Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 13 février 2014

SOMMAIRE

Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Approbation de conventions et d’accords internationaux

Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique

Convention de l’Organisation internationale du travail relative au cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail

Entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relative à l’Office franco-québécois pour la jeunesse

Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet

Suspension et reprise de la séance

2. Consommation

Présentation

Mme Annick Le Loch, rapporteure de la commission mixte paritaire

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Discussion générale

Mme Michèle Bonneton

Mme Jeanine Dubié

M. André Chassaigne

M. Frédéric Barbier

M. Damien Abad

M. Michel Zumkeller

Mme Marie-Lou Marcel

Mme Frédérique Massat

Texte de la commission mixte paritaire

Amendement no 1 rectifié

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

3. Ville et cohésion urbaine

Présentation

M. François Pupponi, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Discussion générale

Mme Laurence Abeille

M. André Chassaigne

Mme Jacqueline Maquet

M. Damien Abad

M. Arnaud Richard

Mme Dominique Orliac

M. Philippe Bies

M. Dominique Baert

Vote sur l’ensemble

4. Artisanat, commerce et très petites entreprises

Discussion des articles (suite)

Article 5

Amendement no 50

M. Fabrice Verdier, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme

Amendements nos 188 , 261 , 46 , 260 , 189 , 47 , 264 , 237 , 256 rectifié , 60 , 48 , 255 , 45 , 257

Article 6

Mme Catherine Troallic

Amendements nos 88 , 236 , 190 , 32 , 206 , 207 et 208 , 63 , 209 , 235

Après l’article 6

Amendements nos 141 , 7

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Approbation de conventions et d’accords internationaux

Procédure d’examen simplifiée

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifié, en application de l’article 103 du règlement, de quatre projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux (nos 1026, 1736, 674, 1737, 1099, 1738, 1577, 1783).

Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais directement mettre aux voix l’article unique de chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.

Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Convention de l’Organisation internationale du travail relative au cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relative à l’Office franco-québécois pour la jeunesse

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures trente, est reprise à neuf heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Consommation

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la consommation (n1773).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Le Loch, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Annick Le Loch, rapporteure de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la deuxième lecture de ce texte a débuté à l’Assemblée nationale le 13 novembre dernier, il y a presque trois mois jour pour jour. Nous voici donc au terme de ce marathon législatif engagé au mois de mai dernier et à l’issue duquel le volume du projet de loi initial a plus que doublé.

Il est vrai que nous avons beaucoup avancé. Pour ne citer que quelques dispositifs parmi les plus emblématiques, je rappellerai l’action de groupe, le répertoire national des crédits aux particuliers, les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, les pièces détachées, la durée de vie d’un bien, le « fait maison » et la vente de l’or et des métaux précieux.

Il y a une semaine, nous nous sommes réunis en commission mixte paritaire avec nos collègues du Sénat. Je suis très sincèrement convaincue que le résultat auquel nous sommes parvenus, et que nous allons voter ce matin, est tout à fait satisfaisant. Monsieur le ministre, avec vos collaborateurs ainsi que ceux de l’Assemblée nationale et les nombreux acteurs concernés par ces sujets, nous avons fait du bon travail.

Les discussions ont été courtoises mais fermes, accrochées quelquefois sur certains sujets, et cela me conduit à évoquer trois dispositions relevant des articles sur lesquels j’ai eu l’honneur d’être rapporteure.

Sur le sujet fondamental des délais de paiement, nous sommes parvenus à un compromis qui offre un dispositif clair et précis pour les acteurs, notamment grâce aux travaux de notre collègue sénateur Martial Bourquin. Nous en restons à quarante-cinq jours fin de mois ou un délai de soixante jours à compter de la date d’émission de la facture en toute hypothèse, la dérogation qui avait initialement accordé au secteur du bâtiment ayant été supprimée en CMP. Je pense que c’est une position vertueuse pour la trésorerie des entreprises si chaque maillon respecte les délais de paiement.

Un sujet a été évoqué assez longuement par Mme Guittet, qui a présenté un amendement relatif aux délais de paiement auxquels sont soumises les entreprises à forte activité tournée vers l’exportation. Elles subissent un effet de ciseaux, puisqu’on leur impose de respecter les délais de paiement en France, notamment à l’égard de leurs sous-traitants, alors qu’elles doivent parfois attendre longtemps avant d’être payées, ce qui les conduit à avoir une trésorerie sinon structurellement, du moins tendanciellement déficitaire. N’y a-t-il pas sur ce point, monsieur le ministre, un sujet à approfondir dans les mois qui viennent ?

S’agissant des relations entre fournisseurs et distributeurs, notamment dans le domaine de l’agroalimentaire, je pense que nous avons très bien avancé en précisant les règles dans un objectif de transparence et d’équilibre.

Il a fallu discuter, se battre, se confronter même. Mais je suis convaincue que nous sommes parvenus à rééquilibrer quelque peu les relations qui existaient jusqu’alors. On ne pourra juger de l’avancée de ce texte que lors des négociations de 2015, mais je pense que les choses seront modifiées entre les différentes parties.

La prééminence des conditions générales de vente, le fait de veiller à ce que les contreparties existent, la sincérité exigée des différents acteurs sont autant d’éléments qui vont évidemment dans le bon sens. Les pratiques changeront-elles pour autant ? Je l’espère sincèrement car il y va de la vitalité du tissu industriel sur nos territoires. Mais à entendre certains patrons de la grande distribution ces temps derniers, il ne faut pas que votre action s’arrête là, monsieur le ministre.

La soi-disant défense du pouvoir d’achat des consommateurs et la guerre des prix bas ne peuvent servir de prétexte à certains acteurs économiques pour mettre à bas des conventions uniques élaborées bien souvent dans la douleur et au détriment de la partie faible au contrat, c’est-à-dire bien souvent les PME.

Il faut que le Gouvernement accroisse ses contrôles et renforce à cet effet les effectifs et les moyens de la DGCCRF. Il ne faut pas hésiter à assigner les enseignes de la grande distribution lorsqu’elles le méritent. Je sais que le ministre de l’économie vient de le faire récemment pour sanctionner un distributeur qui imposait ses conditions générales d’achat dans ses contrats. C’est absolument inadmissible. Il ne faut pas davantage hésiter, lors des moindres discussions informelles que nous, parlementaires, pouvons avoir avec ses représentants, à rappeler à la grande distribution les actes dont elle se rend responsable chaque année, tout spécialement lors des négociations commerciales, mettant en risque fort les entreprises agroalimentaires et les producteurs sur nos territoires.

Certes, tout n’est pas blanc d’un côté, noir de l’autre. Les torts existent sans doute de chaque côté. Mais par leur concentration et leur puissance, les centrales d’achat ont une responsabilité supérieure à celle des autres parties.

Il appartient également aux producteurs de s’organiser pour peser dans les débats et mener des négociations plus équilibrées. Je pense par exemple aux producteurs de lait.

Sur ce sujet des négociations commerciales, nous avons donc adopté la rédaction de l’Assemblée nationale, légèrement amendée par le Sénat, et enrichie par l’amendement dit « de courtoisie » du président François Brottes qui, là aussi, peut contribuer à normaliser les relations commerciales, à apaiser les tensions, et à rééquilibrer les rapports de force.

Enfin, encore une fois à l’initiative de François Brottes, la CMP a débattu des magasins de producteurs, réaffirmant le caractère local de ces structures désormais inscrites dans le code rural.

Monsieur le ministre, je veux une nouvelle fois saluer le travail effectué par vos collaborateurs, les fonctionnaires de l’Assemblée et tous les acteurs concernés, et encourager chacun à voter en faveur de ce texte qui, à n’en pas douter, restera un grand texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je laisse la parole à Mme Annick Le Loch, rapporteure, pour présenter les conclusions de M. Razzy Hammadi, lui aussi rapporteur de la commission mixte paritaire.

Mme Annick Le Loch, rapporteure. À l’issue de l’examen du texte dans les deux assemblées, ne restaient que quarante-deux articles en discussion. M. Hammadi se réjouit du fait que la commission mixte paritaire ait abouti.

En matière d’action de groupe, les deux assemblées sont parvenues à un équilibre sur lequel la commission mixte paritaire n’est revenue qu’à la marge. Chaque lecture aura été l’occasion de mieux sécuriser le dispositif. Quand la deuxième lecture à l’Assemblée nationale a permis à la procédure simplifiée de réparer les préjudices subis en matière de SMS, par exemple, la deuxième lecture au Sénat a contribué à préciser la procédure accélérée quand les consommateurs sont connus des opérateurs.

Pour ce qui est de la tarification dans les parcs de stationnement, la commission mixte paritaire a choisi de faire la synthèse entre les deux positions des assemblées et a opté pour une tarification par pas de quinze minutes et non pour une tarification à la minute. Un pas d’un quart d’heure plutôt qu’à la minute présente des avantages en termes de charges et de lisibilité du tarif tout en offrant un rapport satisfaisant entre le temps usité et le temps payé.

Outre les charges, telle que le changement de monnayeur par exemple, le pas à la minute présente des risques de troubles à l’ordre public. On peut effet prévoir une vitesse excessive dans les contre-allées en cas de paiement par carte à la sortie, ou des irritations dans la file d’attente en cas de paiement en borne avant la sortie.

Concernant le « fait maison », son caractère obligatoire a été réintroduit par la commission mixte paritaire, afin de donner tout son sens à cette disposition.

Sur la prorogation de la dérogation à la mise aux normes de certaines stations-service, qui avait fait débat au sein des deux assemblées, la commission mixte paritaire a opté pour la solution la plus juste vis-à-vis des stations qui ont investi pour se mettre aux normes et est revenue sur l’équilibre trouvé en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Les réservoirs de stations-service dont le volume distribué est de moins de cinq cents mètres cubes devront donc être remplacés au plus tard le 31 décembre 2016.

Concernant le démarchage téléphonique, la commission mixte paritaire est revenue à la rédaction issue de l’Assemblée nationale qui proposait un encadrement satisfaisant sans menacer les emplois localisés en France qui sont en jeu.

Mme Annick Le Loch, rapporteure. Je rappelle, en effet, que le texte prévoit de créer une liste d’opposition qui sera effective, car obligation sera faite aux professionnels d’épurer leurs fichiers de prospection des personnes inscrites dans cette liste. Il sera également interdit de prendre des paiements à la commande, et ce pendant une période de sept jours. Le délai de rétractation a été doublé, l’anonymat d’appel interdit et le montant des sanctions augmenté en cas d’abus de faiblesse.

En ce qui concerne l’optique, l’équilibre trouvé au Sénat est le bon dans la mesure où la mention de l’écart pupillaire n’a pas été supprimée sur les ordonnances, et la délivrance de verres progressifs n’a pas été soumise à la prise de mesures physiques. En étendant le champ des professionnels concernés tout en sécurisant le parcours médical, ce compromis permettra de diminuer le prix des lunettes en France.

En matière de crédit, la commission mixte paritaire a rétabli la possibilité pour un vendeur d’être rémunéré en fonction des prêts souscrits par ses clients, et elle a compris le souci des sénateurs pour l’effectivité de l’alternative au crédit renouvelable en magasin. Désormais, si le consommateur opte pour le crédit amortissable qui lui est proposé, le prêteur devra lui fournir l’offre de crédit correspondant à la proposition.

Concernant l’indication des conditions sociales et éthiques de fabrication d’un produit, on peut regretter qu’il ait fallu revenir dessus, même si l’on comprend l’inquiétude des sénateurs quant à la charge que fait peser le dispositif en cas d’usage abusif.

S’il y a eu des points durs de désaccords, notamment en ce qui concerne les délais de paiement, la commission mixte paritaire a abouti à un texte commun. Ce projet de loi sur la consommation comporte de réelles avancées, c’est pourquoi nous vous invitons à l’adopter.

Soulignons, pour conclure, combien ce texte prend une résonance particulière dans le contexte économique que nous connaissons. Il participera à la restauration de la confiance des consommateurs, qui ne peuvent être les acteurs de la relance sans une meilleure information et sans un engagement de l’État à leurs côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, nous arrivons au terme de l’examen d’un texte abondamment discuté dans votre assemblée comme au Sénat, qui s’est considérablement enrichi de nouvelles dispositions. Je voudrais revenir sur les principaux bénéfices qu’en retireront les consommateurs, destinataires finaux de cette loi, en mettant en avant les dix nouveautés qui amélioreront leur vie quotidienne et libéreront leur pouvoir d’achat.

Premier bénéfice : la possibilité d’obtenir réparation des préjudices du quotidien grâce à l’action de groupe. Qui n’a pas un jour eu à se plaindre d’une facturation excessive, d’un prix trop lourd, en décalage avec le libre jeu du marché, et à renoncer à faire valoir ses droits devant la justice, découragé par l’énergie qu’il fallait déployer et par la lourdeur des procédures ? Grâce à l’action de groupe, innovation structurante de ce projet de loi, les consommateurs pourront faire valoir leurs droits et obtenir réparation des préjudices qu’ils subissent en cas de litiges dans un contrat de consommation ou en cas de pratiques anti-concurrentielles – la rente économique captée par les cartels leur sera ainsi redistribuée. Nous avons proposé toutes les garanties nécessaires pour éviter que le dispositif ne conduise à des dérapages, comme aux États-Unis où les actions de groupe rémunèrent davantage les cabinets d’avocat qui les mettent en œuvre qu’elles ne réparent le préjudice économique subi par les consommateurs. Nous avons voulu au contraire nous concentrer sur la réparation du préjudice économique. C’est le premier étage d’une fusée qui en comportera, je l’espère, deux autres : l’action de groupe dans le domaine de la santé, puis l’action de groupe dans le domaine de l’environnement.

Deuxième bénéfice : la possibilité de résilier à tout moment, au terme de la première année, ses contrats d’assurance automobile et multi-risques habitation. Les dépenses liées à l’assurance représentent aujourd’hui 5 % du budget mensuel des Français et le poids de ce poste diminuera grâce à cette nouvelle mesure, plébiscitée par huit Français sur dix. D’ores et déjà, certaines sociétés mutuelles d’assurance ont annoncé, par anticipation, une stabilisation voire une baisse de 5 % des prix qu’elles pratiquent. Et ce mouvement devrait se poursuivre dans les mois et années à venir.

Troisième bénéfice : la diminution du coût de l’assurance emprunteur. Nous avons travaillé à cette mesure, à l’invitation de l’Assemblée nationale en première lecture. En deuxième lecture, avec le ministre de l’économie et des finances, nous avons fait une proposition. Nous ouvrirons une fenêtre d’un an de discussions et de renégociation de l’assurance emprunteur à laquelle souscrivent tous les Français lorsqu’ils contractent un emprunt immobilier. Nous attendons de ce dispositif une diminution substantielle du coût du crédit, Nous estimons entre 20 % et 30 % la diminution du coût de l’assurance, ce qui correspond à des gains significatifs.

Quatrième bénéfice : une diminution du coût des lunettes, grâce à une régulation de la concurrence entre la vente par internet et la vente dans des commerces physiques. Nous avons voulu mettre de l’ordre dans ce marché. Rappelons qu’en France, le coût moyen d’une paire de lunettes – monture et verres correcteurs – atteint 472 euros, soit deux fois plus que le coût moyen observé dans les pays voisins. Grâce à notre dispositif, qui inscrit en outre cet équipement dans un parcours de soins mieux organisé, le prix des lunettes fera l’objet d’une baisse significative, de l’ordre de 100 à 150 euros en moyenne sur les montures.

Cinquième bénéfice : un meilleur accès aux produits de santé que sont les tests de grossesse et les solutions de nettoyage pour lentilles de contact, qui seront désormais distribués en grandes surfaces. Outre un gain de pouvoir d’achat, cette mesure garantira l’anonymat aux femmes qui achètent un test de grossesse, alors qu’elles étaient nombreuses à redouter de procéder à un tel achat dans des lieux familiers. Nous avons voulu prendre en compte cette crainte réelle, même si nous n’avons jamais remis en cause le respect par les pharmaciens du devoir de confidentialité auxquels ils sont astreints.

Sixième bénéfice : l’alignement des tarifs sur le service rendu. Il sera désormais possible de payer le stationnement au quart d’heure. Quand vous laisserez votre voiture sur un parking quinze petites minutes pour chercher un colis, vous paierez votre place pour quinze minutes et non plus pour une heure. Cet alignement s’applique aussi aux maisons de retraite. Auparavant, si par malheur une personne décédait au début du mois, la maison de retraite facturait le mois entier même lorsque la chambre était immédiatement réoccupée par un autre résident, auquel, naturellement, on la facturait aussi. De telles pratiques seront désormais interdites, ce qui me semble tout à fait naturel. Ajoutons à cela l’interdiction des frais de transfert dans les auto-écoles, qui se traduira par des gains de 50 à 200 euros dans le prix total d’obtention du permis de conduire.

Septième bénéfice : une consommation responsable est encouragée. La garantie légale de conformité, du moins la présomption d’antériorité de défaut, est portée de six mois à deux ans. Ainsi, les consommateurs auront deux ans pour faire remplacer ou réparer le bien défectueux, sachant que nous encourageons la réparation : nous avons obligé les industriels à mettre à disposition les pièces détachées nécessaires. C’est toute une industrie de la réparation qui va désormais s’organiser autour des grandes enseignes. En faisant réparer sur notre territoire les biens défectueux au lieu d’en faire venir de nouveaux de très loin pour un remplacement, nous créerons et nous relocaliserons des emplois en France.

Huitième bénéfice : des achats faits en connaissance de cause grâce à la mention « fait maison » et aux indications géographiques des produits manufacturés. La mention « fait maison » est l’une des grandes avancées de ce texte, plébiscitée par près de 97 % des Français – des résultats de sondage qui font rêver.

M. Damien Abad. Surtout le Président de la République !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce sont autant de nos concitoyens qui montrent que lorsqu’ils vont au restaurant, ils aiment savoir si ce qu’ils ont dans leur assiette a été préparé sur place en cuisine à partir de produits bruts ou ailleurs, même si cela peut être aussi très bon. Cette innovation est aussi plébiscitée par les restaurateurs, ce dont je me réjouis. Je voudrais saluer le travail qu’a effectué Sylvia Pinel sur cette mention comme sur les indications géographiques pour les produits manufacturés. Demain, certains produits manufacturés feront l’objet d’une indication géographique comme les produits alimentaires et agricoles. Nous savons que cette démarche a abouti à des résultats en singularisant la qualité des produits de notre terroir. Désormais, elle bénéficiera aussi à la coutellerie, en Aveyron par exemple, …

M. André Chassaigne. Et à Thiers !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Chassaigne, je me doutais bien que vous interviendriez en ce sens ! Elle bénéficiera aussi au granit de Bretagne, à la faïence de Quimper, à la porcelaine de Limoges, au linge basque, à la dentelle de Calais… De nombreuses indications géographiques seront sans doute retenues.

Neuvième bénéfice : l’amélioration de la protection des achats sur internet. Le délai de rétractation sera porté de sept à quatorze jours, des obligations nouvelles seront imposées aux professionnels en matière de remboursement. En 2012, les achats des Français sur internet ont atteint 45 milliards d’euros. Il y avait besoin de protections nouvelles, nous les garantirons.

Enfin, dixième bénéfice : la fin du démarchage commercial abusif, dont beaucoup de personnes se plaignent. Nous créons une liste rouge avec laquelle tout professionnel souhaitant démarcher des personnes à domicile devra croiser son fichier afin d’exclure les personnes qui ont fait part de leur opposition au démarchage téléphonique.

Je n’ai pas évoqué les mesures liées au crédit qui sont évidemment considérables, notamment le registre national du crédit aux particuliers qui contribuera à prévenir le surendettement.

Pour finir, j’aimerais vous dire comme je me réjouis que la CMP ait pu s’aligner sur certaines propositions fortes avancées par l’Assemblée nationale, notamment en tenant compte de l’équilibre trouvé en matière de négociations commerciales. Je veux remercier Annick Le Loch pour le travail qu’elle a mené sur ce sujet qui n’était pas simple, avec d’un côté les industriels, de l’autre la grande distribution. Nous avons voulu trouver un équilibre qui préserve les intérêts des consommateurs et garantisse aux PME de vendre leurs produits au juste prix. Je crois que nous y sommes parvenus. Enfin, je tiens à saluer le travail de votre assemblée et des deux rapporteurs qui m’ont accompagné si agréablement tout au long de ces mois, M. Hammadi et Mme Le Loch. Je pense que nous avons abouti à un excellent résultat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Madame la présidente, monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des affaires économiques, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, c’est au terme d’un long parcours et d’un passage en CMP que le projet de loi sur la consommation revient dans cet hémicycle. Ce texte aux multiples facettes va donner de nouveaux droits aux consommateurs. Les écologistes ont soutenu ce texte dans son ensemble depuis le début, tout en regrettant la timidité des dispositions proposées dans certains domaines.

Pour la première fois en France, une action collective est mise en place. L’action de groupe va permettre de rassembler dans une seule procédure les demandes de réparation émanant d’un grand nombre de consommateurs. Les associations de consommateurs et une grande majorité des Français – 80 % selon les sondages – l’attendaient depuis longtemps. C’est un vrai premier pas enfin franchi. Les consommateurs vont pouvoir, de façon simple et peu coûteuse, aller en justice pour obtenir réparation d’un préjudice matériel.

Toutefois, monsieur le ministre, vous connaissez notre volonté d’élargir l’action de groupe aux questions de santé et d’environnement. Les affaires récentes ou plus anciennes de l’amiante, du Distilbène, des prothèses mammaires PIP et bien d’autres montrent l’urgence d’agir dans ce sens. Si l’on s’en tient aux dispositions du projet de loi présenté aujourd’hui, les patientes pourraient seulement engager une action de groupe pour le remboursement des prothèses PIP, mais ne pourraient pas se regrouper pour obtenir une réparation de leur préjudice corporel, psychique et moral. Ce n’est pas normal : c’est pourquoi notre groupe a déposé une proposition de loi sur ces questions. De son côté, le Gouvernement a annoncé à la fin du printemps 2013 qu’il y travaillait ; nous attendons avec une certaine impatience, il faut bien le dire, le résultat de ces travaux relatifs à l’action de groupe dans les domaines de la santé et de l’environnement. Nous aimerions être informés de l’état d’avancement actuel de ces travaux : ce serait très intéressant.

S’agissant de l’obsolescence programmée, des avancées sont aussi proposées. Le Parlement a joué son rôle sur ces questions, et certaines propositions que nous avions faites ont été reprises. C’est le cas de la garantie légale de conformité, portée d’un an à deux ans : les défauts de conformité seront ainsi présumés exister au moment de la délivrance de l’objet, sauf preuve contraire, pendant une durée de deux ans. C’est l’assurance d’une garantie effective pour le consommateur. Nous aurions souhaité un allongement progressif de la durée de la garantie à cinq puis dix ans, ainsi qu’une définition de l’obsolescence programmée dans la loi et les codes concernés. La qualité des biens n’a souvent qu’un surcoût apparent à l’achat, mais un coût d’usage moins élevé : cette mesure est donc finalement bonne pour le pouvoir d’achat des ménages, contrairement à ce qui est souvent dit.

Pour compléter ces dispositifs, il est aussi indispensable de produire des biens plus faciles à recycler et de favoriser un fonctionnement circulaire de la production. Ainsi, le projet de loi améliore l’accès aux pièces détachées, et les fabricants devront fournir ces dernières aux vendeurs dans un délai maximal de deux mois. C’est un début de reconnaissance de l’économie circulaire, qu’il faut saluer.

D’autres dispositions ont été renforcées au cours des débats parlementaires. Bien sûr, je ne les citerai pas toutes. Il faut retenir, par exemple, la mise en place pour la première fois d’un cadre juridique pour les magasins de producteurs qui s’approvisionnent localement. Le projet de loi s’intéresse aussi aux relations entre entreprises, producteurs et distributeurs. Les petites entreprises sont trop souvent pénalisées par le non-respect des délais de paiement ; ainsi, plusieurs mesures viennent renforcer les dispositions pour assurer les paiements dans les délais réglementaires.

Nous regrettons toutefois que la commission mixte paritaire ait raboté une série de dispositions intéressantes. Ainsi, concernant l’offre alternative en matière de crédit renouvelable, le Sénat avait généralisé l’obligation de proposer à tous les prêteurs un crédit amortissable à côté du crédit renouvelable au-delà de 1 000 euros. Les écologistes avaient soutenu cette disposition tout au long des débats. La CMP est revenue à la version initiale du texte : nous pensons très sincèrement que c’est un recul, le crédit renouvelable étant un facteur important du surendettement, que le projet de loi que nous examinons entend par ailleurs combattre en instaurant le fichier dit « positif » des emprunteurs. La création de ce fichier, dont nous ne sommes d’ailleurs pas convaincus qu’il sera efficace, pose toujours de réels problèmes compte tenu de la possibilité d’utiliser largement des données personnelles.

Globalement, le projet de loi tel que nous l’examinons aujourd’hui, qui arrive donc au terme de son cheminement, a été largement enrichi au cours des deux lectures à l’Assemblée nationale et au Sénat et lors de son passage en CMP. L’objectif d’une meilleure protection du consommateur s’en trouve renforcé. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour l’écoute dont vous avez su faire preuve lors de nos débats. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe RRDP.

Mme Jeanine Dubié. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, après plus de neuf mois d’examen, nous arrivons ce matin au terme de la procédure parlementaire, avec un dernier examen du projet de loi relatif à la consommation, dans sa version issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Au cours des examens successifs, à l’Assemblée comme au Sénat, vous avez pu constater, monsieur le ministre, l’intérêt de nombreux parlementaires pour votre texte. Alors que notre pays connaît un contexte économique fortement dégradé par la baisse du pouvoir d’achat, la baisse de la consommation, la stagnation du chômage et la nécessité absolue de maîtriser les dépenses publiques, vous avez eu le courage de nous présenter un projet de loi à la fois ambitieux et pragmatique. Votre texte, monsieur le ministre, permettra de réduire les poches d’inefficacité économique, d’améliorer la régulation des rapports économiques entres les agents et de favoriser une consommation plus durable, plus équitable et plus respectueuse des droits des consommateurs.

Globalement, le projet de loi issu de la CMP est équilibré. Au total, il comporte aujourd’hui 171 articles, et une majorité d’entre eux aura des répercussions concrètes sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Pour la commission des affaires économiques, ce sera probablement l’un des textes importants de cette législature. Nos séances parfois tardives, en commission et dans l’hémicycle, ont donné lieu à des échanges nourris, passionnés, parfois un peu heurtés, mais toujours courtois et sereins. Le travail des parlementaires de tous les bancs de notre hémicycle a permis d’intégrer des améliorations significatives. Au nom du groupe RRDP, je tiens à saluer la participation constructive de tous les députés qui se sont emparés du texte : leur contribution a été utile. Je remercie également les deux rapporteurs pour leur ouverture et leur écoute.

Le renforcement de l’information et de la protection des consommateurs est donc l’un des volets majeurs de ce projet de loi. Parmi les principales mesures qui étaient attendues depuis longtemps et qui feront date, la procédure d’action de groupe est certainement la plus emblématique. Avec les modalités que vous avez choisies, monsieur le ministre, et que l’examen parlementaire a enrichies – je pense en particulier à la procédure d’action de groupe simplifiée adoptée par le biais d’un amendement du rapporteur Razzy Hammadi –, l’introduction de l’action de groupe dans le droit français apporte la possibilité d’une réparation des préjudices économiques, tout en échappant au risque de tomber dans les dérives de la judiciarisation de la vie des affaires.

Deuxième mesure emblématique qui fera date, car elle a été proposée par de nombreux députés et sénateurs de tous bords depuis plusieurs années : la mise en place du registre national des crédits aux particuliers, le fameux fichier positif auquel vous tenez tant, monsieur le ministre. Vous connaissez les doutes et les réserves des députés comme des sénateurs radicaux de gauche quant à l’efficacité de ce fichier positif. Certes, il permettra peut-être d’éviter le crédit de trop, il responsabilisera les prêteurs, et il permettra de mettre fin aux comportements irrationnels et souvent médiatisés de ceux qui, plongés dans une situation de détresse, souscrivent dix, quinze ou vingt crédits. Avec ce fichier, des cas minoritaires de surendettement liés à l’excès de crédits seront sûrement évités : ce seront autant de drames humains en moins. Mais ne pouvions-nous pas répondre à ces problématiques par d’autres moyens, plus adaptés ? Les députés radicaux sont convaincus que les mêmes réponses et les mêmes avancées positives auraient pu être apportées par des moyens plus simples, moins coûteux et surtout plus proportionnés.

Ce fichier sera lourd, complexe, long à mettre en place et potentiellement attentatoire aux libertés publiques. Pour vérifier la solvabilité réelle de l’emprunteur, nous avions proposé des amendements visant à conditionner l’octroi de crédits à la consommation à la présentation des derniers extraits bancaires ; cela aurait permis d’appréhender véritablement le reste à vivre, par l’examen de la différence entre les revenus et les dépenses contraintes récurrentes. Nous aurions également pu encadrer plus durement les conditions d’acceptation du crédit, par des mesures comme la déliaison entre carte de crédit et carte de fidélité, la limitation du crédit renouvelable ou l’interdiction du crédit sur le lieu de vente. Beaucoup de mesures de ce type auraient sûrement constitué des réponses plus simples, moins attentatoires aux libertés publiques et moins coûteuses.

Je ne peux m’empêcher de penser à tout ce que nous pourrions faire, avec les 500 à 700 millions d’euros que coûtera ce fichier, pour toutes les personnes en situation précaire ou surendettées. Je reste convaincue que cet argent aurait été plus utile à développer des actions d’accompagnement auprès de ces personnes en très grande difficulté. Je pense notamment aux actions déjà conduites par les associations qui accompagnent les personnes en situation de précarité : elles en auraient bien besoin, car elles sont de plus en plus sollicitées. Je pense aussi à la désignation d’un réfèrent social en cas de dépôt d’un deuxième dossier de surendettement auprès de la Banque de France, afin de ne pas laisser ces personnes dans le désarroi, ou encore à l’ouverture de l’accès aux prêts à taux zéro.

Dans leur immense majorité, les personnes surendettées sont d’abord victimes d’un manque de ressources. Elles ont avant tout besoin d’aide, de pédagogie et d’accompagnement personnalisé. Cela dit, nous n’en faisons pas une question de principe, et nous prenons acte de votre choix et de votre détermination à mettre en place ce fichier, monsieur le ministre, en espérant que ledit fichier se révélera aussi efficace que vous le prétendez ou que vous le souhaitez.

Au-delà de ces mesures, dont l’histoire retiendra qu’elles ont été introduites dans notre droit par la loi Hamon, ce texte comprend de multiples dispositions très utiles dans de nombreux domaines. Il instaure l’extension du délai de rétractation et un allongement important de la durée de présomption d’antériorité du défaut de conformité. Il améliore la qualité et la transparence de l’information sur les plats servis dans la restauration, avec la mention « fait maison » – à ce sujet, je tiens à vous dire notre satisfaction que la CMP soit parvenue à un accord. En outre, le régime des appellations géographiques protégées est étendu aux biens non alimentaires, et la traçabilité des ingrédients des plats cuisinés est imposée. Ce projet de loi rééquilibre en partie les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, en revisitant notamment l’encadrement législatif des délais de paiement. Il améliore également le régime des clauses abusives et ouvre un nouveau droit de résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance.

Enfin, ce texte accroît le champ d’action et les pouvoirs de sanction de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Cependant, monsieur le ministre, je veux exprimer ici l’inquiétude de vos directions départementales, car on peut se demander si elles seront en état de procéder à tous les contrôles nouveaux instaurés par ce projet de loi, tant leurs moyens sont aujourd’hui limités. Aujourd’hui, la DGCCRF n’est déjà pas en mesure d’assurer la mise en œuvre des missions qui lui sont conférées par le législateur ; c’est d’ailleurs un point soulevé dans le rapport annuel de la Cour des comptes pour 2014, qui dénonce l’insuffisance des contrôles sanitaires. On ne peut s’empêcher de faire une relation de cause à effet, et de s’interroger quant à l’effet de la fusion de la direction des services vétérinaires avec la DGCCRF sur cette insuffisance des contrôles sanitaires. C’est, en tout cas, une question que je pose.

Nous n’avons cessé de vous le répéter : le groupe RRDP ne réclame pas une sanctuarisation des crédits de la DGCCRF, mais une véritable augmentation de ceux-ci à la hauteur des enjeux, sans quoi les missions de protection économique des consommateurs ne pourront plus être assurées de manière efficace et pérenne. Au cours des cinq dernières années, la DGCCRF est passée de 3 500 à 3 000 agents ; 350 postes de terrain ont notamment été supprimés. Dans certains départements ruraux, notamment dans les Hautes-Pyrénées, les agents de la DDCCRF ne sont qu’une poignée pour une charge de travail qui ne cesse d’augmenter. Ainsi, dans les Hautes-Pyrénées, les effectifs sont passés de quinze agents en 2009 à huit aujourd’hui. Même si cela relève de la loi de finances, je profite de ce débat pour vous dire que nous devons augmenter et redéployer les effectifs là où ils sont nécessaires.

Pour conclure, en dépit de quelques points précis sur lesquels nous avons des divergences d’opinion, je tiens à vous dire que je crois à la réussite de votre projet de loi, monsieur le ministre. Il s’agit bien d’une réforme structurelle de l’économie française, visant à rééquilibrer et à rendre plus équitables les relations économiques – je sais combien notre collègue Annick Le Loch y a participé. Cette nouvelle régulation économique renforcera la confiance et stimulera la croissance. Une régulation économique efficace et un cadre juridique clair et protecteur sont utiles pour apporter des réponses aux difficultés quotidiennes de nos concitoyens, en particulier des plus fragiles. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sont convaincus que ce projet de loi y parviendra ; pour cette raison, et malgré les quelques réserves évoquées, nous le soutiendrons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Annick Le Loch, rapporteure. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi relatif à la consommation. Après une année 2012 marquée par la plus forte baisse du pouvoir d’achat des Français depuis 1984, nous avons appris récemment que le pouvoir d’achat au troisième trimestre 2013 avait à nouveau chuté de 0,1 %. Conséquence directe : les dépenses de consommation ont reculé. Une récente étude de l’INSEE pointe également la baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires depuis plusieurs années, une tendance qui n’est pas près de s’inverser au vu du maintien du gel du point d’indice et de la proposition de Vincent Peillon, relayée par le président du groupe socialiste, de geler l’avancement. Et encore le pouvoir d’achat des Français bénéficie-t-il de la quasi-déflation que connaît notre pays, et qui fait peser un danger considérable sur notre économie.

Selon un sondage tout récent, plus d’un tiers des Français affirment ne pas pouvoir boucler la fin de mois, contre près d’un sur quatre l’année dernière. Flambée de l’immobilier, inflation des produits alimentaires, mutuelles santé dont le remboursement est insuffisant, hausse de la TVA – l’impôt le plus injuste – qui plus est pour financer un cadeau de 20 milliards au patronat, ponction de 50 milliards sur l’investissement public : le tableau n’invite pas à l’optimisme. Je ne suis pas sûr, monsieur le ministre, que vous ayez besoin que j’en rajoute pour vous convaincre. (Sourires.)

Face au rouleau compresseur de l’austérité budgétaire pratiquée par ce gouvernement, véritable machine à détruire de l’emploi et du pouvoir d’achat, ce projet de loi que vous avez vaillamment défendu, monsieur Hamon, comme Mme Pinel dans son domaine, ne pourra malheureusement pas inverser la tendance.

La politique de modération salariale dont ce gouvernement se fait hélas le prescripteur conduit à appauvrir la masse de nos concitoyens pendant que les rentiers, les actionnaires et les détenteurs du capital accumulent de plus en plus. Les augmentations de salaires ne devraient pas dépasser 2 % en 2014 selon une étude rendue publique hier. Un taux qui n’avait pas été aussi bas depuis 2000 ! Or, personne ne peut faire mine de l’ignorer, la consommation ne sera relancée que par une vraie hausse des salaires – et notamment du SMIC –, des pensions, et des prestations sociales.

Je sais, cher Benoît Hamon, que vous partagez ce constat simple, comme de nombreux collègues sur les différents bancs de la gauche. Votre projet de loi ne pouvant bien sûr agir sur les salaires, vous êtes contraint de vous rabattre sur la modalité de la baisse des prix et des simplifications procédurales pour permettre à nos concitoyens de retrouver un peu de marge de manœuvre. C’est certes insuffisant, mais pour autant, ce n’est pas une raison pour ne pas saluer les quelques dispositions qui auront des répercussions positives sur la vie des Français.

Je pense d’abord et surtout à l’introduction de l’action de groupe. Le Gouvernement a pris un certain nombre d’engagements pour son extension dans le domaine de la santé. Il faudra plus généralement permettre le meilleur accès à cette procédure afin que les pratiques les plus condamnables de certaines firmes prennent fin.

Je pense aux nombreuses mesures techniques concernant le commerce électronique, les assurances emprunteur ou l’assouplissement des conditions de résiliation des contrats d’assurance.

Je pense aux avancées, même si elles sont trop timides, dans le sens d’une première prise en compte de l’obsolescence programmée des produits, qui sera un des grands défis de demain : d’abord, l’obligation pour les vendeurs d’afficher jusqu’à quelle date seront disponibles les pièces détachées et de les fournir ; ensuite l’extension de la durée de garantie de six mois à deux ans.

Je pense également à la mention « fait maison », défendue avec détermination par Sylvia Pinel, que je soutiens pleinement, et qui, dans les restaurants, permettra de signaler au consommateur les plats élaborés sur place à partir de produits bruts. Je pense bien sûr aux indications géographiques protégées, qui protégeront et valoriseront les productions artisanales de nos territoires, comme – exemple pris au hasard (Sourires) – la coutellerie de Laguiole et de Thiers, avec un clin d’œil plus qu’un bras de fer à Marie-Lou Marcel et quelques mots de Philippe Delerm que je voudrais vous lire, au risque de dépasser mon temps de parole, une très belle définition que je dédie à Marie-Lou : « Une belle chose inutile de bois chaud ou bien de nacre lisse, avec le signe cabalistique sur la lame qui fait les vrais initiés : une main couronnée, un parapluie, un rossignol, l’abeille sur le manche… Un objet tout à fait à soi, qui gonfle inutilement la poche, et que l’on sort de temps en temps, jamais pour s’en servir, mais pour le toucher, le regarder, pour la satisfaction benoîte de l’ouvrir et de le refermer. » (Sourires sur de nombreux bancs.)

Et quand ce couteau est fabriqué à Thiers ou à Laguiole, ou comme tout couteau fabriqué sur le territoire français, je dis que le fait d’avoir inscrit dans ce texte de loi les indications géographiques, ajoutera un plaisir supplémentaire lorsque l’on déploiera le couteau qu’on a dans la poche !

Sur ce sujet, Mme la ministre a multiplié les auditions et concertations autour de ce bel ouvrage et je tiens à l’en remercier et à saluer le travail effectué.

Je pense aussi à la traçabilité alimentaire, particulièrement à l’étiquetage obligatoire de l’origine pour la viande. En la matière, votre volontarisme, monsieur le ministre, est réel, je ne le mets pas en doute. J’ai pu lire que votre ministère s’enorgueillissait déjà d’avoir « rendu obligatoire l’étiquetage de l’origine des viandes, y compris pour les produits transformés ». Cependant, sur le site du Gouvernement, cette belle annonce est suivie par une précision qui ressemble fort à celles que l’on trouve en tout petits caractères au bas des publicités (Sourires) : « Une première qui sera effective dès l’adoption d’un règlement européen ». Eh oui, l’étiquetage de l’origine des viandes risque d’achopper sur l’immobilisme de la Commission européenne. Celle-ci aura du mal à mettre des bâtons dans les roues des traders en « minerai de bœuf », aussi efficaces que les spécialistes du dumping social agricole sur les cultures légumières ou fruitières. Il nous faut donc, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, bousculer la Commission, la pousser dans ses retranchements, faire de ce sujet une question d’intérêt général.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Comptez sur nous.

M. André Chassaigne. Le Gouvernement doit être à l’initiative d’un grand mouvement populaire à l’échelle européenne pour appuyer la position française, en associant parlementaires européens et gouvernements attachés à cette avancée. Nous sommes très attachés à ce que cette problématique avance !

Dans un second temps, je voudrais évoquer les aspects du projet de loi qui ne nous conviennent pas ou qui sont largement insuffisants. Comprenez bien qu’en dépit de tous mes efforts et de ma volonté de rapprochement, je ne suis pas parvenu à ce que nous soyons, monsieur le ministre, des frères siamois. Cela serait du reste difficile physiquement et serait la quintessence de l’ennui. (Sourires.)

Parmi les points qui ne nous conviennent pas figure la libéralisation de la vente des produits d’optique et des tests et de grossesse, que vous présentez comme un important gain en pouvoir d’achat. Elle permettra à la grande distribution de récupérer de nouveaux marchés qui touchent des produits sanitaires. Soyons très clairs, cela se fera sur le dos des opticiens et des pharmaciens. Pourtant, certains de ces commerces sont déjà en grande difficulté, en particulier dans les territoires ruraux. C’est aussi mettre le doigt dans un engrenage dangereux : à quand la vente des médicaments dans les grandes surfaces, au prétexte de gains de pouvoir d’achat pour les Français ? Faut-il vraiment compter sur les mastodontes de la grande distribution pour vendre des produits sanitaires et pour permettre à nos concitoyens de faire des économies ? Les députés du Front de gauche ne le pensent pas.

Autre insuffisance : la lutte contre le surendettement. Le registre national des crédits aux particuliers pose des problèmes en termes de confidentialité, la CNIL s’en est fait l’écho. Il absout totalement – c’est cela le plus grave – les grandes banques, qui pourront continuer, via leurs filiales, à contaminer les ménages les plus modestes avec des crédits renouvelables proches du taux de l’usure. Durant le débat, nous avons défendu l’interdiction du crédit revolving, sans rencontrer le soutien espéré sur les bancs de la majorité. Il vous reste encore, monsieur le ministre, quelques efforts à faire pour revenir de l’autre côté de la barricade. (M. le ministre délégué sourit.)

Autre point très important pour les députés du Front de gauche : les moyens financiers et humains de la DGCCRF, cette instance qui contrôle et sanctionne les mauvaises pratiques commerciales. Ce devrait être un des points clés de nos débats. En effet, à quoi bon voter des lois, des normes, des protections pour le consommateur, s’il n’existe pas un gendarme efficace pour assurer le respect de ces textes ? La DGCCRF a connu sous la droite de véritables coupes claires en termes d’emploi et de moyens sur lesquelles ce Gouvernement n’est pas revenu. Lors de la seconde lecture, monsieur le ministre, vous nous avez fait valoir que vous aviez « inversé la courbe du recul de ses effectifs ». Peut-être faudrait-il songer à mettre en œuvre un commencement d’accélération du relèvement de la courbe d’augmentation des effectifs ?

Nous nous inquiétons également des conséquences du projet stratégique de la direction générale des douanes et droits indirects pour 2018. En effet, les syndicats font savoir que plusieurs milliers d’emplois sont menacés, avec à la clé un affaiblissement considérable des missions de la DGDDI, organisme pourtant central dans la lutte contre la fraude. Il est sans doute trop tard pour que vous puissiez nous donner des précisions sur ce projet, monsieur le ministre. Cela sera pour le prochain projet de loi.

Enfin, l’un des articles du projet de loi, le 11 bis, supprime de manière progressive l’accès aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour les consommateurs non domestiques dont le niveau de consommation est supérieur à 30 000 kilowattheures par an. Nous déplorons cette mesure car elle pourrait signifier qu’un régime de transition est mis en place en vue de la suppression des tarifs réglementés de gaz et d’électricité.

Ainsi, vous le voyez, certains des aspects de ce projet de loi nous inquiètent d’autant que le texte souffre d’un certain nombre de manques. Mais il comporte aussi des avancées qu’il nous semble important de saluer. Force est de reconnaître que vous-même, monsieur le ministre, et Mme Pinel avez su tenir tête à des lobbies influents. Vous avez mis votre qualité d’écoute au service du débat. Comme je le disais au tout début du parcours législatif que nous avons effectué ensemble, « Un projet de loi qui mécontente le MEDEF ne peut pas être foncièrement mauvais » ! (Sourires.)

Parce que les députés du Front de gauche sont optimistes quant à l’écoute que recevront leurs inquiétudes auprès de votre ministère et de celui de l’artisanat, du commerce et du tourisme, ils voteront ce projet de loi en formant un vœu et en citant Louise Michel : « que la mer des révolutions nous emporte un jour ensemble dans sa crue » pour éviter de se retrouver seulement sur un texte de loi.

Mme Jeanine Dubié. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour le groupe SRC.

M. Frédéric Barbier. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, chers collègues, s’il y a un logo que j’aimerais voir apparaître chaque fois qu’un Français bénéficiera des mesures que nous allons définitivement adopter aujourd’hui, c’est : « fait pour vous par la majorité ». Chaque fois qu’un euro sera gagné, chaque fois qu’une fraude sera évitée, à chaque nouveau contrat qui sera signé grâce aux dispositions contenues dans ce texte, ce sera : « fait pour vous par la majorité ». Nous pouvons en être fiers. Ce texte va changer la vie de nos concitoyens.

De quoi manquent-ils aujourd’hui ? De pouvoir d’achat et de confiance. Confiance en leurs entreprises, en leurs banques, en leurs producteurs, confiance en ce qu’ils mangent, en ce qu’ils achètent, en ce qu’ils lisent,in fine confiance en l’avenir, confiance en leur pays. Ce projet de loi va, avec un peu de temps, contribuer à rétablir la confiance et, à très court terme, redonner du pouvoir d’achat aux Français.

Prenons l’exemple d’une famille. Quand Noémie ira au supermarché, elle pourra y acheter le produit d’entretien pour ses lentilles de contact, et elle le paiera 20 à 30 % moins cher. Quand elle sortira du parking du centre commercial, elle constatera qu’elle paie pour les trente minutes qu’elle y a passées, et non pour une heure complète. Quand Thibault aura envie de changer de lunette, s’il trouve qu’elles sont trop chères chez l’opticien,…

M. Damien Abad. Il achètera des lunettes chinoises.

M. Frédéric Barbier. …il pourra les acheter en ligne et économiser environ 25 % du prix, soit plusieurs dizaines d’euros. Lunettes dont il n’aura plus besoin pour apprendre qu’il peut résilier son abonnement à une chaîne cryptée s’il ne souhaite pas une reconduction tacite, qui souvent lui impose un tarif majoré.

Quand Noémie et Thibault s’apercevront que l’assurance de leur prêt immobilier est plus élevée que celle de leurs voisins, ils auront douze mois pour la renégocier. Il s’agit d’un marché de près de 6 milliards d’euros par an pour les Français. Ils pourront aussi résilier toutes leurs assurances à tout moment, passée la première année. Selon une étude du CLCV, le budget annuel consacré aux assurances par les ménages est compris entre 1000 et 2000 euros dans 35 % des cas, il est supérieur à 2000 euros pour 30 %. Quand leur fils Bastien va sur internet, il ne tombera plus sur des jeux faussement gratuits. Et s’il commande en ligne sans en avertir ses parents, ils auront quatorze jours pour se rétracter. La grand-mère de Bastien ne pourra plus se faire escroquer par un vendeur malveillant ; elle aura la possibilité de s’inscrire sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique. Et si elle désire changer de mutuelle, elle aura des offres claires et similaires, qui lui permettront de choisir en toute connaissance de cause la plus adaptée.

Enfin, toute la famille pourra intenter une action de groupe si un de leurs fournisseurs de service s’entendait de manière illégale sur les prix avec ses concurrents et s’il était condamné ; la famille serait ainsi indemnisée du préjudice.

Vous le voyez, ce sont potentiellement des centaines d’euros par an récupérés pour chaque ménage, sans que l’État débourse un centime. Quelle révolution !

Ce texte offre également plus de sécurité et de transparence à cette famille. Plus de transparence sur ce qu’ils mangent : quand ils iront au restaurant, la mention « Fait maison » leur indiquera que le plat est élaboré sur place à partir de produits bruts ; mais aussi chez eux : les sanctions pour une entreprise qui vendrait des lasagnes au cheval en prétendant qu’elles sont au bœuf sont renforcées et beaucoup plus dissuasives. Plus de transparence sur la qualité de ce qu’ils achètent : avec les indications géographiques protégées pour les produits manufacturés, ils sauront quand ils auront à faire à un vrai Laguiole, à une authentique porcelaine de Limoges ou à un véritable granit de Bretagne. Plus de confiance avec moins de fraude : lutte contre les clauses abusives, renforcement des sanctions et possibilité de faire des contrôles plus efficaces grâce au client mystère. Évidemment plus de confiance avec l’action de groupe, qui donnera à tout consommateur les moyens de se retourner s’il est victime d’une tromperie. Elle devrait également dissuader un professionnel de frauder pour gagner un peu plus, ce qui contribue à des échanges plus justes dans tous les secteurs.

Enfin, la mise en place du registre national des crédits permettra aux sociétés qui prêtent de le faire plus facilement, avec confiance, puisqu’elles auront connaissance du niveau de solvabilité de leurs clients ; clients qui, eux-mêmes, pourront souscrire un crédit à la consommation de manière plus sereine puisque l’établissement le leur proposant aura désormais tout à perdre à les mettre dans une situation à risque.

Je crois pouvoir dire que ce texte fait désormais consensus. Cette commission mixte paritaire a été l’occasion de voir qu’entre les deux chambres, aussi bien qu’entre les groupes politiques, nos visions convergeaient. Nous avons débattu sur le problème des délais de paiement mais, assez rapidement, nous en sommes arrivés à la conclusion que créer des dispositions particulières pour les sociétés exportatrices ou pour celles du bâtiment aurait ouvert la porte à d’autres dérogations. Or l’enjeu de la trésorerie des entreprises est crucial, pour ne pas dire vital, particulièrement pour les PME. C’est souvent la première préoccupation du chef d’entreprise. Nous avons eu à cœur tout au long de nos travaux de préserver les équilibres : équilibre dans le rapport de force des entreprises entre elles, équilibre entre l’intérêt des consommateurs et celui des producteurs, équilibre entre la défense du pouvoir d’achat d’un côté, et la sauvegarde de l’industrie et de l’agriculture françaises de l’autre. Chers collègues, après le pin’s « 1 million d’emplois », je serai pour ma part fier d’arborer le pin’s « Fait pour vous par la majorité ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme Michèle Bonneton. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad pour le groupe UMP.

M. Damien Abad. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, cela fait près de neuf mois que nous discutons de ce texte à l’Assemblée nationale, au Sénat et enfin la semaine dernière en commission mixte paritaire. Permettez-moi, avant d’en revenir une dernière fois au fond du texte, de vous remercier, monsieur le ministre, et de remercier également madame et monsieur les rapporteurs car, même si nous avons des désaccords, la discussion s’est déroulée dans une ambiance d’écoute constructive. Je tenais à le saluer : quand ce n’est pas bien, il faut savoir le dire, mais quand c’est bien, il faut aussi savoir le reconnaître. C’est donc tout à votre honneur, monsieur le ministre.

J’ajoute par ailleurs que la commission mixte paritaire a été assez positive dans l’ensemble. Les sénateurs, qui ne votent pas toujours comme un seul homme, ont fait preuve de beaucoup d’écoute : c’est peut-être la preuve que des majorités diverses permettent d’arriver à de meilleurs compromis.

Nous nous félicitons notamment du retour à la liste Pacitel et à la logique d’inscription sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique, qui permet de trouver un équilibre entre, d’un côté, la protection des consommateurs et, de l’autre, le respect des emplois non délocalisables. Nous approuvons également la tarification au quart d’heure dans les parcs de stationnement. Le groupe UMP a surtout beaucoup insisté et beaucoup œuvré en commission mixte paritaire pour que l’on ne touche pas à la loi de modernisation de l’économie et notamment aux délais de paiement, afin que la loi soit claire, tangible et lisible par tous. Si l’on avait créé des dérogations pour les secteurs du bâtiment ou de l’export, on aurait créé un certain nombre de difficultés : il est donc important d’avoir une loi claire sur ce sujet et de ne pas revenir sur la question des délais de paiement. Cela doit être inscrit dans le droit commun.

Pour notre part, nous sommes satisfaits que l’action de groupe simplifiée ait été davantage encadrée au Sénat, la disposition qu’il a adoptée étant bien meilleure que celle proposée à l’Assemblée nationale. Enfin, nous nous félicitons du rétablissement du caractère obligatoire de la mention « Fait maison », demandé par le groupe UMP et particulièrement mon collègue Fasquelle.

J’exprimerai toutefois quelques regrets à propos de cette commission mixte paritaire : tout d’abord, je déplore que l’on ne soit pas revenu sur la question des tribunaux de grande instance spécialisés pour ce qui concerne les actions de groupe. Le groupe UMP estime en effet qu’il aurait été préférable de créer des tribunaux de grande instance spécialisés pour les actions de groupe. De même, concernant les stations-service, nous aurions préféré retenir la solution adoptée au Sénat. Enfin, concernant les appellations d’origine, nous pensons, même si nous sommes des Européens convaincus, que nous aurions dû aller plus loin dans ce domaine, notamment sur le problème de l’étiquetage ou sur celui des jeux en ligne et de l’ouverture internationale des tables de poker, dont nous avions débattu tard dans la nuit.

Plus généralement, au-delà des points abordés en commission mixte paritaire, l’équilibre général du texte ne change malheureusement pas. Selon nous, qu’il s’agisse de respect de la protection du consommateur, de la préservation des emplois et surtout du maintien de la compétitivité des entreprises, le compte n’y est pas. Il y a eu, c’est vrai, quelques avancées positives, notamment lorsque le groupe UMP a fait des propositions : je pense bien sûr au « Fait maison », aux maisons de retraite, que vous avez évoquées tout à l’heure, monsieur le ministre, ou encore au remboursement des taxes d’aéroport adopté grâce à un amendement de ma collègue Catherine Vautrin.

Les délais de rétractation passent de sept à quatorze jours, ce qui est une bonne chose. Cette disposition est issue de la transposition d’une directive européenne : c’est bien la preuve que l’Europe n’est pas forcément synonyme de mauvaises règles et d’une moindre protection.

Mais, en dépit des avancées constatées, les critiques restent donc les mêmes. Nous dénonçons le matraquage administratif de nos entreprises, la présomption de culpabilité permanente retenue contre elles et la disproportion dans les sanctions administratives frappant les entreprises qui ne respecteraient pas les règles du jeu. Après le matraquage fiscal qu’elles ont déjà subi, il n’était sans doute pas nécessaire d’en rajouter avec ce matraquage administratif !

Les solutions proposées pour les assurances sont de fausses bonnes solutions, qui peuvent apparaître sympathiques de prime abord mais qui, in fine, devraient conduire à deux effets pervers : une hausse des prix qui sera répercutée sur les personnes contractant une assurance et, surtout, le risque que certaines personnes ne puissent même plus s’assurer.

Concernant les actions de groupe, au-delà de la question des tribunaux de grande instance spécialisés, que n’a pas réexaminée la commission mixte paritaire, nous regrettons tout d’abord que le monopole de l’initiative repose sur les seules associations de consommateurs, alors que nous avions proposé de l’élargir aux associations ad hoc pour donner plus d’efficacité au dispositif. Nous nous interrogeons par ailleurs sur la question de la liquidation des préjudices et des moyens pour les associations de consommateurs de procéder à cette liquidation.

Nous avons aussi dénoncé la création de deux actions de groupe : l’action de groupe simplifiée, dite « action de groupe Hammadi », et la vôtre, monsieur le ministre. Elles risquent en effet de superposer ou de se chevaucher. Même si nous approuvons le principe des actions de groupe, nous regrettons que vous n’alliez pas jusqu’au bout de la logique en rendant l’application de ce dispositif extrêmement complexe et difficile. Si l’on croit aux actions de groupe, il faut tout mettre en œuvre pour qu’elles puissent se réaliser.

Sur le registre national des crédits aux particuliers, ou plus simplement le « fichier positif », les avis sont partagés, y compris au sein de notre groupe politique – je suis moi-même partagé sur ce sujet. Au-delà du principe, nous nous interrogeons en effet sur l’efficacité d’un tel dispositif et sur la difficulté à le mettre en place en raison de la lourdeur administrative.

Enfin, je voudrais revenir sur une critique que j’ai faite en deuxième lecture sur les questions de santé et d’optique. Puisque Mme Lemorton a été privée de parole, je vais parler en son nom ! (Sourires.) Nous regrettons, comme vous l’avez fait par le passé, que l’on traite de questions de santé dans les lois de consommation sans que la commission des affaires sociales soit saisie.

À l’arrivée, le texte est meilleur qu’il ne l’était au début – je me rappelle en effet de la manière dont nous avions envisagé les choses, notamment sur la remise en cause de la prescription médicale –, ses dispositions ayant été améliorées, notamment en commission mixte paritaire. Mais le sujet de l’optique mérite un peu mieux que quelques amendements bricolés au coin du feu. Sans faire de jeu de mots, je ne souhaite pas que l’on crée un effet d’optique ou une illusion pour les consommateurs eux-mêmes. J’ai bien entendu l’argument sur la baisse des prix et sur l’achat des lunettes en ligne. Mais, pour moi qui suis d’Oyonnax, ville où l’on a inventé la lunette et le peigne, nous devons penser à nos producteurs de lunettes. Or la lunette « made in France », comme on dit, ou fabriquée en France, est malheureusement de plus en plus rare, avec une concurrence de plus en plus forte. Nous devons donc nous montrer attentifs à trouver le juste équilibre entre l’intérêt du consommateur et celui du producteur.

M. André Chassaigne. Très bien !

M. Damien Abad. Nous voilà d’accord sur ce point, monsieur Chassaigne !

Sans revenir sur l’ensemble des critiques, je souhaite souligner que ce texte porte des risques d’inconstitutionnalité réels concernant les sanctions, l’assurance emprunteur, les actions de groupe, la liberté d’association et la rétroactivité de la loi, ce que nous regrettons. Le groupe UMP déposera donc un recours devant le Conseil constitutionnel sur certains des points que je viens d’évoquer, afin d’éclairer notre assemblée.

Pour conclure, même si ce texte est pavé de bonnes intentions, même si vous vous êtes montré à l’écoute, monsieur le ministre, et même si nous avons essayé de cheminer ensemble sur nombre de points, pour nous, le compte n’y est pas car ce texte n’est pas à la hauteur des attentes des consommateurs. En effet, il ne comprend finalement que très peu de mesures sur le pouvoir d’achat, raison pour laquelle la question de l’optique a été réintroduite en deuxième lecture – il y avait tellement peu de dispositions concernant le pouvoir d’achat dans ce texte qu’il a fallu trouver d’urgence quelques « rentes de situation », comme on dit, pour permettre à chacun de s’y retrouver.

En outre, ce texte, s’il améliore sur quelques points la protection des consommateurs, n’améliore évidemment pas la compétitivité des entreprises. Globalement, ce texte ne peut donc nous satisfaire : ce n’est pas la grande loi sur la consommation que nous étions en droit d’attendre.

Certaines dispositions s’inscrivent dans la continuité de ce que nous avions défendu sous l’autorité de notre ancien secrétaire d’État à la consommation Frédéric Lefebvre, mais d’autres points de désaccord sont encore perceptibles : nous devrons donc encore améliorer ce texte. Voilà pourquoi le groupe UMP maintient sa position initiale : il votera donc contre ce projet de loi car, même si vous nous avez beaucoup écoutés, vous nous avez finalement peu entendus quand on compare le nombre d’amendements que nous avons déposés et le nombre de ceux qui ont été adoptés – mais nous avons l’habitude ! Il paraît que cela se passe un peu mieux au Sénat, où l’on arrive parfois à trouver des majorités. Peut-être pourrons-nous faire de même à l’Assemblée nationale à l’avenir : notre pays ne s’en portera que mieux !

Mme Claudine Schmid. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Zumkeller pour le groupe UDI.

M. Michel Zumkeller. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici réunis pour l’épilogue de ce projet de loi relatif à la consommation avec l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire, qui est parvenue à un texte de compromis le 6 février.

Avant d’en venir aux principales dispositions de ce projet de loi, qui mobilise notre assemblée depuis le mois de juin 2013, je tenais, au nom du groupe UDI et notamment de notre collègue Thierry Benoit, qui aurait voulu être présent ce matin, à saluer l’attitude qui a été celle du Gouvernement tout au long de nos débats. Si nos nombreuses propositions n’ont malheureusement pas pu recueillir le succès que nous espérions, force est de constater que nos travaux se sont déroulés dans une ambiance constructive, et vous y avez beaucoup contribué, monsieur le ministre : soyez-en remercié.

Il faut dire que nombre de sujets relatifs à la consommation ne suscitent pas de clivage entre nous, comme en témoigne la reprise de plusieurs dispositions qui figuraient dans le texte de votre prédécesseur, Frédéric Lefebvre, texte qui n’avait pu aller à son terme faute de temps. En près de neuf mois, nous avons pu effectuer un travail sérieux et approfondi. À cet égard, nous nous félicitons que la procédure accélérée n’ait pas été engagée sur ce projet de loi, respectant ainsi pleinement le travail parlementaire. Le groupe UDI invite le Gouvernement à poursuivre dans cette voie trop rarement privilégiée.

Je constate d’ailleurs que les points d’achoppement en CMP ont été limités par ce travail approfondi, ce qui a permis de préserver l’essentiel de l’équilibre du texte. C’était d’autant plus important que ce projet de loi était attendu par nos compatriotes, dans un contexte économique particulièrement tendu où la question de la consommation, sous tous ses aspects, constitue une problématique quotidienne de plus en plus prégnante pour les Français, qui ont vu leur pouvoir d’achat diminuer pour la première fois depuis trente ans.

Tout au long de la discussion, nous avons appréhendé ce projet de loi dans une démarche constructive et pragmatique, avec la volonté d’améliorer la protection des consommateurs tout en préservant les entreprises, et notamment les plus petites d’entre elles, afin de ne pas faire peser de charges excessives sur leur activité. En clair, nous avons tenté d’éviter de sombrer dans un écueil fréquent qui consiste à aborder les textes relatifs à la consommation sous le seul prisme de la protection du consommateur, au détriment du développement de l’activité économique. Trop souvent, le législateur a voulu confronter ces deux objectifs pourtant conciliables, et nous considérons que le texte issu de la CMP n’est pas parvenu à atteindre cet équilibre.

J’en viens maintenant aux principales dispositions de ce texte, dont une grande partie rencontre notre approbation. C’est le cas notamment de la mesure phare qu’est l’institution d’une action de groupe dans le droit de la consommation, qui constitue une innovation que nous avons toujours soutenue. Nous ne sommes donc pas opposés à cette procédure, mais nous veillerons tout particulièrement à ce qu’elle ne devienne pas un facteur de déstabilisation permanente des entreprises.

Privilégiant la voie de la médiation dans les rapports entre consommateurs et professionnels, nous avons, tout au long de ces discussions, été attentifs à ce que l’action de groupe n’ouvre pas la voie à une judiciarisation excessive des échanges commerciaux. Cette nouvelle procédure doit être considérée comme une étape importante, mais elle devra faire l’objet d’une évaluation sérieuse quant aux risques qu’elle présente, afin de l’adapter rapidement en conséquence.

S’agissant de l’encadrement du crédit à la consommation, nous ne pouvons que saluer la création du registre national des crédits aux particuliers, proposition que nous soutenons depuis plusieurs années avec Jean-Christophe Lagarde et que le Gouvernement avait refusée à notre groupe au mois de novembre 2012. Ce fichier positif permettra enfin de responsabiliser les acteurs du secteur, prêteurs comme emprunteurs, et nous remercions le Gouvernement d’avoir fait évoluer sa position sur ce sujet.

L’extension aux produits manufacturés de l’indication géographique protégée, tout comme la protection des noms des collectivités territoriales utilisés à des fins commerciales, sont autant de dispositions bienvenues qui viennent utilement reprendre le travail que nous avions effectué sous la précédente législature. Elles permettront de renforcer l’information des consommateurs, tout en apportant une reconnaissance légitime au travail et au savoir-faire de nos entreprises. De même, la prise en compte du secteur de l’extraction de matériaux, tel que le granit breton cher à Thierry Benoit, leur permettra de bénéficier de cette extension. Il s’agissait là d’une revendication légitime des professionnels ; elle a été entendue.

Répondant du même esprit consensuel, un certain nombre d’autres dispositions, perfectionnées au fil de nos travaux, vont plutôt dans le bon sens. Il en va ainsi de l’allongement du délai de rétractation des achats sur internet, de la possibilité de résilier un contrat d’assurance au terme d’une année seulement, de l’enrichissement et de l’amélioration des dispositions de la loi LME relative aux délais de paiement, ou encore du rééquilibrage des relations entre la grande distribution et les petits fournisseurs. L’obsolescence programmée a elle aussi été au cœur de nos débats, et nous avons toujours soutenu l’évolution de nos modes de consommation vers plus de durabilité.

Mais le texte ne prend pas suffisamment en compte la réalité des échanges commerciaux des petites entreprises. Nous vous appelons à demeurer vigilants quant à l’applicabilité de certains articles, afin de ne pas pénaliser les professionnels de bonne foi.

S’agissant de la transposition de la directive européenne et du renforcement des obligations contractuelles des entreprises, nous saluons l’ensemble des progrès qui vont dans le sens de davantage de transparence et de sincérité de l’information donnée au consommateur. C’est notamment pour cette raison que nous nous sommes battus afin d’obtenir l’étiquetage obligatoire de l’origine des viandes. Mais en conditionnant l’application de cette mesure à l’approbation de la Commission européenne, nous restons au milieu du gué. Si nous saluons vos efforts, monsieur le ministre, nous vous invitons à les redoubler dès demain pour infléchir la position de la Commission.

Au-delà de cette question spécifique, prenons garde à ne pas alourdir les contraintes sur nos entreprises, en empruntant le chemin inverse du choc de simplification prôné par le Président de la République.

De même, avec le renforcement des pouvoirs des agents de la DGCCRF et l’aggravation des sanctions à l’encontre des entreprises, vous prenez le risque de jeter la suspicion sur les professionnels quand l’état de notre économie exige de la confiance entre les différents acteurs.

Si nous approuvons le renforcement des moyens de l’administration, nous ne pourrions accepter toute démarche inquisitoriale susceptible de nourrir un climat de défiance à l’égard des producteurs, des fabricants et des commerçants de notre pays. La réglementation doit être suffisamment claire et précise pour sanctionner les malhonnêtes sans empêcher les gens honnêtes de travailler.

Enfin, nous déplorons avec force qu’aucune mesure concrète de votre texte ne permette de donner un véritable coup de pouce au pouvoir d’achat des consommateurs, à l’exception des dispositions relatives à l’optique. C’est pourtant l’un des objectifs fondamentaux que vous auriez dû fixer dans le cadre d’un texte sur la consommation, et ce afin de soulager le quotidien de nos compatriotes dans cette période difficile.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, les bonnes mesures qui sont contenues dans ce projet de loi ne parviennent à pallier ni l’ensemble des contraintes nouvelles que vous imposez aux professionnels, ni l’absence de dispositions en faveur du pouvoir d’achat des ménages. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI s’abstiendra sur ce projet de loi relatif à la consommation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel pour le groupe SRC.

Mme Marie-Lou Marcel. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, avec l’examen du texte issu de la commission mixte paritaire, nous voici arrivés au terme d’un processus législatif qui va nous permettre d’adopter un projet de loi ambitieux pour la défense des consommateurs. Il est ambitieux par le nombre et l’importance des dispositions qu’il contient : dispositions mettant en place l’action de groupe – c’était un engagement de campagne du candidat François Hollande ; dispositions attendues de longue date, en matière de crédit renouvelable et de plan de surendettement avec, notamment, la création du registre national des crédits aux particuliers ; dispositions relatives aux frais bancaires, aux assurances complémentaires de santé, aux délais de paiement, à la convention unique entre fournisseurs et distributeurs, à la clause de renégociation et au contrat-type ; dispositions en matière de traçabilité des produits alimentaires avec l’obligation d’étiqueter les produits à base de viande, la création d’un logo « fait maison » étendu aux traiteurs, aux gîtes et hôtels et aux produits vendus sur les marchés.

Je me permettrai d’insister tout particulièrement sur l’article 23 de ce texte qui crée des indications géographiques pour les produits manufacturés. Ce dispositif, comme l’ensemble des mesures que contient ce projet de loi, a bénéficié de l’apport successif des deux chambres pour parvenir à un texte équilibré, défendant les droits des consommateurs, les droits des artisans et petits industriels et les droits des communes.

Au moment où nous achevons l’examen de ce texte, je voudrais revenir sur la situation dans laquelle s’est trouvée une commune aveyronnaise. Parce qu’un entrepreneur peu scrupuleux a déposé une marque du nom de la commune de Laguiole et a commercialisé sous ce nom des couteaux bas de gamme, il a dépossédé la commune de Laguiole de l’usage de son propre nom et a dévalorisé le travail des couteliers de Laguiole et l’image d’un territoire.

Avant ce texte existait un vide juridique de nature à léser les collectivités territoriales en s’appropriant abusivement le nom de ces collectivités. Ce texte répond à une triple protection : protection des noms de nos collectivités locales, protection de nos produits locaux et protection des consommateurs.

Comme cela existe depuis fort longtemps pour les produits alimentaires, désormais ce seront de nombreux produits manufacturés qui seront protégés par une labellisation « indication géographique » à la condition qu’ils respectent un cahier des charges exigeant et précis. Ce sont donc plus de quatre-vingts produits locaux emblématiques de nos territoires qui pourront bénéficier de cette certification.

L’examen au Sénat a permis une sécurisation du cahier des charges que devront respecter les producteurs qui voudront faire bénéficier leur produit du label « indication géographique ». Je tiens à saluer tout particulièrement mes collègues du Sénat, Alain Fauconnier, rapporteur de la commission des affaires économiques, et Stéphane Mazars, pour avoir introduit un amendement visant à ce que soit bien établi le lien entre le produit et sa zone de production.

Avec la création des indications géographiques pour les produits manufacturés, nous avons fait un grand pas pour la défense et la promotion des produits issus de nos territoires, qu’ils soient de Laguiole, de Thiers, cher André Chassaigne, ou d’ailleurs. La certification, gage de qualité, permettra une meilleure tenue de ces produits à l’exportation, à l’instar de nos produits agricoles et agroalimentaires. Elle permettra de tirer vers le haut notre production et conduira à la recristallisation de l’emploi sur nos territoires. Attendue par les consommateurs, les producteurs, les élus des territoires et des collectivités concernées, elle participera à la réussite du « Made in France » par la promotion du « Made in territoires de France ». C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat pour le groupe SRC.

M. Damien Abad. Il y a décidément beaucoup d’orateurs socialistes inscrits dans la discussion générale !

Mme Frédérique Massat. Monsieur le ministre, nous avons parcouru un long chemin depuis le mois de juin 2013 qui correspond à notre tradition républicaine avec les deux lectures au Sénat puis cette CMP dont je ne doute pas que l’issue sera favorable.

Je me contenterai d’évoquer les avancées substantielles de ce texte sans entrer dans le détail, notre rapporteure les ayant rappelées ainsi que vous-même.

Je veux insister sur la valeur ajoutée que constitue ce projet de loi pour l’ensemble de nos concitoyens, puisqu’il ne vise rien de moins que de rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et professionnels. Il permettra de rétablir une forme d’égalité des armes entre les acteurs économiques. Il agira sur les dépenses contraintes des Français pour libérer du revenu disponible.

Ce texte comporte des mesures phares attendues par tous depuis longtemps, et en premier lieu l’action de groupe dont nous parlons beaucoup depuis le début de la législature. Il en avait été également beaucoup question lors de la législature précédente ; nous la concrétisons enfin. Ces voies de recours nouvelles et collectives seront assurées par les associations de consommateurs agréés. Celles-ci organiseront et prépareront l’introduction en justice, soulageant ainsi les consommateurs des avancées de frais et de l’énergie nécessaire à de telles actions. C’est un grand progrès en droit qui aura certainement un effet dissuasif sur les ententes commerciales illicites.

Autre exemple : ce texte simplifiera la vie de nos concitoyens s’agissant des contrats. Au-delà des mesures qui ont été prises, la suppression qui s’appliquera également à tous les contrats identiques et conclus par un même professionnel avec d’autres consommateurs est une bonne mesure. Quelle simplification pour le consommateur s’estimant lésé et quelle mise en garde pour le professionnel tenté d’inclure des dispositions abusives dans ses contrats ! La vigilance des associations de consommateurs et de l’administration sera bénéfique à toutes et à tous dans des délais fortement réduits.

Mon dernier exemple portera sur les contrats d’assurance. Il s’agit là d’une mesure qui bénéficiera à tous, aux professionnels comme aux consommateurs. Elle permettra une baisse substantielle des tarifs et davantage de marge de manœuvre pour séduire de nouveaux clients. Nul doute que le pouvoir d’achat des ménages en sortira gagnant.

Nous avons beaucoup parlé, tout au long de la discussion de ce texte, du pouvoir d’achat des Français. Effectivement, il s’agit là d’un élément essentiel surtout dans la période que nous vivons. Les amendements que j’avais défendus s’agissant de l’optique ont été également retenus par nos collègues sénateurs. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, aujourd’hui 3 millions de Français renoncent à l’achat de lunettes en raison de leur prix trop élevé. De même, vous aviez indiqué, au mois de décembre dernier, que la vente par internet de produits d’optique rapporterait environ 1 milliard d’euros de pouvoir d’achat et pourrait faire baisser les prix de 30 à 40 %. C’est sur la base de ce constat que le travail législatif a progressé vers un meilleur encadrement de la vente en ligne. Cela permettra de rassurer tant les consommateurs que les professionnels. Il s’agit de réglementer le marché sans le fermer, de proposer une solution équilibrée, de sécuriser la vente en ligne de lunettes et de lentilles. Pour éviter des achats ne correspondant pas aux besoins et pour sanctuariser le parcours de soins, la première délivrance de verres correcteurs ou de lentilles devra être soumise à prescription médicale. L’ordonnance devra mentionner l’écart pupillaire afin que le consommateur puisse faire un achat sans avoir recours à un opticien physique. Toutes ces mesures devraient permettre à nos concitoyens de voir la vente en ligne de lunettes facilitée.

Je rappelle qu’elle existe déjà. Ce n’est pas une nouveauté introduite par ce texte : la vente en ligne de lentilles et de lunettes existe.

Ce texte lui donne un cadre en sanctuarisant le parcours de soins. Il agira efficacement sur des dépenses contraintes en matière de santé.

Pour toutes ces raisons, nous pouvons nous réjouir de ce texte, que nous soutiendrons dans nos territoires, qui est attendu par les consommateurs et par nos administrés. Je salue le travail important qui a été fait par nos rapporteurs : je pense au nombre important de nos auditions. Merci à M. le ministre et à son cabinet qui ont été très attentifs aux demandes des parlementaires et aux amendements que nous avons défendus. Je me réjouis que cette CMP débouche sur un vote positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113 alinéa 3 du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur l’amendement dont je suis saisie.

La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n1 rectifié à l’article 17 quater.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il est de coordination.

(L’amendement n1 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement adopté par l’Assemblée.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.) (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Ville et cohésion urbaine

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, des dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (no 1761).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. François Pupponi, rapporteur de la commission mixte paritaire. Nous sommes arrivés à la fin du processus législatif sur ce texte, un texte issu d’une longue et riche concertation.

En juillet 2012, un rapport de la Cour des comptes avait mis en lumière les défauts de la politique de la ville. Elle souffrait du défaut habituel des politiques publiques menées dans notre pays : l’absence d’évaluation. Depuis trente ans, aucun territoire n’est sorti de la politique de la ville et nous sommes passé de 751 zones urbaines sensibles à 2 493 quartiers répartis sur 901 communes. Une lecture rapide tendait à faire croire à une République impuissante.

La politique de la ville souffrait aussi du saupoudrage des moyens – trop peu sur trop de territoires – et de la disparition des moyens de droit commun, qu’elle devait compléter et non suppléer.

Mais le texte que vous avez présenté, monsieur le ministre, vient apporter une réponse forte à ces critiques et présente une vision nouvelle de la politique de la ville. Il était nécessaire et il est désormais prêt.

Je suis en effet heureux de pouvoir rapporter devant vous que la commission mixte paritaire a conclu à un accord sur ce projet de loi.

À chaque étape de la navette parlementaire, ce texte a été enrichi, amélioré, harmonisé, grâce à des amendements venus de tous les bancs, et cela est particulièrement à souligner.

Les conclusions de la CMP sont donc le fruit d’un large consensus entre les deux chambres, dont je vais expliciter le contenu.

L’Assemblée nationale avait souhaité sanctionner financièrement l’intercommunalité qui refuserait de signer le contrat de ville, mais le Sénat avait estimé que la mesure retenue était trop brutale et juridiquement imparfaite. La CMP a donc souhaité renvoyer le détail de ce dispositif à une prochaine loi de finances et au rapport prévu sur la dotation « Politique de la ville ».

Nos débats avaient également été riches sur le rôle du maire au sein du nouveau contrat de ville, dont le pilotage devient intercommunal. Je crois que nos échanges ont d’ailleurs rassuré nos collègues sur le fait que le maire demeurera un acteur central et majeur du contrat de ville.

M. Dominique Baert. Très bien !

M. François Pupponi, rapporteur. Sur ce sujet, l’Assemblée nationale et le Sénat ont eu une différence d’appréciation quant au périmètre de compétence du maire. Fallait-il s’attacher aux actions menées sur le territoire communal, ou aux strictes compétences du maire ? Ici encore, nous avons trouvé une solution de compromis. Le maire mettra en œuvre le contrat de ville sur le territoire de sa commune et contribuera aux actions des autres signataires selon les modalités prévues par le contrat.

S’agissant du contrat de ville, toujours, nous avons rétabli l’instance de pilotage que le Sénat avait supprimée. Néanmoins, les signataires du contrat se mettront d’accord entre eux sur l’organisation de ce pilotage, qui pourra être unique ou complété de sous-instances, par commune par exemple.

La commission mixte paritaire s’est également penchée sur le conseil citoyen, une divergence demeurant sur la composition précise et le mode de sélection de ses membres. La CMP a arrêté que ces conseils seront composés d’habitants tirés au sort d’une part, dans le respect de la parité, et de représentants des associations et des acteurs locaux d’autre part. Les modalités précises seront fixées par décret.

Enfin, le préfet, après consultation du maire et du président de l’établissement public de coopération intercommunale, reconnaîtra la composition du conseil citoyen et lui accordera, au besoin, la personnalité morale. Je sais, monsieur le ministre, que vous étiez particulièrement attaché à ce dispositif, qui bouscule un peu les habitudes d’un certain nombre d’élus, lesquels considéraient que les conseils ou comités de quartier qu’ils avaient mis en œuvre étaient suffisants. Nous avons, tous ensemble, voulu aller plus loin et faire une expérience dans notre pays, qui permette enfin aux habitants d’expertiser, de contredire et d’analyser les projets conçus par les élus ou, parfois, par les architectes urbanistes.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Tout à fait !

M. François Pupponi, rapporteur. D’autres modifications rédactionnelles ont été apportées au texte, de même que des amendements de coordination avec la loi sur l’action publique territoriale et les métropoles. Nous avions repoussé en première lecture ce dossier, dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel et de la promulgation de cette loi.

Nous avons également réintroduit la demande de rapport sur les mesures permettant la création d’emplois et d’entreprises dans les quartiers prioritaires, renforcée d’un volet sur les emplois d’avenir. C’était à la suite du rapport de notre collègue Henri Jibrayel : vous l’aviez dit, monsieur le ministre, ce projet ne prévoit pas de mesures économiques et sociales en faveur de la création d’emplois et d’entreprises, mais elles figureront dans le prochain projet de loi de finances, car il est important qu’au-delà des mesures que nous allons voter, nous puissions lutter efficacement contre le chômage dans ces territoires.

Enfin, nous avons rétabli la réunion d’information de tous les locataires, organisée par les bailleurs sociaux à la fin de la concertation sur les projets de rénovation urbaine. Il n’était pas acceptable, alors que la participation des habitants est un élément important de ce texte, de ne pas maintenir ce dispositif adopté ici en première lecture. Je précise à cet égard, monsieur le ministre, qu’un certain nombre de mes collègues, ici ou au Sénat, se sont inquiétés du fait que les bailleurs sociaux, y compris dans les quartiers rénovés grâce à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, ne soient pas toujours au rendez-vous du dialogue et de la concertation : ce n’est pas une critique que nous faisons, mais nous sommes inquiets de voir cette attitude, alors qu’ils considéraient que la rénovation urbaine leur permettait de prendre un peu de recul sur la gestion de proximité. Nous appelons de nos vœux l’instauration de relations nouvelles entre les collectivités locales, les bailleurs sociaux et les locataires. Notre but a été d’obliger les bailleurs sociaux à organiser des réunions, à être plus attentifs aux demandes des locataires dans ces territoires.

Ainsi, mes chers collègues, je suis persuadé que ce texte réalisera pleinement les objectifs que vous avez fixés, monsieur le ministre, dans votre projet de loi.

Enfin, nous allons disposer d’une politique de la ville dont les moyens seront renforcés et ciblés sur des quartiers prioritaires, moins nombreux et mieux identifiés. Cette politique bénéficiera d’un pilotage rationalisé, unifié, à l’échelle pertinente qu’est l’intercommunalité, à travers le contrat de ville.

Je précise que la CMP a fait en sorte que les régions et les départements soient obligés de signer ces contrats de ville, ce qui constitue une grande avancée : même si beaucoup le faisaient déjà, ils seront maintenant dans l’obligation de le faire, ce qui est, je crois, une bonne chose.

Ce contrat fixera des objectifs, définira les moyens pour les atteindre, et surtout évaluera les politiques menées. Les habitants seront pleinement associés à la définition de la politique de la ville par les conseils citoyens et seront mieux associés aux projets de renouvellement urbain. Un renouvellement qui bénéficiera de 5 milliards d’euros de crédits nouveaux, fléchés sur les territoires prioritaires. Nous attendons avec impatience les listes qui seront enfin données. Je suis un peu déçu que M. Saddier ne soit pas là, car nous avions préparé la liste en vue de la lui remettre…

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Je suis venu avec !

M. François Pupponi, rapporteur. Nous lui en ferons part : la liste était là et elle sera envoyée à M. Saddier ! (Sourires.)

M. Dominique Baert. Avec une dédicace particulière !

M. François Pupponi, rapporteur. J’en suis convaincu !

Le texte issu de la CMP porte en lui les moyens de garantir une plus grande égalité entre les territoires, et de rendre la politique de la ville plus juste, plus efficace et plus transparente. Je crois sincèrement, monsieur le ministre, que vous pouvez être fier du texte que vous avez défendu. Vous avez été à l’écoute, vous avez su proposer un texte qui a permis un large débat parlementaire, un texte que nous avons pu amender et améliorer. Vous pouvez être fier, car ce texte, beaucoup d’acteurs de la politique de la ville l’attendaient depuis plus de trente ans. Il est enfin là et j’invite donc l’ensemble des députés, sur tous les bancs, à l’adopter.

Le travail le plus difficile commencera ensuite, car il faudra le faire vivre dans nos territoires, mais je suis convaincu que l’ensemble des acteurs disposeront d’un outil adapté pour combattre les difficultés rencontrées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Merci, madame la présidente. Au terme de nos débats, après le vote positif du Sénat hier, je souhaite remercier de nouveau le rapporteur François Pupponi, les membres de la commission et l’ensemble des parlementaires qui se sont impliqués dans ce texte, en améliorant le contenu tout en veillant à maintenir sa cohérence. Alors même que certains doutaient de notre capacité commune à nous atteler à une telle réforme, je ne peux que vous faire part de ma pleine satisfaction quant aux conclusions de la CMP et, au-delà, à la qualité des travaux menés à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

Nous avions ici largement débattu de la refonte de la géographie prioritaire, dont la succession de zonages et de dispositifs liés n’assurait ni l’efficacité ni la lisibilité. Sur ce point, qui constitue un élément clé de la réforme, je tiens à saluer la position des parlementaires, de tous les bancs, qui ont veillé au strict respect de l’intérêt général.

Une fois cette fameuse liste rendue publique, dès la publication du décret d’application de la loi, les territoires seront retenus en politique de la ville sur la base d’un critère unique, objectif et donc transparent : celui de la concentration urbaine de pauvreté. Cette méthode permettra de redonner tout son sens et toute son ambition à la politique de la ville en se concentrant sur des territoires certes différents mais qui cumulent tous les mêmes difficultés.

Cette nouvelle géographie était le préalable indispensable à une deuxième étape : la mise en œuvre, à l’échelle des intercommunalités, de nouveaux contrats de ville. Le Parlement a souhaité soutenir cette logique intercommunale dans l’élaboration de ces contrats de nouvelle génération, tout en précisant plus clairement le rôle de la commune, et donc de son maire, ainsi que de l’intercommunalité en politique de la ville. Avec ce nouvel outil, nous pourrons bâtir des diagnostics et des stratégies partagés, à la bonne échelle, pour réduire durablement les inégalités sociales et spatiales dans les bassins de vie.

Cette réforme de la politique de la ville n’engage pas seulement un changement d’échelle d’intervention des pouvoirs publics. Elle opère aussi un changement de dimension dans l’articulation comme dans la nature des réponses que nous souhaitons apporter.

Changement de dimension car, dorénavant, c’est une action globale qui sera privilégiée, assurant la juste articulation entre les actions sur l’urbain, les dispositifs de cohésion sociale et les enjeux de développement économique. Le nouveau programme de renouvellement urbain, doté de 5 milliards et permettant d’en lever 20, sera ainsi l’une des parties intégrantes des nouveaux contrats de ville.

Changement de dimension puisque le contrat de ville associera l’ensemble des parties prenantes au développement d’un territoire : les élus et les services de l’État bien sûr, mais au-delà les habitants, les acteurs associatifs ou économiques et l’ensemble des acteurs qui comptent dans les quartiers. Dans le même esprit, le Parlement a souhaité la mise en place de conventions intercommunales relatives aux politiques d’attribution de logements, qui rassembleront tous les acteurs du logement. Elles constitueront des instruments de concertation efficace pour créer de la mixité sociale dans les quartiers.

Changement de dimension, enfin, car la politique de la ville ne s’appuiera plus seulement sur ses crédits spécifiques mais mobilisera l’ensemble des politiques de droit commun. Dorénavant, ce sont les politiques publiques de droit commun qui seront sollicitées avant de mettre en œuvre les crédits de la politique de la ville, lesquels retrouveront enfin leur fonction d’effet levier.

Cette loi organise le retour de l’État dans les quartiers et la territorialisation des politiques publiques en fonction des difficultés rencontrées par chaque territoire urbain. Comme un symbole, les portes de la nouvelle agence locale de Pôle emploi s’ouvriront au lendemain de l’adoption de ce texte, dès ce lundi, à Clichy-sous-Bois.

Lorsque nous avons débattu, au mois de novembre, des orientations du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, j’ai souhaité inscrire ce texte dans une perspective plus large. J’ai toujours souligné qu’une refonte des dispositifs de la politique de la ville ne pouvait être engagée sans s’interroger plus fondamentalement sur le regard que notre société porte sur les quartiers populaires.

Car, dans ces territoires, on ne subit pas seulement l’accumulation de difficultés économiques et sociales. D’autres barrières, peut-être symboliques mais tout aussi solides, se dressent aussi devant ceux qui y vivent. Je veux bien évidemment parler de ces discriminations auxquelles sont confrontés les jeunes actifs dans leur recherche d’emploi.

C’est cette réalité, cette injustice qui vous a conduit à inscrire dans ce projet de loi la reconnaissance du lieu de résidence comme critère opposable de discrimination positive, à l’initiative de Daniel Goldberg et de nombreux parlementaires de la majorité. J’engagerai prochainement une campagne pour faire connaître cette mesure et pour sensibiliser les acteurs économiques et les propriétaires.

C’est cette triste réalité, cette injustice qui vous a amené à valoriser la reconnaissance et la promotion de l’intervention citoyenne dans la conduite même de la politique de la ville. Les travaux parlementaires ont été précieux pour clarifier et renforcer les différentes mesures relatives à la participation des habitants dans les quartiers prioritaires.

Des conseils citoyens, dont la CMP a souhaité garantir la parité de la composition, seront ainsi constitués et associés à l’ensemble des étapes du contrat de ville. Des maisons du projet seront créées pour le suivi plus spécifique des opérations de renouvellement urbain. Le Parlement a aussi souhaité que dorénavant des représentants des locataires puissent siéger au conseil d’administration de l’ANRU. J’ai quant à moi annoncé mon intention d’ouvrir le Conseil national des villes à des représentants des habitants des quartiers prioritaires.

Toutes ces avancées concourent au même objectif : permettre à la personne qui réside dans nos quartiers de passer du statut d’habitant à celui de citoyen associé aux choix qui le concernent. Je suis en effet convaincu que le principe de co-construction de nos politiques publiques est une des conditions premières du rétablissement de l’égalité républicaine. Il ne peut y avoir en effet de reconquête sociale sans reconquête démocratique. Le Président de la République lui-même nous a rappelé que cette double exigence devait être au cœur de la démarche de réforme du Gouvernement.

Tout en poursuivant notre combat contre les inégalités sociales, nous assumons ainsi l’ouverture de nouveaux droits. La priorité accordée à l’emploi, au redressement des comptes publics et au retour de la croissance n’exonère pas d’agir pour les libertés publiques, la lutte contre les discriminations, l’égalité femme-homme ou la citoyenneté.

Mesdames et messieurs les députés, si la réforme de la politique de la ville est maintenant pleinement engagée, j’ai conscience que ce texte n’est pas un achèvement mais plutôt un nouveau commencement. Il faut maintenant que la loi trouve à s’incarner, dès son adoption, en association avec les élus locaux et les citoyens.

Cette loi doit trouver son prolongement dans le nouveau programme de renouvellement urbain, dans la pleine application des conventions passées entre le ministère de la ville et les ministères concernés, ainsi que dans la réalisation, au cœur de nos quartiers, de l’ensemble des engagements que nous avons collectivement défendus. Je pense notamment aux mesures liées à la promotion de la mémoire des quartiers ou encore à la fondation pour l’innovation sociale, qui ont été portées lors du débat public dans cet hémicycle.

Vous l’avez compris, par une adoption que j’espère la plus large possible, ce n’est pas seulement une loi qui va être votée par le Parlement : c’est une bataille que nous allons engager pour nos quartiers populaires, une bataille contre les inégalités et l’injustice sociale, une bataille pour faire vivre l’égalité. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons donc au terme de l’examen de ce projet de loi sur la politique de la ville, dont la réforme était nécessaire et attendue. En effet, la politique de la ville souffrait jusqu’à présent de financements mal ciblés et trop émiettés, d’une géographie des quartiers prioritaires mal ficelée et d’un enchevêtrement de dispositifs qui rendait le tout illisible et souvent inefficace.

La commission mixte paritaire a abouti à un texte qui va dans le bon sens même si les écologistes auraient souhaité aller encore plus loin sur plusieurs points, vous le savez, sur lesquels j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer lors de l’examen du texte à l’Assemblée au mois de novembre dernier.

Le premier concerne la participation du public. Si ce texte contient de très bonnes dispositions, les écologistes souhaitaient introduire plus fortement les propositions du rapport de Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué remis il y a quelques mois maintenant. La politique de la ville, vous l’avez dit, ne se fera pas sans les habitants. Nous insistons sur ce point-là. Ils ne doivent pas être seulement consultés, mais clairement associés à l’élaboration des décisions les concernant, que ce soit pour les contrats de ville ou pour les projets de rénovation urbaine.

C’est pourquoi j’avais soutenu en novembre dernier l’idée d’un référendum d’initiative locale sur les contrats de ville ou sur certaines de leurs modalités, qui permettrait aux habitants de réellement s’approprier cette démarche de co-construction, que nous saluons, puisqu’ils seraient au final décisionnaires. Il ne s’agissait évidemment pas de remplacer la démocratie participative par la démocratie directe mais de réussir la politique de la ville et de recréer de la citoyenneté dans les quartiers. Que ce soit par un référendum ou par un tirage au sort pour les conseils citoyens, ce n’est qu’avec des mesures fortes de ce type, je crois, que l’on réussira finalement la politique de la ville.

Autre sujet de préoccupation, celui du développement économique des quartiers prioritaires, qui aurait pu faire l’objet d’un plus grand nombre de dispositions. L’objectif final de la politique de la ville n’est pas de rendre supportable la vie dans les quartiers mais bien de favoriser un développement économique, social et environnemental durable afin que ces quartiers sortent de la géographie prioritaire. Le critère économique est le seul utilisé pour distinguer ces quartiers prioritaires, et c’est une bonne chose, mais, au final, l’action ne porte pas vraiment sur ce critère, ce que je persiste à trouver un peu paradoxal.

Les écologistes auraient également souhaité aller plus loin quant à la prise en compte de la transition écologique et énergétique dans les opérations ANRU. Un quartier, ce sont avant tout des habitants dans un cadre de vie, une sorte d’écosystème qui doit être agréable, réellement vivable. Sur ce point, je suis convaincue que, par exemple, les opérations qui permettent d’introduire la nature en ville, dans le cadre de l’agriculture urbaine entre autres, peuvent jouer un rôle important pour améliorer la vie dans des quartiers qui, nous le savons, cumulent souvent difficultés économiques et environnementales, avec des espaces dégradés.

Je partage également la préoccupation de M. Pupponi sur le rôle des bailleurs sociaux et je regrette que des dispositifs plus contraignants à leur égard n’aient pas pu être intégrés.

Ces quelques regrets sont compensés par un texte dont nous soutenons véritablement l’esprit. Je pense notamment à la nécessaire diminution du nombre des quartiers prioritaires. Cela soulève certes la question de la gestion des territoires sortant de la géographie prioritaire, mais l’introduction de la notion de « territoires de veille » répondra je crois en grande partie à cette inquiétude. Je pense également au lancement du nouveau programme de rénovation urbaine doté de 5 milliards, très attendu, ou encore au critère unique de délimitation de la géographie prioritaire, à savoir, le revenu.

Enfin, ce texte permettra d’amorcer une nouvelle phase de la politique de la ville, plus ambitieuse, plus lisible, mieux partagée avec les habitants.

Ce projet était attendu, il est nécessaire, et le groupe écologiste le soutiendra. Je vous remercie.

M. François Lamy, ministre délégué. Merci à vous !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, je vais ici lire l’intervention qu’avait préparée mon collègue François Asensi, retenu in extremis. Vous n’y retrouverez donc pas certaines de mes formules habituelles.

M. François Lamy, ministre délégué. Vous ne parlerez donc pas du Laguiole ! (Sourires)

M. André Chassaigne. Plus de trente ans après sa création, la politique de la ville n’a pas réussi à mettre un terme aux inégalités insupportables dont sont victimes les habitants des quartiers populaires et à combler les écarts de richesse avec le reste du territoire. Au contraire, les dernières études menées par l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, l’ONZUS, démontrent clairement que les inégalités se sont creusées, que ce soit dans le domaine de l’emploi, de la réussite scolaire ou de l’accès à la santé.

Les défis auxquels nous sommes confrontés sont énormes : sortir du chômage de masse qui sévit dans les quartiers, redonner un cadre de vie satisfaisant aux habitants, stimuler la vie sociale et culturelle, mettre fin aux discriminations de tous ordres qui touchent les habitants.

Plusieurs dispositifs utiles ont certes été mis en place ces dernières années : je pense au programme de rénovation urbaine, qui a contribué à changer de manière positive l’environnement urbain, et aux contrats d’avenir, qui ont permis de faciliter des embauches et d’offrir une première expérience professionnelle à des jeunes éloignés de l’emploi.

Pour autant, vous le savez comme moi, la politique de la ville ne suffira pas à résoudre la crise qui touche un certain nombre de nos quartiers populaires. Cette crise, qui nous a explosé à la figure lors des émeutes de 2005, est la conséquence des politiques libérales mises en œuvre depuis plusieurs décennies, ainsi que du désengagement de l’État et de son incapacité à accompagner la mutation des territoires et à lutter contre la ghettoïsation.

Avant d’entrer dans le détail de ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, je tenais, monsieur le ministre, à saluer vos efforts de concertation et de pédagogie. Dans l’ensemble, nos débats se sont déroulés dans un bon état d’esprit. De leur côté, les parlementaires du Front de Gauche ont adopté une attitude constructive, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, afin de faire évoluer positivement ce texte.

Ce projet de loi ne constitue pas, vous en conviendrez, monsieur le ministre, une révolution copernicienne. On reste dans le cadre d’un budget à moyens constants dans un contexte de politique d’austérité qui pèse sur la croissance et le pouvoir d’achat des ménages. Au terme du processus législatif, notre sentiment est donc mitigé. Si cette nouvelle loi introduit des évolutions appréciables, il n’en reste pas moins que nous attendions plus.

Plusieurs points de ce projet de loi constituent des avancées indéniables. D’abord, la clarification des dispositifs en vigueur, avec le choix de remplacer les ZUS, CUCS et autres ZRU par l’appellation de « quartier prioritaire », nous paraît aller dans le bon sens. Il est en effet évident que l’empilement des dispositifs nuit à l’efficacité et à la lisibilité de cette politique. Nous souscrivons également au choix du critère unique du revenu, même si celui-ci doit être précisé. Ce sera un indicateur objectif, permettant d’intégrer les quartiers qui en ont réellement le plus besoin. Il est néanmoins fort regrettable que le choix de ce critère s’accompagne d’une baisse du nombre de quartiers prioritaires, qui passe de 2 500 à 1 300 seulement. C’est vraiment là pour nous l’un des points les plus problématiques de ce projet de loi.

Autre aspect très positif de ce texte : le prolongement du premier programme national de rénovation urbaine et le lancement d’un deuxième. C’était une nécessité. Je salue au passage le vote d’un amendement de nos collègues sénateurs du Front de gauche, qui vise à ce que le PNRU 2 respecte le principe du « un ou pour un », selon lequel pour tout logement démoli, un autre doit être reconstruit. Ce principe est fondamental car le bilan de l’ANRU fait apparaître plus de destructions que de constructions, ce qui est inacceptable compte tenu de la crise du logement que nous traversons actuellement.

Nous souscrivons par ailleurs à l’objectif de mieux impliquer les habitants des quartiers dans le contrat de ville. Le choix du terme de co-construction paraît pertinent, car il traduit l’idée d’un échange permanent entre habitants, élus, représentants de l’État et administrations signataires du contrat de ville. C’est important, car les habitants des quartiers ne doivent pas être des sujets passifs de la politique de la ville mais en devenir les principaux acteurs. Nous approuvons donc la création des conseils citoyens, car nous sommes persuadés que la promotion d’une démarche participative est une garantie supplémentaire de la réussite des projets de ville.

Un autre aspect du projet de loi initial a fait l’objet d’une amélioration notoire lors de la discussion au Sénat, grâce au vote d’un amendement des sénateurs Front de gauche. Elle concerne le rôle du maire dans la politique de la ville. Nous avons en effet obtenu la reconnaissance de la place déterminante et structurelle du maire dans la mise en œuvre des contrats de ville, sans pour autant remettre en cause la pertinence de l’échelle intercommunale pour un certain nombre de questions. Le vote de cet amendement était selon nous capital, à l’heure où le Gouvernement ne cesse de remettre en cause la place du maire dans nos institutions, que ce soit à travers la loi sur les métropoles ou l’obligation introduite par la loi ALUR d’élaborer des PLU intercommunaux.

Autre avancée obtenue au cours du débat : la reconnaissance des discriminations territoriales dans la loi, qui permettra de protéger les citoyens victimes de discriminations en raison de leur lieu de résidence. Une proposition de loi avait été déposée en ce sens par François Asensi dès 2010 et nous nous félicitons qu’après plusieurs années de mobilisation, ce phénomène soit reconnu et combattu. Il était temps, car les statistiques montrent bien l’ampleur de ces discriminations : un jeune qualifié résidant dans une commune réputée défavorisée a une chance de décrocher un emploi de six points inférieure aux autres diplômés !

Enfin, le vote de l’un de nos amendements permettant aux collectivités territoriales de participer au financement d’activités économiques ou d’aider à l’installation de professions libérales est un progrès, tant le manque de commerces, de médecins ou d’infirmières est criant dans les quartiers de la politique de la ville.

Malgré ces bons points, et vous avez constaté qu’ils sont assez nombreux, ce projet de loi ne déploie pas, selon nous, l’ambition qui devrait être celle du Gouvernement à l’égard des quartiers défavorisés. Vous sentez arriver l’antithèse, n’est-ce pas, monsieur le ministre !

M. François Lamy, ministre délégué. Aïe aïe aïe !

Mme Joëlle Huillier. Mais quelle sera la synthèse ? (Sourires.)

M. André Chassaigne. L’essentiel de la loi repose en effet sur la mobilisation de moyens de droit commun très malmenés en cette période d’austérité budgétaire.

M. Damien Abad. Ah ! On retrouve le vrai André Chassaigne !

M. André Chassaigne. Le Président de la République vient de confirmer ce tournant social-libéral avec l’annonce du pacte de responsabilité, qui vise à diminuer la dépense publique de 50 milliards d’euros pour financer des allégements de charges pour les entreprises.

M. Damien Abad. Il est mort-né !

M. André Chassaigne. La fin du paiement des cotisations familles par les entreprises est symptomatique de cette politique de l’offre que vous souhaitez mettre en œuvre. Cela se traduira par une réduction du service public sans commune mesure avec ce qui a été fait auparavant.

Tous les services publics des quartiers populaires sont déjà à saturation et manquent cruellement d’effectifs. Prenons le cas de Pôle emploi…

M. Damien Abad. Aïe !

M. André Chassaigne. …en Seine-Saint-Denis par exemple.

Mme Claudine Schmid. Au hasard…

M. André Chassaigne. Cela vous change du Puy-de-Dôme dont je vous parle d’habitude ! Chaque conseiller doit y suivre en moyenne près de 350 demandeurs d’emploi. J’ai bien dit 350 ! C’est inadmissible, dans un département dont certains quartiers connaissent un taux de chômage supérieur à 30 %. Même chose pour les centres de sécurité sociale, qui ferment les uns après les autres dans les villes de banlieues. Cela vaut aussi pour les effectifs de police, qui connaissent une baisse significative dans certains quartiers sensibles, en contradiction totale avec les grandes promesses du ministre de l’intérieur.

L’égalité des territoires ne pourra être effective que si l’État investit massivement dans les quartiers. Votre projet de loi ne propose finalement qu’une réorganisation des dispositifs, qui est certes utile mais pas à la hauteur des défis posés par la paupérisation des quartiers populaires.

La diminution du nombre de quartiers éligibles à la politique de la ville est, que vous le vouliez ou non, un autre aspect de cette politique d’austérité. L’argumentaire sur le saupoudrage ne masque pas la préoccupation de réduire le nombre de quartiers aidés pour en réduire le coût.

Par ailleurs, si vous renforcez les mécanismes de solidarité intercommunale, vous vous exonérez en revanche de tout mécanisme de péréquation verticale, laquelle permettrait à la solidarité nationale de s’exprimer pleinement. Pire, la réduction drastique des dotations aux collectivités, de 4,5 milliards d’euros en trois ans, va assécher les finances des collectivités. Ce seront autant de crédits en moins pour doter les associations, qui produisent du lien social dans les quartiers, pour financer les politiques de prévention ou pour aider les plus précaires via les centres communaux d’action sociale.

En bref, cette loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine était sans nul doute indispensable. Elle a permis des avancées sur certains points : le critère unique, la reconnaissance des discriminations territoriales ou le PNRU 2. Mais elle s’inscrit dans un cadre, celui de l’austérité, qui compromet notre ambition d’améliorer la vie quotidienne des habitants en stimulant la croissance et la création d’emploi. Pour toutes ces raisons, sans avoir besoin d’une balance Roberval et malgré les avancées qu’elle contient, les députés du Front de gauche maintiennent leur vote d’abstention à l’issue de cette commission mixte paritaire.

M. François Lamy, ministre délégué. Quelle tristesse !

Mme Joëlle Huillier. Vous avez presque l’air de le regretter !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le ministre, vous nous avez présenté dès l’été 2012 une feuille de route pour les quartiers, qui devait vous permettre de mener à bien votre mission. Vous avez engagé au préalable une grande concertation avec les parlementaires, mais aussi les élus locaux, les professionnels de la politique de la ville et les associations des représentants d’habitants. N’en déplaise à certains, cette concertation a porté ses fruits.

Ce projet de loi, qui avait pour objectifs de redéfinir sur une base claire et lisible les territoires dans lesquels la politique de la ville doit être menée, d’instaurer un cadre local d’action plus efficace et de créer de nouveaux outils pour favoriser l’implication des habitants, arrive au terme de son parcours législatif. À ce stade, nos débats ont déjà été longs et riches, puisque nous avons passé plusieurs jours en commission et en séance à l’amender. La commission mixte paritaire, qui s’est réunie la semaine dernière, a permis aux députés et aux sénateurs de trouver un consensus, y compris au sujet du conseil citoyen. Les amendements déposés en CMP ont tous été adoptés.

Je me contenterai donc d’exposer succinctement cinq raisons pour lesquelles le groupe socialiste sera fier de voter définitivement ce texte ce matin.

M. François Pupponi, rapporteur. Bravo !

Mme Jacqueline Maquet. Premièrement, ce texte définit une nouvelle géographie prioritaire, fondée sur un critère unique, de façon à identifier les concentrations de pauvreté dans les territoires.

M. Damien Abad. Nous attendons toujours la liste !

Mme Jacqueline Maquet. Cela permettra de rattacher à la politique de la ville des territoires urbains et ruraux jusqu’ici totalement oubliés, alors qu’ils sont confrontés aux mêmes difficultés que les quartiers populaires des grandes agglomérations.

Deuxièmement, ce texte met en place les contrats de ville, expérimentés dans ma circonscription, à Arras, qui prennent en compte à la fois les questions de rénovation urbaine et les politiques de cohésion sociale et surtout qui impliquent l’ensemble des acteurs, pas seulement le maire et l’État. Ces contrats sont définis dans le cadre de l’intercommunalité et font intervenir les acteurs des autres niveaux de collectivités concernées…

M. François Pupponi, rapporteur. Bravo !

Mme Jacqueline Maquet. …c’est-à-dire les conseils généraux, les conseils régionaux, les services de l’État et les grands opérateurs des services publics, comme les caisses d’allocation familiale et Pôle emploi.

Troisièmement, ce texte met en place une solidarité nationale à destination des collectivités locales mais également une solidarité financière entre les territoires, à travers, notamment, la création d’une dotation de politique de la ville.

Quatrièmement, ce texte permet l’achèvement du programme national de rénovation urbaine, qui est prolongé de deux ans, tandis qu’en parallèle un nouveau plan de renouvellement urbain est lancé, assorti d’une dotation de 5 milliards d’euros pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Enfin, ce texte favorise la mobilisation citoyenne, de telle sorte que les habitants de ces quartiers populaires soient informés, consultés, associés mais aussi engagés dans un processus de co-construction des contrats de ville et des opérations de renouvellement urbain. D’où la création de conseils citoyens.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même à plusieurs reprises, pour réussir le changement dans les quartiers, il est indispensable que l’ensemble des acteurs, associatifs et institutionnels, en charge du logement et de la santé, de l’éducation, ou encore de la sécurité et de l’insertion, travaillent main dans la main pour une dynamique de gestion urbaine de proximité et dans un souci de mixité sociale. Le projet de loi qui nous est soumis va dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je parle ce matin au nom du groupe de l’Union pour un mouvement populaire sur ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. J’associe à cette intervention mes collègues Jean-Marie Tetart, Martial Saddier et Valérie Lacroute, qui se sont tout particulièrement mobilisés lors de l’examen de ce texte.

M. François Pupponi, rapporteur. Si M. Saddier avait été là, il aurait eu la liste !

M. Damien Abad. Nous en reparlerons, monsieur Pupponi !

Ce projet de loi arrive au terme de son parcours législatif, après une seule lecture au Parlement et une commission mixte paritaire qui a abouti la semaine dernière. Nous avons déjà regretté, le 22 novembre, la manière il a été traité. Il méritait mieux que cela : examiné en commission un jeudi et en séance un vendredi, fin novembre, alors qu’il avait été présenté en Conseil des ministres le 2 août.

M. Dominique Baert. Si vous pensez que c’est un texte important, il faut être là !

M. Damien Abad. Il est vrai que le rythme effréné auquel notre commission est soumise depuis le mois de septembre nous a contraints à examiner ce texte entre deux, presque en catimini. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) C’est dommage pour la politique de la ville et c’est dommage pour ce texte.

Au-delà de ces quelques regrets sur la forme, les députés du groupe UMP restent sur la position qu’ils ont exprimée tout au long du débat : une satisfaction, des regrets, et aussi une grande préoccupation.

Notre satisfaction, c’est que le programme national de la rénovation urbaine cher à notre collègue et ami Jean-Louis Borloo soit prolongé. Comme pour bien marquer la différence avec l’action que nous avons menée depuis 2003, vous avez souhaité qualifier expressément ce PNRU de « nouveau », dans son intitulé. Nous ne nous en offusquons pas, car les objectifs restent les mêmes : il s’agit toujours de rénover les quartiers au profit des habitants.

M. Philippe Bies. Pas tout à fait.

M. Damien Abad. J’en arrive aux regrets. Le premier, c’est que les objectifs de la politique de la ville ne soient pas suffisamment orientés vers l’activité économique. Il est ainsi écrit à l’article 1er que la politique de la ville doit agir pour le développement économique, la création d’entreprises et l’accès à l’emploi par des politiques de formation et d’insertion professionnelles. Cette rédaction répond à des amendements que nous avions nous-mêmes déposés. Mais nous regrettons que la suite du texte ne prenne pas mieux en compte l’activité économique, qui serait une locomotive pour le désenclavement des territoires.

Notre deuxième regret, je sais que cela va vous faire plaisir, monsieur le ministre, est de ne pas avoir reçu la liste des quartiers concernés. Je me fais ici le porte-parole de Martial Saddier, qui ne cesse de la réclamer.

M. François Lamy, ministre délégué. Je l’ai apportée juste pour lui, mais il n’est pas là !

Mme Claudine Schmid. Nous la lui transmettrons !

M. Damien Abad. En effet.

M. François Lamy, ministre délégué. Impossible, c’est très personnel ! (Sourires.)

M. Damien Abad. Il est vrai que le texte prévoit une réforme de la géographie prioritaire, dessinant les grandes lignes des critères retenus. L’étude d’impact évoque quant à elle la méthode du carroyage et le nombre d’un millier de quartiers. L’interview que vous avez donnée au Journal du dimanche juste avant la présentation de ce projet de loi au Parlement nous donnait encore quelques informations supplémentaires, mais toujours pas de liste précise des quartiers qui entrent dans la nouvelle géographie prioritaire et de ceux qui en sortent.

Réclamer la liste n’est pas devenu un jeu, même si je sais que l’insistance de mon collègue vous fait certainement sourire. Vous savez comme moi que c’est une question très importante, que cela aura des conséquences concrètes pour les quartiers qui n’y figureront plus. Disposer de cette liste nous permettrait en outre de nous assurer que vous ne vous arrangerez pas entre amis après les élections municipales. Vous qui prônez la transparence, monsieur le ministre, feriez pour le coup œuvre de transparence en nous fournissant cette liste, afin que nous ayons une cartographie précise de ces quartiers.

Enfin, la création des conseils citoyens est une réelle préoccupation. Je croyais que la démocratie participative appartenait à une ancienne candidate à la présidence de la République… (Sourires.)

M. François Lamy, ministre délégué. C’est l’histoire du socialisme !

M. Damien Abad. Effectivement, c’est l’histoire du socialisme que de créer des comités supplémentaires pour ajouter au choc de complexification que les Français doivent déjà subir au quotidien !

Après la réunion de la CMP, cette préoccupation donc apparaît d’autant plus grande qu’au sein même de votre majorité, des divergences apparaissent sur les modalités de création et les conséquences de ces conseils citoyens. À cet égard, je répète que nous attendons toujours la simplification administrative. Pourtant, elle a été promise par le Président de la République !

M. Arnaud Richard. S’il n’y avait que cela !

M. François Lamy, ministre délégué. En fait, les sénateurs sont moins réactionnaires que vous !

M. Damien Abad. Il y a donc bien un décalage entre les paroles et les actes : d’un côté, la promesse d’un choc de simplification, de l’autre des projets de loi, comme les deux de ce matin, celui relatif à la consommation et le présent projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, qui, derrière le paravent de la simplification, proposent en réalité un choc de complexification supplémentaire. Je vous invite tous à relire l’article 5 bis, exemple de cette simplification administrative à la mode socialiste.

M. François Lamy, ministre délégué. Vous me faites regretter Martial Saddier !

M. Damien Abad. Dans nos villes, nous verrons fleurir des conseils citoyens dont les représentants des habitants seront choisis par tirage au sort paritaire. Mais, sur quelle base, quelle liste ? Le sénateur Daniel Raoul évoquait un appel à candidature et un tirage au sort devant huissier. Monsieur le ministre, j’espère, ou plutôt je ne doute pas que d’ici la publication de votre arrêté vous aurez trouvé une solution plus simple et moins coûteuse.

Permettez-moi de préciser que, si l’appel à candidatures est ouvert à tous, il ne s’agira plus de conseils citoyens, c’est à dire d’une structure composée de personnes de nationalité française. Cette terminologie a d’ailleurs fait l’objet de débats, et je crains que vous ne les ayez pas tranchés.

Le conseil citoyen sera aussi composé de représentants des associations et des acteurs locaux. Mais lesquels ? Dans quelle proportion par rapport aux habitants ? Comment seront-ils choisis ? En fonction de leur solidarité électorale avec la municipalité en place ? Tant de questions qui se posent ! Et surtout, que faites-vous des conseils de quartier ? Sont-ils amenés à disparaître ? Les compétences des conseils citoyens et celles des conseils de quartiers vont-elles se chevaucher ?

M. François Pupponi, rapporteur. Ce n’est pas la même chose !

M. Damien Abad. À chaque fois qu’on crée une structure, on dit que ce n’est pas la même chose !

M. François Lamy, ministre délégué et M. Philippe Bies. Lisez le projet de loi, vous aurez la réponse !

M. Damien Abad. Il y a la loi, et il y a son application ! Vous savez comme nous que ces structures sont nécessaires, qu’elles existent dans tous les quartiers d’une commune, qu’ils relèvent ou non de la géographie prioritaire. Vous allez donc superposer deux structures qui auront certes des représentants et des missions différents, mais en doublant les moyens financiers affectés à la commune.

En CMP, M. le rapporteur a expliqué que les conseils citoyens auraient plus d’expertise pour débattre par exemple de projets urbanistiques. Mais, comment s’assurer de leurs connaissances et de leurs compétences si les membres des conseils citoyens sont également tirés au sort ? Enfin, qui va financer les actions de formation, et dans quel but ?

Monsieur le ministre, les députés du groupe UMP vous l’ont dit : ils ne veulent pas vous signer de chèque en blanc. Trop d’incertitudes demeurent à l’issue de ces débats parlementaires, qui d’ailleurs se sont déroulés, selon mes collègues, dans un esprit d’écoute dont nous vous en savons gré. Voyez comme nous pouvons être constructifs !

M. François Lamy, ministre délégué. Vous n’avez pas écoutés les débats ?

M. Damien Abad. Malheureusement, l’écoute ne suffit pas à être entendu. En conséquence, le groupe UMP, dans sa constance et sa sagesse légendaires, votera contre ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Nous voici arrivés à l’ultime étape de l’examen de ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine avec cette discussion sur les conclusions de la commission mixte paritaire, qui est parvenue à un consensus le 4 février dernier.

Avant d’aborder une dernière fois le fond de ce projet de loi, je tenais, au nom du groupe UDI, à saluer l’esprit républicain qui a présidé à son examen depuis le mois de novembre dernier. Nos travaux ont été précédés d’une concertation à laquelle j’ai participé avec mes collèges MM. Vercamer et Piron, et l’ensemble a été l’occasion d’un dialogue constructif.

C’est d’autant plus appréciable que la problématique de la politique de la ville doit s’exonérer de toute posture partisane, car elle constitue un espoir pour la République et conditionne notre capacité future à vivre ensemble.

Vous le savez, monsieur le ministre, le groupe UDI est particulièrement attaché à ces questions. Vous me pardonnerez de profiter de l’occasion qui m’est ici donnée pour rappeler et saluer l’immense travail qui a été accompli par Jean-Louis Borloo dès 2003…

M. François Lamy, ministre délégué. Tout à fait !

M. Arnaud Richard. …et vous comprendrez que, à quelques minutes de l’adoption de ce projet de loi, j’aie une pensée particulière pour lui et pour mon prédécesseur, Pierre Cardo, qui a beaucoup oeuvré pour ces sujets.

Nous sommes tous d’accord sur le constat : malgré les efforts des élus, des associations, des habitants, des collectivités locales, les difficultés existent toujours. La concentration de la pauvreté, l’explosion du chômage, la tentation du repli communautaire, liée au sentiment d’exclusion, sont autant de symptômes de notre difficulté collective à offrir de nouvelles perspectives à ces quartiers.

C’est donc collectivement, forts de nos expériences respectives, que nous devons cheminer dans l’intérêt de nos compatriotes qui se sentent parfois abandonnés par la République. En effet, cette situation de rupture sociale et territoriale est porteuse de risques très lourds pour la communauté nationale.

Oui, il était nécessaire de revoir globalement les dispositifs que nous avions mis en place afin de les rendre plus efficaces, tout en poursuivant les efforts que nous avions engagés, et il sont grands, notamment en matière de rénovation urbaine.

En ce sens, nous ne pouvons que saluer la prolongation pour deux ans du programme national de rénovation urbaine, le PNRU, qui a largement prouvé son efficacité puisqu’il s’est traduit, il est bon de rappeler les chiffres, par près de 300 000 réhabilitations, 12 millions d’heures d’insertion, 150 000 emplois directs ou indirects créés, 130 000 démolitions et autant de reconstructions. Ce programme majeur a été un succès pour la nation tout entière, puisque l’ensemble des acteurs y ont participé : les collectivités locales, les partenaires sociaux et, bien sûr, l’État.

L’heure est aujourd’hui venue d’écrire une nouvelle page de l’histoire de la rénovation urbaine, et nous espérons que ce PNRU 2 sera aussi ambitieux que son grand frère de 2003, même si nous nous permettons d’en douter en comparant les 42 milliards que nous avions débloqués à l’époque, dont 12 pour la seule ANRU, aux 5 milliards que vous prévoyez.

Les contraintes budgétaires auxquelles votre ministère est confronté expliquent également votre choix…

M. François Lamy, ministre délégué. Non !

M. Arnaud Richard. …de recentrer la géographie prioritaire de la politique de la ville sur 1 300 quartiers, contre 2 500 actuellement. Nous pouvons comprendre cette volonté de rationaliser l’action publique pour vous concentrer sur les poches de pauvreté qui subsistent.

L’instauration d’un critère unique pour l’identification de ces quartiers, à travers le seul prisme de la pauvreté, devrait d’ailleurs nous prémunir de toute subjectivité ; je le dis d’autant plus que j’y étais assez opposé au début de nos travaux et que vous m’avez convaincu sur ce point précis.

Il est donc étonnant que l’impartialité affichée de ce nouvel outil ne vous ait pas conduit à nous présenter la liste de ces quartiers.

M. Damien Abad. Eh oui ! C’est une exigence de transparence !

M. Arnaud Richard. Même nos collègues de la majorité attendent, haletants, et restent attentifs à la manière dont vous établirez cette liste !

M. François Pupponi et M. Philippe Bies. Nous, nous faisons confiance au Gouvernement !

M. Arnaud Richard. Pourvu que la confiance dure au sein de la majorité ! Face donc aux demandes répétées, y compris de votre majorité, de connaître la liste des futurs quartiers prioritaires, nous n’osions pas imaginer que vous l’auriez tenue secrète jusqu’au lendemain des élections municipales.

M. Damien Abad. Exactement !

M. Arnaud Richard. Si nous comprenons et partageons cette volonté d’unifier et de simplifier les dispositifs existants, nous appelons néanmoins le Gouvernement à ce que cette simplification ne rime pas avec désengagement.

M. François Lamy, ministre délégué. Pourtant, vous voulez qu’on fasse des économies !

M. Damien Abad. Oui, mais dans d’autres domaines !

M. Arnaud Richard. Or, le dispositif de veille active s’appuyant sur les moyens de droit commun que vous prévoyez de mettre en œuvre pour les territoires qui sortiront des radars de votre ministère ne nous rassure pas totalement. Nous aurions notamment souhaité que la diminution du nombre de quartiers prioritaires soit l’occasion de mettre en œuvre une véritable politique de péréquation horizontale, afin que les communes les plus riches d’un territoire puissent se substituer en partie à la solidarité nationale lorsqu’elles sont en capacité de mener une politique de la ville efficiente.

Cela nous renvoie à la question, déjà débattue dans cet hémicycle, de l’articulation entre l’intercommunalité et la commune dans la conduite de la politique de la ville, et nous sommes satisfaits que la CMP ait maintenu nos propositions visant à promouvoir une plus grande solidarité territoriale et une meilleure cohérence entre le programme local de l’habitat et le programme de rénovation urbaine. Il était temps.

Dans le cadre de ces contrats de ville, nous nous félicitons également d’avoir réussi, avec Martial Saddier, à réaffirmer le rôle du maire sur le territoire de sa commune, celui-ci étant le mieux à même de connaître les difficultés et les attentes de son territoire.

La commission mixte paritaire a également fait le choix de réintroduire l’article qui prévoyait l’obligation pour le Gouvernement de publier un rapport sur le développement économique et les créations d’emplois dans les quartiers prioritaires.

Avec la disparition, que vous avez voulue et programmée, des zones franches urbaines, qui avaient pourtant fait la preuve de leur efficacité, il devient d’autant plus indispensable de concentrer tous nos efforts en direction de l’emploi des jeunes et de l’activité économique dans la conduite de la politique de la ville. Nous appelons le Gouvernement à formuler des propositions ambitieuses dans ce domaine …

M. François Lamy, ministre délégué. C’est fait !

M. Arnaud Richard. …et à associer les parlementaires et les élus locaux à la réflexion.

Les autres dispositions de votre projet de loi nous semblent davantage bavardes que porteuses d’une réelle efficacité normative. Loin de moi l’idée, monsieur le ministre, de vous appeler un ministre taxidermiste de la politique de la ville. Je pense pour autant que le catalogue des objectifs de la politique de la ville, que nous avons inscrits dans l’article 1er du texte, aurait trouvé une bien meilleure place dans une annexe que gravé dans le marbre législatif.

Je pense également à la notion de co-construction, ou de co-co-construction, qui ne veut rien dire sur le plan juridique et qui donnera malheureusement lieu à des contentieux devant les tribunaux administratifs dans les années à venir, ce qui ralentira les projets de rénovation urbaine.

M. François Lamy, ministre délégué. Mais non !

M. Arnaud Richard. Il est certes essentiel de faire participer les habitants à ces projets, mais je crains que cette notion juridique fragile, si ce n’est inexistante dans notre droit, ne soit demain la source de nombreux contentieux. Je vous ai suffisamment alerté sur ce sujet.

M. Damien Abad. Eh oui !

M. Arnaud Richard. Je regrette, à ce titre, que la CMP soit excessivement entrée dans le détail en prévoyant un tirage au sort paritaire des membres des conseils citoyens, ce qui ne laisse aucune marge de manœuvre à l’initiative locale, comme l’a très bien dit Damien Abad.

M. François Lamy, ministre délégué. Damien Abad est contre cette disposition, cela n’est pas grave !

M. Damien Abad. Cela ne fonctionne pas !

M. Arnaud Richard. Enfin, monsieur le ministre, vous le savez, c’est la question du financement qui conditionne pour l’essentiel l’efficacité de la politique de la ville que vous conduirez. Or, trop d’imprécisions entourent les moyens financiers qui seront effectivement mobilisés pour la mise en œuvre de votre loi.

Le groupe UDI rappelle que seule la mobilisation de l’ensemble des acteurs permettra de mener une politique de la ville cohérente et porteuse d’avenir pour les millions de Françaises et de Français, qui ne doivent pas se sentir abandonnés par la nation.

Vous y contribuez, monsieur le ministre, en vous inscrivant dans la lignée de vos prédécesseurs. Pour autant, les dispositions utiles de votre projet de loi ne nous semblent pas être en mesure de compenser l’absence de clarté, les nombreux flous et les bavardages qu’il comporte. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI s’abstiendra.

M. Damien Abad. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Après la réussite de la commission mixte paritaire, nous sommes réunis ce matin dans l’hémicycle pour la dernière étape parlementaire du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

Depuis plus de trente ans, beaucoup d’efforts ont été entrepris, beaucoup d’argent public a été mobilisé et beaucoup d’énergie dépensée pour lutter contre le phénomène de relégation sociale de nos quartiers périphériques. Sans cela, il est plus que probable que la situation serait aujourd’hui désastreuse. Pourtant, force est de constater qu’elle est loin, très loin d’être satisfaisante.

La politique de la ville souffre depuis ses origines d’une incapacité à donner des résultats véritablement probants. Il est d’ailleurs frappant de constater qu’elle était imaginée au départ comme une politique temporaire et que sa pérennisation témoigne de son incapacité à rétablir durablement et définitivement les inégalités. Les quartiers défavorisés restent trop souvent à la marge de la République.

Pourtant, dans ces lieux défavorisés, il existe une énergie débordante de la part de ceux qui veulent transformer leurs quartiers et se lèvent, le matin, avec l’envie de changer le quotidien de leurs voisins. Il existe des compétences qui ne demandent qu’à s’exprimer. Mais nous ne pouvons que constater les nombreux échecs et les déceptions devant l’impuissance à faire réellement sortir de la pauvreté et de la détresse certains quartiers populaires.

Nous devons avoir la lucidité de reconnaître que, globalement, la politique de la ville menée depuis trente ans par tous les gouvernements n’a pas réussi à tenir ses promesses. Un devoir de vérité s’impose : sans un diagnostic précis et lucide, les chances de réussite du traitement sont faibles. Devant ce constat, nous ne devons pas perdre espoir. Un territoire de la République ne doit pas être condamné au naufrage face à l’adversité des détresses cumulées.

D’abord, les efforts de la politique de la ville n’ont de sens que s’ils s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie globale. Les progrès de la politique de rénovation urbaine ne produiront des effets positifs qu’à la condition d’être accompagnés par la mobilisation de tous les acteurs. C’est l’objectif affiché de la démarche que vous avez mise en œuvre, monsieur le ministre, avec la concertation entre toutes les parties prenantes. La réussite de la politique de la ville passe par l’emploi, l’éducation, l’encouragement de l’activité économique, la sécurité, les infrastructures de transport et le sport. La politique de la ville, c’est la leçon que nous devons retenir de ces trente dernières années, n’est pas seulement une question de moyens financiers.

Le pilotage des crédits est, certes, une question cruciale sur laquelle nous avons une belle marge de progression. Comme pour toutes les politiques publiques, une réelle évaluation des actions engagées avec des critères pertinents doit nous permettre d’optimiser les efforts de la solidarité nationale. Ensuite, nous le savons tous, la politique de la ville se condamne à l’impuissance à chaque fois qu’elle se perd dans le travers du saupoudrage et de la dispersion des crédits. Votre projet de loi, monsieur le ministre, répond à ces insuffisances.

Vous vous êtes aussi engagé à trouver des moyens pour que la phase de transition vers la nouvelle géographie prioritaire soit lissée sur plusieurs années. Mais vous avez raison de rappeler que les municipalités ont aussi leur rôle à jouer. La politique de la ville ne doit pas remplacer les politiques de droit commun. Elle doit être la compensation de déséquilibres localisés. Sans relancer l’ensemble des politiques de droit commun en soutien des crédits spécifiques à la politique de la ville, les chances de réussite se réduisent comme peau de chagrin.

Parmi les politiques de droit commun prioritaires, nous devons concentrer nos efforts sur l’éducation, l’emploi et la sécurité. La gauche ne doit pas être naïve. Dans les quartiers, la sécurité est la condition première du développement. Nous ne sommes pas de ceux qui croient que la violence soit liée à une appartenance ethnique. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que les émeutes trouvent leur origine dans une revendication identitaire ou religieuse. Les radicaux de gauche condamneront toujours toute forme de stigmatisation, toute tentative d’assignation à résidence identitaire. Les causes premières et fondamentales des tensions et de l’agressivité qui se manifestent dans nos quartiers sont d’ordre social.

C’est bien un processus de stigmatisation, puis de dévalorisation et enfin de marginalisation qui provoque le désespoir, la révolte, puis la haine. Pour trouver les réponses adaptées et efficaces, nous devons regarder sans idéologie ces phénomènes en renvoyant dos à dos l’angélisme et le cynisme. Cette violence existe. Elle plonge dans la crainte les habitants des quartiers pavillonnaires, une crainte qui se manifeste dans les urnes par des votes extrémistes. Pour assurer la réparation des injustices, pour développer l’activité économique et attirer les entreprises, la première des conditions est donc d’assurer la sécurité, la confiance et le respect du droit.

L’immense majorité des habitants de nos quartiers partage les valeurs fondamentales du respect, de la probité, du mérite et de la volonté de réussir. Il est de notre devoir de leur apporter la sécurité indispensable à leur épanouissement. Cet épanouissement passe aussi par la revalorisation de l’école de la République, fondement qui soutient les aspirations de nos concitoyens et, dans les quartiers, la promotion sociale par la réussite scolaire.

Dans nos quartiers, les statistiques scolaires rassemblées dans le rapport de l’ONZUS, notamment, sont implacables. Cette réalité vécue diffuse le sentiment que l’inégalité des chances est prégnante et le sentiment que le destin s’écrit sans que chacun ait toutes les cartes en main. Monsieur le ministre, nous vous encourageons à poursuivre ce travail engagé avec le ministre de l’éducation nationale pour que la carte de l’éducation prioritaire se superpose au mieux avec la carte de la géographie prioritaire. Les élèves en difficulté ne doivent pas se sentir abandonnés et ceux qui réussissent ne doivent pas être découragés par un sentiment de fatalité. La volonté, le travail, la discipline doivent être récompensés.

Monsieur le ministre, votre projet de loi est à la hauteur de tous ces défis. Vous avez su répondre avec beaucoup de courage aux critiques telles que l’extension et l’enchevêtrement des zonages, l’organisation dispersée de la gouvernance, l’évaluation peu fiable et l’éparpillement des moyens. À la suite de la concertation nationale appelée « Quartiers, engageons le changement », votre projet de loi va concentrer les crédits de la politique de la ville sur un nombre resserré de territoires et lutter contre les discriminations.

Le projet de loi va d’abord simplifier les structures de soutien aux banlieues défavorisées. C’était attendu depuis longtemps. Le système actuel de soutien aux quartiers prioritaires empile plusieurs dispositifs : ZUS, CUCS, ZRU, ZFU… Cette complexité nuit à sa lisibilité et à son efficacité. La définition des nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville se fera sur la base d’un critère unique : le revenu des habitants. Les zones où la moitié de la population perçoit moins de 60 % du revenu fiscal médian, c’est-à-dire moins de 11 000 euros, seront éligibles. Les autres indicateurs sociaux ne seront donc plus pris en compte.

C’est un choix fort, peut-être parfois un peu « aveugle » au regard d’autres critères, mais qui présente l’avantage de concentrer les efforts sur les poches de grande pauvreté afin d’éviter le saupoudrage des crédits. Le projet de loi concentrera les moyens sur un nombre de quartiers en diminution : 1 300 quartiers prioritaires devraient être créés, au lieu des 2 500 CUCS, 751 ZUS et 100 ZFU.

Ensuite, le projet de loi prévoit l’instauration d’un contrat unique pour la ville et la cohésion sociale, piloté à l’échelle intercommunale. Cela permettra la mobilisation des politiques de droit commun avant l’engagement de crédits spécifiques de la ville. Cette nouveauté essentielle comble un manque important.

Au final, il ne s’agit pas de croire que ce projet de loi va bouleverser du jour au lendemain les conditions de vie de nos concitoyens habitant dans les quartiers défavorisés. C’est un effort de long terme, qui exige modestie et sincérité ; modestie parce que la réussite est lente et précaire, sincérité parce que la situation de nos finances publiques pèse sur nos marges de manœuvre.

Mais ce projet de loi nous donne des raisons d’espérer. Il nous donne des raisons de croire que l’ambition et le courage politique sont nécessaires là où ils sont attendus. Dans ces conditions, les députés du groupe RRDP le voteront. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Avec cette discussion du texte issu de la commission mixte paritaire, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Je tiens, pour ma part et au nom de mes collègues de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à saluer le travail accompli par les deux assemblées et les points de convergence que nous avons pu trouver ensemble pour, en dépit de l’urgence ou grâce à elle, faire aboutir ce texte.

Je pense notamment, et cela a été rappelé à de nombreuses reprises ce matin, au rôle du maire dans la mise en œuvre du contrat de ville sur le territoire de sa commune. Il interviendra, désormais, en fonction de ses compétences propres. Il devra aussi contribuer aux actions des autres signataires selon des modalités qui seront définies par ce même contrat, l’articulation entre l’intercommunalité et la commune étant évidemment déterminante. Il en va de même du principal point de discussion de la commission mixte paritaire, à savoir les modalités d’organisation des conseils citoyens créés par ce texte.

Nous étions je pense – en tout cas je le pensais avant d’entendre certains collègues ce matin – à peu près tous d’accord sur les objectifs, notamment celui de permettre aux habitants des quartiers de se concerter, et de se former pour mieux participer et contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de projets qui les concernent, après tout, au premier chef. Nous avons réussi à nous accorder sur une rédaction commune. Par ces points d’équilibre trouvés entre le Sénat et l’Assemblée nationalein fine sur le texte dans sa globalité, nous allons pouvoir, enfin, engager cette nouvelle étape tant attendue de la politique en faveur de nos quartiers populaires, car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Nous allons, par cette loi, contribuer à remettre « l’humain », les habitants, au cœur de la politique de la ville. Nous sortons enfin d’un zonage devenu stigmatisant au fil du temps. Les moyens seront désormais concentrés sur ceux qui connaissent le plus de difficultés, sans pour autant laisser de côté ceux qui ont encore besoin d’une intervention publique. Les agglomérations seront en première ligne et devront élaborer un projet global, au travers du contrat de ville, dans lequel le maire aura aussi son rôle à jouer. Il n’y aura plus, d’un côté, l’action sur l’urbain et, de l’autre, celle sur l’humain : les deux seront étroitement liées.

L’accès à la culture, à une éducation de qualité, à l’emploi, l’accès à l’ensemble de la ville par les transports, la lutte contre la précarité énergétique sont désormais inscrits dans la loi comme des objectifs prioritaires de la politique en faveur des quartiers populaires. Les moyens seront ainsi concentrés sur ces objectifs concrets qui touchent au quotidien de nos concitoyens. En matière de lutte contre les discriminations, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, la loi fait, enfin, et à l’initiative de Daniel Goldberg, de la discrimination à l’adresse un délit pénal. C’est une avancée importante pour tous les jeunes et moins jeunes de nos quartiers, victimes encore aujourd’hui de discrimination à l’embauche par exemple.

L’urbain, je l’ai dit, reste évidemment présent, avec 5 milliards d’euros là où, en 2003, le premier programme n’en prévoyait que la moitié seulement. Il est bon de faire ces rappels aujourd’hui. Permettez-moi à ce propos une petite précision, en réponse à Damien Abad : si nous parlons du « nouveau » programme national de rénovation urbaine, c’est parce qu’il y a de nouveaux objectifs ! Ainsi, la performance énergétique des bâtiments, la transition écologique des quartiers ou encore le renforcement des deux exigences particulièrement importantes que sont l’insertion par l’économique, puisqu’on parle souvent de l’emploi, et les actions de gestion urbaine de proximité ne figuraient pas dans le premier programme.

Et ces projets, autre nouveauté, cher collègue, seront désormais co-construits avec les habitants et ne seront plus simplement l’objet d’une concertation.

M. Damien Abad. Soyez modeste !

M. Philippe Bies. Ce principe de co-construction peut paraître symbolique, voire désuet pour certains. Il aura pourtant des effets importants sur la manière d’élaborer et de réaliser les projets de renouvellement urbain grâce à l’intégration de cette indispensable expertise d’usage.

Au terme de ces débats donc, je suis heureux de pouvoir voter un projet de loi aussi attendu que nécessaire, marquant la volonté du Gouvernement de donner de la clarté, de la transparence et de l’efficacité à une politique inscrite au cœur de nos territoires. Puissent nos travaux être confortés par les arbitrages budgétaires en cours et pour lesquels vous avez, monsieur le ministre, tout notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. En tant que membre de la commission des finances, je goûte, tout d’abord, la satisfaction que la commission mixte paritaire ait abouti. En effet, sur les textes financiers, nous ne sommes malheureusement plus coutumiers d’accords avec le Sénat. Sur le fond, je limiterai mon propos à trois messages pour ne pas répéter ce qui vient d’être dit.

Premièrement, ce texte est un bel ouvrage. Monsieur le ministre, vous pouvez considérer légitimement que cela vous incombe, car même s’il a été enrichi par de nombreux amendements, par le remarquable travail de nos rapporteurs et par sa lecture dans les deux assemblées, il est incontestable que c’est le Gouvernement, et vous en particulier, qui en êtes à l’origine et que l’on doit créditer pour la concertation qui l’a précédé.

Car, oui, ce texte était opportun, nécessaire. Plus que cela, il était indispensable. Indispensable pour impulser une nouvelle étape de la politique de la ville, pour renforcer sa cohérence tout en lui donnant un nouvel élan, pour dépasser les essoufflements administratifs et, parfois, le décalage avec les réalités du terrain. Mais indispensable, ce texte l’est surtout parce que, dans la France de 2014, on a encore malheureusement besoin d’une politique de la ville. Les derniers chiffres du rapport 2013 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles sont douloureusement frappants !

M. François Lamy, ministre délégué. C’est le bilan de la droite !

M. Dominique Baert. À eux seuls, ils attestent de l’ampleur de l’enjeu de ces quartiers dont, depuis 1990, différentes politiques de la ville ont décrété qu’ils étaient des priorités et dont les statistiques sont autant de réquisitoires de l’urgence sociale qui subsiste. On lit ainsi dans ce rapport de 2013 que, sur l’ensemble de notre territoire, le taux de pauvreté est passé de 13 % en 2008 à 14,3 % en 2011 ; que les inégalités se sont accrues, les plus pauvres devenant plus pauvres et les plus riches encore plus riches ; que dans les ZUS, en 2010, le revenu fiscal moyen des habitants ne représentait que 54 % de celui de l’ensemble des habitants de la ville concernée ; que la part des ménages non imposés y est de 60 % et que 36,5 % des habitants y vivent sous le seuil de pauvreté, alors que ce chiffre est de 12,7 % en moyenne globale.

Je pourrais poursuivre. De 2007 à 2012, tous les indicateurs vont dans le même sens : les inégalités, la pauvreté, l’accès à l’emploi, l’illettrisme, le retard scolaire se sont aggravés dans ces quartiers dits difficiles de nos villes. Voilà pourquoi la politique de la ville est un besoin, en même temps qu’elle doit se poser la question de son efficacité.

Ainsi, dans une France à la croissance durablement insuffisante pour créer massivement des emplois, on a même besoin plus que jamais d’une politique de la ville forte, pour endiguer la pauvreté, éviter que les liens sociaux ne se distendent, combattre les forces centrifuges qui, çà et là, menacent la cohésion sociale de nos quartiers, donner confiance, ou déjà maintenir la confiance de notre population, à commencer par les jeunes, dans nos institutions et dans la République.

La politique de la ville est, peut être, doit être un puissant onguent contre les vagues de désespoir. Bien sûr, elle n’est pas la seule à agir en ce sens, ce sont toutes les politiques de notre modèle social et du pacte républicain qui y concourent, mais c’est la partie émergée, visible, celle qui est à proximité des crises et des peines, qui peut rendre confiance, qui est à la proximité et à l’écoute, qui fédère, qui doit fédérer.

La politique de la ville avait besoin d’être redéfinie, modernisée. C’est le cas avec ce projet de loi. Nouvelle géographie prioritaire, contrat unique mettant en cohérence les contrats d’hier et les relations entre intercommunalité et communes, car les problèmes se s’arrêtent pas aux frontières communales, nouvelle gouvernance, révision des structures, conseil des citoyens : oui, monsieur le ministre, c’est du bel ouvrage qui mérite une large majorité dans cet hémicycle.

Pour autant, ce texte, et c’est bien logique, ne règle pas tout, et la commission des finances, ce sera mon deuxième message, conserve à l’esprit plusieurs dossiers à incidence financière pour lesquels elle a une sensibilité particulière.

Il y a bien sûr la création de la dotation politique de la ville, qui va se substituer à la dotation de développement urbain et pour laquelle le Gouvernement, en vertu de l’article 1er bis A de la présente loi, doit remettre un rapport avant le 1er septembre prochain. Il faudra que cette dotation soit juste, ne privilégie pas que les intercommunalités, n’oublie pas les communes et prenne en compte la situation financière réelle, c’est-à-dire la réalité des besoins et l’effort fiscal.

M. François Lamy, ministre délégué. Comptez sur moi !

M. Dominique Baert. Autre dossier, lourd celui-ci : le financement de l’ANRU. L’État d’hier n’a pas versé les dotations promises, les partenaires du logement, eux, oui. L’impasse financière, héritée du passé, est lourde, plus de 3 milliards, et les promesses des partenaires du logement plus timorées pour l’avenir. Comment boucler les engagements d’hier et financer l’ANRU 2 de demain ? Il n’est pas certain que, de ce point de vue, Sisyphe ne vous envie pas.

Troisième dossier, le devenir des zones franches urbaines. Rapport parlementaire à l’automne, rapport du Conseil économique et social en janvier, tous convergent vers la nécessité d’adapter et non de supprimer cet outil, qui devra, quoi qu’il advienne, être refondé au sein des futurs contrats de ville. Là où il aura été un puissant instrument d’urbanisme et d’attractivité, j’ai l’exemple de Roubaix en tête, l’outil mérite d’être conservé, même s’il doit être adapté.

Enfin, et ce sera mon troisième message, pour que la politique de la ville réussisse vraiment, il faut qu’elle soit soutenue, il faut que vous soyez soutenu, il faut que toutes les politiques publiques de droit commun s’orientent en premier vers les quartiers prioritaires, là où se concentrent les difficultés et la désespérance sociale. Quand l’argent est rare, quand les difficultés sont grandes, il faut en tirer les conséquences et tout le monde doit aller dans le même sens.

Oui, il faut des discriminations positives pour ces quartiers. C’est vrai pour l’éducation, et ils doivent bénéficier en priorité des ouvertures de classes et du renforcement des moyens. C’est vrai pour la santé, les équipements des hôpitaux, l’accès aux soins et les politiques de prévention. C’est vrai aussi pour la sécurité, l’accès aux droits, le logement et les crédits de réhabilitation. C’est à cette mobilisation collective que ce texte appelle. L’enjeu clé de la politique de la ville demain est là.

Cette loi créera un cadre. C’est l’engagement de vos collègues du Gouvernement, monsieur le ministre, qui lui donnera maintenant, je l’espère, de la force et de la puissance.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

4

Artisanat, commerce et très petites entreprises

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (nos 1338, 1739).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de trois heures trente-neuf minutes pour le groupe SRC, dont 47 amendements restent en discussion, six heures cinquante-neuf minutes pour le groupe UMP, dont 61 amendements restent en discussion, une heure quarante-huit minutes pour le groupe UDI, dont 27 amendements restent en discussion, une heure quatre minutes pour le groupe écologiste, dont 17 amendements restent en discussion, trente-neuf minutes pour le groupe RRDP, dont 14 amendements restent en discussion, une heure quinze minutes pour le groupe GDR, dont 4 amendements restent en discussion, et vingt-cinq minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 5.

Article 5

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n50.

M. Daniel Fasquelle. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabrice Verdier, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.

M. Fabrice Verdier, rapporteur de la commission des affaires économiques. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Défavorable également.

(L’amendement n50 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n188.

Mme Michèle Bonneton. Je propose que l’état des lieux soit établi aux frais du bailleur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Défavorable. La loi ALUR prévoit d’ailleurs une disposition similaire. L’état des lieux protégeant les intérêts des deux parties, il ne paraît pas anormal de faire participer le preneur à ces frais pour respecter l’équilibre des relations.

(L’amendement n188, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n261.

M. Joël Giraud. C’est une précision rédactionnelle. Nous proposons que l’inventaire soit non seulement précis, mais aussi limitatif, pour éviter l’application de clauses stipulant qu’une liste contractuelle n’est pas limitative. On rencontre en effet souvent des problèmes avec des bailleurs qui complètent la liste des catégories de charges et d’impôts à leur discrétion. Cet amendement vise donc à donner une pleine efficacité aux dispositions de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Favorable, c’est une précision utile.

(L’amendement n261, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 46 et 260.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n46.

M. Daniel Fasquelle. L’article 5 du projet de loi comporte de grandes avancées en ce qu’il impose un inventaire contractuel des charges et un état récapitulatif annuel. Cet amendement vise à assurer une pleine efficacité à ces mesures en précisant que l’état récapitulatif annuel doit être remis dans un délai de six mois, faute de quoi les provisions versées devront être restituées au locataire.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n260.

M. Joël Giraud. Même argumentaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Je comprends la volonté de mes collègues d’informer très précisément les locataires mais, d’une part, il est déjà prévu que cet inventaire soit incorporé au contrat de bail et, d’autre part, ces dispositions me paraissent trop contraignantes, même si l’on être d’accord sur la volonté de privilégier l’accès en ligne. Je suis donc défavorable à ces amendements, même si j’en comprends l’esprit.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Défavorable, parce que ces précisions relèvent du décret d’application, prévu au dernier alinéa de l’article 5. Ce décret fait l’objet de discussions et d’échanges avec les professionnels, les représentants des propriétaires et des locataires pour tenir compte de la diversité et de la complexité des situations car, comme vous le savez, les baux commerciaux recouvrent des situations très différentes : bureaux, centres commerciaux, commerces de centre-ville… Cela nécessite de bien apprécier les impacts pour toutes les professions. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous demande de retirer ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Au regard des arguments de Mme la ministre, je retire l’amendement n260.

Mme la présidente. Monsieur Fasquelle ?

M. Daniel Fasquelle. Je prends bonne note des engagements de Mme la ministre et je retire également mon amendement.

(Les amendements identiques nos 46 et 260 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n189.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement précise le contenu de l’inventaire des charges.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Défavorable car toute énumération peut affaiblir la portée générale du dispositif.

(L’amendement n189, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 47 et 264.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n47.

M. Daniel Fasquelle. Cet amendement vise à préciser la rédaction de l’article 5, issue des discussions en commission des affaires économiques, sur la répartition des charges et impôts entre locataire dans un ensemble immobilier.

Plutôt que de mentionner la répartition des charges par catégories de surface, il est préférable de se référer à la notion précise et usuelle de tantième telle qu’elle existe déjà en matière d’immobilier d’habitation. Pour les charges, les tantièmes peuvent être pondérés contractuellement selon la taille des surfaces louées mais, pour les impôts, leur répartition doit correspondre strictement aux surfaces occupées, sans pondération. Les impôts sont calculés en fonction de la surface occupée et doivent être imputés à l’euro près.

Afin d’assurer la pleine opposabilité au bailleur de ces obligations, il est précisé que toute clause autorisant le bailleur à modifier les bases de calcul ou les tantièmes sans accord du locataire est réputée non écrite.

Enfin, il est précisé qu’une révision des tantièmes est obligatoire lorsque la surface générale de l’ensemble immobilier est modifiée de plus de 5 %. On constate souvent, en effet, que, lorsqu’un ensemble immobilier est agrandi et accueille de nouveaux locataires, la répartition des charges entre locataires n’est pas pour autant recalculée.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n264.

M. Joël Giraud. Une répartition des charges par catégories de surface étant en effet susceptible de provoquer des contentieux, nous proposons d’en revenir à la notion usuelle en immobilier d’habitation de tantièmes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Une telle précision me paraît relever davantage du décret prévu à l’alinéa 9 et donc de la concertation en cours sous l’égide de Mme la ministre. En outre, une répartition des charges par catégories de surface me paraît mieux convenir. C’est la raison pour laquelle, même si j’en comprends l’esprit, je suis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Pour les mêmes raisons, je ne suis pas favorable à ces amendements. Comme je l’ai dit tout à l’heure, les modalités de répartition des charges relèvent du décret d’application. Nous examinerons votre proposition dans ce cadre mais à ce stade, il est important de ne pas préjuger des discussions que nous pouvons avoir avec les professionnels et les propriétaires. Je vous demande donc de retirer vos amendements.

Mme la présidente. Monsieur Giraud ?

M. Joël Giraud. Au regard des engagements de Mme la ministre en qui j’ai évidemment toute confiance, je retire mon amendement.

Mme la présidente. Monsieur Fasquelle ?

M. Daniel Fasquelle. Disons plutôt qu’ayant entendu les engagements de Mme la ministre, je veillerai à ce qu’ils soient tenus ! (Sourires.) Je retire mon amendement.

(Les amendements identiques nos 47 et 264 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabrice Verdier, pour soutenir l’amendement n237.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n237, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n256 rectifié.

M. Joël Giraud. Cet amendement tend à inscrire dans la loi que le décret dont nous venons de parler doit être publié dans un délai de six mois. Il y a urgence pour les locataires de baux commerciaux, qui subissent parfois des conditions inéquitables. Or ce délai constitue une norme usuelle mais qui n’est souvent pas respectée, pour des causes multiples et diverses. Les textes d’application des lois doivent théoriquement être pris dans un délai maximal de six mois, mais on constate fréquemment, malheureusement, des délais plus longs. De surcroît, la responsabilité de l’État peut être engagée. Nous proposons donc d’inscrire ce délai dans le marbre de la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Cette mesure n’est assortie d’aucune sanction. Je préfère faire confiance à la ministre pour que les choses aillent vite, même s’il y a un certain nombre de consultations obligatoires à mener. Avis donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Le Gouvernement ne souhaite pas porter cette indication dans la loi mais je m’engage à publier le décret dans les meilleurs délais. Je précise qu’à cette fin, j’ai donné des instructions très précises à mes services pour qu’ils en accélèrent la rédaction. Les travaux avec les professionnels ont déjà commencé et vont se poursuivre ; les discussions et les échanges sont nombreux. Je vous demande de retirer cet amendement, en considération des engagements que je prends devant la représentation nationale. À défaut, avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Ces engagements me comblent. (Sourires.) Je retire l’amendement.

(L’amendement n256 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n60.

M. Damien Abad. Il s’agit d’un amendement de Valérie Pécresse. Nous en avons déjà un peu parlé hier soir : il s’agit de protéger, face à leurs bailleurs, les artisans, les très petites entreprises et le petit commerce, en prévoyant pour eux seuls l’encadrement législatif du partage des charges entre bailleur et locataire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur pour avis. Les auditions que j’ai conduites ne me convainquent pas de l’intérêt de distinguer TPE et PME. Toutes les entreprises, y compris les grandes chaînes de magasins, sont demandeuses de cet encadrement. Par ailleurs, la notion de « petit commerce » me paraît juridiquement imprécise. Je donne un avis défavorable à l’amendement de Mme Pécresse.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Nous avons déjà eu cette discussion hier. Vous proposez, monsieur le député, de limiter l’application du décret sur les charges aux très petites entreprises et au petit commerce. Comme je vous l’ai indiqué hier, cette notion de petit commerce me paraît fort fragile au plan juridique, car elle n’est pas définie.

Je vous précise, après le rapporteur, que lors de la préparation du projet de loi, les commerçants indépendants comme les grandes enseignes m’ont fait part du manque de transparence dans ce domaine, de leurs difficultés à obtenir la reddition de leurs charges – plusieurs années d’attente parfois – et de certaines clauses leur imposant le paiement de travaux dont ils ne profitent pas ou dont ils n’ont même pas connaissance. C’est pourquoi il me semble important que l’ensemble des entreprises bénéficient de cette mesure.

Je le redis, j’ai lancé les concertations sur le décret avec les représentants des bailleurs et des commerçants afin de prendre en considération les situations contractuelles particulières et de définir un socle minimal commun et juste qui préservera les intérêts de chacun tout en clarifiant les responsabilités. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. Le retirez-vous, monsieur Abad ?

M. Damien Abad. Non.

(L’amendement n60 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 48 et 255.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n48.

M. Daniel Fasquelle. Pour assurer la plus grande transparence entre commerçants-locataires et bailleurs sur le niveau et la répartition des charges et impôts, le projet de loi doit indiquer explicitement que le futur décret d’application de l’article 5 précisera les modalités d’information des preneurs du bail commercial.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n255.

M. Joël Giraud. Même argument. Cet amendement propose que le décret en Conseil d’État soit complété par la mention des modalités d’information des preneurs. C’est souvent la partie faible du contrat. Nous voulons simplement nous assurer que les dispositions vertueuses du projet de loi soient pleinement appliquées, par la transparence de l’information pour les preneurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Ces amendements de précision sont intéressants et opportuns. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Favorable. L’information du preneur constituant la pierre angulaire de la volonté de transparence dans les relations entre bailleur et preneur, la précision apportée par ces amendements me paraît très utile.

(Les amendements identiques nos 48 et 255 sont adoptés.)

M. Daniel Fasquelle. Oh là là !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 45 et 257.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n45, s’il est remis de ses émotions. (Sourires.)

M. Daniel Fasquelle. Je suis en effet tout ému, mais j’espère que ce ne sera pas le dernier amendement de l’opposition à être adopté aujourd’hui. J’en suis même certain, dans la mesure où, comme cela a été dit, nous pouvons nous retrouver sur un certain nombre de sujets techniques. Ce sera peut-être le cas de cet amendement n45, justement.

Afin d’assurer une pleine force d’ordre public aux dispositions de l’article 5 telles qu’elles seront précisées par un décret en Conseil d’État, cet amendement précise que toute clause contraire est réputée non écrite. En effet, mentionner que toute cause contraire est « nulle et de nul effet », comme le propose le projet, est insuffisant : du fait de la prescription biennale en matière de baux commerciaux, le régime de la nullité est privé d’effet deux ans après la signature du bail, ce qui signifie que des clauses nulles sont indirectement validées à l’expiration de ce délai. Il serait donc aisé pour un bailleur de contourner les règles de l’article 5 par des stipulations contractuelles contraires qui ne pourraient plus être remises en cause au bout de deux ans.

En revanche, si la clause est « réputée non écrite », aucune prescription ne peut être opposée. S’agissant de contrats de longue durée – neuf ans au minimum – et compte tenu des déséquilibres dans les rapports de force entre locataires et propriétaires, seule la notion de clause réputée non écrite permettra d’assurer l’effectivité du rééquilibrage des relations bailleur-preneur souhaité par le législateur.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n257.

M. Joël Giraud. Décidément, nous nous retrouvons sur de nombreux amendements, ce n’est pas habituel ! Il s’agit effectivement du même objectif de rééquilibrage des relations bailleur-preneur, pour ce qui concerne l’état des lieux, les charges locatives et les impôts. La mention « réputée non écrite » implique qu’aucune prescription ne peut être opposée. Ce sera, à notre avis, une bonne chose.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits depuis le débat en commission. Le caractère d’ordre public du nouvel article L. 145-40-1 découle d’ores et déjà de l’article L. 145-15. Je vous invite donc à retirer ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Ces amendements sont en effet satisfaits par l’adoption en commission d’un amendement du rapporteur qui a modifié l’article L. 145-15 établissant la liste de l’ensemble des articles d’ordre public. Cette disposition est donc déjà d’ordre public. Je demande le retrait des amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Je n’avais pas perçu ma profonde satisfaction mais à présent que je la comprends, je retire mon amendement ! (Sourires.)

M. Damien Abad. Vous retirez beaucoup vos amendements !

(L’amendement n257 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je ne comprends pas la réponse de la ministre et du rapporteur. En quoi le fait que cette disposition soit d’ordre public ferait-il que le régime de prescription des nullités en matière de baux commerciaux ne s’applique pas ? Notre objection, c’est que dès lors que l’on prévoit la nullité, le régime est celui de la prescription des baux commerciaux, qui est de deux ans. Que la disposition soit d’ordre public ne change rien aux délais de prescription. Je ne vois pas en quoi l’amendement du rapporteur nous satisfait.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre. L’article 1er quater nouveau a remplacé l’expression « nulle et de nul effet » par « réputée non écrite » sur l’ensemble de l’article L. 145-15. Votre amendement est donc satisfait par cette disposition plus générale au début du texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je suis bien plus convaincu par cette explication ! Je retire mon amendement.

(L’amendement n45 est retiré.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

M. Daniel Fasquelle. Je me suis abstenu sur le vote de l’article 5.

Article 6

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troallic, inscrite à l’article 6.

Mme Catherine Troallic. Depuis 1975, la loi prévoit un droit de préférence pour le locataire d’un logement : il est prioritaire pour acquérir son logement si le propriétaire prévoit de le vendre. Or, et c’est étonnant, un tel droit n’existe pas pour les baux commerciaux. Pendant dix ans d’exercice du pouvoir, la droite ne l’a pas instauré, alors que c’était pourtant réclamé. C’est tout l’objet de l’article 6 que de créer ce droit de préférence, avec une procédure d’information du bailleur au locataire. Cette information qu’une vente est à venir vaudra comme offre de vente à l’intention du locataire.

Comme nous avons le souci de faire un texte précis et complet, le rapporteur a prévu que, si le locataire devait souscrire un emprunt pour acquérir le local, le délai de la vente pourrait passer d’un à quatre mois, ce qui laisse du temps au commerçant pour négocier et obtenir un prêt avant de s’engager dans l’acquisition du local. Toute vente qui n’aurait pas fait l’objet de notification au locataire serait nulle et non avenue. Nous transposons ainsi pleinement au bail commercial ce qui se fait dans le bail d’habitation. Cette mesure est un outil de plus pour assurer la préservation et le développement d’un tissu commercial de proximité et diversifié.

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 6.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n88.

M. Daniel Fasquelle. Cet amendement vise à clarifier le type de local visé par l’article 6. En effet, cet article ne peut pas s’imposer à des locaux commerciaux dont l’usage représente par exemple celui des grands centres commerciaux. Cela freinerait la mobilité du capital des entreprises et mettrait en péril la volonté des propriétaires de vendre leurs locaux. Ce droit de préemption, s’il est limité à des boutiques autonomes spécifiées comme telles par une limitation de surface, permettrait d’effacer ce qui pourrait provoquer des litiges. La surface d’une boutique autonome serait fixée par un décret en Conseil d’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. À mon sens, la notion de « boutique autonome » n’est pas juridiquement définie. Par ailleurs, sur le fond, je pense que votre préoccupation pourra être satisfaite par le dernier alinéa de l’article, qui fera l’objet d’un amendement de votre rapporteur dans le but d’exclure plus précisément les locaux commerciaux dans les centres commerciaux. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Dès lors que le sujet est pris en compte par le rapporteur dans un de ses amendements, je lui fais confiance et je retire le mien, l’essentiel étant que ce point soit satisfait.

(L’amendement n88 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabrice Verdier, pour soutenir l’amendement n236.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Rédactionnel.

(L’amendement n236, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n190.

Mme Michèle Bonneton. Même si, dans le commerce, il faut agir vite, le délai d’un mois laissé au locataire pour répondre à une offre de vente faite par le propriétaire des lieux peut être un peu trop court pour se prononcer sur l’opportunité d’un achat lourd de conséquences. Cet amendement vise donc à porter ce délai à deux mois. L’acheteur peut avoir à s’engager sur des montants importants et devoir vendre un autre bien ou emprunter, un engagement sur de nombreuses années qui mérite un peu de temps de réflexion.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Comme je l’ai indiqué en commission, il ne me paraît pas utile d’augmenter ce délai d’option, mais plutôt d’allonger le délai de réalisation de la vente en cas de recours à un prêt. Cela me paraît plus équilibré, ou en tout cas plus conforme aux attentes de ceux qui seraient intéressés à faire jouer leur droit d’option. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Je partage l’avis du rapporteur. La mise en vente du local à usage commercial ou artisanal constitue une procédure complexe et il ne serait pas raisonnable de rallonger d’un mois le délai de réflexion du locataire pour se prononcer alors que, s’il est intéressé et le fait savoir au bailleur, il dispose de deux mois supplémentaires pour la réalisation de la vente. Le rapporteur vient de souligner à juste titre que, depuis l’adoption en commission de l’article 6, le locataire notifie au propriétaire son intention de recourir à un prêt. Son acceptation de l’offre est subordonnée à l’obtention du prêt, et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Pour ces raisons, le Gouvernement donne un avis défavorable, l’amendement étant en partie satisfait.

(L’amendement n190 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n32.

M. Damien Abad. L’article 6 donne un droit de préférence au locataire en cas de vente du local commercial. Toutefois, l’alinéa 4 pose question, puisqu’il va plus loin : en cas de vente à des conditions plus avantageuses que celles dont le locataire a eu connaissance, ce dernier doit être informé par le notaire des nouvelles conditions de la vente, et cette notification vaut offre de vente au locataire et est valable pendant un mois. Cet alinéa soulève un certain nombre d’interrogations juridiques, car il signifierait que le locataire peut retarder la vente du local entre le propriétaire et un tiers, voire entraîner son annulation alors qu’une promesse de vente aurait été signée. Les conséquences de cet alinéa semblent importantes et méritent donc un débat en séance.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. C’est un débat que nous avons eu en commission. J’émets un avis défavorable, car j’estime qu’il faut conserver ce dispositif qui permet de faire échec aux stratégies de contournement que pourraient avoir certains vis-à-vis du droit de préférence.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Nous en avons en effet déjà débattu en commission. Le cas soulevé par les auteurs de l’amendement est celui où, la première offre du bailleur ayant été refusée par le locataire, le bailleur reprend sa liberté de vente ; cependant, à défaut d’avoir trouvé un acheteur au prix initial, il décide de vendre son bien à un prix inférieur. Dans cette hypothèse, il est tout à fait normal que le bailleur propose au locataire une nouvelle offre d’achat, le prix initial trop élevé ayant pu dissuader le locataire de se porter acquéreur. Renoncer à une telle disposition inciterait au contournement de cette mesure : le bailleur pourrait proposer un prix délibérément exorbitant pour dissuader le locataire d’acheter et recouvrer ainsi sa liberté. La procédure prévue par le projet de loi est identique à celle prévue pour la vente de logements d’habitation, qui a déjà fait ses preuves en matière de défense des intérêts des parties. Elle nous semble donc équilibrée. En outre, en aucun cas un locataire ne sera en mesure de faire annuler une vente si les parties respectent les obligations d’information et les délais qui leur seront imposés par ce projet de loi. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. En écoutant les explications de Mme la ministre, nous sommes parfois convaincus ! C’est le cas pour cet amendement que je retire.

(L’amendement n32 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n206.

Mme Michèle Bonneton. Il est défendu.

(L’amendement n206, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 207 et 208, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est de nouveau à Mme Michèle Bonneton, pour les soutenir.

Mme Michèle Bonneton. Ils sont défendus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Il est défavorable dans les deux cas. Ces amendements complexifient le dispositif et je préfère m’en tenir à ce qui a été initialement prévu.

(Les amendements nos 207 et 208, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 63, 209 et 235, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n63.

M. Damien Abad. L’article 6 vise à créer un droit de préférence pour le locataire en cas de vente du local commercial qu’il occupe. Cependant, la rédaction actuelle de l’alinéa 7 prévoit que cette préférence ne s’applique pas lorsque le local commercial, industriel ou artisanal fait partie d’un lot. Cela ne tient donc pas compte de la possibilité d’un lot comprenant un local à usage commercial en rez-de-chaussée et à usage d’habitation en étage élevé. Or acquérir un immeuble peut s’avérer sécurisant et utile pour un commerçant ou un artisan, qui, à défaut de vivre dans les appartements mis à la vente, pourrait néanmoins les transformer, en vue d’agrandir son activité, en bureaux ou en stocks par exemple, ou maintenir la location existante et ainsi bénéficier d’une ressource financière supplémentaire.

Si nous comprenons bien que le rôle d’un commerçant ou d’un artisan ne consiste en rien en la gestion d’un parc immobilier, rien ne justifie pour autant que ces derniers ne soient pas informés en priorité de la vente d’un lot comprenant le local dans lequel ils ont installé leur activité, et auquel ils sont identifiés, et des locaux à usage d’habitation. C’est la raison pour laquelle nous proposons que les dispositions de l’article 6 soient également applicables lorsque le local à usage commercial, industriel ou artisanal est un lot d’un ensemble immobilier mixte regroupant des locaux commerciaux et d’habitation faisant l’objet d’une cession globale. C’est un amendement de bon sens et de cohérence, madame la ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n209.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à substituer aux mots « constitue un lot au sein d’un ensemble commercial » les mots « compris dans un ensemble économique immobilier ». Le premier énoncé est en effet trop vague. On ne sait pas s’il s’agit d’un portefeuille immobilier ou d’une zone commerciale, ni s’il comprend le local commercial ou le local d’habituation situé juste au-dessus, alors que la notion d’« ensemble économique » est reconnue en jurisprudence et bien identifiée.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabrice Verdier, pour soutenir l’amendement n235 et donner l’avis de la commission sur les deux autres amendements en discussion commune.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Mon amendement rejoint la préoccupation exprimée tout à l’heure par MM. Fasquelle et Giraud. La création d’un droit de préférence au bénéfice du locataire en cas de mise en vente du local commercial dans lequel il exerce est adaptée aux commerces indépendants. Cet amendement a pour objet de préciser l’esprit du texte qui est d’exclure ce droit en cas de cession d’un lot au sein d’un ensemble commercial, qu’il s’agisse d’une cession globale ou non. En effet, la gestion d’un ensemble commercial qui se traduit par d’importants travaux de rénovation et des opérations de restructuration des commerces requiert une propriété unifiée. C’est une préoccupation exprimée par plusieurs gérants de centres commerciaux. Nous ne sommes pas dans une logique de centre-ville et de morcellement, mais au contraire de centre commercial et d’unification.

S’agissant des deux amendements précédents, l’avis de la commission est défavorable. Même si je comprends l’idée de M. Abad, la forme de son amendement doit être revue. Quant à celui de Mme Bonneton, sa rédaction exclut les biens mixtes alors que mon amendement n235 précise les biens exclus de ce droit de préférence, qui sont ceux situés dans un ensemble commercial. Je vous propose donc de retirer votre amendement, madame Bonneton.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. L’avis est défavorable sur l’amendement de M. Abad, parce qu’il vise les locaux industriels alors qu’ils sont exclus du champ du texte par l’alinéa 1er de l’article. En outre, il est inutile dès lors que les locaux commerciaux et artisanaux faisant partie d’ensembles immobiliers mixtes entrent déjà dans le champ d’application du droit de préférence. En effet, ces ensembles immobiliers ne sont pas concernés par la dérogation prévue à l’alinéa 7 qui ne vise que les ensembles commerciaux, seuls exclus du droit de préférence.

Madame Bonneton, j’ai le même avis que le rapporteur sur votre amendement. La rédaction que vous proposez n’est pas satisfaisante puisqu’elle fait référence à la notion d’ensemble économique immobilier, qui est beaucoup trop vague. Il est préférable de conserver la référence à la notion d’ensemble commercial qui est plus appropriée à la problématique des baux commerciaux. Par ailleurs, pour répondre à votre interrogation concernant les baux portant à la fois sur locaux commerciaux et les locaux d’habitation, je précise qu’ils sont a priori indivisibles et commerciaux pour le tout. Ces baux entreront donc dans le champ du droit de préférence prévu par l’article 6.

Enfin, je demande au rapporteur de retirer son amendement. S’il est en effet fréquent que les ensembles commerciaux fassent l’objet d’une cession globale excluant l’exercice du droit de préférence par les locataires, il peut se produire, à l’initiative du propriétaire, qu’un ou plusieurs lots soient mis à la vente au sein d’un ensemble commercial. Rien ne justifie d’empêcher le locataire d’exercer son droit de préférence dans cette hypothèse. Les ensembles commerciaux, tels qu’ils sont définis par le code de commerce n’impliquent pas une propriété unique : ils peuvent être caractérisés d’ensemble du fait de la proximité géographique des locaux qui les composent. Dans ce cas, les locataires concernés doivent pouvoir bénéficier de ce droit de préférence.

En revanche, monsieur Verdier, vous pointez le cas particulier des centres commerciaux en multipropriété avec par exemple une grande surface alimentaire et une galerie commerciale appartenant à deux propriétaires différents. Dans certains cas, ces propriétaires peuvent être amenés à se vendre l’un à l’autre des lots afin de restructurer la surface commerciale. Dans l’exemple choisi, cela permet par exemple à la grande surface de s’agrandir ou, au contraire, de faire de la place pour l’arrivée d’un nouveau commerçant. Dans ce cas, il est effectivement utile de ne pas appliquer strictement le droit de préférence au locataire. Mais, si, sur le fond, l’amendement répond à un besoin avéré et identifié, il conviendrait d’en préciser la rédaction pour cibler précisément ces cas spécifiques que vous avez exposés et d’examiner avec attention les effets collatéraux éventuels, par exemple sur les ventes à la découpe. Je propose que nous puissions retravailler sur cette question en vue d’une introduction de la mesure au Sénat et d’un débat conclusif en CMP. Je vous demande donc le retrait, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Je retire donc cet amendement, puisque vous prenez l’engagement de travailler à une meilleure rédaction qui réponde à ce sujet très précis de sorte que ce droit de préférence ne soit pas une entrave à des restructurations ambitieuses de centres commerciaux.

(L’amendement n235 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. J’ai bien entendu les arguments de Mme la ministre et je pense qu’après ce travail, les choses seront précisées. Je retire mon amendement.

(L’amendement n209 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Il est extrêmement important de bien définir le périmètre de ce droit de préférence. J’ai entendu Mme la ministre et M. le rapporteur mais nous allons malgré tout maintenir notre amendement, afin de bien marquer le fait que ce sujet doit être à tout prix réglé avant le vote définitif du texte.

(L’amendement n63 n’est pas adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Après l’article 6

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l’amendement n141.

M. Michel Zumkeller. C’est un amendement de Michel Piron qui concerne les charges et les taxes pesant sur les baux. Étant donné qu’elles sont souvent sources de contentieux et de difficultés, notre collègue souhaite préciser les choses et permettre une plus grande lisibilité et une plus grande proportionnalité des charges.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. Défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

(L’amendement n141, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n7.

M. Damien Abad. C’est un amendement de dernière chance pour le Gouvernement, puisqu’il s’agit de revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires. (Rires.) Il n’y a que dans la cohérence que l’on peut avancer… Je suis sûr que nous serons entendus cette fois-ci ! En tout cas, peut-être notre ministre, plutôt modérée, va-t-elle comprendre l’intérêt de cet amendement. De même notre rapporteur, qui est si pragmatique, qui a tellement le sens du terrain (Rires) va-t-il peut-être nous entendre.

Ce sujet sera votre bouclier fiscal à vous pour les cinq années à venir, et les suivantes encore. À mon avis, vous avez fait une triple erreur en ayant remis en cause cette défiscalisation des heures supplémentaires. Tout d’abord, une erreur économique. Vous savez très bien que cette part qui revient sous forme de salaire à des ouvriers, à des salariés modestes, et non à ceux qui ont des revenus élevés, est directement consommée dans le circuit économique. En effet, ces cent ou deux cents euros en plus permettent des achats supplémentaires et sont donc directement réinjectés dans le circuit économique.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr !

M. Damien Abad. C’est aussi une erreur sociale, car vous croyez que c’est un cadeau fait aux riches alors qu’il permet de mettre du beurre dans les épinards des ouvriers et des salariés qui se lèvent tôt le matin et qui vivent du fruit de leur labeur. Enfin, c’est une erreur éthique dans la vision que vous avez du travail. J’espère qu’il y aura des députés socialistes et des ministres pour évoluer sur ce point-là. Vous croyez que, parce qu’on partagera le travail, on créera de l’emploi. Mais l’emploi n’a jamais été créé par le partage du travail ! Il se crée lorsqu’on agrandit le gâteau et qu’on crée de la richesse. Votre conception est une conception malthusienne du temps de travail. C’est une erreur historique profonde. C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui de corriger le tir grâce à cet excellent amendement, très précis, qui fait cinq pages. Tout le monde peut faire des erreurs, il faut seulement les admettre car la deuxième fois, ce n’est plus une erreur, c’est une faute. Or, quand on fait une faute, les Français ne le pardonnent pas.

M. Daniel Fasquelle. Excellent amendement !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Fabrice Verdier, rapporteur. On ne va pas refaire le match : la loi de finances rectificative pour 2012 a été votée, et elle me va très bien. J’apprécie vos mots aimables à mon endroit, monsieur Abad, mais je suis rapporteur d’un projet de loi relatif au commerce, à l’artisanat et aux TPE et je ne vois vraiment pas ce que cet amendement vient y faire. J’émets donc évidemment un avis défavorable. Pour le reste, vous pourrez enrichir votre blog de cette intervention sur les heures sup.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Défavorable bien sûr. Je rejoins l’argumentation du rapporteur. Vous proposez par cet amendement, monsieur le député, de rétablir une niche sociale et fiscale…

M. Damien Abad. Pas une niche !

Mme Sylvia Pinel, ministre. …dont le coût total s’élevait en 2011 à 5 milliards d’euros. Pour des raisons de fond, il n’est évidemment pas envisageable de revenir sur les modifications apportées aux exonérations TEPA en 2012. En dépit de son coût très important pour les finances publiques, le dispositif n’avait pas eu les effets escomptés en termes de temps de travail, de croissance et d’emploi. En outre, il ne bénéficiait pas aux salariés aux faibles revenus…

M. Damien Abad. Mais si !

Mme Sylvia Pinel, ministre. …alors qu’il procurait aux autres un avantage nettement croissant avec le niveau de revenu. Ce dispositif a donc été recentré : la déduction patronale forfaitaire de 1,50 euro par heure supplémentaire a été conservée dans les entreprises de moins vingt salariés, confrontées à des difficultés particulières d’accès au crédit ou à la commande publique ; le coût de cette déduction s’élèvera à 200 millions d’euros en 2014. Le Gouvernement est donc très défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Il est vraiment dommage que vous ne saisissiez pas cette possibilité de corriger la décision funeste que votre gouvernement et votre majorité ont prise en 2012. Vous vous demandez, monsieur le rapporteur, ce que cet amendement a à faire ici. Je vous rappelle qu’il s’agit d’un projet de loi sur l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises, et que tous ont besoin de clients !

M. Damien Abad. Bien sûr !

M. Daniel Fasquelle. L’argent supplémentaire qui était gagné allait immédiatement dans la consommation et donc était réinvesti dans l’activité économique. Nous avons quantité d’exemples autour de nous de personnes seules ou de couples que la décision de votre majorité a mis dans la difficulté parce qu’ils avaient acheté une maison, planifié certains investissements, certains remboursements, en fonction de ces revenus supplémentaires qu’ils n’ont plus aujourd’hui. Ce ne sont pas des cas exceptionnels : plus de neuf millions de Français ont bénéficié du dispositif, et les sommes n’étaient pas négligeables !

La majorité d’aujourd’hui n’a pas cessé, pendant la précédente législature, de parler de pouvoir d’achat. Elle n’en parle plus jamais, parce que le pouvoir d’achat n’a jamais été autant en berne qu’aujourd’hui. Si vous voulez que l’activité économique fonctionne, si vous voulez de vraies solutions, il faut autre chose que le texte que vous nous présentez. C’est le reproche que nous vous faisons : le manque d’ambition de ce projet de loi. Avec notre amendement, il y aurait au moins un peu d’ambition, un peu de souffle,…

M. Damien Abad. Ce qui n’est pas rien !

M. Daniel Fasquelle. …un peu d’espoir pour nos artisans, nos commerçants et nos très petites entreprises. On ne peut évidemment qu’être d’accord avec certaines des mesures techniques du texte, et avec le fait que vous ayez renoncé à certains choix. Mais écoutez les personnes à qui il s’adresse : elles veulent du travail ! Elles ont besoin de consommateurs qui ont un minimum de pouvoir d’achat ! On est donc justement au cœur du sujet, au cœur de ce qui préoccupe aujourd’hui les artisans, les commerçants et les auto-entrepreneurs de ce pays. Profitez de cette occasion, monsieur le rapporteur, madame la ministre.

Et puis nous savons tous très bien ce que des membres du parti socialiste ont osé dire qu’ils pensaient de la suppression de l’exonération des heures supplémentaires, à savoir que c’était une erreur. Chacun sait très bien ce qui murmure dans les couloirs.

M. Damien Abad. Ils l’ont enfin dit !

M. Daniel Fasquelle. Il est vrai que nous avons fait une erreur en ne supprimant pas le bouclier fiscal. Face à la crise et aux difficultés, il aurait fallu, en 2010 ou en 2011, tout mettre à plat et demander un effort à tous les Français en fonction de leurs revenus. C’était une erreur, je le concède tout à fait. Ne commettez pas la même ! Pensez aux Français qui souffrent, donnez la possibilité à ceux qui travaillent de bénéficier à nouveau de ces exonérations.

D’autant que, contrairement à ce que disait le Gouvernement en 2012, la suppression de la loi TEPA n’a pas créé un seul emploi,…

Mme Joëlle Huillier. Ça contribue à la réduction des déficits !

M. Daniel Fasquelle. …et le chômage ne cesse d’augmenter. On nous disait que les heures supplémentaires empêchaient les chefs d’entreprise de créer des emplois, mais c’est complètement faux. Leur diminution empêche les chefs d’entreprise de développer l’activité économique et n’a pas créé d’emplois, loin de là, car c’est la consommation qui avait soutenu l’activité économique.

Je sais bien que le Président s’est réveillé le 1er janvier 2014 en découvrant qu’il fallait mettre en place en France une politique de l’offre, et c’est très bien de penser aux entreprises, mais celles-ci ont besoin de clients. On a donc besoin de la consommation et du pouvoir d’achat. J’ai bien sûr cosigné cet amendement et je vous demande, madame la ministre, monsieur le rapporteur, de bien réfléchir car vous avez là une occasion de réparer une grave erreur et d’apporter une vraie réponse aux artisans, aux commerçants et aux très petites entreprises.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je suis entièrement d’accord. Je ne peux pas laisser dire que cet amendement est hors sujet. Monsieur le rapporteur, vous savez très bien qu’on ne peut pas dire cela s’agissant d’un projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux petites entreprises. Vous allez comme moi voir des PME, discuter avec les salariés. Ils vous disent à vous aussi le non-sens économique d’une telle mesure, d’un tel retournement de situation. On ne peut vraiment pas laisser présenter cela comme un cavalier législatif. Le faites-vous parce que c’est un sujet qui dérange, parce qu’on n’a pas le droit de penser différemment de vous quant à la conception du travail ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. William Dumas. On n’a pas dit ça !

M. Damien Abad. En outre, vous dites, madame la ministre, que c’est une niche. Mais qui concerne tout de même neuf millions de salariés ! On ne peut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, déclarer que, par principe, on ne veut pas s’en occuper parce que c’est une niche. Malheureusement pour vous, les faits nous donneront encore une fois raison.

Vous avez vu que Daniel Fasquelle et moi avons l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que nous aurions préféré que l’ancien gouvernement revienne sur le bouclier fiscal. Je vous le dis : rendez-vous aux prochaines échéances électorales, et vous verrez bien que ce sujet sera votre bouclier fiscal à vous, que vous le tirerez comme un boulet et que vous ne pourrez pas vous en sortir. Notre proposition est de bon sens. Ce n’est parce que c’est l’ancienne majorité qui avait pris une mesure qu’elle est par nature, par essence mauvaise. Les Français n’en peuvent plus de ce clivage artificiel qui tue la démocratie et qui fait monter les extrêmes.

M. Daniel Fasquelle. Excellente intervention !

(L’amendement n7 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron