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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Deuxième session extraordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 09 septembre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Ouverture de la session extraordinaire

2. Cessation de mandat et remplacement d’une députée membre du Gouvernement

3. Adaptation de la société au vieillissement

Présentation

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales

Présidence de Mme Laurence Dumont

Mme Fanny Dombre Coste, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Motion de renvoi en commission

Mme Bérengère Poletti

Mme Marisol Touraine, ministre

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Mme Gisèle Biémouret

M. Denis Jacquat

M. Arnaud Richard

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Jeanine Dubié

Mme Jacqueline Fraysse

Discussion générale

M. Christophe Sirugue

M. Denis Jacquat

M. Arnaud Richard

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Jeanine Dubié

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Joëlle Huillier

M. Bernard Perrut

Mme Brigitte Allain

M. Alfred Marie-Jeanne

Mme Véronique Besse

Mme Michèle Delaunay

M. Gilles Lurton

Mme Bernadette Laclais

M. Denys Robiliard

Mme Marianne Dubois

Mme Annie Le Houerou

M. Élie Aboud

Mme Sylviane Bulteau

M. Olivier Véran

M. Philippe Vitel

Mme Marisol Touraine, ministre

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État

Discussion des articles

Article 1er

Mme Bérengère Poletti

M. Denis Jacquat

M. Michel Vergnier

M. Jean Jacques Vlody

M. Yves Daniel

Mme Edith Gueugneau

M. Guillaume Chevrollier

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Michel Liebgott

Mme Hélène Geoffroy

M. Rémi Delatte

Mme Gisèle Biémouret

M. Jean Lassalle

M. Frédéric Reiss

M. Jean-Pierre Vigier

M. William Dumas

Mme Cécile Untermaier

M. Gilles Lurton

M. Patrick Hetzel

M. Bernard Perrut

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Ouverture de la session extraordinaire

M. le président. En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par décrets du Président de la République en date des 4 août, 5 et 6 septembre 2014.

2

Cessation de mandat et remplacement d’une députée membre du Gouvernement

M. le président. J’ai pris acte de la cessation, le 29 juillet 2014 à minuit, du mandat de députée de Mme Annick Girardin, secrétaire d’État au développement et à la francophonie, au terme du délai d’un mois à compter de son élection.

J’ai été informé par le ministre de l’intérieur du remplacement de Mme Annick Girardin par M. Stéphane Claireaux, élu en même temps qu’elle à cet effet.

3

Adaptation de la société au vieillissement

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement (nos 1994, 2155, 2119).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les députés, partons d’abord d’un constat positif et qui doit rendre optimiste : les Français gagnent en temps de vie.

Ce constat s’impose à nous tous : l’espérance de vie a déjà dépassé 80 ans aujourd’hui, et elle devrait continuer à s’allonger d’une année tous les dix ans jusqu’en 2060. À cette date, les personnes âgées de plus de 85 ans seront plus de 5 millions en France, contre un peu moins de 1,5 million aujourd’hui. L’augmentation de l’espérance de vie est évidemment une chance pour notre pays – je crois que nous tomberons d’accord là-dessus. Mais elle est aussi un défi, auquel nous devons nous préparer.

Ce constat ne date pas d’aujourd’hui : cela fait des années que nous l’entendons. Cela fait des années que nous entendons que des mesures nouvelles s’imposent pour faire face au vieillissement de la population et accompagner celles et ceux qui perdent leur autonomie. Des discours, il y en a eu. Et pourtant, pendant plus de dix ans, l’accompagnement de la perte d’autonomie a fait l’objet de renoncements et d’atermoiements. Pendant plus de dix ans, l’urgence a été affirmée, et même proclamée, mais sans qu’aucune volonté politique se s’impose pour apporter les solutions attendues. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je tiens à dire ici que, même si le contexte financier est contraint…

M. Marc Le Fur. On va nous parler de l’augmentation des petites retraites !

Mme Marisol Touraine, ministre. …la gauche, elle, a choisi de ne pas renoncer ! Face au constat de l’allongement de l’espérance de vie, nous prenons nos responsabilités. Comme l’a solennellement rappelé le Président de la République…

M. Marc Le Fur. « Moi, Président de la République… » !

Mme Marisol Touraine, ministre. …la reconnaissance de la place et du rôle des plus âgés dans notre société nécessite l’adaptation de tout le pays et exige un engagement du corps social tout entier, une mobilisation d’ampleur, mais aussi, j’y insiste, une politique concrète, identifiée, qui réponde aux besoins quotidiens des plus âgés et de leurs proches. Le texte que nous vous présentons avec Laurence Rossignol est profondément inscrit dans son époque. C’est un projet de loi qui, en ce début de XXIsiècle, anticipe les conséquences du vieillissement sur notre société. C’est un projet de loi qui a l’ambition de changer le quotidien de nos aînés et de leurs proches.

Je veux saluer le travail et l’engagement de Laurence Rossignol sur ce texte, et rendre hommage à Michèle Delaunay, qui y a beaucoup réfléchi et a commencé à l’élaborer il y a deux ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Trois principes ont guidé l’élaboration de ce projet de loi.

Le premier consiste à accompagner concrètement les choix de vie et la liberté de choix de nos concitoyens. Nous estimons qu’il appartient à chacune et à chacun de décider de l’endroit où il veut vieillir et, dans le cas où il perdrait son autonomie, de l’endroit où il veut être accompagné. Nombre de nos concitoyens nous disent qu’ils veulent demeurer chez eux. Encore faut-il que ce choix de rester à son domicile soit rendu possible ! Car rester chez soi, alors même que l’on a des difficultés à se déplacer, à être seul, ou que l’on ne dispose pas d’un encadrement nécessaire, peut paraître illusoire. Le premier principe de cette loi, je le répète, a donc été de rendre concrètement possible le maintien à domicile de celles et de ceux qui le souhaitent.

Le deuxième principe qui a guidé l’élaboration de ce projet de loi est celui de la cohérence de l’action gouvernementale. Ce texte affirme que c’est grâce à la solidarité que nous pourrons proposer des solutions nouvelles pour accompagner les personnes âgées. La préservation et le renforcement de notre système de protection sociale, qui sont au cœur de toutes les décisions que nous avons prises depuis deux ans, se retrouvent donc dans la loi qui vous est proposée.

Ce texte de loi affirme par ailleurs, et pour la première fois, la nécessité de faire un effort en direction de la prévention, qui se trouve également au cœur de la stratégie nationale de santé que je présenterai prochainement en conseil des ministres. Cela se traduit très concrètement, dans ce projet de loi, par la création d’une instance nouvelle, la conférence des financeurs, qui doit permettre de relever de manière volontariste le défi de la prévention.

Ce principe de cohérence de l’action gouvernementale se retrouve, enfin, dans la volonté de décliner les politiques d’accompagnement de la perte d’autonomie de manière personnalisée, et adaptée à la situation de chacun. La personnalisation des politiques publiques est en effet l’un des fils conducteurs des choix qui ont été réalisés depuis deux ans – que l’on songe, par exemple, à la mise en place du compte pénibilité dans le cadre de la loi sur les retraites.

M. Marc Le Fur. Une mise en place difficile !

Mme Marisol Touraine, ministre. J’en arrive, après notre choix d’accompagner le maintien des personnes âgées à leur domicile, et le principe de la cohérence de l’action gouvernementale, au troisième principe qui a guidé l’élaboration de ce projet de loi : celui de la responsabilité financière. Nous avons fait voter – vous avez voté ! – la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, ou CASA, qui permettra de couvrir l’ensemble des dépenses nouvelles créées par cette loi. Les 650 millions d’euros qui seront dégagés par cette nouvelle contribution…

M. Marc Le Fur. Pas si nouvelle que cela !

Mme Marisol Touraine, ministre. …permettront de garantir la pérennité de la réforme que nous vous proposons.

Je le dis solennellement, en réponse aux débats que suscitent, notamment, ceux qui n’ont rien proposé au cours des années passées. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends dire, parfois, que les propositions qui sont faites ne sont pas suffisantes, mais je tiens à souligner que la loi que nous proposons est responsable, puisque n’y figurent pas d’engagements qui ne pourront être tenus. Notre responsabilité, vis-à-vis des personnes âgées et de leurs proches, c’est de garantir que ce que nous votons ici, que ce que nous décidons ensemble, sera effectivement, très concrètement et rapidement mis en œuvre, et de manière durable. Nous avons la volonté d’apporter des solutions concrètes.

Mme Claude Greff. Il n’y a rien de concret dans ce projet de loi !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est cette volonté d’apporter des solutions concrètes qui traverse le projet de loi que nous vous présentons aujourd’hui, avec Laurence Rossignol.

La réforme qui a commencé d’être élaborée il y a deux ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claude Greff. Avant vous, le monde n’existait pas ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …l’a été dans le cadre d’une concertation affirmée, puisque ce texte est l’aboutissement d’échanges nombreux et continus avec les partenaires sociaux, les élus, notamment ceux des conseils généraux, les représentants du monde associatif, les professionnels, les personnes âgées et leurs familles.

Mme Claude Greff. C’est du baratin !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux également souligner l’intérêt et le parti que nous avons tiré des rapports qui nous ont été remis par votre collègue Martine Pinville, par le docteur Jean-Pierre Aquino, ainsi que par Luc Broussy : ils ont contribué à orienter notre réflexion vers une approche globale du vieillissement de la population.

Je voudrais à présent, sans entrer dans le détail de ce projet de loi,…

Mme Claude Greff. Il n’y en a pas !

Mme Marisol Touraine, ministre. …vous présenter les quatre objectifs qui nous ont guidés dans la construction de celui-ci.

Ce texte doit d’abord permettre de combattre concrètement les inégalités, car nous ne sommes pas égaux face au temps qui passe. Les Français vieillissent différemment selon leurs parcours de vie et selon qu’ils ont, ou non, la chance d’être entourés par leurs proches.

Mme Claude Greff. Et selon qu’ils sont imposés, ou pas !

Mme Marisol Touraine, ministre. Au-delà de 75 ans, une personne sur quatre n’a pas plus de trois discussions par an.

Mme Claude Greff. Et ses impôts augmentent !

Mme Marisol Touraine, ministre. À mesure que la santé se dégrade, que l’isolement s’accentue, et que les ressources se raréfient, le risque de perte d’autonomie augmente. Pour combattre les inégalités sociales, il nous faut donc anticiper et repérer les premiers facteurs de la perte d’autonomie. Au-delà de 60 ans, les personnes défavorisées sont deux fois plus nombreuses que les autres à être porteuses d’au moins deux maladies chroniques. Il est donc indispensable de mettre l’accent sur la prévention, à l’image de ce qui sera fait par ailleurs dans le cadre de la loi santé.

Mme Claude Greff. Avec quels moyens ?

Mme Marisol Touraine, ministre. La prévention, dont le financement est assuré, ainsi que l’adaptation, prendra plusieurs directions. Un plan national d’adaptation assurera d’abord la rénovation de 80 000 logements d’ici à 2017.

Mme Claude Greff. Avec quels moyens ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Des travaux permettront d’aménager des espaces plus sûrs grâce, par exemple, à des chemins lumineux…

Mme Claude Greff. Et pourquoi pas un feu d’artifice ?

M. le président. Madame Greff, s’il vous plaît !

Mme Marisol Touraine, ministre. …ou à des salles de bain modernisées pour faciliter les déplacements. Tout cela peut paraître anecdotique à ceux qui ne s’intéressent pas au sujet (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Costes. Ce sont des mots creux !

Mme Marisol Touraine, ministre. …mais nous savons bien que ce que nos aînés et leurs familles attendent, ce sont des solutions concrètes, que les nouvelles technologies nous permettent aujourd’hui d’apporter.

Le deuxième objectif de ce projet de loi, c’est de renforcer le caractère solidaire de la prise en charge du vieillissement. Pour combattre les injustices, nous voulons préserver le caractère universel de la prise en charge de l’accompagnement de la perte d’autonomie. C’est pourquoi nous poursuivons le mouvement de prise en charge collective du vieillissement, lancé il y a douze ans par le gouvernement de Lionel Jospin, avec la création de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA. Nous pouvons rendre hommage au travail réalisé, en particulier, par Paulette Guinchard-Kunstler, qui était alors la ministre en charge de ce dossier, et qui est aujourd’hui présidente du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – la CNSA. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La création de cette allocation a représenté un immense progrès pour des millions de Français, et il nous revient de l’adapter à la situation nouvelle. Nous voulons engager un véritable acte II de l’allocation personnalisée d’autonomie, qui se traduira très concrètement par une augmentation des aides allouées aux personnes en perte d’autonomie, à un coût moins élevé. L’un des fils conducteurs de notre politique, c’est en effet de faire en sorte que, en matière de soutien, d’accompagnement et de santé, le reste à charge de nos concitoyens diminue, et c’est ce que nous faisons.

Très concrètement, grâce à ce projet de loi, les personnes les moins autonomes se verront proposer une heure d’aide supplémentaire par jour. Les personnes plus autonomes mais ayant tout de même besoin d’être accompagnées se verront quant à elles proposer une heure d’aide supplémentaire par semaine.

Cette mesure s’accompagnera d’une diminution du ticket modérateur, qui représente la contribution demandée à nos concitoyens. Ainsi, une personne en situation de très faible autonomie disposant d’un revenu de 1 500 euros par mois verra sa contribution personnelle diminuer de 400 à 250 euros par mois par l’effet de ces aides. Il s’agit donc d’un effort en direction du pouvoir d’achat de ces personnes, et d’un effort de solidarité puisque cela signifiera une diminution de la contribution d’environ 2 000 euros par année pour ces personnes.

C’est l’un des engagements forts de ce projet de loi : plus d’aide pour les personnes ayant une faible autonomie et moins de contribution de leur part, avec une couverture sociale renforcée.

M. Jean-Luc Laurent. Enfin une bonne nouvelle !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le troisième objectif, c’est de porter une politique globale. L’ambition du Gouvernement, qui fait le choix d’une loi d’orientation et de programmation, est d’inscrire la totalité des politiques de l’âge dans un programme pluriannuel et transversal.

La justice sociale que nous cherchons doit se décliner dans chaque foyer, dans chaque territoire. Sur nos territoires, ce sont les conseils généraux et les agences régionales de santé qui mettent en œuvre notre politique de prise en charge de la vieillesse. La question de la gouvernance territoriale est donc fondamentale. Ce projet de loi propose diverses mesures pour améliorer la coordination des aides et de l’accompagnement sur le terrain.

Le dernier objectif, qui n’est pas le moindre, est de soutenir les aidants familiaux. Pour que des personnes restent à domicile alors qu’elles perdent leur autonomie, il faut qu’elles puissent s’appuyer sur leur famille, leurs proches, leur conjoint, leurs enfants.

C’est un engagement très prenant, souvent épuisant, puisque les chiffres montrent que malheureusement, un aidant familial sur deux décède avant la personne qu’il aide. Il faut donc accompagner ces personnes en leur permettant de souffler et en leur offrant un soutien.

Un pas a déjà été fait en ce sens dans la loi sur les retraites, en permettant la validation des trimestres des aidants et la majoration de la durée d’assurance à l’allocation vieillesse des parents au foyer.

Le texte que nous vous présentons ira plus loin en permettant aux 4,3 millions d’aidants familiaux de concilier l’aide avec leur vie professionnelle et en instaurant un droit au répit qui constitue une nouveauté absolument fondamentale. Ce droit au répit ne sera pas théorique ; il se traduira très concrètement par un soutien à hauteur de 500 euros par an et par aidant. Cette aide permettra par exemple de financer une semaine d’hébergement temporaire, quinze jours en accueil de jour ou encore vingt-cinq heures supplémentaires d’aide à domicile. De cette manière, nous travaillons pour la qualité de la vie au quotidien non seulement des personnes âgées, mais aussi de toutes celles et ceux qui les accompagnent et qui les soutiennent.

Mesdames, messieurs les députés, au-delà du texte que le Gouvernement a élaboré, je voudrais saluer la qualité du travail parlementaire engagé sous la responsabilité toujours vigilante et constructive de la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, par la rapporteure Martine Pinville et toutes celles et ceux qui ont assumé des responsabilités sur ce texte : Joëlle Huillier, Christophe Sirugue, et Fanny Dombre Coste, rapporteure pour avis.

J’espère que la discussion nous permettra d’aller plus loin pour répondre aux besoins quotidiens, et c’est avec beaucoup de fierté qu’au nom du Gouvernement, avec Laurence Rossignol, je vous présente un texte qui apporte des réponses concrètes pour la vie quotidienne des plus âgés et de leurs proches.

Mme Claude Greff. Il fallait le faire lorsque vous étiez présidente du conseil général d’Indre-et-Loire ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est un projet de loi de progrès social, d’amélioration de la vie quotidienne, qui devrait nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les députés, en introduction à mon propos, et parce que nous allons souvent chercher le mot juste au cours des trois jours de discussion, je souhaite consacrer quelques instants à deux propos préalables sur le vocabulaire et le sens.

« Adaptation de la société au vieillissement », tel est l’intitulé du projet de loi que nous vous présentons avec Marisol Touraine. S’agit-il pour notre société de s’adapter à son propre vieillissement ? Ou plutôt, comme je le crois, d’adapter notre société, c’est-à-dire ses politiques publiques, ses évolutions éthiques, sociologiques et sociales au vieillissement d’un plus grand nombre d’individus ? Ce n’est pas la société qui vieillit, c’est la population. La nuance, dans un pays sensible à la peur du déclin, mérite d’être prise en compte.

La population vieillit ; de plus en plus d’individus atteignent un âge avancé. Dans le même temps, la France est un des pays européens au taux de natalité le plus élevé. Avec plus de 800 000 naissances par an, la France n’est pas un pays vieillissant ; c’est un pays qui conserve un bon équilibre entre les générations et, ainsi, toute sa capacité à se mobiliser, à se transformer et à innover. Et cette dynamique de la transformation collective harmonieuse réside dans notre capacité à renforcer la cohésion intergénérationnelle.

Au moment où nous connaissons une mutation accélérée des modes de production et de vie, la cohabitation des âges est essentielle, car elle réalise la synthèse entre le passé et l’avenir et témoigne de la permanence d’une dynamique de réciprocité entre les générations. L’harmonie de la cohabitation des âges nous relie avec la longue lignée des générations qui nous ont précédés, et prolonge la transmission qui structure aussi bien l’identité individuelle que l’identité collective.

Quels sont les bons mots pour désigner les hommes et les femmes dont nous allons parler pendant ces trois jours ? Âgés, anciens, aînés, seniors, silvers, retraités : les mots ne manquent pas pour nommer les bénéficiaires de ces politiques. Cette profusion révèle surtout que le mot « vieux », encore toléré comme adjectif, est cependant proscrit comme substantif, comme si le vieux était ipso facto objet de discrimination, et l’aîné objet de respect.

Mme Bérengère Poletti. C’est vrai !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Malheureusement, nous le savons tous, les réalités sont plus compliquées, et je voudrais citer le livre de votre ancien collègue, Jérôme Guedj. Son « Plaidoyer pour les vieux » prouve que l’on peut à la fois appeler un chat un chat et défendre avec amour et détermination une politique publique généreuse.

La prise en charge publique de la vieillesse, tout comme l’évolution démographique de notre société, n’est pas nouvelle. Dès le XVIIIe siècle s’est amorcée une transition démographique lente, mais décisive, qui va progressivement installer la prise en charge collective d’une vieillesse de plus en plus institutionnalisée. Cette prise en charge est essentiellement sanitaire. Mais le temps où la vieillesse était uniquement considérée au travers du prisme de la dépendance ou du dénuement est derrière nous. La politique initiée en 2001 a impulsé un véritable changement de paradigme.

Le projet de loi que nous présentons aujourd’hui avec Marisol Touraine emprunte la voie ouverte par Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d’État aux personnes âgées en 2001 et maintenant présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Dans cette voie nous voulons aller encore plus loin : consolider et élargir les droits de la personne en perte d’autonomie – c’est l’accompagnement des bénéficiaires de l’APA et de leurs aidants – ; anticiper et prévenir la perte d’autonomie ; adapter la ville, le logement, les transports au vieillissement.

Je tiens à dire à Michèle Delaunay, que je vois parmi vous, qu’elle peut être fière du travail accompli et qu’elle restera une grande ministre des personnes âgées. Si nous sommes en voie d’adopter ce dont nos prédécesseurs – les siens, les miens, et ceux de Marisol Touraine – ont rêvé sans jamais aboutir, c’est aussi en grande partie grâce à son infatigable détermination. Elle a su mobiliser tous ceux qui avaient pensé l’adaptation de notre société au vieillissement, en particulier Luc Broussy, le Dr Aquino et notre rapporteure, Martine Pinville, dont les rapports ont nourri la concertation.

Car la loi sur le vieillissement est très attendue. Elle est attendue par ceux qui sont déjà vieux aujourd’hui, par ceux qui ne le sont pas encore mais s’inquiètent de leur vie à venir, par leurs familles, par les élus locaux et les professionnels.

Ce texte est essentiel, car il porte les valeurs d’égalité, de justice sociale, de solidarité et de respect de l’autre qui inspirent l’ensemble de nos politiques sociales. Essentiel, il l’est aussi car il porte sur un enjeu majeur et durable. Sur ce sujet, et malgré un contexte budgétaire contraint, nous avions le devoir d’avancer et nous le faisons. Essentiel, il l’est enfin car il crée à la fois des droits nouveaux dès sa promulgation et car il a la qualité de loi de programmation et d’orientation. C’est un texte qui porte loin.

C’est un texte très moderne, irrigué par une réflexion fine – qui d’ailleurs évoluera – à laquelle chacun peut contribuer : qu’est ce qu’avoir 65 ans, 80 ans ou plus de 90 ans aujourd’hui ? C’est un texte qui se glisse dans la fluidité de la vie.

En effet, la vieillesse n’arrive pas brutalement un beau matin du soixantième, soixante-dixième, ou quatre-vingtième anniversaire ; elle ne frappe pas à la porte le jour de votre retraite. Être vieux, ce n’est ni aller « du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil, et puis du lit au lit » – comme le chantait Brel – ni s’accrocher à une caricature du jeunisme. Si notre regard doit évoluer, il ne doit pas pour autant remplacer un stéréotype par un autre. Il ne faut pas infliger aux âgés ce que l’on inflige aux femmes : des images de magazine inatteignables.

Mme Michèle Delaunay. Bravo !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. La vieillesse est plurielle. Elle ne transforme pas non plus en clones des personnes qui étaient toutes différentes hier encore. La vieillesse n’uniformise pas les individus pour les dépersonnaliser en une vaste tranche d’âge composée d’êtres humains qui auraient tous les mêmes désirs, les mêmes besoins et aspireraient aux mêmes conditions de vie.

Vieillir, c’est souvent renoncer progressivement à des petites choses que l’on faisait encore hier et que l’on ne fait plus aussi vite ou facilement aujourd’hui. Mais vieillir c’est ne jamais renoncer ni à sa dignité ni au droit de choisir sa vie. Ce projet de loi enrichi d’amendements parlementaires consacre que les droits de la personne sont intangibles et inaliénables. Ce que nous instaurons, à travers lui, c’est une politique qui prend appui sur les parcours, et non sur une conception abstraite de la vieillesse.

Ce texte développe une approche globale et transversale qui repose sur trois piliers complémentaires : anticiper et prévenir ; adapter la société ; accompagner la perte d’autonomie.

Anticiper, pour repérer et mieux combattre les facteurs de risque de la perte d’autonomie. Anticiper, c’est faciliter l’accès aux aides techniques modernes telles que la domotique, le numérique ou la téléassistance, qui viennent en appui aux aides humaines indispensables. Parfois, cela se manifeste simplement par une barre d’appui dans une douche. Anticiper, c’est être présent dans le quotidien. La lutte contre l’isolement, la promotion de l’activité physique adaptée, la prévention de la dépression et du suicide, le bon usage des médicaments sont autant de sujets qui feront l’objet de plans thématiques, portés par ce Gouvernement puis par ceux qui lui succéderont pendant de longues années, et que vous retrouvez dans le rapport annexé à ce projet de loi.

Le deuxième pilier, c’est adapter la société, prendre en compte le vieillissement de la population dans l’ensemble de nos politiques publiques. Le logement, l’urbanisme et les transports en sont bien évidemment au cœur.

L’habitat, en particulier, doit savoir accompagner l’avancée en âge, sous toutes ses formes. Conformément à l’engagement présidentiel, un plan national d’adaptation de 80 000 logements privés sera programmé avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse – CNAV – et l’Agence nationale de l’habitat – ANAH. Les logements foyers seront développés, leurs missions redéfinies et une nouvelle aide, le forfait autonomie, sera mise en place pour renforcer les missions de prévention de ces logements. Les résidences services verront quant à elles leur modèle économique sécurisé, les charges payées par les locataires seront enfin liées à l’utilisation réelle des services proposés.

Adapter la société au vieillissement, c’est aussi laisser les intéressés en être acteurs. La création d’un volontariat civique senior et la mise en œuvre d’initiatives de transmission sont autant de dispositifs qui reconnaissent l’engagement des citoyens âgés et qui sont propices à la cohésion sociale.

Enfin, le troisième pilier consiste à accompagner. Comme d’autres volets de ce projet de loi, nous avons fait le choix de ne pas aborder l’accompagnement de façon restrictive.

Dans le cadre d’une politique de vieillesse qui place l’autonomie au cœur, la question des droits devient alors fondamentale. Accompagner, c’est aussi agir en direction de personnes vieillissantes, donc plus vulnérables, qui peuvent se retrouver en très grande difficulté pour prendre des décisions pour elles-mêmes.

Ainsi, substituer le terme d’accueil à celui de placement dans le code de l’action sociale et des familles révèle toute notre exigence du respect des droits fondamentaux de la personne.

Ce respect du projet de vie de la personne, le projet de loi le renforce sous de nombreux aspects. Je pense d’abord au droit à l’information pour tous. L’information donnée aux personnes selon des modes appropriés à leur état de santé est la condition première et indispensable à l’effectivité de leurs droits. L’extension de ce droit à l’information aux familles participera du respect de l’expression et de la volonté des personnes âgées.

La liberté d’aller et venir en maison de retraite est réaffirmée dans le texte. La garantie de l’expression du consentement de la personne est renforcée par l’institution d’une personne de confiance dans l’établissement du contrat de séjour. À ce sujet, je tiens à saluer le travail engagé par la commission des affaires sociales, qui s’est fortement impliquée sur cette question.

Je l’ai déjà évoqué, l’anticipation est un des trois piliers du projet de loi. Comme le dit un proverbe, « pour vivre longtemps, il faut être vieux de bonne heure ». Plus les personnes auront anticipé, plus elles auront désigné tôt la ou les personnes qu’elles souhaitent voir veiller sur elles lorsqu’elles ne pourront plus le faire elles-mêmes. Pour cela, nous nous appuierons également sur les outils existants, en particulier sur le mandat de protection future.

Accompagner, c’est aussi soutenir les proches aidants. Sur cette question, le projet de loi constitue une avancée considérable et répond aux besoins de près de 8,3 millions d’aidants en matière de santé, d’information, de formation et de conciliation avec leur vie professionnelle de l’aide apportée à leur proche vieillissant. L’évocation de leur action dans le code de l’action sociale et des familles constitue un premier pas. La dimension psychologique n’est pas anecdotique, et la charge est trop importante pour que les aidants ne soient pas nommés ni reconnus pour ce qu’ils font, même s’ils pensent souvent qu’ils ne font que leur devoir et ne se désignent pas eux-mêmes comme des aidants.

En outre, le texte instaure des dispositifs de prise en charge temporaire des personnes accompagnées, afin de garantir aux aidants un droit au répit assorti d’une prestation, qui est l’une des magnifiques innovations de notre projet de loi.

Accompagner, c’est enfin engager l’acte II de l’allocation personnalisée d’autonomie. Marisol Touraine a évoqué cette question de manière très précise il y a un instant : je n’y reviendrai donc pas.

Cependant, je veux aborder un élément que je considère essentiel à la réussite de cette réforme : l’avenir des services d’aide à domicile. Ces derniers sont un maillon indispensable pour un accompagnement à domicile professionnel, sécurisé et respectueux des habitudes de vie des personnes. Leur devenir constitue pour nous un chantier prioritaire. La mobilisation du fonds de restructuration, à hauteur de 130 millions d’euros entre 2012 et 2014, ainsi que les réponses apportées par la loi avec la réforme de l’APA, permettront naturellement un développement de l’activité. Mais ce n’est pas suffisant : en lien avec les départements et les ARS, nous devons aussi apporter des réponses pérennes aux questions de professionnalisation, de conditions de travail, d’égal accès aux services et de modèle économique. Pour cela, nous allons travailler à une réforme organisationnelle et à un décloisonnement des accompagnements et des métiers de l’aide et des soins à domicile.

Vous l’aurez compris : en parallèle du travail parlementaire qui s’opère sur ce texte, le Gouvernement poursuit son engagement en faveur de l’adaptation de la société au vieillissement, à travers non seulement le développement des services à domicile, que je viens d’évoquer, mais aussi un travail sur la tarification des EHPAD et une amélioration de la lisibilité de l’offre.

Grâce au travail de la commission des affaires sociales, ce texte, déjà bien structuré, s’est encore enrichi. Je suis très fière de la mesure qui permettra aux immigrés âgés de plus de 65 ans, ascendants d’enfants français et résidant depuis plus de vingt-cinq ans sur le territoire d’acquérir la nationalité française sur simple déclaration.

La rapporteure, Martine Pinville, a réalisé un travail remarquable, très à l’honneur du Parlement et à la hauteur du respect que le Gouvernement lui porte. Ce travail avait été largement anticipé dans le cadre de son rapport, que j’ai évoqué il y a un instant. Fanny Dombre Coste, pour la commission des affaires économiques, et Jacques Moignard, pour la délégation aux droits des femmes, ont aussi permis d’enrichir le texte. De nombreux députés, de la majorité comme de l’opposition, y ont contribué. Je les en remercie tous.

M. Denis Jacquat. Très bien ! Vous êtes courtoise, madame la secrétaire d’État !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les députés, comme je l’ai déjà dit, la vieillesse est plurielle. Mais vieillir, on ne peut le nier, c’est souvent ralentir. Ce projet de loi répond aux besoins de ceux qui sont moins performants, moins connectés, moins rapides, et qui ressentent la nécessité d’un rythme adapté, plus lent, plus doux. Mais par cette réponse, la loi ne s’adresse pas uniquement aux personnes âgées. En effet, lorsque l’on pose le regard sur celles et ceux qui vivent au rythme de l’adagio, on ne prend pas en compte uniquement la vieillesse, on prend en compte la différence. C’est toute la portée universelle de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, l’examen du projet de loi par la commission des affaires sociales a permis de mesurer l’ampleur de son ambition et la qualité du travail de consultation préalable des acteurs concernés. Ce texte est à la hauteur des attentes des personnes âgées et de leur famille,…

M. Denis Jacquat. Pas complètement !

Mme Martine Pinville, rapporteure. …même s’il ne constitue qu’une première étape dans l’accompagnement de la perte d’autonomie. Il est un marqueur important dans l’édifice de notre modèle social. Permettez-moi également de saluer l’engagement du Gouvernement sur cet enjeu sociétal, respectant ainsi un engagement fort du Président de la République.

M. Franck Gilard. Les Français en sont convaincus !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Les différentes mesures de ce texte traduisent une approche transversale. Comme le révèle son titre, ce projet de loi promeut un changement de regard. Il ne propose pas de gérer la dépendance comme un fardeau, mais invite au contraire à tirer pleinement parti de la longévité.

On ne peut plus différer l’investissement indispensable dans l’adaptation de notre société au vieillissement, face au constat d’un tassement de l’espérance de vie en bonne santé et de l’augmentation à venir de la population de plus de 60 ans en perte d’autonomie. Une politique d’anticipation et de prévention portera ses fruits : elle permettra d’éviter la survenance des pertes d’autonomie ou de les détecter de manière précoce, donc d’éviter leur aggravation.

Il s’agit d’une politique éminemment sociale, car les inégalités d’espérance de vie et de niveau d’autonomie au grand âge sont un révélateur des inégalités sociales.

Il s’agit d’un investissement bénéfique pour toute la société. Ce projet de loi vient au soutien des proches aidants des personnes âgées et contribue donc à la conciliation entre les vies familiale et professionnelle des actifs en milieu et en fin de carrière. La « silver économie », si bien promue par notre collègue Michèle Delaunay, que je veux saluer ici, va créer de nouveaux domaines d’activité porteurs de croissance. De même, le plan pour les métiers de l’autonomie va offrir des perspectives d’emplois pérennes et de qualité aux salariés de l’aide à domicile.

Cette ambition repose sur un volet financier substantiel, preuve manifeste du caractère prioritaire de l’adaptation de la société à la transition démographique en cours : 650 millions d’euros du produit de la CASA vont financer durablement les mesures du projet de loi qui améliorent l’APA, qui assurent un meilleur accès aux aides techniques et qui transforment les logements-foyers pour personnes âgées en résidences autonomie.

Je souhaite souligner deux aspects de ce texte qui ont suscité des apports importants de la commission ou qui pourront donner lieu à des enrichissements majeurs en séance, grâce au dialogue fructueux établi avec le Gouvernement : le renforcement des droits et la gouvernance des politiques du vieillissement.

Le respect des droits de nos concitoyens, quelles que soient les fragilités occasionnées par leur vieillissement, constitue l’un des socles du projet de loi. Le droit de toute personne âgée qui bénéficie d’une aide publique au respect de son projet de vie est affirmé pour la première fois : le libre choix entre domicile et établissement est donc consacré. L’accompagnement à domicile se fonde sur une évaluation multidimensionnelle de la situation et des besoins, pour mieux prendre en compte l’environnement de vie et la contribution des proches aidants, également reconnus pour la première fois.

De même, le projet de loi consacre la liberté d’aller et venir en établissement : la commission a mieux encadré les conditions dans lesquelles une annexe au contrat de séjour peut définir des mesures particulières, strictement adaptées, pour assurer l’intégrité physique et la sécurité des résidents les plus fragiles.

Le projet de loi a ouvert à tout bénéficiaire d’un accompagnement médico-social le droit de désigner une personne de confiance pour l’accompagner dans ses démarches, comme cela se pratique dans le secteur sanitaire. La commission a renforcé ces prérogatives, et nous pourrons continuer à avancer dans ce sens.

Il ressort également des travaux de la commission que l’objectif d’instaurer un regard extérieur, sans stigmatiser les établissements, peut être partagé par tous. Le Défenseur des droits semble l’intervenant le plus adapté afin de garantir que les résidents les plus fragilisés ne subissent pas un traitement discriminatoire en raison de leur perte d’autonomie. Je vous proposerai un amendement en ce sens.

De même, la commission a étendu aux intervenants à domicile les nouvelles obligations figurant dans le projet de loi en matière de prévention de la maltraitance et de promotion de la bientraitance.

Enfin, la commission a initié le chantier de la réforme du mandat de protection future, aujourd’hui sous-utilisé alors qu’il permet à chaque personne d’anticiper les situations où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.

En matière de gouvernance des politiques liées au vieillissement au niveau national, le projet de loi renforce les fonctions de coordination et d’animation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Cette dernière est devenue en quelques années une instance compétente, reconnue et crédible – je salue l’action de Paulette Guinchard en la matière. La CNSA va pouvoir exercer de nouvelles compétences de prévention, d’appui méthodologique ou d’information du public.

Mais des interrogations persistent concernant la gouvernance territoriale des politiques de l’autonomie. Les nouvelles instances de gouvernance au niveau local envisagées lors de la consultation du Conseil économique, social et environnemental ne figurent plus dans le texte du projet de loi, en raison de l’engagement de la grande réforme territoriale attendue par nos concitoyens.

M. Arnaud Richard. C’est honteux !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Or la mise en cohérence et l’animation des actions d’accompagnement de la perte d’autonomie sur un même territoire sont indispensables. Les acteurs sont nombreux et les ressources considérables. Ces politiques se sont développées en tuyau d’orgue, et nous constatons trop souvent que leur mise en cohérence est insuffisante.

Nous devons apporter des réponses précises afin de gagner en efficacité et de proposer une offre d’accompagnement claire et complète. Cependant, les contraintes de recevabilité financière fixées par l’article 40 de la Constitution limitent fortement l’initiative parlementaire dans ce domaine. Nous avons donc travaillé sur cette question avec le Gouvernement afin de parvenir à des avancées concrètes. Celui-ci a répondu pleinement à nos attentes et soumet à notre examen des propositions ambitieuses.

Un amendement du Gouvernement vise à instaurer, dans chaque département, un conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie – CDCA –, fusion des actuels conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées – CDCPH – et des comités départementaux des retraités et personnes âgées – CODERPA. Le futur CDCA permettra d’assurer la participation des personnes âgées et des personnes handicapées aux politiques de l’autonomie. Il s’agira d’une instance de représentation largement ouverte, distincte de la conférence des financeurs créée à l’article 3 qui organise, quant à elle, la coordination du financement des seules actions de prévention de la perte d’autonomie. Ainsi, l’ensemble des acteurs concernés sur le territoire du département – collectivités territoriales, caisses de Sécurité sociale, associations de personnes âgées, familles, professionnels – bénéficieront d’un cadre institutionnel de dialogue et de décision commun.

Autre avancée majeure : l’unification du fonctionnement des maisons départementales de l’autonomie. Ce nouveau cadre juridique offrira aux présidents de conseil général la faculté de transformer les structures existantes, notamment les maisons départementales des personnes handicapées, en un guichet unique labellisé par la CNSA et s’adressant à l’ensemble des personnes en perte d’autonomie. Ces structures existent déjà dans certains départements : elles se voient ainsi consacrées.

Enfin, je salue l’amendement du Gouvernement instaurant un Haut Conseil de la famille et des âges de la vie. Cette initiative fait suite à une réflexion que j’ai souhaité initier lors de la présentation du projet de loi par la ministre devant la commission : j’avais proposé de saisir l’occasion fournie par la création du Haut Conseil de l’âge pour rapprocher ce dernier du Haut Conseil de la famille et créer ainsi un organisme consultatif unique, au périmètre étendu. Là encore, nous gagnerons en cohérence et en efficacité : des ascendants aux descendants, des grands-parents aux petits-enfants, les politiques relatives à la jeunesse et à la vieillesse – autrement dit, les politiques liées à l’âge – participent d’un même engagement de la société au soutien des familles. Aux premiers âges de la vie, il s’agit d’accompagner l’acquisition de l’autonomie ; dans la perspective du grand âge, il s’agit de préserver ce capital d’autonomie, d’en prévenir la perte ou de la compenser.

Mes chers collègues, l’enjeu de l’adaptation de la société au vieillissement dépasse les clivages politiques : il ne saurait faire l’objet de querelles partisanes tant son appropriation dans chaque commune et dans chaque département est cruciale pour rendre nos collectivités locales « amies des aînés ». Certaines des améliorations apportées lors de l’examen du projet de loi par la commission des affaires sociales ont suscité un vote unanime : j’émets donc le vœu que nos travaux en séance se caractérisent par une réflexion collective et des approches constructives, et qu’ils rassemblent le plus largement la représentation nationale autour d’un impératif de solidarité nationale et de respect de nos aînés.

Mme Bérengère Poletti. Dites-le à Mme Touraine !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Dès lors, nous pourrons, d’ici à la fin de la législature, travailler collectivement au suivi de la mise en œuvre des mesures du projet de loi, dont plusieurs sont échelonnées au cours des années à venir, et évaluer la prise en compte par les différentes politiques publiques de l’impératif d’adaptation de notre société au vieillissement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

(Mme Laurence Dumont remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Fanny Dombre Coste, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme Fanny Dombre Coste, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames les rapporteures, chers collègues, après la sortie cet été du rapport de la Fondation de France sur l’isolement, on mesure l’importance, pour la cohésion sociale, de la nécessité d’anticiper d’un point de vue quantitatif, mais aussi qualitatif, ce que l’on peut appeler une révolution de l’âge, ou encore le « papy-boom ».

La France est engagée dans un processus de transition démographique inédit et une augmentation de la durée de vie qui est une chance pour la société française, mais aussi un défi immense pour les générations à venir.

Les personnes âgées de 60 ans et plus, au nombre de 15 millions aujourd’hui, seront 20 millions en 2030, 24 millions en 2060, soit une personne sur trois. Et parmi elles, le nombre des plus de 90 ans va quasiment quadrupler.

Cette révolution de l’âge représente une formidable opportunité de développement économique. C’est le sens du lancement de la filière Silver économie en décembre 2013 par notre collègue Michèle Delaunay. On pense bien sûr aux objets connectés, à la robotique, à la domotique, secteurs identifiés dans le cadre des 34 plans pour une nouvelle France industrielle et qui représentent 300 000 emplois potentiels. Mais c’est aussi l’occasion d’adapter la ville, les transports, l’accès au soin et bien sûr les logements. Au vu des chiffres évoqués, on mesure l’impact en termes de croissance et d’emplois. Au Japon, par exemple, cette politique anticipée il y a vingt ans génère entre 0,3 et 0,5 point de croissance.

Au-delà de l’aspect économique, cette révolution de l’âge doit nous amener aussi à changer notre regard. Il s’agit de créer les conditions d’une société plus inclusive qui anticipe la perte d’autonomie et adapte ses politiques publiques dans tous les champs de la société : mobilité, logement, accès aux soins, aménagement du territoire.

C’est tout l’intérêt de ce texte visant à mettre en place un cadre qui permette une approche transversale des enjeux et les réponses à y apporter. La commission des affaires économiques, au regard de ses compétences en matière de logement et d’urbanisme, s’est saisie pour avis des articles 11 à 16 du projet de loi, relatifs aux établissements d’hébergement pour personnes âgées et aux PLH, programmes locaux de l’habitat.

La question de l’habitat est centrale pour les personnes âgées. De plus, il existe un lien étroit entre habitat et autonomie, car l’environnement matériel est facteur d’accélération du vieillissement quand il est inadapté. On note que 90 % des Français préfèrent adapter leur logement plutôt que le quitter. Par ailleurs, seulement 20 % des plus de 85 ans seront concernés par une forte dépendance et auront recours à des établissements médicalisés.

L’objectif premier est donc de permettre le maintien à domicile et en conséquence l’adaptation des logements privés. Cela concerne non seulement 75 % des seniors qui sont propriétaires, mais aussi les bailleurs sociaux qui devront adapter leur offre. C’est le sens d’un amendement que je présenterai.

Le Président de la République a fixé un objectif : l’État devra adapter 80 000 logements aux contraintes de l’âge et du handicap d’ici à la fin du quinquennat. L’inscription d’objectifs de renouvellement et d’adaptation des logements dans les programmes locaux de l’habitat illustre cette volonté.

L’offre actuelle de logement destinée aux personnes âgées montre que les seniors n’ont aujourd’hui le choix qu’entre trois types d’habitat : le logement additionnel, souvent inadapté à la perte d’autonomie ; les résidences médicalisées EHPAD et les résidences services dont les prix restent relativement élevés. Il y a là un enjeu de mixité sociale et de cohésion sociale.

La réponse à apporter ne peut en aucun cas être uniforme. Il conviendra d’assurer une diversité de l’offre de logements pour répondre à l’ensemble des besoins. Outre l’objectif du maintien à domicile, le texte traite donc de la nécessité de développer une offre intermédiaire entre la maison de retraite médicalisée et le domicile.

Je salue la réforme du fonctionnement des résidences services de première génération ayant le statut de copropriété, afin de garantir l’avenir de leur modèle économique et de mieux protéger leurs occupants des charges devenues excessives, que le logement soit occupé ou non. Des mesures seront sans doute nécessaires pour accompagner la transition entre ces deux modèles de première et deuxième générations.

Mais les résidences services ne peuvent prétendre répondre à tous les besoins, le ticket d’entrée n’en permettant pas l’accès à tous. C’est pour cette raison que de nouveaux projets d’innovation sociale ont vu le jour. Je pense au projet Octave à Lille, aux Babayagas à Montreuil ou encore au projet des « Grisettes » à Montpellier. Parce qu’elles correspondent également à une demande d’habitat partagé et solidaire qui ne cesse de croître, ces résidences services à coût social devront pouvoir se développer dans un cadre juridique adapté et sécurisé. Cette question devra être encore approfondie.

J’aimerais évoquer également la pratique, qui se développe, du logement intergénérationnel, portée par des associations comme le Pari Solidaire ou encore Concorda Logis. C’est un modèle amené à se développer, particulièrement dans les villes universitaires, qui apporte à la fois une réponse à l’isolement et une réponse financière à nos anciens et à nos jeunes. Là encore, le cadre juridique est insuffisant et, à cet égard, je salue l’écoute du Gouvernement sur le sujet ainsi que la qualité du travail de notre rapporteure Mme Pinville. Un rapport permettra, à terme, d’indiquer comment sécuriser juridiquement et fiscalement cette nouvelle pratique de cohabitation.

Pour conclure, en tant que rapporteure de la commission des affaires économiques, je donne un avis favorable sur les questions relatives au logement. Je salue un texte ambitieux qui se concrétisera par étapes, une autre vision qui nous est proposée du vieillissement, une réponse au défi de la révolution de l’âge au caractère universel avec comme principe fondateur l’égalité de tous les citoyens face au risque de la perte d’autonomie.

En ce sens, ce projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement comporte une dimension éthique et sociétale majeure qui fera date, je n’en doute pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteures, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, le vieillissement représente un défi majeur pour notre société et correspond à l’engagement n18 du Président de la République.

Ce texte est très attendu par les professionnels du secteur, mais surtout par les personnes et leurs familles. Une fois de plus, nous allons accomplir l’un des engagements pris durant la campagne présidentielle, et nous nous en félicitons.

M. Philippe Gosselin. C’est à noter, en effet !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. De fait, près de 650 millions d’euros du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie – la CASA –, une recette pérenne, vont être consacrés à l’amélioration de l’accès aux aides à domicile, dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie. Et ils contribueront également au développement de l’accès aux aides techniques, ainsi qu’à la transformation des logements-foyers pour personnes âgées en résidences autonomie dotées de moyens pour mener à bien leur nouvelle mission de prévention de la perte d’autonomie.

Je voudrais également souligner que ce projet de loi est le fruit d’une longue concertation avec tous les acteurs concernés à laquelle notre collègue Michèle Delaunay a consacré toute son énergie et sa force de conviction. Je ne peux m’empêcher également de saluer Mme Paulette Guinchard pour son engagement sur le sujet et qui, je le sais, nous regarde. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je souhaite insister particulièrement sur l’approche novatrice du projet de loi qui engage une action ambitieuse de prévention de la perte d’autonomie, en pleine cohérence avec la grande loi de santé publique que nous examinerons prochainement. Les inégalités devant le vieillissement prennent en effet leurs racines dans le parcours de chacun et de chacune face à la prévention et aux soins. Tel est le grand défi de la stratégie nationale de santé, madame la ministre. Cet objectif de prévention a ainsi dicté les choix concernant l’acte II de l’APA, mais aussi la refondation des services d’aide et d’accompagnement à domicile ou la redéfinition des missions et des moyens des logements-foyers pour personnes âgées.

La réforme de l’APA se fonde ainsi sur une meilleure définition, multidimensionnelle, du besoin d’aide de la personne qui vieillit et qui perd son autonomie. Mais aucun des bénéficiaires actuels ne subira une diminution de ses plans d’aides contrairement aux projets de restriction de l’APA aux GIR 1 à 3 envisagés par la précédente majorité. Le choix de maintenir l’éligibilité des personnes en GIR 4 traduit donc la conviction que l’amélioration de l’APA à domicile constitue aussi une mesure de prévention de la perte d’autonomie.

Intervenir dès que la perte d’autonomie est modérée, c’est se donner les moyens de prévenir les dégradations ultérieures et donc, in fine, économiser les dépenses occasionnées par les situations de dépendance les plus lourdes et les recours mal préparés aux structures les plus fortement médicalisées ou à l’hôpital, notamment dans la permanence des soins ambulatoires dans le cadre d’urgences.

La meilleure définition des plans d’aide va ainsi contribuer à améliorer les parcours de soins dans la lignée de l’expérimentation de parcours pour les personnes âgées en risque de perte d’autonomie, engagée par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013.

L’objectif de prévention est également manifeste dans la refondation des services d’aide et d’accompagnement à domicile et d’animation à la fois des services autorisés et des services agréés.

Les mesures figurant aux articles 31 à 34 vont inciter tous ces intervenants à souscrire avec le département des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens. De même, l’article 34 vise à expérimenter un mode d’organisation, de fonctionnement et de financement des services polyvalents d’aide et de soin à domicile, les SPASAD.

Le nouveau départ donné aux logements-foyers pour personnes âgées transformées en « résidences autonomie » répond également à l’objectif de prévention. Il tire pleinement parti de cette forme d’habitat collectif accessible aux personnes âgées à revenus modestes.

Ces structures bénéficieront donc d’un « forfait autonomie », financé à hauteur de 40 millions d’euros à partir du produit de la CASA. Il s’agira d’actions d’animation et de prévention, individuelles ou collectives, visant à entretenir les facultés sensorielles, motrices et psychiques des résidents et à repérer leurs difficultés sociales. Les amendements adoptés en commission ont renforcé la mutualisation de l’emploi de ce forfait. Je ne reviendrai pas sur l’instauration d’une conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie.

À l’initiative de la rapporteure Mme Pinville, la commission a inclus les services d’hospitalisation à domicile – HAD– dans le champ du conventionnement de partenariat des résidences autonomie en cas d’accueil de nouveaux résidents bénéficiaires de l’APA. Cette mesure est en totale cohérence avec l’objectif d’optimisation des parcours de santé des personnes âgées. L’hospitalisation à domicile concilie en effet les techniques hospitalières et l’aide à domicile. L’instauration d’un dialogue régulier entre les gestionnaires des résidences autonomie et les services de HAD contribuera à diminuer le recours aux urgences hospitalières, problème récurrent dont il a souvent été question dans les auditions que j’ai menées avec mon collègue Jean-Pierre Door sur la permanence des soins ambulatoires.

M. Denis Jacquat et M. Gérard Bapt. Très bien.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Avant de conclure, je tiens à souligner le caractère exemplaire du travail mené sur ce texte par le Gouvernement et les parlementaires, ainsi que celui de Martine Pinville que je félicite tout particulièrement pour la qualité de son rapport.

Il faut donc saluer le cheminement des différentes modifications apportées en commission ou qui vont être proposées en séance. Mes chers collègues, je terminerai en exprimant un souhait : celui que notre discussion se déroule dans un climat constructif, comme lors des travaux de notre commission. Sur ces sujets, nous devons nous appuyer sur les sentiments d’humanité et de solidarité qui animent chacune et chacun d’entre nous.

Comme l’a joliment écrit l’écrivain japonais Haruki Murakami : « Ce qu’il adviendra pour chacun de nous, c’est un territoire inexploré dont il n’existe aucune carte ». Mais il est une chose dont nous pouvons être assurés, c’est que le vieillissement, que ce soit directement ou indirectement, nous concernera toutes et tous un jour ou l’autre. Je souhaite que chacune et chacun trouve son territoire dans cette carte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames les rapporteures, chers collègues, ce projet de loi attendu porte l’ambition forte d’anticiper les conséquences de l’avancée en âge pour adapter les politiques publiques. C’est nécessaire, car en 2060 un tiers des Français auront plus de 60 ans. C’est donc la société tout entière qu’il faut mobiliser pour relever le défi du vieillissement.

L’avancée en âge n’est pas qu’une question de dépendance. Ce n’est pas une contrainte à subir ; c’est une chance à saisir, comme l’exprime la très belle citation par laquelle Mme Lemorton a terminé son intervention. C’est une opportunité économique au fort potentiel, comme cela a déjà été dit et comme l’a souvent soutenu Mme Michèle Delaunay. C’est une chance de progrès social pour construire de nouvelles solidarités. C’est une chance de lutter contre les inégalités sociales, territoriales, sanitaires et de genre.

En effet, le vieillissement est en grande partie une affaire de femmes, car c’est un enjeu pris en charge par les femmes et réalisé en direction des femmes. Avec une espérance de vie supérieure à celle des hommes, celles-ci sont, dans une proportion de 75 %, les principales bénéficiaires des politiques d’autonomie. Elles sont également très présentes dans l’accompagnement des personnes âgées, qu’elles soient aidants familiaux auprès de leur entourage ou qu’elles interviennent à titre professionnel - elles représentent ainsi plus de 97 % de l’aide à domicile.

Les femmes sont donc au cœur de la politique de l’âge et c’est tout naturellement que la délégation aux droits des femmes a souhaité se saisir de ce texte. Je tiens à en remercier Mme Catherine Lemorton et à remercier aussi M. Jacques Moignard pour son travail et ses propositions. Je tiens aussi à saluer la qualité exceptionnelle de l’étude d’impact qui accompagne le texte.

Madame la ministre, je vous remercie enfin de poursuivre, dans votre ministère consacré aux droits des femmes, une politique transversale. Je sais combien vous vous attachez à suivre dans ce domaine les pas de Mme Najat Vallaud-Belkacem.

Je tiens maintenant à souligner combien cette question du vieillissement illustre la nécessité de mener sans relâche des politiques transversales pour l’égalité.

Les femmes vivent plus longtemps, mais elles sont aussi plus souvent dans des situations de précarité. Le taux de pauvreté des femmes âgées de plus de 75 ans dépasse de cinq points celui des hommes et le niveau de leurs retraites reste très inférieur à celui des retraites des hommes. Ce sujet a fort heureusement été pris en compte lors de la réforme des retraites que vous avez menée en 2013-2014.

Les femmes vivent certes plus longtemps, mais l’écart avec les hommes se réduit en termes d’espérance de vie en bonne santé. Il est donc important de renforcer la prévention médicale et la délégation aux droits des femmes a formulé des propositions à ce sujet.

Nous avons aussi beaucoup avancé en matière de lutte contre les violences faites aux femmes au cours des deux dernières années. Dans ce domaine, il faut aussi prendre en compte les maltraitances et les violences envers les personnes âgées, ce qui suppose notamment d’améliorer les connaissances dans ce domaine. À cet égard, je me félicite d’un progrès significatif : l’enquête « Violence et rapports de genre », ou VIRAGE, portera sur un panel d’hommes et de femmes âgés de 18 à 74 ans - soit, pour la première fois, sur une population de plus de 70 ans.

Il faut aussi adapter la cité pour mieux organiser les politiques de transports, de mobilité et de logement autour des personnes âgées.

Dernier exemple du caractère transversal des politiques de l’âge et de l’égalité entre femmes et hommes : les seniors jouent un rôle essentiel dans nos sociétés – je pense notamment à leur engagement dans la vie associative, à l’aide matérielle apportée à leurs enfants et à la prise en charge de leurs petits-enfants, qui est un soutien indispensable à l’articulation entre travail et vie personnelle pour leurs enfants adultes.

Ces difficultés d’articulation des temps de vie concernent également les aidants familiaux, qui sont majoritairement des femmes et dont le rôle est crucial, même s’il est souvent peu reconnu et si elles sont parfois contraintes de réduire leur temps de travail, voire d’arrêter de travailler.

Le rôle d’aidant n’est pas sans conséquences sur leur vie sociale et sur leur santé, avec des situations d’épuisement moral ou psychique. L’absence quasi totale d’hommes dans ces métiers est un exemple de la ségrégation professionnelle qui sévit encore sur le marché du travail et de l’assignation des femmes à des rôles historiques de travail domestique ou de « care ». Un plan transversal est donc nécessaire pour favoriser la mixité des métiers, afin de permettre aux jeunes - et pas seulement aux femmes - de s’orienter vers les métiers de l’aide et du soin à domicile.

Ce projet de loi comporte de nombreuses avancées, comme la réforme de l’APA, l’exonération de toute participation financière pour les bénéficiaires du minimum vieillesse – qui sont à 57 % des femmes – et une meilleure reconnaissance des métiers de l’autonomie.

La délégation aux droits des femmes proposera des pistes, des directions et des amendements, en particulier pour ce qui concerne la prévention et des formes innovantes de logement susceptibles d’offrir une alternative aux EHPAD. Nous proposerons également d’inscrire la dimension femmes-hommes dans la gouvernance et le pilotage des politiques publiques, ce qui suppose notamment de disposer de données sexuées.

De nombreux progrès ont déjà été réalisés au cours de cette législature en matière d’égalité femmes-hommes. Le projet de loi qui nous est soumis prend en compte la question des femmes et complétera ces actions tranversales. J’espère que nous ferons fortement avancer cette problématique, car les femmes attendent que nous promouvions des politiques volontaristes dans ce domaine.

Comme le disait Victor Hugo, la vieillesse devrait être l’âge de l’espérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Mesdames les ministres, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, « Vivre c’est vieillir, rien de plus », disait Simone de Beauvoir. Le dictionnaire Larousse définit quant à lui la vieillesse comme la dernière période de la vie normale, caractérisée par un ralentissement des fonctions, avec une diminution des forces physiques et un fléchissement des facultés mentales qui accompagnent habituellement cette période.

Les concepts de la mort et du vieillissement sont mal intégrés et mal acceptés dans notre société, et nos concitoyens refusent de s’y projeter. À la fin du mois de juin 2014, le magazine L’Express consacrait sa Une à la question du vieillissement : « Rester jeune jusqu’à 100 ans ! ». Chaque jour, des médias écrits ou télévisuels nous suggèrent que la diminution des forces physiques n’est pas inéluctable, en nous montrant par exemple une dame de 101 ans adepte du lancer de javelot au Canada ou Robert Marchand, détenteur de plusieurs records en cyclisme à plus de 100 ans, ou encore un coureur à pied japonais de 103 ans franchissant en pleine forme la ligne d’arrivée.

La diminution des facultés mentales ne nous semble pas non plus inéluctable : là encore, les exemples ne manquent pas – le plus frappant actuellement est peut-être celui de Jean d’Ormesson, un vieux monsieur qui écrit encore de grands livres et qui nous laisse rêver que l’on pourrait vieillir comme lui.

Les dernières annonces scientifiques, dont les médias se sont fait l’écho, nous expliquent par ailleurs que la recherche nous permettra de vivre plusieurs centaines d’années, voire de ne jamais mourir, et que, si nous devions le faire, nous mourrions au moins en bonne santé. Les cellules-souches viendront ainsi au secours de nos cœurs défaillants et de nos articulations chancelantes. Certains même, lorsqu’ils tombent malades et espèrent avoir recours à ces nouvelles technologies, font appel à la cryogénisation et demandent à être réveillés le jour où ces thérapies seront disponibles. La société Google a quant à elle créé en 2013 la société de biotechnologies Calico, qui a pour objectif de se concentrer sur le défi de la lutte contre le vieillissement et les maladies associées, avec pour projet celui de tuer la mort.

Le sujet que nous abordons ensemble aujourd’hui est grave et important, car il nous parle de la manière de bien préparer notre vieillesse et de mourir le mieux et le plus tard possible.

Du reste, le législateur que nous sommes n’est pas toujours très à l’aise avec ces concepts et nous cherchons, par des précautions dialectiques, à rendre ce sujet plus acceptable. Ainsi, les vieux sont des « âgés » et les « personnes âgées dépendantes » sont plutôt des « personnes âgées en perte d’autonomie », mais il est vrai qu’aujourd’hui, pour bien communiquer, le poids des mots compte plus que jamais.

Selon l’INSEE, la France métropolitaine comptera 73,6 millions d’habitants au 1er janvier 2060, soit 11,8 millions de plus qu’en 2007. Surtout, le nombre de personnes de plus de 60 ans augmentera, à lui seul, de plus de 10 millions : en 2060, une personne sur trois aura ainsi plus de 60 ans.

La part des plus de 80 ans serait multipliée par 2,6 et représenterait 8,5 millions de personnes, soit plus de 12 % du total de la population, contre 5 % aujourd’hui. Quant aux plus de 90 ans, qui sont environ 500 000 à l’heure actuelle, ils devraient être près de 3,5 millions en 2050.

La France n’est évidemment pas le seul pays confronté à cet enjeu majeur. Selon l’OMS, en effet, entre 2000 et 2050 la proportion des plus de 60 ans aura doublé, passant de 11 % à 22 % de la population mondiale. Les plus de 60 ans seront alors plus nombreux que les moins de 15 ans. Sur la même période, le nombre des plus de 80 ans sera multiplié par quatre : pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une majorité d’adultes d’âge moyen, voire plus âgés, auront encore leurs parents en vie. Le phénomène est mondial et concerne tous les pays – c’est dire combien il est important de s’emparer de ce sujet.

Une collègue du groupe socialiste nouvellement élue a déclaré, au début de la réunion de la commission des affaires sociales consacrée à ce texte, que la droite n’avait rien fait. Peut-être le croyait-elle sincèrement, mais il y a lieu de rétablir la vérité et de lui expliquer ce qu’elle semble ignorer. Vous, madame Touraine, ne l’ignorez pas et les circonstances politiques actuelles devraient vous inciter à plus modestie.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce serait bien !

Mme Bérengère Poletti. Durant cette dernière décennie, beaucoup a été fait dans le domaine de l’accompagnement des personnes âgées dépendantes. Je rappelle ainsi que l’APA a été mise en place par un texte de loi voté par la gauche, mais financée par la droite durant l’année 2002. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je rappelle aussi que la journée de solidarité envers les personnes âgées a été instaurée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées, sous l’action du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Cette loi a été votée après la canicule de l’été 2003, qui entraîna la mort d’environ 15 000 personnes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Madame la présidente, vous pourriez expliquer à nos collègues que, s’ils souhaitent une certaine concorde entre les députés des différents groupes, ils doivent se montrer plus modestes.

Mme la présidente. Madame Poletti, je vous remercie, mais je n’ai pas besoin de conseils pour présider la séance ! Cela dit, je demande aux parlementaires de vous écouter.

Mme Bérengère Poletti. La journée de solidarité envers les personnes âgées, qui rapporte au budget de la CNSA plus de 2 milliards d’euros par an, est entièrement dédiée à l’objectif qui avait été fixé lors de son instauration, contrairement aux allégations mensongères de certains élus socialistes que l’on n’entend du reste plus guère maintenant.

Des politiques publiques à l’égard des personnes âgées dépendantes se sont succédé, avec le plan vieillissement et solidarité en 2004-2007, le plan solidarité grand âge en 2007-2012, le plan de prévention et de recherche de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées en 2008-2012.

Tous ceux qui connaissent bien le secteur des personnes âgées en perte d’autonomie savent bien que l’effort de modernisation et de médicalisation dans les EHPAD a été très important et très positif durant cette période. C’est grâce, chaque année, à l’augmentation de l’ONDAM médico-social voulue par les gouvernements de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy que nous avons pu faire avancer cette médicalisation.

Nous avons certes renoncé – et je l’ai regretté – à la mise en place du « cinquième risque » tel qu’il avait été annoncé pendant la campagne de l’élection présidentielle de 2007, car des arbitrages politiques ont alors donné priorité à la mise en place du RSA et parce que le Gouvernement ne voulait pas d’une réformette susceptible de décevoir les Français, qui attendent des décisions politiques courageuses dans ce domaine.

Décevoir les Français, c’est malheureusement le risque que vous prenez aujourd’hui avec un texte peu ambitieux qui mobilise les ressources de la CASA mise en place en 2013, ressources que vous avez détournées depuis un an et demi et que, si j’ai bien compris, vous continuerez à détourner jusqu’au milieu de l’année 2015.

Cependant, madame Rossignol, je me garderai bien de vous accabler, car vous avez eu l’honnêteté de le reconnaître vous-même – nous avons du reste eu l’occasion de travailler ensemble en commission.

En revanche, je réagirai à chaque fois que j’entendrai parler de grand texte ou de mesures ambitieuses pour les personnes âgées, car nous devons la vérité aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Richard. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. Vos propos d’introduction, madame la ministre, ont été scandaleusement mensongers ! Ainsi avez-vous pris la décision d’annoncer des mesures dans le domaine de l’aide à domicile, de l’aide aux aidants et de l’adaptation du logement ; mais vous faites l’impasse sur les coûts financiers que les Français supportent lorsque l’un des leurs est admis en EHPAD. Et pourtant, c’est bien le sujet des EHPAD qui amène nos concitoyens dans nos permanences,…

Mme Claude Greff. Exactement !

Mme Bérengère Poletti. …des concitoyens désespérés tant les enjeux financiers auxquels ils sont confrontés leur semblent insurmontables.

M. Bernard Perrut. Voilà ce dont nous parlent les Français !

Mme Claude Greff. Vous n’avez rien fait, rien ! C’est dans un état lamentable !

Mme Bérengère Poletti. Dans mon département des Ardennes, il est encore possible de trouver quelques établissements où le forfait hébergement se situe aux alentours de 1 800 euros ; mais de plus en plus d’EHPAD présentent à leurs résidents des factures d’un montant de 2 200 euros, voire 2 500 euros. Je rappelle que la retraite moyenne des femmes, très majoritairement concernées par cette situation, est de moins de 1 000 euros par mois. Alors comment font-elles ? Elles puisent dans leurs économies, revendent leurs biens personnels – et tout cela dans le plus grand silence !

Mme Claude Greff. C’est cela, la réalité de la France !

Mme Bérengère Poletti. Combien d’entre nous disent ne pas vouloir entendre parler de la reprise sur succession ; mais elle existe aujourd’hui, la reprise sur succession ! Elle existe de manière insidieuse, silencieuse, sans aucune règle, sans plafonnement. Je n’ai cité que le cas des Ardennes, où le foncier est encore abordable ; mais si quelques collègues de la région parisienne m’entendent aujourd’hui, ils savent bien que, chez eux, la note est encore plus salée : elle peut atteindre 3 000, 3 500, voire 5 000 euros !

La dernière situation à laquelle j’ai été confrontée dans les Ardennes – cela date de la semaine dernière – est celle d’une jeune femme qui travaille pour un revenu d’environ 1 200 euros, son mari gagnant environ 1 300 euros ; ils ont deux enfants – les Ardennes, c’est la France : c’est partout pareil ! Ils ont fait construire une maison et souffrent, comme beaucoup de Français, d’une baisse importante de leur pouvoir d’achat. Le tribunal vient de les assigner à rembourser le conseil général pour un montant de 20 000 euros et à payer chaque mois 1 200 euros pour les frais d’hébergement d’une grand-mère que cette jeune femme a dû voir deux fois dans sa vie.

Mesdames les ministres, c’est là précisément que les Français souffrent le plus, mais malheureusement aucune décision ne viendra les soulager. Vous avez décidé de privilégier le maintien à domicile ; on peut comprendre votre projet dans la mesure où les Français, lorsqu’on les interroge, disent vouloir rester chez eux le plus longtemps possible. Mais malheureusement, cela n’est pas toujours possible. La maladie d’Alzheimer ou les maladies de dégénérescence cérébrale d’une manière générale nous contraignent souvent, lorsque l’état du malade se dégrade, à envisager l’admission en EHPAD, faute de quoi le maintien à tout prix de ces personnes à domicile peut aboutir à leur maltraitance et à celle de leurs aidants.

Mme Claude Greff. Exactement ! Il faut savoir ce qu’il se passe !

Mme Bérengère Poletti. L’association France Alzheimer, exprimant son inquiétude à ce sujet, a du reste rédigé un manifeste demandant au Gouvernement de s’engager en faveur de cette prise en charge.

La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – DREES – estime que l’effort public consacré en 2011 à la dépendance s’est élevé à environ 21,1 milliards d’euros – mesurez l’effort considérable ainsi accompli ces dernières années ! –, soit 1,05 % de la richesse nationale. Certaines prévisions font état d’une hausse des besoins de financement, lesquels pourraient atteindre 35 milliards d’euros en 2060, soit 1,77 point de PIB à droit constant. Cet effort financier extrêmement important est actuellement supporté par la Sécurité sociale, les départements et l’État. La branche maladie est le principal financeur de cette prise en charge à hauteur d’environ 11 milliards d’euros, soit un peu plus de la moitié des dépenses en 2010 pour les soins prodigués aux personnes âgées dépendantes. En plus de cette enveloppe globale de 11 milliards d’euros, il faut rappeler que l’assurance maladie contribue également indirectement aux coûts de la prise en charge de la dépendance par le biais de diverses exonérations de cotisations sociales.

La branche vieillesse, en compensation de la prise en charge par l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, des personnes en perte d’autonomie classées en GIR 4, dont elle s’occupait jusqu’à la création de cette prestation, verse chaque année une contribution à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. En 2010, cette contribution s’élevait à 67 millions d’euros. L’APA, quant à elle, a coûté 5,3 milliards d’euros en 2012 pour 1,3 million de bénéficiaires.

Selon l’INSEE et selon un scénario économique de référence dans lequel le PIB croîtrait de 1,8 % par an en moyenne, le besoin total de financement de l’APA passerait de 12,4 milliards d’euros en 2025 à 20,6 en 2040. Or ce texte n’aborde absolument pas la question des financements, pourtant centrale, et qui doit nous permettre de répondre aux défis de l’augmentation permanente de l’espérance de vie – ce dont nous nous réjouissons d’ailleurs. Vous nous objecterez sûrement que l’environnement économique est difficile pour notre pays : c’est vrai, mais cet environnement économique fut contraignant pour les gouvernements précédents également, et je me souviens qu’à cette époque, vous le compreniez bien peu !

Mes chers collègues, le problème de ce texte n’est pas ce qu’il propose car, nous y reviendrons, les quelques pistes d’adaptation dont nous allons discuter sont tout à fait intéressantes. Le problème de ce texte réside surtout dans ce qu’il ne propose pas, ce qu’il ignore, ce qu’il reporte à plus tard. En effet, sans même augmenter les droits des personnes, le financement de la dépendance, et notamment de l’aide à domicile, est très fragile et nécessitera de notre part de créer de nouveaux leviers financiers pour faire face à l’augmentation de la population. De plus, ce texte augmente les droits des plus dépendants, classés en GIR 1 et en GIR 2, pour un montant de 375 millions d’euros annuels, et crée un soutien aux aidants par la création d’un droit au répit. Pour tout cela, le financement que vous proposez se révélera très vite insuffisant.

Au Japon, pour faire face aux besoins de financement extrêmement importants et dans des proportions plus larges encore qu’en France, une assurance obligatoire a été mise en place à partir de l’âge de 40 ans.

En Allemagne, les cotisations sociales, grâce auxquelles le dispositif est financé, ont été augmentées. Obligatoire, l’assurance dépendance est adossée au régime d’assurance maladie. Toute personne affiliée au régime légal d’assurance maladie ou à un régime privé est automatiquement affiliée à la caisse dépendance rattachée à sa caisse d’assurance maladie.

M. Arnaud Richard. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. Les bénéficiaires de l’assurance dépendance légale peuvent choisir entre des prestations en nature, dispensées à domicile ou en établissement, et des prestations en espèces.

En Espagne, le modèle repose sur le financement à parité entre l’État et les communautés autonomes. Les intéressés quant à eux y contribuent par l’intermédiaire d’un appel fait par les communautés autonomes. Toutefois, les financements semblent dans ce pays très insuffisants pour faire face à cette problématique.

En Angleterre, le dispositif actuel est considéré comme peu satisfaisant. Il est coûteux pour les collectivités locales et les ménages supportent une part important du coût de cette dépendance. La réforme y est aussi envisagée depuis plusieurs années.

Au Danemark, une politique très ambitieuse d’adaptation des logements a été lancée de façon à privilégier, comme dans le présent texte, le maintien à domicile. Dans chaque commune, les citoyens de plus de 60 ans élisent un conseil des seniors qui doit obligatoirement être consulté. Le financement de l’ensemble du dispositif de prise en charge des personnes âgées dépendantes est assuré par les impôts locaux et les subventions de l’État. La politique du Danemark résulte de l’extension et de l’adaptation progressive du service sanitaire et social aux besoins d’une population vieillissante. Pour que les intéressés soient informés des aides existantes, les communes ont l’obligation d’offrir deux visites annuelles à toute personne âgée de plus de 75 ans qui ne bénéficie d’aucune assistance.

En Suède, comme d’une manière générale dans les pays scandinaves, le financement de la dépendance est fondé presque exclusivement sur les aides publiques, la part privée du financement ne représentant qu’un peu plus de 10 % du financement total. Mais le gouvernement suédois cherche actuellement à réduire ces coûts, qui représentent pour lui 3,5 % du PIB.

Vous le voyez, mes chers collègues, nous sommes dans une période charnière avec des perspectives démographiques qui nous obligent à une réflexion bien documentée sur le sujet et surtout à un courage politique nous permettant d’expliquer, sans manœuvre politicienne, quels sont les enjeux pour nos concitoyens.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

Mme Bérengère Poletti. Combien cela coûtera-t-il en 2040, en 2050, en 2060 ? Comment pouvons-nous payer ? Quelles sont nos marges de manœuvre ? À quelle hauteur nos concitoyens devront-ils participer ? Quelle solidarité pouvons-nous organiser ? Une assurance obligatoire est peut-être une solution intéressante car nous sommes loin d’être tous concernés par le problème : environ 20 % des personnes seront en effet touchées par la grande dépendance, ce pourcentage augmentant évidemment considérablement lorsque l’on dépasse les 90 ans.

Tout comme Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, je voudrais évoquer la question des femmes, parce que je pense comme elle que le sujet de la dépendance les concerne tout particulièrement.

Le sujet du vieillissement doit placer les femmes au cœur de nos réflexions. L’espérance de vie en France s’élève à 84,8 ans pour les femmes et à 78,2 ans pour les hommes. Les femmes survivent donc très souvent à leur conjoint, et ce sont plus souvent elles que nous rencontrons dans les EHPAD. Le recours aux aides à domicile ou le tarif hébergement en EHPAD constitue pour les femmes, je le répète, une difficulté financière majeure. Les femmes ont souvent arrêté leur carrière pour éduquer leurs enfants ; elles ont eu peu recours à la formation professionnelle, à la promotion professionnelle et leurs retraites sont trop faibles pour faire face à ces coûts. Le Conseil d’orientation des retraites mentionne d’ailleurs que l’écart des pensions entre les hommes et les femmes ne disparaîtra pas, même pour les générations liquidant leurs droits en 2030.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ce n’est pas ce que nous disait Xavier Bertrand lorsque nous l’interrogions !

Mme Bérengère Poletti. Le taux de pauvreté des femmes âgées de plus de 75 ans dépasse de plus de cinq points celui des hommes. Mais les femmes sont également extrêmement concernées par le sujet lorsque nous parlons des aidants : les aidants auprès des personnes âgées sont majoritairement des femmes. Une étude de la DREES de 2011 montre que celles-ci représentaient 66 % des aidants familiaux. Les femmes, notamment lorsqu’elles travaillent à temps partiel, représentent 97 % des professionnels intervenant dans ce secteur. Dans les établissements pour personnes âgées dépendantes, il est rare de rencontrer des hommes chez les soignants – ils sont parfois en cuisine, mais pas auprès des patients !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Eh oui ! Encore un stéréotype de genre !

Mme Bérengère Poletti. Nous voyons bien, à la lecture du rapport d’information de la délégation aux droits de femmes, combien les femmes sont directement concernées par ces sujets. Lorsque l’on veut l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, il faut s’intéresser tout particulièrement à ce secteur, spécialement à l’aide à domicile, car ce sont souvent des activités à temps partiel, qui constituent fréquemment un salaire d’appoint ne permettant malheureusement aux femmes ni de se former, ni d’évoluer dans leur profession, ni d’envisager une retraite décente.

Le Gouvernement a choisi par ce texte de s’intéresser prioritairement au secteur du service à domicile. Ce secteur est en difficulté depuis 2008-2009. La crise a réduit les capacités financières de la plupart des contributeurs alors même que les besoins de la population à domicile étaient croissants. En conséquence, le secteur des services à domicile connaît de nombreuses difficultés. Le maintien à domicile, qu’il s’agisse de l’accompagnement dans les actes de la vie quotidienne ou des soins à des publics fragiles, doit demeurer une priorité pour les pouvoirs publics. J’ai à ce titre été chargée par Mme la ministre Roselyne Bachelot, en juillet 2011, d’une mission parlementaire qui avait pour objectif d’évaluer les difficultés et d’élaborer rapidement quelques réponses.

Les conseils généraux, notamment ceux en proie à des difficultés budgétaires importantes, ont restreint leur soutien aux associations d’aide à domicile. Alors qu’auparavant, il était facile pour elle d’obtenir une subvention d’équilibre, la collectivité départementale a cessé de combler les déficits. S’en est suivie une baisse des réserves financières des services à domicile, particulièrement fragilisés par cet appauvrissement. J’avais été amenée à cette époque à proposer la mise en place d’un fonds de soutien : celui-ci a existé, madame la ministre, dès 2011, puis en 2012, et a été reprogrammé, à un niveau équivalent, par le gouvernement de M. Ayrault. Les frais de structures des associations et l’absence de télégestion pour la vérification de l’effectivité des prestations ont fini de dégrader les moyens des services à domicile, qui ont alors dû engager des redressements budgétaires.

Toutes ces difficultés cumulées font que le mode de tarification doit absolument être réformé, sans pour autant porter atteinte au droit d’option, c’est-à-dire à la possibilité de coexistence de services agréés, notamment privés, avec les services autorisés.

Les associations ont souvent fait part de leurs critiques sur l’existence de ces services commerciaux. Pourtant ceux-ci ne représentent que quelque 5 % des heures. Le rapport provisoire de la Cour des comptes, présenté en juillet dans le cadre de la mission du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques que nous menons actuellement Martine Pinville et moi, s’est bien gardé de toute recommandation sur ce sujet.

Alors que le taux de chômage dans notre pays reste préoccupant, nous devons éviter de mettre en difficulté ces services qui, tout particulièrement lorsqu’ils exercent dans le cadre d’une franchise, sont soucieux de la qualité et s’engagent dans des certifications exigeantes.

De nouveaux modes de tarification ont été proposés par l’Assemblée des départements de France et quelques associations d’aide à domicile, tarifications reposant sur des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens mobilisant des enveloppes globales.

Ce mode de tarification peut être très utile en milieu rural, mais est probablement plus compliqué à mettre en place en milieu urbain.

Les dispositifs proposés dans ce texte de loi sont tout à fait louables, même si, je le répète, les moyens mobilisés sont loin, très loin, d’être à la hauteur des financements. Mais il fallait effectivement revaloriser l’APA à domicile.

La création du droit au répit est aussi un objectif louable. Les aidants familiaux, notamment les conjoints, voient leur espérance de vie diminuer lorsqu’ils doivent faire face au soutien d’un époux ou d’une épouse atteint de grande dépendance.

L’adaptation du logement est indispensable. Les moyens mobilisés par le texte sont très, très loin de satisfaire les besoins, mais constituent quelques avancées notables. Les Français ont un attachement tout à fait particulier à leur domicile, même lorsque celui-ci est inadapté, voire dangereux. On ne les fait pas déménager si facilement. Le rapport que Mme Boulmier a remis à Benoist Apparu en juin 2010 comprenait un certain nombre de propositions intéressantes, reprises dans le texte.

Il faut souligner, notamment en milieu rural, la persistance de nombreux logements totalement inadaptés, voire indignes. Il est indispensable d’améliorer ces logements, voire de les équiper, pour le maintien de la personne âgée à domicile comme pour les aidants et les services d’aide à domicile qui interviennent dans des conditions parfois extrêmement difficiles au domicile de ces personnes.

Dans le domaine de la domotique et de la robotique, il y a eu un certain nombre de recherches. Je veux parler de « Giraff Plus », qui a été soutenu par l’Union européenne à hauteur de 3 millions d’euros et qui devrait permettre de surveiller les personnes âgées à leur domicile à l’aide de capteurs. On voit bien que de tels dispositifs peuvent nous permettre aussi de penser en termes de développement économique pour créer des entreprises et des emplois.

Les résidences autonomie sont une bonne solution. Elles existaient autrefois sous la dénomination de « foyers-logements ».

Pour les personnes âgées dépendantes, le déplacement vers plusieurs structures successives peut être extrêmement perturbant. Un premier déplacement vers un foyer-logement, pour partir ensuite vers un EHPAD, est déstabilisant. Les Français doivent néanmoins apprendre à remettre en question leur attachement à leur domicile et reconsidérer leur mode d’habitat au moment de leur départ en retraite ou d’un veuvage.

Cette question, néanmoins, reste extrêmement sensible et très perturbante pour les personnes âgées. On sait que la perspective de quitter son domicile pour aller en maison de retraite ou en EHPAD constitue un moment de grande fragilité, qui peut aller chez la personne âgée jusqu’au recours au suicide.

Ainsi, en 2011 et selon l’INSERM, le taux de suicide chez les personnes âgées reste élevé : 28 % des suicides ont concerné des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans. Malgré plusieurs plans nationaux de prévention, on dénombre environ 3 000 suicides par an chez les plus de 65 ans.

Une des causes de ces suicides est bien évidemment la dépression de la personne âgée, qui toucherait de 10 à 15 % des personnes de plus de 65 ans. Dans deux tiers des cas, cette dépression n’est ni diagnostiquée ni traitée. Pourtant, les traitements antidépresseurs ont fait la preuve de leur efficacité pour rétablir la qualité de vie des personnes âgées dépressives. La dépression peut-être engendrée par de multiples causes, dont l’isolement et le repli sur soi.

Cet isolement peut être lié à des problématiques familiales, bien sûr, mais il peut aussi l’être à des déficits sensoriels qui touchent notamment la vue ou l’ouïe et qui sont fréquents.

Ces déficits, par ailleurs, exposent la personne âgée à des risques d’accidents domestiques graves. Selon l’INPES, chaque année, en France, les accidents de la vie courante tuent près de 20 000 personnes, dont les deux tiers ont plus de 75 ans.

Les grandes causes de perte d’autonomie sont actuellement la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, les accidents vasculaires cérébraux, l’arthrose, les chutes, avec notamment les fractures du col du fémur même s’il y a eu de grands progrès dans leur traitement, les déficits sensoriels et l’incontinence.

Il est souhaitable que nous abordions tous ces sujets en examinant le texte sur la santé publique promis par le Gouvernement. Mais nous voyons combien le médecin traitant et sa formation représentent des enjeux majeurs pour la prévention, le traitement et l’accompagnement des personnes âgées dépendantes.

Ce texte a le mérite de faire avancer le législateur sur quelques dispositifs très intéressants. Il a le défaut de ne pas aborder, ni globalement ni financièrement, la problématique du vieillissement.

C’est peut-être la raison pour laquelle le travail en commission a été un peu escamoté. J’avoue que je me le demande.

A ce titre, alors que la majorité actuelle est à mi-mandat, on aurait pu espérer avoir une discussion sereine et approfondie en commission, mais il est vrai que le calendrier choisi était loin d’être idéal.

Un texte très technique, comprenant soixante-six articles et un rapport annexé d’une soixantaine de pages : vous avouerez, madame la présidente, que le nombre de séances de travail en commission n’a pas été suffisamment important. Nous avons d’ailleurs dû en prolonger une et siéger tard, alors qu’il était prévu que nous aurions la journée du lendemain pour finir l’examen du projet.

En deux séances, pour un texte aussi long et technique, on ne fait pas du bon travail et on repousse tous les sujets à la séance publique. Vous ne pouvez pas le nier, c’est exactement ce qui s’est passé.

C’est regrettable et tout à fait contraire à la réforme constitutionnelle de 2008, qui a pourtant redonné ses lettres de noblesse au travail en commission.

En effet, dans la mesure où c’est maintenant le texte de la commission qui est examiné dans l’hémicycle, nous avons, de fait, une bien plus forte influence pour améliorer le projet qui nous est présenté. Au lieu de cela, nous avons eu à subir, tout au long de la discussion, une frilosité à adopter des amendements et à approfondir des débats au motif que « l’on verra avec le Gouvernement dans l’hémicycle ».

Nous avons des outils institutionnels à notre disposition, et malheureusement, nous avons dû examiner le texte au pas de course, ce qui n’a pas permis un travail de fond.

Je ne pense pas, madame la rapporteure Pinville, vous qui avez pourtant fait un travail remarquable…

Mme Claude Greff. Tout à fait !

Mme Bérengère Poletti. …et mené de nombreuses auditions, que vous me contredirez.

On a pu ainsi, en commission, examiner, voire adopter contre l’avis de la rapporteure, des amendements constituant de véritables cavaliers législatifs. Et par ailleurs, nous avons dû examiner des amendements curieusement non rejetés par la commission des finances, alors qu’ils engageaient des moyens supplémentaires non négligeables.

Pour ces raisons et pour tout ce qu’il n’y a pas dans ce texte que nous n’avons pu examiner de manière approfondie en commission, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Poletti, je ne vous surprendrai pas en disant que j’appelle à ne pas voter votre motion de renvoi en commission.

M. Thierry Mariani. Nous nous y attendions !

M. Bernard Perrut. C’est normal.

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais au-delà de cette position évidente, je veux vous dire que la mauvaise foi doit avoir des limites. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je vais me permettre de vous faire un petit rappel, à travers quelques citations empruntées aux meilleurs auteurs, en tout cas de votre côté de l’hémicycle.

Au mois de mars 2007, celui qui était alors votre candidat à l’élection présidentielle déclarait : « Je créerai une cinquième branche de la sécurité sociale, pour consacrer suffisamment de moyens à la perte d’autonomie. »

Une fois élu Président de la République, Nicolas Sarkozy, en septembre 2007, disait : « Le dispositif de prise en charge de la dépendance sur lequel je me suis engagé entrera en vigueur. » (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Au mois de février 2008, toujours le même, je le cite : « Je réaffirme mon ambition de mettre en place le cinquième risque… » précision : « …dès 2009. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Mme Poletti l’a dit, elle l’a déjà expliqué !

M. Thierry Mariani. Cela fait deux ans que vous êtes au pouvoir !

Mme Marisol Touraine, ministre.  

Au mois de mai 2009 : « Un texte sera présenté au Parlement courant 2010. »

Au mois de novembre 2010 : « Le problème sera résolu en 2011 ».

Mme Claude Greff. Et Hollande ? Il fait mieux ?

Mme la présidente. Madame Greff, veuillez écouter Mme la ministre s’il vous plaît !

Mme Marisol Touraine, ministre. En février 2011 : « Nous allons organiser une grande consultation de six mois pour réformer la dépendance ».

M. Christian Jacob. Vous êtes au pouvoir depuis deux ans !

Mme Marisol Touraine, ministre. Et, au terme de cette grande consultation de six mois, le Premier ministre enterra le dossier, ce qui n’empêcha pas le nouveau candidat, au mois de mars 2012, de dire : « Si je suis élu, je ferai une réforme de la dépendance. »

Mesdames, messieurs les députés, il y a là un retour aux sources qui devrait vous pousser à faire preuve, sinon d’indulgence, du moins d’un peu d’humilité et à ne pas donner de leçons sur la rapidité des réformes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous sommes là depuis deux ans, en effet, mais aujourd’hui nous vous présentons une réforme concrète et ambitieuse. Oui, madame Poletti : une réforme sociale concrète et ambitieuse pour les personnes âgées et leur famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Pardonnez-moi, madame la ministre. Quel que soit l’avis des uns et des autres, je pense qu’au début de ce mandat, il serait souhaitable de s’écouter.

M. Thierry Mariani. Le mandat est commencé depuis deux ans !

M. Jean-Frédéric Poisson. Au début de cette « session » !

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Poletti, on peut toujours regretter ce qui ne figure pas dans la réforme ; on peut toujours considérer qu’il faudrait beaucoup plus et toujours davantage. Mais il faudra qu’on m’explique, sur ces bancs de l’Assemblée, comment on fait pour réclamer en même temps des plans d’économies toujours plus importants.

Lorsque nous parlons de 50 milliards d’économies, on nous dit : « Il en faut 80, 100, 120, 150… » Mettez-vous d’accord ! Il faudrait réaliser 150 milliards d’économies, mais en même temps il faudrait dépenser davantage et faire toujours plus, sans avoir les ressources.

Nous, nous sommes ambitieux et responsables. Nous avons pris des engagements et ces engagements, nous les tenons. Nous disons ce que nous pouvons faire et ce que nous allons faire.

M. Yves Censi. Vous dites ce que vous devez dire !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons dit clairement que nous voulions une réforme financée, mais qui soit ambitieuse, forte et porteuse de progrès social, parce que notre volonté, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, c’est – loin des polémiques stériles – de répondre aux attentes de la population et la population attend cette réforme, dont on lui parle depuis si longtemps sans avoir jamais rien fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Mariani. La population, elle attend que vous partiez !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame Poletti, vous avez mis en cause le fonctionnement de la commission sur ce texte. Pour que la représentation nationale soit éclairée, puisque tout un chacun ne fait pas partie de cette commission,…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est dommage. Nous le regrettons.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …je précise qu’à minuit exactement il nous restait à peine cinquante amendements à examiner : nous en avions pour une heure de discussion, et d’ailleurs à une heure quinze nous avions terminé. Décemment, madame Poletti, je ne me voyais pas demander aux fonctionnaires de l’administration qui étaient à nos côtés de revenir un jeudi matin pour une heure de discussion. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Non, madame Poletti, c’est juste de la décence et du respect ! Dans notre pays, il y a des Français qui ont des conditions de travail un peu plus compliquées que les nôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Claude Greff. C’est nul, comme argument !

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Je vous rappelle que vous avez la parole pour deux minutes.

Mme Gisèle Biémouret. Le vieillissement de la population constitue un enjeu fondamental pour notre société : les études démographiques mettent en évidence une montée en puissance de la proportion des personnes âgées de plus de soixante ans.

Très attendu, le présent texte est largement salué. Je citerai, à cet égard, un extrait des conclusions de l’avis du Conseil économique, social et environnemental selon lequel : « Ce projet de loi propose de changer le regard de la société sur le vieillissement. » Il en ressort, selon le CESE, « une méthode, gage de réussite », mais aussi des dispositions allant dans le bon sens en matière de prévention, de droits fondamentaux des retraités, de diminution des restes à charge et de reconnaissance des aidants.

Après les divers reports et renoncements intervenus lors de la précédente législature, nos collègues de l’opposition pourraient admettre que ce texte propose une approche résolument ambitieuse, approche qui, il faut le reconnaître, est bien éloignée de la perspective d’un « cinquième risque » vendu au privé ou d’une suppression du premier niveau de dépendance et du droit au versement de l’APA.

Il aborde la question du vieillissement de manière globale et positive.

Globale, car il sanctuarise et coordonne les politiques publiques, de la santé au logement en passant par la question de la mobilité, tout en tenant compte de l’aspect humain puisqu’il renforce le rôle des citoyens engagés.

Positive, car il consacre les moyens supplémentaires par l’intermédiaire de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, autrement dit par la solidarité nationale.

Fruit d’un engagement du Président de la République, la loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement figurera parmi les avancées les plus marquantes et bénéfiques pour la société française acquises durant ce quinquennat.

Pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, la totalité des membres du groupe SRC votera contre cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Denis Jacquat. Comme l’a parfaitement dit la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, les débats en commission se sont très bien passés, que ce soit en présence de la secrétaire d’État en charge de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, Mme Rossignol, ou lors des discussions entre nous, commissaires de la commission des affaires sociales, concernant les différents articles et amendements.

Mais il est vrai que la demande de renvoi en commission de Bérangère Poletti est parfaitement justifiée afin d’améliorer encore plus ce texte.

Divers types d’améliorations sont possibles.

Tout d’abord, amélioration concernant le reste à charge en établissement. Ne l’oublions pas : ce texte a été voulu, en son temps, principalement pour ce motif. Or, dans ce projet, il n’y a rien ; cela est remis à plus tard. Nous comprenons les problèmes financiers qui s’attachent à cette question, puisque ce sont eux qui nous ont bloqués, mais il était bon d’en parler.

Amélioration, également, concernant les personnes handicapées vieillissantes, car nous n’en avons pas – ou peu – parlé en commission.

Amélioration, aussi, concernant les chibanis. Un rapport a été adopté à l’unanimité ici, à l’Assemblée nationale – je présidais la mission et Alexis Bachelay en était le rapporteur. Ne l’oublions pas : les chibanis les plus jeunes ont soixante-dix ans, c’est nous qui avons été les chercher et ils ont participé aux Trente Glorieuses.

Amélioration, aussi, s’agissant de la demi-part des veuves. Voilà quelques mois, en commission, à la suite des attaques de certains à ce sujet, j’avais indiqué que la sensibilité politique à laquelle j’appartiens aurait pu être meilleure. On nous avait alors dit, la main sur le cœur, que le Gouvernement reviendrait sur cette décision. Or il n’en a rien été. Les veuves en sont aujourd’hui fort marries.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Qui l’a supprimée ? Vous !

M. Denis Jacquat. Elles ne doivent pas subir une double peine, morale et financière.

Bérangère Poletti a fait référence au nombre de fois où l’on nous a dit que nous en débattrions en séance. Mais nous savons fort bien ce qui se passera : nous allons d’abord beaucoup discuter, puis les débats s’accéléreront et nous n’aurons pas une discussion sereine, comme nous pouvons en avoir en commission. En fait, la formule : « Nous en débattrons en séance » ne devrait plus avoir cours.

À ce propos, madame Touraine, je tiens à vous féliciter pour vos lectures, qui sont parfaites, mais il faudrait remonter plus loin dans le temps. En effet, nous discutons du problème de la perte d’autonomie et de la dépendance à l’Assemblée nationale depuis 1986. Le ministre des affaires sociales était alors Adrien Zeller, qui avait nommé le président Théo Braun – auprès de qui vous avez d’ailleurs travaillé, madame la présidente…

Mme la présidente. Je vous remercie de bien vouloir conclure et de ne pas refaire mon CV ! (Sourires)

M. Denis Jacquat. Depuis, ni la gauche ni la droite n’ont été impeccables à ce sujet. Aussi, il est inutile de nous envoyer des claques et il ne faut pas regarder dans le rétroviseur : au contraire, nous devons aller de l’avant !

Comme cela a été dit à plusieurs reprises, la question de la vieillesse doit être envisagée dans sa globalité.

Des améliorations sont donc possibles…

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Jacquat.

M. Denis Jacquat. …donc, comme vous prétendez tous être des élus constructifs, vous ne manquerez pas de voter cette motion de renvoi en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Je voudrais tout d’abord saluer l’humilité et la clairvoyance de la ministre, qui assure que sa réforme n’en est pas une, sentiment que nous partageons. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il est nécessaire de revenir en commission car, comme Denis Jacquat l’a très bien dit, nous y travaillons fort bien. Ce n’est pas toutefois la raison principale de notre vote.

Tout d’abord, nous sommes confrontés à un problème de calendrier, s’agissant tant de ce texte que du grand flou qui règne autour de la discussion du projet à venir dont il est question.

Ensuite, la définition de la notion de dépendance ne nous convient pas.

Le financement n’est pas non plus au rendez-vous, tout le monde l’a compris.

Les services à la personne ne sont pas traités à la hauteur des enjeux. Nous vous aurons d’ailleurs prévenus, à cet égard, de l’« accident industriel » qui ne manquera pas de se produire entre les associations et les entreprises.

Dans ce texte, le soutien des aidants est assez intéressant, mais il n’en demeure pas moins flou lui aussi.

S’agissant de l’adaptation des logements, il faut être sérieux : 40 millions d’euros, ce n’est pas à la hauteur des enjeux. Il faut croire que la politique du logement est inexistante dans notre pays.

Concernant la gouvernance, enfin, un retour en commission s’impose.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous ne pouvons pas être favorables à cette demande de renvoi en commission, parce que les raisons invoquées ne justifient pas selon nous son approbation.

Alors que l’on annonce une loi sur cette question depuis dix ans, ceux qui n’ont rien fait sont tout de même mal placés pour nous dire qu’il serait encore trop tôt et qu’un renvoi de ce texte en commission serait nécessaire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. N’importe quoi !

M. Yves Albarello. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Louis Roumegas. Ce projet a au moins un mérite : il existe. Certes, il n’est pas parfait. Il constitue pour nous – nous aurons l’occasion de le répéter – une première étape. Nous n’éluderons pas les questions que vous posez, notamment celle du financement, qui est effectivement un vrai problème. Pour autant, nous devons avancer car, sur une telle question, je ne crois pas que les Français attendent des débats politiciens : ils souhaitent que la représentation nationale fasse preuve d’une véritable volonté de construire. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC).

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Pour notre groupe, cette motion de renvoi en commission est sans objet.

Le travail parlementaire a commencé ; nous avons travaillé en commission. Ce texte n’est certes pas parfait (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), notamment en ce qui concerne le financement – nous aurons l’occasion de le dire et d’en discuter, et c’est précisément cela, la raison d’être du travail parlementaire.

Parce que ce texte est attendu par les professionnels, par les personnes âgées et leurs familles, nous devons commencer sa discussion.

Le groupe RRDP votera donc contre la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’intervention de notre collègue Mme Poletti. Elle a attiré notre attention sur l’importance de la question dont nous débattons et je l’en remercie. Elle a également soulevé plusieurs points tout à fait pertinents et même, pour certains d’entre eux, essentiels. Là encore, je l’en remercie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Albarello. Un peu de courage : votez la motion !

Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais cependant lui dire qu’avoir demandé le renvoi en commission d’un texte dédié aux personnes âgées quand on appartient à une formation politique qui n’a pratiquement rien fait pour elles alors que celle-ci a dirigé le pays pendant plus de dix ans relève, au moins de l’audace, sinon du cynisme.

M. Michel Lefait. C’est vrai !

M. Jean Glavany. Eh oui ! C’est la stricte vérité !

Mme Jacqueline Fraysse. La fameuse réforme de la dépendance, promise et tant de fois annoncée par vos amis n’a jamais vu le jour. Vous l’avez d’ailleurs dit vous-même, madame Poletti, et je vous en remercie.

Certes, nous avons beaucoup entendu parler de ce texte. La majorité précédente a même mis en place une mission d’information en 2008 et elle a organisé un grand débat national en 2011. Pour ce qui est d’en parler, nous n’avons donc manqué de rien, mais, je le répète, le texte annoncé, nécessaire et urgent n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour ni, donc, débattu au Parlement.

Et aujourd’hui, alors que d’autres prennent l’initiative de faire avancer ce dossier, vous ne trouvez rien d’autre à faire que de tenter de retarder son examen, sinon d’empêcher son adoption. Je trouve que ce n’est ni sérieux ni raisonnable.

M. Michel Vergnier. En effet, ce n’est pas raisonnable !

Mme Jacqueline Fraysse. Certes, vous vous êtes plu à souligner combien ce projet est insuffisant et lacunaire. Nous partageons d’ailleurs partiellement cette appréciation sur un texte qui est en effet limité et, sans doute, insuffisant. Il doit être amélioré, enrichi et complété par d’autres textes, ce que, bien sûr, nous dirons dans le cours de la discussion. Mais nous sommes pressés d’adopter un projet en faveur des personnes âgées et de le voir rapidement et concrètement appliqué. Il y a urgence ; il doit être mis en œuvre dans les meilleurs délais.

C’est pourquoi le groupe GDR ne votera pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDRsur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants157
Nombre de suffrages exprimés157
Majorité absolue79
Pour l’adoption63
contre94

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs, chers collègues, le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement a, reconnaissons-le, la vertu des textes d’anticipation.

Il pose les réformes nécessaires à notre organisation actuelle et prévient également l’imminence de la transition démographique dont nous parlons depuis fort longtemps.

L’augmentation du nombre de personnes âgées et l’allongement de l’espérance de vie depuis les années soixante-dix permettent de tabler sur une projection, en 2060, de 24 millions de personnes de 60 ans et plus. Anticiper la perte d’autonomie est donc un enjeu de société majeur. C’est d’autant plus vrai que nous y sommes d’ores et déjà confrontés quotidiennement.

Première étape, ce projet de loi nous fait renoncer à ce qui pourrait apparaître comme le « tout établissement », promu par le passé, afin de favoriser au contraire le maintien à domicile, lorsqu’il est possible.

L’instauration d’une conférence des financeurs permettra d’établir un programme coordonné des financements des actions individuelles et collectives de prévention de la perte d’autonomie.

Elle facilitera également l’accès aux aides techniques et individuelles comme l’accompagnement matériel, avec des actions d’aménagement du logement. Chacun sait qu’un environnement matériel inadapté est un facteur important d’accélération du vieillissement. Ces aides techniques favoriseront donc à la fois le maintien à domicile, les personnes âgées préférant majoritairement vieillir chez elles, et la préservation de leur santé.

Deuxième étape, l’adaptation, quand le maintien à domicile n’est pas possible. Ce texte définit le nouveau cadre d’activité des logements-foyers, désormais appelés « résidences autonomie ». Les prestations socles engloberont un service de sécurité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, l’accès à une restauration et à l’entretien du linge, mais aussi des actions de prévention visant à entretenir les facultés sensorielles, motrices et psychiques des résidents. Ce type d’habitat, intermédiaire entre le domicile ordinaire et l’EHPAD, constitue une solution constructive pour les personnes qui n’ont pas besoin d’être placées dans un établissement très médicalisé.

Dans ce même esprit d’adaptation, je salue la sécurisation de la gestion des résidences services, qui connaissent un développement certain. Les nombreuses auditions menées par Mme la rapporteure ont montré que l’articulation entre le statut de la copropriété et la fourniture de services communs entraînait une mutualisation injustifiée des charges. Ce projet de loi permettra de ne faire supporter le coût des services que par leurs utilisateurs.

J’en viens à présent au sujet majeur que constitue la protection des droits des personnes âgées fragiles. Je me réjouis de l’extension de l’incapacité spéciale à recevoir des libéralités ; elle renforce la protection patrimoniale des personnes vulnérables. L’extension aux institutions de l’obligation de signalement des situations de violence ou de négligence permettra de repérer les cas de maltraitance d’origine institutionnelle et de dénoncer certains dysfonctionnements des services.

Troisième étape, l’accompagnement. La revalorisation de l’APA, à hauteur de 153 millions d’euros par an, est une des avancées majeures de ce texte. Les propositions visant à introduire un gage patrimonial n’ont, heureusement, pas été retenues. Chacun sait que la subordination du versement de l’APA à l’acceptation d’un recours sur succession favorise un renoncement à l’allocation très préjudiciable aux personnes âgées en perte d’autonomie. Permettez-moi, à ce propos, de saluer le travail de Mme Paulette Guinchard, qui a inspiré, et continue d’inspirer, notre réflexion.

L’effort du Gouvernement en direction des proches aidants est une autre mesure phare de ce projet de loi. Il était temps de créer un droit au répit, soit par le remplacement du proche aidant au domicile de la personne âgée, soit par un séjour ponctuel de la personne âgée chez un accueillant familial ou dans une structure d’accueil.

L’effort du Gouvernement en la matière est conséquent ; c’est une première et importante étape. Je vous proposerai d’ailleurs, à travers un amendement, de prévoir l’indemnisation journalière de ces proches contraints de suspendre leur activité professionnelle pour aider une personne âgée.

Enfin, les auditions et l’examen en commission ont permis de cerner les lacunes de notre droit en matière d’accueil familial.

L’article 39 vise à développer cette forme d’accueil, notamment par la possibilité de recourir aux chèques emploi-service, mais il reste beaucoup à faire. Les accueillants familiaux ont besoin d’un statut, sur le modèle de celui des assistants familiaux recevant des mineurs. Nous proposerons des amendements allant dans ce sens.

je voudrais ajouter un mot sur la nécessité d’agir pour les personnes âgées immigrées. Avec l’accord du Gouvernement, ce dont je me félicite, notre commission a avancé dans ce domaine. Là encore, des amendements, ayant pour base l’excellent rapport de nos collègues Alexis Bachelay et Denis Jacquart, adopté à l’unanimité, permettront d’autres avancées.

Pour conclure, ce projet de loi améliore l’APA, assainit les relations avec les conseils généraux, refond l’aide à domicile, permet d’expérimenter le « baluchonnage » et clarifie les tarifs d’hébergement. Surtout, il entraîne une prise de conscience collective que la dépendance est l’affaire de tous. C’est un premier pas vers l’adaptation de la société au vieillissement. Il devra, chacun le reconnaît, être complété à l’avenir par le traitement du reste à charge et de la barrière d’âge à 60 ans. Quoi qu’il soit, le Gouvernement pourra compter sur le soutien de notre majorité sur ce qui représente une belle avancée, non seulement pour les personnes âgées, mais aussi pour la société dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, avec des ressources réduites aux 645 millions d’euros de la CASA, les ambitions du présent texte sont nécessairement modestes. Vous avez d’ailleurs, madame la secrétaire d’État, été extrêmement claire à ce sujet lors de votre audition par la commission des affaires sociales, et je vous en remercie.

Ce projet de loi a cependant le mérite d’exister, même s’il est loin d’être à la hauteur des attentes, comme l’a indiqué fort justement le CESE. Celui-ci déclarait en effet le 26 mars dernier : « Le financement du projet de loi […] n’est pas à la hauteur des ambitions affichées et ne correspond pas aux besoins des personnes âgées. » En effet, son financement est exclusivement assuré par un prélèvement sur des pensions de retraite, à hauteur de 0,3 %.

Les dépenses consacrées chaque année à la perte d’autonomie s’élèvent à environ 30 milliards d’euros : 21 milliards d’euros de dépenses publiques et 7 à 10 milliards d’euros provenant des familles. Or nous savons depuis longtemps que le poids du reste à charge en établissement, et de plus en plus à domicile, devient insupportable pour les familles en raison des effets cumulés de la démographie et de la crise économique : les montants restant à la charge des familles une fois toutes les aides déduites dépassent de plus en plus leurs capacités financières.

Pour diminuer cette charge, le projet de loi prévoit d’augmenter le plafond pour chaque GIR. Si l’on peut juger cette initiative satisfaisante, on ne peut que s’inquiéter des modalités d’application de cette revalorisation ; elles suscitent d’ailleurs de vives réactions de la part des associations.

En effet, le relèvement le plus significatif concerne les personnes en GIR 1 et 2, à savoir les plus dépendantes. Or, cette proposition n’est pas adaptée à la réalité, car 80 % de ces personnes, qui ne représentent que 3 % des bénéficiaires de l’APA, vivent à domicile.

Par ailleurs, les personnes en GIR 5 et 6, non bénéficiaires de l’APA, ne doivent pas être les oubliées du texte. Un droit universel d’aide à l’autonomie, intégrant les dimensions de prévention et d’accompagnement, dont le financement serait fondé sur la solidarité nationale, serait plus juste. Il faut favoriser la convergence, sans confusion, en supprimant les barrières de l’âge, pour mettre en œuvre un droit universel à la compensation de la perte d’autonomie, quelle que soit l’origine de cette dernière.

Il est regrettable qu’aucune disposition du projet de loi ne concerne les personnes handicapées vieillissantes et les chibanis.

Ce projet de loi vise – et je m’en réjouis –, d’une part, à faire évoluer le regard de la société sur le vieillissement et, d’autre part, à ce que toutes les politiques publiques intègrent la question du vieillissement.

Pour y arriver, des financements complémentaires importants sont nécessaires. Il faudrait que le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale sanctuarise les fonds provenant de la CASA, de sorte que ceux-ci soient affectés dès le 1er janvier 2015 au financement du présent projet de loi.

Les millions d’aidants familiaux, jusqu’ici peu soutenus par les pouvoirs publics, pourraient ainsi bénéficier très rapidement d’un droit au répit.

Enfin, le format de ce projet de loi est réduit par rapport à ce que nous attendions. Il y manque un pilier essentiel, celui de la réforme de l’accompagnement en établissement. Le rapport annexé indique : « Dans un deuxième temps, lorsque le redressement des finances publiques entrepris par le Gouvernement l’aura permis, la réforme de l’accompagnement en établissement devra rendre l’offre plus accessible. » J’espère que cette seconde étape de la réforme, qui aurait dû être débattue dès aujourd’hui, ne sera pas reportée à la Saint-Glinglin. N’oublions pas, en effet, que l’État ne met pas un euro sur la table pour en financer la première étape, notamment la diminution du reste à charge. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, le projet de loi dont l’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie visait initialement à apporter une réponse à un problème majeur auquel l’ensemble des Françaises et des Français est confronté de près ou de loin : celui de la perte d’autonomie. Ce devait être le grand chantier du quinquennat.

Ce texte était d’autant plus attendu que la question du vieillissement et de la dépendance constitue un défi aux multiples visages.

C’est d’abord un défi pour la cohésion sociale : alors que la population des plus de 85 ans devrait quadrupler d’ici à 2060, la qualité de notre modèle de solidarité nationale se mesurera à sa capacité à garantir la dignité des personnes âgées dépendantes.

Il s’agit aussi d’un défi quant à notre capacité à pérenniser le financement de ce modèle de solidarité. En effet, le vieillissement de la population pourrait engendrer un accroissement de la dépense de l’ordre de 1,5 point de PIB d’ici à 2025.

C’est un défi en termes de pouvoir d’achat : le reste à charge atteint aujourd’hui des niveaux insoutenables pour les familles. Les ménages acquittent au moins 7 milliards d’euros par an pour financer la couverture de la dépendance en complément de la solidarité nationale.

C’est enfin un défi en termes de simplification : il s’agit de garantir une prise en charge de qualité, de simplifier le parcours du combattant auquel sont confrontées les personnes dépendantes et de mieux accompagner les familles et les aidants.

Face à des enjeux aussi cruciaux, on ne peut que regretter la modestie des propositions gouvernementales. Vous donnez clairement la priorité au maintien à domicile, au détriment de la prise en charge de la perte d’autonomie en établissement. Le flou demeure quant à la seconde étape de ce qui devait être le grand chantier du quinquennat. Manifestement, l’engagement du Président de la République ne sera pas respecté.

Ce projet de loi souffre d’insuffisances majeures. Pour l’UDI, la perte d’autonomie ne se résume pas à la question du grand âge. Il nous faut une véritable harmonisation de l’évaluation des situations de dépendance à travers la mise en place d’un référentiel d’éligibilité unique qui intégrerait l’ensemble des situations de handicap ouvrant droit à une rente évaluée en fonction du degré de dépendance. Une telle réforme permettrait en outre de corriger les imperfections de la grille AGGIR, qu’évoquait à l’instant Denis Jacquat.

Les 645 millions d’euros de financement proposés par ce texte, dont 375 millions destinés à revaloriser l’APA, sont absolument dérisoires au regard des besoins financiers suscités par la perte d’autonomie.

Il nous faut, enfin, une mesure puissante en faveur des services à la personne, auxquels le groupe UDI est particulièrement attaché. Ce secteur d’activité, essentiel pour le redressement économique et social de notre pays, a été fragilisé par des mesures telles que le plafonnement global des avantages fiscaux, l’augmentation de la TVA ou la suppression du forfait, alors même qu’il joue un rôle majeur dans la prise en charge de la perte d’autonomie.

Je voudrais, au nom de mon groupe, vous interroger sur trois points.

Les mesures en faveur des millions d’aidants ne peuvent constituer qu’un premier pas vers une véritable reconnaissance du rôle de l’aidant à travers la création d’un statut. Envisagez-vous de définir enfin un statut de l’aidant et, si oui, selon quelles orientations ?

Il est notoire, par ailleurs, que l’enveloppe de 40 millions d’euros prévue pour l’adaptation de 80 000 logements aux contraintes de l’âge et du handicap sera insuffisante pour atteindre cet objectif. Comptez-vous, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, amplifier ces mesures, qui sont par ailleurs de bon aloi ?

Enfin, le projet de loi ne traite pas vraiment de la réduction des inégalités sociales et territoriales, alors même que de fortes disparités demeurent en matière de gestion des aides au niveau départemental.

Le rôle d’appui méthodologique et d’harmonisation des pratiques confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, ne permettra pas, selon nous, d’apporter une réponse à la hauteur de l’enjeu.

En termes de gouvernance – tout le monde l’a dit sur les bancs de l’opposition –, on navigue à vue. Le Gouvernement doit apporter des clarifications sur ce point pour que nous soyons certains de la continuité de la politique sociale.

Certes, la majorité s’attelle à cette question, dans un contexte de tension budgétaire extrême. Toutefois, il serait plus juste de dire qu’elle se contente de prétendre s’attaquer au problème. La concertation menée par notre collègue Michèle Delaunay quand elle était membre du Gouvernement avait suscité un véritable espoir. Force est pourtant de constater aujourd’hui, mes chers collègues – et croyez bien que j’aurais aimé vous dire autre chose – que ce projet de loi n’est pas à la hauteur des défis humains et financiers soulevés par la dépendance.

Face à cet enjeu de société, l’UDI prend ses responsabilités et fait des propositions constructives. Nous souhaitons en particulier poser les jalons d’une réforme structurelle de la prise en charge de la perte d’autonomie, fondée sur trois piliers.

Tout d’abord, nous estimons qu’une approche solidaire de la prise en charge des personnes dépendantes interdit d’exclure les handicapés d’une réflexion globale sur la dépendance et la perte d’autonomie.

Ensuite, nous devons faire face à un défi immédiat, dans la mesure où certains conseils généraux connaissent des difficultés pour assumer la montée en charge de l’APA. Nous proposerons donc, à travers des amendements, l’affectation aux départements d’une fraction de la contribution sociale généralisée, ainsi que la création d’une taxe exceptionnelle, assise sur le produit brut des jeux, destinée au financement de la perte d’autonomie.

Enfin, à l’instar de notre collègue de l’UMP, nous proposons, pour couvrir le risque lié à la perte d’autonomie, d’instituer un système assurantiel universel obligatoire. Je fais le rêve que cette majorité soit capable de prendre une telle décision ! Cela permettrait en effet de concilier l’exigence de solidarité nationale, grâce à la mutualisation des risques, et une saine gestion des finances publiques, le tout à travers un dispositif de financement innovant. Le système donnerait droit à une rente mensuelle garantie en cas d’entrée en dépendance, quelle que soit la durée de cotisation effective ; il ferait l’objet d’un cahier des charges et serait piloté par l’État, par la CNSA et les acteurs du dialogue social. Je crois beaucoup à cette piste et je regrette, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, que vous n’ayez pas eu le courage de vous y engager.

Je veux également évoquer d’autres propositions formulées par notre groupe, en espérant que le Gouvernement et sa majorité y seront sensibles. Deux d’entre elles, en particulier, contribueraient à renforcer les mesures en faveur de l’adaptation des logements, dont j’ai déjà souligné l’insuffisance dans ce projet de loi.

La première est la reconnaissance de l’habitat regroupé solidaire, fruit d’initiatives bénévoles et citoyennes, et qui permet d’offrir des lieux de vie autres que les établissements destinés aux personnes âgées. Des expérimentations ont été lancées à travers la France, mais il leur manque une assise juridique solide.

La deuxième est l’institution d’un crédit d’impôt pour favoriser les travaux de mise en accessibilité réalisés au bénéfice des personnes âgées ou handicapées. Une telle proposition, inspirée de l’initiative de notre collègue Gérald Darmanin, aurait, je crois, toute sa place dans ce projet de loi.

Nous avons également dénoncé l’absence de mesures en faveur des services à la personne. Je proposerai par conséquent que le libre choix du prestataire pour la prise en charge des personnes en perte d’autonomie soit pleinement garanti. Ne fragilisez pas ce secteur en opposant les structures – associations d’un côté, entreprises de l’autre. Vous ne créerez pas d’emploi en agissant ainsi.

Notre groupe proposera également une mesure puissante et visible pour soutenir les 8,3 millions d’aidants qui assistent de façon régulière, et à domicile, un ou plusieurs de leurs proches souffrant d’un handicap ou d’un problème de santé. Il s’agirait d’exonérer de l’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux le dédommagement qu’ils perçoivent. Je regrette d’ailleurs qu’une telle disposition n’ait pas été adoptée en commission.

J’espère que le Gouvernement et la majorité seront à l’écoute de ces propositions constructives, susceptibles d’améliorer substantiellement ce projet de loi. Ce dernier a certes le mérite d’exister, comme le disait notre collègue Denis Jacquat, mais je crains qu’il n’en ait pas d’autres, et qu’il ne nous permette pas d’atteindre nos objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, la France connaîtra d’ici à 2035 un important vieillissement en raison de l’arrivée progressive à l’âge de 60 ans des générations du baby-boom et de l’accroissement de l’espérance de vie. Les personnes de 60 ans et plus représenteront ainsi 31 % de la population en 2035. Adapter la société à ce vieillissement est donc une priorité, une nécessité.

C’est d’autant plus vrai que si l’espérance de vie augmente, l’espérance de vie en bonne santé ne connaît pas du tout la même croissance. La perte d’autonomie est donc un véritable risque, et il est primordial que les politiques publiques le prennent en compte.

C’est pourquoi ce projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement a avant tout le mérite d’exister, après dix ans d’annonces non suivies d’effets. Son second mérite réside dans la justesse de son intitulé, tant il est cohérent et pertinent d’inclure la totalité de la société dans cette adaptation. Mme la ministre le reconnaissait elle-même : ce projet de loi constitue plutôt un premier volet et en appelle au minimum un second. Mais il pose les premières bases, les fondations des politiques publiques en faveur des personnes âgées. Un nouveau projet de loi de plus grande envergure sera toutefois nécessaire d’ici à quelques années pour prolonger et améliorer ce texte.

M. Arnaud Richard. Nous le ferons !

M. Jean-Louis Roumegas. Il s’agira alors d’articuler davantage les mesures et les services, notamment en ce qui concerne leur financement – sûrement le point faible du texte.

À l’heure actuelle, les deux institutions ressources dans ce domaine sont les agences régionales de santé et les conseils généraux. Alors que la suppression de ces derniers a été annoncée, il est nécessaire de repenser l’articulation effective des compétences de solidarité et de financement afin de la rendre plus efficace. Je note d’ailleurs que les ARS sont assez peu évoquées dans le texte. En conséquence, la question des EHPAD, directement liée à ces dernières, n’est, hélas ! que survolée.

Néanmoins, comme je le disais, ce texte marque une première étape et un changement de vision concernant les aînés, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

À cet égard, plusieurs volets du projet de loi sont particulièrement intéressants. Il en est ainsi de la prise en considération des déplacements urbains effectués par les personnes âgées, qu’elles soient en perte d’autonomie ou simplement suffisamment âgées pour avoir de plus grandes difficultés à se déplacer. Une telle politique est non seulement pertinente, mais indispensable. Les plans d’urbanisme doivent se saisir de ces questions, en lien avec celle de l’accessibilité en général.

Les écologistes soulignent également l’importance du volet consacré, dans ce projet de loi, à l’habitat. Je le répète, l’adaptation de la société au vieillissement doit être considérée dans son ensemble et prendre en compte tous les aspects du quotidien. L’habitat tient donc une place prépondérante. C’est pourquoi l’intégration de la question du vieillissement au sein des programmes locaux de l’habitat est une excellente nouvelle. Nous souhaitons élargir le choix du mode d’hébergement en créant des logements adaptés et en favorisant aussi bien l’hébergement en structure collective ou autogérée – je pense notamment à la solution innovante que représentent les habitats partagés – que le maintien à domicile, à condition que celui-ci résulte d’un vrai choix.

À ce propos, maintenir à domicile n’implique pas systématiquement de permettre la conservation du domicile actuel. Cela peut aussi revenir à faciliter un déménagement vers un appartement – ou une maison – plus adapté aux besoins de la personne et de ses proches – par exemple situé à un étage moins élevé, ou doté d’une salle de bains déjà équipée. De tels aspects sont très banals, mais peuvent s’avérer fondamentaux pour permettre le maintien à domicile. C’est pourquoi la construction d’un parc de logements décents et équipés pour les personnes âgées, en perte d’autonomie ou en situation de handicap est une nécessité. Le maintien à domicile peut et doit passer par cette solution. Nous saluons au passage le dispositif de revalorisation de l’APA à domicile, qui devrait contribuer à soulager des personnes âgées et leurs familles.

Le principal est de mettre la personne au centre de la décision. Gardons-nous des clichés sur les personnes âgées. Oui, ils sont une chance pour notre société, comme tous les autres citoyens. La vieillesse n’est qu’une étape de la vie, avec ses avantages et ses inconvénients. Notre logique n’est donc pas celle de la silver economy, laquelle ne voit dans les personnes âgées qu’une opportunité financière. Adapter la société au vieillissement, c’est avant tout faire le choix d’une société solidaire. Nous devons relever ce défi et, de ce point de vue, le projet de loi qui nous est proposé n’est qu’une première étape. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, enfin ! Quelle satisfaction de voir ce projet de loi, si attendu, enfin examiné dans cet hémicycle ! Avec près d’un an de retard, nous examinons le texte qui doit, selon l’engagement du président Hollande, permettre de « réformer la dépendance pour mieux accompagner l’autonomie ». Personne ne niera que les attentes étaient importantes et l’objectif, ambitieux.

Certes, ce texte ne répond pas en totalité, loin s’en faut, au défi que nous devons relever. Considérons toutefois qu’il constitue une bonne amorce.

Nous sommes tous, directement ou indirectement, confrontés à la perte d’autonomie et, plus généralement, au vieillissement. Ce texte nous concerne donc tous et traite d’un enjeu sociétal majeur. D’après des études plusieurs fois citées, en 2060, environ un tiers des Français aura plus de 60 ans, et les plus de 85 ans devraient représenter près de 5 millions de personnes. Mais, au-delà des chiffres, c’est de la condition humaine qu’il s’agit avant tout, et de la capacité de notre organisation sociale à offrir à chacun, quel que soit son état physique ou mental, la possibilité de vivre dignement l’avancée en âge.

Pour que vieillir ne soit pas synonyme de solitude et d’abandon, nous avons le devoir d’élaborer des politiques publiques résolument solidaires afin d’accompagner les seniors le mieux possible dans le respect de leur choix de vie. Dès lors, le véritable enjeu est, non pas de vieillir le plus longtemps, mais bien de vieillir de façon autonome, c’est-à-dire en gardant la possibilité de choisir jusqu’au bout. Il ne s’agit pas tant de rajouter des années à la vie que de rajouter de la vie aux années.

Ce texte était attendu depuis de nombreuses années par les personnes âgées, leurs familles et l’ensemble des professionnels du secteur, qui ont participé à la large concertation dirigée par votre prédécesseur, madame la secrétaire d’État, notre collègue Michèle Delaunay – que je salue.

Trop souvent, on a eu tendance à réduire la problématique du vieillissement à la dépendance, laquelle oblige à recourir à des tiers pour assumer les actes de la vie quotidienne. La personne âgée est ainsi obligée de s’adapter à un environnement défavorable qui contribue à accroître sa perte d’autonomie.

En ce sens, ce texte est une véritable révolution dans la prise en compte des difficultés liées au vieillissement. Le titre du projet de loi, relatif à « l’adaptation de la société au vieillissement », est à cet égard tout un symbole. Ce texte, qui a l’ambition de concerner l’ensemble des politiques publiques, adopte une approche inversée : c’est la société dans son ensemble qui doit s’adapter pour garantir, au fur et à mesure de l’avancée en âge, des conditions de vie, de logement et de déplacement susceptibles d’offrir à une personne âgée confrontée aux effets de la dépendance la possibilité de rester autonome le plus longtemps possible.

Donner de l’autonomie à une personne, c’est lui fournir les moyens d’assumer ses choix malgré son handicap ou sa dépendance. Cette précision permet de comprendre l’importance du projet de loi, lequel prend en compte l’environnement dans lequel évolue la personne âgée.

Avec ce projet de loi, la politique de l’âge est inscrite dans un programme pluriannuel et transversal qui embrasse toutes les dimensions du sujet en confortant le choix d’un financement fondé sur une ressource dédiée : la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie. Toutes les politiques publiques doivent être mobilisées autour des enjeux du soutien à l’autonomie, qui représentent par ailleurs un gisement d’emploi considérable.

Je regrette profondément, cependant, que nous ne soyons pas allés plus loin en matière de financement, et que soit définitivement abandonnée l’idée d’une allocation universelle, ce fameux cinquième risque assis sur un financement de solidarité nationale.

M. Bernard Perrut. Très bien !

Mme Jeanine Dubié. J’en viens au texte lui-même. Les mesures proposées dans l’article 11 étaient nécessaires, car il fallait clarifier le statut des résidences avec services et revoir le fonctionnement des logements foyers. Ces établissements étaient pour la plupart adossés à des centres communaux d’action sociale et avaient pour objet d’accueillir des personnes peu dépendantes, offrant une solution intermédiaire entre le domicile et l’établissement spécialisé. Aujourd’hui, du fait du vieillissement de la population, il n’y a plus grande différence entre les logements foyers et les EHPAD, et beaucoup de logements foyers ont été transformés en EHPAD du fait du niveau de dépendance des personnes accueillies. Leur requalification sous le terme de « résidence autonomie » est donc pour nous une bonne chose, car cela revient à redonner à ces structures leur vocation d’origine.

Toutefois, le texte qui nous est soumis aujourd’hui est en deçà de ce qui était attendu. Il s’agit d’un texte a minima, en raison des contraintes économiques que l’on connaît ; nous en prenons acte.

J’aimerais revenir sur quelques points qui ont appelé notre attention.

Lors des débats sur le PLFSS, nous nous sommes rendu compte que, plusieurs années de suite, le produit de la CASA avait été réaffecté au FSV, le Fonds de solidarité vieillesse. Finalement, face à la protestation des acteurs, 130 millions d’euros de crédits prélevés sur les taxes instituées en faveur de la CNSA ont – fort heureusement ! – été réaffectés en faveur des personnes âgées dépendantes.

Nous nous interrogeons également sur l’agenda de la mise en œuvre de la réforme, qui n’est pas encore connu – ce qui inquiète les acteurs concernés. Certains craignent qu’une entrée en vigueur en 2016 n’entraîne pour une année supplémentaire la réaffectation du produit de la CASA au FSV. La question n’est pas neutre : si la réforme de l’APA n’entre pas en vigueur rapidement, la CASA servira encore pour l’essentiel à combler le déficit du FSV, comme dans les deux dernières lois de finances.

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

Mme Jeanine Dubié. Nous devons affecter réellement ces 645 millions d’euros au développement des actions d’accompagnement des personnes âgées ou vieillissantes.

Des acteurs du secteur ont affirmé, par voie de presse, que les besoins seraient de 3 à 4 milliards d’euros ; or, pour financer l’ensemble des nouvelles mesures, il n’est prévu que l’affectation des recettes de la CASA. Madame la ministre, peut-être pourriez-vous nous rassurer ? Pensez-vous que ces 645 millions d’euros seront suffisants ? Je ne vous cache pas que nombreux sont ceux qui doutent de la faisabilité économique de ce projet destiné à améliorer et conforter le maintien à domicile des personnes âgées confrontées aux effets du vieillissement.

En outre, nous nous inquiétons qu’il n’y ait aucune allusion dans le texte au deuxième volet de la réforme, lequel devait concerner l’accompagnement et la prise en charge des personnes âgées dans les EHPAD. Cette absence devrait durer, si l’on en croit vos déclarations, madame la ministre, puisque vous avez déclaré hier : « Pour ce qui est de l’accueil en établissements, nous verrons si l’état des finances publiques permet de franchir cette seconde étape dans un délai rapproché. » Le reste à charge pour les familles n’est pas évoqué, alors que la création d’un groupe de travail avait été annoncée d’abord en mars dernier, puis en septembre, en vue de définir des mesures applicables dans la deuxième partie du quinquennat.

J’y insiste : le reste à charge devient rapidement insupportable pour la personne accueillie et sa famille, et l’admission au bénéfice de l’aide sociale pour les frais d’hébergement ne peut être la seule réponse. Certes, nous savons bien que le contexte économique est difficile, mais gardons à l’esprit, mes chers collègues, que les personnes âgées ne doivent pas être – passez-moi l’expression – les « grands-parents pauvres » de la société ; pour beaucoup d’entre elles, la précarité est une réalité.

Le groupe RRDP s’est toujours engagé en leur faveur. Durant les discussions sur la réforme des retraites, nous avons mis un point d’honneur à défendre les petites retraites – et nous avons obtenu gain de cause, avec la revalorisation de celles qui sont inférieures à 1 200 euros. Plus récemment, avant l’été, nous avons combattu dans l’hémicycle le gel de ces dernières. Sachez que le groupe RRDP continuera à se mobiliser sur ces thématiques ; l’ensemble des amendements que nous présenterons viseront à favoriser les politiques publiques en faveur des personnes âgées les plus modestes.

J’aimerais enfin évoquer le plan Alzheimer et son élargissement à l’ensemble des maladies neurodégénératives. Le Président de la République a affirmé vouloir continuer le plan Alzheimer pour 2014-2018. Le groupe RRDP attend donc avec impatience les prochaines annonces en la matière.

Nous avons pris part activement aux discussions sur le projet de loi dans les différentes commissions et nous avons fait adopter plusieurs amendements, sur divers sujets, lors de son examen par la commission des affaires sociales. Nous allons de nouveau présenter des amendements, toujours dans l’objectif d’améliorer le texte, notamment afin que les représentants des opérateurs de services d’aide et d’accompagnement à domicile soient associés à la conférence des financeurs. Nous proposerons un fléchage moins contraignant des crédits de la CNSA ; nous présenterons un amendement tendant à préciser le périmètre du forfait autonomie et nous proposerons des formes alternatives de résidences pour personnes âgées.

En résumé, ce projet de loi, au travers de ses trois volets – anticipation, adaptation et accompagnement – contribuera à améliorer les conditions de vie à domicile pour les personnes âgées confrontées aux effets du vieillissement. Mais le texte peut encore être amélioré, et nous apporterons notre contribution au cours des débats dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, chers collègues, ce projet de loi se fixe pour objectif d’anticiper l’important défi que constitue le vieillissement de la population et d’y apporter des réponses. En effet, selon les estimations de l’INSEE, la proportion de personnes âgées de plus de 60 ans dans la population, d’ores et déjà de 25 %, devrait atteindre 32 % en 2060, soit 23,6 millions de personnes.

Par ailleurs, notre société a beaucoup évolué et de nouvelles aspirations sont apparues. L’espérance de vie à la retraite est désormais de l’ordre de vingt-cinq ans : il est légitime que nos concitoyens souhaitent profiter pleinement de la nouvelle vie qui s’offre à eux. Ils veulent pouvoir être actifs et utiles, envisager et réaliser de nouveaux projets, et ce dans de bonnes conditions.

Ce projet de loi s’inscrit dans cette perspective. En posant la question sociétale et culturelle, il vise à enclencher un infléchissement de notre rapport à l’âge, à nos aînés, et à réaffirmer dans la loi le droit des personnes âgées à décider de leur vie.

Si nous partageons et saluons ces objectifs, c’est peu dire que, pour qu’ils se concrétisent dans la vraie vie, pour l’ensemble de nos concitoyens – y compris les plus modestes –, il reste du chemin à parcourir. De nombreux moyens nouveaux doivent être mis en œuvre – et c’est là, évidemment, que le bât blesse.

Si le texte contient d’indéniables avancées, avec, en particulier, une réforme de l’APA à domicile visant à permettre à chacun de vivre le plus longtemps possible chez soi, mais aussi l’amorce d’une reconnaissance des aidants et de leurs besoins, le renforcement de la protection des personnes les plus fragiles et des mesures visant à favoriser les actions de prévention, il reste cependant très modeste, avec à peine 654 millions d’euros de financement prévu, ce qui n’est pas à la hauteur du défi qui se présente.

Mme Bérengère Poletti. C’est vrai !

Mme Jacqueline Fraysse. De plus, il fait l’impasse sur des sujets cruciaux, comme le reste à charge pour les familles.

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

Mme Jacqueline Fraysse. Comme, dans de plus en plus de cas, les revenus des personnes âgées – pension de retraite et aides éventuelles – ne suffisent pas à payer leurs frais d’hébergement dans un établissement spécialisé, ce sont les enfants, voire les petits-enfants, qui sont sollicités pour acquitter le reste à charge. Le montant en est très élevé : selon les estimations, il atteint en moyenne 1 500 euros par mois.

Or la situation va encore s’aggraver, en raison de la diminution du montant des retraites et de l’augmentation des tarifs d’hébergement. Selon une récente enquête de la CNSA, les frais d’hébergement en EHPAD s’élèvent en moyenne à 2 892 euros mensuels, alors que le montant des retraites se situe en moyenne autour de 1 100 euros par mois. Et je ne parle pas des plus de 800 000 retraités qui vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays, ni du fait que plus de 10 % des retraités, dont une majorité de femmes seules, perçoivent une pension inférieure à 600 euros par mois.

L’avancée en âge n’efface évidemment pas les inégalités sociales, au contraire. Or ce sujet est le grand absent du texte que vous proposez. Nous ne saurions évidemment faire l’impasse sur un tel sujet.

Le Gouvernement a, hélas !, choisi de repousser sine die l’indispensable réforme sur le reste à charge, au prétexte qu’elle coûterait 1,5 milliard d’euros. Je ne veux pas polémiquer, mais vous me permettrez de considérer que ce n’est pas grand-chose au regard des milliards d’exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises et de la mise en place sans contreparties du crédit d’impôt compétitivité emploi et du pacte de responsabilité – et j’en passe.

Le travail en commission a permis de faire évoluer le texte, notamment en améliorant le sort des travailleurs immigrés âgés. Nous nous en félicitons, mais nous vous proposerons d’aller encore plus loin en la matière.

De même, nous formulerons des propositions sur l’encadrement du reste à charge, visant à réduire l’iniquité et l’opacité actuelles, ainsi que sur le droit au répit, de manière à le rendre plus efficient.

Nous proposerons également de renforcer le secteur de l’aide à la personne, qui est actuellement en grande difficulté, ce qui engendre une forte insécurité pour les salariés, ainsi que des insatisfactions pour les usagers et leurs familles. L’excellent rapport de Dominique Watrin contient sur ce point des propositions très intéressantes, qui mériteraient d’être intégrées à la loi.

Enfin, concernant le contentieux des aides sociales, que vous envisagez de confier aux tribunaux administratifs, l’expérience du RSA nous montre que ce n’est pas une bonne idée. Nous proposons d’accroître au contraire les moyens des juridictions sociales de manière à les rendre plus accessibles aux justiciables : cela reste le vecteur le plus adapté.

Dans l’ensemble, mes chers collègues, il s’agit d’un texte positif, mais notre position définitive à son égard dépendra des améliorations qui y seront apportées. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Huillier.

Mme Joëlle Huillier. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, treize ans après la création de l’allocation personnalisée d’autonomie par le gouvernement de Lionel Jospin, nous nous apprêtons à examiner un nouveau texte destiné à améliorer la vie des personnes âgées et de leurs familles. Contrairement aux lois de 2001, 2003 ou 2004, ce projet de loi, préparé avec soin par notre collègue Michèle Delaunay et repris de main de maître par Mme la secrétaire d’État, ne se limite pas à la prise en charge de la perte d’autonomie. Il prévoit, bien entendu, des moyens supplémentaires pour le financement de l’APA à domicile et l’amélioration des plans d’aide, attendue par les familles et les professionnels, mais il traduit aussi, et surtout, une approche globale, prospective et positive du vieillissement.

Je n’aurai pas le temps d’aborder l’ensemble des avancées de ce texte d’orientation et de programmation ; aussi insisterai-je sur ce qui me paraît être ses deux grands mérites : la priorité à la prévention et le soutien aux aidants.

Priorité à la prévention, quand il institue une conférence des financeurs chargée de programmer et de coordonner les aides dédiées dans chaque département.

Priorité à la prévention encore, quand il veille à mieux accompagner les travailleurs en fin de carrière, à reconnaître et valoriser l’engagement citoyen des personnes âgées, à former le grand public au repérage des situations de fragilité, à lutter contre l’isolement, la malnutrition, les chutes, l’usage excessif de médicaments et les suicides.

Priorité à la prévention, toujours, quand il renforce les missions des foyers logement – futures « résidences autonomie » – à l’aide d’un forfait dédié, et qu’il sécurise la gestion des résidences services. En cela, le projet de loi ne concerne pas seulement les personnes âgées en perte d’autonomie, ni même les personnes âgées en général, mais toute la société. Il accorde d’ailleurs une reconnaissance à ces millions de proches aidants qui assistent dans leur vie quotidienne un parent, un grand-parent, un conjoint, un frère, une sœur ou un ami. Désormais, ils pourront bénéficier d’un peu de répit, y compris en cas d’hospitalisation, grâce à une aide au financement d’une prise en charge alternative et temporaire de la personne aidée, ainsi qu’à l’expérimentation des prestations de suppléance à domicile – terme que je trouve préférable à celui de « baluchonnage ».

Malgré ces progrès majeurs, certains estiment que les moyens sont insuffisants. C’est vrai : ils sont inférieurs aux besoins, immenses, des personnes âgées ; mais, dans une période où l’argent public est rare, au moins ont-ils le mérite d’exister – on fait avec ce que l’on a ! En outre, la CASA est une recette dynamique, dont le produit sera amené à progresser.

J’entends aussi ceux – souvent les mêmes – qui nous disent que nous ferions les choses à moitié : le maintien à domicile, mais pas les établissements.

M. Bernard Perrut. C’est pourtant la vérité !

Mme Joëlle Huillier. Sur la forme, je leur rappellerai qu’eux-mêmes, après avoir tout promis aux personnes âgées, n’ont rien fait en cinq ans, et que la crise des finances publiques ne nous empêche pas, nous, d’agir.

Sur le fond, je leur réponds que rester chez soi le plus longtemps possible est la priorité de la grande majorité des âgés. Il s’agit de penser en termes, non de choix entre le domicile et l’EHPAD, mais de parcours, et de retarder le plus possible l’entrée en EHPAD.

À ce propos, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, nous attendons des précisions ou, du moins, un calendrier sur les perspectives en matière de tarification et de reste à charge dans les maisons de retraite, ainsi que pour la réforme du secteur de l’aide à domicile, en grande difficulté.

En ce qui concerne la gouvernance locale, l’incertitude régnait en raison de la réforme territoriale. Le Gouvernement a déposé des amendements qui tendent à rétablir les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie et à permettre la création de maisons départementales de l’autonomie. Chacun, je crois, reconnaîtra la pertinence de l’échelon départemental pour la mise en œuvre et la coordination de ces politiques.

Au cours de ces débats, le groupe socialiste, républicain et citoyen défendra des amendements visant à renforcer les droits des personnes âgées, à lutter contre les discriminations dont elles sont trop souvent victimes, à permettre aux aidants de mieux concilier leur rôle et leur situation professionnelle et à favoriser l’accueil familial.

Mes chers collègues, ce projet de loi n’est pas une fin en soi : il y a encore tant à faire ! Il devra nécessairement être suivi d’autres initiatives, mais je crois que nous pouvons être fiers de participer au début d’une belle et grande réforme de société qui doit permettre de changer le regard porté sur le vieillissement et la vie des personnes âgées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur certains bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, chers collègues, l’accroissement de l’espérance de vie est à la fois une chance et un défi, car il faut faire face à un nombre croissant de personnages âgées, qu’elles vivent à domicile ou en établissement.

On mesure à quel point l’enjeu est de taille, à quel point le défi ou, plutôt, les défis sont importants.

Il s’agit, tout d’abord, d’un défi de civilisation : il faut changer le regard que porte notre société sur les personnes âgées ; l’objectif est non pas simplement d’ajouter des années à la vie, mais de donner de la vie aux années.

Il s’agit également d’un défi en termes de cohésion sociale, qui concerne les solidarités et les relations intergénérationnelles. À cet égard, je veux réaffirmer ici le rôle essentiel de la famille et des aidants.

Il s’agit aussi d’un défi financier. Avec ces dépenses supplémentaires, c’est la préservation de notre modèle social qui est en jeu.

Il s’agit encore d’un défi en termes de pouvoir d’achat, car les frais liés à la dépendance et à la vie en établissement sont lourds pour les personnes âgées et les familles, qui font d’énormes sacrifices.

C’est aussi un défi en termes de simplification des procédures et des parcours, car tout est complexe : il faut connaître ses droits, organiser les aides à domicile et les soins. Comme beaucoup d’élus, je mesure chaque jour, dans ma ville, combien il est important d’innover dans ce domaine, par exemple en ouvrant un guichet unique d’accueil et d’accompagnement des personnes âgées et de leur famille, en valorisant le bénévolat, en encourageant les actions intergénérationnelles et la lutte contre la solitude, ou encore en créant un EHPAD adossé à un foyer logement, afin de prendre en compte, sur le même site, les besoins de chacun, lesquels évoluent d’ailleurs.

Ce texte prend en considération – ce que je salue – les proches des aidants et reconnaît un droit au répit ; c’est essentiel. Il témoigne aussi de la volonté de favoriser – beaucoup d’élus locaux le font déjà – les déplacements, les transports, le cadre de vie et l’accessibilité et, ce faisant, de renforcer le lien social, l’accès aux soins, à la culture et aux activités physiques. En effet, le maintien à domicile n’est pas le confinement à domicile. Bien au contraire, il doit favoriser un projet de vie personnel. La prévention et des aides précoces sont par conséquent indispensables. Vous en faites l’un des objectifs de ce texte ; j’y souscris pleinement.

Si le maintien à domicile constitue la priorité des Français, il faut que la revalorisation de l’APA à domicile permette une meilleure adaptation des plans d’aide et la diminution du reste à charge. Soyons cependant réalistes : l’augmentation des aides, avec quelque 355 millions d’euros supplémentaires, ne sera pas suffisante pour régler la question de la perte d’autonomie à domicile. De plus, le projet de loi fait reposer uniquement ce complément de financement sur la CASA, acquittée par les seuls retraités imposables. Il aurait d’ailleurs mieux valu que la CASA ne soit pas détournée de sa destination. En outre, l’évolution de l’APA ne doit pas se limiter à sa revalorisation. Il faut certainement réformer la grille AGGIR pour mieux prendre en compte les besoins en fonction du projet de vie de la personne et de son environnement humain, social et familial.

Ce texte n’est pas, à mon sens, à la hauteur de votre ambition pour le secteur des services à la personne. Vous les avez d’ailleurs déjà beaucoup fragilisés avec le plafonnement global des avantages fiscaux, l’augmentation de la TVA et la suppression du forfait, alors même qu’ils jouent un rôle essentiel dans nos villes et nos villages. Les associations, sur le terrain, avec leurs salariés, qui font un travail admirable, méritent plus de considération et davantage de moyens.

Que penser également des 40 millions d’euros prévus pour l’adaptation des logements aux contraintes de l’âge et du handicap ? Cette somme sera, bien sûr, bien insuffisante.

Qu’en est-il, par ailleurs, de la réduction des inégalités sociales et territoriales ? Vous la prônez à juste raison : il est effectivement nécessaire de s’attaquer au problème, car il existe des disparités entre les départements, mais quelle gouvernance proposez-vous, à l’heure où vous entendez précisément supprimer les conseils généraux ?

On ne peut, enfin, que regretter le report de la réforme de la dépendance, alors qu’il est essentiel de prendre en charge la perte d’autonomie – on sait combien de personnes âgées et combien d’EHPAD compte notre pays. Le financement des EHPAD, voilà une urgence, alors même que les prix ne cessent d’augmenter et que les moyens financiers et humains manquent. Quand allez-vous prévoir, aussi, un financement qui réduise de façon significative le reste à charge supporté par les résidents et les familles ?

Ce texte, madame la ministre, madame le secrétaire d’État, est plein de bonnes intentions, mais il n’apporte qu’une réponse trop partielle, avec seulement 645 millions d’euros pour traiter le problème du vieillissement de la population. Vous évitez, aujourd’hui, de poser la véritable question : celle du financement global de la prise en charge de la dépendance. Toutefois, je ne doute pas de votre bonne volonté, et j’exprime le souhait que vous puissiez, à terme, apporter la réponse que nous attendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, je salue la présentation de ce projet de loi devant notre assemblée. Son titre est plein de promesses, car il pose la question sous un angle nouveau : l’adaptation de la société au vieillissement.

L’Aquitaine fait partie des cinq régions métropolitaines où la proportion de vieilles personnes est la plus élevée. Les Aquitains très âgés sont surreprésentés dans l’espace rural, en particulier en Dordogne. En 2011, la part des personnes âgées de plus de 75 ans était de 13 % en Dordogne, contre 10 % dans toute l’Aquitaine. En France métropolitaine, cette part est de 9 %. C’est une bonne nouvelle : on vit bien en Dordogne, et longtemps.

Dans les prochaines années, la population des personnes âgées va encore s’accroître sensiblement. Des services supplémentaires devront être proposés et l’aménagement de l’espace public devra être revu. Le fonctionnement de la société actuelle n’est pas adapté aux plus âgés d’entre nous. Notre société exacerbe la compétition, promeut la rapidité. La loi doit intégrer le fait que les métiers de services à la personne n’entrent pas dans une logique de compétitivité. Quand tout est chronométré – le temps consacré à la toilette, à changer la personne, à faire le ménage – dans un souci de compétitivité, la personne dépendante est ballottée, transportée de l’EHPAD à l’hôpital, puis vers un autre institut. Ces transferts se succèdent parfois au cours d’une seule nuit.

Dans les services gériatriques et médico-sociaux, les membres du personnel ne sont pas remplacés lorsqu’ils sont malades. Cette situation crée beaucoup de tensions et de stress pour eux-mêmes et est, de fait, source de maltraitance pour les résidents. Les personnes accueillies dans les institutions en souffrent ; le personnel aussi. Cela se transforme en négligence et mépris.

Les dispositions de ce projet de loi me semblent suivre la bonne direction, à condition que les moyens alloués soient suffisants. Pour relever le défi de l’allongement de la durée de la vie, nous ne pourrons nous contenter d’évaluations, de chiffrages : il faudrait surtout que les personnes soignantes et de service aient le temps de parler, de solliciter et de créer un milieu sécurisant.

Nous devons entamer une vraie réflexion sur le statut d’aide à domicile en zone rurale. Les temps de transport y conduisent à un emploi du temps morcelé, synonyme de temps très partiel. Cette précarité ne permet pas des temps d’échange humain entre aidants et aidés. Je propose d’ajouter un temps complémentaire à l’intervention technique pour privilégier le lien social et humain lors de toute intervention de personnel aidant ou soignant auprès d’une personne âgée, à domicile ou en institution.

Je salue la décision de provisionner pour les aides à domicile, avec une enveloppe visant à revaloriser les frais kilométriques et à augmenter les salaires les plus bas. Dans le même esprit, le temps de déplacement doit être rémunéré comme temps de travail. L’indemnité kilométrique doit être la même pour une femme de ménage et pour un soignant. Par ailleurs, pour rompre l’isolement, en particulier en milieu rural, l’ouverture des EHPAD à l’accueil de jour régulier doit être favorisée, de même que le développement des activités et animations de loisir. Par exemple, pour éviter la rupture sociale entre les résidents et l’extérieur, l’EHPAD La Madeleine à Bergerac a mis en place des activités autour du jardinage, en lien avec les associations et les écoles. Aussi, nous avons déposé un amendement visant à préciser le rôle important que joue l’accueil de jour dans le maintien à domicile des personnes âgées.

Enfin, je salue la poursuite du travail engagé par ma collègue Cécile Duflot sur l’habitat collectif et la création des attestations de tutorat pour les retraités bénévoles, ou encore la promotion d’un statut de volontariat civique senior pour renforcer le lien social intergénérationnel et pour des missions d’intérêt général. Ce dispositif pourra, je le pense, contribuer au dynamisme des personnes âgées, à condition, toutefois, qu’il ne remplace pas des emplois salariés.

À côté de ces bonnes dispositions législatives, c’est surtout – nous en conviendrons tous – de liens humains que nous avons surtout besoin pour vivre mieux avec les personnes âgées : la solidarité intergénérationnelle, le respect des autres, les liens affectifs, la compréhension. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, qui peut raisonnablement ne pas reconnaître le bien-fondé du présent projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ?

L’espérance de vie est passée par là. Elle s’est accrue et constitue un progrès irréversible. Si, comme prévu dans l’ordre des choses, quelques déboires inhérents au vieillissement sont constatés, si regrettables qu’ils soient, ils ouvrent de nouvelles fenêtres pour la recherche approfondie. Tout bien considéré, ces multiples aspects sont autant de facteurs d’enrichissement humain et de développement.

Ces considérations valent-elles partout ? Pas en Martinique, en tout cas, où le problème du vieillissement de la population se pose en termes singuliers. On y observe, en effet, un dépeuplement accéléré, avec toutes les conséquences négatives que l’on peut imaginer. Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte, dont l’action conjuguée engendre cette situation.

L’examen de la pyramide des âges en Martinique fournit des indications alarmantes sur la transition démographique en cours.

En 2005, 23,3 % de la population avait déjà 60 ans et plus. Une projection sur les quinze années à venir a montré que la part des 60-70 ans serait alors de 40 %. Au 1er janvier 2013, la population martiniquaise était estimée à 386 486 habitants, confirmant ainsi sa trajectoire monotone et décroissante. Parmi les facteurs expliquant cette déperdition, il y a le départ des forces vives du pays. En effet, en Martinique, plus de 50 % des jeunes sont à la recherche d’un emploi. L’autre facteur aggravant est la baisse de la natalité.

Contre toute attente, voici la solution que préconise l’INSEE dans une étude publiée le 3 février 2011 : « Il faut aussi comprendre qu’avec le départ à la retraite des générations issues du baby-boom, il va y avoir une déstabilisation du marché de l’emploi. » C’est déjà le cas. « Très rapidement, c’est-à-dire d’ici cinq à dix ans, près de 50 000 personnes partiront à la retraite » – ce chiffre est déjà dépassé – « et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le remplacement par des personnes au chômage n’est pas mécanique » – nous le savions déjà. « On va se trouver face à une difficulté concernant l’effectif de la population active. Si l’on veut maintenir un certain dynamisme économique à la Martinique, on n’aura pas d’autre choix que de favoriser l’installation de personnes venues d’ailleurs. »

À ma place, qui accepterait sans broncher de telles solutions, alors que les alertes et les propositions n’ont pas manqué ? C’est la Martinique que l’on fossoie continûment ! Quel que soit le gouvernement, vous soutenez à l’unisson, et plus que jamais, le patriotisme économique, qui n’est autre chose que le développement endogène, rebaptisé, requalifié. Quand c’est nous qui le proposons, on trouve cela douteux, inquiétant, voire révolutionnaire. Il est un vieil adage martiniquais, très à propos, qui dit ceci : chak bèt-a-fé kléré pou nanm-li – chaque luciole éclaire sa propre âme. Cela signifie, en clair, que l’élémentaire développement s’appuie sur la mise en valeur des potentialités internes de tout pays. Ce n’est ni le repli sur soi, ni un quelconque retour à l’autarcie.

Je constate qu’à chaque fois que l’on défend la cause martiniquaise, on bute là où l’on s’y attend le moins, sur des positions tardigrades. Observons le monde : il ne cesse de se défaire et de se refaire. Ainsi, face au vieillissement de la population martiniquaise, la réponse doit être à la fois politique, économique et sociale. S’agit-il de mettre en place de nouvelles activités spéciales et spécialisées, répondant aux besoins réels des personnels liés à la dépendance ? Je suis d’accord. S’agit-il de prévenir les pathologies, de soutenir la recherche et de renforcer la solidarité intergénérationnelle ? Je suis encore une fois d’accord.

Mais encore faut-il, si l’on veut débloquer la machine économique, diminuer le chômage – qui est endémique – et freiner l’exode que je viens d’évoquer, recruter des jeunes formés et décidés à relever le défi. Il faut un accord sur ce point crucial et déterminant pour la Martinique. Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, si l’inactivité est la mère de tous les vices, dans cette circonstance, le manque de décisions pertinentes serait le père de tous les découragements et de tous les désenchantements. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons tous pris connaissance du texte que vous nous proposez aujourd’hui. À première vue, il contient de bonnes choses : renforcement du maintien à domicile, prévention du vieillissement, accompagnement pour une meilleure autonomie, ou encore prise en compte de la dignité des personnes âgées. Certes, ce texte consacré au grand défi de la dépendance était très attendu. Force est pourtant de constater qu’après les effets d’annonce, la déception est grande. Ce projet de loi n’est clairement pas à la hauteur des enjeux. En effet, on y trouve des incohérences et des insuffisances.

Je citerai tout d’abord deux incohérences. Premièrement, vous souhaitez mettre en œuvre un programme national de prévention du suicide des personnes âgées. Dans le même temps, on note, dans le rapport annexé, votre volonté de systématiser le recours aux soins palliatifs. Quelle hypocrisie, quand l’on sait que votre Gouvernement va œuvrer pour libéraliser l’euthanasie dans les prochains mois !

Mme Michèle Delaunay. C’est faux !

Mme Véronique Besse. Cela n’a pas de sens.

Deuxièmement, vous voulez également permettre aux étrangers ascendants de Français présents sur le territoire depuis vingt-cinq ans d’acquérir la nationalité française. Permettez-moi de vous dire que l’on s’éloigne vraiment du sujet.

On trouve également des insuffisances dans ce projet de loi, notamment dans son volet financier : les aides financières ne sont ni adaptées ni suffisantes pour maintenir les personnes âgées à domicile le plus longtemps possible, conformément à leurs souhaits. Pour ce qui est des EHPAD, les personnes âgées y rentrent le plus tard possible ; ces établissements doivent être adaptés à la dépendance, donc médicalisés, avec des personnels mieux formés et plus nombreux. Là non plus, les moyens financiers ne sont pas à la hauteur.

Je ne parlerai pas du problème des personnes âgées handicapées, pour lesquelles aucune solution concrète n’est envisagée, ni des maladies liées à la vieillesse, comme la maladie d’Alzheimer, non plus que des aidants, lesquels doivent être reconnus et soutenus.

Pourtant, l’enjeu du vieillissement est d’ampleur et de plusieurs sortes. C’est tout d’abord un enjeu de santé publique et une question démographique. La qualité de vie s’améliore et nous vivons de plus en plus longtemps. Vous aurez compris le défi que cela implique : comment faire en sorte que nos compatriotes vivent plus longtemps, et en bonne santé ?

C’est également un enjeu économique : l’État est-il capable de se donner les moyens d’encadrer, d’accompagner, de soutenir véritablement ses aînés ?

C’est enfin un enjeu social et culturel. La dépendance peut être sociale, pour ceux qui souffrent de l’isolement ; elle peut aussi être physique et médicale, pour ceux qui ne sont tout simplement plus capables d’effectuer les gestes essentiels de la vie quotidienne.

Le Gouvernement n’a pas eu le courage de se poser les bonnes questions, à savoir : quel regard portons-nous sur le vieillissement et quelle place souhaitons-nous donner aux personnes âgées dans notre société ?

Tout compte fait, ce débat nous donne l’impression que l’on ne sait pas trop que faire de l’espérance de vie que l’on a gagnée, et qui est évidemment une excellente chose ; nous ne savons pas comment accompagner cette évolution. Au demeurant, que faut-il attendre d’un Gouvernement qui veut nous convaincre de sa volonté d’agir mais qui, dans le même temps, a donné des consignes aux agences régionales de santé pour fermer les robinets ?

La question du vieillissement concerne toutes les familles. C’est un problème de société qui nous concerne tous et qui mériterait une réforme ambitieuse. Mais il faudrait pour cela avoir la volonté de voir la réalité en face, d’écouter les personnes âgées et leurs familles, de donner les moyens aux associations et aux collectivités – tout particulièrement aux départements – de mener des politiques gérontologiques adaptées et faisant preuve d’audace et d’innovation.

Il ne faut pas avoir peur de prendre modèle sur ce qui se passe autour de nous, de s’inspirer de certains de nos voisins, notamment du Nord. La France est à la traîne, et ce n’est pas avec ce projet de loi que nous pourrons être dignes des attentes légitimes des personnes âgées. Celles-ci méritent toute notre attention. Or, malheureusement, nous n’avons que de piètres réponses à leur apporter ; ce texte ne va pas suffisamment au fond des choses.

Madame la ministre, ce projet de loi est une réponse bien timide face aux enjeux de la dépendance. Ne juge-t-on pas le degré de civilisation d’une société à la façon dont elle prend soin des plus fragiles ?

M. Bernard Perrut. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, ce projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement est une marche montante dans la prise en compte de la transition démographique.

Je tiens à remercier d’emblée Jean-Marc Ayrault, sans lequel cette loi n’aurait pas vu le jour, et l’actuel Premier ministre, Manuel Valls, qui a voulu qu’elle ouvre notre année parlementaire. Je salue, de la même manière, madame Paulette Guinchard qui, il y a dix ans, a mis en place l’allocation personnalisée d’autonomie, dont ce texte sera, en quelque sorte, le prolongement.

Défi social, sociétal, financier, économique et éthique, la transition démographique est aujourd’hui au point où en était la transition écologique du temps de René Dumont, en 1974, il y a quarante ans. Pourtant, à cette époque, les millions de baby-boomers qui vont porter la révolution de l’âge étaient déjà nés. Disons-le : la question la plus nouvelle aujourd’hui, le défi le plus radical, ce sont les vieux. Ce dernier mot est évidemment inadéquat ; il n’a d’autre objet que d’interpeller. Sortons du peloton ; sortons – enfin ! – l’âge et les âgés du seul médico-social où ils ne se reconnaissent pas – je devrais dire : où nous ne nous reconnaissons pas. Notre pays a la chance de se situer dans les cinq premiers en matière de longévité ; faisons en sorte qu’il soit aussi à l’avant-garde s’agissant de la prise en compte de ce défi ô combien transversal, et en passe d’être universel.

Fiscalité, macroéconomie, succession, patrimoine : j’invite tous ceux qui ont dépassé la page 40 du livre Le Capital au XXIsiècle, de Thomas Piketty, à mesurer avec lui le bouleversement radical que constitue la longévité, dans ce domaine comme dans tous les autres. Hériter à 70 ans ; se marier pour 70 ans, de préférence en une fois ; découvrir que l’on est plus isolé encore dans les villes que dans les campagnes ; savoir que les revenus sont la première cause d’inégalité, y compris en matière de prévention du vieillissement ; voir que celui de nos organes qui est, de très loin, celui qui définit le plus notre identité, c’est-à-dire le cerveau, est capable nous quitter avant tous les autres ; mesurer que, d’ici à 2050, le nombre de décès annuel va augmenter de 50 %, ramenant la mort au cœur de la vie des familles et de la société elle-même : voilà qui, l’air de rien, remet en question notre système politique, social et sanitaire, et bouscule pas mal notre condition d’homme.

Le projet de loi présenté aujourd’hui n’a pas mission de répondre à toutes ces questions. Cependant, il ouvre largement la voie de la transversalité, laquelle est nécessaire pour aborder la transition démographique de façon globale. Il apporte des réponses, toutes positives, au plus beau cadeau que nous a fait le XXsiècle : le doublement de l’espérance de vie.

Non, la perte d’autonomie n’est pas inéluctable : les décisions publiques comme les comportements individuels y peuvent quelque chose. La maladie d’Alzheimer elle-même peut être retardée. J’espère – et je crois – que la recherche permettra de la retarder encore plus.

Oui, nous avons la chance de pouvoir lier la révolution numérique et la révolution de l’âge, car la première est un outil – peut-être même le meilleur qui soit – permettant de remédier aux risques que comporte la seconde, dans la mesure où elle mêle lien social, protection et stimulation cognitive.

Oui, la longévité est une chance et non pas une charge. On dit toujours qu’il faudrait plus que la vie d’un homme pour recopier l’ensemble des partitions de Mozart, alors qu’il est mort à 35 ans. Eh bien, s’il était né 200 ans plus tard, avec les baby-boomers, il aurait fallu pas moins de trois vies d’hommes pour en faire autant.

Oui, c’est bien une troisième vie qui nous est offerte à l’issue de la vie professionnelle, une vie qu’il est question, non pas d’occuper, mais d’accomplir. Nous touchons là au trou noir de la pensée politique : la place et le rôle des âgés dans la société. Valoriser, favoriser ce rôle, donner la parole aux âgés pour qu’ils soient les premiers acteurs de cette transition démographique, tel est le sens du Haut conseil de l’âge.

Oui, la République a besoin des retraités, des valeurs dont ils sont porteurs, de l’énergie et de la créativité dont ils font preuve et qui n’attendent que d’être reconnues. Non, le redressement de notre pays ne se fera pas sans eux.

Non, la longévité n’est pas qu’une affaire de vieux ; elle est celle de tous les âges. « On m’a vu ce que vous êtes ; vous serez ce que je suis », disait Corneille. Réussir la transition démographique, c’est éviter la guerre des générations, que les âgés gagneront dans les urnes et les jeunes dans la révolte. Nous avons, autour de nous, des gens dans les deux camps : nous leur devons mieux que cette guerre ; nous leur devons la fraternité. Barack Obama a donné le signe d’une société post-raciale ; nous donnons aujourd’hui le départ d’une société sans barrière d’âge.

Oui, c’est la langue française elle-même qui doit sonner la fin de la démographie punitive, marquée par le mot « dépendance ». Non, nous ne sommes les « aînés » de personne, les « seniors » d’aucun club ; nous sommes âgés comme on est jeune. Nous sommes un groupe à la fois puissant – très puissant –, mais aussi misérable, par sa conscience de devoir bientôt s’endormir « du sommeil de la terre ».

Je ne parlerai donc pas des cent mesures de cette loi, ni même de ses quatre mesures phares ; nous en aurons l’occasion lors de l’examen des articles. Je veux cependant terminer par un vœu. Sur le terrain, auprès de maires de gauche, de droite ou du milieu, auprès des professionnels comme auprès du public, au cours de multiples séances de concertation, ce texte a rencontré une grande adhésion. Même si nous sommes dans un moment tendu et difficile pour nous tous, permettez-moi de formuler le souhait qu’il soit voté unanimement. Je crois, je suis sûre que, dans leur inquiétude, c’est cela que les Français attendent de nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRCsur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, je veux, en ce début de discussion, saluer l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale d’un projet de loi sur le vieillissement de la population, dont les enjeux financiers et sociétaux n’échappent à personne.

Les Français en sont d’ailleurs bien conscients : un récent sondage montre que 63 % d’entre eux se sentent personnellement concernés par la prise en charge du vieillissement et de la dépendance et près de huit sur dix craignent de devenir dépendants. Nous le savons, le vieillissement s’amplifiera – et c’est tant mieux. Cela dit, le défi est aussi financier. En effet, le vieillissement devrait engendrer des dépenses supplémentaires de l’ordre de deux à trois points de PIB d’ici à 2025. C’est également un défi en matière de pouvoir d’achat : les ménages acquittent plus de 7 milliards d’euros d’impôts par an pour la couverture des frais liés à la dépendance. Si je comprends la nécessité de trouver de nouvelles ressources, ce sont, une fois encore, les ménages et les retraités eux-mêmes qui en seront les principales victimes, alors que vous avez déjà depuis deux ans fortement dégradé leur pouvoir d’achat.

Face à ces enjeux, je suis bien sûr convaincu que le maintien à domicile, chaque fois qu’il est possible, reste la meilleure solution pour les personnes âgées. Je reconnais les efforts proposés dans votre projet de loi pour y parvenir : 40 millions d’euros seront consacrés à l’adaptation et à l’amélioration des logements, ce qui est indispensable quand on connaît l’état d’insalubrité dans lequel se trouve un certain nombre de logements. À ce sujet, je souhaite, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, pour avoir expérimenté dans ma collectivité de nombreuses politiques d’aide à la mise aux normes des logements, que les procédures soient simplifiées afin que les personnes âgées puissent souscrire à cette politique.

Pour atteindre cet objectif de maintenir à domicile les personnes âgées, il faut aussi pérenniser le secteur des services à la personne, qui joue un rôle important dans ce domaine. Or, à ce jour, il existe un paradoxe : c’est un secteur en plein essor, porté par une demande croissante, mais il connaît dans le même temps une situation financière très fragile.

Cette situation trouve malheureusement son explication dans les décisions successives de votre Gouvernement, qui ont fragilisé l’aide à domicile et entraîné une hausse du travail au noir : suppression des 15 points d’allégement de cotisations patronales accordés aux particuliers employant un salarié à domicile, diminutions des aides fiscales aux services à la personne, ou encore suppression de la déclaration au forfait. Je regrette donc qu’aucune véritable mesure de refonte de l’aide à domicile n’ait été proposée pour un secteur qui représente pourtant un vivier d’emploi inespéré en cette période de crise et d’aggravation du chômage.

En créant deux obligations pour les entreprises privées agréées par l’État – celle de signer un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec le conseil général et celle d’être autorisée par celui-ci –, votre projet de loi exclut de fait ces entreprises, au profit des structures autorisées par le conseil général. Je demande qu’elles puissent préserver leur capacité à s’engager auprès des publics concernés et qu’elles bénéficient, de la part des conseils généraux, de la garantie d’être traitées de la même manière que les structures autorisées.

Je veux également vous faire part de mes regrets concernant la question de la prise en charge des personnes dépendantes en établissement. C’est là, à mon avis, la principale défaillance de votre projet, lequel ne répond en rien à cette question. Le manque de places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, le manque de personnel, souvent aussi le fait que certains établissements ne sont pas adaptés à la dépendance et leur coût rendent aujourd’hui impossible leur accès aux personnes âgées, et ce malgré la compétence et le dévouement du personnel. C’est d’autant plus vrai dans les zones littorales, où de nombreuses personnes âgées prennent leur retraite.

Les conséquences de cette situation sont dramatiques. Les personnes dépendantes restent hospitalisées beaucoup plus longtemps qu’il ne le faudrait, ce qui entraîne des coûts très importants pour la Sécurité sociale, faute de solutions d’hébergement adaptées. Souvent aussi, les personnes concernées sont renvoyées dans leur famille, à domicile, certes avec un grand nombre d’aides médico-sociaux dans la journée, mais, la nuit, ils se retrouvent seuls avec leur conjoint.

Nous sommes tous confrontés, dans nos circonscriptions, à ces situations : le conjoint vient nous faire part de sa très grande souffrance face à sa solitude pour gérer les situations compliquées. De fait, malheureusement, c’est souvent sur celui qui se porte bien que pèse la prise en charge du conjoint.

J’ai bien noté, madame la ministre, votre souhait de permettre à ces aidants de prendre quelques périodes de répit. J’ai bien noté également les sommes financières que vous prévoyez dans votre projet de loi pour cela. Mais à quoi sert-il de prévoir des sommes d’argent si, pendant la période de « répit », la personne dépendante ne trouve aucune solution d’accueil ? Or tel est exactement notre quotidien, celui des responsables d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Ce n’est pas là le « bien vieillir ». Je souhaite donc que nous concentrions nos efforts sur le développement des structures adaptées là où le besoin s’en fait sentir.

Vous nous avez annoncé, madame la ministre, un nouveau volet de la loi sur les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes, hélas ! reporté sine die. Alors qu’il s’agit là du véritable problème, je crains que nous en restions au projet de loi a minima que vous nous présentez aujourd’hui. Même s’il présente quelques avancées, ce ne résout en rien les problèmes liés au vieillissement de la population. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, à quelques jours de la journée internationale des personnes âgées, notre assemblée va, durant plusieurs jours, débattre de l’adaptation de notre société au vieillissement.

Les chiffres concernant l’évolution de la population et son avancée en âge sont significatifs – je n’y reviendrai pas. Je rappellerai simplement les faits suivants : toutes les quarante minutes, une personne âgée meurt aux urgences ; un suicide sur trois concerne une personne âgée ; 75 % des personnes âgées qui finissent leur vie en EHPAD n’ont pas choisi d’y entrer et leur entrée s’explique d’abord par leur impossibilité de rester à domicile ; 15 % seulement des maisons de retraite disposent d’une infirmière de nuit ; les aides à domicile sont les personnels les plus exposés et souvent, aussi, les moins formés.

Fort heureusement, vieillir n’implique pas toujours cela. On peut aussi vivre bien son avancée en âge, entouré de ces proches, et mourir dans la tendresse, y compris à l’hôpital. En ce domaine, beaucoup d’inégalités sont liées aux inégalités sociales et territoriales.

Face à cette réalité, il était nécessaire de fixer des objectifs politiques clairs de progrès et d’équité. Je remercie Mme Touraine et Mme Rossignol, sans oublier naturellement Mme Delaunay, pour l’humanité et la passion avec lesquelles elles abordent ce projet de loi, qui est novateur et ambitieux à de nombreux égards. Il s’agit certes d’un premier pas, mais encore fallait-il le franchir.

De plus en plus de personnes âgées vivent plus longtemps, mais trop souvent en situation de grande vulnérabilité et de grande solitude, avec plusieurs maladies ou handicaps qui se superposent les uns aux autres. Il fallait faire du respect des droits des personnes âgées une priorité : droit de choisir leur lieu de vie ; droit d’aller et venir dans les maisons où elles sont accueillies ; droit de choisir les conditions de leur fin de vie ; droit d’exprimer leur souhait par avance, en particulier lorsqu’elles sont atteintes de maladies dégénératives ; droit de rester à domicile le plus longtemps possible. Le projet de loi reconnaît ces droits, ce qui représente à mes yeux une avancée majeure.

Notre vision du grand âge et de la fin de vie doit évoluer. Par méconnaissance de la réalité, notre société entretient des angoisses profondes autour de ces questions et suscite une forme de dénégation pour tenter de s’en protéger. Il est de la responsabilité des hommes et femmes politiques de profiter des débats sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement pour informer tous les citoyens et faire de la pédagogie autour de ces questions.

Chers collègues, n’est-il pas temps de quitter les habits d’opposants systématiques pour défendre positivement ce texte qui, s’il ne représente qu’une étape, n’en mérite pas moins qu’on s’y engage résolument pour nos aînés ? Au prétexte qu’elle n’embrasse pas toutes les questions, faudrait-il passer sous silence les avancées permises par cette réforme ? Celles-ci sont pourtant majeures : des financements sanctuarisés à travers la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie ; le relèvement du plafond de l’APA ; des mesures pour anticiper, repérer et combattre les premiers facteurs de risques de la perte d’autonomie ; un plan sur le logement qui favorise le maintien à domicile ; l’adaptation des politiques publiques au vieillissement ; l’instauration d’un aide au répit ; les résidences autonomies.

Le texte initial a été amélioré en commission. Celle-ci a pleinement rempli son rôle en adoptant soixante-dix-neuf amendements qui ont permis de renforcer le droit des personnes : la « bientraitance » et le droit des majeurs protégés ont été garantis, le rôle des proches aidants et de l’aide à domicile a été reconnu et conforté, la situation des immigrés âgés a été prise en compte – cela ne nous éloigne pas du sujet, comme certains voudraient nous le faire croire.

Vieillir, « ce n’est pas ajouter des années à la vie, mais de la vie aux années », comme l’a écrit le psychosociologue et écrivain Jacques Salomé. Tel est bien l’enjeu auquel nous devons faire face.

Vieillir bien, c’est certes retarder les effets du vieillissement physique, conserver ses facultés mentales et favoriser l’autonomie, mais c’est aussi rester actif dans la cité, dans la vie associative, se sentir utile, non pas seulement pour ses proches ; c’est vieillir entouré, aimé et accepté de ses proches comme de la société.

Combien de personnes âgées nous disent-elles, aujourd’hui, se sentir rejetées ? Notre regard doit donc évoluer ; nos politiques aussi. Ce texte est une première étape. Nous le devons à nos aînés, à leur famille et à ceux qui les accompagnent au quotidien, car les professionnels l’attendent eux aussi. Soyons à la hauteur de leurs attentes et de leurs espérances en conduisant un débat constructif, pragmatique, ouvert aux propositions susceptibles d’enrichir le texte et qui, je l’espère, dépassera les clivages traditionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, mon intervention portera sur trois points et je commencerai par une citation toujours contemporaine de Simone de Beauvoir, extraite de La Vieillesse – s’il n’a pas vieilli, le livre permet du moins de mesurer l’ampleur des changements intervenus depuis 1970 : « Cessons de tricher ; le sens de notre vie est en question dans l’avenir qui nous attend ; nous ne savons pas qui nous sommes, si nous ignorons qui nous serons : ce vieil homme, cette vieille femme, reconnaissons-nous en eux. Il le faut si nous voulons assumer dans sa totalité notre condition humaine. Du coup, nous n’accepterons plus avec indifférence le malheur du dernier âge, nous nous sentirons concernés : nous le sommes. »

En premier lieu, je souhaite dire à quel point nous sommes concernés par la situation des personnes qui se retrouvent, pour des raisons de sécurité, limitées dans leur liberté de circulation. De ce point de vue, le projet comporte des avancées, que nos débats permettront de conforter, sur l’organisation d’un droit de regard extérieur, qui me paraît une condition nécessaire chaque fois qu’une liberté est menacée. Le « malheur du dernier âge » renvoie à cette situation. Si toutes les personnes âgées n’y sont pas confrontées, nous nous devons d’organiser une telle disposition pour celles qui la subissent.

Le deuxième point sur lequel je voulais revenir, comme vient de le faire Bernadette Laclais, concerne la légitimité d’approches spécifiques et de regards particuliers. Mme Coutelle a fort bien développé l’approche spécifique en ce qui concerne les femmes, et, mon Dieu, c’est fort légitime puisque, plus l’âge avance, plus les femmes deviennent fortement majoritaires.

De la même façon, la situation des étrangers doit être considérée à l’aune de l’avancement dans l’âge, tout simplement parce que celui-ci a une incidence et sur les revenus et, parfois, sur les droits. Il est donc, de ce point de vue, me semble-t-il, parfaitement légitime, dans le cadre de ce projet et à l’instar de ce qu’a pu dire M. Jacquat, d’y revenir.

Nous disposons sur ce sujet, à travers le rapport d’information sur les chibanis, de toute une réflexion qu’a menée l’Assemblée et qui permet, me semble-t-il, de prendre des dispositions.

Le dernier point sur lequel je voulais revenir est l’article 55. C’est un article très technique, qui porte sur les juridictions d’aide sociale, les commissions départementales d’aide sociale et la commission centrale d’aide sociale. Nous sommes obligés de légiférer à ce propos, puisque le Conseil constitutionnel, par deux décisions, l’une du 25 mars 2011, et l’autre du 8 juin 2012, rendues sur saisine par voie de questions prioritaires de constitutionnalité, a contraint le législateur à modifier leur composition.

C’est l’occasion de revenir sur ces juridictions dont on parle très peu, si ce n’est dans un récent livre de Pierre Joxe, intitulé Soif de justice, qui a examiné l’ensemble des juridictions sociales, et pas simplement ces commissions départementales et centrale d’aide sociale.

L’auteur évoque la fameuse citation du professeur Imbert : « droits des pauvres, pauvres droits ». Et on peut se demander si, en matière de juridictions d’aide sociale, cette formule ne pourrait pas trouver à s’appliquer : juridictions des pauvres, pauvres juridictions. De ce point de vue, il est légitime que le Gouvernement, puisqu’il souhaite attendre les statistiques de l’année 2013 pour élaborer un nouveau schéma, nous demande une habilitation à légiférer par ordonnances.

Cette demande se justifie également au regard de la technicité des répartitions des compétences au sein de l’ordre administratif entre les juridictions administratives spécialisées que sont les CDAS et la CCAS et les juridictions administratives de droit commun que sont les tribunaux administratifs.

Il y a urgence à le faire, et, de ce point de vue, je vous livre un petit florilège rassemblé par Pierre Joxe. Il commence par le rapport du Conseil d’État de 2010, qui affirmait : « Une justiciabilité digne de ce nom n’est pas assurée en matière d’aide sociale ».

M. Belorgey, qui était président de la commission centrale d’aide sociale en 2007, évoquait « un bataillon hétéroclite de rapporteurs issus les uns du Conseil d’État, les autres de diverses administrations, d’autres encore des horizons les plus divers ». Et Jean-Michel Belorgey, qui n’a jamais eu la langue dans sa poche, écrivait à leur propos : « Certains de ces rapporteurs font merveille, d’autres sont des catastrophes ambulantes et se noient complètement dans les dossiers qu’ils sont supposés traiter lorsque surgit une difficulté. »

Le professeur Rials, dans son article de L’Actualité juridique consacré à ce rapport, concluait de la manière suivante : « Face à ce portrait peu idyllique de la juridiction, on espère que les justiciables ne lisent pas les revues juridiques ».

Eh bien, j’espère que lorsque les revues juridiques traiteront des nouvelles juridictions en matière d’aide sociale, nous aurons suffisamment de matière pour que les pauvres puissent lire avec satisfaction la façon dont les professeurs de droit rendront compte et de ces juridictions et de leur fonctionnement.

Sur ce point, quitte à dépasser de deux secondes le temps qui m’est imparti,…

Mme la présidente. Il va falloir conclure, monsieur le député.

M. Denys Robiliard. …je veux souligner qu’il faudra veiller à ce que ces juridictions restent accessibles. Vous serez habilitées, mesdames les ministres, à instaurer un recours administratif préalable : peut-être faut-il ne pas nécessairement le mettre en place, puisque cela revient à reculer l’accès au juge. Par ailleurs, la question du caractère écrit de la procédure se pose, car il constitue également une façon d’éloigner le juge du justiciable.

Ce projet traite les personnes âgées comme elles doivent l’être, c’est-à-dire comme des citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames les rapporteures, chers collègues, notre pays est confronté au vieillissement de sa population et se doit de mettre en place un cadre pérenne de prise en charge de la dépendance.

Toutes les familles sont ou seront concernées par la dépendance d’un proche, et le diagnostic est clair : la prise en charge et l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie sont difficiles et les moyens mis en place s’avèrent insuffisants.

Le défi qui est le nôtre est de faire face, non seulement aux insuffisances présentes, mais aussi à celles de demain, avec l’accroissement des besoins liés, tout en veillant scrupuleusement à l’équité sociale et territoriale, ainsi qu’au financement du système.

La crise que nous traversons nous contraint à trouver un équilibre plus ajusté entre les prises en charge publique, privée et familiale.

Je voudrais attirer plus particulièrement votre attention sur la dépendance des femmes. Sous la précédente législature, en 2011, j’ai été l’auteure d’un rapport sur ce sujet, au titre déjà évocateur : Femmes et dépendance : la double peine.

Au fil des auditions, l’importance de l’impact de la dépendance sur les femmes a été, malheureusement, clairement dénoncée. Elle touche en effet majoritairement les femmes pour elles-mêmes et, dans la prise en charge de la dépendance de leurs proches, elles sont en très grande majorité les seules à assumer. Les femmes se voient trop souvent, hélas, assigner un rôle qui est délaissé par les hommes.

Les services à la personne âgée sont assurés aussi et surtout par les femmes. La difficulté de cet engagement au quotidien, le manque de reconnaissance de ces métiers d’aide à la personne ainsi que les faibles salaires associés ne sont pas assez dénoncés, alors que ces métiers constituent un des rares secteurs porteurs en cette période de crise.

Les inégalités et les discriminations dont souffrent de nombreuses femmes tout au long de leur vie familiale et professionnelle ont, bien sûr, des répercussions néfastes qui les accompagneront, dans un sens défavorable, jusqu’à la fin de leur vie.

Ainsi, un grand nombre de « travailleuses pauvres », de salariées des classes moyennes, de femmes ayant interrompu leur carrière pour élever leurs enfants ou accompagner un conjoint ou un parent malade, se retrouvent avec une très faible retraite, moins de 1 000 euros par mois. Parfois dans la précarité, elles ne peuvent pas supporter, au moment du grand âge et de la solitude, la prise en charge financière d’une future perte d’autonomie.

Ce projet de loi, très attendu, ne répond pourtant pas à ce défi, ni à la question du reste à charge supporté par les familles pour leurs proches dépendants accueillis en établissement. Cette question est même repoussée à un hypothétique futur texte.

La véritable question est celle du financement de la prise en charge de la dépendance, alors que le poids financier supporté par les départements va s’accroître inévitablement, et que les finances de ces collectivités locales sont déjà extrêmement tendues.

II y a donc urgence à répondre aux vraies questions.

Favoriser le maintien à domicile correspond aux souhaits des personnes concernées. Retisser les liens intergénérationnels doit être un grand défi de notre société. Trouvons les moyens appropriés d’encourager les familles qui souhaitent accueillir chez elles leurs parents âgés ! Cette immense responsabilité de cœur pose la question des mesures incitatives qui méritent d’être étudiées indépendamment de l’état exsangue de nos finances publiques.

Si j’ai intitulé mon rapport Femmes et dépendance : la double peine, il faut dire que pour nous aussi, législateurs, c’est la double peine : nous sommes chaque jour sollicités par nos concitoyens qui attendent des réponses concrètes, pérennes, et rapides ; or nous devons examiner un texte dont nous savons qu’il ne répondra pas à cet enjeu majeur de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, la création de l’allocation personnalisée d’autonomie et la réforme des établissements d’accueil des personnes âgées dépendantes, à partir de 2002, ont constitué un dispositif cohérent de prise en charge de nos aînés.

Cet ensemble est aujourd’hui très insuffisant. Le reste à charge pour les personnes hébergées et leurs familles est parfois insupportable. Le dispositif pénalise les personnes à revenu moyen ou bas, qui ne peuvent bénéficier de l’aide sociale. Le financement du dispositif d’accompagnement des personnes âgées est une vraie question dans un contexte difficile, où les retraites évoluent peu et les financements publics se raréfient.

Le nombre d’âgés croît, plus particulièrement dans des départements où il fait bon vivre et vieillir. Je citerais l’exemple de mon département des Côtes-d’Armor. Je ne reviens pas sur les chiffres déjà largement évoqués, mais il y a des disparités sur le territoire. Tous les départements ne sont pas impactés de la même manière.

Au-delà des aspects financiers, la prise en compte de la perte d’autonomie nous confronte à un véritable défi, celui de l’adaptation de notre société au vieillissement. D’où le choix du titre du projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Quelle place pour nos aînés dans la société que nous construisons ? Quels financements, relevant de l’assurance ou de la solidarité nationale, pour les accompagnements à domicile et en établissement ? Quelle place pour la solidarité familiale ? Quelle gouvernance pour les services mis en place ? Quel soutien aux aidants ? Quelle place pour la prévention de la perte d’autonomie ?

Toutes ces questions et ces interrogations ont été posées. Elles ont été au cœur de mes préoccupations en tant qu’élue de terrain, mais aussi en tant que citoyenne parmi d’autres, confrontée à ces difficultés dans le cadre familial.

Depuis plusieurs années, le débat est lancé. Le Président Sarkozy, vous l’avez dit, madame la ministre, en avait fait la priorité de son mandat. Mais rien n’est venu. Il a engagé une consultation nationale sur la dépendance. Il a souligné l’urgence impérieuse de trouver des financements, et demandé que toutes les solutions soient envisagées, particulièrement, d’ailleurs, celles relevant des assurances privées. Ce débat n’a pas abouti.

Je me réjouis aujourd’hui de voir aboutir un texte fidèle aux valeurs de gauche. Il apporte des solutions concrètes aux familles, des solutions qui reposent sur la solidarité nationale, comme Paulette Guinchard l’avait fait en 2002 avec le gouvernement de Lionel Jospin. Je saisis cet instant pour saluer le travail qu’elle poursuit aujourd’hui, en sa qualité de présidente du Conseil de la CNSA. Je salue également, cela a déjà été fait mais je tenais à le faire à mon tour, celui de Michèle Delaunay, qui a abouti à cette approche globale qui nous est proposée aujourd’hui.

Il s’agit d’une loi qui se propose de mobiliser, de coordonner et de reconnaître toutes les initiatives et les énergies pour faire de notre société française une société qui offre les meilleures conditions du bien vieillir, avec souplesse et fluidité.

L’objectif est bien « d’ajouter de la vie à nos années et pas seulement des années à notre vie ».

La perte d’autonomie peut être en partie compensée par l’environnement de la personne. C’est le rôle des politiques publiques : anticiper la perte d’autonomie, adapter la société au vieillissement. La sylver economy permettra le développement de technologies nouvelles. Elle permettra de créer des entreprises innovantes et des emplois nouveaux, de qualité, non délocalisables.

Ce projet de loi sort de la logique purement comptable pour apporter des réponses grâce à des priorités politiques. C’est là le deuxième pilier de ce texte. La transition démographique vient compléter les mesures d’adaptation des logements à la transition énergétique. Elle financera l’adaptation de 80 000 logements et donnera le choix du modèle d’habitat qui convient le mieux à la situation de chacun, qu’il s’agisse du logement en foyer, de la résidence autonomie ou du logement accompagné.

L’adaptation du logement ne suffit pas. Il faut également que les communes réfléchissent aux aménagements urbains, mais aussi aux services, et qu’elles préservent les commerces et services de proximité, notamment dans les centres villes et les centres bourgs, afin de permettre à nos aînés de vivre dans un cadre agréable et sécurisé. Cet objectif doit être une priorité. Le texte nous l’impose puisque les programmes locaux d’habitat, de transport et de santé devront l’intégrer.

En vieillissant, une personne garde bien sûr des ressources et des capacités d’autonomie, qui doivent pouvoir s’exprimer. Un environnement bienveillant, stimulant, centré sur la préservation des acquis et l’optimisation des capacités à faire et, donc à être, doit être organisé.

Cette loi reconnaît les services d’utilité sociale rendus par les âgés. Le bénévolat représente un formidable atout qui contribue à la cohésion sociale et à la qualité de la vie collective. Nous avons tous assisté ce week-end au Forum des associations, et nous avons tous pu constater la moyenne d’âge des bénévoles actifs. Le rôle des âgés dans le succès des programmes de réussite éducative est remarquable, tout comme dans la mise en place des temps d’activités périscolaires, à laquelle beaucoup d’aînés contribuent.

Mme la présidente. Merci de conclure, chère collègue.

Mme Annie Le Houerou. La loi prévoit donc la reconnaissance de l’engagement citoyen des âgés, au service de tous les âges de la vie, par la création d’un volontariat civique senior.

Son troisième pilier améliore la prise en charge. C’est là aussi un défi qu’il importe de relever. Le défi du vieillissement implique aussi d’offrir des perspectives d’avenir en matière d’emploi des jeunes. Ce texte redonne confiance à notre société et j’espère que nous serons rassemblés pour le voter le plus largement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Enfin une bonne nouvelle, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’espérance de vie a considérablement progressé dans notre pays ces dernières années. Cela entraîne mécaniquement une augmentation du nombre de nos aînés. Près de 25 millions de Français, soit un sur trois, auront plus de soixante ans en 2060, dont plus de 5 millions auront plus de quatre-vingt-cinq ans.

Cependant, la progression de l’espérance de vie sans incapacité n’augmente hélas pas autant. Il faut donc se préparer collectivement afin de rendre la vie de nos aînés agréable et adaptée à leur vieillissement, sur la base de niveaux de dépendance modérés.

Afin d’accompagner ce mouvement, il convient d’améliorer les conditions d’accueil des personnes âgées dans notre société, qui sont aujourd’hui souvent insuffisantes, chères, et parfois déplorables. Tel est précisément l’objet du projet de loi soumis à notre assemblée.

Nous devons donc collectivement changer notre regard sur les anciens. Comme le dit fort bien Mme la rapporteure, « l’âge, en soi, n’entraîne pas forcément d’incapacités, néanmoins, il occasionne des fragilités ». C’est à cela que nous devons nous attaquer, dans la mesure du possible, en faisant de ce thème de la vulnérabilité une priorité de l’ensemble de nos politiques publiques.

L’avancée en âge devrait être une opportunité de faire bénéficier la société d’une nouvelle classe d’âge, qui a elle-même des besoins, des exigences, et qui remplit à part entière sa mission au sein de la société, comme autrefois les anciens.

Aucun pays n’a véritablement, à ce jour, intégré cette avancée en âge de la population. De plus en plus, les personnes âgées possèdent toutes leurs facultés intellectuelles, sans conserver forcément toute leur aisance, notamment dans leurs déplacements. C’est pourquoi il faut voir large. Bien souvent, les politiques publiques se cantonnent au domaine de la santé et des services sociaux, alors qu’il faudrait tenir compte de l’état réel des personnes dans leur quotidien. Comment ne pas constater, par exemple, la misère actuelle dans la transmission des savoirs et des valeurs, de génération en génération ? En tout cas, l’apport inestimable des anciens dans ce domaine est aujourd’hui insuffisamment mis en avant.

L’actuel projet de loi repose sur trois priorités : l’anticipation par la prévention, l’adaptation et l’accompagnement progressif de la perte d’autonomie.

Là où le texte est fragile, vous le savez bien, c’est d’abord au niveau du financement. Le premier problème est donc non pas l’orientation du texte, son ambition déclarée, mais les moyens qui lui sont alloués. L’apport des 650 millions d’euros correspondant à l’affectation du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie est bien évidemment insuffisant pour relever les défis du vieillissement.

La priorité fixée dans ce texte est le maintien à domicile. Pourquoi pas ? Nous sommes tous d’accord. Mais n’oublions pas nos nombreux aînés demeurant en établissement qui ont des difficultés pour régler leur reste à charge. Sur ce point, il n’y a rien dans le texte, et c’est pourtant une préoccupation essentielle des familles. Ce projet est loin de répondre aux défis humains et financiers de la dépendance.

Le texte pèche sur un autre point majeur, l’absence totale de visibilité quant aux politiques locales concernant l’autonomie. Au-delà de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui fait quoi, qui coordonne l’ensemble des actions en faveur de l’autonomie, quid de la double compétence, des ARS et des conseils généraux, eux-mêmes en voie d’extinction si l’on en croit ce gouvernement ? Quid du guichet unique ouvert aux personnes en perte d’autonomie, excellente idée chère à notre rapporteure, qui, malheureusement, ai-je cru comprendre, n’a pas été retenue ?

Mme Martine Pinville, rapporteure. Si !

M. Élie Aboud. Nous verrons lors de l’examen du texte.

La précédente majorité allait créer un cinquième risque dans le budget de la Sécurité sociale. C’est vrai que, vu l’état de nos finances publiques aujourd’hui, on en est bien loin.

On le voit bien, encore une fois, les effets d’annonce ont prévalu sur le financement et la réalité des problématiques de terrain. C’est bien dommage. J’espère que la discussion au sein de notre assemblée permettra d’avancer sur ces points fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, il semble bien que le sujet des personnes âgées soit une affaire de femmes...

Trop longtemps, le vieillissement de la population française a été occulté. Plusieurs raisons, objectives mais aussi subjectives, expliquent cet état de choses.

En premier lieu, les politiques publiques qui lui sont consacrées sont techniquement complexes. Elles doivent en effet organiser l’articulation de nombreux acteurs institutionnels, qui peinent parfois à dialoguer entre eux. Le vieillissement soulève aussi la question toujours prégnante du financement. Mais il faut aussi admettre que cet enjeu a longtemps souffert du regard souvent négatif que notre société jette sur le grand âge, voire de l’absence de regard, c’est-à-dire cette volonté de ne pas voir la réalité en face. Il est vrai que le dynamisme de la démographie française, qui, depuis une quinzaine d’années, tranche avec celle de ses voisins européens, à l’exception de l’Irlande, masque sensiblement cette autre réalité.

Il faut donc sincèrement saluer l’initiative du Gouvernement, qui pose un acte fort.

Au-delà de nos différences politiques, mes chers collègues, nous avons le devoir de travailler ensemble à trouver des solutions pérennes aux difficultés du jour, qui seront demain insurmontables si nous ne nous en saisissons pas avec détermination car, au cœur de notre réflexion, il n’y a finalement qu’une seule question, celle du bien vieillir, du bien-être de nos âgés, du respect que nous leur devons.

L’une des solutions qui permettront à la France de faire face demain au vieillissement de sa population sera naturellement la préservation de l’autonomie des âgés par le développement de services adaptés, et donc celle du maintien à domicile, domaine dans lequel de grands efforts sont à faire.

L’exemple donné par le Danemark fait à ce titre figure de véritable modèle. Aujourd’hui, 5 % des Danois âgés de plus de soixante-quinze ans vivent en maison de retraite, selon un rapport du Centre d’analyse stratégique, alors qu’ils étaient 16 % en 1982. En France, ce sont 10 % des plus de soixante-quinze ans qui vivent en établissement.

Dans ce pays, des logements pour les personnes âgées ayant besoin d’un habitat spécifique ont été bâtis, avec possibilité d’accéder facilement à des locaux adaptés et des services spécifiques. Ces logements sont situés dans des zones où les services de maintien à domicile accèdent facilement. Depuis 1987, le Danemark a ainsi décidé d’arrêter toute construction de maison de retraite nouvelle et a engagé une politique de réhabilitation et construction de logements adaptés pour répondre aux besoins des personnes dépendantes. C’est donc non pas seulement une réforme purement technique mais aussi tout un regard porté sur l’âge par les institutions et la société danoises qui ont permis cette véritable révolution.

Pour réaliser ce tour de force, le Danemark s’est appuyé essentiellement sur la collectivité la plus proche de la population, à savoir la commune. L’organisation de la prise en charge des personnes âgées au Danemark a donc été simplifiée pour éviter la multiplication des acteurs et permettre une meilleure cohérence.

La France peut et doit trouver son propre modèle, et elle est en train de le faire.

Quoi qu’il en soit, la place et le rôle des collectivités sont essentiels et doivent être renforcés. C’est bien ce qu’envisage ce projet de loi. Il faut s’en féliciter. La réflexion devra toutefois se poursuivre. La réforme territoriale doit ainsi être un levier dont il serait intéressant de se saisir à cette occasion.

Dans ce cadre, la refondation de l’aide à domicile est un impératif. Nous faisons le choix d’appuyer mieux et plus les aidants et de soutenir l’accueil familial. Ce n’est pas seulement une question de coût, il s’agit aussi de renforcer un lien intergénérationnel souvent abîmé, voire rompu dans notre pays. Travailler en ce sens, c’est aussi une manière de réinventer le lien social, de permettre à une société de faire sens.

Vous connaissez tous la magnifique chanson de Jacques Brel, Les Vieux, mais également l’image qu’elle renvoie du vieillissement. Avec ce texte, au-delà des actions proposées, il s’agit aussi de rompre avec ce regard, cette pendule en argent qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, qui dit : « je vous attends ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran.

M. Olivier Véran. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le gain spectaculaire d’espérance de vie, et d’espérance de vie en bonne santé, bouleverse nos référentiels. Nos aînés ne sont plus ceux chantés par Jacques Brel. Ils aspirent à conserver au-delà des frontières de l’âge une place intégrante dans notre société. Pas un seul cheveu blanc n’a poussé sur leurs rêves, pour reprendre Thiéfaine. Pourtant, ils angoissent à l’idée qu’un jour ils pourraient perdre leur autonomie, et s’interrogent : la société est-elle adaptée à notre vieillissement, est-elle prête pour le vieillissement de la population ?

Cette question ne se pose pas seulement en termes de moyens humains, financiers et techniques, elle appelle à une prise de conscience sociale et sociétale, que j’axerai autour de trois principes : se préoccuper des plus fragiles, se préoccuper de la façon dont on s’en préoccupe, mais aussi se préoccuper de ceux qui s’en préoccupent.

Se préoccuper des plus fragiles va de soi lorsque la fragilité a trait à la petite enfance ou à la maladie, mais les représentations sociales de la vulnérabilité liées à l’âge sont tout autres, lors même que, dans un contexte de vieillissement de la population, chacun de nous est confronté tôt ou tard à un parent fragile, malade, dépendant, et que la vulnérabilité des âgés s’en voit ancrée durablement dans la vie ordinaire.

Qui peut aujourd’hui se dire confiant dans l’avenir, dans la perspective de son propre vieillissement ? Cette inquiétude est d’ailleurs partagée par les professionnels, comme en atteste cette enquête européenne dans laquelle 80 % du millier de médecins interrogés déclarent être eux-mêmes anxieux de la manière dont ils seront traités lorsqu’ils seront vieux, en raison non pas seulement de la soutenabilité financière du système de santé, mais aussi du sentiment de distance, voire d’indifférence face au grand âge qu’ils remarquent dans leur milieu professionnel et qu’ils éprouvent parfois également en leur for intérieur.

Il est vrai que s’occuper de personnes dépendantes ou très âgées n’est pas un acte facile, d’abord parce que la part d’accompagnement est très longue, même lorsque l’acte de soins est bénin ou anodin, ensuite parce que la bienveillance que requiert tout geste envers une personne très âgée ou dépendante n’est pas seulement une question de gentillesse, c’est aussi et surtout une question d’éducation et de formation.

Cela demande des connaissances sur la psychologie du grand âge, sur les gestuelles et paroles qui calment et rassurent. Cela nécessite aussi des moyens adaptés, tandis que les rythmes imposés au personnel, notamment en EHPAD, sont peu tenables. Ce sera l’objet de deux amendements qui défendront l’idée d’un accès systématisé aux équipes mobiles de soins palliatifs dans les EHPAD, ainsi qu’à une infirmière, y compris en nuit profonde. Ayant moi-même travaillé plusieurs années comme aide-soignant dans divers établissements, je peux témoigner de la nécessité de progresser sur ce terrain professionnel. Je veux d’ailleurs redire mon profond respect à tous les soignants qui se consacrent à nos aînés.

Se préoccuper de la façon dont on se préoccupe, c’est aussi une culture qu’il faut remettre en cause, celle de la solitude. Patient, soignant, aidant, chacun est souvent seul dans ses attentes, ses interrogations, ses choix.

Une scène de l’excellent film Hippocrate, film récent, montre une femme en fin de vie pour qui va se poser la question de la réanimation, alors qu’elle a clairement stipulé son refus. Cela va créer un conflit, aboutissant à une décision couperet niant la volonté exprimée par la patiente. Martin Winckler, commentant ce passage dans Télérama, écrit : « Partout ailleurs qu’en France, cela ferait l’objet d’une discussion collégiale à laquelle la patiente et sa famille seraient associées. Et, si l’on n’arrivait pas à tomber d’accord, on irait vers la commission d’éthique… ».

Il faut se préoccuper, enfin, de ceux qui se préoccupent, sujet très important. Notre société, et, avec elle, notre modèle familial ont certes profondément évolué mais l’attachement à nos parents, à nos aînés est resté intact. Je crois que c’est à la société de s’adapter, en favorisant le maintien au domicile de nos aînés, ce qui est l’objet d’un pan entier de ce texte, et en accompagnant les aidants à chaque étape de la perte d’autonomie de leurs proches.

Un exemple. Chacun en conviendra, il est rare que le placement en EHPAD soit une démarche planifiée, voulue et organisée en commun avec la personne âgée. C’est le plus souvent l’ultime recours qu’envisagent des familles dépassées par le poids de la prise en charge d’un parent, voire qui s’y résolvent au terme d’années éprouvantes, parce qu’elles se sont épuisées à la tâche. Culpabilité, remords et épuisement ne sont pas les meilleurs alliés des décisions apaisées.

Autre exemple. Étant neurologue hospitalier, j’ai vu des familles amener leur aîné à l’hôpital un vendredi soir pour avoir un week-end de répit, un seul tout petit week-end rien que pour eux. Il est indispensable de reconnaître aux aidants le droit au répit et de leur donner les moyens d’exercer ce droit, ce que fera cette loi. Cela passera par la multiplication de structures d’accueil temporaire, par des périodes de répit, mais aussi des groupes de parole et de soutien pour les aidants. Quel soulagement que d’institutionnaliser enfin ces périodes de répit, dans des conditions adaptées pour eux et pour leurs proches !

Vous le voyez, derrière ces quelques lignes d’un projet de loi qui sera demain une loi entière, sont décrites des situations du quotidien, trop longtemps ignorées et qui parleront à des millions et des millions de familles françaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Philippe Vitel. Madame la présidente, mesdames les ministres, mesdames les rapporteures, l’augmentation inexorable de la longévité des Françaises et des Français est souvent perçue comme un problème pour notre société et nos institutions. Bien au contraire, elle me semble être une chance pour notre pays, si nous nous donnons les moyens de pouvoir vieillir en bonne santé et dans un environnement favorable. Là est le défi majeur que nous devons relever. Aujourd’hui, 15,6 millions de Françaises et de Français, soit 24 % de la population, ont plus de 60 ans. Nous serons 21,4 millions en 2035, soit 31 %. En 2050, nous serons 11 millions de plus de 75 ans et le nombre de plus de 85 ans sera quatre fois plus élevé qu’aujourd’hui.

Mesdames les ministres, sept orientations nous semblent essentielles afin de définir une véritable stratégie nationale de prise en compte de l’augmentation de l’espérance de vie : établir un véritable programme de prévention de la dépendance ; garantir le financement de sa prise en charge ; développer tous les leviers de l’économie liée à cette longévité plus communément appelée « silver economy » ; définir précisément les principes et les moyens de la gouvernance de cette politique ; permettre le maintien à domicile des aînés le plus tard possible en proposant une nouvelle offre de logements adaptables et adaptés ; mieux accompagner les personnes âgées dans les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes ; enfin, donner un véritable statut aux aidants, en particulier aux aidants familiaux, et leur permettre de vivre des moments de répit.

Mesdames les ministres, force est de constater que le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement que vous nous soumettez aujourd’hui est loin d’apporter tous les éclairages que nous attendions de ce texte et qu’il ne permet pas, à l’évidence, de mettre en place une politique suffisamment ambitieuse et solide pour être efficace à moyen et long terme. Il est, en premier lieu, choquant de constater que la question du financement de la prise en charge de la dépendance, et en particulier du reste à charge supporté par les familles, soit passée par pertes et profits. Plus question de la création d’une cinquième branche ni même d’un renforcement du rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ! La gouvernance des politiques et la réforme de l’accompagnement en EHPAD sont aussi cruellement absentes.

Le périmètre budgétaire a, lui, fondu comme peau de chagrin : 645 millions d’euros, là où 2 milliards d’euros étaient attendus. Le financement de la prévention de la perte d’autonomie, fixé à 185 millions d’euros, n’est pas à la hauteur de l’enjeu majeur que représente ce domaine en termes de stabilisation des dépenses et donc de pérennité des équilibres de financement. Si un effort est noté en ce qui concerne l’adaptation de la société au vieillissement avec l’adaptation de 80 000 logements privés pour 40 millions d’euros, la dotation globale de 84 millions d’euros semble, là encore, très sous-évaluée par rapport aux nobles objectifs fixés. L’accompagnement de la perte d’autonomie se voit attribuer une ligne budgétaire de 460 millions d’euros. La revalorisation de l’APA à domicile pour 375 millions d’euros, soit plus de la moitié de l’enveloppe globale du projet de loi, est une bonne chose.

Mais nous notons que la problématique de la prise en charge des personnes dépendantes en EHPAD, qui génère un très haut niveau de reste à charge pour les familles, est renvoyée à un futur texte. Nous notons aussi que le même sort est réservé à la gouvernance, à un moment où les conseils généraux, qui assurent 70 % des 5,4 milliards d’euros que coûte l’APA, se retrouvent dans une situation financière catastrophique du fait du désengagement constant de l’État.

Nous sommes heureux, par contre, de voir apparaître une évocation au droit au répit des aidants. C’est un sujet qui nous préoccupe depuis de très nombreuses années et sur lequel nous nous sommes toujours trouvés confrontés au droit du travail. Je vous demanderai donc, mesdames les ministres, de nous expliquer plus précisément comment vous comptez contourner cette contrainte, afin de pouvoir mettre en place dans notre pays un véritable baluchon comme cela existe chez nos voisins, et d’ailleurs depuis très longtemps chez certains d’entre eux. Nous vous poserons la même question concernant le « volontariat civique senior ».

En conclusion, mesdames les ministres, permettez-moi de vous rappeler que de nombreux parlementaires se sont engagés depuis maintenant plus de dix ans derrière nos collègues Pascal Terrasse et Denis Jacquat, afin de convaincre les collectivités locales, en particulier les municipalités et les communautés de communes et d’agglomération, qu’il était important de s’investir dans une approche innovante de la prise en charge dans leur territoire de la nouvelle donne que représentait l’augmentation de l’espérance de vie. Ainsi est née en 2003 l’association « Vieillir en France », que j’ai l’honneur de présider depuis 2007 et qui a, durant de nombreuses années, labellisé les meilleurs projets des communes les plus engagées. Nous avons, ensuite, mis en place avec l’État, sous l’égide de Roselyne Bachelot et de Nora Berra, un partenariat qui a débouché sur la labellisation « Mieux vieillir, vieillir en France ».

Il y a deux ans, j’ai sollicité le ministère afin d’envisager de pérenniser cette opération qui a permis une véritable prise de conscience et a débouché sur de nombreuses réalisations et opérations qui apportent encore aujourd’hui la preuve de leur pertinence. Je vous renouvelle cette invitation et tiens par là même à vous assurer que la représentation nationale et les élus de terrain qui la composent sont conscients du formidable enjeu et de la formidable chance que représente la longévité pour notre société, à partir du moment où nous nous donnerons vraiment les moyens nécessaires à une vraie politique publique transversale sur ce sujet délicat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens à dire quelques mots sur certains des sujets qui ont été évoqués, sans répondre à l’ensemble des intervenants – Laurence Rossignol s’exprimera après moi. Je veux d’abord souligner le caractère très constructif des débats qui viennent d’avoir lieu. Même s’il peut y avoir des oppositions, des attentes ou des interrogations vis-à-vis de certaines des orientations qui sont proposées, j’insiste sur le caractère constructif des interventions prononcées dans le cadre de cette discussion générale et j’espère que cet esprit se maintiendra dans la suite du débat.

M. Denis Jacquat. Aucun problème !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux saluer les interventions de Christophe Sirugue et de Joëlle Huillier qui ont mis l’accent sur le fait que ce projet de loi est un projet global, un projet de société. Plusieurs intervenants sont d’ailleurs revenus sur ce point : il s’agit bien d’affirmer et d’assurer la place des personnes âgées ou très âgées dans notre société. Cela suppose que, au-delà des discours de reconnaissance, des moyens soient apportés pour faire pleinement reconnaître cette place. Des avis très positifs ont été formulés sur l’une des mesures phares de ce texte qui concerne le droit au répit et l’accompagnement des aidants.

Je veux dire à Mme Allain, qui a souligné la nécessité d’une prise en charge globale, en particulier sur le plan sanitaire, que c’est bien l’ambition du projet dit PAERPA – personnes âgées en risque de perte d’autonomie – de proposer aux personnes âgées un accompagnement à la fois humain, de santé et médico-social, c’est-à-dire de décloisonner les politiques qui aujourd’hui s’adressent à elles.

Jeanine Dubié a posé la question de la CASA. Si elle n’est pas la seule à l’avoir fait, elle l’a fait en des termes particulièrement clairs et fermes. Nous avons l’ambition que cette loi entre en application au 1er juillet 2015, si bien que l’ensemble des moyens dégagés pour permettre son application doivent être mobilisés très rapidement. Nous ne voulons pas perdre de temps. La navette parlementaire va avoir lieu, mais il faut faire en sorte que tout ce qui peut être prêt avant même le vote de la loi le soit, pour que, au moment où celle-ci sera promulguée, elle puisse véritablement disposer de tous les leviers nécessaires pour s’appliquer très rapidement.

Le débat sur les EHPAD va, de toute évidence, avoir lieu, même si la loi ne porte pas sur l’accueil en établissement. J’ai entendu les regrets et les attentes. Jacqueline Fraysse a dit que c’était peut-être dans les établissements que l’on trouvait les situations sociales les plus difficiles. Je ne partage pas cette analyse. Je ne considère pas pour autant que la question du reste à charge en établissement ne se pose pas. Nous l’avons dit d’emblée, et je veux rassurer toutes celles et tous ceux qui sont intervenus sur ce point dans la discussion générale et au-delà : le groupe de travail portant sur le reste à charge en établissement se réunira à la fin de ce mois de septembre pour réfléchir aux réponses à apporter. Il n’y a pas d’enterrement, d’évitement ou d’aveuglement s’agissant d’une question qui existe. Mais enfin, il y a dans notre pays une demande : pouvoir rester à domicile le plus longtemps possible. Notre priorité, c’est de commencer par répondre à cette demande et à cette attente.

Je n’occulte pas la question du reste à charge, mais je tiens à dire qu’il n’y a pas dans notre pays de personnes qui ne puissent être accueillies en établissement pour des raisons financières. En effet, il existe une solidarité, qui porte le nom d’aide sociale. On peut souhaiter que l’aide sociale s’applique dans des conditions différentes ou que l’on réfléchisse aux personnes mises à contribution – il y a ainsi des départements, le mien par exemple, qui ont d’ores et déjà « sorti » les petits-enfants de l’obligation d’aide sociale. Toute une réflexion reste à mener, mais ne faisons pas comme s’il y avait aujourd’hui dans notre pays des hommes et des femmes qui ne pouvaient être accueillis dans des établissements pour personnes âgées parce qu’ils n’auraient pas les ressources nécessaires.

Mme Bérengère Poletti. Mais si !

Mme Marisol Touraine, ministre. La réflexion va s’engager et le groupe de travail annoncé se mettra en place.

Plusieurs intervenants, dont Bernadette Laclais et Denys Robiliard,…

Mme Annie Genevard. L’UMP n’existe pas dans ce débat ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …ont évoqué la question des droits et de la nécessité de prendre en compte les personnes âgées comme des citoyens et non pas seulement comme des personnes âgées. Il y aura dans ce texte des mesures et sans doute des amendements qui permettront de poursuivre la réflexion en ce sens, pour voir comment faire progresser les droits de la personne âgée, quel que soit l’endroit où elle réside.

Jean-Louis Roumegas…

M. Élie Aboud. On est là !

Mme Annie Genevard. Oui, le groupe UMP existe !

Mme Marisol Touraine, ministre. …a mis l’accent sur la nécessité d’une loi qui prenne en compte l’environnement. Cela est l’un des axes majeurs de ce texte et Laurence Rossignol aura sans doute l’occasion d’y revenir et d’insister sur l’adaptation de la ville et du logement aux personnes âgées.

Monsieur Véran, nous avons en effet l’ambition de faire une loi pour le quotidien des personnes âgées et de celles qui les accompagnent. Telle est l’ambition de ce texte : porter des valeurs, mais faire en sorte que ces valeurs se déclinent très concrètement. Madame Le Houérou, Laurence Rossignol et moi-même sommes fières, en effet, de proposer un texte de solidarité, un texte fidèle à nos valeurs et un texte de progrès, parce que c’est cela qui est attendu dans notre pays aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Élie Aboud. Merci de nous avoir répondu, madame la ministre !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Comme Marisol Touraine, je me félicite de la qualité…

M. Élie Aboud. Ah ! Vous vous êtes réparti les conclusions ! Pardon, madame la ministre !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Cela vous convient, comme répartition ?

M. Élie Aboud. Nous étions un peu vexés, vous comprenez !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Nous faisons très attention à ne pas vous vexer, surtout en début de discussion.

Comme Marisol Touraine, je me félicite de la qualité de cette discussion générale, qui prolonge celle du débat qui s’est tenu en commission.

Je tiens tout d’abord à souligner que ce texte n’est pas un texte sur la dépendance, mais sur l’autonomie et l’adaptation au vieillissement.

M. Denis Jacquat. Très bien ! Très juste !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. C’est une petite évolution, et pas simplement de vocabulaire. Ce n’est pas plus politiquement correct de parler d’autonomie que de parler de dépendance : cela dit aussi que ce texte ne s’intéresse pas qu’aux 15 % des plus de 85 ans qui sont bénéficiaires de l’APA, mais qu’il s’intéresse aux 80 % qui ne sont pas en perte d’autonomie, mais qui ont néanmoins besoin de politiques publiques qui les accompagnent, eux, leur environnement urbain et leur domicile et qui préviennent une perte d’autonomie qui viendra probablement. Là réside toute la spécificité de ce projet de loi : il ne s’agit pas d’un texte sur la dépendance, ce qui marque une des évolutions de ces dix dernières années.

Monsieur Lurton, je tiens à souligner que la simplification des procédures est une des priorités du Gouvernement et que nous y travaillons dans tous les domaines. Bien entendu, dès que l’on crée des droits nouveaux, on doit se poser la question de l’accès à ces droits et des procédures les plus simples à mettre en place. Vous avez également évoqué l’accueil temporaire, et il est vrai que le droit au répit va créer des besoins nouveaux, de sorte qu’il sera nécessaire que les établissements apportent une offre nouvelle. Pour en avoir visité un certain nombre, je peux souligner qu’il en existe, de statut associatif à but non lucratif, qui sont spécialisés dans l’accueil temporaire et qui disposent de places libres. Il y a donc tout un travail à mener pour faire connaître leur offre. Dans les groupes de travail sur les EHPAD que Marisol Touraine vient d’évoquer, groupes qui porteront sur la tarification mais aussi sur la qualité de vie et sur la nouvelle offre, nous aborderons cette question car il est nécessaire de répondre à l’augmentation de la demande d’accueil temporaire.

Si M. Arnaud Richard était encore là,…

M. Élie Aboud. On lui répétera !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. …je lui aurais dit que je comprends très bien son attachement aux mesures relatives au soutien aux services d’aide à la personne, mais que nous sommes face à une situation compliquée. Je l’invite à observer ce qu’il en est avec la même objectivité que la Cour des comptes, et il constatera qu’aujourd’hui, parmi les facteurs conduisant à une situation tendue dans ce secteur, il faut prendre en compte la coexistence de l’autorisation et de l’agrément. Ceux-ci vont bien entendu être maintenus, faire ne consiste pas toujours à défaire et refaire. La qualité de ces procédures n’est pas en cause, mais cette dualité des services ne garantit pas une offre identique en termes de volume sur la totalité du territoire. Ainsi, il y a dans certains cantons soixante-dix offres, et l’usager ne sait pas choisir dans cette pléthore alors que, dans des cantons moins peuplés, il y a deux structures en tout et pour tout.

Madame Dubié, vous avez souligné les difficultés du travail de l’aide à domicile. Il est sûr que la manière dont les plans d’aide sont parfois organisés n’est favorable ni à la qualité du service ni même à des conditions de travail décentes : intervenir seulement un quart d’heure chez une personne n’est bon ni pour celui qui vient aider à domicile, ni pour le bénéficiaire. J’ai dit dans mon intervention liminaire qu’une meilleure articulation entre les services infirmiers et les services d’aide à domicile est une question essentielle pour concrétiser les ambitions de ce projet de loi.

Monsieur Perrut, je vous remercie pour vos remarques positives sur ce texte. Les services à la personne seront en effet renforcés. S’agissant de l’insuffisance des moyens que vous avez évoquée, je rappelle tout de même que 650 millions d’euros finançant des mesures nouvelles, et ce sans prélèvements nouveaux, c’est à saluer dans la période relativement contrainte où nous nous trouvons. Plusieurs d’entre vous se sont émus du fait qu’il n’y avait pas assez de moyens mais, pour une fois, c’est le volume des prélèvements qui déterminera le niveau des dépenses. On nous donne souvent des leçons d’économies budgétaires : il ne faut pas dépenser plus que ce que l’on a… Or je rappelle que ce n’est pas ce qui a été fait au cours des quinze dernières années. Dans ce texte, nous avons fixé le volume des actions nouvelles en fonction du produit de la CASA, sachant, ce qui est une bonne nouvelle, que celui-ci va évoluer. Arrêtons de dire qu’il n’y a pas assez d’argent. Bien entendu, nous aimerions toutes et tous pouvoir multiplier par trois les budgets d’intervention et permettre ainsi une politique encore plus ambitieuse, mais le total des prestations versées par la CNSA en direction du soutien aux personnes en perte d’autonomie est de 9,5 milliards, auxquels s’ajoutent les interventions des conseils généraux. Saluons tout de même le fait que nous sommes dans un pays qui consacre beaucoup, en termes de solidarité sociale et de solidarité contributive, à la prise en charge de l’autonomie des personnes âgées.

Monsieur Robiliard, vous avez d’excellentes sources : en citant M. Joxe, vous ne pouviez dire que des choses sensées. Le but de ce projet de loi est en effet de permettre une justice plus proche, plus rapide et plus humaine.

Monsieur Jacquat, je vous remercie pour la qualité de votre travail en commission et pour votre engagement sur le sujet. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) Le rapport sur les chibanis que vous avez fait avec Alexis Bachelay va trouver dans ce texte de nouvelles concrétisations. Vos préconisations vont être suivies, ce dont nous devons tous nous féliciter.

M. Denis Jacquat. Très bien !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Je souligne, monsieur Aboud, que les effets d’annonce n’ont pas prévalu sur le financement : on ne dépensera que ce que l’on a.

Monsieur Vitel, on ne peut pas dire que la question du reste à charge est passée par pertes et profits dans le projet de loi. Je rappelle qu’elle ne concerne pas que les établissements car il faut aussi prendre en compte l’APA. À cet égard, les dispositions prévoyant une diminution du reste à charge et l’augmentation des plans d’aide montrent bien qu’il s’agit pour nous d’une question centrale. Vous constaterez, monsieur le député, que le reste à charge diminuera grâce à ce texte puisque c’est un de ses objectifs.

M. Philippe Vitel. Acceptons-en l’augure !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Enfin, je m’adresse à M. Véran : votre connaissance des personnes âgées et des métiers concernés, votre expertise et votre expérience vous ont permis de confirmer, monsieur le député, que le Gouvernement ne s’est pas trompé avec ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

Mme la présidente. De nombreux orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Madame la présidente, je tiens tout d’abord à remercier Mme la secrétaire d’État pour la tonalité de ses propos, qui me semble plus adaptée à la recherche d’un consensus que j’ai entendu invoquer à de multiples reprises. Grâce lui en soit rendue. Il est très maladroit, mes chers collègues de la majorité, de commencer l’étude d’un texte en accusant, dans des termes pas toujours respectueux, l’opposition de n’avoir pas fait son travail quand elle était au pouvoir. Il est dès lors difficile de susciter un consensus.

L’article 1er dispose que « l’adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation ». Voilà le postulat que pose le Gouvernement pour les politiques publiques, en tout cas celles menées par l’État. Mais je souhaite à cet égard soulever le problème de la CASA, que vous n’avez qu’incomplètement abordé, madame la secrétaire d’État. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 avait prévu la mise en place de cette contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, à compter du 1er avril 2013. Son application sur une année complète n’aura donc lieu qu’en 2014, mais nous savons tous que, depuis le début, elle alimente le FSV, même s’il est vrai que ces crédits ont transité par la CNSA. Vous avez indiqué que le texte serait appliqué le plus rapidement possible. Vous avez parlé de mi-2015. Mais les crédits vont-ils jusque-là rester à la CNSA, au profit des politiques pour les personnes âgées, ou avez-vous l’intention de continuer à en faire profiter le FSV ?

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Cet article 1er indique la philosophie générale du projet de loi. Mme Rossignol vient de rappeler qu’il ne s’agit pas d’un texte sur la dépendance, même s’il comprend des dispositions sur la perte d’autonomie dans le cadre du maintien à domicile. J’espère que la question de la dépendance sera abordée par les groupes de travail évoqués par Mme Marisol Touraine dans son intervention liminaire. Ma préoccupation première est le reste à charge dans les établissements. Tout ce qui ne sera pas débattu au cours de l’examen de ce texte devra être étudié par ces groupes de travail afin de pouvoir immédiatement aider les personnes qui en ont besoin quand les crédits seront ouverts.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. « La Creuse est le département le plus vieux de France. » Cette phrase, maintes fois prononcée, sonnait comme un reproche, un handicap, et recelait un peu de condescendance, voire de mépris. Pauvres Creusoises, pauvres Creusois…À force d’entendre de telles sottises, nous nous sommes dits : et si nous faisions de cette situation que certains voient comme un handicap – un département où l’on vit longtemps, où le nombre de personnes de plus de soixante-cinq ans atteint 30 %, où le nombre de centenaires augmente chaque année – un véritable atout ? Nous avons donc travaillé sur le mieux vieillir, le bien vieillir. Madame la secrétaire d’État, nous attendions ce projet de loi. Nous l’avons anticipé en affirmant que mieux vieillir, c’est d’abord pouvoir rester chez soi le plus longtemps possible, dans des conditions de sécurité physique et affective maximales. Notre centre de ressources domotiques, véritable incubateur d’entreprises dans ce domaine, fonctionne depuis plus de cinq ans. C’est un lieu de réflexion, de recherches, d’aides à ceux pour qui le vieillissement est source de développement, un lieu de vie intelligent qui ressource aussi bien physiquement que moralement. Il s’agit de faciliter la vie, de réduire les pièges apparus avec l’âge et que, plus jeune, l’on ne voyait pas, d’instaurer des sécurités quand la mémoire défaille quelque peu, de tracer des chemins et surtout de savoir qu’à tout moment, grâce à un simple geste, il est possible d’entendre une voix qui rassure, qui interroge, qui vérifie. Au sein de la communauté d’agglomérations et du conseil général – à l’action indispensable –, nous avons réuni nos réflexions et agi. Oui, nous sommes un laboratoire et fiers de l’être ; nous préfigurons l’avenir ; nous étendons bien entendu les techniques d’aide à domicile aux établissements que les personnes rejoignent quand le rester seul devient plus difficile chaque jour. Je reviendrai tout à l’heure sur les établissements mais je tiens déjà à dire, madame la secrétaire d’État, qu’il y a de vraies solutions et que la silver economy n’est pas un leurre : c’est une réalité. Grâce à cette loi, on va pouvoir progresser tous ensemble.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Jacques Vlody.

M. Jean Jacques Vlody. Madame la secrétaire d’État, la France doit faire face, depuis plusieurs décennies, au vieillissement de sa population, vieillissement dû en grande partie à l’augmentation de notre espérance de vie. Cette évolution place notre société devant un défi majeur : celui d’adapter nos infrastructures, les logements et les transports publics, à la révolution de l’âge. C’est toute notre société qu’il s’agit de rendre plus inclusive pour donner aux personnes âgées, dans toute leur diversité, la place qui leur revient. Le Gouvernement a le mérite de nous présenter aujourd’hui un projet de loi qui aborde les problématiques du vieillissement sur le long terme, ce que je salue, et de manière transversale en réaffirmant l’objectif de l’égalité de tous devant la santé, l’âge et le vieillissement. Il ne s’agit pas d’une politique uniquement solidaire, mais aussi d’une politique intelligente et efficace, d’une loi qui va traduire notre conception du progrès social et qui, en plus, coûtera moins cher au contribuable que l’inaction et l’abandon.

L’effort proposé par le Gouvernement, en temps de crise budgétaire, en faveur des personnes les moins autonomes, est considérable. Une personne à faible autonomie verra ainsi son reste à charge diminuer de 250 euros par mois, ce qui est très important. Voilà une preuve de plus de la solidarité du Gouvernement envers les plus fragiles.

Je suis particulièrement sensible, madame la secrétaire d’État, aux déclarations que vous venez de faire au sujet des enjeux de ce que l’on appelle la « silver economy ». Dans mon département, celui de la Réunion, l’enjeu de la prise en charge du vieillissement doit être anticipé, et il doit l’être maintenant. Nous aurons, d’ici 2030, doublé le nombre de personnes âgées : elles représenteront alors 12 % de la population totale, soit 3 points de plus qu’en métropole. Il sera alors nécessaire de créer 11 000 emplois pour la prise en charge et l’accompagnement des personnes vieillissantes.

Cette loi va donc concilier progrès social, solidarité familiale et création d’emplois dans un territoire très fortement touché par un chômage insupportable. Je salue donc son intention, votre intention, de décloisonner les métiers de l’accompagnement, et je formule aujourd’hui le vœu que notre territoire soit accompagné à la hauteur de ces enjeux.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, Alphonse Karr disait que ne pas honorer la vieillesse, c’est démolir la maison où l’on doit coucher le soir. Or cela fait longtemps que nous n’avions pas discuté un texte d’envergure pour la prise en charge de nos aînés. C’est chose faite à présent, et je m’en réjouis. Les chiffres ont été cités à plusieurs reprises, mais je les rappellerai à mon tour : un Français sur quatre aura plus de 60 ans en 2020, et un sur trois en 2060. Nous devons donc aborder ces questions dès maintenant, pour préparer l’avenir avec sérénité.

En parlant d’adaptation de la société au vieillissement, le titre du projet de loi résume bien l’esprit qui a guidé son élaboration, et sur lequel je voudrais revenir à présent. S’adapter, c’est, entre autres, modifier son comportement pour le mettre en accord avec une situation donnée – ici, le vieillissement de notre population. C’est surtout une formidable occasion de changer notre regard sur nos aînés. Cessons de considérer la vieillesse comme un état à part de l’existence, et remettons-la en son cœur, comme cela a déjà été dit. La vieillesse fait partie de notre parcours de vie ; elle doit donc également faire partie de nos projets de vie. Pour réaliser des projets, encore faut-il avoir les moyens de les mener à bien. Et c’est ce que permettra ce projet de loi.

Priorité à la jeunesse et considération pour la vieillesse sont deux conditions indispensables à une société apaisée et harmonieuse. Avec ce texte, le Gouvernement et la majorité témoignent de leur pleine compréhension de cette belle analyse d’une auteure russe : « Si la jeunesse est la plus belle des fleurs, la vieillesse est le plus savoureux des fruits… »

Mme la présidente. La parole est à Mme Edith Gueugneau.

Mme Edith Gueugneau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, cet article 1er dispose que « l’adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation ».

S’il est des personnes pour lesquelles cela est d’autant plus vrai, ce sont bien les femmes. En effet, et c’est ce qui se dégage des excellents travaux réalisés par la délégation aux droits des femmes, ces dernières ont une place centrale dans la révolution de l’âge. La France fait partie des pays d’Europe où les femmes vivent le plus longtemps : 84,8 ans en moyenne. Elles sont d’ailleurs surreprésentées dans la population âgée, et ce d’autant plus que l’âge augmente.

Je souhaiterais insister tout particulièrement sur la question de l’aide à la personne, dans la mesure où ce sont les femmes, là encore, qui sont en première ligne. Sur les 500 000 personnes travaillant dans ce secteur, 98 % sont des femmes, davantage exposées aux faibles rémunérations – le salaire net moyen des aides à domicile est de 790 euros – et souvent au travail à temps partiel. J’ajoute qu’en milieu rural, le temps de trajet est important, et bien souvent non rémunéré.

Cela a naturellement des conséquences sur la vie quotidienne de milliers de familles, avec des mères confrontées à de fortes amplitudes dans leurs horaires de travail, et des trajets souvent compliqués, même si elles sont passionnées par leur travail. À cela s’ajoute une absence de statut, qui augmente l’insécurité et le sentiment de précarité qu’elles peuvent ressentir, qu’elles travaillent en emploi direct ou qu’elles soient employées par un prestataire.

Conforter le statut et la place de nos aides à domicile est une double nécessité. D’abord, par ricochet, parce que ce sont elles qui sont aux avant-postes, et que de la considération que nous leur accordons découle l’importance que nous donnons à nos personnes âgées dans la société. Ensuite, parce que le développement de la « silver economy » à travers de nouveaux emplois valorisés constitue également un levier efficace sur le chemin du redressement de notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article 1er est à l’image de ce projet de loi. Il énonce un principe formidable, à savoir que « l’adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation ». Malheureusement, la concrétisation de ce principe ne suit pas.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est bien vrai !

M. Guillaume Chevrollier. Votre gouvernement a certes le mérite de lancer la loi tant attendue sur la dépendance, mais encore faut-il que son contenu réponde aux attentes, ce qui est loin d’être le cas !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Mais il ne s’agit pas d’une loi sur la dépendance !

M. Guillaume Chevrollier. Il y a certes quelques petites avancées, mais tellement minimes, face aux besoins… Vous nous proposez, comme souvent ici, une loi bavarde, pleine de changements sémantiques, certes, mais sans les financements attendus, et repoussant beaucoup de chapitres importants à des textes ultérieurs.

Votre texte est principalement axé sur le maintien à domicile, ce qui est déjà bien, mais nous savons tous que ce maintien n’est pas possible pour toutes les personnes âgées. Vous repoussez donc le problème de la perte d’autonomie et de la prise en charge en établissement, là où le reste à charge est plus important. Mais ce maintien à domicile, votre politique de ces deux dernières années ne l’a pas facilité. Je l’ai constaté dans mon département, en Mayenne : vous avez en effet fragilisé le secteur des services à la personne, avec le plafonnement global des avantages fiscaux, l’augmentation de la TVA et la suppression du forfait, alors même qu’il joue un rôle essentiel dans la prise en charge de la perte d’autonomie.

Je voudrais insister par ailleurs sur la place des aidants. Vous créez certes le droit au répit, mais on est loin du statut de l’aidant, qui est un sujet crucial. Qu’ils soient familiaux ou non, les aidants ont besoin de cette reconnaissance essentielle. L’enveloppe de 40 millions d’euros prévue pour l’adaptation des 80 000 logements aux contraintes de l’âge et du handicap n’est qu’une amorce par rapport aux besoins, et vous le savez bien. Ce texte ne répond pas non plus aux disparités et aux inégalités qui se créent sur le territoire, où, selon les départements, les possibilités offertes aux personnes âgées ne sont pas les mêmes.

Ce projet de loi est donc décevant à plus d’un titre. Il ne répond en rien aux promesses du candidat Hollande qui, par sa politique économique désastreuse, ne permet pas à son gouvernement d’offrir à nos aînés et à leurs familles la vraie loi sur la dépendance qu’ils attendent toujours, avec les financements nécessaires.

M. Jean-Pierre Vigier. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entamons l’examen de l’article 1er d’un texte qui était très attendu, et dont chacun a souligné l’importance. Cet article qualifie l’adaptation au vieillissement d’ « impératif national » et de « priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation », et nous avons effectivement un défi devant nous en matière de prévention et d’accompagnement de la perte d’autonomie. Je souhaiterais, à ce sujet, souligner le rôle majeur des associations représentant les personnes handicapées de tous âges, qui travaillent depuis tant d’années et qui ont permis, au fil des années et des textes, de faire avancer ces thématiques.

Adapter la société et l’aménager, voilà des défis qui ont progressivement pu être relevés et qui sont devenus des clés pour réussir la transition vers une société inclusive, accueillante et accompagnante. Je voudrais, à ce sujet, rappeler l’expérience et l’expertise du monde associatif dans le champ du handicap, qui travaille depuis des années et qui, à l’occasion des travaux récents sur l’accessibilité, a permis de franchir des étapes très importantes. Il faut, à travers les débats qui vont s’engager ce soir, que nous poursuivions notre travail, afin de nous rejoindre sur une vision globale de la perte d’autonomie, y compris tout au long de la vie.

Nous l’avons dit, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État : aujourd’hui, nombre de nos concitoyens souhaitent rester à domicile le plus longtemps possible, et il importe qu’ils puissent s’organiser au quotidien. Cela a des répercussions sur l’ensemble des sphères de la société, et cela doit aussi avoir des implications sur toutes nos politiques publiques. Nous devons penser cette perte d’autonomie en termes d’accessibilité, de logement, de transport, d’accès aux droits. Oui, ce texte va nous permettre d’enrichir encore notre réflexion sur ces questions, et de faire en sorte que les personnes âgées, et plus largement toutes celles qui, à un moment donné dans leur vie, rencontrent des difficultés impliquant une perte d’autonomie, puissent prendre toute leur place dans la société, et y intervenir comme citoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Tout à l’heure, Mme Poletti a dit qu’il fallait rassembler les énergies et aller de l’avant, et qu’elle avait entendu le message positif de Mme la secrétaire d’État. Mais je n’ai pas l’impression que tous ses collègues aient entendu la même chose, si je m’en tiens à l’intervention de M. Chevrollier.

Je voudrais essayer d’être positif, car si l’on veut s’en tenir à des considérations négatives, on peut, comme l’avait fait le général de Gaulle, dire que la vieillesse est un naufrage. Je voudrais, pour ma part, vous parler d’un film que j’ai vu durant l’été, que vous avez peut-être vu, vous aussi, sur les chaînes publiques, et qui s’intitule Et si on vivait tous ensemble ? Ce film réunit un certain nombre d’artistes assez exceptionnels et, si vous ne l’avez pas vu, sachez qu’il est visible gratuitement sur youtube : je vous conseille de le voir. Il montre la vieillesse, vécue par Claude Rich, qui a 85 ans aujourd’hui, Guy Bedos, qui en a 80, Pierre Richard et Jane Fonda. C’est un film assez extraordinaire, qui décrit la vie de ces octogénaires qui décident, en quelque sorte, de se retrouver pour limiter les dégâts.

Je me félicite qu’aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, le Gouvernement, sans faire un film, nous propose un scénario…

M. Guillaume Chevrollier. Nous, nous sommes dans la réalité !

M. Michel Liebgott. …permettant de mieux adapter les comportements de la société au vieillissement.

Il est vrai que le vieillissement n’est pas en soi un plaisir, mais il faut que nous fassions savoir à la société, aux jeunes, à ceux qui aident les personnes âgées et aux collectivités publiques, que le Gouvernement s’intéresse à cette question et qu’un texte de loi est aujourd’hui en discussion, qui va nous donner des moyens et qui va ouvrir des perspectives.

On doit, comme d’autres l’ont fait, regretter que, depuis maintenant plusieurs années, aucun texte n’ait été débattu devant l’Assemblée nationale sur ce sujet. La vieillesse étant un problème pour la société, il faut qu’il en soit question, au Sénat et dans notre assemblée, là où la société est représentée par les sénateurs et les députés. Pour ces raisons, je me félicite que l’examen de ce texte débute aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Geoffroy.

Mme Hélène Geoffroy. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, le Gouvernement nous propose aujourd’hui un texte ambitieux, fruit d’un long travail de concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. Ce texte, et plus particulièrement cet article 1er, porte un regard novateur sur le vieillissement. Il donne les moyens aux âgés de garder leur autonomie le plus longtemps possible, ainsi qu’à notre société de relever le défi démographique de l’accroissement de la durée de la vie.

Il semble évident que les réponses des pouvoirs publics doivent s’adapter aux nouveaux retraités mobiles, qui souhaitent rester des habitants classiques. L’exemple de Dijon, chef de file du réseau français des villes amies des aînés, est pertinent, puisqu’il permet de prendre en compte, dans l’aménagement des villes et des territoires, ce que pensent les plus âgés d’entre nous. Il importe d’élaborer la politique d’une ville en lien avec sa population. Je profite aussi de cette intervention pour rappeler l’importance des préconisations de la mission d’information sur les immigrés âgés.

Nous devons entretenir, développer et mieux encourager les relations réciproques entre les générations. Dans les temps de crise que connaît notre pays, nous devons faire nation commune et dépasser les clivages classiques de l’âge. Dans cette perspective, deux éléments innovants du texte me semblent devoir être encouragés : le volontariat civique, d’abord, en ce sens qu’il incarne la participation des personnes âgées dans la cité ; la création, ensuite, d’un label garantissant la qualité de la cohabitation intergénérationnelle, à travers, notamment, la promotion du logement intergénérationnel comme moyen de garder son autonomie le plus longtemps possible. Je souhaitais revenir aussi sur ces maisons autogérées, solidaires et citoyennes, des types d’habitat participatif qui ont pour objectif de trouver une troisième voie, entre la maison de retraite et le maintien à domicile. On peut citer, à titre d’exemple, les projets d’associations qui ont pour but de créer des lieux de vie coopératifs pour personnes vieillissantes, comme il en existe dans le Rhône ou en Seine-Saint-Denis.

Pour toutes ces raisons, je me félicite de cet article, et plus globalement de ce texte, qui garantit, face à l’avancée en âge, la meilleure vie possible pour les âgés et leur entourage.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article 1er m’amène à souligner combien ce projet de loi part d’intentions bien louables – et je pense que nous sommes nombreux à le reconnaître sur ces bancs. Pour autant, il est loin d’être fondateur et ne traite pas vraiment, à la hauteur du défi qu’elles constituent, les problématiques du vieillissement et de la perte d’autonomie, pas plus que celle de leur financement. Dire que l’adaptation de la société au vieillissement est un impératif national, c’est bien, et même très bien, mais cela ne suffit pas à faire une politique.

À mon sens, ce texte ne devrait pas seulement rappeler les conséquences d’une augmentation heureuse de la longévité des Français, mais surtout encourager les pratiques innovantes en matière de prise en compte des besoins de nos aînés dans la société et son fonctionnement.

Ce projet de loi, comme le rapport annexé, se targue de promouvoir une approche territoriale mais là encore, que ce soit au sujet de l’accompagnement ou de la gouvernance, vous restez au milieu du gué. Une véritable approche locale devrait favoriser les initiatives qui se développent et sont expérimentées sur notre territoire, en particulier en matière de logement, comme cela a déjà été dit plusieurs fois.

Alors qu’il nous faut explorer toutes les pistes pour favoriser une nouvelle dimension intergénérationnelle de l’habitat, celles qui recréent du lien social, celles qui renforcent les solidarités, le texte ne lève aucun obstacle à la prise d’initiative. Il faut lever les contraintes administratives et normatives limitant les expérimentations innovantes de certaines formes d’habitat qui complètent l’offre d’accueil des personnes en perte d’autonomie et qui relèvent d’une approche de prévention intéressante.

Au fond, cet article, à l’image du texte qui l’englobe et du rapport annexé, ne porte pas d’ambitions à la hauteur des enjeux et des défis que le vieillissement nous oblige à relever.

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent article érige l’adaptation de notre société au vieillissement en priorité dans l’ensemble des politiques publiques. Au-delà du symbole, cette initiative doit nous rappeler combien la question du vieillissement concerne tous les Français sans exception, dans leur vie quotidienne et familiale. Cette reconnaissance mobilisera définitivement la société tout entière dans les actions menées pour l’adaptation, l’accompagnement et l’anticipation, autant d’actions qui contribueront à la croissance économique de notre pays,in fine à la concrétisation d’un potentiel d’emplois.

« Anticiper », « adapter », « accompagner » sont résolument les maîtres mots qui guident cette réforme. Plusieurs exemples démontrent la volonté du Gouvernement d’engager des moyens supplémentaires et de mobiliser l’ensemble des acteurs concernés, qu’ils soient nationaux ou locaux, publics ou privés.

Le premier exemple consiste à faire du domicile un atout de la prévention. C’est l’objectif de la création d’une aide publique permettant l’accès aux technologies nouvelles, en particulier pour les personnes âgées à faibles revenus. Cette aide facilitera l’accès aux dispositifs de téléassistance et de domotique, tels que les chemins lumineux anti-chutes. Actuellement, 4 % des personnes âgées de plus de soixante ans disposent d’une téléalarme, soit 556 000 personnes. Il s’agit du deuxième besoin le moins satisfait exprimé par les personnes âgées, ce qui représente seulement 3 % des personnes âgées.

Le symbole de ce projet de loi est certainement l’engagement d’un véritable acte II de l’allocation personnalisée d’autonomie créée en 2001. Je tiens à rendre hommage à deux de ses principaux initiateurs : Paulette Guinchard et Lionel Jospin. L’APA a prouvé son utilité en venant en aide à près de 1,2 million de bénéficiaires. Les mesures prévues vont revaloriser les montants de l’aide en fonction des besoins de l’aide à domicile, notamment pour les personnes en lourde perte d’autonomie, grâce à une augmentation des plafonds et du nombre d’heures.

Il faut signaler l’importance de la réduction du reste à charge pour les personnes aux revenus modestes, réduction qui limitera le non-recours.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aime bien ce projet qui nous réunit cet après-midi, et le temps qui lui est consacré. Le phénomène du vieillissement et de l’allongement de l’espérance de vie est un de ceux qui ont le plus surpris notre époque, comme celui de la non-inclusion des jeunes dans notre société. Ce seront les deux grands événements qui auront marqué la non-compréhension de notre époque.

Madame la secrétaire d’État, je pense que ce projet est bienvenu. Déjà, il y a quelques années, la grande canicule avait révélé, à notre stupéfaction, à quel point la tragédie nous guettait. Les jeunes constituent une autre question dont nous aurons l’occasion de reparler.

Comme vous l’avez dit, le fait de pouvoir en parler de manière naturelle, pour les gens de tous les jours, est déjà une bonne chose. Bien sûr, les moyens n’y sont pas, mais les attentes sont tellement grandes pour ces hommes et ces femmes qui ont eu très peur pendant les guerres que leurs fils ne reviennent pas et qui ont très peur aujourd’hui, alors qu’il n’y a plus de guerre, pour ceux qui ne trouvent pas de travail.

Je souhaite simplement attirer l’attention de Mme la secrétaire d’État sur le fait que s’occuper des personnes âgées, c’est aussi de la proximité. Et je crains que dans nos campagnes, cette proximité n’échappe de plus en plus à ceux qui sont en âge de pouvoir s’en charger. La recomposition territoriale laisse planer une inquiétude qui n’est pas entièrement levée sur au moins 60 % de notre territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, notre assemblée va examiner un long texte de soixante-six articles. Il commence par un article dont on ne peut que partager l’ambition : faire de l’adaptation de la société au vieillissement de la population une priorité de l’ensemble des politiques publiques. Les trois cent soixante-seize alinéas du rapport annexé sont autant d’engagements respectables et de bon sens.

À la fin de la législature précédente, les travaux sur ce sujet s’étaient conclus par la création d’un comité de coordination de la politique de prévention de la perte d’autonomie, qui n’a malheureusement pas débouché sur des mesures concrètes. Aussi, l’attente est grande aujourd’hui.

Ce texte présenté comme une grande loi sur le vieillissement nous laisse cependant sur notre faim ; la montagne accouche d’une souris. Aucune réponse n’est apportée au problème majeur du reste à charge supporté par les familles pour leurs proches accueillis en EHPAD, le groupe de travail évoqué par la ministre ne nous convainc pas entièrement. Il n’y a pas plus de réponse au problème du financement de la dépendance des personnes âgées, si ce n’est une augmentation des charges pour les départements déjà exsangues en matière de dépenses sociales. D’ailleurs, on ne sait pas pendant combien de temps les départements, dont la suppression est annoncée, pourront encore assumer leur rôle irremplaçable pour la solidarité et la cohésion sociale dans nos territoires.

M. Jean-Pierre Vigier. Bien dit !

M. Frédéric Reiss. Ce projet de loi revêt une importance capitale pour tous ceux qui s’occupent de l’accompagnement des personnes âgées. Il doit naturellement embrasser le secteur du maintien à domicile, mais aussi le milieu hospitalier et médico-social d’hébergement, pour apporter des réponses diversifiées et adaptées au grand âge. Or ces dispositions d’orientation et de programmation sont presque exclusivement orientées sur l’accompagnement à domicile, oubliant toute perspective d’évolution des EHPAD, hors les foyers logements. Je proposerai et soutiendrai des amendements qui vont dans le sens d’une plus grande équité dans le traitement des questions de vieillissement dans notre société.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’ambition affichée par cet article 1er est noble. Tout faire pour maintenir les personnes âgées dans leur environnement habituel est satisfaisant. Si le vieillissement est une chose naturelle, chacun constate qu’il subit une accélération importante depuis quelques dizaines d’années. D’ailleurs, le nombre de personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans aura quadruplé d’ici 2060.

La pyramide des âges et les meilleures conditions de vie et de santé expliquent pour la plus grande part ce vieillissement de notre société. Mais le corollaire du très grand vieillissement est souvent la dépendance. Ce dernier terme est sur toutes les lèvres et dans tous les esprits.

M. Guillaume Chevrollier. Absolument !

M. Jean-Pierre Vigier. Nous, élus de terrains, constatons quotidiennement les problèmes, quelquefois ingérables, que cela pose aux familles et à la société. Pour traiter du vieillissement, il est impératif de traiter du financement de sa prise en charge, sous tous ses aspects. C’est pourquoi je regrette fortement que le texte n’aborde pas le financement de la prise en charge de la dépendance, qui constitue un problème majeur dans notre société, surtout en milieu rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi porte un message sociétal fort. En effet, notre pays est engagé dans un processus de transition démographique inédit. L’augmentation de la durée de vie est une chance pour la société française mais aussi un défi immense pour les générations à venir.

En 2060, un tiers des Français aura plus de soixante ans. Les personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans seront près de 5 millions, contre 1,4 million aujourd’hui. Cette révolution de l’âge représente une formidable opportunité de développement économique et doit nous amener à changer notre regard.

C’est tout le sens de ce projet de loi. En effet, il crée les conditions d’une société plus inclusive, qui anticipe et accompagne la perte de l’autonomie et adapte ses politiques publiques dans tous les champs de la société.

Il est ainsi mis en place une approche transversale des enjeux organisée autour de trois piliers indissociables, les trois A : anticipation, adaptation de la société et accompagnement des personnes en perte d’autonomie. Ce projet de loi se propose de mobiliser la société tout entière autour des enjeux liés à l’autonomie, considérés également sous l’angle du gisement d’emplois et de croissance pour notre pays.

Député d’un département dont le budget des solidarités représente 50 % du budget total, je ne peux que me réjouir de la volonté de décloisonner les politiques publiques, condition essentielle pour apporter une réponse personnalisée à la question du vieillissement. C’est par cette seule approche que des réponses pourront être apportées à la question sociale et à celle de la lutte contre l’exclusion et l’isolement.

Je me félicite que ce projet s’inscrive dans une continuité en recentrant le lien territorial et les solidarités intergénérationnelles afin de relever cette chance et ce défi majeur pour notre société qu’est le vieillissement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil économique, social et environnemental a confirmé dans ses avis du 21 avril dernier que la population française s’apprêtait à connaître un fort vieillissement. Ainsi, en 2035, les personnes de soixante ans et plus représenteront 31 % de la population contre 25 % aujourd’hui. En 2060, un tiers des Français aura plus de soixante ans, et les personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans seront près de 5 millions, contre 1,4 million aujourd’hui.

Le constat est sans appel : nous sommes à la veille d’une transition démographique, et nous ne sommes pas prêts à l’affronter. Cette loi a le grand mérite de poser les jalons d’une politique de vieillissement cohérente, et d’affirmer qu’il s’agit d’un projet de société. De manière salutaire, l’article 1er de cette loi érige l’adaptation de la société au vieillissement en impératif national et en priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation. Il est vrai qu’il s’agit d’un impératif, et il est vrai aussi que toutes les politiques publiques doivent participer en cohérence à la prise en considération des nouvelles données de notre société, celles qui résultent d’une espérance de vie multipliée par deux, et de notre ardente obligation de faire en sorte que les meilleurs jours soient réservés à nos aînés et à nos jeunes, qui seront les aînés de demain.

Ce texte promeut l’anticipation de la perte d’autonomie, et c’est essentiel.

M. Jean-Pierre Vigier. Oui, mais il n’y a pas les crédits !

Mme Cécile Untermaier. Tout doit être fait pour combattre la dépendance et faciliter le maintien à domicile. Les aides techniques, la lutte contre l’isolement, la création de lieux de discussion et de rencontre participent à cette action. Tout doit être fait pour permettre à nos aînés de rester dans le lieu de vie qu’ils souhaitent. Nous le leur devons. Et quand la dépendance est là, l’APA est améliorée et revalorisée par ce texte.

J’ai organisé un atelier législatif citoyen sur ce sujet en juillet dernier dans ma circonscription, et je peux dire que ce texte et la préoccupation qu’il traduit de la part du Gouvernement ont été très bien accueillis par les citoyens. La notion de proches aidants constitue une innovation dont l’intérêt a été relevé. Sur ce dernier point, j’ai suggéré à la suite de cet atelier que les agents publics comme les salariés disposent d’un droit au rapprochement près de la personne dépendante, dans des conditions réglementaires à préciser.

Mme la présidente. Merci de conclure, madame la députée.

Mme Cécile Untermaier. En conclusion, on ne peut que se rassembler sur ce texte ambitieux.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, l’article 1er décrit l’adaptation de la société au vieillissement comme un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation. J’ai bien compris, dans les réponses du Gouvernement, que l’objectif de ce projet est avant tout de permettre aux personnes âgées et aux retraités de bien vieillir, et de les aider à prolonger dans de bonnes conditions physiques et mentales leur durée de vie.

C’est une aspiration à laquelle nous ne pouvons que souscrire, et qui est d’ailleurs prise en compte actuellement, il suffit de voir le nombre de revues et de livres consacrés au bien vivre des retraités. En ce sens, nous ne pouvons qu’encourager votre projet.

Mais il n’en demeure pas moins vrai que le problème le plus criant, le plus douloureux, le plus urgent aussi, reste le moment où survient la dépendance, et je regrette que nous n’abordions pas ce sujet au fond, alors que l’attente est immense dans notre pays. En abordant ce sujet, nous nous situerions pleinement dans l’impératif national décrit par l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. En 2050, la France devrait compter 10,9 millions de personnes âgées de plus de 75 ans, soit plus du double d’aujourd’hui, et 4,8 millions de personnes âgées de plus de 85 ans, soit quatre fois plus qu’aujourd’hui. Bien entendu, il faudra payer entre 1 500 et 2 000 euros par mois et par personne pour une place dans une maison de retraite – généralement un EHPAD – ou pour recourir à des soins à domicile.

Pour ces raisons, la question du financement de la prise en charge de la dépendance est plus que jamais centrale. Or, comme certains de mes collègues l’ont déjà mentionné il y a quelques instants, nous constatons que cette question n’est pas abordée dans le projet de loi. Il s’agit d’un texte programmatique qui élude la question du financement, pourtant centrale. Or une grande loi d’orientation et de programmation qui prétend vouloir répondre aux défis de la révolution de l’âge ne devrait pas mettre de côté cet aspect.

Pour ma part, j’ai la chance d’être l’élu d’une circonscription rurale comprenant 165 communes. Les demandes les plus fortes viennent des familles, qui souhaitent pouvoir faire face à l’enjeu de la dépendance. Il y a un décalage entre les aspirations des familles, les besoins de nos concitoyens et le contenu de ce texte qui, hélas, ne répond pas à cette problématique centrale. Vous êtes, hélas, passés à côté du sujet essentiel que ce texte se devait de traiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la secrétaire d’État, nous avons pu apprécier la volonté que vous exprimez, mais aussi, peut-être, le manque de moyens nécessaires à sa mise en œuvre.

Je veux revenir sur une question particulière qui me semble importante : la suppression de la barrière de l’âge pour la prise en charge du handicap, qui constitue une discrimination pour les personnes de plus de 60 ans. Nous n’avons peut-être pas encore évoqué ce point, mais nous devons le faire dès le début de cette discussion. Comment pouvons-nous admettre qu’une personne frappée par une maladie invalidante, qu’il s’agisse de la maladie de Charcot, des suites d’un accident vasculaire cérébral ou de toutes les maladies qui pèsent lourdement sur la personne, soit accompagnée différemment en fonction du critère de l’âge, c’est-à-dire, après 60 ans, avec une aide financière dérisoire qui ne permet pas de répondre aux besoins ?

Cette question a été évoquée en commission, puisqu’un amendement avait été présenté par une de nos collègues de la majorité, mais il n’a pu être accepté. Madame la secrétaire d’État, il s’agit là d’une question de justice et d’égalité : il convient de faire en sorte que toutes les personnes soient prises en compte dans les mêmes conditions et, surtout, de ne pas mettre en péril les conditions de vie de personnes qui supportent déjà un handicap et qui, après l’âge de 60 ans, subissent des conditions de vie très difficiles.

M. Frédéric Reiss. Très bien !

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly