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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 03 juillet 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Économie sociale et solidaire

Présentation

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

M. Yves Blein, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

M. Régis Juanico, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Jean-Paul Tuaiva

M. Christophe Cavard

M. Thierry Robert

Mme Huguette Bello

M. Jean Grellier

Mme Isabelle Le Callennec

Mme Michèle Bonneton

Mme Marie-Hélène Fabre

M. Gilles Lurton

M. Yves Blein, rapporteur

Mme Carole Delga, secrétaire d’État

Discussion des articles

Article 1er

Amendements nos 1 , 44 rectifié

Article 2 bis

Article 3

Amendements nos 3 , 32 , 33 , 51

Article 4

Amendements nos 4 , 26 , 29 rectifié , 28 , 27

Article 5 A

Article 5 B

Amendement no 5

Article 5

Amendement no 6

Article 6

Article 7

Amendements nos 40 , 39 , 2

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Amendements nos 54 , 53 , 30

Article 9

Amendements nos 43 , 42 , 48 , 47

Articles 10 A et 10 ter

Article 10 quater

Amendements nos 10 , 58 , 61

Article 10 sexies

Article 13

Amendement no 7

Article 13 bis

Article 14

Article 14 bis

Amendement no 34 rectifié

Articles 19 et 21

Article 31

Amendement no 55

Articles 33 bis et 34

Article 36

Amendement no 62

Article 39 bis

Amendement no 56

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

Article 40 AA

Amendement no 57

Article 40 ABA

Article 40 AC

Amendement no 8

Article 40 AD

Amendements nos 50 rectifié , 63 (sous-amendement)

Article 40 AEA

Article 40 AFA

Amendement no 38

Articles 40 AF et 40

Article 41

Amendement no 49

Articles 42 à 48 ter

Article 49

Mme Carole Delga, secrétaire d’État

Article 49 bis

Article 50 bis

Mme Jeanine Dubié

Amendements nos 9 , 35

Article 52

Explications de vote

Mme Isabelle Le Callennec

M. Jean Grellier

M. Christophe Cavard

Mme Jeanine Dubié

Vote sur l’ensemble

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Mme Carole Delga, secrétaire d’État

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Économie sociale et solidaire

Deuxième lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire (nos 2006, 2039).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur Yves Blein, madame la rapporteure pour avis, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, nous voici donc arrivés à la seconde lecture de ce projet de loi par votre assemblée, qui sera la dernière. L’achèvement de l’examen parlementaire d’un texte est toujours en soi une satisfaction, car il nous rappelle qu’après le temps du débat, si riche soit-il, vient le temps de l’action, le temps de son application.

Pour ce texte en particulier, cet achèvement est aussi une satisfaction du fait de la richesse des débats auxquels il a donné lieu, qui ont permis de mettre en lumière l’économie sociale et solidaire. Votre rapporteur, Yves Blein, y est pour beaucoup, et je tiens à saluer la qualité de son travail. Nos discussions et nos débats ont révélé que de nombreux députés s’intéressent à l’ESS et que cette économie, encore trop peu connue, fait partie de notre quotidien.

Au moment où va débuter ici la seconde lecture de ce projet de loi, je souhaiterais revenir brièvement sur quelques points. Grâce aux débats parlementaires qui ont été de grande qualité, le texte enrichi qui vous est présenté aujourd’hui porte en lui l’implication et l’engagement de chacun. Il était important que le projet de loi trouve le bon équilibre entre les entreprises statutaires de l’ESS et les sociétés commerciales. C’est le cas, et je m’en réjouis. Ce texte est aussi riche de propositions concrètes pour nos concitoyens ; il concilie ambition et réalisme ; il concilie lucidité et audace. Les éléments précieux qui ont été apportés constituent les briques et le ciment qui permettront à l’édifice de l’ESS de grandir et de s’élever en s’appuyant sur des bases solides et raffermies.

Je me réjouis aussi que le texte auquel vous êtes parvenus soit équilibré. Il a en effet été peu modifié en seconde lecture au Sénat, puis peu retouché par votre commission. Cela signifie que nous devrions arriver rapidement à un compromis en commission mixte paritaire.

Il est temps, et même urgent, en 2014, que l’ESS soit pleinement reconnue comme partie intégrante de notre modèle de développement économique. Ce projet de loi, piloté par Benoît Hamon, co-construit avec l’ensemble des réseaux, des acteurs et des parties prenantes, et enfin avec les parlementaires, pourrait faire de la France l’un des pays les plus avancés dans ce domaine, qu’il s’agisse des moyens comme des ambitions. Il a été le fruit d’un travail gouvernemental d’équipe. Je pense bien sûr à Valérie Fourneyron, mais également à Arnaud Montebourg et Axelle Lemaire, venus dans votre assemblée travailler sur ce projet.

Je souhaiterais revenir sur quelques points essentiels. Le premier est la définition inclusive de l’économie sociale et solidaire. L’inclusivité, c’est la possibilité d’inclure dans le champ de l’ESS toute entreprise qui en respecte les principes exigeants. Il n’y a ni exclusive ni exclusion a priori. Le dispositif proposé par le Gouvernement, que vous avez retenu et enrichi, vise à placer des barrières autour de l’ESS, mais des barrières pouvant s’ouvrir à la demande de ceux qui le souhaitent, pourvu qu’ils respectent les exigences posées par l’article 1er de la loi.

Je réponds par avance aux interpellations récurrentes sur l’exclusion de tel ou tel type d’entreprise. L’ESS est un mode d’entreprendre : toutes les entreprises qui se conforment à ses principes, quel que soit leur domaine d’intervention, peuvent être accueillies dans son champ. L’ESS n’est ni l’addition de secteurs, ni l’addition d’entreprises exerçant une activité particulière. L’ESS, remplit une exigence en matière de modèle économique, et permet aussi un mode de gouvernance particulier. L’ESS ne se définit pas pour tel ou tel public ni pour telle ou telle activité. Les entreprises de l’ESS sont celles qui correspondent à la définition posée par l’article 1er.

Un dispositif comme la réglementation de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises a permis aux entreprises de l’économie classique de prendre conscience qu’une autre forme de développement économique est possible. On constate par ailleurs que de plus en plus de grandes entreprises et de grands groupes industriels s’associent, quand ils ne les organisent pas directement, à des événements ou à des initiatives leur permettant d’exposer leurs engagements en faveur d’une économie mieux maîtrisée, plus attentive à ses incidences sur la condition sociale des salariés ou sur l’environnement. Le social business est également en plein développement.

Cette évolution du système économique classique, pour respectable et intéressante qu’elle soit, ne se situe toutefois pas dans le même mouvement que l’ESS. Elle est le fait de structures qui sont des sociétés de capitaux et ont pour but de maximiser leurs profits.

C’est donc tout l’intérêt de la loi que de poser les critères de distinction entre les entreprises qui ont une vitrine sociale et celles, comme les entreprises de l’ESS, qui construisent leur modèle économique autour de principes exigeants, fondés sur une liberté par rapport à l’actionnaire et une gouvernance marquée du sceau du collectif. L’ESS, ce n’est pas la responsabilité sociale et environnementale ; l’ESS, ce n’est pas le social business. L’ESS, ce sont des exigences issues d’une longue histoire, qui remonte au XIXsiècle, fondée sur la recherche d’une alternative au capitalisme classique.

Ce texte prévoit aussi de structurer l’ESS. Ce n’est pas une loi anti-simplification. C’est par ailleurs une loi à zéro coût budgétaire car toutes les structures reconnues par la loi existent déjà. Seule nouveauté : la Chambre française de l’économie sociale et solidaire, mais c’est une association, créée par les acteurs eux-mêmes et à laquelle la loi confie des missions de représentation au niveau national.

Je souhaite enfin mettre l’accent sur la reconnaissance de l’action des territoires en faveur de l’ESS. Les territoires ont été des précurseurs dans la conduite de politiques locales en faveur de son développement et ont contribué à ce qu’elle soit de plus en plus perçue comme une composante essentielle du développement territorial et économique. C’est pourquoi je suis convaincue que les reconnaissances apportées par la loi aux initiatives locales ne sont que justice au regard de l’investissement de longue date des collectivités territoriales dans le champ de l’ESS. Les pôles territoriaux de coopération économique, ou pôles de compétitivité de l’économie sociale et solidaire, comme j’aime à les appeler, quant à eux, permettront de mutualiser les moyens, de favoriser l’innovation sociale et d’agir pour l’emploi, la formation, l’environnement et le développement durable des territoires. Cela participera au changement d’échelle de l’ESS au niveau local.

Un écosystème a aussi été créé à partir duquel davantage de financements pourront être orientés vers les entreprises de l’ESS. Je pense par exemple aux outils de Bpifrance, à la promotion des achats publics socialement responsables ou encore à la réorientation de l’épargne longue vers les entreprises de l’ESS.

Ce projet de loi entend enfin reconnaître et encourager l’esprit coopératif pour soutenir l’entrepreneuriat collectif. Ses outils, ce sont le nouveau statut des SCOP d’amorçage et le fonds d’investissement dans les coopératives, mis en place avec le soutien de Bpifrance, qui complètent le droit d’information préalable. Notre ambition est de placer les salariés en situation d’être des repreneurs et d’éviter ainsi que de nombreuses entreprises saines ne ferment, faute de repreneur.

L’ESS, ce n’est pas une économie philanthropique ; c’est une économie démocratique. Elle n’entend pas seulement réparer, mais transformer. On dit que gouverner c’est choisir. Je dirai, pour ma part, que gouverner, c’est aussi préparer l’avenir et anticiper les changements.

Nos économies sont à la recherche de sens, de durabilité, d’innovation, pour rompre avec le dogme de la rentabilité à tout prix qui a causé tant de dégâts. Nos modèles entrepreneuriaux doivent tendre vers plus de responsabilité, plus de co-construction avec les salariés et les pouvoirs publics, plus d’ancrage local, pour montrer que l’économie n’est pas coupée des réalités sociales et même sociétales.

L’ESS constitue en partie une réponse, durable et d’avenir, à tous les défis que doivent relever nos économies. Du fait de sa meilleure résilience face à la crise et de sa capacité à créer des emplois, du fait aussi qu’elle repose sur un modèle économique pas comme les autres, elle constitue une voie d’avenir.

Ce projet de loi y participe et fera de la France un modèle en matière de développement économique équilibré. Nous avons donc l’ambition, partagée avec la représentation nationale, d’en faire l’une des grandes lois économiques du quinquennat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Blein, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Yves Blein, rapporteur de la commission des affaires économiques. Permettez-moi tout d’abord d’adresser un message de sympathie à Valérie Fourneyron, qui a contribué à l’élaboration de ce texte et à qui je renouvelle, en notre nom à tous, mes vœux de prompt rétablissement.

L’édition 2014 de l’Atlas commenté de l’économie sociale et solidaire, qui vient de paraître, nous renseigne très utilement sur l’évolution du poids de l’économie sociale et solidaire dans l’économie nationale, particulièrement en termes d’emploi. Je salue d’ailleurs, au passage, les auteurs de cet ouvrage et les animateurs de l’Observatoire national de l’ESS, lequel collecte, au fil des années, des données précieuses sur le secteur.

Cet atlas nous dit que, sur la période observée, l’économie sociale représentait 8,8 % des entreprises, 9,5 % des établissements et 10,3 % de l’emploi salarié en France. Dans l’économie française, une entreprise de plus de cinquante salariés sur dix relève de l’économie sociale. Ce sont 2,3 millions de salariés qui travaillent dans ce que certains appellent le tiers secteur, représentant 13,8 % du total des emplois salariés en France.

Les associations représentent 78 % des emplois de l’ESS, les coopératives 13,2 % et les mutuelles 5,6 %. Les fondations, pour leur part, dont le développement a été très dynamique ces dernières années, probablement du fait de la diversité de leurs statuts, emploient 3,1 % des salariés de l’économie sociale.

La liste des chiffres pourrait être encore longue. Tous diraient la même chose : en à peine plus d’un siècle, l’économie sociale a affirmé un modèle d’entreprendre vertueux qui, aujourd’hui plus que jamais, permet de concilier, sans déséquilibre, l’intérêt du client, de l’usager, du salarié et du propriétaire de l’entreprise.

Ce qui fonde l’économie sociale, c’est un but autre que la seule répartition des bénéfices, une gouvernance démocratique – un homme égale une voix – et des bénéfices majoritairement consacrés au développement de l’entreprise. Cela est d’une surprenante modernité.

Après les dérapages aux conséquences incommensurables de l’économie capitaliste, dont la finance devenue folle a plongé une partie de la planète dans une crise aiguë dont elle se remet péniblement, et à quel prix, après l’effondrement des économies administrées dont il n’est pas utile de rappeler les lourdes déviances et les piètres résultats, l’économie sociale poursuit sa route à l’écart des excès financiers, humains et sociaux. Elle s’inscrit sans peine dans un modèle de développement durable prônant une gouvernance équilibrée et partagée, un usage modéré de la financiarisation des échanges et l’inscription du respect de l’homme et des ressources naturelles aux avant-postes du projet de l’entreprise, ce que font en effet, le plus souvent, les entreprises de l’économie sociale.

Il ne manquait donc qu’une chose à l’économie sociale et solidaire en France, dont d’autres pays avaient déjà pris l’initiative : une loi, non comme élément indispensable du parcours de chaque forme d’entreprendre mais comme reconnaissance par la nation d’un sujet de société durable dont elle consacre la forme et l’organisation en l’inscrivant dans les règles communes. Ce gouvernement a d’abord donné à l’économie sociale un ministère. D’autres l’avaient déjà fait, mais celui-ci a eu l’audace de le loger à Bercy, là où bat le cœur de l’économie nationale.

Mme Isabelle Le Callennec. « La finance est mon ennemie » !

M. Yves Blein, rapporteur. L’économie sociale y avait logiquement sa place. Aujourd’hui, nous allons approuver le texte de loi l’invitant, après l’avoir reconnue et délimitée, à changer de dimension. Il vise en effet à ouvrir l’économie sociale et l’invite à disséminer son modèle afin qu’il se développe et gagne encore en influence. Le texte de loi relatif à l’économie sociale et solidaire s’attarde sur chacun de ses modèles d’entreprendre et donne à chacun de nouveaux outils, conçus selon les besoins exprimés par ses acteurs au service de la vision qu’ils en ont pour l’avenir. Le mouvement coopératif sera doté de nouvelles capacités d’entreprendre. Les mutuelles seront mieux armées pour répondre aux exigences de leurs adhérents comme aux contraintes du droit européen. Les associations verront des outils auxquels elles tiennent précisés et reconnus par la loi, tout comme les fondations aux capacités desquelles seront ouverts de nouveaux champs de possibles.

Le texte aura été peu critiqué. Mais l’ESS prête peu le flanc à la critique tant elle est par nature consensuelle. Tout juste la droite aura-t-elle jugé que la loi crée un nombre excessif d’instances !

Mme Isabelle Le Callennec. En effet, la loi complexifie les choses !

M. Yves Blein, rapporteur. Pourtant, elle n’en crée aucune. Toutes préexistaient. La loi ne vient somme toute que reconnaître les outils dont les acteurs se sont eux-mêmes dotés avant de les voir consacrer par la nation. Il en va ainsi des chambres régionales de l’économie sociale, de la chambre française de l’ESS, du conseil supérieur et des instances sectorielles, qui organiseront un pan entier de l’économie française et lui donneront l’indispensable lisibilité dont il manquait cruellement.

La loi que nous allons voter inscrit l’ESS dans les territoires, dont elle est déjà un acteur majeur. En effet, elle devance souvent l’action publique en raison de sa capacité naturelle à faire émerger des besoins nouveaux, comme hier la santé et le besoin d’assurance, et à imaginer des formes innovantes pour les satisfaire. Fort logiquement, les entreprises de l’ESS inscrivent souvent leur développement dans l’accompagnement et la mise en œuvre de nombreuses politiques publiques territoriales.

Enfin, la loi-cadre fait une incursion dans l’avenir de l’économie sociale et solidaire, mettant en valeur sa capacité d’innovation, qu’elle s’attache par ailleurs à définir. Ainsi, le concept d’économie circulaire centré sur le réemploi de produits et matériaux en fin de vie est précisé. L’émergence de monnaies locales comme formes de réappropriation de l’échange, après le détournement de la monnaie vers d’autres usages, trouve ici un premier cadre, tout comme le commerce équitable et la finance solidaire qui sont autant de formes nouvelles constituant les indicateurs avancés d’une société en mouvement dont l’émergence nous montre les centres d’intérêt futurs.

Après notre vote, mes chers collègues, après la conclusion des travaux de la commission mixte paritaire, voire d’ultimes navettes, l’économie sociale et solidaire sera enfin en mesure de répondre de ce qu’elle est et de le faire connaître à nos concitoyens : une forme d’entreprendre éminemment moderne, en phase avec les aspirations de notre jeunesse, caractérisée par le besoin d’engagement, l’envie de consacrer davantage d’énergie au fond qu’à la forme et la recherche enthousiaste de l’épanouissement de la personne avant son enrichissement matériel ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. C’est avec une grande satisfaction que nous approchons à très grands pas de l’issue du processus législatif grâce auquel la France, après l’Espagne, le Portugal, le Québec et le Mexique, se dotera d’une loi pour le développement de l’économie sociale et solidaire, conformément à la demande exprimée depuis plusieurs années par tous les acteurs du secteur. D’ici à quelques semaines, les engagements pris auront été tenus, ce dont nous pouvons être fiers.

À l’orée de la dernière ligne droite, j’évoquerai le travail mené par nos collègues sénateurs en deuxième lecture pour enrichir les articles sur lesquels la commission des affaires sociales était saisie en première lecture. Les règles de gestion des entreprises de l’ESS, dont l’article 1er définit le périmètre, ont été précisées par les sénateurs, en particulier l’utilisation des bénéfices et l’interdiction du rachat par les entreprises de l’ESS de leurs propres actions en l’absence de pertes. Les débats sur les règles de gestion et d’encadrement de non lucrativité auraient pu durer longtemps, mais in fine les deux assemblées ont réalisé un travail complémentaire, à défaut d’être parfaitement similaire.

Trois modifications ont été apportées à l’article 7 relatif à l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ». Les fondations reconnues d’utilité publique pourront en bénéficier de plein droit dès lors qu’elles ont une utilité sociale telle qu’elle est définie à l’article 2 du projet de loi. À l’inverse, toute entreprise trouvant des investisseurs grâce à la négociation de ses titres de capital sur les marchés financiers en sera exclue. Enfin, les établissements et services sociaux et médico-sociaux accompagnant et accueillant des enfants et des adultes handicapés ont été ajoutés à la liste des organismes bénéficiant de l’agrément de plein droit. Enfin, la version initiale de l’article 9 obligeait les acheteurs publics à se doter d’un schéma de promotion des achats publics socialement responsables si le montant annuel des achats du pouvoir adjudicateur était supérieur à un seuil fixé par décret. Un amendement du rapporteur de la commission des lois a remplacé ce critère par un seuil démographique : les communes de plus de 50 000 habitants.

Après ces quelques modifications, je voudrais évoquer les défis de demain. La loi était indispensable : elle comporte des leviers déterminants pour le développement de l’ESS. Mais précisons tout de suite le vocabulaire, car des débats traversent le secteur à propos du sens de l’expression « changement d’échelle » qui a été abondamment utilisée à propos du texte : il ne s’agit pas de promouvoir une course à la taille systématique des entreprises de l’ESS, mais de favoriser l’essor de cette économie afin de lui conférer une ampleur accrue par rapport au modèle capitaliste dominant.

La loi comporte donc des leviers de développement majeurs comme la consolidation des modèles économiques des entreprises de l’ESS, la définition législative de l’innovation sociale, au même titre que l’innovation technologique, et l’affirmation des pôles territoriaux de coopération économique, qui constituent des leviers d’avenir pour le développement solidaire et durable des territoires. On pourrait multiplier les exemples, ceux-là me semblent les plus parlants. Mais toute indispensable qu’elle soit, la loi ne saurait toutefois se suffire à elle-même. Le défi est désormais de la faire vivre quotidiennement dans les territoires.

Pour ce faire, il faudra être attentif à plusieurs éléments. Il faudra d’abord faire vivre la transversalité de l’économie sociale et solidaire dans les politiques publiques. L’ESS jouera un rôle déterminant dans plusieurs textes majeurs qui seront débattus dans les assemblées au cours des mois à venir, au sein lesquels il faudra lui faire toute sa place, telles les lois sur l’adaptation de la société au vieillissement ou sur la transition énergétique. Quant aux grandes orientations économiques, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire constitue une parfaite transition avec les textes budgétaires débattus au cours des derniers jours. Alors que nous venons de connaître un débat sur les aides aux entreprises et sur la nécessité de s’assurer qu’elles servent à celles qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire celles qui préfèrent investir que rémunérer massivement des actionnaires, il est bon de souligner que nous parlons aujourd’hui d’entreprises ayant délibérément choisi de se doter d’un modèle économique qui encadre leur lucrativité et les conduit à consacrer la majorité de leurs bénéfices à l’investissement. Dès lors, quoi de plus normal que les encourager ? C’est pourquoi il faudra bien trouver les moyens d’aller au bout du débat sur le CICE en trouvant des solutions pour aider à la même hauteur les entreprises de l’ESS qui ne peuvent en bénéficier.

Je terminerai par ce qui est le plus important à mes yeux, par le commencement en quelque sorte : la définition de l’économie sociale et solidaire. Celle-ci n’est pas seulement une juxtaposition d’entreprises dotées de règles spécifiques, elle est aussi un projet politique porteur d’une histoire et d’un projet de société visant à questionner le pouvoir, les dogmes et les modèles dominants. Comme nous en avons besoin en ce moment ! Il est inhabituel d’entendre un élu dire cela, mais il me paraît essentiel de réaffirmer que les acteurs de l’ESS doivent rester en permanence attentifs au maintien de leur autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics. En effet, elle fonde leur identité et est indispensable à la poursuite de ce projet politique émancipateur. Par-delà les questions économiques que nous avons largement évoquées à l’occasion de ce projet de loi, l’ESS comporte des enjeux de démocratie véritablement déterminants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Régis Juanico, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire s’est considérablement enrichi à l’occasion des différentes lectures dont il a fait l’objet à l’Assemblée nationale et au Sénat, son volet associatif tout particulièrement. La vie associative dans notre pays est faite de l’engagement quotidien de seize millions de bénévoles dans plus d’un million d’associations. Elle représente, comme Yves Blein vient de le rappeler, 80 % des emplois du secteur de l’économie sociale et solidaire, soit à peu près deux millions de salariés. Elle constitue donc un formidable atout et une formidable richesse pour notre pays, qui nous est d’ailleurs enviée partout en Europe. Ce joyau, il nous faut le préserver et le développer.

À l’initiative de la majorité parlementaire, du Gouvernement, du rapporteur au fond et des rapporteurs pour avis, nous aurons voté à l’occasion des deux lectures du texte une quinzaine de mesures favorables à la vie associative, en particulier des mesures de simplification administrative, de sécurisation financière et juridique et de reconnaissance du bénévolat et de l’engagement associatif, ainsi que de nouveaux outils de financement au service des acteurs de l’économie sociale et solidaire, donc des associations.

Choc de simplification tout d’abord, pour les associations. L’objectif est d’alléger les contraintes administratives et bureaucratiques qui pèsent lourdement sur elles et empêchent leurs responsables de se concentrer pleinement sur le cœur de leur mission et de leur engagement, c’est-à-dire le développement de leur activité. Les mesures de simplification de la vie associative seront mises en œuvre rapidement, par ordonnances, après la remise des propositions de notre rapporteur Yves Blein, auquel Mme Vallaud-Belkacem a confié une mission à ce sujet. Elles porteront sur les principales étapes de la vie d’une association : création, dissolution, demande d’agrément, dossier de subvention, reconnaissance d’utilité publique. Elles s’ajoutent aux dispositions initiales de la loi visant à faciliter les fusions et scissions d’association, la gestion des donations de legs et l’acquisition d’immeubles.

Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire comporte aussi des mesures de sécurisation financière et juridique pour les associations. La définition de la subvention publique, en particulier, est inscrite dans la loi pour la première fois. Il s’agit d’une mesure très attendue par les 550 000 associations bénéficiant chaque année d’une subvention publique : cette définition améliorera la sécurité juridique pour les associations et collectivités qui peuvent être tentées de recourir à la commande publique sous forme d’appels d’offres et de marchés publics plutôt qu’à la subvention. Sécurisation financière, toujours avec la reconnaissance législative du dispositif local d’accompagnement, qui assure un accompagnement professionnel pour la consolidation technique et financière des employeurs associatifs, en complément de l’appui des grands réseaux associatifs.

Le texte propose des mesures de reconnaissance du bénévolat et de l’engagement associatif en créant un volontariat associatif pour les plus de vingt-cinq ans, dans le cadre d’une mission d’intérêt général d’une durée de six à vingt-quatre mois. Il assure une meilleure reconnaissance de la valorisation des acquis de l’expérience pour les bénévoles, même si, avec le rapporteur au fond, nous aurions souhaité aller un peu plus loin. Il crée des fonds de formation pour les dirigeants bénévoles et inscrit dans la loi l’évaluation des dispositifs de congés d’engagement bénévole qui sera, je l’espère, suivie de nouvelles mesures. Il instaure également le régime de la prémajorité associative, même si, sur cette question, nous devons encore réduire nos divergences de vue avec les sénateurs – nous y reviendrons au cours du débat.

Enfin, le projet de loi met en place de nouveaux outils de financement pour les associations, avec les titres associatifs améliorés, la création de fonds de garantie des apports en fonds associatifs, qui permettront de renforcer les fonds propres des associations, mais aussi la création de fonds territoriaux de développement associatif, qui permettront aux associations de financer des actions mutualisées. Ces financements, ouverts à l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire, seront complétés par tous les financements ouverts au titre de l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale.

Ces mesures de financement ont été complétées utilement dans le projet de loi de finances rectificative par une mesure fiscale : il s’agit de l’amendement que nous avons présenté avec Yves Blein en séance publique sur la sécurisation du périmètre de l’exonération du versement transport pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Je ne rappellerai pas la mesure du PLFR 2012 sur la baisse de la taxe sur les salaires pour les employeurs associatifs, qui représente plus de 300 millions d’euros.

Pour terminer, je regrette que mes amendements sur le relèvement des seuils de lucrativité pour les organismes à but non lucratif n’aient pas pu être adoptés à ce stade. Cela étant, ils feront l’objet d’un travail de concertation approfondi avec Bercy, d’ici au projet de loi de finances pour 2015. Tous les espoirs sont permis ! Nous poursuivrons notre réflexion sur la fiscalité des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Ce texte a été fortement enrichi, en particulier pour les associations. Nous ne pouvons que nous en féliciter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC,écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jean-Paul Tuaiva. Très bien !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Tuaiva.

M. Jean-Paul Tuaiva. Nous voici arrivés au terme de l’examen d’un projet de loi très attendu par tous les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Déposé il y a bientôt un an par le Gouvernement, ce texte a connu un parcours législatif pour le moins chaotique et arrive enfin en deuxième lecture devant notre assemblée.

Alors que le secteur de l’ESS aurait mérité un texte concis et pragmatique, examiné rapidement, ce projet de loi a malheureusement souffert des travers de notre processus parlementaire. Pour autant, ce chemin, long et complexe, montre l’intérêt suscité par un sujet aussi important et aussi actuel que celui de l’économie sociale et solidaire. Je rappelle une nouvelle fois que sept des huit commissions permanentes de notre Assemblée se sont saisies du texte, ce qui montre un réel engouement de la part des parlementaires de tous bords politiques.

Je profite de cette intervention pour rendre hommage une nouvelle fois à l’excellent travail préalable effectué par Francis Vercamer, dont les préconisations, dans son rapport « L’économie sociale et solidaire, entreprendre autrement pour la croissance et l’emploi », remis au Premier ministre de l’époque François Fillon en avril 2010, ont largement été suivies par le Gouvernement. Alors que l’ESS représente aujourd’hui 10 % du PIB et près de 10 % des emplois en France, il était urgent d’encadrer un secteur devenu créateur d’emplois et d’entreprises, dans l’objectif de garantir et de favoriser son développement.

Lors de nos différents débats, tant en commission qu’en séance publique, le groupe UDI s’est toujours montré constructif et désireux de faire partager les recommandations de Francis Vercamer, qui s’était déjà heurté aux épineux problèmes soulevés par l’ESS. Il est vrai que ce texte a le mérite d’avoir voulu donner davantage de cohérence et de transversalité à un secteur qui pèche par sa trop grande diversité. À ce sujet, le groupe UDI se réjouit que tous les acteurs de l’ESS aient été consultés lors de l’élaboration du texte, prérequis indispensable pour espérer le rendre rapidement applicable.

Malheureusement, à trop vouloir bien faire, le Gouvernement s’est heurté à un écueil récurrent dans nos textes législatifs : celui de multiplier les instances de décision, de consultation ou de jugement, au détriment de la mise en place de véritables objectifs concrets.

Par ailleurs, le groupe UDI s’étonne que la définition du périmètre de l’économie sociale et solidaire ne prenne pas en compte l’ensemble des acteurs qui selon nous devraient y être présents. Vous le savez, le groupe UDI est particulièrement attaché au secteur des services à la personne, secteur malmené depuis maintenant deux ans par le Gouvernement.

Rappelons tout de même que les entreprises de services à la personne représentent 2,2 millions de professionnels dans toute la France, qui améliorent la qualité de vie de 4,5 millions de familles, ce qui est loin d’être négligeable ! Le groupe UDI a déposé plusieurs amendements pour permettre aux entreprises de services à la personne de relever de l’ESS dès lors que leur activité est reconnue d’utilité sociale, mais le Gouvernement est resté sourd à cette demande pourtant légitime. Le secteur des services à la personne aurait eu besoin d’un signal plus positif de la part du Gouvernement.

Ce choix incompréhensible est d’autant plus étonnant que le projet de loi que nous discutons aujourd’hui n’hésite pas à ouvrir le champ de l’ESS à des sujets parfois bien éloignés de son objectif principal. En effet, alors que le Gouvernement s’oppose à intégrer les entreprises de services à la personne au sein de l’ESS, il n’hésite pas à faire passer des mesures bien moins consensuelles, à notre grand regret.

Les règles de notre Parlement ne nous permettant pas d’amender les désormais célèbres articles 11 et 12 relatifs à l’information des salariés lors d’une cession d’entreprise, nous nous contenterons de déplorer la présence de mesures clivantes dans un texte qui se voulait pourtant fédérateur. Ce sujet aurait dû faire l’objet d’un débat plus approfondi et plus spécifique, d’une part parce qu’il ne concerne pas uniquement le champ de l’ESS, d’autre part parce qu’il brouille la portée générale de ce texte.

Le rapport de Francis Vercamer évoquait la possibilité de créer une société coopérative et participative pour la reprise d’une entreprise saine, ayant un potentiel d’activité et de développement avéré. Le Gouvernement a préféré prévoir une information et un droit des salariés qui risquent de fragiliser dangereusement le processus de cession. Je maintiens qu’informer préalablement les salariés d’une cession risque de créer l’effet inverse de celui désiré, à savoir effrayer à la fois les salariés, mais aussi les potentiels repreneurs extérieurs.

À défaut de supprimer ces articles, nous avions proposé plusieurs mesures alternatives, que je vous rappelle : prévoir une véritable obligation de confidentialité de la part des salariés, supprimer le délai de deux mois, très difficile à respecter, ou encore limiter le droit d’information obligatoire des salariés aux seuls cas d’absence de repreneurs.

L’absence de compromis sur ce sujet rend le projet de loi polémique, alors que nous aurions souhaité une vraie union sur un texte encadrant un secteur plein d’avenir pour notre pays. À ce stade, nous estimons qu’il convient de faire évoluer un texte dont nous reconnaissons le potentiel et la nécessité absolue mais qui a tendance à s’éparpiller.

Nous souhaitons, par exemple, étendre le principe de la révision, prévue pour les coopératives, à l’ensemble des familles de l’ESS, dans un souci d’équité mais aussi de transparence.

Concernant le développement du modèle coopératif, nous continuons de penser que le principe selon lequel les excédents de la coopérative doivent être prioritairement mis en réserve pour assurer son développement risque de priver les coopérateurs de la liberté de décision sur l’affectation des résultats de la coopérative. Cette disposition crée d’ailleurs des situations d’inégalité qui risquent de peser sur les coopératives. Nous proposons donc de supprimer cette mesure.

Par ailleurs, nous demandons de supprimer la possibilité, pour le ministre compétent, de prononcer la perte de la qualité de coopérative, qui ne nous semble pas justifiée.

Enfin, le groupe UDI se réjouit de constater que ce texte prévoit un véritable volet sur le droit des associations, acteurs indispensables de notre vie quotidienne. Nous avions émis des réserves quant aux réponses proposées par ce texte au besoin de stabilité financière, manifesté régulièrement par les associations. Nous pensons également qu’il est nécessaire de faire plus de pédagogie pour inciter les Français à s’impliquer davantage dans les associations, notamment les jeunes.

En commission des affaires économiques, des dispositions relatives au droit des associations ont justement été modifiées. Désormais, un mineur de seize ans révolus peut agir lui-même pour constituer une association et accomplir seul tous les actes utiles à son administration, sauf opposition expresse des représentants légaux une fois informés. Cette nouvelle rédaction assouplit les conditions d’autorisation parentale, puisque le Sénat permettait au mineur de constituer une association uniquement sous réserve de l’accord écrit préalable de ses représentants légaux. Cet assouplissement va dans le bon sens puisqu’il encourage les mineurs à prendre des responsabilités au sein d’associations, ce dont le groupe UDI ne peut que se réjouir.

La vie associative doit faire partie de la vie quotidienne de nos jeunes. Nous ne pouvons qu’approuver les mesures qui vont dans ce sens. Cependant, nous pensons qu’il est nécessaire de rappeler que tout mineur peut participer à l’activité d’une association. Même si Mme la ministre a rappelé en commission que dans les faits, un mineur doué de discernement peut adhérer librement à une association, le groupe UDI pense qu’une inscription précise dans la loi ne ferait que renforcer l’implication des jeunes.

En conclusion, le groupe UDI ne peut pas voter contre un projet de loi qu’il a largement inspiré, à travers les recommandations de Francis Vercamer. Ce texte, nous l’avons dit, est indispensable pour encourager un secteur encore peu connu, mais pourtant plein d’ambition et d’avenir. Malheureusement, vous l’aurez compris, certaines dispositions n’y ont pas leur place. À regret, le groupe UDI ne peut donc que s’abstenir.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Aujourd’hui se termine dans notre assemblée l’examen d’un projet de loi qui tient à cœur aux écologistes. Il nous tient à cœur car, à l’heure où nos concitoyens sont dans le doute, il crée un vrai cadre législatif visant à favoriser le développement d’un pan de l’économie vecteur de solidarité et de bonnes pratiques. Une gouvernance collective et participative, une gestion démocratique mettant l’humain au centre du projet, une grille de salaires resserrée, une lucrativité nulle ou limitée : telles sont ces bonnes pratiques.

Malgré des chiffres éloquents, qui vont croissant – un emploi sur cinq, ou encore 10 % de la valeur nationale créée chaque année – l’économie sociale et solidaire reste pour l’instant une niche, un secteur marginalisé. Ce projet de loi est donc un tournant pour ses acteurs, mais aussi pour ses filières, qui doivent être valorisées et se multiplier.

Aujourd’hui, l’économie sociale et solidaire est très présente dans certains secteurs bien connus, comme l’action sociale, la finance et l’assurance, la santé ou encore l’éducation. Elle doit cependant prendre de l’ampleur et investir maintenant d’autres domaines, tels que l’agriculture, les transports, l’industrie ou le bâtiment, qui sont des secteurs clefs pour réussir la transition écologique de notre économie. Ainsi, ses pratiques en matière de gouvernance, de parité, de salaire doivent petit à petit s’étendre, avec pour objectif de long terme de devenir la règle et non plus l’exception.

Vous l’avez compris, les écologistes placent de vrais espoirs dans ce projet de loi, qu’ils veulent voir fermement soutenu politiquement, afin de donner une chance à l’économie et à l’emploi de se rénover.

Ces pratiques tendant à une meilleure prise en compte de chacun dans l’entreprise vont dans ce que nous estimons être le sens de l’Histoire. Le 24 juin dernier, le Gouvernement lançait l’initiative « La France s’engage » pour encourager les projets innovants de l’économie sociale et solidaire. À cette occasion, le chef de l’État a déclaré : « ce que nous voulons faire, c’est fédérer, mobiliser, démontrer la vitalité d’un pays comme le nôtre ». C’est une déclaration à laquelle je souscris pleinement, tant elle me semble correspondre à ce que porte l’économie sociale et solidaire : une vision dynamique, utile et innovante de l’économie. Cette initiative donne un signal positif alors que ce projet de loi est examiné par notre assemblée.

Autre signal très positif que je souhaite saluer : mardi 24 juin, François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, indiquait à l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, principale organisation patronale de l’économie sociale et solidaire, qu’elle intégrera prochainement la Commission nationale de la négociation collective. En outre, pour la première fois, l’UDES sera conviée à participer à quatre des sept tables rondes organisées durant la conférence sociale, les 7 et 8 juillet prochains.

Depuis la première lecture, j’ai défendu au nom du groupe écologiste une meilleure représentation des acteurs de l’économie sociale et solidaire dans les conférences sociales et économiques. Cette annonce du ministre du travail va donc dans le bon sens, et c’est un geste particulièrement important dans un contexte de tensions sociales réelles. Nous l’avons vu ces derniers mois, notamment au travers de mobilisations très importantes comme celle des intermittents du spectacle, le dialogue social ne parvient pas encore à faire naître un consensus parmi les protagonistes. C’est pourtant un vrai instrument démocratique, qui a prouvé son efficacité dans d’autres pays où il existe une véritable culture du dialogue social. La France doit suivre cet exemple, mais, pour cela, nous devons adapter notre démocratie sociale aux réalités du monde du travail.

Tout comme l’UDES, qui était demandeuse de ces décisions, je me réjouis, alors qu’une loi cadre est votée par notre assemblée, que les employeurs de l’économie sociale et solidaire soient ainsi associés à une nouvelle instance de concertation nationale. C’est un premier pas vers une nouvelle reconnaissance de la part des pouvoirs publics de leur place parmi les partenaires sociaux.

Je terminerai avec un autre grand défi à relever, outre la gouvernance rénovée de notre dialogue social et de notre économie : celui la lutte contre le chômage, qui peut bénéficier de l’économie sociale et solidaire. En effet, cette dernière se caractérise par une bonne résistance dans la crise, mais également par des effectifs vieillissants : 29 % des effectifs globaux et 38 % des chefs d’entreprise et des cadres de l’ESS ont plus de 50 ans. Cela se traduira par le départ à la retraite d’un quart des effectifs de l’économie sociale et solidaire dans les prochaines années, et donc par un renouvellement important. On le voit, il y a là des enjeux énormes en termes de formation professionnelle et c’est pourquoi, madame la ministre, nous demandons depuis le début de l’examen de ce texte que l’on adapte le compte personnel de formation à ces réalités.

La conclusion paraît ainsi claire, mes chers collègues : il faut investir dans ce potentiel afin d’améliorer la qualité de vie au travail et lutter contre la souffrance au travail, tout en créant des emplois non délocalisables et pourvoyeurs de sens pour la société et nos concitoyens. À quoi sert, en effet, une économie qui ne prend pas en compte le développement des personnes ? Oui, nos concitoyens ont besoin de sens et de réalisation de soi, alors permettons à ce secteur qui en est porteur de se développer.

Nous voterons bien sûr avec plaisir ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Robert.

M. Thierry Robert. Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire nous réunit aujourd’hui dans cet hémicycle pour une ultime étape de son parcours parlementaire, un parcours peu banal puisqu’il a été déposé le 24 juillet 2013, il y a presque un an, et qu’il a été défendu par non moins de cinq ministres différents.

À ce sujet, au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je voudrais tout d’abord témoigner d’une pensée affectueuse pour Mme Valérie Fourneyron, qui était au banc des ministres, dans cet hémicycle, pour présenter avec brio ce projet de loi en première lecture. Nous lui adressons nos vœux les plus chaleureux de rétablissement et espérons la retrouver prochainement en pleine forme parmi nous. Je voudrais également remercier tous les ministres qui se sont succédé pour travailler sur ce projet de loi.

Les députés du groupe RRDP sont particulièrement attachés à la méthode retenue par le Gouvernement pour l’élaboration de ce projet de loi et seraient heureux qu’elle puisse être généralisée. Tous les acteurs socio-professionnels de la grande famille de l’économie sociale et solidaire sont unanimes : en dépit de leurs désaccords parfois profonds, ils se réjouissent de la concertation permanente qui a abouti au texte que nous allons examiner. C’est une des raisons fortes de la satisfaction qui domine sur nos bancs, et parmi les parties prenantes, à l’égard de ce texte globalement cohérent et consensuel.

Je voudrais aussi saluer Thierry Jeantet pour sa participation active aux débats. Sans son apport, il est probable que le projet de loi ne serait pas aussi raffiné, même si, nous le verrons, nous pouvons encore parfaire le texte par l’adoption d’un amendement élaboré à son initiative à l’article 14 bis.

Ce projet de loi a pour objectif principal de conférer une plus grande reconnaissance et une meilleure gouvernance à un secteur d’activité bien spécifique. C’est un secteur certes hétérogène et divers, mais qui trouve son unité dans le respect de grandes valeurs humanistes de solidarité, de démocratie, de redistribution équitable des richesses et de justice sociale, sans rien concéder à l’efficacité, à l’innovation et au professionnalisme.

Aujourd’hui, notre pays, comme beaucoup d’autres pays européens, fait face à une crise financière, une crise économique et sociale, mais aussi une crise morale. Oui, depuis trente ans, nous avons accumulé les déficits, que ce soit sous une majorité ou une autre, et sommes à présent contraints à réduire ces déficits et donc à accomplir un effort très important de réduction de la dépense publique. Cet effort est nécessaire, puisque la dette finit par asphyxier littéralement le fonctionnement de notre économie.

Il faut d’un côté réduire les dépenses publiques et, de l’autre côté, investir plus qu’on ne l’a fait dans le passé dans les secteurs économiques porteurs d’espoirs et d’emplois comme l’économie sociale et solidaire. En effet, toutes les statistiques le démontrent, les résultats économiques de l’ESS sont globalement très bons. Ce secteur témoigne d’une capacité de résistance et de résilience face à la crise, avec la création de nouvelles activités localisées sur notre territoire dans la santé, l’éducation, l’insertion, la prévoyance, l’assurance ou encore l’agriculture.

Ces réponses apportées aux besoins fondamentaux du pays confirment que l’ESS est une force motrice complémentaire pour accompagner l’évolution des sociétés occidentales contemporaines, parfois gagnées par l’individualisme et le repli sur la sphère privée.

Il ne s’agit en aucun cas ici d’opposer une économie « saine » à une économie prétendument « malsaine ». Nous ne sommes pas naïfs : loin de nous l’idée que l’économie sociale et solidaire serait préservée de toutes les intempérances alors que l’activité économique dite classique serait la porte ouverte à tous les maux. Pourtant, l’économie sociale et solidaire a longtemps été considérée sans doute de façon trop marginale par les pouvoirs publics. Nous avons souvent oublié son rôle et son originalité, alors qu’elle est en mesure de faire cohabiter de façon harmonieuse performance économique, utilité sociale et développement durable.

Aujourd’hui, au terme de deux lectures au Sénat et d’une deuxième lecture en commission à l’Assemblée, c’est un texte enrichi qui propose de faire de l’ESS un modèle robuste et ambitieux. Il renforce sa place au sein de notre économie en levant les obstacles à son essor et en prévoyant des mesures visant à conforter son développement sur tous nos territoires.

Concernant la reconnaissance publique du secteur, le projet de loi propose, dans son article 1er, article fondateur, à défaut d’une définition légale englobante, de caractériser les acteurs par les déterminants d’une définition politique. À cet égard, la création et le maintien d’un portefeuille ministériel mentionnant l’économie sociale et solidaire est une confirmation importante pour l’organisation administrative du secteur comme pour sa visibilité.

À l’article 1er, ce sont donc les caractéristiques économiques des entreprises et des organismes concernés qui serviront à définir l’identité et l’utilité sociale, même si elles ne les épuisent pas. Ainsi, l’ESS se définit d’abord par l’intégration de principes communs forts dans les statuts : un but différent du seul partage des bénéfices, une gouvernance démocratique ou participative définie par statut et incluant les parties prenantes, et enfin une gestion incluant une lucrativité limitée ou encadrée. L’inscription de ces grands principes humanistes dans la loi correspond à une définition volontairement inclusive. Elle va donner les moyens aux entreprises de l’économie sociale et solidaire de croître tout en replaçant l’homme au centre de son modèle productif. L’homme au centre : voilà une bien belle idée !

Pour ce qui est des principes contenus dans l’article 1er, nous approuvons la version actuelle du texte, qui permettra de répondre à des remarques légitimes sur la spécificité de l’ESS par rapport au domaine privé lucratif. Je pense notamment au secteur médico-social, où l’ESS représente les deux tiers de l’activité.

Ensuite, le texte propose une nouvelle structuration de l’ESS, afin d’institutionnaliser son dialogue avec l’État, les collectivités territoriales et la société civile. Par la création d’une représentation politique nationale, avec la Chambre française de l’économie sociale et solidaire, et la reconnaissance de l’utilité publique des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les CRESS, le texte améliore la gouvernance au niveau national et confie aux représentants de l’État dans les territoires la mission de contractualiser avec elles pour assurer les différentes missions publiques.

Les CRESS disposent déjà, globalement, d’une expertise fine des entreprises de l’ESS sur leurs territoires. Le texte leur permettra d’assurer la promotion de l’ESS, d’aider à la formation des dirigeants et des salariés, tout en continuant, sur le plan local, à collecter des données. Grâce à la possibilité inscrite lors de l’examen au Sénat d’ester en justice pour faire respecter les conditions imposées par l’article 1er aux entreprises commerciales, les CRESS voient leur légitimité renforcée.

Avec un ancrage territorial amélioré, coordonné avec les pouvoirs publics, l’ESS pourra poursuivre son développement en répondant aux besoins locaux de nos concitoyens.

En ce qui concerne les mesures très médiatisées et polémiques sur la facilitation de la reprise d’entreprises par les salariés, je pense que nous devons d’abord revenir à la raison. Nous devons faire preuve de lucidité et éviter les débats inutilement polémiques. Au cours des deux siècles derniers, le législateur français a inscrit dans la loi des progrès sociaux incontestables en faveur des salariés : nous avons le devoir de continuer cette œuvre.

Prenons garde cependant que nos bonnes intentions ne se révèlent pas, au final, des freins pour la performance économique et, surtout, pour l’emploi. Nous connaissons les chiffres : chaque année, au moins 50 000 emplois disparaissent dans des entreprises en bonne santé économique. C’est souvent une mauvaise transmission ou un arbitrage économique et financier irresponsable qui aboutissent à cette situation absurde. Tous les députés de terrain que nous sommes dans cet hémicycle connaissent de près ou de loin cette réalité choquante, à laquelle nous ne pouvons pas nous résigner.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue…

M. Thierry Robert. En donnant aux salariés le temps et les informations nécessaires, le projet de loi leur fournit les moyens de proposer une offre de reprise. Ils ont le savoir-faire, la compétence, la connaissance de l’outil de production. Il est donc légitime de faciliter cette possibilité de reprise.

Pour conclure, je dirai au nom des députés du groupe RRDP que le développement de l’ESS ne doit pas être une façon de se donner bonne conscience en ces temps de gestion rigoureuse des finances publiques. Le développement de l’ESS est une façon de réaffirmer cette idée simple, mais souvent oubliée : dans notre économie parfois déconnectée, c’est l’homme qui doit être au centre.

Dans ces conditions, madame la ministre, sachez d’ores et déjà que vous pourrez compter sur le soutien des députés du groupe RRDP. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure pour avis et M. Yves Blein, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Nos territoires souffrent de toutes les crises : de la crise économique et financière, de la réduction des moyens budgétaires, du chômage massif, de la précarité grandissante, du manque de logements, de la désertification rurale. La jeunesse est en proie à d’immenses difficultés tandis que les personnes âgées ou dépendantes sont confrontées au manque cruel de solutions d’accueil.

Face à cette situation et à des menaces nouvelles, les habitants des territoires organisent des îlots de résistance et de solidarité. Avec les coopératives, les mutuelles, les associations, l’économie sociale et solidaire, même si elle n’est pas sans défauts ni dérives, offre des solutions innovantes, construit des entreprises pérennes, organise la solidarité avec les plus fragiles.

En présentant, en juillet 2013, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, le ministre délégué d’alors, Benoît Hamon, dans le prolongement des engagements de François Hollande, a voulu signer une véritable reconnaissance de ce secteur essentiel.

L’économie sociale et solidaire représente aujourd’hui 200 000 établissements et près de 2 400 000 salariés, soit un emploi privé sur huit. Dans certaines régions, comme la Bretagne, le Limousin ou l’Auvergne, ce secteur représente plus de 16 % de l’emploi privé. À La Réunion, où il comptabilise près de 23 000 emplois salariés, il crée chaque année plus d’un millier d’emplois.

L’attrait exercé par ce secteur s’explique par la philosophie qui le sous-tend, par une gestion différente des activités et des moyens, par une approche fondée sur la confiance et le respect des personnes. Les structures, souvent plus petites que des entreprises classiques, favorisent un fonctionnement plus démocratique, un meilleur partage des fruits du travail et la mobilité sociale des salariés. L’économie sociale et solidaire est sans doute l’un des rares secteurs où l’on peut encore voir des personnes commencer leur carrière tout en bas de l’échelle et finir directeur.

Par leurs réalisations et par leurs succès, les structures de l’économie sociale et solidaire démontrent que d’autres modèles sont possibles, que démocratiser l’économie n’est pas une vue de l’esprit. Les coopératives, les mutuelles, les fondations, les associations ont fait la preuve qu’elles sont des entités viables et pérennes. Elles sont particulièrement adaptées aux petites économies insulaires des outre-mer et il est désormais acquis qu’une partie non négligeable de notre développement se fera dans le cadre de ces structures. À cet égard, les acteurs attendent beaucoup de la création d’un fonds spécifique à l’économie sociale et solidaire pour les outre-mer.

Le présent texte poursuit l’objectif de développer, d’élargir et de sécuriser juridiquement ce vaste ensemble de structures et d’organismes. Notre attachement aux principes fondateurs de démocratie, de solidarité et d’égalité, qui demeurent au cœur de l’économie sociale et solidaire, nous conduit à soutenir ce texte mais également à nous montrer vigilants sur l’approche privilégiée par le Gouvernement. Cette approche présente en effet des risques de dévoiement des principes fondateurs du secteur, de normalisation de ce qui fait son originalité, de dilution de ses financements, puisque des entreprises commerciales pourront être désormais qualifiées d’entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Pour que les sociétés commerciales puissent bénéficier du label « économie sociale et solidaire », le texte prévoit un nouvel agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » qui permettra aux entreprises de prétendre aux fonds d’épargne solidaire et à des dispositifs fiscaux. Cet agrément repose sur une définition largement inclusive de l’utilité sociale. Le texte évoque aussi « un impact significatif sur le compte de résultat ou la rentabilité financière de l’entreprise ». Il pose également des conditions d’égalité salariale au sein des entreprises, plafonnant les salaires à sept à dix fois le SMIC ou le salaire minimum de branche. Enfin, les titres de capital de l’entreprise, lorsqu’ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé.

Ces garde-fous sont utiles mais, comme le demandent les acteurs historiques de l’économie sociale et solidaire, il est essentiel que tous les candidats à cet agrément remplissent les conditions posées par la loi, ce qui suppose de remettre en cause l’agrément de plein droit.

D’autres dispositions du texte appellent des réserves, en particulier les articles sur les fondations, ou encore l’article 35, relatif aux mutuelles et institutions de prévoyance.

La disparition des pouvoirs des sociétaires pour fixer le montant ou le taux des cotisations et la nature des prestations ne nous semble pas justifiée. La voix du président pourra désormais être égale à toutes les autres, ce qui contrevient à l’esprit mutualiste. En outre, les certificats mutualistes et paritaires ne sauraient faire oublier la nécessité de sortir les mutuelles du champ de la réglementation européenne en matière d’assurances et de complémentaires santé. Il est urgent de prendre des mesures afin de limiter les obligations en termes de réserves prudentielles, dans l’attente du remboursement à 100 % par la Sécurité sociale. C’est pourquoi nous ne soutenons pas ce dispositif.

S’agissant des articles 11 et 12, adoptés conformes, nous n’avons pas pu déposer d’amendements. Ils n’accordent pas aux salariés un droit de rachat prioritaire pour reprendre leur entreprise sous forme de coopérative, alors que le Président de la République s’y était engagé. Après les combats des SeaFrance ou encore des Atelières pour reprendre leur entreprise en tant que salariés, après le combat victorieux des Fralib, qui ont gagné le bras de fer qui les opposait à la multinationale Unilever depuis plus de trois ans, la volonté de faciliter les transmissions sous forme de SCOP aux employés fait son chemin. Nous pensons que le Parlement aurait pu mieux accompagner ce mouvement.

Nombreux sont en effet ceux qui, parmi les salariés, débordent de motivation et d’inventivité pour poursuivre l’aventure, sauver des emplois, innover, partager. À cet égard, il est possible d’imaginer qu’une telle disposition aurait permis d’aboutir, à La Réunion, à une issue moins radicale que la fermeture de la SIB, la Société industrielle de Bourbon, et le licenciement de trente-deux salariés.

La loi demande dorénavant aux dirigeants d’entreprises de moins de 250 employés qui souhaitent vendre ou partir à la retraite d’en informer les salariés au minimum deux mois à l’avance. L’objectif est de permettre aux salariés de disposer d’un délai suffisant pour déposer un projet de reprise informé et étayé. Nous craignons cependant que ce délai ne soit trop court.

Si le texte précise que les salariés pourront, à leur demande, se faire assister par un représentant de la chambre de commerce et de l’industrie régionale, de la chambre régionale d’agriculture, de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat territorialement compétente, en lien avec les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, nous sommes loin de la reconnaissance d’un droit de préemption. Les mesures prévues sont insuffisantes pour accompagner les salariés qui souhaitent reprendre une entreprise rentable. Nous le regrettons vivement.

Les articles 12 bis et 12 ter subordonnent l’homologation, par l’administration, d’un plan de sauvegarde de l’emploi au respect par l’entreprise de son obligation d’information et de recherche d’un repreneur et prévoient que, en cas de fermeture d’un établissement, l’autorité administrative pourra demander le remboursement des aides pécuniaires accordées. Ces dispositions sont évidemment bienvenues, mais nous aurions souhaité, là encore, que le remboursement des aides publiques soit la règle. En revanche, nous approuvons totalement l’adoption d’un guide de bonnes pratiques et l’introduction des objectifs de parité, que nous avons tous portés en première lecture.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiennent la volonté affichée par le Gouvernement de promouvoir l’économie sociale et solidaire et veulent voir dans ce texte une première étape décisive.

Conforter les acteurs historiques dans le respect des valeurs de solidarité, de démocratie et de non-lucrativité passe par une consolidation, à tous les échelons, de ce secteur économique, par une véritable reconnaissance du droit des salariés à rependre leur entreprise, mais aussi par la relocalisation des activités économiques à travers, notamment, la priorité donnée aux circuits courts. C’est parce qu’ils considèrent que l’économie sociale et solidaire constitue l’un des meilleurs outils dont notre société peut se saisir pour combattre les conséquences d’une économie de marché de plus en plus dérégulée que les députés du groupe GDR voteront ce texte de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean Grellier.

M. Jean Grellier. Nous abordons à présent la deuxième lecture du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire à l’Assemblée nationale. C’est l’occasion de souligner d’ores et déjà très fortement l’exemplarité de la démarche qui a permis l’élaboration de ce projet de loi.

Ce fut tout d’abord le souci du ministre délégué Benoît Hamon d’associer l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire à l’écriture des grandes lignes de ce texte fondateur pour tout le secteur de l’ESS. Ce fut ensuite le travail parlementaire, que ce soit en commission – la particularité à l’Assemblée nationale ayant été que six commissions se sont saisies pour avis – ou dans l’hémicycle. Ce travail parlementaire a été entendu et pris en compte par tous les membres du Gouvernement qui, au gré de différentes évolutions, ont été mobilisés sur ce texte. Un travail important de coordination a été accompli par le rapporteur Yves Blein.

Ainsi, au gré des navettes avec le Sénat, chacun a pu s’exprimer et faire valoir ses arguments sans que le texte en soit dénaturé ou en perde sa cohérence. On peut considérer aujourd’hui qu’il a été enrichi et ses dispositions précisées.

Sans vouloir répéter les grandes lignes et les principaux objectifs de ce texte, il est important de rappeler qu’il institue un cadre fondateur qui définit précisément les caractéristiques de l’économie sociale et solidaire en ouvrant, grâce à la notion d’inclusion, ce secteur aux entreprises commerciales classiques qui n’ont pas nécessairement adopté les statuts spécifiques des associations, de la coopération ou du mutualisme.

Par ailleurs, même si cela peut encore faire débat, le texte définit désormais clairement la représentation territoriale et nationale de l’économie sociale et solidaire en respectant la spécificité et la diversité de ses composantes tout en privilégiant leur complémentarité, que ce soit dans les relations avec la puissance publique ou encore dans leur autonomie d’organisation, pour faire reconnaître l’importance socio-économique du secteur de l’ESS.

Ce texte permet aussi de renforcer le dialogue social au sein des entreprises dans le but d’assurer leur pérennité. C’est ainsi que l’information des salariés sur la transmission ou la cession de leur propre entreprise, leur permettant s’ils le souhaitent, de faire une offre de reprise, est à la fois un nouveau droit, une amélioration de la qualité du dialogue au sein de l’entreprise, mais aussi une sensibilisation et une incitation à l’entrepreneuriat, individuel ou collectif. Dans ce domaine aussi, les craintes ont été entendues et la situation est maintenant plutôt pacifiée.

Grâce à un amendement du président de la commission des affaires économiques François Brottes, ce texte a pu également intégrer une forme de garantie et de responsabilité vis-à-vis des dirigeants d’entreprises qui prennent la décision de fermer un site dit rentable en les incitant très fortement à trouver un repreneur.

Toutes ces avancées et bien d’autres apportent un nouvel équilibre à ce texte et placent l’économie sociale et solidaire au cœur même du développement économique de nos territoires. Les acteurs de ce secteur ont en effet une place primordiale et moderne à prendre, que ce soit dans le domaine de la transition énergétique, dans l’élaboration de circuits courts ou encore face aux grands enjeux du développement du numérique.

Ce texte reconnaît également la place primordiale de l’initiative humaine dans le domaine de l’économie en plaçant la gouvernance démocratique en équilibre avec le rôle du capital et des éléments financiers dans les capacités de fonctionnement et de développement des entreprises.

Quelques points doivent encore être stabilisés au cours des débats qui vont suivre ce matin, et il nous restera ensuite à trouver un accord équilibré avec nos collègues sénateurs. Je souhaite que nous y parvenions facilement, afin que ce texte, dans ses différents aspects, puisse entrer rapidement en application. En effet, il apportera un souffle nouveau à un secteur qui a déjà prouvé toute son importance et qui est en mesure d’accompagner les efforts nécessaires à la création d’emploi et de nouvelles activités, tout en renforçant une forme de lien social nécessaire au vivre ensemble sur tous nos territoires, qu’ils soient urbains et ruraux, dans toutes leurs spécificités. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous examinons en deuxième lecture, après son passage au Sénat, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, présenté en conseil des ministres voilà bientôt un an – comme quoi, il est long d’aboutir à une loi !

En première lecture, le groupe UMP s’était montré très ouvert et n’avait pas d’a priori négatif. Nous nous étions abstenus dans les différentes commissions qui avaient eu à examiner le texte et n’avions pas déposé de motion de rejet préalable en séance. Cela montre que, contrairement à la petite musique jouée de temps en temps du côté gauche de l’hémicycle, nous ne nous en tenons pas à des postures : lorsque les projets ou propositions de loi nous paraissent aller dans le bon sens, nos prises de position et nos amendements ne visent qu’à les améliorer, avec pragmatisme et à la lumière de nos expériences d’élus nationaux, mais aussi et surtout de terrain.

Nous abordions donc ce texte avec bienveillance. Malheureusement, par principe, vous n’avez retenu aucun de nos amendements et êtes même parvenus à contrarier un grand nombre de nos collègues, que vous avez poussés à s’abstenir ou à voter contre le texte lors du vote solennel alors même qu’avec un peu de compréhension et d’écoute de votre part, le texte aurait pu faire consensus. Puissions-nous y parvenir, dans un grand élan d’unité nationale, la veille du jour où l’équipe de France doit disputer les quarts de finale de la Coupe du monde de football. Si seulement c’était possible ! (Sourires.)

Aujourd’hui, le groupe UMP réaffirme son soutien à l’économie sociale et solidaire, compte tenu de son poids économique. Comme vous l’avez rappelé, l’ESS représente 10 % du PIB, 200 000 entreprises, mutuelles, associations, coopératives et autres fondations, employant 2,35 millions de salariés.

Nous reconnaissons bien volontiers que certaines dispositions du texte vont être très utiles aux acteurs de l’ESS, mais nous insistons aussi sur les difficultés d’accès au financement que rencontrent nombre d’associations et sur le besoin de simplification. À cet égard, sachez que le groupe UMP jouera pleinement son rôle dans la commission d’enquête qui vient d’être créée, chargée d’étudier les difficultés du monde associatif et de proposer des réponses concrètes pour que les associations puissent assurer leurs missions.

Quelque peu constants, voire têtus, vous diront certains, et ce n’est pas la Bretonne que je suis qui s’en défendra – n’est-ce pas, cher Gilles Lurton ? – nous abordons cette deuxième lecture avec les mêmes préoccupations qu’il y a un peu plus d’un mois.

Premièrement, nous sommes loin du « choc de simplification » : le texte consacre de nombreuses instances et en crée de nouvelles : Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, chambre française de l’économie sociale et solidaire, chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, conférence régionale de l’économie sociale et solidaire, pôles territoriaux de coopération économique, Conseil supérieur de la coopération, et Haut conseil à la vie associative !

Non seulement, vous l’avez dit, ces instances existaient d’ores et déjà, sans intervention du législateur, mais en plus elles se superposent, font doublon et l’ensemble de manque de lisibilité. Vous ne nous avez toujours pas convaincus du bien-fondé de l’existence de toutes ces structures. Selon nous, deux niveaux de gouvernance et d’organisation devraient prévaloir : un niveau national et un niveau régional.

Deuxièmement, compte tenu des critères que vous imposez pour relever du nouveau champ de l’ESS, un grand nombre de petites entreprises qui opèrent dans le secteur des services à la personne risquent d’être exclues. Or elles subissent déjà les conséquences des décisions fiscales du Gouvernement : en 2013, on a enregistré une baisse historique de 3,2 % du nombre de particuliers employeurs et de 6,7 % du nombre d’heures déclarées, mais aussi la perte de 80 000 emplois et une explosion du travail dissimulé. À cela s’ajoutent les conséquences de la mesure que vous avez votée hier dans cet hémicycle, la non-revalorisation des pensions de 6,5 millions de retraités, qui sont précisément consommateurs de ces services à la personne. Nous ne cessons de tirer la sonnette d’alarme, mais vous restez sourds à nos alertes. Vous jouez contre l’emploi.

Troisièmement, certains articles de ce texte n’ont rien à y faire et cristallisent le mécontentement des entrepreneurs, auxquels vous prétendez pourtant faire les yeux doux avec votre pacte de responsabilité. Il en est ainsi des articles 11 et 12, qui concernent les entreprises de moins de 250 salariés et instaurent un droit d’information des salariés au sujet des projets de cession, afin de leur permettre de présenter une offre de reprise. Nous vous l’avons dit et répété, et nous ne sommes pas les seuls : ces dispositions risquent de perturber le processus de cession entre le chef d’entreprise et le repreneur.

Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas favorables à la reprise des entreprises par leurs salariés. Bien au contraire : quand ils sont volontaires, cela peut être une bonne idée. Lorsqu’ils sont accompagnés dans ce projet, les résultats sont même extrêmement positifs. Toutefois, comme vous le savez, la confidentialité est de mise dans ces transactions.

Nous ne pourrons pas intervenir à nouveau sur ces articles, car ils ont été adoptés conformes par le Sénat. Je voulais donc rappeler notre position sur ce sujet, d’autant que nous avions beaucoup bataillé lors de la première lecture.

Pour le reste du texte, qui compte plus de cinquante articles, nous vous soumettons ce matin une petite dizaine d’amendements, en caressant l’espoir que, cette fois, nous serons entendus. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMPUDI.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Je souhaite tout d’abord remercier les quatre ministres qui nous ont aidés à faire progresser le texte, avec une mention spéciale pour Mme Fourneyron et sa participation particulièrement dynamique : je lui présente tous mes vœux de bonne santé.

Le projet de loi qui nous revient en deuxième lecture est le premier à aborder spécifiquement l’économie sociale et solidaire. Il va permettre d’effectuer un saut qualitatif et quantitatif.

L’ESS, née au milieu du XIXsiècle, est un atout pour notre pays et un moteur notamment pour l’emploi. En effet, le nombre d’emplois dans ce secteur augmente en moyenne de 0,9 % par an depuis le début des années 2000, quand l’économie traditionnelle ne cesse d’en perdre. Ce secteur a aussi beaucoup mieux résisté que les autres à la crise de ces dernières années.

L’ESS est une économie ancrée dans les territoires et dans l’économie réelle et qui fait appel à l’initiative citoyenne. En outre, elle propose souvent des emplois non délocalisables, dont l’objectif premier n’est pas le profit, mais de répondre aux besoins fondamentaux des citoyens, avec une gouvernance démocratique et une gestion spécifique qui privilégie l’investissement et l’anticipation de l’avenir, ainsi qu’une limitation de la grille des salaires.

Les écologistes s’impliquent depuis longtemps dans l’économie sociale et solidaire, particulièrement dans les associations et les coopératives diverses telles que les SCOP et les sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC. Je rappelle que Guy Hascoët, élu écologiste et ancien secrétaire d’État, avait préparé, au début des années 2000, un projet de loi sur l’ESS qui n’avait pas eu le temps de trouver une traduction législative. Il est urgent de renforcer ce secteur en lui donnant les moyens juridiques qui lui font défaut.

Le présent projet consacre donc l’économie sociale et solidaire, partie fondamentale de notre économie. Tournée vers l’avenir, au cœur de l’innovation sociale et économique, l’ESS est également un secteur où l’innovation technologique est fortement présente. L’économie sociale et solidaire devrait permettre d’apporter à l’activité économique dans son ensemble les ressorts qui lui manquent pour mettre en place une société plus juste, plus solidaire, plus démocratique et donc plus stable.

Le choix que fait ce texte d’une définition inclusive vise à faire entrer dans l’ESS un large champ d’activités et de modes de fonctionnement. Les articles 1er et 2 vont clairement dans ce sens, tout en restant exigeants sur le fond et en fixant des limites précises.

Le texte comporte de nombreuses innovations. J’en rappellerai quelques-unes. Son premier apport réside dans le fait de définir, pour la première fois, le champ de l’ESS. La diversité des acteurs est reconnue : relèvent ainsi de l’ESS les acteurs historiques que sont les associations, coopératives, mutuelles et fondations, mais aussi les entreprises sociales ayant fait le choix d’appliquer les principes fondamentaux du secteur. C’est un élément essentiel pour l’avenir de l’ESS, un grand progrès en matière de sécurité juridique. C’est très important pour les tiers, par exemple les prêteurs, les financeurs publics ou privés.

La loi va aussi aider la reprise par les salariés de leur entreprise. Il s’agit, là encore, d’un facteur d’innovation à la fois sociale et économique. Aujourd’hui, la reprise est très difficile, dans la mesure où les salariés ont peu de moyens. Grâce à ce projet de loi, une information leur sera désormais donnée en amont. Le délai proposé reste court : deux mois. Nous aurions souhaité qu’il soit plus long. Toutefois, le dispositif dans son ensemble reste intéressant.

Un autre point fort de la loi réside dans l’épargne solidaire et la reconnaissance des monnaies locales complémentaires. Des ajustements restent nécessaires pour permettre à l’ensemble des monnaies locales existantes d’être reconnues par la loi. Nous proposons des amendements allant dans ce sens, afin de lever toute ambiguïté. Quant à l’épargne solidaire, ses réseaux soutiennent les porteurs de projets d’entreprise d’économie solidaire et sociale. Voilà un exemple supplémentaire de la capacité d’innovation de l’ESS.

Nous saluons aussi le renforcement des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, à l’article 4, ainsi que la reconnaissance des agences régionales.

Concernant les marchés publics, nous approuvons le contenu de l’article 9 sur la promotion des achats publics socialement responsables. Nous persistons à penser qu’il est également nécessaire de prévoir des clauses relatives au développement durable. Nous aurions souhaité que l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » puisse être donné d’un commun accord entre les régions et les représentants de l’État.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Michèle Bonneton. Pouvez-vous, madame la ministre, nous informer sur les modalités d’obtention de cet agrément ? Comment et par qui sera-t-il délivré ?

Enfin, nous avons déposé un amendement afin d’éviter que les filiales de sociétés mères ne relevant pas de l’ESS ne puissent bénéficier de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ». Il s’agit d’éviter que ces entreprises ne bénéficient d’une certaine caution sociale non justifiée, appelée parfois social washing.

En définitive, nous considérons que ce projet loi est un bon texte. Nous l’examinerons en deuxième lecture, comme précédemment, dans un esprit constructif. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre.

Mme Marie-Hélène Fabre. Agriculture, action sociale, banque et assurance, éducation ou encore industrie : il n’est pas un champ de l’activité économique de notre pays qui ne connaisse, en son sein, un développement sans précédent de l’économie sociale et solidaire.

Après tant d’années d’abandon et de désintérêt de la part des pouvoirs publics, il fallait une grande loi-cadre pour mieux définir le périmètre de l’économie sociale et solidaire. Si chacun, ici, s’accorde sur le fait que l’ESS contribue activement à réduire les inégalités sociales et territoriales, plus personne ne pouvait déterminer quelle activité en faisait partie ou non.

Les avancées de ce texte sont nombreuses. Je n’en dresserai pas une nouvelle fois l’inventaire. Je me félicite simplement de l’ensemble des améliorations apportées au cadre des coopératives, notamment celles qui leur permettent d’associer à leurs décisions et à leur avenir un plus grand nombre de salariés.

Je voudrais évoquer l’impact de ce texte sur le secteur associatif. Dans le contexte actuel, l’action des associations reste plus nécessaire que jamais.

Nous avons modifié en profondeur des dispositions pour sécuriser davantage, mais aussi pour moderniser le cadre juridique des associations. À ce titre, nous avons promu une définition légale des subventions publiques et, plus largement, ouvert la voie à une simplification par ordonnance des démarches des associations auprès des administrations. Nous avons rénové le dispositif du volontariat de service civique en le transformant en « volontariat associatif », afin de développer ces contrats.

En outre, pour faciliter la formation des bénévoles dans des domaines parfois techniques, nous avons créé un fonds de formation à destination des dirigeants bénévoles d’associations et autorisé les associations compétentes à organiser et développer le financement participatif pour des projets de création d’entreprise.

À ce sujet, j’aurais aimé, et je ne suis pas la seule sur ces bancs, que la validation des acquis de l’expérience des bénévoles associatifs fût ouverte au bout de deux ans. Le parallélisme avec les salariés, étant donné l’expérience, la plupart du temps, des bénévoles, ne me semble pas parfaitement adapté. Il serait opportun que, dans le cadre du futur rapport sur la grande cause nationale de l’engagement associatif, cette question soit de nouveau abordée.

Enfin, et parce que la cause de la jeunesse n’est pas une vaine idée, nous permettrons aux mineurs de créer une association et d’y accomplir des actes administratifs. L’accord écrit préalable d’un représentant légal ne sera pas exigé, mais celui-ci sera informé a posteriori. Cela encouragera les mineurs à prendre des responsabilités, notamment dans les foyers socio-éducatifs des lycées.

Notre attention à l’endroit des associations ne s’arrêtera pas à ce texte. Dans la continuité de ce travail, nous avons constitué une commission d’enquête parlementaire chargée d’étudier les difficultés du monde associatif. Elle aura pour tâche de proposer des réponses concrètes afin que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités. Parallèlement, notre rapporteur Yves Blein, conduira une mission sur la simplification des dispositions pour les associations. Comme chacun peut le constater, nous restons aux côtés de tous ceux qui, chaque jour, contribuent au maintien du lien social sur notre territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Loin de manifester un a priori défavorable à ce projet de loi, j’en partage, comme j’ai eu l’occasion de l’exprimer lors du vote en première lecture, un grand nombre d’objectifs. Le premier est de soutenir un secteur qui représente aujourd’hui un renouveau de l’économie, fondé sur des principes de solidarité et de proximité.

Forte de ses principes et de ses valeurs, ainsi que du poids économique et social qu’elle représente, l’économie sociale et solidaire se révèle très porteuse. Elle permet d’abord de redonner du sens dans les relations de travail entre individus et de la vie à nos territoires, notamment les plus ruraux, grâce à la création d’emplois non délocalisables.

J’ai pu mesurer combien grandes étaient les attentes des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Ils ont besoin de mesures susceptibles de remédier aux rigidités ou aux insuffisances statutaires qu’ils connaissent. Ils se sont investis et ont fait des propositions concrètes. Votre projet répond, en partie, à un certain nombre de leurs demandes.

C’est donc avec un sentiment partagé que j’aborde aujourd’hui cette deuxième lecture. Si je suis enthousiaste à l’idée de légiférer pour promouvoir et encadrer au mieux ces activités essentielles pour notre tissu économique, je suis en revanche inquiet de certaines mesures qui me paraissent aller dans le mauvais sens.

Il s’agit tout d’abord des articles 1er et 7, relatifs à la détermination du champ de l’économie sociale et solidaire et aux modalités d’obtention de l’agrément « entreprise solidaire ». Après l’avoir dit en première lecture, je répète aujourd’hui que ces articles, particulièrement restrictifs, constituent une formidable occasion manquée de donner un nouvel élan au secteur des services à la personne.

Les dispositions de l’article 1er, qui permettent à une entreprise ou à une association d’intégrer l’économie sociale et solidaire, sont primordiales : elles rendent éligibles aux prêts de la Banque publique d’investissement et détermineront ultérieurement l’obtention de l’agrément prévu à l’article 7, celui qui rend éligible aux dispositifs de soutien fiscal dits « ISF-PME » et « Madelin ».

Aussi, en sus du risque d’exclusion des entrepreneurs, il existe un risque de distorsion de concurrence au détriment des sociétés commerciales évoluant dans le secteur des services à la personne : elles seront privées du soutien fiscal dont leurs principaux concurrents, associations ou organismes d’insertion, pourront bénéficier.

Si le dispositif de soutien fiscal rendu accessible par l’agrément retient toute mon attention, je ne peux que m’opposer une nouvelle fois aux conditions d’obtention de cet agrément ainsi qu’aux conditions d’intégration dans l’économie sociale et solidaire. Celles-ci ne laisseront que de minces espoirs aux entrepreneurs qui se sont pourtant engagés dans une démarche sociale.

Comme vient de le faire Isabelle Le Callennec, je souhaite également revenir sur les articles 11 et 12, qui prévoient un droit d’information des salariés en cas de transmission d’une entreprise. Nous ne pourrons hélas en discuter, puisque ces articles ont été votés conformes. Néanmoins, je tiens à rappeler que la transmission d’une entreprise est une opération délicate, dans laquelle la confidentialité est un facteur clé du succès.

L’information selon laquelle le chef d’entreprise quitte la tête de son entreprise peut être un facteur de réelle déstabilisation au sein de l’établissement et le fragiliser dans ses relations, non seulement avec ses partenaires commerciaux et financiers, mais aussi avec ses concurrents.

Je partage entièrement, je dois le dire, les propos de Mme Fourneyron en première lecture, qui motivait son texte par la nécessité de resserrer le lien qui doit unir le salarié à son entreprise. J’en profite d’ailleurs pour rendre hommage au travail qu’elle a accompli. Mais de tels articles risquent encore de compliquer la vie des entreprises, d’entraver la relance de l’emploi dont nous avons tant besoin. Je crains, madame la ministre, qu’une fois encore le Gouvernement ne soit contraint in fine de reporter ces mesures, ainsi qu’il vient de le faire pour le compte pénibilité. Il serait pourtant si simple de nous écouter dès le début, au lieu de devoir tout le temps revenir en arrière !

Une autre mesure m’inquiète, celle contenue dans les articles 12 bis et 12 ter, qui visent à réintégrer une version allégée de la proposition de loi « Florange » sur la reprise des sites rentables. Cette loi, je le rappelle, a été partiellement censurée en mars par le Conseil constitutionnel, au motif qu’elle portait atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprise. Là encore, le territoire français se montre incertain juridiquement pour l’installation d’entreprises. Comment cette mesure s’articulera-t-elle avec le pacte de responsabilité que vous tardez à nous présenter ? Je regrette, madame la ministre, que ces mesures si peu consensuelles aient été insérées à la dernière minute dans le texte, en première lecture.

Enfin, je ne peux passer sous silence votre volonté de complexifier les choses et de multiplier les instances représentatives : Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, chambre française de l’économie sociale et solidaire, chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, conférence régionale de l’économie sociale et solidaire, pôles territoriaux de coopération économique, conseil supérieur de la coopération, Haut conseil à la vie associative : n’en jetez plus, la coupe est pleine !

Nous avions insisté sur l’inutilité de toutes ces instances en première lecture. Le Sénat n’a pas souhaité revenir dessus. À elles seules, elles justifieraient que nous nous opposions au texte. Mais, madame la ministre, je veux marquer mon soutien à l’égard des millions de bénévoles qui concourent largement au développement de l’économie sociale et solidaire par leur engagement associatif, mutualiste ou coopératif et qui attendent beaucoup de cette loi. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai sur ce texte, comme je l’ai fait en première lecture.

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. Yves Blein, rapporteur.

M. Yves Blein, rapporteur. Je me félicite de l’ensemble de ces interventions. Elles expriment, pour une grande part, un soutien à un texte qui constitue, effectivement, une avancée importante pour l’économie sociale.

Madame Le Callennec, je voudrais lever deux confusions qui semblent vous empêcher d’aller jusqu’au bout et de voter en faveur de ce texte. Lorsque vous faites référence à la multiplicité des structures, vous citez les modes de représentation mais en y ajoutant des dispositifs, tels les pôles de compétitivité territoriale, qui ne sont pas des espaces de représentation. Encore une fois, l’économie sociale ne devient pas gourmande de représentation : ce texte prend simplement acte de choses qui existent déjà et qui méritent d’être consacrées par la loi pour être pérennisées.

Quant aux activités de service à la personne, la disposition que vous proposez de façon récurrente reviendrait à prévoir une entrée dans l’économie sociale par la nature de l’activité, alors que l’économie sociale se définit naturellement par le statut de l’entreprise. Certaines entreprises de services à la personne s’inscrivent dans l’économie sociale, d’autres peuvent souhaiter demeurer dans l’économie capitaliste. Il est logique qu’elles aient le choix. Si elles observent les critères définis dans la loi, les entreprises du milieu capitaliste peuvent rejoindre le champ de l’économie sociale. C’est ainsi que nous avons voulu organiser la porosité entre ces deux formes de l’économie. Je vous invite à le comprendre, dans la mesure où cela est inhérent à la structuration de ce secteur.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Le développement de l’économie sociale et solidaire ne se fera que par une mobilisation collective. Nous avons besoin de l’implication de tous, aussi bien des parlementaires que des acteurs sur le terrain. Vous en avez fait preuve, mesdames et messieurs les députés, en contribuant à enrichir ce projet de loi. Je salue tous les intervenants pour la qualité de leurs propos.

Ainsi que le rappelait Mme Carrey-Conte, l’article 1er a fait l’objet de nombreux débats autour du modèle économique, et donc de gestion, des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Nous avons aujourd’hui une définition équilibrée, qui trace les contours d’un modèle économique démocratique, résilient, robuste et orienté vers des investissements patients. Le dosage est bon entre les attentes de reconnaissance du secteur et la nécessité de favoriser son dynamisme, notamment par la mobilisation de nouvelles initiatives entrepreneuriales.

Comme M. Juanico l’a bien montré, le travail de l’Assemblée a permis de faire avancer considérablement les dispositions du texte relatives aux associations. C’est tant mieux, car une fois entré en vigueur, il sera un formidable instrument de reconnaissance des associations en tant que facteurs de développement des territoires et de développement économique.

Je ne partage pas toutes les conclusions de M. Tuaiva. Les articles l1 et 12, qui ont fait l’objet d’une convergence rapide entre l’Assemblée nationale et le Sénat ne sont plus soumis à discussion. M. Tuaiva peut regretter qu’il n’y ait pas de débat, mais pour ma part, je soulignerai que leurs dispositions sont équilibrées. En aucun cas elles ne conduisent au « grand soir » qu’annoncent certains, et elles ont été votées conformes par votre assemblée dès la première lecture. Mais je note l’esprit constructif qui anime le groupe UDI et le conduit à choisir, pour le vote final, une abstention bienveillante.

Monsieur Cavard, j’ai noté l’attention que vous portiez à la place des entreprises de l’économie sociale et solidaire dans le dialogue social. Je me permettrai de souligner que la reconnaissance de la représentativité multiprofessionnelle de sa principale organisation patronale, l’UDES, est un pas de géant pour la présence de l’économie sociale et solidaire aux tables de la conférence sociale.

Vous avez raison de souligner que l’économie sociale et solidaire est présente dans tous les secteurs. Je suis attachée à cette notion de pollinisation de l’économie par l’ESS : c’est tout le sens de l’équilibre trouvé à l’article 1er.

C’est pourquoi je souhaite lever un malentendu : il n’est pas question d’écarter de l’économie sociale et solidaire le secteur des services à la personne. Nous avons pris, me semble-t-il, la bonne décision : celle de ne pas définir l’économie sociale et solidaire par une juxtaposition d’activités mais par des principes de gouvernance, d’orientation de l’investissement, de participation des salariés et de reconnaissance de l’investissement patient. Le secteur de l’économie sociale et solidaire pourra parfaitement reconnaître les entreprises de services à la personne dès lors qu’elles remplissent les critères – et elles sont nombreuses à le faire. Je ne vois pas pourquoi nous ferions une exception juste pour ces services, même s’ils sont essentiels. Ce type d’activité ne sera pas exclu, mais nous ne pouvons pas privilégier une activité par rapport à une autre. Nous avons fait un choix que je crois sage, qui nous permet de nous inscrire dans l’avenir et d’intégrer de nouvelles entreprises dans ce secteur très dynamique.

Mme Bonneton a rappelé la force symbolique des monnaies solidaires. Quant à l’agrément solidaire, je tiens à vous rassurer : les exigences posées ne permettront pas de social washing et les DIRRECTE veilleront au strict respect des critères.

Monsieur Thierry Robert, je suis sensible à votre remarque sur le travail collectif qui a été réalisé autour de ce texte et je m’en félicite. Le soutien que vous avez apporté à ce projet est manifeste. Nous vous avons entendu sur la nécessité de développer les unions d’économie sociale. Le débat n’est pas mûr, nous le savons, mais pour autant il n’est pas clos. Le Gouvernement remettra un rapport au Parlement sur ce sujet pour faire avancer cette structure méconnue de l’économie sociale et solidaire et placée au sein de la loi relative à la coopération.

Madame Bello, vous avez souligné l’importance de l’exemplarité sociale de l’économie sociale et solidaire, en tant qu’instrument facilitant la montée de ses salariés dans l’échelle sociale. Nous devons mettre en avant ce point significatif : chaque salarié doit pouvoir progresser et, par son implication, gravir les échelons pour occuper un emploi qui corresponde à son investissement et à sa volonté de bien faire. Le guide de bonnes pratiques souligne cet aspect d’exemplarité sociale nécessaire dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire, et c’est une excellente nouvelle que ce secteur puisse être reconnu comme étant à la pointe du progrès social.

Vous avez aussi rappelé à juste titre l’importance accordée de fait aux salariés par le projet de loi, que ce soit par les mesures substantielles relatives aux SCOP ou par le droit d’information préalable des salariés. Je ne peux croire que donner un droit d’information préalable aux salariés puisse freiner la transmission ou le développement de nos entreprises. Nos entreprises sont constituées de chefs d’entreprise et de salariés. Travailler en concertation et dans la plus parfaite transparence permettra d’améliorer leur fonctionnement. Chacun dans son rôle, les salariés et les chefs d’entreprise doivent pouvoir se faire confiance et créer les conditions de la reprise de ces entreprises qui peuvent ainsi durer et perdurer.

Nous avons également évoqué le futur fonds SCOP de Bpifrance et les actions conjointes que je mènerai avec mon collègue du ministère de l’éducation nationale, Benoît Hamon, pour sensibiliser les jeunes aux métiers de l’économie sociale et solidaire. Il est essentiel de démontrer cette nouvelle façon d’entreprendre. La jeunesse est particulièrement friande de ces dispositifs qui permettent de concilier développement humain et développement économique.

Monsieur Grellier, je retiendrai l’essentiel de votre intervention : la volonté de placer l’homme au cœur de l’économie. C’est un point fondamental car il fait écho aux aspirations sociales de nos concitoyens, qui n’en peuvent plus de la finance folle et qui ont besoin de se retrouver dans des entreprises respectueuses de l’être humain et qui assument leur responsabilité sociale.

Monsieur Lurton, nous ne créons pas d’instance nouvelle.

Mme Isabelle Le Callennec. Et la chambre nationale ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Mais elle va pouvoir se substituer à une autre institution. Nous en reparlerons. Vous verrez que les acteurs de l’économie sociale et solidaire veulent disposer de structures opérationnelles et utiles. Nous pouvons leur faire confiance, il n’y aura aucune redondance. Je tiens à remercier M. Lurton pour sa décision de s’abstenir.

Je retiens des débats qu’au final, peu de discordances subsisteront entre les deux chambres et je m’en félicite. Nous devrions parvenir rapidement à un compromis en commission mixte paritaire. C’est important car, une fois ce texte voté, il sera temps de passer à l’action. Une fois ce parcours législatif achevé, l’économie sociale et solidaire pourra pleinement se réaliser. Cette économie de proximité pourra bénéficier à tous et recréer de l’équité entre les territoires.

Nous aurons alors une alternative à un mode d’entreprendre soi-disant unique, une nouvelle alliance entre le capital et le travail qui marie harmonieusement performance économique et utilité sociale. L’économie sociale et solidaire sauve et crée des emplois, des emplois non-délocalisables. Elle marque du sceau de l’innovation sociale le futur que nous avons à construire ensemble. Oui, 2014 sera une année historique pour l’économie sociale et solidaire et pour la reconnaissance d’une autre façon d’entreprendre, en plaçant l’humain au cœur des préoccupations. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n1.

Mme Isabelle Le Callennec. Il y a manifestement divergence entre nous et cet amendement vise à permettre aux entreprises de services à la personne, qui sont par nature d’utilité sociale, de bénéficier de la qualité d’entreprises de l’économie sociale et solidaire et des droits qui s’y attacheront désormais.

En réformant les critères d’obtention de l’agrément, le projet de loi exclura de nombreuses petites entreprises qui opèrent dans le secteur des services à la personne et qui bénéficient pourtant de cet agrément. Ces entreprises, par nature, participent sans conteste à l’économie sociale et solidaire. Vous prétendez qu’elles pourront toujours en bénéficier. Peut-être mais pas toutes, madame la secrétaire d’État. Or, aujourd’hui, comme le disait très justement le rapporteur pour avis à Mme Carrey-Conte, le besoin est énorme, d’autant plus que les services à la personne sont abîmés depuis quelques mois. Vous parliez de l’adaptation de la société au vieillissement : je pense en effet que les besoins vont exploser.

Vous en restez à la définition du statut ; nous, nous souhaitons que, par nature, ces entreprises soient reconnues d’utilité sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Madame Le Callennec, nous préférons la liberté d’entreprendre (Sourires sur les bancs du groupe SRC). Dans ce contexte, nous laissons aux entreprises le choix de s’inscrire dans l’économie sociale ou pas. Cela est vrai aussi pour les entreprises de services à la personne. Avis défavorable.

Mme Isabelle Le Callennec. Elles n’auront pas les mêmes avantages. Il y aura distorsion de concurrence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Avis défavorable, mais je tiens à rappeler qu’une très large majorité d’entreprises dans le secteur des services à la personne pourront être reconnues comme entreprises de l’économie sociale et solidaire.

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n44 rectifié.

M. Christophe Cavard. Le groupe écologiste est favorable à la démarche inclusive, pour que les sociétés commerciales qui répondent à un certain nombre de critères définis dans l’article 1er puissent rejoindre la grande famille de l’économie sociale et solidaire. Nous souhaitons même qu’il y en ait de plus en plus, au vu des valeurs que défend ce secteur.

Il a également été décidé de simplifier les démarches, puisqu’il suffit de déposer un dossier auprès du greffier du tribunal de commerce. Dès lors que l’entreprise remplit les critères, elle peut être reconnue. Notre amendement tend à ce que le greffe du tribunal puisse s’assurer, au bout de cinq ans, que l’entreprise remplit toujours ces critères.

J’en profite pour répondre à Mme Le Callennec au sujet du statut. L’opposition voit encore l’économie sociale comme une économie de réparation, où le secteur social serait privilégié, et notamment le service à la personne. Dans cette logique, je pourrais vous inviter à défendre avec nous l’intégration dans le concept d’économie sociale de tout ce qui concerne l’environnement ! Soyons sérieux. Tout ne peut pas relever de l’économie sociale, il faut respecter un certain nombre de valeurs. Quelques entreprises de services à la personne ne correspondent pas aux valeurs de l’article 1er. C’est leur libre choix, mais elles resteront des sociétés commerciales classiques qui ne relèveront pas de l’économie sociale. Nous ne les rejetons pas, mais elles n’ont pas leur place dans le texte.

Mme Isabelle Le Callennec. Elles assurent pourtant un service d’utilité sociale !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Je proposerai à M. Cavard de retirer son amendement. Il connaît notre souci de ne pas alourdir davantage les démarches. Les greffes sont chargés, au moment de l’enregistrement des statuts, de vérifier leur conformité avec le champ de l’économie sociale. Si l’entreprise évolue et change de statut, le greffe sera à nouveau amené à contrôler cette situation. Votre démarche, si tant est qu’elle ne soit déjà satisfaite, conduirait à alourdir excessivement les démarches administratives.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Ce problème ne concerne pas le changement de statut. S’agissant, par exemple, de la gouvernance démocratique, M. le rapporteur sait bien que ce domaine est très large et n’est pas « critérisé », pas plus dans la loi qu’ailleurs. Ce n’est pas le changement de statut qui fera évoluer le respect, ou pas, des valeurs de l’article 1er. Il aurait été souhaitable de prévoir une révision au bout de cinq ans. Je maintiens l’amendement.

(L’amendement n44 rectifié n’est pas adopté.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 2 bis

(L’article 2 bis est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3.

M. Gilles Lurton. Cet amendement tend à supprimer l’article 3, même si Mme la secrétaire d’État nous a quelque peu rassurés quant à la substitution du conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire à une autre structure. Nous souhaiterions en savoir davantage sur ce point.

Reste que l’article 3, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, conduit à la multiplication des structures sans que nous n’ayons pu connaître précisément le rôle assigné à chacune d’elles et au risque que certaines soient inutiles. Cet article est source de complexification.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur pour avis. Avis défavorable. C’est un champ entier de l’économie française qui a besoin de ces structures de représentation pour pouvoir dialoguer pertinemment avec les pouvoirs publics et l’ensemble du monde économique. Il est donc important que ces structures s’inscrivent dans la loi. Nous avons été attentifs à ce qu’elles ne soient pas trop nombreuses : niveau régional et niveau national, un point c’est tout. C’est ainsi que nous l’entendons et que les acteurs de l’économie sociale le conçoivent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, modifié par le décret du 20 octobre 2010, n’a pas donné lieu à une organisation lourde et complexe. Il constitue une force de proposition essentielle et permet de travailler de manière collaborative sur plusieurs aspects à débattre de l’économie sociale et solidaire.

Selon vous, de nouvelles structures de représentation seraient créées : ce n’est pas le cas. Il ne s’agit que de reconnaître à différents niveaux des structures indispensables à la représentation de l’économie sociale et solidaire, qui seront autant d’instances de dialogue pour le Gouvernement et les pouvoirs publics.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je conviens, monsieur le rapporteur, de la distinction entre le niveau régional et le niveau national. Le premier, c’est-à-dire la chambre régionale d’économie sociale et solidaire, semble faire consensus. Ce n’est en revanche pas le cas du second, qui concerne les instances suivantes : le Conseil supérieur – qui est une force de proposition, comme vient de l’indiquer Mme la secrétaire d’État – et la Chambre française – voilà la nouvelle structure dont nous ne parvenons pas à comprendre comment ses missions se distingueront de celles du Conseil supérieur – mais aussi le Conseil supérieur à la coopération et le Haut conseil à la vie associative.

Nous aurions pu imaginer une simplification de ce dispositif par la création d’une seule instance nationale qui soit force de proposition – c’est le cas du Conseil supérieur que vous pouvez parfaitement souhaiter faire évoluer – mais certainement pas en créant quatre structures différentes !

D’ailleurs, madame la secrétaire d’État, peut-être votre langue a-t-elle fourché tout à l’heure, mais vous nous avez dit que certaines de ces structures se substitueraient à d’autres. Nous avions alors un espoir ; vous venez de le doucher par votre réponse.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Ma langue n’a pas fourché : je vous précise qu’une réflexion est en cours au sein du CEGES concernant la future Chambre française. Je vous confirme notre volonté de rationaliser les structures existantes de l’économie sociale et solidaire, et non pas de créer de nouvelles structures qui seraient surabondantes, voire inutiles. Les acteurs de l’économie sociale et solidaire sont tout à fait responsables et souhaitent l’efficacité du dispositif ; leur contribution à ce projet de loi en est la preuve.

(L’amendement n3 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Robert, pour soutenir l’amendement n32.

M. Thierry Robert. Cet amendement propose d’améliorer la représentativité des différents domaines d’activité des entreprises de l’ESS qui sont appelées à siéger au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, le CSESS.

La représentativité de cette instance ne doit en effet pas se limiter aux différentes formes juridiques des entreprises. À titre d’exemple, le secteur sanitaire, social et médico-social, qui représente près d’un tiers des effectifs de l’ESS, doit pouvoir être assuré d’une véritable prise en compte de la particularité de ses activités sanitaires et sociales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Défavorable. Cet amendement complexifierait à l’infini la représentativité du Conseil supérieur en tenant compte de différentes familles et de différents métiers dans les secteurs de la coopération, de la mutualité ou encore du secteur associatif lui-même. Nous préférons que la loi conserve son caractère général ; il appartiendra ensuite à ses acteurs de la faire vivre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n32 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Robert, pour soutenir l’amendement n33.

M. Thierry Robert. Il est également retiré.

(L’amendement n33 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Yves Blein, rapporteur, pour soutenir l’amendement n51.

M. Yves Blein, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de correction rédactionnelle.

(L’amendement n51, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement de suppression n4.

Mme Isabelle Le Callennec. J’ai bien entendu votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais ces différentes structures sont consacrées par la loi. Leur éventuelle évolution, que vous venez d’évoquer, supposerait donc de modifier la loi. Compte tenu des délais de promulgation, il ne semble pas qu’il s’agisse là une mesure de simplification !

(L’amendement n4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement n26.

Mme Huguette Bello. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Je vous propose de le retirer, car il est satisfait ; à défaut, avis défavorable.

(L’amendement n26 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement n29 rectifié.

Mme Huguette Bello. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Avis favorable. Cet amendement précise le rôle des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, et particulièrement leur regroupement au sein d’un Conseil national dont il est indiqué explicitement qu’il est chargé de recueillir et de consolider au niveau national les données économiques, quantitatives et qualitatives rassemblées par les chambres régionales. C’est une précision à laquelle les acteurs du secteur sont sensibles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n29 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement n28.

Mme Huguette Bello. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Défavorable. Pour préserver la lisibilité du dispositif à laquelle nombre d’entre nous sommes attachés, il n’est pas souhaitable de laisser accroire qu’il y aurait un mélange entre les différents niveaux de représentation du secteur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Je propose le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable.

(L’amendement n28 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement n27.

Mme Huguette Bello. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. J’en souhaite le retrait.

(L’amendement n27 est retiré.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Article 5 A

(L’article 5 A est adopté.)

Article 5 B

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n5.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à supprimer l’article 5 B, qui prévoit qu’une conférence régionale de l’économie sociale et solidaire devra se réunir au moins tous les deux ans. De notre point de vue, il n’est pas nécessaire que la loi fixe la fréquence des réunions.

(L’amendement n5, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 5 B est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n6.

Mme Isabelle Le Callennec. Il est défendu avec vigueur, même s’il est incompris !

(L’amendement n6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 5 est adopté.)

Article 6

(L’article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n40.

M. Christophe Cavard. Cet amendement, comme le suivant, fait débat entre nous. Vous me pardonnerez d’insister en le présentant de nouveau mais, chers collègues, il concerne trop de cas que vous connaissez tous.

Autant nous approuvons le caractère inclusif de la loi dès qu’il s’agit de reconnaître l’appartenance à l’économie sociale et solidaire de toutes les sociétés qui en défendent les valeurs, autant nous voulons éviter l’appellation « économie sociale et solidaire » d’entreprises qui, en réalité, sont des filiales de multinationales qui s’implantent dans ce secteur en raison des clauses sociales prévues aux articles 14 et 30 du code des marchés publics. Créées de toutes pièces, ces entreprises d’insertion ou de travail temporaire d’insertion n’ont pour seul objet que de solliciter l’attribution de marchés relevant des articles précités.

Or, dans sa rédaction actuelle, le présent texte reconnaîtra leur appartenance de plein droit au secteur de l’économie sociale et solidaire. Nous le regrettons, car elles ne défendent pourtant nullement les valeurs énoncées à l’article 1er, que nous défendons quant à nous depuis l’origine. Cet amendement et le suivant visent donc à nous protéger de l’arrivée de ces entreprises dans le secteur de l’ESS.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Nous avons en effet déjà eu ce débat. Comme vous, monsieur Cavard, nous sommes attachés à ce que des filiales d’entreprises n’ayant pas de rapport avec l’économie sociale et solidaire ne puissent pas prospérer dans ce secteur en entretenant avec leur maison mère des relations économiques grâce auxquelles elles masqueraient leurs activités ou agiraient par délégation des détenteurs de leur capital.

Cela étant, l’économie générale du texte, compte tenu des limites prévues à l’article 1er et à l’article 7, rend un tel cas de figure très peu probable. C’est pourquoi je vous invite à retirer l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Je maintiens l’amendement car je crois que vous vous trompez, monsieur le rapporteur. Relisez donc l’article 7 : les entreprises d’insertion et les entreprises de travail temporaire d’insertion y sont mentionnées nommément. Je ne vois donc pas en quoi le texte permet d’éviter de reconnaître telle ou telle filiale d’entreprise comme relevant de l’économie sociale et solidaire alors qu’elle n’en défend pas les valeurs. Au contraire, l’article 7 leur donne de droit cette possibilité ! Votre réponse est donc erronée.

(L’amendement n40 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n39.

Mme Michèle Bonneton. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à éviter que les filiales de sociétés mères ne relevant pas de l’économie sociale et solidaire ne puissent pas elles-mêmes bénéficier de l’agrément donné aux entreprises solidaires d’utilité sociale. Il s’agit dans ce cas de ne pas donner une caution solidaire. Ainsi, au cas où une société mère aurait un nom très proche d’une filiale agréée, son image pourrait en profiter bien qu’elle ne défende nullement les valeurs de l’économie sociale et solidaire. C’est ce que l’on appelle le social washing : il faut l’éviter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. Je vous rappelle ce que dispose le deuxième alinéa de l’article 7 : « Peut prétendre à l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » l’entreprise qui relève de l’article 1er de la loi ». Le filtre est donc double.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Même avis. L’article 1er comporte de nombreux éléments permettant d’éviter de tels détournements. Je citerai deux de ces garde-fous. Tout d’abord, il est possible de sanctionner la création de filiales alibi. Ensuite, un degré élevé d’exigence est imposé aux sociétés commerciales. Les dispositions de l’article 1er répondent donc à votre demande et évitent que de tels abus se produisent.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. J’entends bien que les limites fixées pour les entreprises labellisées sont très précises. Cependant, l’amendement que je propose vise à éviter tout détournement de l’esprit de l’économie sociale et solidaire afin qu’une société mère ne puisse pas profiter par ricochet ou par abus de langage de la labellisation – obtenue en toute rigueur – de l’une de ses filiales. Je maintiens donc l’amendement.

(L’amendement n39 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n2.

Mme Isabelle Le Callennec. Une nouvelle fois, cet amendement est défendu avec vigueur, même s’il est définitivement incompris. (Sourires.) L’avenir assez proche nous dira qui avait raison !

J’appelle tout de même votre attention sur les difficultés financières de nombreuses associations qui exercent aujourd’hui dans le domaine des services à la personne et qui répondront aux critères que vous exigez. Ce secteur est plutôt fragile et doit être conforté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Vous faites référence à l’environnement fiscal et économique, or nous sommes ici dans le cadre de l’environnement statutaire des entreprises. Encore une fois, l’un n’a pas forcément de rapport avec l’autre. Ce n’est pas parce qu’une entreprise de services à la personne sera reconnue dans le texte comme appartenant à l’économie sociale et solidaire que cela changera quelque chose à sa situation fiscale.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Avis défavorable.

Vous avez fait part de votre inquiétude, madame la députée, au sujet des services à la personne. Comme vous le savez, Christian Eckert a annoncé des mesures relatives aux cotisations patronales qui sont favorables à ces entreprises.

Mme Isabelle Le Callennec. Mesures que nous avons votées !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je suis toujours embêté quand des collègues de l’opposition ont le sentiment d’être maltraités.

Mme Isabelle Le Callennec. J’ai dit « incompris » !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. La question n’est pas le secteur auquel appartient une entreprise mais son éthique. Dès l’instant qu’elle ne se plie pas aux règles d’éthique précisées dans le texte, elle ne peut être considérée comme faisant partie de l’économie sociale et solidaire. Cela dit, elle a le choix de se conformer à cette éthique. À aucun moment, elle n’est exclue. Si elle est exclue, c’est qu’elle s’est exclue elle-même de cette éthique. Ne nous faisons pas de faux procès à ce sujet.

(L’amendement n2 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n54.

M. Gilles Lurton. L’article 7 confère de plein droit la qualité d’« entreprise d’utilité sociale » à certaines structures visées par l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles – centres d’hébergement et de réinsertion sociale, établissements et services d’aide par le travail – mais également à divers services comme les services de l’aide sociale à l’enfance.

L’objet de cet amendement vise à reconnaître le statut d’entreprise d’utilité sociale à tous les établissements sociaux et médico-sociaux relevant du même article du code de l’action sociale et des familles. En effet, ces structures – instituts médico-éducatifs, foyers d’hébergement, maisons d’accueil spécialisé, établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, établissements et services d’aide par le travail – ont toutes pour objectif principal la recherche d’une utilité sociale en apportant des réponses adaptées aux personnes ayant un besoin d’accompagnement social et médico-social.

Par conséquent, l’extension de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » à l’ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux leur permettrait une ouverture directe à certains financements publics, notamment ceux affectés à l’économie sociale et solidaire via la Banque publique d’investissement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Avis défavorable à cet amendement qui vise à élargir de façon considérable le champ de l’agrément ESUS. Les structures auxquelles vous faites référence peuvent le solliciter, dès lors qu’elles répondent aux critères.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Si j’émets un avis également défavorable, ce n’est certainement pas par volonté d’exclure ce type de structures de l’économie sociale mais parce que l’appartenance à l’économie sociale et solidaire, rappelons-le, n’est pas définie au premier chef par le critère de l’activité. Vous évoquez certaines activités à finalité sociale mais on pourrait en citer bien d’autres. Ce n’est pas l’objectif poursuivi ou l’activité mais l’éthique pratiquée qu’il faut d’abord prendre en compte. Ces structures pourront toujours candidater.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. En ce cas, pourquoi limiter l’alinéa 17 aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale ?

(L’amendement n54 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n53.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

(L’amendement n53, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Robert, pour soutenir l’amendement n30.

M. Thierry Robert. Défendu !

(L’amendement n30, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 7 est adopté.)

Article 9

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n43.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à ajouter après les mots : « schéma de promotion des achats publics socialement responsables », les mots : « ou répondant aux impératifs de développement durable ». Le développement durable est déjà très présent dans l’économie sociale et solidaire, notamment à travers les activités de réemploi et de réutilisation permettant l’économie des matières premières, favorisant l’économie circulaire et le développement d’une économie locale peu génératrice d’émissions de CO2.

La notion d’utilité sociale et celle d’utilité environnement sont très liées. Ce serait une reconnaissance d’inclure ces termes dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Madame Bonneton, croyez-vous qu’un achat socialement responsable pourrait ne pas intégrer des objectifs de développement durable ? Personnellement, je pense que non, sinon il ne serait pas socialement responsable. Il ne sert donc à rien d’ajouter la notion de développement durable. Nous avons tous le souci de ne pas faire de lois bavardes. Dès lors que les achats doivent être socialement responsables, il va de soi qu’ils doivent se conformer aux principes du développement durable.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, madame Bonneton ?

Mme Michèle Bonneton. J’entends bien les arguments de M. le rapporteur. Reste que la partie environnementale du développement durable n’est parfois pas incluse dans ce que l’on appelle le « social ». De mon point de vue, cela irait encore mieux si l’on ajoutait la mention des impératifs de développement durable.

(L’amendement n43 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n42.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement prévoit la création d’un guichet unique sur un territoire donné pour permettre aux entreprises de n’avoir qu’un seul interlocuteur, quel que soit le maître d’ouvrage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Défavorable : cette proposition a sans doute davantage sa place dans la loi de simplification en préparation, qui traite de la question de l’accès des entreprises aux marchés publics.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Je demande le retrait, ou à défaut le rejet de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Je vais retirer cet amendement mais j’espère vraiment que cette mesure figurera dans la loi de simplification. Il est tout de même dommage de ne pas l’inclure dès maintenant dans la loi, elle serait opérationnelle beaucoup plus vite.

(L’amendement n42 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n48.

Mme Michèle Bonneton. Nous proposons une convention tendant à favoriser le développement des clauses environnementales.

(L’amendement n48, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n47.

Mme Brigitte Allain. Défendu !

(L’amendement n47, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 9 est adopté.)

Articles 10 A et 10 ter

(Les articles 10 A et 10 ter sont successivement adoptés.)

Article 10 quater

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n10.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 10 quater vise à réglementer l’émission de titres de monnaies locales complémentaires, qui peuvent être émises par les entreprises de l’économie sociale et solidaire, voire par les collectivités locales. Je vois d’ailleurs sourire mon collègue François André, qui est aussi conseiller général d’Ille-et-Vilaine, car ce département a eu la drôle d’idée de créer le « galleco », ce qui a coûté très cher à la collectivité. Il pourra vous en parler.

Pour nous, une telle disposition est dangereuse car elle risque d’ouvrir la porte à des dérives. On ne peut l’adopter au détour d’un article issu d’un amendement, dans un texte tout de même assez important sur l’économie sociale et solidaire. Une réglementation de ce type doit faire l’objet d’une étude d’impact : plusieurs monnaies solidaires se sont créées ici ou là, il y aurait matière à en rédiger une. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article 10 quater.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président. Cet article permet de sécuriser les monnaies locales, dès lors qu’elles constituent un moyen de paiement reconnu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Avis défavorable. Les monnaies locales complémentaires existent, et cet article permet d’en sécuriser l’usage. Il s’agit d’un dispositif intéressant, qui peut contribuer à la cohésion sociale et à la participation à un développement économique local.

(L’amendement n10 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n58.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à apporter une clarification rédactionnelle en remplaçant les mots : « Définition des », avant « titres de monnaies locales complémentaires », par le mot : « Les ».

(L’amendement n58, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n61.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à clarifier les références législatives applicables aux émetteurs de titres de monnaies locales complémentaires.

(L’amendement n61, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 10 quater, amendé, est adopté.)

Article 10 sexies

(L’article 10 sexies est adopté.)

Article 13

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n7.

Mme Isabelle Le Callennec. Défendu !

(L’amendement n7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 13 est adopté.)

Article 13 bis

M. le président. La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 13 bis.

Article 14

(L’article 14 est adopté.)

Article 14 bis

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n34 rectifié.

Mme Jeanine Dubié. Un peu d’histoire, monsieur le président : cet article est issu d’un amendement que j’avais présenté lors de la première lecture dans notre assemblée. Pour laisser le temps aux services ministériels de l’expertiser, il avait été prévu, sur proposition de M. le président de la commission des affaires économiques, qu’un rapport soit établi par le Gouvernement.

La rédaction de cet article a été modifiée au Sénat et je présente à nouveau cet amendement, en espérant que les services du ministère ont eu le temps de l’expertiser pour nous apporter une réponse plus précise.

Il propose de regrouper formellement les entreprises de l’économie sociale et solidaire, ce qui permettrait d’aboutir à des formes plus universelles de groupes d’entreprises de l’ESS. Ces regroupements seraient ouverts à toutes les formes juridiques existantes, selon des modalités de fonctionnement institutionnel bien définies. L’instauration d’une union d’entreprises de l’économie sociale et solidaire permettrait ainsi de créer des ensembles cohérents d’entreprises, pouvant inclure en particulier des associations et des fondations.

Cet amendement permet d’apporter une sécurité juridique, tout en contribuant au développement de l’économie sociale et solidaire ainsi qu’à la prise d’initiatives et la valorisation des entreprises qui la composent. Il intéresse également toutes les unions et les fédérations nationales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Nous restons convaincus, chère collègue, que l’approfondissement du concept d’union d’économie sociale et solidaire reste un objectif partagé. Malheureusement, les discussions n’ont pas encore permis de préciser suffisamment l’objet juridique à identifier dans le texte. Il convient qu’elles puissent se poursuivre.

L’idée proposée par le Sénat, que nous avions déjà abordée ici sur proposition du président François Brottes, de demander un rapport au Gouvernement pour préciser davantage ce concept, reste pour nous une solution satisfaisante qui devrait permettre de clarifier définitivement l’objet juridique que vous recherchez. Je vous propose de retirer votre amendement, sachant que le rapport ainsi demandé pourra aboutir et faire émerger les bonnes solutions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous sommes favorables à une poursuite de l’étude parce que, du point de vue juridique, ce dispositif n’est pas finalisé. La Chancellerie, avec laquelle nous avons travaillé, est vraiment formelle et nous demande de travailler plus en amont. Nous vous proposons donc d’opter pour ce rapport afin de voir quelles sont les possibilités d’évoluer sur ce sujet. Trop d’incertitudes existant sur le plan juridique, nous ne pouvons pas accepter en l’état cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je prends acte des propos de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État ; cela dit, notre groupe étant extrêmement attaché à cet amendement, je le maintiens.

(L’amendement n34 rectifié n’est pas adopté.)

(L’article 14 bis est adopté.)

Articles 19 et 21

(Les articles 19 et 21 sont successivement adoptés.)

Article 31

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l’amendement n55.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Cet amendement important m’a été suggéré par M. Daniel, qui est excusé ce matin, et montre à quel point je suis moi aussi attaché aux coopératives d’utilisation du matériel agricole, dites CUMA, au cas où certains en douteraient (Sourires.) Il y a en effet eu une suspicion sur ce point : autant je pense qu’elles n’ont pas à faire de la prestation de service plus que nécessaire, parce qu’elles concurrencent, parfois déloyalement, des entreprises de travaux agricoles ou forestiers qui sont légitimes dans leur territoire, autant il faut les encourager parce que la mutualisation dans le secteur agricole est indispensable.

Mme Isabelle Le Callennec. Et le CICE ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Si ma mémoire est bonne, et sans relire complètement l’amendement, celui-ci concerne la possibilité pour les CUMA de construire des bâtiments dans les zones agricoles parce qu’elles ont besoin d’héberger leurs équipements. Tel est donc l’objet de cet amendement, qui permet aux coopératives d’utilisation de matériels de coopératives agricoles d’accéder à cette possibilité.

M. Jean Grellier. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Avis plutôt défavorable, malheureusement pour le président Brottes : ce sujet devrait probablement être traité dans la loi d’avenir sur l’agriculture, l’alimentation et la forêt plutôt que dans celle-ci.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Le Gouvernement soutient les CUMA, vous le savez, monsieur Brottes ; néanmoins, je vous demande de retirer cet amendement car cela relève du domaine réglementaire.

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Je me rangerai à l’avis du président Brottes, mais je voulais vraiment défendre l’esprit de la proposition d’Yves Daniel, qui est extrêmement saine et judicieuse. Elle vise à considérer la CUMA comme un prolongement de l’exploitation agricole, à l’heure où la financiarisation et la libéralisation menacent le modèle agricole français, qui a prouvé ses capacités de résistance, de résilience et d’innovation. Il s’agit donc de considérer que ce modèle coopératif constitue au contraire un prolongement naturel de l’exploitation agricole. On peut admettre qu’il n’existe pas de solution juridique et que nous sommes dans une impasse à ce stade, dans ce projet de loi, mais on ne peut que regretter qu’on n’ait pas pris les rendez-vous en amont pour que, soit dans la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, soit dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, ce type de problèmes, qui sont des problèmes de l’économie réelle, des problèmes de gens qui sont de vrais entrepreneurs, soient pris en compte.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Même quand je veux aider les CUMA, on me barre la route, chacun l’aura noté ! Le Gouvernement, le rapporteur : c’est une union sacrée pour empêcher l’épanouissement des CUMA ! (Sourires.)

J’entends, madame la secrétaire d’État, votre ouverture d’esprit. Puisque vous me dites que c’est d’ordre réglementaire, je suis tout à fait prêt à l’admettre. Je vous pose donc précisément la question : si un plan local d’urbanisme, ou PLU, indique que l’on peut construire un bâtiment dans la zone agricole de la commune en question, dès l’instant où il est lié à l’exploitation – ce qui normalement est déjà le cas –, cela recouvre-t-il le fait que la CUMA est considérée comme un exploitant agricole ? C’est un peu cela, le sujet, en fait : peut-on considérer que l’amalgame est possible entre les deux ? Votre réponse réglementairement en fera foi ; donc selon la réponse que vous ferez, je retirerai le cas échéant mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Grellier.

M. Jean Grellier. Je pense que nous pouvons retirer cet amendement. Ces questions posent vraiment problème dans certains départements, surtout pour l’interprétation des textes : aussi, madame la secrétaire d’État, il conviendrait de préciser réglementairement l’interprétation de ces textes pour permettre aux CUMA d’être considérées comme exerçant une activité agricole. Les structures des coopératives, par exemple les silos, sont généralement considérées comme des structures agricoles ; il faudrait donc que les bâtiments qui abritent les matériels des CUMA soient considérés de la même façon.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Comme je vous l’ai indiqué, cela relève bien sûr du domaine réglementaire. Il est clair que l’article R. 123-7 du code de l’urbanisme demande à être adapté pour être plus clair. Aussi, d’ici la fin de l’année, ma collègue Sylvia Pinel prendra un décret d’application de la loi ALUR qui permettra une clarification allant dans le sens des objectifs que vous défendez, messieurs, concernant les CUMA. Je rappelle que ces dernières ont été aidées dans le cadre de ce projet de loi avec un relèvement du seuil, à un niveau raisonnable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Sans revenir sur la question du relèvement du seuil, qui fait débat, j’ai bien noté – je reprends votre propos, madame la secrétaire d’État, afin que chacun comprenne bien – que Mme Pinel prendra des décrets d’application de la loi ALUR et, à l’occasion de la signature de ces décrets, explicitera le fait que l’on peut assimiler les CUMA à une exploitation agricole : ai-je bien compris ? Vous acquiescez, donc c’est bien cela que vous avez dit. En conséquence, je ne peux que retirer cet amendement.

J’ajoute tout de même que l’un des problèmes que nous rencontrons souvent dans la construction de bâtiments en zone agricole, c’est que nous avons des agriculteurs qui un jour ne le sont plus : dès lors, le bâtiment qui était agricole change parfois de vocation. Or on ne peut pas faire ce reproche aux CUMA, qui présentent une sorte de garantie à vie que les bâtiments resteront à vocation agricole : c’est donc extrêmement vertueux, à plus d’un titre. Je retire cet amendement.

(L’amendement n55 est retiré.)

(L’article 31 est adopté.)

Articles 33 bis et 34

(Les articles 33 bis et 34 sont successivement adoptés.)

Article 36

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n62.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet d’assurer l’homogénéité dans le traitement des certificats mutualistes ou paritaires pour tous les organismes afin de leur permettre d’être considérés comme des fonds propres de la meilleure qualité dans le bilan prudentiel des organismes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Il s’agit d’assurer une meilleure coordination entre les différents codes : avis favorable.

(L’amendement n62 est adopté.)

(L’article 36, amendé, est adopté.)

Article 39 bis

M. le président. La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 39 bis.

La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte pour soutenir l’amendement n° 56.

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Le présent amendement vise à rétablir l’article 39 bis qui a été malheureusement supprimé au Sénat. Certes, cet article demande un rapport, mais ce rapport n’en est pas moins nécessaire car le travail en cours sur ce sujet est important et doit être accompagné ; ce rapport en donnera l’occasion. Il s’agit en l’occurrence de la gouvernance des sociétés d’assurance mutualistes, et nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport portant sur les conditions d’introduction dans le code des assurances de dispositions similaires à celles figurant dans le code de la mutualité relatives aux droits et obligations des administrateurs salariés du secteur privé ou agents du secteur public, le but de tout cela étant de faciliter l’accès pour ces derniers à des fonctions d’administrateur des sociétés d’assurance mutuelles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Comme beaucoup d’autres ici, je ne suis pas un inconditionnel de la production de rapports, mais je crois effectivement que celui-ci est très important et qu’il permettra de faire avancer la situation des administrateurs de mutuelles. L’avis est donc très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Je suis également assez réservée sur la production de nombreux rapports, mais ce sujet-là demande en effet une étude plus particulière. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

(L’amendement n56 est adopté et l’article 39 bis est ainsi rétabli.)

Article 40 AA

M. le président. La parole est à M. Yves Blein, rapporteur, pour soutenir l’amendement n57.

M. Yves Blein, rapporteur. Il s’agit de préciser une question qui a été abordée et modifiée par le Sénat concernant la notion de durée de versement, qui crée une confusion dans la définition de la subvention. La référence à une durée de versement apparaît plutôt contraire au principe d’annualité budgétaire. Les versements précisés dans la convention ne peuvent être que prévisionnels, sous réserve d’inscription des crédits au budget correspondant. C’est pourquoi cet amendement prévoit que la convention attributive de subvention précise les modalités de versement de la subvention.

(L’amendement n57, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 40 AA, amendé, est adopté.)

Article 40 ABA

(L’article 40 ABA est adopté.)

Article 40 AC

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement de suppression n8.

Mme Isabelle Le Callennec. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Cet article est important pour le secteur associatif : le Haut Conseil à la vie associative, ou HCVA, existant déjà au plan réglementaire, il convient d’élever la reconnaissance de son travail au rang législatif. Le HCVA est un vraiment un outil important de diagnostic permanent et de progrès pour la vie associative. Il nous semble important que les associations, dont chacun ici s’accorde à reconnaître l’importance, disposent d’un outil de représentation nationale de ce niveau.

(L’amendement n8, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 40 AC est adopté.)

Article 40 AD

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n50 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement n63.

La parole est à M. Yves Blein, rapporteur, pour soutenir l’amendement.

M. Yves Blein, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement n63.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Le sous-amendement a pour objet de tirer toutes les conséquences dans le code du service national du nouveau dispositif de volontariat associatif créé pour l’engagement des personnes de plus de vingt-cinq ans, en modifiant plusieurs articles du code du service national visant expressément le contrat de service civique.

(Le sous-amendement n63, accepté par la commission, est adopté.)

(L’amendement n50 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 40 AD, amendé, est adopté.)

Article 40 AEA

(L’article 40 AEA est adopté.)

Article 40 AFA

M. le président. La parole est à M. Yves Blein, rapporteur, pour soutenir l’amendement de suppression n38.

M. Yves Blein, rapporteur. Il s’agit de la question délicate du versement transport dû par les associations. Nous avions dans un premier temps inscrit dans le texte sur l’économie sociale et solidaire le périmètre de cet agrément, permettant à un certain nombre d’associations d’être exonérées du versement transport. Clairement, je me suis rangé à l’idée que, s’agissant d’une disposition fiscale, cette mesure avait davantage sa place dans la loi de finances rectificative.

Depuis, nous avons travaillé avec le Gouvernement pour aboutir à une première rédaction qui pourra encore être améliorée d’ici à la deuxième lecture du projet de loi de finances rectificative, car la situation est complexe.

La loi de 1971 n’est plus suffisamment précise, et ne permet pas de dire qui doit payer quoi. Les intérêts des uns et des autres sont manifestement contradictoires. Les autorités organisatrices de transport y voient pour elles un gisement de revenus, alors que les associations n’ont pas inclus dans leurs charges le versement transport. Du coup, ces associations se voient poursuivies par les URSSAF devant les tribunaux, ce qui les met dans une situation économique extrêmement difficile. D’une certaine façon, on promène une dépense, ou un produit, selon le point de vue duquel on se place. Au bout du compte, c’est l’État qui assume, par convention ou par la Sécurité sociale, la charge du versement transport lorsque ce sont des associations conventionnées par lui qui doivent le payer. Les autorités organisatrices de transport estiment, pour leur part, qu’il est légitime que les associations payent le versement transport puisqu’elles ont des salariés et que ceux-ci sont transportés.

On est donc dans une zone d’appréciation, qui selon moi reste largement à préciser. J’ai accepté que cette question ne soit pas traitée dans le présent projet de loi, mais dans le projet de loi de finances rectificative, qui a déjà été amendé en ce sens en première lecture, mais dont je pense que la rédaction doit encore être améliorée d’ici à sa deuxième lecture.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Effectivement, cette question relève du projet de loi de finances rectificative. Le travail en commun a permis d’aboutir à l’article 5 quater du PLFR issu d’un amendement porté par vous-même, monsieur le rapporteur.

Je précise que cet article 5 quater constitue une première réponse technique à la préoccupation des associations soumises aux aléas d’une jurisprudence peu lisible au sujet du champ exact de l’exonération du versement transport.

Mais depuis son adoption le secteur social et médico-social s’est fait l’écho des interrogations d’établissements qui pourraient ne pas entrer dans le champ des exonérations. Nous devons donc continuer à travailler sur cette question avec vous, monsieur le rapporteur, afin que ces interrogations soient levées dans le cadre d’une prochaine lecture.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, nous sommes tout à fait favorables à l’amendement du rapporteur. Nous pensons effectivement que l’article 40 AFA n’a pas sa place dans le présent projet de loi et qu’il faut par conséquent le supprimer.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je suis favorable à l’amendement du rapporteur. Quelques mots pour éclairer les débats futurs.

Le versement transport n’est pas un impôt comme les autres. Les recettes qu’il génère sont totalement fléchées en direction du déploiement des transports en commun. J’ai eu l’occasion, dans une vie antérieure, alors que je cumulais des mandats, de monter une autorité organisatrice de transport urbain. Mais lorsque nous avons reçu l’argent collecté par le versement transport, il manquait entre 20 et 30 % par rapport à nos prévisions, car un certain nombre d’acteurs étaient passés entre les mailles du filet puisqu’ils avaient bénéficié d’exonérations. Toutefois, il faut transporter leurs salariés, c’est-à-dire que l’argent que l’on ne perçoit pas en versement transport doit être répercuté sur les tarifs. Du coup, le transport collectif est moins attractif pour les usagers en termes de prix. Une solidarité globale doit donc s’organiser. Il ne faut pas considérer que l’argent collecté va dans un puits perdu : il permet au transport collectif d’être le plus accessible possible pour les salariés, qu’ils travaillent ou non dans le secteur social.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Blein, rapporteur. Le président Brottes a bien résumé la situation. Effectivement, on fait voyager une charge. Lorsque l’on taxe des associations qui ont des salariés mais que ces associations sont conventionnées avec l’État sur des prix de journée dont on sait à quel point l’État est scrupuleux dans leur calcul, il n’y a pas de raison de les exonérer de la charge du versement transport si elle est comptabilisée en charge et si la dotation aux associations tient compte de cette charge. C’est bien dans le calcul des prestations versées par l’État à ces acteurs, qui sont essentiels pour la mise en œuvre de nombreux dispositifs de solidarité, qu’il importe de trouver les bons ajustements.

Je suis d’accord pour dire qu’il n’y a pas de raison que les AOT supportent un non-produit alors qu’elles transportent des salariés, mais il faut savoir comment ceux qui emploient ces salariés bénéficient des recettes leur permettant d’assumer cette charge.

(L’amendement n38 est adopté et l’article 40 AFA est supprimé.)

Articles 40 AF et 40

(Les articles 40 AF et 40 sont successivement adoptés.)

Article 41

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n49.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à rendre l’autorisation, l’agrément, le conventionnement ou l’habilitation acquis de plein droit dès que l’autorité administrative a réceptionné la notification de cette réalisation effective et dès lors que les règles prévues aux 1° et 2° du présent IV ont été remplies.

L’objectif est à la fois de simplifier et de sécuriser juridiquement la mise en œuvre du rescrit administratif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car il génère d’autres problèmes.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je le retire.

(L’amendement n49 est retiré.)

(L’article 41 est adopté.)

Articles 42 à 48 ter

(Les articles 42, 42 bis, 44 ter, 44 quater, 48 bis et 48 ter sont successivement adoptés.)

Article 49

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Les metteurs sur le marché qui sont chargés par le système de la responsabilité élargie du producteur de contribuer ou de pourvoir à la gestion en fin de vie des produits qu’ils mettent sur le marché ont exprimé leur inquiétude au sujet de l’article 49 du projet de loi. C’est pourquoi je souhaite apporter quelques clarifications sur le contenu de cet article.

Les filières de responsabilité élargie du producteur, les REP, ont connu un important développement en France depuis vingt ans sur la base de l’implication et de la responsabilisation des metteurs sur le marché. Cette responsabilisation est un élément essentiel du succès du modèle de la REP et notre intention est de la maintenir et de l’affirmer. Dans ce cadre, le principe de gouvernance des éco-organismes n’est pas modifié par l’article 49. Il sera en outre rappelé dans le plan déchets 2020 en cours de formalisation.

Ce principe est le suivant. Premièrement, les producteurs sont responsables, leur responsabilité s’exerce via les éco-organismes qu’ils mettent en place. Je rappelle que c’est le conseil d’administration de l’éco-organisme qui décide. Deuxièmement, l’État cadre l’éco-organisme par la mise en place d’un cahier des charges et la délivrance d’un agrément. Troisièmement, les parties prenantes réunies au sein d’une instance de concertation assurent le suivi de la filière et peuvent être amenées à donner un avis éclairé à l’État ou au producteur.

L’article 49 n’a donc pas pour effet de remettre en question ces principes. Au contraire, il apporte les précisions nécessaires pour conforter et consolider l’exercice de la responsabilité des producteurs de manière équilibrée pour tous les acteurs.

Ce principe étant rappelé, il faut aussi clarifier certains points de l’article. S’agissant de l’alinéa 3, il me semble clair que les producteurs contribuent déjà aujourd’hui par de nombreuses actions à la prévention des déchets. De fait, les producteurs ont tout intérêt à contribuer, par la conception de leurs produits, à la prévention afin que leurs charges baissent. Moins de déchets signifie moins de contribution. Il est utile d’officialiser cet état de fait qui est important pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Les missions devront être précisées par un cahier des charges. Mais il semble utile d’indiquer d’ores et déjà que les éco-organismes contribueront à la prévention mais n’ont pas l’obligation de la prendre en charge s’agissant des actions de prévention auprès du consommateur.

La participation à la communication inter-filières mentionnée à l’alinéa 5 sera bien faite en concertation avec les parties prenantes dont les producteurs font partie. Nous avons pu amender cet alinéa, lors de la deuxième lecture du texte au Sénat, pour qu’il mentionne que le montant, le plafond et les modalités de recouvrement de cette contribution financière sont déterminés par le cahier des charges. Bien sûr, ce cahier des charges nécessite un avis des parties prenantes. Il ne s’agit donc ni d’une taxe, ni d’une redevance.

À l’alinéa 9, l’avis demandé sur la communication à l’instance de concertation n’est bien entendu qu’un avis consultatif permettant d’éclairer la décision qui sera bien prise par le conseil d’administration de l’éco-organisme. Il en est de même pour l’avis demandé à l’alinéa 4 qui, dans ce cas, est demandé pour éclairer la décision de l’État sur l’agrément d’un éco-organisme ou l’approbation d’un système individuel.

Telles sont les précisions qu’il me semblait nécessaire d’apporter pour éviter toute interprétation de cette rédaction et tout malentendu. Avec ces précisions, il me semble que le texte peut rester en l’état.

(L’article 49 est adopté.)

Article 49 bis

(L’article 49 bis est adopté.)

Article 50 bis

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, inscrite sur l’article 50 bis.

Mme Jeanine Dubié. Cet article est extrêmement important. Il a suscité beaucoup de débats passionnants et passionnés sur le commerce équitable, pour des raisons bien légitimes.

Cette réflexion, qui a eu lieu à la fois à l’Assemblée nationale et au Sénat, a permis la rédaction d’une définition inscrite dans la loi, ce qui lui donne une véritable fonction normative. Nous avons abouti à une meilleure description des relations commerciales respectant les grands principes du commerce équitable. À cet égard, je tiens à saluer le Sénat qui a adopté un amendement, à l’initiative du groupe RDSE, visant à améliorer cette définition à la fois sur la gouvernance démocratique et la traçabilité des produits. Je précise que cette rédaction a été confirmée par notre commission.

Pour autant, il reste deux questions. La première concerne l’utilisation, sur l’emballage des produits du terme « commerce équitable ». Nous présenterons un amendement visant à garantir la transparence et l’harmonisation et à renforcer la confiance des consommateurs. Il précisera que cette mention ne pourra être utilisée que dans les cas où elle peut être documentée objectivement et si tous les ingrédients qui la composent sont achetés aux conditions du commerce équitable.

La seconde porte sur une ambiguïté du texte dans sa version actuelle au sujet de la disparition du terme « producteur » qui figurait dans la loi du 2 août 2005, disparition au bénéfice du terme « travailleur ». Nous aimerions avoir une clarification en la matière car ce changement de terme suscite une inquiétude chez les acteurs du commerce équitable. Ils veulent savoir si ce sont bien les producteurs organisés au sein de structures à la gouvernance démocratique qui sont bénéficiaires des circuits de commerce équitable. Même si ce terme de « travailleur » semble regrouper les producteurs, les travailleurs et les artisans, ils aimeraient avoir un éclaircissement de la part du Gouvernement afin de lever toute ambiguïté.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n9 tendant à supprimer l’article 50 bis.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet amendement avait été excellemment défendu, en première lecture, par notre collègue Antoine Herth.

L’article 50 bis dénature totalement la loi de 2005 qui définit le commerce équitable et qui s’est révélée être un outil puissant du développement durable dans une optique d’échanges nord-sud et en l’intégrant dans la coopération au développement.

Vous voulez en effet élargir la notion de commerce équitable et donner ce label à des producteurs qui ne sont pas situés dans un pays en développement.

Du coup, vous supprimez la Commission nationale du commerce équitable, qui est chargée de reconnaître les organismes du commerce équitable afin d’offrir des garanties aux consommateurs d’une part et aux producteurs de pays du Sud d’autre part.

Cet article détruit ce qui pourtant fonctionne très bien, en plongeant dans la confusion les consommateurs et les PME, et ce au détour d’un article 50 bis dont on se demande toujours pourquoi vous l’avez inscrit dans le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Avis défavorable. Le commerce équitable est une notion évolutive. On peut tout à fait concevoir que le texte de 2005 posait des bases intéressantes, qui ont effectivement permis le développement de ce secteur d’activité. Les conditions dans lesquelles il se développe aujourd’hui, avec l’apparition de relations Nord-Nord fondées sur les mêmes principes, conduit à élargir sa définition. C’est une bonne chose que cette adaptation puisse se faire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Avis défavorable également. Je précise à Mme la députée que cet article a été travaillé avec la Plate-forme nationale du commerce équitable, dont les membres sont tout à fait favorables à cette évolution.

(L’amendement n9 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n35.

Mme Jeanine Dubié. Je serai brève, puisque je l’ai déjà défendu dans ma déclaration précédente. J’insisterai juste sur la protection du consommateur contre toute allégation pouvant l’induire en erreur. C’est pourquoi nous demandons de préciser l’utilisation des termes « commerce équitable » sur l’emballage, en gage de transparence et d’harmonisation, mais aussi conformément au code de la consommation qui permet de sanctionner les allégations infondées ou fallacieuses, au même titre qu’il prohibe et sanctionne la publicité mensongère et les pratiques commerciales trompeuses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Blein, rapporteur. Je vais vous proposer de retirer votre amendement, chère collègue. Nous comprenons votre préoccupation mais, comme tout à l’heure sur la création de filiales, à trop vouloir réglementer, ne risque-t-on pas de nuire au développement des entreprises sincères de commerce équitable, pour combattre la fraction infime de celles qui ne seraient pas sincères dans leur positionnement ? Ce n’est pas forcément utile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Je voudrais apporter plusieurs précisions. Le terme « travailleur » a été préféré à celui de « producteur », car il désigne les salariés et toute personne qui emploie sa force de travail. Le terme « producteur » est plus restrictif et peut également désigner une personne morale.

Votre amendement vise d’abord à faire en sorte que les allégations de commerce équitable soient sincères, objectives et complètes. La loyauté des allégations présentes sur les emballages des produits relève de réglementations communautaires et d’harmonisations sur les pratiques commerciales déloyales. On ne peut pas retenir de critères de loyauté au-delà du contenu du code de la consommation. Il me semble d’ailleurs que cette réglementation est déjà très complète et satisfait en grande partie votre amendement.

Faire en sorte que les labels « commerce équitable » soient documentés et vérifiés, c’est tout l’objet de l’action des organismes chargés de les délivrer. Vous les connaissez bien, madame la députée. N’alourdissons pas la charge pour les entreprises qui s’engagent dans le commerce équitable. Elles doivent avoir le label de manière justifiée, mais ne créons pas un droit permettant à tous les tiers de demander justification.

En second lieu, vous souhaitez que tous les ingrédients d’un produit du commerce équitable aient aussi ce label. C’est déjà le cas pour les ingrédients principaux, sans quoi on tomberait dans des pratiques déloyales. Cela doit être prévu dans le cahier des charges des labels. En revanche, pour les ingrédients minoritaires, c’est beaucoup plus compliqué. Il ne faudrait pas, en exigeant ces mentions, freiner le développement du commerce équitable, parce qu’on ne pourrait plus utiliser du sel ou du sucre en quantités infimes.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. J’ai bien entendu les explications de Mme la secrétaire d’État et de M. le rapporteur, et je retire donc l’amendement.

(L’amendement n35 est retiré.)

(L’article 50 bis est adopté.)

Article 52

(L’article 52 est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Nous en avons terminé avec l’examen des articles. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour une explication de vote au nom du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous arrivons au terme de cette deuxième lecture à l’Assemblée nationale et vous n’avez pas levé nos craintes s’agissant des entreprises de services à la personne, dont certaines seront de fait exclues de l’utilité sociale alors que c’est dans leur nature même.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce sera leur choix !

Mme Isabelle Le Callennec. Même constat, s’agissant de la complexification de la gouvernance et de la dénaturation du commerce équitable.

Vous n’avez pas non plus retiré de la loi les articles 11 et 12 qui pourtant fragilisent la confidentialité nécessaire en cas de reprise d’entreprise. En somme, une fois de plus, vous n’avez retenu aucun de nos amendements.

Et pourtant, parce que nous ne nous opposons pas par principe, parce que nous reconnaissons que cette loi répond en partie aux attentes exprimées sur le terrain, parce que nous espérons conforter les entreprises, les associations, les mutuelles, les coopératives et autres fondations, parce que nous rendons hommage à tous les bénévoles qui participent à l’écosystème, le groupe UMP s’abstiendra, en attendant la commission mixte paritaire. Quelle que soit l’issue de cette CMP, vous pouvez compter sur notre ténacité pour exercer notre rôle de contrôle du Gouvernement dans la mise en œuvre concrète de cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes solidaires !

M. le président. La parole est à M. Jean Grellier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean Grellier. Je ne vais pas reprendre les arguments que j’ai eu l’occasion de développer à l’issue de la première lecture, il y a quelques semaines.

La deuxième lecture a permis de clarifier et de préciser certains points, de continuer le débat avec nos collègues sénateurs, et nous espérons qu’à travers la commission mixte paritaire, nous résoudrons quelques questions qui restent à régler entre nos deux assemblées.

Ce projet de loi, nous avons eu l’occasion de le dire, était attendu par l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Je voudrais souligner le caractère de l’inclusion, qui ouvre ce secteur, au-delà des statuts traditionnels – coopératives, associations, mutuelles –, à des entreprises du secteur commercial classique qui peuvent trouver dans ce texte des réponses aux inquiétudes et aux interrogations évoquées durant nos débats.

Ce texte reconnaît l’importance de tout ce secteur de l’économie sociale et solidaire pour le développement de nos territoires et d’un certain nombre d’activités modernes : transition, circuits courts, numérique… Ce secteur pourra ainsi participer à la conquête de l’emploi sur nos territoires, et c’est donc avec le même enthousiasme qu’en première lecture que le groupe socialiste, républicain et citoyen votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.

M. Christophe Cavard. Le groupe écologiste est lui aussi très heureux d’arriver presque au terme de l’examen de ce texte. On le rappelle à chaque fois et je profite de la présence du président du groupe SRC pour le faire : ce genre de texte permet non seulement de changer d’échelle, mais aussi d’ouvrir sur une vision différente de l’économie.

Une économie qui dérive est une économie qui nous amène tous dans le mur, et en particulier celles et ceux qui n’en profitent pas, comme les salariés et les chômeurs qui sont laissés au bord de la route par l’économie dominante. Nous leur proposons une alternative, une autre vision de l’économie, reposant sur des valeurs.

Ce texte, avec ce changement d’échelle, va permettre à notre majorité de faire valoir que la lutte contre la finance, la vision alternative pour laquelle nous avons été élus, deviennent réalité.

Madame la secrétaire d’État, vous aurez la responsabilité de mettre en œuvre ce texte. Même si Benoît Hamon et Valérie Fourneyron, que nous avons félicités, ont pris part à sa conception, vous aurez quant à vous la tâche de le mettre en œuvre dans nos territoires.

Ce texte concerne beaucoup les territoires régionaux. Viendront donc en même temps que les discussions sur la réforme territoriale les discussions sur la place des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, qui auront aussi à s’adapter à la manière dont les territoires régionaux vont utiliser le levier de la loi pour développer l’économie sociale et solidaire. C’est pourquoi j’insiste pour que nous continuions à travailler sur ce texte et ses enjeux.

Je terminerai sur l’un d’eux qui m’est cher : la formation. Nous n’en avons pas reparlé en deuxième lecture, mais nous sommes nombreux à espérer que la loi sur la formation professionnelle que nous avons votée, et qui donne ce droit nouveau qu’est le compte personnel de formation, puisse être utilisée dans l’économie sociale, et que l’ensemble de l’entrepreneuriat social puisse être éligible au compte personnel de formation. Ce pourrait être le cas si les listes qui vont venir des partenaires sociaux le permettent. Je vous invite, madame la secrétaire d’État, à être vigilante avec nous, pour faire en sorte que ces listes comportent bien les métiers et les secteurs qui nous permettront demain de former tous ces nouveaux acteurs de l’économie sociale et solidaire : je pense notamment à ceux qui pourraient venir renforcer le secteur des coopératives.

Nous sommes heureux de prendre part au vote de ce projet, en attendant, fin juillet, je l’espère, le vote définitif de la loi.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Ce projet de loi est très attendu par le secteur de l’économie sociale et solidaire. Nous avons eu l’occasion d’exprimer à plusieurs reprises le soutien du groupe RRDP. Ce texte va conforter le secteur parce qu’il est équilibré, solide, abouti et que nous l’avons amélioré au fil de nos débats. Il consacre la spécificité de ce secteur, respectueux des valeurs de solidarité, de démocratie et de citoyenneté. Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP votera ce texte.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. À l’issue de ce vote quasi-unanime, pardon de le dire ainsi, je voudrais remercier tous ceux qui ont fait en sorte que nous puissions en arriver là. C’est un grand moment de concorde politique ; dans un pays où c’est finalement assez rare, il est bon de le souligner.

Est-ce le sujet ? Est-ce parce que nous avons vu beaucoup de ministres coopérer ? Est-ce parce qu’il y a eu six commissions saisies pour avis en plus de la commission saisie au fond ? En tout cas, c’est un texte qui montre la spécificité française : celle du bénévolat, celle d’un civisme républicain qui aujourd’hui atteint aussi à une certaine maturité en matière de développement économique.

Quand je vois un quasi-accord sur tous ces bancs, je souhaite que nous nous félicitions de ce grand moment d’allégresse collective, en remerciant tous nos collaborateurs qui nous ont permis d’aller jusqu’au bout du chemin. Je ne doute pas que la CMP, qui se tiendra dans les locaux de l’Assemblée nationale, trouve une issue conforme à cette allégresse.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Je tiens à vous remercier pour votre implication dans ce travail collectif sur ce projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.

Je salue la volonté constructive et responsable manifestée par l’ensemble des groupes de cet hémicycle afin de reconnaître l’importance de l’ESS comme une économie à part entière, une économie qui a une éthique, et qui entend promouvoir une inclusion durable.

Nous avons également apporté ainsi un message fort au mouvement associatif.

Je salue donc ce moment, et je vous remercie tous pour les positions que vous avez adoptées.

J’ai entendu dire, tout à l’heure, que les Bretons ont un caractère parfois têtu – je ne me permettrai pas de me prononcer sur ce point (Sourires) – mais je sais que les Pyrénéens tiennent l’opiniâtreté pour une valeur forte.

Mme Isabelle Le Callennec. Très juste !

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Nous avons en effet l’habitude de travailler la terre et nous savons qu’un labour doit être continu, profond et droit. Il en sera de même pour l’application de cette loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 7 juillet, à seize heures :

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron