SOMMAIRE
1. Projet de loi de finances pour 2014
Première partie (suite)
Amendement no 770 rectifié
Amendements nos 57 , 699 , 883 , 582 , 949
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 778 rectifié , 60 , 110 , 629 , 472 , 879 , 27 , 501 deuxième rectification , 908
Amendements nos 198 , 199 , 1095 , 1104 (sous-amendement) , 535 , 195 , 768 (rectifié) , 700 , 882 , 697 , 880 , 280 rectifié , 1103 (sous-amendement) , 1102 (sous-amendement) , 698
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 281 , 631 , 716 rectifié
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures quarante.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2014 (nos 1395, 1428).
M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 100, portant article additionnel après l’article 7.
Je suis saisi d’une série d’amendements, nos 770 rectifié, 57, 699, 883, 582 et 949 pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 57, 699 et 883 sont identiques.
La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 770 rectifié.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre, par cet amendement, que j’ai cosigné avec plusieurs collègues, nous mettons en lumière les difficultés résultant de l’augmentation du taux intermédiaire de TVA sur les services de collecte et de traitement des ordures ménagères. Nous avons eu ce débat il y a deux ans, lorsqu’on est passé de 5,5 % à 7 % : cette augmentation réduite avait permis d’absorber le surcoût dans le service. En revanche, j’ai constaté, lors d’une assemblée de maires du département de l’Eure, au vu des calculs de chaque élu, qu’un passage de 7 % à 10 % de la TVA sur la collecte et le traitement des déchets entraînerait inéluctablement des augmentations sensibles, à qualité de service maintenue, de la taxe d’enlèvement sur les ordures ménagères, à moins que l’on réduise les investissements.
Monsieur le ministre, je vous souhaite appeler votre attention sur le point suivant. Nous sommes en présence d’un service quotidien, presque de première nécessité, en tout cas, pour reprendre la terminologie qu’employait hier le rapporteur général, d’un service « subi », car on ne peut y échapper. Il y a quand même un paradoxe dans le fait d’abaisser la TVA sur les places de cinéma – auquel on peut choisir de ne pas aller, ou d’aller moins souvent – et d’augmenter la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, qui est, je le répète, un service de première nécessité. On voit donc qu’avec le choix de l’augmentation du taux intermédiaire de TVA, on va se trouver confrontés constamment à des difficultés à l’égard de services de première nécessité. Aussi vaudrait-il mieux maintenir le taux réduit de TVA. Tel est l’objet de cet amendement, qui recueillera, je pense, le soutien de tous les élus locaux ici présents.
M. Xavier Bertrand et M. Marc Le Fur. Très bien !
M. le président. Je suis saisi d’amendements identiques nos 57, 699 et 883.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 57.
M. Marc Le Fur. Monsieur le président de la commission, vous avez notre soutien total, parce qu’on ne peut pas énoncer le principe selon lequel tout ce qui concerne le traitement des déchets et de l’assainissement relève de la première nécessité et ne pas traduire ce principe en termes fiscaux.
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Organisation mondiale de la santé.
Or en augmentant le taux de TVA sur ce type de services, vous allez non seulement compliquer la vie d’un certain nombre de services locaux mais également augmenter, par répercussion, la taxe des ordures ménagères ou la redevance sur les ordures ménagères. On sait par ailleurs que le prix d’un certain nombre de ces services a déjà sensiblement augmenté et qu’un certain nombre de nos concitoyens s’en irritent. Arrêtons donc cela ! Sachons reconnaître qu’il s’agit d’un service indispensable, comme l’a parfaitement rappelé le président de la commission des finances, et que le taux de TVA qui y est appliqué doit par conséquent rester raisonnable.
M. Xavier Bertrand. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement no 699.
M. Jean-Christophe Fromantin. Je partage le point de vue de ceux qui se sont exprimés sur les différents amendements qui viennent d’être présentés. Sur un sujet comme celui-là, qui est un sujet politique majeur, tout le monde doit aller dans le même sens : les décisions qui ont été prises par l’État au moment de la conférence environnementale allaient dans ce sens et les collectivités mobilisent également, vous le savez, beaucoup d’énergie pour mettre en œuvre la transition énergétique.
Cette disposition complémentaire, qui vise les ménages et qui les incite à participer aussi à cet effort, donnerait une cohérence aux intentions et aux gestes politiques nécessaires pour la transition énergétique. Une telle réduction de TVA serait tout à fait appropriée et pertinente.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 883.
M. Nicolas Sansu. Cet amendement, qui est commun à beaucoup de groupes, propose l’application d’un taux de TVA de 5,5 % à la gestion des déchets. Le coût de la gestion des déchets ménagers, qui est bien entendu un service public de première nécessité, a considérablement augmenté ces dernières années. Au total, tous prélèvements confondus – TVA, taxe générale sur les activités polluantes, frais d’assiette et de recouvrement – nous avons désormais franchi en la matière le seuil du milliard d’euros de prélèvements annuels pour un coût global de prestation de plus de 8 milliards d’euros.
La hausse correspond d’ailleurs à un quasi-doublement, puisqu’en à peine deux ans, on passera non pas de 7 % à 10 % mais de 5,5 %, car je rappelle que c’était le taux qui était appliqué jusqu’en janvier 2012, à 10 % en janvier 2014, ce qui est considérable. Il est en effet estimé que ce sont entre 110 et 210 millions d’euros qui seront inévitablement répercutés sur le contribuable. La hausse qui doit intervenir au 1er janvier 2014 est donc loin d’être neutre, que ce soit pour le contribuable ou pour les finances locales, d’autant que la compensation versée par le Fonds de compensation de la TVA n’est que partielle. Ne sont en effet éligibles que les dépenses d’investissement, qui représentent 12,5 % des dépenses en matière de gestion des déchets.
La réponse est toujours la même : le Gouvernement laisse entendre que la hausse du taux de TVA sera compensée par la répercussion du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont bénéficieront évidemment les entreprises de collecte et de traitement des déchets. Que les grands opérateurs, qui sont en situation de quasi-monopole, fassent un geste pour compenser la hausse de la TVA nous semble toutefois quelque peu illusoire.
Par ailleurs, monsieur le ministre, il me semble que procéder à la fois à cette hausse de TVA sur des services rendus par les collectivités, qui sera donc répercutée via la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, et à la baisse des dotations, qui touche d’abord le bloc communal, chargé de cette mission, est tout de même de mauvais aloi.
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 582.
M. Éric Alauzet. Nous allons avoir un débat récurrent sur l’ensemble des cibles pour lesquelles le taux de TVA a été porté de 7 % à 10 % ; cela est lié au choix originel qui a été fait, et j’ai expliqué hier pourquoi ce n’était pas le nôtre. Maintenant, nous ramons.
Nous avons obtenu de belles satisfactions sur le logement, c’est vrai. Mais je souhaite aujourd’hui appeler votre attention sur le fait que les services de collecte des déchets présentent des spécificités : près de 80 % du financement de ces services provient non pas de la redevance mais de la taxe ; il est fréquent que la TVA ne soit pas récupérable ; ce service est, plus souvent que dans d’autres domaines, effectué en régie, ce qui ne permet pas de compenser la hausse de TVA par le bénéfice du CICE.
Tous ces éléments ont pour conséquence que, comme le montrent les calculs, sur les 4,5 points supplémentaires de TVA, 1,5 point sera récupéré et les 3 points restants seront directement répercutés sur les usagers.
Le sujet est en outre extrêmement sensible. La situation est par exemple bien différente avec la politique de l’eau, qui a été lancée voilà un siècle et qui est désormais stabilisée, ce qui n’est pas du tout le cas de la politique des déchets. Celle-ci est relativement récente – elle remonte à quelques décennies – et a connu des bouleversements réguliers liés à la modernisation et à la diversification des filières, notamment, et des augmentations continues depuis trente ans. De ce fait, les élus assument très mal toute hausse. J’ai moi-même présidé un syndicat mixte, et je vous assure que la moindre augmentation de cinquante centimes créait immédiatement des réactions importantes. Enfin, pour la population, la taxe et la redevance sont également des sujets extrêmement sensibles.
Je pense donc qu’il faut accorder une attention particulière à ce sujet. Compte tenu des difficultés budgétaires que nous connaissons actuellement, je vous fais une proposition raisonnable : appliquer un taux de TVA à 5,5 % non pas à tous les champs de l’activité de collecte des déchets mais uniquement à la partie qui correspond à l’économie circulaire. Il s’agit en effet d’un grand chantier, qui a fait l’objet de la première table ronde de la conférence environnementale. Le recyclage des déchets, la transformation des déchets en ressources est en outre souvent présenté comme l’emblème de l’économie circulaire, et il y aurait donc derrière ce choix un message politique extrêmement fort, qui consisterait à faire du recyclage l’étendard de la politique de traitement des déchets.
Le coût d’une telle mesure représente quelques dizaines de millions d’euros. Nous vous proposons régulièrement de supprimer les déductions sur la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, pour un montant équivalent. Ce serait donc une passerelle extrêmement commode à établir.
M. le président. La parole est à M. Marc Goua, pour soutenir l’amendement no 949.
M. Marc Goua. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune.
M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission a repoussé l’ensemble de ces amendements. Il est vrai que la discussion entre ce qui est subi et ce qui est choisi pourrait nous occuper ici ou au café du commerce pendant de longues heures. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Bien entendu, chers collègues ! Est-ce que l’achat du véhicule d’une personne qui habite loin de son domicile et qui ne bénéficie pas de l’offre de transports publics est une dépense choisie ? Est-ce que le service d’assainissement est une dépense subie, puisque chacun s’accorde à reconnaître que l’assainissement des eaux usées doit être considéré de la même façon que l’enlèvement ou le traitement des ordures ménagères ?
Cet argument aurait pu cadrer une politique, mais le Gouvernement n’a pas souhaité mener une politique de choix de niveau de taux de TVA. Ce qui est subi, ce sont surtout les contraintes budgétaires qui pèsent sur notre héritage. Le coût de ces amendements dépasse la centaine de millions d’euros, selon le calibrage retenu. J’ai bien noté, monsieur Alauzet, que vous avez proposé un amendement de repli, mais vous souhaitez dans le même temps modifier les montages de type TGAP, qui sont complexes. Or, quand nous proposons de le faire, on me répond que l’ensemble s’équilibre et commence à produire ses effets, et vous, vous suggérez de substituer de la TGAP à de la TVA, ou de la TVA à de la TGAP. J’avoue que cela manque de cohérence.
Dans l’organisation prévue, les TGAP ont la vertu de permettre l’affectation de recettes spécifiques à des filières spécifiques, avec l’intervention parfois d’organismes spécifiques, alors que la TVA est universelle.
Pour toutes ces raisons, et certainement quelques autres que je n’ai pas le temps de développer ce matin, des choix ont été faits. Ils sont certes guidés par des contraintes budgétaires, mais ils ont permis de préserver, et quelques-uns parmi vous ont eu l’honnêteté de le rappeler, mes chers collègues, des priorités absolues telles que la construction, le logement social et la transition énergétique. Vous comprendrez qu’il est impossible pour la commission de donner un avis favorable à ces amendements qui représentent un coût de plus de 120 millions d’euros.
M. le président. Sur l’amendement no 770, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements en discussion commune.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Avant que ces amendements ne soient soumis au vote, je voudrais rappeler l’équation globale à laquelle nous sommes confrontés. Nous souhaitons, les uns et les autres, et je crois que c’est ce qui nous rassemble sur tous ces bancs par-delà nos sensibilités politiques, procéder au redressement de nos comptes.
Sur la TVA, nous avons fait des gestes très significatifs, qui représentent des efforts budgétaires non négligeables. Je pense au taux réduit de TVA sur le logement social et sur la rénovation thermique, deux mesures qui, à elles seules, représentent un effort budgétaire de près de 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas rien. Par conséquent, aller au-delà, en l’absence de gage significatif compte tenu du niveau de dépenses fiscales que représentent ces amendements visant à appliquer des taux réduits de TVA qui vont être soumis au vote successivement, poserait un problème budgétaire sérieux que nous ne saurions pas surmonter. Je tenais à le préciser à ce stade de notre discussion pour qu’on ait bien conscience, d’une part, de l’effort que nous avons consenti, et, d’autre part, de l’extrême difficulté d’en faire davantage.
Pour ce qui concerne le sujet plus particulier qui est traité au travers de ces amendements, je voudrais dire au président de la commission des finances et à l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés pour défendre leur amendement que nous avons fait un calcul très précis, très méticuleux de ce qu’impliqueront la mise en œuvre du CICE et l’application du nouveau taux de TVA pour le secteur de l’eau et des déchets. Le secteur recevra au titre du CICE 230 millions d’euros au total tandis que l’augmentation du taux de TVA représentera 60 millions d’euros. Le secteur est donc globalement bénéficiaire net du dispositif. Si l’on exclut du calcul la politique de l’eau pour ne retenir que le secteur des déchets, on se trouve alors à l’équilibre.
J’appelle votre attention sur le fait que tous ces sujets ont été intégrés à nos raisonnements. Par conséquent, il n’y a pas de mauvaise manière faite à ce secteur. Pour s’assurer de la justesse du raisonnement, il suffit en outre d’observer la structure d’emploi et de main-d’œuvre de ces entreprises : elles sont très pourvoyeuses de main-d’œuvre, et c’est précisément à ce type d’entreprises que le CICE bénéficie essentiellement, dans la limite de 2,5 fois le SMIC.
Nous allons certainement discuter pendant un bon moment de nombreux amendements sur le sujet mais après avoir fait des efforts très significatifs sur les taux réduits de TVA pour deux secteurs stratégiques, le logement social et la rénovation thermique, nous n’avons pas, mesdames messieurs les députés, de marge pour aller bien au-delà.
M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. Le groupe SRC votera contre ces amendements et, comme l’a indiqué à l’instant M. le ministre, tous les autres qui porteront sur la TVA.
La situation est assez simple : chacun de ces amendements, en lui-même, est cohérent et peut se justifier. En revanche, leur addition ne serait ni cohérente ni justifiée par rapport à nos objectifs et à nos contraintes.
Nous avons voté il y a un an une restructuration des taux de TVA en France, avec un taux intermédiaire de 10 % réellement intermédiaire, un taux normal plafonné à 20 %, contrairement à ce qu’avaient été et à ce que pourraient encore être les intentions de l’actuelle opposition, qui l’avait porté à 21,2 % et pourrait vouloir qu’on le porte par ordonnance à 24 %, et un taux réduit de 5,5 %, puisqu’il en a été décidé ainsi hier.
Comme cela a déjà été rappelé, compte tenu de l’engagement qui avait été pris il y a un an, nous avons opéré un transfert de produit de TVA de l’ordre de 1,5 à 2 milliards d’euros en faisant appliquer un taux non plus intermédiaire mais réduit sur les objectifs prioritaires essentiels, ce qui est tout à fait significatif.
Notre vote d’aujourd’hui ne clôt pas le débat pour l’avenir, sur ce sujet comme sur la fiscalité des ménages et la fiscalité des entreprises.
Lorsque l’effort de redressement des finances publiques aura porté ses fruits, lorsque les politiques économiques auront permis de faire repartir la croissance et de dégager de réelles marges de manœuvre, nous pourrons poursuivre la réforme fiscale avec des priorités, notamment les biens essentiels, sur lesquels portent des impôts sur la consommation comme la TVA, dont nous connaissons les effets particuliers.
Le groupe SRC ne ferme pas la porte à des évolutions futures, à condition que les efforts d’économies sur la dépense publique soient suffisants. Mais à cette heure, compte tenu de nos choix politiques et des mesures relatives au pouvoir d’achat qui ont été votées hier à hauteur d’1,5 milliard d’euros, nous ne pouvons, en responsabilité, voter ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 770 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 56 |
Nombre de suffrages exprimés | 54 |
Majorité absolue | 28 |
Pour l’adoption | 17 |
contre | 37 |
(L’amendement no 770 rectifié n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 57, 699 et 883 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 582 et 949, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinq, est reprise à dix heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 778 rectifié.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cet amendement concerne cette fois les services de distribution et d’assainissement de l’eau. Je serai bref : quel est le service de première nécessité par excellence, si ce n’est l’eau ? Nous sommes confrontés à cette situation paradoxale et incompréhensible qu’un certain nombre de services liés au cycle de l’eau seront facturés avec un taux de TVA de 10 % alors qu’une bouteille d’eau minérale est soumise, dieu merci, au taux réduit.
Le Gouvernement a vraiment eu tort de faire porter l’effort sur ces services en leur appliquant le taux intermédiaire. Ce n’était pas la bonne démarche à adopter, je vous le répète. Monsieur le ministre, vous avez essentiellement mis en avant la question des marges de manœuvre et des recettes disponibles. Ayez donc le courage de soumettre au taux prévu ce qui est essentiel, les produits importés. Avec une augmentation qui reste faible, vous obtiendrez un rendement important.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez raison, Monsieur Carrez, l’eau du robinet coûte environ 1000 fois moins que l’eau en bouteille. Ce n’est certainement pas le taux de TVA qui explique un tel écart. L’adoption de votre amendement ferait qu’au lieu d’être mille fois moins chère au robinet qu’en bouteille, l’eau le serait 999 fois moins, ce qui ne changerait rien. Je trouve par ailleurs curieux que, systématiquement, sur le plan budgétaire, vous gagiez de cette façon très générale vos amendements. Le ministre a donné tout à l’heure une explication très claire. L’application du taux réduit en matière de logement ou de rénovation thermique représente déjà un manque à gagner d’1 milliard d’euros pour l’État : nous ne pouvons pas aller plus loin. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne l’ai pas fait en arrivant, monsieur le président, mais je voudrais tout d’abord présenter mes excuses à l’ensemble des parlementaires pour mon retard. Je n’ai pas l’habitude d’arriver en retard et si cela se produit ce matin, c’est pour des raisons totalement indépendantes de ma volonté. Je ne voudrais pas que les parlementaires y voient un manque de courtoisie.
S’agissant de l’amendement, je partage l’avis du rapporteur général. Pour des raisons budgétaires que j’ai exposées tout à l’heure, je ne peux y être favorable, même si j’en comprends la logique.
(L’amendement no 778 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 60 et 110, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 60.
M. Marc Le Fur. Cet amendement pose une question importante, sans prétendre pouvoir y répondre, celle de l’écart croissant entre les taux de TVA.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Marc Le Fur. L’alimentation classique est soumise au taux de TVA à 5,5 % tandis que la restauration va passer d’un taux de 7 % à 10 %. Or, nombre d’enseignes sont, en quelque sorte, des chauves-souris, pratiquant la vente directe à emporter et la consommation sur place. Je pense à ces enseignes de type américain, comme Mac Donald’s. Elles appliqueront tantôt un taux de TVA, tantôt un autre, en demandant aux consommateurs quel taux ils souhaitent se voir appliquer. Lorsque l’écart est de cinq points, les dérives sont fort possibles, vous en conviendrez tous ! Elles profiteront aux réseaux qui offriront aux consommateurs la possibilité de payer moins cher, au détriment d’autres services de restauration. S’il est possible de ne payer qu’un taux de 5,5 % dans une enseigne où l’on peut consommer sur place, mais 10 % dans un restaurant ouvrier, le problème de distorsion de concurrence est bien réel entre des réseaux distincts. Je tiens absolument à ce que l’on s’occupe de ce sujet ! Je vous propose pour ma part une solution simple : un réseau de vente ne peut appliquer qu’un taux de TVA, soit à 5,5 % lorsqu’il s’agit simplement d’une vente d’aliments que l’on consomme ailleurs, soit à 10 % si un service de restauration est également proposé, que le consommateur l’utilise ou non. Si l’on n’adopte pas une telle mesure, les restaurants ouvriers, les restaurants modestes, qui offrent un service plus traditionnel, où l’on est servi à table, seront les premières victimes tandis que les nouvelles chaînes, qui se multiplient en ville comme à la campagne, en sortiront gagnantes.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 110.
Mme Claudine Schmid. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce sujet est bien connu et a donné lieu à des séances épiques dans cet hémicycle, dont quelques-uns ici se souviennent. Cela avait d’ailleurs conduit la majorité précédente à prendre une instruction fiscale que tout le monde connaît. Ce texte comporte une douzaine de pages visant à distinguer selon qu’il y a ou non des couverts dans les salades, ou encore une paille accompagnant les boissons vendues.
M. Olivier Carré et M. Marc Le Fur. Cela va s’accentuer !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Non, ce qui s’accentuerait, mes chers collègues, si nous adoptions cet amendement, ce serait,…
M. Olivier Carré. La justice !
M. Christian Eckert, rapporteur général. …tout au contraire, la complexité.
Aujourd’hui, il est vrai, le système est complexe – nous n’en sommes d’ailleurs pas responsables –, mais si nous bougions les curseurs, ce serait bien pire. Vous avez d’ailleurs reconnu vous-même, monsieur Le Fur, que votre amendement n’était pas la solution permettant de remédier à la complexité du problème.
M. Guillaume Bachelay. Eh oui, il l’a dit !
M. Christian Eckert, rapporteur général. En adoptant cet amendement, on conserverait la complexité, à laquelle les acteurs du secteur ont bien été forcés de s’accoutumer. Aujourd’hui, ils connaissent les règles du jeu, quand bien même ces dernières seraient trop complexes, ce dont, une fois encore, vous portez la responsabilité. Changer le dispositif comme vous le proposez ne serait pas la solution.
En ce qui concerne l’amendement no 110, vous devriez faire attention de temps en temps à ce que vous écrivez : tel qu’il est rédigé, le traiteur de luxe serait moins taxé que le restaurant ouvrier, ce qui nous paraît pour le moins paradoxal !
M. Marc Le Fur. C’est déjà le cas avec ce que vous prévoyez !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Pour ces raisons, la commission n’a pas retenu ces amendements, indépendamment même de l’aspect financier que nous invoquons à chaque reprise. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Vous nous dites, monsieur le rapporteur général, que c’est un débat habituel. Je conteste cette appréciation.
M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est votre droit !
M. Marc Le Fur. Certes, le débat est récurrent, mais, naguère, la différence était entre 5,5 % et 7 %. L’enjeu, sans être négligeable, n’était pas majeur. Maintenant, la différence est entre 5,5 % et 10 %. L’application des textes que vous allez prendre va porter préjudice à ce que j’appelle le restaurant ouvrier, c’est-à-dire le lieu où l’on s’assoit et où l’on mange pour une somme modeste, mais où l’on est taxé à 10 %, tandis que, au McDo, le taux de TVA sera autrement plus faible – 5,5 %. Le client prétendra que c’est pour emporter, puis consommera sur place, comme au restaurant, en étant assis bien au chaud.
Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !
M. Marc Le Fur. Mais si, mes chers collègues, car, de fait, cela ne sera pas contrôlé : vous n’aurez pas en permanence une personne qui surveille.
La solution, qui relève d’ailleurs du simple bon sens, est donc de faire en sorte qu’une enseigne ne puisse appliquer qu’un seul taux de TVA. On distinguerait celles qui n’offrent pas de services annexes à la fourniture d’un bien alimentaire, auxquelles on appliquerait le taux de 5,5 %, de celles qui permettent par exemple de s’asseoir et qui réchauffent la nourriture – là, on est dans le cadre de la restauration traditionnelle.
Si vous ne faites pas cela, vous allez porter préjudice aux restaurants ouvriers. J’ajouterai que c’est déjà le cas avec l’augmentation sensible de la TVA à laquelle vous procédez – pour notre part, il y a quelques années, nous avions au contraire pris la décision de la diminuer. Outre que ces aléas sont extrêmement redoutables pour ce type de restauration, la concurrence va devenir très déloyale.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur Le Fur, je ne voudrais pas donner l’impression de mépriser votre réflexion. Je compléterai donc mon propos en vous fournissant quelques arguments supplémentaires, cette fois un peu plus techniques.
Votre amendement évoque des « services connexes ». Je ne sais pas dire de quoi il s’agit. Il faudra sans doute, pour le préciser, une instruction fiscale aussi volumineuse que la précédente. S’agit-il du service à la table ? Des commandes en ligne ? De la présence d’un parking ? On peut tout imaginer.
Une fois encore, le sujet est complexe et c’est vous l’avez complexifié il y a deux ans lors de votre réforme.
M. Dominique Baert. C’est vrai !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous le déplorons, mais les choses sont désormais établies et les habitudes sont prises. Or vous proposez d’ajouter un élément qui n’est absolument pas fonctionnel. Je sais que l’on pourrait me reprocher de juger systématiquement de la qualité des amendements au regard de ce critère, mais force est de constater, en l’espèce, que, outre son coût budgétaire, vôtre amendement est totalement inopérant. Pardon de vous le dire avec cette franchise qui est parfois l’un de mes caractéristiques. (Sourires.)
(Les amendements nos 60 et 110, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 629.
M. Éric Alauzet. Cet amendement vise, pour un coût très modéré – ce qui est tout de même l’une de nos préoccupations –, à soutenir le secteur de la restauration bio, notamment dans la restauration collective, en diminuant la TVA sur les produits biologiques vendus en restauration hors foyer. On estime que cette mesure pourrait créer près de 8 000 emplois en quelques années par l’installation de nouveaux paysans pratiquant l’agriculture bio mais aussi dans le secteur de la restauration.
Par ailleurs, cette mesure pourrait faire un écho au programme « Ambition bio 2017 », porté par le Gouvernement, dont le premier objectif, fixé dans la feuille de route gouvernementale pour la transition écologique, est de doubler le pourcentage de surface agricole en agriculture biologique d’ici à la fin 2017 par rapport à 2012. Pour ce faire, la structuration des filières et le soutien aux acteurs économiques sont indispensables.
Enfin, la mesure permettrait de rendre accessible à un plus large public l’offre bio dans les restaurants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne sous-estime pas l’importance de l’objectif, mais – pardon d’avoir une nouvelle fois le regard qui doit être celui d’un rapporteur, qui consiste à analyser les amendements –, pensez à la complexité que cela engendrerait. Il faudra vérifier si, dans un restaurant, les ingrédients répondent à des normes biologiques. Or que se passera-t-il si le chou-fleur est bio mais que la saucisse qui l’accompagne ne l’est pas ? (Sourires.) Songez que l’on nous reproche trop souvent de faire des textes trop complexes – c’est le vaste débat autour de la simplicité, de la justice et de toutes les dérogations, dont certaines sont nécessaires, d’autres possibles et d’autres encore superflues.
M. Olivier Carré. Eh oui ! Nous ne sommes pas sortis d’affaire !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Il y a, effectivement, de nombreux sujets à traiter.
Par ailleurs, je voudrais tout de même vous rappeler, mon cher collègue, qu’il y a bien d’autres instruments, y compris fiscaux,…
M. Olivier Carré. Tout à fait !
M. Christian Eckert, rapporteur général. …pour soutenir une filière que, comme vous, nous entendons soutenir.
Il existe des crédits d’impôt pour l’agriculture biologique et des dispositions en matière de commandes publiques pour favoriser l’utilisation des produits bio.
Très honnêtement, la disposition que vous proposez de voter se révélerait si difficile à mettre en œuvre qu’elle en deviendrait totalement inopérante. Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis. Une bonne disposition fiscale est une disposition simple dans sa conception comme dans son application. Or celle-ci est compliquée et difficilement applicable pour les raisons qu’a fort bien illustrées le rapporteur général avec son exemple du chou-fleur et de la saucisse. Je propose donc moi aussi que l’on ne retienne pas cet amendement.
(L’amendement no 629 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 472, 879, 27, 501 deuxième rectification et 908, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 501 deuxième rectification et 908 sont identiques.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 472.
M. Éric Alauzet. Avant 2012, le livre, le cinéma, les musées et le spectacle vivants bénéficiaient, au nom du soutien à la culture et à l’exception culturelle française, d’un taux de TVA à 5,5 %. Le précédent gouvernement a porté ce taux à 7 %, sauf pour le livre, qui restait taxé à 5,5 %. L’année dernière, la différence de TVA pour l’accès à la culture a été aggravée puisqu’il a été décidé que le taux passerait de 7 % à 10 % en 2014, sauf pour le livre, qui serait taxé à hauteur de 5 %.
Le projet de loi de finances dont nous discutons actuellement propose de diminuer la TVA pour les tickets de cinéma en les ramenant à 5 %, comme pour le livre. Il ne faut pas s’arrêter là : nous devons retrouver un taux unique pour la culture, afin de marquer le soutien politique à tout le secteur grâce à un taux réduit à 5 %, non seulement pour le livre et le cinéma, mais aussi pour les parcs zoologiques et botaniques, les musées, les monuments, les grottes, les expositions culturelles, les cessions de droits patrimoniaux, les rémunérations versées aux auteurs d’œuvres de l’esprit ainsi que pour le soutien des collectivités aux télévisions locales.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 879.
M. Nicolas Sansu. Il s’agit, comme vient de le dire notre collègue M. Alauzet, d’une question de cohérence de la politique de soutien à la culture et de défense de l’exception culturelle conduite par le Gouvernement. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, l’a d’ailleurs très bien expliqué hier soir.
Le nombre d’amendements portant sur les différents taux de TVA montrent bien qu’il y a, dans ce domaine, un manque de lisibilité et de cohérence pour certains secteurs.
Je sais bien que mon amendement recueillera un avis défavorable. Je profite néanmoins de cette occasion pour dire mon regret que le travail en commun sur la refonte de la TVA, pourtant appelé de leurs vœux par tous les parlementaires lors du collectif budgétaire de décembre 2012 et annoncé, n’ait pas eu lieu – quand bien même il s’agissait de compenser le CICE, ce à quoi, vous le savez, je n’y étais pas favorable. En dehors de la restauration, sur laquelle un rapport a été rédigé, la réflexion n’a pas avancé. La commission devait pourtant être saisie de cette question dans sa globalité. Il est regrettable que tel n’ait pas été le cas, car on en est réduit à passer en revue un à un tous les secteurs qui, à notre sens, mériteraient un autre traitement.
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 27.
M. Marc Le Fur. Si nous sommes légitimes pour défendre ce type d’amendements, c’est parce que nous, nous avions une autre solution, laquelle consistait à rehausser – modestement – le taux normal de TVA et à épargner le taux intermédiaire. Vous avez pris une autre voie ; moralité, vous portez préjudice à un certain nombre d’activités, en particulier à celles qui s’exercent en famille.
Que fait-on, en effet, en famille le dimanche ? (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Launay. Du shopping, peut-être ?
M. Bruno Le Roux. Ou du bricolage !
M. Marc Le Fur. On va au zoo ou dans les parcs de loisirs. Grâce au Puy du Fou, nos compatriotes réapprennent notre histoire et notre identité ; grâce au Futuroscope, ils réapprennent les sciences. De telles initiatives permettent de vulgariser un certain nombre de réalités scientifiques. Or vous portez préjudice à tout cela.
En termes économiques, cela pèse énormément, en particulier aux alentours de ces parcs. J’ajouterai que les parcs de loisirs subissent la double peine, puisque, comme vous le savez, ils vont également subir la hausse de la TVA sur la restauration.
Les loisirs familiaux, cela compte aussi ; la possibilité de s’extraire de son ordinaire pour découvrir un lieu intéressant, c’est aussi important, en particulier pour les plus jeunes. Nous aurions donc tout intérêt à réfléchir à deux fois avant d’augmenter de façon aussi sensible la TVA sur l’ensemble de ces parcs.
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour soutenir l’amendement no 501 deuxième rectification.
Mme Annick Girardin. Comme les orateurs précédents, mes collègues Alain Tourret, Jeanine Dubié et Olivier Falorni souhaitent, à travers cet amendement, alerter le ministre du budget sur la situation difficile que risquent de rencontrer les parcs zoologiques si nous ne restaurons pas le taux réduit de TVA.
De fait, ces parcs sont déjà touchés par la hausse de la TVA prévue pour la restauration et l’hôtellerie, activités qui concourent à l’offre d’un produit global. Avec la hausse de la TVA sur les droits d’entrée, la pérennité de certains établissements se trouverait menacée. Les parcs zoologiques représentent pourtant 2 000 emplois en CDI et 2 000 emplois en CDD, ce qui n’est pas négligeable.
M. Marc Le Fur. Eh oui ! On aurait aimé entendre la ministre du tourisme sur ce sujet !
Mme Annick Girardin. De plus, ils exercent une activité soumise par les règles communautaires et françaises à l’obligation d’assurer des missions spécifiques. L’arrêté ministériel du 25 mars 2004, reprenant la directive européenne « zoo », impose ainsi aux parcs zoologiques trois principales missions d’intérêt général en matière de préservation de la biodiversité, d’éducation du public et de recherche scientifique.
Il convient donc se poser la question de l’harmonisation des taux. À cet égard, j’approuve l’amendement no 472 de Mme Attard, qui englobe plus largement tout ce qui a trait à la culture, à la pédagogie et aux loisirs. En l’état, nous allons pénaliser l’ensemble de ces parcs ainsi qu’un grand nombre d’emplois.
M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement no 908.
M. Patrice Martin-Lalande. J’ai déposé cet amendement avec MM. Bertrand, Herbillon, Quentin, Leroy, Bussereau et d’autres – une trentaine de signataires en tout. Comme le précédent, il a pour objet de restaurer le taux réduit de TVA qui était appliqué depuis 1972 aux droits d’entrée des parcs zoologiques. En effet, ces parcs sont déjà affectés par la hausse de la TVA sur la restauration et l’hôtellerie, deux activités qui concourent à l’offre globale et à l’équilibre de ces sociétés. Une hausse de la TVA sur les droits d’entrée menacerait la pérennité de certains établissements, qui devraient naturellement la répercuter sur les tarifs d’entrée.
Le nombre d’emplois concernés a été rappelé : 2 000 CDI et 2 000 CDD non délocalisables. Rappelons également que les parcs zoologiques, outre leurs activités d’intérêt général liées à la conservation, à la pédagogie et à la recherche, exercent une activité agricole proche du spectacle vivant par la mise en scène pédagogique de la vie des animaux. Il serait paradoxal – et même incompréhensible – que ce spectacle vivant qui présente la biodiversité à des fins pédagogiques et scientifiques soit taxé davantage que les cirques, qui ne poursuivent pas ces objectifs.
Les parcs zoologiques exercent une activité prévue par la réglementation française et communautaire et assurent des missions d’intérêt général : préservation de la biodiversité, éducation du public, recherche scientifique. Les zooparcs mettent notamment leurs collections à la disposition des chercheurs et participent souvent au financement direct de leurs recherches.
Le Gouvernement, monsieur le ministre, a dû renoncer à plusieurs mesures de « verdissement » de la fiscalité en raison de leur coût pour les finances publiques, comme cela a été rappelé plusieurs fois ce matin. Avec l’amendement que nous vous proposons, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont l’occasion de démontrer que lorsque le coût – quatre millions d’euros seulement – est faible voire nul pour les finances publiques, c’est bien la volonté de transformer la fiscalité au service de l’environnement qui l’emporte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Xavier Bertrand. J’ai demandé la parole, monsieur le président.
M. le président. L’amendement a été défendu. Nous devons désormais entendre les avis de la commission et du Gouvernement ; vous pourrez vous exprimer ensuite.
M. Xavier Bertrand. Non, je suis cosignataire de l’amendement, j’ai donc le droit de le défendre ! Le débat vous gêne-t-il ?
M. le président. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur général.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Avant toute chose, je conteste le coût de l’amendement – quatre millions d’euros – tel qu’annoncé par M. Martin-Lalande. Ensuite, M. Sansu prétend qu’aucun travail n’a été accompli en commission sur la TVA.
M. Nicolas Sansu. Je n’ai pas dit cela.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Si, précisément. Je vous concède que la commission n’a pas préparé de rapport sur la question, mais l’observateur attentif des travaux de la commission que vous êtes n’aura pas manqué de constater que nous avons balayé un certain nombre de possibilités d’évolution des taux, y compris le taux normal. Ce n’est finalement pas ce choix qui a été fait.
Je rappelle donc qu’en l’état, il n’existe que trois taux de TVA, et qu’il est impossible de créer un quatrième taux intermédiaire – ce qui est d’ailleurs regrettable.
M. Patrice Martin-Lalande. Il existe pourtant bien un quatrième taux pour la presse papier !
M. Christian Eckert, rapporteur général. En effet, mais c’est un taux dérogatoire figé qui concerne entre autres le médicament et la presse et qui ne saurait évoluer. En tout état de cause, il n’est pas possible de créer un nouveau taux, même si certains l’ont envisagé pour la restauration, par exemple – quoique dans ce secteur, la baisse de la TVA n’ait guère eu d’effet sur les prix, comme l’a montré l’édifiant rapport de M. Thévenoud.
Je m’attends naturellement à ce que la question de la baisse de la TVA soit évoquée sujet après sujet. Je rappelle néanmoins que le choix a été fait de l’abaisser pour un montant de l’ordre d’un milliard d’euros dans plusieurs secteurs que le Gouvernement et la majorité ont jugé ultra-prioritaires – le logement social, le logement intermédiaire ou encore les travaux de rénovation énergétique – et pour lesquels cette mesure permettra de créer de nombreux emplois. Votre amendement, qui concerne un autre secteur, comme tous ceux qui ont été défendus dans cette discussion commune, ne peut donc pas être adopté.
(M. Marc Le Fur remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La plupart de ces amendements concernent le secteur culturel. Vous le savez, nous prenons dans ce projet de loi de finances une disposition particulière concernant le cinéma, qui est un bien culturel massivement consommé par les Français ainsi qu’une voie d’accès privilégiée à la culture. Cette mesure a été décidée parce que le Président de la République et le Gouvernement défendent l’exception culturelle et parce qu’elle est cohérente avec le taux réduit de TVA qui s’applique à plusieurs biens culturels. Le dispositif d’ensemble est tout à la fois logique et fort, en plus d’être financé.
Je le répète une nouvelle fois : nous ne pouvons pas aller plus loin et financer d’autres baisses de taux. J’émets donc un avis défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.
M. Xavier Bertrand. Je voudrais commencer par un rappel au Règlement, monsieur le président. Le débat se déroule bien, sans obstruction, mais il faut lui donner toute sa place. Décider qu’un cosignataire d’amendement qui a demandé la parole ne pourra s’exprimer que pour répondre à la commission et au Gouvernement tient d’une interprétation particulièrement restrictive de notre Règlement.
M. Denis Baupin. Relisez le Règlement !
M. Xavier Bertrand. Gare à ne pas provoquer un débat haché et fracturé : personne n’y gagnerait. Aucun d’entre nous n’a abusé de son temps de parole ; lorsque l’on nous prive de ces droits constitutionnels que sont le droit d’amendement et le droit d’expression dans l’hémicycle, c’est la démocratie parlementaire que l’on ne respecte plus complètement.
M. Olivier Carré. Très bien !
M. Xavier Bertrand. Puisque j’ai été privé de débat plus tôt, je vais donc maintenant répondre au rapporteur. Les zoos sont soumis à un régime de taux réduit qui existe depuis quarante ans. Vous n’avez pas souhaité reprendre la TVA que nous avions instaurée et vous avez tout changé en prétendant à tort que les choses iraient mieux, d’où le grand maelström de la TVA où nous nous trouvons. L’économie de secteurs entiers en sera chamboulée, bouleversée, fragilisée. Je le dis d’autant plus qu’il n’y a, hélas, pas de zoo dans ma circonscription.
La question dépasse les courants politiques. Les députés de la nation que nous sommes savent parfaitement quel est le poids économique de telles activités : plusieurs milliers d’emplois sont concernés dans un secteur qui, étant donné la crise que nous traversons, n’est pas aussi florissant qu’on veut bien le croire. Certains zoos s’en sortent bien, mais d’autres se heurtent à de réelles difficultés. Or, en augmentant la TVA comme vous le faites aujourd’hui, vous allez naturellement provoquer la hausse du prix des billets, rendant ainsi plus difficile l’accès aux zoos. De surcroît, vous allez fragiliser l’ensemble du secteur.
Le coût de la mesure que nous proposons s’élèverait pourtant à quatre millions d’euros tout au plus. Les finances du pays ne seraient donc pas mises en péril. Or chacun connaît la réalité économique de ce secteur ; d’autres que nous ont d’ailleurs déposé des amendements allant dans le même sens. En outre, comme l’a expliqué M. Martin-Lalande, vous aurez bien du mal à expliquer que le cirque bénéficie d’un taux réduit alors que les zoos sont soumis à un taux deux fois plus élevé.
M. Patrice Martin-Lalande. C’est complètement incohérent, en effet.
M. Xavier Bertrand. Je propose donc que nous en revenions à un taux réduit, qui donnera une véritable stabilité économique à ce secteur et ouvrira l’accès à la culture et aux loisirs pour de très nombreuses familles. Vous avez parlé de cohérence, monsieur le ministre : ma position a toujours été cohérente, depuis qu’il s’est agi d’appliquer un taux réduit aux parcs d’attractions. J’avais cette position dans la majorité, je la garde dans l’opposition. Quant à vous, comment pouvez-vous parler de cohérence dès lors que vous avez consenti une exception aussi énorme que le cinéma, qui est, certes, un secteur de grande importance ? Admettre une autre exception n’entaillerait pas davantage la cohérence de votre dispositif. C’est précisément au nom de la cohérence que je demande l’adoption de cet amendement.
M. Camille de Rocca Serra. Très bien !
M. le président. Le Règlement, monsieur Bertrand, est très clair : lorsqu’un amendement est déposé par plusieurs cosignataires, un seul d’entre eux en fait la présentation initiale.
M. Xavier Bertrand. Pas toujours !
M. le président. En revanche, d’autres peuvent s’exprimer une fois qu’ont été entendus les avis de la commission et du Gouvernement.
M. Denis Baupin. Merci, monsieur le président.
M. Xavier Bertrand. C’est d’autant moins justifié que de nombreux cosignataires sont absents et libèrent ainsi du temps de parole !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Je voudrais clarifier les choses, monsieur le rapporteur général : je n’ai pas dit que la commission n’avait accompli aucun travail sur la question de la TVA. Cela étant, en décembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, où la question a été longuement abordée, il avait été décidé – me semble-t-il – qu’un groupe de travail de la commission examinerait les taux de TVA, puisque plusieurs secteurs problématiques avaient été d’emblée repérés. Je ne voulais pas dire autre chose, et je suis parfaitement conscient que la commission a beaucoup travaillé sur la TVA, comme en témoignent les avancées en matière de logement social et de rénovation thermique, de même que sur le cinéma. Si le taux est réduit pour certains secteurs, je rappelle toutefois que globalement, la TVA entraînera une ponction supplémentaire de six milliards d’euros sur les ménages.
(Les amendements nos 472, 879, 27, 501 (2ème rectification) et 908, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 198, 199 et 1095, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement nos 1095 fait l’objet d’un sous-amendement no 1104.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement no 198.
M. Patrick Bloche. Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais défendre conjointement cet amendement et le suivant.
M. le président. Je vous en prie. L’amendement no 199 est donc également défendu.
M. Patrick Bloche. Ces deux amendements visent à baisser le taux de TVA applicable aux importations et livraisons d’œuvres d’art, le premier en le fixant à 5 %, le second – par anticipation – à 5,5 %.
Vous percevez spontanément l’intérêt culturel d’une telle disposition pour l’enrichissement de notre patrimoine. Il y a en outre, j’insiste sur ce point puisque nous parlons d’amendements dits « culturels », un enjeu économique. Car derrière cela, il y a le marché international de l’art, dans lequel notre pays défend sa place avec beaucoup de détermination et quelques acteurs talentueux, alors que la concurrence est forte, non seulement en Europe et outre Atlantique, mais aussi avec le marché émergent de l’Asie du sud-est.
Je ne vous imposerai pas les chiffres concernant le marché international de l’art dans notre pays en termes d’enrichissement et d’emplois, et donc, de contribution à la croissance. Mais ils montreraient que mes amendements sont pertinents.
Nous parlons d’une taxe à l’importation. De fait, nous avons tout intérêt à ne pas freiner l’importation des œuvres. Je pense, pour en avoir beaucoup parlé avec Pierre-Alain Muet, qui interviendra sans doute, que nous aurons un débat riche avec le rapporteur général dont je connais la sensibilité sur ce sujet et l’intérêt qu’il y porte.
M. le président. Nous avons, en discussion commune, l’amendement no 1095 de la commission. Mais M. le rapporteur général laissera certainement M. Pierre-Alain Muet le présenter.
M. Pierre-Alain Muet. Il est dans le même esprit que celui qui sous-tend l’amendement de notre collègue Bloche. Mais, après discussion en commission, notre amendement restreint strictement le champ d’application de la mesure à l’importation d’œuvres d’art.
Tous ces amendements visent à corriger une aberration économique qui résulte d’une directive européenne, laquelle n’a pas intégré le fait que les œuvres d’art, et plus généralement les biens dont la valeur est due à leur rareté, non au travail de l’homme, avaient des propriétés complètement différentes des autres produits.
Quand vous exportez un Airbus ou une automobile, cela enrichit la France, car vous augmentez la production et les revenus. Si vous exportez La Joconde, cela aura pour seul effet d’appauvrir notre pays. Et ce n’est pas seulement parce que La Joconde est une œuvre d’art, car si vous exportiez l’avion – qui est au musée des arts et métiers – avec lequel Blériot a traversé la Manche, cela aboutirait au même appauvrissement.
Cela veut donc dire que, pour les biens rares, dont les œuvres d’art originales, c’est l’importation qui enrichit le pays et l’exportation qui l’appauvrit.
M. Olivier Carré. C’est plus compliqué que cela…
M. Pierre-Alain Muet. C’est pour cette raison que l’on interdit l’exportation d’œuvres d’art, et plus généralement celle des trésors nationaux. C’est vrai aussi bien pour l’avion que je mentionnais à l’instant que pour La Joconde et pour beaucoup d’autres biens. Pour ces biens, il faut tenir le raisonnement exactement inverse de celui que l’on tient pour les biens que l’on produit et dont on a tout intérêt à décourager l’importation et à favoriser l’exportation. Pour les œuvres d’art, je le répète, c’est le contraire.
Malheureusement, l’Europe ne l’a pas compris. Elle a inventé une TVA sur les importations d’œuvres d’art qui a pour seul effet de décourager ces importations, alors même qu’il faudrait les encourager. La bonne TVA, ce serait ce que proposent tous les rapports parlementaires qui se sont penchés sur cette question. Il y en a eu quatre, dont deux de M. Lellouche, rendus au nom de la commission des affaires européennes et aboutissant à la conclusion que cette taxe à l’importation étant un droit de douane non récupérable, elle était absurde et qu’il fallait la supprimer.
Comme il est impossible de la supprimer, tous les gouvernements successifs l’ont maintenue au taux le plus bas possible. La cohérence économique veut donc que l’on ramène cette TVA « nuisible » à son niveau le plus bas.
Aujourd’hui, on décourage l’importation d’œuvres d’art qui seraient vendues sur le marché de l’art en France et qui seraient taxées puisqu’on taxe le travail du marchand au taux normal de TVA, ce qui rapporterait de l’argent aux finances publiques. Faute d’être importées chez nous, ces œuvres d’art partent vers deux autres marchés qui n’ont pas instauré une telle taxe : les Etats-Unis et la Chine. Les pays européens en général, souffrent, comme nous, de cette taxe à l’importation – je pense, par exemple, au Royaume-Uni.
J’espère qu’un jour l’Europe comprendra qu’en matière d’œuvres d’art, il faut raisonner autrement. En attendant, mieux vaut maintenir la TVA au taux le plus bas possible.
Un gage est proposé dans un amendement que nous examinerons un peu plus tard. Il pourrait s’agir, par exemple, d’accroître la taxation des plus-values…
M. Olivier Carré. Des œuvres d’art ! Avec l’ISF !
M. Pierre-Alain Muet. Je pense que cette question a fait l’unanimité. La commission a eu raison de soutenir cet amendement.
M. le président. Le sous-amendement no 1104, portant sur l’amendement no 1095, est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Les amendements de notre collègue Bloche ont une portée plus large que celle visée par l’amendement de la commission. J’émets donc un avis défavorable. Je lui suggère de les retirer et de se rallier à l’amendement de la commission, que vient de défendre Pierre-Alain Muet et dont je suis également porteur.
Je ne reprendrai pas les arguments de Pierre-Alain Muet, car ils ont été longuement développés en commission, et j’émets un avis favorable à cet amendement.
Concernant l’aspect financier et le gage, le coût de cet amendement est évalué à une dizaine de millions d’euros, selon les chiffrages et les années. En accord avec les ministères concernés, tant la rue de Valois que celui de l’Est parisien, il a été suggéré de revoir légèrement la question de la taxation des plus-values sur les œuvres d’art.
Permettez-moi, chers collègues, de faire un bref rappel historique.
Les plus-values sont taxées de la façon suivante : soit à l’entrée, à hauteur de 4,5 %, avec, ensuite, une exonération de plus-values, c’est-à-dire que l’on paie 4,5 % tout de suite, mais plus rien après s’il y a plus-value ; soit l’on choisit un amortissement et des abattements proportionnels sur une durée de douze ans.
Aujourd’hui, peu de gens choisissent la taxation à l’entrée. La plupart, puisque la durée d’amortissement est de douze ans, donc assez favorable, choisissent d’attendre.
Nous proposons deux dispositifs conjoints, c’est-à-dire de remonter le taux de 4,6 % à 6 % et de porter la durée d’amortissement à vingt-deux ans. Pourquoi à vingt-deux ans ? Nous nous calons sur la durée d’amortissement des plus-values immobilières. Donc, en même temps, nous participons au choc de simplification, si j’ose dire, puisque, aussi bien pour le patrimoine immobilier que pour le patrimoine concerné par cet amendement, nous aurions la même durée d’amortissement.
Quant au gage, il fera l’objet d’un amendement plus loin dans le texte. Le Gouvernement s’exprimera en son temps sur ce montage, mais il me semble qu’il l’a approuvé : il est financièrement équilibré et il répond au souci économique qu’a développé, mieux que je ne l’aurais fait, Pierre-Alain Muet.
Avis favorable, donc, à l’amendement n°1095.
Quant au dispositif visé par le sous-amendement n°1104, de M. Le Fur, il serait inopérant. Car s’agissant d’œuvres d’art qui font parfois partie du patrimoine personnel, nous ne pouvons pas accepter votre sous-amendement, monsieur le président Le Fur. J’émets donc un avis défavorable à ce sous-amendement.
Par ailleurs, je suggère à Patrick Bloche de retirer ses amendements au profit de celui de la commission auquel je suis, bien sûr, favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement a la même position que le rapporteur général. Nous proposons à M. Bloche, dont les amendements sont satisfaits par l’amendement présenté par Pierre-Alain Muet, de bien vouloir les retirer. Nous sommes favorables à l’esprit de ces amendements, car l’effort que nous allons faire sur la TVA concernant les importations d’œuvres d’art va permettre au marché français de l’art de garder une dynamique, ce qui est très important pour un grand pays ayant accueilli beaucoup de créateurs et ayant une politique culturelle dynamique.
Le dynamisme du marché de l’art est un élément d’attractivité de la place de Paris pour les artistes, les intellectuels et les créateurs. C’est un élément très important de dynamisation des lieux d’exposition, et notamment des galeries. Nous sommes donc très favorables à cet amendement.
Nous sommes également favorables au dispositif de gage envisagé. J’ajoute que si nous n’adoptions pas cet amendement, compte tenu des taux de TVA qui existent dans d’autres capitales qui, elles aussi, ont un pouvoir d’attraction très fort, nous fragiliserions considérablement la place de Paris qui reste une grande place culturelle européenne et internationale.
Je ne suis pas favorable au sous-amendement de M. Le Fur. Il rendrait le dispositif globalement illisible et conduirait à un ensemble difficile à mettre en œuvre.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La commission a suivi le raisonnement de Pierre-Alain Muet, dans la mesure où ce qu’a dit notre collègue figure dans nombre de rapports. Dès lors qu’on est obligé d’avoir un taux de TVA, la bonne démarche est d’avoir un taux le plus réduit possible, s’agissant de l’importation d’œuvres d’art.
Quant au sous-amendement de Marc Le Fur, j’en comprends l’objectif, mais il n’est pas opérationnel, car les œuvres d’art sont des milliers à être importées chaque année. Ce que l’on peut souhaiter, c’est faciliter l’exposition au public, mais pas par ce moyen.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.
M. Jean-François Lamour. Nous sommes évidemment d’accord avec l’analyse et les propositions de Patrick Bloche et Pierre-Alain Muet qui se traduisent dans l’amendement de la commission des finances.
Mais ce que propose Marc Le Fur sur l’exposition des œuvres au public est un sujet important, voire primordial. En l’occurrence, monsieur Bloche, je trouve qu’il y a une forme d’incohérence à demander plus de fluidité dans l’importation des œuvres et, dans le même temps – je rappelle que je suis rapporteur spécial du budget « Patrimoine », à la commission des finances – de freiner, en tout cas de ralentir de manière très sensible l’acquisition des œuvres par nos musées nationaux.
Car comme vous le savez, la diminution de 50 % de la ligne budgétaire consacrée à l’acquisition des œuvres pour les musées nationaux a été reconduite pour le budget 2014.
Nous souhaitons tous que nos musées, comme n’importe quel acquéreur, puissent bénéficier des œuvres qui viennent de l’étranger et, dans le même temps, nous les empêchons d’en faire l’acquisition du fait de cette diminution de 50 %.
Tous les secteurs ministériels doivent faire des efforts, mais je ne comprends pas que, s’agissant de l’équilibre entre la création, l’art du vivant, donc de l’ensemble des programmes de la mission « Culture », on ait fait le choix de privilégier la création par rapport à l’acquisition de patrimoine et à son exposition dans les musées nationaux.
Il y a une forme d’incohérence dont nous aurons certainement l’occasion de reparler lors de la présentation du budget « Culture » que je présenterai au travers de mon rapport, mais on ne peut pas à la fois demander un effort en minorant nos recettes de TVA et diminuer de manière très sensible la capacité d’acquisition d’œuvres d’art par nos musées.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Si je me souviens bien des débats budgétaires de l’an dernier, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, ils prévoyaient la mise en place d’un groupe de travail sur la fiscalité des œuvres d’art. Les dispositions en discussion aujourd’hui nous y ramènent, comme l’ont fait à plusieurs reprises les débats sur l’ISF. J’aimerais savoir où en est le groupe de travail.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Christian Eckert, rapporteur général. L’organisation des travaux de la commission est du ressort de son président, en liaison avec le bureau et moi-même. Il lui revient donc de répondre.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour répondre au sujet du groupe de travail sur la fiscalité des œuvres d’art sus-évoqué.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je renouvelle la proposition, car il s’agit de sujets que nous abordons depuis longtemps. Il serait bon d’associer à un tel travail notre collègue Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Nous pourrons compter sur votre concours, n’est-ce pas, monsieur Bloche ?
M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
M. Patrick Bloche. Je tiens tout d’abord à assurer M. le président de la commission des finances de la disponibilité de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour mener un travail nécessaire et utile sur la fiscalité des œuvres d’art. Par ailleurs, j’ai peu de choses à ajouter aux propos de M. le ministre, de M. le rapporteur général et de notre collègue Pierre-Alain Muet, qui sont convaincants car leurs auteurs sont convaincus, en particulier la proposition de Pierre-Alain Muet de supprimer une aberration économique, qui est d’ailleurs d’origine européenne et non nationale. Dès lors, l’amendement proposé par la commission permet d’aboutir au bon équilibre. J’ai soutenu les miens en séance car comme vous le savez, mes chers collègues, le règlement de l’Assemblée nationale m’interdit de les déposer en commission des finances, dont je ne suis pas membre. Je prends également en compte le fait que M. le rapporteur général présentera ultérieurement un amendement pour gager la mesure.
Il aurait été possible de retenir l’autre branche de l’alternative, c’est-à-dire un taux de 4,5 % tout en fixant la durée à vingt-deux ans, durée qui a ma préférence car elle est à l’évidence cohérente avec la possession d’un bien immobilier. Il n’y a pas de raison que la possession d’une œuvre d’art dure moins longtemps que celle d’un bien immobilier. On aurait donc pu aboutir à un taux de 4,5 % pour une durée de vingt-deux ans. Nous retenons finalement un taux de 6,5 % pour une durée de vingt-deux ans, j’en prends acte. Donnons-nous rendez-vous dans un an pour travailler collectivement et à nouveaux frais sur le sujet de la taxation des plus-values. Je retire donc, comme chacun l’aura compris, les amendements nos 198 et 199.
(Les amendements nos 198 et 199 sont retirés.)
(Le sous-amendement no 1104 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 1095 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 535, 195, 768 rectifié, 700 et 882, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 195 et 768 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement no 535.
M. Denis Baupin. Le sujet que nous abordons à présent est moins patrimonial que celui qui vient d’être évoqué mais concerne peut-être un peu plus de monde : il s’agit des transports collectifs. Notre majorité s’est engagée dans la transition énergétique et la lutte contre la pollution de l’air, il faut donc favoriser les transports collectifs, comme chacun peut aisément le comprendre. Dans ce cadre, il semble particulièrement incohérent d’augmenter la TVA qui pèse sur eux, ce qui aura pour conséquence d’augmenter le prix payé par de très nombreux usagers qui, en outre, font souvent partie des gens dont le pouvoir d’achat est le plus faible. On nous opposera, je le sais bien, le problème des finances publiques, dont chacun est bien conscient. Je me permets cependant de relativiser les choses. L’augmentation de TVA prévue équivaut à peu près à une augmentation d’un centime de la TICPE sur le diesel, dont nous parlerons tout à l’heure. Le diesel ne fait l’objet d’aucun rattrapage en matière de fiscalité. Il s’agit donc d’une double peine : on subventionne, aux frais des usagers des transports collectifs, le carburant le plus polluant, qui les empoisonne !
M. Camille de Rocca Serra. La vie est bien mal faite ! (Sourires.)
M. Denis Baupin. Les amendements que nous déposons, qui concernent aussi bien la TVA pesant sur les transports que le diesel, auraient un double effet Kiss Cool, positif sur les transports collectifs et dissuasif sur le diesel. J’invite évidemment M. le ministre, M. le rapporteur général et l’Assemblée tout uniment à approuver une telle aide aux transports collectifs.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 195 et 768 rectifié.
L’amendement no 195 est défendu.
La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 768 rectifié.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Les entreprises peuvent absorber une hausse du taux de TVA de 5,5 % à 7 %, mais de 7 % à 10 %, la hausse est répercutée sur les tarifs. Je suis membre du conseil d’administration de la RATP, qui s’est penché sur le sujet. La direction de la RATP prévoit de répercuter une telle majoration, ce qui signifie que le prix de la carte Navigo peut être majoré de 3 %. Cela pose quand même un énorme problème. Je prends l’exemple de la région parisienne, car on ne peut pas se rendre au travail à Paris en voiture et prendre les transports en commun sert d’ailleurs l’intérêt général.
Une augmentation du prix du trajet de 3 % exclusivement due à la hausse de la TVA s’ajouterait à la nécessaire augmentation liée à la hausse des coûts des transports publics, d’ailleurs légèrement supérieure chaque année à l’inflation, alors même que la capacité de subvention du STIF aux transports publics est limitée. Tout cela se traduira donc par une augmentation du prix payé par l’usager, ce qui va à rebours de la politique de développement des transports publics que chacun d’entre nous appelle de ses vœux. Enfin, retenir le taux intermédiaire pour obtenir une contrepartie de financement au coût du CICE n’est pas un bon choix.
M. Olivier Carré. Absolument !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’espère, monsieur le ministre, que vous reviendrez dessus. Je ne remets en cause ni le CICE ni le redéploiement vers la TVA, mais bien le choix du taux intermédiaire, qui est un mauvais choix.
M. le président. Sur les amendements identiques nos 195 et 768 rectifié, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement no 700.
M. Jean-Christophe Fromantin. Je ne reprendrai pas ce qui vient d’être dit par M. Gilles Carrez. Adopter ces amendements serait aussi, me semble-t-il, une façon d’encourager les importants investissements développés dans le secteur des transports. On a discuté il y a quelque temps du plan « Mobilité 21 » et les premières décisions relatives à la mise en place du « Grand Paris Express » sont prises en ce moment. Un choix est fait, celui de la modernisation des mobilités et du transport collectif. La fiscalité devrait aller dans le sens des décisions qui en découlent, stratégiques pour la plupart, et des enjeux d’aménagement du territoire. La TVA devrait accompagner la sensibilisation des uns et des autres à l’importance des arbitrages en faveur des transports collectifs.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 882.
M. Nicolas Sansu. Beaucoup d’arguments ont été formulés. J’approuve la volonté de développer les transports collectifs et il me semble qu’un taux de TVA à 10 % risque fort de contrecarrer les efforts consentis pas les collectivités locales et les autorités organisatrices de transport, les AOT, tant dans les grandes métropoles comme Paris que dans des petites villes comme la mienne, où justement nous avons beaucoup de mal à développer le transport collectif. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que toutes les organisations de transport ont tiré le signal d’alarme au sujet de la TVA pesant sur les transports de voyageurs. Une telle augmentation de TVA sera répercutée directement sur l’usager, un tant soit peu. Nous en avons discuté et vous m’avez dit que le CICE permettra aux entreprises d’absorber le surcroît de TVA. J’ai du mal à comprendre. Le CICE, qu’on en partage ou non la philosophie, a pour objet de faire baisser le coût du travail et ne me semble pas conçu pour compenser la hausse de la TVA, ou bien il ne sert à rien et se résume à un coup d’épée dans l’eau.
Le CICE permet de développer la formation, l’investissement, la recherche et, d’après l’article du CGI qui le définit, « la prospection de nouveaux marchés » et « la transition écologique et énergétique ». Il me semble que nous sommes là dans une situation ubuesque consistant à diminuer le coût du travail pour les entreprises tout en leur demandant de ne pas répercuter l’augmentation de TVA sur les AOT, ce qui va poser un problème. Je pense sincèrement qu’en la matière le CICE n’est pas l’outil adapté et qu’on pourrait maintenir la TVA non à 7 %, puisque ce taux n’existe plus, mais à 5,5 %.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Il est défavorable, monsieur le président, même si j’entends bien les arguments et vais m’efforcer d’y répondre. Je signale tout d’abord à notre collègue Denis Baupin que son amendement tel qu’il est rédigé vise l’ensemble des transports publics réguliers de voyageurs. Il coûterait donc, modestement, un milliard d’euros, et la hausse d’impôt d’un centime sur le gasoil qu’il évoque rapporte grosso modo 300 millions d’euros. Vous vous trompez tout simplement d’un facteur trois, mon cher collègue. Je ne peux donc pas admettre votre argument, d’autant moins qu’on pourrait aussi se demander en quoi consiste le transport régulier de voyageurs. On toucherait là non seulement aux transports urbains qui ont été cités mais aussi à d’autres secteurs qui vous sont chers, le transport aérien par exemple.
Le président de la commission évoque le « transport public de voyageurs du quotidien ». Je vous fais tout de même remarquer, monsieur le président, reprenant mon rôle de greffier, que nous n’avons trouvé nulle trace d’une telle notion dans le code des transports ni dans les travaux de la commission, dont chacun sait qu’elle porte un regard attentif sur la question. Je pourrais donc me contenter de vous dire que votre amendement est inopérant et nécessiterait pour le moins la réécriture de quelques codes qui régissent nos textes. La discussion est cependant utile et intéressante et j’aborde ici simultanément le point soulevé par Nicolas Sansu. Le CICE bénéficie à la SNCF et à la RATP.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Non, pas à la RATP, c’est bien le problème !
M. Christian Eckert, rapporteur général. En effet, monsieur le président, mais bien à la SNCF, on a vérifié. En matière de transports urbains, les choses sont parfaitement claires. Ils peuvent être concédés ou non et le sont assez souvent. Dans ce cas, le CICE est utilisé. Comme l’a dit M. le ministre tout à l’heure à propos d’un autre secteur, il y a compensation, certes globale, entre le surcoût lié à la TVA et la recette, si j’ose dire, liée au CICE, et parfois même surcompensation, ce qui contribue à rééquilibrer le système. J’évoquerai enfin un point régulièrement soulevé par notre président de commission : le taux intermédiaire. Nous sommes tombés d’accord hier. Le taux normal de TVA en vigueur en France s’inscrit plutôt dans la moyenne des pays de l’Union européenne, mais le taux intermédiaire est largement inférieur à la moyenne, monsieur le président. Le taux intermédiaire, vous le savez parfaitement, concernent aussi d’autres types de produits que ceux que nous évoquons aujourd’hui.
La restauration, par exemple, bénéficie de ce taux intermédiaire, de même que les travaux de rénovation – les masses financières en jeu sont, dans ce domaine, extrêmement importantes. Il faut faire preuve d’une certaine honnêteté intellectuelle et budgétaire, et reconnaître qu’il n’est pas possible de conserver un taux intermédiaire de 7 % – un taux, je le répète, très bas par rapport à ceux de nos voisins européens. D’ailleurs, le fait de ne pas modifier ce taux ne bénéficierait pas forcément aux classes dites populaires.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je suis défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je pourrais répondre sur cette série d’amendements comme sur les autres amendements proposant des taux réduits en disant que nous avons déjà fait beaucoup d’efforts et qu’il n’est pas possible d’aller plus loin. Toutefois, dans la mesure où la question évoquée touche une grande partie de nos concitoyens, et a suscité de nombreuses interventions, je souhaite prendre le temps de répondre précisément aux différents orateurs qui se sont exprimés, notamment nos amis du groupe écologiste ainsi que Nicolas Sansu et Jean-Christophe Fromantin.
Nous devons premièrement, me semble-t-il, examiner la situation des transports à partir de l’impact de l’ensemble des mesures que nous avons prises sur ce secteur. La mise en place du crédit d’impôt compétitivité emploi bénéficie à l’ensemble des entreprises de transport à l’exception de la RATP, en raison du fait que cette dernière ne paye pas l’impôt sur les sociétés – en vertu d’une ancienne lettre ministérielle dont j’ai oublié la date exacte. Toutes les autres entreprises de transport bénéficient du CICE et se verront, par conséquent, appliquer la hausse de TVA. Quand on fait la différence entre le bénéfice de la mesure CICE et l’impact négatif résultant de l’augmentation de TVA, on se rend compte que le secteur des transports en France est bénéficiaire net à hauteur de 20 millions d’euros.
Deuxièmement, vous soulignez, monsieur Sansu, exprimant une préoccupation partagée par le Gouvernement, que le CICE bénéficie aux entreprises de transport dans l’objectif de favoriser l’emploi et la compétitivité des entreprises. C’est tellement le cas que, dans les conventions et délégations de service public liant les entreprises de transport aux collectivités locales, une disposition prévoit que la diminution du coût du travail engendrée par le bénéfice du CICE a vocation à être répercutée sur le coût des délégations de service public. Celles-ci peuvent donc, avant même que le terme de la délégation ne soit arrivé, être corrigées s’agissant du coût de la prestation fournie aux usagers, par application d’un mécanisme d’indexation du prix. Aujourd’hui, tous ceux qui ont passé des délégations de service public avec des entreprises bénéficiant du CICE peuvent obtenir de ces entreprises une diminution des tarifs, compte tenu de l’indexation du prix sur le coût du travail – le bénéfice net de 20 millions d’euros que j’ai évoqué il y a quelques instants est d’ailleurs de nature à entraîner une telle diminution.
Troisièmement, la proposition de taux réduit de TVA aurait un coût d’un milliard. Certains parlementaires ont contesté cette évaluation, estimant que, si l’on ne prend en compte que les régies de transport public, le coût ne serait en réalité que de 200 à 300 millions d’euros. Je rappelle que notre action s’inscrit dans un cadre d’eurocompatibilité très contraint : les directives européennes relatives à la TVA nous empêchent de mettre en place des taux réduits de TVA au profit de tel ou tel service public ou de telle ou telle entreprise faisant l’objet d’une délégation de service public. Si nous prenions une mesure de ce type, compte tenu de l’extrême vigilance de la Commission européenne quand elle examine les conditions de mise en œuvre des taux réduits de TVA par secteur, nous nous exposerions à un considérable risque de contentieux européen, qui pourrait, une fois ouvert, se traduire par un coût très élevé. Or, la volonté du Gouvernement en la matière est justement de purger tous les contentieux européens : c’est ce que nous avons fait avec le contentieux OPCVM, avec le contentieux précompte mobilier ou encore avec les emplois à domicile – sur ce dernier point, nous avons pris les devants en nous abstenant de proposer au Parlement des dispositions nouvelles qui n’auraient pas manqué d’ouvrir des contentieux risquant d’être très coûteux.
Pour toutes ces raisons, dont chacun reconnaîtra le bien-fondé et la cohérence, je vous demande de ne pas voter ces amendements qui, s’ils étaient adoptés, ne pourraient d’ailleurs être gagés, en raison de l’impossibilité d’en réduire le coût.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, vous invoquez le risque de provoquer des contentieux européens. Mais ne vous exposez-vous pas déjà à ce risque en choisissant d’augmenter le taux intermédiaire sur certains secteurs, tel celui des transports publics ? Si le reproche fait par M. le rapporteur général au sujet de l’expression « transports publics de voyageurs du quotidien » de mon amendement no 768 rectifié est justifié sur le plan juridique, il n’en reste pas moins que, sur le fond, cet amendement avait toute son utilité pour appeler l’attention de la représentation nationale sur un point particulier : le fait que nos concitoyens ont besoin au quotidien des transports publics. Comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, les services organisés en régie ne sont ni assujettis à la TVA, ni bénéficiaires du CICE. En délégation de service public, le délégataire est assujetti à l’impôt sur les sociétés et, ainsi que vous l’avez expliqué, la baisse de coût résultant du CICE permet à l’entreprise de ne pas avoir à répercuter une hausse sur le coût du transport.
En région parisienne, avec la RATP, nous nous trouvons dans une situation singulière. En effet, celle-ci n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés et ne bénéficiera donc pas du CICE ; en revanche, elle va subir une augmentation de trois points du taux de TVA sur ses prestations ! Mme Pécresse, membre du conseil d’administration du STIF, m’a fait savoir que de fortes inquiétudes s’étaient exprimées, cette semaine, lors d’une réunion du syndicat des transports : chacun s’accordait à considérer que, compte tenu du statut particulier de la RATP, il était tout à fait déraisonnable d’augmenter la TVA sans bénéficier de la contrepartie du CICE, car cela se traduirait par une augmentation du coût des billets.
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.
M. Jean-Christophe Fromantin. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, un bilan global bénéficiaire de 20 millions d’euros entre l’application du CICE et l’augmentation de TVA. Cependant, j’appelle votre attention sur le fait que les deux leviers mis en œuvre sont de natures très différentes. Nombre d’entreprises de transport – y compris de transport public – sont également des opérateurs, des prestataires de services qui tentent constamment d’améliorer leurs services et de les vendre à l’étranger, souvent en prenant part à des appels d’offres. À ce titre, le CICE procure un élément de performance supplémentaire. En revanche, la baisse de TVA est plutôt censée s’adresser aux consommateurs, en permettant de réduire le coût du transport et en améliorant ainsi son attractivité.
Il ne me paraît pas possible de mettre sur le même plan l’impact du CICE, impact de compétitivité, et l’impact de la TVA, impact de consommation : même si les deux mesures ont un effet sur la santé de l’entreprise, elles ont deux objectifs bien distincts : d’une part, un objectif de nature économique, d’autre part, un objectif de nature commerciale.
M. le président. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Je suis très étonné d’entendre M. le rapporteur général affirmer que notre amendement concerne l’ensemble des transports de voyageurs. En réalité, l’amendement no 535 défendu par notre collègue Denis Baupin ne fait mention que des « transports publics urbains réguliers de voyageurs ». Je connais assez bien le domaine des transports pour avoir été durant sept ans responsable de cette question pour la ville de Nantes : je puis vous assurer que le périmètre des transports urbains est très clairement défini. Il est donc inutile d’entretenir la confusion au sujet de notre amendement, qui touche bien les transports publics urbains, que nous considérons être les transports du quotidien.
Quant à votre évaluation d’un milliard d’euros, monsieur Eckert, c’est la première fois que nous entendons parler : vous-même, en commission, n’aviez évoqué qu’un coût de 400 millions d’euros, tandis que le Gouvernement, en d’autres occasions, retenait une évaluation de 700 millions d’euros, et que d’autres, enfin, parlaient d’environ 300 millions d’euros.
Pour ce qui est du CICE, vous dites que son application sera pratiquement neutre – un solde positif de 20 millions d’euros au bénéfice des entreprises de transport a même été évoqué. Cependant, vous savez très bien que, si l’on se réfère aux règles de gestion et à celles s’appliquant aux relations entre les collectivités locales et les opérateurs de transport, la plupart des communes de France ont recours à des délégations de service public – je ne parle pas de l’Île-de-France, qui constitue un cas à part. Dans une délégation de service public, vous ne pouvez pas demander, en cours de délégation, au délégataire de rétrocéder à la collectivité un montant issu d’une mesure comme le CICE, ou de le déduire de la subvention d’exploitation. Notre collègue Fromantin s’est félicité du fait que le bénéfice du CICE puisse permettre à certaines entreprises d’être plus compétitives à l’international. Pour ma part, je ne pense pas que ce soit le but recherché : nous sommes tout de même dans le cadre du service public !
Les collectivités locales, qui fixent les tarifs, vont être obligées de prendre des délibérations avant le 1er janvier pour répercuter la hausse de TVA, puisqu’elles ne peuvent pas exiger de récupérer en quelque sorte le CICE dont bénéficieraient certaines entreprises de transport délégataires. Le seul levier que vont pouvoir actionner les collectivités locales, qui vont se trouver en première ligne, va consister à répercuter ou non la hausse de TVA sur les tarifs. On ne va pas se raconter d’histoire : cette répercussion s’effectuera, sans doute pas début janvier, compte tenu des élections municipales qui vont se tenir fin mars, mais plutôt début juillet. En tout état de cause, ce sont tout de même bien les usagers qui en feront les frais.
Pour conclure, il me semble, comme je l’ai déjà dit hier soir, que nous devrions agir avec davantage de cohérence, mes chers collègues. Si une préoccupation d’ordre budgétaire nous conduit à ne plus accorder de taux réduits de TVA parce qu’il faut boucler le financement du CICE, dans ce cas, aucune réduction ne doit plus être admise, et nous aurions dû rejeter celle sur les cinémas que nous avons votée précédemment. Il me paraît difficile d’expliquer à nos concitoyens que l’on a accepté une baisse du prix des tickets de cinéma, et refusé que la même baisse s’applique aux titres de transport en commun ! (« Il a raison ! sur les bancs du groupe UMP.)
M. Hervé Mariton. C’est cohérent !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je voulais simplement présenter mes excuses à M. de Rugy. Ayant cinq amendements différents sous les yeux, chacun avec des rédactions et des cosignataires différents, j’ai dû les confondre : vérification faite, l’amendement présenté par M. Baupin est bien libellé comme notre collègue vient de le préciser.
M. François de Rugy. Merci de le reconnaître ! Pour le coût aussi, nous avions raison !
(L’amendement no 535 n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, par scrutin public, les amendements identiques nos 195 et 768 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants | 58 |
Nombre de suffrages exprimés | 58 |
Majorité absolue | 30 |
Pour l’adoption | 16 |
contre | 42 |
(Les amendements identiques nos 195 et 768 rectifié ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 700 et 882, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement no 697.
M. Jean-Christophe Fromantin. Cet amendement de relance vise à appliquer, pendant trois ans, le taux réduit de TVA aux constructions de logement. Il s’inscrit dans des perspectives d’évolution de l’équation complexe du logement, comme nous l’avons déjà évoqué à plusieurs reprises au cours de nos débats. Il repose également sur un argument économique : il s’agit d’envoyer, pendant trois ans, un signal fort au secteur de la construction qui l’attend et en a besoin pour participer à la relance économique de notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement propose de réduire le taux de TVA applicable à toutes les ventes et toutes les constructions de tous les logements de tout standing pendant trois ans. Je vous laisse imaginer son coût, mes chers collègues ! Il est gagé sur le tabac.
M. Dominique Baert. Il n’y aura plus de fumeurs !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce genre d’amendement permettrait effectivement de lutter contre le tabagisme ! (Sourires.) Je n’ai d’ailleurs pas vu ce type de mesure dans le contre-budget de l’UMP : personne n’ose imaginer ce type de dépense.
M. Éric Woerth. Il ne s’agit pas d’un amendement de l’UMP !
M. Olivier Carré. Mal vu !
M. Jean-François Lamour. Mauvaise pioche, monsieur Eckert !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je n’ironiserai pas sur ce sujet.
M. Jean-François Lamour. Il ne vaut mieux pas !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable.
(L’amendement no 697, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 880.
M. Nicolas Sansu. Cet amendement est fondé sur la même philosophie que le précédent : il vise à rétablir le taux réduit de la TVA non seulement pour les travaux de rénovation énergétique des logements, mais également pour l’ensemble des travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur les locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans.
Cette mesure de soutien à l’activité et au pouvoir d’achat, qui avait été instaurée de manière très intelligente par le gouvernement Jospin, nous paraît essentielle pour deux raisons.
D’une part, la mise en place de ce taux réduit de TVA pour les travaux d’entretien a permis la création de très nombreux emplois. Le relèvement à 10 % du taux de TVA poussera nos concitoyens à ne pas engager de travaux, ce qui contribuera à réduire les carnets de commandes des entreprises et à menacer l’emploi dans les secteurs de l’artisanat et du bâtiment. Nous devons être d’autant plus attentifs au bâtiment, notamment aux entreprises unipersonnelles, que les métiers orientés vers les particuliers sont, ainsi que vous avez pu lire il y a quelques jours dans Les Échos, désormais fragilisés.
M. Olivier Carré. Par le Gouvernement !
M. Nicolas Sansu. Le secteur du bâtiment comporte de nombreuses entreprises en nom propre qui ne bénéficient pas du CICE : on ne peut donc, dans ce cas, parler de compensation entre CICE et TVA. Le maintien d’un chômage élevé et le ralentissement des salaires, associés aux hausses des impôts et de la TVA, exercent un puissant effet récessif.
D’autre part, la mise en place du taux réduit de TVA pour les travaux a également permis de lutter contre le travail dissimulé.
M. Olivier Carré. Absolument !
M. Nicolas Sansu. Nous savons bien que cette tentation existe dans le secteur du bâtiment. Or, les mesures concernant l’auto-entreprenariat et le relèvement de la TVA à 10 % vont malheureusement relancer le travail dissimulé, ce qui n’est pas très bon pour les finances publiques.
M. Olivier Carré. Exactement !
M. Xavier Bertrand. C’est du bon sens !
M. Nicolas Sansu. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur Sansu, vous avez dit en introduction que votre amendement était fondé sur la même philosophie que l’amendement précédent. S’il est parfois difficile de rapprocher réalité comptable et philosophie, mon cher collègue (Sourires), il s’agit tout de même en l’occurrence d’une philosophie à 1,25 milliard d’euros ! Tout est dit : compte tenu du montant en jeu, personne ici ne pourrait admettre cette mesure de façon responsable.
Certes, une telle mesure, avez-vous rappelé, a été prise en d’autres temps. Mais c’était une autre époque et dans un autre contexte budgétaire.
M. Nicolas Sansu. Sans doute.
M. Olivier Carré. C’était l’époque de la cagnotte !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Or le contexte budgétaire actuel nous confronte à des difficultés et réduit nos marges de manœuvre : ce n’était pas le cas à l’époque où le taux de TVA avait été réduit pour les travaux de rénovation dans les logements de plus de deux ans. Aujourd’hui, une telle mesure est rigoureusement impossible. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour les mêmes raisons que le rapporteur général, le Gouvernement est défavorable à cet amendement que le contexte budgétaire ne permet pas de financer. Si nous proposions à Nicolas Sansu d’accepter son amendement en lui laissant le soin de trouver les gages pour le financer, ce serait extraordinairement compliqué ! Je demande donc le rejet de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Je n’ai pas obtenu de réponse au sujet des sociétés en nom propre qui ne bénéficient pas du CICE, ni à propos du travail dissimulé. Je le répète : il s’agit de vraies questions.
On nous répond que les finances publiques ne permettent pas l’adoption de cet amendement : cela signifie que le CICE est immuable. Je n’étais pas là hier soir, mais nous en reparlerons plus tard lors de l’examen de l’un de nos prochains amendements : j’aurai en effet l’occasion de m’exprimer longuement sur la suppression de cet avantage fiscal, car c’est le choix du CICE qui met aujourd’hui dans l’obligation de refuser notre mesure.
Nous aurons donc à nouveau ce débat, monsieur le ministre, encore et encore. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, l’architecture fiscale actuelle n’est pas bonne. Les impôts indirects sont trop élevés. Nous n’avons pas été au bout de la grande réforme fiscale nécessaire pour permettre de soutenir la consommation des ménages et de relancer l’activité.
(L’amendement no 880 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 280 rectifié et 698, pouvant être soumis à une discussion commune. L’amendement no 280 rectifié fait l’objet de deux sous-amendements, nos 1103 et 1102.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 280 rectifié.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement est essentiel, puisqu’il consiste à inclure dans le champ du taux réduit de TVA les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans. Beaucoup de personnes se sont exprimées sur cette question, depuis des mois, pour ne pas dire depuis des années.
Cette disposition accompagne un mouvement, complété dans ce projet de loi de finances par la mise en place d’une contribution climat énergie et par un certain nombre d’autres dispositions que nous évoquerons heure après heure. Elle marque une volonté de soutenir un secteur créateur d’activité économique, et donc d’emplois. Elle participe aussi, à moyen et surtout à long terme, à l’amélioration des mesures en faveur de l’environnement. Elle permettra aussi aux ménages de faire des économies : en effet, ce type de travaux diminuera les dépenses quotidiennes des familles, car ce sont bien les familles qui profiteront de cet amendement : nous avons tous le souci de préserver leur pouvoir d’achat. Cet amendement fait partie d’un dispositif global que Dominique Lefebvre a parfaitement décrit en introduction de nos débats et que l’ensemble de nos collègues avaient demandé.
La commission a approuvé cet excellent amendement, à l’unanimité me semble-t-il.
Mme Karine Berger. Tout à fait !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Notre assemblée serait bien inspirée de l’adopter avec le même enthousiasme.
M. le président. La parole est M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir le sous-amendement no 1103.
M. Jean-Christophe Fromantin. Par souci de cohérence, ce sous-amendement propose que l’ensemble des travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements du parc privé bénéficient du taux réduit de 5,5 %. Il est également indispensable que les travaux induits soient soumis au taux réduit de TVA : cette prise en compte est primordiale au moment de la décision de travaux de performance énergétique. Ce sous-amendement vise donc à renforcer la cohérence de l’amendement no 280 rectifié présenté par la commission.
M. le président. Quel est le sentiment de la commission sur ce sous-amendement no 1103 ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission n’a pas eu de sentiment, monsieur le président ! (Sourires.) La commission a débattu de cette question que notre collègue Charles de Courson, dont l’absence ce matin nous est cruelle (Sourires),…
M. Xavier Bertrand. C’est vrai !
M. Christian Eckert, rapporteur général. …avait déjà soulevée.
Les travaux dits « induits » ou « connexes » évoqués par M. Fromantin bénéficieront du taux de TVA intermédiaire, à 10 %.
La question de la main d’œuvre a également été soulevée : la commission avait précisé – il est bon de le rappeler en séance publique – que les travaux induits feraient l’objet d’une proratisation, en fonction du volume des travaux respectivement soumis aux taux de 5,5 % et de 10 %.
M. Xavier Bertrand. Cela sera compliqué !
M. Christian Eckert, rapporteur général. J’entends dire, à ma droite, que cela sera compliqué. Non, mon cher collègue : nous parlons de pratiques tout à fait courantes, déjà appliquées dans le cadre du crédit d’impôt. Je ne l’ai pas précisé tout à l’heure en présentant mon amendement car d’autres proposeront prochainement d’élargir la liste des travaux éligibles, mais nous avons calé l’assiette de ce dispositif sur l’article du code des impôts relatif au crédit d’impôt développement durable. Nous ne complexifions donc pas le droit fiscal : au contraire, nous nous fondons sur des règles connues, parfois établies par les gouvernements précédents.
Nous ne pouvons pas retenir le sous-amendement défendu par M. Fromantin : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement no 280 rectifié et le sous-amendement no 1103 ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est très favorable à l’amendement de la commission : cette bonne décision permettra à la fois de faire des efforts pour améliorer la qualité thermique des bâtiments et, par conséquent, de diminuer la facture énergétique des ménages et de respecter davantage nos objectifs dans le cadre du plan climat. Par ailleurs, cette mesure peut entraîner des travaux importants et contribuer ainsi à la relance de l’activité économique et de l’emploi : comme chacun sait, lorsque le secteur du bâtiment reprend de l’activité, c’est l’économie dans son ensemble qui est tirée vers le haut.
En revanche, le Gouvernement n’est pas favorable au sous-amendement de M. Fromantin. Le dispositif a été adossé au périmètre applicable au crédit d’impôt développement durable. Introduire un dispositif distinct serait de nature à créer beaucoup de confusion pour les particuliers pouvant bénéficier de la mesure ; or, en matière fiscale, quand on crée beaucoup de confusion, on crée beaucoup de contentieux potentiel. L’efficacité d’une mesure tient à sa simplicité et sa lisibilité : l’adossement de notre dispositif au périmètre du CIDD est de nature à permettre cette lisibilité et cette simplicité.
Je comprends l’objectif et la philosophie du sous-amendement présenté par le député Fromantin, mais je pense que les dispositions qu’il propose ne servent pas l’objectif qu’il prétend poursuivre en déposant cet amendement.
Par ailleurs, monsieur le président, je sollicite de votre part une brève suspension de séance dès la fin de la présentation de ces amendements et sous-amendements.
M. le président. Fort bien, monsieur le ministre.
La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Je salue évidemment la présentation de l’amendement no 280 rectifié et j’appelle à son adoption. Le rapporteur n’est pas entré dans tous les détails de la genèse de cet amendement, et de la façon dont on a pu aboutir à ce bon accord avec le Gouvernement, qui permettra de donner un signal important avec cette forme de retour aux Français s’agissant de la contribution climat énergie : il est important qu’il existe un équilibre entre une contribution supplémentaire et la baisse parallèle d’une autre taxe.
Pour le groupe écologiste, c’est un cercle vertueux qui est ainsi enclenché.
Un cercle vertueux écologiquement, car faire des économies d’énergies dans le logement est fondamental puisque 40 % des émissions de gaz à effet de serre sont liées aux logements et au tertiaire.
Un cercle vertueux socialement, parce que les ménages pourront être protégés des hausses de tarif ou de prix sur les marchés des différentes sources d’énergies.
Un cercle vertueux économiquement, car le bâtiment est un secteur qui peut très vite embrayer sur ce genre de mesure pour créer de l’activité et des emplois alors qu’il souffre depuis plusieurs années.
Un cercle vertueux fiscalement et budgétairement, enfin, puisque, comme cela a déjà été démontré à d’autres périodes avec le secteur du bâtiment, en relançant l’activité, les recettes de TVA pourraient être plus importantes qu’elles ne le sont aujourd’hui, ce qui n’est pas vrai de tous les secteurs d’activité.
C’est un signal clair et fort en matière d’isolation thermique des logements, domaine dans lequel nos compatriotes attendent d’accélérer le mouvement. C’est un signal prix beaucoup plus important que dans d’autres domaines concernant la TVA – je ne reviendrai pas sur le cinéma : pour des travaux de 10 000 euros, une TVA à 10 % représente 1 000 euros – ce sont des sommes de cet ordre dont nous parlons lorsque nous évoquons l’isolation des logements.
Encore une fois, nous nous réjouissons de l’adoption – que nous espérons unanime – de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Je me réjouis que le Gouvernement ait entendu la mobilisation qui s’est faite autour de cette question. En augmentant la TVA sur la rénovation thermique, nous prenions le risque d’envoyer un signal contre-productif à l’heure de lancer le grand chantier de la transition énergétique.
François de Rugy vient d’évoquer un certain nombre de sujets qui ont également été soulevés par le ministre et le rapporteur général et qu’il est important de souligner.
Nous connaissons l’aspect environnemental de cette question : le rapport du GIEC, sorti il y a quelques jours, a montré à quel point le dérèglement climatique nous menace.
Il s’agit également d’une question de justice sociale et de pouvoir d’achat. Nous le savons tous, les prix de l’énergie ne peuvent que croître pour toutes les énergies. Si l’on veut stabiliser les factures, c’est aussi simple qu’une équation de CM2 : puisque la facture est égale à la consommation multipliée par le tarif, si le tarif augmente, il faut baisser la consommation pour stabiliser le tarif. Il s’agit donc d’une question importante en termes de pouvoir d’achat.
Enfin, en matière économique, cette question est très importante pour l’emploi, car il s’agit d’emplois non délocalisables répartis sur l’ensemble du territoire, ainsi que pour la facture énergétique de la France qui importe chaque année l’équivalent de 70 milliards d’euros d’énergies fossiles.
Si nous réussissons ce grand chantier de la rénovation thermique des bâtiments, cela nous permettra d’atteindre ces objectifs environnementaux, sociaux et économiques.
Permettez-moi de donner un dernier chiffre donné par la Kreditanstalt für Wiederaufbau, ou KfW, qui est l’équivalent en Allemagne de la Caisse des dépôts. Il a été évalué que chaque fois que l’on investit un euro d’argent public dans la rénovation thermique des bâtiments, cela génère près de onze euros de travaux et cinq euros de recettes fiscales. C’est donc également un cercle vertueux pour les finances publiques.
M. le président. La parole est M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir le sous-amendement no 1102, à l’amendement no 280.
M. Jean-Christophe Fromantin. Il est défendu.
M. le président. Monsieur Fromantin, vous présentez également un amendement no 698 qui est en discussion commune avec l’amendement n° 280 rectifié.
M. Jean-Christophe Fromantin. Il est également défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements et sous-amendements soumis à la discussion commune ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne suis pas favorable aux sous-amendements. Je voudrais préciser, ce que je n’ai pas fait tout à l’heure, que la liste des travaux éligibles est celle qui est issue de l’article 200 quater du code général des impôts. Elle est d’ailleurs précisée à l’article 56 du présent projet de loi – nous aurons l’occasion d’y revenir.
Je tiens à appeler l’attention sur les travaux qui sont en cours au niveau de la Caisse des dépôts pour mettre en place un fonds de garantie afin de faciliter l’accès au crédit sur ce type de travaux de rénovation énergétique – Marc Goua et le président Carrez sont bien au fait de ces questions. Le bureau de la commission des finances a récemment exprimé le souhait que ces travaux dépassent le stade des réflexions, et – je crois que c’est déjà le cas – que leur mise en œuvre soit envisagée. Le secteur bancaire privé a parfois un peu de mal à s’engager sur des opérations de ce type, dont la rentabilité est parfois étalée sur une certaine durée pour les maîtres d’ouvrage, notamment lorsqu’il s’agit, comme c’est souvent le cas, de copropriétaires. Je souhaite donc que les travaux en question aboutissent rapidement à la mise en place de ce fonds de garantie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Avis favorable à l’amendement no 280 et avis défavorable aux sous-amendements ainsi qu’à l’amendement no 698.
M. le président. J’ai reçu un certain nombre de demandes de prise de parole, monsieur le ministre, mais peut-être souhaitez-vous que je fasse droit dès maintenant à votre demande de suspension de séance ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je préfère en effet, monsieur le président, que nous écoutions les orateurs après la suspension de séance.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Les amendements soumis à discussion commune ont été présentés ; nous avons entendu l’avis de la commission et du Gouvernement, ainsi que plusieurs orateurs, et je suis à présent saisi d’autres demandes d’intervention.
M. Dominique Lefebvre. Je serai bref, car je partage les arguments qui ont déjà été avancés. Je veux simplement me féliciter de l’unanimité qui se fait jour autour de l’amendement no 280 rectifié proposé par les députés socialistes de la commission des finances, rejoints aujourd’hui par les députés écologistes.
M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.
M. Dominique Lefebvre. Tout a été dit sur l’enjeu que représente l’engagement de la transition énergétique et sur l’impact qu’aura, en termes d’activité et d’emploi, ce dispositif fiscal, qui s’inscrit dans une démarche plus générale. Je connais bien la situation, pour avoir longtemps été l’élu d’une ville, où de nombreuses copropriétés et de nombreux logements sociaux sont confrontés à ce problème de l’adaptation des logements. Face à ce qui constitue à la fois une nécessité environnementale et un impératif pour le pouvoir d’achat des ménages, nous mettons en place un dispositif vertueux.
Je voudrais profiter de cette intervention pour faire deux remarques. Premièrement, alors qu’on lit parfois dans la presse que des tensions se feraient jour ou s’amplifieraient entre le Gouvernement et sa majorité parlementaire,…
M. Xavier Bertrand. C’était visible hier !
M. Jean-François Lamour. C’est un euphémisme !
M. Dominique Lefebvre. …il faut reconnaître que sur ce sujet la majorité dialogue depuis le printemps dernier avec le Gouvernement de manière intelligente et constructive…
M. Xavier Bertrand. Bel aveu ! Qui s’excuse s’accuse !
M. Dominique Lefebvre. … et qu’elle fait preuve de cohésion, puisque les députés socialistes travaillent avec leurs amis d’Europe Écologie Les Verts.
M. Jean-François Lamour. C’est la foi du charbonnier !
M. Dominique Lefebvre. Ce travail témoigne donc à la fois de la cohésion de la majorité parlementaire, et de la cohésion qui existe entre cette majorité et le Gouvernement.
Deuxième constat : dans ce débat, le groupe socialiste a pris ses responsabilités. Cette mesure a un coût, que nous avons intégré dans un paquet global, avec les mesures de pouvoir d’achat qui ont été votées hier par la gauche, et pas par la droite – je le rappelle et je ne le soulignerai jamais assez. Il est de notre responsabilité de trouver les moyens de financer cette mesure. J’appelle à un vote unanime sur cet amendement important de notre projet de loi de finances pour 2014.
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.
M. Xavier Bertrand. Je souhaite faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58, alinéa 1, car cet hémicycle, où nous sommes censés débattre du budget, semble accueillir des réunions de groupe élargies. Hier soir, nous avons assisté au recadrage brutal de M. Guedj…
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne veux pas remettre en cause la présidence, mais je ne suis pas sûr qu’il s’agisse bien d’un rappel au règlement !
M. Xavier Bertrand. …après que le Premier ministre a lui-même brutalement recadré des parlementaires socialistes en réunion de groupe.
Mme Christine Pires Beaune. Vous avez assisté à notre réunion de groupe, monsieur Bertrand ?
M. Xavier Bertrand. M. Lefebvre fait du mieux qu’il peut, mais le vrai problème, c’est que la majorité et le Gouvernement n’ont pas de cap. Et c’est le manque d’autorité du Président Hollande qui est la cause de toutes leurs difficultés.
M. Jean Launay. Et vous, où en êtes-vous de votre inventaire ?
M. le président. On s’éloigne un tout petit peu d’un rappel au règlement…
M. Xavier Bertrand. Si vous êtes aujourd’hui confrontés à toutes ces difficultés, vous savez qui en est le responsable. Vous aurez beau faire tout ce que vous voudrez, vous n’arriverez pas à démontrer que ce budget est cohérent…
M. le président. Merci, cher collègue.
M. Xavier Bertrand. …car il est clair qu’il accroît les difficultés des Français.
M. Thomas Thévenoud. Ce n’était absolument pas un rappel au règlement !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. J’ignorais, monsieur Bertrand, que vous participiez aux réunions du groupe socialiste…
M. Xavier Bertrand. C’était dans la presse !
M. Nicolas Sansu. …et que vous étiez informé des recadrages qui peuvent s’y produire. Ce n’est pas mon cas !
Bien que je n’aie pas participé aux réunions du groupe socialiste, je peux vous assurer, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, de mon total soutien sur cet amendement, que je trouve intelligent et bénéfique à la fois aux ménages et au secteur du bâtiment.
M. Jean-Luc Laurent. La majorité s’élargit !
M. Nicolas Sansu. Je voterai donc cet amendement, même si cela ne préjuge pas, vous l’aurez compris, mon vote final, pas plus que de celui du groupe GDR.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Cet amendement est intéressant, et même très intéressant, mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est important, lorsque je regarde les chiffres. Si je comprends bien, monsieur le rapporteur général, l’impact de cet amendement est de l’ordre de 500 millions d’euros.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Il suffit de lire le rapport !
M. Hervé Mariton. Pour donner un ordre de grandeur, 500 millions d’euros permettent de financer l’isolation et la rénovation thermique de 25 000 logements. Je rappelle qu’en Suède, ce sont plus de 100 000 logements qui font chaque année l’objet d’investissements majeurs, en vue d’améliorer leur efficacité thermique. Si nous voulons vraiment avoir un impact sur les consommations d’énergie et sur la politique énergétique en France, les objectifs que nous nous fixons doivent être d’une tout autre ampleur.
Cet amendement est intéressant, je le répète. Il est même très intéressant, et nous le voterons. Mais de là à dire qu’il est important…. Pour le coup, la consolation apportée aux Verts au sein de la majorité est un plat de lentilles. C’est seulement une dose extrêmement modeste de rénovation énergétique qui pourra être mise en œuvre, alors que nos besoins et notre ambition devraient être d’une tout autre ampleur.
Je ne dis pas que la solution réside uniquement dans la dépense publique ou dans la création de niches fiscales, mais il faut que vous mesuriez l’écart entre l’effort consenti par cet amendement, qui est utile, bienvenu et intéressant, et ce que constituerait une réelle politique de rénovation thermique : à l’échelle de notre pays, ces 25 000 logements sont dérisoires, quand on sait que la Suède investit dans 100 000 logements chaque année.
M. Denis Baupin. Cela commence à bien faire, avec la Suède !
M. Hervé Mariton. Nous pourrions avoir de plus grandes ambitions pour la France ! L’amendement est intéressant mais, pour le coup, la réconciliation entre les socialistes et les Verts se fait sur une mesure qui est très en deçà des objectifs que nous pourrions raisonnablement nous fixer en matière de rénovation thermique. Mes chers collègues, vous avez sans doute pensé que cet accord était utile, mais vous ne vous êtes pas vendus très cher !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Mariton, vous venez de tenir un raisonnement totalement absurde.
M. Jean-Luc Laurent. Et surtout ridicule !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous raisonnez comme si le taux réduit de TVA allait financer 100 % des travaux qu’effectueront les Français dans leur logement. Nous sommes socialistes, mais pas favorables à l’économie administrée, rassurez-vous. Nous n’allons pas financer la totalité des travaux que les Français effectueront dans leur logement à travers ce taux réduit de TVA.
M. Jean-Luc Laurent. Bien entendu !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous apporterons une contribution à des travaux qui seront beaucoup plus importants en volume.
Par un effet de levier, les 500 millions d’euros dégagés par le taux réduit de TVA permettront de réaliser pour 10 milliards d’euros de travaux, ce qui représente beaucoup plus de 100 000 logements.
M. Jean-Luc Laurent. Eh oui, il y aura un effet de levier !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Votre raisonnement part de l’idée que le taux réduit de TVA financera 100 % des travaux effectués dans les logements, ce qui vous conduit à minorer l’importance de cette mesure…
M. Jean-Luc Laurent. C’est un raisonnement de technocrate au petit pied !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et à faire un calcul totalement erroné sur le nombre de logements concernés.
M. Hervé Mariton. On rénovait déjà 100 000 logements !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Mariton, votre raisonnement est le raisonnement le plus absurde qui ait été tenu dans cet hémicycle depuis le début de ce débat.
M. Hervé Mariton. Vous n’êtes pas avares de compliments, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud.
M. Thomas Thévenoud. Je ne voudrais pas que l’on s’attaque aux plats de lentilles, aux lentilles en général, et aux lentilles vertes en particulier, monsieur Mariton. (Sourires.)
Comme Dominique Lefebvre, je veux insister sur la cohérence de la majorité et du Gouvernement en matière de politique du logement. Pour nous, cette politique repose sur deux pieds, le soutien au logement social et au logement public, d’une part – c’est ce que nous faisons avec un taux de TVA réduit pour les HLM –, et le soutien au logement privé, d’autre part, notamment à travers des travaux de réhabilitation et de rénovation. Dans les centres-villes de nos territoires, cette question est cruciale aujourd’hui.
Je veux insister sur ces deux pieds et sur la cohérence d’ensemble de cette politique du logement. On pourrait évoquer également le taux de TVA réduit sur la construction de logements intermédiaires ou les dispositifs qu’a annoncés le Président de la République au printemps sur le crédit d’impôt développement durable. Ce dispositif, monsieur Mariton, va bien au-delà de la réconciliation entre les Verts et le groupe socialiste – d’ailleurs, vous allez le voter !
M. Hervé Mariton. Oui.
M. Thomas Thévenoud. C’est une bonne mesure, qui rassemble. Et il en faut dans la période actuelle, surtout lorsqu’elles permettent de défendre l’activité dans nos territoires. C’est aussi une façon de répondre aux demandes formulées par de petites entreprises artisanales du bâtiment de nos départements, qui ont besoin de ce coup de pouce, elles qui ne vont pas bénéficier du CICE. Donnons-leur, à elles aussi, la capacité d’entretenir la petite flamme de la reprise que nous connaissons actuellement.
Il s’agit d’une bonne mesure, qui va permettre de dépasser très largement les clivages politiques. Nous allons nous rassembler autour de cette mesure, qui est favorable au pouvoir d’achat des ménages et à une baisse de la consommation énergétique dans notre pays ; elle est bonne pour la planète, bonne pour la croissance et l’emploi dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, quand vous êtes mis en difficulté, vous avez tendance à traiter votre interlocuteur de manière un peu raide. J’ai seulement souhaité fixer des ordres de grandeur. Cet effort fiscal de 500 millions d’euros, vous nous dites qu’il va engendrer 10 milliards de travaux. Je souhaiterais que vous fassiez le tour de vos connaissances, des personnes qui n’auraient pas spontanément décidé d’engager des travaux de rénovation thermique et que vous me donniez la liste de ceux qui vont assumer un levier de 1 à 20.
Imaginer que cet effort de 500 millions d’euros va déclencher, de la part de particuliers qui engagent ces travaux trop lentement et trop difficilement, 10 milliards de travaux, c’est tout simplement impossible. Je ne sais pas si mon raisonnement était inattaquable, mais je pense en tout cas que l’effet de levier que vous envisagez est faux.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Christian Eckert, rapporteur général. L’arithmétique est ce qu’elle est. Je dis toujours qu’on ne peut pas faire dire aux chiffres n’importe quoi, contrairement à ce que le la légende veut essayer d’accréditer.
Le raisonnement du ministre est parfaitement juste.
M. Hervé Mariton. Un rapport de 1 à 20, ce n’est pas sérieux !
M. Christian Eckert, rapporteur général. En faisant passer à 5 % des travaux qui étaient taxés à 7 %, alors qu’ils auraient dû passer à 10 %, on fait un effort de 5 points.
M. Hervé Mariton. C’est une bonne mesure, mais elle n’aura pas cet effet miraculeux !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Or pour arriver à 100, il faut multiplier 5 par 20. J’ignore la nature exacte des études qu’a suivies M. le ministre, mais j’imagine qu’il a au moins fait l’école communale, et il a raison de dire que 500 millions multipliés par 20, cela fait 10 milliards. C’est bien sur 10 milliards de travaux qu’une réduction de 5 points de TVA donne 500 millions d’effort national. C’est inattaquable.
Vous avez confondu le coût d’un logement comme si cet effort était entièrement consacré aux travaux qui bénéficieront d’une amélioration de 5 % sur leur volume et non de 100 %. C’est un effort extrêmement important à vocation économique et sociale puisque cela permettra d’avoir moins de charges, notamment pour le chauffage. Tout le monde s’en réjouit. Après, on peut s’amuser à faire des calculs, mais le raisonnement du ministre était implacable.
M. le président. La parole est à M. Marc Goua.
M. Marc Goua. Je veux souligner la cohérence de l’action gouvernementale. Mise à part la baisse de TVA, on assiste, depuis fin juin, à des interventions de l’ANAH bien supérieures à ce qu’elles étaient précédemment en termes à la fois de taux d’intervention et de volume et qui permettront d’atteindre les objectifs fixés. Ces aides sont sans précédent depuis le début de l’été et viennent en complément de la baisse de TVA.
M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.
M. Olivier Carré. Je trouve le ministre très optimiste quant aux effets de la mesure : 10 milliards d’euros de travaux sur des rénovations dont le coût s’échelonne approximativement entre 10 000 euros et 20 000 euros. Alors que l’on est sur 500 000 à un million de travaux de rénovation par an, ce serait une multiplication fantastique par rapport à ce qui se passe aujourd’hui !
M. Christian Eckert, rapporteur général. On n’a pas dit cela !
M. Olivier Carré. L’objectif – et c’est peut-être une bonne nouvelle pour les finances publiques – de la mesure ne constitue pas l’élément qui sera déterminant dans la décision d’engager des travaux. Mais je ne suis pas sûr que l’on aboutisse au dynamisme espéré. La mesure favorise, certes, les consommateurs, mais permet surtout aux entreprises d’éviter que les travaux ne soient effectués sous forme travail dissimulé, comme on dit pudiquement maintenant. C’est cela le principal impact et c’est la raison pour laquelle nous soutenons cet amendement.
(Les sous-amendements nos 1103 et 1102, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 280 rectifié est adopté et l’amendement no 698 tombe.)
M. le président. L’amendement no 124 est défendu.
(L’amendement no 124, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement no 221 est également défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur. Permettez-moi un petit clin d’œil. Après les animaux de compagnie, nous avons là, un amendement qui porte sur la nourriture des animaux et que, dans mes services, nous avons appelé « l’amendement croquettes » ! (Sourires.)
Avis défavorable donc.
(M. Denis Baupin remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis que la commission.
(L’amendement no 221 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 281 et 631, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 281.
M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a approuvé cet amendement à une très large majorité – peut-être même à l’unanimité, mais je n’en suis plus certain. Il prévoit le passage au taux normal de TVA pour les « amendements », au sens agricole du terme, à savoir les engrais et les fertilisants, notamment les amendements calcaires non bio, le souffre et le cuivre. L’effet est neutre pour les agriculteurs, je tiens d’emblée à le préciser. La TVA est en effet déductible – il est même prévu une disposition pour ceux qui seraient au forfait. Ce sont les autres utilisateurs de ce type « d’amendements » qui sont concernés. L’honnêteté me commande de vous dire que la mesure a une petite vertu de rendement – entre 15 et 20 millions d’euros –, ainsi qu’une vertu environnementale puisqu’on en appelle à la modération dans l’utilisation de ces « amendements ». Je ne peux m’empêcher de faire ce mauvais jeu de mots, mais la modération sur les amendements législatifs pourrait également être vertueuse dans cet hémicycle ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 631.
M. François de Rugy. Le présent amendement est très proche du précédent qui vient d’ être défendu par le rapporteur général. Il s’agit d’harmoniser la TVA en fonction de ce qui a été dit lors de la conférence environnementale. Aucune raison ne justifie d’avoir un taux de TVA réduit pour les engrais, sauf lorsqu’il s’agit de produits labellisés correspondant à des méthodes de production de l’agriculture biologique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. L’amendement est en effet proche de celui que j’ai présenté. Je suggère à nos collègues écologistes de se rallier à l’amendement de la commission et de retirer le leur. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de M. Eckert et suggère à M. de Rugy, compte tenu que son amendement est satisfait, de le retirer.
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Je ne partage pas l’avis de notre rapporteur général,…
M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce n’est pas la première fois.
M. Marc Le Fur. …non parce que j’ai comme certains d’entre vous un potager que j’essaie d’entretenir – nous ne sommes peut-être pas très nombreux dans ce cas, même dans le groupe écologiste –, mais parce qu’il ne faut pas voir les choses de manière pointilliste. En fait, ces augmentations de TVA correspondent à la mise en cause d’un genre de vie.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Familial.
M. Marc Le Fur. En effet. Dans les secteurs rurbains où ils se sont installés, un certain nombre de nos compatriotes, ouvriers, employés, gens modestes,…
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Qui vivent en famille.
M. Marc Le Fur. …qui ont le grand tort d’acheter des produits d’horticulture, vont ainsi apprendre que la TVA va augmenter pour les produits horticoles – c’est contre cela que j’avais déposé l’amendement que je n’ai pu développer tout à l’heure puisque je présidais la séance. De même, eux qui ont le grand tort d’avoir des animaux domestiques, ils vont voir la TVA augmenter pour l’alimentation animale. Et les mêmes qui ont le grand tort d’avoir un potager et d’essayer de l’entretenir correctement vont là encore voir la TVA augmenter.
Que les choses soient bien claires : vous dessinez une société que vous ne voulez plus et une autre que vous souhaitez. Faut-il rappeler que ceux qui achètent des œuvres d’art à l’étranger ont, eux, l’heur de plaire à certains législateurs ici rassemblés ?
Par une volonté implicite, voire explicite quand ce propos est intellectualisé par un des think tank socialistes, on s’en prend à un mode de vie auquel aspirent nos concitoyens. La famille fait pourtant l’unanimité lorsque l’on interroge les gens, tout comme la vie dans une maison à soi. Or tout cela n’est certes pas abordé de front – vous êtes plus subtils – mais est, de fait, contesté. À l’occasion de cet amendement, je tiens à dire qu’il y a une véritable cohérence dans la démarche socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Hervé Mariton. Hélas !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le député Le Fur, j’ai un potager…
M. Xavier Bertrand. On l’a vu en photo !
M. Jean-François Lamour. Très bien, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …des animaux domestiques et une famille.
M. Marc Le Fur. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par conséquent, je suis comme vous attaché à la qualité de mes légumes, à la quiétude de mes animaux domestiques ainsi qu’au bonheur de ma famille. Mais dans votre démonstration, vous avez oublié un élément. Le complot que vous décrivez, qui viserait à s’attaquer simultanément aux potagers, aux animaux domestiques et aux familles, a une dimension…
M. Jean-François Lamour. Internationale !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …internationale, car vous avez oublié de citer la Commission européenne.
M. Marc Le Fur. Cela ne me surprend pas. Il y a longtemps que je n’en attends rien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La Commission européenne est l’un des acteurs extrêmement dynamiques du complot dans la mesure où elle nous impose de respecter un certain nombre de règles d’eurocompatibilité concernant la TVA applicable à la vente d’animaux de compagnie. C’est dire à quel point il y a des vents contraires qui soufflent et s’attaquent au modèle auquel vous tenez ! Franchement, monsieur Le Fur, si nous présentons ces amendements, c’est animés par des préoccupations très différentes de celles que vous nous prêtez.
M. Marc Le Fur. Il y a une cohérence.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais non, monsieur Le Fur.
Cela relève plus d’un fantasme dans votre esprit que d’une cohérence funeste et comploteuse dans notre politique.
M. Hervé Mariton. Il n’y a pas de cohérence dans votre politique : on est d’accord !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Mariton, pourquoi êtes-vous désagréable alors que je mets tant d’énergie à toujours être avec vous, à l’écoute,...
M. Hervé Mariton. Vous m’agressez en permanence.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …sympathique, disponible pour faire en sorte que tous les arguments que vous développez avec l’esprit de précision et de finesse qui vous caractérise soient systématiquement évalués comme il convient dans notre hémicycle ?
M. Olivier Carré. Pas toujours.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne mérite donc pas ce propos désagréable de votre part…
M. Hervé Mariton. Vous êtes déjà désagréable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …alors qu’il y a entre nous depuis le début du débat tant d’amitié. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
M. Hervé Mariton. Je plains vos amis !
M. Paul Giacobbi. Qui aime bien châtie bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Le Fur, les dispositions à caractère fiscal sur les engrais, nous les prenons en fonction de préoccupations environnementales pour lutter contre des niches fiscales anti-écologiques. Et nous le faisons, je le dis à l’élu d’un département très agricole, avec le souci de faire en sorte que ces mesures ne créent pas de difficultés pour les agriculteurs, car nous sommes sensibles aux problèmes économiques multiples auxquels ils sont confrontés.
S’agissant des animaux de compagnie, j’ai expliqué la dimension d’eurocompatibilité. Il y a une cohérence dans ces amendements. Nous inscrivons notre pays, à la faveur des dispositions fiscales que nous prenons, dans le développement durable. Voilà ce qui nous inspire et rien d’autre. Soyez totalement rassuré, vous pouvez en toute quiétude voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le Rapporteur général.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur Le Fur, je vous ai épargné tout à l’heure bien des désagréments. Vous avez défendu de façon très lapidaire – puisque vous étiez au perchoir – l’amendement n°124, que j’ai repoussé de façon tout aussi lapidaire. Mais si vous l’aviez défendu avec la fougue qui vous est coutumière, j’aurais joué mon rôle habituel de greffier – c’est le cas de le dire lorsque l’on parle des chats ! (Sourires.) Si votre amendement avait été adopté, il aurait eu pour effet de passer le taux actuel de 7% – qui va passer à 10% sur les animaux de compagnie – à 20%.
M. François Pupponi. Scandaleux !
M. Christian Eckert, rapporteur général. J’appelle votre attention, monsieur Le Fur : vous auriez eu sur le dos un certain nombre d’animaux pas forcément si domestiques que cela !
M. Paul Giacobbi. Des animaux de mauvaise compagnie !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Si nous avions adopté votre amendement, vous faisiez passer au taux normal tout ce qui concerne les animaux domestiques. Je vous ai donc rendu un grand service.
M. le président. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. J’imagine que je suis l’un de ces représentants du lobby, du complot, que sais-je, qui veut à la fois détruire les familles, les campagnes etc.
M. Xavier Bertrand. Bel aveu !
M. François de Rugy. Monsieur Le Fur, vous savez qu’il nous est arrivé d’avoir des échanges sympathiques, comme l’a souligné le ministre, sur d’autres sujets. Mais je connais votre obsession à défendre les engrais, les cultures intensives – même dans les jardins, si je comprends bien ! Moi, c’est au sein de la famille que j’ai appris à jardiner. Mon grand-père m’a ainsi appris qu’il n’y avait pas de meilleur engrais que le fumier de la ferme d’à côté. Je pensais que vous alliez défendre cette pratique plutôt que les produits chimiques qu’on achète chez Jardiland, le dimanche de préférence, encore que je croyais que vous étiez contre le travail le dimanche !
Franchement, monsieur Le Fur, arrêtez de voir des complots écologistes ou socialistes : il s’agit simplement d’un amendement de bon sens qui cherche à orienter la consommation dans le bon sens.
Je précise, monsieur le président, que je retire l’amendement no 631 puisqu’il est satisfait par l’amendement du rapporteur.
(L’amendement no 631 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur. Je constate que si mon propos irrite tant, c’est qu’il révèle une cohérence interne à votre logique. Objectivement, ce sont toujours un peu les mêmes qui prennent. J’aurais pu évoquer d’autres sujets comme l’eau, bien élémentaire, car l’on s’en prend également au consommateur.
M. François de Rugy. Préoccupez-vous plutôt de la qualité de l’eau !
M. Marc Le Fur. Je n’insiste pas. Simplement, comme souvent et comme l’histoire nous l’a démontré, la fiscalité repose aussi sur une hiérarchisation des thèmes et sur des modèles implicites. Je me suis efforcé de les faire apparaître.
(L’amendement no 281 est adopté et l’amendement no 641 tombe.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 716 rectifié.
M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à appliquer un taux réduit de TVA aux opérations d’accession sociale à la propriété destinées aux ménages modestes. À l’initiative de Daniel Goldberg, nous proposons d’expérimenter un montage propre fondé sur une propriété dissociée du bâti et du terrain.
Un établissement public foncier ferait l’acquisition de l’emprise foncière et conclurait un bail à construction avec une société civile coopérative qui serait propriétaire du bâti ; les ménages souhaitant devenir propriétaires en deviendraient sociétaires.
Ce dispositif serait également adossé à la Fédération nationale des sociétés coopératives d’HLM.
C’est une bonne expérimentation qui permettrait de renouer avec le dispositif du pass foncier qui avait produit des effets positifs et qui a malheureusement été abrogé en 2010.
M. François Pupponi. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je remercie notre collègue de sa présentation très précise d’un sujet très complexe.
Malgré tous les efforts que mes collaborateurs et moi-même avons fournis, je ne dispose pas de chiffrage qui permettrait d’évaluer le coût que représente le dispositif proposé. J’aimerais toutefois vous faire remarquer, monsieur Laurent, que le paquet dédié au logement social dans la loi de finances est déjà important. De nombreuses dispositions viennent favoriser la construction et le développement des logements sociaux. Je citerai entre autres la disposition relative à la TVA que nous avons adoptée tout à l’heure.
Dans ces conditions, je vous demanderai de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne conteste pas le bien-fondé de cet amendement : la question qu’il pose, les propositions qu’il formule peuvent revêtir un intérêt dans le cadre de la volonté qui est la nôtre d’accompagner la dynamisation de la politique en faveur du logement, notamment dans les zones tendues.
Comme vous le savez, nous avons pris beaucoup de dispositions en faveur du logement dans la loi de finances : taux réduit de TVA sur la construction de logements sociaux avec extension aux petites réparations, ambitieux dispositif du régime des plus-values immobilières destiné à libérer du foncier et à mettre sur le marché des logements. À cela s’ajoute la mise en place de taux spécifiques de TVA pour l’accompagnement des investisseurs institutionnels dans le domaine du logement intermédiaire. Je pourrais continuer d’égrener l’ensemble des mesures que nous prenons, à la suite du rapporteur général qui vient de souligner combien elles étaient significatives en nombre et coûteuses.
Par ailleurs, monsieur le député, vous ne pouvez pas nier que cet amendement engendre une nouvelle dépense fiscale. Or nous n’avons pas pris le temps d’en débattre au préalable et nous ne disposons pas d’étude d’impact permettant d’évaluer l’effet des mesures que vous proposez de financer. Je vous propose donc, si vous en êtes d’accord, de retirer cet amendement afin que, dans le cadre de nos bonnes relations, nous poursuivions la réflexion sur ce sujet avec M. Goldberg, vous-même, et les autres signataires.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. À plusieurs reprises, donnant votre avis sur des amendements, monsieur le ministre, vous avez fait un panégyrique de la politique du logement du Gouvernement.
Je vous donnerai simplement un chiffre : en 2013, les constructions de logements neufs vont très certainement passer sous la barre des 300 000. Cela ne s’était jamais produit depuis plusieurs décennies.
M. Olivier Carré. Incroyable !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Sous la barre des 300 000, rendez-vous compte : c’est absolument dramatique. Je ne rappelle pas la promesse du président Hollande de remonter le nombre des constructions neuves à 500 000.
Au sein de ces 300 000 constructions neuves, les constructions de logements sociaux seront très éloignées des objectifs. Une partie du logement social, chacun le sait, est liée aux opérations privées. Ce marasme affecte donc tous les segments du logement.
Ce qui me paraît gravissime, c’est que nous n’avons aucun espoir pour 2014. Il n’y a pas que les mesures fiscales et financières et les subventions qui sont en cause, monsieur le ministre, il y a aussi l’hyperréglementation. L’ensemble de textes qui a été voté rend quasiment certain le fait que les mises en chantier seront également inférieures à 300 000 l’an prochain. De tels chiffres deux années de suite, voilà qui est dramatique pour notre pays. Ce sont des dizaines de milliers d’emplois en moins. Ce sont des besoins qui ne seront pas satisfaits en zones tendues, ce sont des ménages qui ne pourront pas être logés.
Dans ces conditions, je ne vois pas comment l’on peut se flatter, comme vous l’avez fait, de la politique du logement du Gouvernement. Aujourd’hui, malheureusement, c’est un constat d’échec qui s’impose.
M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.
M. Olivier Carré. Gilles Carrez a dressé un panorama juste de la situation. Une raison explicative importante, c’est que tous les dispositifs mis en place, y compris précédemment, sont comme les pièces d’un puzzle qui ne pourraient plus s’emboîter, du fait de la conjoncture et d’un mauvais climat de confiance.
S’agissant du foncier, il faut d’abord pouvoir l’acheter, le porter et développer une offre. C’est précisément ce que propose cet amendement.
Quant à la dépense fiscale – je vous renvoie au raisonnement développé tout à l’heure à propos de l’amélioration des logements –, elle est très largement surévaluée aujourd’hui.
Par ailleurs, il y a un risque que les logements dont cet amendement propose la construction ne soient pas réalisés. Nous ne sommes pas dans une logique où la dépense fiscale peut avoir un effet immédiatement avéré grâce à un opportunisme lié au taux réduit de TVA.
L’expérimentation proposée renoue avec des traditions qui ont porté leurs fruits il y a quelques décennies et qui se sont quelque peu embolisées. Elle s’adresse à une population qui nous est chère à tous : les primo-accédants des classes moyennes inférieures qui cherchent à acheter, ce qui par voie de conséquence libère des places dans le parc public. Elle s’inscrit dans le parcours ascendant résidentiel qui fait, je crois, l’objet d’un grand consensus dans cet hémicycle.
Indiquer comme vous le faites, monsieur le ministre, que cette proposition sera étudiée dans un certain temps ne va pas dans le bon sens. Nous considérons qu’elle contribuerait à améliorer l’articulation entre toute une série de dispositifs déjà existants : c’est un chaînon manquant très intéressant, une piste à explorer rapidement. Il y aura une lecture au Sénat, puis la navette. Il conviendrait dans ce laps de temps de vérifier que le coût de cette expérimentation n’écorne pas considérablement les finances publiques et de l’autoriser car je pense que cela vaut le coup de la laisser se développer.
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.
M. Xavier Bertrand. Hélas, je pense que la situation l’année prochaine sera pire encore que celle décrite par Gilles Carrez à cause de la loi Duflot.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Xavier Bertrand. Nous nous situons dans une tendance mauvaise depuis maintenant dix-huit mois. Quelles que soient les circonscriptions dans lesquelles vous avez été élus, vous savez pertinemment que c’est une véritable catastrophe économique et sociale qui est en train de se passer en matière de logement.
La loi Duflot a introduit une nouvelle dimension : c’est la perte de confiance de ces acteurs économiques dont on a absolument besoin, soit pour relancer le logement, soit pour le soutenir, notamment parce qu’elle provoque un déséquilibre dans les rapports entre locataires et propriétaires.
Monsieur le ministre, il y a une question que je me pose mais je ne sais pas si vous allez pouvoir y répondre. Vous êtes en train de vous rendre compte vous aussi de ce que va provoquer la loi Duflot, mais vous n’avez pas pu empêcher Mme Duflot, qui pèse politiquement au sein de la majorité, de déposer son texte : quand reviendra-t-il en deuxième lecture à l’Assemblée nationale ? Avant les municipales ou après ?
Je sais pertinemment que c’est une catastrophe supplémentaire qui se profile. Nous sommes dans l’opposition, mais nous avons tout intérêt à ce que la construction de logements se maintienne au meilleur niveau parce que cela évitera au chômage d’atteindre de nouveaux sommets après ceux que nous connaissons aujourd’hui.
M. Camille de Rocca Serra. Très juste !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.
M. Jean-Luc Laurent. Mes chers collègues, je vais répondre tout à la fois à M. Bertrand, à M. Carrez et à M. le ministre.
La tendance que l’on constate ne date pas de dix-huit mois. La décrue de la construction est à l’œuvre depuis plus longtemps. Le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public, qui propose une décote supplémentaire pour soutenir l’activité et développer l’offre de logements, a été voté et le dispositif commence à se mettre en place.
M. Olivier Carré. Non !
M. Jean-Luc Laurent. Le ministre a eu l’occasion d’en parler en commission.
Les ordonnances sur les recours abusifs ont été publiées : c’est un élément très important qui permet de lever un frein à la construction.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est vrai !
M. Marc Le Fur. C’est la seule bonne chose !
M. Jean-Luc Laurent. C’est un point sur lequel il y a un accord très large, au-delà même de la majorité.
Les aides à la construction, les aides à la rénovation, les aides à la rénovation thermique, que nous venons d’adopter, l’application du taux réduit de TVA pour l’accession sociale à la propriété des ménages à revenus modestes vont contribuer à relancer l’activité dans un secteur qui en a bien besoin. Nous travaillons en ce sens au travers du projet de loi de finances.
S’agissant de notre amendement, il faut rappeler qu’il y a eu un dispositif analogue qui a été interrompu, M. Carré l’a reconnu. L’intérêt de notre expérimentation est de séparer le temps de l’acquisition du foncier du temps de l’acquisition du bâti.
Le ministre nous a fait la proposition de travailler sur ce dispositif pour le finaliser …
M. Olivier Carré. Rapidement !
M. Jean-Luc Laurent. …et nous l’acceptons. Nous espérons que cela se fera rapidement pour que nous puissions en rediscuter avant la fin de l’examen du projet de loi de finances. Il faudra évaluer le coût de cette mesure, qui sera d’abord une expérimentation sur l’une des zones les plus tendues, l’Île-de-France.
M. le président. La parole est à M. Marc Goua.
M. Marc Goua. Je voudrais replacer le débat dans son contexte : si l’on constate une chute de construction de logements sociaux, cela est dû aux mesures prises par l’ancien gouvernement pour réduire de façon extrêmement importante les aides à la construction de logements sociaux.
M. Olivier Carré. Cela n’a rien à voir !
M. Marc Goua. De plus, la ponction sur la trésorerie des organismes HLM ne leur a pas permis de se constituer beaucoup de fonds propres. Ces deux éléments ont donc joué.
En revanche, pour apporter une note d’optimisme, il semblerait que les demandes de financement auprès de la Caisse des dépôts pour le logement social s’accélèrent très nettement depuis quelques semaines.
M. Xavier Bertrand. Mais non !
M. Marc Goua. Si, monsieur Bertrand : c’est ce que l’on nous a indiqué lors de la commission de surveillance à laquelle j’ai participé il y a quelques jours.
M. Xavier Bertrand. Ce n’est pas une tendance lourde et constante !
M. Marc Goua. Je tiens cette information directement de la Caisse des dépôts.
Par ailleurs, je partage l’avis de mon collègue, monsieur le ministre : il s’agit d’accession sociale. Nous avons pris diverses mesures portant sur la location ; or le parcours résidentiel doit être accéléré. Il me paraît donc important d’agir en faveur de l’accession sociale.
Étant cosignataire de cet amendement, je souscris à la décision de mon collègue de le retirer, eu égard à la promesse de constituer un groupe de travail sur ce sujet.
(L’amendement no 716 rectifié est retiré.)
M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite du projet de loi de finances pour 2014.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron