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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 05 novembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage aux deux journalistes assassinés au Mali

2. Questions au Gouvernement

Écotaxe

M. François-Michel Lambert

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Assassinat de deux journalistes au Mali

M. Jean-Louis Borloo

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Assassinat de deux journalistes au Mali

M. François Loncle

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Écotaxe

M. Marc Le Fur

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Écotaxe

Mme Sandrine Mazetier

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Écotaxe

M. Dominique Bussereau

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Réforme territoriale

M. Alain Tourret

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Anciens combattants

M. Marc Laffineur

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants

Croissance économique

Mme Clotilde Valter

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Péréquation en Île-de-France

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Politique du Gouvernement

M. Thierry Solère

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Société Fagor

Mme Sylviane Bulteau

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Assassinat de deux journalistes au Mali

M. Jean-Jacques Guillet

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Sécurité

Mme Marie-Anne Chapdelaine

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Chantiers navals de Saint-Nazaire

M. Christophe Priou

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Denis Baupin

3. Fixation de l’ordre du jour

4. Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière - Procureur de la République financier

Explications de vote communes

M. Philippe Vigier

M. François-Michel Lambert

M. Alain Tourret

M. Gaby Charroux

M. Yves Goasdoué

M. Étienne Blanc

Vote sur l’ensemble du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale

Vote sur l’ensemble du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier

Suspension et reprise de la séance

5. Projet de loi de finances pour 2014

Seconde partie (suite)

Enseignement scolaire

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Mme Carole Delga, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Julie Sommaruga, rapporteure pour avis

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. Rudy Salles

Mme Barbara Pompili

M. Olivier Falorni

Mme Marie-George Buffet

Mme Martine Faure

M. Frédéric Reiss

Suspension et reprise de la séance

Mme Barbara Pompili

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

M. Thierry Braillard

M. Vincent Peillon, ministre

M. Thierry Braillard

M. Vincent Peillon, ministre

M. Patrice Carvalho

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée

Mme Martine Pinville

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée

Mme Valérie Corre

M. Vincent Peillon, ministre

M. Xavier Breton

M. Vincent Peillon, ministre

M. Patrick Hetzel

M. Vincent Peillon, ministre

M. Guénhaël Huet

M. Vincent Peillon, ministre

Mission « Enseignement scolaire » (état B)

Amendement no 359

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 312 , 250 , 251

Après l’article 66

Amendements nos 358 rectifié , 357

Recherche et enseignement supérieur

Mme Geneviève Fioraso, ministre

M. Thierry Mandon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage aux deux journalistes assassinés au Mali

M. le président. Mes chers collègues (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent), Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été assassinés samedi dernier au Mali. Ils avaient été enlevés à Kidal alors qu’ils pratiquaient leur métier de journaliste pour le compte de Radio France internationale.

La France entière a été bouleversée par cet acte de barbarie terroriste. Au-delà, ce drame constitue une atteinte inadmissible à la liberté d’informer, qui est au cœur de la démocratie.

En votre nom à tous, j’adresse les condoléances de la représentation nationale aux familles des victimes, à leurs proches et à leurs amis de la rédaction de RFI.

Je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe écologiste.

Écotaxe

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le président, le groupe écologiste s’associe à l’hommage national rendu à nos deux compatriotes assassinés, journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, et exprime à leurs familles et à leurs proches toute sa solidarité.

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Des centaines de milliers d’euros d’argent public partent en fumée dans l’incendie de portiques. Une entreprise de désinformation sans précédent a fait de la taxe poids lourds le bouc émissaire de tous les problèmes.

Le but d’une telle taxe est pourtant de dégager les moyens financiers indispensables aux aménagements d’infrastructures qui permettront un report du transport de marchandises sur des modes plus respectueux de notre environnement. Elle incitera également à emprunter des circuits plus courts, et donc à relocaliser des activités et à préserver l’emploi. Ce dispositif est également juste parce qu’il s’appliquera aux camions étrangers pour lesquels la France n’est qu’un couloir de passage.

Cela dit, chacun constate à quel point les conditions d’exécution du contrat de partenariat, qui n’en a que le nom, conclu par le précédent gouvernement avec la société Écomouv’ recèlent les germes d’un scandale d’État. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Comment ne pas s’interroger sur le montage juridique, validé par le gouvernement Fillon, qui permet d’échapper aux règles des marchés publics et de rétribuer Écomouv’ à hauteur de 18,3 % des sommes collectées ? Comment accepter que l’État se soit lié les mains en confiant la collecte de la taxe à une société à capitaux étrangers, qui a la possibilité de vendre ses actifs à tout fonds d’investissement étranger, ce qui est par nature néfaste aux intérêts français, sans que l’on puisse dire un mot ?

Monsieur le Premier ministre, la taxe poids lourds n’en reste pas moins utile et juste dans son principe mais, aujourd’hui, force est de constater que la société Écomouv’ est sa pire ennemie. Par quels moyens comptez-vous établir les responsabilités du choix douteux du précédent gouvernement, à l’origine de ce fiasco ? Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce contrat Écomouv’ ? Comment comptez-vous agir pour que l’État, garant de l’intérêt général, reprenne le contrôle sur la gestion de la taxe poids lourds ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Vous avez raison, monsieur le député, de rappeler l’enjeu même de l’écotaxe poids lourds. C’est un nouveau mode de financement, qui permet de faire contribuer les utilisateurs, quels qu’ils soient, et particulièrement les 200 000 camions étrangers utilisant nos infrastructures pour du simple transit, à la modernisation et à la création d’infrastructures de transport : celles-ci, jusqu’à présent, étaient à la charge des seuls contribuables français.

Oui, l’écotaxe poids lourds représente un financement légitime et permet de répondre à l’enjeu environnemental des transports. Dans son principe, elle a été votée à l’unanimité en 2009, et il appartenait à l’ancien gouvernement de la mettre en place. Pour ce faire, celui-ci a choisi un partenariat public-privé en signant un contrat liant l’État, un contrat opposable, prévoyant un loyer de 250 millions par an et un investissement correspondant à ce loyer. Quatre ministres de l’ancienne majorité y ont apposé leur signature.

Cela étant, faut-il revenir sur ce dispositif ? L’essentiel est de faire preuve de pédagogie, de rappeler l’enjeu et d’expliquer la nécessité de faire peser le financement sur l’utilisateur. Pour cela, il ne faut pas se laisser aller au petit jeu politicien (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui fait que, selon que l’on est dans la majorité ou dans l’opposition, on assume ou non ses responsabilités. Et si l’opposition n’assume pas les siennes, c’est parce qu’elle n’a pas le sens des responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Assassinat de deux journalistes au Mali

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

On écoute la question, s’il vous plaît !

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le Premier ministre, le groupe UDI, comme, j’imagine, l’ensemble de nos collègues, souhaite s’associer à l’hommage que le président de notre assemblée vient de rendre à Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés en reportage à Kidal. (Applaudissements.)

Nous voulons dire à leurs familles, à leurs enfants, à leurs proches que, de toutes parts, leur professionnalisme, leur gentillesse, leurs qualités personnelles sont unanimement reconnus et rappelés.

Nous voulons dire à leurs familles l’émotion qui nous submerge tous aujourd’hui. Permettez-moi d’associer à cette émotion la mémoire d’Yves Debay, Olivier Voisin, Rémi Ochlik, Gilles Jacquier et Jean Hélène.

Cette émotion vient de loin : des quarante-cinq journalistes morts depuis 2013 dans l’exercice de leur vocation, et des 183 autres qui sont aujourd’hui enfermés dans des geôles à travers le monde. Elle vient aussi de nos compatriotes sortis de ces terribles épreuves, et qui en conservent à jamais dans leur chair une blessure irréparable.

Cette fatalité aveugle a un nom. Elle s’appelle servitude, car elle est l’arme de ceux qui n’aiment pas la liberté. Elle est cette force sombre où toutes les lumières de la pensée s’éteignent, où le chemin de l’émancipation des peuples se termine par l’enfermement et parfois par un seul éclair dans cette nuit profonde, celle d’un coup de feu qui vient abattre la liberté.

Le journalisme est une façon de saisir dans l’éphémère l’essentiel, c’est le médiateur d’opinions éclairées, si indispensables à l’exercice de la démocratie, c’est une lampe qui éclaire toutes les routes et toutes les consciences du monde. Le journaliste n’est pas seulement un commentateur, il est profondément l’ennemi des ennemis de la liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Nous pensons, monsieur le Premier ministre, aux sept otages Serge Lazarevic, Gilberto Rodriguez Leal, Francis Collomp, Didier François, Édouard Élias, Nicolas Hénin, Pierre Torres, et nous ne doutons pas que vous faites tous les efforts nécessaires pour les ramener à leurs proches. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Borloo, ce matin, le Président de la République a accueilli les dépouilles de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, dans un moment profondément triste pour les familles, qui étaient présentes, après le drame qui vient de se produire. Le Président de la République a tenu à leur témoigner la solidarité de toute la nation. À votre initiative, monsieur le président de l’Assemblée nationale, c’est ce que vient de faire, par une minute de silence, la représentation nationale, il y a quelques instants.

Le Président de la République a réaffirmé la volonté farouche de la France de faire toute la lumière sur ce crime odieux et ne pas laisser ses auteurs impunis. Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient de grands professionnels, comme vous venez de le rappeler, monsieur Borloo. Ce crime, c’est vrai, est un crime contre les journalistes, et c’est un double crime : un crime contre des personnes mais aussi un crime contre la liberté d’informer et d’être informé, un crime contre la démocratie.

Les deux journalistes étaient à Kidal pour préparer une émission de Radio France Internationale sur les élections législatives maliennes. À l’issue de l’interview d’un responsable du MNLA, ils ont été enlevés et emmenés hors de la ville, avant d’être froidement assassinés par balles. Les forces françaises dans la région ont été immédiatement appelées et se sont mises en action. Quand elles sont arrivées sur place, nos deux compatriotes étaient déjà morts.

Une instruction a été ouverte par le parquet de Paris dès hier soir. Nos forces au Mali, en lien étroit avec les autorités locales, l’armée malienne et la MINUSMA, ont mené des opérations qui visent à nous permettre de comprendre ce qui s’est passé exactement samedi, à Kidal. Les auteurs de cet assassinat ont voulu s’en prendre au Mali, qui, avec l’aide de la France, est en train de retrouver le chemin de la démocratie et de la stabilité. En prenant RFI pour cible, ils ont cherché à porter atteinte à la liberté d’informer, à l’amitié entre l’Afrique et la France, et aux Africains eux-mêmes.

En intervenant au Mali, la France a aidé ce pays ami à se relever du terrorisme. Le respect pour la mémoire de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, qui étaient des amoureux de l’Afrique comme de nos valeurs, nous obligent plus que jamais à poursuivre cette action en faveur de la défense de la pleine souveraineté du Mali, du retour à la démocratie, du respect des institutions de ce pays, du déroulement normal des élections, mais aussi à tout faire pour assurer, avec l’aide de l’Europe, un développement durable du Mali et de toute cette région de l’Afrique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Assassinat de deux journalistes au Mali

M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. François Loncle. Monsieur le président, vous avez eu, et après vous M. le Premier ministre, à la suite de l’intervention de notre collègue Jean-Louis Borloo, des paroles fortes et justes pour évoquer le sort tragique de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Le double assassinat de Kidal est un acte de barbarie, un assassinat du droit d’informer, un assassinat de la liberté.

Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient de grands professionnels, membres d’une rédaction, Radio France Internationale, qui est l’honneur de la presse française et un formidable vecteur de la présence française à l’étranger.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, cet assassinat abominable pose des questions sur le processus de sécurisation du Nord-Mali, sur le rôle de l’armée française, dont on ne soulignera jamais assez le courage et l’exemplarité, ainsi que sur l’indispensable développement économique de la région sahélienne.

En mars 2006, mon collègue Pierre Lellouche et moi-même avons publié un rapport d’information sur la sécurité des journalistes en zones de conflit. Ce rapport préconisait notamment que l’ONU adopte une résolution sur la protection des journalistes. À l’initiative de la France, le Conseil de sécurité a en ce sens approuvé, à l’unanimité, la résolution 1738. Nous demandons que la prochaine présidence française du Conseil de sécurité veille à l’application de cette résolution.

L’essentiel, dans l’enquête en cours, c’est de mettre un terme à l’impunité dont jouissent ceux qui s’en prennent aux journalistes, ceux qui assassinent la liberté d’informer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

M. Thierry Mariani. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, assassiner un journaliste, c’est toujours commettre un double crime. Un crime contre les personnes, tout d’abord : Ghislaine Dupont, tuée de deux balles dans la poitrine, Claude Verlon, assassiné de trois balles en pleine tête. Ce que souhaite le Gouvernement, c’est que les auteurs soient poursuivis, rattrapés et châtiés.

Il y a aussi, bien sûr, l’aspect général. Vous avez rappelé la résolution de l’ONU ; il faut veiller à son application, en comprenant bien que le rôle des journalistes a changé. Pendant des décennies, être journaliste, dans un conflit, international ou national, c’était être protégé. Aujourd’hui, compte tenu de ce qu’est le terrorisme international et de ce qu’est la réalité médiatique, être journaliste, c’est être exposé. Il faut donc que notre action et, d’une manière générale, les résolutions des Nations unies s’adaptent à cette nouvelle réalité.

Mais quelles que soient les dispositions juridiques, il ne faut pas oublier l’essentiel : un commando a ravi deux journalistes et s’est arrêté en plein désert pour les assassiner. Pour la France, le Mali et tous les amis de la liberté, il faut à présent les rattraper et les châtier. (Applaudissements.)

Écotaxe

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc Le Fur. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, pour les mots que vous avez su trouver pour exprimer notre émotion collective et notre solidarité à l’égard des familles et des confrères de nos journalistes assassinés.

Monsieur le Premier ministre, 30 000 personnes étaient réunies samedi à Quimper. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. N’importe quoi !

M. Marc Le Fur. Il y avait parmi celles-ci des ouvriers, des paysans, des artisans, des commerçants ou encore des chefs d’entreprise, tous très divers mais tous inquiets, et certains exprimaient leur détresse. Il s’agissait du rassemblement des besogneux, qui avaient mis un bonnet rouge pour mieux exprimer leur solidarité. (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Récupérateur !

M. le président. S’il vous plaît ! On écoute la question !

M. Marc Le Fur. Le message qu’ils veulent vous faire passer est un message simple. Comme on dit en breton, « Re ’zo re ! » : trop c’est trop ! Trop d’impôts ! La semaine dernière, deux nouveaux impôts faisaient leur apparition. Trop de paperasses et de contraintes administratives qui sous des prétexte environnementaux fallacieux empêchent des gens de travailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Michel Lefait. Pharisien !

M. Marc Le Fur. Les Bretons, courageusement comme c’est souvent le cas dans l’Histoire, expriment au nom de l’ensemble de nos compatriotes un sentiment largement partagé contre cette fiscalité excessive. Le temps est maintenant à l’action ! Il faut évidemment en finir avec l’écotaxe,…

M. Marcel Rogemont. Mais vous l’avez votée, l’écotaxe !

M. Marc Le Fur. …mais aussi engager un véritable plan ORSEC, comme les députés bretons ici présents le proposeront dès demain à Rennes.

Mais ce que les 30 000 personnes rassemblées à Quimper ne comprennent pas, c’est le silence assourdissant du Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il trouve le temps de parler à Mlle Leonarda ou de déjeuner avec les présidents des clubs de foot, mais pas celui d’adresser un seul mot aux Bretons en réponse à leur désespoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

S’il vous plaît ! J’ai demandé que l’on écoute votre question ; maintenant, écoutez la réponse !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Cette séance s’est ouverte dans la gravité, et je vous répondrai sur le fond, sans polémique, monsieur Le Fur. Vous avez évoqué la révolte des bonnets rouges : elle s’est traduite par la fin de la prospérité de la Bretagne et le début d’un déclin qui allait durer deux siècles

M. Marc Le Fur. N’importe quoi ! Je vous apprendrai l’Histoire !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le projet que nous faisons, après ce qui nous a été dit par les Bretons, c’est de travailler à trouver des solutions pour préparer l’avenir de la Bretagne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Celui-ci passera à nouveau par des investissements, par le dialogue, ce que vous n’avez pas accepté alors que le Premier ministre vous avait invité, il y a quinze jours, autour de la table. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce que nous devons faire, quand on est responsables politiques, face à un vrai doute des salariés – et je pense aux salariés et aux éleveurs bretons –,…

M. Philippe Meunier. Arrêtez de penser, agissez !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …c’est d’être capables de dépasser les débats politiciens pour préparer ensemble l’avenir d’une grande région. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Écotaxe

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, les derniers jours ont livré des révélations troublantes sur la mise en œuvre de l’écotaxe. Elles mettent au jour une conception de l’organisation de l’État qui ne correspond pas à l’idée que les Français se font de l’action publique. Ils ont bien raison ! Le partenariat public-privé pour collecter l’impôt est en effet une erreur dramatique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Lamour. Vous l’avez voté !

Mme Sandrine Mazetier. Nous savions que certains restaient attachés à l’Ancien Régime, mais tout de même… Recourir à des opérateurs privés pour lever l’impôt, voilà qui ne s’était pas vu depuis l’abolition des fermiers généraux, lors de la Révolution française. (Mêmes mouvements.)

M. Bernard Deflesselles. Ce n’est pas un impôt !

Mme Catherine Vautrin. C’est une taxe !

Mme Sandrine Mazetier. Les Français ont bien raison, car le coût de la collecte de cet impôt – plus de 20 % des recettes – est exorbitant. C’est un non-sens économique et fiscal qui devait coûter 250 millions d’euros par an aux finances publiques. Les Français ont bien raison, car la droite a porté un grave coup au principe du pollueur payeur. Il appartiendra à notre majorité de reconstruire une adhésion autour de cette belle idée de fiscalité écologique.

M. Bernard Deflesselles. C’est raté !

Mme Sandrine Mazetier. Alors que de nombreux dirigeants de l’UMP, et non des moindres, ont avoué leur trouble, en allant jusqu’à qualifier d’aberrant ce montage, MM. Fillon et Borloo, Mme Kosciusko-Morizet doivent prendre toutes leurs responsabilités. C’est en catimini, le 6 mai 2012, soit le jour du deuxième tour de la présidentielle, qu’a été publié le décret mettant en place l’écotaxe. Cette dernière manigance, personne ne doit l’oublier. Monsieur le ministre, alors que toute la lumière doit être faite sur l’affaire Écomouv’ dans le cadre d’une commission d’enquête conduite par nos collègues au Sénat, quel bilan tirez-vous de la mise en œuvre stupéfiante de l’écotaxe par vos prédécesseurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Vous faites bien, madame la députée, de rappeler les conditions extravagantes (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) dans lesquelles cette affaire a été menée. Vous avez peu de mémoire, mesdames et messieurs de l’opposition, alors que vous aviez fait le choix, quand vous étiez au Gouvernement, d’un partenariat public-privé, signé par Mme Kosciusko-Morizet, avec l’entreprise Écomouv’ ! C’est bien la droite qui a décidé de ce contrat qui fixe à 250 000 millions d’euros la rémunération annuelle du prestataire privé et qui prévoit de lourdes indemnités de plusieurs centaines de millions d’euros. Ce matin même, M. Copé qualifiait ces clauses d’« aberrantes » : je lui laisse la responsabilité de ses propos…

M. Jean-François Copé. Trop facile !

M. Pierre Moscovici, ministre. Mais ce qui est clair, c’est que ce contrat est déséquilibré en faveur du partenaire privé (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR), en tout cas que ce point doit être examiné de près. C’est la droite qui a modifié chaque année cette loi, depuis 2009, avec un amateurisme confondant.(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est aussi le précédent gouvernement qui a publié en catimini, comme vous l’avez remarqué, madame Mazetier, un décret d’application non concerté et techniquement inapplicable le 6 mai 2012, en pleine élection présidentielle. Amateurisme, cafouillages, voilà quelle a été la gestion de ce dossier !

M. Dominique Bussereau. C’est votre gouvernement que vous décrivez !

M. Pierre Moscovici, ministre. S’agissant d’Écomouv’, je confirme que cette société n’est pas à jour de ses obligations et qu’il y a eu des retards pouvant justifier une mise en cause. Au nom du Gouvernement, je prends deux engagements devant vous : faire la transparence complète sur les conditions de tous ordres de ce contrat et négocier de manière serrée afin que le contribuable n’ait pas à acquitter la facture de ces lourdes erreurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Écotaxe

M. le président. La parole est à M. Dominique Bussereau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Bussereau. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, vous venez avec talent de définir ce qui caractérise l’action de votre gouvernement : amateurisme et cafouillages. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) J’y ajouterai la diversion car les Français se posent deux questions sur Écomouv’, et je vous en poserai également deux autres.

Nos concitoyens se demandent : pourquoi un partenariat public-privé ? Une précision tout d’abord : c’est une taxe et non un impôt, cela n’a rien à voir, madame Mazetier. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ainsi, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres des métiers et bien d’autres organismes en France perçoivent des taxes… Il faut un peu savoir de quoi on parle lorsqu’on est député de la République. Pour percevoir cette taxe, nous avons mis en place un partenariat public-privé parce qu’il n’était pas question d’embaucher un millier de fonctionnaires supplémentaires et que, de surcroît, il s’agit d’un travail très spécifique qui nécessite des compétences très complexes, comme l’ont montré les Allemands, à savoir un réseau GPS, de l’informatique, tout un système que vous et votre majorité condamnez à l’inaction par vos reculades.

La seconde question que se posent nos concitoyens concerne les 20 %. Certes, c’est un taux élevé, mais on a choisi de ne taxer que 15 000 kilomètres de routes, soit 1 % du réseau routier français, et au taux le plus bas possible pour les entreprises et les consommateurs. Mais quand l’assiette est faible, le coût de perception est évidemment plus important au début.

Pour ma part, je vous pose deux autres questions, monsieur le ministre.

Premièrement, vous aviez la possibilité de remettre en cause ce contrat : pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? Je rappelle que vous avez pris treize arrêtés ministériels et plusieurs directives pour le conserver, et que l’entreprise est dirigée par un collaborateur du président de la SNCF, entreprise publique.

Deuxièmement, savez-vous quelles pressions ont été exercées sur le gouvernement de François Fillon ? Seulement celles d’un ancien collaborateur d’un ex-président de la République socialiste, et nous l’avons renvoyé dans ses buts ! Tout a été fait dans la transparence et dans l’intérêt des Français ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Bussereau, vous parlez de transparence et d’efficacité, mais j’aurais aimé, compte tenu des responsabilités qui furent les vôtres jusque récemment, que le ton que vous avez choisi d’utiliser pour votre question permette de resituer la réalité de ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous en conviendrez, et l’on ne peut vous faire le grief d’avoir changé d’avis selon votre situation politique : vous êtes fidèle à ce qui a été fait par l’ancien gouvernement, c’est-à-dire la mise en place de l’écotaxe poids lourds entre 2009 et 2012. Il vous a fallu en effet tout ce temps, et pourtant, lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le dispositif n’était ni fiable ni en situation de répondre à l’enjeu. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



Nous avons donc mis en place par la loi un système de protection des transporteurs routiers, tout en devant nous tourner vers l’entreprise Écomouv’ pour différer à deux reprises un dispositif certes innovant, mais qui faisait peser beaucoup d’incertitude économique sur l’ensemble des professionnels concernés.



Monsieur le député, puisque vous voulez faire preuve de pédagogie et de conviction, je vous invite à faire part de votre opinion à vos anciens collègues du gouvernement, de l’exprimer notamment à Mme Rachida Dati et à M. Xavier Bertrand, de leur dire que cette cacophonie prend en otage la réalité et un enjeu national à des fins purement politiciennes. (Exclamations redoublées sur les bancs du groupe UMP.) Expliquez-le aussi à M. Copé, qui prend aujourd’hui la responsabilité de souffler sur la braise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)



Quant à vos questions, la commission d’enquête parlementaire sera en mesure d’y répondre. Chacun alors, y compris vous-même, assumera ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)



Réforme territoriale

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le Premier ministre, au moment où tous les maires de France vont se réunir à Paris, il n’est pas inutile de s’interroger sur ce qu’il convient d’appeler le millefeuille administratif à la française.

Avec courage, le Gouvernement a décidé de moderniser l’action de l’État (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais peut-on échapper à la nécessaire réduction du nombre des collectivités territoriales ? Faut-il maintenir l’existence de 36 000 communes au moment où les communautés de communes vident de leur substance leurs compétences ? Peut-on envisager un regroupement des communes sur la base d’une taille minimum de 1 000 habitants, comme pour l’application des règles sur la parité aux élections municipales ? Faut-il maintenir l’existence de 101 départements, alors que la commission Balladur-Mauroy avait proposé d’en diminuer le nombre pour n’en retenir, comme l’avait imaginé Michel Debré en son temps, qu’une cinquantaine ?

De même, faut-il maintenir l’existence de vingt-deux régions en France métropolitaine, au moment où l’Europe exige des régions fortes et dynamiques pour répondre aux enjeux de l’avenir ? En Normandie, nous avons ainsi deux régions et cinq départements, alors que nous pourrions n’avoir qu’une seule région, la grande et si belle Normandie (Sourires et applaudissements sur divers bancs), et deux départements réunissant, pour l’un, les trois départements bas-normands et, pour l’autre, les deux départements haut-normands.

Nous n’avons tiré aucune leçon de l’échec alsacien alors que plus des élus souhaitaient cette réforme, à savoir la fusion des deux départements et de la région.

Monsieur le Premier ministre, va-t-on maintenir en l’état toutes les collectivités territoriales, ou bien envisager une nouvelle carte des territoires avec le soutien de l’État, avec votre soutien ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, je regrette que votre groupe parlementaire n’ait pas du tout posé le débat en ces termes, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, lorsque le projet de loi sur la réforme territoriale a été examiné. Vous vous êtes, comme beaucoup, rangé derrière l’idée qu’il ne fallait pas supprimer les départements, qu’il ne fallait pas agrandir les régions, qu’il fallait protéger les communes, et je vous rappelle que plusieurs dispositions concernant les intercommunalités ont été rejetées. Bref, il faudrait que tout le monde soit au diapason, ce qui n’est pas le cas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La démarche législative a débuté par les métropoles et les chefs de file, et va continuer par la modification des compétences des départements et des régions. Nous avons pris le temps d’évaluer les politiques publiques, et j’ai un conseil à votre intention, monsieur Tourret : toute collectivité concernée qui souhaite soumettre à la consultation de la population une fusion peut le faire. Si j’ai bien compris, vous nous demandez de l’imposer. Or la loi nous oblige aujourd’hui à une consultation des populations concernées. Le Gouvernement ne reculera pas par rapport à ce qui a été voté sur tous les bancs du Sénat et de l’Assemblée nationale.

J’ajoute que, pour éviter les doublons, les redondances de compétences, le Gouvernement a proposé que la conférence territoriale de l’action publique oblige régions, départements, métropoles, communautés d’agglomération et communautés de communes à se mettre d’accord sur la gouvernance et les compétences. Si nous y parvenons, monsieur le député, ce sera l’action publique décentralisée du XXIe siècle, une action publique décentralisée enfin modernisée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Anciens combattants

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc Laffineur. Monsieur le Premier ministre, lundi prochain, nous serons le 11 novembre, jour de commémoration des morts pour la France, de rassemblement de la nation, d’hommage à tous ceux qui ont combattu au nom du pays. Nous leur devons reconnaissance et remerciements.

Hier, votre Gouvernement a présenté le budget des anciens combattants. Pour la première fois depuis quatre-vingt-dix ans, vous avez par décret diminué de 20 % la participation de l’État…

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux !

M. Marc Laffineur. …à la retraite mutualiste des anciens combattants, qui n’est pourtant au maximum que de 1 700 euros par an.

M. Guy Geoffroy. C’est grave !

M. Marc Laffineur. L’opposition a déposé un amendement pour revaloriser de deux points la rente des anciens combattants et un autre pour revaloriser d’un point la rente mutualiste des grands invalides de guerre. Les députés, contre l’avis du Gouvernement ont adopté ces avancées. Votre ministre a demandé, comme c’était son droit, une nouvelle délibération pour après le 11 novembre.

M. Philippe Meunier. C’est nul, incroyable !

M. Marc Laffineur. Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : allez-vous avoir le cynisme de faire annuler par votre majorité cette avancée après le 11 novembre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des anciens combattants.

M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants. Monsieur le député, je vais rappeler devant la représentation nationale ce qu’est le budget des anciens combattants.

Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas le sujet !

M. Kader Arif, ministre délégué. Ce budget comprend 13 millions d’euros de mesures nouvelles….

Plusieurs députés du groupe UMP. Répondez à la question !

M. Kader Arif, ministre délégué. …et sa baisse se limite à 2,7 % alors qu’elle atteignait plus de 5 % en 2011-2012 et de 3 % en 2010-2011 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce budget va financer une demande faite par les anciens combattants d’Afrique du Nord sur la carte dite « à cheval » (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)



M. le président. S’il vous plaît, arrêtez de crier ainsi, écoutez la réponse !

M. Kader Arif, ministre délégué. Pour la première fois, le budget va apporter des financements pour nos soldats blessés et amputés. (Mêmes mouvements.) Ce budget consacre 12 millions d’euros pour prendre en compte la mémoire des soldats venus du continent africain dans le cadre de la décristallisation des pensions.

M. Claude Goasguen. La réponse !

M. Kader Arif, ministre délégué. Ce budget tourne ce ministère vers l’avenir alors vous-même, monsieur Laffineur, et la majorité à laquelle vous appartenez, avez tout fait pour qu’il disparaisse. Alors que sous votre majorité, le secrétariat d’État n’existait plus, le Gouvernement actuel a créé ce ministère. (Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, un peu de calme !

M. Kader Arif, ministre délégué. Nous représentons, nous, l’avenir des anciens combattants quand vous avez représenté leur suppression. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Croissance économique

M. le président. La parole est à Mme Clotilde Valter, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Clotilde Valter. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, lorsque le Gouvernement a confirmé ce printemps sa prévision de croissance pour 2013 à 0,1 % du PIB que n’avons nous pas entendu ! On nous a reproché un optimisme excessif. Nous avons fait l’objet de moqueries et de critiques plus ou moins polies. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Tout va très bien !

Mme Clotilde Valter. Début octobre, l’OCDE et le FMI ont revu à la hausse leurs prévisions pour la France après le rebond d du second semestre. Ce matin, la Commission européenne a validé les prévisions du Gouvernement avec 0,2 % pour 2013 et 0,9 % pour 2014. La reprise pointe son nez.

M. Sébastien Huyghe. C’est Pinocchio !

Mme Clotilde Valter. Elle va jouer au cours des prochains mois. Il nous appartient maintenant de marquer l’essai. Une nouvelle phase peut s’ouvrir. À nous de saisir l’opportunité, pour notre économie, nos entreprises, nos compatriotes au chômage ou en formation…

M. Philippe Cochet. Il n’y a pas de problème, tout va bien !

Mme Clotilde Valter. …nos territoires blessés par la crise, après la suppression de 750 000 emplois industriels au cours des dix dernières années.

Nous sommes prêts pour le rebond, parce que le Gouvernement a mis en place les outils dont les acteurs économiques ont besoin :…

M. Philippe Meunier. Ils n’ont pas de projets !

M. le président. Monsieur Meunier, ça suffit !

Mme Clotilde Valter. …la Banque publique d’investissement, le contrat de génération, la loi bancaire, la loi sur la sécurisation de l’emploi, le pacte de compétitivité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, sans oublier la réflexion tant moquée sur la France en 2025.

Monsieur le ministre, voilà notre cap : faire de cette croissance encore fragile une tendance de fond qui contribue à réduire le chômage. Comment abordez-vous la phase qui s’ouvre ? Comment comptez-vous agir pour renforcer cette croissance et l’inscrire dans la durée ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée, en effet, les prévisions de croissance de la Commission européenne valident celles du Gouvernement : 0,2 % en 2013 alors que le taux prévu, y compris par la Commission était de -0,1 % avant l’été ; 0,9 % en 2014 – pour ma part, je pense que nous pouvons et que nous devons faire mieux – et 1,7 % en 2015.

Ce dernier taux, qui n’avait jamais été avancé, est important en ce qu’il montre que nous sommes en train de retrouver le chemin d’une croissance potentielle plus forte.

M. Christian Jacob. Vous n’avez pas dû lire Le Monde !

M. Pierre Moscovici, ministre. Cela est dû, bien sûr, à l’amélioration de la situation internationale et européenne mais aussi et d’abord aux efforts du Gouvernement, aux décisions qui ont été prises.

Hier, avec plusieurs collègues du Gouvernement, j’étais aux côtés du Premier ministre à Saint-Etienne. Aujourd’hui, nous sommes le 5 novembre, date du premier anniversaire du pacte pris sur la base du rapport Gallois pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.

C’est bien parce que le CICE existe et qu’il a déjà créé 30 000 emplois que les entreprises peuvent investir davantage. C’est bien parce que nous avons créé la Banque publique d’investissement que les PME trouvent un partenaire pour exporter et innover. C’est bien parce que nous mettons en place un plan d’épargne en actions pour les PME que celles-ci peuvent également financer leurs investissements.

C’est parce que le Plan d’investissement d’avenir dont nous parlions hier soir devant la commission des affaires économiques dont vous êtes membre est musclé à hauteur de 12 milliards d’euros et orienté sur des priorités fortes que nous pouvons aller de l’avant.

M. Jean Leonetti. Tout va bien !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est bien parce que des mesures en faveur de l’innovation sont prises – elles ont été annoncées ce matin – que nous pouvons agir. Oui, il y a une politique, un cap, une cohérence, des résultats. Et c’est cela que la Commission européenne reconnaît. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Péréquation en Île-de-France

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2014, nous allons examiner jeudi prochain la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». À l’austérité imposée aux budgets de toutes les collectivités du pays s’ajoute l’inégalité de traitement entre communes en matière de péréquation, notamment en Île-de-France. En effet, les dispositions du texte régissant le Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France font subir une injustice majeure à celles qui doivent assumer des charges et répondre à des besoins sociaux élevés. Comment justifier que des communes accueillant une population majoritairement modeste contribuent, en proportion, davantage que des communes dont la population est aisée ?

Prenons un seul exemple, que je connais bien. Est-il normal qu’à potentiel financier égal Nanterre contribue autant que Neuilly, dont le revenu moyen par habitant est quatre fois supérieur ? De plus, des dispositions de plafonnement, aussi opaques que fluctuantes, viennent renforcer les inégalités de traitement entre communes, au point qu’une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée par plusieurs villes.

Ma question est donc la suivante : êtes-vous prête, madame la ministre, à revoir dans un souci d’équité les méthodes de calcul retenues, afin que chaque ville contribue en fonction de ses ressources mais aussi de ses charges, en tenant compte de la population qui y vit ? Je sais que votre volonté de dialogue et de concertation est réelle. Ce matin, le bureau de Paris Métropole a retenu à l’unanimité des propositions consensuelles. Envisagez-vous d’y donner une suite favorable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Effectivement, sous l’ancienne majorité, un fonds de solidarité a été conçu pour la région Île-de-France. Nous l’avons repris, et nous en avons augmenté le montant d’année en année afin de répondre aux grandes difficultés de certaines communes franciliennes, puisque se juxtaposent parfois, dans cette région, l’hyper-richesse et l’hyper-pauvreté.

Votre commune, madame la députée, fait partie de celles pour lesquelles s’appliquent d’anciens critères de taxe professionnelle. Il va bien falloir revenir dessus. Comment ?

M. Serge Grouard. Il faut supprimer tout ça !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. D’abord, et vous avez raison, en tenant compte du revenu moyen par habitant. Le Premier ministre s’est engagé à ce que ce soit fait dès cette année ; cela changera la contribution de chaque commune. Pour prendre l’exemple de celles que vous avez citées, Nanterre sera favorisée par rapport à Neuilly. Deuxièmement, comme le Premier ministre s’y était également engagé, un fonds de solidarité entre les départements de l’Île-de-France va être créé par ce projet de loi de finances.

Enfin, vous avez raison, Paris Métropole a bien travaillé sur les critères de redistribution. Nous allons, pour notre part, relever un peu le plafond des contributions et étudier l’impact de son passage de dix à onze points. À la suite de la réunion qui s’est tenue ce matin, que vous avez évoquée, M. Pupponi a déposé deux amendements que le Gouvernement examinera attentivement, car il est vrai que les critères actuels ne sont pas justes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Thierry Solère, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Thierry Solère. Monsieur le Premier ministre, cela fait bientôt dix-huit mois que vous avez été nommé à Matignon, à la suite de l’élection du Président de la République. Celle-ci s’était faite sur un slogan : « Le changement, c’est maintenant. »

Alors en matière de changement je vais vous donner un chiffre qui n’a pas pu vous échapper : 91 %. C’est, monsieur le Premier ministre, le pourcentage de Français qui attendent aujourd’hui le changement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ce chiffre est édifiant. Il n’avait jamais été atteint sous la Ve République. Dix-huit mois après votre élection, la France est en colère. Elle est d’abord en colère car elle n’arrive plus à boucler ses fins de mois ni à prévoir le lendemain. Vous aviez promis, pendant la campagne présidentielle, que ce seraient les Français les plus aisés qui seraient mis à contribution, mais ce sont les classes moyennes que vous matraquez, et qui sont asphyxiées tous les jours par une nouvelle taxe votée par votre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La France est en colère car les Français désespèrent que vous assuriez leur sécurité partout sur le territoire national. On n’entend plus, depuis l’affaire Leonarda, votre ministre de l’intérieur. On le sent isolé sur les bancs du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) N’étaient les mauvais chiffres de la délinquance et la fronde dans la police et dans la gendarmerie, on dirait presque un ministre d’ouverture au sein de votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La France est en colère, enfin, car elle se sent méprisée. Elle se sent méprisée, monsieur le Premier ministre, parce que le Président de la République prend du temps pour recevoir les patrons du football français, mais pas les élus bretons. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle se sent méprisée parce que vous envoyez en permanence des signaux de mépris aux Français.

Un gouvernement qui n’entend pas la colère qui monte met en danger la cohésion nationale. Monsieur le Premier ministre, à défaut d’écouter les parlementaires de l’UMP, à défaut d’écouter les parlementaires de votre propre majorité, quand allez-vous enfin écouter les Français et changer de politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ne le soutenez pas autant, vous allez le compromettre ! (Sourires.)

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Je veux d’abord vous rassurer, monsieur le député, même si je ne suis pas son porte-parole : le ministre de l’intérieur se trouve parfaitement bien à l’intérieur du Gouvernement, nous sommes contents qu’il soit avec nous, et la majorité aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. C’est faux !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. En outre, vous lui demandez quand il va changer de politique, mais vous vous adressez à un ministre qui, s’agissant de la sécurité, a immédiatement dû réparer les dégâts que vous aviez commis, en créant, lui, des postes dans la gendarmerie et dans la police, alors que vous en aviez supprimé ! Sur la sécurité, vous avez fait beaucoup de discours. Nous, nous agissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous appelez au dialogue et vous avez raison, mais, il y a quelques jours, le Premier ministre a invité l’ensemble des élus bretons à venir à Matignon parler de l’avenir de la Bretagne, et vous n’êtes pas venus ! Vous faites des discours ici, contre ce gouvernement qui ne répondrait à vos aspirations au dialogue, mais, quand on vous demande de venir parler de l’avenir de la Bretagne, vous êtes aux abonnés absents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Qu’est-ce qui intéresse les Français ? Nous venons d’avoir deux débats importants, dont celui de la réforme des retraites. Vous y étiez opposés, mais, ce qui est important, c’est de savoir ce que vous proposez. Car vous avez des propositions : la retraite à soixante-cinq ans pour tous ! Les Français apprécieront. Sur le budget, vous avez aussi fait des contre-propositions : suppression de milliers d’emplois de fonctionnaires, gel des pensions et des retraites.

Oui, il y a une autre politique, et c’est le débat que nous devrions avoir, mais sortons de la caricature à laquelle vous venez encore de vous livrer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Société Fagor

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Bulteau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sylviane Bulteau. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif.

Le groupe d’électroménager Fagor, qui enregistre des pertes depuis 2009, a affiché fin 2012 un résultat négatif de 90 millions d’euros. La semaine dernière, la coopérative espagnole Mondragon, propriétaire du groupe, a annoncé qu’elle renonçait à renflouer sa filiale. Le 31 octobre, la filiale polonaise, qui emploie 1 400 personnes, déposait le bilan. Le dépôt de bilan du groupe est prévisible.

Monsieur le ministre, vous avez reçu lundi les syndicats de ce groupe d’électroménager. Je tiens à saluer l’écoute du Gouvernement ainsi que la responsabilité dont font preuve les syndicats, en s’unissant pour sauvegarder les sites. Fagor est une belle entreprise, qui a été pendant très longtemps un fleuron de notre industrie. Le savoir-faire et les compétences de ses salariés doivent être le moteur du sauvetage des sites français et de l’emploi. De nombreuses commandes ont été passées mais ne sont pas honorées car les fournisseurs ne peuvent plus être payés. C’est dans cet état d’esprit résolument combatif que je me rendrai à votre ministère jeudi, accompagnée du maire de La Roche-sur-Yon et du vice-président du Conseil régional des Pays de la Loire, pour faire le point sur ce dossier.

Je tiens aussi à déplorer l’attitude de l’UMP vendéenne, qui a déclaré : « Fagor, c’est terminé ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Non, nous ne nous résignons pas ! L’espoir demeure car il y a des raisons de croire en l’avenir !

M. Jean Leonetti. N’importe quoi !

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le ministre, la mobilisation totale et sans faille de l’État est nécessaire. Pouvez-vous d’ores et déjà informer la représentation nationale et les Français des initiatives que vous comptez engager vis-à-vis de cette entreprise, et surtout vis-à-vis de ses salariés en France, qui sont les premières victimes de la mauvaise gestion de la direction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame Sylviane Bulteau, ainsi que vous l’avez rappelé, Fagor compte 2 000 salariés sur le sol français, répartis principalement sur quatre sites : 360 salariés à La Roche-sur-Yon, 106 à Aizenay, 230 à Vendôme, 530 à Orléans, et d’autres encore à Rueil-Malmaison, Saint-Ouen-l’Aumône et à Lyon. C’est donc une entreprise importante pour notre économie. La maison mère affiche, en Espagne, une dette de 859 millions d’euros, autrement dit presque un milliard. La justice espagnole a donné trois mois à la maison mère pour trouver les fonds nécessaires. Et en Pologne, vous l’avez dit, la décision a déjà été prise de déposer le bilan.

À ce stade nous ne savons pas quelle sera la décision du gouvernement espagnol, ni celle des autorités basques qui sont au chevet de l’entreprise. Ce cas est difficile. J’aurai cet après-midi une conversation téléphonique avec mon homologue espagnol, ministre de l’industrie, de manière à coordonner le mieux possible nos mouvements dans ce dossier qui concerne autant la France que l’Espagne. Nous ne savons pas davantage les intentions de la direction de Fagor France. C’est la raison pour laquelle je recevrai la direction, après la réunion du comité d’entreprise qui se tiendra demain après-midi, pour recueillir ses analyses et connaître ses intentions, de manière à ce que les syndicats, les élus, la direction, les gouvernements français et espagnols puissent unir leurs efforts.

Michel Sapin et moi-même avons d’ores et déjà pris des décisions visant à faciliter les mesures de chômage partiel technique à destination des salariés qui subissent un arrêt de production et de salaire.

En tout état de cause, madame la députée, nous avons l’intention de rappeler que Fagor, qui dispose de 14 % de l’électroménager en France, a un avenir. Elle dispose d’un portefeuille de marques prestigieuses, et de brevets importants. Nous devons tout faire pour préserver l’outil industriel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Assassinat de deux journalistes au Mali

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Guillet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Jacques Guillet. Monsieur le Premier ministre, à l’unisson de la Nation tout entière, les députés du groupe UMP rendent hommage aux deux journalistes de Radio France internationale victimes d’un crime horrible perpétré à Kidal samedi dernier. Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient des professionnels reconnus, qui connaissaient particulièrement bien l’Afrique et en avaient la passion : nous le savons, et cela a été dit plusieurs fois dans cet hémicycle. Ghislaine Dupont avait travaillé pendant dix ans en République démocratique du Congo. On ne peut donc pas dire qu’ils étaient ignorants des réalités de ce continent, où les difficultés sont effectivement nombreuses.

M. le ministre des affaires étrangères a indiqué tout à l’heure les circonstances dans lesquelles ce crime a été perpétré à Kidal. Certes, ce crime a horrifié toute la nation, mais il a également ému profondément tous les Africains. N’oublions pas que Radio France internationale est écoutée par 40 millions d’auditeurs, et que c’est essentiellement en Afrique qu’elle trouve son audience, en particulier parmi les élites africaines : les chefs d’État et les ministres l’écoutent chaque jour. Ces journalistes étaient donc bien connus des Africains.

Alors, pourquoi ce crime ? Qui l’a commis ? M. le ministre des affaires étrangères a fait part il y a quelques heures de ses soupçons à l’égard des groupes djihadistes, en particulier d’AQMI. Qu’en est-il réellement ? Ce crime était très préparé, très organisé. Il visait directement la France, la presse, et les valeurs que représente Radio France internationale : la démocratie, la liberté, et la laïcité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je vous remercie d’avoir rendu hommage à l’ensemble des équipes de Radio France internationale, pour le travail exceptionnel qu’elles fournissent sur tous les théâtres d’opération du monde, et en particulier en Afrique.

Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient membres de cette belle famille qu’est RFI. Une famille qui porte haut non pas la voix de la France, mais la vision française de l’information, garante d’une information indépendante, libre et objective, quelles que soient les difficultés sur le terrain. C’étaient deux immenses professionnels, qui ne prenaient aucun risque inconsidéré. Ils sont allés à Kidal pour préparer une journée spéciale que RFI devait consacrer aux élections législatives maliennes. M. le ministre des affaires étrangères a expliqué tout à l’heure les conditions, les circonstances tragiques, terribles, de leur enlèvement. Nous pensons, évidemment, à leurs familles, que le Président de la République et moi-même avons rencontrées ce matin.

Comme vous l’avez dit, l’information doit continuer. Nos compatriotes doivent savoir que ces journalistes sont morts en héros pour les valeurs de la démocratie, qui nous rassemblent tous, dans cet hémicycle. Ils sont morts pour que continue à vivre cette haute exigence, cette haute idée de l’humanité, cette volonté de préserver la liberté de l’information, de la presse, partout dans le monde. RFI fait partie de notre service public de l’audiovisuel, dont nous sommes si fiers. RFI continuera sa mission. Comme le disait Camus, « la vertu de l’homme est de se maintenir en face de tout ce qui le nie ». (Applaudissements sur tous les bancs.)

Sécurité

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le ministre de l’intérieur, la sécurité des Français est au cœur de l’action du gouvernement. J’en veux pour preuve le dégel, la semaine dernière, de 111 millions d’euros de crédits de paiement pour la police et la gendarmerie, s’ajoutant au déploiement de 10 millions supplémentaires pour parer aux besoins immobiliers les plus criants.

Alors que les violences contre les personnes n’ont cessé d’augmenter ces dix dernières années, notre majorité met en œuvre une approche méthodique et structurée pour une nouvelle stratégie nationale de sécurité qui protège tous les Français.

Oui, assurer la sécurité de tous est une exigence républicaine, car la sécurité est un bien commun. C’est sur ce sujet, monsieur le ministre, que vous avez décidé de rompre avec les pratiques qui instrumentalisaient la sécurité des Français (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour mettre sous tension l’ensemble de la société.

C’est sur ce sujet que nos concitoyens apprécieront notre capacité à redonner de la force à la puissance publique.

Vous avez donc décidé, monsieur le ministre, de mobiliser toutes les énergies : celles des forces de police et de gendarmerie, mais également celles des polices municipales, du monde judiciaire, des acteurs de terrain et des collectivités territoriales. Nous réussirons, monsieur le ministre, car toute la chaîne pénale et toute la société seront mobilisées à vos côtés.

Monsieur le ministre, le plan national de lutte contre les cambriolages, que vous avez présenté il y a peu, mobilise ces énergies et ces nouveaux moyens.

Les cambriolages étant en hausse constante depuis 2007, il était impératif de prendre ce problème à bras-le-corps pour répondre à certaines filières mafieuses qui polluent la vie de nos concitoyens dans les villes et les campagnes.

Mes chers collègues, après une décennie d’instrumentalisation, la politique de sécurité est redevenue une affaire républicaine. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rappeler comment le Gouvernement agit chaque jour pour renforcer la sécurité des Français ? Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame Chapdelaine, la sécurité est une priorité du Gouvernement – vous le rappeliez –, ce qui se traduit dans les actes.

La semaine dernière, lors de la présentation du budget devant l’Assemblée nationale, j’ai pu rappeler les axes de notre action car la priorité donnée à la sécurité se traduit d’abord par des moyens budgétaires.

Comme vous l’avez rappelé, le Premier ministre a décidé la semaine dernière le dégel, c’est-à-dire la restitution de 111 millions d’euros de crédits de paiement à la police et la gendarmerie. Nous allons également pouvoir lancer pour 10 millions d’euros de travaux urgents pour les logements de gendarmes et pour leurs familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour la première fois depuis 2007, les crédits affectés à la police et la gendarmerie seront en augmentation par rapport à l’année précédente. Entre 2007 et 2012, ces crédits avaient baissé de 18 %, plaçant les policiers et les gendarmes – et, partant, nos concitoyens exposés à l’insécurité – dans une situation particulièrement difficile.

La priorité donnée à la sécurité se traduit également par des effectifs supplémentaires : entre 2007 et 2012, 13 700 emplois ont été supprimés. Le Gouvernement remplace désormais tous les départs à la retraite, et créera chaque année entre 400 et 500 emplois de policiers et de gendarmes, dont nous avons besoin sur le terrain pour lutter contre la violence, les trafics et la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cette priorité se traduit également par la mise en place de stratégies efficaces contre les cambriolages (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), notamment dans les quartiers où cela est nécessaire, par exemple dans les zones de sécurité prioritaires, où la délinquance baisse.

Conscients de la violence existant dans notre société, et lucides sur cette situation, nous mettons en place les moyens, les hommes et les femmes nécessaires.

C’est ainsi que nous défendons le pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Chantiers navals de Saint-Nazaire

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christophe Priou. Ma question s’adresse au Premier ministre et concerne le chantier naval de Saint-Nazaire, qui fait partie des derniers grands chantiers européens.

La Korea Development Bank, principal créancier du groupe coréen STX, a annoncé en octobre, par voie de presse, son projet de se séparer de la branche européenne du groupe. On est en droit de se demander qui pourrait succéder à STX et si vous travaillez déjà à une solution.

Les personnels, les syndicats et toute une région sont en attente de précisions. Nous souhaitons que l’État se positionne véritablement pour sauver la navale française et ses sous-traitants, qui connaissent actuellement une véritable hécatombe.

Je rappelle que la précédente majorité, grâce à l’implication forte de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, avait sauvé les chantiers en novembre 2008 en en devenant un actionnaire incontournable par une prise de participation de plus du tiers du capital.

Vous qui attendiez, en avril 2012, alors que vous étiez député-maire de Nantes, des « initiatives volontaristes de la part d’un État porteur d’une réelle politique industrielle », allez-vous faire évoluer la participation de l’État dans le capital, si la mise en vente de STX Europe devait se concrétiser ?

Ma question est simple : quelle est la stratégie industrielle de l’État pour sauver le dernier chantier naval français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, je voudrais d’abord vous dire que les chantiers navals STX ne sont pas menacés par des décisions qui seraient prises par le groupe coréen du même nom.

L’activité et le financement de l’entreprise sont en effet indépendants. Comme vous l’avez rappelé à juste titre, la Banque publique d’investissement, c’est-à-dire l’État et les contribuables français, est actionnaire des chantiers navals de Saint-Nazaire à hauteur d’un tiers.

Nous avons décidé d’interroger le gouvernement coréen. Il se trouve qu’hier la Présidente de la République de Corée du Sud était présente à Paris. Avec le Premier ministre, nous l’avons interrogée sur le souhait éventuel de STX Corée de se désengager de STX France.

J’ai moi-même interrogé mon homologue, le ministre de l’industrie coréen, les yeux dans les yeux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons lu dans la presse – comme vous, monsieur le député – les informations provenant de la banque publique qui détient la holding de STX.

Le ministre nous a dit qu’aucune décision n’avait encore été prise par le groupe. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de décision de retrait. C’est la raison pour laquelle nous nous préparons et travaillons, comme vous le demandez et le souhaitez, à toutes ces éventualités.

En tout état de cause, le Gouvernement souhaite protéger et préserver cet outil technologique industriel performant qui, je le rappelle, est en train de faire la démonstration de ses capacités mondiales, avec un contrat de 1 milliard d’euros portant sur le fameux navire Oasis. Nous espérons qu’il y aura d’autres commandes.

C’est pourquoi, monsieur le député, il est trop tôt pour en parler, mais il n’est pas trop tard pour se préparer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Denis Baupin.)

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président



M. le président. La séance est reprise.

3

Fixation de l’ordre du jour

M. le président. La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine du 25 novembre 2013 :

Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 ;

Proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

4

Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière

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Procureur de la République financier

Votes solennels

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (nos 1422, 1493) et sur le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier (nos 1424, 1494).

Explications de vote communes

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, notre assemblée se prononce, ce jour, pour la troisième fois sur ces deux projets de loi. Le groupe UDI apportera, aujourd’hui encore, son soutien au projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

Avec le renforcement du régime répressif de la fraude fiscale et des capacités de contrôle de l’administration fiscale, l’extension du champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale au blanchiment de fraude fiscale, ou même la création d’une circonstance aggravante pour les fraudes les plus graves, ce projet de loi prolonge les avancées adoptées sous la précédente majorité. Ne l’oublions pas.

Je veux ici saluer l’action de Christiane Taubira et de Bernard Cazeneuve, qui viennent d’annoncer 4 000 procédures de régularisation, avant même la promulgation de cette loi.

J’ajoute que les débats parlementaires ont permis des avancées significatives. Je pense à la création d’un statut du repenti – vous y avez beaucoup travaillé, monsieur le rapporteur –, qui a été adoptée à l’initiative de la rapporteure pour avis Sandrine Mazetier, ou à l’inversion de la charge de la preuve en matière de blanchiment.

Nous aurions souhaité que ce projet de loi permette de muscler un peu plus encore notre arsenal de lutte contre la fraude, en particulier contre les fraudes «carrousel» à la TVA, pour lesquelles tout reste à faire.

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est vrai et nous allons nous y atteler !

M. Philippe Vigier. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de le souligner.

Nous aurions également souhaité que vous ayez eu le courage de nous écouter sur ce que nous appelons le « verrou de Bercy » puisqu’en matière de fraude fiscale, le procureur de la République continuera – n’est-ce pas, madame la garde des sceaux ? – de devoir attendre que l’administration fiscale ait déposé plainte avant de pouvoir déclencher l’action publique.

Il était pourtant à nos yeux indispensable que le procureur financier soit informé des procédures transactionnelles et les valide, au moins en ce qui concerne les montants les plus importants, comme l’avait d’ailleurs proposé notre collègue Henri Emmanuelli. J’aurais aimé dire à Bernard Cazeneuve, mais vous saurez lui transmettre, madame la garde des sceaux, qu’il aurait dû nous écouter : ce pouvoir discrétionnaire de l’administration qu’il défend aujourd’hui se retournera peut-être, demain, contre le ministre en exercice.

Nous nous abstiendrons, en revanche, sur la création d’un procureur de la République financier. Mes propos ne vous surprendront pas, madame la garde des sceaux. En effet, enterrée deux fois par le Sénat, cette mesure constitue, à notre sens, un risque de déstabilisation pour notre justice. Vous portez un coup dur à l’unicité du parquet et à la cohérence de notre organisation judiciaire avec la création de ce procureur doté d’une compétence nationale pour le moins floue et susceptible d’entrer en concurrence, voire en conflit, avec les compétences des autres parquets financiers. Ce procureur est, de surcroît, placé sous la responsabilité du procureur général de Paris. Chacun comprendra ! J’ajoute, madame la garde des sceaux, que les conditions de la nomination de ce procureur ne présentent, à nos yeux, aucune garantie d’indépendance.

Comment comprendre, enfin, que notre Assemblée se prononce pour la troisième fois aujourd’hui sur ces dispositions alors même que la garde des sceaux vient de lancer une consultation pour « une grande réforme judiciaire » et une « justice du XXIsiècle » ?

Le groupe UDI appelle de ses vœux une réforme ambitieuse de la justice qui permette d’en finir avec l’addition de lois de circonstances qui se révèlent en définitive insuffisantes.

« Je souhaite que le rassemblement le plus large puisse se faire sur […] cette République exemplaire […] et que l’ensemble de ces dispositions puissent être mises en œuvre dans les meilleurs délais ». C’est le Président de la République qui s’exprimait ainsi, le 10 avril 2013, en annonçant que le Gouvernement allait déposer deux projets de loi au Parlement.

Huit longs mois plus tard, l’Assemblée nationale s’apprête à adopter enfin ces deux projets de loi qui, passés sous les fourches caudines de votre majorité, ne sont aujourd’hui plus que l’ombre des engagements pris par François Hollande.

Ce combat aurait pourtant dû se nourrir du consensus républicain, mais vous n’avez pas su créer la confiance, de sorte que ces deux projets de loi ne convainquent vraiment ni vos alliés ni vos opposants.

Lutter plus efficacement contre la fraude, qui représente un manque à gagner, Yann Galut le répète souvent, de 70 milliards d’euros par an, permettrait d’alléger la pression fiscale intenable qui pèse sur les Françaises et les Français.

La fraude fiscale fragilise notre pacte républicain et notre modèle démocratique. C’est pourquoi jamais nous ne baisserons la garde, jamais nous ne renoncerons à nos exigences, et jamais nous ne nous mettrons en travers du chemin du Gouvernement s’il va dans cette voie.

Tel est aujourd’hui le sens de notre vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre délégué chargé du budget, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi apparaît aujourd’hui comme une évidence. Pourtant, sans le tonnerre qu’a provoqué l’affaire Cahuzac, nous aurions sans doute attendu plusieurs années avant qu’il ne soit débattu dans l’hémicycle. Cette crise n’a cependant été transformée en projet positif que grâce à la volonté du Gouvernement et de la majorité de combattre la fraude fiscale sous toutes ses formes. Dès la loi de finances rectificative de 2012, le Gouvernement avait proposé différentes mesures pour mieux lutter contre la fraude et dans le cadre de la loi relative à la régulation du secteur bancaire, un amendement proposé par M. le ministre Pierre Moscovici, et adopté par notre Parlement, anticipait le FATCA européen, faisant de la France l’un des moteurs de la lutte contre la fraude en Europe.

Cette loi ne pourra cependant prendre toute son envergure sans la mobilisation de la communauté internationale et de l’Union européenne. Qui aurait pu prédire l’engagement des Anglais contre l’évasion fiscale ? Il y a encore quelques mois, c’était inimaginable. Cette accélération, nous la devons à l’érosion de l’assiette fiscale que connaissent la majorité des pays occidentaux et qui participe au creusement de la dette. Alors que l’augmentation des impôts et la réduction de la dépense publique doivent être mesurées, lutter contre l’évasion fiscale devient une nécessité.

Pour mesurer l’importance de la lutte contre la fraude dans le rétablissement des comptes publics, il suffit de mettre en parallèle les milliards d’impôts qui s’évaporent tous les ans – entre 30 et 80 milliards, selon les estimations - avec les 50 milliards que notre pays doit économiser à l’échéance de 2017-2018 pour rééquilibrer ses comptes. Plus d’évasion fiscale égale plus de dette !

Dans cette période difficile, la lutte contre la fraude fiscale revêt donc un triple enjeu. Économique : collecter les milliards d’euros qui manquent chaque année dans notre budget. Moral : répondre à la crise de confiance. Politique : montrer aux citoyens que le législateur n’est pas impuissant face à ceux qui trichent et face à ceux qui volent.

Cette loi représentait, dès sa présentation devant l’Assemblée, une véritable avancée en raison du durcissement des peines sanctionnant la fraude en bande organisée : sept ans de prison et 2 millions d’euros d’amende, la possibilité pour les associations de lutte contre la corruption de se constituer partie civile, le renforcement des moyens d’investigation de la brigade nationale de répression de la délinquance ou encore les sanctions frappant l’incitation des conseillers fiscaux.

Grâce à la collaboration de qualité qui a pu être nouée avec la garde des sceaux, les ministres des finances et du budget et leurs services, Yann Galut, rapporteur principal et Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis, le Parlement a pu faire progresser cette loi. Je souhaiterais en particulier souligner deux grandes avancées : la protection des lanceurs d’alerte et le registre public des trusts.

Grâce à cette loi, les personnes informant les autorités de l’existence d’une fraude dont ils ont été les témoins dans le cadre de leur activité professionnelle seront protégées. L’opposition, trop longtemps complaisante avec la fraude, tantôt critique, tantôt absente a préféré évoquer une atteinte aux libertés en stigmatisant ceux qu’elle considère comme des délateurs, alors qu’ils ne font pourtant qu’œuvre de salut public. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La loi contre la fraude nous permettra également de décrypter les montages complexes et les sociétés cachées fleurissant dans des paradis fiscaux et juridiques…

M. Dominique Tian. Cahuzac ?

M. Philippe Cochet. Qui a dénoncé Jérôme Cahuzac ?

M. François-Michel Lambert. …grâce à un registre public des trusts répondant à une demande forte de la société civile en faveur de davantage de transparence. En effet, la constitution de trusts participe à des phénomènes massifs d’évasion fiscale. Selon Transparency International France, 80 % des flux illicites mondiaux liés à l’évasion fiscale transiteraient par des trusts. Ces montages permettent également de diluer la responsabilité des entreprises. Ainsi, l’Erika avait été affrété par une société bahaméenne appartenant à un trust géré par un cabinet juridique panaméen. Ces opérations pourront enfin être dévoilées au grand jour.

Avec cette loi, nous affirmons haut et fort que le laxisme et la complaisance envers l’évasion fiscale ne sont plus de mise. Notre volonté : restaurer la justice devant l’impôt, notamment en nous assurant que chacun participe à la hauteur de ses moyens à la solidarité nationale, mais aussi tracer une troisième voie entre l’austérité et l’endettement en restaurant la base fiscale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Depuis toujours, la fraude fiscale, la délinquance économique et financière minent la démocratie et empoisonnent la République. La fraude fiscale, c’est d’abord le vol des faibles, des plus démunis. Qu’on le veuille ou non, en effet, les faibles, les pauvres, ne peuvent frauder. Seuls les riches le peuvent.

Les chiffres sont plus ahurissants les uns que les autres. On hésite entre 50 et 80 milliards d’euros, alors que l’État ne récupère que 18 milliards environ. Au moment où l’on ne parle que de ras-le-bol fiscal, il faut bien admettre que ce texte est le bienvenu.

Il marque tout d’abord une rupture avec l’incroyable bienveillance dont ont toujours bénéficié les fraudeurs, ces escrocs qui, souvent, bénéficient des conseils de spécialistes de ce que l’on appelle l’optimisation fiscale. Il marque une rupture avec la décennie passée, puisque l’ancienne majorité a supprimé soixante-dix postes d’enquêteurs fiscaux. Nous venons de vivre dix années d’impuissance volontaire en matière de fraude fiscale, que vous le vouliez ou non ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Cahuzac !

M. Alain Tourret. Désormais, la fraude fiscale en bande organisée sera passible d’une peine de sept années d’emprisonnement. Les enquêteurs pourront disposer de moyens d’exception : surveillance, écoute, infiltrations. Il faut y ajouter le renforcement de la capacité d’intervention des associations de lutte contre la corruption, et uniquement contre elle.

En revanche, nous sommes toujours inquiets quant au rôle donné aux lanceurs d’alerte. S’agissant du statut des repentis, il peut inquiéter les défenseurs des libertés individuelles, même si l’Italie et d’autres grandes nations européennes y ont déjà eu recours. Observons cependant que la fraude fiscale s’est structurée, organisée de manière industrielle. Il serait bon de rompre avec l’impunité dont bénéficient les conseillers en optimisation fiscale, qu’ils soient avocats ou non.

Faut-il continuer à transiger en matière de fraude fiscale ? C’est une question. Nous comprenons la nécessité de faire rentrer une partie du produit fraudé mais cela se fait au détriment de l’exemplarité. Pour un vol de vélo ou la consommation de cinquante grammes de haschich, on peut être condamné à de la prison ferme. (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP.) Pour une fraude fiscale sur 1 million d’euros, les exemples sont tout à fait exceptionnels, si ce n’est introuvables. Or l’exemplarité de la sanction, madame la garde des sceaux, c’est le meilleur moyen de lutte contre la fraude fiscale. Nous voyons bien que lorsque les condamnations pour fraude fiscale ont fait l’objet d’une publication ou d’un affichage, il n’y a pas de récidive.

Nous en sommes loin, à cause de notre culture de la transaction. Nous ne pourrons faire l’économie d’une réflexion sur ce sujet.

C’est sans doute pour cette raison que nous régressons dans le classement de l’ONG Transparency International en matière de lutte contre la corruption. En dix ans, de 2002 à 2012, nous sommes passés de la vingtième place, ce qui n’était déjà pas brillant, à la vingt-deuxième, et la France continue d’être perçue par les milieux d’affaires internationaux comme l’un des pays riches où l’administration et la classe politique sont plus perméables qu’ailleurs à la corruption. (« Cahuzac ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Madame la garde des sceaux, vous nous présentez le procureur financier comme la clé de voûte de la lutte contre la corruption. Espérons que l’avenir vous donnera raison. Faisons en tout cas en sorte que d’ici au moment de sa nomination, il n’y ait aucun répit pour les fraudeurs, aucun répit pour ceux qui transgressent la loi.

Ce texte réunit tous les partis de la majorité et au-delà – je le dis pour un certain nombre de députés de l’UDI. Félicitons-nous, comme disait Edgar Faure, de cette majorité d’idées pour ces deux textes que le groupe RRDP votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je fais annoncer le scrutin sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, chers collègues, selon le rapport présenté il y a un peu moins d’un mois par nos collègues Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan, la fraude fiscale entraîne un manque à gagner de 60 à 80 milliards d’euros chaque année pour notre pays et représenterait une perte de 2 000 milliards d’euros à l’échelle de l’Union européenne. Ces chiffres, issus d’une étude réalisée à la demande de la Commission européenne, donnent le tournis, tout simplement.

Nous apprenons ainsi que la fraude à la TVA représente en Europe plus de 190 milliards d’euros par an, que les fameux « carrousels de TVA » constitueraient à eux seuls le tiers de la fraude, et 10 milliards d’euros en France.

Au total, selon une estimation découlant des travaux de Gabriel Zucman, de l’École d’économie de Paris, il y aurait dans les paradis fiscaux près de 220 milliards d’euros d’avoirs appartenant à des grandes fortunes françaises, soit l’équivalent de 10 % de la richesse nationale, et près de 360 milliards d’euros d’avoirs appartenant à de grandes entreprises.

Face à l’ampleur de ce vol organisé – comment le nommer autrement ? –, de nombreuses associations sont mobilisées, souvent depuis des années. Nos concitoyens, sans cesse mieux informés de la réalité des faits, sont de plus en plus nombreux à considérer que la lutte contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales doit être une priorité de l’action politique. Nous le pensons aussi !

Dès le début de la discussion du présent projet de loi, notre groupe s’est positionné avec la volonté de rendre le dispositif plus efficace, en le dotant de la plus grande capacité opératoire possible.

Ce projet de loi constitue une inflexion majeure dans les politiques conduites jusqu’à présent dans notre pays et recèle des potentiels que nous devons désormais valoriser et exploiter pleinement.

Nous approuvons, oui, nous approuvons les améliorations apportées par nos deux assemblées en matière d’aggravation des sanctions, de renforcement de la coopération entre l’administration fiscale et les autorités judiciaires, ou de protection des lanceurs d’alerte. Nous nous réjouissons également de l’adoption d’amendements que nous avions proposés, tel celui sur la prévention de la fraude à la TVA dite « carrousel », ou celui qui facilite les poursuites en matière de blanchiment. Ils permettent d’élargir l’éventail des instruments de poursuite et de sanction.

Enfin, nous sommes favorables à la création d’un procureur financier de la République, illustration de la volonté de doter notre pays de moyens renouvelés de lutte contre la fraude fiscale et la corruption. Ce texte pose la première pierre de ce qui doit permettre de bâtir une véritable stratégie nationale de lutte contre ces phénomènes. Le combat contre la fraude et l’optimisation fiscales ne fait que commencer. Il importera, au cours des prochains mois et des prochaines années, de nous montrer encore plus offensifs si nous voulons lutter efficacement contre les pratiques d’évitement fiscal, qui non seulement mettent en péril nos économies mais en outre sapent le principe républicain d’égalité de tous devant l’impôt.

Il faut mettre fin à la faiblesse des États face aux mafias de la fraude et aux intermédiaires, banques ou avocats, qui favorisent l’optimisation fiscale. Tous portent une responsabilité. La Cour des comptes a récemment insisté sur la nécessité de mieux organiser la communauté du renseignement. Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale, remis le mois dernier, a formulé de nouvelles propositions pour mieux combattre et prévenir les contournements des règles par la structuration financière. Le rapport d’information de nos collègues Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan a souligné plusieurs exigences : actualiser les conventions fiscales, mieux contrôler les sous-traitances et les prix de transfert, taxer les restructurations internationales à l’exemple de l’Allemagne et créer un délit spécifique d’incitation à la fraude fiscale afin de mieux s’adapter au vrai visage des systèmes qui façonnent l’évasion des capitaux.

Il a également rappelé la nécessité d’accroître les moyens des administrations et des superviseurs, qui ne peuvent plus faire face matériellement. Mieux combattre, cela consiste aussi à élargir le champ de l’intervention des services judiciaires. C’est pourquoi nous regrettons que le présent projet de loi n’offre pas davantage de souplesse procédurale ni n’entame le fameux monopole de Bercy, où la réduction de postes prévue dans le budget 2014, en particulier dans les douanes, ne nous semble pas compatible avec les objectifs affichés. Le travail qui reste à accomplir est immense mais il n’est pas hors de portée. Notre pays doit continuer à peser de tout son poids dans les négociations internationales et ne pas craindre de montrer l’exemple. Vous pouvez compter, madame la garde des sceaux, sur la détermination des parlementaires du Front de gauche à vous soutenir dans ce combat et à faire reculer les pratiques financières prédatrices dont l’évasion et l’optimisation fiscales ne sont qu’un maillon. En ce sens, nous émettons un vote favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Goasdoué, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Goasdoué. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, la fraude fiscale coûte chaque année 2000 euros par foyer. C’est un scandale permanent !

M. Philippe Cochet. Cahuzac !

M. Yves Goasdoué. Alors même que l’état des finances publiques en France fait peser sur chaque citoyen un effort exceptionnel, tout mettre en œuvre pour prévenir, débusquer et sanctionner la fraude constitue un devoir impérieux. La lutte contre la fraude fiscale est un travail de longue haleine. Les lois de finances rectificatives pour 2012 et la loi bancaire ont ouvert la voie. La prochaine loi de finances complétera l’ouvrage, spécialement en matière d’optimisation fiscale. Les deux projets de loi qui nous occupent aujourd’hui représentent des avancées considérables. Les propositions gouvernementales qui en sont à l’origine annonçaient clairement la détermination de notre majorité à endiguer ce fléau et le travail parlementaire, particulièrement efficace, est venu accentuer cette démarche.

À ce propos, je tiens à saluer l’excellent travail de nos deux rapporteurs mais également la fructueuse coopération avec nos collègues des groupes écologiste, RRDP et GDR. Fruits d’une belle collaboration entre le Gouvernement et le Parlement, les dispositifs prévus par les projets de lois renforcent chaque étape de la lutte contre la fraude, de la détection à la sanction. Ainsi, les moyens du contrôle fiscal et douanier sont consolidés. Le champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, la BNRDF, est étendu au blanchiment de la fraude fiscale complexe. Les obligations déclaratives nécessaires au contrôle fiscal sont renforcées. Le contrôle des numéros d’attribution de la TVA intracommunautaire est durci. Les sanctions en cas de fraude avérée sont révisées pour les rendre plus dissuasives et mieux adaptées à l’auteur de l’infraction. Les moyens de lutte contre la fraude fiscale internationale sont considérablement développés grâce à l’échange automatique d’informations.

A côté de ces nombreux points de consensus, certains points de discorde subsistent. Il a été demandé à l’Assemblée nationale de trancher. Nous avons donc tranché en faveur de la création d’un parquet financier, bras armé de la lutte fiscale et futur interlocuteur du parquet européen. Prétendre qu’il ne sera pas indépendant et créera des conflits de compétences est une argutie. Elle ne convainc que ceux qui souhaitent, au fond, que rien ne bouge. Nous avons tranché en faveur de l’octroi aux associations agréées du droit de se porter partie civile, en coordination avec la jurisprudence de la Cour de cassation et les préconisations de l’OCDE.

Il ne s’agit nullement d’une privatisation de la justice, ni d’ailleurs d’une mesure exceptionnelle dans notre droit. Nous avons tranché en faveur de l’assouplissement de la preuve à apporter en matière de blanchiment, de manière à mieux appréhender ces délits excessivement difficiles à qualifier. Enfin, nous avons tranché en faveur d’une large protection des lanceurs d’alertes pour les soustraire au maximum aux pressions morales et financières qu’un employeur frauduleux peut exercer pour s’assurer de leur silence. Il est temps, chers collègues, de prendre nos responsabilités et de tout faire pour rétablir, autant que faire se peut, une meilleure égalité devant l’impôt.

M. Philippe Cochet. Cahuzac !

M. Yves Goasdoué. La justice fiscale est au cœur de notre pacte républicain. Nous devons collectivement tout mettre en œuvre pour le protéger. C’est bien pourquoi le groupe SRC votera la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ainsi que le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, chers collègues, le Gouvernement et le Président de la République se sont trouvés il y a quelques mois confrontés à une situation inédite dans notre République : le ministre chargé de lutter contre la fraude fiscale était contraint de reconnaître la détention d’avoirs à l’étranger, en l’espèce en Suisse. (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP.) Dès lors, le Gouvernement, sous l’autorité du Président de la République, a décidé de faire une loi. Un événement survient ; alors on fait une loi. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Et sous Sarkozy, ce n’est pas comme cela qu’on procédait ?

M. Jean-Luc Laurent. Il faut oser !

M. Étienne Blanc. Comme si la réponse à tout problème de fraude fiscale était de faire une loi ! Et cette loi, vous l’avez faite à grands renforts de communication. « Vous allez voir le changement », disiez-vous, « la fraude fiscale est dans notre collimateur, vous allez voir ce que vous allez voir ! » Vous avez alors, madame la ministre, préparé un texte en deux volets. Le premier consiste à renforcer les sanctions contre les fraudeurs. Vous avez renforcé la protection des lanceurs d’alerte et fait en sorte qu’un salarié constatant un montage fiscal un peu limite puisse le dénoncer en étant protégé, même s’il a participé à son élaboration. Soit. Et puis, vous avez, comme vous le faites toujours, renforcé les sanctions pénales frappant les fraudeurs. Je rappelle que la loi de 1977, qui à l’époque avait marqué la République, prévoit pour les fraudeurs fiscaux des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.

Vous avez décidé de porter tout cela à sept ans d’emprisonnement et 2 millions d’euros d’amende. Nous nous sommes demandé, en commission, combien de personnes ont été frappées par les foudres de la justice. Aucune sanction pénale n’a été appliquée contre des fraudeurs à hauteur de cinq ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende. Dès lors, pourquoi portez-vous le maximum de la peine encourue à sept ans et 2 millions d’euros ? Par affichage ! En effet, cela vous a permis, dans la presse spécialisée et vos administrations, de vous présenter comme insoupçonnables au motif que vous renforcez les sanctions !

Un député du groupe UMP. Ce n’est pas sérieux !

M. Étienne Blanc. Pire encore, deux personnes seulement sont actuellement détenues dans les prisons françaises pour fraude fiscale. Fallait-il porter le maximum des peines d’emprisonnement de cinq à sept ans, alors que les sanctions, aujourd’hui, ne sont pas appliquées ? Vu sous cet angle, ce texte est de pur affichage !

M. Philippe Cochet. Cahuzac !

M. Étienne Blanc. Cela étant, comme nous l’avons déjà dit, nous le voterons néanmoins. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe SRC.) Nous ne voudrions pas laisser dire que la droite ne s’associe pas aux mesures que vous proposez, madame la garde des sceaux. Mais vous savez fort bien qu’elles ne seront pas appliquées.

Le deuxième volet vise à créer le procureur financier. C’est votre grande trouvaille. Il existe des fraudeurs, un magistrat spécialisé va donc s’occuper d’eux. Mais la réalité, vous la connaissez, madame la garde des sceaux : la fraude fiscale résulte souvent d’infractions complexes prenant la forme de montages.

M. Jean Glavany. Faut-il pour autant laisser faire ?

M. Étienne Blanc. Pour lutter contre une telle fraude, l’outil le mieux adapté, ce sont les GIRS, les groupements d’intervention régionaux. Ce sont eux qu’il faut renforcer, parce qu’ils disposent, eux, d’une vision transversale permettant de comprendre les origines et les conséquences de la fraude. Créer un parquet financier, l’idée a heurté les magistrats, leurs syndicats, leurs représentants. Il ne se trouve pas, aujourd’hui, en France, un seul syndicat de magistrats pour défendre votre réforme, madame la ministre. Nous voterons évidemment contre le texte portant création du procureur financier, qui ajoutera à la complexité et réduira les moyens des GIRS. Vous entendez lutter contre la fraude fiscale, madame la garde des sceaux. Mais alors, pourquoi présenterez-vous dès ce soir devant l’Assemblée nationale, pour la première fois depuis dix ans, un budget dont les dépenses de fonctionnement diminuent ? Vous diminuez le nombre de magistrats.

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est faux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. On en reparlera !

M. le président. Merci de conclure, monsieur Blanc.

M. Étienne Blanc. Vous diminuez le remboursement des expertises. Vous diminuez les moyens de la justice.

Pendant dix ans, sous l’autorité de Jacques Chirac comme sous celle de Nicolas Sarkozy, les budgets de la justice ont été en nette augmentation.

Mme Laurence Dumont. Mensonge !

M. Étienne Blanc. Avec vous, pour la première fois, le budget de la justice est en diminution ! Votre texte est un texte d’affichage, madame la ministre. C’est la raison pour laquelle l’UMP ne le votera pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants559
Nombre de suffrages exprimés556
Majorité absolue279
Pour l’adoption358
contre198

(Le projet de loi est adopté.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix le projet de loi organique, relatif au procureur de la République financier, tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Je rappelle que l’adoption de ce projet de loi organique nécessite la majorité des membres composant l’Assemblée, soit 289 voix. Le scrutin public se déroule dans les salons voisins de l’hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Le scrutin est ouvert pour trente minutes, il sera donc clos à 17 h 30.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 567

Nombre de suffrages exprimés 539

Majorité requise 289

Pour l’adoption 336

Contre 203

(Le projet de loi organique est adopté.)

5

Projet de loi de finances pour 2014

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 (nos 1395, 1428).

Enseignement scolaire

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’enseignement scolaire (n1428, annexe 26 ; n1429, tome IV).

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé du budget, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mesdames et messieurs les députés, le budget 2014 confirme la priorité que le Gouvernement et le Président de la République ont accordée à l’éducation et à la jeunesse. Le projet de loi de finances pour 2014, par les moyens qu’il met à la disposition de l’éducation nationale, permet sa refondation. Ce budget, qui demeure le premier poste de dépenses de l’État, est porté pour l’année 2014 à 63,4 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de plus de 740 millions d’euros, soit 1,19 % – la hausse est de 1,27 % si l’on ne comptabilise pas les charges des pensions de retraite.

Ces moyens, vous le savez, sont d’abord des moyens humains, qui viennent réparer des années de difficultés vécues par l’éducation nationale, mais surtout par les élèves et les enfants de France. Ils répondent directement à l’engagement du Président de la République de créer 54 000 postes d’ici à la fin du quinquennat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Rémi Delatte. Une paille !

M. Vincent Peillon, ministre. Cet engagement porte sur les moyens humains, dont nous avons eu l’occasion de débattre à plusieurs reprises dans cet hémicycle, mais vise également à une amélioration qualitative de notre système d’enseignement, qui en a malheureusement bien besoin – je pense en particulier aux 20 % à 25 % de jeunes qui connaissent aujourd’hui de lourdes difficultés au terme de leur scolarité obligatoire. Ainsi, 8 064 postes sur les 8 804 créés dans le cadre de ce budget iront à la reconstitution d’une formation initiale des enseignants. Tous ceux qui connaissent et aiment – les deux vont souvent ensemble – l’éducation nationale savent qu’en matière de performances scolaires des élèves, tous les systèmes fonctionnent grâce à la formation initiale et continue dont bénéficient les professeurs. La majorité précédente avait jugé pertinent de supprimer la formation des enseignants en France. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. C’est un mensonge et vous le savez !

M. Vincent Peillon, ministre. Ce fut une erreur lourde, conséquence d’une décision prise exclusivement pour des raisons comptables et sans tenir compte du sacrifice de notre jeunesse et de notre avenir.

Ce sont donc 8 064 postes qui sont créés pour revenir à un système comprenant des enseignants stagiaires, c’est-à-dire des personnels qui à mi-temps enseignent et à mi-temps sont formés.

M. Julien Aubert. Comme le ministre !

M. Vincent Peillon, ministre. Si la création de 8 064 postes est nécessaire, c’est bien que la formation initiale avait été supprimée.

Ce budget permet également de financer le recrutement de 6 000 emplois professeurs d’avenir, ce qui va permettre de remettre en place une filière d’où sortiront, demain, les enseignants dont le pays a besoin – car nous avons connu, ces dernières années, une grave crise du recrutement. Comme vous le voyez, les moyens financiers accordés à l’éducation nationale traduisent un engagement au service de la réussite des élèves de France.

Le budget 2014 réaffirme également la priorité donnée au premier degré, en permettant la mise en place du dispositif « plus de maîtres que de classes », grâce auquel les maîtres peuvent travailler différemment dans les écoles et assister davantage les élèves qui en ont le plus besoin, mais aussi en permettant la scolarisation des enfants de moins de trois ans, qui avait été interrompue brutalement en 2002, ainsi que l’amélioration de l’accueil et la couverture de nos besoins démographiques – car, dans le primaire comme dans le secondaire, on assiste à un afflux de nouveaux élèves.

Ce budget permet aussi, pour le primaire, de revaloriser le métier d’enseignant dans le premier degré, avec la montée en charge de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves, créée pour bien marquer, à l’attention des professeurs, l’attachement et la considération que nous leur portons. Cela représente, pour 2014, un coût de 55 millions d’euros.

De la même façon, le budget prévoit la création de 30 000 contrats aidés, tous affectés à des tâches qualitatives, dont 10 000 contrats aidés destinés à apporter aux directeurs d’école une aide dont ils se sont trouvés dépourvus ces dernières années, ce qui les a placés face à de grandes difficultés dans l’exercice de leurs fonctions. Dans le second degré, les moyens sont affectés en priorité aux collèges et aux lycées connaissant des difficultés. Ainsi, 12 000 contrats aidés viennent renforcer la présence des adultes dans ces établissements.

Des moyens très importants sont consacrés au recrutement de personnels non enseignants, en particulier en faveur de l’accompagnement et de l’accueil des enfants en situation de handicap. Le handicap était au centre de nos débats lorsque nous avons débattu de la loi de refondation. Le budget 2014 intègre des moyens dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap, avec la création de 350 postes d’auxiliaires de vie scolaire, mais aussi la cdisation, à partir de 2014, des auxiliaires de vie scolaire en contrat depuis six ans.

M. Thierry Braillard. Très bien !

M. Vincent Peillon, ministre. Ce dispositif, qui concerne 2 800 personnes pour 2014, va permettre aux personnels concernés de sortir d’une situation de précarité qui nous paraissait indigne de l’objectif d’intégration de notre école.

M. Olivier Falorni. Tout à fait !

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

M. Vincent Peillon, ministre. Trois amendements seront donc déposés par le Gouvernement à cette fin. Par ailleurs, 8 000 contrats aidés sont destinés à accueillir ces enfants, avec une qualification différente.

M. le président. Merci de conclure, monsieur le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Un amendement important, annoncé par le Premier ministre et ayant donné lieu à de longues discussions dans cet hémicycle, va être présenté par le Gouvernement : il concerne la prorogation, pour l’année 2014, du fonds relatif à la réforme des temps scolaires et éducatifs.

En votant ces crédits, mesdames et messieurs les députés, vous permettrez à la refondation de l’école de continuer son chemin. C’est, vous le savez, une tâche de longue haleine, mais celle qui sera le plus utile au redressement de notre pays. Le redressement économique, on en parle beaucoup, mais le redressement moral et intellectuel en est aussi la condition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Laurent. Bravo, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à Mme Carole Delga, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Carole Delga, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’éducation nationale, monsieur le ministre délégué chargé du budget, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter les crédits de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » pour 2014. J’ai également le plaisir de vous indiquer, après M. le ministre, que tous les programmes de la mission enregistrent un mouvement de hausse dans ce nouveau budget. Les moyens financiers globaux s’accroissent de 1,19 %, et 8 804 postes supplémentaires sont créés pour le budget de l’éducation nationale.

J’insiste sur ce point, mes chers collègues : l’enseignement scolaire est une priorité affirmée du Président de la République et du Gouvernement. Après des années où les enseignants ont été méprisés et où l’objectif républicain d’égalité des chances était nié et oublié, notre majorité a recréé les conditions favorables pour que l’éducation nationale soit confortée et surtout qu’elle dispose des moyens permettant à nos enseignants de diffuser le meilleur du savoir et des valeurs républicaines pour nos enfants. (« Heureusement que vous êtes là ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Zorro est arrivé !

Mme Carole Delga, rapporteure spéciale. En tout cas, nous ne sommes pas des fossoyeurs, contrairement à d’autres !

Une société ne peut exister que si elle dispose de fondements solides, de piliers. L’éducation en est le premier. La promesse républicaine, c’est que, quelle que soit sa condition sociale ou son lieu de naissance, chaque enfant de France puisse disposer des atouts qui lui permettent d’exercer son libre arbitre et lui donnent le choix de son destin personnel, citoyen et professionnel.

La première marche de cette promesse étant l’enseignement scolaire, nous devons lui donner les moyens de construire sa refondation. La liste des innovations de la politique gouvernementale, menée par Vincent Peillon, est longue. Il s’agit de la priorité donnée à l’école primaire, avec le développement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans et le dispositif « plus de maîtres que de classes » ainsi que la réforme des rythmes scolaires ; de la mise en œuvre de programmes contre le décrochage scolaire ; de la création de 150 emplois de personnels médico-sociaux pour la santé des élèves, de 12 000 contrats aidés pour le climat scolaire ; de la création de 350 postes d’auxiliaires de vie scolaire ; de la mise en place de 8 000 contrats aidés pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap ; de la création, essentielle, des écoles supérieures du professorat et de l’éducation ; de la création d’un service public du numérique éducatif – 10 millions d’euros étant consacrés en 2014 au soutien de projets de développement d’usages du numérique.

L’un de vos mérites, monsieur le ministre, sera d’avoir entrepris, dès 2012, la reconstruction de la formation initiale et continue des professeurs : la fonction d’enseignant est de nouveau reconnue comme un métier. Vous avez également soutenu un effort sans précédent en faveur de l’assistance éducative et de l’accueil des élèves en situation de handicap : l’école pour tous les enfants dans une République pour tous. Je veux aussi souligner la création des emplois d’avenir professeurs, qui renoue avec une tradition de promotion sociale forte dans l’éducation nationale.

L’évolution du niveau de nos élèves est préoccupante, mais l’ensemble des mesures de la refondation de l’école que vous portez permettra de lutter contre tous les déterminismes. Nous avons confiance dans votre action et votre résolution, monsieur le ministre. La relance de la politique d’éducation prioritaire, pour laquelle des décisions importantes sont annoncées à compter de la rentrée 2014, ainsi que le développement des réseaux qui traitent de la grande difficulté scolaire, seront également au cœur de votre engagement.

Vous mènerez aussi à bien, dans les prochaines années, les réformes du collège et du lycée. Je pense également à la valorisation de l’enseignement professionnel, qui doit être au cœur du nouveau contrat entre l’école et la nation. Je n’oublie pas l’enseignement technique agricole, dont les crédits, inclus dans cette mission interministérielle, augmentent de 1,5 % en 2014,  150 postes d’enseignants étant créés. Je rappelle que 1 000 postes le seront sur l’ensemble du quinquennat. L’enseignement technique agricole, dont le taux d’insertion professionnelle dépasse les 85 %, mérite toute notre attention en termes de promotion sociale, de nouvelles pratiques professionnelles et d’ouverture sur l’environnement local, mais aussi international.

D’autres grands chantiers vous attendent : la réforme des programmes, par exemple, ou la mise en place des internats de la réussite, dotés d’un programme budgétaire spécifique.

Vous le voyez, mes chers collègues, les réalisations et les projets menés dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire » permettront de bâtir une société inclusive, une société juste, où chacun choisira sa place et forgera le devenir de son épanouissement.

M. Benoist Apparu. Vous avez le sens de la nuance !

Mme Carole Delga. Je vous engage tous à voter en faveur de ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Julie Sommaruga, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Benoist Apparu. Attendons-nous à des propos tout aussi nuancés !

Mme Colette Langlade. Cessez vos commentaires déplacés !

Mme Julie Sommaruga, rapporteure pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’éducation nationale, monsieur le ministre délégué chargé du budget, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, Carole Delga ayant présenté la partie budgétaire proprement dite, je n’évoquerai que les aspects les plus structurants de cette mission, avant de vous présenter le thème d’investigation de mon rapport.

Le projet de loi de finances pour 2014 donne à l’école les moyens de sa refondation. Après dix ans de casse de notre système éducatif (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Guénhaël Huet. Toujours le sens de la nuance !

Mme Julie Sommaruga, rapporteure pour avis. …ce budget est la preuve que l’éducation est élevée au rang de priorité de la nation. C’était un engagement fort du Président de la République, qui se traduit par un effort budgétaire sans précédent. J’en donnerai quelques exemples. Tout d’abord, le statut et le métier d’enseignant sont reconnus.

M. Guénhaël Huet. Ils l’étaient déjà avant !

Mme Julie Sommaruga, rapporteure pour avis. Outre la mise en place des ESPE, le Gouvernement a créé une prime de 400 euros pour les professeurs des écoles. Ensuite, 8 804 nouveaux postes seront créés l’année prochaine, principalement dans l’enseignement primaire, auxquels il convient d’ajouter le recrutement de 6 000 emplois d’avenir professeur supplémentaires. Enfin, un CDI sera proposé à 2 800 auxiliaires de vie scolaire employés sous statut d’assistant d’éducation arrivant au terme de six années de contrat.

J’en viens à présent à mon avis budgétaire, qui porte sur l’enseignement scientifique dans le primaire et au collège. La refondation de l’école conforte cet enseignement : les missions de l’école élémentaire incluent, depuis le vote de la loi du 8 juillet 2013, l’acquisition d’une culture scientifique et technique, et le rapport annexé préconise une évolution de la pédagogie pour renforcer l’attractivité des sciences.

Ces orientations doivent être saluées, car l’enseignement scientifique est en crise. Crise des résultats, d’abord, qui baissent ou stagnent. Problème de la formation, ensuite : les professeurs des écoles, issus à 75 % des disciplines littéraires ou sociales, ne sont pas toujours armés pour mettre en œuvre, dans les classes, une démarche scientifique. Crise des contenus, enfin : mes interlocuteurs ont dénoncé le caractère inaccessible des programmes, qui accumulent les notions sans que les savoirs soient construits.

Par ailleurs, l’enseignement scientifique souffre de la rupture, lors du passage en sixième, du monde de la polyvalence au monde des disciplines. En outre, au collège, les classes surchargées et la quasi disparition des personnels de laboratoire et du fléchage des heures de travaux pratiques conduisent à sacrifier la partie expérimentale des apprentissages.

Quels sont les leviers qui pourraient permettre de rénover cet enseignement en souffrance ? Le rapport que j’ai présenté la semaine dernière en identifie plusieurs. Permettez-moi d’en citer trois. Le premier levier est celui de la refonte des programmes. C’est pour moi l’occasion de saluer l’installation, le 10 octobre dernier, du Conseil supérieur des programmes, car la refondation ne pourra pas fonctionner sans instituer, à tous les niveaux, plus de cohérence et de continuité entre les programmes. Il faudrait mettre en avant des thèmes ou des objets scientifiques qui permettent de faire converger les disciplines et sanctuarisent la démarche d’investigation et les travaux pratiques, complétant ainsi l’apprentissage des fondamentaux. Il faudra trouver le bon équilibre entre la démarche expérimentale et l’acquisition de ces fondamentaux.

Le deuxième levier est celui de la formation continue. À titre d’exemple, l’expérimentation PACEM débouche sur des résultats rapides s’agissant des acquis mathématiques. Je n’ignore évidemment pas notre cadre budgétaire contraint, mais nous devrions investir dans la formation continue. Il faudrait développer, dans ce but, des formations partenariales avec les universités, les organismes de recherche, les sociétés savantes, et même recourir aux compétences de nos doctorants et de nos élèves ingénieurs.

J’en viens au troisième levier, celui des activités périscolaires à caractère scientifique. Avec d’autres collègues, j’ai amendé le rapport annexé de la loi sur la refondation pour souligner leur intérêt. Pour qu’elles soient utiles, ces activités devraient être effectuées en complémentarité avec l’enseignement scientifique, le professeur devant évidemment en être le maître d’œuvre. À cet égard, les projets éducatifs territoriaux peuvent être l’occasion de développer la culture scientifique des élèves.

En conclusion, je dirai que la refondation de l’école passe aussi par le renforcement de la culture scientifique. C’est un enjeu pour l’attractivité des carrières scientifiques, pour notre compétitivité, mais aussi pour la République car, pour exercer leur liberté et faire nation, nos enfants doivent acquérir et développer un rapport à l’erreur, au questionnement et au doute. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’éducation nationale, monsieur le ministre délégué chargé du budget, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, le budget de l’enseignement scolaire pour 2014 est avant tout la traduction de la loi de refondation de l’école de la République, pour l’examen de laquelle notre commission s’est particulièrement investie tout au long de l’année 2013. Il donne, en effet, monsieur le ministre, les moyens correspondant à la belle et forte ambition que vous avez portée pour l’école dès votre prise de fonctions, et qui voit, aujourd’hui, sa traduction concrète. Nous l’avons dit dès le mois de septembre, nous avons plaisir à le rappeler aujourd’hui : cela faisait si longtemps, oui, si longtemps que nous n’avions pas eu une aussi bonne rentrée scolaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce budget permet de donner corps à la priorité au primaire, qui nous est collectivement si chère, en accordant des moyens humains nouveaux au dispositif « plus de maîtres que de classes », à la scolarisation des enfants de moins de trois ans et à l’amélioration de l’accueil des élèves. Il permet aussi de poursuivre le rétablissement de la formation initiale des enseignants, qui était tellement attendue. Notons, à cet égard, que la réforme des concours de recrutement des enseignants sera pleinement effective dès la session du printemps 2014. Je n’oublie pas, par ailleurs, que le Conseil supérieur des programmes a été récemment installé et va pouvoir commencer à travailler.

Ce budget donne aussi de réels moyens pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap, ou encore pour faire entrer l’école dans l’ère du numérique. Il est, de ce fait, à l’image de la politique que mènent le Gouvernement et sa majorité : global et cohérent. De fait, il s’articule parfaitement avec un autre pan de cette ambition, dont on parle tant, et trop souvent à tort et à travers : je veux parler de l’aménagement des rythmes éducatifs.

Faut-il encore rappeler le sens de cette réforme ?

M. Benoist Apparu. Apparemment, oui !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il s’agit d’assurer, avant tout, l’intérêt de l’enfant en organisant mieux son temps, en lui permettant de mieux apprendre et en permettant à tous les enfants, sans distinction, de bénéficier d’activités culturelles, sportives, scientifiques ou citoyennes. La ville de Paris a ainsi fait, comme d’autres communes, le choix de la mise en œuvre de la réforme dès la rentrée 2013. Pour l’évaluer sur le terrain, nous nous sommes d’ailleurs rendus, le 9 octobre dernier, Yves Durand, Valérie Corre, Martine Faure, Martine Martinel et moi-même à l’école élémentaire de la rue Saint-Bernard, dans le XIe arrondissement, pour un échange particulièrement constructif avec la directrice de l’école et ses équipes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons constaté que l’application de la réforme a nécessité une coordination renforcée des équipes et, naturellement, des ajustements. Rappelons à cette occasion le rôle essentiel joué par les directrices et directeurs d’écoles. Le fort taux d’inscription des élèves aux activités périscolaires ainsi que la qualité des activités proposées nous ont confortés dans l’idée que cette réforme était indispensable à la réussite éducative de tous les élèves, en contribuant à casser les déterminismes sociaux. Je tenais à le souligner avec force et conviction.

Tout en rendant hommage à Carole Delga, rapporteure spéciale de la commission des finances, pour sa contribution majeure, je veux saluer ici le travail de Julie Sommaruga, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui s’est saisie, avec l’enthousiasme qu’on lui connaît, de la question de l’enseignement des sciences à l’école, qu’il s’agisse du primaire ou du collège. Partant du constat de la désaffection des jeunes Français à l’égard des sciences, elle a non seulement effectué, dans son rapport pour avis, un état des lieux des faiblesses de cet enseignement, mais aussi proposé les voies et les moyens de le revisiter et de le renforcer. Elle a ainsi exploré les améliorations possibles en matière de formation initiale et continue des enseignants mais aussi ce que pourraient être les contenus et la pédagogie d’un enseignement des sciences à l’école rénové. Je la remercie sincèrement du travail utile et efficace qu’elle a effectué au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Je terminerai mon intervention en vous citant, monsieur le ministre de l’éducation nationale. Vous avez en effet déclaré : « La France peut se rassembler autour de son école. Elle le doit à ses enfants. C’est la condition de son redressement et c’est la clef de son avenir. » Nous le croyons sincèrement, sur les bancs de la majorité, et le budget de l’enseignement scolaire est là pour montrer que le Gouvernement a souhaité s’en donner réellement les moyens. C’est une chance pour notre pays, que nous devons collectivement saisir, et que nous saisirons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe UDI.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la France consacre à son système éducatif des moyens comparables, voire supérieurs, à ceux de pays qui assurent mieux la réussite de leurs élèves. C’est ce que nous rappelle le récent rapport de la Cour des comptes, intitulé « Gérer les enseignants autrement ». Ce constat était une formidable occasion de construire un budget innovant. Quelle chance offerte sur un plateau pour améliorer l’offre éducative, pour concevoir des démarches collectives de la part des équipes éducatives, pour repenser les modalités de recrutement des enseignants, pour valoriser, au fond, les motivations de carrière, toutes choses que le rapport aborde ! De fait, ce rapport dresse les conditions indispensables à la reconnaissance des missions multiples et complexes des enseignants qui les placent au cœur du projet républicain. Il précise qu’avant tout accroissement des recrutements dans l’éducation nationale, ce qui doit être repensé, c’est bien l’attractivité du métier d’enseignant, notamment en intégrant dans le salaire de base les primes et indemnités correspondant aux tâches effectuées dans l’établissement, en assurant une véritable formation initiale et continue, en donnant aux enseignants les moyens d’accomplir toutes leurs missions – construction de bureaux et de salles, équipement en ordinateurs personnels –, et en leur proposant des responsabilités dans l’établissement.

Eh bien, de cela, nous ne voyons aucune trace dans ce budget, qui est pourtant le premier de France, par son poids, par son périmètre et par ses effets de longue traîne pour notre pays. Non seulement, nous n’en voyons aucune trace, mais vous faites le contraire de ce qui est suggéré. À la façon de Dostoïevski dans L’idiot, en quelque sorte, vous empirez les choses. Je ne suis pas sûr que le système éducatif français, qui continue de dégringoler dans les classements PISA, trouve là une rédemption ultime.

Mme Marie-George Buffet. PISA, ce n’est pas la référence absolue !

M. Rudy Salles. Ce que nous voyons dans ce budget c’est, une fois encore, l’expression d’un déni de réalité, qui paraît d’autant moins attaquable que vous y mettez les moyens. La meilleure illustration nous en est donnée par les programmes 140 et 141, qui concernent la formation des personnels enseignants. Un gros effort est réalisé de ce côté-là.

Mais s’est-on interrogé sur les difficultés pour construire les contenus des cours pour les différents destinataires de ces formations, qui comportent certes des intitulés, mais qui manquent parfois de contenus précis ? S’est-on interrogé sur le flou persistant des épreuves de concours, sur la structure de l’ESPE et les querelles de territoires qui en ont résulté : qui fait quoi ? Comment ? Dans quelles structures ? Avec quels intervenants ? Qu’a-t-on fait avec la multiplicité des statuts : CAD2, FSTG, M1, M2 en stage, EAP, contractuels ? On s’y perd ! Et les enseignants eux-mêmes, aussi.

En somme, rien ne nous permet d’espérer que, derrière les nouvelles façades des ESPE, ne se profile pas déjà l’échec des IUFM.

Vous répétez « pédagogie, pédagogie, pédagogie » à la façon d’un érudit, mais il me semble que vous en avez oublié le préalable fondamental : le socle. Qu’est devenu ce socle qui s’intitulait modestement « de connaissances et de compétences », sans évoquer la culture ? Il était dans la loi et paradoxalement, depuis la nouvelle loi dite de refondation, il en est sorti. Le socle fait l’école buissonnière, avec son petit balluchon pédagogique sur le dos. Nous le cherchons toujours !

Mme Colette Langlade. Mais où le cherchez-vous ?

M. Rudy Salles. Et je ne parlerai pas, parce que je l’ai déjà évoqué lors de la discussion sur le projet de loi pour la refondation de l’école de la République, de l’indicateur 1.1 du programme 140, qui n’est pas renseigné pour 2012 et ne le sera pas pour 2013. Il s’agit pourtant de l’évaluation des résultats des enfants en primaire ; or vous avez décidé que ces éléments fondamentaux d’analyse demeureraient désormais au niveau de chaque établissement et ne remonteraient plus. Où est donc l’objectif pédagogique ? Comment allez-vous fonder une politique scolaire nationale de la réussite dans de telles conditions ?

Un mot, enfin, sur votre façon de reprendre les projets de votre prédécesseur alors que vous les avez vilipendés et voués aux gémonies : je veux parler du programme 408 et des internats d’excellence, qui sont maintenant « de réussite ».

Mme Martine Pinville. Mensonge !

M. Rudy Salles. Soit, mais entre nous, rien de nouveau sous le soleil ! Il y a simplement des mots tabous, qui ont dû heurter vos chastes oreilles : l’excellence serait peut-être un terme élitiste, qui sait ? Il suffit pourtant de regarder ce qui se réalisait dans les internats d’excellence pour comprendre que c’était un chemin d’excellence qui était offert à chacun, à chaque enfant, mais aussi à chaque agent de l’éducation nationale, enseignant ou non. On a donc changé l’étiquette pour conserver le produit, mais la facture est encore plus salée qu’elle ne l’était jusque là.

Vous comprendrez en conséquence, monsieur le ministre, que votre absence d’ambition pédagogique réelle, associée à une explosion de dépenses, conduise le groupe UDI à voter contre ce budget, parce qu’il croit, lui, au contraire, aux nécessités de l’innovation et au sens des responsabilités dans la gestion publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteures, chers collègues, pour refonder l’école de la République, il faut avoir les moyens de ses ambitions. Ce budget, en augmentation, prolonge avec cohérence la réforme votée il y a quelques mois : nous nous en réjouissons d’autant plus que les priorités annoncées vont dans le bon sens. Je pense à la priorité donnée à l’école primaire, aux nombreuses créations de postes, à la restauration de la formation des futurs enseignants avec la création des ESPE, à la volonté d’accueillir les enfants de moins de trois ans issus de milieux en difficulté ou encore, pour ne citer que quelques exemples, à la scolarisation des élèves en situation de handicap et à la professionnalisation des AVS. Je voterai d’ailleurs avec plaisir l’amendement que vous venez d’annoncer, monsieur le ministre, sur la cdisation des AVS.

Bien sûr, toute réforme digne de ce nom appelle des ajustements : l’exemple des ESPE a déjà été cité plusieurs fois, et je pense aussi à la réforme des rythmes scolaires. Dans certains cas, il est nécessaire d’organiser une plus grande concertation avec l’ensemble des acteurs – équipes éducatives, parents d’élèves, associations et personnels de l’action médico-sociale. À travers les projets éducatifs de territoires, il s’agit en effet de co-construire une politique éducative cohérente permettant de dépasser le traditionnel séquençage des temps scolaire et périscolaire. C’est là une belle opportunité pour réinventer l’école, pour faire de la pédagogie autrement : il faut donc s’en saisir. Pour que cela fonctionne, les activités proposées doivent aussi être gratuites.

M. Rémi Delatte. Qui paie ?

Mme Barbara Pompili. J’insisterai donc à nouveau ici, monsieur et madame les ministres, sur le besoin de pérenniser le fonds d’accompagnement pour appuyer les collectivités territoriales dans la mise en place des PEDT.

M. Rémi Delatte. Donnez-leur en les moyens !

Mme Barbara Pompili. Soyons les garants de l’équité territoriale.

Il faut aussi que le soutien aux associations soit maintenu. Je pense particulièrement au secteur de l’éducation populaire, qui semble souffrir d’un manque de moyens préjudiciable à la réussite de cette réforme.

En matière budgétaire, un autre point m’interpelle : la faiblesse des crédits dédiés à l’innovation pédagogique. En effet, la refondation doit avoir l’audace et l’envergure nécessaires pour faire mieux et autrement ; or les 55,6 millions d’euros consacrés aux actions pédagogiques nous semblent bien trop maigres.

D’un point de vue plus général, nous sommes nombreux à vous avoir demandé où en est la mise en place du comité de suivi de la loi pour la refondation de l’école. C’est en analysant la mise en place des nouveaux dispositifs votés que nous saurons les adapter ; c’est aussi une façon de s’assurer que l’ambition qui a animé cette refondation s’inscrive dans la réalité, et ce à tous les niveaux. Je pense à la formation professionnelle des futurs enseignants et à la place du concours – que nous souhaitons, vous le savez, en fin de licence –, à l’ouverture des ESPE à l’ensemble des acteurs œuvrant dans le champ de l’éducation, à l’organisation d’un véritable pré-recrutement qui aille au-delà des emplois d’avenir professeurs, aux modules de sensibilisation à l’égalité hommes-femmes et, pourquoi pas, à la lutte contre les stéréotypes de genre – sur ce point, vous connaissez ma position –,…

M. Xavier Breton. Bien sûr : c’est une obsession !

Mme Barbara Pompili. …ou encore à la scolarisation effective des élèves handicapés car, rappelons-le, l’école doit être un lieu inclusif quelles que soient les difficultés des uns ou des autres, et non un lieu de sélection.

À cet égard, les internats de la réussite posent problème. Les similitudes avec les internats d’excellence n’augurent rien de bon. Pour mener une vraie politique d’aide aux élèves les plus en difficulté, pourquoi s’appuyer sur un modèle décrié, notamment si l’on regarde le coût de ces internats par rapport à la faiblesse numérique des élèves concernés ? Les 150 millions d’euros dédiés à ces internats auraient plus d’effets s’ils venaient renforcer les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – les fameux RASED –, qui s’adressent dès le primaire à tous les élèves en difficulté, et non à une petite minorité sélectionnée. D’où notre amendement, monsieur le ministre.

Pour œuvrer véritablement à la réussite de tous et de toutes, il faut renforcer le taux d’encadrement des élèves dès la maternelle et disposer d’équipes pédagogiques motivées et soudées autour d’un projet d’établissement. C’est pourquoi il convient de mener une réflexion sur le métier des enseignants afin de mieux valoriser leur travail et reconnaître leurs spécificités – je pense par exemple aux chefs d’établissements et aux professeurs principaux. Il s’agit de se donner les moyens de créer de véritables dynamiques d’équipes, déterminantes dans la réussite des dispositifs d’éducation prioritaire.

Nous espérons d’ailleurs que la réforme de l’éducation prioritaire sera prochainement à l’ordre du jour de cette assemblée, en lien avec la politique de la ville par exemple. La question de la carte scolaire devra alors être reposée.

Pour revenir aux internats de la réussite, pourquoi ne pas relancer tout simplement la politique d’internat, mais pour toutes et tous ? Vous l’aurez compris !

Enfin, je tiens à souligner notre inquiétude face à la diminution des crédits dédiés à l’apprentissage, qui ne pourra pas représenter une alternative crédible et prometteuse pour les jeunes et pour leur avenir.

Vous le savez, monsieur le ministre : nous soutenons votre volonté réformatrice et nous voterons bien entendu le budget présenté. Mais nous espérons que nos remarques seront entendues,…

M. Vincent Peillon, ministre. Comme toujours !

Mme Barbara Pompili. …car il y va de l’ambition donnée à cette réforme. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteures, le 19 mars dernier, lors de l’adoption en première lecture du projet de loi sur la refondation de l’école de la République, j’exprimais toute la fierté du groupe RRDP et notre conviction profonde de vivre un moment important de notre législature. Aujourd’hui, nous sommes appelés à nous prononcer sur la traduction budgétaire d’une ambition noble, mais qui résonne aussi comme une urgence.

Car il s’agit bien d’une refondation, et de reconstruire ce qui a été détruit, piétiné. Entre 2007 et 2012, 80 000 postes ont été supprimés tandis que la pédagogie a été kidnappée, avec la suppression de la formation des personnels enseignants et non-enseignants à qui l’on n’a pourtant jamais cessé de demander toujours plus : inculquer des connaissances, mais aussi se substituer aux services sociaux, aux psychologues, à la famille, voire à la police en dénonçant – chacun s’en souvient, hélas – les enfants potentiellement à risque pour la société, et ce dès le plus jeune âge. Voilà ce que nous a laissé l’ère Fillon-Sarkozy : une politique irresponsable, désinvolte et coupable…

M. Benoist Apparu. Rien que cela !

M. Patrick Hetzel. Quel sens de la nuance ! Quelle objectivité !

M. Xavier Breton. Cela vous fait du bien !

M. Olivier Falorni. …parce que propice à diviser plutôt qu’à rassembler, une politique à laquelle le budget pour 2014 va enfin mettre un terme.

Pas moins de 15,9 % du budget de l’État est consacré à l’école : le montant des crédits s’élève à 64,8 milliards d’euros, en augmentation de 1,2 % par rapport au budget 2013. Mais ce qui importe ici, bien plus encore que les chiffres, c’est l’articulation des crédits alloués. Cette articulation traduit une ambition double : reconstruire, mais aussi et surtout bâtir. Ainsi, en 2014, près de 874 millions d’euros seront consacrés à la formation des personnels enseignants des établissements scolaires des premier et second degrés. Le travail de sape du précédent quinquennat est désormais révolu, et la pédagogie va pouvoir se retrouver au cœur du métier d’enseignant, une place qu’elle n’aurait jamais dû quitter.

Mais au-delà du rétablissement d’une formation des professeurs, avec la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, c’est également le contenu des enseignements qui a été revu, avec notamment la réintroduction de l’enseignement de la morale laïque à l’école. « Le triomphe de l’esprit laïque, écrivait Ferdinand Buisson, c’est de réunir les enfants de toutes les églises pour leur faire commencer la vie dans une atmosphère de paix, de confiance et de sérénité. »

M. Thierry Braillard. Bonne référence !

M. Olivier Falorni. Il est urgent, aujourd’hui sans doute plus que jamais, de donner aux citoyens de demain des armes pour faire reculer les poussées extrémistes qui gangrènent notre société. Ces armes sont la connaissance, la curiosité, l’acquisition de l’esprit critique et la volonté de découvrir toutes les richesses de la diversité culturelle.

Je veux insister ici sur l’espoir que représente la réaffirmation de la laïcité et des valeurs de la République à l’école. Le Gouvernement a d’ailleurs accédé à une demande du groupe RRDP, et en particulier de mon collègue Thierry Braillard, pour que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 soit apposée de manière visible dans tous les établissements scolaires publics et privés sous contrat. Des enfants seront peut-être ainsi moins malléables et moins portés à brandir des bananes au passage d’une ministre de la République qui, au demeurant, honore notre pays par sa présence, sa pensée et son action. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.) Mes chers collègues, dans cette période de crise et de perte d’identité, il s’agit aujourd’hui de donner à la jeunesse les repères indispensables que sont la laïcité et la République.

Agir pour l’école, c’est agir pour l’avenir et pour la pérennité de nos institutions démocratiques, car c’est à l’école que se construit l’attachement citoyen aux valeurs de la République. Cet attachement si primordial ne pourra par ailleurs se construire si nous ne donnons pas à l’école les moyens de favoriser l’égalité des chances.

Par ailleurs, la loi du 8 juillet 2013, que le présent projet de loi de finances concrétise, envisage avec force une école inclusive pour les élèves en situation de handicap : plus de 709 millions d’euros de crédits sont ainsi débloqués, contre 580 millions inscrits au PLF pour 2013. Cela représente près de 3 000 auxiliaires de vie scolaire qui verront leur contrat évoluer en CDI, 350 postes créés et 8 000 contrats aidés recrutés.

Au nom du groupe RRDP, je veux vous dire, monsieur le ministre, que nous apprécions votre engagement au service de l’école républicaine et de ses enfants. Vous pourrez compter sur notre soutien total pour mener à bien cette belle ambition : bien sûr, nous voterons ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteures, nous sommes en présence d’un budget d’une espèce rare : un budget en augmentation, ce dont nous nous félicitons. Mais cette augmentation est encore maigre au regard des années de diète que nous avons vécues sous la majorité précédente, mais aussi au regard des défis de la loi pour la refondation de l’école. Avec une hausse de 1 %, nous aurons encore du mal à satisfaire les besoins de la communauté éducative pour assurer à tous les enfants l’école de la réussite.

Nous sommes tous satisfaits qu’en cette rentrée, tous les élèves aient eu un maître dans le premier degré. Oui, chers collègues de l’opposition, créer des postes, cela sert ! Mais on peut s’inquiéter du fait que, avec 30 400 élèves supplémentaires à la prochaine rentrée, les créations de postes soient en retrait : 2 355 en 2014 pour 3 046 en 2013.

Nous avons appuyé la décision de développer l’accueil des moins de trois ans comme facteur de lutte contre les inégalités, mais nous ne retrouvons pas les moyens pour déployer cet effort en 2014.

Cette année déjà nous sommes loin d’avoir répondu aux attentes. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, seulement seize classes ont été créées.

Enfin, vous annoncez le recrutement de 6 000 emplois d’avenir professeur supplémentaires à la rentrée 2014, mais le dispositif a du mal à démarrer : 2 800 recrutements ont eu lieu sur les 4 000 prévus. Les critères sociaux exigés pour avoir accès à ce dispositif, sans que les jeunes concernés bénéficient d’un véritable prérecrutement, constituent sûrement l’une des causes de ce manque de vocations, mais plus globalement c’est le métier qui a besoin d’être revalorisé.

Ainsi, la communauté éducative de mon département a souligné la nécessité de stabiliser les équipes pédagogiques et de mettre fin à la diversité de situation et de statut des enseignants : fonctionnaires stagiaires, contractuels admissibles, étudiants stagiaires et titulaires, avec pour chacun un statut et un salaire différent, le plus bas se situant à 1 347 euros nets pour un fonctionnaire stagiaire débutant. Comment sécuriser un parcours de formation quand on est soi-même dans une situation fragile ? À ce propos, je me félicite de l’amendement du Gouvernement concernant les AVS.

Nous nous réjouissons, après la suppression des IUFM, du retour à une formation professionnelle des maîtres. Monsieur le ministre, vous nous avez dit en commission que les difficultés rencontrées en cette rentrée dans l’organisation des ESPE étaient liées au fait qu’il s’agissait d’une première expérience. Nous en prenons acte, mais il est nécessaire que votre ministère et celui de l’enseignement supérieur travaillent, comme c’est d’ailleurs prévu, à unifier les formations et les diplômes délivrés. Nous aurions souhaité aussi que l’enseignement professionnel bénéficie dès cette année de mesures concrètes et de financements visant à revaloriser cette filière.

Si la dimension budgétaire n’est certes pas suffisante, elle est nécessaire quand on sait que les horaires réglementaires ne sont toujours pas respectés en bac pro par le rectorat de Créteil, privant ainsi élèves et enseignants de Seine-Saint-Denis de 2 000 heures en cette rentrée.

Sur les RASED et l’éducation prioritaire, vous avez engagé une réflexion et un travail d’évaluation. Cette réflexion doit être conduite avec le souci de la réussite de tous les enfants sans être parasitée par la rigueur budgétaire. Depuis 2008, 5 000 postes ont été supprimés en RASED ; les besoins sont donc immenses.

Enfin, je veux évoquer la réforme des rythmes scolaires. Modifier les rythmes est une bonne chose pour les enfants, mais des problèmes existent. Vous nous avez dit en commission, monsieur le ministre que, hors du temps scolaire, l’éducation nationale n’est pas responsable.

M. Patrick Hetzel. Eh oui, il l’a dit !

Mme Marie-George Buffet. Certes, mais le Gouvernement ne peut se dégager de ce qui se passe dans le périscolaire. De nombreuses communes, comme ma ville du Blanc-Mesnil, ont refusé la précipitation et ont impulsé une concertation avec les enseignants, les parents, les animateurs et intervenants. J’ai entendu qu’il y avait des difficultés et des inquiétudes quant au respect de l’égalité républicaine et surtout de la qualité éducative due à tous les enfants dans tous les territoires. Comment parvenir à mettre en œuvre cette réforme à la rentrée prochaine – car nous partageons cet objectif – si des moyens ne sont pas dégagés pour aider les communes sur le long terme et pour évaluer les pratiques tout au long de l’année ? On le voit, sans moyens, les plus belles ambitions peuvent mourir avant d’avoir été formulées – pourtant, nous en avons pour notre école et pour la réussite de tous les enfants.

Monsieur le ministre, vous avez dit votre volonté de donner ce souffle nouveau à l’enseignement scolaire dans notre pays. Je veux, moi aussi, vous remercier pour votre engagement. C’est donc pour obtenir les moyens indispensables à cette ambition que les députés du Front de gauche s’abstiendront d’une façon positive sur ce projet de budget. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Benoist Apparu. Il manque un bouton « abstention positive » dans notre boîtier de vote !

M. le président. La parole est à Mme Martine Faure.

Mme Martine Faure. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mesdames les rapporteures, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, la mission budgétaire « Enseignement scolaire » que nous examinons aujourd’hui traduit les choix politiques forts de notre gouvernement, lequel a donné et réaffirmé la priorité à l’école et à la jeunesse – et je l’en remercie.

L’enseignement scolaire est la première mission en termes d’enjeux budgétaires. Le projet de budget intègre les moyens nécessaires à la transformation profonde du système éducatif, laquelle repose en grande partie sur la formation initiale des enseignants et sur la priorité donnée au primaire et à la maternelle, que vous portez, madame, monsieur les ministres.

Ce budget apporte le souffle nécessaire à la réforme engagée en matière d’éducation. Il donne plus particulièrement les moyens de la refondation de l’école, tant en termes d’emplois, de crédits nouveaux et de formation que par la généralisation de la présence du numérique, une politique d’inclusion face au handicap et la priorité donnée au primaire et à la maternelle. Les progrès sont déjà très sensibles en vue d’assurer l’égalité des chances et de répondre aux attentes de l’ensemble des acteurs de l’éducation nationale.

Pour répondre au cadre ambitieux et innovant défini par la loi du 9 juillet dernier, ce budget assure la montée en puissance de la réforme de la formation initiale des enseignants au sein des ESPE. La formation professionnelle des enseignants avait malheureusement été oubliée ces dernières années.

M. Benoist Apparu. Voilà quelqu’un d’un peu plus mesuré !

Mme Martine Faure. L’enseignant n’est pas oublié dans ce budget. De fait, il est l’un des acteurs principaux de la réussite éducative. Les futurs enseignants vont entrer progressivement dans le métier via une formation intégrée et professionnelle. Nous le savons bien, on demande beaucoup aux enseignants : en plus d’exiger d’eux le meilleur dans leur discipline, on attend qu’ils accompagnent les enfants en situation de handicap, qu’ils aient des connaissances en matière de psychologie cognitive pour prendre en charge tous les jeunes, qu’ils transmettent les valeurs de l’égalité ou encore qu’ils veillent à la santé à l’école. Désormais, le fait d’intégrer des écoles professionnalisées et professionnalisantes sera pour eux une grande chance.

Le budget pour 2014 prévoit également le financement des mesures de revalorisation du métier enseignant dans le premier degré, avec la montée en puissance de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves et l’augmentation des possibilités d’accès au grade de professeur des écoles hors classe. C’est une étape qui, nous l’espérons, sera suivie par d’autres.

Ainsi, 8 804 emplois d’enseignants et de non enseignants seront créés en 2014, dont 800 équivalents temps plein d’enseignants du premier degré public pour les secteurs les plus fragiles, permettant ainsi d’atteindre l’objectif « plus de maîtres que de classes ». À partir de la rentrée 2014, les enseignants stagiaires payés à temps plein consacreront la moitié de leur temps au suivi d’une formation et à l’obtention d’un master II dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, le reste étant consacré à enseigner devant les élèves. Cela nécessite, en 2014, la création de 10 247 emplois de stagiaires qui viennent s’ajouter aux 11 476 postes créés en 2013 ; 12 000 contrats aidés seront destinés au renforcement de la présence des adultes dans les établissements afin d’améliorer le climat scolaire. Car, mes chers collègues de l’UMP, la présence des adultes devant les enfants est absolument indispensable pour garantir la réussite de leur parcours.

M. Xavier Breton et M. Benoist Apparu. Qui a jamais prétendu le contraire ?

Mme Martine Faure. Vous, chers amis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, 350 postes d’AVS seront consacrés à l’accueil individualisé des élèves en situation de handicap et 150 équivalents temps plein seront exercés par des personnels médico-sociaux et administratifs – c’est là une nouveauté qui doit être notée.

En même temps, et malgré tout, ce budget veille à la maîtrise des dépenses publiques et à la rationalisation des emplois. Le budget de fonctionnement et d’intervention du ministère, hors mesures nouvelles, diminue de 1,6 %, ce qui constitue un véritable effort de maîtrise compte tenu du dynamisme naturel de certaines dépenses, notamment sous l’effet de l’inflation. Les efforts en matière de maîtrise des dépenses de fonctionnement sont prolongés : les dépenses de fonctionnement courant baissent de 3 % en 2014. Ces efforts sont notamment rendus possibles par des actions déployées tant au niveau des services centraux qu’à celui des services académiques.

Un large consensus existe sur la nécessité de donner la priorité à primaire, de même que sur le caractère indispensable de la formation des enseignants. Il faut également améliorer l’organisation du temps scolaire et périscolaire. Sur tous ces aspects, ce budget est en cohérence avec la grande réforme structurelle et qualitative de la maison école.

Nous ne devons pas gâcher les chances qui nous sont offertes aujourd’hui en matière d’éducation et nous devons déployer tous les moyens pour réussir – réussir pour élever le niveau de tous et améliorer nos performances scolaires en veillant à appliquer la promesse républicaine d’égalité des chances. Sur ce point, je tiens à souligner les engagements pris dans le cadre de la rénovation de l’action publique en faveur de l’éducation prioritaire.

Comme vous l’avez précisé, monsieur le ministre, l’éducation prioritaire fera elle aussi l’objet d’une grande réforme structurelle qui engagera l’avenir de notre nation. Cette réforme est déjà en cours. De fait, les écarts se sont progressivement accrus ces dernières années, et ce dans des proportions inacceptables. Un impératif de justice s’impose à nous pour conduire à la réussite de tous les élèves. Le travail est engagé ; il s’agit d’une réforme nécessaire qui permettra de garantir la cohésion sociale et la réussite éducative.

M. le président. Merci de conclure !

Mme Martine Faure. La concentration des difficultés sociales dans certains territoires ne peut plus durer. Nous devons également prendre en compte les difficultés spécifiques, notamment en assurant une bonne compréhension des difficultés des élèves, et ce dès leur plus jeune âge – d’où l’accueil des enfants de moins de trois ans. Nous devons, en outre, avoir le souci de la continuité pédagogique entre la maternelle et l’élémentaire, comme le précise d’ailleurs la loi. Il nous faut, enfin, garantir une école sécurisée et protectrice et développer un travail collectif des enseignants.

Ce budget ambitieux permet d’actionner les leviers qui sont indispensables à la transformation de la maison école : une formation initiale revisitée, un taux d’encadrement amélioré, un métier progressivement revalorisé et l’éducation prioritaire reconsidérée. C’est une première étape, mais l’ensemble de ces mesures doit amener chaque enfant sur le chemin de sa réussite. Aussi, nous voterons ce budget et j’invite tous nos collègues à faire de même. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Disons-le, monsieur le ministre : le compte n’y est pas.

M. Vincent Peillon, ministre. Oh !

M. Frédéric Reiss. Vous vous obstinez à ignorer l’analyse de la Cour de comptes, selon laquelle le ministère de l’éducation nationale « ne souffre pas d’un manque de moyens budgétaires ou d’un nombre trop faible d’enseignants, mais d’une utilisation défaillante des moyens existants ».

Après l’adoption précipitée de la loi de refondation de l’école, le Gouvernement nous présente sept programmes budgétaires, dont un nouveau de 150 millions d’euros pour les internats de la réussite, dont les objectifs sont pourtant identiques à ceux des internats d’excellence, abrogés précipitamment par l’actuelle majorité. Comprenne qui pourra !

Ce budget répond à certaines attentes : la scolarisation et l’accompagnement des élèves handicapés continuent à progresser, les efforts pour combattre le décrochage scolaire se poursuivent et les 10 millions d’euros consacrés au développement du numérique vont dans le sens de l’histoire. Nul doute, par ailleurs, que les ESPE veilleront à la formation des enseignants sur tous ces points.

Ce budget soulève aussi des questions. L’évolution du statut des enseignants n’aurait-elle pas dû être un préalable à la loi de refondation de l’école ? Une réforme d’ensemble des modalités de gestion et de revalorisation salariale des personnels est attendue dans les écoles, les collèges et les lycées. Au-delà des emplois aidés, les directeurs d’école attendent vos propositions sur la réforme de leur statut – la priorité au primaire passe aussi par là.

Monsieur le ministre, lors de la réunion de la commission élargie, je vous ai demandé quels enseignements vous aviez tirés de la hausse inédite du niveau constatée en maternelle entre 1997 et 2011. Aucune réponse de votre part. C’était pourtant la bonne nouvelle de la rentrée ! Probablement est-il difficile d’admettre pour votre majorité que tous les élèves, les forts et les moins bons, avaient progressé en quatorze années, et ce avant la « refondation ».

Comme l’ont signalé certains collègues, il serait précieux de connaître maintenant l’évolution de la proportion d’élèves maîtrisant le socle commun de connaissances et de compétences. Encore faut-il que les évaluations remontent au ministère…

En commission élargie, de nombreux collègues vous ont interrogé sur la réforme des rythmes scolaires, ce voyage en Absurdie, comme on a pu le lire dans la presse. Après des rapports sur le sujet ayant fait consensus, vous avez réussi à mécontenter parents, enseignants et élus locaux. Même des syndicats qui vous ont soutenu crient halte au feu. Leur revendication ? Que les enseignants puissent « faire classe », tout simplement.

Il y a en effet de quoi être inquiet : entre l’enseignement scolaire et les activités périscolaires, que vous semblez découvrir, il y a maintenant les activités extrascolaires, prescrites par le ministère de l’éducation nationale et mises en œuvre par les collectivités locales qui doivent en subir la charge financière. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

Où est l’intérêt de l’enfant ? Dans les quelque 4 000 communes ayant mis en œuvre votre réforme, les familles sont déstabilisées. Les enfants, surtout ceux des maternelles, sont désorientés : ils ne font pas la différence entre le temps scolaire et extrascolaire et doivent quitter leur maîtresse pour partir avec des animateurs qu’ils ne connaissent pas. Les parents s’inquiètent légitimement de la sécurité des enfants confiés à des gens peu formés.

« Il n’y a pas de grande œuvre qui soit dogmatique » a écrit Roland Barthes. Vous continuez à vivre dans votre bulle, ignorant la réalité quotidienne du terrain. Lorsque vous affirmez : « Moi, je suis responsable des trois heures de la matinée, du lire-écrire-compter, de la réforme des programmes, pas de ce qui se passe après le temps scolaire », c’est une attitude inacceptable, une attitude à la Ponce Pilate.

M. Patrick Hetzel. Tout à fait !

M. Frédéric Reiss. Et pour ce qui est de la semaine et de l’année scolaire, ce n’est guère mieux… Certaines communes abandonnent déjà les neuf demi-journées et la reconduction financière de votre fonds d’amorçage – une ficelle un peu grosse à la veille du congrès des maires de France – n’y changera rien.

Les évaluations de la semaine de quatre jours n’ont jamais été faites sérieusement. Pire, des expériences qui fonctionnaient avec succès depuis plus de vingt ans, à Épinal par exemple, sont anéanties par votre décret du 24 janvier 2013.

Pour la première fois, les élèves ont bénéficié de quinze jours de vacances à la Toussaint : quel courage pour ce premier acte d’une réforme annoncée de l’année scolaire ! Vous parliez de raccourcir les vacances d’été et de zonage, mais le projet de vacances scolaires présenté aux syndicats ne prévoit aucun bouleversement jusqu’en 2017. Courageux, mais pas téméraire !

La réforme des rythmes scolaires est une copie bâclée. De nombreux élus locaux, mais aussi des enseignants et des parents en demandent l’abrogation, ou du moins l’assouplissement. Monsieur le ministre, soyez à l’écoute du terrain. Le service public de l’éducation, première priorité nationale, contribue à l’égalité des chances. Votre réforme des rythmes scolaires est tout le contraire. L’école de la République doit rester un sanctuaire du savoir, ouvert sur le monde qui l’entoure. Le groupe UMP votera contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.

La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Ma question, à laquelle j’associe Véronique Massonneau, porte sur l’enseignement de la langue des signes à l’école. Lors de la précédente législature, le gouvernement a réduit de façon drastique les effectifs dans l’éducation nationale. Depuis un an et demi, fort heureusement, la décision a été prise de revenir sur cette politique en recrutant des enseignants mais aussi des auxiliaires de vie scolaire pour l’aide individuelle – les AVSI – et pour l’aide mutualisée – les AVSM.

Ces auxiliaires ont pour mission notamment d’accompagner les élèves dont la demande d’attention et de soutien est forte, comme les enfants malentendants. Le taux de scolarisation de ces derniers dans les classes bilingues est trop faible, car les enseignants et les auxiliaires manquent d’une formation concrète pour répondre à leurs besoins.

Si des avancées sont à signaler, avec l’ouverture de plusieurs parcours bilingues dans certaines académies, il convient d’insister sur la nécessité d’un programme de formation des enseignants à la LSF, la langue des signes. La parution du premier manuel scolaire d’apprentissage de la langue des signes, la semaine dernière, est une bonne nouvelle.

Mais alors que la lutte contre l’exclusion et pour l’inclusion, la prise en compte du handicap dans ses différentes formes ainsi que la jeunesse sont les priorités du quinquennat de François Hollande, la prise en charge des parcours bilingues et leur mise en œuvre sont encore trop peu nombreuses.

Aussi, pouvez-vous nous indiquer quelle politique le Gouvernement entend mener en faveur de l’intégration des enfants sourds et malentendants au sein du parcours scolaire ordinaire et quels moyens il compte y allouer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative. Améliorer la prise en charge des enfants en situation de handicap est une préoccupation que nous partageons. Vous avez raison de souligner que la situation particulière des enfants sourds et malentendants est difficile à gérer pour nos équipes. Comme vous l’avez dit, la loi permet aux parents d’avoir le choix entre une communication bilingue et une communication en langage parlé complété. Nous faisons en sorte qu’il y ait davantage de places permettant la prise en charge de ces enfants.

J’ai visité plusieurs établissements qui œuvrent de façon magnifique dans ce domaine. À Massy, les enfants sourds et malentendants travaillent en harmonie avec les autres enfants scolarisés. À Tulle a été mise en place une prise en charge spécifique depuis la maternelle jusqu’au lycée.

Aujourd’hui, 73 % des enfants sourds et malentendants sont scolarisés dans les établissements de l’éducation nationale. Nous nous efforçons de veiller à un maillage territorial cohérent et faisons en sorte que la liberté de choix donnée aux parents soit respectée.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Chacun sait l’attachement des radicaux de gauche à la laïcité. Mon excellent collègue Olivier Falorni a cité Ferdinand Buisson, ce que j’ai trouvé surprenant, ou plus exactement flagorneur à l’endroit de M. le ministre. (Sourires.) Pour ma part, je citerai Jean Zay, qui rappelait l’importance des valeurs républicaines – c’était il n’y a pas si longtemps. Lorsque l’on voit ce qui se passe aujourd’hui dans notre société, on comprend à quel point l’impulsion que vous avez donnée, monsieur le ministre, avec la loi du 8 juillet 2013, est essentielle.

Son article 1er prévoit notamment l’apposition de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dans tous les établissements publics et les établissements privés sous contrat. Vous avez rédigé depuis la charte de la laïcité, dont j’ai eu l’occasion de souligner l’extrême importance.

Dans ma circonscription, je connais le cas d’un professeur qui a invité ses élèves à travailler sur les trois premiers articles de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais dans d’autres établissements, rien n’a été fait. Quelles modalités pratiques avez-vous prévues pour que ces textes soient réellement apposés dans tous les établissements et lus par les élèves ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. La réponse est assez simple : Ferdinand Buisson, cité par M. Falorni, appartient naturellement au patrimoine de tous les républicains et surtout de l’école de la République. Nous devons nous souvenir de l’esprit qui inspire notre école, qui est aussi l’esprit de la laïcité.

De nombreux jeunes, et je le déplore, confondent aujourd’hui laïcité et intolérance.

M. Thierry Braillard. C’’est le contraire !

M. Vincent Peillon, ministre. Au contraire, laïcité signifie très largement tolérance et respect de chacun, comme j’aime à le rappeler. Mais la laïcité est davantage encore : dès la Révolution française, cette notion englobait non seulement celle de tolérance, mais aussi celle de liberté. Les citoyens, membres de la communauté fondée sur le droit que nous représentons, ne demandent pas simplement que leurs opinions et leurs croyances soient tolérées, mais que leurs libertés puissent s’exercer quels que soient leurs choix. C’est ce que la République est capable de faire pour chacun. Cela suppose à la fois un sens très précis du commun et un respect permanent de la diversité et de la liberté de conscience.

La laïcité ne s’enseigne pas par la force : c’est un travail de conviction. Tel est le cœur commun de l’école de la République et de l’idéalisme français depuis Descartes. Nous devons convaincre, persuader, montrer que nos valeurs sont les plus importantes. Ferdinand Buisson lui-même, qui avait mené ces combats, avait accepté – les républicains s’en étonnent souvent – que les devoirs envers Dieu aient été maintenus dans les instructions jusqu’en 1923. Notre capitale a connu la querelle des crucifix, et d’autres lui font suite aujourd’hui. A chaque fois, nous ne passons pas par la force, mais par la raison, par l’éducation du jugement et du commun.

Des instructions ont été données. Dans beaucoup d’établissements, la Charte, la Déclaration et même le pavoisement, que vous avez souhaité – je remercie à cet égard l’ensemble de la représentation nationale – se mettent en place. Nous parvenons à convaincre. Depuis le début de l’année, ces nouvelles manières d’enseigner, en particulier les cours d’instruction civique et morale et de morale laïque qui débuteront prochainement, sont portées par l’ensemble du corps enseignant et, au-delà, par l’ensemble de la société.

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour poser sa deuxième question.

M. Thierry Braillard. Dans son excellent rapport pour avis, Mme Sommaruga s’est penchée sur l’enseignement des sciences à l’école primaire et au collège, et sur le développement de la culture scientifique des élèves. Elle y constate que l’enseignement est trop ciblé en tant qu’outil de sélection scolaire, ce qui suscite une désaffection à l’égard des sciences, sans parler des conditions de travail parfois très critiquables qui prévalent dans les enseignements de ces matières. Nous approuvons les pistes de réflexion qu’elle a proposées. À cet égard, il est vrai que la loi du 8 juillet 2013 offre des perspectives concrètes, qu’il s’agisse de la refonte des programmes par le Conseil supérieur des programmes qui vient à peine de se constituer, ou de la revalorisation de l’enseignement scientifique.

Cet enseignement qui offre des perspectives intéressantes, monsieur le ministre, n’en est-il qu’au stade de l’expérimentation, ou peut-on espérer sa généralisation afin d’améliorer la pratique de l’enseignement scientifique et technologique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Ce sujet est d’une importance considérable pour notre pays, qui a connu l’excellence scientifique – je pense par exemple à l’école française de mathématiques, brillante et reconnue. Hélas, les évaluations à venir attesteront des difficultés qui s’accumulent et de la dégradation des résultats des élèves.

La capacité à doter les élèves d’une culture scientifique et technique, à les former au raisonnement inductif, à leur apprendre comment conjuguer preuves rationnelles et preuves expérimentales – méthode qui est au centre du contrat de rationalité sur lequel s’est bâtie la démocratie depuis la Grèce ancienne – et, en somme, à former les techniciens et les ingénieurs de demain, doit être au cœur de notre République. C’est là un sujet essentiel qui répond en partie aux préoccupations exprimées dans les questions liminaires.

Dès lors que nous avons choisi une méthode fondée sur le respect du corps collectif par l’intermédiaire du Conseil supérieur des programmes et d’une évaluation indépendante, c’est au Conseil qu’il revient de traiter cette question de l’enseignement scientifique. Il n’appartient pas au ministre de concevoir les programmes, mais seulement de donner des recommandations.

Comme vous le savez, le Conseil supérieur des programmes est pluraliste et les parlementaires de tous bords y sont représentés. J’ai également souhaité que sa vice-présidence soit confiée à Mme Anny Cazenave, membre de l’Académie des sciences, dont les travaux sont reconnus par le Collège de France, afin de témoigner, dans le sillage des travaux de Pierre-Gilles de Gennes et de Georges Charpak, de notre volonté de mettre la question de l’enseignement scientifique au cœur de la refonte des programmes. Il s’agit pour nous d’un impératif d’ordre moral.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Le 29 août dernier, le Premier ministre a annoncé la titularisation progressive de 28 000 auxiliaires de vie scolaire, ainsi que la reconnaissance de leur métier grâce à la mise en place d’un diplôme d’État et d’une formation renforcée. Ce faisant, il répondait à une revendication de longue date des associations de parents et des syndicats d’enseignants. Les AVS sont des intervenants indispensables au sein de l’équipe pédagogique, puisqu’ils assistent plus de 200 000 élèves handicapés. Or, à l’heure actuelle, l’éducation nationale est incapable d’accueillir tous les enfants handicapés – j’ai fait part, lors de l’examen du projet de loi sur les retraites, de mon cas personnel, ayant rencontré de nombreuses difficultés pour que ma fille puisse être intégrée dans l’enseignement scolaire. Désormais, la présence d’AVS facilite considérablement les choses pour les parents, qui ne sont plus contraints de recourir à des établissements parfois inadaptés au type de handicap de leur enfant.

Pourtant, à ce jour, les AVS n’ont aucun statut. Ils ne disposent que de contrats précaires de courte durée et se retrouvent ensuite sans emploi, tandis que le lien avec l’enfant encadré a été brisé. La mesure proposée est donc une avancée importante, puisqu’il a été précisé qu’elle entrerait en vigueur à la rentrée 2014 pour 3 000 personnes avant de monter en puissance. Des dispositions transitoires devraient être prévues pour l’année scolaire 2013-2014. Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser le contenu du dispositif et le calendrier de sa mise en œuvre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. En effet, le Gouvernement s’est attelé à la question de la pérennisation des contrats des AVS, que les associations posaient depuis des années. Nous avons donc créé un groupe de travail qui, sous la direction de Mme Pénélope Komites, a préconisé cette pérennisation. Comme vous le savez, nous avons décidé qu’à l’issue du CDD de six années, au terme duquel ces personnels devaient généralement quitter leurs fonctions, il leur sera désormais proposé un CDI. Cela représente environ 524 ETP nouveaux par an.

Pour permettre à ces personnels d’être en conformité avec la définition de la fonction, qui a évidemment été assortie d’un référentiel des compétences nécessaires, des formations leur seront proposées ; les agents en exercice pourront également valider les acquis de leur expérience pour faire valoir leurs compétences acquises antérieurement.

En clair, cette réforme essentielle permettra aux enfants d’être mieux accompagnés, ouvrira une véritable perspective de carrière à des agents qui exercent une mission particulièrement importante, et répondra à l’attente déjà ancienne des personnels et des parents d’enfants en situation de handicap. À cet égard, il nous faut remercier les associations nous ont aidés à élaborer ce nouveau statut, et nous féliciter enfin des arbitrages budgétaires qui ont rendu cette évolution possible.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Le volet santé des jeunes est une des principales priorités inscrites dans la stratégie nationale de santé, et doit notamment investir le champ de la promotion de la santé et de la prévention. Or, en France, les dépenses de prévention représentent seulement 2,4 % des dépenses courantes de santé : quels que soient les âges concernés, notre investissement est faible dans ce domaine.

Je souhaite ici aborder la question de la santé à l’école et, plus précisément, de la médecine scolaire. L’acquisition du socle de compétences nécessite une transmission des savoirs dans de bonnes conditions ; mais si un enfant n’a pas la capacité de les recevoir, nous n’aurons pas complètement fait notre devoir. L’école a aussi pour responsabilité l’éducation à la santé et au comportement responsable. Elle contribue notamment au suivi de la santé des élèves. Sans doute serait-il intéressant de préciser les champs d’intervention de la politique de santé à l’école en définissant trois axes : l’éducation, la prévention et la protection.

Lors de la présentation d’un rapport sur la médecine scolaire, j’ai pu constater que de nombreux enfants dont les familles sont en situation d’exclusion ne sont plus suivis par des praticiens de santé, et ce phénomène a tendance à se développer. Face à ce constat, la santé à l’école et, plus spécifiquement, la médecine scolaire, doit être un outil majeur de lutte contre les inégalités sociales dès l’enfance. Elle a vocation à promouvoir la santé au sein de la population scolarisée et à identifier les enfants les plus vulnérables afin de compenser leur absence de recours au système de santé de ville.

En outre, une des missions premières de la médecine scolaire consiste à mettre en place des actions de prévention et de dépistage, qu’il s’agisse de lutter contre les addictions ou de promouvoir l’éducation à la santé. Renforcer, clarifier et rénover les missions de la médecine scolaire permettra à tous les enfants, dès leur plus jeune âge, de bénéficier d’actions de prévention efficaces. Quels sont donc, madame la ministre, vos engagements pour 2014 dans ce domaine, et notamment vos engagements budgétaires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Madame Pinville, nous connaissons bien l’excellent travail que vous avez accompli sur cette question de la santé des élèves à l’école. Vous le savez, la promotion de la santé est l’un des axes importants de l’action de l’éducation nationale. Ainsi, nous avons rappelé dans la loi de refondation du 8 juillet dernier les engagements que nous estimions devoir prendre en la matière.

Le parcours de santé à l’école est naturellement l’un des éléments indispensables à la promotion de la santé dans les établissements. S’agissant de la médecine scolaire, le budget prévoit de donner un coup de pouce à la création d’emplois de médecins, d’infirmières et d’assistantes sociales, dont les effectifs augmenteront en 2014. Cela étant, vous savez que dans ce domaine, la question n’est pas seulement de créer des postes, mais aussi de les pourvoir – et c’est ce point qui pose davantage de problèmes.

C’est pourquoi nous réfléchissons actuellement à l’évolution possible des responsabilités qui incombent aux uns et aux autres, afin par exemple de mieux employer les personnels médico-sociaux de l’éducation nationale pour qu’ils puissent conduire des actions de repérage, de dépistage et de prévention dès les classes de maternelle. Nous pourrons ainsi mieux lutter contre les inégalités, qui sont souvent des facteurs de moindre réussite scolaire.

De même, nous avons créé des groupes de travail et nous œuvrons en coordination avec les autres ministères concernés pour que le parcours de santé s’inscrive dans la durée. Enfin, nous développons partout le travail coordonné entre les académies et les agences régionales de santé, de sorte que la question de la santé à l’école soit davantage prise à bras-le-corps, avec tous les personnels concernés.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Corre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Valérie Corre. Nous examinons aujourd’hui le budget de la mission « Enseignement scolaire » et, une fois n’est pas coutume, je laisserai parler les chiffres : 63,4 milliards d’euros et 1,2 % d’augmentation des moyens alloués à l’école de la République par rapport au budget 2013 – c’est une hausse considérable. Alors que la France connaît d’importantes difficultés économiques, sociales et morales, c’est tout à l’honneur du Gouvernement de M. Ayrault que de maintenir le cap qu’il s’était fixé : celui de la priorité accordée à la jeunesse et à l’éducation.

Prenons le temps d’apprécier ce changement de cap, et de mesurer le chemin parcouru. Rappelez-vous : la droite a supprimé des postes à tour de bras – 80 000 au total – tandis que la gauche, elle, en crée et donne la priorité au premier degré avec le dispositif « Plus de maîtres que de classes », la scolarisation des moins de trois ans, l’assistance aux directeurs et la titularisation des AVS.

La droite, elle, a retiré une demi-journée de classe à nos enfants. La gauche fait ce que tout le monde jugeait depuis lors nécessaire : repenser les rythmes éducatifs dans l’intérêt des enfants, avec des journées moins fatigantes. Elle permet, en octroyant pour la première fois de l’argent de l’État aux communes, de leur donner les moyens d’organiser des activités périscolaires accessibles à tous.

Enfin, la droite a supprimé la formation des enseignants. La gauche ne la rétablit pas, mais elle fait mieux : elle la refonde, elle la rénove, elle la réinvente.

Monsieur le ministre, c’est sur ce dernier point que je souhaiterais vous entendre : sur le volet humain de ces nouvelles écoles. Pourriez-vous nous indiquer combien d’étudiants sont actuellement inscrits, dans toute la France, dans les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation ? Observe-t-on déjà un regain d’attractivité par rapport aux IUFM ?

Enfin, le ministère de l’éducation nationale sera-t-il en mesure de recruter l’ensemble des 60 000 postes voulus par le Président de la République sur le quinquennat ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Vous avez raison, madame la députée, la formation des enseignants est déterminante pour le succès des élèves. C’est sans doute la réforme essentielle. Vous avez d’ailleurs pu juger de son importance dans le budget : elle se voit consacrer pratiquement l’intégralité des moyens humains en termes de créations de postes.

Cela contribue à la revalorisation du métier – c’est là un point qui semble partagé par tous. Cela étant, il ne suffit pas d’en parler, mais de la faire, et la revalorisation du métier a un coût : 800 millions d’euros pour ce qui concerne la remise en place de la formation. Ce sont aussi les mesures que nous avons annoncées : l’indemnité spécifique pour le primaire, l’accès à la hors classe, sans oublier les discussions qui vont s’engager. C’est également l’accompagnement pour les directeurs d’école.

Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation accueillent cette année l’ensemble des étudiants en master 1 et master 2 qui souhaitent se préparer, mais aussi – c’est une nouveauté puisque nous voulons à la fois une entrée progressive et professionnalisante dans le métier – les étudiants en licence. Ces étudiants peuvent accéder aux emplois d’avenir professeur, dès lors qu’ils sont en deuxième année de licence, et accéder à un certain nombre d’enseignements dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Nous nommerons les directeurs au mois de janvier et le fonctionnement définitif aura lieu à la rentrée. Aujourd’hui, les uns et les autres sont mobilisés. S’agissant d’un travail en étroite collaboration, je remercie les universitaires, les présidents d’université, tous ceux qui les entourent, les équipes qui se sont mises au travail et, bien entendu, toute l’éducation nationale pour sa mobilisation.

Cette réforme, comme les autres, prendra du temps pour porter tous ses fruits. Elle n’a pas encore été comprise par ceux qui la critiquent, tant elle est nouvelle dans la façon dont nous concevons le tronc commun et les enseignements professionnels. Mais nous sommes en train de la mettre en œuvre, et je crois qu’après les inquiétudes, légitimes après les années que nous avons connues, tout concourt à faire en sorte que l’optimisme revienne.

J’indique au passage à Mme Marie-George Buffet que 8 000 emplois d’avenir professeur qui ont été recrutés sur 10 000. Fin novembre, nous en serons à 8 000 contrats signés.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Monsieur le ministre, madame la ministre, la question de l’évaluation de notre système éducatif a souvent été au cœur de nos échanges lors de l’examen de la loi dite de refondation de l’école.

Arrêtons de vouloir sans cesse réformer notre système scolaire sans avoir au préalable évalué de façon objective et indépendante la pertinence des actions initiées et l’efficacité des moyens alloués au budget de l’enseignement scolaire.

Dans la loi dite de refondation de l’école, le Haut conseil de l’éducation a été supprimé alors que c’était lui qui, jusqu’à présent, procédait régulièrement à des évaluations. Ce Haut conseil de l’éducation a été supprimé et remplacé par deux organismes : le Conseil supérieur des programmes qui vient d’être installé et le Conseil national d’évaluation du système scolaire, prévu à l’article 33 de cette loi.

Or ce deuxième conseil n’est toujours pas mis en place. Pendant ce temps, des réorientations importantes des politiques sont initiées par votre ministère sans qu’elles aient fait l’objet d’une véritable évaluation indépendante et objective. On sait par exemple que le dispositif des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté doit voir ses missions et ses règles de fonctionnement redéfinies. Or on sait que les RASED n’ont fait l’objet d’aucune évaluation publique depuis des années. À partir de quelle évaluation les missions des RASED vont-elles être redéfinies ? La question reste entière.

Cet exercice d’évaluation indépendante et objective serait également très utile dans d’autres domaines de premier plan, comme l’éducation prioritaire ou les rythmes scolaires.

Monsieur le ministre, pourquoi freinez-vous la mise en place d’une évaluation véritablement objective et indépendante, une évaluation de notre système scolaire qui sorte enfin des murs de l’administration centrale de votre ministère ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Monsieur Breton, je suis entièrement d’accord avec vous : la question de l’évaluation du système éducatif est même l’une de mes préoccupations majeures.

Vous laissez entendre qu’une évaluation objective existait et vous voudriez faire croire que la seule remontée des évaluations de tous les élèves pourrait tenir lieu d’évaluation scientifique. Je vous recommande de prendre contact avec l’INSEE, la direction de l’évaluation et de la prospective, les scientifiques de l’École d’économie : vous verrez qu’une évaluation scientifique suppose de procéder par échantillonnages. La simple remontée des évaluations opérées dans toutes les classes, ce qui ne saurait être assimilé à un protocole universel, ne peut donner de résultats précis. C’est du reste ce qui avait occasionné au gouvernement que vous avez soutenu précédemment un certain nombre de difficultés dans la mesure où les évaluations étaient faites par le prescripteur, ce qui pose problème.

J’ai donc souhaité, et l’Assemblée nationale a voté dans ce sens, la séparation entre le prescripteur – l’éducation nationale – et l’évaluateur qui va être enfin indépendant. Le conseil que vous avez évoqué sera installé dans les semaines qui viennent. Il sera composé de parlementaires, issus de cette assemblée et du Sénat, mais aussi de scientifiques indépendants du ministère. Pour le reste – les RASED, par exemple – nous avons l’inspection générale, la direction de l’évaluation et de la prospective, sans oublier d’autres autorités comme la Cour des comptes que vous avez évoquée tout à l’heure. Il y aura enfin dans ce pays un conseil scientifique indépendant, où vous aurez un droit de regard et qui nous permettra de conduire des évaluations scientifiques.

Nous devons fonder nos politiques éducatives sur un consensus ; c’est ainsi que nous avons progressé ces dernières années. Et ce consensus doit se fonder sur des études objectives.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je voudrais revenir sur deux points : les éléments déjà mentionnés dans le rapport de la Cour des comptes et la formation des enseignants.

Il est particulièrement surprenant de constater que le bleu budgétaire qui nous a été transmis ne fait absolument pas référence au rapport de la Cour des comptes, comme si celui-ci devait être totalement ignoré. Il y a pourtant un point central dans ce rapport, notre collègue Frédéric Reiss vient de le mentionner : avant même que vous ne créiez de nouveaux postes, la Cour indiquait clairement que la politique éducative n’est pas pour l’heure une question de moyens, mais une question de gestion de ces moyens.

C’est là, je le répète, un point clé. Nous avons voulu l’aborder à plusieurs reprises au cours de nos débats, mais vous l’avez évacué. J’y reviens donc : à quel moment allez-vous lancer le débat sur la réforme du statut des enseignants ? Non seulement c’est le préalable à toutes les évolutions possibles, mais ce serait aussi, dans un débat budgétaire, une manière d’aborder une question de fond : l’éducation nationale est aujourd’hui le budget de l’État le plus important et il importe de savoir comment ces moyens sont mobilisés. Or les mobiliser, c’est aussi aborder la question de la mission des enseignants.

Pour ce qui est de la formation des enseignants.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire que la majorité se plaît à colporter certaines contrevérités. Je le redis avec force : jamais la précédente majorité n’a supprimé la formation des enseignants.

Mme Julie Sommaruga, rapporteure pour avis. Vous l’avez massacrée !

M. Patrick Hetzel. Ou alors, cela revient à dire qu’un master, une formation universitaire n’a aucune valeur. Ce n’est évidemment pas le cas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, alors qu’aujourd’hui la fonction publique souhaite développer les apprentis à l’intérieur de la fonction publique, pourquoi n’utilise-t-on pas l’éducation nationale, premier employeur de l’État, pour faire en sorte que les nouveaux enseignants bénéficient d’un statut d’apprenti ? Ce serait l’idéal !



M. le président. Merci de conclure, monsieur Hetzel !

M. Patrick Hetzel. Nous pourrions mener une véritable politique de formation par alternance, que nous avions d’ailleurs commencé à initier avec la réforme de la mastérisation.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Je commence en répondant à votre deuxième question, sur l’idée d’un statut d’apprenti dans l’éducation nationale. On fait souvent une confusion entre l’apprentissage et l’alternance. Ce que vous souhaitez, monsieur Hetzel, c’est qu’il y ait au minimum une alternance. C’est précisément ce que nous sommes en train de mettre en place à partir de la deuxième année d’université. C’est tout à fait nouveau dans ce pays, au point que, me semble-t-il, l’information ne vous en était pas encore parvenue : les 8 000 emplois d’avenir professeur, accessibles dès la deuxième année de licence, je l’ai dit, sont déjà mis en situation en établissement ; quant à la formation que nous donnons à travers les masters professionnels, elle permet justement d’être présent en établissement.

Quant votre première question, elle m’embarrasse tout autant que celle de l’évaluation tout à l’heure. Vous m’interrogez sur l’évolution des métiers, et votre obsession, c’est le statut. C’est également une réforme que nous allons conduire, comme toutes les autres que vous auriez sans doute souhaité mener si vous aviez été en situation de le pouvoir. La discussion est entamée depuis plusieurs mois ; elle débutera officiellement dans une dizaine de jours avec l’ensemble des représentants des personnels et portera sur tous les métiers de l’éducation, y compris, bien entendu, le statut des enseignants.

Certaines décisions seront prises avant Noël, d’autres un peu plus tardivement afin qu’elles puissent accompagner les réformes qui accompagneront la réforme des programmes : la réforme de l’éducation prioritaire – je donnerai mes orientations après les débats, au mois de janvier – et celle du collège.

Il y a une cohérence d’ensemble. Parfois, vous souhaiteriez ralentir le rythme, parfois vous préféreriez l’accélérer ; mais au final, vous verrez, tout cela sert l’école et vous pourrez vous en réjouir.

M. Xavier Breton. Vous êtes trop optimiste !

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Dans votre propos introductif, monsieur le ministre, vous avez vanté l’amélioration qualitative de notre système scolaire avant de nous réciter une litanie de chiffres sans doute aussi édifiants les uns que les autres dans votre esprit. J’ai vraiment l’impression en vous écoutant que l’autosatisfaction est vraiment votre marque de fabrique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Plisson. Quelle mauvaise foi !

M. Guénhaël Huet. L’autosatisfaction ne peut constituer un programme en soi et elle conduit très souvent au déni de réalité… Or c’est bel et bien la réalité qui vous rattrape après votre réforme des rythmes scolaires, une réforme bâclée, non préparée, non concertée, malgré toutes vos dénégations.

Peu de communes, vous le savez, et peu d’écoles ont choisi de faire la réforme des rythmes scolaires à la rentrée 2013…

M. Eduardo Rihan Cypel. Venez chez nous ! on vous montrera comment faire !

M. Guénhaël Huet. Entre 80 % et 85 % des communes ont préféré attendre 2014 et, parmi celles qui ont choisi de l’engager dès 2013, certaines reculent et reviennent à la semaine de quatre jours, y compris dans votre département d’élection. Tout cela, monsieur le ministre, est le signe manifeste d’une impréparation.

J’ai eu l’occasion de vous interroger en commission élargie sur des instructions que vous aviez promis de donner aux inspecteurs d’académie qui avaient cru bon de dire aux élus que les communes devaient avoir rendu leur copie pour la rentrée 2014 le 4 novembre au plus tard, autrement dit hier ! De qui se moque-t-on, au moment même où l’on nous invite à développer la concertation, à réunir les parents d’élèves, les enseignants, bref, à mettre en place un véritable projet ? Avez-vous donné des instructions pour que la date annoncée du 4 novembre soit repoussée de plusieurs semaines ?

M. le président. Merci, monsieur Huet !

M. Guénhaël Huet. Monsieur le président, certains ont parlé plus de deux minutes…

M. le président. Effectivement, un de vos collègues l’a fait, mais ce n’est pas une raison pour que, vous aussi, vous débordiez !

M. Guénhaël Huet. Deuxième question : cette réforme va entraîner des dépenses pérennes pour les collectivités locales et vous le savez pertinemment. Qu’en est-il de la pérennisation du fonds d’amorçage ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Sur 4 000 communes passées au nouveau rythme, deux sont revenues dessus, l’une à la demande de l’Éducation nationale, dans l’intérêt des élèves, car le dispositif présenté ne nous semblait pas offrir toutes les garanties, et la seconde, Boves, parce que le maire ne souhaitait pas être instrumentalisé dans un débat de politique nationale et voulait prendre le temps nécessaire pour améliorer le dispositif, dans la concertation, ce que je recommande à chacun.

Je vous demande d’être vigilants, car chacun de nous est comptable de cette « autosatisfaction » dont vous parlez. Croyez bien que je n’en fais aucunement preuve. Si je porte cette réforme avec détermination et avec le soutien de tout le Gouvernement, c’est uniquement parce que nous savons, comme vous il y a encore quelques mois, qu’elle est dans l’intérêt des élèves et donc du pays.

Lorsqu’un ministre de la République s’engage et vous donne sa parole, cette parole a quelque poids. Si je vous ai dit qu’instruction avait été donnée pour que ce ne soit pas le 4 novembre, il est évident que tel a été le cas. Ce ne sera donc pas le 4 novembre.

M. Guénhaël Huet. Quand ?

M. Vincent Peillon, ministre. Vous aurez jusqu’au mois de janvier, mais j’espère que vous avez engagé depuis longtemps la concertation, car il ne s’agit pas de toujours vouloir reporter la concertation pour ne pas la commencer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous le dis donc avec une certaine fermeté, cette réforme sera appliquée parce qu’elle est faite, non dans votre intérêt ou dans le mien, mais dans celui des élèves et de la France. Cela nous changerait, lorsque l’on parle au nom de la souveraineté nationale, que l’intérêt général soit la priorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)



M. Patrick Hetzel. Vous n’avez pas le monopole de l’intérêt général !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Enseignement scolaire » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Enseignement scolaire », inscrits à l’état B.

Sur ces crédits, je suis saisie d’un amendement n359.

La parole est à Mme la ministre déléguée, pour le soutenir.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Il s’agit de traduire dans les faits la volonté que nous avons exprimée de pérenniser les emplois d’auxiliaire de vie scolaire. Cet amendement crée un contrat d’accompagnant des élèves en situation de handicap et permet de proposer à ces personnels un contrat à durée indéterminée au terme de six ans d’exercice en contrat à durée déterminée. La professionnalisation de l’accompagnement exige en effet que nous puissions proposer un CDI aux 28 000 AVS actuels et aux nouveaux accompagnants.

Une telle modification implique un changement du titre budgétaire de rattachement des crédits concernés, qui figureront donc au titre 2.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, seule commission au nom de laquelle je suis habilité à m’exprimer.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Des amendements viennent d’être déposés et, comme l’a souligné M. le président Bloche, ils n’ont pas été examinés en commission. Je vous demande donc une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président, pour que nous puissions au moins les étudier d’un peu plus près.

M. le président. Vous n’avez pas la délégation de votre groupe pour demander une suspension de séance, monsieur Hetzel.

M. Frédéric Reiss. J’avais demandé la parole pour la même raison.

M. le président. La suspension est donc de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir accordé cette suspension de séance qui nous a permis d’examiner ces amendements, tout sauf anodins, en rapprochant l’amendement n359, que la ministre vient de présenter, de l’amendement n358 rectifié, qui sera examiné dans quelques instants.

Nous parlons de l’accompagnement des enfants handicapés. Le premier amendement est très technique. Donner la possibilité de proposer des contrats à durée indéterminée, contrats de droit public, oblige à introduire une modification budgétaire. Nous y sommes donc favorables.

(L’amendement n359 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n312.

Mme Barbara Pompili. Dans le cadre du second programme d’investissements d’avenir, 150 millions d’euros ont été attribués à l’enseignement scolaire. Vous avez décidé, madame, messieurs les ministres, d’utiliser cette somme pour lancer le programme « Internats de la réussite ». Je regrette que l’attribution de ces 150 millions n’ait pas fait l’objet d’un débat avec la représentation nationale.

On peut discuter de l’intérêt de ce programme, et je ne suis pas opposée a priori au développement des internats, même si le dispositif mis en place se rapproche beaucoup, à l’exception de la sélection des élèves, de celui des internats d’excellence, qui a été très critiqué.

Quoi qu’il en soit, ce dispositif est destiné à un nombre d’élèves relativement limité. Alors que nous déplorons 140 000 décrocheurs par an et que quatre élèves sur dix ont des lacunes en lecture, écriture et calcul à la fin de l’école primaire, et que le décrochage, nous le savons, commence très tôt, dès les premières années de scolarisation, il nous semble que ces 150 millions seraient mieux utilisés, dans le cadre de la lutte contre le décrochage, à relancer fortement les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, qui ont prouvé leur efficacité dans l’aide aux élèves dès leur plus jeune âge et qui ont été mis à mal par la précédente majorité.

Nous sommes dans un arbitrage budgétaire politique et il s’agit de hiérarchiser les priorités. Il me semble plus important de relancer les RASED que de créer les internats de la réussite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Carole Delga, rapporteure spéciale. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Je précise, la question ayant été également évoquée par des parlementaires de l’opposition, que les internats de la réussite ne sont pas les internats d’excellence. Je veux une politique d’internat en France, en direction des collèges, très absents, de certaines régions, déficitaires, ainsi que des lycées professionnels : des internats qui s’adresseraient non aux meilleurs élèves de certaines zones, en coûtant beaucoup plus cher, mais à tous les élèves, y compris ceux qui ont des difficultés scolaires, car il faut que nous puissions les aider.

C’est l’idée des internats de la réussite : réussite pour tous. Cette logique d’internats contribuera à la lutte contre les inégalités scolaires et sociales de notre pays. C’est un choix politique parfaitement assumé, même si, je l’entends bien, tout le monde n’a pas encore perçu la totale différence de logique entre les internats d’excellence et les internats de la réussite.

La question des RASED, quant à elle, fait l’objet d’une évaluation et le rapport de l’Inspection générale me sera remis dans quelques jours. L’un des treize groupes de travail qui seront annoncés d’ici à dix jours, sur l’ensemble des métiers, concerne ces réseaux. Les personnels – les deux types de maîtres et les psychologues – sont d’accord pour les faire évoluer au plus près du terrain et des besoins des enfants. Nous pourrons donc à la fin de l’année formuler des propositions.

Nous avons deux choses à faire. Des postes ont déjà été consacrés, vous le savez, à la remise à niveau des RASED. Par ailleurs, je souhaite réamorcer la pompe de la formation de ces personnels. Ce temps de l’évaluation et de la discussion avec eux était nécessaire ; il faudra encore attendre quelques semaines, ou peut-être quelques mois, pour avoir les réponses définitives, mais je réaffirme très nettement que, comme vous, je considère ces réseaux comme utiles à la réussite des élèves. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Je regrette que le fonctionnement de notre commission ne nous ait pas permis d’examiner ces propositions. Nous voterons contre le présent amendement, notamment en raison de ses a priori sur les RASED. Comme je l’ai dit tout à l’heure, ces réseaux n’ont fait l’objet d’aucune évaluation depuis celle conduite en interne il y a plus d’une dizaine d’années. On n’a jamais autant parlé des RASED depuis que des réorientations ont été décidées sous la précédente législature. Or, nous constatons que, si ces réseaux fonctionnent bien dans certains secteurs géographiques, ce n’est pas le cas dans d’autres. Il ne faut donc pas dire que c’est une solution miracle. La preuve en est que le décrochage scolaire continue de s’aggraver, les résultats scolaires de se dégrader, et ce depuis des décennies. Je ne crois pas que l’on puisse affirmer, comme le fait l’exposé sommaire de l’amendement, que « les RASED ont prouvé leur efficacité dans l’aide aux élèves en difficulté dès leur plus jeune âge pour traiter de l’échec scolaire dès la racine ».

Une évaluation est en cours. On peut regretter que ce soit une auto-évaluation, puisqu’elle se fait à l’intérieur du ministère ; pour avoir un véritable avis, il ne faut pas craindre d’ouvrir l’évaluation, de faire en sorte qu’elle soit indépendante, extérieure. Ce sera un enjeu des semaines et des mois à venir.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. L’amendement consiste à prélever 150 millions d’euros consacrés aujourd’hui à un projet concernant les internats. Nous avons sans doute une différence d’appréciation quant aux modalités de fonctionnement des internats, mais il y a en tout cas un point qui nous rassemble, c’est que les internats, contrairement à ce qui est affirmé dans l’exposé sommaire de cet amendement, sont efficaces, beaucoup d’études l’ont montré et Mme la ministre l’a rappelé, pour faire progresser un certain nombre d’élèves, notamment dans l’enseignement professionnel. Plaider en faveur des internats est donc une bonne chose. C’est l’un des sujets sur lesquels nous pouvons parvenir à un accord très large. Nous y sommes en tout cas favorables, pour notre part, car ils permettent à des jeunes d’accéder à la connaissance.

(L’amendement n312 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour soutenir l’amendement n250.

M. Jean-Paul Tuaiva. En Polynésie, l’enseignement scolaire relève d’une compétence partagée entre l’État et le pays. Or, depuis 2007, l’État s’est désengagé, notamment sur la dotation globale d’investissement. Pour l’exercice 2014, 2,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont programmés au titre de la dotation globale d’investissement destinée à financer la part de l’État dans les investissements de construction, maintenance, sécurité et reconstruction des établissements scolaires du second degré en Polynésie. Or la convention État-pays du 4 avril 2007 relative à l’éducation en Polynésie française prévoyait une enveloppe de 10 millions d’euros. En 2012 et 2013, cette enveloppe a tout simplement disparu. Ce reflux radical de l’aide de l’État a fortement contribué à la dégradation des structures scolaires, jusqu’à entraîner des risques tels, en matière de sécurité, que certains établissements ont dû être fermés.

Cet amendement vise donc à augmenter de 2,5 millions d’euros la contribution de l’État au titre de la DGI et à rétablir ainsi l’équité envers les collégiens polynésiens, qui souhaitent étudier dans de bonnes conditions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Carole Delga, rapporteure spéciale. Défavorable.

M. Xavier Breton. Expliquez pourquoi !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Vincent Peillon, ministre. Je comprends bien, monsieur le député, votre préoccupation pour l’éducation dans votre territoire, et elle vous honore. En application de l’article 21 de la convention du 4 avril 2007, la Polynésie française assure les dépenses de fonctionnement, d’équipement, de construction, de maintenance, de sécurité des établissements scolaires du second degré. Elle reçoit à ce titre une participation de l’État, et la convention pose le principe de cette participation financière, fixée en 2007 à 10 millions d’euros compte tenu des besoins de construction.

Au cours des années suivantes, priorité a été donnée à la couverture en crédits de paiement des opérations de mise en sécurité des établissements. Nous avons, de ce point de vue, honoré nos engagements. À ce jour, la Polynésie compte vingt-six collèges et onze lycées ; au titre de la démographie, les besoins sont couverts. Nous continuons donc de considérer que la contribution de l’État en Polynésie française doit privilégier la maintenance des établissements existants plutôt que la construction de nouveaux établissements.

En outre, vous le savez, d’autres territoires ultramarins, comme Mayotte ou la Nouvelle-Calédonie, ont de vrais besoins liés à la démographie, et il faut faire preuve de solidarité envers eux.

Enfin, vous proposez de financer de nouvelles constructions par des fonds prélevés sur les crédits du programme 140, c’est-à-dire consacrés au primaire, auquel, vous le savez, nous tenons beaucoup.

(L’amendement n250 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour soutenir l’amendement n251.

M. Jean-Paul Tuaiva. Dans le même ordre d’idées, cet amendement vise à relever la participation de l’État au titre de la ligne « Transport scolaire » de 340 000 euros, participation qui n’a cessé de diminuer depuis 2007. La Polynésie recouvre une surface grande comme l’Europe, et nos élèves doivent quitter leurs foyers pour étudier dans la capitale, Papeete. Cela représente des frais de transport aérien ou maritime, dont le coût, comme vous le savez, est extrêmement élevé. Nous sollicitons donc votre aide, monsieur le ministre, afin de relever un peu le niveau de la participation de l’État au transport scolaire en Polynésie.

(L’amendement n251, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(Les crédits de la mission « Enseignement scolaire », modifiés, sont adoptés.)

Après l’article 66

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement n358 rectifié portant article additionnel après l’article 66.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Il s’agit de traduire la décision que nous vous avons soumise concernant la pérennisation des emplois d’auxiliaire de vie scolaire accompagnant les personnes en situation de handicap. Si l’ordre peut ne pas sembler logique, monsieur Reiss, il fallait néanmoins d’abord acter le changement du titre budgétaire pour les crédits concernant ces personnels, avant d’en tirer les conclusions, comme nous le proposons par le présent amendement, par une modification du code de l’éducation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Carole Delga, rapporteure spéciale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Cet amendement appelle de notre part des remarques du même ordre que tout à l’heure. La scolarisation des enfants handicapés est une belle réussite de notre République ; des progrès significatifs ont été accomplis ces dix dernières années. Ces accompagnants d’enfants handicapés, qui sont de trois types – AVS-I, individuels ; AVS-CO, collectifs ; AVS-M, mutualisés –, ont acquis, lorsqu’ils ont bénéficié d’un contrat de trois ans, renouvelé une fois, un véritable savoir-faire, une véritable expérience, et je pense qu’il fallait leur proposer quelque chose. La précédente majorité avait conscience du problème ; il existait des projets dans les cartons, qui n’ont pas pu aboutir. Aujourd’hui, nous soutenons cet amendement.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Vous l’aviez rêvé, nous l’avons fait !

M. Damien Abad. C’est un peu rapide !

(L’amendement n358 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement n357.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Carole Delga, rapporteure spéciale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Il ne faut pas passer trop vite sur cet amendement. On a beaucoup parlé des rythmes scolaires, et nous avons bien compris que le ministre, à la veille du congrès des maires ainsi que d’une échéance électorale en 2014, avec les élections municipales, souhaite qu’un maximum de gens adhère à sa réforme. Cependant, les maires et les élus locaux ne sont pas dupes, et je ne crois pas que cette manœuvre de la dernière heure convaincra grand monde.

Nous avons bien noté que les aides forfaitaires étaient reconduites pour ceux qui avaient opté, avant le 31 mars 2013, je crois, pour mettre en œuvre la réforme à la rentrée 2014. Les bons élèves sont récompensés,…

M. Vincent Peillon, ministre. Tout le monde est récompensé ! (Sourires.)

M. Frédéric Reiss. …puisqu’ils en ont bénéficié pour la rentrée 2013 et en bénéficieront de nouveau à la rentrée 2014. Comme je l’ai dit, la ficelle est un peu grosse. Je ne sais pas si c’est ce qu’attendent les maires de France. Nous aurions souhaité une réelle concertation avec les acteurs de terrain, ce qui aurait été un signe de confiance. Nous ne voterons pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Nous l’avons rêvé, vous l’avez fait, madame la ministre ? Excusez-moi de vous dire qu’il est dommage que les autres pans de votre politique du handicap ne soient pas à la hauteur de ce que vous faites s’agissant des AVS.

Cet amendement est l’aveu de l’échec de la réforme des rythmes scolaires.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Damien Abad. Si elle s’était bien passée, il n’aurait pas été nécessaire de renouveler le fonds d’amorçage en 2014. C’est justement parce que cela ne marche pas et que les communes n’ont pas voulu passer à la réforme dès 2013 que vous êtes aujourd’hui obligés, au nom de l’égalité sur le territoire et de l’égalité devant les charges publiques, de renouveler le fonds d’amorçage. Je tiens d’ailleurs à féliciter le président Jacques Pélissard et l’ensemble des maires de France, qui vous ont démontré que la province n’est pas Paris, et que la mise en œuvre de la réforme pose beaucoup de problèmes.

Sur ce projet, ce n’est pas le principe qui est en cause, vous le savez, monsieur le ministre, mais sa mise en œuvre pratique.

Même les maires de votre bord politique disent aujourd’hui qu’il y a un problème de méthode du Gouvernement : on ne doit pas imposer les choses d’en haut, mais regarder ce qui se passe en bas. Qui plus est, le territoire français est divers et, si cette diversité fait la richesse de la France, elle pose aussi problème. Dans une commune rurale – prenons l’exemple d’Oyonnax, où vous êtes venu, ou des communes environnantes –, la mise en œuvre du décret se révèle très difficile, car nous n’avons ni les moyens financiers, ni les moyens pédagogiques nécessaires. Cet amendement signe donc l’aveu de l’échec de votre réforme.

Pouvez-vous, au-delà du fonds d’amorçage, nous affirmer clairement aujourd’hui que cette réforme des rythmes scolaires, prise par décret, sans concertation du Parlement, sera menée jusqu’au bout dans les prochaines années et appliquée sur l’ensemble du territoire ? Les maires doivent le savoir, afin de pouvoir prendre des dispositions ensemble, au-delà des clivages politiques, et de se mettre au service des enfants, car ce sont eux qui pâtissent aujourd’hui de la situation.

M. Michel Ménard. Mais cela fait un an que vous saviez que le décret allait être appliqué !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre. Ce débat touchant à sa fin, je voudrais rendre hommage au ministre du budget : cet amendement est un amendement « bonne nouvelle ». Vous avez salué Jacques Pélissard, monsieur Abad, mais vos propos sont contradictoires, puisque nous nous inscrivons exactement dans la ligne de sa légitime demande – il s’est d’ailleurs, lui, réjoui de cette annonce du Gouvernement.

M. Patrick Hetzel. Elle n’est pas à la hauteur des enjeux ! Il faudrait 800 millions au minimum !

M. Vincent Peillon, ministre. Soyez donc, d’une année sur l’autre, cohérents, et dans votre position personnelle, puisque vous étiez favorables à cette réforme, et dans votre position de groupe, puisque le président Pélissard appartient à votre formation politique.

Il y a des moyens.

M. Patrick Hetzel. Ils ne seront jamais suffisants !

M. Vincent Peillon, ministre. Ces 103 millions supplémentaires participent bien d’une réforme qui est au service des enfants, contrairement à ce que vous dites, tout comme l’ensemble de notre politique éducative. Ces moyens sont alloués dans une période difficile…

M. Damien Abad. C’est un pis-aller !

M. Vincent Peillon, ministre. …et je remercie le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des finances et celui du budget d’avoir respecté leurs engagements. Si nous pouvons mener une telle politique éducative, c’est parce qu’elle est portée par l’ensemble du Gouvernement. Je vous confirme, monsieur Abad, que cette réforme ira jusqu’au bout. Abandonnez donc votre attitude négative qui nuit à l’intérêt du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

(L’amendement n357 est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’enseignement scolaire.

Recherche et enseignement supérieur

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la recherche et à l’enseignement supérieur (n1428, annexes 37 et 38 ; n1429, tomes VIII et IX ; n1430, tomes XV et XVI ; n1434, tomes IX et X).

La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, c’est une chance pour la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche de pouvoir vous présenter pour la deuxième année consécutive un projet de budget sanctuarisé, qui voit ses crédits progresser de 0,5 % malgré un contexte budgétaire marqué par l’impératif de rétablissement des comptes publics. Certains estimeront que c’est encore trop : j’ai ainsi entendu l’UMP affirmer que ce budget ne réduisait pas assez les dépenses. Le Gouvernement confirme la priorité qu’il accorde à la jeunesse et à la préparation de l’avenir.

Le budget de la mission interministérielle « Enseignement supérieur et recherche » va dépasser pour la première fois les 26 milliards d’euros, soit une augmentation de 121 millions d’euros par rapport à 2013 et de 648 millions par rapport à 2012. C’est un projet de budget sérieux et responsable, qui relaie clairement les priorités de la loi d’orientation du 22 juillet 2013 et qui dessine une programmation pluriannuelle des moyens. La priorité de cette loi, vous le savez, c’est la réussite des étudiants. Or favoriser la réussite, c’est œuvrer dans deux directions : améliorer les conditions de vie des étudiants et rénover en profondeur le premier cycle universitaire.

S’agissant des conditions de vie des étudiants, c’est un investissement sans précédent – « historique », m’ont dit les étudiants – qui a été engagé depuis deux ans, notamment en matière de bourses avec 45,8 millions d’euros de crédits supplémentaires entre l’exécution du budget 2012 et ce projet de budget pour 2014, qui traduit en année pleine la première étape de la réforme des bourses entrée en vigueur cette année. C’est ainsi que 57 000 étudiants du bas de la classe moyenne, qui ne bénéficiaient d’aucune aide financière, touchent dès à présent une bourse de 1 000 euros grâce à la création d’un nouvel échelon et que 35 000 étudiants issus des familles les plus modestes touchent désormais une bourse de 5 500 euros, contre 4 697 euros l’année dernière. Cet effort sera poursuivi pendant tout le quinquennat, comme s’y est engagé le Président de la République, notamment avec la seconde étape de cette réforme, destinée à entrer en vigueur à la rentrée 2014.

La réussite étudiante, c’est aussi la rénovation du premier cycle universitaire. Pour cela, les moyens alloués aux universités augmenteront de 106 millions d’euros en 2014, poursuivant la progression amorcée dès 2013. Cette progression des crédits s’inscrit dans une programmation pluriannuelle des moyens que nous souhaitons donner à nos établissements, avec deux plans majeurs : les 5 000 créations d’emplois prévues en faveur de la rénovation du cycle de licence, qui se poursuivent en 2014 à raison de 1 000 nouveaux postes ; la déprécarisation en quatre ans des 8 400 salariés de l’enseignement supérieur éligibles aux mesures de la loi dite Sauvadet – après les 1 775 titularisations effectuées en 2013, nous mettons en place les crédits pour titulariser environ 2 200 personnes par an à partir de 2014, en particulier des personnels de catégorie C. Cette stratégie pluriannuelle porte déjà ses fruits. Les initiatives prises par les établissements grâce aux emplois créés en 2013, qui font l’objet de contrats pédagogiques conclus avec le ministère, sont remarquables. Elles dessinent une université en mouvement, que ce soit en matière d’orientation, d’innovation pédagogique par le numérique ou d’insertion professionnelle, renforcée grâce au doublement de l’alternance et des stages encadrés.

En matière de recherche, ce projet de budget permet de matérialiser l’agenda stratégique France Europe 2020 qui préfigure la stratégie nationale prévue par la loi du 22 juillet 2013. S’agissant des crédits budgétaires stricto sensu, les trois programmes du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche consacrés à cette dernière représentent ensemble 7,77 milliards d’euros, soit exactement le montant atteint en 2012, avec une légère réduction par rapport à 2013, liée à une baisse de 80 millions d’euros des crédits de l’Agence nationale de la recherche – nous avons rajusté son budget à sa capacité de dépenses, soit un peu plus de 600 millions par an : il lui reste une trésorerie de 300 millions d’euros. Ce budget met l’accent sur le transfert, la recherche technologique et partenariale, mais également sur la coopération européenne et internationale, avec notamment la hausse des crédits de la recherche spatiale européenne, une augmentation de notre contribution au projet ITER, le plus grand projet scientifique actuellement conduit dans le monde…

M. Damien Abad. Il n’est pas financé !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …auquel participe l’Union européenne ainsi que six autres nations.

Ce projet de budget nous permet d’accompagner les transformations voulues par la loi d’orientation du 22 juillet 2013. Il adresse un signal fort à la jeunesse de notre pays en favorisant la réussite étudiante pour une meilleure insertion professionnelle. C’est un projet de budget ambitieux qui privilégie l’investissement sur le long terme afin de favoriser le transfert et l’innovation, c’est-à-dire la croissance et l’emploi. C’est un projet de budget, enfin, traduisant clairement le retour de l’État stratège, qui prévoit l’avenir, qui conçoit une programmation pluriannuelle des actions et des moyens et qui accompagne les établissements dans le déploiement de leurs activités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mandon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante.

M. Thierry Mandon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Comme nous l’avons déjà dit en commission, ce budget 2014 est marqué par la contrainte budgétaire. Je me réjouis pourtant d’être le rapporteur d’un budget dont les hausses atteignent 0,4 % pour l’enseignement supérieur et 6 % pour la vie étudiante. Cette forte augmentation dans un contexte difficile montre l’importance que le Gouvernement apporte à l’engagement du Président de la République de faire de la jeunesse sa priorité, notamment en encourageant le développement de la créativité intellectuelle et de la croissance économique de demain par le biais de nos universités. Les crédits de paiement du programme « Formation supérieure et recherche universitaire » atteindront 12,8 milliards d’euros en 2014 et devraient permettre de relever le plafond d’emplois de 168 550 à 169 519 emplois. Toutes les universités ont désormais accès aux responsabilités et à des compétences élargies : chacune recevra à ce titre une subvention de l’État qu’il lui revient de gérer. Les établissements d’enseignement supérieur, ainsi devenus autonomes, recevront 9,13 milliards d’euros, destinés pour plus des deux tiers au paiement de leur masse salariale.

Par ailleurs, plus de 200 millions d’euros issus des crédits non consommés des contrats de projets État-régions seront consacrés l’an prochain à la rénovation de l’immobilier universitaire. Ces sommes seront complétées par 7,1 millions d’euros issus du plan « Campus », qui s’est révélé lourd et complexe à mettre en œuvre depuis 2008, mais qui désormais, relancé selon des procédures plus adaptées, est marqué par un moindre recours aux contrats de partenariat public-privé, lesquels reviennent généralement plus cher à l’État que le droit commun de la commande publique.

Les crédits destinés à la vie étudiante connaîtront une progression très sensible de 6 % : ils atteindront 2,46 milliards d’euros en 2014 contre 2,33 milliards d’euros en 2013. Ces crédits ont connu en deux années une hausse de 13,7 %, ce qui est considérable. Ces aides iront soutenir la scolarisation des étudiants les plus fragiles. Les aides au mérite sont augmentées de 8 %, le fonds national d’aide d’urgence de 11 % et les bourses sur critères sociaux de 5,8 %. Plus de 50 000 boursiers qui sont aujourd’hui exonérés du droit d’inscription percevront pour la première fois une bourse de 1 000 euros par an ; 30 000 étudiants modestes verront leur bourse augmenter de près de 800 euros pour toucher désormais 5 500 euros. Il s’agit de mesures essentielles pour assurer non seulement une plus grande égalité des chances, mais également une démocratisation approfondie de l’enseignement supérieur.

Si ces efforts budgétaires sont importants, la situation financière des universités n’en demeure pas moins fragile, du fait notamment d’un passage à l’autonomie qui n’a pas été accompagné par l’État. Même si le nombre de réserves de la certification des comptes des universités baisse, dix-sept universités ont connu en 2011 comme en 2012 un résultat négatif – parmi celles-ci, six ont connu un double déficit.

Pour finir, je voudrais proposer quelques réflexions visant à maintenir le soutien financier aux universités.

Tout d’abord se pose la question du GVT – glissement vieillesse-technicité – que l’on traîne comme un boulet depuis le passage à l’autonomie. Compte tenu des sommes en jeu, cela ne peut pas être résorbé sur un seul exercice, mais il pourrait être intéressant de poursuivre une réflexion sur la résorption de ce retard dans le temps.

Il en est de même de la question du préciput, cette contribution aux frais généraux liés aux efforts de recherche, qu’abordera Alain Claeys tout à l’heure.

Il faudrait réfléchir également au programme d’investissements d’avenir.

Ensuite, nous devrons mesurer ce que l’éventuelle revalorisation des catégories C de la fonction publique fera peser comme charges nouvelles sur l’université. Une étude sommaire, qui n’a porté que sur une université, montre que 0,5 % de la masse salariale serait concerné.

Enfin, lorsque le jour de carence a été institué, on a ponctionné les universités de sommes dont elles n’avaient plus besoin, mais, étant donné qu’elle est abrogée, qu’adviendra-t-il des sommes prélevées à l’époque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

6

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 : suite de l’examen des missions « Recherche et enseignement supérieur », examen des missions « Justice » et « Conseil et contrôle de l’État ».

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron