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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 24 octobre 2013

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (nos 1412, 1470, 1462).

Troisième partie (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant, dans la troisième partie, à l’amendement n305 à l’article 15.

Article 15 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 305, 307 et 685, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les amendements n305 et 307 ont pour objet d’alléger le texte en supprimant un alinéa inutile. L’amendement n685 est un amendement de précision.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Avis favorable.

(Les amendements nos 305, 307 et 685 sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n371.

M. Jean-Marc Germain. Cet amendement vise à ce que la réforme du financement de la protection sociale ait lieu en 2015. Je n’ai jamais cru au grand soir fiscal, et nous devons d’ailleurs tous prendre la mesure des profondes réformes fiscales qui ont été accomplies depuis deux ans dans notre pays… (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Francis Vercamer. Ça, on peut le dire !

M. Jean-Marc Germain. …tendant à aligner la fiscalité du capital sur celle du travail et à renforcer la progressivité et l’efficacité de l’impôt.

Je suis aussi de ceux qui pensent qu’il faut poursuivre la réforme : pause fiscale ne signifie pas, en effet, pause dans la réforme fiscale. Chacun a ses idées en la matière : pour ma part, je plaide depuis longtemps pour que les cotisations patronales basculent vers une cotisation sur la valeur ajoutée, ce qui donnerait naissance à un impôt sur la production cohérent entre les collectivités locales, la Sécurité sociale et aussi, pourquoi pas, l’État – il y a d’ailleurs eu un débat sur l’excédent brut d’exploitation. Je pense aussi qu’il faudrait basculer les cotisations salariales sur une CSG progressive : ce serait favorable au pouvoir d’achat.

Mais peu importe, à la limite, le chemin pour y arriver. Je citais hier ce joli mot de Jaurès : « C’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source. » Ce qui est important, à mes yeux, c’est le point d’arrivée et non le chemin. Trois objectifs doivent être poursuivis : la stabilité et la solidité du financement de la protection sociale, l’efficacité économique, sociale et environnementale et la progressivité du prélèvement social. Tel est, monsieur le ministre, l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement de M. Germain est très important. Il a été repoussé par la commission, mais dans le cadre d’une réunion au titre de l’article 88 : il n’a donc pas donné lieu à un vrai débat. Il a été repoussé car l’idée de limiter l’application de l’article 15 à la seule année 2014 n’a pas l’accord du Gouvernement. En revanche, il pose le problème de la réforme de la structure du financement de notre protection sociale, sur laquelle a déjà commencé à travailler le Haut conseil du financement de la protection sociale. L’une des pistes qu’il poursuit est de voir comment la contribution sociale généralisée pourrait s’appliquer à l’avenir avec une plus grande justice et d’une progressivité renforcée. Je regrette que cet amendement ait été repoussé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le député, merci pour cet amendement intéressant qui concerne le financement de la protection sociale, et au-delà l’évolution de la réforme fiscale. Personne ne pense au Gouvernement que la pause fiscale équivaut à l’arrêt de la réforme fiscale. Nous avons engagé l’an dernier une réforme fiscale importante. Nous la poursuivons cette année en adoptant un certain nombre de mesures de justice, qui corrigent d’ailleurs des décisions prises au cours du précédent quinquennat. La réforme fiscale a vocation à se poursuivre. Elle n’est pas, comme vous l’avez dit, une sorte de grand soir fiscal qui, du jour au lendemain, nous conduirait à appréhender l’ensemble de la fiscalité française, à la corriger et à la revisiter en considérant qu’une fois ce travail accompli, plus rien ne resterait à faire.

La réforme fiscale se conçoit donc en continu. Notre fiscalité doit s’adapter en permanence, en poursuivant trois objectifs : un objectif de redressement de nos comptes, qui va demeurer un objectif de long terme dans un contexte où l’argent public sera, longtemps encore, une denrée rare ; un objectif de justice fiscale, présent dans nombre de vos interventions, et nous partageons pleinement vos préoccupations à ce sujet ; un objectif d’efficacité de l’impôt, afin de retrouver la croissance.

Un impôt efficace pour redresser les comptes, un impôt juste, un impôt qui permet de retrouver le chemin de la croissance et du redressement de notre appareil productif est un impôt qui fait l’objet d’un consentement large dans le pays. Or, vous le savez monsieur le député,…

Mme Bérengère Poletti. Oui, on commence à le savoir !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et je sais que vous y êtes attaché, le consentement à l’impôt est consubstantiel à la République. Sans impôt, il n’y a ni service public, ni protection sociale. Les Français sont très attachés à ce qu’il y ait des infirmières dans les hôpitaux, des enseignants dans les écoles, des policiers pour assurer la sécurité dans les rues, des juges pour rendre la justice.

M. Guy-Michel Chauveau. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il faut faire très attention, et je m’adresse en particulier, à vous, parlementaires de l’opposition, à ce que la réflexion, toujours nécessaire, sur le niveau des prélèvements obligatoires ne conduise pas, par excès de démagogie, à ouvrir toutes grandes les veines du poujadisme fiscal. On sait comment le poujadisme fiscal commence, dans une espèce d’emportement contre les impôts, mais on ne sait pas comment il se termine en termes de relation entre les citoyens et la République. Ces sujets-là sont donc à manier avec prudence. Je trouve tout à fait légitime de mener une réflexion sur le niveau des prélèvements obligatoires, surtout d’ailleurs pour vous, compte tenu du niveau de prélèvements que vous avez imposé aux Français : vous avez une science, un savoir, une connaissance qui pourraient être très utiles au débat. Mais il ne faut pas que cette réflexion sur le niveau des prélèvements obligatoires nous conduise à une dérive vers le poujadisme fiscal.

Pour ce qui concerne cet amendement, je suis sensible à son contenu et assez enclin à ne pas m’y opposer, sous réserve, monsieur le député, que vous acceptiez de le rectifier en supprimant le deuxième alinéa, afin de ne pas remettre en cause les affectations de recettes. Il est en effet très important de stabiliser les recettes des différentes branches, de manière à assurer le rétablissement des comptes de chacune d’entre elles. Aussi, sous réserve de la suppression de ces deux phrases, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Pour que chacun puisse y voir clair, je précise que ce deuxième alinéa a trait à la question, que Mme Fraysse avait évoquée hier, de la réforme des retraites. En effet, nous avons décidé que l’ensemble des contribuables français contribueraient à cette réforme, y compris les entreprises en tant que telles, ce qui se traduit, dans ce PLFSS, par une hausse des cotisations patronales retraite compensée par une baisse des cotisations patronales famille, qui fera l’objet d’un décret. Ce deuxième alinéa avait pour objet de préciser que cette disposition ne s’appliquerait qu’en 2014, puisqu’en 2015, la réforme du financement de la protection sociale que nous appelons de nos vœux devra régler définitivement la question de savoir comment sera financé, sans peser sur l’emploi, le manque à gagner résultant de la diminution de la part patronale.

Cela étant dit, M. le ministre a souligné à juste titre que l’adoption de mon amendement aurait des conséquences sur les flux financiers de la Sécurité sociale pour les années 2015 et 2016. Je n’ai évidemment pas l’intention de réécrire tout le PLFSS, aussi suis-je donc d’accord pour rectifier l’amendement en ce sens. Il serait toutefois plus simple, me semble-t-il, de supprimer les seuls mots : « s’applique pour la seule année 2014 ». En effet, pour le reste, cet alinéa ne fait que reprendre le texte du Gouvernement sur la façon dont les prélèvements seront opérés en 2014, ce qui est une précision utile à cet endroit.

Après cette modification très simple, l’amendement n’aurait plus de conséquences sur les flux financiers. Dès 2015, puis les années suivantes, le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport dressant des pistes de propositions. Pour notre part, dès avril 2014, nous pourrons débattre des différentes possibilités permettant que cette réforme trouve sa place dans le PLFSS pour 2015

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Comme l’a dit le ministre, tous les amendements peuvent être intéressants. Toutefois, monsieur Germain, quelque chose m’échappe : j’ai l’impression que vous mettez la charrue avant les bœufs.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales. Au moins, il y a des bœufs et des charrues !

M. Jean-Pierre Door. Vous expliquez parfaitement, dans votre exposé des motifs, la logique de la réflexion sur le financement à venir de la protection sociale. Nous partageons tous ce point de vue. Je rappelle d’ailleurs que le Haut conseil du financement de la protection sociale a été mis en place par le Premier ministre.

M. Christian Paul, rapporteur. Le Gouvernement a un nouveau porte-parole : M. Jean-Pierre Door !

M. Jean-Pierre Door. Créé un an auparavant par le précédent gouvernement, il n’avait pas pu commencer à travailler du fait des élections présidentielles. Ce Haut conseil existe donc bel et bien. Il a un président, tient des séances de travail, des membres du Parlement participent à ses travaux. Rien n’est terminé, tout fonctionne tranquillement – et il faut donner un peu de temps au temps, car le sujet est complexe. Je trouve donc que cet amendement va un peu trop vite et je ne le voterai pas.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement avant le 30 avril 2014. Ce délai me paraît très court : cela ne laisse que quelques mois pour travailler sur la protection sociale sous tous ses angles.

Permettez-moi de revenir sur certains sujets importants concernant la protection sociale. S’agissant de la branche famille, le gouvernement précédent avait lancé des pistes de réflexion, en particulier la TVA sociale, que je préfère qualifier de « TVA compétitivité ». Cette proposition pourrait être retenue. Vous savez bien la complexité du sujet et les nombreux impacts que peut avoir cette mesure. Il faut donc prendre beaucoup de temps pour nourrir sa réflexion sur ce sujet.

Par ailleurs, concernant la branche vieillesse, nous avons discuté de manière approfondie voilà quelques semaines et la semaine dernière encore sur les retraites. Nous vous avons demandé à plusieurs reprises un certain nombre de rapports. Beaucoup d’amendements ont été déposés en ce sens par les députés de l’opposition, notamment pour travailler sur la convergence des taux de cotisation et de prestation, dont nous avons encore parlé hier. Or ces rapports nous ont à chaque fois été refusés, alors même qu’ils prévoyaient un délai plus large que celui qui est proposé ici afin de permettre à la réflexion de se dérouler.

Il convient également d’avoir une vraie réflexion sur la branche maladie, au sujet de tous les dispositifs qui doivent être retenus. Je pense en particulier à l’aide médicale d’État, un sujet sur lequel nous devons retravailler. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir avec un de nos collègues du groupe UMP qui devrait apporter des éléments à ce sujet.

M. Gérard Sebaoun. Qu’est-ce que l’AME vient faire ici ?

Mme Véronique Louwagie. L’enjeu est si important qu’il nécessite du temps. Le dispositif que vous proposez ne prévoit pas un délai suffisant pour travailler sur un sujet comme celui-ci.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je vous informe que j’ai déposé un sous-amendement sur cet amendement, qui devrait rapidement vous parvenir, madame la présidente.

Monsieur Germain, j’entends bien vos remarques. Votre passé, et votre brillant avenir d’ailleurs, plaidant pour vous, on s’inquiète toujours lorsque vous déposez un amendement de ce type, dont vous êtes d’ailleurs le seul signataire.

M. Christian Paul, rapporteur. Il n’y a aucune raison de s’inquiéter !

M. Francis Vercamer. Sur le fond, j’ai moi-même déposé un amendement n574 qui viendra un peu plus tard et qui demande le même rapport. Je le retirerai si le présent amendement devait être voté. La protection sociale n’étant aujourd’hui financée, pour l’essentiel, que par le travail, la compétitivité française en est affectée. Il est temps d’examiner la façon dont on pourrait financer un certain nombre de dispositifs par d’autres moyens. Cela rejoint votre second paragraphe, monsieur Germain.

En revanche, votre explication d’il y a quelques instants me surprend. Nous sommes nous aussi pour la justice fiscale, mais nous souhaitons également qu’il y ait une justice dans les prestations offertes.

M. Jean-Marc Germain. Ce n’est pas sûr !

M. Francis Vercamer. Or ce que le Gouvernement et ce que votre groupe font aujourd’hui ne vise pas à rétablir la justice de la protection sociale. Les régimes particuliers et les avantages acquis pour certains salariés sont maintenus, les charges sont alourdies pour d’autres… Les Français seront d’accord pour payer des impôts s’il leur semble que tout le monde est logé à la même enseigne. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, et c’est cela qui pose problème. Les Français ne sont pas d’accord pour payer plus parce qu’ils constatent qu’un certain nombre bénéficient d’avantages par rapport aux autres.

Par ailleurs, vous avez affirmé que pause fiscale ne signifiait pas absence de réforme fiscale. Nous sommes d’accord ! Mais si la réforme fiscale consiste à augmenter encore les impôts qui pèsent sur la population, je ne peux pas vous suivre. Aujourd’hui, les prélèvements sociaux et fiscaux en France sont les plus élevés d’Europe, et même des pays industrialisés, ce qui pèse sur notre compétitivité et sur le pouvoir d’achat. Il n’est pas question de continuer ainsi. Je serais pour ma part plutôt enclin à diminuer les prélèvements fiscaux en faisant des économies.

Monsieur le ministre, il est vrai que tout le monde voudrait plus d’infirmiers et plus de policiers…

M. Christian Paul, rapporteur. Plus de professeurs !

M. Francis Vercamer. … mais cela ne justifie pas qu’on laisse filer les dépenses dans les hôpitaux, dans les écoles et ailleurs.

M. Christian Paul, rapporteur. Mais c’est vous qui avez laissé filer les dépenses, les déficits et la dette !

M. Francis Vercamer. La réforme des rythmes scolaires, ça coûte cher, monsieur Paul !

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Francis Vercamer. Moi qui suis dans l’opposition, je l’applique dans ma commune : cela représente 460 euros par enfant ! Ce sont des prélèvements !

Le sous-amendement que je propose vise donc à supprimer le deuxième alinéa de l’amendement de M. Germain et à ne conserver que la partie relative au rapport.

Mme la présidente. Avant de donner la parole à ceux qui l’ont demandée, et pour la clarté de nos débats, je précise que je suis donc saisie d’un amendement n371 rectifié de M. Germain.

Il se lit ainsi : « Après l’alinéa 54, insérer l’alinéa suivant : … » et là vient le troisième paragraphe de l’amendement initial. Cette proposition revient exactement à celle que vous venez de faire, monsieur Vercamer.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Vercamer, on peut toujours parler de la dépense publique de façon lyrique, indignée ou passionnée, cela ne change pas la réalité des chiffres. Je vous la rappelle en trois secondes : entre 2007 et 2012, la dépense publique a augmenté de 170 milliards d’euros.

M. Bernard Accoyer et Mme Bérengère Poletti. Il y a eu la crise !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’évolution moyenne de la dépense publique entre 2002 et 2012 a été un peu supérieure à 2 %. Dans le projet de loi de finances pour 2014, l’augmentation de la dépense publique est de 0,4 %. En d’autres termes, nous aurons divisé par cinq en dix-huit mois le rythme d’augmentation de la dépense publique.

M. Francis Vercamer. Mais qu’en est-il pour les collectivités locales et les dépenses transférées ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Un autre chiffre pour vous rassurer totalement : nous faisons 15 milliards d’économies en dépenses en 2014 alors que la révision générale des politiques publiques, qui avait été présentée sur vos bancs comme la forme chimiquement pure de la bonne gestion, prévoyait 10 milliards d’économies en dépenses par rapport au tendanciel entre 2010 et 2013. Nous, nous économisons 15 milliards d’euros en un an et vous trouvez que ce n’est pas suffisant ! Monsieur Vercamer, il me semble que sur ces sujets, il faut s’appuyer sur les chiffres. Ce serait une bonne manière de convoquer la bonne foi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Cet amendement revient à une demande de remise de rapport. Comme le faisait remarquer Véronique Louwagie, les délais prévus sont extrêmement courts. En outre, le rapport traiterait d’un sujet sur lequel des travaux sont en cours, puisque nous sommes tous d’accord sur le fait que le financement des politiques sociales pèse très lourd dans notre pays. Rappelons tout de même que la France est le premier pays d’Europe en termes de moyens mobilisés pour les politiques sociales.

Je ne suis pas certaine par ailleurs qu’une CSG progressive soit une ressource appropriée. Nous avions pour notre part choisi un financement par la taxe sur la valeur ajoutée, qui implique un double levier : la mobilisation de moyens importants pour les politiques sociales et une meilleure compétitivité de nos entreprises grâce au renchérissement des prix des produits importés. La CSG ne joue pas du tout sur ce dernier élément. Nous ne voterons donc pas cette demande de rapport.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Ce débat est évidemment fondamental, puisqu’il s’agit de près de 500 milliards d’euros chaque année. Petit à petit, on s’aperçoit que l’État a fait beaucoup d’économies dernièrement, qu’il a déshabillé beaucoup de services publics, en particulier dans les départements.

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales. Voilà qui est fort !

M. Christian Paul, rapporteur. La RGPP, cela vous rappelle quelque chose ?

M. Bernard Accoyer. Par ailleurs, la fiscalité évolue de plus en plus vers le financement de la protection sociale. Il y a ainsi une confusion entre les différents financements qui est extrêmement dangereuse.

Il y a trois moyens de financer la protection sociale. Le premier, de très loin le plus utilisé en France, est la production. Cela explique le niveau du coût du travail dans notre pays, une des causes du chômage et des problèmes de compétitivité-coût de notre pays, qui est le plus mauvais de l’Union européenne en la matière. Le deuxième moyen est la fiscalité, ce qui pose les mêmes problèmes puisque la fiscalité charge les foyers et la production. Ce n’est donc pas un bon moyen. La fiscalité doit être utilisée pour financer un certain nombre d’actions qui relèvent de l’État, pas la protection sociale.

Le troisième moyen est la consommation, qu’il faut opposer à la taxation obsessionnelle que notre pays a connue et que vous poursuivez aujourd’hui. Nous taxons exclusivement la production alors que nous devrions taxer la consommation. Cela permettrait tout d’abord de taxer les produits provenant de pays qui font du dumping social.

Mme Bérengère Poletti. Exactement !

M. Bernard Accoyer. Ensuite, on contribuerait ainsi, ce à quoi nos collègues écologistes devraient être sensibles, à restreindre une consommation d’énergie devenue effrénée et qui atteint des limites concernant la préservation des ressources naturelles.

Par conséquent, ce grand débat ne peut pas se résumer aux quelques pages d’un rapport. Il doit faire l’objet d’un travail très approfondi.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oui ! Au moyen d’un rapport, justement !

M. Bernard Accoyer. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement. La question fondamentale qu’il soulève devrait aboutir à une solution commune : la création d’une contribution sociale sur la consommation.

Mme Bérengère Poletti. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 371 rectifié ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement rectifié ne retient que le premier et le troisième paragraphe de l’amendement initial. Il demande au Gouvernement de remettre avant le 30 avril 2014 un rapport sur les réformes envisageables du financement de la protection sociale. Le débat suscité par ce rapport risque d’être riche. Je note à cet égard une divergence entre MM. Vercamer et Accoyer.

M. Francis Vercamer. C’est normal, nous ne sommes pas dans le même groupe !

M. Gérard Bapt, rapporteur. La question du financement de la protection sociale et de son déficit structurel, notamment de celui de l’assurance maladie, dont les dépenses ont une évolution tendancielle supérieure à celle de notre PIB, est bien posée et il faudra y répondre. Certains s’orientent davantage vers une progressivité de la cotisation sociale en fonction des revenus, dans un souci de justice fiscale et sociale. D’autres proposent une augmentation de la TVA, qui a l’inconvénient à nos yeux de peser uniformément sur la consommation quel que soit le revenu du consommateur. Voilà pourquoi ce débat est encore devant nous. Mais compte tenu du sentiment favorable du ministre sur le sujet, j’invite à titre personnel notre assemblée à adopter l’excellent amendement de M. Germain.

M. Dominique Tian. Vous êtes bien docile !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. J’aurais souhaité que nos collègues de l’opposition le votent également car au fond, c’est devenu un amendement de méthode. La question est de savoir si l’on veut ou non qu’un premier pas soit fait dans le PLFSS pour 2015, qu’une visibilité soit donnée à cette réforme dès l’année prochaine.

On voit bien que le débat est en cours : vous évoquez la TVA, à titre personnel je préfère la CSG progressive. D’ailleurs, la TVA n’est jamais qu’une CSG dégressive. L’élaboration d’un rapport aura au moins le mérite de clarifier ce débat. Mais si l’on veut que le PLFSS pour 2015 contienne des mesures sur le sujet, le rapport doit être rendu au plus tard le 30 avril, afin que nous ayons le temps de travailler et d’interagir avec le Gouvernement et enfin de débattre dans l’hémicycle.

En outre, des travaux sont menés depuis très longtemps sur le sujet.

M. Dominique Tian. Ah !

M. Jean-Marc Germain. Le Gouvernement les a relancés de manière décisive avec la mise au travail du Haut conseil du financement de la protection sociale.

M. Jean-Pierre Door. Attendez donc ses conclusions !

M. Jean-Marc Germain. Le rapport demandé nourrira la réflexion du Gouvernement. Par ailleurs, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale travaille quant à elle sur le financement de la branche famille, avec pour rapporteur M. Jérôme Guedj. Je salue à cette occasion le coprésident M. Pierre Morange qui mène avec moi ces travaux.

L’ensemble des travaux menés sur le sujet depuis un certain temps est sur le point d’aboutir. Le délai retenu est donc tout à fait raisonnable, et par ailleurs indispensable pour qu’on puisse agir en 2015. C’est ce que je souhaite, et le Gouvernement vient de me donner son soutien. Je vous invite donc à adopter avec nous cette méthode.

Mme la présidente. Je mets l’amendement aux voix. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés des groupes UMP et UDI. Madame la présidente ! Nous demandons la parole !

(L’amendement n371 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n323.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n323, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 15, amendé, est adopté.)

Après l’article 15

Mme la présidente. Nous en arrivons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 15.

Je suis tout d’abord saisie d’un amendement n70 de la commission, qui fait l’objet d’un sous-amendement n822.

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement a pour objet l’instauration, ou réinstauration, d’une contribution sur les boissons énergisantes, consistant en un mélange d’ingrédients contenant un seuil minimal de 150 milligrammes de caféine pour 1 000 millilitres ou de 300 milligrammes de taurine pour 1 000 millilitres et destinées à la consommation humaine.

M. Dominique Tian. Il y a déjà eu une décision de justice sur ce sujet ! Une censure du Conseil constitutionnel !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Un amendement soutenu par le Gouvernement avait été voté l’an dernier par le Parlement mais censuré ensuite par le Conseil constitutionnel, qui avait pointé le fait que le risque sanitaire que nous évoquions dans l’exposé des motifs concernait, conformément aux données sanitaires dont nous disposions à l’époque, les boissons énergisantes mélangées à de l’alcool.

M. Dominique Tian. Il ne disait pas cela !

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est sous réserve de cette observation que le Conseil constitutionnel avait censuré le dispositif, considérant que l’on ne pouvait pénaliser la consommation de boissons énergisantes parce que le risque sanitaire était aggravé lorsqu’elle était mélangée à de l’alcool, dont on connaît les effets.

Depuis l’an dernier, un élément nouveau capital est intervenu. Il y a quelques semaines, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation a publié un rapport demandé par le pénultième prédécesseur de Mme la ministre de la santé, qui était Mme Roselyne Bachelot. Elle s’était inquiétée, à juste titre, de l’arrivée sur le marché, après autorisation européenne, de ces boissons énergisantes. La mise sur le marché étant dictée au niveau européen, elle avait dû s’incliner mais en réclamant des messages d’avertissement sur les emballages…

Mme Claudine Schmid. Comme pour les cigarettes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. …déconseillant notamment ces produits aux femmes enceintes et aux enfants. Déjà, Mme Bachelot avait pointé un risque pour ces publics sensibles. Aujourd’hui, ces messages d’avertissement figurent sur les boîtes. La Commission européenne s’en est inquiétée à son tour et à partir de décembre 2014, une directive européenne obligera à indiquer les teneurs en caféine, taurine et autres substances sur les flacons de boissons énergisantes.

Le rapport de l’ANSES met aujourd’hui l’accent sur les risques liés à la consommation isolée de ces produits, des risques cardiovasculaires et neuropsychiques, sans parler des risques d’addiction à la caféine qui sont particulièrement préoccupants quand on sait la proportion des enfants qui consomment régulièrement ces boissons.

Voilà pourquoi, dans un souci non pas de hausse des recettes mais de fiscalité comportementale à finalité de santé publique, je vous propose de taxer ces boissons. La commission a adopté cet amendement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour un rappel au règlement.

M. Francis Vercamer. J’ai laissé le rapporteur présenter son amendement mais je voudrais revenir sur le précédent : on nous a fait voter sur un amendement rectifié que nous n’avions pas sous les yeux ! M. Germain nous a demandé de l’adopter et j’aurais bien voulu lui répondre que, compte tenu de la rectification, le groupe UDI le ferait, mais voilà que l’on vote sans nous présenter le texte ! C’est un peu court. Il s’agit tout de même de 500 milliards d’euros !

M. Dominique Tian. Parfaitement !

M. Bernard Accoyer. Il a raison ! L’amendement était sur le plateau !

M. Francis Vercamer. De surcroît, M. le ministre m’a interpellé tout à l’heure sur les prélèvements fiscaux et sociaux. Rappelons qu’ils émanent aussi des collectivités territoriales, dont les dépenses vont exploser, ne serait-ce qu’en raison de l’APA ou de la réforme des rythmes scolaires, et qu’ils dépasseront largement, croyez-moi, les 0,4 % de hausse. Cette remarque, Mme la présidente, pour que cette situation ne se reproduise pas.

Mme la présidente. Je profite de votre rappel au règlement, monsieur Vercamer, pour inviter l’ensemble de nos collègues à lire notre règlement, en particulier l’alinéa 7 de l’article 100. Je vous ai par ailleurs lu l’amendement rectifié, pour que chacun sache sur quoi il vote. J’ai même cité votre propos, monsieur Vercamer.

Après l’article 15 (suite)

Mme la présidente. La parole est M. Gérard Sebaoun, pour soutenir le sous-amendement n822 à l’amendement n70 qui vient d’être présenté.

M. Gérard Sebaoun. Je m’associe aux propos de M. Bapt sur les recommandations, maintenant assez anciennes, que l’AFSSA puis l’ANSES avaient émises à propos de la consommation de boissons énergisantes. Ce sous-amendement s’inspire de la directive européenne à laquelle a fait référence M. Bapt et qui imposera qu’au-delà de 150 milligrammes de caféine pour 1 000 millilitres, la mention « teneur élevée en caféine » soit inscrite sur l’emballage. Cette mesure concernerait la totalité des boissons énergisantes mais aussi quelques autres boissons gazeuses qu’il ne convient pas de soumettre à cette taxe additionnelle en l’absence de signalement avéré ou d’une quelconque évaluation des risques. Ce sous-amendement tend par conséquent à porter le seuil de 150 à 220 milligrammes de caféine pour 1 000 millilitres, afin de sortir ces boissons du champ d’application de la taxe.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a pas examiné ce sous-amendement.

M. Dominique Tian. Ben voilà ! Beau travail !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cette modification est très nette et compréhensible. J’avais retenu le seuil de 150 milligrammes de caféine en référence à la directive européenne qui imposera en décembre 2014 un étiquetage très précis pour toutes ces boissons. M. Sebaoun considère, à juste titre, que ce seuil et trop bas et qu’il inclurait dans le dispositif d’autres boissons que les boissons énergisantes, en particulier celles à base de cola, d’où sa proposition de relever le seuil à 220 milligrammes. À titre personnel, j’y suis favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé pour donner l’avis du Gouvernement sur ce sous-amendement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Je salue le travail de Gérard Bapt et de la commission sur cette question de santé publique qui nous préoccupe tous. C’est vrai, l’ANSES vient de publier un nouveau rapport qui réaffirme les enjeux de santé publique liés à la surconsommation de boissons énergisantes. Le Gouvernement a manifesté sa volonté d’encadrer davantage cette consommation et d’améliorer l’information sur les risques qu’elle comporte. Nous ne pouvons qu’être préoccupés sachant qu’au niveau européen, près de 20 % des enfants de moins de 10 ans consomment régulièrement de telles boissons. Le Gouvernement a l’intention de mieux encadrer les publicités, de compléter les mises en garde et de renforcer l’information en direction des publics les plus menacés, en particulier les jeunes sportifs ou les femmes enceintes.

Les politiques de santé publiques peuvent s’accompagner de mesures de fiscalité comportementale. Je tiens à réaffirmer que la fiscalité n’est pas le seul instrument des politiques de santé publique.

M. Dominique Tian et M. Jean-Pierre Door. Ah, ouf !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les mesures fiscales n’ont de sens qu’inscrites dans le cadre de politiques plus larges. Comme ces politiques existent et que le Gouvernement est attentif aux préoccupations des parlementaires, il s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, tant pour l’amendement que pour le sous-amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Pour notre part, nous sommes contre. Ce sujet est très intéressant mais nous avons le sentiment de répéter exactement le débat d’hier soir sur la clause de désignation : c’est une nouvelle fois une décision de justice qui est contestée ! C’est très impressionnant et c’est moralement inacceptable, car la même taxe comportementale, que vous aviez déjà adoptée l’année dernière, a été déclarée illégale par le Conseil constitutionnel.

Permettez-moi, monsieur Bapt, de vous rappeler la décision car je crois que vous l’avez interprétée à votre façon. Le Conseil constitutionnel a considéré que le motif de lutte contre l’alcoolisme des jeunes ne pouvait justifier l’instauration d’une taxe sur les boissons énergisantes, et qu’en taxant des boissons ne contenant pas d’alcool à des fins de lutte contre la surconsommation alcoolique des jeunes, le législateur avait établi une proposition qui n’est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objectif.

Ce que le Conseil constitutionnel a refusé, c’est donc bel et bien votre taxe comportementale, qui n’a par ailleurs rien à faire dans le PLFSS. Nous ne sommes pas en train d’examiner une loi de santé publique, que tout le monde réclame d’ailleurs. Si ces boissons énergisantes sont réellement dangereuses, nous devons en débattre et les interdire !

M. Jean-Marie Le Guen. La bêtise est dangereuse elle aussi, mais on n’arrive pas à l’interdire.

M. Dominique Tian. Nous avons eu un débat hallucinant en commission, à propos de ces gens qui partent courir et meurent après avoir consommé du Red Bull… Est-on sûr qu’ils ne sont pas morts parce qu’ils avaient fait un jogging ? Tous ces arguments ne servent en fait qu’à habiller une hausse de l’imposition fiscale. D’ailleurs, l’année dernière, l’amendement qui a été retoqué par le Conseil constitutionnel devait rapporter une dizaine de millions d’euros, si je me souviens bien. Cette année, vous doublez la taxe. En réalité, votre seul but est de récupérer 60 millions d’euros et vous vous abritez derrière des préoccupations de santé publique pour cela. C’est ce mensonge qui est le plus choquant. Si ces boissons sont dangereuses, allez jusqu’au bout. Sinon, avouez que vous avez un besoin désespéré de recettes et que vous avez choisi ces boissons parce qu’elles plaisent aux jeunes et qu’elles se vendent bien. Vous menez une politique de taxation folle. N’invoquez plus, surtout, la santé publique pour expliquer vos nouvelles taxes car plus personne ne vous croit !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. L’amendement comme le sous-amendement visent à développer une fiscalité diététique. Mme la ministre préfère l’appeler « fiscalité comportementale ». C’est oublier que nous sommes dans un pays rationnel où l’éducation sanitaire et diététique est beaucoup plus importante que l’obsession de la taxation. Nous avons d’ailleurs, ensemble, et je le regrette, taxé les sodas et les boissons sucrés. Résultat : M. Sebaoun nous explique que certaines entreprises pourraient en pâtir, avec les conséquences que l’on devine sur l’emploi…

Mme Ségolène Neuville. On s’occupe de la santé des gens, ici !

M. Bernard Accoyer. …dans un secteur déjà fragilisé par la délocalisation des entreprises de fabrication et de commercialisation, sans parler de celles qui transportent et réimportent les produits pour échapper à la taxe, car nous vivons dans une Union européenne sans frontière.

M. Gérard Sebaoun. N’importe quoi !

M. Bernard Accoyer. Légiférer sur ce sujet simplement en France est très grave. Et voici que l’on nous propose aujourd’hui de taxer la caféine, la taurine… Pourquoi pas demain les acides gras saturés, donc les fromages ? Allons-y gaiement, il n’y pas de limites !

Si l’on vous suivait, monsieur Bapt…

Mme Véronique Massonneau. Chiche !

M. Bernard Accoyer. …vous réserveriez bientôt aux pâtisseries le sort auquel nous avons condamné les bureaux de tabac. Et demain les pâtisseries, comme les bureaux de tabac, mourront !

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah, là là…

M. Bernard Accoyer. Quant aux magasins de vins et spiritueux, votre politique les condamne au sort auquel Marthe Richard avait voué les maisons closes en 1947 ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Germain. Ce n’est qu’une affaire de Viagra, tout cela !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Le groupe écologiste trouve la proposition de M. Bapt excellente et appelle à la soutenir. Si nous suivions la logique binaire de nos collègues de l’UMP – autoriser ou interdire – nous devrions soit interdire complètement l’alcool, soit ne pas le taxer du tout. Soit interdire le tabac, soit ne pas le taxer du tout. Cette logique n’est pas tenable. Il ne s’agit pas ici de prohiber mais de lancer un signal politique. Je préfère une fiscalité intelligente qui ait du sens plutôt qu’une fiscalité aveugle.

Surtout, nous devons revenir à l’objectif de santé publique. Le déficit de la Sécurité sociale est aussi lié à la crise sanitaire que nous traversons, aux mauvaises habitudes alimentaires que nous avons prises et que nous impose l’industrie. L’UMP défend à tout prix l’industrie contre la santé. Avions-nous besoin de ces produits pour nous alimenter ? C’est l’industrie qui les a inventés et qui veut nous les vendre !

Plusieurs députés du groupe UMP. Voilà, c’est ça votre problème !

M. Jean-Louis Roumegas. À la liberté de l’industriel, je préfère la santé des consommateurs. Non seulement donc il faut soutenir l’amendement de M. Bapt mais aussi les nôtres qui suivront.

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. J’avoue être très surpris par les propos de M. Accoyer. C’est bien d’un objectif de santé publique qu’il est question, et sur de tels sujets, il faut être très sérieux. Plusieurs agences françaises pointent ce risque, depuis longtemps. Beaucoup d’études étrangères montrent qu’il est avéré, notamment sur les populations les plus jeunes et sur les femmes enceintes ou allaitantes.

Après l’examen approfondi de 257 cas, un rapport de l’ANSES relève un décès que seule l’absorption de boisson énergisante peut expliquer.

M. Dominique Tian. N’importe quoi !

M. Bernard Accoyer. Et le café ?

M. Gérard Sebaoun. En Australie, une femme et un homme, tous deux de 28 ans, sont morts, l’une n’ayant absorbé que 55 millilitres d’une boisson énergisante et rien d’autre.

Cessez de dire qu’il ne s’agit pas d’un problème de santé publique ! Les jeunes sont la cible de firmes très puissantes, qui promeuvent le surpassement, la performance, la transgression. Vous ne pouvez rester dupes, ni faire comme si le marché pouvait dominer la santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je trouve dommageable que l’on caricature à ce point une problématique de santé publique.

M. Dominique Tian. La caricature, c’est vous !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes tous des parlementaires qui intervenez régulièrement sur ces questions. Il serait bon que vous ne repreniez pas les argumentaires de ceux qui ont de tout temps été les adversaires de la santé publique.

Car je vous fais le crédit de ne pas croire aux arguments que vous avez avancés, pour la bonne et simple raison que vous savez pertinemment qu’à une époque, les autorités de santé publique et le gouvernement que vous souteniez ont refusé d’autoriser la boisson dont il est question. Nous sommes un certain nombre, sur tous les bancs, à avoir félicité ce gouvernement d’avoir tenu cette position.

Après 2007, dans des conditions somme toute mystérieuses, la boisson a été autorisée. Je ne pense pas, sincèrement, que ce soit dû à des considérations européennes. Ne nous laissons pas intimider par l’argumentation de Bercy à l’époque, fondée sur la liberté du marché européen. En effet, je vous rappelle que la législation européenne n’a jamais été reconnue comme supérieure aux questions de santé publique, ce qui laisse au gouvernement français toute latitude d’intervenir sur le marché au nom de la santé publique.

Mme Bérengère Poletti. Interdisez donc ces boissons !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez donc malheureusement accepté d’autoriser cette boisson, avec d’autres comme les prémix, et cela malgré l’opposition, sur vos bancs, de parlementaires particulièrement actifs dont on regrette qu’ils ne soient plus là.

Il est légitime, non pas simplement d’interdire, mais de taxer ces boissons, afin de faire en sorte qu’il soit plus difficile pour les jeunes d’y accéder. Ces produits sont dangereux en tant que tels, et ils le sont plus dans un de leur usage courant, mélangés avec de l’alcool. Cette taxe est parfaitement légitime en termes de santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, qui sera suivi de M. Barbier. Nous passerons ensuite au vote. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. Je souhaite intervenir, madame la présidente ! Sinon, je demanderai une suspension de séance !

M. Francis Vercamer. Merci de me laisser la parole, madame la présidente. Après tout, je suis seul à parler pour le groupe UDI !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Où donc sont vos collègues ?

M. Francis Vercamer. Même si, sur le principe, je préfère la prévention à la taxe, je suis assez favorable à cet amendement. J’ai toutefois quelques questions.

Un mal français veut qu’à chaque fois que quelque chose ne fonctionne pas en matière de santé publique, on vote une taxe comportementale. Encore faut-il qu’elle ait des objectifs, et qu’ils soient atteints. Mais cet amendement n’est accompagné d’aucune précision ni sur le produit prévu de la taxe, ni sur les objectifs de baisse de la consommation – qui a augmenté de 25 % l’année dernière.

Mme Véronique Louwagie. C’est ça, la vraie question !

M. Francis Vercamer. Si vous voulez réellement une taxe comportementale, monsieur le rapporteur, l’objectif est que la consommation baisse, pas que la taxe rapporte ! Donnez-nous ces chiffres et l’année prochaine, nous serons en mesure de comparer.

Par ailleurs, l’amendement censuré par le Conseil constitutionnel l’année dernière fixait le taux de la contribution à 50 euros par hectolitre. Vous proposez 100 euros aujourd’hui. Pour quelle raison ? S’agit-il d’accroître le rendement de la taxe, ou de réduire davantage la consommation ?

Enfin, comment justifierez-vous le rejet des amendements de nos collègues écolos…

M. Jean-Louis Roumegas. Ah !

M. Francis Vercamer. …qui portent sur d’autres produits qui posent des problèmes de santé publique, comme l’huile de palme ? Il y a là une question d’équité : s’il faut taxer, taxons tous les produits dangereux. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pourquoi pas une taxe sur l’UMP ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Ce débat, par ailleurs très intéressant, me surprend, car j’avais cru comprendre que nous examinions le PLFSS. Je suis très heureux que nous parlions de santé publique et que nos collègues de la majorité aient lancé une croisade contre les boissons énergisantes. On nous rapporte des cas gravissimes, qui méritent effectivement notre attention. Mais est-ce le moment d’en débattre ?

M. Dominique Tian. Oui, un Australien est mort…

M. Jean-Pierre Barbier. Ne seriez-vous pas simplement en train de taxer des produits qui marchent afin d’alimenter les caisses de la Sécurité sociale ? La ficelle est bien trop grosse.

M. Le Guen a dit que le Red Bull avait été mystérieusement autorisé après 2007. Alors j’aimerais un peu plus d’explications sur l’amendement de M. Sebaoun. Quelle est sa motivation réelle ? Pourquoi élever le seul minimal du niveau de caféine de 150 à 220 milligrammes ?

M. Bernard Accoyer. Oui, pourquoi fait-il cela ?

M. Jean-Pierre Barbier. C’est intriguant. Si un produit est dangereux, il faut l’interdire ! C’est le seul moyen. Sinon, on a très bien vu avec le tabac qu’augmenter les taxes ne sert qu’à faire entrer de l’argent dans les caisses. D’autant que vous savez pertinemment que le Red Bull est consommé par les jeunes, qui sont beaucoup moins sensibles que les adultes à l’aspect financier.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ah bon ?

M. Jean-Pierre Barbier. Oui, et nous le constatons régulièrement.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il faut donc faciliter l’accès des jeunes aux boissons énergisantes !

M. Jean-Pierre Barbier. Ce que vous nous demandez aujourd’hui, c’est de taxer et de taxer encore, pour financer votre PLFSS. Dites-le donc clairement, plutôt que de vous retrancher derrière des questions de santé publique !

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n822. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

(Le sous-amendement n822 est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n°70, ainsi sous-amendé. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Door et M. Bernard Accoyer. Rappel au règlement !

(L’amendement n70, sous-amendé, est adopté.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente, il serait normal, sur des amendements aussi importants, de laisser l’opposition s’exprimer.

M. Guy-Michel Chauveau. Mais nous avons déjà tout entendu !

M. Jean-Pierre Door. Nous le faisons de manière calme et posée. Chacun a envie de parler.

M. Dominique Tian. D’autant que le Gouvernement a émis un avis de sagesse !

Mme Bérengère Poletti. C’est incroyable !

M. Jean-Pierre Door. Je demande donc une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l’article 15 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n649.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement et les suivants se situent dans le droit-fil de celui proposé par l’excellent Gérard Bapt. Ils répondent tous à la même logique : il s’agit de prendre des mesures de santé publique. De fait, on ne peut pas continuer, au nom de la liberté d’entreprendre et du profit, à laisser mettre sur le marché des produits qui posent des problèmes de santé publique massifs.

M. Dominique Tian. Mais non !

M. Jean-Louis Roumegas. Le trou de la Sécurité sociale est le résultat de nos modes de vie, en particulier de notre mauvaise alimentation. Celle-ci est largement due à l’industrie agroalimentaire, qui se soucie évidemment davantage de ses profits que de la santé publique. Continuer à brandir la liberté des industriels n’a pas de sens : ils feront avec ce que la société leur demande ! Croyez-moi, ils feront encore suffisamment de profits en fabriquant des produits sains. On n’est pas obligé de cautionner n’importe quoi au nom de la liberté d’entreprendre.

J’en profite pour ajouter, en réponse à ce qui a été dit tout à l’heure, qu’il ne s’agit pas que d’instaurer une taxe comportementale. C’est le cas bien sûr, dans la mesure où l’on donne un signal et qu’il y aura certainement un effet dissuasif, comme on l’a vu avec d’autres produits. Mais il s’agit aussi d’instaurer une logique de pollueur-payeur en matière de santé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, mes chers collègues, car ces produits ont un coût pour la santé publique ! Il est donc normal que ceux qui en tirent du profit participent au financement de la politique de santé publique.

Cet amendement vise donc à instaurer une taxe sur l’huile de palme. Pourquoi elle ? D’abord, parce qu’elle est très utilisée aujourd’hui dans la fabrication de produits agroalimentaires, en raison de son faible coût. Elle est d’ailleurs bien plus consommée que les boissons énergisantes. Or une consommation excessive d’acides gras saturés a des effets sur la santé.

M. Jean-Pierre Barbier. Tout cela est hors sujet !

M. Jean-Louis Roumegas. Ensuite, parce que les conséquences sur l’environnement de la culture de l’huile de palme sont bien connues : je veux parler de la destruction des forêts. Or la destruction de l’environnement entraîne aussi, au final, celle de notre santé, celle de l’humain.

Cette taxe s’impose donc : il faut absolument envoyer ce signal. Nous proposons qu’elle soit progressive pour inciter peu à peu l’industrie à préférer à l’huile de palme d’autres produits plus sains.

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. Bernard Accoyer. Elle a bien fait !

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion en commission, monsieur Roumegas, de vous exposer les raisons de ce rejet.

Premièrement, l’huile de palme ne constitue qu’une partie des acides gras consommés.

Deuxièmement, les acides gras les plus athérogènes sont les acides gras trans, issus de l’oxygénation de certains corps gras. Or l’huile de palme possède naturellement une solidité qui évite l’oxygénation. Au total, votre amendement ne porte donc pas sur les acides gras trans, pourtant les plus dangereux au niveau cardio-vasculaire.

Troisièmement, je ne pense pas que l’on puisse traiter le problème de la déforestation dans un certain nombre de pays émergents à travers la taxation d’un produit au seul niveau national.

Quatrièmement, une expérience a été menée au Danemark en matière de taxation non pas de l’huile de palme proprement dite, mais de l’ensemble des corps gras, et elle vient d’être stoppée au motif qu’elle frappait avant tout les classes populaires, puisque ce sont les plus modestes qui consomment ce type de produits.

Je vous propose donc de reprendre cette discussion au moment de l’examen du projet de loi sur la santé publique.

M. Jean-Pierre Barbier. Voilà !

M. Jean-Pierre Door. Et cela devrait être pareil pour les autres amendements du même genre !

M. Gérard Bapt, rapporteur. En outre, votre exposé des motifs se termine de la façon suivante : « la culture artisanale comme la consommation parcimonieuse de l’huile de palme ne sont pas un problème ». Je ne vois pas pourquoi l’huile de palme produite par une petite exploitation serait plus ou moins dangereuse a priori que celle produite par une grande exploitation !

En revanche, vous avez tout à fait raison de dire qu’il faut consommer cette substance de façon parcimonieuse, avec modération. Il s’agit là d’éducation nutritionnelle. C’est sur cette voie que je propose que nous nous engagions ensemble, puisque vous reconnaissez vous-même que l’interdiction n’est pas possible.

À propos d’interdiction, lorsque nous débattions tout à l’heure des boissons énergisantes, M. Accoyer est allé jusqu’à évoquer Marthe Richard et les maisons closes.

Mme Ségolène Neuville. C’est n’importe quoi !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je n’ai pas vraiment vu le rapport entre les boissons énergisantes et les maisons closes. Je me suis dit qu’il avait peut-être confondu la taurine et le sildénafil,…

M. Jean-Pierre Door. Rien n’empêche de les mélanger !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …lequel, consommé avec trop d’entrain, peut entraîner des problèmes cardiovasculaires ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer. Est-ce autobiographique ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Pour en revenir à l’amendement n649 la commission recommande de le repousser.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. M. le rapporteur a dit l’essentiel. Je comprends votre préoccupation, monsieur Roumegas, et je reconnais votre constance sur ces sujets. Nous devons placer la prévention au cœur de nos politiques de santé. Cependant, s’agissant de votre proposition, nous ne sommes pas en mesure de distinguer entre l’huile de palme et d’autres huiles. Pourquoi considérer que l’huile de palme poserait davantage de problèmes de santé publique qu’une autre huile ? Aucune étude ne permet actuellement de l’attester. Je donne donc un avis défavorable à votre amendement, à moins que vous ne le retiriez en attendant la discussion que nous aurons ultérieurement sur les grands enjeux de la prévention.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Le débat sur les taxes comportementales est intéressant et il va de soi qu’en examinant le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les membres de la commission des affaires sociales se penchent aussi sur la santé des Français. Cela étant, ce projet de loi n’est pas l’endroit adapté pour débattre de ce type de taxes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

Mme Bérengère Poletti. Une taxe ne saurait à elle seule encadrer le comportement de nos concitoyens quant à tel ou tel produit. De nombreuses mesures d’accompagnement doivent être adoptées et leur examen ne peut se faire que dans le cadre d’un projet de loi sur la santé publique, attendu, semble-t-il dans le courant de l’année prochaine. Réjouissons-nous donc de pouvoir bientôt en discuter.

Je décèle dans le débat qui nous occupe un soupçon de naïveté de la part de députés peut-être inexpérimentés qui s’imaginent pouvoir modifier le comportement des Français par une simple taxe. Nous avons pourtant une expérience flagrante : celle du tabac. Qu’y a-t-il de plus dangereux que le tabac ?

M. Bernard Accoyer. Le cannabis ?

Mme Bérengère Poletti. Nous avons tenté de dissuader les consommateurs de tabac en augmentant considérablement les taxes sur ce produit, afin de créer un choc sur le prix pour influencer leur comportement. En effet, les faibles augmentations ne servent à rien sauf à encaisser des recettes supplémentaires, ce qui était manifestement l’objet de l’amendement précédent. Or, la taxe proposée sur le Red Bull, j’ai fait le calcul, représente 25 centimes par canette : cela ne dissuadera personne !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Mme Poletti a tout à fait raison. Nous sommes saisis de plusieurs amendements visant à taxer certains produits. Mais s’il est avéré qu’un produit est vraiment néfaste pour la santé, et il en existe en effet, il faut aller beaucoup plus loin ! J’ai soulevé en commission le problème majeur de la publicité qui encourage la population, et notamment la jeunesse, à utiliser ces produits, qu’il s’agisse de la taurine ou de l’huile de palme.

Mme la ministre nous a annoncé la loi sur la santé publique pour bientôt. Nous l’attendons tous et nous pourrons alors ensemble étudier ces questions, car il y a beaucoup à dire et à faire pour remplacer la loi de 2005 – ce qu’il aurait d’ailleurs fallu faire plus tôt. Quoi qu’il en soit, ce sera en 2014 et nous serons présents. En attendant, ces amendements n’ont en aucune manière leur place dans un projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je suis assez choqué par les propos de M. Roumegas, des propos très graves, diffamatoires envers les entreprises et les industriels du secteur agro-alimentaire. Vous prétendez que certains produits impropres à la consommation et dangereux pour la santé sont mis sur le marché pour des raisons purement économiques, afin d’en tirer des profits. Vous ne pouvez pas tenir de tels propos à l’Assemblée nationale ! Il existe en France des offices, un ministère et des organismes indépendants qui sont chargés de surveiller la qualité des boissons et aliments proposés à nos concitoyens. On ne peut pas dire n’importe quoi, avec une telle violence.

En outre, votre raisonnement est proprement délirant : parce que des forêts disparaissent je ne sais où, il faudrait que le consommateur français paye ? Restons sérieux ! Je constate que c’est à M. Bapt qu’il revient d’avoir ouvert la boîte de Pandore, avec sa taxe Red Bull.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Pas de publicité !

M. Christian Paul, rapporteur. Cessez le placement de produits !

M. Dominique Tian. Et voici que M. Roumegas invente la taxe Nutella !

M. Bernard Accoyer. En attendant le tour de l’aspartame…

M. Dominique Tian. L’an dernier, il fallait augmenter la taxe sur la bière. Vous vous en prenez désormais au rosé pamplemousse et au Coca-cola. Et un amendement à venir ne manquera pas de nous faire rire, parce qu’il faut tout de même, dans tout cela, protéger certains intérêts économiques locaux…

En clair, c’est n’importe quoi. Soyons attentifs à nos propos : on ne peut pas dire qu’on assassine la population française pour des raisons de profit et que le secteur agroalimentaire n’est qu’un ramassis de gens minables dont la seule raison d’être est de gagner du pognon ! Ayez un peu de respect pour les professionnels de notre pays. L’agroalimentaire est une force économique chez nous. Ne lui faisons pas de procès d’intention. Vous avez des problèmes financiers que vous tentez d’habiller en question de santé publique, soit, mais de grâce, ne tombez pas dans la caricature et la diffamation !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Après la taxe Red Bull et avant la taxe Coca Zéro, voici la taxe Nutella.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Pas de publicité !

M. Bernard Accoyer. Tout cela n’est pas sérieux. L’objectif est sans doute d’éviter de parler du fond, et du fait que ce PLFSS ne comporte ni réforme de structure…

M. Christian Paul, rapporteur. Qu’est-ce qu’une réforme de structure, monsieur Accoyer ?

M. Bernard Accoyer. … ni réforme du financement social. La confusion entre éducation sanitaire et diététique d’une part et fiscalité de l’autre est vraiment détestable.

J’ai une question technique à adresser au ministre du budget, qui nous fait l’honneur…

M. Christian Paul, rapporteur. Et l’amitié !

M. Bernard Accoyer. … de nous faire partager sa compétence. Les transporteurs français qui transportent des produits désormais soumis à la taxe sur les sodas acquittent, pour certains d’entre eux, cette taxe en France. Ils ne peuvent donc plus exporter les sodas dans des pays tiers et, de ce fait, perdent ces marchés, et les emplois liés. Des marchés dont s’emparent pendant ce temps les usines de sodas et les transporteurs des autres pays de l’Union européenne. La perte en emplois est considérable. La France n’est pas entourée d’une bulle de verre ! Elle appartient à l’Union européenne et à une zone de libre-échange. On ne peut pas faire n’importe quoi, risquer de perdre immédiatement des parts de marché et de tuer des entreprises de transports françaises ! Je souhaite que le ministre réponde précisément à cette question.

Enfin, pour répondre aux considérations sulfureuses de M. Bapt, je lui dirai simplement qu’il est dans une logique de prohibition alors nous sommes dans une logique d’éducation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J’ai interrogé tout à l’heure le rapporteur sur les boissons énergisantes, mais il n’a pas répondu. Quel est l’objectif de baisse de la consommation poursuivi ? Et j’adresse la même question aux Verts : si leur but est une taxe comportementale, visant à dissuader les gens de consommer des produits nocifs pour la santé, l’objectif est bien de diminuer la consommation, pas de générer des recettes fiscales. M. Roumegas argue du fait que les entreprises doivent elles aussi financer la santé et l’offre de soins : soit. Il n’en reste pas moins que l’objectif premier est de faire baisser la consommation.

Or, ces amendements n’ont aucun objectif chiffré ! Visez-vous une baisse de 50 %, de 20 %, de 100 % ? Il faut que nous puissions vous demander des comptes, lors du prochain PLFSS ! En l’état, nous ignorons tout de vos objectifs, sauf pour ce qui est de votre volonté de taxer à tout va, ce que vous faites en permanence ici. La question est importante, il nous faut une réponse.

On nous dit que nous en reparlerons dans la loi sur la santé publique. Tant mieux, mais à force de tout reporter sur cette loi, il va falloir plusieurs mois d’examen ! Nous attendons toujours qu’elle nous soit présentée, cette loi, et en tout état de cause vous ne pourrez pas tout y mettre. Soit donc vous maintenez le présent amendement dans le PLFSS, et alors son objectif doit être précisé, soit il est reporté à la loi sur la santé publique. Quoi qu’il en soit, il ne peut pas être accepté aujourd’hui si les réponses à nos questions ne nous sont données que dans un prochain et hypothétique texte.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mme Poletti m’interroge sur l’opportunité d’introduire une taxe comportementale dans un PLFSS plutôt que dans la loi sur la santé publique. Vous avez pourtant fait bien pire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas une raison !

M. Jean-Pierre Barbier. Occupez-vous donc de ce que vous faites !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Depuis que vous êtes dans l’opposition, vous ne cessez de battre votre coulpe en nous suppliant de ne pas reproduire vos erreurs !

Mme Bérengère Poletti. Mais non !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je rappelle que la taxe sur les boissons sucrées a été présentée dans un projet de loi de finances ! Même pas un PLFSS ! En cours d’examen, la majorité d’alors s’est aperçue que se posait un problème de coût du travail dans les exploitations agricoles, notamment dans le Midi.

Mme Bérengère Poletti. Ne refaites pas le passé !

M. Bernard Accoyer. Nous vous parlons de l’avenir !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Qu’à cela ne tienne : pour trouver un financement supplémentaire, vous avez ajouté une autre taxe, sur les boissons non sucrées, c’est-à-dire sur les édulcorants !

M. Dominique Tian. À ce rythme-là, nous allons y passer tout le week-end !

M. Gérard Bapt, rapporteur. En clair, l’introduction dans le PLFSS d’une taxation à finalité comportementale est pleinement justifiée.

Autre observation, madame Poletti : vous avez dit, s’agissant du tabac, que seule une augmentation d’ampleur était susceptible de produire des effets.

Mme Bérengère Poletti. Tout le monde en convient !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je vous renvoie à l’augmentation très importante de la taxe sur le tabac que vous aviez décidée dans le cadre du plan cancer Chirac, qui avait entraîné, les chiffres de l’INVS en attestent, une baisse substantielle du tabagisme chez les adolescents.

Mme Bérengère Poletti. C’est un passé déjà lointain !

M. Gérard Bapt, rapporteur. La preuve est donc faite que la fiscalité peut agir sur les comportements.

M. Jean-Pierre Barbier. Oui, mais à quel niveau de taxation ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’en viens à la question de l’objectif, monsieur Vercamer. Je vous le dis d’emblée : il y a urgence.

M. Bernard Accoyer. Oui, urgence pour les comptes !

M. Gérard Bapt, rapporteur. En 2012, la consommation de ce type de produits a augmenté de 12 %, et même de 35 % dans les enseignes de hard discount…

M. Dominique Tian. Taxons-les aussi ! Fermons la grande distribution !

M. Gérard Bapt, rapporteur. … qui attirent essentiellement les familles.

M. Dominique Tian. C’est du délire !

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est la preuve que ce type de produits est désormais de consommation courante dans la vie quotidienne et dans les familles.

M. Dominique Tian. Il faut taxer le hard discount !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les chiffres sont stupéfiants : 7 % des enfants de moins de 11 ans consomment quotidiennement des boissons énergisantes, parce qu’au même titre que les sodas, elles ont fait leur apparition sur la table ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. Nous parlons de l’huile de palme ! Allez-vous interdire le Nutella ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Un rapport de l’ANSES énumère clairement les risques d’addiction pour les très jeunes enfants.

M. Dominique Tian. Vous avez bu trop de Red Bull !

M. Bernard Accoyer. Rapportez-moi mes flacons !

M. Gérard Bapt, rapporteur. De surcroît, une nouvelle étude, publiée le 15 octobre dernier dans le Journal international de médecine et fondée sur une cohorte italienne, démontre que le risque de dépendance chez les jeunes enfants se porte désormais aussi sur les boissons énergisantes, en plus du tabac et des boissons alcoolisées.

M. Dominique Tian. Au moins, ils délaissent le Nutella…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà pourquoi je dis qu’il y a urgence face à la progression de la consommation de ce type de boissons. Il faut au moins la ralentir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Roumegas ?

M. Jean-Louis Roumegas. Oui. Avant d’expliquer pourquoi, je voudrais dire à M. Tian qu’il a décidément une vision bien binaire des choses.

M. Bernard Accoyer. Cela vaut toujours mieux qu’une vision primaire !

M. Jean-Louis Roumegas. Vous avez en effet du mal à saisir la complexité des choses. Bien des nuances existent entre la prohibition et l’autorisation ! Entre le fait d’autoriser l’industrie à faire et n’importe quoi et le fait d’en être l’ennemi !

Quand on parle de taxe comportementale, il ne s’agit pas simplement de ce que paie le consommateur. Je ne connais pas de consommateurs qui aillent dans un magasin demander un bidon d’huile de palme ! En revanche, ils subissent l’utilisation massive d’huile de palme décidée par l’industrie agroalimentaire pour des raisons de coût. Voilà le problème ! C’est pourquoi je propose de changer avant tout le comportement des industriels.

Mme Bérengère Poletti. Vous ne changez rien du tout !

M. Jean-Louis Roumegas. Nous ne sommes pas contre l’industrie ; nous voulons simplement pousser l’industrie à être un peu plus éthique et à se soucier de la santé publique.

Je me tourne maintenant vers la majorité pour dire que je bois littéralement les paroles de M. Bapt. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. C’est déjà cela !

M. Bernard Accoyer. Taxez les paroles de M. Bapt !

M. Jean-Louis Roumegas. Mais du coup, sans vouloir paraphraser M. Vercamer, je ne comprends pas qu’il puisse retoquer ma proposition sur l’huile de palme, alors que nous avons suivi la même logique pour les boissons énergisantes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)



De même, je ne comprends pas que le Gouvernement en soit resté à un avis de sagesse pour ce qui concerne les boissons énergisantes, ce qui n’était pas très courageux mais laissait au moins place au débat, et qu’il ne fasse pas la même chose pour cet amendement

M. Bernard Accoyer. Il en a le droit !

M. Jean-Louis Roumegas. Comme disait l’autre, la raison du plus fort…

(L’amendement n649 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n644.

Plusieurs députés du groupe UMP. Défendu !

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement concerne l’utilisation de l’aspartame. Il s’agit d’un édulcorant de synthèse censé remplacer le sucre. Au départ seules en achetaient des personnes qui voulaient consommer moins de sucre. Aujourd’hui, il ne s’agit plus du tout de cela. L’aspartame est utilisé de façon massive dans l’industrie à la place du sucre naturel parce qu’il coûte moins cher.

M. Bernard Accoyer. Et alors ? Comme ça, il y a moins de diabète !

M. Jean-Louis Roumegas. Or les études sont incontestables.

M. Bernard Accoyer M. Jean-Pierre Door et M. Dominique Tian. Mais non !

M. Jean-Louis Roumegas. Je le dis à M. Bapt, elles ont montré des risques de naissance avant terme pour les femmes enceintes qui consommaient de l’aspartame, même à faible dose. Or aujourd’hui, l’aspartame est partout et il ne s’agit plus de faibles doses. De nombreuses études, qui ne sont pas controversées sur le plan scientifique, ont montré l’existence de ces risques.

On a également observé une augmentation du nombre de cancers liés à l’utilisation de l’aspartame.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est faux !

M. Bernard Accoyer. Aucune étude ne l’a prouvé !

M. Jean-Louis Roumegas. Encore une fois, il ne s’agit pas d’interdire l’aspartame, car une utilisation parcimonieuse et volontaire par un consommateur informé peut ne pas poser de problème. Mais en l’occurrence, il s’agit de consommation massive car, pour des raisons de coût, les industriels en mettent partout plutôt que du sucre naturel. Nous devons dissuader non pas les consommateurs, qui parfois n’ont pas le choix, mais les industriels d’aller vers ce type d’utilisation massive.

Je rappelle à l’opposition qui semble l’ignorer, et notamment à M. Tian, que nous ne sommes pas dans un monde ou tout est beau tout le monde est gentil. Vous n’avez jamais entendu parler de scandales sanitaires ? Pour vous, la vache folle n’a jamais existé ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le poulet aux hormones et les dioxines dans la viande de volaille non plus ? Et vous osez nous accuser de diffamer l’industrie ?

M. Dominique Tian. Oui !

M. Jean-Louis Roumegas. Ouvrez les yeux ! La population entière appelle à une meilleure protection de la santé publique, et vous nous accusez de diffamation ! Cela ne tient pas la route !

Quant au Gouvernement et à la commission, je leur demande aussi un peu de logique. Nous avons soutenu votre raisonnement. Vous ne pouvez pas balayer d’un revers de main nos arguments concernant l’aspartame ou les autres taxes comportementales que nous préconisons, qui sont tout aussi justifiées que celles que vous avez proposées.

Mme Véronique Massonneau. Bravo !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Roumegas, le risque est avéré par les agences de sécurité alimentaire concernant les boissons énergisantes, dont nous venons de parler, mais il ne l’est pas encore pour l’aspartame.

Certes, une étude suédoise a montré, en se fondant sur une cohorte de femmes enceintes, qu’il pouvait y avoir un risque de prématurité. Mais les auteurs de cette étude, qui ont été auditionnés par l’ANSES, reconnaissent que ces résultats méritent d’être confortés et vérifiés parce qu’il peut exister des biais.

Ce qui n’empêche pas, à mon sens, de dissuader les femmes enceintes, notamment pour prévenir le diabète gestationnel, de remplacer le sucre par l’aspartame, d’autant qu’il existe d’autres édulcorants qui ne font pas l’objet d’une alerte.

Enfin, monsieur Roumegas, votre amendement est superfétatoire, car l’ancienne majorité a déjà taxé les boissons non sucrées contenant des édulcorants.

Pour l’heure, donc, la commission est défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Tous ces sujets sont très intéressants en termes de santé publique. M. Roumegas vient de dire que nous avons déjà voté, et que nous continuerons sûrement, des taxes comportementales dont on ne connaît pas l’efficacité à terme. Le rapporteur dit que l’objectif est bien de faire baisser la consommation, mais qu’on ne sait pas dans quelle mesure. Nous avons débattu de la taurine, de la caféine, de l’huile de palme… et maintenant c’est le tour de l’aspartame.

L’aspartame, c’est vraiment le serpent de mer. C’est une molécule qui a été découverte en 1965, il y a cinquante ans. Cela fait cinquante ans que toutes les études ont été faites, dans tous les sens et qu’elles se confirment les unes les autres. Depuis cinquante ans, rien n’a jamais été démontré contre l’aspartame.

Monsieur Roumegas, soutenir de telles affirmations dans cette enceinte est gravissime. Dans votre parti, c’est systématique : vous procédez par affirmations, pensant détenir la vérité. Vous citez des études qui n’ont aucun intérêt scientifique et qui n’ont été reprises par personne.

Vous mettez en accusation l’industrie tout entière, des gens qui travaillent et qui font travailler les autres, et surtout qui aident la santé publique, car sans aspartame, je peux vous assurer que le diabète serait bien plus répandu dans notre pays. Et je peux vous assurer que l’obésité et le diabète sont des maladies très graves, qui provoquent des dégâts très importants.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Barbier. Aussi, par pitié, soyez un peu plus mesuré ! Je ne peux pas comprendre que l’on puisse tenir dans cette enceinte des propos aussi intolérables.

M. Dominique Tian. Irresponsables.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Nul doute que la présente proposition peut avoir des conséquences sur l’une des principales maladies auxquelles notre pays doit faire face, qui cause des dégâts notamment cardiovasculaires : je veux parler du diabète de type 2. C’est une responsabilité que d’utiliser pour cela les méthodes des sectes, c’est-à-dire des méthodes dont l’objectif est de manipuler, de transformer la réalité scientifique et de faire peur, car c’est l’un des moyens pour manipuler l’opinion publique.

M. Gérard Sebaoun. Allons !

M. Jean-Pierre Barbier. Exactement !

M. Bernard Accoyer. Je dénonce ici cette méthode, qui est celle des écologistes !

Quant aux questions scientifiques, elles sont intéressantes, mais elles n’ont pas leur place dans un PLFSS. Les conditions ne sont pas non plus réunies pour en débattre dans cet hémicycle, car nous ne connaissons pas toute la bibliographie et toutes les données scientifiques nécessaires. C’est l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques qui examine ces questions, en toute sérénité. Je dénonce une nouvelle fois cette manière de faire dont le seul but est de faire peur.

J’en prendrai un autre exemple qui peut faire des dégâts : l’action conduite par nos collègues écolos pour faire baisser la puissance des antennes de radiotéléphonie mobile. Conséquence, et c’est d’ailleurs automatique : on augmente la puissance du terminal que l’on a contre l’oreille ! C’est exactement le contraire de ce que vous souhaitez. Vous mentez aux Français tout en prétendant les protéger. C’est extrêmement grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. Très juste ! Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. J’appelle l’attention de M. Roumegas sur les propos qu’il tient ici. Je l’ai fait tout à l’heure, mais apparemment, il ne s’est pas calmé. Il faut faire attention, monsieur Roumegas.

Tout à l’heure, vous parliez de l’huile de palme et vous vouliez interdire le Nutella. M. Bapt s’est inquiété, car il en était resté au Red Bull que l’on donne aux nouveau-nés alors que nous étions déjà passés au Nutella pour les nouveau-nés… Peu importe, comme vous pouvez le constater, c’est n’importe quoi !

Nous parlons maintenant de l’aspartame. On vient de vous expliquer, monsieur Roumegas, que vous êtes dans l’exagération et je n’y reviens pas. Mais allons au bout de votre logique : si ce produit est dangereux et qu’il tue les gens, il faut l’interdire, pas le taxer ! Vous, c’est le consommateur que vous avez l’intention de taxer. Vous voulez faire payer plus cher l’aspartame.

Vous êtes dans un monde idéal, vous attaquez l’agroalimentaire, vous tenez des propos insensés. Ce que vous dites est grave.

M. Bernard Accoyer. Oui, il y a mise en danger de la vie d’autrui !

M. Dominique Tian. Il faudra à l’avenir faire attention à la rédaction de vos amendements, car un jour, vous serez attaqué pour diffamation. On ne peut pas vous laisser dire qu’il y a les bons d’un côté et les méchants de l’autre. Et vous m’accusez d’avoir une pensée binaire !

Ne vous fondez pas sur « des rapports », ne restez pas dans le flou, dans l’insidieux ! Vous ne savez rien, vous dites des contrevérités, vous prenez les gens en otage.

M. Bernard Accoyer. Vous leur faites peur !

M. Dominique Tian. C’est grave, Nous sommes dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, faisons un peu attention à ce que nous disons !

M. Denys Robiliard. Bien dit ! Il faut en prendre de la graine.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. On n’est pas obligé de convoquer les sectes ni de faire appel à cinquante ans d’histoire. Ou alors, monsieur Barbier, on peut aussi parler du risque de l’amiante, qui est connu depuis bien longtemps.

On peut ne pas tomber d’accord avec M. Roumegas, s’agissant notamment de son exposé des motifs, en observant simplement ce que la science a produit depuis que l’aspartame est connu et a été mis sur le marché.

M. Jean-Pierre Barbier. Rien depuis cinquante ans !

M. Gérard Sebaoun. Depuis 1974, la food and drug administration américaine, dont on ne peut discuter la qualité scientifique, n’a jamais émis d’alerte significative sur l’ensemble des études qui ont été faites. L’Autorité européenne de sécurité des aliments pas davantage.

Une étude européenne est aujourd’hui prévue jusqu’en 2020 sur l’ensemble des additifs, pour les évaluer tous, l’un après l’autre. Un avis scientifique doit être rendu très bientôt sur l’aspartame, je crois en novembre 2013. C’est pour cela que je ne partage pas l’avis de M. Roumegas, même si je le défends face à la manière dont vous l’avez attaqué inutilement, ainsi que tous les écologistes, qui ont au moins l’avantage d’être des lanceurs d’alertes.

M. Dominique Tian. Là, ce n’est pas une alerte !

M. Gérard Sebaoun. Cela étant, il ne peut pas écrire dans son exposé des motifs qu’il existe un risque accru de cancer avec l’aspartame puisque, à ce stade, aucune étude scientifique ne l’a montré.

M. Dominique Tian. Voilà !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Le sujet est grave, parce qu’il concerne la santé publique. Il est aussi complexe, parce qu’il touche à la consommation, à l’emploi et à l’ensemble de ces taxations.

Je voudrais faire référence à un projet de loi porté par Gérard Bapt et voté à l’unanimité par l’Assemblée, auquel bon nombre de parlementaires ont travaillé. J’étais le responsable du groupe SRC, M. Roumegas le responsable du groupe écologiste et ce texte a été un véritable succès.

Pourquoi ? Parce que nous avons travaillé en amont avec les industriels, dans l’intérêt de la santé publique. Nous nous sommes battus, nous avons discuté les délais, les possibilités existantes pour les contenants, le temps qu’il fallait au processus pour se dérouler, mais je crois que c’est un véritable succès.

Ce texte, qui concernait le bisphénol, devrait être un texte de référence. Sinon, nous allons agir produit par produit, systématiquement, et tous les ans nous aurons le même débat. La méthode qui avait été employée, la façon dont le législateur a travaillé sont importantes. Nous avons préservé la santé publique, et de belle manière puisque, M. Roumegas et M. Bapt le savent, nous sommes des précurseurs en Europe sur la question du bisphénol et nous avons protégé nos emplois et les industriels. Jusqu’à présent, je n’ai pas entendu de cris d’orfraie qui les empêcheraient de continuer. 

Les produits énergisants ne sont pas produits en France. Pour l’aspartame, c’est plus complexe, car la réalité scientifique n’est pas établie, et nombreux sont ceux qui travaillent sur ce dossier dans nos circonscriptions.

Prenons donc les choses en amont, procédons comme avec le texte de M. Bapt sur le bisphénol, travaillons ensemble, auditionnons comme nous l’avons fait et nous pourrons peut-être parvenir à une démarche plus équilibrée entre la gravité des questions de santé publique et la complexité de notre monde économique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Le ton employé par nos collègues de l’UMP ne m’émeut pas outre mesure. Vous accusez le groupe écologiste d’être une secte, chers collègues de l’opposition. Sachez que les sectes d’aujourd’hui sont les religions de demain ! (Rires sur quelques bancs du groupe SRC, exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Voilà qui est bien présomptueux !

M. Jean-Louis Roumegas. Votre secte reste celle de la pure liberté de l’industriel. Vous ignorez complètement les scandales sanitaires. Les arguments que vous avez convoqués aujourd’hui l’ont déjà été lors de la crise de la vache folle, de celle de l’amiante ou à propos des OGM. Notre seul péché, c’est d’être en avance sur les autres parlementaires, en particulier de ce côté-ci de l’assemblée. En revanche, nous ne le sommes pas sur la société. La population n’a plus confiance en vos expertises, chers collègues de l’opposition, ni en l’industrie du médicament. Ne le voyez-vous pas ?

M. Dominique Tian. À qui la faute ?

M. Philippe Gosselin. Vous entretenez le doute !

M. Jean-Louis Roumegas. Contentons-nous de faire notre travail de législateur, qui consiste à prendre des mesures de précaution et d’expertise afin que la population retrouve confiance en ce qu’elle peut consommer.

M. Dominique Tian. Bref, créer des taxes !

M. Jean-Louis Roumegas. J’ai bien compris que le débat doit avancer et que les esprits ne sont pas mûrs, mais on y viendra, vous verrez. Des études scientifiques existent.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non ! Non !

M. Jean-Louis Roumegas. Si vous ne les connaissez pas, je n’y peux rien.

M. Bernard Accoyer. Des références !

M. Jean-Louis Roumegas. Je vous les ferai parvenir, à la suite de quoi chacun se prononcera en conscience. Vous avez tenu, lors du débat sur le bisphénol en commission, les mêmes propos.

Mme Bérengère Poletti. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Barbier. Vous mélangez tout !

M. Jean-Louis Roumegas. Vous avez crié à la secte et à l’idéologie, mais finalement tout le monde nous donne raison. Je vous engage donc à faire preuve d’un peu de modération. Si vous n’avez pas d’arguments, ne dites rien.

(L’amendement no  644 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos  625 et 694, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour les soutenir.

M. Jean-Louis Touraine. L’amendement n625 est un amendement de santé publique et de justice fiscale. Comme vous le savez, le tabac tue 73 000 Français chaque année et un fumeur sur deux meurt des conséquences de son tabagisme. Il existe plusieurs moyens de lutter contre ce fléau, avec une efficacité hélas encore insuffisante. Introduire des taxes en est un.

M. Dominique Tian. Et voilà !

M. Jean-Louis Touraine. Malheureusement, il existe des inégalités majeures entre les taux de taxation des différentes formes de tabac. Le taux normal de taxation pour les cigarettes est de 64,7 %. D’autres formes de présentation du tabac sont soumises à un taux qui varie entre 55 % et 62 %. Malencontreusement, les cigares et cigarillos sont soumis à un taux normal de 28 % seulement. Nous proposons tout simplement de corriger cette inégalité fiscale, qui en outre envoie un mauvais message en laissant entendre que les cigares et les cigarillos seraient davantage exonérés de taxes que les autres formes de tabac.

L’amendement n694 est lui aussi un amendement de santé publique portant sur la fiscalité du tabac. Nous proposons en effet une hausse modérée des minima de perception afin d’éviter que les cigarettes les moins chères soient proposées à un prix trop attractif. En effet, en raison de la fiscalité complexe du tabac, le taux de taxation des cigarettes les moins chères est relativement moindre que les autres ; or ce sont malheureusement celles qui ont la préférence des jeunes.

Notre amendement permettrait de corriger l’inégalité des modalités de taxation des cigarettes de prix divers, sans effet négatif pour les buralistes mais avec un effet positif sur les revenus fiscaux de l’État et surtout sur la santé publique, car il ferait diminuer un peu la consommation des jeunes. Je sais bien que M. Tian considère que les produits dangereux doivent être interdits plutôt que taxés, mais je lui laisse l’initiative d’une prohibition totale et immédiate du tabac.

M. Dominique Tian. Il s’agit de contrebande, cher collègue !

M. Jean-Louis Touraine. Je propose plus modestement une régulation des taxes de manière à les rendre plus adaptées, plus justes et plus utiles à la santé publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Élever de 28 % à 60 % le taux normal pesant sur les cigares et les cigarillos revient à faire passer leur prix moyen de 6,80 euros à 12 euros, ce qui représente une augmentation considérable.

Mme Bérengère Poletti. Et d’autant plus dissuasive !

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a donc repoussé le premier amendement, ainsi que le second. Celui-ci soulève néanmoins une question que je transmets à M. le ministre du budget. Le Haut conseil du financement de la protection sociale a mené une analyse de l’ensemble des taxations comportementales et a relevé que la fiscalité est parfois très différente d’un produit à l’autre selon les formes de présentation du tabac. Le Gouvernement considère certainement que la taxation du tabac doit être homogène et ne peut donc laisser subsister des créneaux sur tel ou tel type de présentation. Sous réserve de cette observation, la commission a repoussé ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je répondrai d’abord à la question formulée à l’instant par M. le rapporteur. Le Gouvernement a déjà fait l’an dernier un pas dans la direction que vous indiquez, monsieur le rapporteur, en rapprochant les dispositifs applicables au tabac à rouler des autres. Cela donne une direction. Quant aux deux amendements présentés par M. le député Touraine, l’alignement des droits de consommation applicables à différentes catégories de tabac n’est souhaitable que pour les produits à partir desquels un déport vers la consommation de cigarettes est constaté. Tel n’est pas le cas des cigares et des cigarillos, qui sont des produits à part dans le marché du tabac et dont il ne faut pas oublier que les coûts de fabrication sont les plus élevés. Ils représentent en outre un volume de marché marginal, qui de surcroît est en baisse, de quelque 5 % par an. Pour toutes ces raisons et celles qu’a formulées M. le rapporteur à l’instant, je ne suis pas favorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Aucun débat sur un PLFSS n’est exempt d’échanges, d’ailleurs souvent intéressants, sur la problématique du tabac. Bien évidemment, celui-ci est dangereux et la fiscalité est un outil pour dissuader les Français d’en acheter. Ceux-ci cependant, qui sont plutôt critiques sur le fonctionnement de nos institutions à l’échelon européen, en ce moment à tout le moins, ne comprennent pas pourquoi les autorités européennes ne se saisissent pas du problème du tabac. Pour que son prix soit réellement dissuasif, il faudrait qu’il soit applicable partout en Europe !

M. Dominique Tian. Bien sûr !

Mme Bérengère Poletti. Tous les Français qui vivent dans une région frontalière ont vu les files de clients qui vont acheter du tabac au-delà de la frontière, en Belgique dans le cas de mon département des Ardennes. Les Ardennais vont acheter leur tabac en Belgique. Dès lors, que constate-t-on ? On constate, dans le département des Ardennes et même au-delà, que les petits commerces de proximité qui vendaient du tabac, en particulier en milieu rural, ne tiennent plus le coup. Vous étiez ministre des affaires européennes avant d’être au budget, monsieur le ministre : vous êtes donc aujourd’hui la personne idoine pour traiter ce problème, que je soulève chaque année. Qu’attendons-nous, au lieu d’imaginer des étiquetages et des emballages obligatoires, pour nous attaquer collectivement en Europe au problème de la fiscalité du tabac ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Le tabac est un sujet plus sérieux que d’autres évoqués précédemment. Le tabac est nocif pour la santé, cela ne fait pas débat. Les études et les publications qui y sont consacrées n’ont malheureusement pas pour conséquence une baisse de la consommation. Je pense, comme ma collègue Bérengère Poletti, qu’une harmonisation à l’échelon européen est nécessaire. En France, nous avons supprimé les aides à la production de tabac versées aux agriculteurs, ce qui n’a rien réglé. On comprend bien la logique d’une telle démarche : si le tabac est nocif, pensait-on, cessons d’en aider la production chez nous. Mais cela n’a absolument pas réglé le problème de la consommation, car nous importons maintenant du tabac de bien moins bonne qualité. Pour revenir au sujet qui nous intéresse, nous votons depuis tout à l’heure un certain nombre de taxes. Je pose la question à M. le ministre du budget : comment pouvons-nous être certains que les taxes votées dans le cadre du PLFSS seront affectées au budget de la Sécurité sociale ? N’iront-elles pas tout simplement alimenter le budget de l’État ?

C’est une vraie question. Pourriez-vous m’apporter des réponses, monsieur le ministre ? Par exemple, il se dit que 7,8 milliards d’euros issus de la taxe tabac ne seraient pas affectés aux comptes du PLFSS. Il se dit aussi que 1,6 milliard d’euros issu des primes d’assurance automobile prélevées au titre du PLFSS ne serait pas affecté aux comptes du PLFSS. De même, 1,2 milliard d’euros issu des taxes sur les industries polluantes ne serait pas affecté aux caisses du PLFSS. Le débat sur le PLFSS et son déficit n’est-il pas utilisé, sous couvert de santé publique, pour créer des taxes alimentant le budget de l’État ? On justifie chaque année le trou béant de la Sécurité sociale en disant aux gens : « C’est normal, vous abusez des médicaments et des consultations médicales ! ». En fait, on taxe au profit du budget de l’État et non celui de la Sécurité sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je ne pensais pas que nous débattrions d’amendements de ce type, monsieur Touraine, car tout le monde s’accorde à dire que le prix du tabac est tellement élevé en France qu’il n’est pas utile de l’augmenter davantage. Cela en devient presque caricatural, mais enfin M. Touraine vint et voilà relancé un débat qui dure depuis des années. En pratique, comme Bérengère Poletti vient de le dire, tous les buralistes frontaliers ont fermé car on achète moins cher juste à côté. À Marseille, comme à Naples, on vous vend des cigarettes de contrefaçon à tous les feux rouges sans que cela n’émeuve personne. Cela n’en constitue pas moins un grave problème de santé publique.

En raison de la contrebande et de la contrefaçon, les jeunes fument des cigarettes de qualité épouvantable sans que les pouvoirs publics ne s’en mêlent d’une quelconque manière. Cela contribue certes à la paix sociale de certaines villes, mais pas à la santé publique. Je crois, monsieur Touraine, que nous avons vraiment atteint un maximum. J’en veux pour preuve que les buralistes sont aussi dévalisés que les bijoutiers. Il y a deux métiers à risque à Marseille, sujets aux braquages violents : bijoutier et vendeur de cigarettes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous oubliez celui de député ! (Sourires.)

M. Dominique Tian. Il faut savoir raison garder.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je voudrais répondre à la question que m’a adressée à l’instant M. le député Barbier. La taxe Red Bull mise à part, nous n’avons voté aucune taxe supplémentaire. Vous dites toujours que l’on vote des taxes.

M. Dominique Tian. La journée ne fait que commencer !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais, monsieur le député Tian, on peut bien entendu être en désaccord mais on peut aussi déterminer des principes de débat, dont celui de le fonder sur la réalité au lieu d’alimenter des fantasmes. Nous n’avons pas voté de taxes supplémentaires. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’indiquer, avec Marisol Touraine, à la suite de publications de presse, que la stratégie du Gouvernement ne consistait pas à voter des taxes sur tel ou tel produit mais procédait plutôt par des campagnes de prévention et de sensibilisation fondées sur une très forte préoccupation de santé publique.

En outre, monsieur Barbier, vous me dites « il se dit que ». Mais il se dit plein de bêtises qui n’ont pas vocation à être diffusées dans cet hémicycle ! Je vais, sur ce point, être extrêmement net : tout ce que vous avez dit sur le mode du « il se dit que » est totalement faux. La totalité des taxes sont affectées à la Sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Barbier. Je ne fais que poser la question, monsieur le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Certes, mais ce genre de question crée un climat.

Mme Bérengère Poletti. Et vous donne surtout l’occasion de rétablir la vérité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Sur n’importe quel sujet, on peut affirmer qu’ « il se dit que », et partant de là, créer un climat sur la base de simples rumeurs. Je dis donc très clairement que c’est faux, ce que le Parlement pourra très aisément vérifier en faisant usage de son pouvoir de contrôle sur pièces et sur place.

Mme Bérengère Poletti. Et ma question sur l’Europe, monsieur le ministre ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Peut-être M. Tian a-t-il mal compris ce que je proposais : en fait, mes amendements ne visent pas à augmenter le taux des taxes globales sur les cigarettes – je considère, au demeurant, qu’il est plus efficace de n’augmenter les taxes que très rarement, mais d’une façon suffisamment significative pour avoir un effet dissuasif. Mon objectif est simplement de corriger une inégalité, comme on l’a fait naguère avec le tabac à rouler : le tabac présenté sous cette forme étant alors beaucoup moins taxé que les cigarettes, les jeunes s’étaient massivement reportés dessus, ce qui a nécessité une intervention de l’État pour rééquilibrer les taxes. Aujourd’hui, je dénonce l’existence d’injustices fiscales, de niches où les gens peuvent s’engouffrer afin de bénéficier de taxes d’un montant indûment plus bas que les autres.

Je rappelle que les taxes sur le tabac ne rapportent qu’environ 15 milliards par an, alors que le coût financier du tabagisme – sans même parler du coût humain, qui est dramatique – est trois fois plus élevé : chaque année, l’ensemble des traitements induits par les pathologies liées au tabagisme coûte plus de 45 milliards d’euros à la Sécurité sociale. Les taxes dont il est question ne couvrent donc que très partiellement – même pas le tiers – du prix à débourser pour soigner les fumeurs.

Je vais retirer les amendements n°s  625 et 694 (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), dans la perspective du travail de fond qu’il conviendra d’effectuer avant l’examen de la loi de santé publique, prévu pour l’année prochaine. L’objectif est, je le répète, de parvenir à un parfait équilibre, non pas sur deux points seulement, mais sur l’ensemble des produits du tabac.

M. Dominique Tian. Le tabac va devenir un produit de luxe ! On va bientôt le vendre en bijouterie !

Mme Bérengère Poletti. Et moi, je n’ai toujours pas ma réponse ! C’est incroyable !

(Les amendements nos 625 et 694 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n71 rectifié.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avec cet amendement, je vous propose de faire un premier pas en direction de la refonte des contrats solidaires et responsables. Il existe en effet deux types de contrats d’assurance maladie complémentaire : les responsables et ceux qui ne le sont pas. Les critères pour qu’un contrat soit considéré responsable ont été considérablement élargis ; j’en veux pour preuve le fait que seulement 2 % des contrats d’assurance maladie complémentaire sont considérés irresponsables.

M. Dominique Tian. Vous voulez dire « non responsables » ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les contrats irresponsables obéissent à un mécanisme particulièrement pervers…

M. Dominique Tian, rapporteur. « Non responsables » !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …car ces contrats très haut de gamme, qui s’adressent à une catégorie très aisée de la population, prennent en charge le remboursement d’un certain nombre de produits et de prestations, mais surtout des dépassements d’honoraires. En remboursant, parfois à 100 %, les dépassements d’honoraires, ils tirent vers le haut le montant de ces dépassements : sachant que son patient va être remboursé intégralement, le médecin sera naturellement enclin à lui demander la catégorie la plus élevée parmi les dépassements d’honoraires qu’il pratique.

Nous souhaitons accompagner la volonté du Gouvernement de remettre à plat l’ensemble du dispositif des contrats d’assurance maladie complémentaire, conformément à l’objectif défini par le Président de la République, qui est qu’à l’issue du quinquennat toutes les Françaises et tous les Français puissent disposer d’une couverture maladie complémentaire accessible et de bonne qualité. Pour cela, il faut rétablir l’écart de taxation entre les contrats responsables et les contrats irresponsables…

M. Dominique Tian, rapporteur. « Non responsables » !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …en faisant passer le taux de taxes sur ces derniers de 9 % à 14 %. La commission a adopté cet amendement dans sa forme initiale, mais l’amendement rectifié poursuit exactement le même objectif.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Dans le cadre de l’accord national interprofessionnel, nous souhaitons pouvoir procéder à la généralisation des complémentaires santé. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement, qui vise à accroître l’écart entre la fiscalité des contrats responsables et celle des contrats non responsables, en augmentant la taxe sur les seconds

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le ministre, je regrette que vous soyez favorable à cet amendement. Par ailleurs, je veux dire à M. Bapt qu’il ne faut pas parler de contrats « irresponsables », mais de contrats « non responsables » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Bérengère Poletti. Eh oui, ce n’est pas pareil !

M. Jean-Pierre Door. Il y a, entre ces deux façons de présenter les choses, une énorme différence d’ordre sémantique. Les contrats non responsables sont des contrats comme les autres, proposés par des assurances privées ou des mutuelles, qui visent une certaine clientèle : ils font pleinement partie du marché des contrats santé de prévoyance.

Pour trouver les recettes que vous cherchez, monsieur le ministre, vous créez de nouvelles taxes. Après le forfait social, passé hier soir de 8 % à 20 % pour les compagnies d’assurances qui ne seraient pas retenues dans le cadre des appels d’offres et des fameuses clauses de désignation, vous vous apprêtez à porter la taxe spéciale des contrats d’assurances de 9 % à 14 %. En ce qui vous concerne, madame la ministre, monsieur le ministre et monsieur Bapt, il y a loin des paroles aux actes ! Ce que souhaitait la Mutualité – et que vous aviez dit souhaiter également –, c’était une réduction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, sur les contrats responsables et solidaires. Vous-mêmes l’avez réclamé pendant des années. Pourquoi, aujourd’hui, ne le faites-vous pas ? Le président de la Mutualité n’est d’ailleurs pas très content de votre décision, et il l’a écrit encore avant-hier.

En décidant d’augmenter encore une taxe, vous allez vous rendre responsables d’une très importante augmentation des cotisations des contrats…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Pierre Door. …au moins celles des contrats non responsables. Or ces contrats sont plus nombreux que vous ne le dites, et répondent à l’attente d’une catégorie de la population disposée à souscrire ce type de contrats auprès d’assurances privées, de mutuelles ou d’institutions de prévoyance. Il y en a bien plus que 2 %, monsieur Bapt !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Nous débattons sur un amendement qui porte sur une situation très particulière, puisqu’elle ne concerne que 2 % des contrats santé. Vous avez fait état, monsieur le rapporteur, du public concerné par ces contrats : un public aisé, qui accepte de payer un prix plus élevé pour disposer des garanties complémentaires qu’il recherche. Pourquoi vouloir réduire la liberté de ces personnes, alors que leur choix n’a aucune incidence sur 98% des contrats, ceux qui sont considérés comme responsables ?

Comme l’a dit Jean-Pierre Door, nous nous trouvons dans une situation similaire à celle d’hier soir, quand ont été votées des dispositions relatives aux clauses de désignation : en faisant passer le forfait des complémentaires santé de 8 % à 20 % pour les entreprises de plus de dix salariés, tandis qu’un forfait de 8 % est appliqué aux entreprises de dix salariés, vous réduisez la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre, ce que rien ne justifie. Franchement, je ne vois pas où est l’intérêt d’appliquer une augmentation de 55 % à 2 % des contrats.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je voudrais attirer l’attention du Gouvernement sur ce qui risque de se produire sous l’effet de ces hausses importantes de fiscalité qui vont être mises à la charge d’un certain nombre de mutuelles et d’assurances, hausses qui seront nécessairement répercutées sur les assurés ou les cotisants. Avec ce qui s’est tramé hier au sujet des clauses de désignation (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), fallacieusement rebaptisées « clauses de recommandation », avec ce que vous vous apprêtez à faire au sujet du droit d’option des frontaliers, avec ce que vous faites au sujet des contrats dits « solidaires et responsables » – une appellation dont l’examen mériterait d’être approfondi, car l’emploi du terme « responsable » est d’une portée considérable –, nous allons en venir au point que certaines personnes ne pourront plus s’assurer en raison des hausses de cotisations. D’autre part, vous prenez le risque de mettre en difficulté le secteur assuranciel et même le secteur mutualiste – encore que les mutuelles disposent d’avantages fiscaux considérables.

Je pense donc, monsieur le ministre délégué chargé du budget, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, mes chers collègues, que ce projet de loi de financement aura forcément un impact en matière d’emploi, qu’il sera trop tard pour évoquer lors de l’exercice prochain. En vertu d’un effet mécanique, plus on charge fiscalement, moins on rend compétitif et plus on fait de chômeurs ; vous le savez bien, monsieur le ministre.

Pour ce qui est de la question que je vous ai posée tout à l’heure, monsieur le ministre, je peux comprendre qu’elle soit trop technique pour que vous soyez en mesure d’y répondre immédiatement et, si vous préférez me donner une réponse en dehors de la séance, je n’y vois pas d’inconvénient.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Chacun l’aura compris, le Gouvernement s’apprête à instaurer une taxe de plus, en l’occurrence une taxe portant sur des contrats déjà assez coûteux pour ceux qui les souscrivent, car souvent faits sur mesure. Comme mes collègues, je pense que les contrats de ce type représentent bien plus que 2 % de l’ensemble des contrats ; mais encore eût-il fallu évaluer ce point…

M. Gérard Bapt, rapporteur. On l’a évalué !

M. Dominique Tian. …et si le rapporteur nous communiquait l’étude d’impact censée avoir été faite, nous nous poserions moins de questions. L’augmentation de 55 % de la taxe portant sur certains contrats constitue, à mon sens, une remise en cause de la liberté individuelle de souscrire un contrat librement négocié. Un contrat, par définition, résulte de l’accord entre deux parties à l’issue d’une négociation : en l’absence de dol ou d’abus de la part de l’organisme concerné ou de l’assuré, je ne vois pas de quel droit on cherche à s’opposer à la conclusion d’un tel contrat.

Par ailleurs, le fait que M. Bapt persiste à appeler qualifier ces contrats d’« irresponsables », alors qu’il s’agit de contrats « non responsables » est très révélateur de sa façon de penser, non exempte d’une certaine mauvaise foi.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Oh!

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, nous aurons l’occasion, lors de l’examen de l’article 45 de ce PLFSS, de revenir plus longuement sur les enjeux liés à la régulation de la couverture complémentaire santé.

M. Dominique Tian. C’est sûr !

Mme Marisol Touraine, ministre. En tout état de cause, l’amendement présenté par M. Bapt s’inscrit dans le cadre de la politique poursuivie par le Gouvernement afin de garantir à chacun de nos concitoyens une bonne couverture complémentaire. Le mot central est celui de « régulation » : au fond, il s’agit de faire en sorte que nos concitoyens puissent être accompagnés vers des contrats de bonne qualité, dits responsables et solidaires, dont le contenu devra être précisé. À l’inverse, il ne s’agit pas d’empêcher ceux qui voudraient aller vers d’autres contrats de le faire, mais simplement de leur faire observer qu’il s’agit de contrats ne répondant pas aux critères de qualité, de régulation, que nous souhaitons poser.

M. Dominique Tian. En les matraquant à coup de taxes !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement s’inscrit dans le cadre d’une politique qui a commencé avec la mise en place de l’accord national interprofessionnel et d’une couverture santé pour l’ensemble des salariés, et qui se prolonge avec l’amélioration de la couverture santé en direction de publics qui ne sont pas dans le monde du travail – ainsi certaines dispositions sont-elles prévues pour les étudiants, par exemple. Plus généralement, cette disposition doit permettre de réguler l’accès à la couverture complémentaire de l’ensemble de nos concitoyens, au-delà même du monde du travail.

M. Jean-Pierre Door. Pourquoi ne diminuez-vous pas plutôt le taux de la taxe s’appliquant aux contrats responsables ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je souhaite apporter un complément sur deux éléments.

Je rappelle, d’une part, que lors des débats relatifs à la retranscription de l’ANI, nous avons fait voter un amendement disposant que l’ensemble des contrats collectifs pour les salariés devaient être conformes aux contrats solidaires et responsables…

M. Bernard Accoyer. Et tous les autres ?

M. Dominique Tian. Heureusement !

Mme Fanélie Carrey-Conte. … ce qui signifie que l’ensemble des contrats d’assurance santé complémentaire pour les salariés ne sera pas concerné par cette augmentation de la fiscalité. Il me semble que c’était important de le rappeler.

D’autre part, je reviens sur les propos de Mme la ministre et sur ceux qui ont été échangés lors de la discussion générale. À quoi les contrats solidaires et responsables servent-ils ? Ils constituent un outil de régulation, régulation que nous prônons et sur les tarifs, et sur les pratiques, et sur le contenu du « panier de soins » qui sera offert aux assurés qui en bénéficieront. Il s’agit d’un outil de régulation – il en va de l’exigence de la qualité des soins – qui ne peut fonctionner efficacement que si la fiscalité les concernant est incitative. Nous assumons pleinement sa mise en place.

M. Bernard Accoyer. C’est une obsession collectiviste !

Mme Fanélie Carrey-Conte. La fiscalité n’était plus incitative mais elle le sera grâce à cet amendement, que nous soutenons.

Enfin, il serait temps que nos collègues de l’opposition arrêtent d’utiliser et d’instrumentaliser la parole de la Mutualité française en fonction de ce qui les arrange. Personne n’est dupe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Nous la connaissons moins bien que vous et nous n’en parlons pas…

M. Dominique Tian. Nous, nous ne sommes pas passés par les mutuelles étudiantes… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. S’agissant des taxes sur les produits de type sodas et autres, monsieur le député Accoyer (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP)… Monsieur Accoyer, si vos collègues ne souhaitent pas que je réponde à votre question, je peux le faire en une autre occasion.

La taxe sur les boissons sucrées n’est pas due par les transporteurs, contrairement à ce qu’indiquait votre question, mais par les fabricants, les importateurs, et les personnes qui réalisent en France des acquisitions intracommunautaires.

M. Bernard Accoyer. Exact.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si vous en êtes d’accord, je vous propose de faire un point à ce propos et de vous donner un certain nombre d’éléments par écrit.

M. Bernard Accoyer. Je vous remercie.

M. Dominique Tian. Nous ne sommes pas tellement avancés…

(L’amendement n71 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n643.

M. Bernard Accoyer. Cette fois-ci, c’est au tour de l’industrie automobile !

M. Dominique Tian. Oh là là !

M. Jean-Louis Roumegas. Cette fois-ci, on ne pourra pas nier le sérieux des études réalisées ou m’opposer mon appartenance à une secte, puisque je me fonde sur un rapport de l’Organisation mondiale de la santé dénonçant les effets des particules fines émises par les moteurs diesel, lesquelles seraient responsables de 40 000 décès par an en France. Ce n’est d’ailleurs pas la seule étude puisqu’une autre avait déjà été commise en 2005 et qu’il existe une directive européenne de 2008 sur cette question.

Nous connaissons donc les méfaits sur la santé de ces particules, j’espère que vous ne le contesterez pas. Comment donc sortir notre industrie de sa dépendance à l’endroit du diesel, qui constitue d’ailleurs une particularité en Europe et dans le monde ?

M. Bernard Accoyer. Il faut mettre de l’aspartam dans le diesel… (Sourires)

M. Jean-Louis Roumegas. Nous savons que nous nous dirigeons dans ce sens-là tant pour des raisons de santé publique qu’économiques. Un tel isolement n’est pas de bon augure pour notre industrie. Les motifs de santé publique et un raisonnement économique intelligent sur le moyen terme concordent : nous devons tendre à l’abandon du diesel.

Nous proposons donc d’instaurer une taxe additionnelle qui ne pénalisera pas les propriétaires actuels de véhicules diesel, lesquels parfois, comme on nous l’a objecté, n’ont en effet pas le choix ni de solution alternative pour rejoindre leur lieu de travail. Cette taxe ne concernera que les nouvelles immatriculations de nouveaux véhicules diesel…

M. Bernard Accoyer. C’est ça ! Bien !

M. Jean-Louis Roumegas. …de façon à être dissuasifs et afin que les usagers se tournent vers des carburants plus propres.

On peut ne pas être d’accord avec cette proposition et dire que l’on se fiche des effets de ces particules sur la santé ou, même, de l’impasse dans laquelle se trouve l’industrie française mais, par pitié, ne m’objectez pas qu’il s’agit là de faits non avérés ou de je ne sais quelle idéologie sectaire !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a pas adopté cet amendement. Je ferai trois observations.

Il est bien clair que la responsabilité des particules fines dans le développement d’un certain nombre de pathologies, pas seulement respiratoires mais également allergiques, est reconnue. Néanmoins, la commission a observé que certains véhicules diesel récents émettent moins de particules fines que des véhicules essence.

De plus, il n’est pas possible de vouloir passer d’un système de véhicules autonomes à un autre sans tenir compte d’un certain nombre d’alternances nécessaires ni, par exemple, de la recherche. Le ministre du redressement productif, vous le savez, met ainsi l’accent sur les véhicules hybrides ou électriques.

Enfin, à l’initiative du Gouvernement et du Premier ministre, le Comité pour la fiscalité écologique a été mis en place et doit poursuivre ses travaux sur les questions relatives aux carburants des véhicules automobiles.

Compte tenu de ces éléments, la commission a donc repoussé votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je comprends le sens de cet amendement, monsieur le député, et il n’est pas question ici de remettre en cause les conséquences que peut avoir sur la santé l’émission d’un certain nombre de particules résultant de l’utilisation du diesel. Vous avez d’ailleurs remarqué que, dans la trajectoire de la composante carbone de la TICPE, il est prévu d’augmenter la taxation de l’assiette diesel, ce carburant étant plus polluant que d’autres.

Cela permettra d’ailleurs de faire ainsi converger progressivement la fiscalité du diesel et de l’essence, non à une hauteur aussi significative que ce que permettrait l’augmentation de la taxation du diesel mais, tout de même, d’une manière sensible.

Par ailleurs, au-delà des aspects sanitaires et fiscaux, cette question comporte un versant industriel, comme vous l’avez dit vous même, et, également, un aspect social. Des personnes ne peuvent se rendre sur leur lieu de travail autrement qu’en utilisant leur véhicule et ne disposent pas nécessairement des moyens permettant de le changer ou de s’acquitter des taxes.

J’ai donc proposé au Comité pour la fiscalité écologique présidé par M. de Perthuis de développer une approche globale traitant de la totalité de ces aspects-là plutôt que de les envisager au coup par coup sans nécessairement maîtriser l’ensemble des effets collatéraux des décisions que nous prendrions. C’est pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le ministre délégué, je crois que vous n’avez pas bien lu l’amendement de M. Roumegas car il vise à taxer les nouveaux véhicules et non le diesel ou le fioul. Sans nier le constat du rapport de l’OMS, cela traduit d’ailleurs une méconnaissance totale ou un mépris, ce qui serait plus grave…

M. Dominique Tian. Voilà ! Il faut le dire !

M. Bernard Accoyer. …de la situation technique et technologique de l’automobile puisque les nouveaux moteurs diesel, grâce aux nouveaux filtres à particules, qui sont une technologie française, résolvent ce problème.

M. Gérard Sebaoun. Partiellement.

M. Bernard Accoyer. Au lieu de tenir le discours que vous venez de tenir, vous devriez défendre ce qui est en ce moment menacé, soit, des centaines de milliers d’emplois en France. Il s’agit là d’un point extrêmement important puisque les prémisses même du raisonnement de M. Roumegas sont fondamentalement fausses.

Au-delà, je crois que nous devrions nous retrouver pour comprendre que, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, ceux qui possèdent des véhicules anciens peuvent être attentifs à ces questions, sur lesquelles les pouvoirs publics doivent revenir.

Il serait préférable d’instaurer une taxe pour inciter à renouveler ces voitures et ces moteurs. Les écologistes pourraient d’ailleurs se joindre à cette initiative, afin qu’ils n’apparaissent pas comme les croque-morts de l’industrie automobile française !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. M. Accoyer et l’ensemble des membres de notre groupe attendions la réponse de M. le ministre mais sans doute pensait-il à autre chose puisqu’il n’a pas du tout répondu à M. Roumegas, lequel, une nouvelle fois, ne nous a pas déçus. Après tous les débats que nous avons eus, il est maintenant question de faire disparaître l’ensemble de l’industrie automobile française. En une matinée, on ne peut pas dire que vous soyez inactifs !

M. Bernard Accoyer. Avec des alliés pareils, les socialistes sont tranquilles !

M. Dominique Tian. Vous notez vous-même dans l’exposé des motifs de votre amendement que le diesel a été développé dans notre pays suite à des choix politiques. Les choses sont dites ! C’est l’industrie automobile française qui doit s’adapter et, même, disparaître ! Je ne sais pas si vous lisez la presse mais vous devriez savoir que sa situation n’est pas très bonne et que le groupe PSA traverse une situation extrêmement difficile. Mais, vous, vous considérez qu’il est mieux de faire disparaître des voitures d’un certain type…

M. Bernard Accoyer. Étrangleurs !

M. Dominique Tian. … et donc notre industrie automobile.

Que M. Roumegas le dise, cela ne nous choque pas beaucoup parce qu’il nous a habitués depuis ce matin à des positions originales, mais il nous semble assez grave que le ministre présent au banc ne réagisse pas.

Peut-être faudrait-il interrompre notre séance pour demander à M. Montebourg de venir d’urgence participer au débat, puisqu’il s’agit manifestement d’un vrai problème !

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales. Vous ne serez pas déçu ! Vous en aurez pour votre argent !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce qui me préoccupe davantage que la situation de l’industrie automobile, sur laquelle nous veillons d’ailleurs avec une attention particulière, c’est votre état structurel d’énervement (Protestations sur les bancs du groupe UMP), votre goût incommensurable pour la polémique,…

M. Christian Paul, rapporteur. Et la provocation !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … la propension que vous avez sur tous les sujets à moins vouloir cheminer dans le consensus, et faire en sorte que nous nous rassemblions autour de grands enjeux, que de créer les conditions de la polémique, de l’antagonisme et du conflit.

M. Bernard Accoyer. Laissez ces basses œuvres à Mme Touraine !

M. Dominique Tian. Ce n’est pas possible !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je me demande d’ailleurs si, ce matin, vous n’avez pas pris des produits que vous n’auriez pas dû prendre (Sourires), ceux-là même contre lesquels nous nous battons.

M. Bernard Accoyer. M. Bapt en a sur lui ! (Sourires)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous êtes dans un état anormalement nerveux, monsieur le président Accoyer !

Pour que les choses soient bien claires, messieurs Accoyer et Tian, le Gouvernement est maître de ses réponses. Et comme nous avons une stratégie qui rassemble l’ensemble de ses membres, je la précise à nouveau.

Il est normal de se préoccuper de problèmes de santé publique et je comprends que M. Roumegas le fasse, tout comme nous les avons nous-mêmes à l’esprit. Néanmoins, dès lors qu’il s’agit de traiter de sujets fiscaux, industriels ou sociaux, puisque les questions fiscales peuvent aussi avoir un impact social, nous privilégions – c’est ma réponse et je suis désolé que vous n’y adhériez pas parce qu’elle a une certaine cohérence – des approches globales sur des approches sectorielles, parce que celles-là permettent de maîtriser la totalité des conséquences collatérales des décisions que nous prenons, ce qui n’est pas le cas de celles-ci.

C’est pourquoi j’ai répondu à M. le député Roumegas en lui proposant une bonne méthode,…

Mme Bérengère Poletti. Si seulement c’était vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … celle de l’approche globale. Vous ayant apporté cette réponse, j’attends maintenant que, dans la plus grande sérénité, vous manifestiez votre satisfaction ! (Sourires).

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Roumegas, ou le retirez-vous ?

M. Jean-Louis Roumegas. Nous le maintenons et je voudrais dire pourquoi.

M. Tian raisonne à peu près comme un tambour en la matière (Rires sur les bancs du groupe UMP)…

M. Philippe Gosselin. C’est un fait personnel !

M. Jean-Louis Roumegas. … et il n’a pas répondu à notre proposition, non plus d’ailleurs que M. le ministre. Non, nous ne voulons pas enterrer l’industrie automobile française ! L’industrie automobile française a fait un choix industriel qui l’isole, nous le constatons aujourd’hui. Je ne crois pas que les écologistes soient pour grand chose dans la fermeture des usines…

M. Bernard Accoyer. Bien sûr que si !

M. Jean-Louis Roumegas. …qui sont nombreuses. Pourquoi des constructeurs – étrangers, malheureusement – qui produisent des véhicules hybrides ou de petits véhicules se portent-ils bien et pourquoi l’industrie française est-elle en train de péricliter ? Parce qu’elle a fait de mauvais choix industriels qui l’isolent. En France, la situation est anormale…

M. Bernard Accoyer. Soyez un peu patriote !

M. Jean-Louis Roumegas. … et vous devriez d’ailleurs la combattre au nom du libéralisme et de la libre concurrence : le diesel est en effet avantagé par rapport à d’autres modes de carburation…

… grâce à une fiscalité favorable.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas votre amendement ! C’est un autre sujet !

M. Jean-Louis Roumegas. Je ne comprends pas que vous la souteniez alors que vous devriez vous battre en faveur d’une concurrence égale pour que le meilleur gagne ! Au lieu de quoi vous soutenez un système pervers qui consiste à favoriser un type de carburant qui isole l’industrie française et qui est nuisible pour la santé publique.

Quant à l’argument social, justement, notre proposition a l’avantage d’en tenir mieux compte. Les propriétaires peu fortunés prisonniers de leur véhicule diesel n’ont pas de solution alternative, le rattrapage de la taxation du diesel par rapport à l’essence ayant également d’évidents effets sociaux – même s’il faudra y venir, c’est une question que nous ne pourrons pas éluder.

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Jean-Louis Roumegas. Mais notre proposition ne pénalise pas les propriétaires actuels, elle supprime l’avantage à l’achat d’un véhicule neuf. Je rappelle qu’aujourd’hui, le véhicule diesel est plus cher, et c’est uniquement parce qu’il bénéficie d’une taxation avantageuse que des personnes sont prêtes à le payer plus cher à l’achat.

En rétablissant l’égalité au moment de l’achat du véhicule neuf, nous pousserions les gens à privilégier des carburations plus intéressantes pour eux sur le plan financier…

M. Bernard Accoyer. Il ne s’agit pas de carburations ! Il faut parler de combustible !

M. Jean-Louis Roumegas. …et nous pousserions les constructeurs à transformer leur industrie et à être plus compétitifs in fine.

(L’amendement n643, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n21 rectifié.

Mme Claudine Schmid. Monsieur le ministre, vous avez fait part il y a quelques minutes de votre souhait de travailler dans le consensus : peut-être que cet amendement nous en fournira l’occasion.

L’an passé, lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative, j’étais déjà intervenue au sujet de l’imposition des prélèvements sociaux sur les revenus immobiliers des non-résidents. Assujettir à la CSG et la CRDS les revenus immobiliers des non-résidents revient à enfreindre le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. De plus, ce dispositif ne tient pas compte du refus de la Cour de justice de l’Union européenne d’étendre la CSG et la CRDS aux revenus de source française, dès lors que ces non-résidents sont assujettis à une imposition sociale dans un autre État membre.

M. Bernard Accoyer. C’est très juste !

Mme Claudine Schmid. En conséquence, dès septembre 2012, j’ai interrogé la Commission européenne sur la conformité de cette mesure. La Commission m’a informée depuis qu’une procédure d’infraction avait été ouverte contre la France.

En adoptant cet amendement de suppression, nous mettons notre législation en conformité avec le droit européen et permettons à la France de mettre fin au manquement constaté.

M. Dominique Tian. Très bien !

Mme Claudine Schmid. Nous éviterons ainsi à la France de se voir pénalisée financièrement, sachant que nos finances ne nous le permettent pas, sans compter que nous éviterons également le départ d’investisseurs.

Bien que je sois la seule députée des Français de l’étranger présente lors de la discussion de cet amendement, je sais que je ne suis pas la seule à avoir reçu des messages d’indignation et de contestation, puisque je figurais en copie de certains messages adressés à mes collègues.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Ce n’est pas par refus du consensus, mais il existe un débat qui doit sans doute être poussé davantage.

Contrairement à ce que soutient votre amendement, l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers des non-résidents n’est pas inconstitutionnel ni contraire au droit communautaire ou international. D’une part, ne sont concernés que les revenus fonciers et les plus-values immobilières. Autrement dit, les revenus du capital tirés de biens situés sur le territoire français, donc définis au regard de la localisation du bien. Une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel comme du Conseil d’État conduit à considérer que les prélèvements sociaux sont des impositions de toute nature non-assimilable à des cotisations sociales.

Si votre raisonnement se tient concernant les revenus d’activités de remplacement – ainsi un non-résident n’est pas soumis à la CSG sur ses revenus de source française dès lors qu’il cotise au régime de sécurité sociale de son pays de résidence, comme l’impose le cadre européen – ce raisonnement ne peut se prolonger s’agissant des revenus immobiliers.

Voilà pourquoi j’invite, au nom de la commission, à repousser cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la députée, je ne peux pas accepter votre raisonnement, pour une raison très simple que je veux expliquer en quelques mots. Si nous procédions à ce que vous demandez, les non-résidents qui ont des biens en France ne se verraient taxés au titre de ces biens ni dans leur pays de résidence, ni en France. Donc, sous prétexte d’éviter la double imposition, vous êtes en train d’organiser la double non imposition.

Il est tout à fait normal qu’une personne à l’étranger qui a des biens en France dont il tire des revenus, soit sous forme de loyers, soit sous forme de plus-value, se voie taxé au titre des prélèvements sociaux de la même façon que le Français qui a ses biens en France. Si nous mettions en place le dispositif que vous souhaitez, cette personne ne serait imposée nulle part. Cela créerait une incitation pour ceux qui ne veulent être imposés nulle part à se localiser hors de France pour échapper à cette imposition.

Je pense donc franchement qu’il n’est pas possible de trouver un compromis sur cet amendement. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Monsieur le ministre, je ne suis pas du tout votre raisonnement. Les revenus immobiliers, qu’il s’agisse de plus-values ou de revenus de location, sont taxés. Ils sont soumis à l’impôt. Un Français de l’étranger qui réside hors de l’Union européenne paie une taxe sur la plus-value de 33 %, à laquelle s’ajoutent 15,5 %, donc nous arrivons presque à 50 %.

Il y a donc bien une taxation, de 33 %. S’agissant des revenus locatifs, un impôt est acquitté en France, le centre des non-résidents est là pour cela. Il existe donc une forte contestation sur cette question. Combien de messages avons-nous reçu de nos compatriotes nous disant qu’ils souhaitent vendre l’appartement qu’ils ont en France ! Nous coupons complètement les ponts avec les Français résidents à l’étranger, et ils ne sont pas près de revenir !

M. Bernard Accoyer. Vous les poussez à l’exil, et ensuite ils vendent tous leurs biens !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame, votre raisonnement serait juste s’il prenait en compte la totalité des impositions dont sont redevables les contribuables français lorsqu’ils procèdent au paiement de l’impôt adossé à leurs revenus immobiliers. Vous ne parlez que de l’impôt sur le revenu. Ce que vous en dites est juste : l’impôt sur le revenu fait l’objet d’un prélèvement libératoire de 19 %, et de 33 % pour les non-résidents établis hors de l’Union européenne.

Mais les résidents français qui tirent des revenus immobiliers de plus-values ou de loyers sont imposés au titre de l’impôt sur le revenu, et ils acquittent également une contribution au titre des prélèvements sociaux.

M. Bernard Accoyer. Surtout après quelques mois de gouvernement PS !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et il n’est pas normal que les non-résidents soient dispensés de prélèvements sociaux sur leurs biens en France alors que les Français résidents en acquittent sur les mêmes biens.

Les non-résidents ne sont pas imposés dans leur pays de résidence au titre des prélèvements sociaux sur les revenus tirés des biens qu’ils possèdent en France. Il faut donc distinguer l’impôt sur le revenu des prélèvements sociaux, et comprendre qu’il n’y a pas de raison que certains acquittent, au titre des biens immobiliers qu’ils possèdent, ces prélèvements sociaux, tandis que d’autres n’en acquittent pas. Et il n’y a pas de double imposition au titre des prélèvements sociaux puisque ces non-résidents ne sont pas taxés dans leur pays de résidence au titre des prélèvements sociaux en raison des biens dont ils disposent en France.

(L’amendement n21 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 708 et 711, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Laurent Baumel, pour les soutenir.

M. Laurent Baumel. Ces amendements, présentés par plus d’une soixantaine de députés socialistes et écologistes, proposent un dispositif tendant à rendre notre CSG progressive, dans un esprit proche de celui qu’indiquait tout à l’heure notre collègue Jean-Marc Germain.

Cette proposition sert deux objectifs. Tout d’abord, la justice fiscale. Le débat se focalise beaucoup sur l’impôt sur le revenu dans notre pays, mais la CSG est le premier impôt sur le revenu en France. Or c’est un impôt totalement proportionnel, qui contribue de ce fait à ce que l’ensemble de nos prélèvements soit globalement plutôt dégressif, ce qui ne peut que choquer toutes celles et tous ceux qui, dans cet hémicycle, sont attachés à ce que l’impôt ne soit pas simplement un instrument de financement des services publics, mais aussi un outil de correction des inégalités et de justice.

Le deuxième objectif poursuivi est l’amélioration du pouvoir d’achat. Le dispositif que nous proposons tend à diminuer les taux de CSG de deux points jusqu’aux revenus médians. Nous pourrions ainsi rendre à une personne qui gagne le SMIC environ trois cent quarante euros par an, ce qui n’est pas négligeable et qui serait en tout cas beaucoup plus efficace que toutes les mesures que nous pourrions prendre en matière de relèvement du SMIC.

Le dispositif que nous proposons a également deux mérites : il répond à l’objection constitutionnelle classique, puisqu’il prévoit des mécanismes de conjugalisation et de familialisation. Il répond également à une objection pragmatique, puisque par un système d’avance et de régularisation au moment de la feuille d’impôts, nous évitons la transmission de données familiales aux entreprises.

Évidemment, beaucoup de questions restent à étudier, notamment celle des seuils. Nous avons choisi d’augmenter le taux de CSG à partir du huitième décile, puisqu’en tant que législateurs, nous devons faire une proposition dans ce domaine. Cela correspond à des niveaux de revenus qui peuvent encore être jugés relativement modestes. Au passage, cela donne une indication sur l’état des salaires dans notre pays.

Tout cela peut sans doute être travaillé encore, mais ce dispositif a le mérite d’être soumis à la discussion. On peut déployer beaucoup d’énergie, dans cet hémicycle comme dans l’administration, à argumenter contre une réforme. Je souhaite que l’on mette autant d’énergie pour rendre possible une réforme qui me paraît nécessaire et qui nous permettrait de sortir du climat délétère et difficile dans lequel nous sommes aujourd’hui lorsqu’il s’agit de discuter de fiscalité et d’impôt. En effet, par cette réforme, nous proposons des baisses d’impôts pour les couches populaires et moyennes, et nous nous donnerions donc les moyens d’éviter que le débat fiscal ne se résume à savoir qui va payer plus d’impôts dans notre pays.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces amendements n’ont pas été examinés par la commission, parce qu’ils lui ont été présentés un peu tard. Ils rejoignent la préoccupation exprimée par Jean-Marc Germain sur la structure du prélèvement visant à assurer de manière durable un niveau de ressources suffisant pour notre système de protection sociale, et en particulier pour l’assurance maladie dont nous savons que les dépenses sont en augmentation tendancielle supérieure à la hausse du PIB, y compris lorsque celui-ci évolue positivement.

Il est clair que cette réforme est importante. Ses effets de seuils méritent d’être examinés de près, comme vient de le reconnaître Laurent Baumel, de même que la façon dont serait modulé le prélèvement progressif par tranches de déciles.

À titre personnel, il me semble qu’il s’agit d’un amendement d’appel sur un débat qui mérite d’être mené, et qui le sera dans les mois qui viennent, je pense, sur la base des résultats des travaux du Haut conseil pour le financement de la protection sociale.

M. Jean-Pierre Door. Voilà ! Ne mettons pas la charrue avant les bœufs !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Sur la base de ces considérations, peut-être que monsieur Laurent Baumel sera amené à retirer son amendement ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je remercie M. Laurent Baumel et les parlementaires qui ont décidé de présenter cet amendement d’engager cette réflexion dans l’hémicycle. Elle a vocation à se poursuivre bien au-delà de la séance qui nous rassemble aujourd’hui.

Sur un sujet aussi complexe, qui pourrait appeler des développements significatifs, j’essaierai d’aller à l’essentiel, puisque nous allons continuer d’aborder ces questions dans les mois qui viennent afin de poursuivre la réforme fiscale permettant d’assurer plus de justice et de redresser nos comptes en accompagnant le retour à la croissance.

Mais je veux tout d’abord souligner que nous avons déjà engagé cette réforme fiscale depuis l’an dernier. Nous avons posé des actes forts, et des décisions ont été prises – y compris dans le projet de loi de finances pour 2014 – en cohérence avec les décisions prises l’an dernier. Elles témoignent de la constance, de la détermination et de l’opiniâtreté du Gouvernement en la matière.

Ainsi, nous avons décidé de la création d’une tranche de l’impôt sur le revenu à 45 %, de la baisse du plafond du quotient familial, du plafonnement des niches fiscales. Car si l’on souhaite la progressivité de l’impôt, il faut avoir à l’esprit que chaque niche perturbe cette progressivité. Et vous aurez constaté, mesdames et messieurs les députés, que si chacun est d’accord intellectuellement pour la suppression des niches, chaque fois que nous nous attaquons à une niche, nous voyons qu’elle est gardée par un chien, qui est parfois méchant !

M. Philippe Gosselin. Un cerbère !

M. Christian Paul, rapporteur. Ne réveillez pas l’opposition, monsieur le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par conséquent, il faut faire très attention à la manière dont on aborde ces sujets.

Nous avons donc mis en place une meilleure progressivité de l’impôt avec la tranche à 45 %, une baisse du quotient familial, une révision des niches fiscales, un alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Nous sommes engagés dans une réforme résolue de la fiscalité qui monte en puissance cette année, puisque nous corrigeons bien des injustices votées par cette assemblée, monsieur le président Accoyer, lorsque vous siégiez à la place qu’occupe aujourd’hui Mme Mazetier.

Je veux rappeler la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu, la suppression de la demi-part fiscale des veuves et d’autres mesures, que nous corrigeons par des décotes, une augmentation du plafond du revenu fiscal de référence et une réindexation du barème de l’impôt sur le revenu.

M. Denys Robiliard. Nous corrigeons des injustices !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je veux donc dire aux députés signataires de ces deux amendements que le Gouvernement a engagé la réforme et qu’il a l’intention de la poursuivre : les actes que nous avons posés l’an dernier et ceux que nous posons dans l’actuel projet de loi de finances en témoignent.

Les deux principales modifications apportées par ces amendements sont assez simples et lisibles. Elles consistent d’une part à ne plus faire dépendre le taux de la contribution sociale généralisée de la nature des revenus perçus, d’autre part à appliquer à ces revenus un taux dépendant du revenu annuel, avec une réflexion sur la conjugalisation. Ces deux mesures entraînent des effets qu’il faut prendre en compte.

La première modification emporte des conséquences assez lourdes. À la différence de la CSG actuelle, la proposition de M. Baumel retient des taux qui ne se différencient plus selon la nature des revenus. Avec cette proposition, les retraités percevant une pension mensuelle de 1 600 euros subiraient une hausse de la CSG, dont le taux serait porté mécaniquement de 6,6 % à 7,5 % ; si le montant de leur pension excède 2 480 euros, ce taux serait porté de 6,6 % à 9 %. Les exemples très concrets sont les plus parlants : un retraité percevant une pension mensuelle de 2 500 euros bruts subirait une perte de pouvoir d’achat de 720 euros.

La seconde modification proposée emporte également des conséquences en termes de niveau et de fonctionnement concret du prélèvement. S’agissant du niveau de prélèvement, monsieur Baumel, je veux appeler votre attention sur les conséquences de vos propositions pour les classes moyennes. Votre objectif est d’alléger le prélèvement sur les ménages populaires : je le comprends parfaitement et je partage cette bonne préoccupation. Mais il faut veiller à ne pas organiser ainsi des transferts entre classes populaires et classes moyennes qui pourraient accroître le sentiment d’injustice et altérer le consentement à l’impôt,…

M. Philippe Gosselin. Qui est déjà bien entamé !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et donc perturber les deux préoccupations qui sont au cœur de votre amendement. Là encore, je prendrai des exemples très concrets. Un salarié qui gagne deux fois le SMIC, soit environ 2 680 euros bruts par mois – ce n’est pas un salaire considérable, nous ne parlons donc pas d’une personne très riche –, subirait une perte de pouvoir d’achat de l’ordre de 515 euros par an.

Je pourrai prendre beaucoup d’autres exemples et entrer dans un débat technique, mais nous l’aurons dans les mois et les années à venir. Ces deux exemples montrent que nous devons travailler, sur ce sujet comme sur d’autres. Nous devons essayer de tomber d’accord sur des objectifs et cheminer ensemble. Quels peuvent être ces objectifs ?

Pouvons-nous travailler ensemble pour une meilleure progressivité de l’impôt ? La réponse du Gouvernement est oui.

Peut-on faire en sorte que cette meilleure progressivité de l’impôt justifie des mesures qui ne pénalisent pas les Français ayant des difficultés, notamment les classes moyennes ? La réponse est oui.

Devons-nous nous focaliser sur une mesure, sous prétexte qu’elle serait la seule bonne, à l’exclusion de toutes les autres qui pourraient être pertinentes ? La réponse est non. Par conséquent, monsieur Baumel, nous proposons de travailler tous ensemble sur des mesures permettant d’atteindre les objectifs que vous poursuivez, et qui pourraient inclure vos propositions sans pour autant négliger toutes les autres qui pourraient se révéler tout aussi pertinentes.

Sommes-nous prêts à poursuivre ce débat en faisant en sorte que les mesures que nous prendrons s’inscrivent dans la continuité de celles que nous avons déjà prises ? Car la réforme fiscale doit se déployer dans le temps long d’un quinquennat : une réforme fiscale qui témoigne d’une cohérence dans la durée vaut mieux qu’un grand soir fiscal auquel vous ne croyez pas et qui viendrait perturber les mesures que nous avons déjà mises en œuvre. Vous voyez bien dans quelle direction penche le Gouvernement !

Pour toutes ces raisons – qui montrent qu’il y a des objectifs, nombreux, sur lesquels nous sommes d’accord, une méthode sur laquelle il faut travailler, une cohérence dont il nous faut témoigner –, en vous remerciant pour vos amendements intéressants qui permettent de développer des réflexions utiles,…

M. Philippe Gosselin. Ça sent la fin de non-recevoir !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …je vous demande, monsieur Baumel, de bien vouloir les retirer.

M. Philippe Gosselin. C’est joliment dit !

M. Bernard Accoyer. Bien emballé, monsieur le ministre !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Ces amendements sont une vraie surprise : ils nous permettent de constater l’incohérence qui sévit sur les bancs de la majorité.

M. Philippe Gosselin. La majorité est tiraillée !

M. Christian Paul, rapporteur. C’est faux !

Mme Véronique Louwagie. Les amendements se succèdent et se contredisent. Il y a quelques minutes, certains des députés signataires de l’amendement n708 ont soutenu un amendement demandant au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 30 avril 2014, un rapport sur les réformes envisageables du financement de la protection sociale au regard des objectifs de justice et de progressivité des prélèvements sociaux et fiscaux.

M. Christian Paul, rapporteur. Et alors ? Ces deux amendements poursuivent des objectifs qui convergent !

Mme Véronique Louwagie. Cela n’a pas de sens. La majorité est pleine de contradictions ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Hutin. Vous ne pouvez pas dire n’importe quoi ! Tout cela est parfaitement cohérent !

Mme Véronique Louwagie. Non, mes chers collègues. C’est bien de cela dont il s’agit.

Sur le fond, ces amendements proposent que le taux de CSG, actuellement identique quel que soit le salaire, soit plus faible pour les bas salaires et plus élevé pour les hauts revenus.

Un principe de justice a été évoqué. Or M. le ministre l’a bien rappelé : au nom de la justice, il faut veiller à ne pas confondre les classes populaires et les classes moyennes. Cette remise en cause du caractère proportionnel et universel de la CSG aura des effets désastreux sur l’imposition des classes moyennes. M. le ministre a donné un exemple : avec la réforme prévue par ces amendements, une personne percevant un revenu de 2 680 euros subirait une baisse de pouvoir d’achat de 515 euros.

Finalement, la modalité proposée contribuerait à fragiliser le financement de notre modèle social au moment où la Cour des comptes révèle, dans son rapport sur l’exécution de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, un emballement des dépenses et un tarissement des recettes. La CSG est aujourd’hui un prélèvement accepté et compris par les Français, car son objectif est clair.

Surtout, une telle réforme renforcerait inévitablement la priorité à l’assistance que la nouvelle majorité n’a de cesse de promouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Denys Robiliard et M. Gérard Sebaoun. Nous y voilà !

Mme Véronique Louwagie. …au détriment des Français qui travaillent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Christian Paul, rapporteur. Idéologue !

Mme Véronique Louwagie. Enfin, je souhaite réagir sur la question du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, le Gouvernement et sa majorité ne savent plus comment s’y prendre pour corriger l’erreur majeure qu’ils ont commise en supprimant la défiscalisation des heures supplémentaires,…

M. Philippe Gosselin. Cela a été une belle erreur !

Mme Véronique Louwagie. …qui donnait du pouvoir d’achat à 9 millions de salariés…

M. Denys Robiliard. Et qui coûtait 4,5 milliards d’euros par an !

Mme Véronique Louwagie. …et permettait à un certain nombre d’entre eux de voir leurs revenus augmenter de l’ordre de 150 euros par mois.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame Louwagie, nous devons dire des choses qui nous engagent et qui soient claires.

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait, monsieur le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Avec Pierre Moscovici, nous avons pris devant la commission des finances l’engagement suivant : jusqu’à la fin du quinquennat, tous les budgets seront ajustés par des économies en dépenses. Le débat sur la fiscalité et le matraquage fiscal doit appeler chacun d’entre nous à la responsabilité.

Il me semble, madame Louwagie, que vous n’étiez pas députée lors du précédent quinquennat. Mon propos ne s’adresse donc pas à vous : vous n’avez pas voté tous les impôts qu’un certain nombre de vos collègues ici présents ont votés – 33 milliards d’euros en deux ans –…

Mme Bérengère Poletti. Et une crise sans précédent !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …après avoir, après que le Premier ministre de l’époque avait déclaré que le pays était en faillite, fait des cadeaux fiscaux considérables, qu’on ne savait pas payer, et qui étaient des chèques en bois reportés sur les générations suivantes. Je vois que vous acquiescez, madame Louwagie : vous avez raison…

Mme Véronique Louwagie. Pas du tout ! Je vous écoute : ce n’est pas la même chose !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …car c’est effectivement ce qui s’est passé.

Nous faisons des efforts d’économies en dépenses considérables, et je considère que ces économies en dépenses doivent être réalisées. Il faut éviter que la mauvaise dépense chasse la bonne. Quand on croit aux services publics et à la protection sociale, il faut garantir leur montée en gamme par une gestion responsable. Voilà la stratégie de finances publiques dans laquelle nous sommes engagés !

Je me réjouis qu’il y ait, au sein de la majorité, des débats sur la justice fiscale, sur le sens qu’il faut donner à l’impôt…

M. Christian Paul, rapporteur. C’est la moindre des choses !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et sur la nécessité de faire en sorte que l’impôt soit consenti. Ce n’est pas grave que ces débats aient lieu : au contraire, il serait préoccupant qu’ils n’existent pas ! Dès lors que nous avons eu ces débats, il est important que nous témoignions ensemble d’une cohérence. Mesdames et messieurs les députés de la majorité, la cohérence de notre action réside dans la maîtrise de la dépense publique. Il le faut : en tant que ministre du budget, j’en suis comptable devant la représentation nationale.

En outre, nous devons faire en sorte que la réforme fiscale vers la justice, que nous souhaitons, ne soit pas l’instabilité fiscale. En effet, notre pays a aussi besoin de stabilité fiscale.

Enfin, mesdames et messieurs de l’opposition, nous devons œuvrer pour le consentement à l’impôt. Dans ce pays, nous devons faire partager l’idée que l’impôt sert à financer les services publics et la protection sociale.

M. Philippe Gosselin. À condition que ce soit avec raison !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce sont les valeurs de la République ! L’impôt sert à financer la possibilité de la solidarité, car les services publics et la protection sociale sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas…

M. Bernard Accoyer. L’impôt n’est pas fait pour financer la solidarité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et qui, affaiblis et rendus plus vulnérables par la crise, n’ont rien d’autre que les services publics et la protection sociale pour tenir.

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, cette idée du consentement à l’impôt, cette volonté de ne pas sombrer dans le poujadisme fiscal, cette volonté d’accepter le débat sur la pression fiscale et la réforme fiscale parce qu’il s’agit d’un débat juste, c’est ce qui nous sépare de la droite ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Philippe Gosselin. Je ne suis pas sûr que les sparadraps suffisent !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Mes chers collègues, nous nous situons au cœur des déchirements qui parcourent la majorité…

M. Christian Paul, rapporteur. Pas du tout !

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Regardez les vôtres !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. Vous feriez mieux de balayer devant votre porte !

M. Bernard Accoyer. …et le groupe socialiste lui-même : on le voit bien au soin pris par M. le ministre et au temps qu’il a consacré pour essayer d’apaiser ces mouvements.

M. Christian Paul, rapporteur. Le ministre a été excellent !

M. Bernard Accoyer. Il est vrai, monsieur le ministre, qu’il y a eu une hausse de la fiscalité lors du précédent quinquennat. C’est exact ! Contrairement à ce que vous disiez, il n’y a pas eu que des baisses d’impôts.

M. Denys Robiliard. Il y en a eu beaucoup, au début !

M. Bernard Accoyer. Mais vous, en moins de deux ans, vous avez décidé plus de 50 milliards d’euros de prélèvements nouveaux.

Mme Ségolène Neuville. La faute à qui ?

M. Bernard Accoyer. En la matière, vous détenez le record.

Chers collègues du groupe SRC, si vous m’autorisez à participer à votre débat, à votre concours Lépine des nouveaux impôts,…

M. Denys Robiliard. Vous cherchez, en quelque sorte, à nous retirer l’épine du pied ? (Sourires.)

M. Bernard Accoyer. …je veux vous dire simplement quelques mots. Au secours ! Arrêtez ! Stop ! Halte ! Vous faites partir les Français. Vous encouragez l’exil, l’abandon de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Denys Robiliard. C’était en 2011 !

Mme Ségolène Neuville. Honte à vous !

M. Bernard Accoyer. Les investisseurs tournent le dos à la France. Les meilleurs cerveaux partent à l’étranger.

M. Christian Paul, rapporteur. Et vous, on va vous supporter encore longtemps ?

Mme Ségolène Neuville. On se demande pourquoi vous êtes encore là !

M. Bernard Accoyer. Continuez ! Créez un nouvel impôt par jour ! Aujourd’hui, vous en êtes au cinquième.

Ce débat est extrêmement dangereux. L’instabilité fiscale et la menace de nouveaux prélèvements confiscatoires font partie des grands dangers pour notre pays : ils seront l’une des causes de votre échec.

Enfin, et je m’adresse aux caciques du parti socialiste,…

M. Denys Robiliard. À qui ?

M. Bernard Accoyer. ...vous vous reniez vous-mêmes en reniant l’impôt qu’avait inventé l’un des vôtres, Michel Rocard.

M. Denys Robiliard. Nous ne le renions pas, nous l’aménageons !

M. Christian Paul, rapporteur. Vos propos sont absurdes ! Il était prévu que la CSG soit progressive !

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Tout à l’heure, le groupe UDI a soutenu l’amendement de M. Germain demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport étudiant la possibilité d’un autre financement de la protection sociale, qui pèserait moins sur le travail. Je l’avais d’ailleurs proposé moi aussi. Les amendements nos 708 et 711 sont donc un peu prématurés : si nous demandons au Gouvernement une étude sur le financement de la protection sociale, ce n’est pas pour le modifier quelques heures plus tard, alors même que le rapport n’a pas encore été rendu !

Sur le fond, j’approuve l’idée que l’impôt puisse être progressif pour permettre une plus grande justice fiscale, mais à condition qu’il y ait une équité sociale, à savoir que les Français disposent tous de la même offre de soins et qu’ils y participent à hauteur de leurs moyens. Or, aujourd’hui en France, ce n’est absolument pas le cas ! Selon leur statut, les Français bénéficient de prestations sociales différentes. On demande que tous les Français participent à cette solidarité, mais il ne s’agit pas d’une solidarité puisque les prestations sont différentes ! Si les prestations étaient identiques, nous pourrions concevoir que les Français les plus riches contribuent plus fortement à la protection sociale que les moins riches ; mais les prestations ne sont pas du tout identiques. Je souhaite donc que nous travaillions aussi sur l’égalité des prestations.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que nous examinons le PLFSS et non le PLF : nous parlons donc bien de prestations sociales. Aujourd’hui, certaines personnes ne sont pas soumises à des journées de carence, tandis que d’autres en subissent sept alors qu’elles cotisent à la sécurité sociale à la même hauteur. Nous en parlions hier soir à propos des travailleurs indépendants, auxquels on demande de payer la même chose que les salariés alors qu’ils ne bénéficient pas des mêmes prestations.

Le problème est là. Les Français n’admettent plus de devoir payer autant ou plus que les autres alors qu’ils ont moins de prestations et qu’il n’y a pas d’égalité de traitement.

Mme la présidente. Merci.

M. Francis Vercamer. Permettez-moi un dernier mot, madame la présidente. J’aurais voulu m’exprimer sur un amendement concernant les biens étrangers ; vous n’aviez pas vu que j’avais levé la main, mais ce n’est pas grave. Monsieur le ministre, si l’on veut régler ce problème, il faut cesser d’imposer les gens de manière inéquitable car on assiste aujourd’hui à une fuite des Français vers l’étranger. Je vis dans une zone frontalière dans le Nord. À côté de chez moi, les maisons d’un quartier entier sont à vendre parce que les gens sont tous partis en Belgique, à trois kilomètres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et le marché immobilier est en train de s’effondrer. C’est le cas un peu partout dans les zones frontalières et bientôt cela s’étendra plus loin.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. Je ne sais pas si M. Accoyer est allé rejoindre les plus grands cerveaux en fuite. En tout cas, il nous a laissé les autres ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Délit de faciès ?

M. Richard Ferrand. Considérer que le débat fiscal s’apparenterait à des déchirements est à tout le moins caricatural. Il est tout de même fondé, le ministre l’a rappelé, qu’il y ait des débats pour rechercher la meilleure justice fiscale dans notre pays. À vous écouter, toutes les maisons seraient à vendre, les fuites vers Varennes seraient quotidiennes. Bref, tout le monde déserterait la république et notre pays du fait de l’évolution de la fiscalité. C’est pour le moins excessif. Si le sujet n’était pas sérieux, cela serait parfaitement risible.

M. Francis Vercamer. Ouvrez les yeux !

Mme Véronique Louwagie. Regardez la réalité !

M. Richard Ferrand. Il me semble que nous devons nous engager tous ensemble et réfléchir, comme le ministre nous y invite, à une fiscalité plus pertinente, plus juste et mieux ressentie par l’ensemble de nos concitoyens. Loin d’un déchirement, c’est un débat utile. Dans une démocratie, les débats valent mieux que le caporalisme.

M. Dominique Potier. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj. Je veux tranquillement m’adresser à nos collègues de l’opposition. Leurs interventions ont révélé une double allergie.

M. Jean-Pierre Door. Aux taxes !

M. Jérôme Guedj. D’abord, une allergie à la progressivité de l’impôt et à la justice inhérente au principe de la progressivité : or c’est le débat que nous souhaitons mettre sur la table aujourd’hui. Le prélèvement social n’est pas suffisamment progressif, nous le savons tous. Dans notre préoccupation de justice sociale, de redistribution de pouvoir d’achat, il faut appréhender la question du prélèvement social, notamment de la CSG. Vous avez une allergie quasi génétique et historique à la progressivité de l’impôt et aux principes qui en découlent.

Ensuite, une allergie au débat. Chez nous, il n’y a pas de caporalisme. Chez nous, il y a un débat constructif et je veux remercier le ministre de sa réponse à notre amendement. Les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas. Mon collègue Laurent Baumel a obtenu une perspective de débat qui nous convient. Cela correspond à notre état d’esprit. Nous voulons amplifier et accompagner la réforme fiscale que nous avons d’ores et déjà engagée et qui a démarré dès le PLFSS et le PLF de l’année dernière et qui se prolonge dans les textes fiscaux de cette année.

Notre horizon, c’est 2017. C’est de pouvoir répondre à l’enjeu du pouvoir d’achat et le conforter. J’ai entendu que notre amendement, tel qu’il est rédigé, pourrait entraîner des pertes de pouvoir d’achat. Nous en sommes parfaitement conscients et nous nous satisfaisons du travail qui peut être engagé. En sens inverse, n’oublions pas que notre objectif n’est pas de faire plus d’impôt, mais « mieux d’impôt », de mieux le répartir. L’exemple du smicard qui bénéficiera d’une hausse de pouvoir d’achat de 340 euros doit aussi nous interpeller.

C’est le sens de la collégialité et de la cohérence de ce que nous faisons en bonne intelligence avec le Gouvernement, parce qu’il existe un dialogue franc entre la majorité et le Gouvernement, la séance de ce matin en est l’illustration. En adoptant tout à l’heure l’amendement de Jean-Marc Germain, nous avons pris acte de la nécessité de travailler sur les enjeux qui ont été identifiés. Dire que la CSG progressive peut faire partie du débat, tout comme le reciblage du crédit impôt compétitivité emploi et l’articulation avec le crédit impôt recherche, prouve qu’il n’y a aucun tabou dans notre réflexion. Nous sommes animés par une seule préoccupation : la justice sociale, le pouvoir d’achat, la redistribution, la progressivité de l’impôt. Je me félicite de cette approche sereine, apaisée, cohérente avec ce que nous engageons depuis plusieurs mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales. Nous avons évidemment beaucoup de choses en commun avec le Gouvernement dans cette discussion.

M. Dominique Tian. Ça commence bien.

M. Christian Paul, rapporteur. C’est manifeste dans nos échanges, même si cela peut vous surprendre ou vous peiner, monsieur Tian.

Nous partageons notamment l’idée que la réforme fiscale n’est pas terminée, qu’elle n’est, au fond, probablement jamais terminée. Il n’y a pas de grand soir fiscal, ni de big-bang fiscal. Néanmoins, il y a de grands principes qui doivent nous animer en matière de fiscalité. S’il est un domaine où l’absence de principes n’est que ruine de l’âme, c’est probablement la fiscalité. Pendant des années, vous en avez fait la démonstration, chers collègues de l’opposition, en rognant peu à peu la progressivité de l’impôt par des niches, des cadeaux, des impôts non progressifs. Nous voulons radicalement tourner cette page et nous avons commencé de le faire depuis 2012. Il faut continuer à le faire résolument.

Aussi bien le rapport demandé par Jean-Marc Germain que le débat sur la CSG progressive vont dans ce sens. C’est extrêmement positif. C’est à ce prix que nous parviendrons à remettre de la cohérence dans l’ensemble des prélèvements, pas uniquement pour ce qui concerne le dialogue difficile entre l’impôt sur le revenu et la CSG, qu’il faudra parvenir à rapprocher. Tel est notre objectif. Il faut plus de cohérence alors qu’il y a eu beaucoup de régression au cours des années récentes. Il faut plus de justice et de redistribution, c’est évidemment le sens de l’amendement qui a été déposé ce matin. Le sujet est certes complexe, mais si nous pouvons, monsieur le ministre, mettre l’expertise – la vôtre, celle de votre ministère – au service de la justice fiscale de manière déterminée et résolue dès l’année qui vient, ce sera une très belle victoire collective. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Souhaitez-vous vous exprimer à nouveau sur ces amendements, madame Louwagie ?

Mme Véronique Louwagie. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Brièvement alors.

Mme Véronique Louwagie. Merci, madame la présidente. Je souhaite réagir aux propos de M. Guedj et de M. Paul qui, dans une certaine mesure, ont apporté de l’eau à mon moulin lorsqu’ils ont plaidé pour un besoin de cohérence dans la réflexion sur le financement de la protection sociale. Or ce n’est pas l’impression que nous avons eue ce matin, tant les positions étaient contradictoires. D’un côté, on demande un rapport et de l’autre, on propose de réformer une contribution particulière, alors qu’il faudrait avoir une vue globale. Je vous remercie donc de partager mon analyse.

Vous évoquez d’autre part le besoin de débat, c’est important en effet. La majorité a évolué. S’il y avait une vision à échéance 2025, il y a quelque temps, on parle désormais de 2017. Mais les Français voudraient des prises de position, des engagements, des orientations pour aujourd’hui, compte tenu de la situation économique actuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Il y a un siècle, dans cet hémicycle, avaient lieu des débats d’une virulence extrême autour de la proposition de Joseph Caillaux d’introduire un impôt progressif sur le revenu dans notre pays. En vous écoutant, j’ai eu l’impression qu’il faut que « tout change pour que rien ne change » et nous retrouverons les mêmes arguments à un siècle de distance lorsqu’il s’agira de débattre de l’instauration d’une CSG progressive.

Mme Bérengère Poletti. Caricature !

M. Philippe Gosselin. C’est trop facile.

M. Christian Paul, rapporteur. C’est terriblement vrai !

M. Laurent Baumel. Je prends acte et je remercie le ministre pour ses propos d’ouverture, sa proposition de collaboration et de coopération afin que dans les prochains PLF – et je l’espère dès le PLF 2015 –, sur la base de rapports et d’un processus de travail qui aura eu lieu, nous puissions poser les premiers jalons de la réforme de la CSG et de l’impôt sur le revenu pour accroître la progressivité. Avant d’annoncer que je retire mes amendements (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) …

M. Dominique Tian. Opération de com !

M. Laurent Baumel. …je veux dire que je suis tout à fait sensible à la question posée par le ministre, à savoir à partir de quel seuil de revenus ferons-nous peser le poids de l’ajustement de la baisse de la CSG sur les revenus les plus faibles. L’exemple des 2 800 euros interpelle. En même temps, cela renvoie à la faiblesse des revenus et des salaires dans notre pays, ce qui est un vrai sujet de préoccupation. Songez qu’on est aujourd’hui dans le huitième décile à partir de ces niveaux de revenus ! Faire une réforme redistributive nous conduira à aborder cette question de front, en toute connaissance de cause. Pour l’heure, je retire les amendements.

(Les amendements nos 708 et 711 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n631.

M. Jean-Louis Roumegas. Le présent amendement, qui concerne les retraites chapeaux, propose que la contribution additionnelle de 30 % à la charge des employeurs soit exigible dès lors que les rentes servies aux employés au titre de l’article L. 137-11 du code de la Sécurité sociale excèdent cinq fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, au lieu de huit fois selon la règle actuelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement pose le problème d’une situation à laquelle nous avons déjà, pour partie, bien remédié, à savoir l’extraordinaire avantage donné à une certaine catégorie de nos compatriotes par le biais des retraites chapeaux. Cependant, je rappelle que le régime fiscal et social des retraites chapeaux a été modifié à plusieurs reprises au cours de ces dernières années. Les retraites chapeaux relevant du code de la Sécurité sociale subissent déjà une contribution due par l’employeur, laquelle a été doublée par la loi de finances rectificative pour 2012. Les taux sont maintenant de 24 %, 32 % et 48 % selon la catégorie de retraites chapeaux. Une contribution additionnelle due par l’employeur de 30 % à partir de huit plafonds de la Sécurité sociale, celle que vous visez dans votre amendement, et une contribution à la charge du bénéficiaire s’ajoutent à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales dont les taux ont été modifiés en loi de finances pour 2012 et vont jusqu’à 21 % de la rente. Au total, le taux de prélèvement global est très élevé. Enfin, le seuil de huit plafonds annuels de la Sécurité sociale que vous proposez de baisser n’a pas été choisi au hasard puisqu’il s’agit du plafond de l’assiette des cotisations au régime complémentaire. Il y a donc une certaine cohérence dans la façon dont ce seuil a été choisi.

Estimant que la grande inégalité au profit d’un certain nombre de nos compatriotes, qu’avait laissée s’installer la majorité précédente, a été pour dans une large part récemment corrigée, je propose le rejet de votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Quel cinéma, chers collègues ! M. Roumegas est dans l’excès, ce qui permet au Gouvernement et au rapporteur de paraître presque modérés, voire dangereusement modérés ! Ce qu’on a vécu tout à l’heure avec les amendements de M. Laurent Baumel, de M. Germain et de l’ensemble de l’aile gauche du parti socialiste, c’était la même chose. C’est du cinéma, du cinoche ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous êtes un expert. Vous allez nous donner des cours du soir !

M. Dominique Tian. On attendait avec délectation le moment où M. Baumel dirait qu’il retirait l’amendement. Tout ça pour ça !

Mme Bérengère Poletti. Incroyable…

M. Dominique Tian. On a insisté sur la grande réforme, le système injuste, tout ce qu’il faudrait modifier, ce qui ne va pas et qui pourrait aller tellement mieux, etc. Mais si ça ne va pas bien, on est là pour en débattre et faire la loi. Là, cela ne va pas mieux, et il faudrait que le Gouvernement en tienne compte, mais finalement ce n’est pas très grave. Bref, on a un peu amusé la galerie.

Mme Bérengère Poletti. Exactement.

M. Dominique Tian. On a lancé des messages aux gens de gauche, aux sections socialistes. Pour leurs réunions de ce week-end, c’est plutôt mieux. On pourra dire : on ne l’a pas fait, mais on va le faire !

Je le répète, tout ça, c’est du cinéma et je suis bien conscient que cela a certainement un intérêt stratégique pour vous. Ce sera le même cinéma lors de la prochaine rencontre de M. Hollande avec les présidents de clubs de football à propos de la taxation à 75 % des hauts revenus : c’est une bonne mesure… mais on ne va pas l’appliquer. Et Mme Fourneyron ne sera pas conviée, parce qu’elle s’était beaucoup engagée sur ce point, mais finalement on ne fera pas ce qu’elle a dit…

Bref, on ne sort pas des réunions de section du parti socialiste : vous êtes bien entraînés pour ce week-end. Il faudrait peut-être que vous montiez en niveau et que vous appreniez à être responsables.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Toujours très pertinent M. Tian !

M. Christian Paul. Quelle hauteur de vue !

M. Jean-Pierre Door. M. Tian a été excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. En effet, M. Tian est toujours égal à lui-même !

Monsieur le rapporteur, je vous donne acte que quelques corrections ont été apportées aux excès de cadeaux faits aux plus aisés de ce pays par la droite pendant tant d’années. Mais nous sommes tout de même loin du compte.

M. Dominique Tian. Nous disons la même chose !

Mme Jacqueline Fraysse. Le débat très intéressant qui vient d’avoir lieu sur la nécessaire progressivité du barème de l’impôt souligne qu’il y a encore fort à faire. Il est temps de prendre des mesures beaucoup plus audacieuses à la fois pour corriger les dysfonctionnements qui rongent notre économie, notamment la spéculation financière qui est improductive, pour instaurer davantage de justice sociale et fiscale et pour apporter des moyens nouveaux à la protection sociale en élargissant l’assiette des cotisations aux revenus qui n’y sont pas encore soumis. Il importe également de favoriser l’investissement et les créations d’emplois puisque tout le monde sait ici que le chômage pèse lourd dans le déficit des comptes sociaux.

Pour toutes ces raisons, je soutiendrai l’amendement de M. Roumegas.

(L’amendement n631 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n477.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement et les suivants visent les mêmes objectifs que ceux que je viens de rappeler.

Le présent amendement tend à augmenter le taux des contributions patronales sur les stock-options et les attributions d’actions gratuites d’une valeur supérieure à la moitié du plafonnement annuel de la Sécurité sociale.

Le Gouvernement a déjà fourni un bel effort en instaurant une première augmentation de ce taux dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012, le faisant passer de 14 % à 30 %. Nous ne pouvons que nous en féliciter car ces stock-options, ces actions gratuites et d’une manière générale tous les revenus variables ont largement contribué à l’explosion des inégalités et dégradé les comptes de la protection sociale.

Cependant nous considérons que, compte tenu de la nature de ces rémunérations et de leur niveau, il est opportun de les faire contribuer davantage et de porter le taux des prélèvements de 30 % à 40 %. Il s’agit là de dissuader le recours à ces formes de rémunérations qui devraient être intégrées aux salaires de droit commun et donner lieu comme toutes les autres à des cotisations, ce qui permettrait plus de justice et d’efficacité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement se situe dans la continuité du débat que nous venons d’avoir : il s’agit de réduire des avantages exorbitants que la majorité précédente avait laissé se développer au profit d’une petite catégorie privilégiée de nos compatriotes.

J’aimerais toutefois vous faire remarquer, madame Fraysse, que les revenus et avantages de ce type ont déjà donné lieu à un grand soir fiscal. Ils sont en effet soumis à l’impôt sur le revenu depuis la loi de finances pour 2013, alors qu’autrefois, ils n’étaient soumis qu’à un prélèvement libératoire. Je pense que, pour l’heure, nous pouvons nous en tenir là. Je propose donc à notre assemblée de repousser votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour des raisons avant tout constitutionnelles : vous savez que le Conseil constitutionnel a rendu une décision l’an dernier, qui définit très précisément le caractère confiscatoire d’une imposition supplémentaire marginale. À cet égard, nous estimons que votre amendement n’est pas constitutionnel.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, madame Fraysse ?

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n477 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron