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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 17 juillet 2014

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n2100, 2120, 2106).

Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale. Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures et six minutes pour le groupe SRC, onze heures et vingt minutes pour le groupe UMP, trois heures et vingt minutes pour le groupe UDI, une heure et cinquante-deux minutes pour le groupe écologiste, une heure et cinquante-trois minutes pour le groupe RRDP, une heure et vingt-sept minutes pour le groupe GDR, quarante minutes pour les députés non inscrits.

Discussion générale (suite)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, notre pays a besoin de réformes structurelles, et plus que jamais nous devons réformer en profondeur notre système institutionnel. Le mille-feuille, les compétences partagées, la complexité des procédures… Nos concitoyens n’y comprennent plus rien. Il est donc temps de réformer notre système administratif et politique. Le Président de la République et le Premier ministre s’y sont engagés, et nous souhaitons aller le plus loin possible vers des standards européens.

Sur le fond, monsieur le secrétaire d’État à la réforme territoriale, je vous rejoins sur un bon nombre de points contenus dans les projets de loi à venir que nous, régionalistes et écologistes, avons défendus avec constance : il en est ainsi de la prescriptivité des schémas régionaux pour l’économie et l’aménagement du territoire, et des pouvoirs réglementaires afférents ; de même, nous nous réjouissons qu’une réflexion poussée soit désormais engagée sur le rôle des conseils départementaux et sur leur possible fusion dans des collectivités uniques. La réforme territoriale doit aussi favoriser une plus grande démocratie et préserver la vitalité des territoires ruraux. C’est pour cela que nous soutenons également le renforcement des intercommunalités, qui doivent davantage correspondre aux bassins de vie et d’emploi. Nous regrettons toutefois que ce soit la loi sur l’affirmation des métropoles qui ait donné le tempo à la réforme territoriale.

En ce qui concerne ce texte, fidèles à nos principes de décentralisation différenciée, nous ne pouvons accepter que cette réforme territoriale soit sous-tendue par une logique purement comptable de réduction des dépenses et de division par deux du nombre de régions en proposant des fusions bloc par bloc. Les périmètres des régions ne sauraient être définis sur des critères technocratiques. Leur carte ne peut être issue que de consultations locales et de consensus territoriaux. C’est d’ailleurs dans l’optique d’une meilleure prise en compte des aspirations de nos concitoyens que nous proposons une carte plus respectueuse des territoires car plus cohérente avec le sentiment d’appartenance de leurs habitants. Notre carte prévoit notamment une région Bretagne à cinq départements,…

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Paul Molac. Une région Savoie, une région Val-de-Loire et le maintien d’une région Alsace,…

M. Laurent Furst. Bravo !

M. Paul Molac. …suivant des logiques de territoires. Nous regrettons donc le choix du Gouvernement. La carte issue des travaux de notre assemblée devra donc permettre des ajustements à la marge en prévoyant un droit d’option souple, beaucoup plus souple que celui contenu dans le texte, en supprimant notamment le droit de veto de la région de départ et l’exigence du vote à la majorité des trois cinquièmes. Nous nous interrogeons sur la logique d’une modification des limites régionales ne pouvant qu’être validée par la loi et non plus par décret en Conseil d’État. N’est-il pas incohérent de prévoir, pour l’exercice du droit d’option, une procédure préalable aussi lourde ? C’est un obstacle important de plus, car même si la volonté d’un département de changer de région était avalisée par les trois collectivités locales concernées à la majorité des trois cinquièmes et dans le bref délai qui leur est imparti pour ce faire, il faudrait encore que le Gouvernement et le Parlement daignent l’approuver. Nous sommes dans un véritable parcours du combattant que l’on peut même qualifier de verrou législatif et dont aucun département n’arrivera à bout. On nous dit que c’est pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore. Mais regardons la carte : cela ne concernerait qu’une dizaine de départements. C’est pourquoi nous étions favorables à la version du droit d’option adoptée par le Sénat.

Néanmoins, compte tenu des réorganisations territoriales à venir, le report des élections régionales et cantonales nous paraît relever du bon sens. En effet, quel serait l’intérêt d’élire des conseillers régionaux et départementaux qui ne connaîtraient pas leur périmètre ? Mais pour clarifier l’architecture, il est indispensable que l’élection au sein des intercommunalités et des conseils métropolitains se fasse le plus rapidement possible au suffrage universel direct.

Concernant le nombre d’élus dans chaque nouveau conseil régional, nous n’avons pas de religion ; il faut surtout vérifier que l’ensemble des territoires soient bien représentés.

J’en reviens à la modification de la carte des régions. On nous présente souvent l’exemple des Länder allemands, qui ont en moyenne une population d’environ cinq millions d’habitants contre trois millions pour les régions françaises. En fait, la France se situe au niveau de la moyenne européenne, mais l’Allemagne compte quatre-vingt-deux millions d’habitants sur un territoire un tiers plus petit, et ceci explique cela. Avec 25 000 kilomètres carrés en moyenne, les régions françaises sont les deuxièmes en superficie après les espagnoles. Par contre, le point sur lequel elles ne soutiennent absolument pas la comparaison, c’est le budget par habitant. Selon les chiffres de l’association des régions de France – l’ARF –, le budget est de 3 125 euros par habitant en Suède, 3 561 euros en Allemagne et 4 940 euros en Autriche… alors qu’il n’est que de 395 euros en France, soit dix fois moins en moyenne ! Voilà le véritable retard à rattraper par rapport à nos voisins européens. Pour y parvenir, nous attendons des propositions sur l’autonomie fiscale des régions, qui n’est aujourd’hui que de 12 % en moyenne. Une étude menée par l’institut de recherche BAK Basel Economics révèle une corrélation positive entre l’indice de décentralisation et le PIB par habitant. À cet égard, il n’est pas nécessaire que les régions soient très peuplées. Ainsi, les comparaisons entre les régions françaises et les Länder allemands sont particulièrement éloquentes en termes d’innovation : dans le Land de Sarre – un million d’habitants –, l’effort régional en la matière atteint 240 millions d’euros alors qu’il n’est que de 140 millions en Île-de-France qui compte douze fois plus d’habitants et, à population équivalente, le Land de Bavière consacre, lui, 3 milliards d’euros à l’innovation.

On voit donc que le postulat de départ de cette réforme territoriale, faire de grandes régions pour avoir des régions puissantes, est totalement biaisé. Nous affirmons, pour notre part, que pour faire des régions puissantes, il faut leur transférer les compétences adéquates, leur donner bien sûr les moyens budgétaires et législatifs, mais aussi qu’elles soient cohérentes. Le généticien Axel Kahn, actuellement engagé dans une traversée à pied de la France en diagonale, témoigne qu’il existe une corrélation entre un sentiment d’appartenance fort et le dynamisme d’un territoire. En effet, ce qui fait sens, ce n’est pas tant le poids démographique et la taille du territoire mais le sentiment d’appartenance et la volonté d’avoir un destin commun chez les populations qui y vivent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Marc Le Fur. C’est ce qui fait peur à vos amis socialistes !

M. Paul Molac. En témoignent, en Europe, les États – Danemark, Pays-Bas, Suisse, Croatie, Bosnie, Malte – ou régions autonomes dont la superficie ou le nombre d’habitants est plus faible que bon nombre de nos régions françaises.

En réalité, dans ce débat on oublie de poser la question essentielle : les régions, pour quoi faire ? Pour y répondre, je m’appuierai sur les excellents travaux produits par le politologue Tudi Kernalegenn.

Selon lui, entre une régression technocratique et une évolution démocratique, l’alternative n’est pas légère.

En effet, dans un contexte de méfiance accrue à l’égard de la technocratie et des politiciens, et alors que le pouvoir semble de plus en plus lointain et déconnecté de la réalité, le projet de diviser par deux le nombre de régions pourrait s’avérer désastreux pour la démocratie. Il pourrait en particulier être considéré comme un véritable retour en arrière, surtout s’il conduit à la création de régions encore plus artificielles, encore plus éloignées qu’aujourd’hui des aspirations et de la vie des citoyens. Or, comme je l’ai montré, tous les exemples européens témoignent que la force des régions ne provient pas de leur taille, mais de leurs compétences, de leur budget, de leur cohésion et de leur cohérence. Elle vient surtout des citoyens dès lors que ces derniers se reconnaissent dans les institutions régionales.

C’est ce qui m’amène à l’exemple breton, terrain sur lequel vous m’attendez tous.

M. Marc Le Fur. On vous espère !

M. Paul Molac. Aujourd’hui, la Bretagne est confrontée, à court ou moyen terme, à deux projets antagonistes, s’appuyant chacun sur une conception radicalement différente de ce que doit être une région. Le premier consacrerait la disparition de la Bretagne dans un « Grand Ouest » allant de Brest jusqu’au Mans. Il reviendrait à créer un niveau territorial abstrait, …

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Paul Molac. …déconnecté de la réalité, et donc de la citoyenneté, géré par une institution régionale faible et peu légitime.

Je tiens à rappeler que selon le dernier sondage de l’institut LH2 publié ce vendredi 11 juillet, seuls 6 % des habitants de la Région Bretagne sont favorables à la fusion entre la Bretagne et les Pays de la Loire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Eh oui !

M. Paul Molac. La constitution d’une telle région accentuerait donc le discrédit des politiciens et la crise du politique. Dès sa création, la collectivité serait déjà en crise ; elle subirait constamment des tensions, en raison de son manque de cohérence et du rejet citoyen. Bref, elle ne pourrait représenter, pour les habitants de Bretagne, qu’une régression démocratique et socio-économique.

M. Marc Le Fur. C’est le projet Appéré, ça !

M. Paul Molac. Nous redoutons les conséquences d’un affaiblissement de l’institution régionale, car les métropoles cesseraient alors d’être des pôles structurants et s’exonéreraient de toute obligation en matière d’aménagement du territoire régional. Je le répète, si les métropoles sont des organisateurs pour les territoires, elles seront utiles à ces derniers. Mais si elles se révèlent de simples aspirateurs d’activité et de population, fonctionnant sans se soucier des territoires qui les entourent, alors ce sera la fin des territoires ruraux, particulièrement en Bretagne, une région irriguée par un réseau de villes polycentrique.

Le second projet qui s’offre à la Bretagne est l’intégration du département de la Loire-Atlantique, dont les institutions fusionneraient à plus ou moins long terme avec celles de la région pour former une assemblée de Bretagne. Éminemment tourné vers l’avenir, ce plan vise à constituer une région dans laquelle les citoyens seraient au cœur du projet politique.

Cohérente et renforcée, la nouvelle Bretagne disposerait ainsi des outils pour répondre aux problèmes auxquels elle est confrontée, et dont le moindre n’est pas la situation périphérique. Je vous renvoie aux propos du président du conseil régional, Pierrick Massiot : « Serions-nous assez fous, quand certains dépensent des sommes faramineuses en campagnes de communication afin de se forger de toute pièce une identité artificielle, pour renoncer à celle, bien vivante, qui nous vient de l’histoire, et qu’ensemble nous forgeons au quotidien ? » 

D’autant que cette identité a des effets directs au point de vue économique, qu’il s’agisse du label « Produit en Bretagne », de la marque « Bretagne », ou du tourisme. Il ne suffit pas de vendre des bons produits, il faut aussi proposer une part de rêve. Or cette part de rêve réside dans le nom même de Bretagne.

M. Michel Piron. Ah ! Le mythe !

M. Paul Molac. Je saisis cette occasion pour mettre fin à une idée répandue, celle d’un prétendu repli identitaire breton. La Bretagne est, au contraire, l’une des régions les plus ouvertes sur le monde. Le repli sur soi, la crainte de l’autre, l’islamophobie y sont moins marqués que dans le reste de la France. Ainsi, selon une enquête réalisée en janvier 2014 par l’institut TMO Régions, 17 % des habitants de Bretagne pensent que leur région doit se protéger davantage du monde, tandis que 58 % des Français en disent autant de leur pays. De même, 60 % des habitants de Bretagne pensent qu’on peut être Breton et musulman, quand seulement 37 % des Français estiment que la religion musulmane est compatible avec les valeurs de la société française. C’est cette conception ouverte de l’identité bretonne qui explique que 58 % des personnes qui y résident mais n’ont pas de parents bretons et sont nés ailleurs qu’en Bretagne se sentent bretons.

M. Laurent Furst. Bravo !

M. Paul Molac. Surtout, et je tiens à l’affirmer haut et fort, la Bretagne est résolument républicaine. Les Bretons sont par exemple ceux qui se déplacent en plus grand nombre pour aller voter ; ceux qui votent le moins pour les extrêmes ; ceux chez qui l’idée européenne est la plus populaire.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Paul Molac. La Bretagne fait par ailleurs preuve d’un grand civisme fiscal, puisque les taux de déclaration et de paiement des contribuables bretons en font la deuxième région la plus civique de France.

Je le réaffirme donc avec force : oui, on peut à la fois être Breton, Français, Européen et bien plus encore. Pourquoi, lorsque l’on vient d’un autre pays ou d’une région à fort caractère, faudrait-il oublier des origines et une culture qui contribuent à enrichir la communauté ? Assumer une identité multiple au sein de la République, c’est cela, aujourd’hui, être républicain.

Forts de cette identité ouverte et profondément républicaine, les Bretons estiment à juste titre que la question de la réunification de la Bretagne est une question de démocratie. Pas moins de 70 % d’entre eux sont ainsi favorables à une Bretagne composée de cinq départements, une revendication qui, depuis plus de quarante ans, fait l’objet de manifestations comptant souvent plus de 10 000 personnes. En outre, 548 communes ont adopté des vœux en ce sens. Et on opposerait une fin de non-recevoir aux seuls citoyens de France qui se mobilisent avec enthousiasme sur la question ? Cela pourrait être vécu comme une véritable provocation.

Nous craignons en revanche qu’une fusion de la Bretagne et des Pays de la Loire n’ait pour effet d’aggraver les déséquilibres démographiques, économiques et sociaux qui existent entre l’ouest et l’est de la Bretagne. Dans un contexte de forte mobilisation populaire contre les suppressions d’emplois et contre toute mesure susceptible d’aggraver les effets de la « périphéricité » et de la « péninsularité » dont souffre la région, cela reviendrait à jeter du pétrole sur un brasier. Car c’est bien une politique de développement que nous souhaitons mener pour notre territoire, et non une politique de rééquilibrage.

En effet, le centre névralgique de la supra-région que l’on voudrait nous vendre se trouverait immanquablement à l’est, entre Rennes, Le Mans, Angers et Nantes. Dans un contexte de difficultés économiques et budgétaires, à quelle solidarité les Bretons situés le plus à l’ouest, ceux qui coûtent le plus cher, peuvent-ils s’attendre ? Alors que les collectivités bretonnes financent à hauteur de 1,1 milliard d’euros la ligne à grande vitesse entre Le Mans et Rennes, pouvons-nous être certains que les nouveaux élus de la Sarthe ou du Maine-et-Loire parviendront facilement à convaincre leurs administrés de consentir l’effort nécessaire pour financer les tronçons restants, entre Rennes et Brest et entre Rennes et Quimper ?

M. Michel Piron. Qu’est-ce que c’est que ce présupposé ?

M. Paul Molac. A contrario, la constitution d’un pôle d’équilibre fort entre les territoires de Rennes, Nantes et Brest, et une région Bretagne constituée de cinq départements, garante du développement solidaire du territoire, représenteraient une véritable force pour la France entière.

Imaginons que l’on cherche à fusionner le Québec avec l’Ontario, le Pays Basque avec la Castille ou encore le Pays de Galles avec les West Midlands. Quelles seraient les réactions des populations concernées ?

M. Michel Piron. C’est de plus en plus délirant !

Un tel projet serait vécu comme une provocation ; c’est pourtant l’équivalent de la fusion entre la Bretagne et les Pays de Loire.

M. Paul Molac. Souvenons-nous des propos tenus à Rennes, en décembre 2013, lors de la présentation du Pacte d’avenir pour la Bretagne, par l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault : « La France n’a pas à craindre les identités régionales. »…

M. Marc Le Fur. De Gaulle l’avait déjà dit en 1969 !

M. Paul Molac. …« Elle a même tout à gagner à laisser s’exprimer dans leur diversité tout ce que les régions portent en elles de culture et de différence. C’est pour la Bretagne que vos prédécesseurs et vous-mêmes avez toujours su se rassembler. C’est pour elle que, depuis quarante ans, les Bretons ont su se mobiliser, travailler ensemble, surmonter les fatalités du passé et faire de cette région l’une des plus dynamiques du pays ». Nous ne demandons rien de plus.

En conclusion, mes chers collègues, ce texte est très important car il détermine l’avenir du pays et de ses régions pour les cinquante années à venir. Nous ne le considérons pas à la légère, et c’est la raison pour laquelle nous souhaitons y remettre un peu – voire beaucoup – de démocratie. Nous serons donc attentifs à la façon de prendre en compte l’opinion des habitants et surtout à la cohérence des futurs territoires, lesquels devront pouvoir décider d’eux-mêmes de leur organisation grâce à un véritable droit d’option. C’est à l’aune de ces exigences que notre position finale sera déterminée. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, chers collègues, disons-le avec force : seul l’État jacobin peut assurer la décentralisation. Comment peut-il y parvenir ? D’abord, en supprimant les territoires inutiles ; puis en fusionnant certains d’entre eux ; ensuite, en leur transférant des compétences ; et enfin, en réorganisant leur gouvernance. C’est seulement en se fondant sur ces principes que l’on pourra effectuer une véritable réforme territoriale.

Dans ce domaine, de nombreuses occasions ont été manquées depuis 1981. Ce fut le cas en 1997 – époque à laquelle, comme vous, messieurs les secrétaires d’État, j’étais déjà député –, mais aussi en 2002, quand le président Chirac a été réélu avec près de 80 % des voix des Français. Il aurait alors eu la possibilité de réaliser une grande réforme territoriale, mais il s’est contenté d’une réformette, d’une « rafarinette ». De même, en 2012, nous aurions pu, nous aussi, réaliser une grande réforme, d’autant que nous détenions tous les leviers du pouvoir. Or, il faut bien le dire, nous n’avons pas fait grand-chose, si ce n’est surcharger un peu plus le mille-feuilles administratif avec les métropoles.

C’est pourquoi je félicite aujourd’hui le Gouvernement pour avoir eu le courage de s’atteler à cette réforme – une réforme dont les élus locaux et les grands barons ont fait et feront tout pour empêcher la réalisation. Tenez bon, monsieur Vallini ; voilà ce que je peux vous dire !

Pour illustrer mon engagement dans ce domaine, je souhaite vous parler d’un combat impossible, celui de la réunification de la Normandie. On ne sera en effet jamais assez reconnaissant envers le Président de la République de nous donner aujourd’hui l’occasion de trancher ce nœud gordien qui étrangle deux régions, la Basse et la Haute Normandie.

M. Laurent Furst. En tuant l’Alsace !

M. Alain Tourret. Depuis 911 et le traité de Saint-Clair-sur-Epte, leur histoire était pourtant commune. Mais en 1955, un préfet, chargé de préparer une réforme territoriale qui sera réalisée par simple décret, a décidé de couper la Normandie en deux. Puis, deux hommes politiques – M. Lecanuet et M. d’Ornano, deux personnalités éminentes de la droite, l’un démocrate-chrétien, l’autre républicain indépendant –, jugeant la solution excellente, ont décidé de structurer autour d’eux chacune de ces deux régions, favorisant ainsi leur séparation progressive.

Pourtant, le pont de Normandie aurait dû les relier, et l’axe formé par la Seine, les féconder. Elles ont en commun de nombreuses structures communes, comme le Comité régional du tourisme, que j’ai présidé, ou la chambre régionale d’agriculture. Les agriculteurs, eux, sont en effet favorables à une région unique.

Mais l’union est un combat, surtout lorsqu’elle doit concerner des amis politiques, en l’occurrence les élus socialistes de Haute-Normandie.

Mme Estelle Grelier. Non, mais tu déconnes, là ? (Rires et exclamations sur divers bancs.)

M. Alain Tourret. Gardez vos insultes pour vous, ma chère collègue !

Il a d’abord fallu lever les obstacles constitutionnels. Avec Hervé Morin, nous avions en effet créé l’Association pour la réunification de la Normandie afin de mener ce combat ensemble, réussissant même, en 1999, à faire adopter un amendement sur le sujet. Mais à l’époque, la Constitution empêchait la fusion entre régions. Nous avions pourtant l’opinion pour nous, mais nous devions aussi compter avec la présence, constante, de la statue du Commandeur, …

M. Michel Piron. Comme c’est bien dit !

M. Alain Tourret. …hostile à la réunification de la région. Jusqu’à la fin, on nous a ainsi opposé l’idée de fusionner la Basse-Normandie avec la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais. C’était tout simplement n’importe quoi !

Heureusement, la sagesse a fini par prévaloir. Lorsque le Président de la République s’est rendu, le 6 juin, sur les plages normandes, accueillant tous les grands chefs d’État, il a compris qu’il ne pouvait être question de ne pas respecter la Normandie entière, toute la Normandie, rien que la Normandie !

On nous a également opposé la nécessité d’organiser un référendum. Quelle vaste fumisterie ! (Rires sur divers bancs.)

Mme Estelle Grelier. C’est modéré, comme propos !

M. Alain Tourret. Le référendum est un objet mi-bonapartiste, mi-gaulliste, mais certainement pas radical !

M. Paul Molac et M. François Rochebloine. Très bien !

M. Alain Tourret. Selon cette vision, la question de la réunification aurait dû faire l’objet, dans les deux régions, d’un vote à la majorité qualifiée par consultation référendaire.

On a vu ce que ça donnait avec l’Alsace : 80 % des élus voulaient faire cette réforme, et il existait une majorité au niveau de la région, mais on a imposé qu’elle réunît, en plus de la majorité régionale, les majorités départementales. Le résultat, c’est que l’échec alsacien a fortement pesé, car c’eût été, sans doute, un modèle, qui aurait pu être repris par la Bretagne…

M. Éric Straumann. Bravo !

M. Alain Tourret. …et par la Normandie, un modèle qui consistait en une fusion de la région et des départements. Ça, c’était véritablement une réforme d’avenir ! Je pense que nous paierons très cher cet échec, malheureusement suscité par un front du refus qu’alimentait le Front national, qui n’est pas là mais qui pèse, Force ouvrière et le Front de gauche. Voilà quel front de refus a empêché cette grande réforme !

M. Marc Dolez. Ça commence à bien faire ! Faut-il que notre République soit malade pour entendre des choses pareilles !

M. Alain Tourret. Alors il a fallu, évidemment, que nous nous battions à ce niveau-là. Nos atouts pour la réunification de la Normandie étaient immenses. Nous avions la façade de l’Angleterre, nous avions la terre d’accueil de l’Île-de-France, nous avions la beauté du paysage et nous avions quelque chose d’exceptionnel – et je ne remercierai jamais assez Laurent Fabius, le commandeur mentionné tout à l’heure –, l’impressionnisme, car, finalement, la culture, les tableaux, la beauté, les paysages, ce sont cette école de l’estuaire, cette école de la Seine, tous les plus grands peintres, tout ce qui peut exprimer, actuellement, la force de la France dans le monde entier, car, au Japon, en Chine, on vous parle de l’impressionnisme. Nous avions cela en commun, et nous en étions particulièrement fiers. Et, en plus, nous avions le cheval ! Nous sommes la région du cheval, avec les jeux mondiaux du cheval qui auront lieu dans un mois.

Voilà, nous avions toutes ces possibilités pour développer nos forces. Nous n’y sommes pas arrivés. Ce combat de quinze années, je n’ai pu le mener à bien, et ce car mes amis de Haute-Normandie s’y sont catégoriquement opposés.

Mme Estelle Grelier. Arrêtez un peu, avec ça !

M. Alain Tourret. Alors, je suis particulièrement fier que le Président de la République ait décidé de faire cette réforme. Il risque d’y prendre tous les coups, mais elle démontrera ses capacités politiques de réorganisation et celles du Gouvernement.

Restera à régler, monsieur le secrétaire d’État Vallini, le sort des capitales. (« Ah ! » sur plusieurs bancs.)

Mme Estelle Grelier. Rouen, bien sûr !

M. Alain Tourret. Caen n’a pas vocation à se faire plumer ! Il faudra trouver des solutions. Des amendements ont été déposés, dont j’ai parlé avec M. le rapporteur qui a eu l’amabilité de bien vouloir m’entendre, pour rappeler un certain nombre de principes. Le premier est que, si nous faisons des régions en méconnaissant les principes de proximité et de centralité, elles seront refusées. Si nous ne faisons des régions qu’autour des métropoles, sans prendre en compte les territoires, elles seront refusées. Voilà ce sur quoi j’appelle votre attention : le critère de centralité, le critère de proximité est essentiel. Je le dis devant mon ami Goasdoué, qui représente le département de l’Orne ; il me rejoint et a déposé les mêmes amendements à ce sujet. Je me félicite que ces critères soient pris en compte.

Deuxième chose, faut-il obligatoirement que la même ville accueille l’assemblée régionale et la préfecture de région ?

M. Olivier Falorni. Non !

M. Alain Tourret. Bien évidemment, non ! On me dit qu’une loi ne permettrait pas cela parce que cela ruinerait un peu la rapidité que l’on attend de l’État en matière de contrôle de légalité. De qui se moque-t-on ? On n’est plus en 1870 où l’on ne pouvait gagner la préfecture qu’à cheval. Maintenant, tout se fait par internet, et, bien évidemment, l’argument ne vaut absolument plus.

En tout cas, monsieur le secrétaire d’État à la réforme territoriale, je veux vous en convaincre : sur ce sujet, il y a une piste à creuser, vraiment. On peut parfaitement comprendre qu’il y ait, d’un côté, la préfecture de région et, de l’autre, l’assemblée régionale. C’est un peu ce que vous avez proposé, avec votre sens du symbole, de l’image et de la litote, en évoquant le jardin à la française et le jardin à l’anglaise. Nous n’avons pas à cultiver partout des jardins à la française, c’est-à-dire les cheveux en brosse, parfaitement égaux, la même taille partout dans toutes les régions. Ce que nous voulons au contraire, c’est offrir la possibilité d’imaginer et faire en sorte que chacun s’y retrouve. Si chacun ne s’y retrouve pas, avec cette réforme, elle sera rejetée.

Alors, voilà, ce sont les derniers obstacles. J’espère qu’ils seront levés par les amendements que nous avons déposés, du moins sur la notion de chef-lieu provisoire. Selon la jurisprudence administrative, c’est, dans un premier temps, la ville la plus petite qui doit être retenue. Ensuite, des discussions avec l’ensemble des métropoles seront possibles.

Messieurs les secrétaires d’État, si nous n’agissons pas ainsi, cette réforme sera rejetée. Il appartient à l’État d’assurer les péréquations, d’assurer l’égalité des territoires, c’est le principe le plus fort. Le sentiment d’abandon, monsieur le ministre, est extrême dans nos territoires. Je suis élu du bocage normand.

M. Michel Issindou. Du blocage normand, oui !

M. Alain Tourret. Que des petites communes ! Dans ces petites communes, désormais, le Front national obtient désormais 40 % au premier tour.

M. Éric Straumann. Bientôt 50 % !

M. Alain Tourret. Pourquoi donc ? Parce que les gens éprouvent le sentiment d’un abandon, et qu’ils ont le sentiment, aussi, que c’est le Front national qui propose des solutions pour remédier à cet abandon : abandon des services publics, abandon de l’État, abandon de la proximité, abandon de la centralité ! C’est pourquoi je vous le dis avec force : il est indispensable que, dans ces nouvelles régions, de nouvelles capitales puissent exprimer la volonté de l’État d’irriguer nos territoires.

Monsieur le ministre, vous avez compris : je vous soutiendrai, et j’espère vous avoir convaincu.

M. Olivier Falorni et M. Laurent Furst. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Messieurs les secrétaires d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après la loi sur les métropoles, qui faisait disparaître tout objectif d’aménagement équilibré du territoire au profit des grandes aires urbaines,…

Mme Nathalie Appéré. Ça, c’est fort !

M. André Chassaigne. …ce nouveau séisme institutionnel est appelé à être particulièrement destructeur pour l’organisation territoriale de notre République. Toutes ces réformes s’inscrivent dans une course folle qui consiste à répondre, avant tout, aux attentes des marchés financiers pour affaiblir toujours plus la puissance publique.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. André Chassaigne. Le texte dont nous avons commencé l’examen, au pas de course, n’y échappe pas. Les futures régions seront réorganisées sans étude d’impact et sans tenir compte de l’histoire de nos territoires, de leurs projets, des intérêts des populations, des services publics si utiles à tous les citoyens. Le nombre d’élus régionaux sera considérablement réduit pour des territoires plus grands et plus puissants. Cette réforme territoriale, ou, devrais-je dire, ce charcutage territorial, poursuit sur les territoires de la République la mise en œuvre du plan d’ajustement structurel commandé par la Commission européenne dans le cadre du Pacte de stabilité,…

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. André Chassaigne. …lequel a été adopté en 2012 sans modification par le Président de la République.

M. Marc Dolez. Excellent !

M. André Chassaigne. Alors que le désaveu politique des dernières élections locales aurait dû conduire l’ensemble de la gauche – au premier rang de celle-ci, ceux qui sont aux responsabilités – à réorienter sa politique au service des besoins des citoyens, cette énième contre-réforme, n’en tire aucune leçon. Pire, elle conduira à éloigner toujours plus les citoyens de l’action politique ; elle éloignera les élus locaux de la réalité quotidienne des habitantes et des habitants. Ce projet est une intrusion, brutale et agressive, dans la gestion de proximité, à la française, la qualité de vie et la solidarité de nos habitants. Quel paradoxe, quand nos concitoyens reprochent d’abord aux élus d’être déconnectés des réalités, que de vouloir les en éloigner physiquement et culturellement toujours plus !

Messieurs les secrétaires d’État, ce sont bien les choix libéraux de la majorité depuis le début du quinquennat qui ont engendré les derniers résultats électoraux et qui alimentent quotidiennement le désenchantement et l’éloignement des citoyens de la chose publique. Le moment actuel est grave. Après la sévère déroute des élections municipales, le Président de la République prétendait avoir entendu le message exprimé par les Françaises et les Français. Force est de constater que les réponses apportées, plutôt que de se rapprocher des attentes exprimées par les Françaises et les Français, s’en éloignent toujours plus.

M. Pierre Lequiller. C’est exact !

M. André Chassaigne. La réforme territoriale qui nous est présentée est à l’opposé de ces attentes. Ses grandes orientations, dévoilées à la fin du mois de mai dans le discours de politique générale du Premier ministre, reprises au début du mois de juin dans un texte à trous adressé par le Président de la République à la presse quotidienne régionale, sont contraires aux engagements de la campagne électorale de 2012, contraires à ce qu’avait défendu le Parti socialiste tout au long de la précédente législature, contraires aussi aux principes des lois de décentralisation portées par des majorités de gauche dans les années 1980.

Mais, avant d’en venir à l’impact direct de cette réforme sur les collectivités, je voudrais dénoncer son caractère foncièrement antidémocratique. Le caractère expéditif de son annonce dissimule mal la volonté de masquer les conséquences catastrophiques qu’elle aura pour la population. Touchant au cœur du fonctionnement de notre démocratie, qui est le fruit des grandes avancées républicaines qui ont jalonné notre histoire, elle a été présentée sans débat public, sans prise en compte de l’avis des élus locaux, sans aucune consultation des citoyens et sans que l’on ait une vue globale du dispositif envisagé. Le calendrier imposé par le Gouvernement ne permet pas d’organiser un débat objectif, susceptible d’éclairer nos concitoyens sur les bouleversements envisagés. Cette réforme dont l’architecture aura été finalisée en quelques heures dans le bureau du chef de l’État, est marquée par un autoritarisme préoccupant. Elle méprise les élus locaux. Elle fait des parlementaires de simples bricoleurs des limites régionales. Elle trompe les citoyens sur les véritables enjeux et leur assène des remèdes sans même entendre le fond de ce qu’ils demandent. Fondamentalement, cette réforme décrédibilise toutes les valeurs de la gauche. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Laurent Furst. Bravo !

M. André Chassaigne. Faut-il rappeler, en contrepoint l’immense bouillonnement démocratique suscité par la Constituante de la fin de l’été 1789 jusqu’au mois de janvier 1790 ? Certains ont d’ailleurs fait preuve d’une ignorance encyclopédique – je reprends un mot de Jean Jaurès –, d’une ignorance encyclopédique à ce propos, hier. Des mètres linéaires d’archives en témoignent, comme tous les historiens le savent, des mètres d’archives, où reposent les interventions des 1 200 députés et des multiples délégations de citoyens venus à Versailles : une parole alors démocratique, une mobilisation citoyenne, un vrai débat parlementaire, une construction réfléchie, progressive ont permis de passer d’un quadrillage mathématique en quatre-vingt-trois rectangles à une carte intégrant l’identité territoriale, l’économie locale, l’héritage historique. Tout le contraire de la méthode mise en œuvre aujourd’hui ! Tout Gouvernement de gauche responsable et progressiste aurait tenu, préalablement à toute réforme en profondeur de l’architecture territoriale et administrative de la France, à organiser un large débat public associant les collectivités territoriales, les élus, les organisations syndicales, les usagers des services publics et l’ensemble des citoyens. Ce n’est pas ce qui s’est passé.

L’argument du mille-feuille territorial auquel prétend s’attaquer le Gouvernement, argument martelé sur toutes les ondes, n’est qu’un alibi pour confisquer les pouvoirs locaux et éloigner les centres de décision de nos concitoyens, alors que ces derniers, principales victimes de la crise, sollicitent, je l’ai dit, une proximité toujours plus importante avec leurs élus. Le fameux argument du mille-feuille, des prétendues mutualisations nécessaires, c’est le cache-misère de la réforme, utilisée comme une machine à austérité, avec le passage au crible de toute l’action publique pour qu’elle mette ses moyens au service du capitalisme mondialisé, avec une mise en concurrence renforcée des territoires ; le ministre de l’intérieur l’a ouvertement dit hier.

De plus, comment concevoir un fonctionnement transparent et démocratique de nos institutions en créant des féodalités territoriales qui ne manqueront pas de nier l’échelon local et de contester l’autorité de l’État ? Je le répète, l’entêtement à faire adopter cette réforme qui va un peu plus éloigner la population de ses élus est une réponse préoccupante après les élections municipales et européennes, qui ont sanctionné l’autoritarisme, l’éloignement et le mépris du pouvoir pour les Français.

Cette réforme territoriale vise également à faire disparaître les communes. Pour la première fois, le Président de la République s’est fixé pour but leur disparition en déclarant : « L’intercommunalité deviendra la structure de proximité et d’efficacité de l’action locale. »

À terme, un autre échelon essentiel des institutions républicaines, le conseil général, sera aussi supprimé. Dans un premier temps, il est appelé à être vidé de ses compétences.

M. Dominique Bussereau. C’est scandaleux, vous avez raison !

M. Alexis Bachelay. Alors, il faut tout garder ?

M. André Chassaigne. C’est pourtant l’indispensable échelon intermédiaire de proximité, incontournable pour faciliter et porter des logiques de projet sur la base d’une connaissance fine de son territoire, par le maillage que ses services ont construit et par l’ancrage de ses élus sur le terrain.

Cette réforme s’inscrit dans une volonté de façonner la République pour la rendre compatible avec les projets libéraux d’une Europe des régions, d’une Europe fédérale aux nations morcelées. Ces orientations sont lourdes de dangers, et dépassent largement les politiques de décentralisation menées depuis 1982. Avec cette réforme, c’est ni plus ni moins que la fin de la démocratie locale, par l’éloignement des élus et des centres de décisions des citoyens. Alors que nous ressentons dans nos permanences un besoin grandissant de proximité et de rapprochement des élus et des citoyens, le redécoupage des régions et la suppression des départements accentueront le sentiment d’abandon dans les territoires.

Mes chers collègues, cette réforme, présentée comme une nouvelle étape de la décentralisation, cache aussi, en réalité, une recentralisation des pouvoirs, qui seront articulés autour de quatorze grandes régions et quelques grandes métropoles, conformément, une fois encore, aux politiques libérales de l’Europe actuelle. En cisaillant de la sorte nos régions, ce sont des pans entiers de nos territoires qui seront délaissés pour favoriser les zones les plus riches sur le plan économique. Présentée comme une volonté de simplifier l’administration, cette réforme n’est ni plus ni moins que la mort annoncée du modèle républicain français.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. André Chassaigne. La nouvelle carte territoriale qui se dessine suscite en nous une inquiétude très grande. L’essentiel des richesses – entreprises, universités, centres de recherches – sera concentré au cœur des métropoles et soutenu par la puissance publique régionale. Les entreprises s’y livreront une compétition sans merci, tandis que nos territoires ruraux seront progressivement délaissés et voués aux reculs économiques et sociaux. On peut légitimement s’interroger sur la réaction qu’aurait suscité, chers collègues de gauche, une telle réforme de la part des exécutifs régionaux actuels, si elle avait été portée par la droite !

Fruits des grandes avancées républicaines qui ont jalonné notre histoire, nos collectivités ne peuvent être découpées en fonction de calculs politiques, inspirés par les futures échéances électorales et dictés par l’obsession de la compétitivité et des critères de rentabilité. Imposées par les politiques libérales, les réductions de dépenses publiques, sur lesquelles se calquent les choix des gouvernements successifs, saignent nos collectivités. Depuis plusieurs années, elles sont confrontées à une réduction drastique de leurs budgets. Ainsi, après compensation, la suppression de la taxe professionnelle a déjà représenté un manque à gagner de 8 milliards d’euros pour les collectivités.

À titre de comparaison, en 2004, l’impôt des entreprises représentait 41 % des recettes fiscales des collectivités, et celui des ménages 42 % de ces recettes. En 2013, cette répartition a été modifiée au détriment des ménages, qui contribuent désormais à hauteur de 51 % de ces recettes, tandis que la part des entreprises est de 37 %. Ce sont donc bien les contribuables qui ont payé les cadeaux fiscaux dont ont bénéficié les grands groupes industriels et financiers, lesquels sont systématiquement exemptés de leurs responsabilités sociales, environnementales et territoriales.

M. Michel Issindou. Toujours de l’excès !

M. André Chassaigne. De plus, les collectivités sont frappées de plein fouet par la terrible cure d’austérité imposée au pays. Leurs dotations sont restreintes jusqu’en 2017. Le Gouvernement ne s’en cache pas. Ainsi, après deux années de gel, après la baisse des dotations de 1,5 milliard déjà réalisée en 2014, leurs dotations baisseront de 11 milliards sur les trois prochaines années. Dès 2015, on nous annonce une refonte complète de la dotation générale de fonctionnement et de ses critères d’attribution, pour encourager les comportements dits vertueux. Les dépenses de chaque collectivité seront alors encadrées par l’attribution de ressources différenciées, impliquant les regroupements de structures, la mutualisation des services et une autonomie financière restreinte. Il s’agit d’imposer une austérité sans précédent aux collectivités territoriales, au nom du redressement des comptes publics exigé par l’Europe libérale. C’est aussi le meilleur moyen pour livrer aux appétits de grands groupes privés des pans entiers de services publics locaux qui étaient jusqu’ici gérés par les collectivités.

Alors qu’elles réalisent 72 % des investissements publics et ne représentent que 9 % de la dette publique globale, alors qu’elles assument, avec une efficacité reconnue, des services indispensables à la population, les collectivités territoriales vont être asphyxiées par l’État, avant même la disparition programmée des départements, partenaires privilégiés des communes.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. André Chassaigne. Ce sont pourtant ces investissements, monsieur le ministre, qui ont protégé nos concitoyens des effets dévastateurs de la crise actuelle. Or c’est bien ce rôle d’amortisseur social qui disparaîtra si des métropoles et des régions surdimensionnées voient le jour à l’issue de cette réforme !

Ce redécoupage, c’est aussi la négation de toute politique d’aménagement équilibré du territoire. Jusqu’à présent, l’État, garant de l’égalité entre les territoires, menait une politique d’aménagement du territoire s’apparentant à une irrigation territoriale, visant à assurer un égal accès aux services publics locaux et à répartir – certes de manière plus ou moins équitable – les richesses produites. Aujourd’hui, dans le cadre de cette recentralisation rampante, l’État va surtout encourager le drainage des richesses et des savoirs en direction d’une quinzaine de territoires à vocation métropolitaine. Finis les systèmes de péréquation et la solidarité nationale !

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. André Chassaigne. J’en viens maintenant aux économies annoncées à grand renfort de publicité dans les médias. Nombreux sont les économistes qui parlent d’économies de bouts de chandelles, d’effets d’annonce. En effet, dès que l’on augmente la taille d’une structure, les frais généraux augmentent : tous les constats le montrent.

M. Jean Lassalle. Bien sûr !

M. Marc Dolez. C’est évident !

M. André Chassaigne. Sans compter que les changements d’organigramme causent toujours des traumatismes humains qui ont un coût en termes d’efficacité, et sont très longs à guérir. Le coût des synergies brisées et l’anéantissement des manières de travailler développées avec les partenaires institutionnels et associatifs ne sont pas non plus pris en compte.

L’agence de notation américaine Moody’s elle-même dit que les mesures annoncées n’entraîneront pas d’économies dans les années qui viennent, car elles ne feront que distribuer les coûts vers d’autres organes de l’État. Comment nier que le déménagement des services à marche forcée causera des dépenses supplémentaires ? Avez-vous anticipé les frais de déplacements, les frais d’envoi, les frais de déménagement des services ? Quand un agent viendra de Lyon, plutôt que d’Aurillac ou de Moulins, pour une réunion dans un collège du Cantal ou de l’Allier, est-on bien certain que le fonctionnement coûtera moins cher aux collectivités regroupées ?

M. Marc Dolez. Ça promet !

M. André Chassaigne. À moins, comme je le crains, qu’il ne s’agisse tout simplement de restreindre le service public par un suivi purement technocratique.

M. Marc Dolez. Ça va se terminer ainsi, bien sûr !

M. André Chassaigne. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je crois sincèrement qu’il n’est pas bon de débattre ici, dans l’urgence, d’une réforme qui n’est pas le fruit d’échanges de long terme, et n’a pas fait l’objet d’un débat de fond avec les élus des territoires concernés. Je profiterai donc de cette intervention pour reprendre quelques-unes des préoccupations dont m’ont fait part les élus, ou dont ils ont fait part à la population. Il s’agit d’arguments concrets, auxquels vous pourriez répondre, messieurs les secrétaires d’État.

Je commencerai par citer les témoignages de conseillers régionaux d’Auvergne. Voici le premier : « Comment peut réellement croire que 150 conseillers régionaux puissent se rendre dans les quelque 500 conseils d’administration des collèges et lycées que comptera la méga-région Rhône-Alpes-Auvergne ? Comment peut-on raisonnablement imaginer que 150 conseillers régionaux seront disponibles pour aider à résoudre les problèmes de fonctionnement de ces établissements ? »

M. Michel Issindou. Ils y vont déjà !

M. André Chassaigne. Certains y vont, c’est vrai.

Quelques précisions pour compléter ce témoignage : on envisage, pour un département comme le Puy-de-Dôme, qu’une quinzaine de conseillers régionaux – au lieu de 23 – devront siéger chacun dans 14 conseils d’administration de lycées et collèges, sans compter les suppléants.

M. Marc Dolez. C’est édifiant !

M. André Chassaigne. C’est édifiant en effet. Cela en dit long sur les relations qui s’établiront entre les établissements scolaires et les nouveaux conseils régionaux.

Deuxième témoignage : « La création de grosses structures technocratiques va accentuer les inégalités territoriales et accroître encore plus les fractures entre zones rurales et milieux urbains. C’est l’enclavement assuré pour des départements comme l’Allier ou le Cantal qui vont progressivement être voués aux reculs économiques et sociaux ». Ainsi s’exprimait un conseiller régional avec lequel je m’entretenais. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a d’ailleurs fait allusion à cette question hier.

Le troisième témoignage montre le danger d’une fuite des centres de recherche, des universités et des moyens financiers vers la métropole lyonnaise. Claude Devès, éminent avocat et universitaire clermontois, s’interrogeait justement à ce sujet dans une tribune du quotidien La Montagne : « Le cancéropôle n’est pas un bon exemple de coopération entre Lyon et Clermont. Il est géré depuis Lyon et les universités vont devoir faire preuve d’un volontarisme certain pour s’afficher par rapport aux universités lyonnaises. Combien d’étudiants, plus mobiles que naguère, seront tentés d’aller poursuivre leurs études à Lyon, et ils auront raison, même si à titre personnel je n’approuve pas cette transhumance. »

Vous voyez que ces témoignages parlent de problèmes et de conséquences concrètes.

M. Jean Lassalle. Tu as raison, André, cette réforme ne se fera pas. La Révolution emportera tout cela ! Moi, je ne peux pas parler, alors je m’en vais ! (M. Lassalle quitte l’hémicycle.)

M. André Chassaigne. Je vais à présent vous lire le texte d’une intervention faite par un conseiller général lors d’une réunion du conseil général du Puy-de-Dôme, que je trouve très intéressante. « L’essentiel de l’action publique locale s’avère important pour nos concitoyens. En 2013, sur 100 euros engagés par les départements, 50 euros vont à l’action sociale sous toutes ses formes, 8 euros vont à l’éducation, 13 euros aux routes et aux opérations d’aménagement, 5 euros aux transports publics de voyageurs, et dans les faits, 7 euros dans les services généraux. Les économies recherchées en partie sur les indemnités des élus locaux, dont les deux tiers sont des bénévoles, vont aussi se traduire par une réduction de services. Autant dire que les économies seront assumées par les habitants sous toutes les formes : hausse des tarifs de la cantine, de la piscine intercommunale, baisse des subventions aux associations, hausse du prix des transports publics, fermeture de services publics jugés non rentables, abandon des politiques d’aménagement urbain, retards dans les investissements nouveaux, décalage des opérations sur l’habitat et le logement, augmentation probable des impôts locaux. Voilà ce que l’on risque de constater, selon les cas de figure, dans la vie quotidienne de nos collectivités. Une telle démarche soumet de fait les droits des personnes les plus vulnérables, parfois nos amis, nos voisins, aux contraintes strictes des capacités financières de l’État ou des collectivités. On ne peut pas sacrifier les droits sur l’autel d’une austérité budgétaire qui ne cherche qu’à obéir aux injonctions des marchés financiers. Les collectivités locales et les habitants n’ont rien à gagner à ce plan, sinon de ressentir plus encore les injustices qui minent notre société ».

Je vais vous livrer maintenant un autre témoignage, celui du président du groupe de la gauche socialiste majoritaire au conseil général du Puy-de-Dôme : « Que vont devenir, par exemple, les 124 points d’accueil médico-social qui maillent l’ensemble du département, mis en place par le Conseil général dans un souci de proximité et d’accès facilité aux usagers ? Qu’adviendra-t-il de la gestion départementalisée des listes d’attente en EHPAD – établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – en partenariat avec les CLIC – les centres locaux d’information et de coordination –, ou de la territorialisation de l’accueil de la MDPH – maison d’accueil des personnes handicapées ? »

M. Marc Dolez. Bonnes questions !

M. André Chassaigne. Ce conseiller général poursuit ainsi : « À la lecture du document consacré au programme départemental d’insertion pour les années 2014 à 2016, on peut également se demander qui pourra bien assurer cette mission en lieu et place du département. Au-delà du versement du RSA, je pense à l’ensemble des politiques d’insertion, aux actions d’insertion sociale sur les territoires, aux chantiers et ateliers. L’insertion n’est pas un ensemble de mesures sectorielles et isolées. Elle doit nourrir et se nourrir des grandes orientations qui structurent l’action de la collectivité dans son ensemble. En somme, les politiques d’insertion sont transversales et nécessitent une déclinaison territoriale. Qui, dans l’ère post-départements, assurera cette charge, d’autant plus importante en période de crise ? »

Et encore : « Je rappellerai que 14,3 % des Auvergnats vivent sous le seuil de pauvreté, et que le nombre de bénéficiaires du RSA-socle est en hausse. »

« Depuis trente ans, les départements se sont évertué à donner un cadre global aux publics les plus défavorisés, et le Gouvernement s’apprête à vendre le social à la découpe. Je ne suis pas sûr que les bénéficiaires y gagnent au change.

Dans son rapport en date du 14 juin, l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée souligne d’ailleurs que les départements ont acquis « une réelle maîtrise des politiques sociales » et que, par conséquent, leur disparition est un « non-sens ». L’ODAS défend également l’idée que l’action des départements a permis de réduire considérablement les inégalités territoriales. »

M. Marc Dolez. Très bien !

M. André Chassaigne. Dans le même sens, je citerai aussi le vœu relatif à cette réforme territoriale, que la majorité de gauche du conseil régional d’Auvergne, c’est-à-dire les Verts, le Front de gauche et une partie des socialistes, a adopté sous un titre évocateur : « Une triste nouvelle pour la démocratie et la modernisation de nos institutions. »

Le texte est sans ambiguïté : « Le conseil régional d’Auvergne regrette les annonces faites par le chef de l’État et le Gouvernement au sujet de la réforme territoriale comprenant la fusion des régions et la suppression des départements d’ici 2020. Ces annonces ont été faites contre vents et marées et en catimini. C’est une réforme qui démantèle l’organisation territoriale de notre pays. Elle portera un coup fatal à notre démocratie locale. Le conseil régional d’Auvergne dénonce le passage en force que compte opérer l’État, sans écouter ni entendre les arguments des élus, toutes appartenances politiques confondues. Concrètement cette réforme ne s’écrit pas avec les élus mais contre eux ».

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. André Chassaigne. Après avoir rappelé quelques vérités sur le nouveau redécoupage et l’absence de débat démocratique, le conseil régional estime enfin que cette réforme aura pour effet « d’étouffer les initiatives régionales, de ralentir les circuits de décision et de stopper la modernisation de notre pays. En conséquence, le conseil régional d’Auvergne se prononce contre ce texte et se prononce pour l’écriture d’une autre réforme. »

Et que dire également du désarroi et des inquiétudes des personnels territoriaux ?

M. Dominique Bussereau. C’est très vrai !

M. André Chassaigne. C’est un sujet qui sera peut-être également abordé par les prochains orateurs. Mais il l’a peu été et² ces personnels sont totalement absents du débat qui s’est engagé.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Eux, qui sont au service permanent de nos concitoyens, ne se font pas d’illusions. Avec cette réforme, il s’agit de tailler dans les effectifs et de mutualiser des services.

M. Marc Dolez. Évidemment !

M. André Chassaigne. C’est ainsi un vaste de plan de licenciements qui s’annonce !

M. Marc Dolez. Hélas !

M. André Chassaigne. Voici un extrait du courrier que des représentants syndicaux des personnels territoriaux ont fait parvenir aux parlementaires auvergnats : « L’inquiétude des populations, des organisations syndicales et des élus locaux n’a rien à voir avec le conservatisme : elle reflète leur sens des responsabilités comme leur connaissance des hommes et du terrain.

M. Alexis Bachelay. Et leur volonté de changement !

M. André Chassaigne. Qui peut croire sérieusement que les transports scolaires dans l’Allier ou les collèges dans le Cantal, pour reprendre ces deux exemples, n’ont rien à craindre à ce que leur gestion soit transférée à un conseil régional, qui plus est situé à Lyon ?

M. Marc Dolez. Évidemment !

M. André Chassaigne. Qui peut croire sérieusement, alors que la dotation générale de fonctionnement des collectivités est massivement réduite, que les moyens du super-conseil régional Rhône-Alpes-Auvergne pourraient dépasser ou ne serait-ce qu’égaler la somme des moyens actuels des deux régions et des compétences départementales transférées ?

Les personnels territoriaux sont menacés de transferts massifs d’une collectivité à une autre avec concentration, mutualisation, regroupement et, probablement, suppressions de services au passage, voire externalisation conduisant à les privatiser.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Pas du tout !

M. André Chassaigne. Les fonctionnaires territoriaux n’ont pas dans ce processus de garantie de maintien dans leur emploi, leurs postes et leurs qualifications. Ils risquent de faire les frais et d’être ballottés dans les opérations de dépeçage des départements entre régions et intercommunalités qui s’annoncent ! Les agents des lycées et des collèges, déjà transférés en 2004, le seraient à nouveau, certains en deux temps, si des « métropoles » venaient se substituer au territoire républicain.

Les agents non titulaires pourront être laissés de côté et licenciés. Les deux lois n’imposent aucune création de comités technique paritaires et aucune concertation avec les personnels et les organisations syndicales. Et tout cela sans débat national, sans bilan des étapes précédentes de la décentralisation, si tant est que ces deux lois, typiquement parisiennes et énarchiques dans leur conception et leur contenu, puissent s’appeler des lois de décentralisation. »

Leur courrier s’achève ainsi : « Un parlementaire de toute tendance républicaine, attaché à l’égalité des citoyens et au débat politique, doit les faire prévaloir ».

Le statu quo n’est certes pas satisfaisant. Une réforme territoriale est sans aucun doute indispensable, mais elle doit s’appuyer sur des analyses et des diagnostics honnêtes. Une autre logique ancrée dans le respect des droits humains, de la solidarité et de l’égalité des territoires est tout à fait possible.

Pour cela, les évolutions institutionnelles doivent être mises dans les mains du peuple qui doit rester souverain pour construire la République. Des propositions innovantes pourraient ainsi prendre force ! Il s’agirait de définir les missions publiques en faisant le bilan de la décentralisation, en évaluant les effets de la péréquation, l’efficacité et la justice fiscale.

Ce qui importe avant tout, ce sont les services que rendent les collectivités territoriales et les actions qu’elles développent pour répondre aux besoins des populations et aux grands enjeux économiques, sociaux, culturels, éducatifs ! Autant d’objectifs qui permettraient alors de construire l’architecture pertinente pour la France du XXIsiècle au service des populations et des entreprises.

C’est bien sur le critère des objectifs à atteindre que doit être fondé le questionnement sur l’organisation institutionnelle. Notre pays n’est pas étouffé par un « mille-feuille » indigeste ni par un prétendu jacobinisme sclérosant.

M. Alexis Bachelay. Cela n’existe pas, bien sûr !

M. André Chassaigne. En s’attaquant aux collectivités territoriales, à leur structure, à leurs compétences, à leurs personnels, à leurs moyens financiers, le Gouvernement bouleverse l’édifice républicain, non pour le rendre plus démocratique mais pour l’inscrire dans une construction fédéraliste.

M. Bertrand Pancher. Bravo !

M. André Chassaigne. La France et ses territoires sont avant tout victimes de l’austérité imposée par le capitalisme qui, chaque année, restreint les dépenses utiles, rogne les services publics et porte atteinte aux aides apportées à nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

C’est pourquoi, il n’est pas acceptable que le débat fasse l’impasse sur une question décisive : la création de recettes budgétaires nouvelles permettant aux collectivités d’assumer pleinement leurs compétences et de conduire avec efficacité les politiques voulues par le suffrage universel. Chaque niveau doit avoir son assemblée élue avec des moyens fiscaux permettant de mener à bien les projets construits avec les citoyens.

Voilà pourquoi nous apportons au débat des propositions de réformes fiscales audacieuses, qui mettent à contribution les sommes indécentes, provenant des revenus financiers, qui continuent d’échapper à toute contribution de solidarité.

Par ailleurs, préalablement à toute autre réforme, nous demandons un bilan public des dernières lois de décentralisation, afin que nos concitoyens soient les acteurs avisés des futures réformes territoriales, qui devront être validées par la tenue de référendums d’initiative locale ou de toute forme de consultation citoyenne sur l’avenir de chaque collectivité, sur leur périmètre comme leurs compétences. Nous mettrons ainsi les citoyens au cœur du processus.

Pour nous, le renforcement de la démocratie et de la proximité est les fils conducteurs d’une véritable réforme. Notre pays a besoin d’une participation citoyenne accrue afin que les populations soient pleinement associées à la construction des politiques publiques locales. C’est pourquoi, à l’opposé des mégastructures proposées par le Gouvernement, nous pensons aussi que la commune doit retrouver sa place et devenir le poumon de la démocratie locale.

M. Alexis Bachelay. Et l’intercommunalité ?

M. André Chassaigne. Les trois niveaux de collectivités, commune, département et région, sont indispensables pour l’harmonie sociale et la politique de solidarité, qui est complémentaire de l’action de l’État. Afin de répondre aux besoins des populations et de la vie démocratique de nos territoires, ces collectivités doivent disposer d’assemblées élues à la proportionnelle, dotées de ressources fiscales propres et assurées de la clause de compétence générale.

Nous aurons l’occasion de revenir dans l’examen des articles de ce texte une nouvelle fois sur les conséquences néfastes des dispositions qu’il contient.

M. Marc Dolez. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Le dessin nouveau, amélioré par le travail parlementaire, de la carte des régions, est l’élément déclencheur d’une réforme de fond, l’acte III de la décentralisation, même si j’aurais aimé que la carte départementale soit plus finement dessinée. Si le résultat n’était que de faire remonter à la région des compétences départementales, nous n’aurions rien réglé pour la France, notamment pour le redressement économique et l’emploi. Attention, monsieur le secrétaire d’État, à ne pas transformer la région en collectivité de gestion. Son cœur de métier, c’est le développement économique et l’emploi.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Alain Rousset. Comme tous ceux qui ont comparé les modèles d’organisation des pouvoirs publics, je pense que la décentralisation est la mère des réformes. Elle seule peut nous faire passer d’une organisation publique où la relation à l’État est d’ordre messianique, comme l’écrivait déjà Michelet au XIXsiècle, à une organisation de responsabilité. Chaque fois que le législateur a confié précisément et exclusivement une responsabilité à une collectivité, celle-ci a été exercée avec plus d’efficacité et d’égalité sur le territoire.

La démocratie est donc la réconciliation de nos concitoyens avec l’action publique, qui y gagne car ils savent qui fait quoi, qui est responsable de quoi. Ils peuvent ainsi juger, sanctionner, ou valider. C’est aussi une des conditions de la réforme de l’État. La culture de notre pays, son illusion lyrique sur l’appareil d’État, qui devrait tout faire et tout assumer, est mortifère, à l’heure du numérique et de la compétition internationale.

Paradoxalement, la demande de l’État, dont nous parlons parfois dans cette assemblée, tue en réalité ses missions régaliennes. Les exemples des besoins de la défense, de la sécurité, de la justice, de la santé, de l’éducation, nous imposent d’admettre une bonne fois pour toutes que la décentralisation, en l’occurrence la régionalisation de l’action territoriale, permettrait à l’État de regrouper ses forces là où il est efficace et où nous en avons besoin.

L’exemple de l’action économique et de l’emploi est évident. Certes, l’État ne doit surtout pas se retirer de ce domaine : la fiscalité, les charges, les normes, les grands programmes industriels sont du domaine de l’État. Le Président de la République et le Gouvernement ont engagé les réformes de fond.

Mais le ressourcement de notre appareil productif passe d’abord par les PME, les entreprises de taille intermédiaire – les ETI –, et les très petites entreprises. Les grands groupes sont aspirés vers l’international et leurs besoins sont davantage liés à leurs ressources technologiques. Nous manquons d’ETI, qui sont les entreprises qui créent aujourd’hui le plus d’emploi et de richesse.

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. Alain Rousset. Nous en comptons 2 900 en France, contre 15 000 en Allemagne. Or, il n’y a pas d’ETI où les régions sont faibles. Elles sont, en quelque sorte, la classe moyenne des entreprises, comme les régions sont la classe moyenne des collectivités territoriales.

M. Charles de Courson. La classe moyenne supérieure !

M. Alain Rousset. Nous savons qu’un pays où disparaissent les classes moyennes perd de sa substance. Nos PME sont aujourd’hui trop petites. Il faut accompagner leur croissance. Or, dans ce domaine, nos régions ont aujourd’hui cinq fois moins de moyens que les autres régions européennes.

Nos PME sont en concurrence avec leurs homologues européennes ; c’est l’une des premières causes de la dégradation de notre industrie. Quand les régions dépensent en innovation 480 millions d’euros, les Länder allemands dépensent 9 milliards d’euros. Comment, dans ces conditions, peut-on redresser notre appareil productif ?

S’appuyant sur l’exemple des modèles d’organisation qui réussissent, les régions revendiquent d’abord de voir conforter leurs moyens financiers propres et dynamiques, comme l’écrit le Président de la République, dans leur cœur de métier : l’accompagnement des PME, l’emploi, le financement décentralisé de l’économie. Le fait qu’elles portent le décloisonnement de la recherche, de la formation et de l’accompagnement des entreprises est essentiel.

Je veux vous donner un exemple de réforme à faire, dans un domaine que certains collègues connaissent bien, le service public de l’emploi, dans sa mission d’accompagnement des chômeurs.

En France, il est éclaté, émietté, par exemple entre 173 organismes en Bretagne, autant en Midi-Pyrénées, autant en Aquitaine. Pire, et sans que la qualité des agents soit en cause, ce service public compte, pour 10 000 chômeurs, 71 agents en France, contre 130 en Angleterre et 150 en Allemagne. Dans ces deux pays, le coût du service est inférieur, mais les chômeurs accompagnés de façon plus efficace.

M. Laurent Furst. C’est exact.

M. Alain Rousset. Quant au coût de la réforme, ou plutôt aux économies qui lui seraient liées, ne disons pas aux Français que nous allons en réaliser, au moins dans les premières années.

M. Dominique Bussereau. C’est vrai.

M. Alain Rousset. D’abord parce que des régions plus grandes auront à organiser sur le territoire des services de proximité. Les régions françaises ne laisseront pas tomber la proximité et l’accompagnement des territoires. Elles procéderont à des mutualisations, renforceront l’ingénierie, ce qui est une bonne chose. En effet, avec la disparition des conseils généraux,…

M. Dominique Bussereau. Hélas !

M. Alain Rousset. … il faudra bien, dans les années qui viennent, assurer cette proximité.

Ensuite parce que nous aurons à harmoniser, par le haut, le dispositif des primes au personnel. Mais ne disons pas, comme notre collègue Chassaigne, que l’Europe des régions serait une évolution libérale de notre société.

M. Charles de Courson. Oh, libéral, ce mot fait frémir ! (Sourires sur les bancs du groupe UDI)

M. Alain Rousset. Bien au contraire : partout où les régions sont fortes, l’emploi progresse, l’égalité des territoires avance, de nouveaux services publics se créent. Ainsi, nous débattions récemment du CV anonyme : en dehors de certaines régions qui y recourent depuis de longues années, personne ne l’a encore mis en place.

En revanche, des économies sont possibles, en supprimant les doublons, « triplons », voire « quadruplons », qui existent entre les services de l’État et ceux des régions.

Il est temps de choisir, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, entre la décentralisation et la déconcentration. Nous ne pouvons plus, désormais, payer les deux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UDI).

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Nous abordons l’examen de ce qui devrait être appréhendé comme la mère des réformes structurelles, attendue depuis si longtemps ; une réforme primordiale, puisqu’elle questionne la gouvernance même de notre pays.

Voilà cinq ans, le rapport Balladur partait du constat suivant : en dépit de maintes tentatives de décentralisation, la France n’a toujours pas choisi entre une centralisation perpétuée et une décentralisation inachevée. Je rejoins là monsieur Rousset.

Ce constat confirme une observation que je faisais dans un rapport déposé en février 2006 sur l’équilibre territorial des pouvoirs : la décentralisation de notre pays oscille encore entre ferveur et désenchantement.

Fort de ce diagnostic, cinq ans après la publication du rapport Balladur, qui soulignait l’urgence d’agir, aurons-nous enfin le courage de choisir et décider ?

Choisir quel avenir nous proposons à la France et à ses territoires. Décider d’entreprendre une mutation profonde de notre organisation territoriale.

Quelle est en effet la situation actuelle ? Un inextricable enchevêtrement des instances et des compétences, services de l’État inclus, multipliant les instances de décision, plombant les coûts, allongeant les délais et, ce qui est sans doute le plus grave, rendant l’action publique illisible pour nos concitoyens.

Cet enchevêtrement, qui, rappelons-le, place la France dans une situation unique en Europe, suffirait à lui seul à justifier l’impérieuse nécessité de réformer notre organisation territoriale. Car cette réforme doit d’abord viser une autre gouvernance de notre pays : plus efficace, plus économe, plus lisible.

Elle doit nous permettre de répondre aux défis de la mondialisation, en nous appuyant sur les territoires, en particulier sur les régions, qui en sont les moteurs à l’échelle de l’Europe.

Monsieur le secrétaire d’État, si nous voulons atteindre ces objectifs, la réforme territoriale devra avant tout respecter les conditions d’une décentralisation assumée, et se conformer à un certain nombre d’exigences.

La première de ces exigences est la cohérence. Or, monsieur le Premier ministre l’a reconnu lui-même à mi-mot : durant ces deux dernières années, et lors de l’examen des différents projets de loi relatifs à notre organisation territoriale, nous avons subi une méthode plutôt chaotique…

M. Dominique Bussereau. En effet !

M. Michel Piron. …en abordant la question des grandes villes et des métropoles avant même de discuter du sort des régions qui les englobent, sans évoquer, ou presque, les communautés et les communes, qui participent pourtant à l’architecture de l’ensemble. Aujourd’hui encore, redisons-le, la logique eût voulu qu’on abordât le contenu avant le contenant…

M. Thierry Benoit et M. Charles de Courson . Il a raison !

M. Michel Piron. …en tranchant les questions touchant aux compétences et aux ressources fiscales des régions avant de nous prononcer sur leur périmètre et le calendrier.

J’en conviens néanmoins, après le désordre qui a marqué ces deux dernières années, les deux projets de loi qui nous sont présentés s’organisent, à bon escient, autour des régions, sur lesquelles se sont appuyés tous les pays qui nous entourent. La réforme leur accordera-t-elle, à l’instar de ce qu’ont fait nos voisins européens, un réel pouvoir organisationnel – je pèse mes termes – et réglementaire, seul capable de répondre à la diversité de nos territoires ? Le débat nous le dira à l’automne.

Qu’il s’agisse du développement économique ou de la formation professionnelle, de l’aménagement de territoire ou du logement, des transports et des grands équipements, de l’enseignement et de la recherche, du tourisme, de la culture, sans occulter la question essentielle des solidarités aujourd’hui assurées par les départements, les régions peuvent jouer un rôle à la fois stratégique, par construction, et de proximité, par subsidiarité et par délégation.

Cela passera par une tout autre organisation entre régions, départements et métropoles d’une part, et intercommunalités et communes d’autre part. Et c’est là que peut se poser la question des dimensions régionales, mais là seulement, car compétences et découpage de la carte régionale sont indissolublement liés.

Au passage, j’évoque un problème qui n’a peut-être pas été assez soulevé, y compris dans les médias : celui de la périphérie de l’Île-de-France. Toute cette zone est à la fois la plus riche, la plus peuplée, la plus dense, la plus attractive ; mais de fait, on ne trouve aucune métropole concurrente à proximité de Paris.

C’est le problème – que vous avez, semble-t-il, essayé de résoudre –, de la Picardie, de la Champagne-Ardenne, voire du Centre : ces régions sont nées d’un déséquilibre territorial à l’échelle du pays. Dans d’autres cas, certains invoquent l’histoire – notamment pour contester la réunion des Pays de Loire et de la Bretagne.

M. Paul Molac. Certes !

M. Michel Piron. Mais j’en reste pour l’heure aux critiques d’ordre général. Trop grandes, les régions seraient aussi trop lointaines pour arbitrer les équilibres entre métropoles, villes moyennes et territoires ruraux ; trop petites, elles n’auraient pas les moyens de leur politique.

Voilà pourquoi je souscris au compromis autour de 14 ou 15 régions qui concilient stratégie et proximité, et assemblent, autant que faire se peut, sans démanteler.

Cela rejoint d’ailleurs les préconisations du rapport Balladur, qui proposait de modifier les limites territoriales des régions, pour en réduire le nombre à une quinzaine.

Pour autant, j’accorde, comme l’ensemble des députés du groupe UDI, une grande importance au respect des spécificités territoriales. Une réforme digne de ce nom doit savoir tenir compte de ces spécificités pour apporter des réponses diversifiées, adaptées aux besoins et aux caractéristiques de chaque territoire.

Gardons-nous donc d’imposer un modèle unique venu d’en haut, dicté par un jacobinisme condescendant, plus soucieux d’égalité abstraite que de solidarité concrète, alors qu’il s’agit d’impliquer les différents acteurs et citoyens dans les décisions qui les concernent.

Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez indiqué en commission : il n’existe pas de carte idéale, qui puisse satisfaire l’ensemble de nos concitoyens et des élus. Soit.

Pour autant, accepterez-vous que le Parlement s’empare réellement des questions que soulève ce projet de loi ?

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Michel Piron. Nous jugerons sur pièce. Pour ma part, je suis convaincu que les régions ont tout à gagner en se construisant, et je pèse mes termes, sur des complémentarités. Et cela vaut notamment dans le cas de la Bretagne et des Pays de Loire, auquel je veux maintenant revenir.

M. Éric Straumann. Sans oublier l’Alsace !

M. Michel Piron. Quand les présidents d’université de Bretagne et de Pays de Loire achèvent la constitution d’une grande université – qui réunit l’ensemble des établissements de Rennes, Brest, Nantes, Angers, Le Mans et j’en passe –, ignorent-ils, tous comme les chercheurs, leurs régions ? Ignorent-ils les enjeux qui sont nationaux, européens, mondiaux ? Quand des chambres de commerce et d’industrie des deux régions, ainsi que le conseil économique et social régional des Pays de Loire, se prononcent pour une seule région Bretagne - Pays de Loire, sont-ils aussi peu représentatifs des acteurs économiques et sociaux qui ont fait ce choix ? Sont-ils inconscients ? Méconnaissent-ils leurs territoires ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Les maires de Rennes, Brest et Nantes sont-ils irresponsables, moins représentatifs, en tout état de cause, que des bonnets rouges ? Oui, je crois et je suis convaincu, pour ma part, que les régions ont tout à gagner à se construire sur des complémentarités, bien plus que sur des similitudes  et à ne pas s’enfermer dans les replis de l’entre-soi, voire des fantasmes identitaires.

C’est la raison pour laquelle je défendrai une fusion entre Bretagne et Pays de Loire.

Et cette question, vous le savez, n’est pas partisane : elle dépasse largement les étiquettes et les postures. C’est pour cela aussi qu’elle nous importe tant. Les parlementaires vont pouvoir s’en expliquer au cours des débats qui vont suivre.

S’agissant des compétences et des ressources fiscales, que j’évoquais précédemment, beaucoup de questions demeurent sans réponse à ce stade de la discussion.

Quant à la réforme incertaine de l’État, elle doit impérativement accompagner la réforme territoriale dans la mise en œuvre d’une décentralisation véritablement assumée. Comment ne pas nous interroger, non seulement sur ce que nous attendons, mais tout autant sur ce que nous ne devons plus attendre de l’État ? Jusqu’où souhaitez-vous aller dans la déconcentration des services ? Les préfets se verront-ils enfin concéder un véritable pouvoir d’arbitrage interministériel, gage d’un dialogue d’une réelle efficience entre l’État et les collectivités locales ? J’y insiste, la réforme ne sera utile que si elle s’accompagne d’une révision concomitante du rôle de l’État.

À ce stade, alors que nos débats viennent de débuter et que la réunion de la commission n’a pas permis de conclure, beaucoup de questions restent en suspens. Faute de visibilité suffisante, nous attendons de voir l’évolution des débats en cours, en formant le vœu que puisse enfin se mettre en place une réforme ambitieuse, qui fasse le pari de l’intelligence collective, partagée entre l’État et les collectivités, entre les territoires et la capitale, entre les citoyens et dans ce qu’elle a finalement de meilleur, la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, en l’absence de mon collègue et ami François Sauvadet, qui n’a pu être présent ce matin, il me revient de vous donner lecture de son intervention.

La réforme, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, nécessite, certes, beaucoup de volonté, et sans doute du courage, mais aussi une vision de ce que l’on veut pour le pays et son avenir. Mais franchement, dans quel pays sommes-nous ?

Il y a un peu plus d’un an, nous étions appelés à voter une loi instaurant un binôme cantonal et redécoupant tous les cantons de France. M. Valls, alors ministre de l’intérieur, nous disait, le mardi 16 avril 2013, à cette même tribune : « Avec ce mode de scrutin, nous préservons le département et approfondissons notre démocratie départementale ». Et un an plus tard, on nous annonce la suppression des départements et le redécoupage des régions !

Oui, dans quel pays sommes-nous pour discuter d’une carte de quatorze régions décidée un soir de printemps dans un bureau de l’Élysée, sans le moindre débat public, sans la moindre discussion préalable sur les compétences et les moyens, si ce n’est entre élus du parti socialiste ?

On croit rêver quand on apprend au détour d’un tweet du rapporteur socialiste du projet de loi que le Limousin change de région. Et, après le travail en commission, le groupe socialiste nous annonce qu’une nouvelle carte est sortie hier.

Oui, je le pense vraiment, notre démocratie ne fonctionne plus comme elle le devrait.

Une telle réforme ne peut pas se concevoir ainsi sur un coin de table. Elle doit faire l’objet d’une définition rigoureuse de ce que nous voulons pour l’organisation de notre pays et de ses territoires : quelles compétences, avec quels moyens et quelles solidarités ?

Une telle réforme doit se discuter avec les acteurs locaux, avec les habitants.

Aujourd’hui, le moindre investissement dans nos communes nécessite un processus décisionnel, une procédure, de la réflexion, une enquête publique, des études d’impact, bref, de la concertation. Et, là, alors qu’on va engager une réforme cruciale pour notre pays, son développement, l’aménagement de son territoire, rien. Aucune concertation avec les habitants, aucun dialogue avec les élus locaux. De qui se moque-t-on, ai-je envie de demander ?

Dans une démocratie normale, on aurait assigné des objectifs à cette réforme, on aurait défini des critères, et, sur ces objectifs et ces critères, engagé des discussions avec nos concitoyens pour faire coïncider deux exigences : efficience et proximité. Et, là, une nouvelle fois, nous sommes confrontés à une méthode de gouvernement qui est insupportable dans une démocratie digne de ce nom.

Au lieu de parler de compétences, d’efficience de l’action publique, on nous parle de redécoupage. Oui, c’est une erreur.

Et puis, franchement, engager une telle réforme en session extraordinaire et dans l’urgence, est-ce bien sérieux, monsieur le secrétaire d’État, quand on connaît votre attachement au Parlement ?

Et que dire du Sénat, rangé au rang des accessoires par le Gouvernement, un Sénat qui représente les collectivités et qui, avec pourtant une majorité de gauche, a refusé cette réforme ?

Dans tout cela, quand s’intéresse-t-on aux habitants, aux populations de pans entiers du territoire national qui se sentent abandonnés et se trouvent ballottés d’une région à l’autre, au gré des discussions entre le parti socialiste et le Gouvernement, au gré des réunions du groupe socialiste ?

On nous parle de modernisation de la France quand, en réalité, on est en train d’organiser le plus grand désordre territorial que l’on ait jamais connu.

Une chose est claire, on va voir le plus grand recul de la proximité et le grand retour de l’État dans les pires conditions, puisqu’il n’a plus les moyens d’agir. Nous attendions l’acte III de la décentralisation, vous nous proposez l’acte I de la recentralisation. Bref, c’est une régression.

Quant aux arguments avancés pour justifier le redécoupage, ils mériteraient à tout le moins d’être débattus.

On nous dit vouloir de grandes régions européennes. Je sais, à ce jour, la Bourgogne est plus vaste que la Belgique. Le mariage avec la Franche-Comté fera-t-il de cet ensemble une région puissante, capable d’assumer l’innovation et les solidarités locales avec 71 milliards d’euros de PIB ? On peut se poser la question.

Sur le fond, vous ne cessez de citer le rapport Krattinger-Raffarin. Il rappelle que la recherche de régions plus fortes ne passe pas uniquement par un regroupement de ces régions. Selon ce rapport, « une meilleure efficacité de l’action publique est corrélée à l’approfondissement de la décentralisation », et, surtout, à « une clarification des compétences qui confierait à celles-ci – les régions – les compétences stratégiques destinées à préparer la France de demain ». À aucun moment, il ne parle de supprimer la collectivité départementale. Bien au contraire, il insiste sur son rôle indispensable en matière de gestion des services de proximité.

Pensez-vous sérieusement que le transport scolaire ou le réseau routier départemental soient des compétences stratégiques ? Ce n’est pas en supprimant les départements que nous allons créer des régions stratèges.

M. Thierry Benoit. C’est vrai !

M. François Rochebloine. En 2013, le budget des régions était de 27,4 milliards d’euros, soit 2 % de la dépense publique, dont une dizaine de milliards consacrés à l’investissement. Même après la fusion-absorption des compétences départementales, les régions françaises ne seront jamais l’égal de Länder allemands aux compétences régaliennes, police, justice, et au budget plus de dix fois supérieur.

Une vraie réforme aurait été de créer huit ou dix grandes régions dotées de vraies compétences stratégiques, en laissant la gestion de proximité au triptyque, département, intercommunalité et commune.

Je continue de penser que la bonne réforme, c’était d’abord de partir des compétences. La carte n’aurait dû venir qu’après ce débat. C’était d’ailleurs la philosophie de la réforme du conseiller territorial.

Monsieur le secrétaire d’État, vous parlez d’économies, mais tout le monde sait que c’est faux. Les 25 milliards d’euros annoncés au départ, non seulement n’ont cessé de fondre mais, surtout, le calcul qui y aboutit repose sur des modèles purement théoriques.

On peut difficilement agir sur le personnel des régions. Près des deux tiers des agents qu’elles employent, soit 52 000 sur un total de 82 000, sont des agents titulaires, les personnels techniques, ouvriers et de service, les TOS, travaillant dans les lycées.

En revanche, la Cour des comptes, en 2013, pointait les nombreux doublons qui existent avec les 82 285 agents de l’État dans les services déconcentrés. Il y aurait 25 000 agents en région ayant des fonctions de nature proche. On voit bien que le gisement d’économie se situe à ce niveau et que la réforme de l’organisation territoriale ne peut se concevoir sans réforme de l’État.

Mes chers collègues, il y a 1 245 structures, opérateurs de service public agissant pour le compte de l’État, de nature associative ou sous forme d’établissements publics, comme Pôle Emploi ou l’ADEME. Cela représente 442 900 agents et ces effectifs ont progressé d’environ 6 % entre 2007 et 2012, alors que ceux de l’État baissaient de 6 % dans le même temps.

Avec le découpage proposé, les indemnités de base passeraient de 1 520 à 2 660 euros. Après un petit calcul rapide, cela devrait coûter au total 35 millions d’euros supplémentaires à la charge des conseils régionaux sur la durée du mandat, hors charges patronales, preuve que l’étude d’impact mérite d’être précisée.

Je veux pour finir vous faire une proposition d’économie : il suffirait d’abandonner le changement de nom du conseil général en conseil départemental, puisque vous voulez le supprimer, et vous feriez ainsi économiser 100 millions d’euros aux départements. Voilà au moins une réforme utile.

Vous l’aurez compris, nous ne sommes absolument pas convaincus, ni par la méthode, ni par l’objectif affiché par votre texte, et nous vous invitons à ne pas persévérer dans l’erreur. Notre pays ne peut se permettre de sombrer ainsi dans le désordre et la confusion, car votre projet n’a pas fini d’agiter la France des territoires.

Vous me permettrez, pour terminer, de vous livrer mon sentiment personnel, celui d’un parlementaire élu d’un territoire proche de Lyon, un peu moins de Grenoble, mais se rattachant géographiquement au Massif central, et qui s’interroge sur la pertinence des découpages ainsi imposés.

Pour le Ligérien que je suis, le regroupement Rhône-Alpes-Auvergne peut sembler plutôt favorable à notre territoire, historiquement considéré comme en marge de la dynamique lyonnaise. C’est d’ailleurs pourquoi je ne conteste pas l’idée d’une vraie redéfinition de la carte de nos territoires et des régions qui n’ont pas encore d’histoire. Reconnaissons néanmoins qu’en moins de trente ans d’existence, le niveau régional a démontré sa pertinence, même si trop de régions ont aujourd’hui une taille insuffisante.

Ce qui est toutefois choquant dans cette réforme, c’est tout autant la méthode utilisée, brutale et centralisatrice, que l’objectif avoué, lui aussi très éloigné des enjeux de l’aménagement du territoire et, surtout, d’une démocratie locale de plus en plus malmenée.

L’idée même de mariages arrangés a de quoi choquer, tant cette formule est contraire à l’esprit de la décentralisation. Et que dire de cette logique arithmétique qui ignore les réalités territoriales, humaines et géographiques, alors même que nombre de liaisons routières et ferroviaires transversales laissent encore bien souvent à désirer ? Je connais bien la question avec une autoroute que l’on ne cesse de nous annoncer depuis plus de trente ans et qui n’est toujours pas là, la fameuse autoroute A45, que vous connaissez, monsieur le secrétaire d’État.

Il se dit aussi qu’un tel charcutage n’est peut-être pas étranger à la logique électorale.

M. Gérald Darmanin. Ah bon ?

M. François Rochebloine. Alors à tant faire, ne serait-il pas plus logique de vraiment tout remettre à plat ?

M. Gérald Darmanin. Oui.

M. François Rochebloine. Les limites régionales et départementales sont de vrais obstacles au développement lorsqu’elles ne respectent pas la réalité des bassins de vie. Nos régions sont assises sur des départements qui n’ont guère bougé en deux siècles. N’y aurait-il pas ici un vrai travail à entreprendre, en repartant lorsque cela se révèle nécessaire, d’une refonte de la carte départementale ?

Comme l’a suggéré très justement notre collègue et ami Jean-Christophe Fromentin, il faut partir de critères objectifs, les chiffres de l’INSEE pour l’essentiel, pour redessiner le territoire de manière pertinente. C’est à cette seule condition que l’on pourra réaliser un travail sérieux et durable permettant de réformer les métropoles et les conseils généraux, dans l’esprit de ce qui s’est fait pour Lyon et le département du Rhône. Cet exemple, qui, je crois, donne satisfaction, pourrait nous servir pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Estelle Grelier.

Mme Estelle Grelier. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la délimitation des régions participe d’une vision globale de la France, de la République, de son action publique et de son organisation, l’objectif étant de mettre en mouvement les territoires pour renforcer la compétitivité et l’attractivité de notre pays et, d’abord, favoriser l’emploi, dynamiser le développement économique, stimuler la transition énergétique, porter la stratégie numérique, mieux organiser les solidarités, bref, préparer l’avenir.

Pour bien appréhender les propositions qui nous sont faites, il est nécessaire de replacer les enjeux dans leur chronologie. En décembre dernier, nous avons adopté le projet de loi portant modernisation de l’action publique territoriale, qui reconnaissait le rôle essentiel des métropoles et des grandes agglomérations comme moteurs de la croissance économique et de l’attractivité des territoires et privilégiait notamment la contractualisation des différentes collectivités dans la mise en œuvre des politiques.

Ce texte, premier d’une série de trois, qui forment un tout cohérent, s’inscrivait dans la continuité des états généraux de la démocratie territoriale organisés au Sénat en octobre 2012 et impulsait un schéma clair : d’abord, créer des régions de dimension européenne, économiquement plus puissantes, afin de promouvoir un développement inclusif de nos territoires, des régions forces propulsives, ce qui est affaire de compétence au moins autant que de taille, et c’est décisif dans la mondialisation ; ensuite, conforter le bloc communal et la mutualisation au sein d’intercommunalités rendues plus fortes en augmentant leur taille et leurs compétences pour conforter les solidarités : enfin, repenser l’action publique et repositionner l’État dans son rôle de stratège, de garant de l’unité nationale et de la péréquation entre les territoires.

En outre, nous attendons aussi que l’Union européenne joue son rôle dans le financement des grandes infrastructures régionales. Le plan de 300 milliards d’euros annoncé par le nouveau Président de la Commission en début de semaine va dans ce sens.

Le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, propose donc un triple mouvement – de décentralisation, de réforme de l’État et de simplification – auquel devra nécessairement s’adosser une refonte globale des ressources des collectivités permettant leur libre administration.

La redéfinition des territoires est essentielle, nous en convenons tous, même si la modification des périmètres constitue toujours un exercice sensible au regard de l’histoire, des intérêts particuliers, des influences, des réticences, des résistances. Pourtant, cette réforme est annoncée depuis de nombreuses années, toujours évoquée mais jamais engagée. C’est un grand mérite, un grand courage aussi, du Gouvernement et de la majorité que de la proposer et de la réaliser.

Le redécoupage qui nous est soumis aujourd’hui, enrichi des amendements parlementaires, dépasse la simple vision des considérations historiques et culturelles – l’identité régionale, pour le dire vite – pour proposer des territoires d’avenir, de projets et d’ambitions pour chaque territoire et donc pour la nation tout entière, car c’est bien cela, la République décentralisée.

Les régions proposées, plus vastes, plus peuplées, plus fortes, plus dynamiques, répondent à des objectifs de développement et d’innovation, de création et de redistribution de richesses.

M. Gérald Darmanin. Avec quels financements ?

Mme Estelle Grelier. Je note – la France n’est pas une île, le monde ne nous attend pas – que ce mouvement, dans la diversité des histoires, des cultures, des institutions nationales, est global, et, notamment, européen.

Le redécoupage proposé permet de hisser plusieurs de nos futures régions parmi les vingt premières régions européennes les plus développées en termes de PIB.

M. Jean-Marie Sermier. Cela ne sert à rien !

Mme Estelle Grelier. La recherche de territoires pertinents, de lisibilité et d’autonomie dans et pour la gouvernance de nos collectivités est une des clés de la réussite du redressement économique, social et financier de notre pays.

Chers collègues, nous devons adapter notre organisation territoriale aux réalités du XXIe siècle pour relever les défis qui se présentent à nous, pour les citoyens, pour les salariés, pour les entrepreneurs, pour les territoires. Tel est le sens de l’histoire.

Je ne doute pas que nos débats seront à la hauteur de notre ambition, guidée par des objectifs déterminants : ceux du progrès, de la transformation et la modernisation de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Piron. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, « certains continuent de croire que moderniser la vie politique locale, c’est supprimer un échelon. Toutefois, on n’améliore pas l’efficacité des politiques publiques en éloignant les citoyens des décisions. » Ces paroles ne sont pas les miennes et je donne raison à leur auteur, M. Manuel Valls, qui les prononça au Sénat au mois de janvier 2013. Admirez l’homme de conviction que voici ! À l’image du Président, M. Valls change d’idée comme de costume.

Cette réforme répond à la recommandation faite par le Conseil européen à l’État français au mois de juin 2013. Le Gouvernement se fait ainsi le complice docile du projet politique de « régionalisation » de l’Union européenne visant à favoriser l’application des politiques communautaires.

Court-circuiter l’échelon étatique pour privilégier le lien direct Union européenne-région : voilà le meilleur moyen de contourner les réflexes et les résistances nationales du peuple français face à la construction fédérale européenne !

Dans un premier temps, André Vallini, le secrétaire d’État à la réforme territoriale, a évoqué 12 à 25 milliards d’économies. Puis, voici qu’André Vallini, à l’issue du Conseil des ministres du 3 juin, revoit son calcul de coin de table et ne prévoit plus qu’une économie d’une dizaine de milliards d’euros d’ici cinq à dix ans – ce qui constitue 5% des dépenses globales des collectivités territoriales.

Le nombre d’élus diminuera de 8,7 % pour 40 millions d’économies, soit, moins d’un euro par Français – encore que l’on peut douter d’une telle réduction en raison de l’agrandissement des régions qui augmentera le nombre d’habitants auquel le barème d’indemnités des élus régionaux est corrélé !

Ironie du calendrier, cette prévision de 40 millions d’économies a de quoi amuser en comparaison des 80 millions dépensés pour la construction de l’Hôtel de la Région Auvergne inauguré le 21 juin dernier, juste avant l’annonce de la disparition prochaine de cette région !

M. Bertrand Pancher. C’est moins que le coût du siège du Front national !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. L’agrandissement des régions conduira à une hausse des coûts de fonctionnement et des dépenses immobilières. La promesse d’économie est une arnaque intellectuelle.

M. Bertrand Pancher. Moins que les finances du FN !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Cette arnaque,…

M. Pascal Popelin. Vous vous y connaissez, en la matière !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. …c’est encore François Hollande qui en parla le mieux lors des États généraux de la démocratie territoriale en 2012 : « Des arguments en termes d’économie sont souvent avancés pour supprimer un échelon. Ils ne résistent pas à l’examen dès lors qu’il n’est pas question d’abolir les compétences que cette collectivité exerce. À part diminuer quelques dizaines d’élus, où est l’économie ? »

François Hollande, à l’époque, avait la lucidité de rappeler que l’essentiel des dépenses des collectivités territoriales correspond à des compétences obligatoires dont très peu sont modulables, à législation constante. Alain Rousset, président de l’Association des régions de France a ainsi déclaré : « Il n’y a pas de source d’économie de fonctionnement à attendre de la fusion des régions »

Rappelons que ce sont les compétences sociales du département qui sont les plus dispendieuses. Cette réforme n’entraînera qu’une redistribution des coûts, à moins que vous ne prévoyiez la disparition d’un certain nombre d’aides sociales avec cet échelon.

Sans compter que ces prévisions d’économie n’incluent pas les coûts très importants qui seront entraînés par la déstructuration des territoires.

Les changements du nombre de régions, de onze à treize, avec quelques petits arrangements de dernière minute comme celui visant à satisfaire les amis corréziens du Président, montrent bien que la fusion des régions répond avant tout à des pressions politiciennes.

Ce redécoupage n’a aucune véritable cohérence géographique, culturelle et économique. La fusion de la Champagne-Ardenne, de l’Alsace et la Lorraine est une véritable aberration historique.

Un député du Groupe UMP . Bravo !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. La Bretagne, quant à elle, n’est toujours pas réunifiée.

La fascination infantile du Gouvernement pour l’Allemagne le pousse à singer un modèle fédéral inadapté à l’État-nation français.

M. Alexis Bachelay. Vous avez pourtant l’habitude de regarder ce qui se passe en Allemagne.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Comparaison n’est pas raison : les Länder sont des États qui exercent des compétences régaliennes avec des moyens autrement plus importants que nos régions. Leur puissance ne provient ni de leur étendue ni de leur nombre d’habitants, certains, tels que celui de Brème, n’en ayant que 660 000, soit moins que le Limousin !

Le plaidoyer en faveur de régions « de taille européenne » est un non-sens, la région de Bourgogne étant à elle seule plus grande que la Belgique.

Ce projet consacre la victoire des grosses régions sur les petites, la loi du marché appliquée à l’organisation territoriale au détriment de la solidarité territoriale.

Le plafonnement du nombre d’élus à 150 désavantage les régions moins peuplées. L’Auvergne–Rhône-Alpes symbolise d’ailleurs ce déséquilibre flagrant : 34 conseillers pour l’un, 116 pour l’autre, sans parler du déficit de représentativité pour certains départements qui n’auront plus qu’un élu pour porter leur voix, deux, si le généreux amendement du rapporteur est adopté.

Dès lors s’opérera un déménagement territorial digne d’un plan social de grande ampleur qui aggravera la concentration dans les futures capitales régionales : les services publics, l’activité économique locale, les 80 000 emplois des régions se déplaceront vers les grands centres régionaux. Les espaces ruraux et périurbains seront quant à eux délaissés au profit de la métropole chef-lieu.

Le costume de grand réformateur dynamique que cherche à se tailler François Hollande est décidément bien mal ajusté.

M. Jean-Marie Sermier. C’est vrai.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ce texte constitue surtout un double aveu d’impopularité : on repousse les échéances électorales à 2015 pour sauver quelques mois de plus ses élus locaux et l’on exclut d’ores et déjà le référendum !

« C’est une carte pour les Français », nous dit le rapporteur. Alors, pourquoi la faire obstinément sans eux ? M. Carlos Da Silva fait preuve d’un irrespect total en ayant omis d’inviter les présidents de groupes FN des régions lors des pseudo-réunions de concertation. 

M. Carlos Da Silva, rapporteur. C’est faux !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Non, c’est une réalité !

M. Alexis Bachelay. C’est faux !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Cela vous déplaît, mais c’est une réalité.

Il a d’ailleurs poussé l’irrespect jusqu’à tenir les propos suivants : « Peu me chaut de savoir ce que pense la famille Le Pen de cette réforme territoriale ».

M. Gérald Darmanin. Il est vrai que, dans la famille Le Pen, c’est compliqué !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ne vous en déplaise, mesdames, messieurs, il ne s’agit pas de l’avis de la famille Le Pen mais de celui du parti politique que les Français ont placé largement en tête aux dernières élections européennes, loin, d’ailleurs, devant la famille socialiste !

Ce projet de loi n’est qu’une première étape avant la suppression des départements, reportée en raison de son inconstitutionnalité.

Vous projetez de transformer le département en simple échelon de déconcentration administrative tout en supprimant l’assemblée délibérante dont vous avez pourtant modifié le mode de scrutin il y a un an à peine. Votre inconséquence marquera certainement l’Histoire de la VRépublique.

L’organisation territoriale de la France nécessite une modernisation mais pas un délitement de ses strates de proximité. Vous qui voulez copier nos voisins allemands, sachez qu’il n’y a pas plus de strates administratives en France qu’en Allemagne.

Ce souci de simplification du mille-feuille territorial ne semblait pas vous animer lors de la création, il y a quelque mois, d’un échelon supplémentaire : la métropole.

Si gaspillage il y a, c’est parce que les administrations empiètent les unes sur les autres et que l’État n’exerce plus son contrôle au nom du principe de libre administration des collectivités territoriales.

M. Alexis Bachelay. Vous êtes contre !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Il est vrai que vous ne savez toujours pas quoi faire de la clause de compétence générale. Après l’avoir précipitamment rétablie dans votre furie anti-Sarkozy, vous envisagez de la supprimer à nouveau et, en un sophisme décomplexé, vous défendez aujourd’hui les arguments que vous avez combattus hier devant les Français.

Vos super-régions annoncent surtout de super-dérapages financiers. Les intercommunalités sont déjà la coûteuse démonstration de l’échec du regroupement. Cet échelon n’est parvenu ni à mutualiser efficacement les services, ni à rationaliser les coûts, ni à satisfaire les petites communes qui rechignent à les rejoindre et se sentent lésées dans les décisions. Pourtant, vous décidez de les renforcer et de les agrandir encore.

Je ne peux soutenir une initiative gouvernementale qui brûle les étapes : vous redécoupez avant même de définir les futures compétences des échelons que vous créez. Vous prévoyez la forme avant le fond et vous osez accuser ceux qui soulèvent cet illogisme de conservatisme et de populisme !

Vous appelez à une « opposition constructive » mais encore aurait-il fallu nous donner l’ensemble des outils nécessaires – si tant est que vous les connaissiez vous-même, ce qui ne semble pas être le cas compte tenu du sentiment total d’improvisation qui émane de ce texte !

Notre vision de l’organisation territoriale est radicalement différente de la vôtre.

Le département, gage d’efficacité et de proximité – dixit, une fois de plus, François Hollande – doit non seulement être conforté dans son rôle de garant des solidarités territoriales et sociales mais, aussi, renforcé dans ses compétences en matière de gestion des services publics locaux en se voyant attribuer une partie des compétences dévolues aujourd’hui aux régions – lycées et santé, par exemple – pour les exercer en synergie avec celles qu’il a déjà.

Il doit devenir l’échelon privilégié des questions intercommunales. Cela évitera de recréer de multiples intercommunalités coûteuses en frais de gestion, qui diluent le pouvoir de décision et qui morcellent le territoire au gré des alliances politiques.

La métropole doit être abandonnée pour éviter le divorce entre les principales agglomérations et le reste du territoire.

Les régions doivent être complémentaires et non concurrentes des départements en devenant des établissements publics de coordination départementale composés d’élus départementaux. Les doublons doivent cesser par la suppression de la clause générale de compétence et une redistribution claire de celles-ci.

M. Éric Straumann. C’est le conseil territorial.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. L’État doit retrouver un rôle d’impulsion stratégique en matière d’organisation des transports et de développement économique, en lieu et place des régions.

Compte tenu des différences de vision qui nous séparent, vous comprendrez que je ne peux que m’opposer à ce texte et à celui qui suit, qui est en préparation.

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni.

M. Éric Straumann. Pense à l’Alsace, Olivier !

M. Olivier Falorni. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, chers collègues, voilà un an, nous avions voté ici même la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

M. Alexis Bachelay. Exact !

M. Olivier Falorni. Aujourd’hui, vous nous proposez de jouer la scène II de l’acte III de la décentralisation.

M. Gérald Darmanin. Quelle mauvaise pièce ! Quelle mauvaise comédie !

M. Olivier Falorni. Ce mouvement mené pas à pas, jalonné par la création des communautés de communes en 1992 – je pense à ce ministre charentais-maritime, Philippe Marchand qui, et ce n’est pas Dominique Bussereau qui me démentira, y a contribué à l’époque depuis la place Beauvau – et par l’avènement de la République décentralisée en 2003, doit être poursuivi, il en va de notre responsabilité.

Le texte que nous devons examiner – et qui fait débat depuis plusieurs semaines – est ce projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Son ambition est grande : mettre fin aux différentes couches que nous avons empilées depuis 1789, formant un ensemble illisible et coûteux.

C’est pourquoi, quarante ans après, il n’est pas vain de revenir sur la réforme instituant les établissements publics régionaux, ancêtres de nos régions, consacrée par la grande réforme Defferre de 1982.

Il faut donc mettre fin à ce qui rend illisible l’action publique et faire en sorte que l’organisation territoriale de notre pays soit enfin plus claire.

C’est pourquoi notre débat, qui se focalise logiquement sur la fusion des régions – aspect le plus médiatique de la réforme – devra aussi et surtout aborder plus tard la clarification des compétences avec la suppression de la clause de compétence générale, la suppression des conseils départementaux et – peut-être surtout – l’affirmation des intercommunalités, qui deviendront le véritable échelon de proximité de la nouvelle administration territoriale.

En moins de dix ans, plusieurs rapports se sont succédé pour préconiser le regroupement des régions : rapport de la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale au mois d’octobre 2008, rapport du comité pour la réforme des collectivités territoriales – présidé par Édouard Balladur –, au mois de mars 2009, rapport de la mission sénatoriale temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales au mois de juin 2009, puis, le dernier, au mois d’octobre 2013, qui propose de réduire le nombre de régions à huit ou dix entités : c’est le rapport des sénateurs Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger au nom de la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République.

Chacun de ces rapports a mis précisément le doigt là où la République décentralisée souffre. Elle souffre, en premier lieu, d’un manque d’efficacité réelle de l’action publique et, en second lieu, d’une confusion des rôles réciproques de l’État, des territoires et des collectivités. L’extrême complexité du paysage actuel affaiblit la légitimité des collectivités au regard des entreprises et des citoyens. C’est pour cela que je pense que cette réforme est avant tout une réforme utile.

Premièrement, c’est une réforme utile et juste pour les entreprises, car leurs attentes sont très fortes. Elle doit permettre une plus grande efficacité. Elle doit être un outil de simplification pour les entreprises souvent perdues dans le dédale administratif. Elle doit aussi permettre l’application des règles au plus près des territoires.

La vraie question que nous devons nous poser est donc celle-ci : a-t-on besoin d’un service économique installé et piloté dans les régions, dans les départements, au sein des intercommunalités et même dans les grandes villes ? Ce doublon entre les services de l’État et ceux des collectivités et la multiplication des guichets, des subventions ou des aides fiscales découragent les entreprises qui finissent par renoncer. La décision est éparpillée à travers les différentes couches de notre organisation territoriale. En supprimant la clause de compétence générale pour laisser la région chef de file en matière économique, nous faciliterons et accélérerons la réalisation des projets.

Oui, la région est l’instance des choix stratégiques qui doit préparer le territoire régional dans le contexte de la concurrence entre les territoires, de même que les entreprises à la compétition du XXIe siècle, notamment grâce à la recherche et aux aides à l’innovation et au développement économique.

Deuxièmement, cette réforme est utile pour le citoyen. L’incompréhension face à l’organisation territoriale de la République est encore plus forte pour les citoyens que pour les entreprises. Cette réforme du territoire à l’ère de la croissance limitée doit permettre aux citoyens de renouer avec une meilleure qualité de vie. En faisant émerger une action publique directe et cohérente et en défendant une simplification de l’organisation territoriale de la République, afin de savoir qui fait quoi et d’améliorer les services rendus, les citoyens seront enfin reconnus dans une administration où ils se sentent souvent laissés pour compte.

M. Jean-Marie Sermier. Une carte ne suffit pas !

M. Olivier Falorni. Donner du sens à notre territoire, c’est l’adapter à notre cadre de vie quotidien. Ce texte se veut donc ambitieux et je m’en félicite. Il réforme un service public extrêmement construit pour que le citoyen soit mieux pris charge, mais il doit également permettre de faire des économies.

Troisièmement, cette réforme est utile pour réaliser des économies, même si je ne suis pas sûr que nous y parvenions à court terme.

M. Jacques Myard. Oh non !

M. Olivier Falorni. Cependant la réforme devrait être source d’économies substantielles à plus long terme, en regroupant les achats entre régions et départements dont le montant s’élève à 7,6 milliards d’euros, ainsi qu’en réduisant les normes et les doublons.

La question que j’ai posée il y a quelques instants sur l’existence d’un service économique à chaque échelon décentralisé illustre parfaitement la situation dispendieuse de notre organisation territoriale. Cette compétence aujourd’hui partagée entre toutes les collectivités représente 33 milliards d’euros de dépenses et 14 500 emplois. Demain, cette réforme et le transfert du développement économique aux seules régions permettront des économies de l’ordre de 10 %, soit 3,3 milliards d’euros. Mais nous le savons bien, les plus grosses économies devraient être réalisées dans le cadre du deuxième volet de la réforme territoriale, en réaffirmant le rôle des intercommunalités. Le nouveau seuil qui passe de 5 000 à 20 000 habitants minimum devra permettre de créer des territoires en adéquation avec les bassins de vie et de réduire les doublons entre ces intercommunalités et les communes.

Enfin, la suppression des conseils départementaux, avec le transfert de leurs compétences aux intercommunalités et aux régions, devra logiquement permettre des économies d’échelle.

Prenons l’exemple de l’éducation en Poitou-Charentes. Il y a aujourd’hui une direction des lycées à la région et une direction des collèges dans chacun des quatre départements qui la composent, ce qui fait en tout cinq directions chargées de l’éducation. Demain, quand les régions auront récupéré la gestion des collèges, il n’y aura plus qu’une seule direction des collèges et des lycées.

M. Laurent Furst. Avec des adjoints !

M. Olivier Falorni. Bien que cette redistribution des compétences constitue le socle de la réforme territoriale, il faut nous assurer aussi de la pertinence de cette nouvelle carte qui doit être adaptée aux réalités du terrain. Cela est essentiel.

M. Patrick Hetzel. La carte n’est pas pertinente !

M. Olivier Falorni. Si cette réforme est utile, elle est également adaptée aux réalités du terrain. Les régions déjà gestionnaires des fonds européens, véritables outils budgétaires pour aménager les territoires, accroître la compétitivité et renforcer la cohésion sociale, verront leurs compétences stratégiques se renforcer, que ce soit en termes de planification et d’aménagement de l’espace ou de développement économique. Aussi les régions devront-elles s’assumer seules, sans l’aide de l’État, sur un territoire où les liens entre elles, les intercommunalités, les communes et les citoyens seront le gage de la réussite de cette réforme.

Mais, pour qu’il en soit ainsi, il faut que cette réforme procède d’une vue d’ensemble et tienne compte de facteurs essentiels, au premier rang desquels se trouvent l’histoire, la géographie, les mobilités entre bassins de vie et bassins économiques. C’est cela que nos collègues du Sénat ont purement et simplement rayé d’un amendement en première lecture.

De fait, le Sénat a vidé de sa substance ce projet de loi. Nous avons ainsi aujourd’hui la responsabilité de rétablir l’article 1er, ce qui ne signifie pas pour autant rétablir la carte, telle qu’elle figurait dans le texte initial. À cet égard, mes chers collègues, il y a des moments de satisfaction et de réjouissance dont il faut savoir profiter. En commission du développement durable, laquelle a été saisie pour avis, j’avais proposé un amendement de fusion du Poitou-Charentes avec l’Aquitaine et le Limousin.

M. Dominique Bussereau. Très bien !

M. Charles de Courson. C’est plein de sagesse !

M. Olivier Falorni. J’avais mesuré, à ce moment-là, l’intérêt du rapporteur Florent Boudié, car le Girondin qu’il est ne pouvait que s’accorder avec le Charentais que je suis sur cette union de cohérence et de bon sens. Je défendrai ce même amendement de fusion au cours du débat, et je sais que je ne serai pas le seul dans cet hémicycle, que ce soit au sein du groupe socialiste ou du groupe UMP.

M. Dominique Bussereau. Absolument !

M. Olivier Falorni. Je rappelle que c’est dans l’hémicycle que se vote la loi et nulle part ailleurs…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça, c’est vrai !

M. Olivier Falorni. Je me suis réjoui de voir que le groupe socialiste allait proposer un amendement similaire, mais je souhaiterais néanmoins rappeler à M. le secrétaire d’État, comme l’a fait le président Schwartzenberg au nom du groupe RRDP, que la majorité est diverse (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et que les amendements des partenaires doivent être traités et considérés avec le même égard et la même attention que ceux du groupe SRC. Tout concourt en effet au rapprochement du Poitou-Charentes et du Limousin à l’Aquitaine.

L’histoire, d’abord. Au XIIe siècle, la célèbre Aliénor d’Aquitaine…

M. Charles de Courson. Voilà le retour d’Aliénor !

M. Olivier Falorni. …qui régnait sur un vaste territoire, allant de la Loire aux Pyrénées et englobant notre belle région du Poitou-Charentes, scella nos relations avec le Bordelais.

M. Laurent Furst. C’est Ségolène d’Aquitaine !

M. Olivier Falorni. Ces relations ont persisté au fil des siècles pour être aujourd’hui encore très fortes. Bordeaux est la métropole incontestée de notre future région et elle sera le fer de lance des politiques économiques créatrices d’emplois pour un aménagement du territoire au service des citoyens.

M. Dominique Bussereau. Très bien !

M. Olivier Falorni. La cohérence littorale de l’arc atlantique, avec son économie tournée vers la mer et ses deux grands ports maritimes, Bordeaux et La Rochelle, n’est plus à démontrer.

M. Gérald Darmanin. La Rochelle a été casée !

M. Olivier Falorni. Les grandes industries de la plaisance, la conchyliculture et le tourisme sont autant d’éléments qui scellent le destin de nos territoires. Il y a également la presse régionale. À La Rochelle, en Charente-Maritime, nous lisons Sud-Ouest et non pas Ouest-France ou La Nouvelle République du Centre. Le Sud-Ouest, c’est aussi le climat de type aquitain qui permet de faire pousser la vigne des vins charentais et du cognac. La Rochelle est une terre de rugby, valeur mille fois partagée avec l’Aquitaine. Les grandes entreprises nationales, les administrations et les juridictions dont dépend le Poitou-Charentes n’ont pas attendu la réforme pour s’inscrire dans cette carte. RFF, la SNCF, les fédérations professionnelles, la chambre régionale des comptes, la cour administrative d’appel, les consulats ont tous déjà choisi Bordeaux.

Le choix semble s’imposer de lui-même face au scénario initial qui, pour former la région Centre-Limousin-Poitou-Charentes, donnait comme seul argument un réseau routier renforçant les interconnexions, notamment avec la région capitale. Tout cela est bien mince pour engager nos territoires dans une réforme qui doit dessiner notre organisation territoriale pour des décennies.

M. Dominique Bussereau. Certes !

M. Olivier Falorni. Mes chers collègues, soyons ambitieux et répondons ainsi à la volonté affichée de la réforme d’adapter la carte des régions aux réalités des bassins de vie et des bassins économiques afin de rendre plus efficaces les politiques d’investissement dans ces nouveaux territoires. Faisons du Sud-Ouest une grande région avec l’Aquitaine, le Limousin et le Poitou-Charentes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. Dominique Bussereau et M. Charles de Courson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, chers collègues, le Gouvernement présente un projet de loi relatif à la délimitation des régions et modifiant le calendrier électoral des élections régionales et départementales, ainsi qu’un projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République cet automne. Ces deux textes constituent la réforme territoriale récemment souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre. Ils se sont réveillés un beau matin et ont eu cette idée…

M. Pascal Popelin. Curieuse interprétation !

M. Jean-Jacques Candelier. Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République confie de nouvelles compétences aux régions chargées du développement économique. Certaines compétences nouvelles leur seront transférées des départements, vidés de leur substance en vue d’une liquidation : collèges ou encore politiques de mobilité – transports interurbains et scolaires, routes. Les régions pourront adopter des schémas prescriptifs sur les actions des autres niveaux de collectivités. Cela heurterait le principe d’autonomie des collectivités territoriales garanti dans la Constitution.

Le projet de loi relatif à la délimitation des régions et aux élections régionales et départementales multiplie, quant à lui, par deux la taille des régions. On nous dit que c’est plus adapté aux enjeux économiques et de mobilité, mais l’argument ne me paraît pas tenir debout.

Acceptons cependant le principe, mais que faut-il en déduire pour les régions qui ne changent pas ? La fusion étant l’alpha et l’oméga, le Gouvernement nous doit bien une explication ! Revenons sur le but avoué de ce projet global : l’objectif serait de rivaliser avec les grandes régions en Europe et de réaliser, encore et toujours, des économies, comme si la démocratie avait un prix…

M. Laurent Furst. C’est tout de même normal !

M. Jean-Jacques Candelier. Quatorze régions métropolitaines, voire treize, vont se substituer, à compter du 1er janvier 2016, aux vingt-deux régions existantes par fusion des régions actuelles. Derrière le feuilleton du Meccano des nouvelles régions, les deux objectifs essentiels communs à la droite, au patronat, à François Hollande, au Gouvernement et à sa majorité de députés sont les suivants : d’une part, la suppression à venir des communes et des départements, soit de la démocratie de proximité ; d’autre part, la mise en place des instances d’une gouvernance éloignée des citoyens, avec les « eurorégions » et les métropoles, dans le cadre de la concurrence des territoires et d’une méga-austérité imposée par les marchés financiers et l’Union européenne.

François Hollande, le Gouvernement et sa majorité font clairement le choix du capitalisme mondialisé, de la concurrence exacerbée, de l’adaptation des formes institutionnelles et des territoires aux exigences du grand capital.

Souvenons-nous du titre du livre de l’ancienne présidente du MEDEF : Besoin d’aire. C’est bien entendu l’inverse qu’il faudrait faire, à savoir préserver notre démocratie de proximité, nos services publics, nos entreprises, nos commerces, nos industries, en mettant au pas la finance et en tournant le dos au libéralisme. Il serait possible de faire vivre les services publics de proximité pour le plus grand nombre et la démocratie et d’utiliser les collectivités territoriales pour favoriser l’égalité entre les citoyens, entre les usagers, tout en préservant nos emplois des grands vents de la concurrence folle et sans limite, qui détruit nos lois, notre protection sociale, voire notre identité et l’appartenance à une communauté de vie et d’intérêts.

Bien entendu, il devrait revenir aux Françaises et aux Français de se prononcer, en toute connaissance de cause, sur une telle réforme territoriale. Un sondage CSA indique que 69 % des personnes interrogées souhaitent pouvoir le faire. Un référendum serait particulièrement approprié. En cette matière, il est quasiment prescrit par la Constitution.

Je voudrais insister sur ce point : non seulement la réforme du Gouvernement ne figurait pas dans les soixante engagements du Parti socialiste – un oubli, sans doute, comme l’ensemble de la politique d’exonération fiscale et sociale massive en faveur du patronat –, mais il existe en outre un consensus pour dire que les questions institutionnelles, afin d’être comprises et acceptées par le plus grand nombre, doivent être tranchées par les citoyens eux-mêmes, à l’issue d’un vaste débat démocratique. Rien de tout cela n’a été fait et le référendum que nous proposions a été rejeté.

Dans une tribune diffusée le 3 juin dans la presse régionale, François Hollande entend acter, de la manière la plus centraliste et autoritaire qui soit, par voie de presse, sans s’encombrer du moindre mandat populaire ni de la moindre concertation, la mise à mort de la République une et indivisible. Oui, la mise à mort de la République une et indivisible, issue de la Révolution française ! Ce qui se passe aujourd’hui, d’un point de vue parlementaire, en plein cœur de l’été, en session extraordinaire, avec engagement de la procédure accélérée, est grave. C’est un coup de force. Ce jour est à marquer d’une pierre noire pour notre République.

M. Éric Straumann. Et pour l’Alsace !

M. Patrick Hetzel. Qui fait partie de la République !

M. Jean-Jacques Candelier. La majorité entend défigurer la France, dans le cadre d’une affiliation directe aux États-Unis d’Europe et à l’union transatlantique en construction. Je le dis avec gravité : il est l’heure de refuser catégoriquement l’euro-démantèlement du pays, de faire le lien entre la casse territoriale et la casse sociale, entre la casse démocratique et la casse de la nation, entre la casse de nos droits sociaux et la casse de nos emplois, de nos industries, de notre artisanat, de nos statuts.

« Saut fédéral européen », « big bang » territorial, plan Merkel-Hollande-MEDEF et Traité transatlantique procèdent d’une seule et même stratégie : celle du grand capital sans patrie. Il faut l’unité la plus large contre ces reculs de civilisation majeurs.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois – qui, sans doute du fait de sa fonction, est pour le moment un peu silencieux ! –,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas possible ! (Sourires.)

M. François de Rugy. …monsieur le rapporteur, chers collègues, tout a commencé par la déclaration de politique générale du Premier ministre voilà un peu plus de trois mois, dans laquelle il annonçait une réforme territoriale, mais ne faisait en réalité que relancer un processus à l’arrêt depuis deux ans. D’ailleurs, les tentatives de la précédente législature avaient également été enterrées.

Le Gouvernement a donc décidé de présenter deux projets de loi pour cette réforme, et nous trouvons, contrairement à d’autres, que c’est une bonne chose, car la question du découpage des régions et celle des compétences de ces futures collectivités sont des sujets à part entière. Nous considérons cependant que le texte sur les compétences est le plus important. Nous regrettons d’ailleurs qu’un glissement sémantique ait été opéré, et je m’adresse en particulier à M. le ministre et à M. le secrétaire d’État, du terme « décentralisation » vers ceux de « réforme territoriale ».

M. Alexis Bachelay. C’est vrai !

M. François de Rugy. Or je me souviens que, pendant la campagne électorale de 2012, le candidat François Hollande avait fait un discours dans la ville de Dijon.

M. Paul Molac. Le discours de Dijon !

M. François de Rugy. Je ne sais pourquoi il avait choisi cette ville en particulier, mais le thème du discours était la décentralisation. On est parfois perdu dans les numéros, mais il avait parlé d’acte III de la décentralisation, et nous considérons que c’est bien ce qu’il faut lancer en priorité ; ce sera le débat de l’automne.

Quant au découpage des régions, c’est un autre sujet. Pour notre part, nous ne souscrivons pas à la logique de départ qui consisterait à poser comme objectif la division par deux du nombre de régions.

M. Patrick Hetzel. C’est trop mécanique !

M. François de Rugy. La priorité pour renforcer les régions serait plutôt selon nous de leur donner des compétences et des moyens supplémentaires.

M. Patrick Hetzel. Tout à fait ! Nous sommes parfaitement d’accord avec vous !

M. François de Rugy. Pour autant, le projet de loi que nous examinons sur le découpage des régions est l’occasion de parler de nos régions, et beaucoup de nos collègues ont évoqué les leurs, ce qui est tout à fait légitime. C’est d’ailleurs plutôt bon signe, car cela montre l’ancrage territorial des députés que nous sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. François de Rugy. À cet égard, je pourrais moi-même parler de « ma » région,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Laquelle ?

M. Éric Straumann. Comment s’appelle-t-elle ?

M. François de Rugy. …autrement dit celle à laquelle je me sens appartenir : la Bretagne.

M. Guy Geoffroy. La région de Notre-Dame-des-Landes !

M. François de Rugy. Mais je voudrais d’abord parler de la France, car il me semble que c’est ce que nous devons faire au sujet d’un texte comme celui-là. L’histoire de France est en effet indissociable de celle de nos régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Alexis Bachelay. Les provinces de l’Ancien régime !

M. François de Rugy. À une époque, on disait les provinces, mais c’est la même chose ; j’y reviendrai. La construction de la France est tout à la fois celle d’une unité nationale et celle de régions. Quand on observe la succession des différents régimes politiques et les tentatives successives de découpage, on constate qu’il s’est toujours agi de la construction d’une unité nationale composée de régions, de territoires ayant leur propre identité, y compris linguistique.

On parle souvent de l’unité linguistique de la France, mais on ne doit jamais oublier qu’il y a une pluralité linguistique dans notre pays. Je me souviens, en partie pour des raisons personnelles, d’une région qui avait été séparée de la France – ce n’est pas si vieux – et dans laquelle les Français, car c’étaient bien des Français, étaient particulièrement attachés à la France, et peut-être plus encore que les autres Français, alors que beaucoup d’entre eux ne parlaient même pas le français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. François de Rugy. Mon arrière-grand-mère était dans ce cas.

La France, c’est cette histoire. Mais l’avenir de la France est aussi de conserver cette unité et cette diversité des régions.

J’ai fait hier un petit rappel historique à l’occasion d’une explication de vote sur l’une des motions de procédure déposées par l’UMP en rappelant qu’il n’y avait eu qu’un seul débat parlementaire dans l’histoire de notre République concernant le découpage territorial ; c’était en 1789 lors de la création des départements.

M. Alexis Bachelay. Cela date un peu !

M. Jean-Frédéric Poisson. Le citoyen de Rugy a raison !

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’était en 1790 ! Il faut réviser votre histoire, monsieur le député !

M. François de Rugy. Il est vrai que, 225 ans plus tard, nous vivons toujours avec cette œuvre, dont la longévité mérite d’être saluée. Cependant, alors que l’objectif de certains des rédacteurs de cette carte était de casser les vieilles provinces d’Ancien régime, à l’instar d’un certain nombre de nos rois, ces provinces, qu’on appelle aujourd’hui les régions, existent toujours.

M. Maurice Leroy. Ainsi que leurs barons !

M. François de Rugy. Malgré cette volonté, le sentiment d’appartenance régionale existe toujours. Il est donc intéressant d’observer que la carte des départements s’est imposée sans faire disparaître ce sentiment d’appartenance. Si j’en crois un sondage paru dans plusieurs journaux régionaux, l’attachement aux régions reste fort. Certes, il diffère selon les régions : sont attachés à leur région 90 % des sondés en Bretagne, mais une portion inférieure à la moyenne nationale dans la région voisine artificielle des Pays de la Loire.

M. Alexis Bachelay. C’est un peu cruel, reconnaissez-le !

M. Hugues Fourage. C’est un coup bas !

M. François de Rugy. Ce sont les faits, monsieur Fourage !

Nous, écologistes, continuons à penser que le découpage régional le plus légitime, le plus durable est précisément celui qui s’appuie sur ce sentiment d’appartenance. Or la légitimité d’un découpage n’est pas une question à prendre à la légère ; elle a son importance, en particulier si nous voulons renforcer les pouvoirs, les compétences et les moyens des régions. Et c’est dans cette direction que les écologistes ont toujours voulu aller.

Quand on avance un tel argument, et j’ai encore vu dans cet hémicycle certains lever les yeux au ciel, on nous rétorque qu’il s’agit de « dérive identitaire », de « repli identitaire » répondant à un « sentiment d’exclusion » ; je cite ici des mots et expressions qui ont été employés au cours du débat en commission. À entendre certains collègues, les futures régions auront des frontières, elles seront cerclées de barbelées infranchissables !

M. Guy Geoffroy. Avec des ponts-levis !

M. François de Rugy. Je pense pour ma part qu’il faut affronter cette question de l’identité. Je trouve ce raisonnement particulièrement étrange et, pour tout dire, je le récuse, car l’identité régionale, c’est le sentiment d’appartenance à une collectivité. C’est le fait d’avoir envie de partager l’idée qu’on va mettre en œuvre un projet commun. Et c’est là l’essence même de la politique. J’ajoute, en particulier à l’attention de mes collègues de gauche, que c’est le plus puissant ferment de solidarité. On est beaucoup plus solidaire lorsqu’on se sent investi dans un projet commun. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et UMP.)

M. Éric Straumann. Il a raison !

M. Laurent Furst. Bravo !

M. François de Rugy. J’y insiste d’autant plus que c’est exactement ce qu’on dit au sujet de la solidarité nationale : il est souhaitable qu’un certain nombre de solidarités soient organisées à cette échelle. Il en va de même à l’échelle locale.

C’est exactement ce dont il est question dans les deux projets de loi, mes chers collègues, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État : si j’ai bien compris, et c’est ce que nous souhaitons, il s’agit de permettre aux régions de porter des projets de territoire et d’organiser la solidarité territoriale. Tels sont les deux piliers de la réforme, et nous en sommes d’accord.

M. Patrick Hetzel. Bien sûr !

M. Marc Le Fur. Il est très bien, cet écolo !

M. François de Rugy. Je récuse l’argument selon lequel il faudrait choisir entre l’identité régionale et l’identité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Il va finir par voter contre !

M. François de Rugy. Je le dis car, parmi les partisans de la construction européenne – j’en suis un, considérant que celle-ci est le fondement de mon engagement politique –, personne ne défend sérieusement l’idée que la construction européenne signifierait la disparition des identités nationales. Au nom de quoi la construction de la France supposerait la disparition des identités régionales ? Cela vaut également pour les langues régionales. Comment pourrions-nous, à l’échelle internationale, défendre la francophonie au nom de la diversité linguistique, face au risque d’uniformisation par le rouleau compresseur de l’anglais, et, à l’échelle régionale, vouloir effacer, casser les langues régionales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Vous l’avez compris, nous, écologistes, défendons cette vision du sentiment d’appartenance multiple, d’une identité plurielle. Sur les questions d’identité, on se trouve d’ailleurs toujours aux confins de l’individuel et du collectif. Je suis très frappé que ceux qui nient la question de l’identité dans ce débat convoquent très souvent leur histoire personnelle. Ces constructions mêlant l’intime et le collectif, c’est justement ce à quoi il faut faire très attention. C’est la tradition française.



Je le dis, je récuse l’idée selon laquelle la tradition française serait d’uniformiser et de nier les particularismes régionaux. On raille souvent l’esprit de clocher, mais c’est une richesse pour la France et les Français que d’avoir ces identités, l’une n’étant pas exclusive de l’autre.



Une députée a remarqué en commission que ce débat lui rappelait celui que nous avions eu, en 2009, sur l’identité nationale. Justement, j’avais dénoncé alors la vision d’Éric Besson, qui, je crois, a arrêté la politique – ce qui valait sans doute mieux…(Sourires.)



M. Marc Le Fur. Une erreur de l’ouverture, que l’on a payée !

M. François de Rugy. À l’époque, il était ministre de l’identité nationale et de l’immigration – oui, vous aviez effectué ce mélange étrange – et il expliquait que les Français devaient hiérarchiser leurs identités. Eh bien non ! Nous, nous ne demandons pas aux Français de choisir. Même s’ils ont une identité régionale forte, les Bretons, les Alsaciens, les Corses et les Picards sont aussi français que les autres !

M. Patrick Hetzel et M. Marc Le Fur. Très bien !

M. François de Rugy. Nous avons fêté il y a quelques jours le 14 juillet, qui commémore le 14 juillet 1790,…

M. Alexis Bachelay. La fête de la Fédération !

M. François de Rugy. …jour en effet, cher collègue Bachelay, de la fête de la Fédération. Non pas que la France était devenue un État fédéral – ne faisons pas de contresens –, mais parce que la garde nationale venait de se fédérer. Partout en France, le peuple s’était constitué en garde nationale pour protéger les acquis de la Révolution. La garde nationale a alors défilé sur le champ de mars, à quelques centaines de mètres d’ici, sous les bannières des régions et des départements. Dans ce grand moment d’unité nationale, la diversité territoriale s’est elle aussi exprimée.

Si j’ai abordé la question de l’identité, c’est parce qu’elle sous-tend ce débat. Deux logiques s’affrontent : la logique technocratique et la logique démocratique.

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. François de Rugy. Lorsqu’ils évoquent le découpage régional, certains collègues parlent de critères tels les projets, les schémas, les plans, les pôles de compétitivité, tout un tas de « machins » – comme aurait dit le Général de Gaulle – que nos collectivités, qui elles aussi ont leurs technocrates, sont très fortes pour inventer.

M. Guillaume Bachelay. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !

M. François de Rugy. Je suis frappé de ne plus les entendre parler alors des Français, parler aux Français. Non, une ligne de TGV, un canal, un aéroport, un pôle de compétitivité ne feront jamais une région,…

M. Hugues Fourage. Cela y contribue !

M. François de Rugy. ...une identité régionale !

Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. François de Rugy. Je vois bien que la tentation de nier les identités et cultures régionales existe. Nous vivons aujourd’hui avec un découpage régional qui est une construction technocratique. Les vingt-deux régions n’ont jamais été soumises au débat et au vote du Parlement, et pour cause : ce découpage n’était pas conçu pour créer des collectivités locales, mais pour organiser les services de l’État. À l’époque, il s’agissait de « circonscriptions d’action régionale », lesquelles sont devenues des « établissements publics régionaux ».

Nous n’en sommes plus là, heureusement ! L’élection au suffrage universel direct des conseillers régionaux fut une excellente disposition, votée par la majorité de gauche, en 1986. Le découpage régional, conçu dans les années 1950, remonte à 1959, il y a plus de cinquante-cinq ans. Je vous invite, chers collègues, à vous pencher sur sa genèse, c’est très intéressant.

Vous pourrez lire aussi le portrait que le magazine l’Express en 2004 a consacré à celui qui en fut le père, Serge Antoine. Celui-ci expliquait : « Dans les années 1950, il s’agissait simplement de permettre à l’État de réussir sa planification territoriale […] » – nous étions bien loin de l’idée des projets de territoire ! – « Ma seule erreur a été de croire que je mettais en place un système évolutif. J’étais convaincu, naïvement, que l’on assisterait peu à peu à des fusions de régions. Hélas, j’attends encore ». Voilà ce que disait Serge Antoine de ce découpage, qui doit, en effet, être modifié.

Que faire maintenant ? Les écologistes ont toujours été du côté des réformateurs. M. le secrétaire d’État Vallini, membre du comité Balladur, sous la précédente législature, doit se souvenir que nous avions plaidé pour une réforme importante. Mais en ce qui nous concerne, nous faisons preuve de cohérence et ce que nous disons aujourd’hui est dans la continuité stricte de ce que nous disions alors : notre priorité n’est pas la réduction du nombre de régions, mais la décentralisation de l’État.

M. Gérald Darmanin. Vous voterez ce texte, oui ou non ?

M. François de Rugy. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à ce que, dans le débat sur les compétences, nous évoluions sur ce sujet : pour le moment, je n’ai rien vu qui corresponde à une décentralisation de l’État vers les régions.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. François de Rugy. Or des régions plus fortes sont des régions qui assumeront demain des compétences qui sont celles aujourd’hui de l’État. Il faut une clarification du mille-feuille territorial, avec une fusion des départements et des régions.

Je me permets d’ailleurs de tirer la sonnette d’alarme : prenons garde à ce que la création de grandes régions ne conduise à maintenir les conseils généraux.

M. Marc Le Fur. C’est peut-être fait pour ?

M. François de Rugy. Car on en viendra à expliquer qu’il faut, dans les grandes régions, créer un échelon intermédiaire.

Le Premier ministre l’a dit dans un discours aux parlementaires de la majorité – et je crois que vous partagez cette opinion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État : l’organisation territoriale peut ne pas être la même partout en France. Des dispositifs différents peuvent coexister. Les écologistes seraient, par exemple, tout à fait favorables à une assemblée d’Alsace…

M. Laurent Furst M. Éric Straumann et M. Patrick Hetzel. Bravo !

M. François de Rugy. …comme à une assemblée de Bretagne, chère au cœur du président Urvoas, qui a même écrit un livre sur le sujet. On aurait même pu penser que la Picardie pouvait être une région réunissant trois départements et 2 millions d’habitants, avec une assemblée qui gère tout à la fois les compétences régionales et départementales : c’eût été une région à la fois proche des citoyens et suffisamment grande pour mener un certain nombre de politiques.

Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. François de Rugy. Nous avons compris que ce n’était pas la logique du Gouvernement, qui est plutôt de faire des grandes régions.

La première proposition était à nos yeux incompréhensible et inacceptable. Aucune logique n’y présidait : ni de fusion, ni d’appui sur les identités et cultures régionales, ni de taille géographique, ni de taille démographique.

Le Sénat aurait pu faire évoluer la carte. Les amendements comportaient des propositions intéressantes, notamment celle du président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, en faveur de la région Centre. Malheureusement, la drôle de majorité composée des sénateurs UMP, communistes et radicaux de gauches a préféré saborder purement et simplement la carte.

Cette dernière a évolué une première fois en commission, de façon assez modeste, le Limousin rejoignant l’Aquitaine. Une nouvelle carte nous est proposée par le groupe socialiste.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Et par le rapporteur !

M. François de Rugy. Je tiens d’ailleurs à bien souligner qu’il s’agit d’une proposition du groupe socialiste, car si l’on en croit certains médias, cette carte aurait déjà été adoptée ce qui signifie qu’il n’y aurait donc plus de débat.

Cette proposition me paraît aller dans le bon sens.(« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Delphine Batho. Voilà !

M. François de Rugy. Je l’ai dit publiquement lorsqu’elle a été annoncée. Mais elle n’est pas encore totalement compréhensible.

Il faut bien dire qu’une anomalie demeure, et qui saute aux yeux. Maintenant que vous avez privilégié la logique des grandes régions, il est quand même assez étrange que trois régions se trouvent maintenues dans le statu quo, dans l’ouest et le centre de la France.

M. Patrick Hetzel. On se demande bien pourquoi ! Ne serait-ce pas de la tambouille, du découpage-charcutage ?

M. François de Rugy. Il s’agit de la Bretagne, amputée de la Loire-Atlantique, de la région Pays de la Loire, artificielle parmi les artificielles et maintenue en l’état,…

M. Hugues Fourage. Et ça recommence !

M. François de Rugy. …et de la région Centre, pour laquelle beaucoup, notamment des députés de la majorité qui en sont issus, souhaiteraient faire évoluer les choses.

Je faisais allusion à la Bretagne. Parlons-en justement.

Mme Isabelle Le Callennec. Très bien !

M. François de Rugy. Il s’agit de la seule région de France où existe, depuis des dizaines d’années, une revendication de découpage.

M. Laurent Furst M. Patrick Hetzel M. Éric Straumann Mme Isabelle Le Callennec et M. Thierry Benoit. Bravo !

M. François de Rugy. Il n’y en a pas eu dans d’autres, sauf peut-être en Normandie, comme l’a expliqué Alain Tourret.

Ainsi, alors qu’un projet de loi de redécoupage est soumis à notre examen, cette revendication ancienne de réunification de la Bretagne ne serait pas satisfaite ? C’est incompréhensible.

M. Marc Le Fur. Voterez-vous contre le texte ?

M. François de Rugy. J’en appelle donc à une nouvelle évolution, à un pas supplémentaire dans le débat. Nous proposerons des amendements pour achever de réformer la carte des régions, avec, dans l’ouest, une vraie région Bretagne et une vraie région Centre-Val-de-Loire. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela vous surprendra peut-être, mais je ferai écho, en partie, à ce qui vient d’être dit par François de Rugy.

M. Laurent Furst M. Éric Straumann M. Patrick Hetzel M. Dominique Bussereau Mme Isabelle Le Callennec et Mme Isabelle Le Callennec. Bravo !

Mme Valérie Pécresse. Notre pays traverse aujourd’hui une crise, qui n’est pas simplement économique et sociale mais qui est aussi identitaire et culturelle. Face à cette crise, les Français se posent légitimement les questions : « Qui suis-je ? », « D’où viens-je », « Où vais-je ? », « Quel est le sens de l’action politique ? », « Quel est le sens de mon engagement national ? », « Quel est le sens de mon territoire ? ».

Il faut que nous leur apportions des réponses qui soient construites, concertées, qui puisent leur authenticité, leur sincérité dans l’histoire, dans la géographie, dans l’économie, dans tout ce qui fait que nous sommes fiers d’être Français, mais aussi d’appartenir à un territoire.

Vous le savez, je suis une fervente défenseure du fait régional, non pas contre l’État – il est le garant d’un certain nombre de services publics, d’une certaine forme d’autorité, d’une vision, d’une cohésion nationale et territoriale –, mais contre la complexité administrative, produite par des siècles de suradministration et d’empilement. On compte même jusqu’à cinq strates, puisque nous avons créé en Île-de-France la métropole du Grand Paris. Bref, nous avons complexifié le paysage administratif français, sans lui apporter ce supplément d’âme que les Français nous réclament.

Oui, je défends le fait régional, mais le fait régional pour tous, si vous me le permettez, chers collègues. Cela veut dire que je défends l’idée de régions fortes qui, face à l’Île-de-France, la région capitale, pourraient affirmer une identité, une prospérité, une vocation au développement économique, social et territorial.

Est-ce là l’objectif de votre réforme, monsieur le ministre ? On n’en sait rien.

M. Patrick Hetzel. Le sait-il lui-même ?

Mme Valérie Pécresse. L’objectif est-il de procéder à un rééquilibrage territorial, de réaffirmer face à la région capitale des pôles de développement régional qui auraient l’épaisseur, la richesse et le dynamisme nécessaires pour exister dans une Europe des régions ? Je ne vous l’ai pas entendu dire.

Improvisation, précipitation, absence de concertation : telles sont les caractéristiques de la réforme que vous nous présentez.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

Mme Valérie Pécresse. Sans doute auriez-vous dû commencer par poser vos objectifs. S’agit-il de faire des économies en redécoupant les régions et en leur permettant de mutualiser un certain nombre d’actions ? Non, bien entendu. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel l’a lui-même reconnu lorsqu’il a été saisi par les sénateurs, au motif de la maigreur de l’étude d’impact.

M. Sébastien Denaja. Il l’a validée !

Mme Valérie Pécresse. Pour le Conseil constitutionnel, il est normal qu’il n’y ait rien dans cette étude sur l’évolution des emplois publics régionaux puisque les économies ne sont pas l’objectif clé de cette réforme.

Fusionner les régions ne permettra donc pas de faire des économies. Pour cela, il faudrait plutôt supprimer un échelon territorial dans ce mille-feuille d’une complexité terrifiante, que nous avons tous, droite et gauche réunies, réussi à construire au fil des années. Oui, il aurait fallu supprimer un échelon, mais ce n’est pas ce qui nous est proposé avec la fusion des régions.

« Dessine-moi ma région » : c’est le grand jeu de l’été, une sorte de bonneteau, un concours ludique qui occupera les Français sur les plages – quel est, au fond, le bon périmètre de sa région ?

M. Patrick Hetzel. Excellent !

Mme Valérie Pécresse. C’est vrai qu’on a souri, il y a quelques jours, à la vue de la « Poichenli », belle région Poitou-Charente-Centre-Limousin, aussi longue qu’un Paris-Amsterdam. Ayant moi-même des attaches en Corrèze, je dois vous avouer que nous n’avions jamais rêvé appartenir à la même région que Dreux et La Rochelle. Heureusement, les députés socialistes se sont réveillés et ont décidé de redessiner cette carte pour donner naissance à la magnifique « Aquilipoi », qui rassemblera l’Aquitaine, le Limousin et le Poitou-Charentes. En toute objectivité, je reconnais qu’elle me semble plus cohérente d’un point de vue historique, géographique et même géostratégique si l’enjeu était que chaque grande région soit délimitée par une frontière maritime ou terrestre pour s’imposer comme un acteur majeur du territoire.

M. Dominique Bussereau. Très bien.

Mme Valérie Pécresse. Néanmoins, la carte des députés socialistes pèche encore. Pourquoi le Centre reste-t-il tout seul ? Pourquoi les Pays de la Loire sont-ils seuls et la Loire-Atlantique hésitante entre la Bretagne et la Loire ? Pourquoi n’avez-vous pas osé marier les Pays de la Loire et le Centre ? Nous avons tous la réponse : ces dessins de régions sont uniquement politiques.

M. Patrick Hetzel. Eh oui.

Mme Valérie Pécresse. Aucune concertation n’a été menée, aucun travail de réflexion n’a été engagé avec les habitants. Si vous aviez vraiment poursuivi l’intérêt général, vous auriez conservé un certain nombre des piliers de la réforme que nous avions réussi à faire voter dans la précédente mandature.

Premier pilier, le conseiller territorial, dont la création permettait de fusionner les conseils généraux et les conseils régionaux et de supprimer 2 300 élus.

Vous avez prétendu hier, monsieur le ministre, que nous avions créé une nouvelle catégorie d’élu. Ne soyez pas de mauvaise foi : le conseiller territorial permettait de supprimer d’un coup 2 300 élus et de fusionner en douceur les conseils généraux et les conseils régionaux, ce qui n’est pas réalisé aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J’ai même cru que le Gouvernement, dans son immense sagesse, allait créer le conseiller territorial à l’envers en instaurant des scrutins de liste avec des conseillers régionaux qui seraient aussi conseillers généraux. Ce système vous aurait arrangé électoralement, mais vous avez préféré conserver les départements jusqu’en 2020, les intercommunalités, les communes, créer la métropole du Grand Paris et rajouter les régions dont nous ne connaissons pas encore les frontières. Ce n’est vraiment pas l’intérêt général qui vous guide.

Deuxième pilier sur lequel vous n’auriez pas dû revenir, la suppression de la clause de compétence générale, que tout le monde réclame y compris le président de l’Association des régions de France, M. Rousset, qui a fait remarquer que, dans le deuxième texte qui nous arrivera à l’automne,  la notion d’exclusivité des compétences pour une collectivité n’était malheureusement plus d’actualité.

Vous parlez beaucoup de la compétence exclusive, mais elle ne figure pas dans votre texte. Nous aurons en revanche des chefs de filat et un bel embrouillamini de compétences. Tout le monde pourra encore tout faire –soyons rassurés ! –, et l’argent du contribuable ne sera pas épargné.

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous savez comme moi que l’exclusivité des compétences est la clé d’une réforme réussie non seulement parce qu’elle permettra de réaliser des économies, mais aussi parce qu’une réforme territoriale repose sur une formule : une collectivité, une compétence, un impôt. Les Français doivent comprendre comment est utilisé leur argent. Ils doivent pouvoir contrôler les collectivités et évaluer leur activité pour être en mesure de les comparer. C’est pourquoi vous auriez dû vous fixer comme objectif et comme ligne directrice, si votre réforme en avait une, ce principe simple. Nous y aurions vu clair et nous aurions enfin eu le choc de simplification plutôt que ce choc de complexité.

M. Maurice Leroy. C’est vrai.

Mme Valérie Pécresse. Vous comprenez bien que, dans ces conditions, je ne pourrai pas soutenir votre réforme, mais je voudrais simplement revenir sur trois points qui me paraissent vraiment problématiques. Je ne parlerai pas de la carte des régions puisqu’elle est appelée à évoluer encore. Je vous fais confiance : vous profiterez des deux prochaines lectures pour nous présenter une carte entièrement nouvelle en septembre et en octobre. Vous avez tout l’été pour y réfléchir, et l’été, c’est long, surtout quand on change d’avis chaque semaine.

Premier point, vous reportez les élections locales de mars à décembre. Nous avons tous bien compris qu’il s’agissait là du véritable objectif de ce texte. Au lieu de parler des compétences des régions, de la suppression d’un niveau de collectivité, de simplification administrative, vous nous parlez découpage pour une seule et bonne raison : vous en servir de prétexte pour repousser les élections régionales de 2015, de six ou neuf mois, afin de gagner du temps face à une défaite annoncée par la vague bleue des municipales. Je ne pourrai pas soutenir le Gouvernement dans cette démarche purement politicienne.

Deuxième point, vous diminuez le nombre des conseillers régionaux. C’est tout de même extraordinaire : vous créez 330 élus dans la métropole du Grand Paris d’un coup de baguette magique et vous venez supprimer 59 élus régionaux en Île-de-France pour réaliser des économies ! Mais savez-vous seulement, monsieur le ministre, quelles compétences vous donnerez aux conseillers régionaux à l’issue du deuxième texte qui sera examiné cet automne ? Nous devons déjà siéger au sein de 479 conseils d’administration de lycées et vous nous rajoutez entre 800 et 1 300 collèges selon les versions !

M. Sébastien Denaja. Vous n’y allez jamais !

Mme Valérie Pécresse. Ne me dites pas cela : l’opposition n’a pas le droit d’y siéger ! Nous avons demandé à de multiples reprises à Jean-Paul Huchon que l’opposition puisse siéger au sein des conseils d’administration des lycées dans lesquels la majorité socialiste verte et Front de gauche ne met pas les pieds, en effet. Sur ce point, vous avez bien raison. Nous n’avons jamais obtenu gain de cause car vous refusez que nous nous mêlions d’éducation, parce que nous avons, nous, un vrai message à faire passer dans les lycées !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Si vous voulez plaider la cause de l’opposition auprès du président de la région Île-de-France, je vous y invite, allez-y, chez collègue ! Et dites aussi à vos collègues de la gauche de se rendre dans les conseils d’administration des lycées parce que la priorité pour la jeunesse commence dans les lycées de France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



M. Frédéric Lefebvre. Il y en a un qui a raté une occasion de se taire. (Sourires )

Mme Valérie Pécresse. Revenons-en aux conseils d’administration. Rien qu’en matière de compétence scolaire, nous devrons siéger dans 1 300 conseils d’administration alors que nous ne serons que 150 conseillers régionaux, ce qui signifie plus de dix conseils d’administration chacun à supposer qu’un seul conseiller régional siège – il y en a deux aujourd’hui. Comment voulez-vous que nous menions à bien ces missions ? Le nombre de conseillers régionaux que vous proposez ne permettra pas du tour de répondre à l’accroissement des compétences de la région. Cette totale inadéquation nous obligera à recruter des fonctionnaires supplémentaires pour exécuter les missions des élus, ce qui sera absurde. Il faudrait au contraire plus d’élus et moins de fonctionnaires pour administrer notre école.

Dernier point : la réduction du mandat des conseillers régionaux à quatre ans et trois mois. Cette mesure est absurde, elle aussi. Un conseiller régional désormais doté de compétences extrêmement fortes en matière d’investissement ne pourra pas, en quatre ans et trois mois, changer le visage de sa région. Cette durée n’a pas de sens.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas le projet de loi du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Valérie Pécresse déclarait, en introduction, que la France vivait une crise sociale, une crise économique, une crise institutionnelle. Je suis de ces élus locaux, également élu national, qui croient à la force des territoires, à la capacité des hommes et des femmes à accompagner ces mutations économiques, à renforcer la proximité des territoires, à bâtir ensemble une communauté de destins.

Depuis Paris et le désert français, de Jean-François Gravier, du chemin a été parcouru, et tout le monde attend cette réforme territoriale, toujours repoussée. Personne n’a oublié le travail réalisé par Jean-Pierre Raffarin ni les lois Defferre. Si l’on fait preuve d’un minimum d’objectivité, on est bien obligé de reconnaître que cette réforme est indispensable car le mille-feuille est devenu illisible. Tout le monde y a pris sa part : les communes, les communautés de communes, les pays, les fameux PETR – les pôles d’équilibre territorial et rural – que l’on doit à votre Gouvernement et qui sont restés des coquilles vides, sans parler de tous ces syndicats, ces SIVU, ces SIVOM – environ 20 000 –, dont votre texte ne traite pas.

Ce mille-feuille est inefficace à l’heure où la croissance de demain se joue, comme le soulignait tout à l’heure Alain Rousset, au sein même des territoires, avec les acteurs du terrain. D’ailleurs, les augmentations d’effectifs dans les collectivités territoriales ces dernières années ont révélé des doublons et des dépenses inutiles. Le mille-feuille aussi est coûteux.

Cette réforme est vitale pour préserver notre modèle social. Si l’État n’a plus les moyens d’apporter des financements aux collectivités territoriales, notre modèle social en souffrira alors qu’il faut répondre aux attentes de la population et renforcer les services qui leur sont destinés. Elle est également vitale parce que les collectivités ont vu leurs compétences renforcées dans tous les domaines de la vie quotidienne, qu’il s’agisse des transports, de la formation professionnelle, de l’apprentissage, des universités, de l’emploi ou du domaine économique. Je ne pense pas que l’État puisse tout gérer. Au contraire, la terrible crise économique que nous vivons nous prouve que c’est par la force des territoires et la capacité des collectivités à se mobiliser en faveur de l’emploi que nous réussirons demain à retrouver le chemin de la croissance.

Ce constat est partagé, c’est pourquoi une telle réforme ne peut se mener que dans un climat de confiance. Or, celle-ci a été passablement écornée par la majorité depuis deux ans. Quel triste film ! La réforme territoriale venait d’être votée lorsque vous êtes arrivés au pouvoir. Certes, elle était imparfaite mais au moins existait-elle, avec moins d’élus, une carte de l’intercommunalité achevée, les métropoles. À peine arrivés, évidemment, il fallait que vous déchiriez ce que les autres avaient fait.

Monsieur Cazeneuve, vous avez reconnu qu’il arrivait à l’opposition de trop s’opposer. Vous avez regretté que l’opposition s’oppose systématiquement à tous les projets du Gouvernement. Nous n’avons pas oublié, monsieur le ministre, que vous étiez à l’époque l’un des plus grands détracteurs de cette réforme qui avait pourtant permis de réaliser des économies, de rapprocher les régions et les départements. Vous doutiez d’ailleurs tellement que vous avez failli nous présenter, il y a quelques semaines, non pas le conseiller territorial, mais le territorial conseiller !

S’agissant des conseils généraux, le Premier ministre, qui a d’ailleurs reconnu qu’il n’était peut-être pas nécessaire de voter cette loi, nous a expliqué qu’il s’agissait d’approfondir la démocratie locale. Franchement, nous ne devons avoir ni les mêmes habitants, ni les mêmes élus, ni les mêmes électeurs ! Dans mon petit territoire d’Eure-et-Loir de 70 kilomètres de long, le conseiller général est connu comme le loup blanc. Ce ne sera sans doute plus le cas demain.

Le summum fut la clause de compétence générale des collectivités. Rapporteur pour avis de la commission des finances lors de la réforme territoriale, je me souviens des combats que vous avez tous menés pour laisser à toutes les collectivités cette clause de compétence générale. Nous savons très bien que, lorsque tout le monde veut décider, chacun veut sa part de pouvoir, ce qui coûte plus cher et ralentit les prises de décision. En janvier – cela n’aura pas duré longtemps –, la clause de compétence générale était rétablie. Le calendrier s’accélère ensuite et le Président de la République profite des vœux à Tulle pour souligner l’importance des départements. En avril, à cette même tribune, Manuel Valls nous explique que vous allez supprimer les conseils généraux. Voyant que vous ne pouvez pas le faire, vous choisissez d’attendre 2020.

On nous a, depuis les bancs du groupe SRC, avancé un seul argument de valeur en faveur de cette loi portant réforme du mode de scrutin pour l’élection des conseillers généraux : elle permettrait d’augmenter le nombre de femmes élues conseillères générales. C’est vrai. Vous auriez dû accepter l’amendement proposé par le groupe UDI visant à instaurer des listes simples, comme pour les élections régionales, des listes Chabada – un homme et une femme –, et vous auriez alors permis l’élection de conseillères générales ! Au lieu de cela, vous allez faire élire des conseillers généraux et des conseillères générales à la fin 2015 et au début 2016, pendant la trêve des confiseurs, pour supprimer les conseils généraux cinq ans plus tard !

J’en reviens à la carte des régions. Je crois en la puissance des régions. J’ai été élu régional pendant dix-neuf ans, et j’ai vu l’évolution considérable de ces collectivités, leur capacité à se saisir de différents dossiers. Je ne citerai qu’un seul exemple : le transport ferroviaire.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Philippe Vigier. La région Centre a été la première à expérimenter sa prise en charge.

M. Maurice Leroy. Maurice Dousset !

M. Philippe Vigier. Avec Maurice Dousset, en effet, ancien député, qui a présidé cette région pendant treize ans. Cette expérimentation a été reproduite depuis car – on pourra dire ce que l’on veut – depuis que l’État s’est désengagé, les résultats sont meilleurs pour un coût moindre, des lignes sont rouvertes et l’on transporte trois fois plus de passagers qu’à l’époque.

La carte des régions qui nous est proposée est à géographie variable, et leur nombre est changeant : de vingt-deux, elles sont passées à quatorze, puis à treize. Je ne remercierai jamais assez à cet égard M. le rapporteur d’avoir évité que le Limousin soit rattaché à la région Centre ! N’y voyez naturellement pas un plaidoyer pro domo, mais tout de même…

Comment instaurer une nouvelle organisation territoriale, monsieur le ministre, sans conduire parallèlement une réforme de l’État ?

M. Maurice Leroy. C’est indispensable !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous la ferons !

M. Philippe Vigier. Il est indispensable de l’effectuer conjointement ! Nous l’avons dit au Président de la République lorsqu’il a reçu les chefs de partis et de groupes parlementaires : la réforme de l’État doit naturellement coller à celle des collectivités territoriales ! Hier, vous avez annoncé que la présence de l’État serait renforcée dans les départements. J’espère, monsieur le ministre, que vous nous expliquerez au fil du débat ce que vous ferez concrètement en la matière ! Le magazine Challenges de cette semaine semble plutôt indiquer que des sous-préfectures vont disparaître. En trois ans et demi, ma petite sous-préfecture de Châteaudun est passée de quinze à huit employés ; vous n’en portez certes que la moitié de la responsabilité, puisque vous êtes au pouvoir depuis deux ans, mais je n’ai pas pour autant vu le nombre de salariés de ma sous-préfecture augmenter !

La réforme de l’État, c’est aussi la réforme des ARS, qui sont un État dans l’État. Il est grand temps que l’État reprenne complètement la main. La réforme de l’État, en effet, c’est la réforme des agences qui ont un plein pouvoir.

M. Pascal Popelin. Qui les a créées ? Vous êtes bien critique à l’égard de votre propre héritage !

M. Philippe Vigier. J’en viens aux compétences. Vous arguerez qu’il s’agira d’une seconde loi, monsieur le ministre. Les membres de l’UDI, vous le savez, sont profondément décentralisateurs. Les députés et les sénateurs de l’UDI ont accompli un formidable travail commun.

M. Maurice Leroy. C’est vrai ! M. le rapporteur l’a oublié !

M. Philippe Vigier. Il n’est pourtant pas simple – monsieur le président de la commission des lois le sait bien – de parvenir à ce que députés et sénateurs s’entendent sur un sujet aussi complexe. Or, ce travail a abouti à un document équilibré.

La question des compétences est essentielle car, comme le dirait fort bien M. Piron, on ne saurait dissocier le contenu du contenant.

M. Dominique Bussereau. Très bien !

M. Philippe Vigier. M. de Courson reviendra sur la question du financement, mais comment imaginer un instant une réforme des collectivités territoriales si celles-ci ne sont pas financées ? En 2004, lorsque M. Raffarin a présenté les lois de transfert, je me souviens du sketch que nous faisait la gauche au conseil régional du Centre en nous expliquant que ce transfert de compétences se faisait sans argent, d’où une augmentation des impôts allant de 14 % à 80 % en France.

M. Maurice Leroy. On pourrait tout aussi bien évoquer l’APA !

M. Philippe Vigier. Oui, Mme Lebranchu a inventé ce cadeau en 2001, mais ne l’a pas financé.

M. Pascal Popelin. Pourquoi ne pas évoquer le RSA ? Et la PCH ?

M. Philippe Vigier. Il est indispensable, monsieur le ministre, que vous traciez les pistes de financement des collectivités qui nous permettront de résoudre cette question dans les tout prochains mois, avec la perspective que la réforme des collectivités territoriales ne s’en tienne pas à ce seul découpage simplement parce que la rue de Solférino a décidé de créer treize régions plutôt que quatorze la veille ! J’ai bien compris que vous deviez trouver un accord politique avec les vôtres, mais l’intérêt de la France est-il au rendez-vous ?

Enfin, il y a un absent de cette réforme, un absent qui a lancé un cri d’alarme. Jean Lassalle l’aurait dit avec plus de force que moi : que vont devenir les territoires ruraux ? Je ne suis pas opposé à la suppression à terme des départements.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Philippe Vigier. Mais comment faire lorsque le chef-lieu se trouve à plus de 60 kilomètres, quand la capitale régionale se trouve à plus de 100, voire 150 kilomètres ?

Mme Chantal Guittet. Plus de 200 kilomètres séparent déjà Brest et Rennes…

M. Philippe Vigier. À cet égard, il y a un vide dans cette loi que vous devez naturellement combler.

Ce que nous vous reprochons, au fond, c’est que cette réforme s’aligne davantage sur un calendrier politique et électoral que sur une véritable réforme structurelle dans la durée.

Le Premier ministre a dit qu’elle devait être la mère des réformes : je le crois en effet. J’ai commencé mon propos en expliquant que nous créerons la croissance de demain, que nous bâtirons la puissance de notre pays et que nous affronterons la compétition internationale grâce à des territoires organisés qui suscitent la confiance, particulièrement en matière de développement économique. De ce point de vue, il est absolument indispensable de résoudre les questions que j’ai mentionnées : compétences et financement des collectivités et réforme de l’État. Nous demeurerons extrêmement attentifs et vigilants.

Depuis qu’elle a été annoncée au format XXX par le Président de la République, cette carte des régions a connu ces derniers jours des évolutions qui la rendent plus acceptable et plus cohérente, convenons-en.

M. Dominique Bussereau. Il n’y a pas photo !

M. Philippe Vigier. J’espère que dans quelques années, lorsqu’elle sera dans l’opposition, la majorité actuelle saura comme nous reconnaître les bonnes propositions !

M. Dominique Bussereau. Tout à fait !

M. Philippe Vigier. Pour autant, si je m’exprimais comme un examinateur du baccalauréat, je ferais ce commentaire : « Doit faire ses preuves à l’examen ». Avant toute chose, M. le ministre doit nous répondre concernant l’avenir des territoires ruraux. Ils sont abandonnés, et ce n’est pas nouveau. La question des intercommunalités de 20 000 habitants se pose, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, monsieur le ministre ; aucune réponse n’y est apportée.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’ai répondu hier.

M. Philippe Vigier. J’en viens aux économies : chacun sait bien qu’elles ne seront pas au rendez-vous à court terme. Ayons le courage de dire que les modifications du régime indiciaire entre deux régions, même lorsqu’elles fusionnent et compte tenu des écarts entre les régimes indemnitaires, entraîneront partout et à coup sûr des surcoûts, comme cela s’est produit lors du transfert des personnels TOS. Si nous sommes incapables de veiller à ce que l’architecture des régions favorise en premier lieu le développement économique, alors nous courrons à l’échec.

Je conclurai mon propos en évoquant une région qui m’est chère : le Centre.

Nous avons tout connu ; s’il fallait un titre de film, je choisirais Dernier domicile connu. « La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié », disait Édouard Herriot. La région Centre s’est constituée avec six départements orphelins. Puisqu’elle est orpheline, on a voulu la prendre par la main : avec qui la marier, s’est on ainsi demandé. On a d’abord pensé à la région Pays de la Loire, puis on a entrevu pour le fleuve royal une possibilité en Poitou-Charentes, mais il a fallu tenir compte du fait que personne ne voulait du Limousin, la région la plus pauvre de France… En bref, une espèce de corps informe est né un soir, peu après 21 heures : quelle n’a pas été notre stupeur ! Centre, Limousin et Poitou-Charentes !

M. Maurice Leroy. N’importe quoi !

M. Philippe Vigier. Merci encore, monsieur le rapporteur. Merci d’avoir veillé à ce que le Limousin rejoigne naturellement l’Aquitaine. Je n’ai naturellement rien contre les habitants du Limousin : je suis Auvergnat de naissance et je connais bien le plateau de Millevaches, où je pourrais avec vous aller pêcher quelques truites. Le sujet est bien plus grave : il s’agit de l’avenir de nos territoires. Le mariage avec la région Poitou-Charentes n’avait pas davantage de sens ! Ces départements sont tournés vers l’Aquitaine.

Une région se constitue autour de critères sociologiques, économiques, historiques et géographiques. L’axe naturel de la région Centre est l’axe ligérien – je le dis avec amitié pour M. Piron et sans vouloir faire de peine à M. Bussereau. La Loire est notre colonne vertébrale !

M. Paul Molac. Bien sûr !

M. Philippe Vigier. Il y a vingt ans, d’ailleurs, la région Centre avait demandé à s’appeler Val de Loire, mais le Conseil d’État s’y est opposé. Voilà pourtant notre axe naturel : c’est au fil de ce fleuve classé au patrimoine mondial de l’UNESCO que se sont nouées des coopérations anciennes entre les régions Centre et Pays de la Loire.

M. Thierry Benoit. Cela tombe sous le sens !

M. Philippe Vigier. Le droit d’option permettra à certains départements de rejoindre une autre région – M. de Rugy ne souhaite-t-il pas que la Loire-Atlantique rejoigne la Bretagne ?

M. Maurice Leroy. Il a raison !

M. Philippe Vigier. Nous sommes disponibles pour construire une région forte, attractive et dynamique. Il y a une vingtaine d’années, nous avions déjà imaginé un tel mariage, à tel point qu’il existe même une liaison rapide, l’Interloire, qui irrigue quotidiennement le val dans les deux sens, d’Orléans à Nantes.

M. François de Rugy. C’est même la seule liaison ferroviaire financée au niveau interrégional !

M. Philippe Vigier. C’est en s’appuyant sur de telles coopérations que l’on rendra service à la France et à ses territoires, monsieur le ministre. Je ne doute pas que l’on reviendra au cours du débat sur toutes ces questions de compétences, de réforme de l’État, de droit de sortie des départements avec des majorités simples qui ne seront pas formées pour constituer des verrous. Vous l’aurez compris : une fois de plus, l’attitude du groupe UDI est constructive. Il faut avancer : la France l’attend ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le Gouvernement nous soumet un texte visant à réformer la carte des régions de France. Autant le dire d’emblée : je ne suis pas par principe opposée à une réforme territoriale, mais elle doit se faire de façon concertée, dans la transparence et en toute objectivité. Députée du Parti radical de gauche, je veux redire ici que les radicaux de gauche ne s’opposent pas systématiquement à la réforme dès lors qu’elle s’inscrit dans une démarche de progrès et qu’elle respecte le caractère décentralisé de la France qui est inscrit dans notre Constitution. Je suis convaincue de la nécessité de repenser l’action de nos collectivités territoriales grâce à la clarification des compétences et à la simplification de l’action administrative au service de l’efficience des politiques publiques.

À notre grand regret, force est de constater que le texte qui nous est proposé aujourd’hui a été rédigé sans concertation avec les acteurs politiques et économiques des territoires. En effet, si le Gouvernement a souhaité créer des grandes régions dans un souci d’efficacité et de simplification, il est indispensable de nous assurer du bon fonctionnement des services publics de proximité.

En tant qu’élue du département des Hautes-Pyrénées, je crains que les territoires ruraux ne soient à nouveau les laissés-pour-compte de cette réforme. Dans l’exercice de mes fonctions, je veillerai à ce que les territoires ruraux et de montagne obtiennent des garanties concrètes sur le traitement qui leur sera réservé. Nous aurons l’occasion d’en reparler à la rentrée, car c’est la question du découpage régional qui nous réunit – une question qui a d’ores et déjà fait couler beaucoup d’encre dans l’enceinte du Parlement comme à l’extérieur.

Le Président de la République et votre Gouvernement souhaitent doter les régions françaises d’une taille critique qui leur permette d’exercer les compétences stratégiques à la bonne échelle et de rivaliser avec les régions européennes. Nous partageons cet objectif.

Pour ce faire, vous proposez de fusionner les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Par une approche plus concertée, vous auriez pu, monsieur le ministre, aller plus loin dans votre raisonnement en fusionnant les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon pour en faire une grande région Sud-Pyrénées.

M. Dominique Bussereau. Et pourquoi ne pas y ajouter la Corse ? Et la Sardaigne, tant que vous y êtes !

Mme Jeanine Dubié. Les arguments objectifs en faveur d’un tel regroupement ne manquent pas. Cette grande région Sud-Pyrénées n’est pas une fiction ; elle ne sort pas de nulle part, mais repose sur des faits réels et cohérents. Elle possède en effet une indéniable unité géographique. Elle regroupe l’ensemble du massif pyrénéen, de l’Atlantique à la Méditerranée. Elle deviendrait ainsi un interlocuteur unique dans le cadre des relations transfrontalières avec nos voisins espagnols, et permettrait de conduire une politique de massif homogène et cohérente.

M. Maurice Leroy. Massif, c’est le mot !

Mme Jeanine Dubié. D’ailleurs, ces trois régions sont déjà regroupées dans le cadre du Comité de massif des Pyrénées, dont les actions montrent toute la pertinence d’une approche globale à l’échelle des Pyrénées, confortée dans sa dimension transfrontalière au sein de la communauté de travail des Pyrénées avec nos voisins ibériques de Catalogne, d’Aragon, de Navarre, du Pays Basque espagnol, sans oublier l’Andorre.

Cette fusion a également un sens culturel : celui du cœur de l’Occitanie, de sa langue d’oc et de sa culture commune.

En outre, cette région Sud-Pyrénées existe d’ores et déjà puisqu’elle correspond à la circonscription Sud-Ouest des élections européennes. Nous aurions là l’occasion d’avoir une symétrie intéressante entre une région et ses représentants au Parlement européen.

M. Maurice Leroy. On en a vu les résultats !

Mme Jeanine Dubié. L’axe formé par les trois agglomérations régionales, Bordeaux, Toulouse et Montpellier, favoriserait un aménagement du territoire équilibré. Une telle fusion permettrait de mettre fin aux concurrences inutiles entre ces villes qui empêchent l’union des pays du Sud-Ouest.

Enfin, du point de vue économique, cette région est parfaitement pertinente. Il est en effet indispensable de rassembler les différentes énergies pour pallier le déficit de notoriété de nos régions et pour dynamiser l’attractivité et le développement de nos territoires.

Monsieur le ministre, ces coopérations sont réelles et elles sont essentielles pour l’économie et l’emploi au sein de ces territoires Je regrette que tous ces éléments de réflexion, partagés par les acteurs locaux, qu’ils soient économiques, administratifs ou politiques, n’aient pas été pris en compte dans la définition de la carte que vous nous proposez. C’est pour cette raison que je défendrai un amendement proposant une fusion des trois régions : Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.

M. Michel Piron. Et la Sardaigne ! (Sourires.)

Mme Jeanine Dubié. À défaut de faire une si grande et pourtant si ambitieuse région, il me semblerait plus pertinent de relier la région Midi-Pyrénées à l’Aquitaine plutôt qu’au Languedoc-Roussillon. Je salue à ce sujet mes collègues Martine Lignières-Cassou et Nathalie Chabanne, ainsi que d’autres collègues, qui ont déposé un amendement visant à fusionner ces deux régions, amendement que j’ai cosigné pour des raisons culturelles, économiques et géographiques évidentes. Le potentiel de développement économique et industriel d’un tel ensemble est en effet incontestable. Ce rapprochement placerait cette nouvelle région au troisième rang des régions françaises, avec un PIB potentiel de 171 milliards d’euros.

Ces deux régions n’ont d’ailleurs pas attendu une réforme des collectivités territoriales pour mettre en place des coopérations et pour donner de la visibilité aux entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou multinationales. Elles promeuvent ensemble une identité commune et des projets d’avenir, qu’il serait dommageable d’entraver.

Ces deux régions partagent des filières industrielles reconnues, comme celles de l’espace ou de l’aéronautique. Elles ont d’ailleurs mis en place un place un pôle de compétitivité aéronautique, « Espace-Systèmes Embarqués », qui contribue à leur développement économique. Dès lors, il nous parait peu rationnel de séparer sur deux régions ce pôle de compétitivité, qui est l’un des plus importants de France et, comme je l’ai déjà dit, essentiel pour nos territoires.

Ces filières s’appuient sur des pôles universitaires et de recherche reconnus, et notamment sur l’Université de Pau et des pays de l’Adour, qui rassemblent les étudiants de Bayonne jusqu’à Tarbes. Ces deux régions ont également multiplié les initiatives visant à promouvoir une identité commune : la marque N’Py fédère les stations de ski et d’altitude des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques ; le bureau du développement économique de l’Adour soutient les acteurs économiques du Pays Basque à la Bigorre, en passant par le Béarn ; le projet de territoire, engagé depuis deux ans maintenant par le département des Hautes-Pyrénées, véritable démarche de marketing territorial et porté par l’ensemble des acteurs économiques, administratifs et politiques, fait apparaître sans aucune ambiguïté l’interpénétration des relations économiques et sociales entre le Béarn et la Bigorre.

On notera enfin que les infrastructures, que ce soient les routes, les chemins de fers ou les autoroutes, sont toutes dessinées autour d’un triangle Bordeaux-Toulouse-Bayonne et assurent ainsi une connexion efficace entre les métropoles, agglomérations et territoires de ces deux régions. Une fusion entre elles contribuerait à un développement plus équilibré et traduirait les coopérations et les liens naturels préexistants. Pour cette raison, je défendrai un amendement qui répond aux attentes des acteurs locaux du Sud-Ouest et qui vise à réunir les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées.

Monsieur le ministre, une réforme territoriale réussie est un mariage équilibré entre la géographie, l’histoire et le développement économique. Une réforme territoriale réussie se construit de manière horizontale avec une nécessaire concertation entre le niveau central et le niveau local et en respectant la démocratie locale. La méthode que vous avez choisie, consistant à imposer d’en haut une carte pas du tout appropriée aux territoires, créera de formidables résistances préjudiciables au fonctionnement de nos institutions.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays a besoin d’une réforme territoriale ambitieuse pour que l’action publique locale gagne en efficacité, en lisibilité et en coordination.

M. Pascal Popelin. C’est vrai !

Mme Nathalie Appéré. Les périmètres actuels de nos régions administratives demeurent inchangés depuis les années cinquante : il n’est pas surprenant que de tels découpages ne soient plus adaptés, en 2014, à une société dont les usages n’ont d’ailleurs de cesse de dépasser les limites territoriales.

Sans qu’il soit besoin de chercher à tout prix le périmètre idéal, sans doute une chimère, il nous appartient de trouver, de manière résolue et pragmatique, des territoires régionaux plus grands pour l’exercice des politiques publiques ; des espaces qui correspondent aux mobilités actuelles, aux évolutions démographiques, sociales, universitaires, économiques, et surtout aux compétences stratégiques des régions en matière de planification, d’infrastructures, de développement économique, donc d’emploi ; des espaces qui soient aussi des périmètres de solidarité et d’équilibre. Les métropoles sont, de ce point de vue, des éléments dynamiques de structuration de nos régions. Je me réjouis que les cartes proposées par le Gouvernement et le rapporteur, certes, toujours perfectibles, intègrent ces principes.

Dans cette démarche, celles et ceux qui s’évertuent à rechercher des « frontières », voire à ériger des rideaux de fer, des barrières, qu’elles soient historiques ou culturelles, font à mon avis fausse route. Loin de moi l’idée de nier la diversité de nos territoires où la richesse des langues et cultures régionales forge le sentiment d’appartenance. J’y suis profondément attachée. Mais prenons garde à ne pas employer des termes qui invitent davantage au repli qu’au rassemblement !

Les identités ne sont pas intangibles, immuables, figées par l’état de l’histoire à un moment donné. Elles ne sont pas non plus exclusives, et la République des Lumières ne peut pas accepter qu’elles soient fondées sur l’exclusion – ceux qui en sont et ceux qui n’en sont pas, ceux dont on veut et ceux dont on ne veut pas. Les identités – le mot ne me gêne pas dans ce débat – sont multiples, dynamiques, se construisent et se renforcent au contact des autres. Elles précèdent et survivent d’ailleurs très largement aux territoires institutionnels.

La Bretagne – pour ne pas la citer ! – n’est pas née avec le conseil régional élu au suffrage universel depuis 1986.

M. Dominique Bussereau. C’est sûr !

Mme Nathalie Appéré. Pas plus que les Savoyards ou les Vendéens n’ont perdu leurs repères avec la constitution des régions. Voilà qui doit nous aider à relativiser la charge symbolique de l’exercice auquel nous nous livrons et nous permettre de nous concentrer sur son efficacité opérationnelle.

M. Pascal Popelin. Voilà ! C’est la sagesse !

Mme Nathalie Appéré. Quels que soient les périmètres des grandes régions que nous retiendrons à l’issue de nos débats, nos territoires ne gagneront la bataille de la croissance et de l’emploi que dans l’ouverture et le partenariat. L’efficacité de l’action publique n’exige pas l’affirmation de frontières, mais au contraire la coopération, le décloisonnement et, parfois, des territoires de projet à géométrie variable. À cet égard, les régions dont le périmètre pourrait demeurer inchangé auront à l’évidence pour mission de développer et de renforcer les partenariats avec les régions limitrophes.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous avez parlé de la Bretagne !

Mme Nathalie Appéré. Pas de mariages, mais peut-être de longues fiançailles qui pourraient d’ailleurs ne pas manquer de charme… Car, au-delà de la carte que nous allons utilement redessiner, il nous faudra, dès cet automne, lors de l’examen du projet de loi, recentrer rapidement le débat sur les compétences et les moyens.

Mme Isabelle Le Callennec. Il aurait fallu commencer par cela !

Mme Nathalie Appéré. Là est le cœur de la réforme : des régions de taille européenne plus puissantes, couplées à des intercommunalités approfondies et renforcées, au premier rang desquelles les métropoles, moteurs de croissance et de solidarité, que nous avons reconnues à travers la loi MAPAM – la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles –, première étape décisive de la réforme territoriale.

Mes chers collègues, je nous souhaite de parvenir à un compromis qui, à défaut de plaire à tout le monde, puisse au moins répondre efficacement à l’urgence de réformer notre pays. Si les élus ne montrent pas leur capacité à se réformer eux-mêmes à travers ce grand chantier de la réforme territoriale, nous prendrions en effet le risque – sérieux – de fragiliser tous les acquis d’une décentralisation qui deviendrait alors impopulaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Carlos Da Silva, rapporteur. C’est la meilleure intervention de la matinée !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle est l’âme de notre peuple ?

André Siegfried, au siècle dernier, opposait à l’ingéniosité française, la ténacité anglaise, la discipline allemande, le réalisme latin, le mysticisme russe et le dynamisme américain. Cette ingéniosité française, selon l’académicien, a souvent produit de piètres résultats politiques. Je le cite : « avec des dons merveilleux, avec une dépense étonnante de talent et […] de dévouement, ce qui nous frappe en France, c’est l’inefficacité de la vie publique faisant contraste avec l’efficacité de l’individu […]. Un Français, un homme intelligent ; deux Français, de la conversation ; trois Français, la pagaïe. »

M. Sébastien Denaja. Ce n’est pas gentil pour le triumvirat !

M. Guillaume Larrivé. Tâchons, cette semaine, mes chers collègues, de faire mentir André Siegfried ! Essayons d’inventer une réforme territoriale qui n’aggrave pas, demain, en France, la triste pagaïe qui tient lieu aujourd’hui d’organisation publique.

Vous voulez, paraît-il, réformer, c’est-à-dire changer pour améliorer. Nous aussi ! Mais le projet du Gouvernement, qui consiste d’abord à additionner des régions administratives les unes aux autres et à envisager ensuite de les mélanger avec les départements, sans autre réflexion, est une contre-réforme, entachée de deux fautes originelles.

La première erreur, c’est l’illusion technocratique selon laquelle big is beautiful. Pour être moderne, il faudrait toujours être de grande taille. Rien pourtant ne le démontre de manière irréfutable, ni la réalité historique ni la science économique.

La seconde faute, c’est évidemment la tentative de synthèse, toute solférinienne, qui a conduit le Président de la République à tenter de satisfaire certains de ses amis, sans trop mécontenter les autres, ce qui aboutit à cette sorte de gloubi-boulga, digne de Casimir et de L’Île aux enfants, qui tient lieu, aux yeux du Gouvernement, de nouvelle carte régionale. Ce n’est pas seulement un jaune d’œuf, monsieur le ministre de l’intérieur, qui est venu s’écraser sur la toile cirée – pour reprendre votre expression favorite –, c’est une omelette si mal cuisinée que personne n’a envie d’y goûter !

Votre contre-réforme, nous n’en voulons pas. Une réforme utile doit être envisagée en gardant à l’esprit, autant que possible, quatre principes.

Le premier principe est celui du respect de notre histoire politique et juridique. Notre pays est une « République indivisible » dont l’« organisation est décentralisée ». Nous ne sommes pas et nous n’avons pas vocation à devenir une République fédérale, non plus qu’à revenir à un maillage réinventant l’Ancien régime. Notre refus de l’uniformité ne doit pas masquer notre devoir d’unité. Prenons garde à ne pas affaiblir ce qui reste de l’autorité de l’État républicain en installant, face au Gouvernement, demain, une douzaine de grands seigneurs féodaux qui agiraient en contre-pouvoir.

Le deuxième principe doit être celui de l’efficacité. La France s’enfonce dans l’endettement public, qui approche désormais 100 % de la production nationale. La dépense publique ne peut être indéfiniment financée à crédit et reportée sur les générations futures. Cette recherche d’efficacité, j’en suis convaincu, doit nous conduire à accepter de modifier les périmètres et les compétences des collectivités. Le statu quo n’est plus tenable.

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Guillaume Larrivé. Le troisième principe est celui de la reconnaissance de l’identité. Nous sommes plusieurs sur divers bancs – François de Rugy tout à l’heure, bientôt Marc Le Fur – à évoquer cette notion d’identité historique, géographique, démographique, économique, mais aussi culturelle, des territoires. L’avenir de notre pays ne s’écrit pas sur une page blanche. Nul ne peut prétendre faire table rase de la réalité.

Le quatrième principe est celui de la proximité. Il est impératif que les élus des collectivités soient proches de nos concitoyens, connus et choisis par le peuple souverain, aptes à travailler concrètement et sérieusement aux côtés des acteurs de terrain, au premier rang desquels les maires, les chefs d’entreprise et les responsables associatifs.

Ces quatre principes me conduisent à proposer la création – en lieu et place des vingt-deux conseils régionaux et des quatre-vingt-seize conseils généraux actuels, hors outre-mer – d’une quarantaine d’assemblées territoriales fédérant an certain nombre de départements. Ces nouvelles assemblées territoriales exerceraient l’ensemble des compétences actuellement dévolues aux conseils régionaux et aux conseils généraux…

M. Marc Le Fur. Très bien !

Mme Isabelle Le Callennec. L’Assemblée de Bretagne, par exemple !

M. Guillaume Larrivé. …sans que l’on s’interdise, ici ou là, quelques ajustements de frontières avec les compétences exercées au-dessus, c’est-à-dire par l’État, et celles exercées en dessous, c’est-à-dire par les structures intercommunales et les communes.

Chaque département fédéré au sein des nouvelles assemblées territoriales serait représenté par un vice-président et par des conseillers ancrés dans les territoires, élus sur leur nom dans des cantons légitimes et connus des habitants car choisis au suffrage uninominal à deux tours. Le nombre d’élus serait significativement réduit par rapport au nombre actuel de conseillers généraux et régionaux, en s’inspirant sans doute de ce qu’avait prévu l’ancienne majorité pour les conseillers territoriaux. J’ajoute une idée assez neuve, en tout cas encore peu formulée sur nos bancs, selon laquelle les députés et les sénateurs élus dans les départements pourraient utilement siéger au sein de l’assemblée territoriale, sans voix délibérative ni naturellement aucune indemnité d’aucune sorte, afin de participer aux débats en faisant le lien à la fois avec la nation et leur circonscription.

M. Sébastien Denaja. Pourquoi pas ?

M. Marc Le Fur. C’était une idée du président Pompidou !

Mme Isabelle Le Callennec. C’est un minimum !

M. Guillaume Larrivé. Pour que vive notre République, il faut respecter l’histoire et la géographie. Une véritable réforme ne doit pas être bâtie sur du sable, mais doit être enracinée dans nos territoires. Une telle réforme, nous pouvons la construire ensemble. J’ai la conviction que la France sera plus forte demain si la Bourgogne, la Bretagne, la Savoie, l’Alsace, l’Auvergne, la Corse ou la Champagne sont elles aussi renforcées au cœur de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (suite).

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly