctionnement ? Envisagez-vous de regrouper sur un même site les agents des trois anciennes agences ? Nous avons eu l’occasion, avec quelques membres de la commission des affaires sociales, dont le professeur Touraine et Mme Lemorton, de visiter Santé Publique France à Saint-Maurice, où nous avons constaté qu’il y avait en effet beaucoup de place.

Quelle mission allez-vous assigner à l’Agence nationale de santé publique pour que la prévention soit davantage mise en avant par rapport au traitement des épidémies ?

Mme Isabelle Le Callennec. Merci, monsieur le professeur, de votre présentation.

J’anime le groupe d’études « prématurité et nouveau-nés vulnérables ». Environ 50 000 enfants naissent prématurément chaque année ; parmi eux, 1 500 décèdent – ils représentent les trois quarts de la mortalité néonatale – et 2 000 à 2 500 développent un handicap. Dans notre pays, la prématurité n’est pas suffisamment prise en charge, et la santé de la mère et de l’enfant mériterait davantage d’attention de la part des pouvoirs publics. Au titre de l’axe stratégique « populations » de l’ANSP, le programme « populations vulnérables » prend-il en compte les nouveau-nés vulnérables ?

Parmi vos missions figure l’observation épidémiologique. L’étude Epipage 2 (étude épidémiologique sur les petits âges gestationnels), qui observe la cohorte des jeunes prématurés depuis 2011, risque de se heurter à des difficultés en raison d’un manque de financements à terme. Ce point entre-t-il dans vos prérogatives ? Vous l’avez compris : je vous lance un appel à ce sujet.

M. Lionel Collet. Monsieur Tardy, le conseil d’administration de l’Agence nationale de santé publique comporte, non pas un, mais quatre représentants des usagers : un membre représentant les associations d’aide aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ; un membre représentant les associations de défense des consommateurs ; un membre représentant les associations de protection de l’environnement ; et un membre représentant les associations ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades. L’appellation « Santé Publique France » est la marque de l’Agence, pour la raison que j’ai expliquée tout à l’heure.

Monsieur Lurton, le regroupement des agences va-t-il aboutir à une optimisation, voire à des économies ? Le budget 2015 de chacune des trois agences a été reconduit pour l’année 2016 ; il est clair que l’on peut espérer dégager des marges pour l’avenir. D’abord, tous les agents des anciennes agences pourront être installés à Saint-Maurice – ceux de l’EPRUS sont actuellement à Saint-Denis. Il peut également y avoir une organisation différente des fonctions supports. Le système d’information lui-même peut être restructuré, tout en en gardant une grande confidentialité pour une partie. Mais je le redis, l’objectif premier de ce rapprochement est la synergie des compétences des agences d’origine.

Madame Le Callennec, l’axe stratégique « populations » de l’Agence comprend un programme « petite enfance, parents et femmes enceintes ». Le nombre de prématurés est important, mais heureusement beaucoup d’entre eux sont viables, même lorsqu’ils pèsent 1 000 grammes à la naissance. Il y a donc beaucoup de progrès, car lorsque je faisais mes études de médecine, la probabilité de survie d’un enfant pesant 1 500 grammes à la naissance était considérée comme faible. Pour autant, ces enfants font partie des populations à risques, en particulier les grands prématurés qui présentent un risque plus élevé de troubles auditifs. Je m’assurerai donc auprès du professeur Bourdillon que les enfants prématurés fassent bien partie de notre programme.

Monsieur Touraine, que pouvons-nous faire de mieux en matière de prévention ? Je répondrai en trois points.

Premièrement, nous disposons d’un levier, puisque l’INPES était chargé des politiques de prévention et d’éducation à la santé. Le budget de l’Agence nationale de santé publique s’élève à 200 millions d’euros, ce qui est loin d’être négligeable. La consultation sur la vaccination permettra d’entendre ceux qui voient dans celle-ci un bénéfice en termes de santé publique, et pas uniquement ceux qui lui sont opposés alors même qu’ils ont été vaccinés et sont en bonne santé. Il faut avoir le courage de communiquer sur les avantages de la vaccination au regard de la santé publique, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne présente aucun effet indésirable : l’accident vaccinal existe, mais il est très rare, et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) a pour mission dans notre pays d’organiser le dispositif d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux.

Deuxièmement, l’Agence va mettre un œuvre un programme « stratégies scientifique et internationale », car il est essentiel qu’elle se situe dans un cadre international en lien avec les autres agences. François Bourdillon ne s’est pas contenté de prendre des contacts : il siège dans ces associations, ce qui permet de mettre sur pied des coordinations, sachant qu’un certain nombre de pathologies ne se limitent pas à nos frontières.

Troisièmement, il est un sujet dont on parle peu : les chutes chez les personnes âgées. On estime que les trois quarts des décès provoqués par des chutes surviennent chez les personnes de plus soixante-quinze ans. Une étude menée par une équipe de Baltimore a montré qu’une perte auditive de seulement 25 décibels multiplie par trois le taux de chute chez les personnes âgées non appareillées. Du fait de cette perte auditive, les personnes âgées repèrent moins bien les sources sonores, mais, surtout, elles ont une charge cognitive plus élevée, c’est-à-dire qu’elles doivent avoir une attention plus soutenue. Or avec l’âge, l’équilibre demande une plus grande attention. On pense donc qu’il existe un lien entre une charge attentionnelle dirigée vers l’audition et l’accroissement des chutes au sein de cette population. Ainsi, une des actions de l’Agence sera de caractériser cette population. Nous devrons également nous assurer que les personnes malentendantes âgées puissent bénéficier d’un appareillage en vue de réduire leur dépendance.

M. le vice-président Jean-Patrick Gille, président. Merci, monsieur le professeur, de vous être livré à cet exercice et d’avoir répondu clairement et en toute franchise à la totalité des questions.

La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Gilles Savary rapporteur sur la proposition de résolution européenne sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs (COM[2016] 128 final) (n° 3885).

Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 12 juillet 2016 à 17 heures

Présents. – M. Pierre Aylagas, M. Alain Ballay, M. Rémi Delatte, Mme Michèle Delaunay, M. Renaud Gauquelin, M. Jean-Patrick Gille, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, M. Gilles Lurton, M. Robert Olive, M. Denys Robiliard, M. Gilles Savary, M. Gérard Sebaoun, M. Jean-Louis Touraine, M. Arnaud Viala

Assistait également à la réunion. – M. Lionel Tardy