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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 23 juillet 2013

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Élection des sénateurs

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’élection des sénateurs (nos 1162, 1232).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, il y a quelques semaines, le ministre de l’intérieur a présenté devant le Sénat le projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Il a alors eu l’occasion de rappeler les principes démocratiques essentiels auxquels le Gouvernement est attaché.

Je sais qu’il a également évoqué longuement ces principes au cours des longs débats que vous avez eus ensemble sur le projet de loi réformant les modes de scrutin locaux. Je crois toutefois utile d’y revenir brièvement.

La parité et la juste représentation des territoires et des populations s’inscrivent naturellement au premier rang de ces principes fondateurs d’une démocratie moderne. Ces principes sont au cœur du projet de loi que nous discutons aujourd’hui. Ce sont eux que nous souhaitons voir davantage respectés dans le mode d’élection des sénateurs.

Devant le Sénat, le ministre de l’intérieur a également rappelé l’attachement du Gouvernement au bicamérisme à la française et aux spécificités du Sénat. Dans ce cadre, le projet de loi que nous examinons est un texte d’approfondissement, de renforcement du caractère démocratique de l’élection des sénateurs, pas une révolution du mode de scrutin.

L’essence du bicamérisme réside d’abord dans une représentation différenciée de la nation. Vous le soulignez d’ailleurs fort justement dans votre rapport, monsieur Roman : c’est l’existence d’un régime électoral spécifique, différencié selon les départements, qui « fonde l’intérêt du bicamérisme ».

Les éléments de cette différenciation, ce sont, bien sûr, l’élection au scrutin universel indirect et le renouvellement partiel. Cette différence avec l’Assemblée nationale tient encore à la mission de représentation des collectivités territoriales. Cette différence, enfin, tient au mode de scrutin.

Depuis les débuts de la Ve République, le Sénat s’est modernisé : la durée du mandat a été réduite de neuf à six ans, le renouvellement s’opère désormais par moitié, et la Haute assemblée s’est progressivement ouverte à la parité. Ces évolutions nécessaires n’ont pas effacé les spécificités sénatoriales. Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui n’entend nullement remettre en cause cette identité du Sénat. D’ailleurs, ce texte ne modifie ou n’ajoute aucune disposition de nature organique.

Non, ce que souhaite le Gouvernement, c’est avant tout conforter la légitimité de la Haute assemblée, ou comme le note votre rapporteur, « consolider sa représentativité ». C’est le seul objectif de ce texte, que nous avons voulu bref et simple. Nous aurons donc à examiner deux types de dispositions.

Il s’agit, d’une part, de renforcer la parité et la pluralité des opinions au sein du Sénat en élargissant l’application du mode de scrutin proportionnel. D’autre part, la représentativité d’une assemblée élue au scrutin universel indirect tient aussi à la représentativité des grands électeurs. C’est cette représentativité que nous vous proposons d’approfondir en élargissant le collège sénatorial.

L’objectif de ce texte est de mieux représenter les territoires et leurs habitants. Cet élargissement est l’objet de l’article 1er du projet de loi, qui vise à assurer une meilleure représentation des territoires de notre République et des populations qui les composent au sein du collège sénatorial.

Je vous rappellerai le quatrième alinéa de l’article 24 de notre Constitution : le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République. ». Il assure la représentation de toutes les collectivités. Ces collectivités, ce sont, bien sûr, des entités juridiques, des élus ; ce sont aussi des habitants, dont il faut tenir compte.

Les délégués des communes constituent la très grande majorité du collège sénatorial. Le Gouvernement n’a pas cru devoir remettre en cause ce principe. Mais je crois, j’espère que nous partageons tous ici le même constat : les disparités entre les communes elles-mêmes ne permettent plus à ce collège de refléter la réalité du pays.

En effet, en l’état actuel du droit, la composition du collège sénatorial ne tient pas suffisamment compte des évolutions démographiques, des mouvements de population dans notre pays.

Par exemple, plus de deux tiers des délégués municipaux représentent des communes de moins de 10 000 habitants, quand celles-ci ne regroupent que la moitié de la population. Ces disparités sont encore plus sensibles entre les communes les plus peuplées et les moins peuplées. Aujourd’hui, les communes de moins de 500 habitants disposent de deux fois plus de délégués que les communes de plus de 100 000 habitants, alors qu’elles comptent deux fois moins d’habitants.

Cette situation n’est pas satisfaisante : un Sénat qui représente les collectivités, c’est un Sénat qui représente la réalité de ces collectivités. Encore une fois, le Gouvernement ne souhaite pas bouleverser le mode de scrutin sénatorial ; il ne souhaite pas bouleverser radicalement les équilibres existants. Non, ce que le Gouvernement souhaite, c’est une meilleure représentation de collectivités, de territoires entiers qui sont aujourd’hui sous-représentés ; c’est mieux concilier deux principes constitutionnels : la représentation des collectivités et l’égalité du suffrage.

Pour mettre en œuvre une telle conciliation, nous disposons des grandes orientations esquissées par la jurisprudence constitutionnelle. En effet, dans sa décision du 6 juillet 2000, le Conseil a clairement énoncé les critères de constitutionnalité applicables à la composition du collège participant à l’élection des sénateurs.

Ainsi, le Sénat doit – je cite le Conseil constitutionnel – « être élu par un corps électoral qui est lui-même l’émanation des collectivités ».

Le Conseil précise que « ce corps électoral doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes » ; que « toutes les catégories de collectivités territoriales doivent y être représentées » et que « la représentation des communes doit refléter leur diversité » .

Enfin, en application du principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage, le Conseil constitutionnel rappelle que « la représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes doit tenir compte de la population qui y réside ».

Ces principes sont utilement rappelés par l’article 1er A du projet de loi, adopté à l’initiative du Sénat et qui dispose que le collège électoral « assure, dans chaque département, la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales et de la diversité des communes, en tenant compte de la population qui y réside ».

Ces principes sont aussi ceux qui président à l’article 1er de ce projet, qui modifie les règles d’attribution des délégués supplémentaires dans les communes de plus de 30 000 habitants. L’ajustement est modeste : il y aura désormais un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants, et non plus par tranche de 1 000 habitants.

Ce rééquilibrage ne touche que le collège municipal et il reste volontairement limité. Il n’affecte en rien la représentation des territoires les moins peuplés – je pense ici aux territoires ruraux. Ces communes conserveront le même nombre de délégués, soit environ un pour 227 habitants dans les communes de moins de 500 habitants. En revanche, il est juste d’améliorer la représentativité des communes très peuplées. Dans les communes de plus de 300 000 habitants, cette réforme permettra de passer d’un délégué pour 931 habitants à un pour 760.

Au total, un peu plus de 3 000 nouveaux délégués supplémentaires seront élus. Ce dispositif constitue, je crois, une mesure de justice, mais reste raisonnable. La part des délégués supplémentaires dans le total du collège communal n’augmentera que de 2 %, passant de 8,3 % à 10,2 %.

Nous avons souhaité également, dans tous les territoires, garantir la prééminence du nombre de délégués élus communaux sur les délégués supplémentaires. Cette condition a été fixée par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à la loi du 10 juillet 2000 et fait obstacle à une représentation strictement proportionnelle de la population au sein du collège sénatorial. En l’espèce, la modification que je vous propose aujourd’hui respecte la lettre de la décision du Conseil constitutionnel, et la participation des délégués supplémentaires conserve « un caractère de correction démographique ». L’étude d’impact est d’ailleurs très claire : nous avons procédé à plusieurs simulations, et le Gouvernement a finalement opté pour celle qui préserve le mieux la part des délégués émanant directement des conseils municipaux.

Ce texte vise à donner un nouveau souffle à la parité au Sénat. Meilleure représentation des territoires, meilleure représentation de ceux qui y vivent : tout cela serait incomplet si nous ne cherchions pas à mieux représenter la société, à mieux représenter au sein du Sénat les femmes, mais aussi la pluralité des courants d’opinion.

C’est ce renforcement que le Gouvernement vous propose aujourd’hui. En un peu plus de vingt ans, les progrès de la parité au Sénat ont été indéniables. Il faut ici rappeler quelques chiffres : en 1989, le Sénat ne comptait que 3 % de sénatrices. Elles représentent aujourd’hui 22 % de cette Assemblée. C’est encore insuffisant.

Par le passé, le progrès de la parité au Sénat n’a été possible que parce qu’une action volontariste a été menée. En la matière, et comme pour les autres élections, l’action du Gouvernement de Lionel Jospin a été déterminante. Les facteurs de cette progression sont parfaitement identifiés et il faut les rappeler ici : la féminisation résulte avant tout de la combinaison des dispositions de deux lois promulguées en 2000.

La loi du 6 juin 2000, bien sûr, qui a traduit, pour le mode de scrutin sénatorial, le principe qui, grâce à l’action conjuguée de Lionel Jospin et de Jacques Chirac, figure depuis 1999 à l’article 1er de notre Constitution : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». C’est l’obligation de présenter des listes paritaires aux élections se déroulant au scrutin proportionnel qui a permis le progrès de la parité dans notre vie politique.

Au Sénat, cette disposition serait restée insuffisante sans la loi du 10 juillet 2000 qui a abaissé le seuil de l’élection proportionnelle. Auparavant, les sénateurs n’étaient élus à la proportionnelle que dans les départements comptant cinq sénateurs et plus. Ce seuil a été abaissé aux départements élisant trois sénateurs et plus.

Cette volonté politique a eu un effet immédiat : en 2001, lors du premier renouvellement suivant l’adoption de ces mesures, la proportion de femmes au Sénat a presque doublé – 11 % contre 6 % auparavant. L’effet de l’extension de l’élection au scrutin proportionnel est très clair. Sur vingt-deux femmes élues cette année-là, vingt l’ont été à la proportionnelle.

Pour les élections sénatoriales, l’élection au scrutin proportionnel reste en effet le meilleur gage d’une parité accrue. Là encore, les chiffres sont sans ambiguïté. Pour le renouvellement de 2011, dans les départements votant à la proportionnelle, presque 35 % des sièges ont été remportés par des femmes. Cette proportion n’était que de 17 % dans les départements votant au scrutin majoritaire. Cette dynamique s’est poursuivie pendant dix ans et la part des sénatrices a quasiment quadruplé entre 2001 et 2011, passant de 6 à 23,3 %.

Mais l’élan est pour la première fois en voie d’essoufflement. Lors du dernier renouvellement, la part des femmes a légèrement reculé. La proportion des sénatrices était supérieure à celle des femmes députées depuis 2008, ce n’est plus vrai aujourd’hui. Il est temps de relancer la dynamique paritaire au Sénat.

Comme en 2000, la parité sera mieux respectée si nous faisons preuve de volonté politique. C’est pourquoi nous vous proposons de ramener, comme cela était prévu par la loi du 10 juillet 2000, le seuil de l’élection à la proportionnelle aux départements élisant trois sénateurs ou plus. Très concrètement, le retour au scrutin de liste dans les départements élisant trois sénateurs ou plus concernera soixante-quinze sièges. Mécaniquement, davantage de femmes devraient accéder au mandat de sénateur dans les départements concernés. Lors des débats au Sénat, d’autres mesures en faveur de la parité ont été introduites. Ainsi, l’article 1er D prévoit la parité au sein des listes de délégués. L’article 1er quater introduit dans les départements élisant les sénateurs au scrutin majoritaire la parité entre le candidat et son suppléant

Enfin, à l’initiative du Sénat, d’autres mesures de modernisation de l’élection ont été adoptées. Je pense en particulier à l’article 1er quinquies, qui met fin à un archaïsme : désormais, pour être candidat au second tour, il faudra l’avoir été au premier. Comme vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le texte constitue une évolution de l’élection sénatoriale dont le principe central est la représentativité assortie de l’impulsion d’un nouvel élan à la parité et d’une meilleure représentation des territoires, donc de nos concitoyens. Cette évolution reste mesurée et j’espère qu’elle fera consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Popelin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons voté au cours des derniers mois plusieurs réformes importantes des modes de scrutin qui vont toutes dans le même sens, celui d’une plus juste représentation des citoyens.

M. Guillaume Larrivé. Et surtout du PS !

M. Bernard Roman, rapporteur. Qu’il s’agisse des conseils municipaux, des élections cantonales ou départementales ou même des membres du conseil de Paris, le législateur a fait preuve d’une grande cohérence dans ses choix.

M. Guillaume Larrivé. En faveur du PS !

M. Bernard Roman, rapporteur. Il a favorisé trois éléments : l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs, l’extension du scrutin proportionnel qui est gage d’une plus grande diversité des courants politiques, enfin l’égalité de tous devant le suffrage.

Le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui au nom du Gouvernement, monsieur le ministre, entend faire de même avec les élections sénatoriales, comme vous venez de l’expliciter brillamment. Le Sénat, dans sa configuration actuelle, comporte certaines spécificités, voire certaines anomalies. Ces caractéristiques, vous les connaissez, mes chers collègues : un mandat plus long, un renouvellement partiel et un suffrage indirect. En outre, le Sénat a une vocation particulière de représentation des collectivités territoriales que l’Assemblée nationale n’a pas. Le Sénat est donc par essence différent de l’Assemblée nationale, dont il devait initialement modérer les ardeurs. En effet, il a été historiquement conçu pour amoindrir le poids des villes au bénéfice des populations rurales, longtemps jugées plus conservatrices.

Vous en conviendrez avec moi, une telle vision est aujourd’hui totalement dépassée. Une conception plus moderne amène à chercher ailleurs que dans l’affaiblissement de la vox populi les bienfaits du bicamérisme. Celui-ci présente l’avantage théorique de provoquer une fructueuse confrontation des idées et participe dès lors de la qualité de la loi, car il y a généralement plus d’intelligence dans deux têtes que dans une seule. L’Assemblée, par son mode de scrutin, doit assurer une certaine forme de stabilité ; le Sénat, pour sa part, doit être la chambre de la diversité et de l’expression de toutes les opinions. Il semble aujourd’hui nécessaire d’adapter les modalités de l’élection des sénateurs aux nouvelles fonctions du bicamérisme. Les spécificités sénatoriales, qui étaient sans doute justifiées au dix-neuvième siècle, doivent être progressivement aménagées pour assurer à la chambre haute une légitimité renouvelée.

En effet, le Sénat manque aujourd’hui de légitimité à plusieurs titres. Tout d’abord au regard de sa vocation même de représentation des collectivités territoriales : il est avant tout, qu’on le veuille ou non, le porte-voix des petites communes, qui sont surreprésentées au sein du collège électoral.

Mme Annie Genevard. Et alors ?

M. Bernard Roman, rapporteur. Ensuite, le Sénat ignore pour une large part le fait urbain, tant le poids des communes rurales pèse lourd dans son collège électoral. Alors que les communes de moins de 2 500 habitants accueillent 27 % de la population, elles représentent 41 % des délégués des conseils municipaux. En outre, la chambre haute ignore en général tout des changements affectant les opinions politiques des Français, comme en témoigne la stabilité cinquantenaire de son ancienne majorité. Enfin, vous venez de le démontrer très justement, monsieur le ministre, après s’être rapidement féminisé à partir des années 2000 sous l’impulsion de deux lois promues par la gauche, le Sénat ne connaît depuis 2008 aucune évolution en la matière et n’accueille depuis lors que 22 % de femmes. Il est même aujourd’hui moins féminisé que l’Assemblée nationale, c’est dire à quel point des progrès sont possibles !

Mme Catherine Quéré. En effet, ce n’est pas peu dire !

Mme Nathalie Nieson. Il était temps !

M. Bernard Roman, rapporteur. Le Sénat est donc une institution en décalage avec son temps. Le présent projet de loi entend amorcer le changement.

M. Alain Chrétien. Le changement, c’est maintenant !

M. Bernard Roman, rapporteur. Ce n’est pas M. Larrivé qui reprenait le slogan de campagne présidentielle de François Hollande, mais ça venait du même banc !

Le Gouvernement prévoit deux dispositions principales : l’amélioration de la représentation des communes les plus peuplées au sein du collège électoral, dans le respect de la mission de représentation des collectivités territoriales que l’article 24 de la Constitution assigne au Sénat, et l’extension du scrutin proportionnel aux départements élisant trois sénateurs, au lieu de quatre aujourd’hui, ce qui favorisera la représentation des femmes mais aussi la diversité des courants politiques. L’article 1er du projet de loi, qui prévoit d’abaisser de 1 000 à 800 le nombre d’habitants à partir duquel les communes de plus de 30 000 habitants peuvent désigner un délégué supplémentaire, amènera un rééquilibrage mesuré en faveur des grandes villes sans modifier la physionomie actuelle du collège électoral. L’écart de représentativité entre le délégué d’une petite commune et celui d’une grande ville, particulièrement important aujourd’hui, sera réduit, les communes de plus de 30 000 habitants bénéficiant de 3 175 délégués supplémentaires, qui s’ajoutent aux 150 000 déjà en place.

M. Gérald Darmanin. C’est du tripatouillage !

M. Alain Chrétien. À visée électoraliste !

M. Bernard Roman, rapporteur. La qualité de votre intervention, monsieur, me donne à penser que vous venez de la buvette, car elle est vraiment à la hauteur du débat !

M. Alain Chrétien. Certes, tout cela va changer la face de la République !

M. Bernard Roman, rapporteur. Oui, vraiment, il vient de la buvette ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Les articles 2 et 3 du projet de loi étendent l’application du scrutin proportionnel aux départements élisant trois sénateurs. Ainsi, 73 % des sièges de la chambre haute seront attribués en application d’un tel mode de scrutin. Cela représente vingt-cinq départements et soixante-quinze sièges supplémentaires soumis à une obligation paritaire. Un tel dispositif avait d’ailleurs fait la preuve de son efficacité lorsqu’il avait été appliqué entre 2000 et 2003, amorçant un mouvement de féminisation du Sénat que vous avez largement quantifié, monsieur le ministre. Certes, les dispositions initiales du projet de loi n’ont rien de révolutionnaire. La taille du collège électoral n’augmentera que de 2 % et sa composition ne sera que très marginalement modifiée. C’est pourtant bien plus que ce qu’avançait il y a treize ans Marc Dolez, rapporteur en 2000 du projet de loi sur la modification du mode électoral du Sénat.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’excellent Marc Dolez !

M. Bernard Roman, rapporteur. Les dispositions respectent profondément l’institution sénatoriale, qu’il n’est pas question de bouleverser, et constituent indéniablement un premier pas important vers un Sénat relégitimé. Le Sénat les a d’ailleurs adoptées sans modification en première lecture, même s’il a ajouté au texte initial un certain nombre de dispositions qui nous sont soumises aujourd’hui. En premier lieu, deux dispositions, figurant aux articles 1er D et 1er quater, visent à assurer une meilleure représentation des femmes au Sénat en introduisant une contrainte paritaire, terme que je n’aime pas mais qui est celui du Sénat. Celle-ci concerne l’élection des délégués des conseils municipaux et de leurs suppléants comme la désignation des remplaçants des sénateurs élus au scrutin majoritaire. En deuxième lieu, le Sénat a introduit un article 1er A qui rappelle dans la loi les principes dégagés par le Conseil constitutionnel au sujet de la composition du collège électoral sénatorial. En troisième lieu, le Sénat a introduit plusieurs modifications de l’organisation même du scrutin sénatorial.

M. Gérald Darmanin. On frise le conflit d’intérêts ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Roman, rapporteur. Ainsi, le texte intègre les sénateurs au collège électoral sénatorial, rend irrecevables les candidatures déposées au second tour des élections sénatoriales et enfin élargit à trois semaines au lieu de deux le temps de campagne alloué aux candidats aux élections sénatoriales. Enfin, deux dispositions nouvelles concernent le sort des communes associées, qui désignent leurs grands électeurs selon des modalités spécifiques. Si les articles introduits par le Sénat n’ont pas tous la même portée, il n’en demeure pas moins que certains d’entre eux, en particulier ceux qui ont été introduits à l’initiative de la délégation aux droits des femmes, participent pleinement de l’objectif initial du projet de loi qui consiste à améliorer la représentativité du Sénat et à renforcer sa légitimité. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter le texte en l’état, en considérant qu’il n’est pas dans la tradition de l’Assemblée Nationale de modifier les textes relatifs à la Haute assemblée votés par elle-même. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Avi Assouly. Bravo !

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un Mouvement Populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est totalement légitime que le Gouvernement et le Parlement travaillent au cœur de l’été, car nos compatriotes attendent de nous des résultats. Permettez-moi néanmoins d’exprimer un regret au nom du groupe UMP. La session extraordinaire du Parlement s’achève de bien étrange manière. Nous ne sommes pas invités à débattre d’une loi de finances rectificative, qui permettrait enfin d’améliorer la compétitivité de nos entreprises et de combattre activement le chômage. Nous ne sommes pas non plus convoqués par le ministre de l’intérieur pour améliorer le cadre juridique et les moyens opérationnels affectés à la lutte contre les violences. Le Gouvernement s’en préoccupe sans doute sur le terrain mais n’y associe en rien le Parlement. Ce qui nous vaut cette nuit, monsieur le ministre, le plaisir de vous revoir dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, c’est votre volonté acharnée de modifier au plus vite les règles électorales.

Mme Catherine Quéré. M. le ministre était là hier soir !

M. Guillaume Larrivé. Il n’y a rien de plus urgent, semble-t-il, aux yeux du Gouvernement, que de demander à l’Assemblée nationale de modifier, illico presto, les règles d’élection du Sénat

M. Gérald Darmanin. Comme s’il n’y avait rien d’autre à faire !

M. Guillaume Larrivé. Nous pensons, monsieur le ministre, que vous commettez là une double erreur. Votre première erreur est celle qui consiste à vouloir modifier, mois après mois, semaine après semaine, jour après jour, la plupart des règles du jeu électoral. Il faut vous en donner acte : la créativité gouvernementale est sans limite dès qu’il s’agit de modifier le code électoral.

Mme Catherine Quéré. Vous aussi, vous l’avez fait !

M. Guillaume Larrivé. Ces derniers mois, vous avez changé le seuil d’application du scrutin proportionnel aux élections municipales, vous avez transformé les règles d’élection des conseillers intercommunaux, vous avez modifié le calendrier électoral dans les régions et les départements, vous avez tenté de recomposer, en vous y reprenant à deux fois, le tableau de répartition des conseillers de Paris – et d’ailleurs, en ce moment même, au Sénat, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, est en train de se livrer à ce tripatouillage, au lieu de s’occuper de la sécurité des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais oui, c’est vrai !

M. Guillaume Larrivé. Vous avez également créé un hybride bicéphale qui siégera au sein du conseil départemental et cet été, dans le secret de la place Beauvau – à moins que ce ne soit dans celui de la rue de Solférino (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) –, vous redécoupez tous les cantons de tous les départements de France

Pour faire bonne mesure, vous vous précipitez aujourd’hui pour changer les règles d’élection des sénateurs dans l’année qui précède la campagne du renouvellement, en septembre 2014, de la moitié du Sénat. C’est un peu comme si, sur un terrain de football, à quelques heures d’une confrontation entre deux clubs, l’une des deux équipes décidait de modifier unilatéralement les règles du jeu.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est exactement ça : ils changent les règles quand ça les arrange !

M. Guillaume Larrivé. Vous me répondrez sans doute, monsieur le ministre, qu’aucun principe ne fait directement obstacle à de telles modifications, puisque le Conseil constitutionnel, dans une décision du 21 février 2008, n’a pas reconnu de principe fondamental qui interdirait de modifier les règles électorales dans l’année qui précède un scrutin – dont acte.

Au demeurant, j’admets bien volontiers que, par le passé, d’autres gouvernements, d’autres majorités, ont eux aussi pratiqué de cette manière. Ce ne fut un succès majeur ni pour le parti alors au pouvoir, ni pour la démocratie. Je crois précisément que de telles pratiques, de tels arrangements devraient appartenir au passé. Dans une démocratie avancée, respectueuse des libertés des citoyens, il est choquant que la majorité en place se permette de modifier les règles du jeu à quelques mois d’une élection.

À cet égard, je vous invite – vous en particulier, mes chers collègues de la majorité – à prendre attentivement connaissance du « baromètre de la confiance politique », publié par le CEVIPOF voici quelques mois. Comme dans nos permanences ou sur les marchés, on y perçoit la très forte défiance de nos compatriotes envers les institutions. Ainsi, 54 % des Français pensent que notre démocratie ne fonctionne pas bien, 28 % d’entre eux disent avoir confiance dans l’Assemblée nationale, et seulement 26 % dans le Gouvernement – trois Français sur quatre expriment leur défiance à l’égard de l’exécutif. Cette défiance se lit aussi, bien sûr, dans les taux d’abstention et le niveau élevé des suffrages qui se portent sur les candidats n’appartenant pas aux partis de Gouvernement.

Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, les résultats calamiteux pour le Gouvernement et le parti au pouvoir, des huit élections législatives partielles qui viennent de se succéder ?

M. Gérald Darmanin. Il faudrait le rappeler, oui !

M. Guillaume Larrivé. Faut-il vous rappeler, plus encore, que toutes les formations politiques, ou presque, ayant exercé les responsabilités gouvernementales depuis 1978 ont été battues aux élections générales suivantes ? Les Français ont toujours appliqué, depuis trente-cinq ans, une règle consistant à sortir les sortants. Je regrette qu’en s’obstinant à modifier les règles du jeu électoral à quelques mois des échéances normalement prévues, le Gouvernement ne fasse qu’alimenter la défiance à regard des institutions de notre République…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est évident !

M. Guillaume Larrivé. …ce qui est une faute contre la démocratie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui, une de plus !

M. Guillaume Larrivé. Votre deuxième erreur est celle qui consiste à vous méfier, encore et toujours, du bicamérisme inhérent à notre République, tout en cherchant – car vous ne perdez pas le Nord – à y renforcer vos positions. Disons les choses telles qu’elles sont, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés de la majorité – monsieur le rapporteur, en particulier –, vous n’aimez pas le Sénat, ce qui ne vous empêche pas de souhaiter que le parti socialiste dans ses diverses composantes, et ses alliés – tout cela est assez compliqué – aient plus de sièges de sénateurs.

Victor Hugo, en son temps, illustra assez bien l’attitude paradoxale qui reste aujourd’hui la vôtre. Il s’était empressé de faire élire sénateur de la Seine, alors même qu’il avait défendu quelques mois auparavant, lors des débats sur les lois constitutionnelles de 1875, l’idée que le Sénat était une institution antirépublicaine, qu’il ne fallait surtout pas recréer. On se souvient de son exclamation : « Défense de déposer un Sénat le long de la Constitution » !

Je crois que la gauche française continue de penser, comme le Premier ministre Lionel Jospin l’avait déclaré, voici quinze ans, que le Sénat est une « anomalie parmi les démocraties ». Telle n’est pas notre conviction. Certes, c’est ici, à l’Assemblée nationale, que bat le cœur de la vie politique, car c’est devant l’Assemblée nationale que le Gouvernement engage sa responsabilité.

Mais le Sénat, c’est tout autant la République. C’est Georges Clemenceau qui conquiert la confiance des maires du Var et va alors pouvoir, comme président de la commission sénatoriale aux armées, effectuer ses premières visites sur le front de la Grande guerre. C’est Michel Debré qui, au Palais du Luxembourg, dénonce les faiblesses de la IVe République. C’est Robert Badinter qui, au soir de sa vie publique, entre au Sénat pour continuer à y défendre les libertés. Et c’est, aujourd’hui encore, une chambre qui permet – en principe – dans le dialogue avec les députés, de prendre le temps d’une réflexion mesurée et d’améliorer la qualité de la loi – qui en a d’ailleurs bien besoin.

Le Sénat vous déplaît car il est indocile. Lorsqu’en 2011, vous y avez conquis la majorité, vous avez imaginé pouvoir vous appuyer, là-bas, sur une chambre subordonnée aux souhaits de votre Gouvernement.

M. Paul Molac. Il n’y a pas de majorité !

M. Guillaume Larrivé. Mais depuis plusieurs mois, le Sénat, insoumis, est devenu l’un de vos premiers opposants. Il dit non, avec obstination, à des textes majeurs pour le Gouvernement – la loi de finances pour 2013, la loi de financement de la sécurité sociale, la loi sur la tarification progressive de l’énergie, la loi sur l’élection des conseillers départementaux –, quand il ne les vide pas de leur contenu, comme cela a été le cas pour la réforme avortée du Conseil supérieur de la magistrature ou le projet de loi sur la transparence de la vie politique.

Vous avez donc décidé de tenter de reprendre la main sur ce Sénat frondeur – ce qui est sans doute plus facile que de reprendre la main sur certains des groupes frondeurs de l’Assemblée nationale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe écologiste et du groupe RRDP.)

M. Paul Molac. On se demande bien qui est visé !

M. Thierry Braillard. On a beau chercher, on ne voit pas ! (Mêmes mouvements.)

M. Guillaume Larrivé. C’est l’objet, ni plus ni moins, des deux mesures de ce projet de loi, et je vais le démontrer très simplement. Vous voulez, d’abord, étendre le scrutin proportionnel aux départements comptant trois sièges de sénateurs. Pour justifier cette évolution, vous mettez en avant deux objectifs louables, monsieur le ministre, à savoir la parité et le pluralisme.

Mais si ce sont bien là les finalités de ce texte, pourquoi, alors, n’avoir pas visé aussi les départements élisant deux sénateurs ? Une simulation permet de comprendre les raisons de ce choix : les intérêts du parti socialiste sont mieux sauvegardés si le mode de scrutin est modifié dans les seuls départements élisant trois sénateurs ! C’est en effet dans les départements à deux sièges que le parti socialiste enregistre ses meilleurs résultats – je pense à quinze départements dans lesquels la majorité actuelle aurait tout à perdre, parmi lesquels la Corrèze ou l’Ariège.

En revanche, dans les 27 départements concernés par la réforme, curieusement, ce sont principalement des sénateurs de l’opposition qui seront affectés – un hasard que le Gouvernement n’avait pas anticipé, personne n’en doute. Sur les 51 sénateurs sortants, on en dénombre 27 de l’UMP, 7 de l’Union centriste et un non-inscrit, soit un total de 35 sièges pour l’opposition, contre 16 pour la majorité. Les sièges de 17 d’entre eux seront soumis à renouvellement dès septembre 2014. Sur cette série, à collège électoral constant, la gauche gagnerait mécaniquement 9 sièges et en perdrait 2, soit un solde de 7 sièges, positif pour la majorité et négatif pour l’opposition. L’opposition supporterait ainsi, du fait de ce projet de loi, un handicap mécanique supplémentaire de 14 sièges.

M. Alain Chrétien. Un pur hasard !

M. Thierry Braillard. Le hasard fait bien les choses, voilà tout !

M. Guillaume Larrivé. Si l’on tient compte des 6 sièges d’avance actuels, le Gouvernement cherche ainsi à acquérir une marge de 20 sièges pour sa majorité sénatoriale. C’est arithmétique ! Le président Jean-Claude Gaudin, qui a livré ces chiffres devant le Sénat, n’a nullement été démenti, ni par le ministre de l’intérieur, ni par la majorité sénatoriale. Voilà, très simplement et très directement, l’objet unique de votre projet de loi.

Vous voulez, ensuite, augmenter le nombre de délégués pour les communes de plus de 30 000 habitants. Cette mesure est, comme la première, cousue de fil blanc. Elle s’inscrit d’ailleurs dans une certaine tradition de la gauche au pouvoir. La loi Jospin de 2000 proposait ainsi une représentation strictement démographique des communes – chaque commune désignant un grand électeur par tranche de 300 habitants –, mais le Conseil constitutionnel avait censuré ce texte, estimant que le Sénat devait demeurer « élu par un corps électoral essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ».

Le Gouvernement cherche aujourd’hui à contourner cette décision en proposant qu’un délégué supplémentaire soit désigné par tranche de 800 habitants dans les communes de plus de 30 000 habitants. Vous allez, de la sorte, tout simplement augmenter le collège électoral sénatorial de plus de 3 000 délégués supplémentaires au bénéfice des 260 communes les plus peuplées. Pourquoi ? Tout simplement parce que vous espérez ainsi gagner quelques sièges sénatoriaux supplémentaires.

N’oubliez pas cependant que les électeurs, dans leur sagesse, sanctionnent, souvent très durement, ceux qui manipulent les modes de scrutin. Les petits calculs de la rue de Solférino seront heureusement démentis si, demain, les élections municipales voient la défaite du parti au pouvoir.

Mes chers collègues, à l’intention de ceux d’entre vous qui n’auraient pas été totalement convaincus par une démonstration venant des bancs de l’opposition, je souhaite me référer, pour conclure, à ce qu’a déclaré le sénateur socialiste de la Côte-d’Or, François Patriat, qui a voté contre ce projet de loi au Sénat, en exprimant sa position avec force et éloquence.

M. Alain Chrétien. Très bonne référence !

M. Guillaume Larrivé. Je le cite : « Avec ce que vous nous proposez, je pense qu’il n’y a pas vraiment de justice. Vous préparez en effet deux sortes d’élections. Nous aurons, d’un côté, ceux qui se préoccupent de savoir, non s’ils vont être élus, mais s’ils figurent sur la liste des éligibles (…). Nous aurons, d’un autre côté, les territoires ruraux, où la situation est quand même différente. (…) Demain, il y aura ceux qui retrouveront forcément leur siège grâce à leur étiquette politique et ceux qui devront (…) parcourir 707 communes, faire quatre mois de campagne, pour espérer réunir 20 % ou 25 % des voix, ce qui leur permettra d’être élus. Est-ce cela, l’équité pour demain ? (…) Si le Sénat doit être élu à la proportionnelle, qu’on le dise et qu’on le fasse pour tous, et non pour une seule catégorie ! ».

M. Alain Chrétien. Quelle clairvoyance !

M. Guillaume Larrivé. Oui, ce projet de loi est injuste car, comme l’a démontré François Patriat, « les grands principes s’effacent derrière les petits calculs » ! Je vous invite, mes chers collègues, à refuser les petits calculs du Gouvernement, du parti socialiste et de ses alliés, et à rester fidèles à nos principes. Je vous appelle donc à adopter avec enthousiasme cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Roman, rapporteur. Dans le cadre de la motion de rejet préalable que vous défendez, vous m’avez accusé, monsieur Larrivé, d’être opposé, en ma qualité de rapporteur, au bicamérisme. En réalité, vous ne trouverez aucune déclaration de ma part en ce sens : au contraire, vous ne trouverez que des écrits démontrant que j’ai toujours défendu l’idée du bicamérisme. J’ai même rédigé, alors que j’étais président de la commission des lois, il y a treize ans, un rapport remis au Premier ministre, portant sur la réorganisation des institutions de la démocratie parlementaire, dans lequel j’insistais sur le fait que, comme le disait Guy Carcassonne, il y a plus de choses dans deux têtes que dans une, et que, de ce point de vue, le bicamérisme avait apporté beaucoup à l’élaboration des textes législatifs – je pourrais en citer de nombreux exemples.

Les socialistes d’une manière générale, et l’exécutif en particulier, sont attachés au bicamérisme. Vous en contestez aujourd’hui l’organisation, la désignation. Mais lorsque vous êtes revenus – car c’est bien vous qui l’avez fait – sur la réforme de 2000, en refaisant passer le seuil de la proportionnelle des départements de trois à quatre sénateurs, nous n’avons pas poussé de cris d’orfraie pour nous indigner de vous voir manipuler les électeurs et les élections !

C’était votre conception des choses. Vous avez fait baisser la représentation féminine au Sénat, qui ne compte qu’environ 20 % de femmes, et vous contestez le fait que l’on puisse accroître leur nombre : c’est votre choix, assumez-le.

Avant que le Gouvernement ne s’exprime, je veux dire ma surprise que vous puissiez annoncer, avec tant d’assurance, le résultat des prochaines élections sénatoriales.

M. Guillaume Larrivé. À collège électoral constant !

M. Bernard Roman, rapporteur. Même à collège électoral constant. Comment pouvez-vous ignorer qu’à l’occasion de chaque élection sénatoriale, des départements se révèlent à surprises, qui ont souvent moins de trois sièges et où l’on vote au scrutin majoritaire ? Des grands électeurs, devant voter pour trois noms, choisissent un socialiste, un UMP et un Vert. Cela arrive, et beaucoup plus souvent que vous ne le pensez. Savez-vous que, sur les 500 000 élus locaux de France, 70 % – j’insiste sur ce chiffre – n’ont aucune étiquette ?

M. Alain Chrétien. Qu’en savez-vous ?

M. Bernard Roman, rapporteur. Ce sont les chiffres officiels du ministère de l’intérieur, cher monsieur. Il faut vraiment que vous retourniez à la buvette ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur Chrétien, votre façon d’interpeller l’orateur est très déplaisante. Selon le ministère de l’intérieur, disais-je, sur les 500 000 élus locaux de France, 70 % n’ont aucune étiquette.

M. Jacques Lamblin. Mais ils ont des idées !

M. Bernard Roman, rapporteur. Pourtant, vous prétendez, à partir des derniers résultats, déduire quels seront les prochains, à collège électoral constant. Vous avez là un rare don de divination. J’ajoute que vous ne pouvez pas à la fois dire cela et affirmer que, à chaque fois que certains ont tenté de changer les règles, ils ont obtenu des résultats inverses à ceux qu’ils souhaitaient : c’est en effet la démonstration que l’on ne peut prédire les résultats de ce type d’élections. Il y a là, véritablement, une absence de bonne foi dans votre argumentation. Je pense donc que votre motion de rejet préalable ne doit pas être adoptée.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour un rappel au règlement.

M. Gérald Darmanin. Mon intervention se fonde sur l’article 58 alinéa 1 du règlement. Monsieur Roman, vous avez interpellé à plusieurs reprises nos collègues, sans que l’on sache très bien, d’ailleurs, à qui vous vous adressiez.

M. Pascal Popelin. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Gérald Darmanin. J’y viens, mon cher collègue, mais ne retardez pas les débats pour autant. Monsieur le rapporteur, on vous a connu plus à l’écoute des arguments de l’opposition, vous qui aimez le débat parlementaire et, plus généralement, le débat politique. Ce n’est pas parce que certains collègues contestent vos vues qu’ils viennent nécessairement de la buvette – puisque vous avez utilisé deux fois cet argument. Sans doute est-ce l’effet de la jalousie, monsieur le premier questeur : il vous appartient, si vous estimez que les parlementaires abusent des bienfaits de cette maison, de prendre un arrêté réglementant l’accès à la buvette. (Sourires.)

Plus sérieusement, monsieur Roman, il me semble que vous devriez retirer ces propos d’après-buvette…

M. Jacques Lamblin. D’après-boire !

M. Gérald Darmanin. …d’« après-boire », comme le dit notre collègue Lamblin, et nous pourrons continuer à débattre de votre charcutage électoral avec beaucoup d’intérêt, monsieur le premier questeur.

Motion de rejet préalable (suite)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur Larrivé, j’ai écouté attentivement votre motion de rejet préalable. Vous avez évoqué, au début de votre intervention, les dangers ou les spécificités du redécoupage. À vous écouter, je ne sais si vous exprimez un témoignage ou faites part d’une expertise. Mais votre démonstration vous a conduit, finalement, à affirmer – de manière très juste, d’ailleurs – le contraire de ce que vous aviez dit précédemment, à savoir que, à chaque fois qu’il y a eu des redécoupages, à supposer qu’ils aient répondu à une intention politicienne, le résultat n’était, d’une manière générale, pas au rendez-vous. Vous pouvez imaginer que, si telle avait été la mauvaise intention que vous nous prêtez, nous aurions arrêté ce travail, car nous savons parfaitement comment les choses peuvent se dérouler.

J’ai accueilli votre motion comme un encouragement. En effet, effectuant un calcul mécanique du résultat des futures élections sénatoriales, dont chacun sait ici qu’elles interviendront après les élections municipales, vous avez eu la lucidité de penser, contrairement à beaucoup de commentateurs et à de nombreuses personnes dans vos rangs, que les résultats de la majorité seront exactement les mêmes qu’en 2008, puisque vous avez pris en compte les mêmes bases politiques. Je vous remercie de cet encouragement donné à la majorité. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Popelin. Excellent !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sur le fond, que nous reprochez-vous ? D’être constant et de revenir aujourd’hui sur ce que vous avez défait. En effet, cela a été dit par le rapporteur, tel est le fond du problème : nous avions déjà modifié, en fonction de considérations simples tenant à la représentativité et à la parité, le seuil d’application de la proportionnelle. Or, vous vous êtes dépêchés, lorsque vous avez accédé au pouvoir, de modifier ce système. Nous faisons donc preuve de constance, car les principes qui avaient guidé cette réforme demeurent les nôtres aujourd’hui. Vous ne pouvez ignorer des faits très simples : le suffrage indirect, dans le cadre du vote par les grands électeurs lors des élections sénatoriales, aboutit à des disproportions qui sont déraisonnables. Le Gouvernement n’a pas souhaité parvenir à un système de représentation absolument parfaite car, comme je l’ai dit moi-même, il faut tenir compte de la spécificité du Sénat. Entre l’exagération et la raison, il y a la proposition du Gouvernement.

Vous observerez que, pour les communes rurales – il est normal d’évoquer ce sujet, comme vous l’avez fait, à propos du Sénat – cela ne change rien : le nombre de leurs grands électeurs demeurera identique.

M. Guillaume Larrivé et Mme Annie Genevard. C’est la proportion qui change !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Mais, actuellement, dans les communes de plus de 300 000 habitants, un délégué représente en moyenne 931 habitants : le vote d’un citoyen d’une telle commune aux élections municipales a donc deux fois moins d’influence sur l’élection des sénateurs. C’est déraisonnable. Nous souhaitons donc rectifier cette disproportion qui, compte tenu des évolutions démographiques et naturelles, ainsi que des concentrations urbaines, s’accentue avec le temps. Le paysage municipal n’est pas figé – un nombre croissant de gens habitent dans les zones urbaines – mais le système l’est, quant à lui : aussi la disparité devient-elle de plus en plus forte. En proposant simplement de prendre en compte cette évolution pour effectuer une correction, le Gouvernement adopte une démarche raisonnable.

Enfin, la question de la parité qui, comme je l’ai rappelé, a été inscrite dans la Constitution à l’initiative de Jacques Chirac et de Lionel Jospin, est essentielle. On ne peut en ignorer les conséquences concrètes : du jour où vous avez modifié les règles que nous avions mises en place concernant le seuil d’application de la proportionnelle, le nombre de femmes, qui avait augmenté au Sénat grâce à notre initiative, a subitement stagné avant de régresser.

Ces deux objectifs, très clairs, sont à l’origine de la démarche tout à fait raisonnable et, me semble-t-il, pertinente, du Gouvernement, qui demande en conséquence le rejet de votre motion.

M. le président. Avant d’en venir aux explications de vote, je vous informe que, sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. À l’appui de son argumentation, au début de son propos, notre collègue Larrivé a évoqué, à juste titre d’ailleurs, la crise de la représentation politique et la défiance de nos concitoyens à l’égard des institutions. Mais, curieusement, il en a conclu qu’il ne fallait toucher à rien, ne pas essayer d’améliorer la représentativité du Sénat, de mieux assurer le pluralisme ni de mieux garantir la parité. Tel est l’objet de ce texte, somme toute modeste.

M. Bernard Roman, rapporteur. Très modeste !

M. Marc Dolez. Très modeste, en effet, comme l’a dit tout à l’heure M. le ministre. Il n’y a pas non plus dans ce texte de remise en cause du bicamérisme ni la manifestation d’une revanche à prendre sur le Sénat, comme l’a affirmé, me semble-t-il, notre collègue Larrivé. D’ailleurs, il ne serait pas incongru d’avoir un débat plus ambitieux sur des sujets tels que la place du Sénat dans nos institutions et son mode d’élection. Ce n’est pas l’objet de ce texte, qui poursuit un objectif modeste mais réel : mieux assurer le pluralisme et la parité. Notre groupe est favorable à cette démarche. Aussi allons-nous voter contre cette motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pascal Popelin. Cher collègue Larrivé, j’attendais avec intérêt les arguments que vous alliez trouver pour vous opposer – car telle est votre mission, même si elle n’est pas toujours aisée – à l’amélioration de la représentativité du collège des grands électeurs sénatoriaux et au renforcement de la parité au Sénat. Durant dix-sept minutes, vous avez parlé de bien des sujets, sur lesquels il y aurait beaucoup à dire pour rétablir la réalité des choses, mais les deux minutes dont je dispose ne suffiront pas.

Lorsque vous avez parlé du Sénat, ce fut pour invoquer les mânes de Victor Hugo, dans des termes moins louangeurs qu’il est généralement de coutume d’user lorsqu’on le cite – mais vous avez le droit de préférer Napoléon III. (Sourires sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Et quand vous avez évoqué le futur mode de scrutin sénatorial que nous proposons, ce fut pour vous livrer à une analyse électorale qui aurait davantage eu sa place dans une réunion du bureau politique de l’UMP qu’à la tribune de cet hémicycle.

M. Gérald Darmanin. Parlez-nous du cumul des mandats !

M. Pascal Popelin. Rien, dans votre intervention, n’était donc de nature à nous convaincre : bien au contraire, vous avez renforcé la conviction du groupe SRC de repousser votre motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Annie Genevard. Monsieur le rapporteur, je veux tout d’abord vous citer : « Le Sénat a conservé pour une large part les caractéristiques qui en font une anomalie démocratique. » Vous protestez du contraire, mais c’est écrit dans votre rapport !

M. Bernard Roman, rapporteur. Je le confirme, madame !

Mme Annie Genevard. Les arguments que vous mettez en avant ressemblent trait pour trait à ceux que vous avez exposés pour justifier la réforme de l’élection des conseillers départementaux : mieux représenter la population et améliorer la parité. Je suis sensible, bien sûr, à la question de la parité, mais enfin, ce n’est pas non plus l’alpha et l’omega de toutes les décisions politiques prises dans cette enceinte.

Mme Catherine Quéré. Ça compte, quand même !

Mme Annie Genevard. Cela témoigne d’un manque d’imagination, et c’est contestable, car cela dissimule mal vos intentions véritables, qui sont de nature politicienne. C’est contestable et politicien, parce que vous présentez un texte à la dérobée, à l’extrême fin d’une session extraordinaire, qui trahit l’urgence qu’il y a, pour vous, à réformer en vue du prochain scrutin sénatorial, afin de préserver votre très fragile majorité.

Le Sénat représente les collectivités territoriales, et, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je conteste votre analyse. Aujourd’hui, 66 % des délégués représentent 97 % des communes. Eh oui, 97 % des communes ont moins de 10 000 habitants ! La correction du critère de la population existe donc déjà.

M. Pascal Popelin. Voilà une curieuse manière de compter !

Mme Annie Genevard. Monsieur Roman, vous parlez de surreprésentation de la ruralité, mais la France est rurale. Vous l’ignorez, mais c’est le cas. Et quand bien même privilégierait-on les territoires, en quoi serait-ce illégitime, puisque le bicamérisme est précisément organisé selon ces deux logiques ? Les députés représentent la population, et le Sénat les territoires et les collectivités.

En fait, tout concourt, dans vos choix politiques, à affaiblir la ruralité. Vous n’en avez que pour les villes. Vous reniez la capacité d’expression des territoires ruraux, et c’est une faute. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. J’ai écouté attentivement M. Larrivé et je dois dire que j’ai été un peu déçu par son argumentation. Bernard Roman s’est exprimé avant lui pour défendre le texte avec un sens de la mesure dans lequel j’ai cru voir poindre une frustration trahissant des ambitions réformatrices sans doute plus grandes.

M. Bernard Roman, rapporteur. Quel fin psychologue !

M. François de Rugy. J’ai également entendu le ministre et d’autres orateurs se réfugier, si je puis me permettre cette expression, derrière l’idée, pourtant fausse, que le Sénat représenterait les collectivités territoriales.

Mme Annie Genevard. Ce n’est pas faux du tout. C’est inscrit dans la Constitution !

M. François de Rugy. Bien sûr, mais la disposition constitutionnelle ne se retrouve pas dans la réalité du mode d’élection des sénateurs, puisque, comme l’a démontré de façon implacable Bernard Roman, il y a non seulement une surreprésentation de certaines communes, mais également une sous-représentation manifeste des départements et des régions, qui, en tant que collectivités territoriales, devraient également être représentées.

Je trouve que l’on se complique un peu la vie ; j’avais eu l’occasion de le dire au cours d’un débat qui avait eu lieu durant la précédente législature sur ce même sujet sur l’initiative de Jean-Jacques Urvoas, me semble-t-il, qui défendait une proposition du groupe socialiste, à l’époque dans l’opposition. En effet, si l’on veut la parité parfaite entre hommes et femmes – je crois que nous sommes nombreux à la vouloir sur ces bancs –, si l’on veut le pluralisme – nous sommes sans doute également nombreux à le vouloir –, si on veut une représentation égalitaire et démocratique de tous les territoires et de leurs habitants, il y a une manière simple d’y parvenir.

Et sur ce point, je dois dire que vous m’avez beaucoup déçu, monsieur Larrivé, car je pensais qu’en défendant la motion de rejet préalable vous alliez faire des contre-propositions, ou du moins cette proposition simple : l’élection des sénateurs au suffrage universel direct…

M. Jacques Lamblin. Cela n’aurait aucun sens. Le Sénat serait alors une seconde Assemblée nationale !

M. François de Rugy. …à la proportionnelle intégrale, ce qui permettrait de respecter la parité et d’assurer la représentation de tous les territoires de la façon la plus égalitaire qui soit. Vous allez me dire que cela ne correspond pas à la tradition de votre courant politique, mais il y a un précédent : le général de Gaulle a transformé une élection par des élus locaux en une élection au suffrage universel direct.

Mon groupe ne votera pas votre motion de rejet préalable car, malheureusement, elle n’est que l’expression de votre conservatisme.

M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix la motion de rejet préalable

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants84
Nombre de suffrages exprimés82
Majorité absolue42
Pour l’adoption31
contre51

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté et qui a été adopté par le Sénat sans avoir été vidé de sa substance – les sénateurs l’ont même enrichi, ce qui n’allait pas de soi après le rejet du texte par la commission des lois du Sénat –, est assez modeste dans son dispositif mais important pour notre démocratie représentative.

Comme le rappelle utilement Philippe Kaltenbach, rapporteur du texte au Sénat, les règles électorales pour l’élection des sénateurs sont demeurées inchangées, pour l’essentiel d’entre elles, depuis la IIIRépublique : mode de scrutin dual, uninominal ou par liste ; collège électoral essentiellement composé de délégués des conseils municipaux.

Sous la Ve République, les critères d’application ont pu varier, mais ces caractéristiques sont restées les mêmes. Il ne s’agit évidemment pas de les remettre en cause aujourd’hui plus qu’hier. Il s’agit de rééquilibrer le mode de représentation des sénateurs, tout en respectant l’identité assignée par notre Constitution à la Haute chambre : la représentation des collectivités territoriales.

Cette fonction de représentation, dont les contours ont été soigneusement délimités par le Conseil constitutionnel, balise le chemin emprunté par le Gouvernement dans la poursuite de l’objectif qu’il s’est assigné, à savoir renforcer la légitimité du Sénat.

Ce n’est pas la première fois qu’une majorité de gauche se penche sur une telle question. Saisi du projet de loi qui allait devenir la loi du 10 juillet 2000, le Conseil constitutionnel a fixé les limites constitutionnelles qui s’imposent au législateur dans la détermination de la composition du collège électoral des sénateurs. Le facteur démographique – on peut le regretter, mais c’est logique si l’on veut éviter un conflit entre les deux chambres – ne peut être déterminant dans la répartition des membres du collège électoral entre catégories de collectivités territoriales. De la même manière, la participation des délégués supplémentaires des conseils municipaux au scrutin ne peut être substantielle. Ces critères ne peuvent donc être corrigés qu’à la marge et le législateur doit, pour renforcer la légitimité du Sénat, tendre vers l’égalité des grands électeurs devant le suffrage sans pouvoir l’atteindre.

Souvent, nous devons concilier des principes dont la valeur objective est similaire mais qui sont difficiles à combiner entre eux. C’est ce que nous faisons aujourd’hui. La part des délégués des conseils municipaux représente actuellement plus de 95 % du collège électoral sénatorial ; cette proportion n’évoluera que très faiblement sous la Ve République.

Que cette donnée reste inchangée ne nous interdit pas d’aller vers une meilleure représentation de la population des villes, des communes les plus peuplées et des zones urbaines dans le collège électoral sénatorial, ce qui sera permis par l’abaissement de 1 000 à 800 du nombre d’habitants ouvrant droit à l’élection d’un délégué supplémentaire dans les communes de plus de 30 000 habitants.

L’ensemble de ces préceptes est très bien résumé dans la rédaction du premier alinéa de l’article L. 280 du code électoral tel qu’il résulte d’un amendement sénatorial du groupe RDSE, ce dont les députés radicaux se félicitent.

Je passerai rapidement sur la catégorie de grands électeurs que forment les députés. Un débat a eu lieu au Sénat sur la question de savoir si ces derniers pouvaient légitimement garder leur statut d’électeur de leurs collègues sénateurs. Cette question pourrait éventuellement se poser à l’heure de l’interdiction de cumul d’un mandat de député et d’une fonction exécutive locale, puisque l’accès des députés aux assemblées locales se restreint ; vous savez ce que nous en pensons.

M. Thierry Braillard. Du mal !

M. Joël Giraud. En effet. Cependant, si les députés participent à l’élection des sénateurs depuis 1875, c’est aussi parce que le Sénat n’est pas qu’une enceinte de représentation des territoires : elle exerce la fonction législative, en commun avec l’Assemblée nationale. Je fais mien l’argument développé par le président de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur : « Le bicamérisme tel que nous le concevons a vocation à donner aux deux chambres la possibilité de se prononcer sur tous les sujets qui relèvent du domaine de la loi. Le fait que les députés fassent partie du collège électoral des sénateurs n’est donc nullement choquant ».

Quant à l’abaissement du seuil d’application du scrutin majoritaire aux départements élisant, au plus, deux sénateurs, contre trois actuellement, il était prévu par la loi du 10 juillet 2000, et il ne s’agit donc que d’y revenir.

J’ai bien entendu les protestations et les calculs savants de notre collègue Larrivé, qui a estimé à quatorze sièges le gain que procurerait ce projet à l’actuelle majorité lors du prochain renouvellement du Sénat, qui aura lieu par moitié, il ne faut pas l’oublier. Pour mémoire, le rehaussement du plafond d’application du scrutin majoritaire à trois sénateurs au plus par la loi du 30 juillet 2003, avait permis au groupe socialiste, lors du renouvellement de la série C le 26 septembre 2004, de gagner quinze élus et au groupe UMP d’en gagner un seul… Vous voyez, mon cher collègue, il y a toujours une part d’incertitude, même lorsqu’il s’agit de scrutins sénatoriaux !

L’extension du scrutin à la représentation proportionnelle permettra d’améliorer mécaniquement la représentation au sein de la Haute assemblée non seulement des femmes – cette progression sera d’ailleurs accélérée par l’instauration d’une obligation de parité dans la désignation des remplaçants des sénateurs élus au scrutin majoritaire avec l’application du ticket paritaire – mais aussi de l’ensemble des courants politiques. Ce choix s’explique mieux au Sénat, chambre devant laquelle le Gouvernement n’est pas responsable, qu’à l’Assemblée nationale, où l’existence d’une majorité solide et stable est la pierre angulaire de notre régime politique.

Je tiens à rappeler ici que si les députés radicaux sont opposés à l’introduction de la représentation proportionnelle à l’Assemblée nationale, ils sont néanmoins favorables à son extension au sein de la Haute assemblée. Ils veulent en effet renforcer une légitimité que le système des grands électeurs ne permet pas d’établir pleinement afin que le bicamérisme ne fasse plus l’objet de faux procès. C’est la raison pour laquelle mes collègues du groupe RRDP et moi-même voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. Bernard Roman, rapporteur et M. François de Rugy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce soir vise à améliorer la représentativité du Sénat et à renforcer sa légitimité. Il s’agit donc de rapprocher le plus possible le suffrage sénatorial de l’égalité démocratique en tenant compte du poids démographique des collectivités que représente cette institution. La représentation du Sénat doit effectivement être la plus équitable possible, ce qui implique de poursuivre une réflexion, ancienne et récurrente, sur la composition de son collège électoral et sur son mode de scrutin.

Je veux ici remercier notre rapporteur, Bernard Roman, d’avoir fait référence au rapport que j’avais présenté au nom de la commission des lois à l’occasion de l’examen du texte qui est devenu la loi du 10 juillet 2000 et dans lequel nous nous interrogions déjà sur la portée et les interprétations de l’article 24 de la Constitution.

Avec ce texte, le Gouvernement ne nous propose pas de remettre en cause les traits fondamentaux et les caractéristiques du scrutin sénatorial. Les remettre en cause susciterait un débat d’une autre nature, qui induirait une réforme profonde de nos institutions, que pour notre part nous envisagerions volontiers dans le cadre de la VIRépublique que nous appelons de nos vœux. Tel n’est pas le débat de ce soir.

Dans le cadre du suffrage universel indirect qui caractérise le mode de scrutin sénatorial, ce projet de loi poursuit deux objectifs que nous approuvons : assurer une plus juste représentation des territoires et des populations, renforcer la parité.

Concernant la représentation des différentes collectivités territoriales, le premier problème tient à la composition du corps électoral. Les délégués des conseils municipaux représentent près de 96 % des 148 000 membres du collège électoral sénatorial. Or, plus des deux tiers de ces délégués représentent les communes de moins de 10 000 habitants, alors que celles-ci ne regroupent que la moitié de la population. Comme l’a relevé la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, le mode de désignation des délégués sénatoriaux « favorise à l’excès la représentation des communes rurales faiblement peuplées, au détriment des communes urbaines ».

En outre, comme le souligne encore la commission Jospin, la méthode de désignation des délégués des conseils municipaux se traduit par des effets de seuil importants qui aboutissent à une sous-représentation de certaines communes, par exemple des communes de 5 000 à 9 000 habitants et de celles qui comptent de 20 000 à 30 000 habitants.

Une telle situation ne saurait évidemment perdurer, car elle se traduit par une méconnaissance du principe d’égalité devant le suffrage. Même filtrée par les collectivités territoriales que le Sénat est chargé de représenter, la voix de chaque électeur doit avoir partout un poids équivalent. C’est pourquoi nous approuvons l’article 1er du projet de loi, qui vise à permettre aux communes de plus de 30 000 habitants de désigner un délégué supplémentaire par tranche non plus de 1 000 habitants mais de 800 habitants, afin d’assurer aux communes urbaines une meilleure représentation au sein du collège électoral sénatorial.

Cet élargissement du collège électoral s’impose pour une plus grande légitimité démocratique du Sénat. Il a le mérite à nos yeux de préserver la représentation sur une base communale, laquelle est la meilleure garantie d’une juste représentation des territoires dans le cadre d’un scrutin indirect. Pour notre part, nous n’aurions pas pu être favorables à la pondération des voix des grands électeurs préconisée par le rapport Jospin ou à un changement qui aurait été opéré par le biais d’une plus forte représentation des conseils généraux et des conseils régionaux, ce qui n’aurait pas contribué à améliorer le pluralisme.

Cela étant dit, nous pensons aussi que, tout en respectant les limites fixées par la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000, il eût été possible d’aller un peu plus loin dans le rééquilibrage par une baisse un peu plus importante du nombre d’habitants par tranche et sans que le seuil de déclenchement reste fixé à 30 000 habitants.

Le second problème tient au mode de scrutin actuel qui fait une place trop faible au scrutin proportionnel et par conséquent nuit à une juste représentation de la diversité des courants politiques. En effet, 48 % des sénateurs sont aujourd’hui élus au scrutin majoritaire. Or, comme cela a été maintes fois démontré, le mode de scrutin indirect, quand il est majoritaire, conduit à démultiplier les effets de la logique majoritaire.

En abaissant le seuil au-delà duquel les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel, le projet de loi favorise le pluralisme, et c’est un progrès indéniable. Il garantit aussi une parité effective et c’est là une autre exigence démocratique car, disons-le, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le Sénat a longtemps été une assemblée masculine.

Ce n’est qu’avec l’entrée en vigueur de la loi du 6 juin 2000 que les choses ont vraiment bougé. Dans la mesure où le Sénat était alors renouvelé par tiers, les effets du texte se sont échelonnés. En une dizaine d’années, le nombre de femmes a été multiplié par quatre, pour atteindre, à la veille du renouvellement de 2011, une proportion de 23,3 %.

Cette dynamique ne s’est pas prolongée puisque, au lendemain des élections sénatoriales de 2011, la proportion n’était plus que de 22 %. Conformément à l’objectif fixé par ce projet de loi, un nouvel élan est aujourd’hui nécessaire pour reprendre la progression vers une parité effective.

C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons être que favorables au dispositif proposé. Nous approuvons également la composition paritaire des listes de candidats pour la désignation des délégués des conseils municipaux et de leurs suppléants, ainsi que la stricte parité pour les titulaires et les suppléants dans les départements élisant au plus deux sénateurs – car c’est là aussi un progrès.

M. Jean-Jacques Urvoas, Président de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l’administration générale de la République et qualitevide, M. Bernard Roman rapporteur. Très bien !

M. Marc Dolez. Pour conclure, si ce texte constitue une avancée, elle reste modeste puisqu’elle n’est pas accompagnée d’une réflexion sur le rôle et la représentativité du Sénat et, plus largement, sur la revalorisation du Parlement. Sous cette réserve, et pour toutes les raisons indiquées, les députés du Front de gauche voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’élection des sénateurs, tel qu’il a été adopté par le Sénat à partir du texte présenté par le Gouvernement, est tout à la fois bref, clair et simple.

Il vise, d’une part, à élargir la composition du collège des grands électeurs sénatoriaux, afin d’améliorer et d’actualiser sa représentativité, tant du point de vue de l’évolution des territoires de notre République que des populations qui la composent. En ce sens, il se fonde sur le respect du principe constitutionnel d’égalité du suffrage.

Il a pour objet, d’autre part, de contribuer à améliorer la parité au sein de la Haute assemblée. Là encore, il s’agit de progresser vers une préoccupation démocratique moderne, érigée en objectif constitutionnel depuis le début de notre siècle.

Agir pour l’égalité du suffrage, c’est considérer que l’influence qu’un électeur exerce sur le résultat de l’élection doit être égale à celle qu’exerce chacun des autres électeurs.

Souhaiter que toutes les assemblées délibérantes soient constituées de manière paritaire, c’est tirer tardivement les conséquences du droit de vote qui fut accordé tardivement aux femmes dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guillaume Larrivé. À qui la faute ?

M. Pascal Popelin. Je ne cesserai jamais de m’étonner que ces ambitions fassent encore l’objet d’autant de réticences, de ratiocinations – quand il ne s’agit pas de contestations plus assumées – de la part de certains de nos collègues. Question de génération sans doute, à moins qu’il n’y ait là, mais je n’ose y croire, un véritable clivage entre nous sur la conception de l’idéal démocratique.

Mme Catherine Quéré. Très bien !

M. Pascal Popelin. En totale cohérence avec le nouveau scrutin instauré pour l’élection des futurs conseillers départementaux – fruit d’une loi dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur au sein de notre assemblée –, aucune motivation à ce projet ne doit être recherchée autre que celle de voir ces principes d’une démocratie moderne et aboutie davantage respectés dans le mode d’élection des sénateurs.

L’article 1er propose l’élargissement de la composition du collège sénatorial. Aucun observateur de bonne foi ne peut nier que la répartition des grands électeurs chargés d’élire les sénateurs tient insuffisamment compte des grands équilibres démographiques de notre pays.

Peut-être m’objectera-t-on que l’article 24 de notre constitution – déjà cité dans ce débat – dispose que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Je suis d’accord avec ce que vous avez dit, monsieur le ministre : ces collectivités sont certes des territoires, des entités juridiques dirigées par des élus, mais ce sont aussi des populations dont il faut tenir compte. Bien sûr, les délégués des communes ont vocation à constituer la plus grande part du collège sénatorial, puisque le Conseil constitutionnel en a posé le principe dans sa décision du 6 juillet 2000. Mais les disparités de représentation entre les communes dans le collège actuel ne lui permettent plus de refléter la réalité du pays d’aujourd’hui.

Ainsi, alors que les communes de moins de 10 000 habitants ne regroupent que la moitié de la population française actuelle – cela a été rappelé –, leurs délégués municipaux pèsent pour plus des deux tiers parmi les grands électeurs.

Voilà pourquoi l’article 1er modifie les règles d’attribution des délégués supplémentaires dans les villes de plus de 30 000 habitants, en prévoyant un délégué en supplément de l’effectif complet du conseil municipal par tranche de 800 habitants, quand elle en désigne aujourd’hui seulement un par tranche de 1 000.

Chacun en conviendra, l’ajustement est modeste. Pour ma part, je serais même tenté de considérer qu’il l’est excessivement.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Très bien !

M. Pascal Popelin. Il constitue néanmoins un progrès. Or ma disposition d’esprit me conduit toujours à me réjouir de tout progrès. Grâce à cette évolution – limitée –, les villes de 40 000 à 50 000 habitants, telle la commune de Livry-Gargan, dont je suis l’élu, disposeront d’un délégué pour 750 habitants, quand elles n’étaient auparavant représentées que par un délégué pour 790 habitants. Ce n’est pas le grand soir, mais c’est un léger mieux.

M. Marc Dolez. Nous sommes sur la bonne voie !

M. Pascal Popelin. Par comparaison, je veux rappeler que, dans les communes de moins de 500 habitants, un électeur sénatorial représentera toujours, en moyenne, environ 227 habitants. Où est donc la mort des territoires ruraux dont on a nous parlé tout à l’heure encore et dont ne cessent de nous rebattre les oreilles en toute occasion nos collègues de l’opposition, sans doute pour faire oublier une décennie d’absence d’aménagement du territoire, de révision générale des politiques publiques et de fermeture des services publics dans les territoires ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Ne mélangez pas tout !

M. Pascal Popelin. La proposition du Gouvernement n’est pas non plus inflationniste s’agissant du nombre de membres du collège sénatorial, qui seront à peine plus de 3 000 délégués supplémentaires, quand le nombre de représentants des communes approche aujourd’hui 151 500, pour un total de près de 158 200 grands électeurs. Le risque de contrevenir aux exigences du Conseil constitutionnel quant à la prééminence nécessaire du nombre de délégués communaux élus sur le nombre de délégués supplémentaires désignés par les conseils municipaux est tout aussi inexistant. La part de ces délégués supplémentaires dans le total des grands électeurs au titre des communes passera modestement de 8,3 % à 10,2 %.

J’en viens maintenant à la deuxième évolution significative de ce projet de loi, contenue dans ses articles 2 et 3 : il s’agit là d’abaisser le seuil d’élection des sénateurs à la proportionnelle dans les départements où sont élus trois sénateurs ou plus, au lieu de quatre dans le cadre du droit électoral actuel. Par voie de conséquence, l’élection au scrutin majoritaire ne concernera plus que les départements où sont élus deux sénateurs ou moins, contre trois aujourd’hui.

D’aucuns voudraient présenter ce changement comme une révolution ; une révolution – idée qu’ils réprouvent, en bons conservateurs qu’ils sont – qui, dans leur esprit, rime forcément avec manipulation,…

M. Jacques Lamblin. Exactement !

M. Pascal Popelin. …tout comme le mot redécoupage fait, de façon pavlovienne, référence à droite à celui de tripatouillage,…

M. Alain Chrétien. Eh oui !

M. Pascal Popelin. …tant ils ont eux-mêmes, par le passé, usé et abusé de l’association de ces deux concepts, pourtant antinomiques dans l’idéal républicain.

M. Alain Chrétien. Nous ? Absolument pas ! (Sourires sur divers bancs.)

M. Pascal Popelin. Notre collègue Larrivé, toujours inspiré par l’esthétisme artistique et littéraire, a employé, pour sa part, au nom de l’UMP, le terme de « créativité », lors des débats en commission des lois. Il l’a d’ailleurs répété tout à l’heure à cette tribune.

Mais de quoi parlons-nous, sinon du rétablissement d’une disposition déjà votée dans la loi du 10 juillet 2000…

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Pascal Popelin. …et déjà mise en œuvre lors des élections sénatoriales de 2001, avant que la précédente majorité ne revienne en arrière dès les élections sénatoriales suivantes, en 2004 ?

Ce petit rappel historique devrait au moins faire tomber deux arguments trop entendus.

D’une part, celui selon lequel la gauche manipulatrice ne cesserait de voter des modifications de notre droit électoral,…

M. Jacques Lamblin. C’est vrai !

M. Pascal Popelin. …quand la droite, sereine, s’en tiendrait à la stabilité des règles du jeu.

M. Alain Chrétien. Exactement !

M. Pascal Popelin. D’autre part, celui qui consiste à prétendre que ce texte est une réforme de circonstance, mue par des considérations stratégiques. Eh bien, non, mes chers collègues ; nous avons tout simplement des convictions et de la suite dans les idées.

M. Jacques Lamblin. De la suite dans les idées, c’est sûr ! Les convictions, elles, sont plus récentes !

M. Pascal Popelin. Ce que nous jugions juste et bon pour la démocratie en 2000, nous continuons de l’estimer opportun et souhaitable aujourd’hui, en 2013.

Nous avons poursuivi inlassablement le même objectif lors de chacune des réformes électorales que nous avons proposées. Il n’y en a d’ailleurs pas eu tant que cela, contrairement à ce que vous prétendez ; personnellement, j’en compte trois : l’élection des futurs conseillers départementaux, le seuil de mise en œuvre du scrutin de liste pour les élections municipales et celle qui nous occupe aujourd’hui. L’objectif en question consiste à traduire dans notre droit électoral l’alinéa introduit en 1999 dans notre constitution, sur l’initiative du gouvernement de Lionel Jospin et qui dispose : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».

Pour le Sénat, mes chers collègues, la République partait de loin, puisque, comme on l’a déjà rappelé tout à l’heure, à l’issue du renouvellement de 1989, la Haute assemblée comptait en tout et pour tout 3 % de sénatrices. Plusieurs étapes ont permis, depuis la réforme constitutionnelle de 1999, de faire progresser significativement la parité au Palais du Luxembourg, toujours à l’initiative de la gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous répétez toujours les mêmes arguments ; souffrez que nous aussi nous répondions à ce que vous dites !

M. Sébastien Denaja. Eh oui ! La parité, c’est nous ! Les droits des femmes, c’est nous !

M. Pascal Popelin. Je pense en premier lieu à la loi du 10 juillet 2000, à laquelle vous étiez opposés, qui abaissait le seuil de l’élection des sénateurs à la proportionnelle, conjuguée à la loi du 6 juin 2000, qui faisait obligation de présenter des listes paritaires – vous n’étiez pas non plus d’accord à l’époque – pour les élections se déroulant au scrutin proportionnel.

M. Sébastien Denaja. Ils sont du côté des phallocrates !

M. Pascal Popelin. Le ministre l’a rappelé tout à l’heure : en un seul scrutin, grâce à ces deux lois, lors des élections sénatoriales de 2001, qui ne concernaient pourtant à l’époque qu’un tiers de l’effectif du Sénat, la représentation féminine est passée de 6 % à 11 %. Sur les vingt-deux femmes élues lors de ce renouvellement, vingt l’ont été dans des départements où le scrutin se déroulait à la proportionnelle. Après une décennie de lents progrès en matière de parité au Sénat, cette évolution a marqué un reflux lors du scrutin de 2011. Alors que l’assemblée sortante comptait quatre-vingts sénatrices, elles ne sont plus aujourd’hui que soixante-dix-sept, alors même que le nombre de sièges a augmenté. Ce mouvement, nous voulons aujourd’hui l’inverser de nouveau.

Mme Catherine Quéré et M. Avi Assouly. Voilà !

M. Pascal Popelin. Contrairement à ce que l’on entend parfois, l’extension de la proportionnelle y contribuera bien évidemment. À titre d’exemple, alors que la part totale de sénatrices est à ce jour de 22 %, les départements appliquant la proportionnelle ont élu en 2011 35 % de femmes en 2011.

Aujourd’hui, 180 sénateurs sont élus au scrutin de liste proportionnel, soit 52 %. Dès les prochaines élections, ce projet de loi permettra de passer à 255, soit 73,7 %. Le retour au scrutin de liste, qui concernera 75 sièges, permettra – j’en suis convaincu –, dans les départements où il interviendra, de faire progresser le nombre de femmes élues.

Je termine, mes chers collègues, en rappelant que cette loi améliorera la représentativité du collège électoral des sénateurs ; elle renforcera la parité, tant au Sénat que parmi les grands électeurs – sans oublier, pour le scrutin majoritaire, les suppléants, qui seront de sexe différent –, tout en constituant une légère amélioration du respect du principe d’égalité devant le suffrage. Ce principe – je ne peux le taire ici –, l’opposition s’est obstinée à le nier durant les longs débats que nous avons eus – j’en sais quelque chose – pour l’instauration du nouveau mode de scrutin départemental. On nous promettait alors les foudres du Conseil constitutionnel. J’observe qu’à l’arrivée celui-ci a renvoyé les auteurs de sa saisine à leurs chères études juridiques, tout en renforçant sa jurisprudence en la matière.

Pour notre part, nous restons cohérents. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, républicain et citoyen soutient ce projet de loi et le votera dans les termes issus de son examen par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui est présenté ce soir, au plein cœur de l’été, fait partie d’une série de textes réformant les différentes élections. Depuis l’arrivée de ce gouvernement, les lois qui nous sont proposées ont deux buts principaux : détruire ce qui a été fait par le gouvernement précédent et assurer la réélection de la majorité actuelle.

Ainsi, aucune élection ne va être épargnée par cette série. On a vu les élections municipales dénaturées dans la plupart des communes. En effet, un scrutin de liste va être imposé dans les communes de plus de 1 000 habitants, au lieu de 3 500 auparavant. Cette réforme a des conséquences importantes car elle va politiser ces élections, alors que les communes en question n’étaient nullement demandeuses. La capitale, Paris, a elle aussi droit à son projet de loi modifiant le nombre et la répartition des sièges des conseillers de Paris, dont le but est assez transparent : maintenir la majorité socialiste dans la capitale.

Autre épisode de cette série, les élections cantonales, qui ont fait l’objet de deux textes différents, ce qui montre l’inorganisation du travail parlementaire, et ses répercussions en termes de temps et de coûts. Un premier texte a supprimé les conseillers territoriaux mis en place par le Gouvernement précédent,…

M. Alain Chrétien. Quelle erreur !

M. Guillaume Chevrollier. …une réforme qui aurait apporté plus de cohérence en permettant d’éviter la concurrence entre les départements et les régions, et simplifié le millefeuille administratif français.

Le second texte sur les élections cantonales a apporté cette innovation ahurissante, le binôme paritaire. Au lieu d’un conseiller qui aurait siégé à la fois au département et à la région, vous nous proposez un ticket constitué d’un homme et d’une femme, chargés de représenter à eux deux un seul canton. Ce binôme a toutes les chances de mal fonctionner, de donner lieu à des conflits et de rendre l’action des conseillers difficilement lisible. De plus, il impose un redécoupage des cantons qui éloignera encore plus les citoyens de leurs élus.

Un tel redécoupage laisse augurer un arrangement favorable à la majorité en place. Autant parler de « tripatouillage », un terme que vous utilisiez facilement lorsque vous étiez dans l’opposition.

Après la modification des règles d’élection des conseillers intercommunaux, le rétablissement du scrutin proportionnel pour les conseillers régionaux, nous avons droit aujourd’hui à la modification de l’élection des sénateurs. Ce projet vise à mettre en place la proportionnelle dans les départements qui élisent trois sénateurs, au lieu de quatre sénateurs et plus précédemment.

Cette modification est importante par sa portée et par ses conséquences : 27 départements changeront de mode de scrutin, de sorte que 70 % des sièges du Sénat seront pourvus grâce à la proportionnelle ; ce texte entraînera une plus grande politisation, car la proportionnelle implique des listes partisanes.

L’autre conséquence, et non des moindres, est l’affaiblissement de la représentation des territoires ruraux. Ce texte institue en effet la désignation d’un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants, dans les communes de plus de 30 000 habitants, ce qui augmentera le collège sénatorial de plus de 3 000 délégués supplémentaires, au bénéfice des 260 communes les plus peuplées. Mécaniquement, cette évolution affaiblira la représentation du monde rural au Sénat. Permettez à l’élu d’un département rural que je suis de s’indigner de ce nouveau coup porté aux territoires ruraux, qui montre, une fois encore, le peu de considération que le Gouvernement accorde à ceux-ci.

Tout le monde l’aura compris : la finalité de ce texte est de vous permettre de conserver la courte majorité dont vous disposez au Sénat depuis le dernier renouvellement, majorité tellement juste que de nombreux textes, et non des moindres, sont retoqués par la Haute assemblée. Nous savons aussi que vous envisagez de modifier, l’an prochain, le mode d’élection d’une partie des députés en introduisant la proportionnelle. Le tableau sera donc complet : des modifications de modes de scrutin à tous les niveaux de nos ordres administratif et politique !

Ces changements continus des modes de scrutin ont un effet pervers, celui de favoriser l’abstention. Les électeurs ont besoin de stabilité et de lisibilité. Or ce Gouvernement leur offre le contraire et pas seulement dans le domaine électoral, malheureusement. Il nous reste à espérer que les Français prendront conscience des objectifs purement électoraux de ces projets de loi. Ils doivent savoir que ce gouvernement, au lieu de s’attaquer aux maux qui frappent notre pays – le chômage, la baisse du pouvoir d’achat, le manque de compétitivité de nos entreprises – préfère manipuler les scrutins pour garder sa majorité.

Au lieu des réformes structurelles dont notre pays a besoin, vous pensez à votre réélection. Espérons que les Français s’en souviendront lors des prochains scrutins. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Alain Chrétien. À n’en pas douter !

M. le président. La parole est à M. Jonas Tahuaitu.

M. Jonas Tahuaitu. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre discussion fait suite à l’examen par la Haute assemblée du projet de loi visant à modifier les modalités de désignation des délégués sénatoriaux ainsi que le mode de scrutin des élections sénatoriales dans certains départements.

Je vous le dis d’emblée : notre position ne sera pas différente de celle de nos collègues sénateurs du groupe UDI-UC, qui se sont fermement opposés à ce texte.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Dommage !

M. Jonas Tahuaitu. Comment pourrait-il en être autrement, puisque cette initiative gouvernementale ne vise rien d’autre que le maintien de la gauche au Sénat ?

Si l’on en croit les objectifs affichés par le Gouvernement, ce projet de loi permettrait de renforcer la représentativité des communes urbaines dans le collège électoral sénatorial. Il assurerait par ailleurs la mise en place des conditions nécessaires à l’extension et à la consolidation de la parité au sein du Sénat.

Inutile de se leurrer. Qu’il s’agisse de désigner un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants ou d’abaisser le seuil au-delà duquel les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel, les choix que vous opérez à travers ce projet de loi sont purement politiques, si ce n’est politiciens.

Cette initiative, inopportune, inadaptée et dangereuse, est d’ailleurs bien éloignée des préoccupations des électeurs, lesquels ne sont que des pions dans un comptage de voix qui leur échappe et dans lequel ils auraient bien du mal à trouver leur intérêt.

Nous avons vraisemblablement affaire à une nouvelle manœuvre électorale, dans le seul but, inavoué, de permettre à la majorité de conserver le plus longtemps possible sa suprématie sur la Haute assemblée, au mépris des électeurs et de la démocratie.

M. Guillaume Larrivé. Vous voilà démasqués !

M. Jonas Tahuaitu. Or, nous l’avons dit et répété, il n’est pas acceptable qu’une formation politique puisse à elle seule modifier les règles électorales à quelques mois des élections. Hélas, ce projet de loi n’est pas un cas isolé. Voilà un an qu’une grande part de notre travail législatif est consacrée au démantèlement progressif de l’ensemble de notre édifice électoral.

Après avoir modifié le mode de scrutin pour les élections municipales dans les communes de plus de 1 000 habitants, pour les conseillers communautaires, après avoir créé le scrutin binominal pour l’élection des conseillers départementaux, après avoir figé une partie du collège électoral en décalant l’élection départementale et l’élection régionale, puis modifié le mode de scrutin des sénateurs représentant les Français établis hors de France, vous vous attaquez désormais aux élections sénatoriales.

Le moins que l’on puisse dire est que la matière électorale nous aura largement occupés ces derniers mois, sans considération du principe démocratique qui interdit que l’on modifie les règles électorales à moins d’un an des élections.

Un examen des principales dispositions du texte nous permet de constater que les objectifs qu’elles visent ne sont que des prétextes à cette manœuvre électorale. Tout d’abord, nous sommes opposés à la désignation d’un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants, au lieu de 1 000 actuellement, disposition qui vise selon vous à « adapter le collège sénatorial aux évolutions démographiques ». En 2000, le Conseil constitutionnel a rappelé que le corps électoral devait être essentiellement composé de membres d’assemblées délibérantes des collectivités. Or ces délégués qui ne sont pas élus locaux seront en mesure d’élire deux sénateurs. Dans ces conditions, on peut difficilement prétendre que les sénateurs représentent les collectivités territoriales.

Par ailleurs, en voulant renforcer la prise en compte du poids démographique des collectivités, ce texte nie la spécificité du rôle du Sénat, qui est de représenter les collectivités territoriales. De ce fait, nous craignons pour l’avenir que vous réservez à la Haute assemblée.

Le renforcement de la représentation des communautés urbaines se fera inévitablement au détriment de la ruralité, dont vous n’avez cessé de réduire le poids. En effet, l’élargissement du collège se traduira par une augmentation de 3 175 délégués issus du monde urbain, ce qui aura un réel effet dans certains départements. De toute évidence, vous vous attaquez une fois de plus à la ruralité.

Nous sommes tout autant opposés à l’abaissement du seuil au-delà duquel les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel. Nous notons que le Gouvernement se fait, selon les circonstances, le défenseur de modes de scrutin différents : alors que vous faisiez l’éloge du scrutin majoritaire lors de l’adoption du scrutin binominal, vous présentez désormais un texte qui tend à renforcer le poids de la proportionnelle pour l’élection des sénateurs. Vous êtes, monsieur le ministre, bien difficile à suivre…

Le projet de loi entend favoriser le pluralisme en évitant la représentation politique uniforme d’un département. Or cette disposition risque plutôt de renforcer le rôle des partis politiques dans la sélection des candidats, au détriment de celui des élus.

Autre objectif, que bien sûr nous partageons, le renforcement de la parité : rien ne prouve que l’abaissement du seuil permette à un nombre plus important de femmes d’accéder au mandat de sénateur. C’est d’ailleurs à l’Assemblée nationale, où le scrutin est uniquement majoritaire, que l’on compte le plus grand nombre d’élues.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous désapprouvons cet énième tripatouillage électoral, dont les objectifs affichés ne servent qu’à dissimuler une manoeuvre électorale. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui saisis d’un projet de loi concernant la deuxième chambre de notre République, une haute assemblée dont la fonction même continue de faire débat. En effet, le Sénat, dans son essence, et surtout dans sa vocation d’assemblée représentative des collectivités territoriales, manque de légitimité. Parce qu’il a pour mission constitutionnelle de représenter ces collectivités, il est soumis à un régime électoral particulier, institué par l’article 24 de la Constitution : ses membres sont élus par un collège électoral, censé être l’émanation de ces collectivités et de leurs assemblées délibérantes, composé de représentants des communes, des départements et des régions.

Quelque 150 000 grands électeurs élisent donc les 348 sénateurs, supposés représenter la nation dans son ensemble. Dans notre optique, ce choix des constituants de 1958 n’est pas allé au bout de la logique. Le général de Gaulle avait bien proposé par référendum en 1969 une réforme visant à fusionner le Sénat avec le Conseil économique et social. Il avait saisi que, dans sa forme d’origine, le Sénat ne répondait qu’imparfaitement aux mécanismes du bicamérisme.

Le Sénat, censé représenter les territoires, ne le fait que partiellement, en raison d’un double inconvénient : le suffrage indirect et la place prépondérante des communes dans son collège électoral – près de 96 % des grands électeurs ! Cette composition n’a que peu varié, d’ailleurs, depuis la IIIe République. On ne peut que constater que les départements et les régions, qui ne représentent respectivement que 2,56 % et 1,19 % du collège ont un poids négligeable dans l’élection des sénateurs.

Or, comme le souligne le rapport de la commission de rénovation de la déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin, « la surreprésentation écrasante des communes par rapport aux départements et aux régions ne se justifie plus dans le paysage institutionnel actuel, marqué par la place prise par les régions et les départements dans la mise en œuvre des politiques publiques ». Pour mettre fin à ce que nous avons parfois appelé, au gré de notre histoire constitutionnelle, le Sénat conservateur, nous souscrivons à cette analyse.

Nous sommes, pour notre part, favorables à un Sénat des régions, élu au suffrage universel direct, à la proportionnelle, qui serait une véritable chambre haute des territoires. C’est d’ailleurs ce qu’a proposé notre excellent collègue François de Rugy, il y a quelques instants.

Ses membres seraient directement élus dans les régions et auraient donc pour mandat de représenter leur territoire et leurs habitants. Sur le modèle du Bundesrat, le poids des régions pourrait y être légèrement pondéré pour tempérer les écarts de population, sans toutefois dénaturer la véritable mission du Sénat : représenter les territoires.

Aux États-Unis, chaque État, quel que soit sa taille, est représenté par deux sénateurs. Ainsi le Wyoming, qui compte 536 000 habitants, est représenté par deux sénateurs, comme la Californie, qui en compte 37 millions. Nous ne sommes certes pas obligés d’aller jusqu’à ces extrémités…

M. Bernard Roman, rapporteur. Non, ce n’est pas notre position !

M. Paul Molac. Le projet de loi que nous examinons ne comprend évidemment pas de tels bouleversements, qui nous conduiraient vers une VIRépublique. Au reste, je ne comprends pas les cris d’orfraie de l’opposition devant un texte qui ne propose in fine que de revenir sur un dispositif déjà voté par le Parlement sous le gouvernement Jospin, puis supprimé par l’opposition revenue au pouvoir.

M. Bernard Roman, rapporteur. Eh oui !

M. Paul Molac. Les deux axes de ce projet de loi sont une meilleure représentation des populations et des courants politiques, d’un côté, l’amélioration de la parité, de l’autre.

Sur le premier point, nous souscrivons au projet du Gouvernement, qui vise à abaisser le seuil de l’élection des sénateurs au scrutin proportionnel aux départements ayant au moins trois élus. Pour prendre l’exemple du Morbihan, cela aurait permis l’élection d’un sénateur de droite\’85

Vous nous savez grands défenseurs du mode de scrutin proportionnel. Nous ne pouvons donc que nous féliciter que son introduction entrouvre la porte à une meilleure représentation des courants politiques au Sénat. Elle permettra à la minorité des électeurs d’être représentée dans bon nombre de départements, alors qu’aujourd’hui il peut y avoir dans un département trois sénateurs monocolores, alors même que les candidats battus pèsent près de 50 % des voix.

Concernant l’augmentation du nombre de délégués pour les plus grandes communes, cela nous semble procéder du bon sens. On aura beau crier au tripatouillage électoral, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là de respecter le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage. Principe, sans doute contestable, mais que ni la droite ni la gauche n’ont, à mon sens, l’intention de remettre en question.

Mais surtout, la très timide réforme proposée ne concernerait que 3 000 délégués supplémentaires, sur un collège électoral de 158 000 personnes : pas de quoi faire basculer le Sénat ! On est bien loin du « ruralicide » décrit par nos collègues de l’opposition. Ce néologisme pourrait prêter à sourire s’il n’était un peu méprisant pour nos territoires ruraux, vus uniquement sous le prisme du nombre d’élus qu’ils peuvent rapporter à telle ou telle formation.

Mme Annie Genevard. Le mot n’a pas été prononcé !

M. Paul Molac. La ruralité évolue, l’urbanité aussi ; il est temps de prendre en compte cette évolution.

Par ailleurs, nous aurions aimé avoir quelques précisions sur les autres scénarios étudiés par le Gouvernement, outre celui qui prévoit de fixer à 800 habitants le seuil à partir duquel il est rajouté un délégué par commune. Il nous semble en effet que nous aurions pu être plus audacieux, tout en se prémunissant contre les fourches caudines du Conseil constitutionnel.

Face au très faible nombre de femmes élues à la chambre haute – de l’ordre de 22 % seulement –, l’abaissement du seuil d’application du scrutin proportionnel serait une avancée, puisque chaque liste de candidats aux élections sénatoriales doit comporter alternativement un homme et une femme. Il est vrai que nous avons toutefois quelques craintes sur l’efficacité d’un tel mécanisme pour obtenir une parité réelle. En effet, dans bon nombre de cas, les têtes de liste seront majoritairement des hommes et, dans les petits départements, ayant trois ou quatre élus, il est tout à fait probable que seuls des sénateurs masculins soient élus, qu’ils soient de sensibilité politique différente ou même de même sensibilité, du fait de la formation de listes dissidentes permettant à certains partis politiques de se soustraire à la contrainte paritaire liée au scrutin proportionnel. Le Haut conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes nous apprend d’ailleurs que c’est généralement le fait de sénateurs de droite…

La composition paritaire des listes de candidats pour la désignation des délégués des conseils municipaux et de leurs suppléants, ainsi que l’instauration de la contrainte paritaire dans la désignation des remplaçants des candidats aux élections sénatoriales dans les départements appliquant un scrutin majoritaire nous paraissent également des mesures positives.

Respectueux du travail de nos collègues sénateurs, à qui il appartient légitimement de se prononcer in fine sur leur régime, nous n’avons déposé aucun amendement.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est très bien !

M. Paul Molac. Si nous avions dû le faire, nous aurions proposé, comme nos collègues sénateurs du groupe écologiste, que 50 % des têtes de listes présentées par chaque parti dans les départements où a lieu un scrutin de liste proportionnel soient des femmes. Cela n’aurait pas empêché de nouvelles dérives, certains caciques préférant probablement se désolidariser momentanément de leur parti pour pouvoir être investis en tant que chef de liste sans étiquette, ce qui peut avoir des conséquences sur le financement des partis – je le dis car certains ont, semble-t-il, un peu de mal à boucler leur budget… (Sourires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Taquin !

M. Paul Molac. Il semble, en définitive, que nous devrions réfléchir d’avantage à ce problème dans nos deux assemblées, en envisageant, pourquoi pas, des sanctions au titre de la deuxième fraction des financements des partis politiques.

En ce qui concerne les autres mesures contenues dans ce texte, nous sommes favorables à l’intégration des sénateurs au collège électoral sénatorial, pour la simple et bonne raison que le dispositif actuel favorise les sénateurs cumulards, qui ont la possibilité de voter grâce à leur mandat local, ce qui n’est pas donné aux sénateurs non cumulards.

Par ailleurs, l’obligation, pour les candidats au second tour des élections, de se présenter au premier tour nous paraît tomber sous le sens. Il convient donc de mettre fin à la pratique actuelle qui, pour n’être que peu utilisée, ne nous en laisse pas moins pantois tant elle semble archaïque.

Au final, ce projet de loi n’a rien de révolutionnaire. Il ne propose pas de redéfinir le rôle du Sénat, ni même de chambouler son corps électoral, mais il effectue un pas en avant en faveur d’une meilleure représentation des populations et des courants politiques, tout en constituant une avancée vers la parité. C’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes, semble-t-il, appelés aujourd’hui à faire le procès du Sénat. Le crime dont il est coupable est d’abord de ne pas être totalement soumis au parti du Gouvernement, ensuite de vivre à un rythme différent de celui, trépidant, de la chambre basse.

La discussion autour de ce projet a donné l’occasion d’attaquer, de juger et de condamner ce bastion, encore quelque peu indépendant vis-à-vis du système présidentiel. Mais n’est-ce pas là la raison d’être du Sénat ? Être une voix indépendante des périodes électorales, tout en étant une force représentative de la nation.

Monsieur le ministre, vous proposez une modification des règles de scrutin suffisamment habile pour ne pas mettre en cause le mode de fonctionnement global de l’institution mais qui aura un fort impact sur les résultats des prochaines élections et sur la légitimité du Sénat.

D’ailleurs, si nous allions au bout de la logique qui sous-tend le texte du rapporteur, il faudrait supprimer totalement le Sénat ou bien élire tous ses membres au suffrage universel direct, puisque ce serait le meilleur moyen de représenter la population.

Ce n’est pourtant pas cela que vous proposez. Le Sénat nouvelle formule ne sera ni plus ni moins démocratique mais – du moins l’espérez-vous – bien plus favorable à l’actuelle majorité.

Au-delà de ce calcul partisan, on ne peut que regretter la volonté manifeste de changer la légitimité du Sénat. Ce qui est sous-entendu dans la réflexion menée par la majorité, c’est que la représentation nationale ne tire sa légitimité que de son alignement sur le courant politique dominant. Ce n’est pourtant pas – bien au contraire – le but de la démocratie !

Nous, représentants de la nation, représentons tous les Français. Et c’est ici qu’interviennent les territoires. En accordant au Sénat une voix à tous les territoires, nous garantissons que tous leurs habitants pourront s’exprimer et que leur voix ne sera pas noyée dans celle des territoires plus peuplés.

Notre bicaméralisme est une chance. Votre projet de loi propose ni plus ni moins de mettre fin à la défense du monde rural pour favoriser les villes et tout particulièrement les grandes villes, au motif qu’aujourd’hui le nombre d’habitants par grand électeur varie de un à quatre entre les territoires les moins peuplés et les zones les plus denses. Pourtant, dans notre chambre basse, ici même, le rapport entre la circonscription législative la plus peuplée et la circonscription la moins peuplée est de un à six ! Où est la rigueur quand on veut faire là-bas ce que l’on ne veut pas faire ici ?

Par ailleurs, vous frôlez volontairement les limites de la Constitution en augmentant au maximum le nombre de délégués des conseils municipaux sans mandat électif. Un des principes de base de notre droit est que le suffrage indirect est majoritairement assuré par les représentants élus des collectivités territoriales et que les délégués élus en dehors du conseil municipal sont le moins nombreux possible. Mais, au lieu d’avoir le courage de ses opinions et de tenter de réformer la Constitution, la majorité préfère pousser à ses limites légales le nombre de délégués supplémentaires.

Encore une fois, nous avons la preuve ici que ce texte a d’abord pour but de favoriser un parti plutôt que de réformer une institution. Il nous faut réfléchir à ce qu’est le Sénat, à ce qu’il devrait être. Il s’agit aujourd’hui du dernier poste électoral ayant un tant soit peu d’indépendance. Il s’agit de la chambre où les intérêts des plus faibles ont quelquefois leurs défenseurs. Il s’agit de la chambre qui permet le débat contradictoire avec notre assemblée.

Que pourrait devenir le Sénat si nous poussions au bout la logique du Gouvernement ? Une Assemblée nationale bis, dominée par les partis, sans la moindre once d’autonomie ! Nous y perdrions le peu de démocratie qui nous reste. Si le Sénat devait être réformé, ce devrait être pour donner à l’institution davantage d’indépendance vis-à-vis des habitudes politiciennes, des séquences électorales et des intérêts privés.

Alors que vous n’avez plus de majorité au Sénat, vous tentez par ce projet de loi de mettre au pas cette institution récalcitrante. Vous essayez d’influencer les résultats des futures élections, en augmentant le pouvoir des partis par la proportionnelle. Vous tentez de reprendre le contrôle du Sénat par des arrangements électoraux, piétinant les reliquats de démocratie qui subsistaient encore.

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Articles 1er A à 1er C

(Les articles 1erA, 1er B et 1er C sont successivement adoptés.)

Article 1er D

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, inscrite sur l’article 1er D.

Mme Annie Genevard. L’article 1er D est consacré à la parité. La parité, vous en parlez souvent mais, si l’on regarde la liste des orateurs inscrits dans la discussion générale, on constate, chers collègues de l’opposition, qu’il n’y a que des hommes. Dans les nôtres, c’est normal : il n’y a, c’est bien connu, que d’affreux machos ; mais dans les vôtres ! Quatre orateurs inscrits dans la discussion générale : quatre hommes. Un ministre : un homme. Un rapporteur : un homme. Un président de commission : un homme… La parité, c’est bien, mais il faut la mettre en œuvre !

Comme l’a dit M. Molac, il est probable que l’on contournera l’objectif légitime de la parité, en multipliant les listes et en choisissant des têtes de liste qui seront sans doute plus souvent des hommes que des femmes.

Il y a donc, chez vous, dans le meilleur des cas du jésuitisme, dans le pire de la tartufferie ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guillaume Larrivé. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Pour appuyer les propos de ma collègue, permettez-moi de vous faire part du petit relevé que j’ai réalisé. Actuellement, une dizaine de départements comptent quatre sénateurs. On peut imaginer que, compte tenu du poids politique des uns et des autres, la logique serait qu’il y ait deux hommes et deux femmes. Eh bien, dans sept de ces dix départements, on compte une femme et trois hommes. La stratégie de contournement qui vient d’être évoquée sera la même avec trois sénateurs.

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je voulais simplement m’excuser d’être un homme. (Sourires.) Le groupe écologiste est, hélas ! un petit groupe et nous ne sommes que deux à être membres de la commission des lois. Or il se trouve que le second est aussi un homme. Je n’aurais donc pas pu demander à une collègue d’intervenir dans cette discussion générale, et j’en suis désolé. Mais j’ai tout de même réussi à faire venir notre président de groupe en séance afin de ne pas être tout seul.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Madame Genevard, la parité ou, en tout cas, la représentation des femmes dans cet hémicycle ne se découpe pas en tranches, par séance ou par texte ; elle s’apprécie en fonction de la composition des groupes. De ce point de vue, votre formation politique est en partie responsable des difficultés financières qu’elle connaît en ce moment, puisqu’elle n’a pas respecté les dispositions de la loi.

Mme Catherine Quéré. Très bien !

Mme Annie Genevard. C’est vrai !

M. Pascal Popelin. S’agissant du nombre d’élues, il n’y a pas de comparaison possible entre la majorité et l’opposition. Je suis navré que ce soit une femme qui émette des réserves sur la parité – vous avez parlé de jésuitisme ou de tartufferie – et que ce soit un homme qui la défende dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’article 1er D est adopté.)

Articles 1er E et 1er F

(Les articles 1er E et 1er F sont successivement adoptés.)

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur de Rugy, vous nous avez traités de conservateurs, en vous référant à notre analyse de la ruralité. Or, il est amusant de constater que, lors du débat au Sénat, M. Rebsamen a utilisé les mêmes termes que vous. Ce qu’il dit est très révélateur : les conservateurs ne sont peut-être pas là où on le croit. M. Rebsamen considère, en substance, qu’il est absurde de distinguer les ruraux des urbains, car « les ruraux sont heureux de venir en ville, tout comme les citadins sont contents de partir à la campagne le week-end. » Il ajoute : « C’est bien souvent dans nos agglomérations que l’on trouve du travail, qu’ont lieu des échanges et des activités culturelles. »

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ce serait mieux de parler du texte !

Mme Annie Genevard. J’y viens, monsieur le président de la commission. Lorsque nous défendons la ruralité, vous nous dites que c’est ringard et répétitif. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Quéré. Nous sommes aussi des élus de la ruralité !

Mme Annie Genevard. Mais nous défendons une ruralité vivante, où l’on travaille, où l’on vit et qui n’est ni un espace d’aménité ni un espace de loisirs pour le week-end !

M. Sébastien Denaja. Il y a plus de ruraux de notre côté que du vôtre !

Mme Annie Genevard. Vous en affaiblissez le poids et la représentation par cette réforme électorale. Vous pouvez protester, telle est bien la réalité du texte !

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Je veux, à mon tour, énoncer quelques faits. Comme vient de le souligner à juste titre Annie Genevard, vous proposez, aujourd’hui, de diluer la représentation des territoires ruraux dans le collège électoral des sénateurs. Or, vous avez déjà affaibli la représentation des territoires ruraux, en réformant, il y a quelques semaines, les conseils départementaux,…

M. Sébastien Denaja. Mais non !

M. Jacques Lamblin. …et, il y a quelques jours, lorsque vous avez, non pas supprimé le cumul des mandats, mais chassé les maires de l’Assemblée nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Que de grands mots !

M. Jacques Lamblin. C’est votre œuvre, et vous n’avez pas fini de le payer !

M. Sébastien Denaja. C’est une menace ?

M. Jacques Lamblin. Ce n’est pas une menace, c’est un constat.

Votre projet a été qualifié de modeste. Soit, mais si les études prospectives que vous avez sans doute réalisées vous avaient amenés à penser que cette réforme vous ferait perdre sept ou dix sièges, l’auriez-vous engagée de toute urgence ? Je vous laisse le soin de répondre à cette question.

En tout état de cause, si cette réforme est modeste, elle n’est pas superflue pour le parti socialiste, qui veut surtout élargir ses bases électorales !

Enfin, on oublie l’essentiel, s’agissant de la proportionnalité. Selon votre calcul, dans les départements peu peuplés, un délégué représenterait 200 ou 300 électeurs. Mais il faut rappeler que les départements fortement peuplés comptent davantage de sénateurs : Paris en compte douze ! Non seulement les territoires fortement peuplés sont bien représentés au Sénat, mais vous faites en sorte que la partie citadine des territoires moins peuplés ait plus de pouvoirs que leur partie rurale. Avec le système que vous mettez en place, le secteur rural est perdant dans tous les cas !

Mme Catherine Quéré. Vous n’avez pas compris !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je suis véritablement atterrée que la préoccupation essentielle, récurrente et persistante du Gouvernement soit les modes d’élections.

M. Sébastien Denaja. Vous n’avez pas voté les contrats de génération. Vous n’avez pas voté les contrats d’avenir. Vous n’avez pas voté le pacte de compétitivité !

Mme Véronique Louwagie. Est-il légitime et justifié que nous ayons passé, dans cet hémicycle, autant d’heures à échanger, à parlementer sur les modes d’élection et sur la création de nouvelles entités ? Est-il fondé que ce soit la préoccupation essentielle ? Ne croyez-vous pas que les Français préféreraient que nous parlions d’emploi, de pouvoir d’achat, de formation, d’apprentissage, d’alternance ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Croyez-vous que nos concitoyens attendent un tel projet de loi ? Non, mes chers collègues ! Alors pourquoi en faire une telle priorité ? Uniquement par calcul électoral : vous vous appuyez sur le clientélisme des grandes villes. C’est une manœuvre pour faire en sorte que la droite et le centre aient des difficultés à reconquérir la Haute assemblée en 2014. Chers collègues de la majorité, tous vos arguments, notamment concernant la parité, sont fallacieux et servent de paravent à votre stratégie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il était important de le rappeler. 

M. Sébastien Denaja. Et les vôtres, ce sont des arguments de phallocrates !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Madame Genevard, vous avez commencé votre propos en citant ce que j’ai dit sur le conservatisme de M. Larrivé, que je vous confirme. En revanche, je n’ai pas bien compris pourquoi vous avez cité M. Rebsamen pour étayer votre démonstration.

Mme Annie Genevard. Parce qu’il utilise les mêmes termes que vous !

M. François de Rugy. Il est vrai que nous avons quelques points communs : il s’appelle François comme moi ; il est président de groupe comme moi. Mais nous avons aussi quelques petites différences, qui font la richesse de nos débats : il est sénateur, je suis député ; il est socialiste, je suis écologiste ; il est favorable au cumul des mandats, je suis contre. Je n’ai donc pas compris votre mélange. En revanche, la question des modes d’élection représente un véritable enjeu. Veut-on favoriser, dans notre pays, les ferments du changement, de la réforme, ou, au contraire, ceux du conservatisme ?

Oui, je vous le confirme, une telle surreprésentation des petites communes dans le mode de désignation des sénateurs…

M. Jacques Lamblin. Ce n’est pas vrai !

M. François de Rugy. …n’est pas sans conséquence sur les grandes difficultés que nous avons, en France, majorité après majorité, à réformer la structure politico-administrative et la multiplication des échelons et à lutter contre le morcellement et l’émiettement communal. Dois-je rappeler que le président de l’Association des maires de France, un de vos collègues de l’UMP, a osé dire que le texte sur les métropoles était la mort programmée des communes ? Tenir des propos aussi outranciers montre, en effet, que vous voulez toujours défendre le statu quo et le conservatisme

S’agissant de la parité, les démonstrations faites par plusieurs collègues sont justes, et vous le savez parfaitement. C’est la proportionnelle qui a permis une meilleure représentation des femmes au Sénat. Alors, oui, il est temps de changer. Arrêtez de vous cacher derrière le paravent de la ruralité : Paul Molac est élu d’une circonscription très majoritairement rurale comme nombre de collègues de mon groupe !

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue !

M. François de Rugy. Moi-même, je défends, dans mon département, les terres agricoles – et pas vos amis – contre des grands projets qui visent à les détruire. Nous reparlerons, si vous le voulez, de la ruralité dans d’autres débats !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2 et 6, tendant à supprimer l’article 1er.

La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n2.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Les gouvernements successifs nous ont habitués aux petits bidouillages électoraux avant les élections. La majorité actuelle ne fait finalement pas exception à la règle : vous confirmez aux Français que, comme l’UMP, vous êtes davantage un syndicat de défense des intérêts électoraux qu’un véritable parti de convictions.

Ce projet entend conférer une surreprésentation aux grandes villes, en abaissant de 1 000 à 800 habitants la tranche donnant lieu à la désignation d’un grand électeur supplémentaire pour les communes de plus de 30 000 habitants. Le Gouvernement avait déjà introduit plusieurs mesures défavorables aux territoires ruraux lors de la modification du scrutin pour les élections départementales. Il s’agit, à l’évidence, d’une volonté politique de votre part, compte tenu de la sociologie des villes, plus favorable aux grandes formations, de favoriser votre majorité.

Je le comprends. Vous avez, en effet, gagné le Sénat pour la première fois sous la Ve République et, compte tenu de la façon dont s’annoncent pour vous les prochaines élections municipales, vous devez quelque peu bidouiller les élections pour vous assurer une meilleure représentation ! Or les intérêts des Français doivent primer sur ceux des partis. C’est pourquoi je propose la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n6.

M. Guillaume Larrivé. La motion de rejet préalable que j’ai défendue vaut exposé sommaire de cet amendement. L’article 1er propose d’abaisser de 1 000 à 800 le nombre d’habitants permettant la désignation d’un délégué supplémentaire par les conseils municipaux des communes de plus de 30 000 habitants. Le ministre nous a expliqué tout à l’heure que cette disposition n’aurait pas pour effet d’abaisser le nombre de délégués des communes rurales. Certes, mais comme elle augmente le nombre de délégués des communes les plus urbaines, elle réduit, en proportion, le poids de la ruralité. C’est mathématique.

Nous continuons à nous opposer à une telle mesure, non pas, cher François de Rugy, au nom de je ne sais quel conservatisme ou par je ne sais quelle nostalgie d’une ruralité disparue, mais bien parce que nous pensons que les territoires ruraux vivants et dynamiques doivent être défendus à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est pourquoi, au nom de l’UMP et de l’UDI, j’ai déposé cet amendement de suppression de l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Bernard Roman, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements de suppression, pour deux raisons.

Premièrement, cette réforme – et je le regrette presque moi-même – est d’une modestie évidente.

M. Paul Molac. C’est vrai !

M. Bernard Roman, rapporteur. Sur les 158 000 grands électeurs actuels, 151 000 relèvent du collège des conseils municipaux auxquels nous ajoutons un peu plus de 3 000 électeurs. Ce n’est pas, comme vous le prétendez, avec une dosette de cette nature que l’on peut transfigurer le résultat d’élections sénatoriales, lesquelles se dérouleront d’ailleurs après les élections municipales, comme vient de le souligner Mme Maréchal-Lepen, dont nous ne pouvons présager du résultat. Les fantasmes de manipulations que vous ne cessez d’évoquer dans votre argumentation n’ont donc pas de raison d’être !

Si l’on ne considère que les communes de plus de 30 000 habitants, puisque c’est d’elles qu’il s’agit, abaisser le seuil de 1 000 à 800 habitants pour les grands électeurs supplémentaires fera passer, pour ce seul collège, le nombre d’électeurs de 24 600 à environ 27 800.

C’est une évolution ridiculement faible et, je le répète, je suis de ceux qui le regrettent presque. Cessez donc ces fantasmes sur les manipulations du corps électoral des sénateurs : nous passons de 158 000 à 161 000. C’est vraiment ridicule !

Deuxièmement, madame Genevard, je ne vais vous répéter de cesser d’opposer les urbains aux ruraux. Les communes de moins de 2 500 habitants – nous sommes au cœur de la France rurale –, qui sont au nombre d’environ 30 000, représentent 27 % de la population et 41,6 % des grands électeurs. Avec notre réforme, on va révolutionner cette représentation, puisqu’au lieu de représenter 41,6 % des grands électeurs, elles en représenteront 41 %. Rendez-vous compte, quel changement !

Mme Annie Genevard. Si cela ne sert à rien, il ne faut pas le faire !

M. Bernard Roman, rapporteur. Très franchement, faites preuve, en présentant vos arguments, de la même mesure que le Gouvernement lorsqu’il a élaboré ce projet de réforme.

Monsieur Larrivé, j’apprécie souvent la finesse de vos analyses juridiques, mais il ne faut pas oublier un argument sur lequel s’appuie le Gouvernement dans ce texte. Vous rappelez souvent les principes émis par le Conseil constitutionnel, mais vous en omettez un qu’il a clairement indiqué dans le cinquième considérant de sa décision : la représentation de chaque catégorie de collectivité territoriale et des différents types de communes doit tenir compte de la population qui y réside. Il n’est donc pas interdit et il est même recommandé de prendre en compte les populations.

Nous ne faisons que mettre en œuvre, avec mesure et responsabilité, le correctif démographique que le Conseil constitutionnel a appelé de ses vœux en 2000. Je vous rappelle qu’à l’époque, nous proposions un grand électeur pour 300 habitants. Le Conseil constitutionnel a refusé cette mesure, tout en indiquant qu’il fallait tout de même tenir compte de la population. C’est ce que nous proposons et c’est la raison pour laquelle je vous suggère de rejeter ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ces amendements portent évidemment sur le fond du débat que nous avons déjà très largement engagé, mais je voudrais simplement apporter une précision.

Si nous ne faisons rien, compte tenu de l’évolution naturelle de la concentration de population dans les zones urbaines, la réglementation sera de plus en plus défavorable aux grandes communes. De 8,3 % en 1964, le pourcentage de délégués représentés par les communes de plus de 100 000 habitants est passé à 7,45 % en 2010. La loi permettra donc une simple correction. J’avoue que j’ai du mal à comprendre la manière dont l’opposition lit ce texte, qui – on nous le reprocherait parfois dans la majorité – est d’une grande modestie, une telle correction étant quasiment naturelle. Au fond, c’est si nous ne faisions rien que le mode d’élection serait injuste pour les citoyens habitant dans les zones urbaines.

Je suis conseiller municipal – affreux cumulard – dans une commune de 600 habitants, et j’ai toujours été frappé, pendant ces longues années passées à l’Assemblée, d’entendre la droite s’autoproclamer défenseur de la ruralité. Car je n’ai pas remarqué, dans le cadre des mandats locaux exercés dans un département très rural, que l’efficacité des politiques de droite pour les départements ou les territoires ruraux était de nature à susciter l’adhésion des populations. Prétendre que vous êtes les défenseurs de la ruralité relève d’une espèce de caricature. Cette majorité a peut-être une autre vision de la ruralité. Soyez certains, en tout cas, que nous ne vous abandonnons pas le monopole de la défense de ces territoires. Les gens qui y vivent comprennent que, pour les élections sénatoriales, il faut rééquilibrer la représentation.

Ce texte est tout de même d’une grande modestie ; encore une fois, on nous le reproche. Peut-être la lecture que vous faites du projet de loi est-elle un encouragement, pour nous, à aller plus loin, mais, de grâce, commentez le texte tel qu’il est ! Nous ne vous proposons pas une révolution : nous revenons à un texte qui avait déjà été appliqué en 2000, que vous aviez modifié. Quand c’est nous qui le modifions, vous affirmez que c’est pour des considérations politiciennes. Admettez, dans ce cas, que vous avez fait exactement la même chose.M. Larrivé l’a fort bien dit : général, cela ne sert à rien. Quant à faire des projections pour les sénatoriales de 2014 sans connaître les résultats des élections municipales, personne, évidemment, n’en est capable.

C’est un texte modeste, qui correspond aux contraintes posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2000, avec deux objectifs très simples, très précis : rééquilibrer la représentation et reprendre le chemin vers l’instauration de la parité au Sénat. Cette évolution avait été engagée grâce à la loi votée sous Jacques Chirac et Lionel Jospin et elle a été interrompue – les chiffres sont là pour le montrer – parce que vous êtes revenus sur cette décision. Il me semblait que ces deux objectifs pouvaient être partagés. En tout cas, si l’un d’entre eux peut vous choquer ou si vous ne les partagez pas, cela ne mérite un tel excès dans les discours que j’entends ce soir.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Vous avez expliqué, monsieur le ministre, que ce texte accompagnait un phénomène conduisant de plus en plus d’habitants à vivre en ville. Mais l’on peut aussi vous objecter que les rurbains – des gens qui font le chemin en sens inverse, qui partent des villes pour habiter à la campagne – sont de plus en plus nombreux. Regardez les statistiques : c’est tout à fait avéré.

M. Bernard Roman, rapporteur. Et alors ?

Mme Annie Genevard. Je ne suis pas absolument certaine qu’il y ait un tel mouvement de concentration urbaine sur l’ensemble du territoire.

Dans ce débat, vous avancez masqués. Vous n’arrêtez pas de dire que ce texte est en fait très modeste, qu’il ne change quasiment rien : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Excusez-nous, mais nous ne partageons pas votre analyse. La réalité, c’est que 97 % des communes comptent moins de 10 000 habitants…

M. Bernard Roman, rapporteur. Et alors ?

Mme Annie Genevard. …et que 66 % des grands électeurs viennent de ces communes.

M. Pascal Popelin. Cela s’appelle un sophisme !

Mme Annie Genevard. Non, ce n’est pas un sophisme, c’est une réalité statistique.

M. Pascal Popelin. Un sophisme arithmétique !

Mme Annie Genevard. Par ailleurs, je vais vous citer l’exemple du Doubs. Ce département compte trois sénateurs, deux de gauche et un de droite.

M. Pascal Popelin. C’est cela qui vous ennuie !

Mme Annie Genevard. Je vous décris des faits, je ne les juge pas. C’est la réalité des choses.

Le sénateur de droite a été élu avec sept voix d’avance. Avec la réforme que vous proposez, il y aura vingt-trois grands électeurs supplémentaires. L’incidence électorale de la réforme est ici est évidente, ne me dites pas qu’il n’y en aura pas !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je voudrais féliciter le rapporteur et le ministre pour leur extrême bonhomie et leur ton patelin. À les écouter, au fond, ce texte ne sert strictement à rien, il ne modifie rien, il a un effet extrêmement modeste – vous éclatez d’humilité. S’il ne sert à rien, le plus sage est tout de même de voter les amendements de suppression.

(Les amendements identiques nos 2 et 6 ne sont pas adoptés.)

(L’article 1er est adopté.)

Articles 1er bis et 1er ter

(Les articles 1er bis et 1er ter sont successivement adoptés.)

Article 1er quater

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n4, tendant à supprimer l’article 1er quater.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je n’ai pas de complexe s’agissant de la parité. Mon mouvement est représenté à 100 % par des femmes, la présidente de mon mouvement est une femme et nous avons parfaitement respecté la parité lors des élections.

M. Sébastien Denaja. Collard n’est pas une femme !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je suis un peu étonnée, chers collègues de la majorité, que vous vous montriez tellement obsédés par une juste représentation des sexes au sein des assemblées et que vous ne soyez absolument pas gênés par le fait que 20 % des Français, voire plus, soient absents du Sénat, sous-représentés au sein de cet hémicycle et quasi absents des conseils généraux. Selon vous, ce qui est important en démocratie, c’est la représentation des catégories de personnes, des sexes, et non celle des idées. C’est quelque chose que j’ai un peu de mal à comprendre. Avant d’aller sur ce terrain, il faudrait déjà s’assurer d’une juste représentation des idées. Or, c’est par l’instauration de la proportionnelle que non seulement on arrivera à cette juste représentation mais aussi que vous permettrez l’émergence des femmes et des hommes.

Je suis une femme et j’estime que c’est assez dégradant d’imposer par la loi la représentation des femmes. Elles sont assez capables, et elles le prouvent, de s’imposer en politique par leurs seules compétences et non parce que des hommes auraient imposé par la loi leur représentation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Roman, rapporteur. Cet amendement propose de supprimer la contrainte paritaire. C’est un débat que nous connaissons bien puisque nous l’avons eu à chaque fois que nous avons dû légiférer sur la parité et qui oppose ceux qui pensent que cet objectif sera atteint en laissant les choses se faire naturellement et ceux qui pensent que, pour y parvenir, il faut imposer une contrainte législative.

Nous pensons, quant à nous, que nous n’y arriverons pas sans contrainte législative. Nous en avons donc imposé une, qui a conduit les partis à respecter un certain nombre de règles. Au reste, vous êtes l’expression du respect de ces règles par le parti que vous représentez ici, puisque c’est parce qu’il fallait présenter autant d’hommes que de femmes qu’un certain nombre de femmes ont été candidates – cela a été le cas pour le parti socialiste et pour le parti que vous représentez.

Je suis donc totalement opposé à ce que nous renoncions à la contrainte paritaire qui, je le rappelle, ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement et qui a été proposée par la délégation aux droits des femmes du Sénat et largement soutenue par celle de l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je suis assez choquée par vos propos, monsieur le rapporteur. En fait, vous êtes en train de m’expliquer que, si je suis là aujourd’hui, c’est uniquement parce que je suis une femme. En gros, mon parti a été obligé de me présenter pour respecter la loi. Sinon, je n’en aurais pas eu le droit. Je dois dire que c’est assez dégradant. Nous n’avons pas tout à fait la même conception des choses. Peut-être que, dans votre parti, vous présentez des femmes uniquement parce que ce sont des femmes et que vous devez respecter les statistiques mais, au sein de mon mouvement, ce n’est pas le cas.

M. Sébastien Denaja. Il n’est pas paritaire, votre mouvement !

M. le président. La parole est à M. Édouard Fritch.

M. Édouard Fritch. Monsieur le rapporteur, il y a quelque dix années maintenant, dans cet hémicycle, vous avez voté l’application de la parité dans les élections locales en Polynésie française, l’élection des élus de l’assemblée de la Polynésie française puis les élections communales.

Cette parité a été obligatoire : on ne nous a pas laissé le choix et les listes des partis ne respectant pas cette parité étaient considérées comme nulles.

Cela marche bien. Nous sommes ici ce soir une trentaine. Je vous invite à venir en Polynésie observer comment fonctionne une assemblée comprenant moitié de femmes et moitié d’hommes ; je vous assure que cela vaut son pesant de cacahuètes. En effet, la parité nous a apporté quelque chose de plus : la sensibilité féminine, qui complète celle des hommes. Nous avons aujourd’hui une assemblée totalement équilibrée, au point même que, composée d’un nombre impair de membres, elle compte plus de femmes que d’hommes. Je reviendrai donc devant cette assemblée pour vous demander d’équilibrer les choses. (Sourires.) Vous devriez y réfléchir : en Polynésie française, dans une collectivité de la nation, la parité fonctionne comme on l’attendait.

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

(L’amendement n4 n’est pas adopté.)

(L’article 1er quater est adopté.)

Article 1er quinquies

(L’article 1erquinquies est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n7.

M. Guillaume Larrivé. Il est défendu.

(L’amendement n7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n3.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je défendrai à la fois cet amendement et l’amendement n9, qui se complètent : vous m’entendrez un peu moins ce soir, cela vous fera plaisir.

M. Sébastien Denaja. Ce n’est pas non plus que l’on vous entende beaucoup !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Au fond, vous devriez êtres contents car je suis votre logique. Vous semblez avoir redécouvert les bienfaits de la proportionnelle puisque vous l’avez élargie pour les élections municipales et que vous l’élargissez encore un peu pour les élections sénatoriales. Allez au bout de votre idée, au bout du constat ; vous supprimerez ainsi ces élections sénatoriales à deux vitesses et vous rendrez probablement possible, comme je l’ai dit, une meilleure représentation des femmes, ainsi que des jeunes. Je pense, c’est là où nos points de vue diffèrent, que la démocratie, c’est d’abord la représentation des idées. Permettez à de petits mouvements – je ne parle pas seulement du mien – d’être dûment représentés dans les assemblées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Roman, rapporteur. Défavorable. L’argument selon lequel, en élargissant la proportionnelle aux départements à un et deux sièges, nous améliorerions la représentation des femmes est tout à fait erroné. Dans les départements à un siège, cela ne changerait rien. Dans ceux à deux sièges, la situation dépendrait des partis, comme elle en dépend aujourd’hui avec le scrutin majoritaire. Si les deux listes de la majorité et de l’opposition sont conduites par des hommes, il n’y aura pas plus de femmes élues du fait d’un scrutin proportionnel.

(L’amendement n3, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n8 de suppression.

M. Guillaume Larrivé. Il est défendu. Je voudrais apporter une précision dans notre débat, en réponse notamment à M. de Rugy. Je ne suis pas, personnellement, hostile à une évolution des modes de scrutin. Le conservatisme dont vous m’accusez n’est pas tel que je considère qu’il ne faille jamais modifier le moindre mode de scrutin.

M. Pascal Popelin. Nous l’avons vu quand vous étiez au pouvoir !

M. Guillaume Larrivé. Ce que j’ai voulu dire, c’est que, dans une démocratie avancée, il ne faudrait modifier les règles du jeu électoral que s’il existe un consensus des différentes formations politiques.

M. Pascal Popelin. C’est exactement ce que vous avez fait !

M. Guillaume Larrivé. Je crois profondément que les modifications des modes de scrutin par les majorités successives ne sont pas légitimes. Cette manière de faire, qui a été celle de majorités par le passé et qui est aujourd’hui celle de la majorité socialiste et de ses alliés, alimente la défiance.

Que comprendront nos compatriotes, dans nos circonscriptions, car nous allons les éclairer, nous allons écrire aux maires pour expliquer ce que vous avez voté ce soir ? Ils comprendront que le PS et ses alliés, une nuit d’été, ont souhaité modifier les règles du jeu, en espérant grignoter ici ou là un, deux ou trois sièges supplémentaires. Voilà la stricte et triste vérité.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous ne nous appelons pas Marleix !

(L’amendement n8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n9 a été défendu par Mme Marion Maréchal-Le Pen.

(L’amendement n9, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Articles 3 bis et 4

(Les articles 3 bis et 4 sont successivement adoptés.)

Après l’article 4

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n5, tendant à insérer un article additionnel après l’article 4.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Roman, rapporteur. Je me fais le porte-parole du président de la commission pour indiquer que nous sommes par principe opposés aux demandes de rapport qui n’ont rien de législatif.

M. Sébastien Denaja. Tout à fait !

M. Bernard Roman, rapporteur. Des dizaines et des dizaines de rapports sont déjà en attente d’être présentés au Parlement, et ne le seront d’ailleurs jamais.

Par ailleurs, l’amendement est un cavalier puisqu’il n’a aucun rapport avec les élections sénatoriales. Le mieux serait qu’il soit retiré ; sinon mon avis est défavorable.

(L’amendement n5, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles.

Je n’ai pas reçu de demandes d’explication de vote.

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Discussion des projets de loi ordinaire et organique relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 24 juillet 2013, à minuit quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron