SOMMAIRE
Présidence de M. Claude Bartolone
Deuxième volet de la décentralisation
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale
Projet de loi relatif à la consommation
M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche
Calendrier des vacances scolaires
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale
Interventions au Mali et en République centrafricaine
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
Politique en faveur des entreprises
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif
Suspension et reprise de la séance
Présidence de Mme Catherine Vautrin
2. Avenir et justice du système de retraites
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé
M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales
M. Roger-Gérard Schwartzenberg
Présidence de M. Claude Bartolone
Mme Marisol Touraine, ministre
Suspension et reprise de la séance
Présidence de Mme Catherine Vautrin
3. Exercice de leur mandat par les élus locaux
Amendement no 16
Amendements nos 37 , 29 , 30 , 31 , 49 , 54 , 32 , 33 , 34 , 35 , 53 , 36 , 42 , 43 , 44 , 45 , 46 , 47 , 50 , 52 et 51
Amendements nos 2 , 1 , 3 , 4 , 5 , 6
Amendement no 17
Amendements nos 38 , 39 rectifié , 18 , 19 , 40 , 14
Amendement no 41
Amendement no 20
Amendements nos 22 rectifié , 21 rectifié
Amendement no 23
Amendement no 24
Amendement no 25
Amendement no 26
Amendement no 48
Amendement no 27 rectifié
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André.
M. Stéphane Saint-André. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Trente ans après que les premières lois de décentralisation, votées par la gauche, ont donné un nouveau souffle à la démocratie locale, la modernisation de l’exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales est désormais engagée.
Élaboré à partir des concertations menées avec les élus locaux, enrichi par les parlementaires, après adoption en CMP hier soir, au Sénat…
M. Marc Dolez. Hélas !
M. Stéphane Saint-André. … en regrettant au passage que les députés RRDP en aient été exclus –, le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles sera voté demain.
C’est un texte de qualité. La démarche suivie ici par le Gouvernement diffère de celles qu’avaient adoptées ses prédécesseurs : ce projet de loi n’est ni un texte de transfert de compétences de l’État aux collectivités, comme l’était la loi de 2004, ni une tentative d’uniformisation des compétences de ces mêmes collectivités, comme l’était la loi de 2010.
Il apporte, au contraire, des avancées majeures destinées à fournir un cadre adapté à la gouvernance des métropoles, mais aussi des améliorations concernant tous les niveaux de collectivités territoriales.
Ce texte est moderne, avec les conférences territoriales de l’action publique, la création des métropoles du Grand Paris, de Lyon et de Marseille, les pôles territoriaux d’équilibre, destinés à fédérer les structures intercommunales autour d’un projet de développement commun.
Ainsi, la ville dont je suis maire, Béthune, ville centre d’une agglomération de 300 000 habitants, travaille à la construction, avec Douai, Lens et Arras, d’un pôle métropolitain d’un million d’habitants en appui de la métropole lilloise. Je suis donc particulièrement intéressé et attentif à ces nouvelles dispositions qui pourraient permettre cette construction en bonne intelligence et en toute efficacité.
Ce projet de loi ne constitue toutefois que le premier volet d’une réforme de la décentralisation, qui ne trouvera sa pleine cohérence qu’une fois complétée par deux autres textes. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, dans le prolongement du discours du Premier ministre à Rennes, vendredi 13 décembre, le contenu et le calendrier du prochain volet ?
M. Olivier Falorni. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, je vous remercie de votre question et de votre enthousiasme – un tel enthousiasme est chose suffisamment rare pour que je le souligne !
Ce projet de loi, que nous présenterons demain, après son passage en commission mixte paritaire, bien qu’il ait suscité une opposition assez ferme de certains, n’en est pas moins le fruit d’un vote transpartisan…
M. Pascal Popelin. C’est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. …sans doute parce qu’il s’agit avant tout d’un texte de modernisation de l’action publique et de reconnaissance du fait urbain, tout en maintenant un équilibre important pour nos zones rurales : nous avons réussi à faire ce lien, grâce à un travail parlementaire de grande qualité.
Le Premier ministre l’a dit la semaine dernière : il s’agit désormais de mobiliser également les régions, les départements et le bloc communal. Nous espérons, pour avril 2014, grâce à un véritable échange avec des associations d’élus, mais aussi avec des parlementaires, présenter un deuxième volet que nous voulons porteur de croissance, d’emploi et de redressement du pays.
Les régions disposeront de compétences extrêmement fortes : elles porteront la formation professionnelle après le texte que Michel Sapin fera voter au mois de janvier, la recherche, la connaissance, ainsi que les stratégies industrielles et d’avenir. Les délégations de compétences seront décidées et les expérimentations menées en fonction des demandes des régions, par nature très diverses, tout en maintenant un volet de solidarité territoriale et de solidarité envers les individus au niveau des départements…
M. Marc-Philippe Daubresse. Tout cela, ce ne sont que des paroles !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. …en n’oubliant jamais que la proximité ne peut se concevoir qu’à partir du bloc intercommunal.
Dans un pôle métropolitain comme le vôtre, monsieur le député, vous pourrez à la fois discuter avec une région et un département pour votre contrat de plan État-région, par exemple, mais vous pourrez aussi mutualiser vos services parce que nous croyons qu’à partir des pôles métropolitains, des agglomérations et des intercommunalités, c’est la mutualisation des services qui fera notre force. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Marie-George Buffet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. EADS, leader européen de l’aéronautique, vient d’annoncer 5 000 suppressions d’emplois dont 1 700 en France. Ce sont pour l’instant les secteurs de la défense et de l’espace qui sont visés. Comment expliquer une telle saignée dans une entreprise qui regorge de commandes, comme les dix-huit Ariane 5, et dont les bénéfices ont augmenté de 36 % ? Le PDG, M.Tom Anders, se justifie en affirmant qu’il s’agit de « réorganiser pour améliorer la rentabilité du groupe » car, affirme-t-il, « les investisseurs n’achèteront des actions EADS que si nos bénéfices et nos dividendes sont au moins comparables à ceux des entreprises du secteur ».
Ainsi, on ne licencie pas chez EADS parce que le groupe va mal mais parce qu’il va bien. Pour assurer aux actionnaires un taux de rentabilité à deux chiffres, on maltraite l’emploi et les talents qui ont fait de ce groupe un bijou industriel reconnu dans le monde entier. Au nom de la libre concurrence, l’Europe a laissé les intérêts financiers à court terme prendre le dessus. Les États, eux, se sont retirés de la gouvernance du groupe. Mais l’État français en est encore actionnaire, client majeur et distributeur d’aides diverses. Il ne peut accepter qu’une entreprise portée par la nation sacrifie des salariés au nom des actionnaires !
C’est pourquoi nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, avec les salariés du groupe, d’affirmer au nom de l’État actionnaire votre refus du plan présenté par la présidence du groupe, d’utiliser tous les leviers dont vous disposez pour préserver les emplois dans cette filière industrielle innovante, mais aussi de prendre les initiatives nécessaires auprès des États européens concernés, l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni, afin de reprendre l’initiative pour un groupe dont l’intérêt stratégique est indiscutable. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Mme Michèle Bonneton. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la députée Marie-George Buffet, nous avons été surpris comme vous, c’est le moins que l’on puisse dire, par les annonces d’EADS justifiant par la nécessité de réorganiser les branches défense et espace un certain nombre de suppressions d’emplois, en particulier en France mais également dans toute l’Europe. En France, 1 680 personnes sont concernées. Elles sont 5 800 pour la période 2014-2018 en Europe. Il s’agit d’une entreprise qui a par ailleurs réalisé un profit de 1,2 milliard d’euros en neuf mois et dispose de sept années de commandes civiles garanties. Elle s’apprête à embaucher 2 000 personnes entre 2014 et 2018, soit 800 embauches par an en France.
J’ai indiqué aux dirigeants, au nom du Gouvernement, qu’il est pour le moins surprenant qu’EADS ne trouve pas les voies et moyens d’éviter toute rupture forcée de contrat de travail à des salariés parfaitement à même de se reconvertir ou de faire l’objet d’une formation de reconversion dans le cadre interne d’EADS. En raison de la situation profitable de l’entreprise, nous avons indiqué que nul ne devra être contraint de perdre son travail. Il est normal, selon nous, qu’une entreprise s’adapte aux nécessités du marché mais pas au détriment de la force humaine qui la constitue. Voilà pourquoi il est absolument impensable que l’entreprise procède au moindre licenciement de salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Éric Ciotti. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Les Français ont découvert la semaine dernière, monsieur le Premier ministre, étonnés, médusés et révoltés, il faut bien le dire, les propositions des cinq groupes de travail sur l’intégration que vous avez installés. Elles s’attaquent aux principes porteurs de notre République et érodent les piliers les plus essentiels de notre pacte républicain. La laïcité, d’abord.
M. Jean-Marie Le Guen. C’est du réchauffé !
M. Éric Ciotti. En effet, la grande loi de 2004 interdisant le port du voile à l’école est remise en cause, la langue de la République, qui est le français, mise sur le même plan que d’autres et l’histoire de notre pays est selon les rédacteurs du rapport à réviser. De telles propositions suscitent la colère des Français, monsieur le Premier ministre ! Si elles sont adoptées, c’est une France communautarisée et ouverte au multiculturalisme dont vous entamez la construction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Face à l’émotion soulevée dans le pays par ces propositions, le Président de la République vous a désavoué. Mais les Français attendent aujourd’hui des réponses claires. Contrairement à M. le président de l’Assemblée nationale, ils n’ont pas envie de « faire avec ». Ils veulent des mesures clarifiant les choses.
Si ces propositions ne sont pas celles du Gouvernement, vous devez le dire, monsieur le Premier ministre. Mais si tel est le cas, pourquoi votre directeur de cabinet a-t-il personnellement supervisé les travaux de ces commissions ? Pourquoi avez-vous « salué la grande qualité » desdits travaux ? Pourquoi en avez-vous publié les conclusions sur le site de Matignon ? Les Français attendent des réponses claires, monsieur le Premier ministre, et ne supportent pas que vous jouiez avec les principes de la République pour des raisons électorales ! Oui ou non, condamnez-vous ces propositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si votre propos n’était sous-tendu par aucune arrière-pensée politicienne, monsieur le député Ciotti, je pourrais penser que vous êtes mal informé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Marc-Philippe Daubresse et M. Franck Gilard. On fait avec, monsieur le Premier ministre !
M. Jean-François Copé. Et vos arrière-pensées à propos du Front national ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. S’il existe un reproche à faire au Gouvernement, ce n’est certainement pas d’abandonner le principe de laïcité et d’intégration républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Mais je ne vous en fais pas le reproche, parce que vous n’étiez pas député en 2004.
Mme Claude Greff. Et alors ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. En 2004, j’ai participé aux débats initiés par la mission d’information présidée par Jean-Louis Debré, alors président de l’Assemblée nationale.
M. Sylvain Berrios. Oui ou non, soutenez-vous les propositions du rapport ?
M. le président. Nous écoutons la réponse de M. le Premier ministre, mes chers collègues.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ils portaient en particulier sur la laïcité à l’école et sur le respect du principe laïc à l’école républicaine. Ils ont abouti à une proposition de loi que j’ai défendue avant d’entraîner le groupe socialiste à la voter à l’unanimité !
M. Pascal Terrasse. Absolument, avec tous les socialistes !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La loi interdisant le port du voile à l’école est aujourd’hui la loi de la République. Et vous croyez que j’aurais envie de changer d’avis ? Je suis fidèle à ce que j’ai voté, à la République et à l’intégration républicaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous êtes en voie de désintégration !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mais il ne suffit pas de faire des déclarations, monsieur le député Ciotti, il faut des preuves et des actes. La République est une et indivisible, laïque, démocratique et sociale.
M. Patrice Verchère. Bla-bla-bla !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Et la République démocratique et sociale, c’est celle qui fait bénéficier tous ses enfants, quelle que soit leur origine, de la promotion sociale, de l’émancipation sociale et du refus des discriminations, c’est-à-dire de l’égalité des droits ! Vous avez fait tout le contraire pendant dix ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Sébastien Huyghe. Menteur ! Menteur !
M. Marc-Philippe Daubresse et M. Franck Gilard. Pompier pyromane !
M. Patrice Verchère. Répondez à la question !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si le communautarisme se développe aujourd’hui dans certains quartiers, vous en portez l’entière responsabilité ! C’est ce que nous voulons combattre de toutes nos forces ! Nous avons pour ce faire une volonté, qui passe d’abord par l’école. J’aimerais que vous nous apportiez votre soutien de temps à autre !
M. Sylvain Berrios. Soutenez-vous le rapport ou pas ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quand M. le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, rétablit l’enseignement de la morale laïque à l’école républicaine, vous ne cessez d’ironiser ! Pourriez-vous un temps soutenir ce qui est entrepris afin de faire partager les valeurs de la République à tous les enfants, quelle que soit leur origine ? Pourriez-vous aussi soutenir, monsieur le député Ciotti, les efforts que nous consentons pour lutter contre l’échec scolaire et contre la mauvaise maîtrise de la langue française et des fondamentaux par une partie des jeunes qui fréquentent l’école ? Si on ne maîtrise pas les fondamentaux, on ne peut pas comprendre ni partager ce qui fait la France, sa force et ses valeurs.
M. Patrice Verchère. Arrêtez donc de poser des questions, nous attendons des réponses !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Voilà ce que nous attendons de vous et non la critique, l’injure et la déformation permanentes ! Mais vous n’êtes jamais là pour défendre la fonction publique et ceux qui se battent en première ligne pour faire vivre les valeurs de la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-François Lamour. Qu’est-ce que c’est que ce charabia ?
M. Alain Marty. Répondez à la question !
M. Philippe Houillon. Apprenti sorcier !
M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’ajouterai que nous avons lancé beaucoup de chantiers. J’ai répondu avec la plus grande clarté. Oui ou non, soutiendrez-vous les propositions récemment formulées par Manuel Valls et que nous mettons en œuvre consistant à faciliter l’accès à la nationalité française et tout ce que cela représente, c’est-à-dire le respect des droits mais aussi des devoirs ? Vous les avez combattues, monsieur le député Ciotti, et tous vos amis de l’UMP avec vous. Voilà ce que nous faisons ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Répondez à la question !
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous êtes en voie de désintégration !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le Parlement travaille. Il s’apprête à voter une réforme des retraites, proposera l’année prochaine une réforme de la décentralisation et une réforme de la fiscalité ainsi qu’une baisse de la dépense publique et la baisse des prélèvements obligatoires. Où serez-vous alors, monsieur Ciotti, vous et vos amis de l’UMP ? (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-François Lamour. Et vous ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Serez-vous dans l’invective et la caricature, comme vous l’êtes davantage chaque jour, ou serez-vous avec nous au service de la France, c’est-à-dire de la France juste, celle qui défend ses valeurs et ne se contente pas de les proclamer mais les fait vivre, en particulier l’égalité républicaine, la laïcité, la justice et la solidarité !
M. Patrice Verchère. Bla-bla-bla !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est là-dessus que nous vous attendons, et sur rien d’autre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.- Huées sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le ministre de la défense, demain et après-demain, le Conseil européen sera l’occasion de faire prendre un nouveau départ à l’Europe de la défense. Nos interventions au Mali et en Centrafrique nous ont permis de constater que cette évolution était nécessaire et urgente. Sous votre impulsion, monsieur le ministre, différents projets concrets ont déjà bien avancé : la stratégie de sécurité maritime, le plan pour sécuriser les frontières au Sahel, ou encore le partage et la mutualisation d’équipements militaires très importants, tels les ravitailleurs en vol ou les drones. Vous nous direz si l’on peut s’attendre à des résultats dès le prochain Conseil européen.
Au-delà, je suis convaincue que c’est une véritable feuille de route qu’il nous faut pour les années à venir, avec des rendez-vous réguliers du Conseil européen consacrés à la défense. Il serait donc normal que nos partenaires européens, qui nous aident déjà dans nos opérations extérieures en mettant à notre disposition des avions de transport ou des moyens en renseignement, contribuent davantage au financement de ces opérations, dès lors que nous agissons pour la sécurité de l’ensemble du continent européen.
Croyez-vous, monsieur le ministre, que nous puissions obtenir la création d’un fonds européen destiné à financer des opérations militaires d’intérêt commun, comme l’a proposé le Président de la République – et si oui, à quelle échéance ? Par ailleurs, les groupements de projection rapide à l’extérieur, opérationnels depuis 2007, n’ont jamais été utilisés. Pensez-vous qu’il soit possible de les rendre plus facilement déployables, et à quelles conditions ? Enfin, monsieur le ministre, pensez-vous que nous puissions définir, pour les années qui viennent, les étapes d’une feuille de route qui permettrait à l’Europe de la défense de recommencer à avancer ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la présidente, je vous remercie de votre question qui souligne l’importance du Conseil européen de demain – un Conseil qui, pour la première fois depuis cinq ans, va se préoccuper des questions de défense. Je sais que votre commission des affaires étrangères a beaucoup travaillé dans la perspective de ce Conseil. Depuis plusieurs mois, Laurent Fabius et moi-même avons pris les contacts nécessaires pour que ce Conseil puisse passer, en termes de défense, du discours à l’action.
Que ce soit sur le paquet opérationnel, le paquet capacitaire ou le paquet industriel, nous avons souhaité que des avancées concrètes, pragmatiques, puissent faire passer l’Europe de la défense en marche opérationnelle. Vous avez cité quelques exemples : les battle groups ou groupements tactiques –, la sécurité maritime, les drones de surveillance. Tous ces sujets ont été validés par les ministres de la défense de l’Union européenne en novembre dernier. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes, vient de me confirmer que le Conseil des affaires générales a validé l’ensemble des dispositions évoquées et qui, si elles sont retenues par les chefs d’État, auront des effets extrêmement positifs.
Pour ce qui est des financements, le Président de la République a affirmé sa volonté de poser la question d’un fonds de financement pour les opérations extérieures dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune. Il le fera demain mais, dès à présent, il serait possible de valoriser les interventions de la PSDC en élargissant le fonds dit Athéna qui permet de partager les financements relatifs à certaines interventions. Il serait aussi possible d’élargir ce que l’on appelle les facilités de paix, destinées à soutenir l’intervention de forces extérieures, telles les forces africaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Michel Zumkeller. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
« Je veux engager une grande réforme fiscale », tel était l’un des soixante engagements du candidat François Hollande. Le grand soir fiscal, une promesse du candidat Hollande qui, comme beaucoup d’autres, avait été discrètement abandonnée dès le début du quinquennat. Pourtant, non sans panache, il y a exactement un mois, vous avez annoncé, monsieur le Premier ministre, que « le temps était venu d’une remise à plat de notre fiscalité », dès le vote du budget 2015 à l’automne 2014. Votre annonce a surpris tout le Gouvernement, surtout votre ministre des finances, qui avait même déclaré, quelques jours auparavant, qu’il n’y avait « aucune volonté de bouleverser le système ».
Vous avez alors rencontré les partenaires sociaux, les élus, ainsi que les présidents des groupes parlementaires. Vous leur avez promis une méthode claire et précise. Vous avez annoncé de grandes réflexions sur la fiscalité des entreprises, sur le niveau de la dépense publique, sur la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Nos collègues socialistes ont même organisé un séminaire sur le thème et lancé de grands groupes de travail thématiques. Vous avez mis en place un comité de pilotage rassemblant cinq ministres, chargé de veiller à la cohérence des travaux sur ce sujet.
Voyant tout cela, nous nous sommes pris à rêver un peu d’une véritable réforme qui permettrait de moderniser notre fiscalité et de la rendre plus juste et plus efficace. Hélas, trois fois hélas ! Depuis quelque temps, c’est le calme plat. Pire, le Président de la République, qui avait déjà précisé que la réforme fiscale « prendrait le temps du quinquennat », a tout récemment indiqué que « tout ce qu’on a fait depuis 2012 est sanctuarisé. On ne va pas défaire ou refaire tout ce qui a déjà été fait ».
La question du groupe UDI est très simple, monsieur le Premier ministre : ne pensez-vous pas que ces déclarations présidentielles sont la signature de l’abandon de vos ambitions d’un grand soir fiscal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je vous remercie pour votre question, monsieur le député, qui va me permettre d’apporter des précisions sur la manière dont nous allons conduire la réforme fiscale jusqu’à la fin du quinquennat. Le premier point sur lequel je veux insister, c’est que cette réforme fiscale a été engagée dès 2012…
M. Pierre Lellouche. Ah bon ? Il y en avait déjà une en cours ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …avec l’alignement des revenus du capital sur les revenus du travail en matière de fiscalisation, ainsi qu’avec la réforme de l’impôt sur la fortune. Cette année, nous poursuivons la réforme avec la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu, la mise en place d’une décote et l’augmentation du plafond du revenu fiscal de référence. Personne au Gouvernement ni au sein de la majorité n’a jamais cru au grand soir fiscal : en réalité, nous croyons à la réforme fiscale en continu.
M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas ce que dit Ayrault !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour que cette réforme fiscale puisse aboutir à des résultats à la hauteur de l’ambition du chantier lancé par le Premier ministre, il faut que plusieurs conditions soient réunies. Pour commencer, elle doit reposer sur quatre principes clairs : un objectif de simplification ; la stabilisation de la structure de l’impôt, pour que ceux qui investissent et qui épargnent connaissent les conditions dans lesquelles ils seront traités ; la stimulation de la croissance, parce que la croissance et l’inversion de la courbe du chômage sont nos objectifs ; la justice fiscale enfin, parce que là où nous sommes, nous souhaitons réconcilier le pays avec la justice en faisant en sorte que la réforme fiscale y contribue.
Pour atteindre ce but, il faut que la pression fiscale diminue, parce qu’il n’y a pas de réforme fiscale qui puisse être conduite à bon port sans réduction de la pression fiscale. Nous devons donc faire des économies en dépenses significatives. C’est précisément de cela que nous avons traité ce matin autour du Premier ministre, à l’occasion de la réunion du comité interministériel de modernisation de l’action publique. Nous faisons cette année 15 milliards d’économies en dépenses et, dès l’an prochain, le budget sera ajusté exclusivement par des économies en dépenses. Voilà quel est le chemin, voilà quel est le cap : nous atteindrons le but ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Alain Suguenot. Monsieur le président, si le Président choisit le Premier ministre, le Parlement n’a pas forcément envie de faire avec… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Paul Bacquet. Ça veut dire quoi ?
M. Alain Suguenot. Monsieur le Premier ministre, l’esquive n’est pas une réponse ; elle n’est pas non plus une politique. Oui, c’est bien vous qui avez commandé les cinq rapports sur l’intégration qui viennent d’être rendus publics ! Voilà une nouvelle fois l’illustration de l’amateurisme de ce gouvernement : des considérations irréalistes et dangereuses pour les fondements de notre République ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez beau tenter aujourd’hui de vous en dégager, ces rapports ont été, de fait, validés par dix de vos ministères, et votre propre site à Matignon indique qu’ils sont d’une grande qualité. Aujourd’hui, une partie des ministres – Eric Ciotti l’a dit – et le Président de la République lui-même vous ont désavoué.
M. Jean-Paul Bacquet. Pas du tout !
M. Alain Suguenot. Le ministre des affaires étrangères a bien raison de dire qu’ « il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Après vous être attaqué à la famille, après avoir augmenté comme jamais la fiscalité, vous visez, avec le retour du voile à l’école et le communautarisme, les piliers de la République, et notamment la laïcité.
Nous marchons littéralement sur la tête ! Un jour, c’est la sécurité routière, le lendemain, la consommation des fruits et légumes, le surlendemain, l’enseignement des langues africaines : à force de charger l’école de toutes les missions de la terre, elle finira par ne plus rien enseigner du tout !
Vous le savez, monsieur le Premier ministre, votre demande de rapports n’a provoqué que rage et fureur ! Pour quelqu’un qui devrait rassembler les Français, je vous félicite : vous ne faites que les diviser !
M. Michel Pouzol. Vous êtes bien placés pour le dire !
M. Alain Suguenot. La ficelle est tellement grosse que votre démarche ne peut être liée qu’à des considérations électoralistes de petite cuisine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, direz-vous que vous n’avez pas souhaité affaiblir le débat démocratique et, pourquoi pas, l’opposition républicaine en favorisant la frange de ceux qui la combattent ? Personne n’y croit.
N’avez-vous donc plus rien à proposer aux Français qui souffrent et qui demandent, avant tout, des solutions à leurs problèmes de tous les jours ? Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin les écouter et retirer les rapports, au lieu de faire avec ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Même si votre question, monsieur le député, était assez confuse (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je tiens à vous dire que l’essentiel est que nous réaffirmions clairement notre attachement aux principes de la République, en particulier à l’intégration républicaine, construite autour de la laïcité.
Le Premier ministre l’a rappelé, avant même, d’ailleurs, que ne s’exprime le Président de la République : il n’a pas compris que la liberté de conscience ou d’expression puisse conduire des dirigeants de l’opposition à nous intenter un procès injuste. Je ne vois pas l’intérêt de diviser les Français sur ces questions !
M. Yves Censi. Amateur !
M. Vincent Peillon, ministre. Lorsqu’il le faut, comme en 2004 – le Premier ministre l’a rappelé – nous sommes rassemblés ! Nous pourrions en attendre autant de vous sur des questions aussi importantes que celles de la laïcité et de l’intégration !
M. Yves Censi. Et le cannabis ?
M. Vincent Peillon, ministre. Sur ces questions, nous réaffirmons nos principes, à travers la charte de la laïcité, à travers la morale laïque, à travers les mesures prises par le ministre de l’intérieur.
Dans le même temps, nous devons apporter des réponses à cette difficulté française qu’est l’intégration. Récemment encore, le rapport international PISA a montré que pour ceux qui sont de première ou de deuxième génération, nous avons échoué à réaliser l’intégration que nous souhaitons : une communauté de Français égaux. C’est ce que nous devons viser, en réaffirmant les principes et en menant des politiques d’intégration efficaces et justes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. Alain Marty. Ce n’est pas la question !
M. le président. La parole est à Mme Marie Récalde, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Marie Récalde. Ma question s’adresse au ministre délégué à l’économie sociale et solidaire et à la consommation. Monsieur le ministre, nous le savons, plusieurs leviers peuvent être actionnés pour agir en faveur du pouvoir d’achat des Français. La bataille pour l’emploi, que nous menons sans répit, en est évidemment une dimension essentielle.
L’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, l’encadrement des loyers, la généralisation du tiers payant, l’extension des tarifs sociaux de l’énergie, la lutte contre la vie chère en outre-mer, et tant d’autres mesures, sont aussi des éléments de soutien concret au pouvoir d’achat des Français. En adoptant le projet de loi sur la consommation, un texte qui accompagnera les Français dans leur vie quotidienne, notre majorité a démontré une nouvelle fois qu’il s’agissait de sa priorité.
Baisse du prix des lunettes et des lentilles, instauration de l’action de groupe à la française – une procédure qui permettra aux consommateurs d’être mieux armés pour lutter contre les dérives commerciales –, résiliation facilitée des contrats d’assurance, protection face aux abus du commerce en ligne, lutte contre l’obsolescence programmée, renforcement des moyens dévolus à la répression des fraudes : cet inventaire s’inscrit dans un ensemble cohérent et efficace pour mieux protéger les consommateurs.
Par ailleurs, nos régions, fortes de leurs terroirs, sont sensibles à l’effort du Gouvernement pour mieux mettre en valeur les indications géographiques protégées et la mention du « fait maison », qui valorise les artisans restaurateurs.
Cette loi a recueilli le soutien de très nombreuses associations de consommateurs, qui en mesurent parfaitement les effets positifs, voulus et votés par notre majorité. Monsieur le ministre, pouvez-vous aujourd’hui mesurer l’impact réel de cette loi, qui vise à restituer aux Français plusieurs centaines de millions d’euros ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.
M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la députée, la loi consommation est d’abord une grande loi de vie quotidienne, qui donnera de nouveaux pouvoirs aux consommateurs. Je voudrais distinguer deux mesures importantes : la création de l’action de groupe permettra aux consommateurs français d’obtenir enfin réparation des préjudices économiques qu’ils subissent (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) ; en responsabilisant les prêteurs, la création du registre national des crédits aux particuliers fera que les familles surendettées ne seront plus tenues pour seules responsables de leur situation.
Trois mesures agiront sur le pouvoir d’achat des Français. La première est la possibilité qui leur est désormais donnée de résilier au terme de la première année et quand ils le souhaitent leur contrat d’assurance multirisque habitation ou auto.
M. Laurent Grandguillaume. Très bien !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. La deuxième concerne l’assurance emprunteur et aura les mêmes vertus, puisqu’elle permettra de faire baisser les prix en faisant jouer la concurrence. Huit millions de Français remboursent des prêts immobiliers et ont souscrit une assurance qui peut représenter jusqu’à un tiers du coût du crédit. Désormais, ils pourront renégocier leur contrat, dans un délai d’un an après la signature du prêt immobilier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La dernière mesure concerne les lunettes, qui coûtent en moyenne 470 euros – monture et verres compris –, soit deux fois plus que dans les autres pays européens. C’est très cher, c’est beaucoup trop cher ! L’engagement du Gouvernement est de réglementer la distribution par internet des verres et des montures, de telle façon que demain, celles et ceux qui veulent acheter leurs lunettes, que ce soit chez un opticien ou sur internet, obtiennent des prix plus bas et que les 3 millions de Français qui souffrent d’un handicap visuel et sont privés de lunettes puissent enfin s’équiper. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.
Mme Michèle Bonneton. Monsieur le président, chers collègues, monsieur le ministre de l’écologie, depuis plusieurs jours la France connaît le plus grave épisode de pollution de l’air depuis décembre 2007.
Des enfants souffrant de graves difficultés respiratoires doivent être conduits d’urgence à l’hôpital. Les adultes ne sont pas épargnés. Selon des informations récentes, 60 % de nos concitoyens sont exposés à un air dégradé et 12 millions de Français habitent des zones où les concentrations de particules fines ont un impact direct sur la santé. On estime à 40 000 par an le nombre de décès prématurés dus à la pollution atmosphérique.
Or, notre pays est le plus diésélisé du monde, alors même que l’Organisation mondiale de la santé classe les émissions des moteurs diesel dans la catégorie des cancérogènes et que ces moteurs sont la principale source d’émission de particules fines.
Dans ce contexte, la fin des niches fiscales et la mise en place d’une autre fiscalité sur les énergies fossiles, notamment sur le gasoil, apparaît comme un moyen efficace pour baisser les émissions et développer massivement les transports collectifs, le covoiturage et les modes doux de déplacement.
M. Bernard Accoyer. Encore des taxes !
Mme Michèle Bonneton. L’Union européenne a assigné la France devant la Cour de justice de l’Union pour non-respect des normes européennes de qualité de l’air.
M. Bernard Accoyer. Nous avons dix ans de retard !
Mme Michèle Bonneton. Notre pays n’a pas instauré de zones de protection de l’atmosphère alors que deux cents villes européennes l’ont déjà fait. La Commission européenne présentera, aujourd’hui même, une révision de sa législation sur la qualité de l’air.
En France, il est temps de donner un véritable prix à la pollution ; cela poussera l’industrie à innover et les consommateurs à modifier leurs comportements d’achat.
Monsieur le ministre, quelles mesures spécifiques le Gouvernement français entend-il mettre en œuvre dans les délais les plus brefs pour préserver la santé et la vie des habitants de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. Gérard Bapt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Philippe Martin qui, précisément, préside en ce moment le comité interministériel de la qualité de l’air.
Vous avez raison de souligner, madame Michèle Bonneton, que la pollution de l’air est un enjeu majeur de santé publique en France et que les Français attendent de nous tous – État, collectivités, industriels – que nous prenions nos responsabilités. Nous assistons en effet malheureusement chaque année à plus de 40 000 décès prématurés dus aux effets des particules fines sur la santé.
Quand nous sommes arrivés au Gouvernement, sur trente-six plans de protection de l’atmosphère qui devaient être pris dans le cadre de la loi Lepage de 1996, un seul avait été engagé. Cela a exposé la France à de lourdes condamnations de la part de la Commission européenne.
M. Christian Jacob. Et vous êtes obligé de lire des notes pour dire cela ? C’est affligeant !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Le Gouvernement a pris ses responsabilités. Nous avons mis en place un plan d’urgence pour la qualité de l’air en début d’année de façon à mieux coordonner l’action publique en cas de pollution.
Vous avez insisté sur la nécessité de développer une mobilité propre, madame la députée, et de mieux réguler le flux des véhicules polluants dans les zones exposées ; c’est ce que nous faisons. Ce plan d’urgence se décline à l’échelle locale en plans de protection de l’atmosphère, plus ambitieux et mieux concertés. À la fin de l’année 2013, plus de dix plans auront ainsi été mis en œuvre, tandis que vingt-six seront approuvés en 2014. Cela doit nous permettre de répondre aux enjeux réglementaires de la pollution entre 2015 et 2020.
Cet après-midi même, Philippe Martin annoncera l’extension du dispositif de circulation alternée aux épisodes de pics de pollution par les particules et fera le point sur les résultats du plan d’urgence annoncé.
M. Christian Jacob. Quel engagement !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Vous le voyez, la politique de reconquête de la qualité de l’air est une action menée de manière ambitieuse par le Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Hervé Gaymard. Ma question s’adresse au Premier ministre, car elle concerne plusieurs ministres du Gouvernement : M. Peillon au titre de l’éducation nationale, M. Sapin au titre de l’emploi et de l’indemnisation du chômage et Mme Pinel au titre du tourisme. J’associe évidemment à ma question tous mes collègues sur les bancs de cette assemblée qui sont élus de la montagne car celle-ci concerne la fixation des dates des vacances scolaires, un problème qui se pose de manière récurrente mais qui est toujours mal résolu.
En réalité, la question soulève deux problèmes. Le premier est celui de la fixation des dates des vacances de Pâques, qui ont été décalées vers le mois de mai ces dernières années. Cela n’est bon ni pour l’équilibre pédagogique – le troisième trimestre a ainsi duré à peine six ou sept semaines dans certains établissements, notamment du fait des examens du baccalauréat – ni pour l’économie, puisque nous avons vu dans nos zones de montagne les statistiques du chômage au titre de l’indemnisation, c’est-à-dire du chômage saisonnier, grimper dès la fin du mois du mars. Ce dérapage est donc mauvais pour la pédagogie, mauvais pour l’emploi et mauvais pour l’économie et les recettes fiscales.
Le second problème est celui des vacances de février, qu’on projetterait de faire commencer en milieu de semaine. Les familles ne comprennent pas la logique d’une telle mesure, qui aurait pour conséquence une désorganisation invraisemblable. Ces vacances devraient au contraire selon nous être calées sur des semaines complètes plutôt que de commencer le mercredi.
M. Matthias Fekl. C’est le lobby du ski qui parle !
M. Hervé Gaymard. Telles sont les questions que je vous pose, monsieur le Premier ministre, car il y va non seulement de l’avenir de l’équilibre pédagogique de nos enfants mais aussi de l’économie touristique et de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député Hervé Gaymard, les deux problèmes que vous soulevez sont des problèmes réels qui nous préoccupent, même si, vous l’avez fort bien indiqué, nous savons qu’il n’y existe pas de bonne solution à ce stade. Il pourrait en tout cas y en avoir de moins mauvaises que celle du calendrier qui a été adopté selon une décision prise antérieurement, mais je ne souhaite pas revenir là-dessus.
J’ai reçu voilà une dizaine de jours M. Joël Giraud, président de la commission permanente du Conseil national de la montagne, et Mme Frédérique Massat, présidente de l’Association nationale des élus de la montagne.
M. Jean Glavany. Excellente présidente !
M. Vincent Peillon, ministre. Ils plaidaient évidemment la même cause que vous, une cause à la fois économique et pédagogique, comme vous le souligniez à juste titre, et c’est un équilibre toujours difficile à tenir.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé que nous apportions des réponses rapides aux deux questions que vous posez. Je souhaite que le Conseil supérieur de l’éducation se réunisse en janvier prochain afin qu’on revienne sur les semaines tronquées des vacances de février – le fait que celles-ci commencent en milieu de semaine constitue une difficulté majeure – et qu’on évite que les vacances de Pâques mordent ainsi sur le mois de mai, une dérive qui s’amplifiait avec la troisième année du calendrier. Telles sont les réponses que je souhaitais vous apporter.
À présent, j’aimerais que nous soyons capables d’apporter de meilleures réponses sur le long terme. Ainsi que je l’avais déjà annoncé, je souhaite que nous menions en 2015 une réflexion d’ensemble sur le calendrier de l’année et sur le zonage afin de résoudre durablement la question des vacances de Pâques et des vacances d’été. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Philippe Folliot. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense.
Ce lundi, s’est tenue aux Invalides une émouvante cérémonie en hommage aux deux marsouins parachutistes du 8e RPIMa de ma ville de Castres, Antoine Le Quinio et Nicolas Vokaer, morts pour la France.
À cette occasion, le Président de la République a prononcé un discours digne et républicain pour rendre un hommage appuyé à nos deux soldats et à nos troupes sur le terrain. Je suis convaincu que l’ensemble de la représentation nationale s’associe à cet hommage.
Je n’entrerai pas dans le débat sur les capacités de résilience de notre nation, mais force est de reconnaître que, quand j’ai dit que ces soldats sont « morts pour la France », cette terminologie est, sinon impropre, du moins imprécise : ils sont morts pour la paix, mais aussi morts pour l’Europe. En effet, monsieur le ministre, une fois encore, la France seule fait tout le boulot et, alors que ces actions concernent aussi la sécurité du continent, l’Europe est encore et toujours quasiment aux abonnés absents.
En attendant un très symbolique renfort de troupes au sol de la part de pays de l’Union, une modeste aide logistique de certains partenaires, un financement européen pour la formation et le déploiement des forces africaines de la MISCA sont utiles, mais secondaires ; le prix du sang et le coût financier – plusieurs centaines de millions d’euros par an en RCA comme au Mali –, c’est non pas l’Europe, mais la France qui les supporte seule.
L’UDI, dans son projet en matière de défense, a proposé la création d’un budget européen dédié au financement des OPEX. Nous nous félicitions que, dans le cadre du Conseil européen qui se tiendra demain et qui sera en partie consacré à la défense, le Président de la République ait repris notre idée à son compte, laquelle doit compléter le dispositif ATHENA, utile mais trop limité.
Monsieur le ministre, la France compte-t-elle demander que ce fonds soit opérationnel rapidement, qu’une opération EUFOR se mette en place au plus vite pour la RCA et que la force européenne de gendarmerie puisse procéder, aux côtés des forces françaises et africaines, au rétablissement de la sécurité dans ce pays ? À la veille des prochaines élections européennes, l’opinion publique française et continentale ne comprendrait pas l’inaction de l’Union. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, vous qui êtes député de Castres, je vous remercie pour cette question. Vous avez rappelé la mémoire de Nicolas Vokaer et d’Antoine Le Quinio, caporaux au 8e RPIMa. Comme vous le savez, j’ai rencontré, vendredi et samedi derniers, leurs camarades à Bangui et à Bossangoa. Ils ressentent évidemment la douleur liée à la perte de ces deux soldats, mais ils expriment aussi la fierté d’accomplir leur devoir pour la France.
La mission qui incombe en ce moment à nos forces – j’appelle cela le « désarmement impartial » – est très difficile. Il y faut de la vigilance, de la clairvoyance et du sang-froid, bref du professionnalisme. Or « le 8 », comme on dit à Castres, en a beaucoup. Je voudrais profiter de votre question pour rendre hommage à ce régiment. (Applaudissements sur tous les bancs.)
En ce qui concerne la dimension européenne de votre question, le ministre des affaires étrangères vous l’a dit hier : la question du soutien politique – il est acquis –, financier – il l’est lui aussi – et opérationnel – chaque pays, en fonction des procédures en vigueur, est en train d’y réfléchir – a été évoquée lundi.
Nous sommes allés les premiers au Mali, parce que c’était de notre responsabilité. Or, il y a quelques jours, les Pays-Bas ont décidé l’envoi de 400 soldats au sol. Cela montre bien que l’action de la France peut inciter d’autres pays à fournir un engagement significatif. Le Président de la République posera, lors du Conseil européen qui aura lieu demain, la question du fonds de financement que vous avez évoqué. J’espère que cela permettra d’obtenir des résultats positifs qui se feront sentir l’année prochaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Véronique Louwagie. Ma question, à laquelle j’associe toutes mes collègues députées du groupe UMP, s’adresse au Premier ministre.
Le 6 novembre dernier, je vous ai déjà interrogé sur les légitimes revendications des sages-femmes qui sont en grève depuis le 16 octobre. Certaines d’entre elles sont présentes dans les tribunes de l’hémicycle ; nous les assurons de notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Gérard Charasse. Très bien !
Mme Véronique Louwagie. Je rappelle que les sages-femmes, dont la mission est essentielle, ont deux revendications : être reconnues comme intervenant en premier recours pour les femmes en bonne santé et comme personnel médical hospitalier.
Lundi, 4 500 sages-femmes étaient encore en grève ; elles ont quitté une réunion au ministère de la santé – c’était la troisième – car leurs interlocuteurs, écoutant davantage les organisations syndicales comme FO ou la CGT plutôt que le collectif des sages-femmes, leur ont proposé, soit d’en rester au statut actuel, soit de créer un statut bâtard qui ferait qu’elles ne seraient pas praticien hospitalier et qu’elles n’appartiendraient pas à la fonction publique. Ainsi donc, il est demandé aux sages-femmes de choisir entre la peste et le choléra. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, les sages-femmes méritent mieux que d’être manipulées et même déconsidérées par une proposition ne reconnaissant pas leur statut médical. L’attitude de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, qui consiste à diviser pour mieux régner, contribue à rabaisser la profession et risque d’entraîner un durcissement du mouvement.
M. Jean-Pierre Dufau. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ?
Mme Véronique Louwagie. Il est plus que temps de mettre fin à ce faux-semblant qui consiste à recevoir les sages-femmes avec l’objectif de ne pas bouger les lignes. Il est temps de parler un langage de vérité plutôt que de jouer sur une hypocrisie désormais parfaitement insupportable.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous recevoir vous-même les sages-femmes, dans la mesure où Mme Touraine ne les écoute pas ? Allez-vous recevoir le collectif des sages-femmes, seule entité représentative aux yeux de ces professionnelles ? Quelle est votre position sur leurs légitimes revendications ? Allez-vous enfin leur proposer un statut plutôt que le statu quo ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. À l’évidence, madame la députée, un peu de mauvaise foi ne nuit pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Bernard Deflesselles. Vous êtes experte en la matière !
Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens d’ailleurs à dire que, sur les bancs de la majorité, ce sont non seulement les femmes qui soutiennent les sages-femmes, mais l’ensemble des députés du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je veux également vous assurer – j’ai eu l’occasion de le dire à l’ensemble des sages-femmes, lors de mes déplacements dans les hôpitaux, comme lorsque j’ai reçu leurs représentantes au ministère – de la détermination absolue du Gouvernement pour permettre que les sages-femmes soient mieux reconnues, mieux identifiées dans notre système de santé, qu’il s’agisse de leur place comme professionnelles médicales de premier recours ou de leur statut à l’hôpital.
M. Julien Aubert. Vous êtes aussi menteuse que Cahuzac !
Mme Marisol Touraine, ministre. Dans cette perspective, madame la députée, vous êtes à l’évidence mal informée. J’ai fait trois propositions extrêmement concrètes.
La première consiste à reconnaître à part entière le caractère médical de la profession de sage-femme à l’hôpital. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Très concrètement, de quoi s’agit-il ? D’organiser une vraie autonomie professionnelle des sages-femmes. Je propose par exemple de leur confier la responsabilité d’unités de physiologie.
La deuxième proposition est de procéder à une revalorisation salariale, car c’est l’un des enjeux pour la profession.
La troisième proposition porte sur leur statut, avec deux options qui ne sont pas celles que vous avez évoquées. La première est la création d’une filière médicale autonome au sein de la fonction publique hospitalière, à savoir une filière maïeutique.
Mme Bérengère Poletti. Oui, mais dans quelles conditions ?
Mme Marisol Touraine, ministre. La seconde est l’instauration, en dehors de la fonction publique, d’un statut médical de praticien maïeutique.
Vous le voyez, madame la députée, des propositions sont faites, qui ont pour but de reconnaître à part entière l’autonomie des sages-femmes, dans l’intérêt des femmes et de l’ensemble de notre système de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Michel Vauzelle. Monsieur le ministre du redressement productif, depuis plusieurs mois, avec les salariés, les syndicats et de nombreux élus de Provence-Alpes-Côte d’Azur et de Rhône-Alpes, à vos côtés, nous nous sommes battus pour assurer le devenir du groupe chimique Kem One.
Kem One, c’est le groupe Klesch, dont le siège social est à Genève, qui comporte plusieurs holdings financières immatriculées à Jersey, Malte et les Bermudes – toutes de bonnes adresses… Kem One emploie aujourd’hui environ 1 800 salariés en France, dont près de 700 salariés dans ma région, répartis sur les sites de Saint-Auban, Lavéra et Fos-sur-Mer.
Or nous sommes aujourd’hui face à la menace d’une défaillance – le mort est faible – de Kem One, qui aurait, en termes d’emplois directs et indirects, des conséquences évidemment dramatiques. Selon les organisations syndicales, ce sont 20 000 emplois qui seraient concernés. De plus, Kem One est une entreprise de tout premier plan pour l’industrie de la région Provence-Alpes Côte-d’Azur. Nul ne peut ignorer le rôle stratégique qu’elle joue dans la filière chimique. Plus largement, c’est l’avenir et la reconversion de toute cette filière et du territoire industriel de l’étang de Berre qui sont en jeu, c’est la sauvegarde et le développement de ces emplois liés à la pétrochimie autour de l’étang de Berre, mais qui dépassent ce seul secteur d’activité régional et méritent d’être considérés comme une grande cause nationale.
Ces derniers mois ont montré l’importance d’une association forte des collectivités locales, et d’abord des régions, avec l’État, pour le suivi des dossiers tels que celui-ci. Nous avons le sentiment que cette association est active avec un certain nombre de salariés et de syndicats. Cette volonté de faire travailler ensemble tous les acteurs concernés nous permet aujourd’hui de croire au maintien d’activités et d’emplois industriels dans ce secteur.
Monsieur le ministre, pouvez-vous, à cet instant, rassurer les travailleurs sur l’avenir de cette entreprise ?
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député Michel Vauzelle, vous avez raison de dire que le dépôt de bilan de Kem One est un tremblement de terre pour la filière pétrochimique française : 10 000 employés indirects et 1 800 employés directs sont concernés dans les régions lyonnaise et provençale que vous connaissez bien ; l’entreprise réalise 1 milliard de chiffre d’affaires. Mais le risque existe que la défaillance de Kem One entraîne, par effet de dominos, la chute de l’ensemble du système de la pétrochimie dans ces deux territoires.
Qu’est-ce que l’État a fait en neuf mois ? Premièrement, chose importante, il a obtenu des acteurs responsables de cette situation le financement de la période d’observation, pour que l’entreprise continue à fonctionner. Cela a été fait.
Deuxièmement, il a cherché un repreneur, pour écarter tout risque de dépeçage, sous quelque forme que ce soit, qui aurait entraîné la destruction lente, mais définitive, de Kem One.
Troisièmement, nous avons reconstitué la rentabilité de cette entreprise.
Je tiens à remercier ici l’ensemble des fournisseurs de Kem One : Total, Arkema, EDF, Lyondell Basel, qui ont participé à cet effort.
Enfin, l’État, grâce, d’ailleurs, à l’appui quasi unanime que vous avez accordé ici à travers le Fonds de résistance économique, a apporté un soutien financier aux deux offres de reprise présentées en ce moment même devant le tribunal de commerce, pour convaincre les magistrats, avec l’administrateur judiciaire, d’un sauvetage définitif, solide et durable de Kem One.
Il y a une offre industrielle et une offre financière. Je viens d’apprendre, en entrant dans cet hémicycle, que les deux offres venaient de fusionner et qu’il n’y en aurait donc plus qu’une seule. Cette offre est durable, viable et financée. Nous nous acheminons donc vers un dénouement heureux de l’affaire Kem One.
Je veux remercier les organisations syndicales, qui ont été présentes, tous les élus des territoires concernés, dont vous faites partie, et M. le Premier ministre qui, lui aussi, a apporté des efforts considérables pour parvenir à une solution et réussir ce sauvetage. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le Premier ministre, il y a juste un an, je vous rappelais que le seuil des prélèvements sur les ménages, les retraités et les entrepreneurs dépassait les limites du tolérable.
Un an après, c’est pire, notamment pour les familles : un coup terrible leur a été porté avec la baisse du quotient familial pour la deuxième année consécutive. La hausse d’impôts qui en résulte a déjà touché plusieurs millions de familles. Plusieurs autres millions seront touchés en 2014.
M. Jean-Paul Bacquet. Vous dites n’importe quoi !
M. Jean-Pierre Vigier. Comment voulez-vous que les Français fassent confiance à celui qui parlait de « pause fiscale » et qui annonce maintenant une « remise à plat » de la fiscalité ?
Dans ce contexte, la porte-parole du Gouvernement vient d’annoncer qu’elle est favorable à la fin de la conjugalisation de l’impôt : nouvelle attaque contre les familles ! C’est décidément pour vous une obsession ! Avec des déclarations individuelles, 60 % des couples mariés et pacsés paieraient plus d’impôts, tout particulièrement les classes moyennes, qui ne supportent plus le matraquage fiscal que vous leur imposez.
Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : après avoir raboté le quotient familial, allez-vous aussi supprimer le quotient conjugal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous êtes atteint d’un syndrome bien connu, mais qui, fort heureusement, connaît un excellent remède : le syndrome du cacatoès. (Sourires.) Tous les mercredis, inlassablement, vous répétez la même chose, sans vous préoccuper d’ailleurs de savoir ce que cela signifie – il est rare que les perroquets se rendent compte du sens des mots qu’ils emploient. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous le dites avec une satisfaction absolue, et surtout sans jamais vous préoccuper de savoir si cela correspond à un début de réalité.
Malgré toutes ces caractéristiques, je suis absolument convaincu que ce syndrome peut se guérir dès lors que le cacatoès, au moins une fois de temps en temps, rencontre la bonne foi. Et je veux vous inviter à faire en sorte que le cacatoès rencontre aujourd’hui, ce mercredi, la bonne foi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Et si le cacatoès rencontrait aujourd’hui la bonne foi, que se passerait-il ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il se rendrait compte que vous avez prélevé massivement les Français pendant des années – 20 milliards en 2011, 13 milliards en 2012 –, mis en place la non-réindexation du barème de l’impôt sur le revenu et réussi à supprimer la demi-part des veuves ; mais le cacatoès se rendrait également compte que tout cela, nous l’avons corrigé dans le budget 2014 en procédant à la réindexation du barème, en augmentant le plafond du revenu fiscal de référence, en mettant en place une décote et en adoptant de nombreuses mesures en faveur du pouvoir d’achat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais pour faire tout cela, monsieur le député, encore faudrait-il qu’à un certain moment, vous acceptiez de considérer que, face à la situation que nous avons trouvée, nous nous sommes engagés dans de réels efforts de redressement.
M. Frédéric Reiss. Répondez à la question !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et si nous faisons ces efforts, notamment sur la branche famille, c’est parce que vous nous avez laissé 2,5 milliards de déficit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur quelques bancs du groupe RRDP.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Boistard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Pascale Boistard. Monsieur le ministre du redressement productif, le 26 juin dernier, notre assemblée décidait de créer une commission d’enquête relative au projet de fermeture de l’un des deux établissements du groupe Goodyear situé à Amiens.
En tant que rapporteure de cette commission d’enquête, j’ai eu l’honneur de remettre ce matin au président de l’Assemblée nationale un rapport assorti de dix-huit propositions élaborées au cours de six mois de travaux.
Une issue, qui devrait recueillir l’assentiment de toutes les parties, existe : réindustrialiser le site sur un segment de marché porteur, l’agraire, inséré dans une filière régionale, au cœur de l’Europe agricole.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué, lors de votre audition devant la commission d’enquête, que vous croyiez au projet de reprise partielle par Titan et que vous feriez tout pour rapprocher les trois parties en présence : salariés de l’usine, direction de Goodyear et direction de Titan.
Il serait en effet heureux qu’après six années d’un conflit social exceptionnel par sa durée, son âpreté et le nombre de procédures judiciaires, un vrai projet industriel assure, enfin, la pérennité du site d’Amiens-Nord.
Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir ce que compte faire le Gouvernement pour ramener autour de la table l’ensemble des acteurs concernés et mener enfin à son terme la négociation inachevée ! Je suis, pour ma part, disponible et toute disposée à y contribuer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Madame la députée Pascale Boistard, je remercie la commission que vous avez présidée des conclusions qu’elle a livrées à l’Assemblée nationale et au Gouvernement. Nos efforts consistent à rapprocher des parties qui ne se parlent plus depuis des années alors que des projets de reprise étaient sur la table, en particulier pour 537 salariés de la partie rentable de l’activité de Goodyear Amiens-Nord. Cette solution avait d’ailleurs été approuvée par référendum et un plan de départ volontaire relativement généreux avait été établi en faveur des salariés qui n’étaient pas repris, ce qui aurait permis de régler le problème.
Lorsque je suis arrivé aux fonctions qui m’ont été confiées, il n’avait malheureusement pas été possible de parvenir à un accord. Nous avons donc recommencé à travailler, comme Pénélope remettant l’ouvrage sur le métier. Les trois parties se livrent aujourd’hui à des tractations sous notre égide, notre objectif étant de les faire revenir à des positions raisonnables et de les rapprocher, pour que Titan s’entende avec la CGT, que la CGT s’entende avec Goodyear, et que Goodyear s’entende avec Titan.
Nous sommes disponibles pour verser toute la sueur, faire preuve de toute la patience nécessaire, prendre le temps qu’il faudra, dussions-nous y passer nos jours, nos nuits, nos samedis et nos dimanches car nous n’avons pas d’autre solution que d’y arriver. J’ai juste besoin, madame la députée, que tout le monde y mette du sien, que chacun mette de l’eau dans son vin et du vin dans son eau. Merci de faire passer le message. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Rémi Delatte. Monsieur le Premier ministre, il est inadmissible que M. le ministre du budget insulte les parlementaires tel qu’il vient de le faire en les traitant de cacatoès ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) N’avez-vous pas l’impression, vous-même, monsieur le ministre, de répéter toujours la même chose ?
Monsieur le Premier ministre, les entrepreneurs de France sont de plus en plus désemparés. Face à la crise économique, vous opposez une politique à tout le moins incompréhensible.
Incompréhensible, parce que vos errances vont à l’encontre de ce qui fonde les principes mêmes de l’économie. Vous avez beau clamer votre détermination à faire de l’emploi l’objectif numéro un de votre gouvernement, vous faites en réalité tout l’inverse.
Ainsi, quand vous augmentez la TVA, les taxes et les charges qui pèsent sur l’entreprise, vous portez un mauvais coup à l’envie d’entreprendre et par là même, vous cassez l’emploi.
Quand vous élevez le coût du travail, vous cassez l’emploi.
Quand vous augmentez l’impôt des Français, vous limitez leur consommation et donc vous cassez l’emploi.
Quand vous modifiez en permanence les règles fiscales, sociales et normatives, vous découragez l’investissement et vous cassez l’emploi.
Monsieur le Premier ministre, en cette période de fin d’année, même si plus personne ne croit au père Noël, permettez-nous de rêver quelque peu pour vous demander de faire un geste et d’offrir un beau cadeau aux Français.
Dotez l’économie d’une nouvelle boîte à outils pour libérer l’entreprise du carcan administratif et réglementaire qui l’asphyxie, réduire le coût du travail, rendre l’organisation du travail plus flexible, améliorer la compétitivité de nos entreprises, tout simplement redonner confiance à nos chefs d’entreprise.
Si vous le faites, monsieur le Premier ministre, vous verrez qu’à la colère des entrepreneurs se substitueront optimisme et initiative. Ils créeront alors de nouveau des emplois marchands pérennes, et la croissance sera au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député Rémi Delatte, je ne comprends pas votre question ou, en tout cas, si cette question avait été nuancée, vous n’auriez pas pu la poser de la même manière. Où est passé le crédit d’impôt compétitivité emploi ? Un geste historique, où l’ensemble de la nation finance 20 milliards de baisses d’impôts sur les entreprises qui embauchent, qui créent de l’emploi et de la main-d’œuvre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) On ne trouve pas 20 milliards sous le pas d’un cheval, tout de même, monsieur Delatte !
Que faites-vous du crédit d’impôt recherche, vanté dans le monde entier, que beaucoup de pays étrangers nous envient, (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP) et que les compagnies étrangères viennent chercher en implantant sur le territoire des laboratoires de recherche-développement ? (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Que faites-vous de l’accord interprofessionnel relatif à la sécurisation et au maintien de l’emploi ? Jamais un tel accord majoritaire n’avait été signé entre les syndicats et le patronat depuis trente ans ! Que faites-vous de cet accord qui change la donne aujourd’hui pour flexibiliser et trouver des conditions raisonnables, gagnant-gagnant, en faveur des salariés et de l’entreprise quand des problèmes surviennent ? Que faites-vous de l’accord sur la formation professionnelle qui vient d’être signé par les partenaires sociaux et qui arrivera bientôt devant l’Assemblée nationale ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Et l’apprentissage, qu’en faites-vous ?
M. Arnaud Montebourg, ministre. Monsieur Delatte, notre politique se traduit par des réalités.
M. Guénhaël Huet. Oui, le chômage !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Que vous la désapprouviez, que vous la combattiez, c’est une chose. Mais reconnaissez au moins ce que vous combattez. Cela, vous ne le faites même pas. Je vous demande de poser autrement vos questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement. La prochaine aura lieu l’année prochaine.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)
Présidence de Mme Catherine Vautrin
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en lecture définitive du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (no 1654).
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le texte que vous vous apprêtez à adopter définitivement s’inscrit dans la longue histoire de notre protection sociale et en consolide, tout en les adaptant, à la fois le socle et les valeurs. La tâche qui vous revient cet après-midi est ambitieuse : garantir l’avenir et la justice de notre système de retraites par répartition. Nous sommes aujourd’hui au terme d’un long processus qui est tout à l’honneur de notre démocratie.
À l’honneur de notre démocratie sociale, tout d’abord, à laquelle ce texte donne un souffle nouveau. Il est l’aboutissement d’une période de concertation et d’échanges engagés dès l’été 2012 dans le cadre de la grande conférence sociale. Il est la démonstration que notre pays est capable de mener des transformations en profondeur sans opposer les Français les uns contre les autres. Le progrès est possible lorsqu’il est construit de manière collective et qu’il respecte les positions de chacun. C’est un démenti cinglant à tous ceux qui considèrent que parler de démocratie sociale et la faire vivre est synonyme d’immobilisme et de conservatisme. Il est nécessaire de réformer par le dialogue et la concertation avec les organisations syndicales et patronales de notre pays, même si cette démarche est exigeante. Aujourd’hui, la preuve est faite qu’il est possible de réformer et de transformer sans passer en force.
Nous nous sommes concertés sans nous défausser sur les partenaires sociaux. À l’issue des échanges conduits avec eux, le Gouvernement a pris ses responsabilités. Nous avons fait des choix politiques décisifs pour l’avenir de nos retraites.
C’est à partir des décisions que nous avons prises que s’est ouverte une deuxième période, celle du travail parlementaire. J’ai été fière de défendre devant vous, au nom du Gouvernement, le premier projet de loi de gauche portant réforme de nos retraites depuis trente ans.
M. Arnaud Robinet. Vous le reconnaissez donc ?
Mme Marisol Touraine, ministre. La majorité a mené un travail collectif remarquable tout au long de nos discussions. Je veux remercier chaleureusement M. Michel Issindou, rapporteur de ce texte, pour le travail admirable qu’il a accompli. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je veux également saluer Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, qui a permis un débat apaisé. (Même mouvement.) Je remercie aussi l’ensemble des parlementaires d’avoir pleinement contribué à l’élaboration de cette réforme, toujours dans un esprit constructif.
Les débats ont été riches et intenses. Tous ceux qui ont voulu amender et aménager ce texte ont eu l’occasion de le faire. Dans ce seul hémicycle, nous aurons passé près de 90 heures à débattre ensemble.
M. Jean-Patrick Gille. Quel bonheur !
Mme Marisol Touraine, ministre. Près de deux mille amendements ont été déposés, et le résultat est là : d’importantes modifications ont été apportées au projet initial.
Mesdames et messieurs les députés, le texte que je vous invite aujourd’hui à adopter de manière définitive comporte une réforme majeure de notre système de retraites par répartition. Il s’agit d’une réforme structurante, qui garantit le droit collectif qu’est la retraite tout en y inscrivant la prise en compte des trajectoires personnelles et individuelles.
Ce texte permet d’abord de relever le défi financier qui s’impose à tous. Dans ce domaine, nous devions agir rapidement car des menaces réelles pesaient sur l’équilibre et la pérennité de nos régimes. Sans cette réforme, le déficit atteindrait vingt milliards d’euros en 2020, et vingt-six milliards en 2040.
Ce défi, nous le relevons de manière volontariste en inscrivant notre réforme dans le temps long. Nous avons fixé un horizon : l’année 2040, parce que c’est alors que les jeunes actifs d’aujourd’hui feront valoir leurs droits à la retraite, et parce qu’une réforme, pour être comprise et acceptée, ne doit pas changer les règles du jeu au dernier moment. C’est plus vrai encore lorsqu’il s’agit du départ à la retraite. Il n’aurait été ni acceptable ni compris d’allonger brutalement la durée de cotisation des Français qui partiront à la retraite dans les toutes prochaines années. Voilà pourquoi l’allongement de la durée de cotisation n’interviendra qu’à partir de 2020 et sera progressif, jusqu’à atteindre 43 annuités pour les générations qui partiront en retraite à partir de 2035.
Ensuite, nous avons souhaité que notre réforme repose sur une juste répartition de l’effort. C’est ainsi que toutes les composantes de notre société sont mises à contribution, parce qu’il y va de l’avenir de notre pacte social. Les entreprises comme les salariés, les actifs comme les retraités, le public comme le privé : chacun doit participer, dès aujourd’hui, au redressement financier de notre système de retraites, afin de ne pas faire peser comme par le passé la charge de l’effort sur les générations futures.
Enfin, nous devions mettre un terme aux changements de cap incessants. Depuis vingt ans, les réformes successives de nos retraites ont été anxiogènes. Elles ont sapé la confiance des Français dans l’avenir de notre protection sociale. Avec ce projet de loi, nous voulons défendre une vision de long terme. C’est tout le sens de l’instauration du comité de suivi des retraites, qui permettra le pilotage cohérent et dédramatisé de l’évolution des régimes de retraites.
Redresser les comptes est naturellement un impératif pour garantir notre système solidaire. Cependant, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, le redressement des comptes ne constitue pas en lui-même un projet politique. Avec ce projet de loi, nous retrouvons le sens du progrès.
Le progrès, c’est d’abord apporter des droits nouveaux à nos concitoyens. Près de cinq millions : tel est le nombre de salariés qui sont chaque jour concernés par la pénibilité au travail.
M. Régis Juanico. Eh oui !
Mme Marisol Touraine, ministre. Il était impensable de ne pas en tenir compte : c’était notre engagement, notre volonté et notre responsabilité. La mise en place dès le 1er janvier 2015 d’un compte pénibilité pour l’ensemble des salariés du secteur privé est une conquête majeure.
M. Christian Paul. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Nous pouvons être fiers de cette nouvelle avancée sociale qui, j’en suis convaincue, demeurera une étape marquante, comme avant elle la création du RMI ou, plus récemment, de la CMU.
Le progrès, c’est ensuite reconnaître dans la loi les nouvelles réalités du marché de l’emploi. Pour les femmes, tout d’abord : notre système de retraite amplifie les injustices dont elles sont victimes tout au long de leur carrière professionnelle. Elles avaient été les grandes oubliées des réformes précédentes. Désormais, le temps partiel sera mieux pris en compte, et les congés maternité aussi.
Il fallait aussi tenir compte de la situation des jeunes : une majorité d’entre eux est aujourd’hui confrontée à l’allongement des études. L’apprentissage sera intégralement pris en compte et des périodes de stage seront comptabilisées. Les injustices frappent aussi le monde agricole, dont les salariés perçoivent les plus petites pensions de notre pays. Nous réenclenchons dans cette loi un mouvement de justice interrompu depuis 2002. Je n’oublie pas non plus les difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap et leurs aidants, qui justifient les mesures de justice prises dans ce texte.
Mesdames et messieurs les députés, le travail ne s’achèvera pas une fois que nous aurons clôturé cette ultime séance, en tout cas pas pour le Gouvernement. Pour que les Français perçoivent concrètement le changement que nous avons lancé, nous avons une obligation : simplifier la compréhension de nos régimes de retraite. D’ores et déjà, des travaux ont été engagés en ce sens. La préfiguration du groupement d’intérêt public inter-régimes interviendra dès le premier semestre 2014. Pour que la réforme sur la pénibilité s’applique dans de bonnes conditions et le plus vite possible, j’ai également, avec M. Michel Sapin, confié à M. Michel de Virville la mission d’organiser et de faciliter la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Ce dispositif devra être simple et lisible, pour les salariés comme pour les entreprises.
Mesdames et messieurs les députés, nous faisons – vous faites – la démonstration qu’il est possible de conduire une réforme des retraites responsable sur le plan financier, tout en faisant progresser les droits des Français. L’un et l’autre ne peuvent ni ne doivent s’opposer. Ce sont même deux éléments absolument complémentaires pour préserver et consolider notre modèle social. Je suis fière de conclure avec vous aujourd’hui ce qui constitue une nouvelle étape dans l’histoire sociale de notre pays. Cette réforme, c’est un Gouvernement et une majorité de gauche qui l’ont conduite. Je suis persuadée qu’aucune majorité ne reviendra sur les avancées qu’elle contient, car nous l’avons faite non pas de manière partisane, mais pour l’ensemble des Français, ceux d’aujourd’hui et ceux des générations à venir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, c’est un long cheminement qui s’achève aujourd’hui par le vote de notre réforme des retraites ; un long cheminement de plusieurs mois de travail intense auquel ont participé l’ensemble des parlementaires de notre majorité, ainsi que le Gouvernement avec lequel nous avons œuvré de concert pour permettre des avancées importantes. À ceux qui en doutent encore,…
M. Christian Paul. Ils sont peu nombreux, aujourd’hui !
M. Michel Issindou, rapporteur. …je voudrais dire une nouvelle fois combien cette réforme était indispensable. Elle était indispensable car la réforme de 2010, annoncée comme une réforme majeure – je n’ose dire la der des ders, même si l’expression a été entendue à l’époque – a immédiatement montré ses limites, au point que trois ans plus tard, face au constat des chiffres, nous sommes contraints de revenir dessus puisqu’elle n’a rien réglé.
M. Arnaud Robinet. Plus trente milliards ! Excusez du peu…
M. Michel Issindou, rapporteur. Même en ponctionnant plus de deux milliards d’euros par an sur le fonds de réserve des retraites, cette réforme n’a apporté aucune perspective et s’est contentée de reporter brutalement l’âge légal, ignorant toute autre mesure d’envergure.
M. Michel Issindou, rapporteur. Cette réforme était nécessaire. Les Français l’ont parfaitement compris : cela explique que cette réforme annoncée comme devant être impopulaire et difficile à mener, a été acceptée par une grande majorité de Français non par fatalisme ou renoncement, mais parce qu’ils ont compris que l’on ne pouvait maintenir notre système par répartition si nous ne prenions pas rapidement les mesures qui s’imposaient.
Ils l’ont parfaitement compris pour plusieurs raisons : l’espérance de vie continue de progresser fortement – et c’est une chance pour notre pays – et continuera de progresser ; le phénomène du papy-boom s’amenuise, la génération née entre 1945 et 1975 va arriver à la retraite dans les prochaines années ; la crise économique, hélas, a contribué à raréfier les recettes. Ces anticipations n’ayant pas été suffisantes en 2010, il était indispensable, madame la ministre, que vous y reveniez. C’est ce que vous avez fait avec cette belle réforme de gauche.
Il faut également saluer la méthode. Les organisations syndicales ont été associées dès le départ, il y un peu plus d’un an. Elles n’ont certes pas, d’emblée, donné de blanc-seing et certaines ont continué de s’opposer sur certains points. Mais aucune n’a quitté la table des négociations. Leur apport a été précieux par exemple sur la pénibilité et chacune a fait valoir son point de vue. Il faut également rappeler le rôle des experts. Le conseil d’orientation des retraites, instauré par Lionel Jospin en 1999, a fait un diagnostic et un état des lieux très intéressant. Les experts réunis au sein de la commission présidée par Yannick Moreau ont également contribué à la réflexion. La réforme a pu s’engager à partir de leurs hypothèses de travail. Les Français en ont eu connaissance et ils y ont réagi, parfois négativement. Mais en tout état de cause, de ces expertises est ressorti qu’il y avait plusieurs solutions pour retrouver un équilibre financier.
Nous sommes ensuite revenus devant les organisations syndicales – lesquelles n’avaient pas à donner leur accord, car il ne s’agissait pas d’une négociation – pour les consulter une dernière fois. Le Gouvernement a pris ses responsabilités à l’issue de toutes les consultations après avoir laissé tout le temps nécessaire pour faire réussir une telle réforme. La brutalité n’a jamais été un gage de réussite.
Le Gouvernement a choisi de faire une réforme équilibrée. Les efforts sont modérés et partagés. On a dit à chacun des acteurs qu’ils devaient contribuer : les actifs, les employeurs et les retraités, qui ne peuvent pas ne pas être solidaires de ce qui se passera dans dix, vingt ou trente ans. Ils ont eu, eux, la chance que leur retraite ait progressé dans le temps grâce à des carrières souvent meilleures ; et leur niveau de vie est à peu près équivalent à celui des actifs.
La réforme est progressive. L’augmentation des cotisations est modérée et progressive, puisqu’elle est étalée sur quatre années. L’allongement de la durée de la cotisation ne démarre qu’en 2020 à raison d’un trimestre tous les trois ans jusqu’en 2035. Il n’y a donc pas de quoi effrayer ceux qui sont à deux pas de la retraite. Et ceux qui en sont encore loin, auront une connaissance parfaite de leurs conditions de départ. Nous sommes loin des propositions de l’UMP, réaffirmées il y a peu par Jean-François Copé : retraite à soixante-cinq ans, quarante-cinq ans de cotisations. Ça, cela aurait été de la brutalité ! Ceux qui commenceraient à travailler à dix-huit ans cotiseraient quarante-cinq, quarante-six, quarante-sept ans !
Ce qu’il faut retenir de notre réforme, ce sont ses avancées sociales majeures. Jamais une réforme des retraites n’était allée aussi loin en se préoccupant des cas particuliers, au plus près de l’humain, si je puis dire. Ces avancées sont en faveur de ceux qui ont commencé à travailler très jeune, dans des métiers pénibles. Pour eux, c’est en quelque sorte la retraite à soixante ans. S’ils ont effectué vingt-cinq ans dans des situations de pénibilité, ils pourront se retirer à soixante ans pour prendre une retraite bien méritée. Nous le leur devons.
Ces avancées concernent également les femmes : leur retraite représente actuellement 30 % de moins que celle des hommes en raison de carrières souvent hachées. A cet égard, le projet de loi à venir sur l’égalité entre les hommes et les femmes devrait permettre des améliorations sensibles en matière de rémunération et de carrière professionnelle.
Elles concernent également les jeunes avec la prise en compte en partie des années d’études, la reconnaissance des stages et la possibilité de rachat d’années d’études ainsi que la validation d’un trimestre pour 150 heures SMIC effectuées. Un travail à 30 % aujourd’hui, temps très partiel, permettra de valider un trimestre. Ce sont là des avancées majeures qui prendront leur effet au terme du dispositif.
Ces avancées concernent aussi les handicapés, qui pourront partir plus tôt dans certaines conditions. Nous avons clarifié le dispositif actuel. Les agriculteurs ne sont pas oubliés. Nous avons promis que pas une retraite agricole ne serait inférieure à 75 % du SMIC en 2017. Le calcul des retraites des polypensionnés sera également amélioré entre le régime général, le RSI et la MSA.
Cette réforme majeure en termes d’avancées sociales et de progrès comprend d’autres dispositifs telle la retraite progressive, dispositif tombé en désuétude, qui permet de se retirer progressivement de l’activité professionnelle avec la possibilité de percevoir une partie de sa retraite tout en continuant à travailler à temps partiel. Il faut remettre ce dispositif en place car il est intéressant. Nous avons également clarifié le dispositif du cumul emploi retraite, très flou. Certaines personnes pouvaient continuer à cotiser pour leur retraite alors que d’autres ne le pouvaient pas. Par ailleurs, un décret permettra à ceux qui bénéficient du minimum vieillesse, l’ASPA, de pouvoir cumuler avec un emploi. Voilà un ensemble de mesures importantes.
S’agissant de la gouvernance du système pour l’avenir, Mme la ministre a évoqué le comité de suivi. Peut-être que dernier, par ses observations et son expertise, évitera-t-il de nouvelles réformes. Si le comité rend ses avis tous les ans, ce qui est prévu, les gouvernants devront en tenir compte et prendre les mesures d’ajustement pour éviter d’y revenir tous les trois ans, comme cela se pratique depuis quelques années.
La création d’un GIP inter-régimes représente une avancée significative, comme le compte de retraite unique. Chacun pourra avoir un compte de retraite et évitera certaines situations actuelles que chacun de nous peut vivre dans sa circonscription. Dans ma permanence, j’ai rencontré des gens désespérés me demandant de les aider à valider le travail qu’ils ont fait à l’âge de dix-huit ans dans telle ou telle entreprise qui a disparu. Malgré ma bonne volonté, vous imaginez bien que ce n’était pas possible. Désormais, tout sera suivi grâce à un système informatique qui pourra suivre les carrières.
La demande unique de retraite est également une avancée importante. Tout le monde sait qu’il peut être angoissant, au moment d’arriver à la retraite, de faire valider trois ou quatre emplois. Le versement unique permettra de recevoir un seul versement pour toutes les pensions que l’on a pu accumuler. Voilà de belles mesures.
En conclusion, je ferai part, à l’instar de Mme la ministre, de ma fierté d’avoir porté cette réforme, au nom de mes collègues socialistes, mais aussi de la majorité – même si des différends ont existé entre nous, les écologistes et les radicaux. Mais nous nous sommes retrouvés sur l’essentiel. Je tiens à vous remercier pour le travail fourni car nous y avons consacré des mois et des mois. L’évolution du texte a été possible grâce au travail de chacune et chacun d’entre vous. Le Gouvernement a su, le plus souvent, entendre nos demandes et a su les traduire concrètement dans la loi. C’est ce travail collectif qu’il nous faut poursuivre maintenant, madame la ministre, par la promulgation des décrets. Nous vous faisons entièrement confiance pour qu’ils soient pris dans les délais raisonnables qui s’imposent, car sur certains points, il faut aller vite. Nous serons attentifs afin que cette belle réforme des retraites, cette vraie réforme de gauche soit rapidement suivie d’effets afin qu’elle puisse bénéficier aux jeunes générations. Nous sommes fondés à penser que nous avons bien travaillé collectivement et que nous avons sauvé notre beau système par répartition. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. Jean Launay. Décidément, quel grand rapporteur !
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voici donc, aujourd’hui, la fin d’un long parcours, depuis la Conférence sociale de juin dernier, qui a préludé à cette réforme des retraites. À cet égard, je voudrais saluer à mon tour la méthode utilisée : celle de la concertation, celle du dialogue avec les partenaires sociaux, méthode à laquelle le Premier ministre est particulièrement attaché.
On l’a vu aussi dans deux autres domaines. L’année 2013 avait commencé par un accord national interprofessionnel, le 11 janvier, accord transposé dans la loi du 14 juin sur la sécurisation de l’emploi. Elle se termine par l’accord sur la formation professionnelle, conclu le 14 décembre par quatre syndicats, et peut-être cinq, et deux organisations patronales, accord qui devrait, lui aussi, être transformé en loi. Tout cela montre que des réformes peuvent être menées à bien par le dialogue social, la démocratie sociale venant compléter et conforter la démocratie politique.
En fait, la démocratie sociale a longtemps été la parente pauvre de la République. Pourtant, le pouvoir doit écouter et échanger avant de décider. Pourtant, la concertation, la négociation préalable avec les partenaires sociaux s’avère très utile.
Certes, le Parlement et le Gouvernement doivent naturellement conserver leurs compétences dans le domaine social, mais légiférer ou réglementer n’empêche nullement de préparer les dispositions nouvelles par un dialogue préalable entre les partenaires sociaux. La démarche contractuelle doit être encouragée par l’État. En tout cas, notre majorité préfère l’accord collectif à la décision unilatérale. Elle préfère le contrat au diktat.
Pour en revenir au sujet d’aujourd’hui, on notera aussi qu’il s’agit de la première véritable réforme des retraites réalisée par la gauche depuis 1982, depuis François Mitterrand et Pierre Mauroy. Michel Rocard avait préféré reculer devant l’obstacle, devant les risques de contestation liés à une réforme des retraites. Et Lionel Jospin, tout en créant le Fonds de réserve pour les retraites en 1999, avait reporté cette réforme à une période postérieure à l’élection présidentielle de 2002. Depuis 1982, il aura donc fallu attendre trente et un ans pour qu’un gouvernement de gauche sorte de l’expectative et passe à l’action pour la réforme des retraites.
M. Charles de Courson. Si seulement !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Il faut créditer tout particulièrement le Premier ministre de ce courage et de cette détermination, et bien sûr Mme la ministre, qui a fait preuve du même courage, de la même détermination et d’une distinction intellectuelle et politique qu’on lui connaît bien.
Votre projet de loi sur les retraites comporte surtout des aspects positifs, mais aussi quelques points qui appellent des observations, sinon des réserves.
Du côté positif, l’on notera tout d’abord le maintien de l’âge légal de départ à la retraite et la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité, lié à de dures conditions de travail qui peuvent réduire l’espérance de vie. D’une manière générale, à trente-cinq ans, l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de six ans à celle d’un cadre. Cette inégalité devant la vieillesse doit évidemment être prise en compte. Nous ne sommes plus, en effet, à l’époque où le duc François de La Rochefoucauld pouvait écrire dans ses Maximes, de manière très aristocratique « Le travail du corps délivre des peines de l’esprit, et c’est ce qui rend les pauvres heureux. »
Parmi les avancées de cette réforme, il faut aussi noter bien sûr les mesures en faveur des femmes et les jeunes.
Afin d’assurer le redressement du système et de résorber les déficits auxquels il est aujourd’hui confronté, cette réforme repose sur un effort qu’elle estime justement réparti entre tous : entreprises, salariés et retraités. Les cotisations des actifs et des entreprises aux différents régimes de base seront augmentées dans la même proportion. La hausse sera progressive sur quatre ans : en définitive, en 2017, elle aura été de 0,3 point pour les actifs et aussi de 0,3 point pour les employeurs.
Cela dit, cette égalité dans l’effort n’est qu’apparente. Ainsi, lors de l’université d’été du MEDEF, fin août 2013, le ministre des finances, Pierre Moscovici, a déclaré : « La hausse des cotisations patronales pour les retraites sera intégralement compensée par une baisse des cotisations familiales dès 2014 et jusqu’en 2017 ».
Par ailleurs, la contribution des retraités repose sur deux mesures : d’une part, l’inclusion des majorations de pensions des retraités ayant élevé trois enfants ou plus dans l’assiette de l’impôt sur le revenu, ce qui devrait rapporter 1,2 milliard d’euros ; d’autre part, le report de six mois, du 1er avril au 1er octobre, de la revalorisation des pensions des retraités, à la seule exception des bénéficiaires de l’allocation de solidarité pour les personnes âgées, l’ASPA, l’ex-minimum vieillesse. Le groupe RRDP s’est élevé contre cette mesure de report, surtout quand elle frappe les retraités modestes ou les retraités pauvres. Il a ainsi déposé un amendement pour demander que tous les retraités vivant sous le seuil de pauvreté – 977 euros par mois – soient exemptés de ce report, amendement auquel avaient bien voulu s’associer les groupes GDR et écologiste.
M. Marc Dolez. En effet !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a estimé qu’un tel amendement ne pouvait être adopté.
M. Marc Dolez. Hélas !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. En revanche, le 25 novembre, au cours d’une rencontre à Matignon avec le Premier ministre et Mme la ministre, Jean-Marc Ayrault nous a proposé deux mesures nouvelles qui compensent ce report de revalorisation des pensions.
D’une part, les retraités situés sous le seuil de pauvreté vont retrouver une somme d’un montant équivalent à celle résultant de ce report. En effet, l’aide à la complémentaire santé – 500 euros par an pour une personne de cinquante ans et plus – va être augmentée de 10 % et passera à 550 euros, ce qui facilitera l’accès à un contrat d’assurance complémentaire santé, facteur essentiel de l’accès aux soins pour les personnes à faibles ressources, qui renoncent parfois à se soigner.
D’autre part, le Premier ministre a pris un second engagement : il y aura en 2014 une double revalorisation de l’ASPA, dont bénéficient les personnes disposant de très faibles ressources.
Du fait de ces engagements nouveaux, ce projet de loi porte désormais une attention accrue aux plus modestes, aux plus pauvres des retraités, qui sont obligés d’économiser sur tout et de se restreindre sur le nécessaire : l’alimentation, le chauffage, les soins médicaux.
M. Marc Dolez. Eh oui !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Longtemps, il y a des décennies, la vieillesse a été synonyme de détresse, de dénuement pour ceux qui ne disposaient pas de retraite ; longtemps, elle a été synonyme de risque pour ceux dont la pension de retraite pouvait connaître une évolution incertaine, imprévisible avec, pour les uns ou les autres, l’anxiété, la crainte de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins. Aujourd’hui, le système de retraite par répartition est un instrument capital de cohésion sociale et un fondement majeur du pacte républicain.
Le groupe RRDP votera donc pour cette réforme, qui sauvegarde l’essentiel : garantir l’avenir de ceux qui ont quitté le monde du travail et qui doivent bénéficier de la solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur – dont, au-delà de nos désaccords, je veux souligner la qualité du travail –, mes chers collègues, cela n’étonnera personne, notre groupe n’a pas varié d’appréciation sur ce projet de loi que nous examinons en lecture définitive.
Nous continuons de penser qu’il s’agit d’un texte de régression sociale qui ne garantit ni l’avenir ni la justice de notre système de retraites. Au contraire, il le fragilise, notre système de retraites par répartition à prestations définies continuant de s’effacer un peu plus au profit d’un système à cotisations définies dans lequel les droits des assurés deviennent des variables d’ajustement.
En réalité, ce texte prolonge les réformes libérales engagées depuis 1993. Il ne revient pas sur le calcul des pensions sur les vingt-cinq meilleures années ni sur le report de l’âge légal du départ en retraite mais il augmente encore l’allongement de la durée de cotisation. Ce sont les assurés qui vont supporter le coût de cette nouvelle réforme alors que les entreprises en seront complètement exonérées.
Les jeunes, quant à eux, seront les principaux perdants de cette réforme dont l’application aura pour effet de retarder leur entrée dans la vie active, de prolonger une précarité qu’ils subissent déjà injustement et de les pénaliser au moment de la retraite, au risque de rompre le contrat de solidarité entre les générations.
Par ailleurs, à l’article 4, avec la fiscalisation de la majoration pour enfants et le report de six mois de la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre, c’est une ponction de 2 milliards d’euros qui, dès 2014, va directement affecter le pouvoir d’achat des retraités les plus modestes, au premier rang desquels on trouve une majorité de femmes. Dois-je rappeler ici que par deux fois, notre assemblée a rejeté cet article 4, cinq groupes sur six se prononçant contre ces mesures ? Dois-je ici, une fois de plus, déplorer que, malgré cela, le Gouvernement ait persisté dans l’erreur ?
Il n’y a rien non plus dans ce texte en faveur de la résorption des inégalités salariales, professionnelles et de retraites entre les hommes et les femmes alors que la résorption des écarts salariaux rapporterait 10 milliards d’euros par an pour le seul financement des retraites.
Certes, et nous en convenons, le texte traite de la question de la pénibilité sous un angle autre que celui de l’invalidité, prévoit des droits nouveaux pour les stagiaires, contient quelques avancées du point de vue des années d’études, de la prise en compte de la précarité extrême et de la maternité. Mais ces dispositions restent limitées et sont à nos yeux largement insuffisantes.
Bref, contrairement à ce qui est affirmé, cette réforme ne permettra pas de sauver notre système de retraites par répartition.
Pourtant, nous avons la conviction qu’une véritable réforme des retraites est possible, une réforme qui ne pénalise ni les salariés ni les retraités ni notre jeunesse. Nos propositions sont fondées sur un constat dont nous regrettons qu’il ne soit pas davantage partagé : l’austérité n’est pas la solution, mais le problème. La réduction à tout prix de la dépense publique et sociale ne fait qu’aggraver la crise. En entraînant des destructions massives d’emplois, elle provoque une chute drastique des cotisations sociales perçues, ce qui conduit au déficit de la branche maladie ou de la branche vieillesse, entraînant ainsi de nouvelles mesures récessives. Pourtant notre pays n’a jamais été aussi riche : en trente ans, son PIB a été multiplié par deux, en particulier grâce aux gains de productivité. En revanche – et c’est bien de cela qu’il s’agit –, la répartition des richesses entre capital et travail n’a cessé d’évoluer, toujours au détriment de la rémunération des salariés, et donc mécaniquement du financement de notre système de protection sociale.
Pour leur part, les députés du Front de gauche n’ont eu de cesse pendant tous les débats de faire de nombreuses propositions portant une autre ambition collective, celle de redonner aux assurés et aux générations confiance en notre système de protection sociale en garantissant le droit à la retraite à soixante ans et à taux plein.
Une telle ambition nécessite des mesures fortes, à commencer notamment par la taxation des revenus financiers des entreprises qui, à ce jour, ne participent pas au financement de la protection sociale. Soumettre ces revenus à cotisations sociales constituerait une mesure de justice qui rapporterait entre 20 et 30 milliards d’euros. Nous avons aussi proposé de moduler le taux des cotisations patronales de telle sorte que les entreprises soient incitées à préférer la rémunération du travail à celle du capital et à favoriser l’emploi et l’investissement. De manière générale, il nous apparaît nécessaire de mettre fin aux exonérations de cotisations sociales. Autant de mesures qui, il faut bien le dire, ont souvent été balayées d’un revers de main alors qu’elles permettraient de revenir sur vingt ans de régression et d’engager la véritable réforme des retraites dont le pays a besoin.
Bref, vous l’aurez compris, pour ces raisons, rappelées brièvement en lecture définitive, les députés du Front de gauche voteront une nouvelle fois résolument contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, cher Michel Issindou, mes chers collègues, …
M. Denis Jacquat. Pas « chère opposition » ?
M. Christian Paul. Nous verrons au fil du débat, monsieur Jacquat : pour l’instant, ce n’est pas encore mérité et cela se mérite.
Nous avons contribué au débat par un intense engagement comme il se doit pour un texte important qui aura de fortes conséquences sur la vie de millions de Français.
M. Arnaud Robinet. Oui, pour leur porte-monnaie !
M. Christian Paul. Ce texte atteint ses objectifs : consolider et sécuriser les financements du régime général, qui était en grand danger à moyen terme, rendre possibles des progrès concrets avec des réponses personnalisées qui prennent en compte la réalité des carrières professionnelles et surtout des parcours les plus difficiles, marqués par la pénibilité et la précarité. En ce sens, nous avons, je le crois, bien travaillé à chaque étape du processus législatif, avec vous, madame la ministre, bien sûr, et avec notre rapporteur.
Ce qui fait sens à ce stade de nos débats, ce n’est pas de rappeler les principaux dispositifs de ce texte de loi que chacun ici connaît dans le détail, mais de souligner, au moment où nous nous apprêtons à le voter définitivement, les trois leçons que nous pouvons tirer de ce moment politique important dans la législature.
Il s’agit, premièrement, de l’idée de réforme.
Le mot même de réforme retrouve son sens premier. Une réforme, surtout si elle est structurelle, ce n’est pas une régression, c’est un nouveau contrat social. Ce contrat quand il demande des efforts doit rendre aussi possible de nouveaux progrès. Cela est vrai pour ce texte, en particulier du fait la prise en compte, historique, de la pénibilité. Une réforme, ce n’est pas un grand bond en arrière.
Une réforme, ce n’est pas non plus un moment de division entre les Français. Ce doit être d’abord un moment de dialogue, sinon d’unanimité, à tout le moins de construction collective. Même ceux qui n’adhèrent pas complètement à un projet peuvent l’enrichir. Je le dis ce soir parce qu’il faudra passer très vite, chacun le sait ici, aux travaux pratiques de la réforme de la retraite avec les textes d’application et la mobilisation nécessaire dans les branches et dans les entreprises pour négocier et pour réussir.
L’application de cette réforme qui n’est pas un texte comptable, comme vous l’avez dit, madame la ministre, mais un texte de progrès doit être une séquence vivante de démocratie sociale. Il faudra de l’innovation, de l’imagination et l’engagement de tous pour en réussir l’application.
Enfin, cette législature doit ouvrir beaucoup de chantiers, qui étaient mal refermés ou que la précédente majorité avait laissé orphelins. Celui de la réforme fiscale et des prélèvements est désormais bien ouvert. Le Parlement doit en être le moteur et, à ce titre, le financement de la protection sociale, la nature, de ses ressources, la justice des prélèvements, doivent trouver de nouvelles réponses. Elles doivent être durables, justes dans la répartition de l’effort collectif, qu’il s’agisse de l’assurance maladie, de la branche famille ou de l’assurance chômage.
Un autre chantier est engagé, en lien direct avec celui dont nous parlons ce soir. Il concerne, potentiellement, tous les retraités de France et les générations à venir : c’est celui de l’accompagnement du vieillissement de tous les Français, de leur autonomie. Cette grande cause orpheline est aujourd’hui à l’agenda de notre Parlement.
Aujourd’hui, c’est la réforme des retraites qu’il est urgent de voter, tout simplement parce que les Français attendaient et attendent encore ce soir des décisions concrètes et justes : nous sommes présents à ce rendez-vous du courage et des actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Guy Delcourt. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.
M. Arnaud Robinet. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi, à l’issue de ce débat portant sur le projet de loi réformant les retraites, de pousser un « ouf ! » de soulagement – d’abord pour vous, madame la ministre, car ce parcours législatif fut chaotique et douloureux, ce texte ayant fait l’objet de plusieurs rejets de la part du Sénat. Vous avez aussi dû, à l’Assemblée nationale, passer en force. Comme cela a été rappelé par mes collègues précédents, l’article 4 a été rejeté deux fois : quatre groupes sur cinq – ou cinq groupes sur six – ont rejeté l’article 4 portant sur la revalorisation des retraites françaises.
M. Michel Issindou, rapporteur. Grâce à quelques tricheurs !
M. Arnaud Robinet. Vous avez voulu passer en force, ce qui prouve votre manque de professionnalisme dans ce domaine, mais surtout votre manque de lucidité sur le sujet.
M. Daniel Boisserie. Cela vous va bien !
M. Arnaud Robinet. Ce matin encore, en commission des affaires sociales, le projet de loi portant sur les retraites n’est passé qu’à une voix.
Il y a quelques mois, vous disiez « Vous allez voir ce que vous allez voir ! » : Ce projet portant sur les retraites est issu d’un consensus, d’une concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux, certes, mais l’ensemble de la majorité est mobilisée derrière le Gouvernement pour soutenir une réforme prétendument juste et équitable. Qu’en est-il aujourd’hui ? Réforme équitable ? Équité ? Non ! Aucune convergence entre la fonction publique et le secteur privé !
M. Jean Glavany. Expliquez-nous en quoi la convergence serait équitable ?
M. Arnaud Robinet. Aucune convergence ! Vous avez même accru les divergences entre le public et le privé puisque, parallèlement, votre collègue de la fonction publique a supprimé le jour de carence que nous avions mis en place, précisément dans un esprit d’équité.
Par ailleurs, concernant le retour à l’équilibre financier, vous avez prétendu que la réforme de 2010 n’avait mené à rien et que vous étiez obligés de repasser derrière nous parce que notre réforme était inefficace. Je tiens juste à rappeler que la réforme de 2010, que nous avions défendue à l’époque, a permis de ne pas connaître aujourd’hui un déficit à hauteur de 40 ou 50 milliards d’euros, mais un déficit – malheureusement ! – de 20 milliards d’euros.
M. Jean Glavany. Elle était périmée dès 2011, votre réforme de 2010 – un an après son adoption !
M. Arnaud Robinet. Du reste, selon le président de la Caisse nationale d’assurance vieillesse lui-même, la réforme de 2010 permettait de retrouver à peu près l’équilibre à l’horizon 2018-2020. Le déficit de 20 milliards d’euros que nous observons aujourd’hui est dû principalement à la situation économique – dont vous êtes responsables, en plus de la crise –, mais également au décret de juillet 2012 qui ramenait la retraite à 60 ans pour certains de nos compatriotes.
M. Christian Paul. Êtes-vous plus sérieux à Reims, monsieur Robinet ?
M. Arnaud Robinet. Ce faisant, vous avez plombé les comptes des régimes généraux ; vous êtes donc obligés de prendre un certain nombre de mesures pour rétablir l’équilibre financier. Mais votre projet de loi ne propose que 7 milliards d’euros sur les 20 milliards nécessaires : où trouverez-vous les 13 milliards d’euros manquants ? Les Français ne sont du reste pas dupes puisque, dans un récent sondage, 75 % de nos compatriotes travaillant dans la fonction publique se sont dits conscients qu’une énième réforme des retraites sera nécessaire dans les années à venir. Vous n’avez rassuré aucun de nos compatriotes, aucun Français, sur ce sujet !
M. Denis Jacquat. Très juste !
M. Arnaud Robinet. Alors oui, il y a une différence entre une réforme des retraites portée par la droite et le centre et une pseudo-réforme des retraites défendue par une majorité de gauche.
M. Jean Glavany. C’est certain ! Avec votre réforme, deux millions de Français sont descendus dans la rue : voilà la différence !
M. Arnaud Robinet. Pour notre part, nous n’avions qu’un seul tabou : garantir le pouvoir d’achat des retraités. Vous, vous en faites fi : vous piochez dans la poche des retraités pour financer une réforme des retraites !
Votre tabou, c’est l’âge légal de départ à la retraite à soixante ans. Je me rappelle d’ailleurs les propos du candidat Hollande – ainsi que les vôtres, madame la ministre – : il avait alors promis au peuple français de revenir à la retraite à soixante ans. Aujourd’hui, d’une certaine manière, vous validez non seulement la réforme de 2010, puisque vous gardez l’âge légal du départ à la retraite à soixante-deux ans, mais également la réforme Fillon de 2003 sur l’allongement de la durée de cotisation. Vous deviez pourtant revenir également sur cette dernière, si je reprends certains de vos propos de l’époque. Vous validez cette réforme puisque vous validez l’obligation de cotiser quarante-trois annuités pour obtenir une retraite à taux plein.
Or, jouer uniquement sur ce levier est purement et simplement hypocrite. Nous le savons en effet, les jeunes entrent de plus en plus tard sur le marché du travail : à vingt-quatre, voire vingt-cinq ans. De ce fait, ils devront travailler jusqu’à soixante-sept ou soixante-huit ans. Mais en gardant l’âge de départ à la retraite à soixante-deux ans, vous allez induire un appauvrissement des futurs retraités français. En effet, nombre d’entre eux partiront à soixante-deux ans, correspondant à l’âge légal de départ à la retraite ; mais ils n’auront pas cotisé un nombre suffisant d’annuités. Nous ne pourrons donc que constater un appauvrissement des retraités.
Nous proposions pour notre part de jouer sur ces deux leviers : continuer d’augmenter la durée de cotisation tout en reculant l’âge légal du départ à la retraite. Pourquoi ? Parce qu’un problème démographique – qui est une chance, puisqu’il signifie que nous vivons plus longtemps – doit susciter une solution démographique : il faut donc travailler plus longtemps.
M. Michel Issindou, rapporteur. C’est la double peine !
M. Arnaud Robinet. Nous proposions, à l’UMP, de reculer l’âge du départ à la retraite de façon équitable, en garantissant ce rapport de « deux tiers-un tiers » en tenant compte de l’allongement de la durée de vie.
M. Daniel Boisserie. Mais vous ne l’avez pas fait !
M. Arnaud Robinet. Nous proposions donc de passer à soixante-quatre, voire soixante-quinze ans – soixante-cinq ans, pardon ! (Sourires.) – à l’horizon 2030. Vous avez fait fi de nos propositions.
M. Michel Issindou, rapporteur. Pourquoi pas soixante-quinze jours ?
M. Jean Glavany. Voilà un lapsus significatif !
M. Arnaud Robinet. Merci de bien vouloir m’écouter : l’opposition n’a pas interrompu les collègues de la majorité !
Par ailleurs, vous affirmez que votre réforme est juste et équitable, prétendant même être les premiers à instaurer le principe et la notion de pénibilité. Or, en 2003, le terme de pénibilité a été inscrit dans la réforme défendue par François Fillon ; et vous aviez voté contre, à l’époque !
M. Denis Jacquat. C’est exact !
M. Arnaud Robinet. Nous avions garanti à un très grand nombre de nos compatriotes, qui avaient commencé à travailler tôt – à quatorze, quinze, seize, dix-sept ans – de pouvoir partir à la retraite à soixante ans s’ils avaient cotisé le nombre d’annuités suffisant. En 2010, nous avions également mis en place un principe de pénibilité. Vous nous reprochez d’avoir limité celui-ci à la seule incapacité ; certes ! Mais cela répondait en tout cas à un certain nombre de situations de nos compatriotes.
M. Michel Issindou, rapporteur. Certainement pas ! Cela concernait 6 000 personnes, contre 3 millions avec notre réforme !
M. Arnaud Robinet. Aujourd’hui, madame la ministre, vous avez mis en place une usine à gaz. Il a fallu plusieurs heures d’explications avec les parlementaires – même des parlementaires de votre majorité, qui ne comprenaient rien à rien au processus de pénibilité ainsi créé !
M. Régis Juanico. Mais si !
M. Arnaud Robinet. Mais surtout, ce qui est grave, c’est que, encore une fois, vous piochez dans la poche des entreprises, déjà mises à contribution en juillet 2012 avec la publication du décret relatif au rétablissement de l’âge de départ à la retraite à soixante ans. Toutes les entreprises – PME, PMI, grosses ou moyennes entreprises – vont devoir contribuer de façon égale au financement de la pénibilité ; mais d’autres entreprises qui ne respecteront pas, ou du moins ne prendront pas les précautions nécessaires, se verront imposer une surtaxe. Encore une fois, vous mettez à mal la compétitivité de nos entreprises !
Votre projet de loi portant sur la réforme des retraites n’est donc qu’un bric-à-brac fiscal, et ce sont encore les classes moyennes, les retraités et les entreprises qui paieront cette réforme des retraites. Le groupe UMP…
Mme Brigitte Bourguignon. Mais où est-il ?
M. Arnaud Robinet. …ne changera pas d’avis.
M. Michel Issindou, rapporteur. Nous n’osions l’espérer !
M. Arnaud Robinet. Nous avons fait des propositions, nous en ferons d’autres très prochainement aux Français pour une véritable réforme des retraites garantissant le système par répartition, auquel nous sommes très attachés car il assure une solidarité intergénérationnelle. Malheureusement, le projet que vous nous présentez met à mal ce système de retraites par répartition et cette solidarité intergénérationnelle. Le groupe UMP votera donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que votre majorité s’apprête à voter restera l’emblème d’une fausse et injuste réforme, impropre à garantir l’avenir des retraites. Une réforme contre laquelle le Gouvernement aura réussi l’exploit de fédérer ses alliés comme son opposition, alors que la sagesse eût été de trouver un consensus large.
En d’autres termes, cette réforme n’est pas à la hauteur des enjeux de notre système de retraites. Ce texte ne garantira ni l’avenir, ni la justice de notre système de retraites par répartition, mais il accentuera les inégalités préexistantes qui le caractérisent et assombrira encore plus ses perspectives d’avenir.
Vous prétendez en premier lieu garantir l’avenir du système de retraites, alors que vous ne vous attaquez qu’au seul déficit du régime général, pourtant l’un des moins en difficulté, du moins en proportion, et que vous dissimulez la gravité de la situation des autres régimes : les régimes spéciaux.
Le seul régime de retraites des fonctionnaires de l’État se dégrade chaque année de 1,2 à 1,5 milliard d’euros supplémentaires, tout en étant aussitôt renfloué, sans que personne ne s’en rende compte, pour l’essentiel par la solidarité nationale et donc par les impôts des Français. Il en est de même pour la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL. De quelle justice parle-t-on, alors que les salariés du privé, également contribuables, subissent cette double peine pour équilibrer leur régime et celui des fonctionnaires de l’État, de ceux des collectivités territoriales, des hôpitaux publics et des autres régimes spéciaux ?
Quant aux déficits des régimes spéciaux, ils s’accumulent : 382 millions pour les agents des collectivités territoriales et des hôpitaux ; 1,18 milliard pour les personnels des industries électriques et gazières, 3,22 milliards pour la SNCF etc. Les exemples ne manquent pas et traduisent une fois de plus votre inaptitude à mettre en extinction les régimes spéciaux, parce que vous avez peur de vous attaquer au cœur de votre électorat. Ne nous y trompons pas : là où la mise en extinction des régimes spéciaux aurait été le plus grand gage de justice sociale possible, vous refusez de faire face à l’avenir en pérennisant cette situation, à terme insupportable financièrement.
Vous avez donc passé sous silence le débat autour de la nécessaire convergence entre régimes public et privé, qui aurait permis de réaliser une économie de 10 milliards d’euros en 2020, et ce alors même que des inégalités criantes subsistent : le montant moyen de la pension en droit propre s’élève à 1 757 euros par mois pour les fonctionnaires de l’État, et à 1 166 euros pour les salariés du secteur privé.
M. Michel Issindou, rapporteur. Les carrières ne sont pas les mêmes : ne les comparez pas !
M. Charles de Courson. En effet : les carrières sont plus courtes dans le public, comme je vais vous le démontrer !
M. Michel Issindou, rapporteur. Mais non ! Vous ne pouvez pas dire cela – pas vous !
M. Charles de Courson. L’âge effectif moyen de départ à la retraite s’établit à 61,9 ans pour les salariés du privé contre 57,1 ans pour les fonctionnaires. Le principe d’égalité est bafoué !
Les 7,3 milliards d’économies que vous avez annoncés en grande pompe ne suffisent même pas à réduire de moitié le déficit de 20,7 milliards attendu en 2020. Ces économies ne permettent pas davantage de combler le déficit du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse et des régimes non équilibrés par subvention, qui s’élèvera à 7,6 milliards d’euros en 2020, alors même que cet objectif est affiché par le Gouvernement. Il manquera par conséquent 13,4 milliards d’euros en 2020 : une nouvelle fois, vous avez fait le choix de laisser filer les déficits et de faire peser le poids de la dette sociale sur les générations futures. Vous n’êtes pas les premiers, d’ailleurs !
M. Jean Glavany. Vous ne manquez pas d’air !
M. Charles de Courson. Vous ne cessez d’invoquer les errements de la précédente réforme des retraites, tout en omettant de préciser que celle-ci aura réduit le déficit de tous les régimes confondus de moitié, passant de 40 milliards à 20 milliards d’euros.
Autant l’admettre, vous ne parviendrez pas à réaliser un tiers des économies que nous avons permises en 2010. Je note d’ailleurs que vous aviez promis de revenir sur les deux précédentes réformes mais que, comme d’habitude, vous n’avez pas tenu votre promesse.
Les centristes à l’époque avaient rappelé, ce qui n’avait pas fait plaisir à tout le monde, que les mesures prises allaient dans la bonne direction, mais qu’elles ne régleraient que la moitié du problème ; et hélas, nous avons eu raison !
Vous continuez dans le même temps à accélérer les inégalités intergénérationnelles, alors que nous appelons de nos vœux l’instauration d’un régime à points, dans les régimes de base aussi bien que dans les régimes complémentaires, comme l’ont fait depuis des décennies les partenaires sociaux.
Pire encore : pour financer votre réforme, vous avez fait le choix de ne pas repousser l’âge légal de départ à la retraite, tout en allongeant la durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein. Ce jeu de dupes ne doit tromper personne : les salariés, bien sûr, devront travailler plus longtemps s’ils veulent une retraite à taux plein.
Au demeurant, cette loi révèle indéniablement l’absence de courage dont vous avez fait preuve. Les députés du groupe UDI avaient pourtant proposé des mesures destinées à rétablir l’équilibre financier des retraites : parmi elles, la poursuite de la hausse de l’âge de départ à la retraite, pour aboutir à terme à 65 ans – je rappelle que c’était la règle avant 1982 – ainsi que la poursuite de l’allongement de la durée de cotisation d’ici 2020. Nous proposions donc d’utiliser les deux outils.
Vous n’avez pas souhaité saisir notre main tendue ; l’équilibre de notre système en subira les conséquences.
En second lieu, votre réforme accentue indéniablement les injustices : nous souhaitions pourtant engager un large débat sur les conditions de la création d’un régime unique à points, accompagné par une extinction progressive de l’ensemble des régimes spéciaux, qui auraient ainsi disparu en un tiers de siècle.
Non contents de ne pas résorber les déficits les plus graves du système, vous les aggravez par des dépenses nouvelles : à l’horizon 2040, 5 milliards pour le compte pénibilité, en principe entièrement financé par des cotisations payées par les entreprises, 1 milliard pour la revalorisation des petites pensions agricoles – tout le monde est pour, nous avons tous fait des efforts au cours des quinze dernières années – et presque 2 milliards pour d’autres mesures, d’ailleurs souhaitées par tout le monde, sur les carrières heurtées, celles des femmes, celles des jeunes…
Ces mesures, sur lesquelles tout le monde est d’accord dans leur principe, auraient pu trouver leur justification si notre système était financièrement équilibré ; elles grèvent plus lourdement que jamais sa viabilité à moyen terme. Vous avez persisté dans l’erreur en finançant ces mesures par de mauvaises recettes qui alourdissent le coup du travail et dégraderont l’emploi. Vous vous apprêtez donc à faire adopter une hausse de 0,3 point des cotisations pesant sur les salariés comme sur les employeurs, à décaler de six mois la date de la revalorisation des pensions sur l’inflation et à taxer les associés non exploitants agricoles des EARL.
Vous faites ainsi d’une pierre deux coups, en donnant un coup supplémentaire non seulement au pouvoir d’achat, mais également à la compétitivité des entreprises. Nous appelions pourtant à une stabilisation des cotisations sur les entreprises, déjà lourdement grevées. Quant aux salariés et aux retraités, il semblerait que vous n’ayez pas encore retenu la leçon de ce que Pierre Moscovici appelle le « ras-le-bol fiscal ».
M. Jean Glavany. Une formule malheureuse !
M. Charles de Courson. Mais il l’a prononcée et il a eu raison, sur ce point.
En portant un regard plus attentif sur certaines de vos mesures que vous prétendez aptes à rétablir la justice, force est de constater qu’il s’agit de dispositifs inutiles, voire contre-productifs. Ainsi, le compte pénibilité prétend prévenir les situations de pénibilité, alors qu’il ne s’attache au contraire qu’au volet curatif, a posteriori, du traitement des métiers pénibles. Nous n’estimons pas primordial d’avoir fait figurer la pénibilité dans ce projet, alors même qu’il s’agit principalement d’un problème de santé au travail, donc de prévention.
Pour ne citer qu’un autre exemple, nous nous inscrivons bien évidemment en faux contre la fiscalisation des majorations pour enfants, qui pourront potentiellement toucher plus de trois millions de ménages, dont le revenu fiscal risque ainsi de s’élargir. Par voie de conséquence, cette mesure scandaleuse portera un nouveau coup dur au pouvoir d’achat de ceux qui, en ayant des enfants, ont assuré l’avenir de notre pays et ont renoncé à un niveau de vie plus élevé que ceux qui n’ont pas eu d’enfant, ou qui en ont eu moins.
Soumettre à l’impôt sur le revenu les majorations de pension de 10 % dont bénéficient les retraités du privé ayant élevé trois enfants et de 10 à 30 % chez les retraités du public est ni plus ni moins qu’une baisse déguisée des pensions.
Au demeurant, le meilleur gage de justice aurait consisté en l’instauration d’un régime unique, pour tous les salariés du public et du privé : vous n’avez pas souhaité de système de retraites par points, qui seul aurait tenu compte des parcours professionnels, de la pénibilité du travail et de l’allongement de l’espérance de vie, et qui ferait disparaître progressivement les régimes spéciaux.
Je pourrais détailler à l’envi les nombreuses mesures de justice proposées par le Gouvernement et dont le principe ne peut qu’inspirer l’adhésion, mais avons-nous aujourd’hui les moyens financiers nécessaires ?
Vous demandez aux jeunes de travailler plus longtemps et de cotiser plus, sans pour autant avoir le courage de prendre des mesures fortes qui permettraient de leur assurer la viabilité future de notre système de retraites. Votre projet de loi est tout sauf une réforme et, devant la défiance de l’opposition, la défiance d’une partie de votre majorité au Sénat, la défiance des Françaises et des Français qui commencent à mesurer les conséquences désastreuses de ce texte, le groupe UDI aurait souhaité que vous nous écoutiez un peu plus, quant à nos propositions.
M. Jean Glavany. Cela fait déjà un quart d’heure que nous vous écoutons !
M. Charles de Courson. Seule une réforme systémique, et non une simple réforme paramétrique assortie de clauses de revoyure, aurait pu assurer la pérennité et la justice de notre système de retraites.
M. Michel Issindou, rapporteur. Il fallait le faire en 2010 !
M. Charles de Courson. Vous avez délibérément fait le choix de la non-réforme. Nous ne pourrons donc, en l’état, que voter contre cette mauvaise et fausse réforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau.
Mme Véronique Massonneau. Que peut-on dire de nouveau pour la lecture définitive de ce projet de loi relatif aux retraites ? Eh bien, pas grand chose, pour ne pas dire rien. Aussi profiterai-je de ce temps de parole pour réexpliquer les raisons de l’abstention du groupe écologiste. Si nous nous abstenons, ce n’est pas pour nous opposer à l’ensemble du texte. Ce n’est pas non plus un choix de lâcheté devant un vote « contre » auquel nous aurions pu succomber. Non, nous nous sommes abstenus et nous nous abstiendrons encore pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, parce que certaines mesures ne sont pas acceptables. Faire le choix de l’allongement de la durée de cotisation s’inscrit dans la lignée de la réforme menée en 2010. Plutôt que de réfléchir à la problématique de l’emploi, à la problématique du temps de travail dans sa globalité, tout en tenant compte du sujet délicat de l’espérance de vie en bonne santé, il a été fait le choix de la facilité.
Facilité, car cela a évité de mener une réforme profonde du financement de notre système de retraites. Nous avions pourtant l’occasion de la mener ensemble, et c’est bien dommage !
Mais ne nous leurrons pas, et cela se verra d’ici quelques années, les écologistes l’ont souvent répété, ce dispositif est aussi injuste socialement qu’inefficace économiquement.
Nous sommes, également, toujours opposés au report de la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre.
M. Marc Dolez. Très bien !
Mme Véronique Massonneau. Bien évidemment, nous nous félicitons de la majoration de l’aide à la complémentaire santé pour les personnes de plus de soixante ans, ainsi que de la double revalorisation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Cela apporte une aide nécessaire aux retraités les plus modestes, nous ne pouvons donc que saluer ces mesures.
Mais, en réalité, atténuent-elles vraiment les effets pervers du report de la revalorisation ? Non. Les retraités non bénéficiaires de l’ASPA et vivant sous le seuil de pauvreté seront toujours frappés de plein fouet. Nous le regrettons sincèrement.
La deuxième raison qui explique notre abstention est le manque d’ambition de certaines mesures. Les annonces qui avaient précédé ce projet de loi étaient prometteuses : prise en compte des carrières heurtées, avancées pour les femmes, pour les jeunes, pour les handicapés, pour les retraites agricoles.
Au final, qu’en est-il ? Eh bien, dans certains cas, cela s’est avéré, cela s’est concrétisé. Concernant les retraites agricoles, de réelles avancées ont été faites et nous nous en réjouissons, ma collègue Brigitte Allain en tête. Pour les jeunes, la prise en compte effective des trimestres d’apprentissage est un vrai pas en avant. S’il est une thématique qui fait l’unanimité, me semble-t-il, dans notre Assemblée, c’est le besoin de valoriser la formation professionnelle et l’apprentissage. Offrir des garanties de cotisation aux apprentis est une mesure de bon sens.
Mais, concernant les jeunes, le résultat reste mi-figue mi-raisin. Le dispositif instauré pour les stages est injuste. Il se révélera inefficace et inadapté, car il va créer de grandes inégalités entre les étudiants.
Pour les femmes et les carrières heurtées, le constat est le même : des avancées, parfois significatives, mais qui restent trop restreintes, pas assez ambitieuses. Nous soutenons ces mesures car, aussi restrictives soient-elles, elles apporteront une réponse à certains de nos concitoyens. Mais nous aurions pu aller plus loin. De nombreux amendements, de nombreuses propositions ont été faites durant nos débats, il est donc dommage que rien n’en soit réellement sorti.
Enfin, si on peut se féliciter de l’abaissement de 80 à 50 % du taux d’incapacité permanente, l’inquiétude persiste chez les associations de travailleurs en situation de handicap quant à la suppression du critère de reconnaissance de qualité de travailleur handicapé. Nous sommes plutôt opposés à cette suppression et partageons donc cette inquiétude.
Dans une politique du moindre mal, il a été décidé par voie d’amendement de repousser au 31 décembre 2015 la suppression de ce critère. Cela devrait permettre de ne pas affecter directement les travailleurs proches de l’âge requis pour un départ en retraite anticipé, tout en laissant l’abaissement du taux d’incapacité permanente se mettre en place. Nous restons toutefois sceptiques et il sera nécessaire de rester vigilant sur les effets qu’aura la suppression de la RQTH.
La troisième et dernière raison qui a amené les écologistes à s’abstenir sur ce texte, c’est la création du compte personnel de prévention de la pénibilité. Monsieur le rapporteur présentait celui-ci, en première lecture, comme « la vraie avancée de ce texte ». Et c’est vrai. J’ai salué quelques autres mesures dans mon propos, mais s’il fallait n’en retenir qu’une, ce serait la prise en compte de la pénibilité. Marquant une véritable rupture avec la loi de 2010, un changement de paradigme, le compte personnel de prévention de la pénibilité va bénéficier aux travailleurs exposés à des facteurs importants de pénibilité. Ne sera plus seulement évaluée l’incapacité, mais bien la réalité du travail et ses effets.
Alors, bien sûr, le dispositif est perfectible et des manques subsistent. Ainsi, l’exposition des travailleurs du secteur nucléaire aurait pu être intégrée aux facteurs de pénibilité, quand on sait les risques cancérigènes que comportent ces professions. En outre, la question du stock n’est pas réglée. Quid de tous les travailleurs actuels qui n’auront pas l’âge de bénéficier de la mesure, ou qui ont déjà travaillé de nombreuses années dans des conditions de pénibilité, mais qui ne pourront faire valoir leurs droits ? Ces questions restent hélas sans réponse, mais nous ne ferons pas la fine bouche à l’égard de ce dispositif qui est une vraie mesure de justice, une vraie avancée pour nos concitoyens.
M. Jean Glavany. Alors, approuvez-la !
Mme Véronique Massonneau. Aussi, pour toutes les raisons que je viens de développer, aurez-vous compris qu’il ne nous était pas possible de voter un tel projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Glavany. Ce n’est pas cohérent !
Mme la présidente. Un peu de calme !
Mme Véronique Massonneau. Un texte qui manque d’ambition tout en contenant une avancée majeure suscite un vote favorable. Mais quand il contient des mesures injustes, l’équilibre qui en ressort, c’est l’abstention.
Notre abstention est justifiée par la volonté de ne pas adopter de mauvaises dispositions, mais de ne pas s’opposer à de bonnes dispositions. C’était notre fil conducteur lors des précédentes lectures, ce le sera encore pour cette lecture définitive.
M. Jean Glavany. Quelle déception !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Je salue le rapporteur pour la qualité de son travail.
M. Jean Glavany. Très bien !
Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre, vous avez avec détermination engagé une réforme courageuse et juste, garantissant l’avenir du système des retraites : un projet de loi qui porte un titre parfaitement approprié à ses ambitions !
Il s’agit bien d’une réforme défendue par la gauche, qui relève trois défis majeurs pour l’avenir. D’abord, proposer une réforme responsable qui tienne compte de la réalité que constitue l’allongement de l’espérance de vie. Cette nouvelle réforme garantira dans la durée le financement de notre système de retraites.
Ensuite, il s’agit de partager équitablement les efforts par des mesures justement réparties qui accordent à certaines catégories de travailleurs les droits qui leur ont toujours été refusés. Ce souffle de justice, « souffle nouveau » avez-vous dit, madame la ministre, signifie mieux prendre en compte les parcours professionnels, parfois chaotiques, notamment chez les femmes et les plus jeunes de nos concitoyens.
Enfin, il fallait renforcer le droit à l’information des assurés et améliorer la coordination entre les régimes, en rendant le système plus simple et accessible à tous.
Déjà, dès 2012, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a permis le départ à la retraite à soixante ans de ceux qui avaient commencé à cotiser jeunes : je le rappelle, car certains ont tendance à l’oublier. Aujourd’hui, nous sommes de nouveau devant un texte de progrès social, avec un axe emblématique que constitue la reconnaissance, pour la première fois, de la pénibilité
Je tiens à souligner ici ce dispositif qui ne se veut pas uniquement réparateur, mais qui doit permettre d’anticiper et de prévenir. Avec un volet formation, les salariés confrontés à la pénibilité pourront faire évoluer leur parcours professionnel vers des postes moins ou pas pénibles.
Cette réforme, parce qu’elle prend en compte et améliore réellement la situation du plus grand nombre des assurés les plus fragilisés, est une réforme de confiance et d’espoir. Avec ce texte, de nouvelles mesures phares d’équité seront enfin une réalité : en faveur des seniors, avec l’amélioration du dispositif de retraite progressive et du cumul emploi retraite ; pour les femmes, une bonification des droits avec la prise en compte de trimestres au titre du congé maternité, du temps partiel ; en faveur des jeunes avec la validation des périodes d’apprentissage en alternance, de stages et le rachat de périodes d’études ; pour les travailleurs précaires avec l’abaissement du seuil d’acquisition d’un trimestre de 200 à 150 heures SMIC ; pour les personnes handicapées, avec un accès facilité à la retraite anticipée. Il faudra peut-être revenir sur ce point après évaluation de l’impact réel de la non prise en compte de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, la RQTH, alors que le taux d’incapacité permanente est fixé à 50 % au lieu de 80 % précédemment. Le critère RQTH est maintenu pour les assurés ayant travaillé en situation de handicap avant la présente loi. L’amélioration de la situation des personnes handicapées que permet ce projet de loi est de nature à les rassurer.
Permettez-moi, en tant que députée des Côtes-d’Armor, de m’attarder quelques instants sur les nouvelles dispositions qui ne laisseront plus à part les agriculteurs qui sont des acteurs majeurs de l’économie française.
Cinq mesures importantes sont proposées dans cette réforme : revalorisation progressive pour atteindre 75 % du SMIC en 2017 garantis aux chefs d’exploitation ayant une carrière complète, dix-sept années de points gratuits de régime complémentaire obligatoire pour tous les conjoints et conjointes et les aides familiaux, extension de la réversion pour le ou la conjoint survivant d’une personne décédée en activité, suppression de la durée de dix-sept ans et demi pour bénéficier d’une pension minimale, extension du dispositif de droits combinés au RCO, mais aussi prise en compte des années d’arrêt d’activité dans le calcul de la retraite en cas de maladie grave ou d’accident.
Les retraités agricoles sont au nombre de 1,6 million. Les hommes perçoivent en moyenne 784 euros par mois, contre 1 835 euros tous régimes confondus, et les femmes 552 euros contre 1 325 euros.
Depuis quinze ans, les associations de retraités agricoles sont intervenues à différents niveaux pour se battre contre la faiblesse de ces retraites…
M. Michel Issindou, rapporteur. Nous les avons entendues !
Mme Annie Le Houerou. …et faire en sorte de ne plus voir de retraites à 180 euros mensuels pour une profession qui s’est investie pour garantir une alimentation de qualité aux Français d’abord mais bien au-delà, pour faire de notre pays la première puissance mondiale agricole et agroalimentaire.
Ces mesures réclamées depuis longtemps sont satisfaisantes. Les agriculteurs et surtout les agricultrices nous en sont reconnaissantes et nous le disent lors de nos permanences et de nos rencontres sur le terrain, même si le financement repose sur la solidarité des actifs de la profession. Certes, il restera encore à faire pour obtenir la parité avec les autres régimes, mais c’est une belle avancée que nous avons obtenue ici.
En conclusion, je réitère mon soutien au Gouvernement qui a su proposer une réforme de fond s’inscrivant dans la durée, réparant des injustices et privilégiant des mesures à l’adresse des publics défavorisés. C’est notre devoir, élus de gauche, de respecter et d’être fidèles aux règles empreintes d’équité et de solidarité fixées en 1945 par le Conseil national de la Résistance.
Madame la ministre, je tiens à souligner le changement de méthode de votre Gouvernement, dans un climat serein, apaisé, et avec un dialogue toujours ouvert, une concertation des partenaires sociaux réelle. Cette réforme fait un choix de société juste qui assure notre avenir, un choix qui rassure.
Une bonne retraite se prépare tout au long de la vie. C’est le système de répartition si menacé il y a encore quelques mois que vous avez réhabilité. Le changement, c’est bien maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(M. Claude Bartolone remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Véran.
M. Olivier Véran. Monsieur le président, madame la ministre, cher Michel Issindou qui avez porté ces dernières semaines ce projet de loi à l’Assemblée nationale, la réforme des retraites est emblématique du nouveau modèle français défendu par le Premier ministre et son Gouvernement. Elle vise ainsi à sauvegarder le régime par répartition en assurant un financement durable, en s’attaquant à ses inégalités structurelles et en associant l’ensemble des partenaires sociaux.
Les précédentes réformes dites définitives n’ont clairement pas résolu le problème. Si nous avions laissé les choses en l’état, le déficit aurait atteint 21 milliards d’euros en 2020. Pire, la réforme de 2010 a accru les inégalités, c’est un fait. Un premier correctif a été apporté au début de la législature avec le rétablissement de la retraite à soixante ans pour les salariés qui ont leurs annuités de cotisation.
Cette conception de la justice est le fil rouge qui structure cette réforme que le groupe socialiste, républicain et citoyen va voter dans quelques minutes. Les oubliés de la droite, les femmes, les ouvriers, les jeunes voient leurs droits reconnus avec la prise en compte des carrières fractionnées, de la pénibilité des métiers ou des années d’étude. L’effort demandé pour restaurer l’équilibre financier est au diapason avec le souci de répartir équitablement la contribution entre tous – actifs du privé comme du public, retraités, entreprises – quand la droite ponctionnait les seuls salariés. Cet équilibre entre effort et justice a fait l’objet d’un dialogue constructif avec les partenaires sociaux et permis pour la première fois qu’une réforme des retraites avance sans blocage majeur. C’est la base d’une nouvelle alliance des générations.
L’esprit de responsabilité, c’est de répondre à la révolution démographique de la durée de vie qui ne cesse de croître, et c’est une bonne nouvelle. Mais si rien n’est fait, il y aura, en 2050, un actif pour un retraité. C’est pourquoi le Gouvernement a choisi la mesure de moyen terme la plus équitable : l’allongement progressif de la durée de cotisation. De 2020 à 2035, elle passera progressivement à quarante-trois ans. Tous les régimes, public comme privé, seront concernés.
La création d’un compte pénibilité dès 2015 est sans nul doute l’avancée sociale majeure de ce texte. Il s’adresse aux salariés ayant connu le travail de nuit, l’exposition aux produits toxiques ou dangereux, les charges physiques. Plus de 3 millions de salariés sont concernés et pourront ainsi avancer un départ en retraite au maximum de deux ans. D’autres dispositions prévoient des formations professionnelles pour se convertir à des emplois moins pénibles, ou encore le maintien de la rémunération en cas de passage à un temps partiel. Les grands bénéficiaires de ce dispositif seront les ouvriers, ceux qui cumulent depuis trop longtemps les métiers les plus durs et la plus faible espérance de vie.
M. Éric Straumann. Les agriculteurs !
M. Olivier Véran. J’aimerais aussi citer l’amélioration de la retraite pour les femmes. Leur parcours professionnel rythmé par l’éducation des enfants et les temps partiels subis en font les grandes perdantes du système actuel. Ainsi, le texte prévoit une meilleure prise en compte des temps partiels. Une refonte de la majoration des pensions sera engagée pour en faire bénéficier davantage les femmes. À compter de janvier 2014, les trimestres d’interruption liés au congé maternité seront considérés comme cotisés.
Je voudrais aussi parler de la place faite aux jeunes. Un tarif préférentiel de rachat de trimestres d’études sera instauré pour les jeunes entrant dans la vie active. Il sera plus avantageux pour les plus jeunes et les plus faibles revenus.
M. Éric Straumann. Il faudrait d’abord qu’ils aient du travail !
M. Olivier Véran. Enfin, je veux dénoncer ici la propagande de la droite dénonçant les privilèges prétendus du secteur public en matière de retraites. C’est une fausse polémique. Mes chers collègues, vous êtes amnésiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous oubliez de rappeler que c’est vous qui avez différencié les salaires de référence entre les deux secteurs, comme vous vous gardez d’ailleurs systématiquement de rappeler que le niveau moyen des pensions est à peu près équivalent.
Cette opposition artificielle, néfaste, entre le privé et les fonctionnaires, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault la refuse. Les mesures de redressement financier s’appliquent de la même manière au public et au privé.
Mes chers collègues, la gauche peut être fière d’avoir réalisé cette réforme des retraites qui consolide l’avenir de notre système par répartition. Balayée la caricature d’un pays bloqué et irréformable ! La France fait enfin la preuve qu’elle est capable de rénover son modèle social sans attenter nullement à ses valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La discussion générale est close.
M. le président. J’appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l’article 114 du règlement, le projet de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Mesdames, messieurs les députés, c’est avec un peu d’émotion que je veux vous remercier pour ce vote massif. Je remercie les députés de la majorité pour leur soutien, leur accompagnement, leur contribution ainsi que l’ensemble des députés qui ont participé à ce débat, certains ayant la volonté de s’opposer au texte tandis que d’autres avaient la volonté de construire. Je crois que nous avons, ensemble, fait franchir une belle étape à notre démocratie sociale et notre pacte social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)
Présidence de Mme Catherine Vautrin
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat (nos 660, 1544).
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur Philippe Doucet, mesdames et messieurs les députés, vous êtes appelés à discuter en première lecture d’une proposition de loi importante puisqu’elle est directement issue des travaux des états généraux de la démocratie territoriale qui s’étaient déroulés au mois de septembre 2012 au Sénat et qui entendaient améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux, manière pudique d’aborder le statut de l’élu.
Depuis sa première lecture, le 29 janvier 2013, il s’est passé presque une année pendant laquelle des textes importants ont été adoptés pour nos élus et notre vie démocratique : les modalités d’élection des conseillers des départements et des intercommunalités, la fin du cumul des mandats ou, encore, la loi pour la transparence de la vie publique.
Demain, nos élus seront plus divers, ils représenteront mieux la société et seront élus plus équitablement sur le territoire. La présente proposition de loi est l’une des conditions nécessaires de la vitalité démocratique de notre pays et du renforcement de l’engagement de ses citoyens.
Je défends ce texte au nom du Gouvernement avec le respect dû par l’État à ceux qui, chaque jour, consacrent leur énergie au service de l’intérêt général. Qu’il s’agisse des services à la personne ou d’équipements, de crèches, d’écoles, de routes, d’eau, d’énergie, de sport, de culture, du moindre feu rouge aux plus petits travaux urbains, il n’est pas une parcelle de notre territoire qui ne doive à l’action patiente et passionnée de nos élus locaux.
Cette mission exige de la proximité, à un moment où le contact et le lien social font toute la différence dans une société impersonnelle et dématérialisée, dans une société en crise où les distances entre les gens sont de plus en plus profondes.
Cette mission demande de la ténacité pour supporter les contraintes : argent public rare, normes, demande sociale croissante. Cette mission exige aussi, et même surtout, du temps et de l’énergie. Être élu, c’est consacrer une partie de son temps et de sa volonté au service des autres. C’est un engagement total, parfois dévorant, une responsabilité lourde et que l’on paie souvent au prix fort, à la fois dans sa vie professionnelle mais aussi personnelle, familiale et affective.
Enfin, être élu exige des qualités précieuses de patience et de courage comme des talents d’écoute.
Ce choix de représenter les autres et de mettre en œuvre des politiques pour eux, beaucoup de citoyens le font en conscience, par devoir mais aussi parfois par défi. Cependant, en la matière, nous savons qu’il n’est pas aussi facile pour tout le monde de concourir dans la bataille démocratique.
Pour des raisons financières d’abord. Les élus sont majoritairement fonctionnaires, retraités ou bien ils exercent une profession libérale qui leur permet de conserver une activité à côté de leur mandat. Dans nombre de petites communes, ils sont bénévoles, au service des habitants jour et nuit, quels que soient les aléas de la vie de la collectivité. Je rappelle, et c’est important, que 72 % des élus municipaux ne perçoivent aujourd’hui aucune indemnité.
Les difficultés sont toutefois loin d’être uniquement financières. Elles tiennent aussi au climat actuel, qui verse trop souvent dans la critique de l’action publique. Directement en contact avec nos concitoyens, les élus, parce qu’ils incarnent l’autorité publique, sont aussi les premières cibles de leur défiance. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a fait le choix clair de la refondation profonde de notre vie publique.
Parité, limitation du cumul des mandats, modernisation de l’action publique territoriale, statut de l’élu : ces réformes visent à faire en sorte que le fait d’être élu ne soit plus ni un sacerdoce, ni un métier et que cette mission soit plus facile d’accès pour les jeunes et les salariés ou, encore, pour les femmes.
Nous devons aux Français l’exemplarité, nous devons aux Français de défendre ici, dans cet hémicycle, l’engagement de ces élus dont les vies sont parfois difficiles, comme je l’ai dit tout à l’heure. Nous devons donc la leur faciliter pour qu’ils soient « bien dans leur mandat ».
C’est le sens du message que le Premier ministre a adressé lors du Congrès des maires. Permettez-moi de le citer : « Partout où l’échelon communal retrouve les moyens d’agir, c’est la République qui progresse. Et peu importe la taille de la commune ! La proximité, ce n’est pas une formule en l’air, ça existe ! C’est le contact personnel. Et cela doit continuer à exister ».
J’ajouterai que cela s’applique à tous les niveaux : aux élus intercommunaux, dont les responsabilités ne cessent de grandir et qui mènent souvent les projets structurants sur les territoires, aux élus départementaux, qui sont un véritable rempart face à la crise, et aux élus régionaux, qui sont responsables de l’anticipation.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est le fruit d’un travail intense de la mission d’information sur le statut de l’élu présidée par Philippe Doucet, dont je tiens à saluer la qualité – je salue également la ténacité du rapporteur. Ces travaux s’inscrivent clairement dans la feuille de route proposée par le Président de la République et confortent le constat établi depuis plusieurs années par de nombreux rapports parlementaires. Dans celui qu’ils ont fait paraître il y a tout juste deux ans, Jean-Claude Peyronnet et Philippe Dallier, en dignes héritiers de Marcel Debarge, jetaient les bases de ce travail collectif.
M. Jean-Frédéric Poisson. Vous oubliez M. Gosselin, madame la ministre !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’oubliais en effet de mentionner M. Gosselin, qui était rapporteur. Qu’il me pardonne.
Après un premier rapport en 1982, puis un second en 1988, la loi relative aux conditions d’exercice des mandats locaux du 3 février 1992 a vu le jour. Aujourd’hui, c’est une nouvelle étape qui s’engage.
Votre commission des lois a conforté le texte issu des travaux du Sénat, tout en y introduisant des innovations importantes. Je pense par exemple à la charte des élus locaux, qui devrait être lue lors de la première session de chaque conseil. Elle a une valeur symbolique importante et apportera de la lisibilité, non seulement sur les droits, mais aussi sur les devoirs des élus.
Le Gouvernement reviendra sur plusieurs de vos propositions, non qu’il soit en désaccord avec vous sur le fond, mais parce que les moyens que vous entendez mettre en œuvre ne sont pas toujours parfaitement adaptés à la poursuite de vos objectifs.
M. Jean-Frédéric Poisson. Ce qui n’arrive jamais au Gouvernement !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est le cas notamment des dispositions que vous proposez pour faire évoluer le droit de la prise illégale d’intérêts. Le Gouvernement s’est déjà prononcé à plusieurs reprises sur ce sujet. Nous pensons, je le répète, que faire évoluer le code en la matière aurait des effets négatifs sur la jurisprudence, et donc, potentiellement, sur la qualité de la protection dont bénéficient les élus.
Ce que je vous propose, c’est de travailler avec les juridictions compétentes pour qu’un guide soit édité, qui décrive précisément les droits et les devoirs des élus dans ce domaine, en fonction de ce que vous avez fort justement démontré. Le Gouvernement ne compte pas non plus modifier le statut de la fonction publique, en ouvrant aux seuls élus la possibilité de choisir leur position statutaire, détachement ou mise en disponibilité. Il y va d’un principe cardinal de notre droit de la fonction publique : si nous donnions cette possibilité aux élus locaux, nous devrions également la donner, par exemple, aux élus syndicaux.
Le prochain débat sur la déontologie dans la fonction publique nous permettra sans doute de revenir sur cette question, et peut-être de la clarifier, après concertation, en lien avec les dispositions de la loi sur le non-cumul. En tant que ministre de la fonction publique, j’estime en tout cas que cette disposition pose problème, et je suis désolée de ne pas avoir trouvé de réponse à cette date.
L’objectif est effectivement d’encourager les candidatures issues du secteur privé. C’est pourquoi la proposition de loi améliore le droit du retour à l’emploi des salariés du privé, en leur conférant un statut de salarié protégé quand ils deviennent élus. Le Gouvernement propose d’ailleurs d’aller plus loin et vous soumettra un amendement que vous ne pouviez déposer – vous me l’avez dit – pour renforcer le dispositif de l’allocation différentielle de fin de mandat, dans le sens des propositions du rapport de votre mission d’information. Il nous revient à tous de faire mieux connaître ce dispositif, aujourd’hui très peu utilisé.
Le Gouvernement, enfin, est soucieux, comme vous, d’améliorer les conditions d’exercice du mandat des élus locaux qui assument également charge de famille. « Charge » n’est pas le mot adapté, je dirais plutôt « beauté » de la famille. La participation aux réunions peut entraîner des frais supplémentaires de garde d’enfants ou d’assistance aux personnes âgées ou handicapées qui sont à la maison. Combien de témoignages entend-on à ce sujet dans les mairies, les intercommunalités, les conseils régionaux ! Et pourquoi pas ici ?
Or le remboursement de ces frais est aujourd’hui réservé aux conseillers municipaux qui ne perçoivent pas d’indemnités de fonction ou aux membres d’exécutifs locaux qui cessent leur activité. Le Gouvernement souhaite élargir cette possibilité à tous les élus, ce que vous ne pouviez pas faire vous-même, en particulier à ceux qui doivent concilier leur mandat avec une activité.
Mesdames et messieurs les députés, nos concitoyens ont parfois une image déformée de la vie des élus et des raisons qui les poussent à s’investir dans la vie publique. La France a besoin d’élus libres et compétents, d’hommes et de femmes de tous horizons, animés par la passion du bien public et capables de créativité et d’initiative.
M. Jean-Frédéric Poisson. Vive le cumul !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La France a besoin d’élus capables de susciter le dynamisme économique, de faciliter la vie des entreprises, mais aussi d’innover, avec des moyens financiers extrêmement limités, pour accompagner socialement les personnes de tous les territoires et à tous les âges de leur vie.
C’est tout l’objet du projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires, dont l’examen est prévu pour le mois d’avril au Sénat. Cette réforme structurelle permettra de renforcer l’attractivité économique de nos territoires, tout en reconnaissant de nouvelles capacités d’initiative à nos régions.
Avec la conférence territoriale de l’action publique, créée par le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale, dont l’adoption définitive est imminente, il s’agit d’un virage concret dans la décentralisation, en faveur d’une action publique par le contrat et la concertation, de solutions de simplification adaptées aux réalités de chaque territoire. Pour y parvenir, les élus doivent être confortés dans leurs missions, mieux formés et mieux accompagnés.
La présente proposition de loi y contribuera et j’espère que nos débats montreront aux Français l’esprit de concorde qui devrait animer l’ensemble de la représentation nationale, chaque fois qu’il s’agit de conforter la République dans nos territoires. Je vous remercie d’ores et déjà pour l’excellent travail accompli, et particulièrement M. Doucet et M. le président de la commission des lois pour leur ténacité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Doucet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Philippe Doucet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de présenter à la délibération de l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Vous le savez sans doute, ce texte a été adopté par le Sénat, le 29 janvier 2013, par un vote acquis à l’unanimité.
À bien des égards, ce vote nous engage. Il nous appelle en effet à dépasser les querelles idéologiques qui entourent l’édification d’un véritable statut de l’élu pour apporter, dès à présent, des réponses pratiques à des enjeux identifiés, compréhensibles pour les citoyens.
Le premier de ces enjeux est l’accès aux fonctions électives. Je rappellerai quelques chiffres : les femmes ne représentaient que 14,4 % des maires en 2012 ; en 2011, seules 7,2 % des structures intercommunales, cinq conseils généraux et une région étaient présidés par une femme.
La nécessité de promouvoir la diversité des candidatures s’impose également sur le plan de la sociologie, puisque l’âge et le profil socioprofessionnel de nos élus font aussi apparaître des phénomènes de surreprésentation. Selon l’Association des villes moyennes, 60 % des maires de ces villes sont retraités, 20 % sont fonctionnaires, 18 % appartiennent à la catégorie des professions libérales, et seulement 2 % se recrutent dans d’autres catégories socioprofessionnelles. C’est inacceptable et ce n’est pas à l’image de la société française.
M. Marc Dolez. Très bien !
M. Philippe Doucet, rapporteur. La tâche du législateur est bien de faire en sorte que les personnes les plus diverses puissent se porter candidates aux différents mandats. Cette proposition de loi contient des dispositifs propres à relever ce défi de l’égal accès aux fonctions électives et du renouvellement de la représentation politique. C’est l’une des raisons pour lesquelles je porte ce texte, c’est l’une de mes motivations.
Le deuxième défi que cette proposition relève consiste à donner aux élus locaux les moyens d’accomplir pleinement leur mandat. Pour s’investir dans 1’exercice de fonctions souvent accaparantes, il faut du temps, une juste compensation des contraintes propres à l’accomplissement d’un mandat et des compétences permettant de mieux servir la collectivité.
Or, malgré les garanties assez larges que la loi leur reconnaît dans l’exercice de leur mandat, les élus ne possèdent pas tous la même capacité à concilier vie privée et engagement public. Il convient de citer un chiffre trop peu connu de nos compatriotes, et que le débat au Sénat a donné l’occasion de rappeler : 72 % des élus ne perçoivent pas d’indemnités de fonction. Par ailleurs, l’affirmation d’un droit à une formation adaptée aux fonctions demeure vaine, si les pouvoirs publics ne se préoccupent pas des modalités pratiques de sa mise en œuvre, c’est-à-dire des ressources et des conditions de l’offre de formation destinée aux élus. Or, depuis le vote des premières lois de décentralisation en 1982, le rôle des élus locaux n’a cessé de se développer et de se complexifier, à mesure que de nouvelles compétences étaient attribuées aux différents niveaux de collectivités.
Le troisième et dernier défi réside dans l’établissement d’un juste équilibre des droits et des devoirs pour l’exercice de responsabilités éminentes. La démocratie en a besoin. Il importe bien entendu de prévenir les conflits d’intérêts et de favoriser la transparence de la vie publique, ce à quoi nous nous sommes employés dans un autre cadre. Mais il s’avère tout aussi essentiel d’asseoir un dispositif pénal adapté aux conditions d’exercice des mandats électifs. Cela suppose, entre autres choses, de donner une définition plus pertinente à la prise illégale d’intérêts. À n’en pas douter, il s’agit là d’une question redoutable. Elle se pose en tout cas de manière récurrente depuis trente ans et n’a pas manqué de susciter bien des initiatives et bien des réflexions.
C’est dans cette longue perspective, jalonnée par le rapport de Marcel Debarge, par les lois du 3 février 1992 et du 27 février 2002, qu’il convient d’inscrire la présente proposition de loi. Ce véhicule législatif représente une opportunité que nous aurions tort de ne pas saisir.
En l’état, que fait la proposition de loi que nous examinons ?
En premier lieu, pour l’établissement d’un juste équilibre des droits et des devoirs, elle précise la définition de la prise illégale d’intérêts, en introduisant la notion d’ « intérêt personnel distinct de l’intérêt général ». La commission a également établi – c’est l’une des dispositions essentielles du texte – une charte de l’élu local, qui rappelle les grands principes déontologiques à respecter dans l’exercice de son mandat. Celle-ci devra être lue lors de la première séance des assemblées délibérantes des collectivités locales. Enfin, la commission a ouvert le cercle des élus habilités à saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique à l’ensemble des maires et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ainsi, ces élus de terrain pourront obtenir des réponses sur les questions d’ordre déontologique qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur mandat ou de leurs fonctions.
En second lieu, pour donner aux élus locaux les moyens d’accomplir pleinement leur mandat, la proposition de loi améliore très sensiblement le régime indemnitaire des maires et des présidents de délégation spéciale. En l’occurrence, elle prévoit que le montant de leur indemnité de fonction est fixé, par principe, au niveau maximal qui résulte de l’application du taux supérieur prévu par la loi pour chaque catégorie de collectivité. Par ailleurs, elle étend aux conseillers des communautés de communes le bénéfice des indemnités de fonction perçues par les conseillers municipaux des communes de moins de 100 000 habitants.
En troisième lieu, pour permettre la conciliation entre un engagement public et la poursuite d’une activité professionnelle, la proposition de loi conforte les garanties consacrées par la loi en étendant leur champ d’application : congé électif, crédit d’heures, droit à suspension du contrat de travail, réintégration professionnelle, à travers des actions de bilan de compétence et de réadaptation, octroi, enfin, du statut de salariés protégés à ceux qui n’auraient pas suspendu leur activité professionnelle.
En dernier lieu, afin de favoriser la réinsertion professionnelle à l’issue des fonctions électives, la proposition de loi comporte deux séries de mesures. D’une part, le texte double la durée de l’allocation différentielle de mandat, en portant la durée de sa perception de six mois à un an. D’autre part, et surtout, la proposition de loi accorde une grande place à l’enjeu décisif, pour la légitimité et l’indépendance des élus, que représente la formation. Est ainsi consacré un droit individuel à la formation, financé par une cotisation prélevée sur les indemnités de fonction des élus locaux, mis en œuvre à leur initiative et donnant accès à des formations qui peuvent être sans lien avec l’exercice du mandat.
Le texte voté au Sénat institue un mécanisme de dépenses obligatoires des collectivités, au titre de la formation des élus, qui ne peuvent être inférieures à 2 % du montant total des indemnités de fonction allouées aux membres de l’organe délibérant. En outre, l’organisation d’une formation obligatoire pour les élus est instituée au cours de la première année de mandat. L’ensemble de ces mesures marque une nouvelle étape dans l’affirmation de droits à la formation pour les élus. Pour lui donner tout son sens, la commission des lois de notre assemblée a étoffé la proposition de loi, en précisant les finalités du droit individuel à la formation, utilisé prioritairement afin de faciliter la réinsertion professionnelle des élus.
Dans le cadre des travaux de la mission d’information sur le statut de l’élu, conduite avec notre collègue Philippe Gosselin, que je salue, nous nous étions fixés pour objectif de proposer une rénovation du dispositif normatif en vigueur, afin qu’il puisse être compréhensible pour les citoyens et adapté au rôle nouveau des élus. Sur bien des aspects, nous avions pu estimer, à l’époque, que la proposition de loi du Sénat comportait des pistes très intéressantes. Tout le monde aura compris que je n’ai pas changé d’avis.
Je ne prétends pas que ce texte répond à toutes les questions, ni à toutes les attentes, mais le débat que nous entamons aujourd’hui a le mérite de constituer une première étape, qui permettra, je l’espère, de bâtir un cadre juridique à la hauteur du dévouement dont font preuve, dans l’exercice quotidien des fonctions publiques locales, plus d’un demi-million de nos compatriotes.
La démocratie n’a pas de prix, mais elle a un coût. Cette vérité peut être difficilement entendue. Pour ma part, je l’assume et c’est la raison pour laquelle je vous demande d’approuver la présente proposition de loi, moyennant les quelques modifications qu’il pourrait apparaître utile de lui apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Zumkeller.
M. Michel Zumkeller. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question du statut de l’élu local est une question lancinante, une sorte de serpent de mer de notre débat public.
Trente après les premières lois de décentralisation, vingt ans après la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, l’édification d’un statut de l’élu constitue encore et toujours un véritable enjeu. Elle est même l’un des principaux défis pour l’avenir de la représentation démocratique locale.
Cette question est d’autant plus préoccupante aujourd’hui, dans le contexte actuel, que le fossé entre les élus et leurs concitoyens continue de se creuser. Les élus locaux voient leurs compétences et leur autorité contestées ou incomprises. En résulte, inévitablement un manque d’attractivité des fonctions électives locales, particulièrement dans les petites communes. Et c’est alors que resurgit, au lendemain de chaque élection locale, le spectre d’une crise des vocations.
Cette crise est notamment due aux obstacles et aux difficultés que rencontrent les élus locaux dans l’exercice de leur mandat : dispositifs insuffisants pour concilier mandat et activité professionnelle, incertitudes sur leurs responsabilités juridiques, difficultés de réinsertion professionnelle, rémunérations jugées parfois incohérentes par les élus au regard des responsabilités qui pèsent sur eux.
La question du statut de l’élu local est également étroitement liée au phénomène récurrent, persistant, de l’inégal accès aux mandats publics. Cette inégalité se traduit notamment par une surreprésentation de la fonction publique qui, à terme, nuit au renouvellement et à la respiration pourtant essentielle de la vie politique.
Ce phénomène se ressent particulièrement dans nos communes rurales qui disposent de peu de moyens techniques et financiers et où la tâche des maires constitue bien souvent un véritable sacerdoce.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !
M. Michel Zumkeller. Les maires des communes rurales ne sauraient être uniquement des retraités ou des personnes disposant de moyens financiers suffisants. Or, en l’état actuel de la législation, les salariés du privé ne peuvent espérer participer à la vie démocratique sans remettre en cause leur situation professionnelle.
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est juste !
M. Michel Zumkeller. Dans ce contexte, le travail des acteurs de proximité que sont les élus locaux doit être encouragé et respecté.
Il ne s’agit nullement de remettre en cause cette conviction ancienne, ancrée dans la culture politique française, qui refuse d’assimiler le mandat électif à un métier. Il ne s’agit pas davantage de donner aux élus des avantages particuliers. Le mandat que les élus se voient confier est et doit rester un engagement unique au service de nos concitoyens.
Il s’agit simplement de faciliter la tâche des élus, de leur donner les moyens d’accomplir pleinement leur mandat en veillant à l’équilibre de leurs droits et de leurs devoirs, leur permettre de s’investir librement dans l’exercice des fonctions exécutives locales, de recevoir une juste compensation des contraintes propres à l’accomplissement d’un mandat, de bénéficier d’une formation permettant de mieux servir la collectivité.
La proposition de loi de nos collègues sénateurs, Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, est une heureuse synthèse de mesures consensuelles, utiles et attendues. Elle réunit des propositions déjà formulées par bon nombre de parlementaires, notamment au sein du groupe UDI.
L’une des mesures phares de ce texte, qui avait d’ailleurs fait l’objet d’une proposition de loi de mon collègue François Sauvadet et d’une proposition conjointe au Sénat de François Zocchetto et Jacqueline Gourault, concerne l’indemnité des maires.
Selon cette proposition de loi, les indemnités de fonction allouées aux maires et aux présidents de délégation spéciale seront déterminées, par principe, au montant qui résulte de l’application du taux maximal de l’indice 1015 prévu par la loi. Cette juste contrepartie du temps passé au service de la collectivité permettra de simplifier la vie municipale.
Le texte permet également aux élus locaux de favoriser la conciliation entre activité professionnelle et exercice des fonctions électives, notamment par l’élargissement du bénéfice du congé électif aux candidats aux élections dans les communes de 1 000 habitants au moins, à la reconnaissance du droit à un crédit d’heures, à l’extension du droit à suspension du contrat de travail et à l’octroi du statut de salarié protégé.
Le texte offre également aux élus locaux des garanties de réinsertion à l’expiration du mandat et leur donne de nouveaux droits à la formation.
Ce sont là des mesures concrètes que nous ne saurions désapprouver dans l’intérêt des élus locaux et pour une meilleure représentation de l’ensemble de nos concitoyens, et dans la perspective, nous l’espérons, de l’édification future d’un statut de l’élu.
Nous sommes bien conscients que cette proposition de loi n’est pas la panacée. Elle ne saurait nous dispenser pour l’avenir d’une nécessaire et indispensable rénovation en profondeur du statut de l’élu.
Un vaste chantier est à entreprendre afin que le statut de l’élu local soit à la hauteur des exigences, sans cesse grandissantes, à la fois des citoyens mais aussi de l’État qui délègue continuellement plus de responsabilités aux collectivités, et aux élus locaux en particulier.
Ce chantier implique notamment que nous abordions le problème de la multiplicité des collectivités, du manque de lisibilité du système pour nos concitoyens, de la difficulté d’identifier les compétences, le rôle et les responsabilités de chacun.
Tous nos efforts, même s’ils sont louables, seront vains tant que nous n’aborderons pas les véritables questions : la pertinence du nombre de strates administratives, les compétences de chacune des collectivités et les responsabilités des élus.
Il faudra un jour reprendre l’ensemble des articles du code général des collectivités territoriales et les rassembler en un ensemble clair, structuré et cohérent.
Nous devrons également trouver des solutions plus approfondies pour remédier à l’inégal accès aux mandats électifs et surtout, alors que le vivier de candidats aux élections locales se rétrécit au fil du temps, pour redonner au mandat local toute son attractivité.
Le 19 juin dernier, notre commission des lois a adopté à l’unanimité le rapport de la mission d’information sur le statut de l’élu. Ce rapport plaidait pour un véritable statut de l’élu.
Avec cette proposition de loi, nous n’en sommes pas encore là, et concevoir un statut de l’élu local n’était d’ailleurs pas l’ambition des auteurs de ce texte. Néanmoins, ces différentes dispositions sont des pierres à l’édifice.
Ne pas les voter, ce serait refuser l’opportunité qui nous est offerte d’apporter des améliorations à la situation des élus qui s’engagent chaque jour au service de nos collectivités. Pour l’ensemble de ces raisons, les membres du groupe UDI soutiendront cette proposition de loi.
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le titre de cette proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat indique la portée de son contenu : améliorer les droits des élus, sans pour autant créer un véritable statut de l’élu. Ce texte est né des réflexions issues des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le président du Sénat les 4 et 5 octobre derniers. La question du statut de l’élu y avait été abordée par de nombreux participants se faisant l’écho de milliers d’élus engagés au service de leurs concitoyens.
Cela a débouché sur une mission confiée au président de la commission des lois du Sénat et à la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour proposer un texte visant à améliorer les droits des élus et l’exercice de leur mandat.
Avec la fin du cumul des mandats pour les fonctions exécutives, nous nous situons à un moment clé de la rénovation de nos pratiques. La question du statut de l’élu ne peut plus être éludée. C’est à une véritable révolution dans les pratiques que nous devons aujourd’hui nous atteler. Pour beaucoup, l’engagement politique constitue un frein aux carrières professionnelles. L’instauration d’un statut de l’élu doit permettre de créer des conditions et un climat plus favorables à l’engagement des citoyens dans la vie publique.
Le cadre législatif est aujourd’hui inadapté, et le sera d’autant plus à l’avenir pour cause de plus grande diversité des titulaires de mandat ainsi que de conciliation des fonctions électives avec une activité professionnelle. Il convient donc de rénover le dispositif normatif en vigueur afin de le rendre compréhensible pour les citoyens et adapté au nouveau rôle des élus en proposant des solutions concrètes.
Au-delà des avancées indemnitaires certaines, l’objectif des auteurs de la proposition de loi est de faciliter les passerelles entre les activités d’élu et les autres activités publiques ou privées. L’instauration d’un statut de l’élu local qui assure une protection sociale facilitant l’entrée et la sortie du mandat est un corollaire indispensable au non-cumul des mandats et des fonctions.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 a déjà permis l’assujettissement aux cotisations sociales de l’ensemble des élus indemnisés, y compris pour le volet relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. C’est malheureusement logique, puisqu’un élu au service de sa commune peut, comme tout le monde, être victime d’un accident dans l’exercice de ses fonctions. Il doit donc bénéficier d’une couverture sociale complète.
Cette mesure, additionnée à celles contenues dans cette proposition de loi, notamment l’obligation des indemnités pour l’ensemble des maires ainsi que pour les adjoints, permettra de lutter contre la professionnalisation de la politique. C’est bien dans cette optique qu’il faut voir ces mesures indemnitaires alors que les maires et élus des petites communes sont ceux qui travaillent le plus, car ils n’ont à leur disposition que de petits services municipaux, quand ce n’est pas un seul secrétaire, voire un secrétaire à mi-temps. La charge de travail qu’ils assument, tant en matière d’organisation que sur le terrain, exige qu’ils soient indemnisés : le mandat ne doit pas être un sacerdoce pour les élus locaux.
C’est pourquoi il convient d’en faciliter l’exercice, notamment par ce qui est proposé dans ce texte, à savoir l’extension du congé électif aux communes de 1 000 habitants et plus ; l’ouverture du crédit d’heures aux élus municipaux des petites communes et l’abaissement du seuil démographique des communes et communautés de communes pour lesquelles les adjoints au maire et les vice-présidents d’intercommunalité bénéficient du droit à suspension du contrat de travail. Nous apportons d’ailleurs notre soutien à l’amendement no 21 du Gouvernement visant à permettre aux collectivités qui le souhaitent le remboursement des frais de garde pour les élus qui travaillent. C’est une mesure que le conseil régional d’Île-de-France a déjà votée ; sa généralisation ne peut être que bénéfique, pour les pères et plus souvent encore pour les mères célibataires.
Rappelons toutefois que les élus ne s’engagent pas dans la vie publique en raison des indemnités, 80 % d’entre eux ne touchent aucune indemnité, car ils ne veulent pas grever les finances de leur commune. Beaucoup d’entre eux renoncent d’ailleurs à être indemnisés au taux maximal précisément pour cette raison. Ils réclament plus de considération et de reconnaissance – ce que tout un chacun peut leur apporter – mais également plus d’information et plus de formation, ce que la loi peut leur assurer.
II faut en effet pouvoir disposer des compétences permettant de servir au mieux l’intérêt général, notamment par le renforcement d’un droit à une formation adaptée. Nous accueillons avec satisfaction l’ouverture du droit à la formation professionnelle et à un bilan de compétences pour les adjoints au maire des communes de plus de 10 000 habitants, et non plus 20 000 habitants. De même, la validation des acquis de l’expérience pour les élus, le droit individuel à la formation pour les adjoints, l’instauration d’un plancher pour les dépenses de formation ainsi que la formation obligatoire pour les nouveaux élus la première année sont des mesures bienvenues. S’agissant toujours de la formation, nous avions déposé des amendements, qui ont malheureusement été retoqués au titre de l’article 40.
Cela ne va pas nous empêcher de les évoquer, puisque c’est le seul droit qui nous reste !
M. Philippe Gosselin. Bien sûr !
M. Paul Molac. Ainsi un de nos amendements visait à élargir le droit à la formation à tous les nouveaux élus, et pas seulement à ceux ayant reçu une délégation, ce qui serait notamment justifié pour les élus de l’opposition. Pour les nouveaux élus, il est en effet souvent difficile d’appréhender leurs mandats. Il est à noter que le bureau de l’Association des maires de France s’est montré favorable à des formations en début de mandat, considérant que le caractère obligatoire de la formation permet de placer tous les élus sur un pied d’égalité.
Dans le souci d’une meilleure réintégration du marché du travail à la fin d’un mandat, nous avions également proposé de transférer au compte personnel de formation prévu par le code du travail les heures de formation qui n’auraient pas été accomplies durant leur mandat par les élus locaux.
Rappelons que ces élus locaux sont plus de 500 000 à exercer aujourd’hui un mandat local. Malgré ce très grand nombre de Français s’engageant dans la vie publique locale, on constate une représentation souffrant d’un manque de diversité. Dans leur ouvrage paru en 2006, M. Éric Kerrouche et Mme Élodie Guérin-Lavignotte, évoquent des pesanteurs sociologiques, à propos de la sous-représentation féminine, de l’inégale représentation des classes d’âges et du déséquilibre dans la représentation des catégories socioprofessionnelles des élus locaux, phénomènes qui sont également observés dans la plupart des pays européens.
Nous l’avons évoqué tout à l’heure s’agissant des femmes : 14 % sont maires, 7,2 % présidentes d’intercommunalité, et on trouve cinq présidentes de départements et une seule présidente de région. Plus on monte, moins il y a de femmes.
En matière de diversité sociologique, les élus de plus de soixante ans sont largement surreprésentés, ainsi que les catégories socio-professionnelles des fonctionnaires et des professions libérales. Le texte porté aujourd’hui par notre collègue Philippe Doucet doit permettre de franchir un pas décisif vers l’égalité réelle dans l’accès aux fonctions dirigeantes électives.
Le renforcement des droits des élus locaux, doit aussi aller de pair avec une certaine responsabilisation. C’est ainsi que l’article 1er bis A tend à instaurer dans la loi le principe de pénalité pour les élus locaux absentéistes. Sans doute cette mesure pourra inspirer d’autres assemblées.
L’article 1er A modifie la définition du délit de prise illégale d’intérêts. En pratique, il reprend un article adopté dans la loi sur la transparence, proposition issue du rapport Sauvé et de la commission Jospin. Le Gouvernement s’y oppose alors que le Parlement considère que la loi devrait être clarifiée. Une étude juridique claire et une consultation des associations concernées pourraient être utiles concernant cette disposition.
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Le Gouvernement a tort !
M. Paul Molac. Permettez-moi enfin d’évoquer brièvement les amendements que nous serons amenés à défendre tout à l’heure. Ceux-ci portent sur les droits des conseillers municipaux, notamment ceux n’appartenant pas à la majorité municipale. Nous proposerons de permettre aux conseillers municipaux d’accéder à tous documents administratifs à l’exception des données personnelles concernant les agents ; d’instaurer trente minutes de questions orales en introduction des conseils municipaux ; mais également d’introduire le vote par bulletin secret en cas de retrait de la délégation d’un élu.
Des dispositions sur la démocratie locale étaient par ailleurs prévues dans la partie III du projet de loi sur la décentralisation. Il semble toutefois important que ces dispositions entrent en application dès le prochain renouvellement municipal, en mars prochain.
La mise en œuvre de telles mesures en cours de mandat est, en effet, toujours plus délicate. C’est pourquoi nous proposerons l’adoption d’amendements prévoyant la transmission des documents du conseil municipal par voie électronique, ou encore la diffusion des comptes rendus des conseils municipaux sur le site Internet des communes.
En définitive, la présente proposition de loi sera bénéfique aux élus locaux pour l’exercice de leur mandat, à défaut de créer un véritable statut de l’élu. Les avancées qu’elle comporte méritent d’être soutenues le plus largement possible dans cet hémicycle, comme elles l’ont été au Sénat de manière unanime, et nous espérons ne pas les voir atténuées lors de l’examen du texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret.
M. Jean-Frédéric Poisson. « Défense et illustration du radical-socialisme », par Alain Tourret. (Sourires.)
M. Alain Tourret. C’est exactement ce que vous allez entendre, mon cher collègue !
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, faut-il vivre pour la politique ou vivre de la politique ? (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Bonne question !
M. Jean-Frédéric Poisson. Vous avez trois heures ! (Sourires.)
Mme Annie Genevard. Thèse, antithèse, synthèse !
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Qu’en dit Napoléon ?
M. Alain Tourret. La question est ancienne, même si l’alternative peut être attribuée à Max Weber il y a une centaine d’années.
Depuis toujours, deux concepts s’opposent. Ou bien le mandat politique est un magistère, pour ne pas dire une magistrature, qui s’exerce librement, sans autre rémunération que l’indemnisation pour les frais exposés par l’élu : c’est, en quelque sorte, l’esprit qui a prévalu lors de la rédaction du texte instituant l’indemnité de représentation et de frais de mandat, non imposable et non soumise aux charges sociales. Ou bien le mandat politique est une fonction qui occupe beaucoup de temps, pour ne pas dire un plein-temps : c’est pourquoi nos élus reçoivent des fiches de paie et versent cotisations sociales et impôt sur le revenu ; lorsqu’ils divorcent, ils paient des pensions alimentaires et éventuellement des prestations compensatoires, en fonction du montant des indemnités auxquelles on ne devrait normalement pas toucher.
Nous n’avons jamais pu véritablement choisir entre ces deux options. C’est pourquoi le statut de l’élu a toujours été renvoyé aux calendes grecques – et ce n’est pas aujourd’hui qu’il sera adopté par notre assemblée ! En revanche, pour plaire aux élus, ces barons toujours craints de l’exécutif, on vote des textes visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
Il est vrai que l’exercice est difficile. La France compte 519 417 conseillers municipaux qui exercent leur mandat gratuitement, sur tout le territoire et jusqu’au fin fond des campagnes. En face d’eux se trouvent les élus qui perçoivent une indemnité : 800 parlementaires, 36 635 maires, 1 880 conseillers régionaux, 4 042 conseillers généraux, sans oublier quelques dizaines de milliers de maires adjoints, de vice-présidents de collectivités territoriales et de conseillers délégués qui n’ont de cesse de réclamer l’écot qu’ils pourraient obtenir.
Il est vrai que les temps ont changé, et que nos élus travaillent souvent énormément – pour ne pas dire comme des chiens. Ils n’ont que peu de points communs avec les magistrats romains, édiles, questeurs, préteurs, consuls, qui attendaient de devenir propréteurs ou proconsuls pour s’indemniser sur les territoires qui leur étaient confiés, et qu’ils pillaient afin de pouvoir ainsi terminer leur carrière politique – chacun se rappelle Crassus dans le Pont-Euxin !
Il faut désormais répondre à plusieurs défis. Premièrement, il convient d’assurer l’égal accès aux fonctions électives locales, qui ne peuvent être réservées aux fonctionnaires, aux retraités et aux professions libérales. Deuxièmement, il faut assurer la parité. Troisièmement, nous devons permettre aux élus de s’investir librement dans l’exercice de leurs mandats locaux.
La proposition de loi qui nous est soumise consiste en un catalogue sympathique, qui renforcera évidemment un certain nombre de droits et garanties, et qui fera l’unanimité sur tous nos bancs.
M. Jean-Frédéric Poisson. On verra !
M. Alain Tourret. Pendant le mandat, seront ainsi prévus des autorisations d’absence, l’attribution d’un crédit d’heures, des compensations de pertes de revenus et des remboursements de frais. Un élu ne pourra pas être licencié ou rétrogradé dans le travail effectué parallèlement à son mandat. Il bénéficiera d’un droit à la formation. À l’issue de son mandat, il aura droit à un stage, bien évidemment – toujours des stages…
M. Jean-Frédéric Poisson. On sent votre enthousiasme ! (Sourires.)
M. Alain Tourret. Il aura droit à une formation, bien sûr. Il pourra également percevoir une allocation différentielle – le vœu de tout élu battu ! Tout cela est bien beau, mais il faut rappeler que le mandat d’élu n’est pas un métier, et que 80 % des élus ne touchent aucune indemnité.
Il faut aussi rappeler que le groupe RRDP s’est opposé au cumul des indemnités – contre nos amis socialistes, qui approuvent ce cumul –,…
M. Philippe Gosselin. Ça balance dans la majorité !
M. Alain Tourret. …alors qu’il est favorable au cumul des mandats et à l’exercice d’une profession par l’élu.
S’il doit exister, plus tard, un statut de l’élu, il faut rappeler avec force que l’élu ne dépend de personne, si ce n’est de sa conscience. Le mandat impératif est nul, que les consignes de vote viennent d’un parti ou d’un autre groupement. Par ailleurs, l’élu ne saurait être tondu par son parti ; je pense au parti communiste, qui ponctionnait jadis l’indemnité de ses élus, auxquels il ne laissait que l’équivalent du salaire d’un ouvrier professionnel – cher ami Dolez, heureusement que cela ne vous arrive pas ! (Sourires.) Où est la liberté ?
L’élu ne peut être un salarié. Il doit conserver sa disponibilité et accepter de ne pas avoir d’horaires préétablis. Il doit revendiquer la générosité et, par moments, le bénévolat.
Prenons garde, mes chers collègues, à ne pas sombrer dans la volonté de devenir des délégués syndicaux. Restons fiers de la fonction que nous exerçons, qui doit nous permettre de vivre et non de nous enrichir.
Par ailleurs, est-il concevable de rester élu toute sa vie ? La question mérite d’être posée, car c’est évidemment au moment où l’élu est battu que le problème se pose.
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !
M. Alain Tourret. J’ai connu un futur président de l’Assemblée nationale qui, du fait de la mise en œuvre du scrutin proportionnel en 1986, avait dû abandonner son mandat de député – dans le territoire de Belfort, il étaient deux pour un seul siège, et c’est M. Chevènement qui avait eu la primauté. Mon ami Raymond Forni s’est alors retrouvé sans rien, ses amis avocats avec qui il avait travaillé dans le même cabinet lui ayant fait comprendre qu’ils n’avaient plus besoin de lui.
Mme Annie Genevard. Il est devenu président de région, quand même !
M. Alain Tourret. Il a vécu de rien. J’ai plaidé avec lui plusieurs dossiers à cette époque, et je m’en souviens particulièrement.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cela peut arriver à tous les élus !
M. Alain Tourret. Vous pourrez certainement nous en parler, madame la ministre. En tout cas, l’exemple de cet homme, Raymond Forni, qui devait devenir par la suite le président de notre assemblée et qui fit l’admiration de tous, a suscité en moi une grande interrogation après qu’il m’a décrit le trou noir qu’il avait traversé à cette époque faute de compensation, par exemple une possibilité d’intégration dans les cadres de la fonction publique.
Alors, oui à un statut de l’élu, à condition qu’il préserve notre indépendance. Nous ne devons dépendre de personne : nous sommes des êtres libres. Les radicaux sont farouchement attachés à cette liberté, qu’ils revendiquent contre tous les pouvoirs, ainsi que le rappelle Alain.
Madame la ministre, nous voterons ce texte, car il est utile. Mais rappelons-nous avec force ce devoir de liberté.
M. Paul Molac. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, trente ans après les premières lois de décentralisation, la question du statut de l’élu reste posée. Certes, au fil des années, des droits nouveaux ont été reconnus aux élus locaux afin de faciliter l’exercice de leurs fonctions, mais ils ne consacrent pas un véritable statut de l’élu ; ils ne bénéficient pas de manière homogène à l’ensemble des élus locaux et demeurent globalement insuffisants.
Ce constat est d’ailleurs très clairement ressorti des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat en 2012. Ces derniers ont particulièrement mis en lumière l’inadéquation du cadre législatif en vigueur pour favoriser un égal accès aux fonctions électives et permettre la conciliation de ces fonctions avec une activité professionnelle.
La proposition de loi que nous examinons est issue de ces états généraux. Adoptée à l’unanimité par le Sénat, elle cible les dispositions les plus nécessaires pour endiguer le déclin des candidatures aux responsabilités locales et maintenir la vitalité de la démocratie locale. Elle apporte des réponses concrètes à des problèmes pratiques, dans la lignée du rapport d’information de nos collègues Philippe Doucet et Philippe Gosselin, rendu en juin dernier et dont je veux à mon tour souligner la qualité.
Il s’agit avec cette proposition d’un texte équilibré, qui prend en considération les conditions d’exercice des mandats locaux dans leurs différentes dimensions : l’équilibre des droits et des devoirs, avec le problème de la prise illégale d’intérêts, la compensation de l’engagement dans l’exercice des mandats électifs par le biais d’un régime indemnitaire renforcé, la conciliation favorisée entre activité professionnelle et vie publique, les garanties étendues de réinsertion à l’expiration du mandat, et la professionnalisation de l’exercice des mandats avec le développement des droits à la formation. Nous soutenons l’équilibre trouvé au Sénat et souscrivons également aux précisions apportées par notre commission des lois.
La redéfinition de la prise illégale d’intérêts, constituée lorsque l’intérêt pris, reçu ou conservé a été « de nature à compromettre l’impartialité, l’objectivité ou l’indépendance de la personne », nous paraît plus précise et plus claire.
De même, nous souscrivons à l’institution et à la proclamation d’une charte de l’élu local, qui établit un cadre déontologique destiné à préciser les normes de comportement que les élus locaux doivent adopter dans l’exercice de leurs fonctions, et que les citoyens sont en droit d’attendre de la part de leurs représentants. Cette charte contribuera à favoriser la transparence de la vie publique.
Nous sommes également satisfaits de l’évolution du régime indemnitaire, qui prend mieux en compte les spécificités des petites communes. Si nous soutenons en particulier l’application automatique du taux maximal, prévue par la loi, à l’indemnité de fonction perçue par les maires, nous sommes aussi favorables à ce que les règlements intérieurs des départements et des régions comportent des dispositions qui assurent, par principe, la réduction des indemnités versées aux membres de leurs organes délibérants « à raison de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres ».
Nous soutenons la consécration d’un droit individuel à la formation financé par une cotisation prélevée sur les indemnités de fonction des élus. Nous sommes également favorables à l’établissement d’un système de dépenses obligatoires au titre de la formation des élus municipaux, départementaux et régionaux, qui repose sur un montant prévisionnel des dépenses de formation ne pouvant être inférieur à 2 % du montant total des indemnités allouées aux membres des organes délibérants, ainsi que sur la possibilité de report des crédits non consommés.
Sur ce point, cependant, nous regrettons que le plancher minimal fixé à 3 % par la proposition de loi initiale ait été ramené à 2 %. Nous craignons en effet que l’application de ce seuil aboutisse à des montants négligeables sur une année dans les petites communes. C’est pourquoi nous souhaitons que ce seuil plancher soit vraiment une base minimale et ne devienne pas dans les faits le taux de référence. En effet, il est essentiel d’assurer à chaque élu local la possibilité de suivre une formation de qualité.
À cet égard, et comme l’a suggéré notre collègue Christian Favier lors des débats au Sénat, il nous semblerait utile de réfléchir à une forme de mutualisation des dépenses de formation, afin de permettre à tout élu, quelles que soient la taille et la richesse de sa commune, d’avoir accès à une formation de qualité.
Ce sujet mériterait d’engager une véritable réflexion, qui ne se limiterait pas à la fixation d’un plancher de dépenses, ni même à celle d’un plafond, lequel, du fait de la modicité des indemnités versées, ne permet pas toujours de mettre vraiment en œuvre cet effort de formation indispensable.
Cette question nous paraît d’autant plus pertinente que l’article 6 bis de la proposition de loi, que nous soutenons, vise à rendre obligatoire une offre de formation au cours de la première année de mandat pour les élus ayant reçu délégation, dans les communes de plus de 3 500 habitants.
Cette mesure entraînera des dépenses supplémentaires, sans qu’une dotation spéciale soit versée aux communes. On peut donc légitimement s’interroger sur l’effectivité de ce nouveau droit.
Pour conclure, ce texte comporte des mesures susceptibles d’améliorer concrètement la condition des élus locaux dans l’exercice de leur mandat. Il peut aussi constituer un pas significatif vers la reconnaissance d’un véritable statut de l’élu, seul à même de permettre un meilleur exercice de la démocratie. C’est pourquoi les députés du Front de gauche voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Goasdoué.
M. Yves Goasdoué. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sixième intervenant a toujours des scrupules à faire des redites, mais les élus locaux méritent bien quelques répétitions !
Ils ont besoin, madame la ministre, d’être épaulés, reconnus, cités en exemple. Dans leur immense majorité, ils méritent la confiance que leur témoignent nos concitoyens. Ceux-ci, d’ailleurs, n’imaginent en général pas combien la tâche est devenue complexe, judiciarisée, technique, prenante et évolutive.
Mme Annie Genevard et M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !
M. Yves Goasdoué. De ce point de vue, et même si ce n’est pas l’objet du texte, l’inflation normative pesant sur nos collectivités doit à tout prix être maîtrisée. Je sais que des initiatives de haut niveau ont été engagées, mais je vous le dis, des résultats concrets sont attendus, et rapidement.
L’élu local est le premier interlocuteur du citoyen. L’ambition de notre texte est de donner, autant que faire se peut, aux élus locaux les moyens d’exercer les fonctions éminentes qui leur ont été conférées.
De quoi s’agit-il ? D’abord de diversifier les profils de recrutement en ne brisant pas les carrières, et en permettant à des femmes, à des élus plus jeunes de s’investir, cela sans hypothéquer gravement leur avenir. Ensuite de former les élus, et de les former à bon niveau, sans quoi l’exercice du mandat est rendu difficile, faute de compréhension réelle de tous les rouages de l’administration locale. Si les élus ne sont pas formés, c’est l’administration locale qui en réalité dirige en raison de la technicité qu’elle est seule à détenir.
Les élus locaux sont les premiers remparts concrets contre la montée des extrêmes. Ils sont la base de notre démocratie. Sans cette base, notre contrat social tout entier s’effondrerait.
Le désenchantement pour la fonction élective est un fait. Nous le constaterons assez massivement à l’occasion des prochaines élections municipales, et principalement en milieu rural,…
M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !
M. Yves Goasdoué. …et c’est un élu rural qui vous parle. Nous devons envoyer un message fort, celui du soutien de la nation à celles et ceux qui se dévouent.
Je l’ai dit, faciliter l’exercice d’un mandat électif, c’est s’assurer d’une meilleure diversification des recrutements, c’est ouvrir la possibilité à des catégories socioprofessionnelles qui, faute de temps ou de connaissance réelle des responsabilités d’un élu, n’osent s’engager.
La crise des vocations n’est pas un problème propre à la France, mais notre très grand nombre d’élus la met en exergue. Les chiffres contenus dans l’excellent rapport de nos collègues Doucet et Gosselin sont parlants. Je ne les rappelle pas, mais ils montrent notamment le manque de féminisation et le fait que 60 % des maires ont plus de soixante ans. Bref, la France n’est pas réellement représentée dans sa diversité.
Élargir le vivier des recrutements, c’est s’assurer d’une meilleure représentativité, d’un plus grand renouvellement des idées et, grâce à ces diversités d’expériences, d’une meilleure prise de décisions.
Pour permettre cette diversification essentielle au bon fonctionnement d’une collectivité, nous devons nous assurer que l’exercice d’un mandat n’entrave pas excessivement les projets de carrière de chacun. Notre ami Tourret l’a évoqué, ce n’est pas un métier, et c’est toute la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est juste !
M. Yves Goasdoué. Des aménagements doivent donc être prévus pour concilier responsabilités électives et métier.
Notre proposition de loi renforce considérablement les mesures prévues en matière de formation. Évitant de professionnaliser l’élu, elle organise sa réinsertion dans le monde du travail – j’ai été à cet égard particulièrement sensible à l’exemple cité tout à l’heure par notre collègue.
En votant ce texte, nous créerons une obligation pour la collectivité locale d’organiser une formation au cours de la première année du mandat des élus ayant reçu délégation. Nous rendons obligatoires les dépenses plancher, et non plus plafond, pour la formation à hauteur de 2 % du montant global des indemnités des élus. Mais, madame la ministre, par expérience, en tant que maire de Flers et de président de sa communauté d’agglomération…
M. Philippe Gosselin. C’est du cumul !
M. Jean-Frédéric Poisson. Quelle horreur ! (Sourires.)
M. Yves Goasdoué. J’étais certain de votre réaction, chers collègues !
...je sais, par expérience, que l’inscription de la somme ne signifie pas toujours formation effective. Mais c’est une forte incitation dès lors que, sous certaines conditions, l’élu pourra bénéficier, par le biais de la validation des acquis, de la reconnaissance d’un titre universitaire relatif à la spécialisation qu’il aura acquise dans l’exercice de son mandat, ce qui, mes chers collègues, n’est pas neutre.
La garantie de retrouver son emploi de salarié est ainsi portée à deux mandats, et le droit à la formation professionnelle et à l’établissement d’un bilan de compétence est désormais applicable aux élus des communes de plus de 10 000 habitants.
Le texte prévoit également le doublement de la période de perception de l’allocation différentielle de fin de mandat. Il ne s’agit pas d’un privilège, mais de la reconnaissance d’un droit, d’ailleurs financé par les élus – c’est une nouveauté –, sur la base d’une contribution prélevée sur leurs indemnités.
Ces indemnités ne devront plus être disputées aux élus, spécialement aux maires de petites communes qui – je le dis pour être un élu rural –, loin de coûter à la République, en sont souvent de leur poche !
Bien entendu, il n’existe pas de droits sans devoirs. Il sera ainsi possible de sanctionner financièrement les absences injustifiées aux séances plénières et aux réunions des commissions. Une charte de l’élu local rappelant les grands principes déontologiques qui font l’honneur d’un mandat aura également vocation à être lue lors de la séance d’installation. Cela, j’en conviens, peut paraître un peu formel, mais les choses auront au moins le mérite d’être dites.
Je voudrais terminer mon propos en saluant l’initiative du Gouvernement : donner la possibilité aux élus locaux d’être remboursés d’une partie des frais de garde d’enfant ou d’assistance à une personne nécessitant une aide à domicile. Le remboursement de ces frais engendrés du fait de leur participation aux réunions liées au mandat électif est une vraie innovation. Cette avancée ouvrira, là encore, les portes des instances élues à des personnes désireuses de s’engager, mais qui ne le pouvaient pas, en raison des charges de famille pesant sur elles. Je pense notamment – mais pas seulement – aux mères de famille.
Mes chers collègues, les mesures que nous nous apprêtons sans doute à voter garantiront une meilleure égalité d’accès aux fonctions électives. Elles permettront ainsi d’enrichir notre démocratie d’expériences neuves et plus variées. Le groupe SRC votera ce texte, je l’espère, sanctuarisé et consensuel, sans aucune hésitation et avec conviction.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le sixième orateur, disait notre collègue Goasdoué, se trouve dans l’obligation de faire quelques répétitions. Que dire alors du septième ! En tout cas, vous aurez remarqué qu’avec Alain Tourret, Yves Goasdoué et moi-même, la Normandie est quantitativement bien représentée – à défaut de l’être qualitativement ? (Sourires) –, sans oublier notre autre collègue représentant éminent de l’Orne. Il n’y a pas que la Bretagne qui soit présente ici, en l’occurrence au banc du Gouvernement et à celui de la commission – dont le président ne m’écoute d’ailleurs pas ! Diantre ! (Sourires.)
Nous retrouvons aujourd’hui, après un long processus, un vieux serpent de mer. Pour autant, le 13 mars 2013, la commission des lois de l’Assemblée nationale créait une mission d’information sur le statut de l’élu, avec deux objectifs.
Il s’agissait, tout d’abord, d’évaluer les conditions d’exercice des mandats locaux, et ensuite, de proposer une rénovation du dispositif normatif en vigueur. Nous étions, avec Philippe Doucet, nommés co-rapporteurs, et je salue très sincèrement l’excellent climat de cette mission. Si Mme la ministre a oublié de me citer tout à l’heure, je la rassure immédiatement : je ne lui en tiens pas rigueur et je lui pardonne, sans aucun esprit polémique ! (Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je l’espère, car cela m’aurait vraiment touchée !
M. Philippe Gosselin. Le Bas-Normand est réputée pour être violemment modéré, mais très courtois !
Cette mission a recueilli les analyses et les propositions de l’ensemble des associations d’élus et d’acteurs de la société civile. Elle a aussi analysé les textes en vigueur, envisagé les droits consacrés par le législateur entre 1992 et 2002, appréhendé le développement de la décentralisation – important entre la première étape de 1982 et les suivantes – et les évolutions des collectivités locales et territoriales de ces dernières années.
Le constat est simple : le mandat d’élu reste un engagement unique qui ne saurait – cela a été dit, mais je le redis avec force – être assimilé à un métier. Ce n’est pas non plus un travail salarié. Le patron, si je puis dire, c’est le citoyen qui, par son bulletin, détermine ou non votre capacité et votre qualité d’élu. Ce n’est pas un quelconque employeur. L’engagement unique, le travail remarquable des acteurs de proximité, soucieux du bien commun, que sont les élus locaux, doit être encouragé et respecté.
Ces élus doivent pouvoir se former, que ce soit avec le CNFPT – le centre national de la fonction publique territoriale – ou ses délégations régionales, ou encore avec les nombreuses associations départementales agréées de maires qui assurent la formation de leurs élus locaux.
Ils doivent aussi avoir les moyens d’assurer leurs missions, recevoir une protection sociale ou juridique, se voir garantir une indemnisation décente, sans être excessive. Il s’agit de trouver le juste milieu. C’est particulièrement vrai pour les maires de nos petites communes rurales qui, très souvent, accomplissent un véritable sacerdoce. Trop peu nombreux sont ceux qui touchent réellement une indemnité et beaucoup en sont de leur poche.
Bref, ils doivent avoir les moyens d’accomplir pleinement leur mandat dans le cadre d’un bon équilibre entre droits et devoirs, les deux étant liés.
Rendu en juin 2013, le rapport issu de la mission plaidait pour un véritable statut de l’élu et était adopté à l’unanimité le 19 juin. Que l’on ne se méprenne pas sur le terme de « statut » : ce n’est pas une référence au statut général des fonctionnaires, au statut des magistrats ou à celui des militaires. Non, il faut entendre ici une position plus ouverte. Il ne s’agit pas d’une position d’exception, mais de la reconnaissance d’un engagement unique au profit de nos concitoyens et de la société, qui ne place pas les élus locaux au-dessus des autres.
Le rapport présentait vingt-neuf propositions susceptibles d’être mises en œuvre dès que possible. Dans tous les cas – nous sommes dans le bon timing –, le renouvellement général des conseils municipaux en mars 2014 apparaissait comme une occasion à ne pas laisser échapper.
Après une phase d’hésitation, le Gouvernement semble vouloir reprendre la main et, madame la ministre, vous avez demandé l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée de la proposition de loi Gourault Sueur, déjà discutée en première lecture au Sénat en janvier 2013, et qui vise, au-delà du terme de « statut », à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
Il s’agit aussi de la suite des états généraux de la démocratie locale tenus au Sénat à l’automne 2012. Il convient aujourd’hui d’aller plus loin et d’affiner un corpus plus conséquent. Certes, depuis dix-huit mois, ni le Gouvernement ni la majorité ne sont restés inertes en matière de collectivités locales ! Les élus locaux n’ont pas été oubliés et je dirais même que l’abondance a été au rendez-vous. La réforme des modes de scrutin départementaux et communaux instituant des listes paritaires bloquées dans les communes de plus de mille habitants laisse perplexes un certain nombre de nos concitoyens, sans compter les maires sortants contraints de remercier des adjoints fort dévoués et les candidats potentiels qui jonglent tant bien que mal pour mettre en musique la parité partout où l’on compte plus de mille habitants.
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est sûr !
M. Philippe Gosselin. On trouve ainsi la parité à tous les étages, soit dit sans esprit polémique, comme le montre le scrutin binominal unique à l’échelon départemental – que le monde entier nous envie ! – dont l’application sera évidemment bien compliquée. Quant au non-cumul des mandats, il est loin de faire l’unanimité dans les rangs de la majorité au Sénat, à tel point que l’on se demande s’il en existe toujours une sur ce point, sans oublier la question de la transparence. Comme on voit, les élus ont été servis ! Mais foin de toute polémique, il faut sur ce sujet affiner si l’on veut un corpus plus conséquent.
Certes, toutes les problématiques n’ont pas été entièrement traitées et un certain nombre de points d’interrogation demeurent. Ainsi, le Gouvernement n’a toujours pas apporté de solution définitive à des difficultés bien réelles apparues au premier semestre 2013 après l’adoption, sans concertation avec les associations d’élus locaux, de l’article 18 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 votée en décembre 2012.
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est juste !
M. Philippe Gosselin. L’assujettissement des indemnités de fonction de près de 20 % des élus locaux aux cotisations de Sécurité sociale a été mis en place de façon désordonnée et sans cohérence d’ensemble, il faut bien le dire. Certes, parfaire la couverture des risques assurés par la Sécurité sociale au profit des élus présente un réel intérêt, mais la question de l’inclusion de la fraction représentative de frais d’emploi reste entière. De même, de lourdes difficultés relatives au cumul emploi-retraite demeurent. Le Gouvernement ne semble pas envisager de s’en occuper avant janvier 2015, au plus tôt, mais peut-être madame la ministre pourra-t-elle nous apporter quelques précisions sur d’éventuelles évolutions. Tous ces problèmes doivent être résolus. L’occasion est bonne et même unique d’apporter la preuve que le Gouvernement veut avancer sincèrement et sereinement.
Il serait en effet regrettable de jouer à cache-cache et de polémiquer à propos des élus locaux, dont le statut est depuis trop longtemps un serpent de mer pour qu’on y sursoie davantage. Nous devons améliorer les conditions d’exercice de nos collègues. L’évolution des textes en ce sens est attendue, certainement pas pour faire des élus des privilégiés au-dessus de leurs concitoyens, des lois et des règlements ou des citoyens à part, mais parce qu’un tel ensemble juridique est nécessaire. Envoyons collectivement à nos élus locaux le signal que nous les avons compris. Ils attendent des évolutions, eux qui donnent du temps, s’engagent, travaillent, bâtissent et en fin de compte font la démocratie de proximité jour après jour. Élu d’une circonscription de 169 communes, rurales pour la plupart, je puis témoigner, comme chacun d’entre nous dans nos territoires, régions et départements, du quasi-sacerdoce des élus, sans oublier les agents communaux qui très souvent agissent en symbiose avec les maires.
Réjouissons-nous d’un tel engagement lorsque chacun évoque le repli sur soi, encourageons l’esprit civique et la citoyenneté, donnons les moyens à ceux qui le souhaitent de s’engager et de mener à bien leurs missions ! On peut le faire en simplifiant les normes, sujet quasiment inépuisable, ou encore en simplifiant les rouages de l’administration, sujet non moins inépuisable. On peut aussi le faire ce soir en votant le texte. Autour de leurs élus, qui sont la République, les différentes sensibilités de la représentation nationale peuvent se retrouver comme elles l’ont fait au Sénat et dans le cadre de la mission de l’Assemblée. Gageons que le Gouvernement et la majorité auront à cœur de démontrer que l’union est la plus forte autour des élus locaux, ces bras armés de la République jusqu’au plus lointain des territoires hexagonaux ou d’outre-mer !
M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Joaquim Pueyo.
M. Joaquim Pueyo. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne retracerai pas l’histoire du statut des élus.
M. Jean-Frédéric Poisson. Dommage ! (Sourires.)
M. Joaquim Pueyo. Nous y travaillons depuis la loi du 2 mars 1982, grande loi défendue par Gaston Defferre. Je ne rappellerai pas non plus les nombreux textes et rapports sur ce sujet, comme la loi du 3 février 1992 sur les conditions d’exercice des mandats locaux ou la loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité. Ainsi, le code général des collectivités prévoit un ensemble de garanties de l’exercice du mandat mais également d’une activité professionnelle à l’issue du mandat. Cependant, aucun texte de loi n’aborde la question de manière transversale, vide que vient combler la proposition de loi. Les élections municipales prévues en mars prochain constituent une échéance à ne pas manquer pour conforter une position qui suscite parfois des questionnements mais n’en mérite pas moins d’être clarifiée pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un engagement à caractère unique.
Si un mandat de maire, d’adjoint ou de conseiller municipal n’est pas une profession, comme plusieurs orateurs l’ont dit, les fonctions afférentes nécessitent cependant beaucoup de professionnalisme. La complexité des questions, comme la mise en place des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme et les problèmes de fiscalité ou de transfert de compétences dans le cadre de l’intercommunalité, ne laissent nulle place à l’improvisation. Même les élus les plus avisés ont parfois des difficultés à maîtriser tous les mécanismes, en particulier en matière de fiscalité, qui est très complexe. Aussi une formation sera-t-elle rendue obligatoire au cours de la première année du mandat pour les élus communaux, départementaux et régionaux. Le conseil national de la formation des élus voit par ailleurs ses missions élargies à la définition du socle minimal de compétences nécessaire à l’exercice d’un mandat local.
Le droit individuel à la formation se trouve également renforcé par le texte, dont l’article 5 bis prévoit pour chaque élu local un crédit annuel de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat et financé par une cotisation obligatoire se montant à 1 % des indemnités. Dans le même esprit, le seuil autorisant les maires adjoints à bénéficier du congé de formation sera abaissé de 20 000 à 10 000 habitants. Compte tenu des compétences de celles-ci, cela me paraît nécessaire. Si de telles dispositions permettront aux élus d’exercer au mieux leurs fonctions, le texte prévoit que la mise en œuvre du droit individuel à la formation relève de l’initiative de l’élu et peut englober des formations sans lien avec l’exercice du mandat. Il s’agit d’une bonne proposition au bénéfice des élus qui consacrent beaucoup de temps à l’exercice de leurs fonctions.
Le texte précise également l’acquisition des compétences nécessaires à la réinsertion professionnelle à l’issue du mandat. En effet, les élus locaux sont souvent conduits à mettre entre parenthèses leur carrière professionnelle pour se consacrer à leur charge, et temps partiel voire cessation d’activité ne sont pas exceptionnels. Les fonctions électives ne sont pas un métier, il est donc logique que le retour à l’emploi soit facilité, en particulier par le maintien du droit à réintégration jusqu’à l’expiration de deux mandats consécutifs. De même, la réalisation d’un bilan de compétences et la prolongation de six mois de l’allocation différentielle de fin de mandat vont dans ce sens. Je ne doute pas, mes chers collègues, que vous aurez à cœur de voter le texte, qui donne à plus de 500 000 Français les moyens d’exercer leur mandat local dans de meilleures conditions.
Comme beaucoup d’entre nous, j’ai été maire d’une petite commune rurale et conseiller général. Je connais les difficultés rencontrées dans ces fonctions et mesure les inquiétudes que peut nourrir un novice face aux responsabilités et à la complexité du cadre réglementaire régissant ces mandats. Par ailleurs, les petites communes rurales ont des difficultés pour trouver des candidats au poste de conseiller municipal. Une telle crise des vocations est inquiétante pour notre démocratie de proximité. Aussi devons-nous réfléchir et agir rapidement pour inverser la tendance. Le texte constitue un bon point d’appui mais ne doit pas nous exonérer d’une réflexion sur l’organisation d’ensemble de nos communes. Il ne faut pas redouter le mouvement de concentration et de mutualisation qui s’impose à nos collectivités comme le meilleur moyen d’assurer des services de qualité et de proximité tout en limitant les coûts de fonctionnement.
L’Association des maires de France a engagé dernièrement un travail de réflexion sur les évolutions possibles du statut de la commune nouvelle, son fonctionnement et ses ressources, en vue de faciliter sa création par les conseils municipaux sur une base volontaire et sur un périmètre décidé unanimement. Il s’agit de consolider un dispositif visant à constituer des communes plus fortes dans un contexte budgétaire contraint. C’est une piste de travail valable pour œuvrer à la modernisation de l’action publique tout en préservant l’identité et la représentativité des communes historiques.
Nous parlons de statut mais il faudra quand même, madame la ministre, réfléchir à la façon dont les communes sont organisées. À mon sens, les intercommunalités ne suffisent pas. Beaucoup de petites communes de cinquante ou quatre-vingts habitants ont des difficultés pour trouver des conseillers municipaux. Il s’agit d’un sujet majeur qu’il faudra traiter dans les années à venir.
M. Philippe Gosselin. En effet !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, comme dit l’un des célèbres proverbes bantous inventés par Alexandre Vialatte, « il n’y a pas de bas morceaux dans le gros ethnographe ». C’est sans doute une manière de dire qu’il faut savoir se contenter de ce que l’on a, ce qui tombe bien en cette période de Noël !
J’adopterai, au moins pour la première partie de mon intervention, un ton un peu dissonant par rapport aux interventions précédentes pour adresser au texte quelques critiques de forme et de fond qui me paraissent en affaiblir considérablement la portée. Certes, je partage ce qu’ont dit mes collègues de manière unanime. Il est bon, dans un débat comme celui-ci, de rappeler l’engagement des élus locaux, leur sens du service, leur sacerdoce – selon le mot de Mme le ministre –, mais aussi tous les moyens et protections qui leur manquent aujourd’hui pour exercer correctement leurs fonctions et que le texte tente de leur apporter.
Cela dit, il me semble qu’un certain nombre de problèmes de forme et de fond restent à traiter.
Premièrement, l’article 1er, dont nous discuterons dans quelques instants et qui porte sur les questions de la compromission, de l’indépendance, de l’objectivité, de l’impartialité, inscrit dans le code pénal – ce qui est tout sauf anodin, si tant est qu’inscrire un texte dans quelque code que ce soit fût anodin – des éléments dont je défie n’importe quel magistrat de prouver la matérialité. Cela pose problème, car si nous sommes ici en train de créer la norme juridique, n’importe qui sera susceptible de saisir une instance judiciaire pour faire constater une infraction à la loi que nous aurons écrite. Aussi la formulation actuelle mérite-t-elle largement d’être reprise. Tel est l’objet d’un amendement que je défendrai.
Deuxièmement, la charte des élus, dont je comprends et même approuve l’intention, présente sous cette forme et avec ce contenu un caractère normatif dont je doute beaucoup. Notre collègue Olivier Dussopt se rappelle sans doute avoir repoussé l’un de nos amendements lors du débat sur les métropoles la semaine dernière au motif qu’il n’était pas normatif. Je me réjouis d’une telle précision dans le cadre de l’étude d’un texte de la commission des lois et le renvoie ici à son propre argument – en souriant et pas davantage. Quelle est l’opposabilité de la charte des élus ? Quelle est la portée des imprécisions qu’elle comporte ? De quelle faiblesse est-elle grevée en raison de ses propres répétitions ? Un texte symbolique – mais le droit ne l’est-il pas toujours ? – inscrit dans le code général des collectivités locales est-il si peu important qu’on se contente de lui donner une portée normative quasi nulle ?C’est une question de principe que je souhaite poser ce soir, comme je l’ai déjà fait en commission.
Par ailleurs, se trouvent inscrites à l’article 1er bis A des dispositions qui devraient relever du fonctionnement interne des collectivités territoriales – je pense évidemment aux pénalités prévues pour sanctionner le manque d’assiduité des conseillers départementaux et régionaux. Très franchement, je crois que c’est entrer de manière abusive dans le fonctionnement des collectivités territoriales, et je ne pense pas qu’il faille imposer de telles règles, si justifiées soient-elles, aux collectivités.
Je m’interroge également sur l’effectivité du droit à la réintégration pour les élus dont le mandat prend fin. Le principe existe déjà dans le droit actuel : depuis la loi Jospin de 2002 – vous étiez à l’époque au Gouvernement, madame la ministre –, les élus ayant une activité salariée bénéficient de certaines facilités. Si personne n’est contre ce principe, il est permis de s’interroger sur l’effectivité d’un droit à réintégration au bout de deux mandats, quand on compare la durée cumulée de ces deux mandats à la durée de vie moyenne d’une entreprise dans notre pays.
L’article 6 ter m’inspire une remarque plus anecdotique, mais significative quant à la rédaction du texte. Cet article pose pour principe que le Conseil national de la formation des élus a, parmi ses missions, celle de définir un socle de compétences nécessaires à l’exercice d’un mandat local. Après avoir entendu dire, durant le débat sur le cumul des mandats, que toutes les expériences personnelles se valaient, qu’elles étaient toutes légitimes pour exercer un mandat parlementaire et que, par définition, toutes les histoires personnelles étaient également valables – ce dont je suis, à titre personnel, parfaitement convaincu –, je m’étonne d’une telle exigence. À part maîtriser la langue française, lire et écrire correctement et savoir compter, je ne vois pas ce que le Conseil national de la formation des élus va pouvoir faire figurer dans le socle de compétence qu’il lui reviendra de définir : toutes les compétences sont les bienvenues au sein d’un conseil municipal – et, plus généralement, au sein de toutes les autres assemblées territoriales. Ce sont là, de mon point de vue, des éléments purement déclaratifs, qui viennent, paradoxalement, affaiblir la portée d’un texte pourtant présenté comme important. Je n’irai pas jusqu’à m’y opposer, pas plus que mon groupe, mais j’attends tout de même des précisions au cours du débat sur les points que j’ai évoqués – qui font d’ailleurs l’objet de plusieurs amendements de notre part.
Mme la présidente. La parole est à Mme Carole Delga.
Mme Carole Delga. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi que nous entamons aujourd’hui est une bonne nouvelle pour notre démocratie. C’est en effet à la faveur de textes comme celui-ci que nous contribuons à améliorer concrètement le fonctionnement de nos institutions. Je me félicite d’ailleurs du consensus qui existe autour de ce texte depuis son origine. Il s’agit en effet d’une proposition de loi, ce qui est malheureusement trop rare. Qui plus est, le texte est présenté par deux sénateurs appartenant à des groupes politiques différents, chose dont nous sommes également assez peu coutumiers, il faut bien l’avouer.
En tout état de cause, ce consensus tend à prouver deux choses : d’une part, l’intérêt général, lorsqu’il nous apparaît aussi clairement, transcende les clivages partisans ; d’autre part, l’amélioration des conditions d’exercice des mandats locaux était attendue de tous et de longue date. Rien de surprenant à cela. La France fait en effet exception dans le monde par le nombre de ses élus locaux. Avec nos 36 600 et quelques communes, nos 101 départements et nos 27 régions – sans citer les autres collectivités –, notre pays compte près de 600 000 élus locaux.
Je veux d’ailleurs ici dénoncer les polémiques démagogiques et calomnieuses colportées régulièrement par des malveillants. Non, la France ne croule pas sous le poids de ses élus locaux ! Non, la démocratie locale ne coûte pas trop cher ! Bien au contraire, elle est l’une de nos plus précieuses richesses. 600 000 élus locaux, c’est autant de citoyens qui ont fait le choix de donner du temps au service de l’intérêt de tous, les obligeant la plupart du temps à faire des sacrifices sur le plan personnel et professionnel. Et contrairement à quelques idées reçues, dans l’immense majorité des cas, les élus locaux ne touchent pas d’indemnités, ou alors des indemnités très faibles pour l’exercice de leur mandat. Le mandat d’élus demande dévouement et désintéressement, et la plus grande partie des élus sont des bénévoles.
Pourtant, force est de constater que notre démocratie locale a besoin d’être modernisée. Ce problème est connu de longue date et la question ressurgit fréquemment, mais ce besoin de modernisation apparaît aujourd’hui particulièrement nécessaire du fait d’une double évolution de l’environnement politique. D’une part, la gestion locale s’est complexifiée, et être élu demande toujours plus de compétences – même s’il commence à être maîtrisé, l’accroissement des normes applicables aux collectivités présente un vrai défi pour les élus locaux. D’autre part, les exigences de la population en matière de représentativité à l’égard des élus locaux s’affirment de plus de plus. En effet, selon une évolution désormais bien établie des grandes démocraties, les citoyens attendent des élus non seulement qu’ils les représentent, mais également qu’ils leur ressemblent.
Le texte dont nous abordons aujourd’hui l’examen introduit justement des outils pour répondre à ces exigences. Tout d’abord, la proposition de loi a pour objectif de faciliter le passage du mandat à la vie professionnelle et vice versa. C’est une très bonne chose, tant le cadre actuel est peu incitatif pour qui voudrait se lancer dans l’aventure de l’élection. En étendant le bénéfice de la suspension du contrat de travail, en mettant en place un crédit d’heures pour les conseillers des petites communes ou encore en facilitant la prise du congé électif, le texte va contribuer, je l’espère, à ouvrir les portes du mandat à des profils plus variés qu’aujourd’hui. Ce sera une avancée pour nos institutions, car la diversité des parcours contribue à dynamiser nos façons de faire de la politique.
Une autre disposition utile introduite par cette proposition de loi est le renforcement de la formation des élus. Le texte prévoit en effet un droit au congé de formation professionnelle et au bilan de compétences pour les adjoints au maire des communes d’au moins 10 000 habitants. Est également instituée une formation obligatoire pour les élus au cours de la première année de mandat. Ces mesures vont indéniablement dans le sens d’un renforcement des moyens des élus locaux. Les tâches assumées sont de plus en plus compliquées à maîtriser et la formation ne doit plus être perçue comme un privilège concédé à certains, mais bien comme un impératif d’intérêt public.
Je voudrais, pour conclure, faire état du statut des collaborateurs d’élus. La question a déjà fait l’objet de discussions au Sénat, et je souhaite qu’à son tour, notre assemblée se penche enfin sérieusement sur ce sujet. Les collaborateurs qui nous assistent dans l’exercice de nos mandats, que ce soit dans les collectivités ou au Parlement, assument des missions indispensables et participent du bon fonctionnement des institutions. Pourtant, la situation juridique de bon nombre d’entre eux est très précaire, ce qui nécessite de l’améliorer. Vous le comprenez donc, je pense que cette proposition de loi est une avancée vers le statut de l’élu, qui sera garant de la qualité du fonctionnement de nos institutions, en toute transparence et en toute efficience. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 15, visant à la suppression de l’article 1er A.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous abordons, avec l’amendement no 15, une question controversée, puisque le Gouvernement propose de supprimer la définition de la prise illégale d’intérêts telle qu’elle résulte des travaux de la commission des lois et de son rapporteur. Selon une jurisprudence de la Cour de cassation désormais bien établie, l’intérêt quelconque peut être « matériel ou moral, direct ou indirect, et se consomme par le seul abus de la fonction, indépendamment de la recherche d’un gain ou de tout autre avantage personnel ». Il nous semble que cette jurisprudence est de qualité et, si j’entends bien les remarques qui ont été faites, je crains qu’en l’absence de débat plus approfondi, l’adoption de la définition de la prise illégale d’intérêts proposée à l’article 1er A n’ait pour effet d’ouvrir la construction d’une nouvelle jurisprudence.
Dans le doute, je ne m’abstiens pas : je continue à défendre ce qui m’apparaît constituer une position de prudence !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Le rapport de la commission Sauvé a reconnu que le champ large et les peines sévères de l’incrimination pour prise illégale d’intérêts étaient sans équivalent dans les autres pays de l’OCDE, même si sa mise en œuvre pratique restait limitée – entre trente et quarante condamnations par an, loin derrière les quelque soixante-dix condamnations pour corruption chaque année, et le montant modeste des peines – des amendes modérées, parfois des peines d’emprisonnement avec sursis –, ce qui contraste avec la portée de l’incrimination.
Cette préoccupation a été reprise par la commission Jospin qui a estimé que la notion d’intérêt quelconque, qui figurait déjà à l’article 175 de l’ancien code pénal, relatif au délit d’ingérence – « quelque intérêt que ce soit » – est satisfaisante, en ce qu’elle permet de prendre en considération des intérêts extrapatrimoniaux. La rédaction de l’article 432-12 est, en revanche, trop générale, en ce qu’elle n’exige pas expressément que l’intérêt pris, reçu ou conservé par l’auteur du délit ait été de nature à compromettre son indépendance ou son impartialité.
Or, c’est précisément la perte d’objectivité – ou le seul risque de cette perte – qui constitue le fondement de l’incrimination, dont la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle qu’elle a notamment pour objet de garantir la parfaite neutralité de la décision publique. Les deux rapports mettent ainsi l’accent sur la nécessité de l’harmonisation de la définition du type d’intérêt dont la prise peut engendrer des poursuites. C’est pourquoi le Sénat et le rapport de la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale ont estimé que cette rédaction permettait de diminuer l’imprécision du texte. Le juge répressif, en donnant consistance à la notion d’intérêt quelconque, a pris le parti d’élargir considérablement le champ d’application de cette infraction, alors qu’il n’est toujours pas évident de savoir en amont si le délit est caractérisé ou non. En conséquence du vote que nous avions déjà exprimé au sein de la commission des lois, j’émets un avis défavorable à l’amendement no 15 du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
M. Jean-Frédéric Poisson. Pour ma part, je veux soutenir l’amendement du Gouvernement. En effet, il nous semble que la rédaction proposée à l’article 1er A introduit des éléments qui, sur le plan juridique, n’apportent pas grand-chose, et seront même sans doute plus difficiles à établir concrètement, ce qui rendra la tâche du juge plus difficile que s’il n’avait eu qu’à apprécier – conformément au pouvoir dont il est investi – les éléments désignés comme quelconques.
Par ailleurs, comment établir que tel ou tel élément a été de nature à compromettre l’objectivité ou l’impartialité ? Franchement, on ne voit pas ce qu’apporte cette rédaction, ni en quoi elle pourrait faciliter le travail de la justice dans l’élaboration même de l’élément matériel que l’on souhaite établir. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP soutiendra l’amendement du Gouvernement.
(L’amendement no 15 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 28 – puisque l’article 1er A n’a pas été supprimé.
M. Jean-Frédéric Poisson. J’aurais en effet préféré que l’amendement no 28 tombe, madame la présidente !
J’aimerais bien savoir ce qu’est l’« objectivité » d’une personne, ce que cette notion recouvre en droit et comment on l’établit. L’objectivité est en effet une notion dont les sociologues, les philosophes et parfois les juristes cherchent en vain à donner une définition depuis son apparition récente dans l’histoire des idées.
Personnellement, je ne sais pas ce qu’est un élu objectif. Demande-t-on aux élus de mettre de côté leur culture, leur histoire personnelle, leur conception des choses, les projets qu’ils ont déjà conduits ? Quand un maire adjoint ou un maire vient soutenir, devant le conseil municipal, le projet qu’il conduit depuis douze ans, est-il encore objectif quand il demande à ce conseil de l’adopter ? De mon point de vue, tout cela n’a pas de sens !
Puisque nous avons maintenu l’article 1er A, au moins, soyons un peu raisonnables et faisons en sorte de retirer la notion d’objectivité du texte. En la retenant, ce qui permettra d’inquiéter des élus sur son fondement, nous prenons des risques inconsidérés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Défavorable. Dans la mesure où l’article 1er A a été adopté, mieux vaut suivre le rapport Sauvé et la commission Jospin, et conserver ce qui est une belle œuvre de jurisprudence.
(L’amendement no 28 n’est pas adopté.)
(L’article 1er A est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 16.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement a pour objet de garantir l’attribution d’un régime indemnitaire aux maires des arrondissements de Paris, Marseille et Lyon qui ne sont pas conseillers municipaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Avis favorable.
(L’amendement no 16 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 37.
M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement de suppression vise à ôter de ce texte la charte de l’élu local. Je répète que personne ne peut être défavorable au contenu de cette charte : si l’objectif était de parvenir à un texte consensuel, il est pleinement atteint. Je n’ai aucune interrogation ni critique à ce sujet.
Mon problème ne porte pas tant sur le fond que sur l’exercice consistant à introduire dans le code général des collectivités territoriales un texte qui n’a aucune portée normative et dont l’opposabilité – pardonnez-moi de le dire – est parfaitement inopérante : ira-t-on voir un juge pour dénoncer le fait que le contenu de la charte n’a pas été respecté et, le cas échéant, sur quelle base ?
Par ailleurs, dans l’immense majorité des cas, il est parfaitement redondant avec les dispositions d’autres codes, en particulier du code pénal puisque, par définition, les dispositions de ce dernier s’appliquent aux élus dans l’exercice de leurs fonctions.
C’est pourquoi je ne vois absolument pas l’intérêt d’une telle charte, si ce n’est de donner l’illusion qu’en adoptant un tel article l’on aurait réglé une fois pour toutes la question de la déontologie des élus.
Pour ces raisons, parce que nous nous trouvons face à un droit purement déclaratif – qui, pour être clair, ne sert à rien – et pour ne pas encombrer un code général des collectivités territoriales déjà relativement copieux, nous proposons la suppression pure et simple de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. L’article 1er B est issu d’un amendement que j’ai déposé. Il met en œuvre la proposition no 24 du rapport de la mission d’information sur le statut de l’élu – dont le dépôt, je le rappelle, a été autorisé à l’unanimité par la commission des lois : « Consacrer les obligations déontologiques des élus locaux dans une charte des droits et des devoirs ayant valeur législative. Prévoir la lecture solennelle de cette charte à l’occasion de chaque renouvellement de l’organe délibérant et de l’exécutif des collectivités. »
En effet, afin de favoriser la transparence de la vie publique, il importe de préciser les normes de comportement que les élus doivent adopter dans l’exercice de leurs fonctions et que les citoyens sont en droit d’attendre de la part de leurs représentants. Nous le savons bien, les élus locaux nous l’ont dit lors des auditions, appréhender le caractère déontologique et éthique d’un comportement ne va pas de soi.
La déontologie se définit comme une théorie des devoirs et procède donc d’une morale. Son caractère contingent implique que les exigences formulées en la matière par le corps social soient explicitées, de sorte que les élus se les approprient pleinement. Cette charte vise avant tout, de manière symbolique, à manifester l’attachement aux valeurs éthiques et au respect de l’intérêt public consubstantiel à l’engagement dans l’exercice de fonctions électives.
Alors, oui, cela revient à enfoncer des portes ouvertes, mais il est nécessaire de le faire et de réaffirmer de grands principes. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement de suppression qui vient d’être défendu, car il a érigé au rang de ses priorités l’amélioration de la transparence de la vie publique et la prévention des conflits d’intérêts. Cette charte « peut » y contribuer. Cela ne m’empêche pas d’entendre vos arguments relatifs à l’opposabilité de ces dispositions.
Aujourd’hui, si le code général des collectivités territoriales énonce les droits des élus – encore qu’ils soient extrêmement dispersés au sein de différents chapitres – leurs devoirs n’y figurent pas – je ne parle pas du code pénal, que l’on vient d’évoquer.
L’on aurait pu envisager une codification spécifique mais ce changement de structure impliquerait un travail énorme, disproportionné ; de surcroît, chacun sait que je suis par principe défavorable à la codification. La rédaction d’une charte ou d’un guide évite ce travail considérable de codification, qu’il faut réserver au strict nécessaire.
Monsieur le rapporteur, la rédaction actuelle, issue des travaux de la commission des lois, est sans doute encore perfectible. Des associations d’élus y ont travaillé, et ont été consultées par les rapporteurs, qui ont eux-mêmes rédigé cette charte. Il faut simplement veiller, me semble-t-il, à ne pas modifier ou durcir le droit existant à la faveur de ce texte.
Ainsi, dans l’optique de la navette, en particulier de la deuxième lecture, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée sur les amendements qui touchent, alinéa après alinéa, à la rédaction même de la charte.
Quant aux amendements qui visent à instaurer un serment prêté par le maire, non seulement c’est contraire à la tradition républicaine, qui revêt une importance fondamentale pour les élus locaux, mais cela paraît de surcroît disproportionné par rapport à l’objet poursuivi. Une lecture de la charte en conseil municipal, comme cela avait été proposé par les rapporteurs de la mission d’information et de la commission des lois, apparaît largement suffisante. Aussi le Gouvernement est-il défavorable à l’obligation de serment.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric Reiss. Je veux appuyer les arguments développés par M. Poisson parce que cet article 1er B est, en effet, de pur affichage. L’engagement de tout élu local est parfaitement respectable ; aussi, lorsque le rapporteur nous parle de normes de comportement, j’avoue avoir un peu de mal à comprendre. Transparence de la vie publique, certes ; droits et devoirs des élus, figurant dans les différents codes en vigueur, certes ; mais, en fin de compte, les élus locaux vont être tellement transparents qu’ils vont finir par ne plus exister !(Sourires.)
(L’amendement no 37 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 29.
M. Jean-Frédéric Poisson. Je défendrai chacun des amendements que j’ai déposés, mais brièvement, puisque j’ai déjà indiqué l’esprit qui présidait à chacun d’eux.
Je veux évoquer devant notre hémicycle la portée de l’article 1 de la future charte. Je le relis, car c’est un élément intéressant : « Afin de mettre en œuvre le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales de la République, les élus locaux siègent en vertu de la loi et doivent à tout moment agir conformément à celle-ci. » Je suis toujours surpris qu’il faille rappeler dans la loi que cette dernière s’applique ; cela s’appelle de la redondance ou de la répétition. Je ne vois absolument pas à quoi cela sert. Sans être en désaccord avec le contenu de cet alinéa, je trouve qu’il n’a rien à faire sous cette forme dans le code général des collectivités territoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. On peut prolonger le débat à l’infini mais l’on souhaite clairement, pour notre part, rappeler un certain nombre de principes, qui ont fait l’objet de discussions au sein de la mission d’information. Nous sommes défavorables à cet amendement no 29, comme nous le serons à l’égard de l’ensemble des amendements déposés par M. Poisson, qui empruntent à la même logique.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que Mme la ministre a émis un avis de sagesse sur l’ensemble de ces amendements, qui procèdent du même esprit.
(L’amendement no 29 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 30.
M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 6, redondant avec l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit d’ores et déjà que les attributions de l’élu sont exercées sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du préfet ou de son représentant dans l’arrondissement de la commune. Le double contrôle de l’activité des élus existe donc déjà. On ne fait que répéter ce qui existe.
(L’amendement no 30, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 31 et 49.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il est inutile de répéter dans le texte qu’il faut faire cesser immédiatement tout type de conflit d’intérêts car, dois-je le rappeler, le texte que nous avons adopté récemment sur la transparence de la vie publique comporte déjà toutes les dispositions en la matière. Cet amendement a donc pour objet de supprimer cet alinéa redondant.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 49.
M. Philippe Gosselin. Je suis favorable au principe d’une charte. En effet, je crois que l’on a besoin de fixer un certain nombre de grands principes et de les rappeler. Quand bien même ce ne serait qu’un rappel de dispositifs existants, il bon de conférer de la solennité à l’installation d’un nouveau conseil municipal. Le seul reproche que l’on pourrait peut-être nous faire est d’inscrire dans la loi une charte qui n’a pas été, en tant que telle, discutée, amendée par les associations d’élus locaux. La navette permettra sans doute, avec le Sénat, d’améliorer la rédaction du texte que nous lui transmettrons.
La charte ne me pose donc pas de difficultés particulières. Je crois que les mots ont leur importance et même si, une fois de plus, l’on trouve que la loi bavarde, il est parfois bon qu’elle le fasse pour rappeler des principes, des droits et des devoirs.
Il n’en reste pas moins que la formulation de l’alinéa 7, soit de l’article 3 de la charte, me paraît stigmatiser les élus locaux. Je ne voudrais pas que l’on se méprenne sur le sens des mots.
Surtout, je m’inquiète quelque peu de la paralysie que cela pourrait entraîner dans le fonctionnement habituel et quotidien des assemblées locales. Aujourd’hui, lorsqu’un élu local est concerné par un vote, il se retire : on précise que M. – ou Mme – X ou Y, concerné par le vote, se retire des débats. C’est assez simple. Je crains qu’avec la formulation de l’alinéa 7, l’on aille au-delà et que l’on soit confronté à de vraies difficultés de gestion, sans pour autant résoudre la question des conflits d’intérêts. Cela justifie notre volonté de supprimer cet alinéa.
(Les amendements identiques nos 31 et 49, repoussés par la commission et pour lesquels le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 54.
M. Philippe Gosselin. La formulation proposée par l’amendement permet de conserver l’objectif affiché de prévention des conflits d’intérêts sans stigmatiser l’élu local. Je ne répéterai pas les arguments avancés à propos de l’amendement précédent, mais je veux absolument éviter cette stigmatisation.
(L’amendement no 54, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.
(L’amendement no 32, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 33.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il est également défendu.
(L’amendement no 33, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 34.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il est également défendu.
(L’amendement no 34, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 35 et 53.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 35.
M. Jean-Frédéric Poisson. Cet alinéa diffère quelque peu des autres, d’abord parce que son contenu est plus précis : l’on n’est plus dans une déclaration à caractère général. Je doute que ces dispositions figurent dans un autre texte, encore qu’on ne puisse l’exclure à propos de l’abus de bien social ou d’infractions proches de cette dernière.
Cela étant dit, il me semble, dans le prolongement des remarques que vient de faire notre collègue Gosselin, que ces dispositions présentent peu ou prou un caractère stigmatisant. Aussi je regrette que cette précision doive être inscrite dans ce qui constituera peut-être, in fine, une charte. Même sur un sujet comme celui-là, je pense qu’il aurait été de meilleure politique de solliciter les associations d’élus – l’AMF, les associations de départements et de régions – pour qu’elles établissent une charte, ce qui aurait permis de parvenir à un texte plus conforme à la réalité des choses et ce qui nous aurait évité d’inscrire dans la loi des dispositions telles que celles-ci, sur la base desquelles l’on pourra saisir la justice. En effet, par hypothèse, l’élu serait justiciable de la commission d’infractions définies par ce texte. C’est pourquoi je demande la suppression de cet alinéa.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 53.
M. Philippe Gosselin. Je crois que cette charte est quelque peu redondante. Si, encore une fois, je suis favorable à son principe, je crois que, pour être intelligible et efficace, elle se doit d’être peu ou prou synthétique. Or, l’alinéa 11 me paraît redondant avec l’alinéa 9, qui impose un exercice diligent et transparent des fonctions.
Je rappelle que les délibérations des conseils municipaux donnent lieu à des comptes rendus, que les réunions elles-mêmes sont publiques, que la presse, en général, est présente ou en publie les comptes rendus. La transparence des fonctions que, selon le point 5 de la charte, l’élu doit garantir comprend déjà à mon sens l’obligation d’information ; il n’est donc pas nécessaire de la rappeler à nouveau.
(Les amendements identiques nos 35 et 53, repoussés par la commission et pour lesquels le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 36.
M. Jean-Frédéric Poisson. Nouvel exemple d’imprécision qui interroge la qualité de la rédaction de ce texte : le point 4 de la charte indique que l’élu local « exerce ses fonctions avec dignité, probité et intégrité » et le point 8 de la même charte dispose que « [d] ans l’exercice de ses fonctions, l’élu local s’abstient de tout comportement constitutif de corruption active ou passive [… ] ». Faut-il considérer que les vertus de dignité, de probité et d’intégrité ne concernent pas les délits de corruption, c’est-à-dire que le point 4 n’est d’aucune utilité, ou au contraire que c’est le point 8 qui ne sert à rien parce que le délit de corruption est bien pris en compte dans le point 4 ?
Cet exemple montre que la charte a été rédigée hâtivement et justifie la suppression de l’alinéa 12 de l’article 1erB.
(L’amendement no 36, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 42.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.
(L’amendement no 42, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 43.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.
(L’amendement no 43, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 44.
M. Jean-Frédéric Poisson. Voilà encore un bel exemple d’imprécision. Cet alinéa étant formulé à l’indicatif, il est donc impératif que l’élu local rende compte des actes et décisions prises dans le cadre de ses fonctions. Or, on entend par élu local tous les membres qui siègent dans les assemblées territoriales, ce qui, vous en serez d’accord, inclut les conseillers municipaux, qui ne sont pas titulaires d’une délégation, même quand ils sont dans l’opposition – ainsi que le rappelait tout à l’heure notre collègue Paul Molac. D’ailleurs, les conseillers municipaux de l’opposition manquent parfois de moyens plus encore que leurs collègues qui sont dans la majorité ; tout le monde connaît cette situation.
Dans ces conditions, je me demande comment les citoyens réagiront au fait que certains élus locaux sont dans l’incapacité de rendre compte du mandat qu’ils exercent. Une fois encore, on expose les élus de manière inconsidérée en les obligeant à rendre des comptes alors qu’ils n’en ont pas les moyens, et ce sans précision aucune, sans autre forme de procès, si je puis dire. Voilà donc un alinéa qu’il faudrait retirer de la charte, même si, entendons-nous bien, je suis par ailleurs favorable à ce que les élus rendent des comptes.
(L’amendement no 44, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 45.
M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.
(L’amendement no 45, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 46.
M. Philippe Gosselin. Mme la ministre s’étant déjà exprimée sur le sujet, je connais l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
La procédure de la prestation de serment est à envisager en parallèle de la charte de l’élu local. Vous avez bien compris qu’il s’agit de donner un peu de solennité, d’instaurer un rite à la portée symbolique, un acte qui marque les esprits.
On objecte parfois qu’il s’agit de pratiques plutôt anglo-saxonnes, mais en réalité la prestation de serment a également cours ailleurs en Europe, par exemple aux Pays-Bas, en Grèce, en Irlande, en Belgique, en Suisse. Cette proposition ne relève donc pas du mimétisme, il n’y a pas de volonté de notre part de singer qui que ce soit. Ce rite avait d’ailleurs été pratiqué en 1791 ; c’est donc une référence que certains pourraient apprécier dans cette enceinte.
Cette pratique, ce nouveau rite aurait pour but d’ancrer davantage nos élus dans l’exercice de leur action locale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Sur la forme, on pourrait observer que ceux-là même qui estimaient que la charte de l’élu local était superfétatoire – je regrette que M. Poisson ait quitté l’hémicycle quelques instants – considèrent dans le même temps comme nécessaire que les responsables exécutifs élus par les assemblées délibératives prêtent serment. Une telle pratique, grandiloquente, ne relève pourtant pas du droit dur : ce serment ne créerait aucune obligation nouvelle pour les élus.
Concernant le texte du serment qui est proposé, le fait de jurer de bien remplir ses fonctions et d’observer les devoirs qu’elles imposent n’apporte aucun élément nouveau. Il est d’ailleurs incohérent pour les auteurs de l’amendement de refuser, dans le même temps, qu’on rappelle ces devoirs au moyen d’une charte.
Sur le fond, si la Constitution ne prévoit pas que le Président de la République et les autres élus jurent d’en respecter le contenu, c’est qu’un tel serment n’a pas empêché Louis Napoléon Bonaparte de faire un coup d’État le 2 décembre 1851. La prestation de serment ne serait donc pas efficace.
Enfin, et c’est le principal argument qui s’oppose à l’instauration d’une telle prestation de serment, cela consisterait à revenir sur une tradition républicaine vieille de 143 ans. Le régime républicain prévoit en effet que seuls les responsables publics nommés prêtent serments. Les édiles élus n’ont pas à prêter serment à quiconque car ils détiennent leur mandat dès que celui-ci est acquis par le suffrage universel, et non après avoir prêté un serment d’obéissance.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Je souhaite tout d’abord préciser à notre rapporteur que certains de mes collègues n’avaient pas envisagé la double action : imaginant que la charte pouvait ne pas être adoptée, ils ont considéré que la prestation de serment pouvait être une « compensation ».
Ensuite, certains, et c’est mon cas, sont favorables et à la charte et à la prestation de serment ; les choses sont donc plus compliquées que vous ne semblez le dire.
Enfin, il s’agit surtout d’instaurer un rite républicain au caractère solennel.
(L’amendement no 46 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 47.
M. Philippe Gosselin. Il est défendu.
(L’amendement no 47, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 50.
M. Philippe Gosselin. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai également les amendements nos 52 et 51.
Mme la présidente. Volontiers, cher collègue.
M. Philippe Gosselin. Il s’agit de décliner l’amendement relatif à la prestation de serment dans les différents échelons de collectivités.
(Les amendements nos 50, 52 et 51, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’article 1er B est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 2 portant article additionnel après l’article 1erB.
M. Paul Molac. Le présent amendement, à l’instar de ceux qui le suivent, a essentiellement trait aux droits des conseillers municipaux, notamment ceux de la minorité. Améliorer la démocratie locale, c’est aussi améliorer l’exercice par les élus locaux de leur mandat ; c’est bien l’objet du texte que nous examinons aujourd’hui.
Il était prévu que le troisième volet de la réforme de la décentralisation inclue des dispositions relatives à la démocratie locale. Que certaines d’entre elles puissent entrer en vigueur avant le renouvellement du mandat municipal serait un meilleur gage de leur mise en application, qui serait sans doute plus délicate en cours de mandat.
Ayant assisté à un certain nombre de conseils municipaux, je me souviens d’un maire qui avait tendu un document de vingt pages aux conseillers municipaux de la minorité en leur concédant une suspension de séance d’une demi-heure parce que ces derniers n’avaient pu en prendre connaissance auparavant ! Bien évidemment, ils ont voté contre.
Le présent amendement vise donc à tirer les conséquences de l’abaissement du seuil d’application de l’élection à la proportionnelle de 3 500 habitants à 1 000 habitants.
Pour les communes de 1 000 à 3 500 habitants, il est proposé d’imposer la rédaction d’un règlement intérieur, d’obliger le maire à convoquer le conseil municipal si une demande motivée lui en est faite par le préfet ou par un tiers des membres du conseil municipal, de rallonger le délai de convocation des conseils municipaux de trois à cinq jours.
Le changement de nature de ces conseils municipaux induit par le changement de mode d’élection impose de permettre aux conseillers minoritaires de joueur leur rôle de garants de la mise en transparence des décisions municipales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire remarquer lors de l’examen du texte en commission, le présent amendement, à l’instar de ceux du même auteur qui viennent dans la suite de la discussion, a trait au fonctionnement du conseil municipal et n’a donc qu’un lien très ténu avec un texte qui concerne le statut des élus locaux. Il trouverait plus justement sa place au sein du troisième volet de la réforme de la décentralisation et de l’action publique. La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Concernant les amendements nos 2, 1, 3 et 4, je partage totalement la position du rapporteur. En revanche, je serai plus indulgente que ce dernier sur les amendements nos 5 et 6, non pas sur la forme mais sur le fond : même s’ils auraient davantage leur place dans le troisième volet de la réforme de la décentralisation, j’y suis favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. Je ferai un rapide commentaire sur l’exposé sommaire de l’amendement no 2. Je suis en effet assez choquée par les termes utilisés, notamment les verbes « imposer » et « obliger ». Ces injonctions témoignent d’une méfiance à l’égard de la fonction municipale que je trouve de mauvais aloi.
Monsieur le député, les administrés qui ont si peu confiance en leur maire ont tous les six ans l’occasion de le lui faire savoir.
(L’amendement no 2 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Paul Molac. Je propose par cet amendement que les documents du conseil municipal soient envoyés de manière dématérialisée aux conseillers municipaux qui en font la demande.
(L’amendement no 1, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Paul Molac. Il est défendu.
(L’amendement no 3, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Paul Molac. Cet amendement vise à prévoir une session de questions orales lors des séances du conseil municipal.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard. L’expérience que j’ai du mandat municipal m’a appris qu’une question qui arrive en conseil municipal et qui n’a pas passé le tamis des commissions est une question à laquelle on répond généralement de façon très mauvaise. Le travail préalable de la commission me paraît donc important pour préserver la qualité du travail du conseil municipal.
(L’amendement no 4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Paul Molac. Je propose par cet amendement de mettre en ligne sur le site Internet de la ville les comptes rendus du conseil municipal.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. L’idée est bonne, mais cela se fait naturellement et il me paraît inutile d’inscrire cette règle supplémentaire dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Monsieur Gosselin, je pourrais vous donner des exemples de villes dans lesquelles ce n’est pas fait.
(L’amendement no 5, accepté par le Gouvernement et repoussé par la commission, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Paul Molac. Il est défendu.
(L’amendement no 6, accepté par le Gouvernement et repoussé par la commission, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 17 de suppression de l’article.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Comme je l’ai indiqué rapidement lors de mon intervention voilà quelques instants, cet article présente des difficultés car il est contraire au droit de la fonction publique.
Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur un principe simple du statut général : à chaque situation correspond une position statutaire du fonctionnaire. Or l’article adopté en commission ouvre pour la première fois et pour les seuls élus un droit d’option pour les fonctionnaires quant à leur position statutaire.
Le Gouvernement partage cependant l’intention portée par cet article d’une plus grande diversification des profils professionnels des élus et de la modification des droits des fonctionnaires élus locaux.
Je vous propose par conséquent que nous continuions à travailler ensemble sur le sujet, notamment au regard des dispositions adoptées dans le cadre des lois sur la transparence de la vie publique pour les fonctionnaires ayant un mandat parlementaire. Nous pourrons alors revenir sur cette question dans le projet de loi portant sur la déontologie et les droits et obligations des fonctionnaires que vous examinerez, je l’espère, au printemps prochain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Compte tenu des arguments développés par Mme la ministre, l’avis de la commission est favorable.
(L’amendement no 17 est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, il est vingt heures et il ne nous reste que dix-neuf amendements à examiner. En prolongeant la séance, nous pourrons finir ce texte dans des délais raisonnables, aptes à nous éviter tout risque d’hypoglycémie. (Sourires.) Si vous en êtes d’accord, je vous propose donc de poursuivre l’examen des amendements. (Assentiment.)
M. Philippe Doucet, rapporteur. Sage décision !
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement, no 38, tendant à supprimer l’article 1er.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le soutenir.
M. Philippe Gosselin. Dans le cadre de la mission d’information que Philippe Doucet et moi-même avons animée, nous avons souhaité, de même d’ailleurs que l’ensemble des associations que nous avons rencontrées, sanctuariser les indemnités des élus des plus petites collectivités. Nous nous étions rendu compte qu’un certain nombre de maires ne percevaient pas leurs indemnités. Certains n’osaient pas les demander ; parfois, le conseil municipal sous-entendait que, vu la situation de l’élu, ce n’était pas nécessaire. Or le texte, tel qu’il est rédigé, permet que les indemnités soient de droit au niveau maximum pour l’ensemble des élus. Cela me paraît aller au-delà de ce que nous avions proposé dans le rapport. Si la sanctuarisation semble de bon aloi pour les plus petites communes, parce que les élus ne perçoivent pas la totalité de leurs indemnités, ce n’est pas le cas dans les autres. Une généralisation me paraît donc un peu abusive.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Le présent amendement vise, selon l’expression utilisée par ses auteurs dans l’exposé des motifs, à « en rester à la pratique actuelle s’agissant des indemnités de fonction perçues par les maires et les présidents de délégation spéciale ». Or, par la suppression de la totalité de l’article 1er, on remet en cause les principaux apports de cette proposition de loi, laquelle a été adoptée à l’unanimité au Sénat, y compris donc par les membres du principal groupe d’opposition. Je pense à la fixation des indemnités des maires et présidents de délégation spéciale par application de principe du taux maximal prévu par la loi et au bénéfice, pour les conseillers des communautés de communes, de l’indemnité de fonction versée dans les mêmes conditions que celle dont bénéficient les conseillers municipaux des communes de moins de 100 000 habitants.
Ce faisant, l’amendement vise à interdire au législateur de répondre à des besoins dont les travaux de la mission d’information sur le statut de l’élu ont pourtant montré l’importance pour le bon fonctionnement de la démocratie locale et qui font aujourd’hui l’objet d’un diagnostic assez largement partagé. Il s’agit, d’une part, de la nécessité de remédier à la très grande disparité et au caractère très modeste des indemnités versées aux élus par rapport à leur engagement au service de la collectivité et, d’autre part, de lever des réticences par un dispositif qui permet aux collectivités locales d’éviter des débats stériles alors que la démocratie a un coût. Avis défavorable.
(L’amendement no 38, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 39 rectifié.
M. Frédéric Reiss. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent. Cet amendement vise à revenir au texte initial du Sénat qui prévoyait que les indemnités de fonction des maires et présidents de délégation seraient fixées au taux maximal, sauf délibération contraire, pour les communes de moins de 3 500 habitants et non pour toutes les communes comme le prévoit le texte actuel. On résoudrait ainsi le problème de l’effet de seuil qui touche notamment les communes de 1 000 à 1 500 habitants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Le présent amendement vise à réécrire complètement les dispositions de l’article 1er de la proposition de loi, afin, selon l’expression de ses auteurs, de « revenir au texte initial du Sénat ». En l’occurrence, l’amendement aurait pour conséquence de porter le seuil d’application de cet article de moins de 1 000 habitants à moins de 3 500 habitants et de supprimer la possibilité d’une délibération dérogatoire du conseil municipal des communes ayant une population inférieure à 3 500 habitants.
Si cet amendement devait être adopté, les indemnités de fonction des maires seraient fixées par application du taux maximal prévu par la loi pour les communes de moins de 3 500 habitants. Or l’alinéa 10 de l’article 1er du texte transmis par le Sénat prévoit que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, le conseil municipal peut, par délibération et à la demande du maire, fixer une indemnité de fonction inférieure au barème. Cela signifie a contrario que, dans les communes de moins de 3 500 habitants, le conseil municipal perdrait le pouvoir de moduler l’indemnité de fonction des maires ; celle-ci serait fixée au taux maximal. On ne voit pas ce qu’apporterait cette mesure par rapport au dispositif adopté au Sénat.
Qui plus est, cet amendement présente le défaut d’exclure toute possibilité de modulation des indemnités, alors que la faculté est maintenue par la proposition de loi d’initiative sénatoriale, dans la rédaction adoptée par la commission des lois de notre assemblée. La commission a même étendu cette faculté de modulation en en abaissant le seuil applicable de 3 500 habitants à 1 000 habitants. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Il faudra, à l’occasion d’une autre lecture de ce texte, voire dans une autre assemblée, revoir le dispositif. En effet – je vous le dis très honnêtement et il ne s’agit pas de polémiquer sur cette question –, je ne suis pas sûr qu’avec la rédaction retenue nous répondions à l’objectif que s’était fixé à l’unanimité la commission des lois de l’Assemblée. Je tenais à vous alerter sur ce point.
(L’amendement no 39 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 18.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous ne souhaitons pas que les indemnités deviennent automatiques pour les élus des communes nouvelles. Comme vous le savez, ces collectivités n’ont pas rencontré un grand succès – nous en avons beaucoup discuté avec l’AMF. Nous allons essayer de trouver des solutions pour que la possibilité de créer des communes nouvelles soit utilisée plus largement dans de nombreux territoires de France. Il me semble qu’il vaut mieux, pour ce faire, travailler par exemple sur l’efficacité de la DGF plutôt que de créer un statut dérogatoire pour les élus.
(L’amendement no 18, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 19.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit, à travers cet amendement, de tenir un engagement pris par le Premier ministre devant le Congrès des maires de France concernant les chefs-lieux de canton. J’ai beaucoup entendu parler de ce sujet ; je crois donc que chacun veut les maintenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Avis favorable, sous réserve d’une modification apportant une précision. En effet, la réécriture proposée tend à pérenniser la possibilité d’une majoration des indemnités pour ces communes au-delà d’échéances prévues par la loi du 17 mai 2013. La mention relative à ces communes deviendrait ainsi une disposition permanente du CGCT, puisqu’elle ne précise pas de date pour son application.
Par ailleurs, ce texte supprime la mention des cantons, c’est-à-dire des communes qui conserveront cette qualité au terme du redécoupage qui doit intervenir pour la mise en œuvre de la loi. Dans ces conditions, je propose au Gouvernement de rectifier son amendement de façon à aboutir au texte suivant : « Des communes chefs-lieux de département, d’arrondissement et de canton, ainsi que des communes dont la qualité de chef-lieu de canton est maintenue en application de la loi no 2013-403 du 17 mai 2013. »
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous verrons cela en deuxième lecture, monsieur le rapporteur.
Mme la présidente. Ce que vous proposez, monsieur le rapporteur, me paraît en effet un peu compliqué. Chacun a pris acte de votre souhait qui pourra être entériné lors d’une lecture ultérieure.
(L’amendement no 19 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 40.
M. Philippe Gosselin. Je ne reprendrai pas mes explications précédentes. Une fois encore, il faudra mettre en regard ce que nous proposons ici avec le montant des indemnités. Je ne suis pas sûr que, tel qu’il est rédigé, le texte que nous examinons ce soir permette d’atteindre l’objectif que nous avions fixé au sein de la commission des lois à travers notre rapport d’information. Il faudra coordonner ces dispositions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Gosselin, maintenez-vous l’amendement no 40 ?
M. Philippe Gosselin. Il suffira d’avoir alerté l’Assemblée, madame la présidente ; je le retire.
(L’amendement no 40 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 14.
M. Philippe Doucet, rapporteur. C’est un amendement de cohérence.
(L’amendement no 14, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
(L’article 1er bis A est adopté.)
(Supprimé.)
(L’article 2 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisi d’un amendement, no 41, portant article additionnel après l’article 2.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le soutenir.
M. Philippe Gosselin. Il s’agit là d’un sujet un peu plus délicat. Cet amendement vise en effet à ce que la fraction représentative des frais d’emploi ne soit pas assujettie aux cotisations sociales. Comme je l’ai expliqué dans la discussion générale, l’article 18 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 a assujetti les indemnités de fonction de certains élus locaux aux cotisations de Sécurité sociale à partir du 1er janvier 2013. La mise en œuvre de cette mesure a été assez chaotique : les associations d’élues n’avaient pas été consultées et il n’y a pas toujours eu des directives claires.
Toujours est-il que la fraction représentative des frais d’emploi se trouve désormais assujettie en totalité aux cotisations de Sécurité sociale. Les élus paient ainsi des cotisations sur un élément qui n’est pas un revenu, dans la mesure où il sert à couvrir des frais divers et variés, par exemple le remboursement des dépenses de carburant. Il y a là une vraie difficulté. Je crois d’ailleurs que l’intention du législateur n’était pas, en décembre 2012, lorsque l’article en question du PLFSS a été voté, de créer cette situation. Il est donc important de rectifier le tir et d’éviter toute difficulté à l’avenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Avis défavorable. Un tel débat doit être mené dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même argument. Par ailleurs, il faut bien comprendre que, sans cotisations, il n’y a pas de droits. Il faut donc être prudent en ce qui concerne l’avenir des droits ouverts aux élus.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Il ne s’agit pas d’amputer les droits des élus. Que les indemnités de fonction soient assujetties aux cotisations ne constitue pas en soi un problème. Le débat porte sur les modalités de cette mesure. Il est tout de même étrange d’assujettir aux cotisations sociales la fraction représentative des frais d’emploi car il ne s’agit pas là d’un revenu. Traditionnellement, ces indemnités ne sont pas assujetties aux cotisations sociales. J’entends bien l’argument qui consiste à renvoyer la discussion à un prochain PLFSS, mais, si on le veut, on peut parfaitement adopter cette mesure dans le cadre du présent texte.
(L’amendement no 41 n’est pas adopté.)
(L’article 2 bis est adopté.)
(L’article 2 ter est adopté.)
Mme la présidente. Sur l’article 3, je suis saisie d’un amendement no 20.
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Les élus d’arrondissement – conseillers, maires et adjoints – de Paris, Lyon et Marseille bénéficient déjà d’autorisations d’absence, de crédits d’heures, d’un droit à la formation et d’une protection contre les licenciements. Comme les arrondissements ne sont pas des collectivités territoriales de plein exercice, il est logique que subsistent quelques différences dans les droits ouverts aux élus concernés. C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à l’ouverture à ces élus du droit au détachement pour les fonctionnaires et à la suspension d’une activité professionnelle avec la garantie du retour dans le même emploi pour les autres, en particulier les salariés du privé. J’ajoute que ces mesures ne sont pas neutres pour les employeurs des élus en question.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Si les mairies d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille ne constituent pas, selon l’argument développé par le Gouvernement, des collectivités de plein exercice, il n’en demeure pas moins que leurs élus remplissent des fonctions qui peuvent être accaparantes. Je rappelle d’ailleurs que la loi sur le non-cumul des mandats s’applique aussi aux maires d’arrondissement de ces trois collectivités.
Par ailleurs, ainsi que le Gouvernement le relève lui-même dans l’exposé des motifs de cet amendement, le code général des collectivités territoriales prévoit déjà l’application pour ces élus d’un certain nombre de garanties dont bénéficient les élus municipaux de droit commun. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. J’appelle le Gouvernement à faire preuve de cohérence. On ne peut pas, madame la ministre, d’un côté, supprimer une possibilité et, de l’autre, dire que la disposition en question était bonne. Ou bien, dans le cadre du cumul, les maires d’arrondissement sont concernés, auquel cas il est logique que l’alinéa 7 puisse s’appliquer, ou bien ils ne le sont pas. Je vous invite donc à faire preuve de cohérence.
(L’amendement no 20 n’est pas adopté.)
M. Philippe Gosselin. L’amendement a été rejeté à l’unanimité !
(L’article 3 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 3.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 22 rectifié.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit d’ouvrir de nouveaux droits pour les élus, en l’occurrence en facilitant le remboursement des frais engagés pour la garde d’enfants ou l’accompagnement de personnes âgées ou handicapées. C’est là une mesure de justice.
(L’amendement no 22 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 21 rectifié.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même type de considération de solidarité.
(L’amendement no 21 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)
(L’article 3 bis est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 23.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement, s’inspirant du dispositif existant pour les députés, vise à faciliter la réinsertion professionnelle en fin de mandat des élus alors même qu’aujourd’hui ils ne cotisent à aucun régime d’assurance-chômage. Il ne s’agit pas de modifier le dispositif de l’article 4 de la proposition de loi qui porte de six mois à un an la durée de versement de l’allocation mais il confère un caractère dégressif à cette allocation, comme pour les parlementaires, et ainsi que je l’avais proposé lors de mon audition en mai dernier.
Cette mesure renforcerait le caractère assurantiel et la connaissance du dispositif. La situation serait en tout cas plus facile à défendre pour nos élus.
(L’amendement no 23, accepté par la commission, est adopté et l’article 4 est ainsi rédigé.)
(L’article 4 bis est adopté.)
(L’article 5 est adopté.)
(L’article 5 bis est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 24.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’article 6 prévoit de fixer obligatoirement à 2 % du montant des indemnités susceptibles d’être attribuées aux élus de la collectivité l’enveloppe des crédits consacrés à leur formation.
Cet amendement tend simplement à supprimer la mention du report obligatoire d’une année sur l’autre des dépenses non réalisées, lequel contrevient au principe d’annualité budgétaire pour les collectivités territoriales. Il y a là, à mon sens, une impossibilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Doucet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le principe du report des crédits alloués par les collectivités territoriales à la formation des élus et non consommés à l’issue d’un exercice budgétaire dans la limite de l’année du renouvellement de leurs organes délibérants. Sur le fond, le report des crédits de formation figurait dans le dispositif initial de l’article 6 de la proposition de loi et a été successivement approuvé, sans modification, par la commission des lois au Sénat et par le Sénat lui-même en séance publique.
En cette même occasion, vous-même, madame la ministre, aviez rendu un avis défavorable à un amendement supprimant l’article 6 en exprimant une totale identité de vue avec la commission quant à l’intérêt du dispositif, ce qui vaut sans doute un accord tacite sur le principe du report des crédits non consommés. Du reste, dans son rapport sur le texte, la commission des lois de l’Assemblée nationale a également approuvé l’article 6 en soulignant que le code général des collectivités territoriales comportait d’autres dérogations au principe d’annualité budgétaire au regard desquelles le report des crédits de formation apparaissait tout à fait admissible.
Dans ces conditions, je ne vois pas ce qui motiverait la suppression de la possibilité d’un report des crédits de formation. Avis par conséquent défavorable.
(L’amendement no 24 n’est pas adopté.)
(L’article 6 est adopté.)
(L’article 6 bis est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement de suppression no 25.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’article 6 ter attribue au Conseil national de la formation des élus locaux la mission de définir un socle minimal de compétences nécessaires à l’exercice des fonctions électives locales. Sur le principe, pourquoi pas, mais pourquoi l’imposer par la loi ? Ce serait une norme de plus, une procédure supplémentaire pour les collectivités territoriales et en pratique, cette norme pourrait ne pas bien prendre en compte la diversité et l’expérience des élus eux-mêmes qui n’ont pas tous besoin des mêmes formations. Enfin, ce n’est pas nécessairement le rôle du seul CNFEL qui, aujourd’hui, agrée les organismes de formation.
Cet amendement vise par conséquent à supprimer cet article.
(L’amendement no 25, accepté par la commission, est adopté.)
(L’article 6 ter, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement de suppression no 26.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet article élargirait considérablement le champ d’intervention de la haute autorité pour la transparence de la vie publique. Or, cette institution vient de voir le jour – le 11 octobre 2013 –, et dès l’année prochaine, elle devra contrôler 9 000 déclarations d’intérêts et de patrimoine. Si l’article 6 quater était adopté en l’état, cette haute autorité pourrait être saisie par des dizaines de milliers de chefs d’exécutif de petites collectivités alors même que la loi du 11 octobre 2013 ne prévoit pas pour eux d’obligation de déclaration d’intérêts et de patrimoine. Bien sûr, cette instance s’en trouverait engorgée – sans doute n’est-ce pas là cependant l’argument le plus fort –, mais surtout les principes déontologiques s’appliquent, y compris aux maires des petites communes. Ce sujet mérite que nous y réfléchissions encore davantage.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Doucet, rapporteur. Dans le cadre de son rapport, la mission d’information sur le statut de l’élu avait estimé qu’il était plus que souhaitable que les élus puissent, autant que nécessaire, recevoir des conseils et être éclairés sur l’application concrète des principes déontologiques qu’ils doivent respecter. Cependant, cette institution devant être mise en place, il pourrait être jugé prématuré de lui confier un rôle de conseil auprès d’autant d’élus locaux dans un premier temps même si la question pourra être posée plus tard. Avis favorable.
(L’amendement no 26 est adopté.)
(L’article 6 quater, amendé, est adopté.)
(L’article 7 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 48.
M. Philippe Gosselin. Je connais la jurisprudence Urvoas, du nom du président de notre commission des lois, qui est farouchement opposé aux rapports et aux dépôts de rapports du Gouvernement ou d’autres instances devant l’Assemblée. Toujours est-il que, craignant la guillotine de l’article 40, je n’ai pas trouvé d’autre moyen pour alerter, sinon l’opinion, du moins cette belle assemblée.
Le cumul emploi-retraite pose une véritable difficulté. Les élus locaux s’en sont émus, leurs associations représentatives aussi, toutes tendances confondues. Depuis le 1erjanvier 2013 et l’affiliation des élus locaux au régime général d’assurance-vieillesse, un certain nombre de nos collègues sont dans l’impossibilité de bénéficier de leur retraite parce qu’ils sont considérés comme étant en activité, ce qui est du reste inconciliable avec cette notion de mandat : un mandat d’élu local n’est pas un travail comme un autre, ce n’est pas un métier. C’est peut-être une magistrature, comme le rappelait M. Tourret tout à l’heure. En tout cas, le lien de subordination n’existe pas et l’on ne saurait assimiler les élus à des salariés dépendant d’un quelconque pouvoir hiérarchique.
Je voudrais alerter le Gouvernement sur ce sujet afin qu’il nous fournisse quelques explications. La loi sur les retraites opère quelques avancées mais avec une ouverture qui nous amène à revoir la question au 1er janvier 2015. Or, que se passe-t-il pour 2013 et 2014 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. M. Gosselin va pouvoir retirer son amendement avec un enthousiasme extraordinaire car la question est réglée. La date a en effet été avancée au 1erjanvier. L’amendement est satisfait.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Je m’en réjouis, mais le problème est-il réglé dans le cadre de la loi sur les retraites ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Parfaitement. Je vous remettrai le document qui en atteste, mais je vous confirme d’ores et déjà cette information au banc du Gouvernement.
Mme la présidente. Votre amendement est donc satisfait, monsieur Gosselin ?
M. Philippe Gosselin. L’amendement est satisfait, mais le parlementaire que je suis est aussi satisfait de la réponse de Mme la ministre ! Par conséquent, je retire mon amendement.
(L’amendement no 48 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 27 rectifié.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Cet amendement vise simplement à appliquer les dispositions de la présente proposition de loi aux collectivités d’outre-mer soumises au principe de spécialité législative.
(L’amendement no 27 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)
(L’article 8, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Lecture définitive du projet de loi de finances pour 2014 ;
Lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 2013 ;
Deuxième lecture du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron