Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 19 décembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles

Présentation

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

Discussion générale

M. François-Michel Lambert

Mme Jacqueline Fraysse

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Patrick Devedjian

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Carlos Da Silva

Texte de la commission mixte paritaire

Amendement no 1 rectifié

Vote sur l’ensemble

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée

2. Conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure de la commission des affaires sociales

Motion de rejet préalable

Mme Marie-Christine Dalloz

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Christian Paul

M. François Vannson

Discussion générale

Mme Jacqueline Fraysse

M. Christian Paul

M. François Vannson

M. Édouard Fritch

M. Gérard Sebaoun

M. Denys Robiliard

Discussion des articles

Article 2

Amendements nos 6 , 30 , 14 , 7 , 15 , 16 , 4 , 12 , 2 , 10 , 3 , 11 , 20 deuxième rectification , 17 rectifié , 8 rectifié , 18 , 19

Article 3

Amendements nos 9 , 21 , 24 , 22 , 25

Titre

Amendement no 13

Explication de vote

M. Gérard Sebaoun

Vote sur l’ensemble

Mme Marisol Touraine, ministre

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (n1660).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée de la décentralisation, mes chers collègues, à l’issue de cinq heures de débat, la commission mixte paritaire a pu aboutir à un texte de consensus, qui a été approuvé à une large majorité. En effet, dix de ses membres – sur quatorze – ont approuvé le texte qu’elle a élaboré. Ce matin même, le Sénat a donné son approbation à ce texte de manière transpartisane, reconnaissant par là même qu’il comporte des avancées majeures pour améliorer la gouvernance de nos métropoles, mais aussi pour rénover l’exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales de tous niveaux.

Tous les sujets abordés, dans les deux chambres, ne sont pas retenus par le texte que nous avons adopté. Cependant, je tiens à dire que nos débats n’auront pas été vains : ils viendront nourrir nos réflexions et notre travail sur les deux autres projets de loi, déjà déposés par le Gouvernement et relatifs, pour l’un, à la mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et à la promotion de l’égalité des territoires et, pour l’autre, au développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

C’est à l’issue de ce vaste chantier législatif qu’il conviendra de juger l’ensemble de cette réforme de l’action publique locale. Dans cette attente, la CMP était saisie de trente-cinq articles, d’ampleur variable, restant en discussion. De plus, comme la jurisprudence du Conseil constitutionnel l’autorise, la CMP s’est également saisie à des fins de coordination d’un article adopté conforme par les deux assemblées.

Si sur certains sujets, les divergences ne portaient que sur des appréciations sémantiques ou techniques, sur d’autres les positions des deux assemblées étaient très éloignées, le Sénat ayant purement et simplement supprimé plusieurs articles en deuxième lecture. Il a donc fallu faire des efforts des deux côtés, et je voudrais ici remercier particulièrement M. René Vandierendonck, mon ami et collègue, rapporteur de la commission des lois du Sénat, d’avoir fait preuve de la grande ouverture d’esprit qui a permis d’atteindre un tel consensus.

Pour l’essentiel, c’est bien le texte que nous avions adopté en deuxième lecture qui a été retenu par la commission mixte paritaire, moyennant, bien entendu, quelques concessions.

Concernant l’organisation et la coordination de l’exercice des compétences des collectivités territoriales, la CMP a retenu le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, comprenant notamment l’inversion de la méthode de mise en œuvre des conventions territoriales d’exercice concerté des compétences partagées. Désormais, les conditions d’encadrement de l’exercice et du financement des compétences partagées – obligation d’apporter 30 % et non plus 40 % du financement public des projets dont chaque collectivité est maître d’ouvrage, et limitation des financements croisés – pourront être levées par les collectivités rejoignant la démarche contractuelle proposée par le chef de file. Si, pour les régions et les départements, la liste des compétences faisant l’objet d’un chef de file a été reprise telle qu’établie par l’Assemblée, la CMP a abouti pour le bloc communal à une solution de synthèse, incluant les sujets préoccupant chacune des assemblées, à savoir l’organisation des services publics de proximité pour l’Assemblée, mais aussi l’aménagement de l’espace et le développement local, auxquels tenaient les sénateurs.

La solution spécifique de coordination des schémas d’aménagement numérique, trouvée par notre assemblée, et le principe de la commande d’un rapport en vue de simplifier le maquis des schémas applicables aux collectivités, ont également été validés par la CMP.

En ce qui concerne la suppression de la condition d’organisation d’une consultation référendaire pour mettre en œuvre une fusion volontaire entre deux régions, aucun consensus n’a pu être trouvé sur cette question, et les alinéas correspondants ont été supprimés. Dans l’immédiat, seule reste prévue l’obligation pour les collectivités concernées par un projet de fusion, ou de changement de région, d’inscrire le sujet à leur ordre du jour, si 10 % de leurs membres en font la demande.

S’agissant de l’organisation de l’Île-de-France et de la métropole du Grand Paris, la CMP a validé la rédaction de l’Assemblée nationale sur l’achèvement de la carte intercommunale, moyennant quelques précisions rédactionnelles.

À l’article 12, qui crée la métropole du Grand Paris, la CMP a procédé à des clarifications consensuelles sur la composition du conseil de la métropole et sur les coordinations entre la métropole et les autres collectivités. Elle a ainsi prévu la présence de deux députés et deux sénateurs parmi les membres de la mission de préfiguration.

Enfin, par coordination avec l’article 73 bis du projet de loi de finances pour 2014, la CMP a supprimé l’article 14 qui avait été voté conforme, afin de donner la primauté aux dispositions budgétaires qui fixent le principe de la création, mais aussi les modalités de mise en œuvre du fonds de solidarité des départements d’Île-de-France.

Concernant la métropole de Lyon, la CMP a validé la rédaction de l’Assemblée nationale pour cinq des six articles restant en discussion, sous réserve de mesures d’harmonisation avec le régime prévu pour les autres métropoles – comme le principe de l’approbation par le conseil de la métropole de Lyon, à la majorité simple des suffrages exprimés, du plan local d’urbanisme, ou le fait de confier au président du conseil de la métropole la présidence du conseil métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance.

Répondant à un vœu de ses membres directement intéressés, la CMP a supprimé l’indemnité de mobilité qui aurait été versée aux agents transférés, compte tenu du fait que les agents du département qui seront transférés à la métropole ne seront pas soumis à une mobilité géographique.

À l’article 23, a été adoptée une rédaction retenant, pour double critère cumulatif permettant la mutualisation des centres communaux d’action sociale, la contiguïté des communes – critère retenu par l’Assemblée nationale – et leur appartenance à une même conférence territoriale des maires – critère retenu par le Sénat. Enfin, la parité totale parmi les vice-présidents du conseil de la métropole de Lyon a été renvoyée aux élections qui suivront la mise en place de la métropole en 2020, sur la base d’un suffrage particulier.

Quant aux autres métropoles, et à mon initiative, la commission mixte paritaire a adopté une proposition de rédaction qui maintient l’automaticité de la transformation en métropoles, fixée désormais au 1er janvier 2015, des établissements publics de coopération intercommunale qui forment, à la date de la création de la métropole, un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants, ce qui s’appliquera aux agglomérations de Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes et Rouen.

Cependant, les dispositifs dérogatoires destinés à permettre de transformer en métropole les EPCI comprenant un chef-lieu de région – cas de la communauté d’agglomération de Montpellier – ainsi que des EPCI centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants – cas de la communauté urbaine de Brest – seront soumis à l’approbation à la majorité qualifiée des deux tiers des communes représentant la moitié de la population ou de la moitié des communes représentant les deux tiers de la population.

Par ailleurs, le principe de la mise en place, avant 2017, d’un régime électoral spécifique pour les conseils des métropoles a été sauvegardé : cependant, afin de ne pas préjuger inutilement de l’avenir, les caractéristiques et les options envisageables pour ce régime d’élection au suffrage universel direct, dans le cadre des communes ou de la métropole seront étudiées afin qu’un débat s’engage avant l’examen de ce projet de loi.

Enfin, afin d’apaiser les relations entre métropoles et régions, nous avons supprimé toutes les obligations de prise en compte des stratégies des uns par les autres, au profit d’une confiance mise dans la concertation, dans les propositions que feront les chefs de file, et dans l’intelligence territoriale pour organiser l’exercice des compétences économiques de ces deux acteurs majeurs.

S’agissant de la gestion des milieux aquatiques, la CMP a validé le texte de l’Assemblée nationale. Elle a cependant exclu, à l’initiative de rapporteur du Sénat, la possibilité pour les établissements territoriaux de bassin de prendre la forme d’ententes interdépartementales.

M. Jean Launay. C’est bien dommage !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Notre assemblée avait apporté cette précision à la demande du Gouvernement, mais il appert que, pour la mise en œuvre de la loi, la forme syndicale semble la plus adaptée.

S’agissant du transfert au président de l’EPCI des pouvoirs de police en matière de voirie, la CMP a également retenu le texte de l’Assemblée, et non le principe de distinction entre voies principales communautaires et autres voies communales. Elle a cependant retenu de la version du Sénat la possibilité laissée au président de l’EPCI de délivrer des licences de taxi valables sur le territoire d’une ou plusieurs communes.

Elle a naturellement, moyennant quelques précisions rédactionnelles, validé le dispositif de dépénalisation du stationnement payant élaboré par les deux assemblées en cours de navette. Elle a également retenu la version de l’Assemblée qui étend et modernise les compétences des communautés urbaines, notamment en matière d’aménagement concerté, de tourisme, ou de contribution à la transition énergétique.

Après un débat nourri, la CMP a accepté notre proposition d’ouvrir à titre expérimental, pendant une fenêtre réduite à dix-huit mois, la possibilité de créer une communauté d’agglomération regroupant 25 000 habitants en zone littorale, ce qui permettra notamment à la communauté de communes de Fécamp d’accéder à ce statut.

Si elle a retenu le statut et le mode de fonctionnement des pôles d’équilibre adoptés par notre assemblée à l’initiative de notre collègue Florent Boudié, elle a choisi pour ces structures l’appellation de « pôles d’équilibre territoriaux et ruraux », synthèse prenant en compte l’équilibre territorial cher à notre assemblée et la ruralité souhaitée par les sénateurs. Dans les faits, il semble possible que l’on parle de « pôle d’équilibre territorial » et de « pôle d’équilibre rural » suivant les cas.

Nous avons accepté, face à toutes ces concessions faites par le Sénat, et même si à titre personne j’y étais attaché, de ne pas inclure dans le présent texte la création du Haut Conseil des territoires, qui nécessitera davantage d’explications pour persuader nos collègues sénateurs de son utilité pour organiser une vraie concertation entre l’État et les collectivités territoriales sans remettre en question le rôle constitutionnel du Sénat. Je regrette que nous n’ayons pu aboutir sur ce sujet, car je reste convaincu de la nécessité de cette instance dont la création est demandée par de nombreuses associations d’élus.

Comme je l’appelais de mes vœux lors de la deuxième lecture, l’esprit de conciliation et de synthèse a permis à la CMP de sauvegarder les éléments essentiels du projet de loi. Le texte de la CMP répond bien à une demande de rénovation et de responsabilisation de nos territoires, ruraux comme urbains. Ils pourront prendre en main leur destin, élaborer leur propre projet de développement, rassembler leurs énergies aujourd’hui éparses pour disposer d’une « force de frappe » là où cela se révèle nécessaire, sans pour autant dissoudre le tissu des collectivités, notamment des communes, qui permettent au politique d’être toujours au contact de nos concitoyens. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous appelle à approuver le texte élaboré par la commission mixte paritaire.

En conclusion, je tiens, madame la ministre, à vous adresser, une dernière fois, mes remerciements au nom de nombreux collègues, sur tous les bancs, pour votre esprit d’écoute, votre patience et pour avoir veillé à associer le Parlement à l’élaboration de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Quel talentueux rapporteur !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je ne m’exprime pas très souvent dans cet hémicycle et c’est donc avec un peu d’émotion que je prends la parole. Aujourd’hui je remplace Marylise Lebranchu, qui aurait souhaité être présente. Participant aujourd’hui à la conférence métropolitaine à Marseille, elle ne peut être parmi vous. Elle aurait, avec beaucoup plus de conviction et de force que je ne saurais le faire, …

M. Michel Destot. Mais non !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. …primé sa satisfaction devant le résultat de la commission mixte paritaire.

Dans quelques minutes, vous serez appelés à vous prononcer sur un texte qui marque une nouvelle étape dans l’histoire de l’action publique de notre pays. Ce projet de loi, visant à moderniser l’action publique territoriale et à affirmer le rôle des métropoles, doit permettre d’apporter une réponse à nos concitoyens pour qui le manque de coordination des politiques publiques a contribué, ces dernières années, à rendre inintelligible l’architecture d’ensemble de nos pouvoirs locaux.

Une réforme s’imposait donc. Elle s’imposait d’autant plus que la France traverse des circonstances exceptionnelles. Elle connaît depuis plusieurs années une grave crise économique, sociale et politique, qui se manifeste notamment par la difficulté à accompagner nos territoires et, avec eux, leurs élus locaux dans la transformation de leurs innovations en croissance économique de long terme et à préserver la cohésion sociale de notre République. Les modalités actuelles de l’intervention publique n’ont en effet pu répondre à ces défis.

Les réformes mises en œuvre ces dernières années n’ont pas permis de repenser globalement les enjeux de l’intervention publique sur notre territoire : alors que les contraintes budgétaires sont devenues plus fortes, les modalités de l’intervention publique, notamment l’articulation entre l’État et les politiques locales, n’ont pas su évoluer au même rythme. Une forme d’éloignement à laquelle s’est ajouté un sentiment de défiance s’est ainsi installée entre les citoyens et leurs élus, mais aussi entre les élus locaux et l’État.

Or, notre pays a plus que jamais besoin d’une action publique efficace pour améliorer la compétitivité de ses entreprises, renforcer les solidarités entre ses territoires, ses générations.

La loi que Marylise Lebranchu et moi-même vous proposons de voter veut répondre à ces objectifs et s’inscrit dans la droite ligne des États généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat il y a un tout petit plus d’un an. Parlant des collectivités territoriales, le Président de la République affirmait alors : « Nous avons besoin d’acteurs qui soient reconnus, qui soient respectés et en même temps qui soient responsables. » Et il ajoutait : « La démocratie locale, c’est d’abord une exigence de citoyenneté mais c’est aussi un levier de croissance. »

Comment ne pas se réjouir de constater qu’au lendemain de votre commission mixte paritaire, dont je voudrais saluer le travail équilibré, nous n’avons, ensemble, jamais perdu de vue l’ambition initiale de cette réforme : faire que les territoires participent pleinement au redressement économique de notre pays et construire l’action publique du XXIsiècle ?

Je tenais donc en préambule à remercier avec force – et Marylise Lebranchu l’aurait fait mieux que moi – les rapporteurs des commissions ainsi que tous les parlementaires des deux chambres, en particulier ceux qui ont participé à la commission mixte paritaire, pour l’implication dont ils ont fait preuve dans ces débats.

Ce texte, qui sera complété dès le mois d’avril 2014 par un second projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires, ainsi que le Premier ministre l’a récemment annoncé, vise en premier lieu à clarifier les responsabilités des collectivités territoriales et de l’État. Pour atteindre cet objectif, le texte désigne chaque catégorie de collectivités territoriales comme chef de file, notion que vous avez clarifiée et à laquelle vous avez tenu à donner sens. Il propose la mise en place d’une conférence territoriale de l’action publique, dont vous avez souhaité qu’elle allie respect de toutes les catégories de collectivités locales et souplesse de fonctionnement.

C’est là la clef, du moins l’une des clés, de la clarification des relations entre l’État et les collectivités territoriales et entre les collectivités elles-mêmes dans l’exercice de leurs compétences respectives. C’est aussi – et c’est un point important à souligner – la confiance restaurée entre les acteurs en posant les bases d’un véritable partenariat au sein de l’action publique.

En second lieu, le projet de loi entend conforter les dynamiques urbaines en affirmant le rôle des métropoles : la métropole de Paris, la métropole de Lyon, la métropole d’Aix-Marseille-Provence, sans oublier les autres métropoles de droit commun qui, ensemble, ont la volonté de conduire un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire, afin d’améliorer la compétitivité et sa cohésion à l’échelle nationale et européenne.

Je ne saurais trop dire combien le travail mené ici par chacun d’entre vous a permis d’aboutir aujourd’hui à une solution équilibrée pour les métropoles, notamment la métropole du Grand Paris qui, nous le savons, a nécessité de la part de tous une volonté de compréhension et de travail mutuel qu’une fois encore je veux saluer.

La solution retenue par votre commission mixte paritaire répond pour Paris à quatre impératifs. Premier impératif, un périmètre clair et lisible : Paris et sa petite couronne. Deuxième impératif, une efficacité pour le logement : la métropole concentre les compétences en la matière. Troisième impératif, la péréquation : la métropole, EPCI à fiscalité propre, permettra la mutualisation de la richesse fiscale. Quatrième impératif, ne pas créer une région à deux vitesses : c’est pourquoi les intercommunalités en grande couronne doivent atteindre une taille leur permettant de faire valoir leurs politiques et leurs projets dans le concert régional.

C’est uniquement à ce prix que Paris pourra rester compétitif au niveau international et jouer pleinement le rôle qui doit être le sien à l’échelle non seulement de la région mais, au-delà, de l’ensemble des territoires.

Ne nous y trompons pas : la mise en place des intercommunalités en région parisienne ne répond pas seulement à une logique de rayonnement international. La métropole du Grand Paris et les intercommunalités de grande couronne, c’est aussi, et surtout, une formidable avancée pour la solidarité entre les territoires et une réponse réelle aux besoins particuliers de cette région.

Si Paris continuera de constituer une part importante de nos discussions, notamment dans le cadre de la mission de préfiguration que, dans sa sagesse, le Sénat a décidé d’instituer, c’est parce qu’ensemble vous participerez à l’élaboration d’une politique dynamique, au bénéfice des territoires qui entourent la métropole parisienne.

L’un des objectifs poursuivis par le texte aujourd’hui soumis à votre vote est de permettre aux grandes agglomérations françaises d’agir de manière efficace et globale sur leur territoire d’influence, de façon à répondre aux exigences des citoyens et à la compétition qui se joue au niveau européen et international.

Grâce à l’ensemble des travaux parlementaires, nous avançons aujourd’hui, en matière d’intercommunalité, dans le sens d’une intégration plus aboutie. Cela me semble le fruit de la maturation de l’intercommunalité dans les grandes villes. Et l’importance de cette maturation nous interdit de prendre le risque de retarder l’émergence des métropoles et de revenir en arrière par rapport au développement des communautés urbaines.

La reconnaissance des métropoles est une avancée majeure. Elle traduit la réalité du fait urbain et le rôle moteur qu’exercent ces zones d’influence pour l’ensemble du territoire. C’est d’ailleurs parce qu’il a fallu trouver autre chose qui puisse contenir la réalité de nos territoires qu’ont été instaurés les pôles d’équilibre territorial et rural, qui sont là pour participer à l’aménagement global du territoire. À côté des métropoles, il est nécessaire que les territoires se structurent et puissent, à une échelle suffisante, partager une vision de l’avenir de leur aménagement. C’est à cela que doivent concourir ces pôles. Ils répondront ainsi parfaitement à une logique d’équilibre et constitueront le pendant de la métropolisation.

Un mot, enfin, pour saluer la sagesse que votre assemblée a manifestée sur trois sujets en particulier : la création de la compétence « Gestion des milieux aquatiques », à laquelle le Gouvernement a accepté d’apporter un aménagement afin d’éviter une mise en œuvre dans des délais trop rapides et pénalisants ; la dépénalisation des amendes, sujet sensible qui a trouvé sous votre plume un juste équilibre ; le Haut Conseil des territoires, dont vous avez accepté qu’il soit retiré du texte compte tenu des nombreux gages qui ont été donnés ici pour que le dialogue entre les élus locaux puisse véritablement se nouer.

Mesdames et messieurs les députés, vous avez, quelle que soit votre sensibilité, l’occasion de voter aujourd’hui un texte qui vise non pas à transférer les compétences de l’État aux collectivités, mais à renforcer l’efficacité de la puissance publique, qu’elle soit nationale ou locale, et à améliorer la qualité du service public, en s’appuyant sur des collectivités territoriales confortées, responsables, maîtresses de la façon dont elles entendent exercer leurs compétences.

Ce texte, vous l’avez enrichi, renforcé et équilibré tout au long des débats que nous avons vécus ensemble depuis plus de huit mois désormais. Il répond à trois principes majeurs : une idée de la République, la diversité de nos territoires, la subsidiarité des compétences. Il traduit concrètement des engagements forts du Président de la République. Il porte la marque de 1’intelligence territoriale, au sens du discernement collectif. Je crois qu’ensemble nous avons pu ainsi poser la première pierre de ce chantier fondamental que nous allons continuer de conduire, avec vous, tout au long de cette législature, au service des Français. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles n’est pas anodine, et les dynamiques territoriales qu’elle met en œuvre toucheront l’ensemble des Français dans leur vie quotidienne. Autant vous le dire dès à présent, nous n’avons pas eu la grande loi que nous attendions, et de nombreux points doivent être jugés comme négatifs. Toutefois, les métropoles, telles qu’elles sont créées par cette loi, permettront, nous semble-t-il, d’adapter la France aux réalités d’aujourd’hui entre centralités urbaines et richesses rurales, et ce dans une vision régionale forte.

Je commencerai par aborder les points décevants, dont certains posent de vrais problèmes.

Nous devons vous dire notre désappointement devant la simplification des structures administratives. Entre une architecture administrative issue de la fin du XVIIIsiècle, fondée sur la commune et le département, et une autre, moderne, datant de la fin du XXsiècle, fondée sur les communautés de communes et les régions, cette loi ne permet pas de véritable choix face aux nouveaux défis posés par l’action territoriale. Le fameux millefeuille ne sera donc pas simplifié par ce texte, à notre grand regret. Il n’a ni l’ambition ni le souffle des lois Defferre de 1982, et il n’emprunte pas suffisamment la voie entrouverte par la révision constitutionnelle de 2003 établissant l’organisation décentralisée de la République,

Désappointement encore devant la suppression pure et simple du Haut Conseil des territoires par la commission mixte paritaire, qui a trouvé là, il est vrai, une possibilité d’accord. Cette instance officielle de dialogue entre l’État – et plus particulièrement le Gouvernement – et les associations nationales d’élus locaux était pourtant l’un des points forts de la campagne de François Hollande, qui s’était engagé à associer les élus locaux à la nouvelle étape de la décentralisation. Cette instance aurait dû favoriser la concertation en amont de la procédure législative et aurait aussi enrichi le travail parlementaire.

Mais brisons l’énumération, relativement longue, de nos désaccords avec le texte tel qu’il devrait être voté aujourd’hui. Allons de l’avant, madame la ministre !

L’avenir de notre pays passera par ses régions. Il a été établi dès l’introduction de cette loi qu’elles feraient l’objet d’un second volet de la loi sur la décentralisation. Soit. Nous avons entendu le Premier ministre annoncer le 13 décembre dernier, à Rennes, que le texte serait présenté au Parlement au mois d’avril prochain, et s’engager à lancer – enfin ! – une véritable décentralisation. Ainsi, la perspective d’une régionalisation se fait désormais plus claire avec l’annonce de transferts de compétences nouvelles, l’exercice différencié de certaines compétences, ou encore un pouvoir accru d’adaptation réglementaire donné aux régions en fonction des spécificités territoriales. Ces annonces sonnent bien. Toutefois, le groupe écologiste veillera tout particulièrement à ce qu’elles se traduisent dans la loi à venir.

Un constat s’impose : tous les États d’Europe occidentale de taille comparable à la France ont adopté soit un système fédéral où toutes les régions participent au processus normatif dans son entièreté – c’est le cas de l’Allemagne –, soit un système différencié d’autonomies régionales pouvant s’appliquer à l’ensemble du territoire, comme c’est le cas en Espagne, en Italie ou, dans une certaine mesure, au Royaume-Uni.

Il est en effet bon de rappeler ce qui est à l’œuvre chez nos voisins : la région partage avec l’État le pouvoir normatif et les assemblées ou parlements régionaux s’imposent en droit et en fait aux autres niveaux de collectivités, y compris les métropoles, sans que cela soulève de contestation. Car si le fait métropolitain doit permettre d’organiser des fonctions essentielles – pour ne pas dire vitales – d’attractivité économique, il appartient au fait régional d’assurer une juste répartition des richesses, des services publics, et plus généralement de préserver le lien social sur l’ensemble du territoire concerné.

Entendons-nous bien, ce que nous défendons, c’est bien que les métropoles servent l’ensemble du territoire et que toutes les collectivités locales tirent dans le même sens.

Cela étant précisé, notre groupe constate que la loi sur laquelle il nous est demandé de nous prononcer aujourd’hui énumère clairement les compétences confiées aux conseils régionaux, à savoir la promotion du développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire. Autre sujet qui nous tient particulièrement à cœur, à nous écologistes : le conseil régional doit assurer la préservation de l’identité régionale ainsi que la promotion des langues régionales, et ce – mais c’est une évidence – dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes.

Nous constatons également avec satisfaction que l’article 3 de la loi maintient la région comme chef de file pour la protection de la biodiversité, le climat, la qualité de l’air, l’énergie, l’intermodalité et la complémentarité entre les différents modes de transports, sans oublier l’enseignement et la recherche ; autant d’enjeux dont chacun s’accorde à dire qu’ils dépassent largement la sphère métropolitaine.

Le renforcement de la démocratie est une exigence permanente. En cela, la décision d’imposer le suffrage universel direct aux élections de 2020 est une avancée notable que nous saluons, et nous remercions le Gouvernement de nous avoir écoutés. Cependant, le suffrage universel direct pour toutes les élections est une exigence défendue depuis toujours par les écologistes, soucieux de lier les citoyens au projet de leur territoire et aux élus appelés à le défendre, soucieux de lier le peuple à la direction de son destin commun. Mais l’arbitrage de la commission mixte paritaire a introduit un biais législatif dans le suffrage universel direct, ce que nous dénonçons.

Sur ce point également, le groupe écologiste saura se montrer extrêmement vigilant : jamais nous n’accepterons l’émergence de métropoles semblables à de vastes ensembles technocratiques, au sein desquels les décisions, touchant plusieurs millions de personnes et représentant des budgets colossaux, seraient prises par une oligarchie d’experts et de fonctionnaires non élus et n’ayant pas reçu de mandat direct de leurs habitants.

Les débats sur la métropole de Paris ont permis des avancées. Divers points mériteraient d’être améliorés, qu’il s’agisse de l’intégration des départements dans la métropole, de l’équilibre entre les EPCI actuels et la future métropole, ou d’une meilleure répartition des rôles entre la région Île-de-France et la métropole.

Rappelons que certains de nos amendements ont permis des progrès, notamment celui relatif au logement et à la circulation dans Paris, soutenu par tous les élus parisiens, témoignant ainsi des attentes de ceux qui veulent assumer localement leurs responsabilités. Cependant, les avancées pour la métropole de Paris sont encore insuffisantes, voire biaisées.

La métropole de Lyon apporte des réponses à un certain nombre d’interrogations et offre une perspective intéressante, que nous aurions aimé appliquer à des territoires comme l’Alsace ou le Pays Basque.

Quant à la métropole Aix-Marseille-Provence, qui, il faut bien le reconnaître, a été bloquée dès la première lecture au Sénat, nous regrettons qu’il ait été impossible de l’enrichir. Cependant, les dispositions essentielles sont lancées. Ce territoire, qui n’a pas su se mobiliser collectivement autour d’atouts remarquables, dont chaque commune porte une part qu’il faut protéger, dispose à présent d’une feuille de route, d’un horizon collectif, d’une ambition : celle de devenir ce territoire remarquable, ce territoire de référence en termes de transition écologique, de gouvernance moderne et apaisée.

Ce territoire a tout pour réussir. Vous nous en donnez en tout cas les moyens grâce à la mission de préfiguration que vous avez instituée autour du préfet Laurent Théry. Ce débat public auquel vous vous êtes engagés – demain aura lieu la deuxième édition de la conférence métropolitaine – et qui se tiendra sur deux années, permettra aux citoyens du territoire de s’emparer du projet. Nous avons en effet besoin de tous les citoyens pour l’enrichir et, sans attendre, avancer sur cette future gouvernance.

Ce faisant, vous permettez à tous, qu’ils soient élus ou citoyens, de construire ensemble l’avenir de la métropole Aix-Marseille-Provence, un avenir d’ambition. J’appelle tous les élus, les forces sociales, les forces économiques et les citoyens de ce territoire à saisir cette chance, à sortir de leurs guerres de clochers pagnolesques, afin de permettre à ce territoire de devenir la référence d’un nouveau modèle de développement.

Au vu de toutes ces avancées mais aussi des manquements, voire des inquiétudes concernant les métropoles et le suffrage universel direct, le groupe écologiste s’abstiendra ; cette décision a été prise après la réunion de la commission mixte paritaire. Nous voulons tout de même rappeler avec force que nous serons toujours au rendez-vous d’une décentralisation ambitieuse et de la responsabilisation des acteurs locaux, validée par un réel suffrage universel direct.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous parvenons au terme de l’examen de ce texte qui engage une mutation profonde et radicale de l’organisation des territoires. Ce bouleversement ébranle la nature même des relations des citoyens à leur espace et remet en cause des territorialités façonnées par notre histoire, et qui structurent la citoyenneté. En portant atteinte à l’unicité de traitement républicaine, il ouvre la porte au démantèlement du territoire national.

En effet, ce texte ouvre la voie à la déstabilisation de nos administrations locales, à l’effacement des départements, des communes et de leurs coopérations intercommunales, au profit d’une conception recentralisatrice des régions et des métropoles, initiée par la réforme de décembre 2010.

Ce faisant, votre réforme foule aux pieds les besoins et les préoccupations des élus locaux, pourtant clairement exprimés lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat en octobre 2012. Rappelons qu’à cette occasion, plus de 20 000 élus locaux, souvent très critiques envers la réforme de 2010, ont réaffirmé leur attachement à la commune, la nécessité de respecter chaque niveau de collectivité et d’évaluer les différentes lois de décentralisation avant de procéder à toute nouvelle réforme.

Sur la forme, le découpage de l’« acte III » de la décentralisation en trois parties distinctes et le calendrier retenu pour l’examen de cette réforme sont révélateurs. En décidant d’examiner d’abord la partie consacrée aux métropoles, vous avez pris les choses à l’envers. Il aurait été en effet plus cohérent de commencer par les fondations, c’est-à-dire la commune, ce qui aurait permis de rappeler sa place absolument essentielle dans notre organisation territoriale. Or vous avez préféré partir d’en haut, de l’affirmation de métropoles qui vont en quelque sorte chapeauter la République. La démarche choisie est claire : il s’agit de concentrer les pouvoirs locaux et d’éloigner les citoyens des lieux de décision.

Ce premier volet de la réforme consacre donc l’abandon d’une conception de la décentralisation fondée sur les dynamiques locales et sur le principe d’égalité des territoires, d’une conception coopérative entre les communes, leurs intercommunalités, les départements et les régions.

Il privilégie au contraire une conception centralisatrice des communautés urbaines et des métropoles, qui va contribuer à éloigner encore plus les citoyens des lieux de décision pour mieux les inscrire dans une mondialisation à la fois uniforme, stéréotypée et financiarisée.

Par ailleurs, pour mieux intégrer le fait métropolitain, ce projet de loi passe du choix volontaire à l’application automatique du statut de métropole, dès lors que les conditions légales sont réunies.

Seront ainsi automatiquement transformés en une métropole les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants.

Concernant la répartition des compétences, l’opposition entre l’habilitation générale de la collectivité à prendre en charge l’intérêt public local et le principe de spécialité qui caractérise traditionnellement les EPCI est remise en cause par le renforcement des compétences et du rôle des métropoles. En effet, celles-ci élargissent leurs compétences de nature communale, gardent les principales compétences départementales, et acquièrent en outre des compétences régionales par convention.

Les marges de manœuvre qu’offrent ces compétences obligatoires ou facultatives sont telles que la question de la clause de compétence générale restituée aux régions et aux départements n’a plus qu’un intérêt marginal, dès lors qu’existe une métropole sur le territoire régional.

En réalité, ce texte apparaît bien comme un projet de recentralisation antidémocratique et non, hélas, comme une nouvelle étape de décentralisation.

Votre projet de métropole du Grand Paris en est une parfaite illustration. Alors que l’intercommunalité avançait, vous balayez d’un revers de main les dix-neuf EPCI de la petite couronne et, avec elles, le long travail de coopération entre les villes qui commençait à faire émerger de véritables dynamiques de territoire, tellement nécessaires pour une métropole solidaire, polycentrique et attractive.

En passant en force contre l’avis d’une majorité d’élus locaux qui souhaitent en finir avec le statu quo et être partie prenante d’une dynamique métropolitaine ambitieuse, vous prenez le risque de démolir le patient travail entrepris depuis plusieurs années, notamment au sein de Paris Métropole, pour une prise en compte par tous de leurs responsabilités dans les défis communs pour une métropole attractive et solidaire.

Avec ce chamboulement institutionnel, dont le meccano comporte plus que des zones d’ombre, les grands projets en cours d’élaboration par les intercommunalités risquent d’être purement et simplement gelés pendant plusieurs années, au détriment du développement de l’Île-de-France, de l’urgence de la création de logements et du développement de l’emploi.

Votre conception de la métropole du Grand Paris, dont le périmètre crée une nouvelle frontière dans l’Île-de-France, n’apportera aucune réponse aux problèmes des Franciliens. Rien n’est prévu pour lutter réellement contre les terribles inégalités entre les territoires. Les dispositions concernant la solidarité financière entre les départements, insuffisantes au demeurant, ont été renvoyées en loi de finances, ce qui démontre au passage qu’il n’est pas besoin de votre conception de la métropole pour renforcer la péréquation.

Pour notre part, nous considérons toujours que la métropole du Grand Paris doit se construire dans une démarche ascendante, dans le respect des dynamiques de territoires existantes et potentielles. Les contrats de développement territoriaux font ainsi la démonstration du potentiel de la méthode coopérative et contractuelle, et cela à partir de la coopération des communes et de leurs regroupements.

De même, la mise en place de la métropole Aix-Marseille-Provence, témoigne du caractère antidémocratique et autoritaire de votre démarche métropolitaine. En refusant en première lecture tout amendement à l’article 30, qui instituait cette métropole, vous avez ajouté un déni de démocratie à un texte qui en compte déjà beaucoup.

Rappelons que 109 maires sur 119, cinq présidents d’EPCI sur six et sept sénateurs sur huit sont contre l’instauration à marche forcée de cette métropole. Ils ont formulé des propositions alternatives équilibrées qui ont été balayées d’un revers de main.

En résumé, en Île-de-France, à Lyon, à Marseille, la métropole centrale deviendra le seul lieu de pouvoir et de décision. Les communautés d’agglomération et de communes, construites sur des projets et des dynamiques de territoire, lieux d’innovation et d’expérimentation, seront balayées. La commune, reconnue par la République comme le lieu fondamental de la démocratie, sera vidée de ses compétences et dépérira. C’est la fin des maires bâtisseurs, élus sur des projets forts qui valorisent leur territoire.

Nous contestons l’organisation territoriale que cette réforme dessine et nous récusons, de manière globale, la démarche engagée. Comme l’a souligné mon collègue Marc Dolez en deuxième lecture, la discussion a permis sur plusieurs points de mieux mettre en perspective ce qui nous est proposé.

Trois points méritent d’être cités à titre d’exemple. Premièrement, avoir fait sauter le verrou du référendum pour la fusion des régions laisse augurer, à terme, un remodelage de la carte régionale, avec la constitution de grandes régions à l’échelle européenne.

Deuxièmement, le rapport que le Gouvernement s’est engagé à remettre sur les effets de la possible suppression des départements de la petite couronne montre que la disparition des départements constitue bel et bien une perspective.

Enfin, le souhait, émis lors des débats par Mme la ministre, d’un projet de loi électoral permettant, en 2017, d’élire les métropoles au suffrage universel direct, ferait de ces dernières des collectivités territoriales à part entière, dans une organisation tout à fait différente de celle d’aujourd’hui, avec de grandes régions, de grandes métropoles, des communes et départements mis à mal et un État quasi inexistant.

Je le répète, nous réfutons l’organisation territoriale que cette réforme dessine et récusons la démarche engagée. Dans ces conditions, vous ne vous étonnerez pas que notre groupe vote résolument contre ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mes chers collègues, alors que je prends la parole pour la dernière fois à cette tribune dans le cadre de l’examen de ce texte, permettez-moi d’évoquer, avec beaucoup d’affection, Nathalie Appéré, au nom de qui j’ai la possibilité de parler. Il est des soirs, en Bretagne, où les tombées de nuit peuvent ne pas avoir l’éclat, la beauté, la douceur de ceux que la ville de Rennes sait offrir à certains de ses habitants l’été venu.

M. Michel Destot. Que c’est bien dit !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais je veux lui rappeler cette belle phrase du mendiant dans Électre de Giraudoux qui, évoquant le tumulte, le désastre dans la nuit qui va s’achever, répond à la question suivante : …

M. Patrick Devedjian. Cela s’appelle l’aurore !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur Devedjian, vous gâchez la chute (Sourires), mais je suis heureux que vous vous associiez à cela !

« Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève [… ] et qu’on a tout perdu ? – Cela s’appelle l’aurore. »

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est l’aboutissement de la commission mixte paritaire dont les conclusions ont été adoptées ce matin au Sénat. Avec mon groupe, je suis soulagé de l’issue de ce vote de la Haute Assemblée, et je m’en félicite. Il était difficile en effet d’imaginer qu’un dispositif de cette nature ne reçoive pas l’appui, le soutien d’une majorité des sénateurs, dont nous connaissons la vocation et le processus de responsabilité. C’est sans nul doute, je le crois, la conséquence forte et claire d’un travail minutieux qui a été fait dans nos deux assemblées pour replacer chacune et chacun des parlementaires devant l’enjeu de ce texte et dans la chronologie des dispositions législatives que le Gouvernement veut mettre en œuvre, notamment avec le deuxième texte, déjà annoncé, comme vous venez de le rappeler, madame la ministre, sur les régions.

Nous avons parcouru un long chemin qui répond, je crois, à notre tradition républicaine. Un orateur l’avait déjà dit, citant Montesquieu : lorsque, dans un pays, l’on n’entend ni bruit, ni disputes, c’est que la liberté n’y est pas. Du bruit, il y en a eu beaucoup, des disputes aussi, et, je me permets de le dire pour soulager toutes les consciences, dans tous les camps, et ce d’une manière totalement contradictoire. (Sourires.)

À cet instant, ce qui importe, c’est de revendiquer l’offre que font le législateur et le Gouvernement aux élus de nos territoires. C’est l’offre de construire, comme je l’ai rappelé en deuxième lecture, lundi dernier, lors de l’explication de vote que j’ai faite au nom de mon groupe, l’offre d’engager notre pays en faveur d’un socle institutionnel nouveau, faisant entrer pour la première fois le fait urbain dans notre organisation territoriale. Et j’ai voulu souligner, dans cette intervention, qu’il ne suffit pas de faire entrer le fait urbain : encore faut-il faire en sorte qu’il cohabite avec la ruralité, sans quoi nous manquerions à cette exigence de fidélité aux racines de notre territoire, c’est-à-dire à la manière dont la République et notre pays se sont construits tout en étant porteurs de cet enjeu nouveau qui, au fil du temps, a vu l’urbanité s’imposer comme lieu de vie de la majorité des habitants. Et nous manquerions tout autant à l’histoire de notre pays qui a su faire progresser ses institutions et à ce besoin de construire l’avenir au nom de cette belle formule de Pierre Mauroy, qui fait de chaque républicain un « héritier de l’avenir ».

Bien sûr, nous ne sommes pas entièrement satisfaits des conclusions de la CMP, dans la mesure où un certain nombre de points ont été abandonnés. Je pense, en particulier, au Haut Conseil des territoires. Notre groupe estimait qu’il s’agissait d’une étape nécessaire à l’évolution de nos territoires. Mais il faut accepter ses conclusions car, lorsqu’on veut prendre le départ d’une marche aussi longue que celle que dessine cette loi, il faut s’assurer de la présence du plus grand nombre. C’est pourquoi, comme je l’ai dit à l’instant, je me suis félicité du vote du Sénat.

Le fait métropolitain existe dans la vie réelle de nos concitoyens. Comme il ne se traduit ni dans le processus institutionnel, ni dans le processus organisationnel, il est source de difficultés, de souffrances, de problèmes, d’énormes pertes de temps et de moyens. C’est vrai pour nombre de territoires que nous avons évoqués, et plus encore pour la région capitale.

L’une des difficultés auxquelles se sont heurtés les élus de ce territoire, c’est la complexité et l’impossibilité d’instaurer le fait de gouvernance. Or, ce texte nous offre la possibilité de « faire gouvernance », comme à Aix-Marseille, comme à Lyon, mais aussi comme dans toutes ces belles villes chefs-lieux de territoires qui, demain, entreront dans cette démarche et seront, du même coup, porteuses de tous les enjeux que nous avons évoqués, du développement économique à la cohésion sociale, du logement aux transports. Cette réalité, je le dis très clairement, est une promesse d’avenir.

Nous avons, un peu contraints parce que nous ne nous étions pas placés dans cette démarche, ouvert la porte à l’enjeu rural. Vous avez bien fait, madame la ministre, et le Gouvernement avec vous, de faire en sorte qu’il n’y ait pas de confusion. En installant ce processus organisationnel autour de la métropole, c’est-à-dire ce fait urbain que j’évoquais tout à l’heure, il est bon que nous ayons immédiatement ouvert le champ à l’exigence républicaine qui aura pour finalité de faire que les territoires urbains ne s’opposent pas à la ruralité. Je pense que le texte sur les régions viendra donner à celles-ci des compétences stratégiques susceptibles de porter la part essentielle de la responsabilité de la cohérence des territoires, l’urbain, le « central » des métropoles, au point de considérer qu’une partie de leur dynamique devra être installée sur ces territoires ruraux.

Enfin, je veux souligner qu’il n’y a jamais de dispositif simple pour régler des problèmes complexes : c’est la tentation du simplisme. Les lois de 1992, de 1999, de 2010 étaient d’apparence complexe parce qu’elles avaient trait à des réalités elles-mêmes complexes. Mes chers collègues, si vous voulez vous endormir, il vous suffit d’ouvrir le code des collectivités territoriales, et vous verrez qu’au bout de la cinquième page soit vous dormirez, soit vous aurez très mal à la tête. (Sourires.) Mais cette réalité ne nous empêche pas d’être, au quotidien, acteurs de nos territoires, en toute compétence et responsabilité, dans ce double processus de partenariat de l’État et de mise en œuvre des réflexions communes. Dès lors, je considère que le problème de la complexité, qui est évident – le nier reviendrait à nier la réalité –, ne nous empêchera pas de nous trouver présents au point de départ : la préfiguration de la métropole du Grand Paris, les débats qui s’ouvrent, auxquels Mme Lebranchu participe – comme cet après-midi à Marseille – et qui sont peut-être la meilleure traduction de ce qu’il faut commencer à faire. Entamer le travail entre élus, voilà qui nous sauvera, car j’ai confiance dans tous les élus, dans leur aptitude à se dépasser eux-mêmes, à voir au-delà de leur propre intérêt, à conserver une seule obsession : offrir demain à ceux qui donneront le meilleur d’eux-mêmes les instruments permettant de répondre aux besoins des territoires, des habitants. Cela s’appelle construire la République, et je sais que vous y participerez tous.

Madame la ministre, nous allons voter ce texte avec beaucoup d’enthousiasme, celle qui est un défaut quand on se couche le soir, mais un grand espoir quand on se lève le matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian. Monsieur Le Bouillonnec, il est amusant que vous ayez évoqué Électre en parlant du projet de loi sur les métropoles et que vous ayez dit que c’est dans l’effondrement général que s’annonce l’aurore.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non, dans le regard !

M. Patrick Devedjian. Cela montre que vous avalisez l’effondrement général !

Je ne voudrais pas que vous fassiez la confusion entre le crépuscule et l’aurore car, entre les deux, il y a la nuit !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Bruno Le Roux. Et alors ?

M. Patrick Devedjian. S’il y a la nuit, c’est embêtant !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’aurore, c’est la sortie de la nuit !

M. Patrick Devedjian. Mais avant de voir l’aurore, il va falloir attendre toute la nuit !

Je conviens volontiers que le principe des métropoles s’inscrit dans une évolution mondiale. (« Ah ! »sur les bancs du groupe SRC.) Bien sûr, j’en conviens, comme je conviens volontiers qu’il est propice à la croissance – sous la réserve, toutefois, de cet avertissement qui n’est pas périmé et que nous donne la Bible à travers le mythe de la tour de Babel qui, lui aussi, conduit à un effondrement, encore plus grave.

L’UMP est tellement convaincue de cette nécessaire évolution vers la métropole que c’est elle qui a ouvert – avec prudence – le chantier de sa réalisation en région parisienne.

C’est en effet Nicolas Sarkozy qui a mis en œuvre le très important projet des transports du Grand Paris qui, à l’évidence, définit le territoire de la métropole. Cette première phase a donné lieu à une longue et soigneuse concertation avec tous les élus concernés, pour aboutir à un projet qui, entre le début et la fin, a profondément évolué, puisqu’il est passé de quarante gares au commencement à soixante-douze à son achèvement. La majorité de l’époque a pris grand soin d’écouter l’opposition de l’époque.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas toujours !

M. Patrick Devedjian. Bien sûr que si, puisque le projet a été adopté à l’unanimité, comme en témoigne encore le fonctionnement de la société du Grand Paris.

La deuxième phase concernait la gouvernance, sujet encore plus difficile que celui des transports. Aussi la loi avait-elle confié à Paris Métropole, syndicat d’élus, le soin d’être le laboratoire des principes sur lesquels devait s’établir cette gouvernance.

Comme si la question n’était pas suffisamment difficile, le Gouvernement, prétendant mettre en œuvre un troisième acte de la décentralisation qu’on chercherait avec une loupe, lançait un projet d’affirmation des métropoles sur l’ensemble du territoire national et, en ce qui concerne la région parisienne, sans concertation aucune et sans étude d’impact.

Ce qui caractérise le texte auquel nous aboutissons aujourd’hui, c’est d’abord l’autoritarisme, c’est ensuite l’improvisation, c’est enfin l’appétit de pouvoir. Ces trois tares génétiques du projet donnent lieu à de très nombreuses inconstitutionnalités, comme j’ai eu l’occasion de le dire.

À Paris, commencé par un amendement brutal et dissimulé, le projet s’achèvera par une ordonnance dont on ne connaît même pas les orientations. Véritable loi dans la loi, cet amendement a été revendiqué dans la presse par plusieurs de ceux qui l’ont soutenu comme le fruit d’un « coup d’État parlementaire ». Le ridicule le dispute à la malice.

M. Alexis Bachelay. Expression malheureuse !

M. Patrick Devedjian. Quant au Gouvernement, il n’a trouvé qu’une seule excuse à son procédé : le fait que la concertation avec Paris Métropole et avec le Sénat n’avait pas abouti…

M. Alexis Bachelay. C’est vrai !

M. Patrick Devedjian. …alors que la gauche, au Sénat comme à Paris Métropole, est théoriquement majoritaire.

M. Alexis Bachelay. Pas tout à fait !

M. Patrick Devedjian. La vérité est que le Gouvernement a échangé avec l’un et l’autre, mais n’a jamais travaillé sérieusement. Cela prend effectivement du temps. Paris ne valait pas une messe de concertation.

À Paris, l’instrument improvisé de la métropole est un objet juridique non identifié, un prétendu établissement public à statut particulier mais sans coopération intercommunale, quoi qu’on en dise. Ce n’est pas un EPCI.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr que si !

M. Patrick Devedjian. Mais, faute de définition, par la loi, du dispositif financier, budgétaire et fiscal, ce n’est pas non plus un établissement public, d’autant qu’il n’a aucune collectivité de rattachement.

À Lyon, l’instrument est une collectivité territoriale à statut particulier, produit d’un petit arrangement entre amis, accompagné de fortes inégalités particulières sur la question du cumul des mandats ou sur celle de la parité.

À Marseille, le statut de la métropole est celui d’un EPCI de droit commun, encore que le processus de création soit autoritaire, malgré l’opposition de cent neuf communes, ce qui n’est pas rien.

Ainsi, les trois grandes métropoles françaises auront trois statuts différents, avec des compétences différentes, des régimes de dotations différents. Les dégâts ainsi causés sont nombreux.

D’abord, ce qu’on pourrait appeler un dîner de croupions. Au moins deux régions déséquilibrées, Rhône-Alpes et Île-de-France, dont les présidents sortants restent tétanisés. Des EPCI abattus en plein élan, donnant lieu au transfert centralisé de compétences variables et très complexes, dont l’exercice sera très difficile à remettre en route. Des communes dépossédées de manière très inégalitaire de leurs compétences substantielles. Une densification de la région parisienne, déjà la plus dense de toute l’Europe, avec l’embolie programmée de toutes les formes de déplacement. La destruction de la décentralisation urbanistique de Gaston Defferre, que l’administration de l’équipement n’a jamais acceptée, mais qui avait transformé les banlieues dortoirs en villes à part entière.

De profondes inégalités de traitement. D’un côté, un dispositif contraignant pour achever en Île-de-France l’achèvement de la carte intercommunale et promouvoir les EPCI, de l’autre la suppression pure et simple de dix-neuf EPCI en petite couronne. De profondes disparités entre petite et grande couronne au sein de la même région. Une véritable frontière créée à l’intérieur de la région.

La vocation d’une métropole, ce sont les compétences stratégiques. Or les transports sont hors champ, les aéroports sont hors champ, bien d’autres fonctions essentielles au bon fonctionnement d’une métropole ne lui sont pas dévolues.

Négation absurde du principe de subsidiarité, on centralise au niveau de la métropole, puis on délègue aux anciens titulaires, en gardant néanmoins le contrôle. Ainsi, chose amusante, c’est le président de la métropole qui nommera le directeur général des services des différents conseils de territoire : aucune confiance dans les élus pour recruter leurs propres personnels !

Le résultat de tout cela sera, à l’évidence, une immense confusion, avec un très grave encombrement des tâches à réaliser et, en fait, la mise en péril du projet de métropole lui-même, rendu beaucoup plus difficile à réaliser en raison d’une mauvaise méthode et d’une précipitation autoritaire mal venue.

Vous avez pensé que la fin justifiait les moyens ; la fin ne sera pas atteinte et les moyens ne seront pas justifiés. De toute façon, la fin ne justifie jamais les moyens. Malgré les pouvoirs de l’ordonnance, je ne donne pas un an avant que vous soyez contraints de revenir ici-même, devant notre assemblée, pour commencer à démêler l’écheveau. Votre politique de Gribouille nous conduit nécessairement, et sans doute rapidement, à une impasse. C’est pourquoi nous voterons contre.

M. Alexis Bachelay. Cassandre !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. C’est un texte qui pourrait s’inscrire dans un grand débat sur les réformes de structure et l’adaptation de la France à la mondialisation. Nous parlons des métropoles : comme plusieurs d’entre vous l’ont dit, elles constituent des pivots dans la réorganisation de nos territoires, au moment où sont bouleversés, nous le voyons chaque jour, les schémas établis et les organisations imaginées il y a plusieurs dizaines, voire centaines d’années.

Pour autant, est-ce qu’on s’est posé la question de savoir quelles métropoles nous voulons ? Une chose est de reconnaître et d’affirmer les métropoles, une autre est de définir de quelles métropoles nous avons besoin. En fin de compte, la question essentielle, celle de la vocation d’une métropole, se l’est-on seulement posée ? S’est demandé à quoi sert une métropole ?

Dans un pays comme le nôtre, le rôle d’une métropole n’est pas forcément le même que celui que l’on observe aux quatre coins du monde, dans des pays émergents comme le Brésil, la Chine ou l’Inde. Les métropoles, dans ces pays, ont la particularité d’avoir une vocation productive. Si vous allez dans ces mégalopoles des pays émergents, qui comptent plusieurs millions d’habitants, vous y trouverez des fonctions productives que nous n’avons pas dans les métropoles françaises.

Le seul intérêt d’une métropole réside dans l’articulation avec le reste du territoire. Pour nous, le seul intérêt d’une métropole est son articulation avec nos territoires à faible densité, ceux-là mêmes qui ont une vocation productive. À quoi sert d’avoir des fonctions tertiaires, des fonctions créatives, des fonctions à valeur ajoutée, si l’on ne les met pas au service du reste de notre territoire, celui qui a une vocation productive et bénéficie des principaux avantages comparatifs ?

C’est pourquoi, en scindant les débats, en examinant aujourd’hui les métropoles et demain les région, vous commettez déjà une erreur manifeste. Si l’on ne part pas de ce que la France a et que les autres n’ont pas, on commet une erreur grave pour l’avenir de nos territoires.

L’économie métropolitaine n’est pas une économie différenciatrice. On trouve dans toutes les métropoles du monde les mêmes tours, de plus en plus souvent le même urbanisme et les mêmes savoir-faire. Nous souffrons, de ce point de vue, d’un désavantage compétitif, puisque nous avons moins de capitaux que la plupart des pays émergents. La métropole n’a donc de sens que si elle se met au service de notre économie industrielle, de notre économie agricole, de notre économie artisanale, de notre économie touristique. L’unique question est de savoir si, en France, on a tout fait pour que des métropoles soient au service de nos territoires.

Il ne suffit pas de dire : « Il existe des métropoles, faisons comme les autres. » Cette vision est erronée et ne constitue pas un bon point de départ.

Avec quelques parlementaires et des universitaires, nous avons fait un petit travail. Nous avons interrogé cinquante grandes entreprises françaises en leur demandant leur carte de France. Nous avons sollicité les grandes centrales d’achat, des entreprises d’assurance, des banques et nous avons rassemblé cinquante cartes de France : les cartes de France de cinquante organisations qui font vivre notre économie. Nous avons porté chaque carte sur un calque et nous avons superposé ces cinquante calques, pour obtenir la carte de la France qui vit, la carte économique, la carte commerciale, la carte professionnelle, la carte sociale… Nous avons vu se dessiner une carte comportant huit à dix grandes régions et huit à dix métropoles. Cette carte n’est pas celle d’un modèle administratif, c’est celle d’une France qui vit.

La manière dont nous construisons, dans cet hémicycle, les futures métropoles, les futures régions, converge-t-elle vers les modèles d’organisation qu’ont déjà adoptés ceux qui ont la charge de faire vivre la France au plan économique ? Nous nous sommes aperçus que non. Non seulement nous n’observons pas une telle convergence, mais nous constatons que les présupposés ne sont pas les mêmes : sur ce projet, on est parti sur la simplification, la reconnaissance des métropoles, mais sans que se rencontrent la France telle qu’elle vit et la France que vous imaginez administrativement.

La grande erreur, c’est de ne pas avoir une approche d’aménagement du territoire, mais une approche technocratique, administrative, voire corporatiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Même à Neuilly, il pourrait y avoir de l’industrie, monsieur le maire !

M. Jean-Christophe Fromantin. Si nous avions une approche de développement, nous verrions une carte se dessiner logiquement, nous aurions une feuille de route pour gérer nos mobilités, ainsi qu’une réponse simple au débat sur la réforme fiscale.

Si, demain, nous étions capables de tracer les frontières de grandes régions et de grandes métropoles, à partir de considérations économiques approfondies et raisonnées, nous aboutirions forcément à une nouvelle allocation des compétences et à une nouvelle allocation fiscale. Refuser de faire de cette réforme territoriale une vraie réforme de structure rend l’exercice extrêmement difficile.

Le deuxième élément, c’est l’« atterrissage » sur la métropole du Grand Paris.

En tant que maire, je crois que ce qui stimule l’engagement politique, c’est de pouvoir disposer de leviers d’action, de pouvoir travailler dans nos villes respectives – dont les configurations, les histoires et les projets diffèrent – dans une perspective de mise en cohérence, certes, mais, avant tout, de pouvoir disposer de leviers d’action. C’est en tout cas ce qui m’a motivé lorsque je me suis présenté à une élection. Candidat à la mairie, je me suis dit que je disposerai de moyens pour développer un projet.

Or, que restera-t-il désormais du rôle du maire ? Pas grand chose. Tous les pouvoirs structurants disparaîtront,…

M. Alexis Bachelay. Trente-six mille communes !

M. Jean-Christophe Fromantin. …tant en ce qui concerne l’urbanisme que le logement ou les opérations d’aménagement. En 2016, tous ces pouvoirs nous échapperont. Nous nous présenterons demain devant nos administrés en leur expliquant que le maire qu’ils éliront en 2014 ne disposera plus des pouvoirs qu’ils lui prêtent.

M. Jean-Marie Le Guen. M. Fromantin n’a même pas d’intercommunalité !

M. Patrick Devedjian. Y en a-t-il à Paris ?

M. Jean-Christophe Fromantin. Sortez un peu de ce débat de bas étage, monsieur Le Guen ! Vous m’offrez toutefois une occasion extrêmement intéressante. Vous râlez, vous pestez sur la question du logement en demandant à combien s’élève le pourcentage de logements sociaux à Neuilly. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

MM. Alexis Bachelay et Jean-Marie Le Guen. Non, pas du tout !

Mme la présidente. Mes chers collègues, calmez-vous ! Seul M. Fromantin a la parole !

M. Jean-Christophe Fromantin. Il est toujours extrêmement facile de rapporter le débat à une situation locale et personnelle,…

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous demandais si vous aviez une intercommunalité !

M. Jean-Christophe Fromantin. …comme le font ceux qui n’ont finalement pas grand-chose à dire, ce qui est d’ailleurs votre cas. Voilà pourquoi vous pestez en réduisant notre débat à la situation de Neuilly (Protestations sur les bancs du groupe SRC) ! C’est un argument petit et un petit argument, monsieur Le Guen.

M. Christophe Caresche. Dont on use quand même !

M. Jean-Christophe Fromantin. C’est un tout petit argument ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Seul M. Fromantin a la parole !

M. Jean-Christophe Fromantin. Il montre d’ailleurs combien vous avez de l’ambition pour cette métropole…

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui, c’est cela !

M. Jean-Christophe Fromantin. …en la réduisant à quelques sujets locaux : les Hauts-de-Seine, Neuilly, quelques scories,…

M. Christophe Caresche. Neuilly, une scorie ?

M. Jean-Christophe Fromantin. …d’une manière assez simpliste. C’est ce qui m’inquiète le plus, madame la ministre.

Je disais tout à l’heure qu’une métropole impliquait une vision, un projet d’aménagement du territoire, alors que vous, monsieur Le Guen, vous êtes là pour régler des comptes…

M. Jean-Marie Le Guen. Mais oui, c’est ça…

M. Jean-Christophe Fromantin. C’est ça votre ambition ? Très bien ! Dont acte ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Seul M. Fromantin a la parole ! Merci !

M. Jean-Christophe Fromantin. Vous m’offrez une occasion extraordinaire de dire à la tribune combien vous avez une vision étriquée, petite, réductrice de la métropole.

Mme Annick Lepetit. C’est une très belle ambition, la métropole ! Dans quelques années, vous changerez d’avis !

M. Jean-Christophe Fromantin. C’est précisément, monsieur Le Guen, chers collègues, la métropole dont je ne veux pas, cette toute petite métropole, incohérente puisqu’elle ne dispose finalement que de compétences partielles et qu’elle est inspirée par un combat que vos remarques expriment fort bien. Tel n’est pas le projet que j’imaginais, tel n’est pas celui que les Français attendent et ce n’est pas lui qui suscite le peu de popularité qu’il vous reste dans les sondages d’opinion.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous vous écoutez vous-même !

M. Jean-Christophe Fromantin. Il en serait différemment si vous aviez une certaine idée de la France, de la réforme des territoires et de ce qu’est une métropole. Je vous invite à ce propos à vous promener ailleurs qu’en France pour voir quelles sont les métropoles qui réussissent.

M. Jean-Marie Le Guen. Heureusement que vous êtes là ! Depuis Neuilly, vous voyez le monde entier ! Restez donc maire de Neuilly, ça nous fera plaisir !

M. Jean-Christophe Fromantin. Vous verrez, monsieur Le Guen, qu’elles ne ressemblent pas à la métropole que vous dessinez et défendez. Celle que vous voulez, c’est probablement celle qui fera de vous, un jour, le président de la métropole du Grand Paris. Tel est votre objectif. Dont acte ! En tout cas, ce n’est pas la métropole qui mériterait une certaine hauteur de vue et un projet politique.

Encore une fois, regardez comment opère la mondialisation, regardez les dégâts qu’elle produit sur nos territoires, regardez ce qu’il en est de la compétitivité de la France, regardez notre classement, regardez le désamour des Français pour la politique ! Demain, ils auront un maire, à Neuilly ou ailleurs, qui dira aux gens qui se plaignent : « Allez voir la métropole du Grand Paris, qui compte six millions d’habitants, et dont le président du conseil métropolitain est complètement déresponsabilisé ! » Ce sont là autant de faits qui, malheureusement, contribueront à dégrader l’image que les Français ont de la politique.

Au fond, nous perdrons le sens de la subsidiarité dont a parlé tout à l’heure Patrick Devedjian, alors qu’il est à la base de notre culture politique : les responsabilités doivent être prises aux niveaux de compétence où elles doivent l’être, là où elles sont reconnues, assumées, développées, là où elles permettent de développer des projets. Vous, vous faites l’inverse : vous construisez très haut pour prendre le pouvoir. Vous l’obtiendrez, mais vous perdrez la confiance des Français.

Le groupe UDI, comme Michel Piron l’a dit lors de sa première intervention, votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Jean-Marie Le Guen. Quelle déception ! (Sourires)

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva.

M. Carlos Da Silva. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, légiférer offre bien souvent la possibilité d’influer sur la société en traduisant des décisions politiques qui doivent infléchir une tendance forte ou impulser une dynamique nouvelle. Cela permet aussi de répondre aux attentes de la population, que ce soit en inscrivant dans le marbre un fait social ou en encadrant par la loi une évolution de la société.

À l’heure de voter définitivement le texte de loi sur lequel nombre d’entre nous ont travaillé depuis des mois – ce serait trop long de citer tous les membres du groupe SRC mais permettez-moi de saluer ici l’extraordinaire travail réalisé par Jean-Yves Le Bouillonnec et Nathalie Appéré, auxquels nous associons cette réussite (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) – je voudrais vous dire combien je pense à l’ensemble des Franciliennes et des Franciliens. Oui, à eux tous, monsieur Fromantin, et pas seulement à celles et à ceux qui vivent à Neuilly-sur-Seine !

M. Jean-Christophe Fromantin. Vous aussi !

M. Carlos Da Silva. La nouvelle organisation de l’Île-de-France, la métropole du Grand Paris, les futures grandes intercommunalités en grande couronne, au fond, c’est à celles et ceux qui y résident quotidiennement que nous les devons, car c’est une idée qui ne date ni d’aujourd’hui, ni même d’hier.

La métropole du Grand Paris telle que nous la déclinons dans les articles du projet de loi qui la fonde, c’est la juste et logique prise en compte de l’évolution des modes de vie qui y sont à l’œuvre depuis de nombreuses années. Au fond, la métropole du Grand Paris et ses grandes intercommunalités correspondant à des bassins de vie ou d’emploi, cela fait des années que nos concitoyennes et nos concitoyens les ont construites.

Nous avons la chance, j’ai la chance moi-même, de vivre et d’observer, au contact régulier des Franciliennes et des Franciliens, les mutations économiques, sociales et urbaines qui ont fini par façonner ce pour quoi nous avons tant débattu depuis le mois de mai dernier.

L’Île-de-France, beaucoup la décrivent comme une région « à part », la concentration des pouvoirs politique, économique et démographique faisant d’elle tout autant une puissance parfois perçue comme écrasante qu’un territoire intimidant par le bouillonnement qui le caractérise. Pourtant, jusqu’à présent, les outils qui auraient pu permettre d’en capter le pouls, celui qui l’anime et la meut, ces outils n’existaient pas.

Ce qui fait battre le cœur de ce vaste territoire, ce sont ses habitants, leurs interactions, leurs déplacements et leur volonté toujours plus prégnante de vivre ensemble. Quiconque est incapable de comprendre ce qui fait le socle de son édifice ne peut un jour prétendre y ajouter sa pierre.

C’est en ce sens que le projet de loi d’affirmation des métropoles répond résolument à la volonté des habitants de la région capitale de faire société. Il constitue une nouvelle étape d’une longue évolution, parfois trop lente mais indispensable, et dont l’ambition se mesure à l’aune du consensus qui a fini par se dégager lors de la commission mixte paritaire qui a permis au Sénat, ce matin, à un certain nombre de parlementaires de l’opposition de joindre leurs voix à celles de la majorité pour faire avancer notre région capitale.

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. C’est le sens de l’intérêt général !

M. Carlos Da Silva. À croire que la modernité ne se trouve pas dans l’hémicycle que l’on pense !

Ce texte met fin à ce paradoxe inique qui veut qu’une région, dont la richesse est probablement l’une des plus importantes en Europe et dans le monde, n’ait pas les outils qui lui permettent d’en faire profiter l’ensemble de ses habitants. La solidarité réelle entre les territoires, qui a constitué l’un des moteurs de notre réflexion, est un préalable, sinon le préalable, à la promotion de l’équilibre régional qui vacille sous le coup des inégalités.

Mais, je le dis, cette étape sera temporaire car nous avons jeté les bases d’un modèle polycentrique, plus solidaire, plus juste, plus compétitif, mieux desservi en transports et mieux doté en logements, capable de tirer vers le haut toute la région dans un même mouvement.

M. Patrick Devedjian. Ils n’ont pas le droit de vote !

M. Carlos Da Silva. Mes chers collègues, c’est là un texte majeur, moderne, qui permettra au cœur battant de la France de reprendre sa place dans la compétition internationale. Il témoigne du respect dû à l’ensemble de nos concitoyens et à tous nos territoires, riches de volontés et d’inventivité. C’est bien sûr un texte fondateur, en ce sens qu’il permettra aux élus de changer concrètement la vie en Île-de-France, ce qui me fait dire que nous conservons le fil de notre histoire.

Chers collègues du groupe SRC, c’est un texte que nous sommes fiers de pouvoir voter aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur l’amendement dont je suis saisie.

La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement n1 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Il s’agit simplement de corriger une erreur matérielle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Avis favorable à un amendement qui permet de préserver des dispositions votées par l’Assemblée nationale.

C’est pour moi l’occasion de souligner que le Gouvernement a parfaitement respecté le travail de la CMP puisque, à l’exception de cette correction rédactionnelle très bienvenue, aucun amendement n’a été déposé. C’est un geste que nous apprécions.

(L’amendement n1 rectifié est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement adopté par l’Assemblée.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.) (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Après l’adoption de ce texte, je vous remercie tous, en mon nom personnel et au nom de Marylise Lebranchu, pour le temps que vous avez passé et les efforts que vous avez menés pour parvenir à cet aboutissement. Ce projet fondamental constitue une véritable avancée dont nous mesurerons combien il modifiera la géographie de nos territoires et combien il constituera une avancée pour notre démocratie et notre République.

Je remercie particulièrement l’ensemble de ceux qui y ont travaillé, non seulement les parlementaires mais, aussi, les administrateurs de l’Assemblée nationale. Je salue particulièrement le rapporteur de la commission saisie au fond et les rapporteurs pour avis (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), qui sont intervenus avec une intelligence du texte louable et la volonté de parvenir, avec les sénateurs, à un texte qui favorisera vraiment la cohérence territoriale.

J’ai entendu parler de crépuscule et d’aurore. Permettez-moi à mon tour de citer une formule du poète Maurice Zundel : « La nuit est ma lumière. » Nous y sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

2

Conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé

Discussion, en deuxième lecture, d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé (nos 1624, 1325).

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, le texte que nous examinons aujourd’hui a connu des évolutions substantielles au cours de son examen.

Il a d’ores et déjà suscité beaucoup de débats. Au terme des discussions, qui ont été animées, il me semble que nous sommes parvenus à un juste équilibre entre les préoccupations des uns et des autres, c’est-à-dire celles des patients et celles des professionnels de santé.

Notre travail reprend aujourd’hui, dans un contexte dont je veux souligner les caractéristiques. Cette proposition de loi, qui a commencé à être débattue voilà un an, revient en effet après que d’autres décisions sont intervenues et que d’autres textes de loi ont été adoptés.

Le contexte actuel se caractérise donc par notre volonté de généraliser la complémentaire santé à l’ensemble de nos concitoyens et de faire de l’accès aux soins l’axe principal de la politique de santé. Cette question a d’ailleurs largement occupé le devant de la scène ces jours derniers – en particulier lorsqu’il a été question des services d’optique, j’aurai l’occasion d’y revenir. Enfin, le contexte se caractérise par notre volonté de mieux réguler notre système de santé, c’est-à-dire, de mieux faire apparaître les lignes de force nous permettant une telle régulation.

Cette proposition de loi s’inscrit donc dans le contexte d’un objectif de généralisation de la complémentaire santé qui, depuis que le Président de la République en a posé le principe, a commencé à se traduire concrètement.

Je veux réaffirmer avec la plus grande force que l’assurance maladie est, et doit rester, le pilier fondamental de la prise en charge des dépenses de santé.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien ! Heureusement qu’il en est ainsi !

Mme Marisol Touraine, ministre. La discussion que nous avons autour des complémentaires ne doit pas occulter ce point.

M. Christian Paul. Cela va de soi !

Mme Marisol Touraine, ministre. Cela va de soi, dites-vous, mais encore faut-il le rappeler, car on sait bien que certains peuvent être tentés d’opérer des transferts depuis l’assurance maladie vers des organismes complémentaires.

M. Christian Paul. Soyons vigilants !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je répète avec la plus grande fermeté que telle n’est pas la volonté du Gouvernement. Ce que veut le Gouvernement, c’est précisément que le glissement auquel nous avons assisté au cours de la décennie passée soit interrompu.

M. Jean-Luc Laurent. Nous voilà rassurés ! Et assurés !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce que nous voulons, c’est évidemment garantir à l’ensemble de nos concitoyens une complémentaire santé de qualité. Et c’est dans ce but qu’a été décidé le 1er juillet le relèvement du plafond de ressources pour la couverture maladie universelle complémentaire et l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, qui permet à 750 000 de nos concitoyens d’être mieux couverts.

Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, votée le 3 décembre, comporte des avancées importantes en ce sens. Elle simplifie d’abord le recours aux droits, en facilitant par exemple l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire pour les étudiants précaires isolés. Elle améliore aussi le contenu de ces droits, avec la revalorisation de l’aide à la complémentaire santé pour les personnes de plus de 60 ans, qui passera de 500 à 550 euros. Elle garantit enfin aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé l’accès à des contrats de qualité, grâce au recours à des appels d’offres.

Outre la généralisation de la complémentaire santé, nous avons également pour objectif d’améliorer la régulation de notre cadre de santé, en particulier pour ce qui concerne les complémentaires. Nous dessinerons l’année prochaine, grâce aux dispositions législatives que vous avez adoptées, le cadre dans lequel s’inscriront désormais les contrats de complémentaire santé et définirons les critères des contrats responsables et solidaires. Aujourd’hui, certains contrats comprennent des garanties insuffisantes, tandis que d’autres favorisent des pratiques tarifaires qui ne sont plus acceptables. Le cadre des contrats responsables va donc évoluer, notamment avec l’accroissement du différentiel de fiscalité s’appliquant aux contrats dits responsables et solidaires et aux autres.

Le cahier des charges du contrat responsable sera prochainement fixé par décret : son contenu fera évidemment l’objet d’une large concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Nous ne pouvons plus admettre que certains complémentaires remboursent des montants manifestement abusifs. Si les complémentaires santé jouent un rôle dans la régulation du système de santé, leurs pratiques doivent, elles aussi, s’inscrire dans un cadre régulé.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est pleinement cohérente avec cette démarche, puisqu’elle a pour objectif de mieux réguler notre système de santé pour certaines prestations de soins, et dans le sens d’un meilleur accès aux soins. Nous devons réaffirmer cet objectif d’amélioration de l’accès au soin pour l’ensemble des acteurs de notre système, car trop de nos concitoyens renoncent à se soigner pour des raisons financières. C’est pourquoi j’ai souhaité que le Parlement soit saisi tous les ans, dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale, des éléments lui permettant d’apprécier la part des dépenses de santé couvertes par l’assurance maladie et de celles qui sont, à l’inverse, laissées à la charge, soit des complémentaires, soit des particuliers eux-mêmes.

Il est des domaines dans lesquels l’organisation de réseaux permettra d’amplifier la politique déjà engagée. Je pense, par exemple, à tout ce qui relève de la santé visuelle, laquelle a donné lieu à de grands débats au cours des derniers jours et des dernières semaines. Le prix des lunettes constitue un motif important de renoncement aux soins, car le montant remboursé par l’assurance maladie est limité. Même après l’intervention d’une complémentaire santé, le patient doit débourser en moyenne 205 euros pour une paire de lunettes.

Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été prises pour renforcer l’accès aux soins d’optique. Je pense, par exemple, à la prise en charge minimale qui sera assurée pour les lunettes dans le cadre des contrats responsables. En effet, il a été clairement indiqué, au moment des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que, pour être qualifiés de responsables, les contrats devront déterminer un niveau minimal de prise en charge de l’optique. Je pense également à la définition d’un plafond de prix pour les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, qui permettra de réduire le reste à charge pour 3 millions de personnes dans notre pays. Par ailleurs, les dispositions que vous avez adoptées dans le cadre de la loi sur la consommation, présentée par Benoît Hamon, ont suivi la voie qui avait été tracée.

Il s’agit aussi de permettre aux complémentaires santé de participer à cette régulation dans le cadre des réseaux de soins. En matière d’optique, ces réseaux permettent déjà aux adhérents des complémentaires d’obtenir des lunettes à un tarif négocié. On voit bien, dans ce domaine, à quel point les réseaux peuvent être un outil en faveur de l’accès au soin et de la diminution du reste à charge.

Cette proposition de loi est l’aboutissement d’un travail des deux assemblées, que je tiens à saluer. Il nous a permis d’atteindre un point d’équilibre, puisqu’il préserve les intérêts des patients, tout en respectant les prérogatives des professionnels.

Ce texte, je l’ai dit, a beaucoup évolué lors de son examen devant votre assemblée et de son adoption par le Sénat. Je tiens à saluer le travail effectué par les rapporteurs, qui ont su le clarifier dans l’intérêt du patient. Cette proposition de loi mettra l’ensemble des complémentaires sur un pied d’égalité. Tel était bien l’enjeu initial de ce texte, et il est toujours d’actualité : il s’agit d’éviter que certains organismes complémentaires puissent s’organiser en réseau, et d’autres non.

Cette proposition de loi permettra également de définir le cadre applicable aux réseaux de soins, cadre qui n’existe pas aujourd’hui, et qui est nécessaire à leur développement. Vous avez longuement débattu des principes permettant de garantir le respect du patient, comme du professionnel de santé. Pour le patient, ces principes sont ceux du libre choix et du respect des exigences d’accès aux soins et d’égalité devant les soins. Pour le professionnel, c’est l’assurance que le conventionnement se fera sur la base de critères transparents, objectifs et non discriminatoires, et cela signifie aussi l’interdiction des clauses d’exclusivité. Ce sont d’ailleurs ces principes qu’avait fixés, dans son avis, l’Autorité de la concurrence. Ils sont complétés par la garantie du droit à une bonne information pour l’assuré, lors de la conclusion de son contrat de complémentaire santé, et tout au long de la vie de celui-ci. C’est, encore une fois, la logique de transparence qui doit prévaloir.

Le débat parlementaire a également permis de clarifier le périmètre des réseaux. Le Sénat a souhaité préciser que, lorsqu’ils portent sur le niveau des tarifs pratiqués par les professionnels, les réseaux ne peuvent concerner que les professions pour lesquelles l’assurance complémentaire est majoritaire dans le financement. Concrètement, il s’agit de l’optique, des soins prothétiques dentaires et de l’audioprothèse. Cette évolution est cohérente avec l’avis rendu par le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie à l’été 2013. Les réseaux de soins n’ont pas vocation à réguler les tarifs des actes lorsqu’ils sont déjà encadrés, notamment par des conventions nationales. C’est évidemment le cas des médecins.

Les débats au Sénat ont également porté sur la question complexe de l’existence d’un numerus clausus dans ces réseaux. Le Sénat a ainsi adopté des dispositions interdisant les réseaux fermés, à l’exception de celui de l’optique, compte tenu de la densité de son réseau de distribution.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est bien le problème !

Mme Marisol Touraine, ministre. L’enjeu majeur n’est pas de savoir si un réseau est ouvert ou fermé, mais s’il permet à chaque adhérent de recourir à un professionnel à proximité de chez lui.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr !

Mme Marisol Touraine, ministre. La commission des affaires sociales s’est montrée favorable à l’équilibre défini au Sénat.

M. Gérard Bapt. Elle a bien fait !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi contribue directement à l’objectif de régulation de notre système de santé. Elle contribuera à un meilleur accès aux soins et fixera un cadre clair et transparent pour les réseaux.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement soutient cette proposition de loi et vous renouvelle ses remerciements pour le travail accompli et l’esprit constructif dans lequel les débats se sont déroulés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, il y a un peu plus d’un an, le groupe SRC déposait dans cette assemblée une proposition de loi visant à sécuriser le fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et à préciser la manière dont s’établiraient des conventions entre les organismes d’assurance maladie complémentaire, d’une part, et les professionnels, les services et établissement de santé, d’autre part.

Pourquoi en étions-nous venus à nous intéresser à ces fameux réseaux de soins ? Les politiques menées ces dix dernières années en matière de santé ont conduit à une érosion constante de la part de la sécurité sociale dans la prise en charge des dépenses de santé. Selon la Cour des comptes, le désengagement de l’assurance maladie sur la seule période 2004-2008 se serait élevé à 3,3 milliards d’euros.

Dans ces conditions, le reste à charge des ménages n’a cessé d’augmenter : en 2011, il était de 9,6 % en moyenne. Dès lors, une question majeure d’accès aux soins se pose, en particulier dans des secteurs où la part remboursée par l’assurance maladie obligatoire a été réduite à sa portion congrue, à savoir l’optique, les soins dentaires et les appareils d’audioprothèse. L’une des conséquences les plus graves de cette situation est naturellement le phénomène de renoncement aux soins, que nous avons évoqué à de multiples reprises.

C’est dans ce contexte, et dans ces secteurs où la part de remboursement par l’assurance maladie obligatoire est la plus faible, que les organismes complémentaires, devenus dans les faits les premiers payeurs, ont développé depuis plus d’une dizaine d’années, avec des professionnels et des établissements de santé, des conventions portant sur les tarifs et la qualité, l’enjeu étant pour eux de maîtriser les dépenses, et la conséquence pour les assurés une diminution du reste à charge. En ce qui concerne par exemple l’optique, les tarifs pratiqués dans les réseaux peuvent être jusqu’à 30 % moins chers que ceux qui sont pratiqués en dehors des réseaux.

C’est au nom de cet objectif d’accès aux soins, et parce que nous avons considéré qu’ils pouvaient être des outils pertinents pour diminuer les restes à charge, que nous nous sommes intéressés aux réseaux, et ce dans une perspective politique très claire, que Mme la ministre vient de rappeler : il faut renforcer l’assurance maladie obligatoire, mais, dans les secteurs où elle est minoritaire, voire très minoritaire, nous pouvons aussi faire jouer aux complémentaires, en les encadrant, un rôle important de régulation.

Quelle était la situation au moment du dépôt de cette proposition de loi ? Il existait, d’abord, une inégalité entre les organismes complémentaires. En effet, les réseaux de soins constitués par les mutuelles, organisations de l’économie sociale et solidaire protégeant 38 millions de personnes, se trouvaient dans une situation d’insécurité juridique, que ne connaissaient pas les autres types d’organismes complémentaires que sont les assurances et les instituts de prévoyance.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est ce qui est écrit dans le code !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Rappelons ainsi que, sur la requête d’un adhérent mutualiste contestant le niveau de remboursement, la Cour de cassation avait, dans un arrêt rendu le 18 mars 2010, interdit à une mutuelle de pratiquer des modulations dans le niveau de prestation, selon que l’adhérent consulte, ou non, un praticien conventionné par cette mutuelle. Plusieurs mutuelles encourent, aujourd’hui encore, des condamnations pouvant intervenir à brève échéance. Une modification du code de la mutualité était donc nécessaire, afin de sécuriser juridiquement les réseaux de soins constitués par les mutuelles.

La volonté d’agir pour en finir avec cette inégalité n’était pas nouvelle. Il est même une époque où elle venait du côté droit de l’hémicycle, puisqu’une première proposition de loi avait été déposée en ce sens en 2010, cosignée par notre ancien collègue Yves Bur et par Jean-Pierre Door. Puis ce fut au tour de la proposition de loi dite Fourcade d’introduire une telle disposition, sans que la chose aboutisse, puisque le Conseil constitutionnel a considéré, comme vous vous le rappelez, qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

Au-delà de cette insécurité juridique pour les réseaux constitués par les mutuelles, la situation se caractérisait par le fait que les réseaux de soins existaient bien dans les faits, mais s’étaient développés depuis plus d’une dizaine d’années sans que ne soient posées les questions de l’encadrement de leur mode de fonctionnement, sans que soient fixés des principes de régulation de ces réseaux.

Qu’avons-nous fait face à cette situation ? Je vais, à ce stade, vous résumer le travail législatif réalisé par les deux assemblées. J’en profite pour saluer le travail remarquable effectué par mon collègue Yves Daudigny, rapporteur du texte au Sénat, et pour remercier Mme la ministre pour son soutien constant à toutes les étapes du processus.

Tout d’abord, nous avons inscrit à l’article 1er de la proposition de loi la modification du code de la mutualité qui permettra désormais aux mutuelles de mettre en place des remboursements différenciés, et donc de sécuriser leurs réseaux de soins. Cet article a été voté conforme par le Sénat.

Dans un deuxième article, ajouté en commission des affaires sociales lors de la première lecture à l’Assemblée, nous avons inscrit dans la loi les grands principes devant désormais encadrer le fonctionnement des réseaux, ainsi que leur périmètre. Un amendement porté par la présidente de la commission a exclu les médecins des conventionnements tarifaires dans les réseaux de soins.

Le Sénat a proposé une nouvelle rédaction globale de cet article. Il maintient les principes posés par l’Assemblée, notamment la liberté de choix du patient ou l’existence de critères objectifs, transparents et non discriminatoires de sélection des professionnels. Mais, au-delà, cette nouvelle rédaction vient, sans dénaturer les objectifs initiaux du texte, préciser un certain nombre de points importants.

Il a ainsi été décidé que les conventions conclues ne peuvent porter atteinte aux principes d’égalité et de proximité dans l’accès aux soins. Il a été ajouté le principe d’un conventionnement qui distingue, parmi les professionnels de santé, ceux pour lesquels la dépense de l’assurance maladie est majoritaire. Pour ces derniers, les conventions avec les organismes d’assurance maladie complémentaire ne pourront comporter de clauses tarifaires liées aux actes et prestations fixés par l’assurance maladie, ce qui signifie que les conventions comportant des clauses tarifaires ne concerneront que les soins prothétiques dentaires, la lunetterie et les audioprothèses.

Il a également été précisé que, pour les médecins, le niveau de remboursement par les organismes d’assurance maladie complémentaire ne pourra être modulé selon que le patient consulte ou non un médecin membre d’un réseau.

En outre, il a été décidé de limiter la possibilité de mettre en œuvre des réseaux fermés au seul secteur de l’optique, au vu des problématiques spécifiques de cette profession, notamment d’un point de vue démographique.

Pour achever la récapitulation du travail législatif sur ce texte, rappelons que nous avions également, lors de la première lecture à l’Assemblée, ajouté un article 3 établissant une évaluation régulière de la pratique des réseaux de soins afin de mettre en place une démarche de suivi et de réajustement du fonctionnement des réseaux si nécessaire. Cet article a été modifié à la marge au Sénat.

Enfin, les sénateurs, pour rendre compte de la globalité et de tous les aspects du travail législatif ainsi accompli, ont modifié le titre de la proposition de loi.

Avant d’en venir à ma conclusion et à mon appréciation finale, je souhaite vous faire part de quelques commentaires autour des grands sujets de polémique qui ont pu intervenir autour de ce texte. On a dit beaucoup de choses fausses sur les réseaux de soins. Ainsi, ils feraient obstacle à la liberté du patient : rappelons une dernière fois que le principe de libre choix du patient a été réaffirmé pour qu’il soit écrit noir sur blanc dans le texte de loi. Les assurés restent libres de consulter les professionnels de leurs choix qu’ils soient ou non membres du réseau de leurs complémentaires. Ils seront remboursés dans tous les cas : mais, dans les réseaux, ils bénéficient de prestations supplémentaires.

Il a aussi été dit que les réseaux de soins mettraient en danger les professionnels de santé, et en particulier les opticiens. Cette idée est liée au fait que la proposition de loi dans sa version actuelle maintient une situation existante, celle qui veut qu’aujourd’hui des réseaux fermés, à numerus clausus, existent, et ce quasi exclusivement pour les opticiens. Nous y reviendrons dans le débat, mais cette situation s’explique par le seul fait de la démographie particulière de cette profession, qui n’est pas régulée. Dans certains territoires où les opticiens sont surnuméraires, le fait de pouvoir mettre en place des réseaux fermés permet de rendre ces réseaux attractifs pour les professionnels de santé, en leur garantissant un surcroît de clientèle. Cette situation n’a pas empêché, ces dernières années, l’augmentation du nombre de points de vente d’optique sur l’ensemble du territoire.

Enfin, les réseaux de soins nous conduiraient, prétendent certains, vers un modèle à l’américaine de privatisation du système de santé. Cette comparaison est malhonnête car, dans le système américain, il n’y a pas de couverture santé universelle comme c’est le cas en France, et le rôle des assurances est en outre dérégulé. Avec ce texte, nous faisons précisément l’inverse : nous encadrons le rôle de régulation que peuvent jouer les complémentaires pour faire baisser le reste à charge.

Sur ce dernier point, je rappelle que ce texte ne prétend pas, à lui seul, définir les contours d’une politique de santé dans sa globalité, ni apporter une réponse exhaustive aux inégalités d’accès aux soins : les réseaux de soins constituent un outil parmi d’autres pour l’amélioration de cet accès aux soins. Mme la ministre a rappelé le chemin parcouru depuis un an, en citant un certain nombre d’éléments de cette politique globale de santé mise en œuvre depuis l’année dernière, que ce soit autour de la stratégie nationale de santé ou concernant les rapports entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire, à propos desquels nous avons voté des mesures importantes dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 : la régulation et la refonte des contrats responsables, l’évolution de la fiscalité liée ou encore l’encadrement des garanties complémentaires à destination des personnes pouvant bénéficier de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.

J’en viens donc à ma conclusion, et j’inviterai l’ensemble des parlementaires à s’intéresser aux effets concrets de leur vote.

Ne pas voter cette proposition de loi, c’est accepter l’inégalité de traitement entre les organismes complémentaires, et l’absence de cadre de régulation et d’encadrement pour les réseaux de soins.

Voter cette proposition de loi, c’est mettre fin à l’insécurité que rencontrent les mutuelles et à l’inégalité de traitement entre les différents organismes complémentaires tout en définissant un cadre juridique satisfaisant et équilibré pour le fonctionnement de l’ensemble des réseaux de soins – ce qui n’avait jamais été fait au préalable – ainsi que pour leur évaluation, la détermination de leur périmètre et de leur champ.

M. François Vannson. Nous verrons bien ce qu’en dira le Conseil constitutionnel !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. C’est pourquoi, au vu de cette retranscription des grandes étapes du travail législatif et du bilan qui peut en être tiré, je vous propose aujourd’hui l’adoption sans modification du texte transmis par le Sénat, qui, comme on l’a vu, a apporté des précisions importantes sans dénaturer l’objectif initial de la proposition de loi. Ce vote ce soir permettrait, outre de finir heureusement cette année législative, de voir appliquées ces nouvelles dispositions dans les meilleurs délais, et d’agir ainsi substantiellement pour l’accès aux soins de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, nous pouvions espérer beaucoup mieux pour le dernier texte de l’année 2013 avant la trêve des confiseurs.

En quelques mois, trois textes viennent porter un rude coup au secteur de l’optique.

M. Christian Paul. Et l’intérêt général, vous ne vous en souciez jamais ?

Mme Marie-Christine Dalloz. D’abord, le projet de loi relatif à la consommation a supprimé le monopole détenu par les pharmaciens et les opticiens quant à la vente des produits d’entretien des lentilles. Ces produits sont des dispositifs médicaux de type IIb qui correspondent à une classification dite de potentiel risque élevé, compte tenu de leur destination décontaminante et désinfectante.

Le texte sur la consommation a également libéralisé le secteur, en cassant le monopole des opticiens pour la détention d’un fonds de commerce optique. Désormais, n’importe quel investisseur pourra s’installer, à la seule condition qu’il salarie un opticien diplômé. Enfin, ce texte obligera les ophtalmologues à inscrire sur leurs ordonnances l’écart pupillaire de leurs patients.

M. François Vannson. N’importe quoi !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces deux derniers points sont une incitation forte à ouvrir le marché de l’optique à l’e-commerce alors même que la filière d’excellence des lunettes françaises ploie sous la concurrence déloyale et la contrefaçon étrangère. Les chantres du « fabriqué en France » devraient entendre ce que je dis. Voilà une drôle de façon de défendre nos savoir-faire et la compétitivité de nos entreprises tout en écornant au passage les règles de santé publique.

Je ne peux me priver du plaisir de citer le président de la commission des affaires économiques, François Brottes, lors de nos débats sur ces amendements en particulier. Il a déclaré : « Acheter des cacahuètes en ligne, je veux bien, mais pas des lunettes ! » Quelle sagesse dans ces propos !

Le deuxième texte venant affecter le secteur de l’optique est le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Dans son article 45-B, devenu article 56, il instaure un plafond tarifaire de prise en charge de certains dispositifs médicaux par les assureurs santé. La volonté d’éviter le renoncement à certains soins et dispositifs médicaux très faiblement remboursés par l’assurance maladie obligatoire est louable.

M. Gérard Bapt. Tout de même !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais fixer un plafond pour la prise en charge par les assureurs est une erreur. En effet, le plafond de remboursement biaise le prix, compromet l’accès à l’innovation et à la prévention des patients, remet en cause l’implantation française des entreprises innovantes et les filières d’excellence que nous détenons dans la lunette, et prive les assurés des bénéfices de la libre concurrence.

M. François Vannson. C’est tout à fait vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet article va mettre en difficulté notre filière française de la lunetterie, sans pour autant aider le consommateur, et en augmentant les risques de baisse de la qualité. Nous sommes dans un jeu perdant à 100 %.

J’en arrive enfin au texte du jour. Rappelons-le, il ne visait au départ qu’à autoriser les mutuelles à pratiquer des modulations des prestations servies à leurs adhérents si ces derniers recouraient à un professionnel, un service ou un établissement de santé membre d’un de leurs réseaux de soins, les fameux et bien nommés circuits fermés.

Très substantiellement modifié, il instaure désormais une différenciation entre les professions médicales suivant qu’elles bénéficient ou non d’un remboursement majoritaire de l’assurance maladie, et fait, au sein de cette différenciation, un sort particulier aux seuls opticiens. C’est tout simplement inacceptable et aberrant.

Parce que l’assurance maladie se désengage, à tort, de l’optique – comme l’a très justement souligné le denier rapport de la Cour des comptes –, faudrait-il donc que les opticiens et les lunetiers soient pénalisés, outre les patients et consommateurs qui perdront le libre choix de leur professionnel de santé ?

La santé n’a pas de prix, mais elle a incontestablement un coût, qui ne peut être supporté exclusivement par les professionnels de santé. Je vous cite quelques éléments de réflexion relatifs au régime obligatoire : les tarifs de référence pour l’optique n’y ont pas été réévalués depuis plus de vingt ans ; les montants pris en charge par l’assurance maladie y sont de 12,5 fois inférieurs à la consommation globale des produits d’optique ; les taux de remboursement des produits relevant de la liste des produits et prestations établie par l’assurance maladie y ont été ramenés à 60 % ; enfin, les lunettes relèvent d’une TVA à 19,6 % qui passera à 20 % au 1erjanvier prochain, alors même qu’il s’agit de dispositifs médicaux.

Je me permets de vous rappeler quelques éléments généraux autour de cette proposition de loi.

Tout d’abord, il convient de noter que le conventionnement en lui-même ne porte pas atteinte au code de la mutualité : c’est bien la modulation des remboursements qui a été remise en cause par un arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2010. Le conventionnement est tout à fait légitime s’il permet d’obtenir des tarifs plus avantageux pour les assurés, mais il ne doit en aucun cas porter atteinte au droit du patient à choisir librement son praticien et son établissement de santé, droit érigé en principe fondamental de la législation sanitaire par le code de la santé publique. Suite à ce texte, les assurés seront pour la plupart contraints de faire le choix le moins onéreux.

Ce texte n’est pas du tout anodin, ainsi qu’on a tenté de nous le faire croire. En effet, il modifie profondément les règles de la prise en charge des patients dans notre pays. Il n’y aura plus guère de contrôle possible sur les conditions de tarification des réseaux, notamment sur les engagements de qualité et les conditions des contrôles. La procédure de mise sur le marché des dispositifs médicaux ne permet pas de contrôle a priori. Le danger est donc réel de favoriser l’importation de produits low cost potentiellement dangereux pour la santé, madame la ministre.

Les entreprises nationales qui fabriquent des dispositifs médicaux et investissent fortement en recherche et développement risquent de voir leurs produits de plus en plus contrefaits à coût évidemment cassé. Si c’est cela que vous souhaitez, vous l’obtiendrez.

Quel gain en espérez-vous ? Éventuellement des fermetures d’entreprises, des délocalisations, de nouvelles destructions d’emplois – au point où nous en sommes – et une perte irrémédiable de nos savoir-faire. Par ailleurs, il paraît utile de le rappeler, la qualité et la sécurité des soins relèvent avant tout des pouvoirs publics, qui en sont les responsables exclusifs.

Partant de ces constats, je tiens à souligner quelques points qui portent à croire que ce texte est clairement inconstitutionnel. Tout d’abord, il engendre une rupture d’égalité devant la loi entre les mutuelles et les autres organismes complémentaires d’assurance maladie.

Le texte de cette proposition de loi se donne pour but de « faciliter l’accès à des soins de qualité pour le plus grand nombre ».

Son article 1er, totalement réécrit en première lecture, met au même niveau les mutuelles, d’une part, et les institutions de prévoyance et assureurs privés d’autre part.

En effet, aujourd’hui, les premières ne peuvent avoir recours à aucune modulation, le code de la mutualité l’interdisant expressément, alors que les seconds peuvent librement constituer des réseaux de soins et moduler leurs tarifs.

En somme, il s’agit d’une nouvelle tentative, tout à fait inconstitutionnelle, d’égalitarisme. En effet, l’égalité devant la loi est un principe à valeur constitutionnelle, affirmé tant à l’article 1er de la Constitution, qui garantit l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion, qu’à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux termes duquel la loi doit être la même pour tous.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel précise cette notion d’égalité en des termes fort clairs. Il ressort en effet des décisions du 7 janvier 1988 et du 27 décembre 2001 que le principe d’égalité devant la loi interdit au législateur d’établir des différences de traitement entre opérateurs qui ne sont pas justifiées par des différences de situation.

Toujours selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce principe a pour corollaire l’interdiction pour le législateur de traiter de la même façon des personnes relevant de situations différentes : c’est le sens de la décision du 18 décembre 1998. Or les valeurs fondatrices des mutuelles sont la solidarité, la non-discrimination et l’égalité entre leurs membres.

M. Christian Paul. Ça, c’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est pourquoi l’article L. 112-1, alinéa 3, du code de la mutualité interdit aux mutuelles de pratiquer des remboursements différenciés. Cette spécificité des mutuelles a été reconnue par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt rendu le 21 novembre 2012, et par la Cour de cassation dans un arrêt du 14 mars 2013. Par conséquent, en tentant de contourner l’interdiction de remboursement différencié des mutuelles, l’article 1er de cette proposition de loi est contraire à tous les principes d’égalité : à mon sens, il est donc inconstitutionnel.

Deuxièmement, ce texte entraîne une rupture d’égalité d’accès à la santé entre les adhérents. Il souhaite autoriser les remboursements différenciés : il part donc du principe qu’en fonction de leur assurance – réseau fermé ou mutuelle –, les assurés percevront nécessairement des remboursements différents.

M. Christian Paul. Parce que les prix sont différents !

Mme Marie-Christine Dalloz. Or l’égalité d’accès à la santé est un principe à valeur constitutionnelle qui découle de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 et de l’article 2 de la Constitution. En différenciant les remboursements, la proposition de loi va créer un accès aux soins à plusieurs vitesses : il s’agit manifestement d’une rupture d’égalité, que rien ne saurait justifier.

Troisièmement, ce texte porte atteinte à la liberté des assurés, atteinte que rien ne justifie. Il autorisera des remboursements différenciés en fonction du professionnel de santé que l’assuré consulte. Ou bien ce professionnel est agréé par le réseau auquel il appartient, et la prise en charge interviendra, ou bien ce n’est pas le cas, et la prise en charge sera moindre voire inexistante. L’article 1110-8 du code de la santé publique dispose que « le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire ». Cette liberté de choix du patient a une valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil d’État du 18 février 1998, qui l’a érigée en principe général du droit.

M. Denys Robiliard. S’il s’agit d’un principe général du droit, alors elle n’a pas valeur constitutionnelle ! Vous ne connaissez pas la hiérarchie des normes, madame Dalloz !

Mme Marie-Christine Dalloz. J’y arrive, mon cher collègue : cette affirmation s’appuie également sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui rattache la liberté de choix du patient à la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme.

Les interdictions de l’article 2 du texte que nous examinons ne peuvent faire l’objet d’aucun réel contrôle en amont, de sorte qu’elles ne viennent pas contrer cette analyse mais renforcent ma conviction. Cette proposition de loi met en péril la liberté de tout un chacun à choisir son soignant en fonction de critères personnels.

Outre l’inconstitutionnalité patente et les défauts de ce texte, je relèverai enfin un travers général. J’ai eu l’occasion de le dire lors des débats en commission des affaires sociales, et je le répète ici : vous ne voyez les choses qu’à travers le prisme du prix, laissant de côté la qualité du produit et ses performances dans le traitement des pathologies de la vue.

Comparons ce qui est comparable : il est aisé de comparer le prix des lunettes en France et dans le reste de l’Europe, pour conclure que les lunettes coûtent trop cher dans notre pays. Seulement voilà, au-delà des prix, il est essentiel de comparer également la qualité des produits. Il faut être honnête dans le raisonnement que l’on tient, surtout quand il vient au soutien d’un telle proposition de loi. Déduction faite de la TVA, qui n’est pas la même dans chaque pays, on constate qu’à verres et montures identiques, les prix en France sont identiques à ceux pratiqués en Allemagne, en Grande-Bretagne et même, en dehors de l’Europe, aux États-Unis. Ce qui fait la différence au niveau de la moyenne des prix, c’est que la France est technologiquement et techniquement en avance dans le domaine de l’optique. Par exemple, 100 % des presbytes portent des verres progressifs en France, alors qu’en Angleterre ou aux États-Unis, seuls 80 % portent des verres progressifs et 20 % portent encore des verres double foyer.

Chers collègues de la majorité, la vision dogmatique qui est la vôtre sur l’accès aux soins en matière d’optique n’est ni judicieuse, ni pertinente. Elle se caractérise par des dérives et comporte, au fond, de réels risques d’inégalité. Vous vous érigez en pourfendeurs de l’inégalité, mais votre attitude n’est qu’un faux-semblant.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande d’adopter cette motion de rejet préalable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. J’interviendrai principalement sur la forme. Madame Dalloz, en commission la semaine dernière, votre groupe s’est ému qu’aucune date précise n’était prévue pour l’examen de ce texte en séance publique : vos collègues ont affirmé que cette proposition de loi serait renvoyée aux calendes grecques, on ne sait quand. Je suis donc étonnée de vous entendre déplorer, à cette tribune, que le dernier texte discuté cette année soit celui-ci. Il faut savoir ce que vous voulez !

M. Jean-Luc Laurent. Eh oui !

M. Christian Paul. Quelle incohérence !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous avons justement prévu que ce texte soit examiné en priorité pour répondre à l’une des vos demandes – en tout cas, à la demande de votre groupe.

M. Jean-Luc Laurent. Eh voilà !

M. Christian Paul. Le groupe UMP est divisé !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est pourquoi j’ai été assez étonnée de votre intervention.

Quant aux craintes que vous avez exprimées, je laisserai la rapporteure répondre sur le fond. Cela dit, l’article 3 de la proposition de loi dispose que pendant trois ans, un rapport sera élaboré chaque année pour étudier la situation sur le terrain. Vous ne pouvez donc pas nous reprocher d’être trop sûrs de nous et de prétendre que tout ce que nous faisons ira certainement dans le bon sens : justement, nous irons sur le terrain pour examiner l’impact de ces mesures sur les patients, sur l’accès aux produits – notamment aux audioprothèses et aux lunettes, dispositifs médicaux dont nous avons parlé –, et sur les professionnels de santé, notamment les opticiens. Vous ne pouvez donc pas craindre qu’aucune évaluation ne soit réalisée : c’est d’ailleurs toute la force de nos propositions de loi, ainsi que des projets de loi, lorsqu’il s’agit d’évaluer leurs impacts à venir.

M. Christian Paul. Très bien !

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Paul. J’observe tout d’abord que l’opposition, qui demande régulièrement un allongement de la durée du travail, est partie précocement en vacances cet après-midi.

Mme Marie-Christine Dalloz. Arrêtez !

M. François Vannson. C’est petit !

M. Denys Robiliard. Ce n’est pas petit, c’est exact !

M. Christian Paul. Mais ce n’est pas le cas de Mme Dalloz, et je l’en félicite.

Comme l’a très bien dit la présidente de la commission des affaires sociales, l’opposition avait affirmé que ce texte était l’apocalypse, mais en même temps qu’il ne serait jamais examiné. Or ce n’est pas l’apocalypse ; c’est un texte important, et il est discuté maintenant, ce qui illustre la priorité que lui ont donnée le Gouvernement et la majorité en l’inscrivant à l’ordre du jour de cette fin d’année, pour qu’il puisse enfin être adopté.

Mme Dalloz, c’est toujours un plaisir de vous répondre dans le cadre de la discussion d’une motion de procédure, mais cet exercice est parfois moins facile. L’argumentaire que vous avez développé est absolument sidérant. Vous avez affirmé que cette proposition de loi entraînerait une rupture d’égalité ;…

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr ! Je le maintiens !

M. Christian Paul. …or elle vise à rétablir l’égalité entre les assurances complémentaires, les mutuelles et les instituts de prévoyance. Il s’agit donc d’une première étape vers l’égalité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous êtes dans l’erreur !

M. Christian Paul. Vous prétendez ensuite que les remboursements seront différenciés. Ils le seront probablement, mais parce que les prix seront différents : c’est, justement, tout le but de ces réseaux.

Vous affirmez en outre que ce texte comporte une rupture avec le principe de liberté. Mais aucun patient ni aucun adhérent à une mutuelle ne sera contraint : chacun pourra continuer à consulter son médecin ou, en l’occurrence, à rencontrer son opticien, même si ce dernier n’adhère pas à un réseau tel que nous le concevons dans ce texte. Il n’y a donc ni rupture du principe d’égalité, ni rupture du principe de liberté.

Mme Marie-Christine Dalloz. Si ! Ce texte est contraire au libre choix du praticien par le patient !

M. Christian Paul. Madame Dalloz, vous auriez été plus entendue – y compris, d’ailleurs, par la majorité – si vous aviez réellement parlé de santé publique.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’en ai parlé !

M. Christian Paul. Après la décision d’autoriser la vente en ligne des lunettes, il était tout à fait normal qu’il y ait un débat de santé publique. Nous serons d’ailleurs, comme la ministre de la santé,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous n’avons pas entendu la ministre de la santé sur cette question !

M. Christian Paul. …particulièrement attentifs à ce que la décision que nous avons prise dans le cadre de la loi consommation soit appliquée de façon intransigeante en matière de santé publique.

Je veux quand même rappeler un point que vous n’avez pas abordé – mais je comprends que vous ne l’ayez pas fait, puisque vous êtes élue de la capitale de la lunetterie et qu’il est tout à fait important pour notre pays de maintenir cette filière.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui ! C’est aussi important pour l’emploi !

M. Christian Paul. Madame Dalloz, l’intérêt général doit aussi, parfois, être pris en compte dans les motions de procédure ! Il faut rappeler que le prix de vente moyen d’une paire de lunettes en France est deux fois supérieur à la moyenne des quatre grands pays voisins.

Mme Marie-Christine Dalloz et M. François Vannson. C’est faux !

M. Christian Paul. Près de 3 millions de Français renoncent aux soins d’optique. En outre, la marge brute est particulièrement élevée dans ce secteur. C’est aussi à cette situation qu’il fallait apporter des réponses et des remèdes, afin de donner aux Français une meilleure possibilité d’accéder à l’optique et à d’autres types de soins également concernés par ce texte.

Il y a quelques années, chers collègues de l’opposition, l’UMP avait déposé un texte qui allait dans le même sens. Du fait de l’alternance, vous vous reniez : nous ne le comprenons pas. Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je rappelle à chacun que la durée des explications de vote est de deux minutes.

La parole est à M. François Vannson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Vannson. Je veux d’abord répondre à Mme la présidente de la commission : l’ordre du jour fixé par la Conférence des présidents a été modifié trois fois !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. François Vannson. S’agissant des déclarations de M. Paul, nous avons été habitués à mieux. Si l’on calculait le ratio de présence effective des députés du groupe SRC et celui du groupe UMP, la comparaison ne serait pas forcément en notre défaveur.

M. Christian Paul. Vous allez voir au moment du vote !

M. Denys Robiliard. Vous avez tort, monsieur Vannson : vous n’êtes que trois ! Où est M. Jacob, l’auteur de la motion ?

M. François Vannson. Revenons aux faits. Les transferts opérés par cette proposition de loi vers les organismes de complémentaire santé ne sont pas encadrés. Chers collègues de la majorité, vous faites référence à la loi Fourcade, mais cette dernière encadrait les dispositifs ; elle renvoyait à un décret,…

M. Denys Robiliard. Ah, ça change tout !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Nous, nous encadrons les dispositifs par la loi !

M. François Vannson. …dont l’élaboration devait permettre de mettre autour de la table tous les professionnels, de manière à instaurer un dialogue et une concertation, ce que vous ne faites pas. La loi Fourcade créait aussi un dispositif expérimental, qui devait être évalué au fil du temps ; or vous balayez d’un revers de main toutes ces dispositions.

Quoi qu’on en dise, ce texte pénalise le patient en contraignant l’offre de soins. En effet, le patient ne pourra plus disposer de l’offre de soins dont il disposait préalablement.

Enfin, vous cassez la profession des opticiens. Vous dites que les prix de l’optique sont aujourd’hui plus élevés en France que chez nos voisins : ce n’est pas vrai.

M. Christian Paul. En moyenne, c’est vrai !

M. François Vannson. Nous ne parlons pas des mêmes choses. J’ai exercé pendant plusieurs années cette profession : je sais donc de quoi je parle,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien ! Cela nous change !

M. Christian Paul. Donc Mme Dalloz, elle, ne sait pas de quoi elle parle ?

M. François Vannson. …et il n’y a pas de corporatisme de ma part. Lorsque l’on compare des produits équivalents, les produits français sont souvent un peu moins chers que ceux de nos homologues européens.

Par ailleurs, vous balayez d’un revers de main la situation de l’Italie, où les produits d’optique sont soumis à une TVA de 8 % alors que ce taux avoisine 20 % en France, ce qui entraîne évidemment des différences de prix tout à fait considérables.

Le texte que l’Assemblée nationale a adopté lundi – pour ma part, j’ai voté contre – se caractérise par une méconnaissance totale du métier d’opticien.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Vannson.

M. François Vannson. Les opticiens sont des praticiens, et vous portez un rude coup à cette profession. Par conséquent, le groupe UMP soutiendra bien évidemment notre collègue Dalloz en votant cette motion de rejet préalable.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce texte vise tout d’abord à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins pour leurs adhérents. Il fixe par ailleurs les principes que doivent respecter les conventionnements entre les organismes complémentaires et les professionnels ou les établissements de santé.

Au-delà de ces aspects purement techniques, ce texte soulève la question fondamentale de la place des assurances santé complémentaires par rapport à l’assurance maladie obligatoire.

Autrement dit, peut-on, pour pallier le recul constaté de la Sécurité sociale, sacrifier son principe fondateur : « Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins » ? Hélas, les raisons qui ont justifié notre abstention en première lecture, il y a un an, restent au cœur du projet.

Avant toute chose, nous considérons que les dépenses de santé devraient être couvertes par la Sécurité sociale, seule à être à la fois universelle, équitable et égalitaire. On nous explique que la Sécurité sociale est déficitaire et que les patients doivent prendre en charge une partie de leurs dépenses de santé afin d’être « responsabilisés ». Comme si l’on pouvait responsabiliser des malades ! Il est pourtant désormais avéré que ce déficit provient moins d’un excès de dépenses que d’un manque de régulation des tarifs de certains professionnels ou de certains produits de santé et, surtout, du refus persistant des gouvernements successifs de modifier l’assiette des cotisations sociales pour permettre de nouvelles recettes.

Pourquoi cette inaction ? Parce que, finalement, ce déficit, que l’on pourrait combler rien qu’en taxant les revenus du capital au même niveau que les revenus du travail, est utile en ce qu’il justifie un désengagement de la Sécurité sociale collective et solidaire dans la prise en charge des dépenses de santé, ainsi que le développement de l’assurance individuelle, très inégalitaire mais qui constitue un marché juteux convoité depuis longtemps.

Ce désengagement a commencé avec les franchises et les déremboursements. Il s’est poursuivi avec l’insuffisante revalorisation des actes médicaux, conduisant les professionnels de santé à pratiquer des dépassements d’honoraires. Au bout du compte, il a rendu de plus en plus nécessaire le recours à des assurances complémentaires et accru leur rôle dans la prise en charge des dépenses de santé. Des assurances complémentaires individuelles essentiellement financées par les assurés, et qui ne bénéficient qu’aux cotisants ou à leurs ayants droit, avec un taux de prise en charge variable selon le montant des cotisations, qui lui-même dépend de l’état de santé de l’assuré ou, ce qui revient au même, de son âge. Et ce au détriment de l’assurance maladie obligatoire et solidaire, bénéficiant à tous, essentiellement financée par les cotisations sociales des employeurs. Accessoirement, on peut ajouter que cette dernière est plus économique, puisque 95 % des cotisations qu’elle reçoit sont rendues en prestations, contre seulement 75 % en moyenne pour les assurances complémentaires.

Vous affirmez, madame la rapporteure, qu’il faut impérativement inverser cette tendance au désengagement de la Sécurité sociale, en renforçant l’assurance maladie obligatoire. Nous partageons pleinement cette appréciation, et c’est bien là que le bât blesse, car ni la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, ni celle pour 2014, votée il y a à peine trois semaines, ne reviennent sur un seul des reculs orchestrés par les précédents gouvernements de droite.

Nous comprenons bien que confier aux organismes complémentaires une part toujours plus importante des dépenses de santé permet au Gouvernement de réduire artificiellement les dépenses publiques, dans lesquelles la Commission européenne intègre celles de l’assurance maladie. En réalité, ces dépenses ne sont pas du tout réduites, au contraire : elles sont simplement transférées des entreprises aux ménages.

C’est donc dans ce contexte que vous nous proposez de renforcer la place des assurances complémentaires. Certes, le désengagement de l’assurance maladie obligatoire a rendu aujourd’hui indispensable le recours à ces complémentaires. Certes, ce texte devrait permettre de faire baisser le coût de certaines prises en charge, concernant notamment les lunettes ou les soins dentaires, qui ne sont pratiquement pas remboursés par l’assurance maladie. Certes, ce texte se contente d’ouvrir aux mutuelles une possibilité qui existe déjà pour les assurances privées à but lucratif et les instituts de prévoyance. Certes, il encadre utilement les conventions entre les organismes complémentaires et les professionnels de santé. Mais, tout aussi indéniablement, parce qu’il accentue encore plus le poids de ces organismes, ce texte entérine le désengagement de la Sécurité sociale et poursuit sur la voie d’un recul considérable dans la prise en charge des dépenses de santé.

Il s’agit là d’un changement important qui n’est même pas mis en débat et que, pour notre part, nous ne pouvons cautionner. La première étape de ce changement a été la création, à côté de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, de l’UNOCAM, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire. Ce fut également le début de la dilution de l’idéal mutualiste dans une logique concurrentielle, car en acceptant de siéger à côté des assureurs privés au sein de cette UNOCAM, les mutuelles ont, de fait, accepté le principe d’une « concurrence libre et non faussée » en matière d’assurance santé complémentaire. Et pour faire face à la concurrence des assureurs privés et des instituts de prévoyance, elles ont été obligées de remettre en cause leurs principes fondateurs, notamment celui de non-sélection des risques. En se positionnant à la fois comme les alliés naturels de la Sécurité sociale, dont elles disent partager les mêmes valeurs, et comme les concurrents des assureurs privés et des instituts de prévoyance, les mutuelles complémentaires tentent de concilier deux positions inconciliables.

Face à cette situation, qui pénalise de plus en plus de citoyens, la puissance publique, de son côté, multiplie les rustines pour faire face au désengagement de la Sécurité sociale, présenté, à tort, comme inéluctable.

Le développement des assurances complémentaires, à coup d’aides fiscales, constitue la rustine principale. Ce faisant, les gouvernements successifs ont largement encouragé ce glissement à coup d’onéreuses subventions et exonérations fiscales, et dernièrement encore avec la loi sur la sécurisation de l’emploi, qui a présenté comme une grande avancée sociale ce qui en réalité ne constitue qu’une conséquence de ce désengagement.

À côté de cette rustine principale, vous multipliez les rustines secondaires pour celles et ceux qui n’ont vraiment pas les moyens de s’offrir une complémentaire santé : la CMU, la CMU-C, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire pour les personnes qui sont légèrement au-dessus du plafond de la CMU-C, et, dernièrement, le contrat de sortie pour celles qui ont dépassé le seuil de l’ACS. Voilà les pathétiques acrobaties où vous mène votre refus total d’examiner les propositions de nouvelles recettes pour la Sécurité sociale, qui permettraient un élargissement de la couverture, propositions formulées par notre groupe mais pas seulement, loin de là.

De plus, rien ne justifie votre refus persistant de notre proposition qu’à tout le moins l’assurance maladie puisse se positionner en tant qu’assurance complémentaire, comme elle le fait déjà pour la CMU-C. En effet, forte de ses compétences et de sa masse critique, l’assurance maladie obligatoire serait en mesure de proposer une complémentaire concurrentielle vis-à-vis des organismes privés – ses frais de gestion étant nettement moindres –, sans pour autant déroger à ses principes d’universalité, d’équité et de justice. Une proposition qui rejoint le but affiché de ce texte, à savoir peser sur le marché pour faire baisser les prix des complémentaires et favoriser ainsi l’accès aux soins. En la rejetant, il y a moins d’un mois, le Gouvernement a montré son peu d’empressement pour atteindre cet objectif.

Pour résumer, et pour conclure, ce texte ne revient pas sur le désengagement de l’assurance maladie. Certes, ce n’est pas sa vocation mais les textes de financement de la Sécurité sociale récemment adoptés ne le font pas non plus. Au contraire, cette proposition de loi entérine ce désengagement en organisant le transfert vers les assurances privées du terrain ainsi abandonné par la Sécurité sociale. Et si je m’étonne que cette option soit acceptable pour une majorité de gauche, vous comprendrez qu’elle ne peut pas l’être pour nous.

Cependant, eu égard aux préoccupations affichées et aux mesures d’encadrement que contient ce texte pour tenter de sécuriser les réseaux de soins mutualistes et essayer de faire baisser le coût de certains soins, nous avons décidé de nous abstenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner et, je l’espère, voter la proposition de loi relative au fonctionnement des réseaux de soins. En dix-huit mois, notre majorité a travaillé de multiples manières pour améliorer l’accès de nos concitoyens aux soins et aux protections collectives. Nous le savons, la majorité précédente avait laissé les comptes sociaux dans le rouge. Nous en sortons, nous en sortirons grâce à l’effort de tous les Français, grâce au courage du Gouvernement et de notre majorité.

Pour retrouver un accès satisfaisant aux soins pour chacun, il faut bien sûr aller au-delà du redressement des comptes. Les Français doivent être mieux soignés et à un prix plus juste.

Cette proposition s’appuie sur l’existence et le succès de réseaux déjà existants, qui étaient juridiquement menacés. Je veux le dire après la ministre, en réponse aussi à Mme Fraysse, dont je respecte les convictions : notre objectif est et restera tout au long de cette législature, et bien au-delà, la reconquête sélective par l’assurance maladie obligatoire des secteurs du soin et de l’équipement médical les moins bien pris en charge. Dans le même temps, l’accès pour tous à un contrat de complémentaire santé est aujourd’hui indispensable pour que personne n’ait à supporter un reste à charge trop important lors du remboursement des soins, et c’est bien cet accès de tous les Français à une complémentaire santé qui sera, nous y travaillons, l’une des marques de cette législature.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. Christian Paul. Dans le secteur des complémentaires, les organismes mutualistes occupent une place privilégiée. D’autres l’ont rappelé avant moi, les mutuelles font vivre des valeurs de solidarité, de démocratie et de transparence, sans but lucratif et avec une mission simple : garantir à tous l’accès à des soins de qualité. Je me réjouis qu’aujourd’hui, peut-être en raison de l’absence de l’opposition, nous n’entrions pas dans l’ambiance de polémique à l’égard du mouvement mutualiste qui avait, de façon très peu digne, marqué la première lecture de ce texte.

Il ne s’agit pas de permettre plus aux mutuelles, mais simplement de leur garantir les mêmes droits qu’aux assurances et aux instituts de prévoyance, celui de constituer des réseaux de professionnels de santé pour faire vivre leurs valeurs, tout en apportant à leurs assurés adhérents le meilleur service possible. Ces réseaux, je le sais, ont pu effrayer certains ici même, en particulier ceux qui n’ont pas pris la peine de participer au très remarquable travail réalisé par notre rapporteure Fanélie Carrey-Conte. Je crois qu’il faut maintenant lire correctement le texte de cette proposition de loi, tel qu’il nous est revenu du Sénat. Le dispositif de conventionnement des réseaux a un objectif attendu par les patients, qu’il nous faut revendiquer : la maîtrise et la modération des prix.

Les résultats de ces réseaux, depuis vingt ans qu’ils existent, sont reconnus. Des rapports, comme ceux de l’IGAS et de l’IGF, dont j’avais ici suggéré la lecture lors du premier examen de ce texte, ont largement développé les arguments qui attestent ces résultats, pour les effets positifs sur les tarifs et le reste à charge des patients, et donc sur l’accès aux soins comme sur la régulation des secteurs concernés, dans les domaines qui ont été rappelés : l’audioprothèse, le dentaire, l’optique et l’hospitalisation.

Quant aux professionnels, beaucoup sont satisfaits de voir ainsi solvabiliser leurs clients, comme d’exercer des métiers du soin dans un contexte de respect du patient et de satisfaction de ces besoins.

Mes chers collègues, ce texte ne vient pas, dans cette période, de façon isolée. Mme Touraine l’a rappelé tout à l’heure : ce texte est l’une des mesures qui permettront à nos concitoyens d’accéder à des soins de qualité sans se préoccuper de ce qui ne devrait pas être, au XXIsiècle, de nature à inquiéter les malades, c’est-à-dire le reste à charge et le coût de la bonne santé.

Parmi les actions engagées depuis un an par le Gouvernement et notre majorité pour permettre l’accès aux soins, les réseaux mutualistes trouvent leur place et renforcent nombre de mesures déjà adoptées : la régulation des dépassements d’honoraires, la proposition de loi que nous préparons pour moraliser l’exercice libéral de la médecine à l’hôpital public, ou encore la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés, grâce à l’article 1er de l’accord national interprofessionnel et à la loi sur la sécurisation de l’emploi. Je salue également la revalorisation du plafond de la CMU complémentaire ainsi que de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. On ne dira jamais assez que ce sont 750 000 personnes supplémentaires qui bénéficieront cette année de cette aide. Elles pourront également compter sur des prix de l’optique encadrés et garantis par l’article 45 de la loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, et surtout, je salue la création d’un contrat complémentaire santé responsable, avec un panier de soins garanti de qualité, dont bénéficieront tous les salariés. Nous avons d’ailleurs veillé, dans la loi de financement de la sécurité sociale, à ce qu’il y ait des incitations fiscales qui distinguent clairement les contrats responsables de ceux qui ne le sont pas ou qui le sont moins.

Voilà pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes fiers, pierre après pierre, d’offrir de nouveau aux Français l’accès à la santé qui a fait la réputation de notre pays. Cet État prévoyant et solidaire offre à chacun le soin dont il a besoin, sans y ajouter d’obstacles financiers qui sont, hélas, si déterminants sous d’autres latitudes. Je souhaite, nous souhaitons, que ce texte ne soit pas modifié et qu’il soit adopté. Il était grand temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi qui est soumise aujourd’hui à notre discussion reprend le principe posé par la loi Fourcade de 2011, qui donnait la possibilité aux mutuelles de mieux rembourser les adhérents lorsque ces derniers faisaient appel à un prestataire de santé membre d’un réseau de soins avec lequel elles avaient conclu un contrat. Il avait été décidé que ce dispositif devait être envisagé comme une expérimentation très encadrée, d’une durée de trois ans, même si cet encadrement avait été ensuite censuré par le Conseil constitutionnel.

À l’époque, il avait été rappelé, à juste titre, que la solution pour permettre un meilleur remboursement aux adhérents qui se font soigner par un professionnel conventionné par un réseau de soins était à trouver non pas dans le cadre d’un conventionnement de ce dernier mais bien dans celui des relations entre adhérents et mutuelles. Deux ans plus tard, je reste persuadé que l’idée de réseaux de soins va à l’encontre des principes de notre système de santé fondé sur le libre choix du patient…

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. François Vannson. …et qu’il ne résout pas fondamentalement le problème du reste à charge. Mais, au-delà du principe général de ce texte, sur lequel beaucoup se sont déjà exprimés, je souhaite centrer mon intervention sur le sort réservé aux opticiens depuis le vote par le Sénat d’un amendement de notre collègue Daudigny. Ce dernier maintient l’ouverture des réseaux de soins sans numerus clausus pour les professionnels de santé, à l’exception, toutefois, des opticiens, auxquels il réserve – et à eux seuls – des réseaux de soins dits « fermés », et ce sans concertation avec les professionnels concernés. Ce texte institutionnalise ainsi une différence de traitement entre les professionnels de santé dont le principe d’égalité est pourtant garanti par la Constitution. La lecture de cette disposition laisse apparaître que cette rupture d’égalité n’est justifiée ni par l’intérêt général, ni par une différence de situation des opticiens avec les autres professions de santé.

M. Patrick Hetzel. C’est du dogmatisme !

M. François Vannson. La démographie des opticiens n’est pas supérieure à celle d’autres professionnels de santé. Pourtant, seuls ces derniers sont soumis à une limite du nombre d’adhésions aux réseaux de soins. En prévoyant des réseaux de soins fermés pour les seuls opticiens, ce texte écorne également très sérieusement le principe de libre choix du patient en obligeant, de fait, l’assuré à choisir son professionnel de santé en fonction du seul critère de prix. Si l’on tolère aujourd’hui que les Français ne puissent pas librement choisir leur opticien, en créant d’ailleurs une inégalité territoriale, ne risque-t-on pas de voir demain ce principe étendu à d’autres professionnels de santé ? De plus, laisser aux organismes complémentaires la liberté de limiter le nombre d’adhésions des opticiens à leurs propres réseaux de soins revient à confier à un acteur privé un rôle de régulateur de l’offre de soins, puisque même des opticiens répondant aux critères édictés pourront ne pas être retenus dans les réseaux de soins fermés, du seul fait des OCAM.

Nous sommes alors en droit de nous interroger sérieusement sur les objectifs de cette disposition. S’il s’agit de réguler la profession d’opticien, comme je viens de le préciser, l’État ne peut se défausser sur des acteurs privés qui ont des liens économiques directs avec les opticiens. S’il s’agit, ce qui est légitime, de faire baisser le reste à charge du patient, la solution choisie n’est pas la bonne, pour deux raisons au moins. Tout d’abord, parce que les opticiens proposent déjà des offres forfaitaires d’accès à des prix très proches de ceux du forfait de la CMU. Ensuite, parce que le dispositif de l’article 45 du PLFSS qui vient d’être adopté va avoir pour effet mécanique de baisser le montant moyen par assuré et donc le montant global des remboursements.

Par ailleurs, ce texte, qui, soit dit au passage, porte atteinte au principe de liberté d’entreprendre garanti par notre Constitution,…

M. Patrick Hetzel. C’est un scandale !

M. François Vannson. …fait peser une menace directe sur l’activité des opticiens. En effet, 12 000 magasins d’optique sont aujourd’hui répartis sur notre territoire. Or, les réseaux de soins fermés n’agréeront que 2 000 à 3 000 magasins, excluant de fait 10 000 d’entre eux, qui se verront ainsi privés de leur liberté d’exercice. Ce à quoi s’ajoute la fragilisation des entreprises membres des réseaux. En effet, la part importante de chiffre d’affaires réalisée avec chacun de ces réseaux, associée à des durées de conventionnement comprises entre trois et quatre ans, impliquera une adaptation de la structure et donc des emplois en fonction de chaque résultat d’appel d’offres.

D’une manière générale, les nombreux opticiens que j’ai rencontrés ont l’impression d’être devenus les boucs émissaires de ce gouvernement et de cette majorité.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. François Vannson. Avant cette offensive sur les réseaux de soins, les attaques avaient d’abord porté sur les prix, puis sur les marges et enfin sur le nombre de magasins. Or, si l’on s’intéresse de près aux chiffres, on s’aperçoit que les prix pratiqués en France sont identiques à ceux des autres pays européens à produits égaux et que la marge d’un professionnel de l’optique est en moyenne de 4 %. Les opticiens, madame la ministre, ne sont pas des vendeurs de lunettes mais des professionnels de santé qui, entre le meulage des verres, leur polissage, leur perçage et leur montage, passent plus de deux heures en moyenne pour chaque client. Les dispositions contenues dans le projet de loi consommation, actuellement en discussion, confirment parfaitement ce manque de considération de la profession, en déréglementant totalement la vente des produits d’optique, assimilant les professionnels de ce secteur à de simples marchands de lunettes.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. François Vannson. Dans cette lignée, cette proposition de loi Le Roux, en instrumentalisant les réseaux de soins pour réduire le nombre d’opticiens, confirme malheureusement le désengagement de l’État à traiter une réelle problématique de santé publique.

M. Patrick Hetzel. Hélas !

M. François Vannson. En effet, les différentes mesures qui sont actuellement en passe d’être votées vont inéluctablement contribuer à faire baisser la qualité des prestations et des produits fournis à nos concitoyens.

Mme Marie-Christine Dalloz. La voilà, la réalité !

M. François Vannson. J’espère donc, pour conclure, que la discussion de ce texte nous permettra de revenir sur les dispositions adoptées au Sénat, qui vont à l’encontre de plusieurs principes garantis par notre Constitution. Madame la ministre, je compte sur votre soutien et sur celui de votre majorité pour éviter la destruction de valeurs et d’emplois pour la filière de l’optique, pour garantir le libre choix du praticien et pour promouvoir une filière d’excellence que beaucoup de pays nous envient et au sein de laquelle le « made in France » est encore majoritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Fritch.

M. Édouard Fritch. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’objectif du texte qui nous est soumis aujourd’hui n’est pas en soi discutable : il s’agit de renforcer l’accès aux soins de nos concitoyens, tout en limitant le montant qui reste à leur charge. Il s’agit de lutter contre l’avancée du désert médical et, avec notre collègue Philippe Vigier, le groupe UDI a, si je puis dire, apporté sa pierre pour construire ce barrage nécessaire. Que l’on se fonde pour cela sur le réseau mutualiste n’est pas non plus une innovation, c’est même l’une des caractéristiques de notre système de remboursement des soins depuis son origine. La question est celle de la place qu’il s’agit de faire aux complémentaires santé, ce qui engage pour nous des conséquences fondamentales quant à l’égalité réelle de nos concitoyens devant l’accès aux soins. Au-delà d’un choix de gestion, c’est un choix de conscience, au nom de l’intérêt de nos compatriotes et plus particulièrement des plus modestes d’entre eux.

Aujourd’hui, les complémentaires santé remboursent près de 14 % des dépenses de santé, ce qui représentait près de 25 milliards d’euros en 2011. C’est considérable. Pourtant, un certain nombre de nos concitoyens renoncent à se soigner, faute d’accéder à cette couverture complémentaire de façon suffisante, et c’est malheureusement le cas pour les soins les plus usuels, et ce pour 15 % au moins de nos compatriotes. Pour les citoyens que nous sommes, pour les enfants que nous avons été, pour les parents que nous sommes devenus parfois, pour les élus de la nation, ce hiatus-là est évidemment inacceptable et intolérable. C’est une inégalité moralement insupportable et c’est une réalité juridique qui lézarde notre socle républicain.

À l’origine, la proposition de loi comportait un article unique, qui ouvrait aux mutuelles le droit de constituer des réseaux de soins, en modifiant le code de la mutualité. Puis deux articles sont apparus, dès la première lecture dans cette assemblée. La lecture au Sénat a enrichi ce travail jusqu’à préciser la titulature de ce texte. Soit ! Il faut dire que la première mouture du texte était plus que rigide, créant des réseaux si fermés qu’ils allaient d’évidence porter atteinte aux principes d’égalité et de proximité dans l’accès aux soins, comme cela a été dit avant moi. Notre groupe l’avait d’ailleurs signalé. Nous nous en étions inquiétés et cela avait motivé notre vote. Mais nous avions aussi proposé des amendements dans le sens de l’assouplissement de ce qui finissait par ressembler à des clubs territoriaux de happy few, au risque d’une dégradation, sans contrôle possible, de l’offre proposée aux patients.

L’article 3, qui évoque le dépôt d’un rapport annuel, a vu sa date de remise reportée de juin à septembre, soit rien de très fondamental, admettez-le.

Mes chers collègues, nous considérons que le cadre proposé ne respecte pas suffisamment le libre choix du professionnel et de l’établissement par le patient. Il ne se fonde pas assez précisément sur des critères objectifs, indiscutables, transparents et non discriminatoires pour l’adhésion des professionnels et des établissements. Il ne favorise pas spontanément l’intégration de tous les hommes et de toutes les femmes de l’art dans ces réseaux. Il ne garantit pas l’absence de tout numerus clausus de connivence. Mais il permet en réalité de créer des systèmes d’exclusivité superposés. Il prend en otage géographique nos concitoyens. Il les met dans une nasse de filets derrière lesquels c’est l’incertitude.

Nous n’avons évidemment rien contre les mutuelles. Ce sont des opérateurs nécessaires, issus de ce que l’on appelle l’économie sociale et solidaire, qui offrent des services de prévoyance et de solidarité payants. Nous sommes même particulièrement attachés à ces partenaires de la santé et du bien-vivre. Mais ce sont aussi des structures privées, qui vivent sur le principe de la cotisation de leurs membres et de l’offre de prestations rémunérées à leur bénéfice. Autrement dit, et ce n’est évidemment en rien illégitime, leur mission est de garantir un équilibre entre le service des mutualistes et des objectifs de développement interne. Elles revendiquent d’ailleurs la rentabilité et la pérennité de leur modèle économique, qui se traduit, pour les plus grandes d’entre elles, par des cotations ou des projets de cotation en Bourse.

Nous ne voyons pas bien ce qui, dans les éléments fondamentaux de cette mission, justifie une sorte de charge d’Ancien Régime qui ferait en quelque sorte des mutuelles de nouveaux intendants en matière de santé. Pourquoi de telles structures, aussi bienveillantes soient-elles, viseraient-elles des objectifs universels, altruistes et caritatifs ? Madame la ministre, peut-on sérieusement affirmer que, du jour au lendemain, les réseaux qui se développent n’auront pas une tendance naturelle à réduire les coûts pour moins rembourser ? Peut-on affirmer sérieusement que cette démarche contribuera à solidifier et à aider notre filière française de fabrication de lunettes ? Et pourquoi pas, finalement, un partage des eaux et des territoires entre des médecins salariés mal payés pour une population paupérisée – de mauvais médecins pour les pauvres – et une médecine payante et de qualité pour les nantis ? Ce qui est inéluctable va finir par se produire : ne voit-on pas poindre une médecine à deux vitesses ? Et ne voit-on pas que l’on porte un coup fatal à la médecine libérale en France – libérale, non pas comme capital, mais comme liberté –, celle des patients et celles des médecins ? Veut-on faire des praticiens des mutualistes ou des salariés ? En France, seuls 7,4 % des médecins sont titulaires d’un diplôme obtenu à l’étranger, contre 30 % au Royaume-Uni.

Ce nombre tend pourtant à augmenter, notamment dans les localités peu attractives et dans certaines disciplines. En 2011, 27 % des nouveaux inscrits au Conseil national de l’ordre des médecins n’avaient pas obtenu leur diplôme en France. Il faudra, madame la ministre, se poser la question du transfert des médecins au sein de l’Union européenne. Cette question n’est pas anodine car de la réponse qui lui sera apportée dépend fortement la motivation des internes et des futurs internes – déjà fortement affectée, semble-t-il ; de cette réponse dépend aussi la qualité du service de santé rendu.

Alors, oui, nous sommes particulièrement inquiets de voir se mettre en place un réseau parallèle qui n’offre aucune garantie d’amélioration réelle des soins et qui n’assure pas aux Français de bénéficier durablement de plus importantes remises, par exemple sur les produits d’optique.

Regardons les choses clairement. Pour les républicains sociaux que nous sommes, il n’y a qu’un acteur qui puisse réguler l’offre de soins dans les territoires, qui puisse arbitrer de façon efficace et parfaitement impartiale, et garantir l’égalité d’accès aux soins : c’est l’État. Si celui-ci renonce à remplir son devoir, que les organisations des professionnels de santé, au-delà des seuls médecins, soient au moins invitées à devenir les acteurs de cette régulation. C’est le sens de l’un des amendements présentés par l’UDI.

La préemption des soins courants que vous allez organiser au bénéfice des mutuelles aboutira inéluctablement à ce que la Sécurité sociale ne garde à sa charge que les pathologies lourdes, le reste passant aux mains d’organismes de droit privé. Est-ce bien là ce que souhaite la représentation nationale ?

Même si le système actuel est imparfait, nous ne comprenons pas que vous conceviez un modèle sans véritable garantie de neutralité économique et de qualité de l’offre médicale. Nous comprenons d’autant moins ce choix qu’il nous arrive par la voie d’une proposition de loi de l’un de nos collègues. Ce n’est donc pas, je le dis avec tout le respect que je dois à son auteur, un projet clairement assumé par le Gouvernement.

Cette proposition de loi pose plus de questions de fond qu’elle n’apporte de solutions positives, équitables et durables pour les Français. Elle consacre un désengagement sans précédent de l’État concernant la régulation de l’offre de santé.

L’enfer est pavé de bonnes intentions, madame la rapporteure, madame la ministre. Je veux bien vous faire crédit de vos bonnes intentions, prudemment néanmoins… Vous l’avez compris : l’essentiel du texte initial n’ayant pas été modifié, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le groupe UDI sera conduit à voter contre cette proposition de loi.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je veux d’abord souligner la qualité du travail de notre rapporteure et des travaux de nos deux assemblées, qui ont démontré de façon définitive la pertinence des réseaux de soins.

Le partenariat entre professionnels de santé et organismes complémentaires date de la fin des années 90 avec le développement des réseaux d’opticiens et de chirurgiens-dentistes, le plus souvent désormais au travers de plates-formes de gestion dont les organismes complémentaires, les assureurs, les instituts de prévoyance ou les mutuelles sont actionnaires. Il appartient au législateur de garantir l’égalité entre tous les acteurs qui agissent dans le monde de la complémentaire santé. Ce sera chose faite dans quelques minutes, en mettant fin à la fragilité juridique des réseaux de soins mutualistes existants, suite aux arrêts de la Cour de cassation. Pourtant, certains s’obstinent à contester cette égalité au prétexte que la mutualité serait quasi hégémonique dans le champ de la complémentaire santé. Les chiffres, heureusement, contrarient cette fausse démonstration ; je les ai trouvés dans l’ouvrage de l’économiste très libéral Frédéric Bizard, maintes fois cité par l’opposition et édité récemment aux frais de l’Union des chirurgiens de France, avec une préface de son président, par ailleurs co-président du BLOC, dont on ne peut pas dire qu’il soit particulièrement favorable à la politique de santé menée par notre majorité : les mutuelles représentent 82 % des OCAM, c’est vrai, mais pèsent 56 % du chiffre d’affaires de l’assurance complémentaire santé, avec une part de marché qui s’érode au profit des compagnies d’assurances ; celles-ci ont représenté 27 % du marché en 2010 et sont en progression ; quant aux instituts de prévoyance, ils détiennent 17 % du marché, opérant essentiellement dans la prévoyance collective des salariés.

La réalité de l’hégémonie étant évidemment battue en brèche par ces chiffres, il fallait aux adversaires du texte trouver un autre argument, un argument simpliste, capable de semer le trouble parmi les professionnels de santé. Ils ont tenté de faire croire, dès la première lecture, aux médecins qu’ils allaient être phagocytés par les mutuelles et perdre leur liberté, alors qu’ils n’ont jamais été concernés par la proposition de loi ! Ce détournement volontaire de la réalité avait pour seul objet de brouiller la vérité au profit d’une fiction – je viens encore d’entendre notre collègue Fritch enfourcher cet argument.

Si l’on aime le cinéma – c’est mon cas –, on doit en rester au scénario tel qu’il est écrit, et vous l’avez sous les yeux : c’est cette proposition de loi. Je vous en propose une lecture littérale qui tient en trois articles et quelques alinéas.

M. Gérard Bapt. Quel talent ! (Sourires.)

M. Gérard Sebaoun. Mais auparavant, je veux poursuivre dans la veine cinématographique et, dans le droit fil du texte précédent – je pense à Metropolis et aux Lumières de la ville –, j’ose plagier Louis Jouvet et Marcel Carné, sans le même talent, évidemment, dans Drôle de drame : « Il n’y a rien, vraiment rien, mais alors vraiment rien de Bizard » dans cette proposition de loi. (Sourires.)

Dans son article 1er, voté conforme par le Sénat, la modification du code de la mutualité ouvre aux mutuelles le droit de constituer des réseaux, plaçant ainsi sur un pied d’égalité tous les organismes complémentaires.

L’article 2 affirme des principes que nous pourrions tous partager : le droit fondamental de chaque patient au libre choix ; l’instauration de règles claires d’adhésion à un réseau, basée sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires ; la libre adhésion des professionnels qui remplissent les critères sauf, c’est vrai, pour les conventions avec les opticiens, qui peuvent prévoir un nombre limité d’adhésions pour les raisons rappelées précédemment ; l’obligation d’information des adhérents par l’organisme assureur. Il précise que pour les autres professionnels, les conventions ne peuvent pas comporter de clauses tarifaires et que le niveau de prise en charge des actes médicaux ne peut être modulé au prétexte que le médecin aurait ou non conventionné avec l’organisme assureur.

L’article 3 prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport annuel, pendant trois ans, dressant le bilan des conséquences de cette loi sur l’accès aux soins.

Je soutiens ce texte avec d’autant plus de sérénité que je l’avais abordé, aux côtés de la rapporteure Fanélie Carrey-Conte, avec des interrogations sur les réseaux de soins. Le travail effectué et les auditions menées ont levé toutes mes interrogations. Aujourd’hui, force est de constater que l’accès aux soins du plus grand nombre dans des conditions réduisant le reste à charge doit être notre seule boussole, et les réseaux de soins y participent. J’invite donc ceux qui osent parler de cadeau fait à la Mutualité à relire le discours du Président de la République devant son congrès le 22 octobre 2012.

Mme Marie-Christine Dalloz. Justement ! Nous l’avons bien lu !

M. Gérard Sebaoun. Vous l’avez mal lu, ma chère collègue. Dans ce discours, il annonçait sa volonté de généraliser, à l’horizon 2017, l’accès à une couverture complémentaire et appelait à une révision de la fiscalité sur les contrats responsables. Nous avons avancé sur le premier volet, avec la loi sur la sécurisation de l’emploi qui instaure la complémentaire santé obligatoire pour l’ensemble des salariés, et sur le second dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014. Je ne me souviens pas, d’ailleurs, que la Mutualité ait tressé quelque laurier à la majorité.

Pour conclure et parce que le scénario n’a prévu aucun suspense, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe SRC votera avec clairvoyance cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, dernier orateur inscrit.

M. Denys Robiliard. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, dernier orateur inscrit du dernier texte avant les vacances, je tiens à dire que nous sommes passés d’une proposition de loi visant uniquement à instaurer l’égalité, bien nécessaire, entre les différents organismes complémentaires de l’assurance maladie, à un texte qui donne un statut et un encadrement aux réseaux de soins. Son ambition est donc aujourd’hui largement supérieure à celle de la proposition de loi initiale.

Le rétablissement de l’égalité était nécessaire au regard de l’arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2010. Il était inconcevable que les différents acteurs de la complémentaire santé ne soient pas à égalité en ce qui concerne les réseaux de soins. Je ne comprends pas, madame Dalloz, votre argumentation, car s’il y avait bien rupture d’égalité, c’était entre les instituts de prévoyance, les assurances et les mutuelles. Loin d’être anticonstitutionnelle, cette loi va rétablir l’égalité.

Il y avait aussi une nécessité de réguler. On peut constater, en matière d’optique, que la libre concurrence ne suffit pas : le nombre d’opticiens a considérablement augmenté ces dernières années, sans effet pourtant sur les prix de nos lunettes ou de nos lentilles.

M. François Vannson. Les prix sont justes !

M. Denys Robiliard. Ce n’est pas parce que les prix sont justes, mon cher collègue, mais parce qu’il s’agit d’un marché spécifique dans lequel la concurrence fonctionne manifestement très mal. Je ne pense pas, contrairement à ce que vous avez tranquillement prétendu, que la Cour des comptes ait comparé des choux et des carottes. Je ne crois pas que la Cour des comptes ait des illusions d’optique.

La régulation nécessaire est parfaitement circonscrite aux trois secteurs sur lesquels il faut intervenir, car ce sont les organismes d’assurance complémentaire qui solvabilisent le marché des lunettes, celui des prothèses dentaires et celui des prothèses auditives. Ces marchés devaient être régulés. Il était donc légitime d’organiser cette régulation. Cela étant, je suis très sensible à ce qui a été dit sur la part de la Sécurité sociale dans leur prise en charge, qui s’est en effet beaucoup dégradée depuis plus de dix années. La solvabilisation des assurés opérée par des organismes privés et la généralisation des complémentaires santé à travers la loi sur la sécurisation de l’emploi doivent faire réfléchir. On doit évidemment faire attention à ce que l’on fait si l’on entend laisser à la Sécurité sociale toute sa place. Je comprends, de ce point de vue, l’analyse de Mme Fraysse, mais d’un autre côté, je suis rassuré par les propos très fermes et très clairs de Mme la ministre de la santé.

S’agissant des réseaux de soins, je tiens à dire à mes collègues de droite que je ne comprends pas leur changement de position. Leur groupe, alors majoritaire, avait pourtant déposé une proposition de loi à l’initiative de M. Bur et de M. Door.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça n’a rien à voir ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Seul M. Robiliard a la parole.

M. Denys Robiliard. Cela avait tout à voir, mais vous ne voulez pas le voir. Outre la proposition de loi que je viens de rappeler, des dispositions concernant les réseaux de soins étaient prévues dans la loi Fourcade. Or aujourd’hui, vous et vos collègues prenez le contre-pied de ce que vous souteniez il y a moins de deux ans.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous mélangez tout !

M. Denys Robiliard. Mais, chère madame, tout le monde a le droit de changer d’optique, et cela a été manifestement votre cas.

Mme la présidente. C’est le cas de le dire, monsieur Robiliard. (Sourires.)

M. Gérard Bapt. Encore faut-il être couvert ! (Sourires.)

M. Denys Robiliard. Je note tout de même que nous avons considérablement clarifié les règles de fonctionnement des réseaux de soins. L’adhésion se fera désormais sur des bases définies par l’Autorité de la concurrence, sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. Il est important de rappeler que toute clause d’exclusivité est rejetée. Enfin, le principe est que les réseaux sont ouverts, à la seule exception de l’optique.

Nous avons fait un texte ramassé mais efficace, qui va permettre de réguler des marchés qui ne le sont pas et diminuer le reste à charge pour les assurés. C’est un texte qui défend l’intérêt général. Voilà pourquoi je le voterai sans aucune difficulté, ainsi que tous mes collègues socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt. Vous avez la vue claire !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 2

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n6.

Mme Marie-Christine Dalloz. M. Robiliard nous dit qu’il faut donner un statut et un encadrement aux réseaux de soins. C’est assez incroyable d’entendre cela. Il n’y a pas d’encadrement, aujourd’hui, au niveau des réseaux de soins ? C’est exactement ce que vous venez de dire.

Vous dites qu’il n’y a pas de régulation dans la profession des opticiens. Franchement ! Vous constatez l’augmentation de leur nombre. Oui, il y a 2 000 nouveaux opticiens chaque année, mais nous en avons 4 000 au chômage, ce qui veut dire que tous ceux qui sortent des écoles ne trouvent pas une activité professionnelle et qu’ils n’ouvrent pas forcément une officine.

Mais ne pensez pas que ce texte va réguler. Il faudra peut-être un peu de courage à un moment donné, trouver une autre orientation, évoluer vers des réformes structurelles de la profession : lui donner d’autres options ou modifier le parcours de formation. Quoi qu’il en soit, ce texte ne règle rien.

Le présent amendement prévoit un encadrement. Il propose qu’un décret en Conseil d’État, en concertation avec les professionnels, apporte des garanties concrètes en fixant précisément les règles de tout conventionnement par l’ensemble des organismes complémentaires.

Par ailleurs, pour assurer que les réseaux de soins soient ouverts, sans numerus clausus afin de préserver l’indépendance des professionnels et le choix des patients, il convient de le préciser.

Il nous semble indispensable que les règles de conventionnement appliquées par les organismes complémentaires soient harmonisées et que toutes les garanties soient données en matière de prévention de la santé publique et de réelle concertation avec les professionnels de santé. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Madame la rapporteure, voulez-vous faire d’une pierre deux coups et répondre aux orateurs de la discussion générale avant de donner l’avis de la commission sur cet amendement ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Oui, madame la présidente, si vous me permettez, au nom de l’esprit de Noël, de revenir sur quelques éléments de la discussion générale.

Mme la présidente. L’esprit des fêtes, si vous me le permettez, dans cet hémicycle.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais non, l’esprit de Noël !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. L’esprit des fêtes, du Noël laïc. Je voulais répondre à Mme Fraysse qui n’est plus là mais qui doit m’entendre de là où elle est, c’est-à-dire pas très loin.

M. Christian Paul. C’est de mieux en mieux !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Je voulais la remercier d’avoir salué les évolutions du texte à l’Assemblée nationale et au Sénat et lui redire – même si je sais que nous ne sommes pas d’accord sur ce point – qu’avec cette proposition de loi nous n’entérinons pas le désengagement de l’assurance maladie obligatoire mais que nous faisons avec une situation qui aboutit à ce que, dans certains secteurs comme l’optique, nous avons des niveaux de remboursement de 4 %. Alors oui, nous choisissons effectivement de ne pas nous priver d’outils comme les réseaux de soins, qui permettent à certains de nos concitoyens d’avoir des diminutions de reste à charge de plusieurs centaines d’euros sur des lunettes. C’est pour cela que nous le faisons.

Je voulais remercier mes collègues du groupe socialiste, MM. Paul, Sebaoun et Robiliard, d’avoir souligné l’ampleur du travail législatif, d’avoir montré qu’au moins sur ce texte nous avions tous progressé ensemble, et d’avoir insisté sur les enjeux importants d’égalité de traitement entre les différents organismes complémentaires. Nous y reviendrons ultérieurement.

Pour finir, je voulais dire à MM. Fritch et Vannson que je trouve toujours surprenant d’entendre les membres de l’opposition s’émouvoir du désengagement de la Sécurité sociale quand leurs politiques l’ont orchestrée de manière particulièrement vigoureuse au cours des dernières années.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’avez-vous corrigé ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Je voudrais leur redire également que nous ne créons pas de choses nouvelles avec cette proposition de loi. À vous entendre, nous serions en train d’inventer les réseaux de soins alors qu’ils existent depuis plusieurs dizaines d’années.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est bien ce que nous disons !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Certaines catastrophes que vous dénoncez aujourd’hui n’existent pas. Nous en avions déjà parlé en première lecture et nous y reviendrons pendant le débat sur les amendements : nous avons des éléments très précis en matière de qualité et de coûts qui montrent que nous régulons ce qui existe déjà, contrairement à vous.

S’agissant de l’optique, le nombre de points de vente a augmenté de 47 % depuis 2000. Ce ne sont pas des gens qui sont au chômage ; ils travaillent, puisqu’ils ont ouvert des points de vente en optique. Cela veut bien dire que les réseaux existants en optique, qui sont quasi exclusivement des réseaux fermés, n’ont pas entraîné une diminution du nombre de points de vente d’optique dans notre pays.

Venons-en à l’amendement de Mme Dalloz. S’agissant du décret en Conseil d’État, vous demandez des garanties supplémentaires en termes d’encadrement du fonctionnement des réseaux. Nous considérons que ces éléments de garanties sont satisfaits par le travail législatif effectué et par l’ensemble des principes que nous avons ajoutés, non pas au niveau du décret mais bien au niveau législatif : les principes de libre choix du patient, de non-discrimination, d’interdiction des clauses d’exclusivité, etc.

Nous considérons qu’aller plus loin, avec un décret en Conseil d’État, serait une solution trop rigide qui ne permettrait pas de tenir compte des spécificités locales, démographiques ou déontologiques des professions. C’est en ce sens que nous ne soutenons pas la proposition du décret.

Il faut dire, pour finir, qu’un décret en Conseil d’État créerait manifestement une insécurité juridique…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est extraordinaire !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. …au niveau des conventions qui seraient renouvelées entre la promulgation de la loi et la publication du décret que vous demandez. Pour toutes ces raisons, nous repoussons cette idée de décret en Conseil d’État, qui est d’ailleurs contenue dans plusieurs amendements.

En ce qui concerne les réseaux fermés, comme je l’expliquais dans mon intervention générale, ils ne sont pas une obligation mais une possibilité offerte par le texte de loi uniquement pour l’optique. Pourquoi ? Parce que nous considérons – et d’ailleurs l’Autorité de la concurrence ne l’a pas démenti – que dans les cas où, sur un territoire, les opticiens sont surnuméraires, pour qu’il puisse y avoir un intérêt à entrer dans un réseau, il faut qu’il puisse y avoir un surcroît de clientèle pour ces opticiens…

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah, c’est cela la finalité : avoir plus de clients !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. …et que cela implique de pouvoir utiliser, quand cela est nécessaire, des réseaux fermés. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Évidemment, je ne suis pas convaincu par les arguments de Mme la rapporteure. Je voudrais revenir sur un point : au cours des débats, on fait toujours référence à ce rapport de la Cour des comptes sur le prix des équipements optiques. J’ai du mal à comprendre, car la Cour des comptes renvoie au budget et non au prix.

M. Gérard Bapt. C’est le prix qui fait le budget !

M. François Vannson. Par ailleurs, la marge moyenne des opticiens étant de 4 %, on ne peut pas dire que cette profession s’enrichisse de façon scandaleuse sur le dos du patient. Ce texte ne va pas dans le bon sens et il ne sera pas sans conséquences sur la qualité, sur les prestations et sur cette belle profession qu’est l’optique-lunetterie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends les arguments de Mme la rapporteure. C’est tellement pathétique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) que cela m’a presque fait sourire.

M. Christian Paul. Si vous croyez que votre clientélisme n’est pas pathétique !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous voulez réguler la profession d’opticien – parce que vous avez conscience qu’il y a un problème – et vous souhaitez créer des outils de régulation. Si cette proposition de loi entend réguler le problème de surnombre des opticiens, ce que vous avez l’air de dénoncer, c’est que vous admettez que l’État se défausse de sa mission d’origine. C’est à l’État d’assurer l’avenir de la profession des opticiens.

M. Gérard Bapt et M. Christian Paul. Mme Dalloz est une étatiste ! C’est le retour des soviets ! (Rires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Aujourd’hui, vous vous défaussez de cette mission sur des acteurs totalement privés qui, en plus, ont des liens économiques directs avec la profession des opticiens. C’est incroyable d’entendre des choses comme ça. Et vous nous parlez de sécurité juridique ? Mais enfin, de qui se moque-t-on ?

(L’amendement n6 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson, pour soutenir l’amendement n30.

M. François Vannson. La relation conventionnelle des médecins doit s’effectuer avec l’assurance maladie obligatoire, principale source de remboursement des frais des patients. Par conséquent, les mutuelles n’ont pas vocation à mettre en place des réseaux de soins incluant les médecins et les établissements de santé accueillant les médecins.

Cet amendement vise donc à exclure les médecins des réseaux de soins, afin d’assurer un système de santé solidaire, accessible à l’ensemble de la population et garantissant l’indépendance de la médecine.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. À la lecture de l’exposé sommaire de votre amendement, je ne suis pas sûre que vous ayez bien lu la dernière version du texte de cette proposition de loi, à l’issue de son passage au Sénat.

M. Christian Paul. C’est un problème de lunettes !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Je vais vous redire, encore une fois, que les médecins sont exclus de la possibilité de mettre en œuvre des conventionnements portant sur des stipulations tarifaires entre les organismes complémentaires et les professionnels de santé.

Par ailleurs, il est explicitement écrit, à l’alinéa 8 de l’article, qu’il n’y aura pas de possibilité de faire des remboursements différenciés concernant les médecins. Ces craintes ont donc été dissipées notamment par les modifications apportées par le Sénat.

En outre, à la manière dont il est rédigé, votre amendement reviendrait à interdire aux organismes complémentaires de conventionner avec des médecins sur du tiers payant. Vous imaginez bien que ce n’est pas notre objectif politique. En conséquence, je suis défavorable à cet amendement.

(L’amendement n30, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n14.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’alinéa 4 de l’article 2 éclaire le but poursuivi par les réseaux de soins des organismes complémentaires santé. Il vise à instaurer un conventionnement individuel des professionnels de santé – on ne parle pas de médecins –, des établissements de santé et services de soins à des fins tarifaires, puisque cette disposition indique très clairement que les conventions devront comporter, pour ce qui concerne les professionnels de santé, des garanties sur leurs tarifs et sur leurs prix.

Le présent amendement vise donc à supprimer cet objet des futures conventions. Cet alinéa 4 confirme que vous ne regardez les choses qu’à travers le prisme du prix.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Effectivement, nous avons le prisme du prix quand certains de nos concitoyens ne peuvent pas s’acheter des lunettes ou des appareils d’audio-prothèse, voire renoncent à des soins !

Néanmoins, je vais, encore une fois, vous expliquer la proposition de loi, à l’issue de son parcours législatif. Les conventions sur les tarifs et sur les prix ne pourront porter que sur les professions pour lesquelles la part de remboursement de l’assurance maladie obligatoire est minoritaire, à savoir les opticiens-lunetiers, les prothésistes dentaires et les audioprothésistes. Pour les autres, il n’y aura pas, dans les conventions, de stipulations portant sur les tarifs ou sur les prix.

Avec votre amendement, vous voudriez interdire tout conventionnement sur les tarifs et sur les prix, y compris pour les trois professions que je viens de citer. Nul besoin de vous dire que c’est exactement l’inverse de ce que nous essayons de faire avec cette proposition de loi puisque nous assumons d’utiliser ces réseaux de soins pour faire diminuer le reste à charge dans ces trois secteurs. Votre amendement étant totalement contraire à l’esprit de ce que nous faisons, j’émets un avis défavorable.

(L’amendement n14, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n7.

Mme Marie-Christine Dalloz. D’après vos réponses, madame la rapporteure, je comprends qu’après les modifications apportées à cette proposition de loi lors de son passage au Sénat, vous conférez le rôle arbitraire de réguler à des organismes complémentaires. Même des opticiens qui répondent aux critères que vous avez édictés dans votre proposition de loi pourront ne pas être retenus dans les réseaux fermés, du seul fait des organismes complémentaires d’assurance maladie.

Il est fondamental que vous entendiez cette réalité. Nous voulons vous aider car, tant qu’à aller au bout de cette démarche, au moins soyons cohérents. Avec cet amendement, nous proposons donc que ces conventions soient en conformité avec un cahier des charges qui pourrait être édicté par la Haute autorité de santé, une autorité indépendante, compétente pour avoir un regard sur ce type de conventionnement.

Vous ne voulez pas du décret en Conseil d’État qui, selon vous, provoquerait une insécurité juridique. Je n’ai jamais entendu cela, mais nous vous proposons que ce soit la Haute autorité de santé qui prévoit les éléments de ces décrets.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. À l’issue d’un débat intéressant en séance publique au Sénat sur ce même amendement, son auteur l’a retiré. Après un échange avec Mme la ministre, il avait convenu bien volontiers qu’il y avait un problème de compétence de la Haute autorité de santé. En effet, cette dernière n’est pas compétente pour édicter des règles de qualité qui concernent l’ensemble des professions qui pourraient entrer dans le champ des réseaux. Avis défavorable.

(L’amendement n7, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n15.

Mme Marie-Christine Dalloz. En dépit des déclarations très générales de cette proposition de loi sur le respect du libre choix du professionnel de santé par les patients – et l’on est bien ici dans l’ordre de la déclaration, de la communication –, de très nombreux patients parmi les 38 millions d’adhérents des mutuelles constateront rapidement que les actes et consultations de leurs médecins traitants ne seront pas aussi bien pris en charge que ceux des médecins agréés par leur complémentaire santé.

C’est la dérive qui sera entraînée par l’application de ce texte. Avec le présent amendement, nous prévoyons donc que les médecins traitants déclarés avant la promulgation de la présente loi ne pourront se voir appliquer une prise en charge par les mutuelles inférieure à celle des médecins ayant souscrit une convention avec ces dernières.

Il y a là une question de parallélisme des formes et de logique pour les adhérents des mutuelles et les patients.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Disons-le une nouvelle fois, le texte de la proposition de loi ne rend pas possible les conventions avec les médecins qui comporteraient des stipulations tarifaires, de même que les remboursements différenciés sont interdits en ce qui concerne les médecins.

Par ailleurs, je tiens aussi à souligner que l’exposé sommaire de cet amendement assume – mais vous l’avez dit tout à l’heure, ce n’est donc plus une surprise – une discrimination et une inégalité de traitement entre, d’un côté, les mutuelles et, de l’autre, les instituts de prévoyance et les assurances,…

M. Gérard Bapt. C’est ça, l’objectif !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. …puisque vous interdisez explicitement aux mutuelles de faire des remboursements différenciés. Vous assumez donc de donner aux assurances et aux instituts de prévoyance un avantage concurrentiel par rapport aux mutuelles, alors que nous sommes, nous, pour l’égalité de traitement entre ces trois types d’organismes complémentaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n15 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n16.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.

(L’amendement n16, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 4 et 12.

La parole est à M. François Vannson, pour soutenir l’amendement n4.

M. François Vannson. Afin que le droit fondamental de chaque patient au libre choix du professionnel, de l’établissement ou du service de santé, posé dans la convention, soit effectif, il importe que celui-ci soit expressément stipulé dans le contrat qui lie l’organisme assureur à l’assuré ou adhérent, à l’instar de ce qui est envisagé dans le cadre du projet de loi consommation pour les autres contrats d’assurance.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n12.

Mme Marie-Christine Dalloz. On en revient toujours à cette notion de liberté du patient. L’ensemble des opticiens proposent, aujourd’hui, des offres forfaitaires, avec des prix très proches de ceux du forfait de la couverture maladie universelle complémentaire. Voilà qui constitue un argument contre ce que vous défendez depuis le début, dans le cadre de cette proposition de loi.

Si vous regardez objectivement ce qui se passe sur le marché des lunettes, vous devez admettre que votre proposition de loi n’apportera rien de positif par rapport à ces possibilités et qu’elle va, de toute façon, contraindre le libre choix du patient ; ça, c’est une réalité. Le choix du patient sera orienté et dicté, en même temps que le niveau de remboursement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Je le dis une nouvelle fois, le principe de libre choix du patient est inscrit noir sur blanc dans le texte législatif.

Par ailleurs, votre amendement me donne un souci, parce que je pense qu’il ne faut pas se tromper d’objet. L’objet de notre proposition de loi, l’objet de nos travaux, c’est de définir un cadre pour les conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie complémentaire et les professionnels ou établissements de santé. Il n’est pas de définir les règles relatives aux contrats entre les organismes complémentaires et les assurés ou adhérents. Avec cet amendement, on n’est plus dans le sujet.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 4 et 12 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 2 et 10.

La parole est à M. François Vannson, pour soutenir l’amendement n2.

M. François Vannson. Tout d’abord, une petite remarque. Il ne suffit pas d’affirmer que le principe de libre choix est institué par la loi pour que ce soit réellement le cas sur le terrain, on le voit bien.

J’en viens à l’amendement n2. Les critères « objectifs, transparents et non discriminatoires » sur lesquels doivent s’établir ces conventions doivent être négociés entre les organismes de protection sociale complémentaire et les organisations professionnelles de professionnels de santé et non, comme c’est le cas avec le texte actuel, imposés de façon discrétionnaire par l’OCAM, ce qui conduit à un réel déséquilibre qu’aggrave la généralisation de la couverture santé.



La définition des critères de sélection qualitatifs mais aussi tarifaires se doit impérativement d’être partagée par les acteurs. Sinon, le risque est de laisser le soin à des organismes privés de réguler l’offre de soins sur des critères prioritairement financiers, au détriment de la qualité de soin induite des besoins des assurés, que les professionnels de santé sont les plus à même d’apprécier et de caractériser.



Cet amendement me semble donc très important.



Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n10.

Mme Marie-Christine Dalloz. On peut quand même s’étonner que le Gouvernement soit aujourd’hui représenté par Mme la ministre de la santé pour l’examen d’un texte qui aura précisément pour effet de mettre à mal la santé de nos concitoyens, et ce, d’une part, pour des raisons idéologiques – il s’agit d’un engagement du Président de la République, que l’on peut entendre –, et, d’autre part, pour des raisons exclusivement financières. C’est, à mon sens, une aberration totale. Il ne s’agit plus, en l’occurrence, de choix par rapport à des pathologies, ou des maladies : les critères sont totalement liés à des questions de prix, de coût. C’est là le dommage que cause l’alinéa 6 de l’article 2. Telle est la réalité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Tout d’abord, en ce qui concerne, monsieur Vannson, la liberté de choix, les études menées dans les réseaux de soins, que ce soit celui développé par la MGEN ou celui développé par Groupama, l’efficacité du taux de prescription, c’est-à-dire la proportion d’adhérents qui se rendent chez les professionnels de santé des réseaux constitués, s’élève à 60 %. On est donc loin, dans le cas de ces deux réseaux, d’un marché captif à 100 % que formeraient l’ensemble des adhérents de ces complémentaires. Cela veut bien dire que sur le terrain, concrètement, dans les faits, oui, la liberté des assurés de se rendre chez le professionnel de santé de leur choix est bien réelle.

En ce qui concerne plus spécifiquement le conventionnement et cet amendement, ce ne sont pas les organismes complémentaires qui écrivent que les critères doivent être objectifs, transparents et non discriminatoires, c’est nous, le législateur, qui l’écrivons dans ce texte de loi. Cela veut bien dire qu’en cas de contestation, si une convention était dénoncée, il appartiendrait au juge d’apprécier le respect ou non de ces critères. Ce ne sont donc pas les organismes complémentaires qui ont écrit tout seuls ce que nous avons, nous, décidé d’écrire dans la loi.

Par ailleurs, en ce qui concerne la négociation avec les organisations représentatives des professionnels de santé, c’est quelque chose qui n’est pas possible pour toutes les professions. Cela existe pour certains réseaux de soins, comme vous le savez sûrement. Il existe par exemple une convention au niveau national entre la MFP, la Mutualité fonction publique, et la Confédération nationale des syndicats dentaires. Par contre, ce n’est pas possible, par exemple, pour les opticiens, dont la représentation est beaucoup plus éclatée. Nous ne considérons donc pas que l’idée de systématiser et rendre obligatoires les conventions avec les organisations représentatives soit une bonne idée.

Donc avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je suis étonné de la façon dont Mme Dalloz s’en est prise à Mme la ministre de la santé en invoquant des arguments de santé publique.

La réalité de la santé publique, aujourd’hui, c’est que plusieurs millions de nos compatriotes n’ont pas de verres adaptés à leur état médical, à la réalité de leur vue. Et cela a pour seule origine l’existence d’une difficulté financière d’accès aux soins. Ce texte d’initiative parlementaire a précisément pour objet, avec l’assentiment du Gouvernement, de régler ce problème.

Par ailleurs, je m’étonne qu’aujourd’hui vous vous fassiez ainsi l’accusateur public des mutuelles, alors que, récemment, dans un autre débat, qui portait sur l’article 1er de l’accord national interprofessionnel, vous vous en faisiez le grand défenseur. Comme quoi, lorsqu’on est dans l’opposition et lorsqu’on a aussi à assumer le passé, notamment le texte Door-Bur-Fourcade, on a parfois des argumentations évolutives ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Seul M. Bapt a la parole.

M. Gérard Bapt. Enfin, je voulais citer M. Sarkozy.

M. Christian Paul. Lequel ?

M. Gérard Bapt. « Il faut passer d’un modèle de protection sociale uniquement redistributive à un modèle de protection sociale active, dans lequel le risque est géré. Il faut que nous soyons des gestionnaires du risque, et non plus de simples payeurs aveugles, derrière la Sécurité sociale, dont le rôle est fondamental pour ce qui relève de la solidarité. » M. Sarkozy voulait donc que les organismes complémentaires aient un rôle actif dans la gestion du risque. Mais il s’agissait de Guillaume Sarkozy.

M. Christian Paul. Quel talent, ce Bapt !

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh là là, quelle subtilité, monsieur Bapt !

Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Je veux aussi rebondir sur les propos de Mme la rapporteure. Elle cite les études qui ont été réalisées par certaines mutuelles et dit qu’à peine 60 % des assurés choisissent l’offre de soins « fermée », dirons-nous, mais, je suis désolé, 60 %, c’est pas une paille, comme on dit dans mon département rural, ce n’est pas rien, c’est quand même la majorité du marché. C’est tout de même très important.

Ensuite, à partir du moment où il y a une différence de remboursement, même s’il y a une liberté de choix, il va de soi que la démarche est contrainte.

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Elle est incitative !

M. François Vannson. Naturellement, le client ira là où il sera le mieux remboursé. Il faut quand même tenir compte de ces éléments.

(Les amendements identiques nos 2 et 10 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 3 et 11.

La parole est à M. François Vannson, pour soutenir l’amendement n3.

M. François Vannson. Je pense que tout professionnel de santé, quel qu’il soit, doit avoir le pouvoir, s’il le souhaite, d’adhérer à une convention instaurant un réseau de soins, et ce sans discrimination dès lors qu’il respecte les termes du conventionnement. On revient là sur un problème de fond évoqué lors de la discussion générale.

Je pense que ce n’est pas à ces organismes, mutuelles ou assureurs, de juger, avec un mode opératoire arbitraire, la compétence de tel ou tel praticien, de tel ou tel opticien.

C’est la raison pour laquelle je tiens à défendre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n11.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet alinéa 7 représente un réel danger. Introduit lors de l’examen du texte au Sénat, il a pour but de créer des réseaux de soins fermés uniquement et exclusivement pour les opticiens. C’est effectivement prévu par la seconde phrase : « Cependant, les conventions concernant la profession d’opticien-lunetier peuvent prévoir un nombre limité d’adhésions. » C’est vraiment la stigmatisation d’une seule profession, qui n’est justifiée par rien, si ce n’est le fait, comme vous l’avez dit, qu’il faut « réguler » cette profession. C’est totalement ubuesque : on va réguler une profession en inscrivant une exclusion dans un texte de loi.

Vous ciblez donc une seule profession de santé. Vous l’exposez à une réelle discrimination, car, au regard des principes garantis par la Constitution, c’est totalement discriminatoire. Et puis vous allez inévitablement, avec cette restriction, entraîner aussi une restriction de l’offre accessible aux patients du fait de l’introduction insidieuse d’un numerus clausus par les réseaux fermés. Dans les territoires ruraux ou excentrés, vous allez mathématiquement exclure de l’accès à des soins des personnes qui souhaiteraient adhérer, et accéder à des professionnels reconnus. La deuxième phrase de cet alinéa 7 est particulièrement dangereuse, et nous souhaiterions qu’elle fût supprimée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. La proposition de loi, après son passage au Sénat, maintient la possibilité d’une situation existante.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah bon ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Aujourd’hui, les réseaux de soins fermés qui existent sont quasi exclusivement dans le secteur de l’optique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Avec la proposition de loi, nous maintenons la possibilité, qui ne sera pas systématique – c’est bien une possibilité –, pour les organismes complémentaires, de mettre en place des réseaux fermés, uniquement avec les opticiens. Ce ne sera pas le cas pour les audioprothésistes, ni pour les chirurgiens-dentistes.

Pourquoi seulement pour les opticiens ? Parce qu’il y a un problème de régulation démographique de cette profession.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est incroyable !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Vous dites que vous défendez les opticiens. En l’occurrence, je crois que cette profession se met elle-même en danger à cause de cette absence de régulation démographique : les points de vente d’optique se sont multipliés.

Je n’ai pas dit que cette proposition de loi était un outil de régulation du nombre d’opticiens ; je pense au contraire que cette régulation devra prendre place dans le cadre d’une politique plus globale.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah bon ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. En revanche, j’ai bien dit que dans certains cas, sur certains territoires où les opticiens sont en surnombre, il faut permettre la mise en place de réseaux fermés si l’on veut que ces réseaux soient efficaces et attractifs pour les professionnels de santé. Si l’on ne met pas de numerus clausus en place, les professionnels de santé n’auront aucun intérêt à intégrer un réseau.

M. Gérard Sebaoun. Eh oui ! C’est évident !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. En effet, cela ne leur offrirait pas la possibilité d’augmenter leur nombre de patients. C’est en ce sens que les sénateurs ont décidé de maintenir la possibilité des réseaux fermés, uniquement pour les opticiens-lunetiers.

Par ailleurs, un certain nombre d’avis, notamment de l’Autorité de la concurrence, ont bien expliqué que ce n’est pas le caractère ouvert ou fermé d’un réseau qui en fait ou non un bon réseau, accessible aux patients. En l’occurrence, le fait qu’il existe des réseaux fermés ne cause pas de distorsion de concurrence.

Un certain nombre de professionnels de santé, d’opticiens, ont exprimé leurs craintes. Selon eux, ils seraient menacés. Pour les rassurer, je vous donnerai deux éléments. D’abord, il n’y a pas de clause d’exclusivité. Cela signifie que les opticiens pourront demander à entrer dans l’ensemble des réseaux existants : ils ne seront pas limités à un seul réseau. Ensuite, comme je l’ai redit tout à l’heure, les réseaux fermés existent depuis plus d’une dizaine d’années dans le secteur de l’optique. En 2000, il y avait 10 000 opticiens en France. En 2012, il y en avait 25 000. Cela prouve bien, encore une fois, que l’existence de réseaux fermés n’a pas entraîné une diminution du nombre d’opticiens dans notre pays. Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quand j’entends Mme la rapporteure dire que l’alinéa 7 de l’article 2 de cette proposition de loi réglera le problème du surnombre d’opticiens dans certains territoires…

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Je viens de vous dire l’inverse !

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la rapporteure, j’ai bien lu le texte de cette proposition de loi. Que dit-il ? Je vais relire intégralement l’alinéa 7 : « Tout professionnel, établissement ou service répondant aux critères mentionnés au troisième alinéa du présent I peut adhérer à la convention. Cependant, les conventions concernant la profession d’opticien-lunetier peuvent prévoir un nombre limité d’adhésions. » Vous dites qu’il n’y a pas d’exclusivité ? Mais enfin…

M. Denys Robiliard, Mme Fanélie Carrey-Conte et rapporteure. Ce n’est pas cela, l’exclusivité !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais si, c’est exactement cela ! Il s’agit bien d’une notion d’exclusivité, puisque certains opticiens seront exclus de certains réseaux !

M. Denys Robiliard. C’est pathétique ! Pitoyable !

Mme Marie-Christine Dalloz. À partir de là, je ne vois pas comment les conventions que vous prévoyez pourront intégrer une dimension territoriale. Quand il y aura des opticiens en surnombre, les mutuelles feront donc des conventions par territoire ? De qui se moque-t-on en prétendant pareille chose ? Ce n’est pas possible d’entendre ça ! Vous excluez bien et vous stigmatisez bien une profession : les opticiens-lunetiers. Cela me paraît évident. Vos réponses n’apportent aucune clarté s’agissant de cet alinéa 7, qui repose bel et bien sur un principe d’exclusion. Vous dites qu’il n’y a pas de notion d’exclusivité : franchement, c’est se moquer de nous !

M. Christian Paul. Ne soyez pas désagréable, madame Dalloz !

Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Vous avez cité, au cours de ce débat, la profession de dentiste. Je tiens à vous faire remarquer qu’il y a autant d’opticiens que de dentistes.

M. Gérard Sebaoun. Non, il y a beaucoup plus de dentistes. Les dentistes sont au moins deux fois plus nombreux que les opticiens.

M. François Vannson. En tout cas, en officine. Je ne vois donc pas pourquoi ni au nom de quoi nous traiterions différemment ces deux professions.

Cela fait quelques années que je siège dans cet hémicycle : c’est une des premières fois que je vois l’Assemblée nationale inscrire dans le marbre de la loi une discrimination patente, évidente. Nous avons encore l’occasion de voter pour supprimer cet alinéa 7 : j’espère que nous le ferons.

(Les amendements identiques nos 3 et 11 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n20 deuxième rectification.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement vise à ajouter, après l’alinéa 7 de l’article 2 de cette proposition de loi, un alinéa ainsi rédigé : « Un décret en Conseil d’État fixe les règles de mise en œuvre du présent article pour tout conventionnement souscrit entre les professionnels de santé, les établissements de santé ou les services de santé et une mutuelle ». Force est de constater que les auteurs de la proposition de loi sont conscients de la situation d’infériorité des professionnels de santé et des établissements qui contractent individuellement avec des organismes qui, eux, sont très puissants. Je ne citerai pas tous les organismes énumérés par l’exposé sommaire de cet amendement,…

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. C’est étonnant, aucun groupe d’assurance n’est cité !

Mme Marie-Christine Dalloz. …vec leur poids financier. Cet article 2 pose des principes très généraux mais ne prévoit pas de garanties précises à propos des relations futures des professionnels de santé dans le cadre de ces conventionnements. C’est pourquoi nous demandons qu’un décret en Conseil d’État apporte des garanties concrètes en fixant les règles de tout conventionnement par l’ensemble des organismes complémentaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. J’ai déjà présenté des arguments tout à l’heure à propos de l’idée d’un décret en Conseil d’État. Mais je voudrais signaler à Mme Dalloz qu’il est dommage que l’exposé sommaire de son amendement ne mentionne pas les groupes d’assurances privés et les chiffres correspondants, mais se contente des groupes mutualistes. Avis défavorable.

(L’amendement n20 deuxième rectification, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n17 rectifié.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’espère que Mme la ministre et l’ensemble des députés socialistes ont eu connaissance de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014. L’article 14 de cette loi – l’ex-article 12 ter – vient en effet d’être partiellement censuré. Pour cela, le Conseil constitutionnel s’est fondé exactement sur les mêmes motifs qui avaient conduit le groupe UMP à dénoncer cet article, notamment à propos de la surtaxation des entreprises qui choisiraient de ne pas suivre la recommandation. Vous avez été sanctionnés : je pense qu’il est important de vous le rappeler. Parfois, l’opposition a de bons arguments à faire valoir !

Cet amendement n17 rectifié propose que les médecins contractent individuellement avec les organismes dont je parlais tout à l’heure, qui sont très puissants. Il serait tout à fait inhabituel que les professionnels de santé signent des conventions individuelles et non des contrats-types pour pouvoir exercer leur métier. Prenons, par exemple, l’obligation de signer un contrat-type fixé par arrêté pour accéder aux EHPAD. C’est un élément important.

C’est pourquoi, afin de protéger les cocontractants en situation d’infériorité d’éventuelles clauses léonines imposées par les mutuelles, le présent amendement prévoit la signature de ces conventions à partir d’une convention-type préalablement fixée par le Conseil d’État. Je ne crois pas que demander au Conseil d’État de fixer un cadre juridique puisse affaiblir juridiquement ces futures conventions.

(L’amendement n17 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n8 rectifié.

Mme Marie-Christine Dalloz. Lors de l’examen de ce texte en première lecture, la ministre des affaires sociales et de la santé affirmait être opposée à un remboursement différencié, sauf pour l’optique, les soins dentaires et les prothèses auditives. Elle l’a d’ailleurs rappelé tout à l’heure, au nom du Gouvernement. Un amendement avait été adopté, visant à exclure les honoraires des conventions entre complémentaires santé, pour les médecins libéraux. Il s’agit ici d’exclure tous les professionnels de santé des remboursements différenciés afin de préserver la liberté de choix des patients, à laquelle il semble que nous soyons beaucoup plus attachés que vous, mesdames et messieurs les députés de la majorité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Je précise qu’il est bien écrit dans le texte de la proposition de loi que les conventions ne pourront pas inclure de clauses tarifaires liées aux actes et prestations fixés par l’assurance maladie. S’agissant des professionnels de santé pour lesquels la dépense de l’assurance maladie est majoritaire, ce que votre amendement propose reviendrait à sortir explicitement les chirurgiens-dentistes du champ de la modulation des remboursements. Nous ne le souhaitons pas, parce que nous considérons qu’il faut agir pour diminuer les restes à charge, qui sont très importants dans ce secteur. Avis défavorable.

(L’amendement n8 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n18.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais que Mme la ministre nous précise, dans le cadre de cette discussion en deuxième lecture, le caractère ouvert ou fermé des réseaux de soins que vous souhaitez mettre en place. Nous avons bien compris que pour l’optique, ces réseaux seront fermés. Qu’en est-il pour les autres professionnels de santé ? L’expérience des réseaux de soins mis en place par les assureurs et institutions de prévoyance montre une tendance naturelle à la fermeture des réseaux, à en juger par le mécontentement exprimé par les dentistes et les opticiens à l’égard des appels d’offres ouverts par certains de ces organismes. L’intérêt financier des organismes de complémentaire santé, qui n’offrent pas les mêmes garanties pour leurs assurés propres que l’assurance maladie obligatoire, milite d’ailleurs pour la fermeture de l’ensemble des réseaux. Madame la ministre, il faut que vous précisiez si ces réseaux auront un caractère définitivement ouvert ou totalement fermé. Il nous semble important d’avoir une réponse à cette question dans le cadre de cette discussion.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Je vais vous lire l’alinéa 7 de l’article 2 de cette proposition de loi : « Tout professionnel, établissement ou service répondant aux critères mentionnés au troisième alinéa du présent I peut adhérer à la convention. Cependant, les conventions concernant la profession d’opticien-lunetier peuvent prévoir un nombre limité d’adhésions. » Avis défavorable.

Mme Marie-Christine Dalloz. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Si vous ne comprenez pas ce que je viens de lire, je ne peux rien faire pour vous !

M. François Vannson. C’est ridicule !

(L’amendement n18, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n19.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous arrivons à quelque chose de très intéressant. Nous vous proposons de compléter l’alinéa 10 par les mots suivants : « ainsi que le niveau de ses frais de gestion au regard de son chiffre d’affaires santé », pour l’ensemble des mutuelles. En 2011, la DRESS a en effet rendu un rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé, qui porte plus particulièrement sur les charges de gestion des mutuelles, frais d’acquisition et frais d’administration compris. Ces charges s’élèvent à 22 % du montant des primes – 32,5 % pour les contrats individuels et 19,3 % pour les contrats collectifs.

Je vous signale que le marché des complémentaires santé a vu son chiffre d’affaires augmenter de 5,2 % sur un an, pour atteindre 33 milliards d’euros. Cette progression des cotisations s’accompagne d’une explosion de leur rentabilité. Libre à vous d’être d’accord avec cet état des choses ! Le résultat technique du secteur, c’est-à-dire la différence entre les ressources et les dépenses, a bondi de 25 % pour atteindre 373 millions d’euros fin 2010. Quant aux frais de gestion, fortement décriés, ils représentaient en 2010 23,25 % des cotisations. Comment garantir que les économies qui pourront être réalisées grâce à la mise en place de tels réseaux de soins bénéficieront réellement et effectivement aux assurés ? Nous considérons par ailleurs que l’instauration de tels réseaux ne saurait être réalisée à coûts constants. Je crois qu’il est important que vous en ayez conscience, avant que les dérives ne soient avérées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. D’abord, les frais de gestion des mutuelles sont connus : vous venez vous-même de citer une étude de la DRESS. Par ailleurs, je vous rappelle qu’un arrêté du 26 septembre 2012 fait obligation aux mutuelles de communiquer à leurs adhérents le montant des frais de gestion à partir du 1er janvier 2014. Je vous rappelle également que l’objet de cette proposition de loi n’est pas les frais de gestion des mutuelles mais les réseaux de soins, le reste à charge pour les patients et les questions d’accès aux soins, ce qui semble bien peu vous préoccuper : cela se confirme au fur et à mesure de la discussion.

Mme Marie-Christine Dalloz. Votre seule préoccupation est de conforter les mutuelles !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Pour finir, il est impossible de comparer les frais de gestion des mutuelles avec ceux de la Sécurité sociale, simplement parce que les frais des mutuelles prennent en compte des éléments qui ne concernent pas la Sécurité sociale, comme la gestion du tiers payant, les actions de prévention et d’éducation à la santé ou l’action sociale. Ces comparaisons ne sont donc pas pertinentes. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable, car la demande de Mme Dalloz est déjà satisfaite. Plusieurs arrêtés ont été pris en cette matière, mais l’arrêté qui a rendu obligatoire la transmission des informations demandées est celui du 8 juillet 2013.

(L’amendement n19 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n9.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 3 prévoit qu’un rapport permettra d’évaluer les réseaux de soins mis en place, mais vous le limitez à une période de trois ans. Pourquoi donc ? Nous pouvons imaginer de suivre attentivement, chaque année, les conséquences en matière de santé, sur les résultats des mutuelles, et sur l’augmentation ou non des frais de gestion à venir. Limiter à trois ans cette évaluation est beaucoup trop réducteur. Il faut que le Parlement puisse être, chaque année, informé des conséquences du texte que vous souhaitez adopter aujourd’hui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Nous en avions déjà débattu en première lecture et en commission. Nous considérons que la période de trois ans est une période suffisante pour avoir des éléments importants et significatifs sur les réseaux de soins et leur suivi. Par ailleurs, la vie ne s’arrêtera pas au bout de trois ans – en tout cas je l’espère – et il y aura une clause de revoyure qui permettra, si nécessaire, de demander une évaluation supplémentaire. Avis défavorable.

(L’amendement n9, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n21.

Mme Marie-Christine Dalloz. Défendu.

(L’amendement n21, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n24.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette proposition de loi octroie aux mutuelles des prérogatives de nature à déstructurer notre système de soins, en instaurant un conventionnement individuel des médecins libéraux, des établissements de santé et des services de soins à des fins tarifaires, dont l’effet sera notamment de priver les patients de leur liberté de choix. Ce seront les organismes complémentaires santé qui exerceront désormais un effet directeur sur l’offre de soins, au détriment de l’assurance maladie obligatoire.

C’est cela que nous dénonçons depuis le départ. Cette proposition de loi, rédigée sans étude d’impact ni concertation préalable, est porteuse d’effets pervers potentiels très lourds sur notre système de soins.

Je ne peux pas laisser Mme la rapporteure dire que nous nous désintéressons complètement de notre système de soins. Au contraire, nous avons la volonté de…

M. Denys Robiliard. Le casser !

Mme Marie-Christine Dalloz. …le préserver, et de conserver la qualité que nous lui connaissons aujourd’hui. Parallèlement, nous voulons maintenir une activité économique par le biais non seulement des opticiens, qui représentent l’emploi proche de nos territoires, mais aussi par celui de la filière industrielle lunetière, qui est reconnue pour sa qualité et son savoir-faire. C’est tout cela que nous vous proposons.

Nous vous demandons que le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie publie chaque année un rapport sur le fonctionnement des réseaux de soins pratiquant des prestations différenciées selon que leurs assurés ont recours ou non à des professionnels. Cela nous semble très important car l’impact sur nos territoires sera réel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. D’une part, il nous semble que l’amendement est redondant puisque l’article 3 prévoit déjà un rapport d’évaluation, qui par ailleurs se fixe des objectifs plus larges que ce que vous proposez dans votre exposé sommaire. D’autre part, il reviendra au Gouvernement de décider de l’institution à laquelle sera confié ce rapport.

Enfin, vous ne pouviez évidemment pas disposer d’une étude d’impact, puisque ce texte est une proposition de loi.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Je souhaite simplement ajouter quelques mots en quittant pendant quelques instants le domaine de l’optique et de la lunetterie pour en venir à celui de la médecine.

M. Christian Paul. Cela va nous changer !

M. François Vannson. Oui, cela va changer un peu. Pour ma part, je suis convaincu que notre système de santé, et surtout la qualité des soins prodigués aux patients, va être le grand perdant. En effet, toutes les études montrent bien qu’il faut établir la meilleure confiance possible entre le praticien et le patient pour qu’on ait une bonne réussite en matière de traitement des pathologies.

À partir du moment où, insidieusement, vous allez orienter les choix du patient en fermant l’offre, il est évident que cela risque, à terme, d’avoir des conséquences sur la qualité et l’efficacité des traitements et des prises en charges, qui concernent souvent des pathologies lourdes.

M. Gérard Sebaoun. Fantasme complet !

(L’amendement n24 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n22.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette proposition de loi est présentée par la majorité comme un outil pour que les mutuelles diminuent les montants restant à charge des assurés, ou du moins pour qu’elles soient plus largement accessibles, tout en faisant l’impasse sur une source d’économies majeure : leurs propres frais et coûts de gestion.

Certes, il y aura un rapport qui sera normalement connu à partir du 1er janvier 2014, mais l’importance des frais de gestion des mutuelles est unanimement reconnue, et se retourne contre l’image des mutuelles elles-mêmes.

Si le législateur prive les patients de la liberté de choix de leurs professionnels et établissements de santé, il convient au moins d’assurer une vraie transparence en la matière. Le législateur doit imposer la transparence totale en matière de frais de gestion des organismes dont il renforce le rôle dans notre système de santé, au risque de le déstructurer.

L’amendement n22 propose donc qu’à compter d’un an après la promulgation de la présente loi, l’Autorité de contrôle prudentiel remette au Parlement un rapport annuel détaillant les coûts de gestion pour chaque organisme de protection complémentaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. J’ai déjà répondu à la question des frais de gestion. J’ajoute simplement qu’il n’est pas du tout du ressort des missions de l’Autorité de contrôle prudentiel de contrôler le détail des frais de gestion. Avis défavorable.

(L’amendement n22, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n25.

Mme Marie-Christine Dalloz. Au regard du rôle majeur que cette proposition de loi attribue aux organismes complémentaires de santé, à travers leurs réseaux de soins, l’offre de soins va forcément être différenciée au détriment de l’assurance maladie obligatoire. Il est nécessaire pour la collectivité nationale de disposer des outils évaluant objectivement la qualité de leurs services et performances, afin que les assurés choisissent au mieux leur couverture face au risque santé.

Nous vous proposons donc, madame la ministre de la santé, en vous appuyant sur les données fournies par qui vous souhaitez – puisque vous refusez l’Autorité de contrôle prudentiel – de publier un classement annuel des organismes complémentaires santé – mutuelles, institutions de prévoyance et assurances –, basé sur les tarifs moyens des principaux actes et prestations offerts, leur coût de remboursement et le montant de leurs frais de gestion. Nous vous proposons, par cet amendement, une vraie transparence, vous qui la souhaitez tellement !

M. Gérard Sebaoun. Le classement n’a rien à voir avec la transparence !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Sur la question de la transparence, de la lisibilité et de l’encadrement des contrats proposés par les organismes complémentaires, un certain nombre de choses ont déjà été faites, notamment dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale – cela a été rappelé par Mme la ministre en introduction.

Des propositions ont également été faites dans le cadre de la loi relative à la consommation, notamment un amendement défendu par M. Christian Paul concernant l’écriture des contrats des complémentaires de santé, qui devront désormais exprimer leurs garanties en euros et non plus en pourcentage.

Néanmoins, ce que vous proposez n’est pas lié au sujet du texte ; c’est donc hors sujet. Par ailleurs, nous ne voyons pas l’intérêt d’un tel classement qui serait, de surcroît, compliqué à mettre en œuvre, car les contrats pour chaque organisme peuvent être de qualités très différentes et proposer des choses très diverses. Ce n’est donc pas pertinent, et c’est hors sujet. Avis défavorable.

(L’amendement n25, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Titre

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n13.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est l’ultime amendement, qui porte sur l’appellation de cette proposition de loi. À l’origine, elle s’appelait « proposition de loi visant à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins ». Ce titre était manifestement erroné puisqu’il existe déjà de nombreux réseaux de soins mis en place par les mutuelles.

La commission des affaires sociales a donc opté pour un nouveau titre, dans le but de ne pas annoncer trop clairement la réalité, d’une part, aux professionnels de santé qui seront confrontés à un conventionnement individuel à des fins tarifaires et, d’autre part, aux 38 millions d’adhérents qui bénéficieront de remboursements certainement diminués si les professionnels de santé et les établissements qu’ils fréquentent ne font pas partie du réseau agréé.

Pour toutes ces raisons, nous préférons, une fois encore, un intitulé complètement transparent et sincère – puisqu’on nous parle régulièrement de transparence, de sincérité et de lisibilité. Il serait donc plus convenable que cette proposition de loi s’appelle dorénavant « proposition de loi visant à permettre aux mutuelles d’instaurer des remboursements différenciés selon que les assurés ont recours ou non à un professionnel, un établissement ou un service de santé membre de l’un de leurs réseaux de soins ». Et l’on pourrait ajouter : « et en excluant l’ensemble de la filière optique. »

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. Excusez-moi, madame Dalloz, mais vous faites preuve de mauvaise foi… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Christine Dalloz. La mauvaise foi est toujours de notre côté ! Et la bonne foi, du vôtre !

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure. …car, à nouveau, vous refusez de voir l’évolution législative et le travail que nous avons accompli sur ce texte depuis son dépôt en première lecture à l’Assemblée nationale.

Je vais vous rappeler à nouveau – puisque c’est le dernier amendement – la comparaison entre l’avant et l’après. Avant, nous étions confrontés à une inégalité de traitement entre les organismes complémentaires et les réseaux de soins, dont les principes de fonctionnement n’étaient pas encadrés.

Après un travail législatif des deux assemblées, nous sommes parvenus à un véritable enrichissement du texte, qui permet aujourd’hui une égalité de traitement entre les organismes complémentaires – pas de discrimination –, et des réseaux de soins dont le fonctionnement va être encadré, et le périmètre précisé.

Il n’y a donc pas d’ambiguïté entre ce qui existait avant et ce que nous allons permettre. Je répète que c’est un outil que nous mettons au service de nos concitoyens pour améliorer l’accès aux soins, notamment pour les plus défavorisés. L’avis est donc défavorable sur votre amendement, qui ne rend absolument pas compte de la réalité du travail que nous avons fait et du résultat auquel nous parvenons ce soir.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Je crois que le titre proposé par Mme Dalloz a comme intérêt de bien montrer les intentions cachées de ce texte. Je soutiens donc évidemment cet amendement.

Cela étant dit, ce qui me désole, au terme de l’examen de ce texte, c’est que nous avons vraiment le sentiment, sur les bancs du groupe UMP, que, pour arriver à vos fins, vous n’avez surtout pas touché aux mutuelles et à tous ces organismes complémentaires. Surtout pas ! C’est un peu le temple dans lequel il ne faut pas pénétrer.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. François Vannson. Par ailleurs, vous avez fait le choix de « serrer la vis » – pardonnez-moi l’expression – à tous les praticiens, notamment les opticiens, qui vont supporter les conséquences de cette réforme. Nous considérons que ce n’est pas normal et que cela contrevient à la justice et à l’équité. Les frais de gestion constituent un vrai sujet de débat, que nous devons aborder calmement ; une fois de plus, vous ne l’avez pas fait.

(L’amendement n13 n’est pas adopté.)

Explication de vote

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Gérard Sebaoun. Je voudrais dire la satisfaction de notre groupe de voir enfin établi le principe d’égalité entre tous les acteurs de la complémentaire santé : assureurs, instituts de prévoyance, et – enfin, oserai-je dire – les mutuelles. Il s’agit d’un pas utile sur le chemin encore long pour améliorer toujours d’avantage l’accès aux soins de l’ensemble de nos concitoyens.

Je souhaite dire que les réseaux de soins n’ont pas la prétention de résoudre toutes les difficultés mais ils y participent, notamment grâce à l’affirmation de principes à l’article 2 – cela a été largement démontré dans le débat, je n’y reviens donc pas.

J’ajoute enfin que nous aurons ce fameux rapport remis au Parlement sur les conventions signées et leurs conséquences qui, je n’en doute pas, seront favorables.

Pour toutes ces raisons, j’engage mes collègues à adopter cette proposition de loi, dite « Le Roux ». Notre président de groupe, qui est derrière moi, a tenu à être présent pour partager cette satisfaction collective. Mes chers collègues, n’hésitez pas, votez ce texte sans retenue !

M. Christian Paul. Très bien !

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.) (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je tenais à adresser mes remerciements aux parlementaires de la majorité. Ils sont, en effet, à l’origine de cette proposition de loi, laquelle doit nous permettre de mieux organiser notre système de complémentaire santé et d’apporter des garanties de transparence et de qualité à tous nos concitoyens. Je remercie tout particulièrement la rapporteure pour le travail qu’elle a accompli avec ses collègues. Je remercie également les parlementaires d’avoir accompagné l’évolution de la réflexion sur la proposition de loi initiale.

C’est la preuve que les échanges ont été fructueux entre les deux assemblées et entre le Gouvernement et le Parlement. Je salue tous les parlementaires qui ont participé à ce débat. Je remercie les administrateurs pour leur contribution. Puisque c’est, je crois, le dernier texte examiné avant la trêve des confiseurs, et sans vouloir attenter à la laïcité qui doit régner dans ces lieux, vous me permettrez, madame la présidente, de souhaiter de joyeuses fêtes, mais aussi un joyeux Noël aux parlementaires présents ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. À mon tour, madame la ministre, mes chers collègues, de vous souhaiter, ainsi qu’aux membres du cabinet, du plateau, des commissions, des groupes et à Mmes et MM. les agents, d’excellentes fêtes.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 7 janvier 2014, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron