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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 30 juin 2014

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 (nos 2044, 2061, 2058).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, monsieur le ministre des finances, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs, la discussion que nous engageons aujourd’hui est assez exceptionnelle dans la mesure où c’est la deuxième fois seulement depuis qu’existent les lois de financement de la Sécurité sociale qu’est présenté un projet de loi rectificative.

Ces conditions exceptionnelles me conduisent donc à saluer plus particulièrement et plus que de coutume encore le travail accompli, dans un calendrier chargé, par la commission des affaires sociales, et je tiens en particulier à remercier sa présidente pour son rôle dans le déroulement des travaux ainsi que son rapporteur. J’aurai l’occasion de revenir sur plusieurs éléments qui ont fait l’objet de discussions.

Au-delà de cet aspect formel, ce texte, et cela n’a échappé à personne, revêt une importance particulière, bien qu’il soit assez court, ce qui est inhabituel pour un texte concernant la Sécurité sociale, puisqu’il ne comporte que seize articles. De façon étroitement imbriquée avec le projet de loi finances rectificative que vous avez examiné la semaine dernière, il constitue la première mise en œuvre de la mobilisation sans précédent en faveur de l’emploi que représente le pacte de responsabilité et de solidarité.

Cette priorité à l’emploi, à la croissance, qui passe par le fait de redonner de la compétitivité à notre économie et qui a été fixée par le Président de la République le 14 janvier dernier, dans le prolongement des choix précédents, se traduit par des allégements de cotisations sociales pour les employeurs et les travailleurs indépendants mais aussi les salariés, et par une première étape vers la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés.

Concernant les allégements en faveur des entreprises, ne figurent dans le projet qui vous est présenté que ceux qui sont prévus pour l’année 2015. Le respect des engagements pris par les entreprises dans le cadre du pacte nous permettra de franchir l’année prochaine une nouvelle étape pour renforcer davantage encore la compétitivité de notre économie.

J’entends les interpellations, je lis les appels, et je dis à ceux qui lancent des cris d’alarme qu’il est temps que, collectivement, nous nous retroussions les manches pour faire de ce pacte de responsabilité une réalité pour les Français, pour l’emploi et pour la compétitivité de notre économie. À force de tirer les sonnettes d’alarme, on risque d’empêcher les trains d’arriver. Il n’y a pas aujourd’hui matière à aller plus vite, à négocier le rythme de mise en place du pacte, encore moins à le remettre en cause.

Les mesures de baisse de cotisations des entreprises généreront évidemment des pertes de recettes pour la Sécurité sociale. Je veux ici à nouveau rassurer les parlementaires qui ont interrogé le Gouvernement sur ce sujet : elles seront compensées dans leur intégralité. Nous définirons dans les lois financières pour 2015 les vecteurs qui garantiront l’équilibre. Cela n’a pu être fait dans le cadre des lois rectificatives pour des raisons juridiques, la loi organique relative aux lois de finances ne permettant pas d’y des dispositions qui n’auront un effet qu’à partir de 2015.

L’équilibre du régime social des indépendants, directement concerné par la suppression de la C3S, sera assuré de façon pérenne. Les branches maladie et vieillesse de base du régime social des indépendants, qui reçoivent aujourd’hui la C3S, seront en effet adossées financièrement aux branches maladie et vieillesse du régime général, qui en assureront l’équilibre.

Ce dispositif de solidarité financière est celui qui prévaut depuis cinquante ans pour le régime des salariés agricoles. C’est aussi celui qui existe depuis 2009 pour le régime maladie des exploitants agricoles. Ces précédents montrent que le financement pérenne du régime est garanti et que ni sa gestion autonome, ni le niveau des cotisations et prestations ne seront remis en cause.

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce dispositif sera évidemment neutre pour le régime général grâce à la compensation prévue dans le cadre des lois financières.

À côté de la mise en place du pacte de responsabilité, à travers en particulier la baisse des cotisations pour les entreprises, le projet de loi accélère les efforts d’économies dans lesquels s’est engagé notre pays.

Pour la branche de l’assurance maladie, ce texte tire les conséquences de la sous-exécution de l’ONDAM de 2013 en revoyant l’ONDAM de 2014 et en ramenant l’objectif des dépenses à 178,3 milliards d’euros. Cette mesure ne remet pas en cause le taux de progression de 2,4 % voté en loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.

Par ailleurs, le Gouvernement présentera un amendement afin de redéfinir le cadre des recommandations temporaires d’utilisation, conformément à l’évolution de la jurisprudence européenne, permettant, par exemple, d’utiliser l’Avastin à la place du Lucentis.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bonne initiative !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je sais que vous êtes nombreux à vous être engagés pour que cela soit possible, à commencer par votre rapporteur, M. Bapt. Nous allons résolument oeuvrer pour que le cadre juridique permettant une telle évolution soit totalement sécurisé.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce texte, par ailleurs, propose de ne pas revaloriser pendant un an les retraites et l’allocation de logement familiale.

Je veux rappeler solennellement que, conformément aux engagements du Premier ministre, les petites retraites ne seront pas touchées par cette absence de revalorisation. Ainsi, la retraite de base des personnes dont le total des pensions mensuelles ne dépasse pas 1 200 euros sera bien revalorisée. Cela signifie que près de la moitié des retraités ne seront pas concernés par la mesure de gel.

La partie complémentaire de la retraite de certains ne sera pas, c’est vrai, revalorisée, mais je rappelle que la revalorisation que nous proposons ne porte que sur la retraite de base. Il n’a jamais été question d’agir sur la part complémentaire des retraites, soit directement, soit indirectement en sur-revalorisant la retraite de base. Je rappelle que l’absence de revalorisation des retraites complémentaires AGIRC-ARRCO a été décidée par les partenaires sociaux il y a plus d’un an. Chercher à la compenser constituerait une ingérence inédite dans la gestion paritaire des retraites complémentaires.

Je ne sous-estime pas l’effort que peut représenter cette mesure pour certains retraités, même si cet effort est limité à quelques euros par mois une pension globale supérieure à 1 200 euros par mois. Mais le Gouvernement a aussi pris des mesures fortes en faveur du pouvoir d’achat des retraités, comme la double revalorisation en 2014 du minimum vieillesse, désormais appelé l’ASPA, la revalorisation de 50 euros de l’aide à la complémentaire santé pour les personnes âgées de plus de soixante ans ou encore le plan de revalorisation des petites retraites agricoles résultant de la réforme des retraites.

Ainsi, si nous demandons des efforts ponctuels à certains retraités, ceux qui ont les pensions les plus élevées, nous engageons des efforts en direction des retraités modestes.

J’en viens à l’allocation de logement familiale. Des amendements ont été déposés pour maintenir sa revalorisation, alors que le texte déposé par le Gouvernement prévoit de la reporter d’un an. Ces amendements ont été adoptés en commission. Ils faisaient suite à des échanges nourris entre le Gouvernement et la majorité, notamment le groupe socialiste et le groupe radical républicain démocrate et progressiste, particulièrement mobilisé sur ce point. Le Gouvernement se prononcera sur cette disposition de façon cohérente avec le débat qui s’est tenu sur les autres prestations logement au cours de l’examen du projet de loi de finances rectificative.

Les efforts qui sont demandés le sont au service d’un objectif qui, je crois, nous rassemble tous : la pérennité de notre modèle social et le financement de nouveaux droits.

Nous assurons la pérennité de notre modèle social en poursuivant le rétablissement de l’équilibre de la Sécurité sociale que nous avons engagé depuis deux ans. Pour l’année 2013, pour la première fois, la Cour des comptes a certifié l’intégralité des branches du régime général, et le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse a atteint son plus bas niveau depuis le début de la crise, soit 15,4 milliards d’euros, mieux que prévu en loi initiale pour 2014. Au total, entre 2011 et 2013, le déficit du régime général a diminué de près de 30 %.

M. Michel Issindou. Un bel effort !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux insister sur ce point, car nous entendons trop souvent l’opposition expliquer que nous n’engageons pas les efforts nécessaires d’assainissement des comptes sociaux. Comme si elle avait des leçons à nous donner !

Le résultat que nous atteignons est directement le fruit d’une volonté politique. En 2010, alors que la croissance atteignait 1,6 %, le déficit des comptes sociaux avait progressé de 4,5 milliards d’euros, pour atteindre 28 milliards.

M. Michel Issindou. C’est énorme !

Mme Marisol Touraine, ministre. En 2013, avec une croissance d’à peine 0,1 %, nous avons réduit ce déficit de 2 milliards, ce qui est le résultat des réformes structurelles que nous avons engagées. D’un côté, donc, c’est le laisser-faire, ou plutôt le laisser-déraper. De l’autre, c’est l’engagement de réformes structurelles qui nous permettent d’aborder l’avenir avec confiance.

Les mesures que nous vous présentons aujourd’hui nous permettront d’amplifier en 2014 et au-delà le redressement des comptes de la Sécurité sociale, condition nécessaire pour améliorer les droits de nos concitoyens.

Le déficit du régime général devrait, pour la première fois depuis 2008, passer sous la barre des 10 milliards d’euros en 2014, et le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse devrait de nouveau cette année diminuer de plus de 2 milliards par rapport à 2013.

C’est ce redressement qui permet de rétablir la confiance dans la protection sociale et de financer de nouvelles conquêtes et de nouveaux droits. C’est en cela qu’il s’agit d’une politique progressiste et, je n’ai pas peur du mot, d’une politique de gauche.

Nous redressons les comptes sociaux sans remettre en cause la qualité et le niveau de la protection sociale des Français. Nous renforçons même leurs droits, avec, pour les femmes, le renforcement du droit à l’interruption volontaire de grossesse ; avec, pour les familles modestes ou monoparentales, la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, du complément familial et de l’allocation de soutien familial ; nous permettons à celles et ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou ont eu un métier pénible de partir plus tôt en retraite ; nous avons engagé l’extension de la couverture maladie universelle complémentaire et de l’aide à la complémentaire santé, qui permettront à plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens, environ 750 000 à terme, de bénéficier d’une complémentaire gratuite ou aidée.

À cet égard, mesdames et messieurs les députés, je veux rappeler qu’il y a quinze ans, jour pour jour, votre assemblée adoptait définitivement la loi créant la CMU. Je veux rendre hommage à cette conquête et plus généralement à l’action de ce gouvernement de gauche qui avait ramené la Sécurité sociale à l’équilibre et mis en place de nouveaux droits.

M. Michel Issindou. C’était le bon temps !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous pouvons être fiers de revendiquer cet héritage. Nous le poursuivrons avec la mise en place du tiers payant. Nous le poursuivons d’ores et déjà en mettant en œuvre la généralisation de l’accès à une complémentaire santé de qualité.

L’automne dernier, vous avez adopté deux réformes importantes contribuant à cet objectif : la redéfinition des contrats responsables et la sélection des contrats éligibles à l’aide à la complémentaire santé. Nous avons présenté ce matin l’ensemble des projets de décrets qui mettront en œuvre cette réforme, et qui sont le fruit d’une longue concertation.

L’aboutissement de ce travail conduit le Gouvernement à présenter deux amendements au présent projet de loi, qui complètent la réforme que vous avez adoptée l’an dernier. Le premier permet de valoriser le dispositif de maîtrise des dépassements d’honoraires qui a été institué, en permettant une meilleure prise en charge pour les médecins qui se sont engagés à la modération et ont signé un contrat d’accès aux soins. Le second amendement, présenté par le rapporteur, étend le bénéfice de l’aide à la complémentaire santé aux contrats collectifs à adhésion facultative et adapte l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de sélection des contrats, afin de donner aux bénéficiaires de l’aide le temps nécessaire pour changer de contrat et bénéficier de contrats améliorés.

Avec ces amendements et ces décrets, nous aurons franchi des étapes décisives dans une réforme qui va améliorer l’accès aux soins, au cœur de notre stratégie de santé.

Mesdames et messieurs les députés, je veux terminer en insistant sur ce point. Le rétablissement des comptes est ce qui nous permet d’améliorer les droits sociaux de nos concitoyens. Nous sommes engagés dans une politique résolue et ferme d’assainissement de la situation financière de notre pays et de soutien à l’économie, à la croissance et à la compétitivité.

M. Michel Issindou. C’est plus nécessaire que jamais !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le cap est fixé et doit être tenu. La meilleure façon d’arriver à bon port n’est pas de faire des embardées, mais de s’en tenir résolument au chemin qui a été adopté avec comme objectif de prendre des mesures qui bénéficient à l’ensemble de nos concitoyens.

Mesdames et messieurs les députés, c’est un texte de responsabilité, économique, sociale, politique, qui est aujourd’hui en discussion dans votre assemblée. À nous de définir ensemble le chemin que nous voulons pour notre pays et nos concitoyens. À nous de faire en sorte que la question de l’emploi trouve des réponses appropriées. À nous d’apporter aux Français le visage d’un pays rassemblé, pour faire en sorte que tous ensemble nous puissions gagner la bataille de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, afin de ne pas solliciter votre attention plus que de raison, je n’évoquerai ici que les principaux éléments qu’il me semble important d’avoir à l’esprit, surtout en ce qui concerne les aspects économiques – l’économie au service de l’emploi, l’emploi au service du pouvoir d’achat – durant l’examen de ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

Il s’agit tout d’abord d’un texte qui veut améliorer la compétitivité des entreprises, donc d’un texte en faveur de l’emploi. Ce texte, comme le projet de loi de finances rectificative également soumis au Parlement, prévoit de mettre en œuvre les diminutions de prélèvements obligatoires prévues pour 2015 par le pacte de responsabilité et de solidarité.

À ce titre, il prévoit les mesures suivantes : l’augmentation des allégements généraux, pour 4,5 milliards d’euros en 2015, qui bénéficiera particulièrement aux PME, à savoir une exonération de cotisation pour les salariés entre 1 et 1,6 SMIC ; l’allégement de cotisations en faveur des indépendants, pour 1 milliard d’euros environ ; et la première étape de suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, sous la forme d’un abattement, exonérant ainsi un nombre important de petites et moyennes entreprises. Ces mesures s’ajoutent à la montée en charge en cours du crédit d’impôt compétitivité emploi.

Elles ne sont pas prises pour faire plaisir à tel ou tel. Elles sont assumées et prennent en considération le possible, face à la situation de nos comptes publics que vous connaissez. Ces mesures sont prises parce que notre pays en a besoin, parce que notre économie souffre d’un déficit structurel de compétitivité.

Le Gouvernement n’ignore pas que ce déficit de compétitivité ne sera pas résorbé seulement par des mesures portant sur la diminution des coûts de production. Il a déjà pris des mesures en matière de compétitivité hors coût, et de premiers résultats encourageants ont été constatés. Ainsi, le déficit commercial, que la droite avait porté de zéro à plus de 70 milliards d’euros, a été réduit à 61 milliards en 2013.

C’est un premier pas, mais ce n’est pas assez. L’ampleur de ce déficit rend également nécessaire de prendre des mesures de compétitivité-coût, non pas pour spécialiser notre économie sur des secteurs à faible valeur ajoutée mais pour améliorer notre position concurrentielle dans les secteurs d’avenir où nos performances ne sont pas à la hauteur de notre potentiel, et pour ainsi relancer notre économie et donc faire baisser le chômage, qui est le premier facteur d’inégalité des revenus. Voilà pourquoi la gauche devrait s’honorer de ce projet qui propose une solution aux problèmes que dix ans de droite ont laissé s’accroître.

M. Michel Issindou. Elle s’en honore !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est parce que ces mesures ont pour finalité l’emploi que le Gouvernement a adopté une méthode. D’abord, la trajectoire de réduction des prélèvements a été définie sur trois ans, pour donner aux entreprises la perspective et la confiance nécessaires pour investir et embaucher. Ensuite, l’évaluation sera primordiale : nous déciderons chaque année de mettre l’étape suivante en œuvre. Nous le ferons au regard des résultats qui auront été constatés, parce que, qu’elle soit bonne ou mauvaise, aucune appréciation a priori ne vaudra jamais le retour d’expérience. Je sais que la majorité est particulièrement attachée à ce principe, comme en témoigne d’ailleurs la mission d’information sur le CICE de la Conférence des présidents, créée à l’initiative du président de l’Assemblée Claude Bartolone. Le choix du Gouvernement est donc bien celui de la compétitivité et en aucun cas celui de la rente, que nous avons fortement mise à contribution depuis 2012 pour rétablir nos comptes publics.

Il est utile de rappeler ce que nous avons fait depuis 2012. D’abord, nous avons travaillé à rétablir la progressivité des prélèvements sur les personnes, pour réduire les niches : c’est notamment la soumission au barème progressif de l’impôt sur le revenu des dividendes, intérêts et plus-values mobilières, mais aussi la réforme de l’ISF ou encore le plafonnement des niches fiscales. Ensuite, nous avons rééquilibré les prélèvements sur les entreprises. Pour préserver l’investissement et l’emploi, ce sont les niches des grandes entreprises que nous avons corrigées : c’est pourquoi nous avons décidé en 2013 la limitation de la déductibilité des charges financières et la suppression de la subvention fiscale des opérations sur titres de participation plus connue sous le nom de niche Copé.

Depuis 2012, nous avons aussi privilégié les PME dans chaque décision. L’élargissement du crédit d’impôt recherche aux dépenses d’innovation des PME, la réforme du PEA pour favoriser les PME et les ETI, le renforcement du dispositif des jeunes entreprises innovantes sont des mesures emblématiques de notre volonté, qui n’est pas nouvelle, de favoriser l’investissement productif, de soutenir l’activité et de dissuader la rente, les avantages acquis, le capital improductif et stérile.

Je reviens un instant sur la première étape de suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés. La mesure que vous propose le Gouvernement consiste à mettre en place un abattement d’assiette qui fera en sorte que, sur les 300 000 entreprises aujourd’hui assujetties à la C3S, qui est assise, je le rappelle, sur leur chiffre d’affaires, les 200 000 ayant le chiffre d’affaires le plus bas, jusqu’à 3 millions d’euros annuels, en seront complètement exonérées.

Non, ce n’est pas dans ce gouvernement, ce n’est pas dans cette majorité que vous trouverez des responsables politiques osant proposer de supprimer l’ISF au motif qu’il pèserait sur l’investissement ! Voilà, à l’attention de ceux qui font mine de renvoyer dos à dos majorité et opposition, une différence de plus entre la droite et la gauche : la première est prête à instrumentaliser l’entreprise pour défendre la rente, la seconde est prête à l’aider pour défendre l’emploi.

En second lieu, ce texte continue d’améliorer la progressivité des prélèvements. Nous procédons de la même façon pour les ménages. Nous avons déjà augmenté les prélèvements en supprimant des niches dont le fondement n’était pas ou plus justifié. Nous avons ainsi rendu notre système plus progressif. Mais nous avons aussi amélioré la progressivité en prenant des mesures favorables aux revenus les plus modestes : pour les seuls revenus 2013, nous avons ainsi décidé ensemble la revalorisation de la décote, lors du projet de loi de finances pour 2014, et la réduction d’impôt prévue dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, complétée, à l’initiative du groupe socialiste et du groupe radical, par l’exonération de taxe d’habitation et de redevance audiovisuelle des personnes qui en bénéficiaient l’année dernière.

Ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale prévoit quant à lui un allégement de 2,5 milliards d’euros pour les salariés dont la rémunération est comprise entre 1 et 1,3 SMIC. Là non plus, il n’y a ni cadeau, ni « geste » mais simplement des mesures assumées que la situation de notre pays impose. Ces mesures permettront de soutenir la demande et, grâce à l’importance de celles qui ont été prises en faveur de la compétitivité, cette stimulation de la demande pourra être mieux captée par des entreprises établies dans notre pays. Il s’agit de poursuivre l’effort engagé depuis 2012 : la progressivité des prélèvements sociaux est renforcée, au bénéfice des salariés, des artisans et des commerçants dont les revenus sont les plus faibles. En 2012, cette majorité a corrigé les effets anti-redistributifs de l’impôt sur le revenu. Des mesures semblables portent aujourd’hui sur les prélèvements sociaux, leur logique est la même.

Ce texte est marqué par l’échange qui s’est construit avec la majorité pour rendre plus justes les efforts nécessaires sans pour autant y renoncer. Le déficit auquel notre pays fait face est double, car nous sommes aussi confrontés à une situation des finances publiques encore trop fragile, malgré une amélioration continue depuis le début de la législature. Le déficit de l’État a été divisé par deux depuis 2010 et le déficit de la Sécurité sociale est passé de 21 à 13 milliards d’euros entre 2011 et 2013. C’est pourquoi la diminution des prélèvements obligatoires, tant sur les entreprises que sur les ménages, implique un vigoureux effort d’économies, à hauteur de 50 milliards d’euros d’ici à 2017.

Le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale contient ainsi les premières mesures de ce plan d’économies. En effet, au-delà des efforts des administrations, qui doivent se réformer pour rendre le meilleur service au meilleur coût, un tel niveau d’économies ne peut être atteint sans des efforts sur les prestations sociales. C’est ce qui a conduit le Gouvernement à proposer d’arrêter pendant un an d’indexer sur l’inflation ces prestations, à l’exception des minima sociaux. Les échanges avec la majorité ont déjà permis de rendre cet effort encore plus progressif. Ce ne sont pas des ajustements mineurs : la réduction d’impôt en faveur des ménages modestes a été considérablement renforcée et représente un effort de 1,1 milliard d’euros, dès 2014. L’absence exceptionnelle de revalorisation des prestations ne concernera pas non plus les ménages modestes, ni la moitié environ des retraités. Cet échange se poursuivra bien sûr au cours de l’examen du texte. Le dialogue aura ainsi permis de rendre plus justes les efforts demandés sans pour autant les minorer puisque les économies perdues seront gagées par d’autres mesures.

Au risque de me répéter, ce plan d’économies est la condition pour réduire dans le même temps les prélèvements et les déficits publics. Indépendamment même des engagements que nous avons pris au niveau communautaire, conserver un tel niveau de déficit constituerait tout à la fois une menace pour notre souveraineté, nous mettant à la merci de l’humeur des marchés financiers dont le financement de notre dette dépend, et une atteinte à l’équité intergénérationnelle, faisant peser sur les générations futures des dépenses qui nous incombent.

M. Michel Issindou. Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette problématique est familière à ceux qui s’intéressent à la Sécurité sociale.

Nous devrons également résorber un troisième déficit : un déficit de confiance, confiance en l’avenir mais aussi singulièrement, comme en témoigne l’abstention croissante aux élections, à l’égard des responsables politiques. Nous entendons bien évidemment les interrogations et les doutes et nous savons les difficultés qui sont encore celles de trop de nos compatriotes. Il ne pourrait en être autrement dans une période aussi difficile que celle que nous traversons. Même si notre pays est en train de relever les défis auxquels il est confronté et même si des résultats ont déjà été enregistrés, il faudra encore du temps et des efforts pour inverser une situation qui s’est dégradée pendant aussi longtemps. Une seule question nous préoccupe tous collectivement : vivra-t-on mieux en 2017 qu’en 2012 ? Voilà la question à laquelle ce gouvernement, et avec lui toute la majorité, veut apporter sans équivoque une réponse positive.

Enfin, ce qu’il faut bien appeler de la défiance ne trouve pas seulement son origine dans la difficulté de la situation. Comment en effet attendre des Français la confiance nécessaire au bon fonctionnement de nos institutions si nous nous en défions nous-mêmes ? Je forme donc ici le vœu d’un débat de fond débarrassé des postures, qui permette d’apporter une réponse réaliste aux problèmes auxquels est confronté notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Des paroles aux actes ! Le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale dont nous débattons aujourd’hui, après son adoption la semaine passée par la commission des affaires sociales, constitue, avec le projet de loi de finances rectificative débattu la semaine dernière dans cet hémicycle, la première étape de mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité qui est au cœur des engagements pris par le Président de la République et confirmés par le Premier ministre lors de son discours de politique générale.

Structuré autour de plusieurs piliers, ce pacte vise tout d’abord à consolider notre appareil productif, sa compétitivité et sa capacité exportatrice. La reprise économique et le retour de la croissance sont en effet la clé d’une baisse durable du chômage. Afin de renouer avec la croissance, le pacte de responsabilité et de solidarité ambitionne de redonner à notre tissu économique la capacité de mieux affronter la concurrence grâce à l’allégement du coût du travail mais aussi à la simplification des procédures administratives. Il a également pour objet de relancer la consommation populaire, traduisant ainsi l’effort constant de notre majorité pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. Inscrit dans la trajectoire globale de retour à l’équilibre des finances publiques dont le cadre est fixé par le programme de stabilité 2014-2017, le pacte vise enfin à une réduction ambitieuse de notre déficit, avec un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur la période.

Le pacte de responsabilité et de solidarité ne se résume donc pas au projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, même si celui-ci en porte l’essentiel des mesures : il s’articule avec les mesures fiscales déjà votées en première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

Le pacte de responsabilité et de solidarité repose en premier lieu sur une politique d’allégement du coût du travail et sur la baisse de la fiscalité des entreprises. Ce volet central du pacte passe par une amplification du mécanisme de la réduction dégressive de cotisations patronales sur les bas salaires, entre 1 et 1,6 SMIC, afin de parvenir à un niveau de « zéro charges Urssaf » pour le SMIC à compter du 1er janvier 2015. Il instaure également un taux réduit de cotisations d’allocations familiales sur les bas salaires, entre 1 et 1,6 SMIC. Il prévoit enfin de réduire les cotisations d’allocations familiales des travailleurs indépendants, agricoles et non agricoles, sur les bas salaires. Ces mesures seront complétées à compter de 2016 par l’extension du taux réduit de cotisations d’allocations familiales à l’ensemble des salaires inférieurs à 3,5 SMIC.

Il passe, d’autre part, par deux mesures destinées à restaurer la compétitivité des entreprises : la suppression progressive, d’ici à 2017, de la C3S – une première étape est franchie grâce a présent texte, qui prévoit un abattement d’assiette de la C3S à hauteur de 3,25 millions d’euros de chiffre d’affaires – et la programmation à terme de la baisse de l’impôt sur les sociétés. Au total, cette première étape du pacte centrée sur les entreprises, qui se traduit dans les articles 2 et 3 du projet de loi, représente déjà un effort budgétaire considérable, puisqu’il atteint 6,5 milliards d’euros en 2015.

La commission des affaires sociales a adopté ces dispositions, confirmant son soutien d’ensemble aux objectifs poursuivis par le Gouvernement. Elle a néanmoins adopté des amendements destinés à réaffirmer certains principes, sans modifier la portée du texte. Elle a ainsi souhaité inclure dans la négociation annuelle de branche un suivi spécifique de l’impact sur l’emploi et sur les salaires de l’ensemble des avantages fiscaux et sociaux dont bénéficient les entreprises de la branche, afin de disposer, ainsi que les représentants des salariés, des outils de suivi en interne des effets du pacte. Elle a également réaffirmé le principe de l’autonomie de gestion du RSI, afin de garantir que son intégration financière à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés se passe dans les meilleures conditions d’indépendance de gestion, comme cela a été le cas pour la Mutualité sociale agricole. La commission a enfin réaffirmé le principe de compensation financière à la Sécurité sociale des pertes de recettes créées par ce projet de loi, en rappelant que cette compensation serait bien annuelle et qu’elle interviendrait dès 2015, autrement dit dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’automne.

Le deuxième engagement fort du pacte est le respect de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques. C’est en vertu de cet objectif de réduction de notre déficit que le pacte comporte un plan d’économies de 50 milliards d’euros, qui s’appliquera autant aux finances de l’État qu’à celles des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale. Ici encore, les deux projets de loi rectificatifs constituent la première étape du programme de redressement des comptes dont la trajectoire sera prochainement confirmée avec l’examen, à l’automne, des textes financiers pour 2015, mais aussi et surtout de la nouvelle loi de programmation des finances publiques.

Le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale présente pour l’exercice 2014 des mesures destinées à corriger l’équilibre des comptes sociaux, telles que la rectification du montant de l’ONDAM. Surtout, l’article 9 prévoit le gel du montant des pensions de retraite et des aides au logement qui devraient normalement faire l’objet d’une revalorisation au 1er octobre prochain. S’agissant des pensions, le montant des économies réalisées représenterait en année pleine près d’un milliard d’euros, soit en moyenne onze euros par mois et par retraité. Surtout, grâce à l’action des parlementaires, qu’il faut ici souligner, les bénéficiaires de retraites dont le montant est inférieur à 1 200 euros bruts ne seront pas concernés par le gel, soit 6,5 millions de personnes et donc près de la moitié des retraités ! S’agissant des aides aux logement, eu égard à la condition modeste, voire précaire, des personnes concernées, eu égard également à l’importance du poste logement dans les dépenses des ménages et à son augmentation ces dernières années, la commission a décidé à l’unanimité d’adopter un amendement supprimant le gel de l’allocation de logement familiale. En cohérence, l’Assemblée a défendu une position similaire lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative la semaine dernière pour les aides au logement émargeant au budget de l’État.

Le second pilier du pacte, c’est ce qui constitue la dimension fondamentale de notre engagement à l’égard de nos concitoyens : la solidarité. L’article 1er du projet de loi prévoit une exonération de cotisations salariales pour les bas salaires, entre 1 et 1,3 SMIC, qui correspondra, pour un salarié au SMIC, à un gain net supplémentaire de 520 euros par an. Au-delà de la non-application du gel aux pensions de retraite de petits montants, l’article 9 maintient le coup de pouce aux prestations relevant du minimum vieillesse dans le prolongement du plan contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. La commission a entendu confirmer cette orientation en étendant les contrats d’assurance complémentaire santé, dont notre majorité a souhaité qu’ils soient davantage solidaires et responsables, aux contrats collectifs à adhésion facultative. Rappelons que le 1er juillet 2013 le plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire a été revalorisé, pour inclure 300 000 nouveaux bénéficiaires, de même que celui de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, avec 250 000 bénéficiaires supplémentaires.

Replaçons également ce projet dans son contexte : revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire en 2012, recentrage des prestations familiales sur les personnes modestes et sur les familles monoparentales, relèvement du RSA de 2 % par an pendant cinq ans ou encore mise en place d’un vrai compte pénibilité dans le cadre de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. L’ensemble de ces mesures témoigne d’une cohérence qui est la marque du plan du Gouvernement au service de la compétitivité de nos entreprises et de la solidarité que nous devons aux plus modestes de nos compatriotes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Faisons preuve de rigueur intellectuelle et replaçons donc ce projet dans sa globalité. Les dispositifs du projet de loi de finances rectificative d’un côté et du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale de l’autre ne doivent pas s’appréhender de façon séparée, mais en cohérence. J’aimerais à cet égard convaincre ceux qui s’inquiètent des conséquences du gel des pensions de retraites. Établissons donc la comparaison entre le manque à gagner occasionné par le gel des pensions et l’application de la réduction exceptionnelle d’impôt pour les ménages modestes prévue par le PLFR : un retraité vivant seul, avec une pension de base de 1 456 euros bruts par mois, soit 1 355 euros nets, verra le montant de sa pension inchangé, alors qu’elle aurait dû être revalorisée de 8,75 euros par mois, soit 105 euros par an – mais il bénéficiera d’une réduction d’impôt de 296 euros grâce au vote du PLFR ! Le bilan sera donc largement positif pour lui.

M. Michel Issindou. En effet ! La différence est sensible !

Mme Véronique Louwagie. Mais il y a tous les autres !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce projet de loi signe donc le début de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité : pour 2015, 11,5 milliards d’euros seront mis au service des entreprises et des ménages de notre pays. La montée en charge sera ensuite progressive : en 2016, près de 20 milliards seront mobilisés, et jusqu’à 26 milliards en 2017. À terme, le pacte de responsabilité et de solidarité devrait représenter un effort financier de plus de 58 milliards d’euros en cumulé, dont 42 milliards au titre de recettes affectées à la Sécurité sociale, soit pour l’essentiel au titre des cotisations sociales.

Il s’agit donc d’un programme sans précédent dans son ampleur, qui vient compléter le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, au service à la fois de la compétitivité de nos entreprises et de la consommation populaire et dont la montée en charge progressive se fera parallèlement aux mesures du pacte.

Compétitivité, responsabilité, solidarité : tels sont les maître-mots du pacte présenté par le Gouvernement. Je vous invite, mes chers collègues, à faire le choix de la cohérence en adoptant le projet qui nous est soumis moyennant les aménagements que la commission a bien voulu y apporter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Courage, constance et cohérence : c’est ce à quoi je nous avais appelés collectivement la semaine dernière, au nom du groupe socialiste, lorsque s’est engagé le débat sur le projet de loi de finances rectificative, et ce à quoi j’appelle à nouveau aujourd’hui, comme rapporteur pour avis de la commission des finances, alors que débute la discussion du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, qui est son prolongement et son complément indissociable – projet de loi qui a été adopté par notre commission des finances avec un amendement sur lequel je reviendrai.

Telle est en effet l’attitude que nous devons avoir pour retrouver la confiance et la croissance et donc pour répondre à la seule question qui vaille aujourd’hui, avant toutes les autres : comment recréer de l’emploi en France. Pour cela, nous devons mettre en œuvre sans délai le pacte de responsabilité et de solidarité, pacte sur lequel notre assemblée s’est déjà prononcée à deux reprises, sur le principe et les orientations générales : d’une part lors du discours de politique générale du Premier ministre, le 8 avril dernier, et d’autre part le 29 avril, lors du vote sur la déclaration du Gouvernement accompagnant la transmission du programme de stabilité budgétaire à la Commission européenne. Nous devons le faire sans délai, en ayant à l’esprit que le succès de ce pacte avec les entreprises et avec les ménages repose sur la confiance. En économie comme en politique, la confiance est nécessaire ; dans les deux cas, elle se mérite. Elle ne peut être unilatérale. Elle ne peut que reposer sur des engagements réciproques. Raison de plus pour amorcer ce cercle vertueux de la confiance en tenant nos engagements et en mettant en œuvre les orientations que nous avons approuvées.

Nous devons adresser ce message de confiance aux ménages, qui attendent une baisse des prélèvements obligatoires et veulent que notre modèle de protection sociale soit sauvegardé. Nous devons aussi l’adresser aux acteurs économiques qui, pour investir, innover et embaucher ont besoin de visibilité et de stabilité. Nous devons enfin adresser ce message de confiance aux partenaires sociaux, à la veille de la grande conférence sociale du début du mois de juillet, parce qu’il n’y aura pas de compétitivité sans dialogue social renforcé dans nos entreprises. Le projet de loi de finances rectificative que nous adopterons demain et qui résulte d’un dialogue approfondi et fructueux entre le groupe majoritaire et le Gouvernement, comme pour ce texte, porte ce message de confiance.

Je veux insister sur les mesures de pouvoir d’achat et de justice fiscale vis-à-vis des ménages qui vont être adoptées, comme sur les mesures indispensables à la maîtrise du déficit public que notre commission a approuvées. Je me félicite également que le dispositif du crédit impôt compétitivité emploi, comme celui du crédit impôt recherche, ait été confirmé et donc renforcé. C’est un message de confiance qui doit être compris comme tel par nos chefs d’entreprise, qui ne doivent pas s’inquiéter des tentatives de remise en question de ces mesures, tentatives largement rejetées par notre assemblée la semaine dernière.

Comme le PLFR, le PLFSSR a un objectif et un seul : renouer avec une croissance forte, recréer de l’emploi dans notre pays. Les trois volets de ce texte sont de ce point de vue indissociables.

Le premier, vous l’avez évoqué, madame la ministre, c’est la trajectoire de redressement des finances sociales. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles, mais je veux ici souligner, au nom de la commission des finances, que le retour à l’équilibre des finances sociales est un impératif absolu qui conditionne la sauvegarde de notre modèle social. C’est pourquoi il faut maîtriser la dépense. Nous allons débattre des mesures de stabilisation des prestations sociales : comme j’ai eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, c’est probablement la pire des mesures… à l’exception de toutes les autres, à savoir celles qui aboutiraient à des remises en cause de droits qui pourraient être extrêmement brutales. Je rappelle que ces mesures sont conjoncturelles. Dans une période d’inflation, elles vont nous permettre d’avancer.

Le deuxième volet, c’est la justice fiscale et sociale et le soutien à la consommation des ménages. Après les mesures prises dans le PLFR, l’allégement des cotisations à la charge des salariés jusqu’à 1,3 SMIC va redonner du pouvoir d’achat aux salariés les plus modestes. Certes, un tabou se lève mais cette mesure simple, lisible et compréhensible redonnera 2,5 milliards de pouvoir d’achat aux ménages en 2015.

Le troisième enfin, c’est la compétitivité de nos entreprises et des mesures sans précédent d’allégements fiscaux et sociaux pour leur permettre de rebondir. Je précise que les allégements sociaux feront l’objet, dans le projet de loi de finances pour 2015, d’une compensation par l’État. C’est la première étape de la mise en œuvre du pacte de responsabilité, qui se poursuivra en 2016 et en 2017, conformément aux orientations que nous avons, je le rappelle, et j’insiste, adoptées il y a quelques semaines.

C’est pourquoi notre commission des finances a voté l’ensemble de ce texte, y compris, monsieur le ministre, son article liminaire – nous y reviendrons en deuxième lecture – sous réserve de l’adoption d’un amendement de cohérence avec le vote, dans le PLFR, concernant le non-gel de la revalorisation des aides aux logements. Dans les deux cas, le sujet politique sous-jacent est le même : le choix d’une politique économique qui vise simultanément à soutenir la demande et l’offre. C’est bien ce que nous faisons, et j’aimerais que personne dans cet hémicycle ne l’oublie. Il ne sert à rien d’opposer politique de l’offre et politique de la demande. Ce serait dangereux et irresponsable, dans le contexte actuel, d’être dans le déni des difficultés que rencontrent nos entreprises, dans le déni de la nécessité de leur donner de l’air. Il serait dangereux et irresponsable de ne pas chercher à rassembler et de refuser d’entrer dans la dynamique du dialogue social dans les branches et dans les entreprises, un dialogue social indispensable à leur modernisation et à celle de notre économie. Il serait dangereux de s’installer dans des postures de défiance qui appelleraient à leur tour la défiance et qui conduiraient inéluctablement à l’échec. C’est tout l’enjeu de notre débat et de notre vote sur ce texte, qui sera un vote de confiance dans notre capacité à collectivement redresser le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Michel Issindou. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous sommes amenés aujourd’hui à débattre du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014. Ce texte constitue un ensemble cohérent qui traduit une bonne partie des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité du Gouvernement. Il n’est pas dissocié du PLFR qui a été discuté dans cet hémicycle la semaine dernière.

Il s’agit en effet de mettre en œuvre les mesures annoncées par le Président de la République le 14 janvier dernier et détaillées par le Premier ministre lors de son discours de politique générale, des mesures qui visent principalement à renouer de manière visible avec la croissance pour lutter efficacement contre la principale préoccupation de nos concitoyens et l’un des maux les plus redoutables de notre société, le chômage. En effet, le chômage est bien sûr avant tout une catastrophe personnelle pour celles et pour ceux qui le subissent, mais aussi un puissant facteur de fragilisation collective. Nous ne devons pas nous résigner au chômage de masse. Comme l’a écrit Haruki Murakami, « le découragement appelle l’impuissance ». Et l’impuissance, c’est la dernière chose à laquelle doit se résoudre un pouvoir politique, quel qu’il soit, surtout dans la situation qui est la nôtre.

Il faut soutenir l’emploi : voilà le but. Force est de constater que tout le monde s’accorde sur cet objectif, mais qu’il y a débat sur les moyens pour y arriver. Ce débat oppose d’abord majorité et opposition, droite et gauche ; mais, tout le monde le sait, il traverse aussi la majorité, comme l’opposition, nous l’avons vu lors des votes sur le discours du Premier ministre.

S’agissant des mesures prévues, les échanges avec le Gouvernement ont permis d’obtenir des améliorations en faveur des bénéficiaires de petites pensions ou de prestations familiales. Je voudrais dire clairement que tout cela ne doit pas nous faire oublier ce que nous sommes, ni ce que nous avons réalisé depuis 2012. Cela ne doit pas plus conduire à faire oublier que la droite et la gauche, ce n’est définitivement pas la même chose. Les approches différentes de la réforme des retraites illustrent parfaitement cette réalité. Lors des débats en commission sur le PLFRSS, plusieurs amendements de l’opposition ont ainsi cherché à remettre en cause le compte pénibilité,…

Mme Isabelle Le Callennec. C’est le principe de réalité !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …cette avancée sociale majeure votée dans le cadre de la réforme des retraites et qui, enfin, permet de tenir compte de la dureté de certains métiers dans le calcul des droits à pension. Cette réforme est en train de se mettre en place et la commission des affaires sociales suit cela très attentivement. Nous avons ainsi auditionné Michel de Virville le jour même où il a remis son rapport au Gouvernement afin d’avoir les éclaircissements nécessaires sur les mesures qu’il préconise au terme de la large concertation qu’il a menée. Cette audition a permis de réaliser que loin d’être l’usine à gaz dénoncée par l’opposition, le compte pénibilité pouvait être mis en œuvre de façon pragmatique, dans la concertation, à condition d’avoir la volonté politique de le faire.

M. Michel Issindou. Eh oui ! C’est ce qui manquait avant !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et cette volonté politique, notre majorité la possède. C’est cette même volonté qui a permis, à côté des nécessaires mesures comptables, de réformer les retraites tout en faisant progresser les droits sociaux. Outre la pénibilité, il ne faudrait en effet pas oublier les mesures prises en faveur des femmes, des personnes ayant des carrières heurtées et des petites pensions. Il ne faudrait pas non plus oublier les autres mesures prises depuis 2012 et justement rappelées par M. Bapt dans son rapport, qu’il s’agisse de la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, du relèvement des plafonds de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire et de l’aide à la complémentaire santé, de la revalorisation du RSA de 10 % en cinq ans ou encore du recentrage des allocations familiales sur les ménages qui en ont le plus besoin. J’arrêterai là l’inventaire, mais j’aurais pu citer bien d’autres mesures.

Dans le secteur social, notre majorité a avancé, avance et avancera, et ce sans jamais oublier le sérieux dans la gestion. Je ne rappellerai pas les chiffres cités par Mme la ministre s’agissant du déficit de la protection sociale. Les comptes, peu à peu, se rétablissent et c’est dans ce contexte qu’il faut resituer les dispositions du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014.

Le pacte de responsabilité et de solidarité vise d’abord à alléger le coût du travail pour les entreprises afin de restaurer leur compétitivité. À ce titre, l’article 2 prévoit trois mesures : une réduction dégressive des cotisations patronales sur les bas salaires, compris entre 1 et 1,6 SMIC, afin de parvenir le 1er janvier 2015 à un niveau de charges nul pour les salariés touchant le SMIC ; un taux réduit de cotisations d’allocations familiales pour les salaires inférieurs à 1,6 SMIC ; et la réduction des cotisations d’allocations familiales pour les travailleurs indépendants dont le revenu d’activité est inférieur à 3,8 SMIC. Dans le même ordre d’idée, l’article 3 engage la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés.

Ces mesures relèvent d’un pacte, d’un accord. En les prenant, l’État remplit sa partie du contrat, mais il restera aux entreprises à remplir la leur en s’engageant dans une démarche favorable à l’emploi. Cette dernière peut prendre plusieurs formes : maintien, reconversion, aide à la mutation dans un autre secteur, création d’emplois, innovation…

Comme je l’ai dit dans d’autres lieux, l’entreprise ne suit pas un modèle mathématique – 1 + 1 n’y est pas toujours égal à deux – ni un modèle binaire. Une entreprise, ça naît, ça vit, ça survit et parfois ça meurt. Ça délocalise, aussi. C’est pour les aider à passer un moment difficile que nous passons un contrat avec elles, notamment les très petites entreprises et les PME.

Ces mesures représentent une première étape. À l’instar des partenaires sociaux, la commission des affaires sociales suivra attentivement la manière dont les entreprises s’acquitteront de leurs engagements, et selon les résultats, envisagera la conduite à tenir pour les étapes suivantes. Car l’État ne saurait être le seul à faire preuve de responsabilité : il faut être deux pour réussir un contrat.

Le second objectif du pacte de responsabilité et de solidarité est de soutenir le pouvoir d’achat des ménages, notamment des plus modestes d’entre eux. Dans ce but, l’article 1er instaure, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, une réduction dégressive des cotisations salariales sur les bas salaires qui doit offrir à un salarié payé au SMIC un gain net de 500 euros par an. C’est loin d’être négligeable. L’effet de cette mesure, qui concerne 7,4 millions de salariés, sera encore renforcé par les dispositions de l’article 1er du projet de loi de finances rectificative, qui prévoit une réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu dont bénéficieront 3,7 millions de ménages.

Dans le contexte budgétaire très contraint qui est le nôtre, ces mesures destinées à soutenir le pouvoir d’achat méritaient d’être soulignées.

Je n’irai pas plus loin dans la description du dispositif dont nous allons discuter, le rapporteur l’ayant déjà très bien fait. Il a notamment détaillé les dispositions retenues par notre commission pour mieux calibrer les mesures d’économies prévues à l’article 9.

Si j’ai tenu à rappeler rapidement certains de ces aspects, c’est pour montrer que, si le PLFSSR comporte des mesures en faveur des entreprises, qui auront la responsabilité d’en assurer la traduction en termes d’emploi, il contient également des dispositions en faveur des ménages modestes. À la responsabilité réelle des entreprises répond donc un souci de solidarité à l’égard de nos concitoyens aux revenus les plus faibles. Doit-on, peut-on aller plus loin ? L’avenir nous le dira. En tout état de cause, la commission des affaires sociales restera particulièrement vigilante quant au suivi de ces mesures. Il n’est en effet dans mon esprit aucunement question de donner un chèque en blanc à quiconque : des engagements ont été pris, ils devront être tenus.

Les choses doivent être claires pour tout le monde. Gardons à l’esprit cet avertissement de Diderot : « Si l’on ne dit presque rien dans ce monde qui soit entendu comme on le dit, il y a bien pis, c’est qu’on n’y fait presque rien qui soit jugé comme on l’a fait ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteur et rapporteur pour avis, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014, comme les textes l’ayant précédé, se caractérise par un manque d’ambition.

Vous avez pourtant souligné à plusieurs reprises, madame la ministre, à quel point l’exercice était exceptionnel : depuis que les projets de loi de financement de la Sécurité sociale existent, c’est en effet la deuxième fois qu’un texte rectificatif est examiné. En définitive, pourtant, l’ambition de ce projet de loi pourrait se résumer ainsi : « il est urgent d’attendre » !

Alors que ce texte est censé constituer une des premières étapes de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, il n’évoque que les allégements en faveur des entreprises envisagés pour 2015. Vous avez en effet décidé de procéder par paliers, sur trois ans, en révisant chaque année le dispositif en fonction des résultats.

Vous avez fait état, monsieur le rapporteur pour avis, d’un programme « sans précédent dans son ampleur ». Malheureusement, ce programme est également dépourvu de financement affirmé.

Dès janvier 2015, les employeurs n’auront plus à acquitter de charges de sécurité sociale pour les salariés qui perçoivent le SMIC. Par ailleurs, les branches maladie et vieillesse de base du régime social des indépendants, lesquelles reçoivent aujourd’hui la contribution sociale de solidarité des sociétés, seront adossées financièrement aux branches maladie et vieillesse du régime général, qui assureront leur équilibre. Des inquiétudes se sont exprimées et les administrateurs du RSI souhaitent que la suppression progressive de la C3S se fasse dans le respect de l’autonomie et de la pérennité de ce régime, en préservant sa gouvernance et en garantissant sa capacité de verser les prestations aux travailleurs indépendants.

Par ailleurs, je regrette que ce projet de loi contribue à aggraver la rupture d’égalité entre nos compatriotes en s’abstenant de revaloriser, pendant un an, les retraites et les retraites complémentaires AGIRC-ARRCO. Les retraités sont hélas trop souvent la variable d’ajustement de votre politique gouvernementale. Non, madame la ministre, vous ne soutenez pas le pouvoir d’achat des retraités, malgré ce que vous tentez de leur faire croire !

Rappelons que le 9 octobre dernier, juste avant de lever la séance pour la nuit, notre assemblée avait rejeté, à la suite d’une prétendue erreur de la part de huit députés PS, le report de la revalorisation annuelle des retraites prévu dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

M. Michel Issindou. Pourquoi « prétendue » ? C’était une vraie erreur !

Mme Véronique Louwagie. Ce vote traduisait en fait un malaise qui ne sera pas dissipé dans le cadre de ce projet de loi de financement rectificatif…

À l’évidence, vous jugez plus aisé de geler les prestations plutôt que d’engager des réformes structurelles. Le Conseil d’État vous a empêché de procéder à un gel plus global de prestations comme la pension d’invalidité ou la prestation pour adultes handicapés, mais cette épée de Damoclès reste en suspens.

Ainsi, vous avez reporté, dans un premier temps pour six mois, puis pour dix-huit, la revalorisation des pensions de retraites. Votre affichage s’apparente donc à une mauvaise publicité pour nombre de Français ! Ce texte va peser une nouvelle fois sur le pouvoir d’achat des classes moyennes. C’est pourquoi nous serons attentifs au sort de l’amendement émanant de votre majorité et voté à l’unanimité par la commission qui vise à sanctuariser le montant des prestations dans les tableaux d’équilibre.

Vous avez dit, madame la ministre, que les petites retraites n’étaient pas concernées par le gel. C’est vrai, mais qu’en est-il des autres, soit tout de même la moitié des retraités ? Permettez-moi de ne pas apprécier de la même manière que vous la notion d’« effort » !

Certes, madame la ministre, nous cherchons tous à pérenniser notre modèle social, mais nous différons quant à la méthode. Contrairement, en effet, à ce que vous avez annoncé, votre politique ne parvient pas à rétablir l’équilibre de la Sécurité sociale. Ainsi, le solde de ses branches est dégradé par rapport aux objectifs du PLFSS pour 2014. Et les 21 milliards d’économies annoncées pour le budget de la Sécurité sociale, dont 10 milliards pour l’assurance maladie, suscitent l’inquiétude légitime et grandissante de nos hôpitaux de proximité, qui constituent un maillon essentiel de notre système de soins.

Mme Marisol Touraine, ministre. Il faudrait savoir !

Mme Véronique Louwagie. Alors que la Cour des comptes vient de certifier les comptes de la Sécurité sociale pour 2013, le déficit du régime général s’élève encore à 12,5 milliards d’euros, soit 0,6 % du produit intérieur brut, contre 13,3 milliards en 2012. Et si la branche accidents du travail-maladies professionnelles dégage un excédent de 600 millions d’euros, les autres branches demeurent en déficit : 6,8 milliards pour la maladie, 3,2 milliards pour la famille et 3,1 milliards pour la vieillesse. « Au titre de 2013 et pour la première fois depuis le premier exercice de certification, la Cour certifie avec réserve les états financiers de la totalité des entités du régime général », peut-on ainsi lire dans la synthèse.

Concernant le financement des mesures, c’est donc en 2015 que la baisse des cotisations pour les salaires inférieurs à 1,6 SMIC et la diminution de la C3S s’appliqueront aux petites entreprises. Les grandes, elles, ne connaîtront les mesures dont elles bénéficieront qu’en 2016 et 2017. Pourtant, dans un élan de lucidité, le Premier ministre a déclaré le 13 mai, répondant à une question au Gouvernement : « Le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays est devenu insupportable. La hausse de la fiscalité de ces dernières années est elle-même devenue insupportable. »

Entre 2012 et 2014, la fiscalité sur les entreprises et sur les ménages a en effet augmenté de 30 milliards d’euros. Si votre projet prévoit une baisse du coût du travail de 6,5 milliards d’euros en 2015 et annonce pour 2016 un milliard d’allégements supplémentaire de la C3S, avant sa disparition en 2017, et 4,5 milliards de baisse des cotisations familiales pour les salaires inférieurs à 3,5 SMIC, certaines mesures demeurent imprécises.

Vos financements ressemblent à des tuyauteries complexes, enchevêtrées et, en dernier ressort, difficilement compréhensibles. En vertu de l’article L. 137-1 du code de la Sécurité sociale, toute baisse de cotisation doit être compensée à l’euro près. Mais qu’en est-il lorsque cette compensation est renvoyée à un texte ultérieur ? Là encore, on ne trouve pas la moindre piste de financement, y compris dans l’étude d’impact. Une fois de plus, il est urgent d’attendre…

Vous avez parlé, madame la ministre, de définir les vecteurs qui garantiront l’équilibre, mais pour l’instant, nous n’en savons pas plus. Votre projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative s’apparente donc à un catalogue publicitaire qui n’indiquerait pas les prix, …

Mme Martine Pinville. La comparaison est osée !

Mme Véronique Louwagie. …tout ce qui concerne le financement étant renvoyé au projet de loi de financement pour 2015. Comme vous n’êtes pas censée l’ignorer, il est en effet techniquement impossible de financer dans un projet de loi de financement rectificative pour 2014 des baisses de recettes qui n’interviendront finalement qu’au 1er janvier 2015.

En réalité, vous préférez demeurer dans le flou, ce qui semble la marque de fabrique du quinquennat. Arguant de l’impossibilité juridique de gager dans un PLFSSR pour 2014 des baisses de recettes prévues pour 2015, vous restez muette sur les pistes de financement que vous pourriez suivre, notamment dans le cadre du PLFR.

Pire, car, comme souvent, le diable se cache dans les détails (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) le ministre des finances lui-même tend à alimenter le flou. Il semble en fait que le Gouvernement table sur les économies annoncées dans le pacte de responsabilité, soit 50 milliards d’euros, dont 21 milliards pour la Sécurité sociale, pour financer les baisses de charges. Ce sera donc au détriment de la Sécurité sociale, laquelle, par ricochet, perdra des recettes et devra donc réduire ses objectifs de dépense.

Il n’y a donc plus 50 milliards d’économies d’un côté et 30 milliards de baisses de charges de l’autre, CICE compris, mais 50 milliards d’économies dont il faut, en réalité, déduire la compensation du dispositif de baisses de charges.

En conclusion, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative risque, faute de rechercher une réforme durable, ambitieuse et pérenne de notre système de protection sociale, de n’être qu’un coup d’épée dans l’eau et de susciter une nouvelle déception chez nos compatriotes. Et il faut redouter que le pacte de responsabilité ne soit qu’un concept séduisant, une coquille vide : il aura mis près d’un an pour se concrétiser, puisque rien ne semble devoir se faire avant 2015, alors que, je vous le rappelle, il avait été annoncé par le Président de la République le 31 décembre 2013.

Votre réforme des retraites n’est aucunement pérenne, car il s’agit de la troisième hausse de cotisations sur les retraites depuis 2012. Vous faites de l’affichage, mais vos mesures sont parcellaires et, surtout, votre financement dramatiquement aléatoire. Allez-vous prolonger la durée de vie de la CADES ? Nous n’avons aucune réponse à ce sujet. Allez-vous augmenter la TVA ? Allez-vous augmenter la CSG ? Ou encore allez-vous creuser des déficits déjà abyssaux ?

Sur toutes ces questions légitimes, point de réponse. Madame la ministre, vous me faites penser à cette formule de Tacite : « tout ce qu’on ne connaît pas paraît magnifique ». Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative.

Certes, nous nous réjouissons des baisses de charges qu’il prévoit, mais consécutives aux hausses relativement importantes auxquelles vous avez procédé ces deux dernières années. Comme l’a dit en commission des affaires sociales Isabelle Le Callennec, c’est effectivement à un virage à 180 degrés que vous vous livrez avec cette baisse de charges, mais aujourd’hui, nous ne disposons d’aucun élément relatif à son financement. Il n’est donc pas possible de voter ce texte en l’état, à l’aveugle. Je crois que les Français ont d’ailleurs bien compris cette situation, perçu cette absence de fil conducteur et il nous appartient de relayer leur message et leur inquiétude.

Pour toutes ces raisons, je vous appelle solennellement à voter cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Juste quelques mots, madame la députée, pour dire que vous n’êtes pas à une incohérence près. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Isabelle Le Callennec. Les amabilités commencent !

Mme Marisol Touraine, ministre. Incohérence lorsque vous appelez à faire preuve d’ambition pour l’économie et les entreprises, alors que durant les cinq années où vous avez exercé des responsabilités,…

Mme Isabelle Le Callennec. Mme Louwagie a été élue en 2012 !

Mme Marisol Touraine, ministre. …l’économie n’a cessé de sombrer. Pourtant, de plan en faveur des entreprises et de la compétitivité il n’y a pas eu ! Incohérence encore, madame la députée, lorsque vous clamez sur l’air des lampions qu’il faut des économies pour, immédiatement après, contester les économies proposées…

Mme Véronique Louwagie. Mais non !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et expliquer qu’il ne faut pas s’engager dans la réduction des dépenses de santé, qu’elle pourrait causer des difficultés à certains hôpitaux – dans votre circonscription, j’imagine – alors même que ce n’est pas l’objet du débat. Incohérence toujours lorsque vous dites que nous ne présentons pas les choses de manière claire, alors qu’au cours des cinq années où vous avez exercé vos responsabilités…

Mme Véronique Louwagie. Je n’y étais pas !

Mme Marisol Touraine, ministre. …vous n’aurez fait preuve de clarté que quand vous avez diminué les droits sociaux de nos concitoyens, baissé les prestations maladie et fait augmenter, au nom de la prétendue responsabilité, les franchises et les déremboursements.

Oui, madame la députée, je le reconnais bien volontiers : nous ne sommes pas sur le même chemin, nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes, nous n’avons pas la même conception de la responsabilité.

M. Philippe Vitel. Ça, c’est vrai !

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour vous, la responsabilité, c’est faire payer toujours plus les salariés, surtout lorsqu’ils sont modestes. Pour nous, la responsabilité, c’est engager notre pays sur la voie de l’avenir et préserver notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Issindou. Je vais lever le suspense tout de suite : notre groupe ne pourra pas voter cette motion de rejet. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Vous ne nous avez pas convaincus, madame Louwagie. Vous avez fait de beaux efforts, mais nous avons l’impression de ne pas avoir lu exactement le même texte. En fait, vous l’avez sûrement lu avec des yeux qui ne sont pas très objectifs. Contrairement à ce que vous prétendez, une cohérence apparaît dans ce texte, cela a été dit par les orateurs précédents : une cohérence avec le PLFR examiné la semaine dernière. Le texte aujourd’hui soumis à notre examen vient compléter pleinement et de manière cohérente le dispositif effectivement sans précédent qu’il établit en faveur de nos entreprises, qui en ont bien besoin.

Ce pacte poursuit trois objectifs majeurs. Le premier est que nos entreprises retrouvent leur compétitivité, une compétitivité aujourd’hui perdue.

Mme Véronique Louwagie. Pourquoi a-t-elle été perdue ?

M. Michel Issindou. La compétitivité, c’est synonyme de croissance et de création d’emplois. C’est ce que nous recherchons, c’est l’objectif numéro un. Cela se traduira, vous l’avez entendu de la bouche des rapporteurs et des ministres, par une baisse progressive des cotisations jusqu’à 1,6 SMIC, par un SMIC à zéro charge, ce qui est une nouveauté, par des allégements des cotisations des indépendants, par la suppression progressive de la C3S qui est un impôt assez ridicule, finalement, puisque c’est un prélèvement sur le chiffre d’affaires, qui ne reflète pas du tout le bénéfice. Voilà donc des mesures en faveur des entreprises, et non des patrons, comme on l’entend parfois, ces entreprises qui créent de l’emploi dans ce pays et dont nous avons tous envie qu’elles recommencent à en créer le plus vite possible.

Nous voulons aussi en finir avec les déficits de la Sécurité sociale. Ce sont des déficits insupportables, que vous n’avez fait qu’accroître. Pendant les dix dernières années, c’est vous qui les avez creusés, au point qu’ils ont atteint 28 milliards d’euros. En 2014, ils seront de 10 milliards. Considérez l’effort accompli, il est réel, il est significatif ! Il s’est traduit par une réforme des retraites, que nous avons renflouées et que nous espérons avoir sauvées alors qu’elles étaient au bord de l’asphyxie parce que vous n’aviez pas pris les bonnes mesures en 2010.

Nous n’oublions pas non plus les plus démunis, auxquels le pacte de solidarité redonnera du pouvoir d’achat, selon des mesures qui ont été énumérées. Au total, 5 millions de salariés et 2,2 millions de fonctionnaires en bénéficieront.

C’est donc un pacte équilibré et cohérent. Nous avons tout intérêt à entrer dans le vif du sujet aujourd’hui pour l’adopter le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Isabelle Le Callennec. Avec ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative, le Gouvernement annonce une baisse du coût du travail. Enfin ! Vous semblez admettre vos erreurs de début de quinquennat, que notre groupe UMP n’a cessé de dénoncer : le matraquage fiscal des ménages et des entreprises, le détricotage de toutes les mesures prises par vos prédécesseurs, vous venez enfin de comprendre que c’était une erreur !

Comme nous ne donnons pas dans les postures, monsieur le rapporteur, ni dans la mauvaise foi, nous voterons les trois premiers articles de ce texte, qui visent en effet à abaisser le coût du travail. En revanche, pour le reste, nous avons une crainte majeure qui tient au flou des mesures annoncées et à leur report dans le temps. Il n’est ni honnête ni responsable, madame la ministre, d’annoncer des baisses de cotisations et de contributions sans annoncer ce qui sera concerné ni où seront prises les mesures d’accompagnement.

M. Philippe Vitel. Eh oui !

Mme Isabelle Le Callennec. Ce texte vient prouver une nouvelle fois que le Gouvernement a des difficultés à tenir ses engagements en matière de maîtrise des dépenses, puisque le solde des branches de la Sécurité sociale est dégradé par rapport aux objectifs du PLFSS pour 2014. Enfin, le seul fait de ne pas revaloriser les retraites de 6,5 millions de retraités est inacceptable, sans compter qu’on ne sait toujours pas, après vous avoir écoutée, madame la ministre, quel sort vous allez réserver aux allocations logement.

Pour toutes ces raisons, bien évidemment, le groupe UMP votera la motion de rejet excellemment défendue par Véronique Louwagie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI avait indiqué, par la voix de Jean-Louis Borloo s’exprimant à la tribune, qu’il se voulait une opposition constructive et qu’il attendait que le Gouvernement propose, dans son pacte de responsabilité et de solidarité, des mesures emblématiques, fortes et rapides. Mais ce pacte de responsabilité et de solidarité, on en attend toujours un peu le détail ! En matière de responsabilité, et surtout de pouvoir d’achat et de compétitivité des entreprises, qui sont des questions urgentes, le présent texte est tout de même loin d’être à la hauteur puisque toutes les mesures annoncées ou quasiment sont repoussées à janvier 2015. Elles avaient été annoncées pourtant à grand renfort de télévision par le Président de la République en 2013, et le Premier ministre avait encore récemment confirmé cette orientation en annonçant que les marges des entreprises étaient au plus bas. Est-ce de la responsabilité que de reporter à 2015 des mesures qui devraient être prises immédiatement ? Je n’en suis pas sûr.

Deuxième manifestation de responsabilité, ou peut-être plutôt d’irresponsabilité, le texte est fondé sur un taux de croissance de 1 % alors que l’INSEE parlait il y a quelques jours de 0,7 %… Encore une fois, le fondement du calcul du Gouvernement est déjà mis à mal par un organe de l’État lui-même.

Et puis bien sûr, ce qui manque, dans ce texte, c’est le financement. On nous annonce des baisses de charge, mais on ne sait pas comment le Gouvernement compte les financer. Il nous renvoie au PLFSS que nous étudierons à l’automne, mais justement : pourquoi donc ne pas avoir attendu ce projet à l’automne, puisque tout dans le présent texte est repoussé à 2015 ? On y aurait vu un peu plus clair !

Dernier point : à l’heure où la Cour des comptes déplore un manque de réformes structurelles, ce texte n’en comporte aucune. Pire, on supprime des crédits de modernisation de l’hôpital, alors qu’il s’agit là d’une nécessité impérieuse.

Quant à la solidarité, où est-elle, quand on gèle les prestations sociales des plus faibles ?

Alors, un pacte de responsabilité et de solidarité ? Que nenni, que nenni ! Vous vous doutez bien que le groupe UDI votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous examinons en séance le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative. Notre commission des affaires sociales a auparavant auditionné les trois membres du Gouvernement concernés : la ministre des affaires sociales, le ministre des comptes publics et le secrétaire d’État au budget. Puis elle a examiné les soixante-dix amendements déposés par les différents groupes, chers collègues… qui sont devenus près de deux cents pour cette séance. Cette inflation a de quoi inquiéter, ou rassurer, selon que l’on est assis d’un côté de l’hémicycle ou de l’autre.

Alors que nous examinons habituellement en séance le texte issu des travaux de la commission, pour les textes budgétaires nous devons reprendre le texte initial soumis par le Gouvernement. En principe et en vertu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les amendements adoptés en commission seront repris par le rapporteur. En l’occurrence, je pense à la suppression du gel de l’allocation de logement familiale ou à l’obligation de compenser intégralement les baisses de charges dès le budget 2015. J’espère qu’il se dégagera ici comme en commission une majorité pour imposer cela au Gouvernement.

Alors, quelles sont les mesures phares de ce projet de loi ? Des mesures de baisse du coût du travail. Enfin ! Après avoir chargé les entreprises de 30 milliards d’euros d’impôts, cotisations et autre taxes pendant deux ans, après avoir privé les ouvriers et les employés de leurs heures supplémentaires défiscalisées, vous semblez revenir à la raison. Il est temps, car le bilan du président Hollande est catastrophique : hausse du chômage, baisse du pouvoir d’achat, perte de confiance des acteurs économiques. Ces derniers n’en peuvent plus des annonces non suivies d’effet, à l’instar des organisations patronales, qui menacent de ne pas participer à cette opération de communication d’envergure, une de plus, renouvelée chaque année : la conférence sociale.

Alors, oui à la baisse des cotisations salariales et patronales, oui à la baisse des cotisations des travailleurs indépendants, mais ayez l’honnêteté de reconnaître que le détricotage systématique des politiques de vos prédécesseurs en faveur de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d’achat des salariés, détricotage auquel vous vous êtes livrés sans merci en arrivant aux affaires, était une erreur qui coûte cher.

J’en veux pour preuve le fait la croissance reprend partout en Europe, sauf dans notre pays. L’objectif de 1 % ne sera pas atteint, vous le savez parfaitement. C’est pourtant la base sur laquelle vous avez bâti votre budget et les budgets rectificatifs. De mauvaises surprises sont encore à craindre. Et s’il n’y avait qu’un seul motif pour appuyer notre demande de renvoi en commission, ce serait celui-là : rectifier le PLFSS 2014 à partir de prévisions réalistes.

Le deuxième motif est à rechercher du côté de la Cour des comptes. Elle a certifié les comptes 2013, vous l’avez dit, madame la ministre, de la totalité des entités du régime général de la Sécurité sociale, avec des réserves sur les branches famille et maladie. La moindre de nos responsabilités collectives aurait dû être d’examiner à l’occasion de la discussion de ce PLFSSR les voies et moyens de lever ces réserves. Encore une occasion manquée de débattre entre nous d’une amélioration de la lutte contre la fraude aux prestations et les erreurs de règlements.

Troisième motif de renvoi en commission : il ne vous a pas échappé qu’aucun de nos amendements n’a été retenu en commission. J’ai bien compris, mais je m’en désole, que la majorité a décidé de s’opposer par principe à tout ce qui pouvait venir de l’opposition, fût-ce constructif.

M. Denis Jacquat. Ce n’est pas bien !

M. Michel Issindou. Vos amendements n’étaient pas bons !

Mme Isabelle Le Callennec. Je ne serai pas cruelle au point de rappeler la liste de toutes les mesures que nous avons dénoncées en son temps, que vous avez maintenues coûte que coûte mais qui s’avèrent impossibles à mettre en œuvre, comme le compte pénibilité, madame la présidente de la commission,…

M. Michel Issindou. Nous avons déjà bien avancé !

Mme Isabelle Le Callennec. …et le contrat de 24 heures, inopérantes, comme les contrats de génération, ou pénalisantes pour l’emploi, comme la hausse des cotisations pour les particuliers employeurs.

Nous aimerions vous convaincre que vous commettrez une faute si vous maintenez le report de la revalorisation des retraites. Vous ne pourrez plus faire croire à personne que vous défendez le pouvoir d’achat des retraités ! Ce matin même, je recevais dans ma permanence une de ces personnes retraitées jusqu’alors non imposable et qui l’est devenue. Du jour au lendemain, on lui demande d’acquitter 500 euros d’impôt sur le revenu : avouez qu’il y a meilleur signal à adresser à des personnes modestes, qui ont travaillé toute leur vie ! Vous affirmez que seulement la moitié des retraités seront concernés par cette non-revalorisation.

M. Michel Issindou. C’est vrai !

Mme Isabelle Le Callennec. Mais cela fait tout de même 6,5 millions de personnes ! Alors, de grâce, écoutez-nous davantage ! Sortez des postures, monsieur le ministre, pour de vrai ! S’il vous plaît, répondez à nos questions !

Nous aimerions, par exemple, disposer d’informations précises sur le financement des baisses de recettes, que vous annoncez sans les détailler. Nous aimerions également connaître les mécanismes que vous imaginez pour compenser la disparition progressive de la C3S, qui interpelle les responsables du régime social des indépendants. Nous aimerions surtout que soient inscrits dans la loi les objectifs pluriannuels de baisse de charges, afin de rassurer les entreprises quant à la durabilité de vos intentions à leur égard.

Mettez-vous à leur place ! Quand elles vous observent, elles voient bien qu’il n’y a pas d’unanimité dans la majorité, et elles se demandent toujours qui aura le dernier mot :…

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. C’est nous !

Mme Isabelle Le Callennec. …ceux qui militent pour simplifier la vie des entreprises qui créent les emplois d’aujourd’hui et de demain, ou ceux qui s’évertuent à exiger toujours plus de contraintes et contreparties, décourageant ainsi ceux qui créent la richesse dans notre pays. Sans richesse, chers collègues, point de redistribution.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce sont les salariés qui créent la richesse !

Mme Isabelle Le Callennec. Exactement : les salariés créent la richesse. Nous sommes tout à fait d’accord, madame Fraysse. Et sans croissance, point de créations nettes d’emplois ni d’optimisation de notre protection sociale.

Madame la ministre, nous aimerions aussi approfondir cette affaire d’effacement pur et simple des 160 millions d’euros du fonds de modernisation des hôpitaux, que vous vous apprêtez à consacrer. C’est impensable, à l’heure où l’on demande des efforts aux établissements hospitaliers en proie à des difficultés financières ! C’est impossible, alors que les députés que nous sommes, toutes tendances confondues, connaissent des hôpitaux qui sollicitent sans succès des financements auprès des agences régionales de santé, pour réaliser des travaux de mise en sécurité, d’extension, ou simplement d’amélioration des conditions de travail des personnels !

Enfin, au-delà du fond, nous aimerions rappeler un épisode de notre débat de mardi soir en commission qui justifie également d’y retourner. Un amendement défendu par Jean-Louis Roumegas était en discussion à l’approche de l’heure du dîner. Il visait à supprimer l’article 9, qui dispose que les pensions des retraités, ceux qui estiment appartenir à la classe moyenne, ne seront pas revalorisées avant octobre 2015, comme cela a été évoqué. Le groupe UMP aurait bien évidemment soutenu cet amendement. Or, recomptant rapidement ses troupes, la présidente de la commission s’est rendu compte que l’amendement risquait d’être adopté, puisque le groupe socialiste était à cet instant minoritaire. On se demande d’ailleurs si ce n’était qu’un hasard… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Denis Jacquat. C’est vrai !

Mme Isabelle Le Callennec. La présidente de la commission a donc levé la séance, sans même procéder au vote, l’annonçant pour la reprise des débats à vingt et une heures quarante-cinq…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’était mon droit !

Mme Isabelle Le Callennec. …afin de pouvoir battre le rappel.

M. Denis Jacquat. La séance du soir a été ouverte à vingt et une heures quarante, le compte rendu en atteste ! M. Bapt n’était même pas présent au moment du vote !

Mme Isabelle Le Callennec. Drôle de conception de la démocratie et du rôle des députés que nous sommes : le Parlement est réduit à une simple chambre d’enregistrement ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Cet épisode malheureux rappelle le passage en force du Gouvernement à l’occasion du débat sur les retraites. Souvenez-vous : l’article 4, qui s’attaquait fortement au niveau de vie des retraités, déjà, avait été supprimé à deux reprises, en séance publique par une majorité de députés de l’opposition bien sûr mais aussi de la majorité, avant d’être rétabli unilatéralement par le Gouvernement.



Ce genre de comportement n’est pas pour nous rassurer. On sent bien que la majorité se fissure, et pour cause : nombre de députés qui ont soutenu le candidat Hollande ont l’impression d’avoir été trompés. Les Français aussi, et ils sont en colère. Chers collègues de la majorité, les résultats désastreux de votre famille politique aux élections municipales et européennes devraient vous faire réfléchir, à tout le moins écouter (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)



M. Jean Launay. Occupez-vous des problèmes de votre propre camp !

Mme Sandrine Hurel. Occupez-vous de vos factures !

M. le président. Veuillez écouter Mme Le Callennec. (Exclamations persistantes.)

M. Jean Launay. Qu’elle s’occupe des comptes du groupe UMP !

M. le président. Monsieur Launay ! Seule Mme Le Callennec a la parole.

Mme Isabelle Le Callennec. …ou, mieux, à entendre moins les tenants de l’immobilisme que les réformistes et ceux qui vous exhortent à lutter efficacement contre la première inégalité de notre société, le chômage.

Voilà, mes chers collègues, exposés en quelques mots les motifs de cette motion de renvoi en commission déposée par le groupe UMP. Ne me faisant guère d’illusion sur l’issue du vote,…

M. Jean Launay. Vous avez raison !

Mme Isabelle Le Callennec. …j’ose à tout le moins espérer qu’après réflexion, vous vous rallierez aux amendements qu’avec mes collègues nous n’allons pas manquer de soutenir, qu’ils viennent de notre côté ou d’ailleurs. Nous, nous ne sommes pas dans les postures, ni dans la mauvaise foi.

Plusieurs députés du groupe SRC. Jamais !

Mme Isabelle Le Callennec. Nous voterons ces amendements dès lors qu’ils nous paraîtront justes.

M. Michel Issindou et Mme Sandrine Hurel. C’est fini ? Aucun applaudissement du groupe UMP ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Au fond, la présentation que vient de faire Mme Le Callennec n’a rien de bien nouveau et je reste assez interloquée devant les contradictions et les incohérences, je reprends ce terme, qui dominent les interventions de l’opposition.

À vous entendre, madame Le Callennec, on a le sentiment que les économies doivent être réalisées ailleurs que là où elles sont proposées.

Mme Isabelle Le Callennec. Celles que vous proposez ne suffisent pas !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous nous donnez des leçons de réformisme, madame la députée, mais permettez-moi de vous renvoyer au bilan des cinq années pendant lesquelles la majorité que vous souteniez était aux responsabilités.

M. Jean-Louis Costes et M. Denis Jacquat. Ça faisait longtemps !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne crois pas que nous ayons de leçons de réformisme à recevoir de la part de parlementaires qui, lorsqu’ils étaient dans la majorité, ont systématiquement fait rimer les termes de responsabilité et de régression sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Que de grands mots !

Mme Isabelle Le Callennec. Sortez des postures !

Mme Marisol Touraine, ministre. Parce qu’au fond, c’est bien cela qui nous distingue. Vous, vous assumez la responsabilité d’engager des économies au détriment des assurés sociaux et des salariés modestes.

M. Philippe Vitel. C’est ce qu’on dit quand on n’a rien à dire !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous étiez moins diserts pour critiquer les politiques que nos concitoyens ont subies au cours du quinquennat précédent consistant à rogner progressivement leurs droits d’assurance maladie ou de retraite. On vous entendait moins lorsque, au nom de la responsabilité, vous réduisiez les droits sociaux d’une partie importante des Français.

Mais aujourd’hui, madame la députée, je ne comprends pas très bien votre ligne. D’un côté, vous expliquez qu’il faut avancer de manière plus ferme sur la voie des économies et du rétablissement des comptes, mais de l’autre, on ne vous trouve jamais au rendez-vous pour accompagner les réformes de structure que nous proposons.

Mme Véronique Louwagie et M. Philippe Vitel. Mais il n’y en a pas !

Mme Isabelle Le Callennec. On les cherche toujours !

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la députée, ce qui vous gêne sans doute le plus, vous et votre groupe, c’est qu’en matière sociale, depuis deux ans que nous sommes aux responsabilités, nous avons engagé l’assainissement des comptes sociaux sans remettre en cause les droits de nos concitoyens mais, au contraire, en créant des droits nouveaux.

Mme Isabelle Le Callennec. Socialiste ne veut pas dire social !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est sans doute cela, madame la députée, la réalité à laquelle vous ne voulez pas être confrontée. J’appelle bien sûr la majorité à rejeter cette motion de renvoi en commission.

M. Jean Launay. Nous le ferons !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame Le Callennec, je veux répondre à une partie de vos interpellations. Vous nous demandez comment nos mesures sont financées.

Mme Véronique Louwagie et M. Philippe Vitel. C’est une vraie question !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous auriez dû assister à nos débats sur le projet de loi de finances rectificative, qui étaient très clairs. Pour la première fois, le Gouvernement met en œuvre en cours d’année une réduction de la dépense publique de 1,6 milliard d’euros, que j’ai eu l’occasion de détailler.

En matière de politique de santé, nous n’avons pas de leçons à recevoir de votre part. Le Gouvernement a décidé un certain nombre de mesures, relatives, par exemple, à l’utilisation des médicaments génériques ou à l’hospitalisation en chirurgie ambulatoire. Quant à la gestion de nos hôpitaux, la situation que nous avons trouvée dépasse l’entendement. Tout à l’heure, un parlementaire qui nous a momentanément quittés faisait appel à un esprit d’unité et de responsabilité. Il serait dès lors utile de dire à nos concitoyens, comme cela a été rappelé à la tribune il y a peu, que la réduction des déficits des comptes sociaux est sans précédent. J’ai entendu tout à l’heure égrener une liste de déficits, mais que ne les avez-vous comparés à ceux que nous avons trouvés ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Isabelle Le Callennec. Encore le coup de l’héritage ! Ça va bien, maintenant !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les déficits des comptes sociaux ont presque été réduits de moitié, mesdames et messieurs les députés : ils s’élèvent aujourd’hui à environ 13 milliards d’euros, contre 24 ou 25 milliards à notre arrivée.

M. Philippe Vitel. Vous n’avez que ce discours à la bouche, mais les Français sont plus intelligents !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il serait peut-être bon, dans un esprit de responsabilité, de souligner un certain nombre de progrès en matière de gestion des comptes sociaux. Que nous divergions sur les moyens, pourquoi pas : mais faisons ensemble le constat que les décisions prises par le Gouvernement ont permis d’amorcer une réduction des déficits substantielle et sans précédent ! Nous ne polémiquons pas, nous nous tournons vers l’avenir. La commission des comptes de la Sécurité sociale a récemment examiné les comptes, mais aussi les projections sur les prochaines années. Il semblerait que nous puissions retrouver l’équilibre au cours de l’année 2017, voire en 2018. Personne n’a contesté ces projections. Je vous invite donc, madame la députée, à souligner plus volontiers les progrès accomplis en matière de réduction des déficits,…

Mme Isabelle Le Callennec. Ça, c’est votre rôle !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …plutôt que de rester dans le déni,…

Mme Isabelle Le Callennec. Non, je ne suis pas dans le déni !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …dans l’alarmisme et, finalement, dans le statu quo. Car, d’un côté vous affirmez que la réforme est urgente et vous nous invitez à faire plus vite, mais de l’autre, quand nous proposons des mesures, vous nous demandez de ne pas les prendre !

Mme Isabelle Le Callennec. Ce n’est pas ce que nous disons ! Nous vous demandons où vous trouverez l’argent !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sans vouloir polémiquer, nous vous invitons, avec beaucoup de responsabilité, à prendre en compte les mesures qui ont été examinées et qui ont fait l’objet d’un consensus social important, même s’il reste encore des divergences et des discussions. Nous sommes à l’aube de l’ouverture d’une grande conférence sociale, et la majorité des partenaires sociaux ont réussi à se mettre d’accord, en dépit des difficultés que l’on rencontre toujours en pareille situation, sur un pacte de responsabilité. Chacun doit donc les prendre, ses responsabilités : il reviendra aux employeurs de négocier, par branche, des accords tenant compte des engagements de chacun, tandis que les organisations de salariés devront consentir à un certain nombre de mesures qui ont été évoquées. Et le Parlement viendrait, par excès pour les uns, par défaut pour les autres, interrompre ce processus ? Non. Malgré les difficultés, nous avançons dans la cohésion sur la voie d’une réduction des charges, tant pour les employeurs que pour les salariés, en vue d’améliorer notre compétitivité…

Mme Isabelle Le Callennec. Cela fait déjà deux ans que nous attendons !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et d’encourager simultanément l’offre et la demande.

Il n’y a donc pas lieu de renvoyer ce projet de loi en commission. À l’instar de la ministre des affaires sociales et de la santé, j’appelle l’Assemblée nationale à rejeter cette motion.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mme Le Callennec a quelque peu mis en cause ma présidence, s’agissant des travaux en commission.

Mme Isabelle Le Callennec. Je n’ai contesté que des faits !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’était qu’une remarque, et je n’en prends d’ailleurs pas ombrage. Mais je rappelle quelles ont été nos conditions de travail : le projet de loi de finances rectificative était examiné dans l’hémicycle en même temps que le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale en commission, et certains collègues de l’opposition comme de la majorité voulaient défendre des amendements à la fois en séance et en commission. Je ne suis pas responsable de ce calendrier, que j’ai subi comme vous.

Mme Isabelle Le Callennec. Il ne faudrait plus que cela se reproduise !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Dès lors, il fallait me montrer respectueuse de chacun, trouver un équilibre permettant à chacun de faire des allers-retours entre la salle de commission et la séance, faute de pouvoir y être simultanément, ce qui est difficile pour un être humain normalement constitué. Le vote a donc eu lieu à 21 h 40, afin que certains collègues puissent y participer. D’ailleurs, quelques minutes plus tard, comme vous étiez convaincus, chers collègues de l’opposition, d’avoir obtenu la majorité des suffrages, j’ai dû passer par la procédure du vote par assis et debout, qui me semble assez ridicule mais qui avait déjà été utilisée par Pierre Méhaignerie : le résultat était clair et vous était défavorable.

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion, la parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Louis Touraine. Nul besoin de rappeler le caractère particulièrement dégradé de la situation économique et financière et sociale dont la majorité a hérité en 2012 : une croissance à l’arrêt, un niveau de dette publique considérable et sans précédent, un taux de chômage en forte augmentation et des inégalités résultant d’une décennie de mesures fiscales favorables aux plus aisés.

Depuis l’été 2012, la majorité mène un effort inédit de réduction des dépenses publiques.

M. Michel Issindou. C’est vrai !

M. Jean-Louis Touraine. Mais le Premier ministre a annoncé, lors de son discours de politique générale, qu’il fallait aller plus vite et plus fort. Le pacte de responsabilité et de solidarité voulu par le Président de la République répond à cette demande forte de nos concitoyens : un effort sans précédent en faveur de l’emploi et de la relance de la croissance.

Dans ce contexte, le groupe socialiste soutient pleinement la démarche en faveur de la compétitivité des entreprises qui permet d’alléger les cotisations et les charges tout en protégeant nos concitoyens les plus modestes. C’est un pacte fort, qui rétablira la confiance avec les diverses forces productives du pays. Son but : baisser le coût du travail pour relancer l’emploi, l’investissement et la production.

Le projet de loi de finances rectificative, examiné la semaine dernière, et le présent projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale prévoient des allégements de charges, effectifs dès le début de l’année 2015 et prioritairement ciblés sur les petites et moyennes entreprises. Il ne s’agit là que d’une première étape : la dynamique du pacte de responsabilité sera amplifiée par les prochaines lois de finances. À terme, les allégements de charges, conjugués aux effets du CICE, représenteront un effort annuel de 30 milliards sur le coût du travail.

Nous avons choisi de préserver les revenus des plus modestes, particulièrement ceux des personnes en situation de pauvreté ou de précarité. Ne sont ici concernés ni le revenu de solidarité active, ni le plan de lutte contre la pauvreté. De plus, conformément aux engagements du Premier ministre, les petites retraites ne sont pas concernées par l’absence de revalorisation. Personne ici ne sous-estime l’effort que représente cette mesure, mais je rappelle que nous avons déjà eu plusieurs fois l’occasion de soutenir le pouvoir d’achat des retraités, à travers la double revalorisation du minimum vieillesse, l’augmentation de 50 euros de l’aide à la complémentaire santé pour les plus de soixante ans ou la revalorisation des petites retraites agricoles, cela lors de la réforme des retraites.

Les efforts demandés par ce PLFRSS sont au service d’un objectif qui doit tous nous rassembler : la pérennité de notre modèle social. Les chiffres du chômage publiés la semaine dernière nous renvoient à nos responsabilités. Nous devons sortir de cette crise économique, et nous y parviendrons, grâce à l’action de l’actuel gouvernement. Plutôt que de proposer un retour en commission, je vous exhorte à assumer ce débat, pour l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Véronique Louwagie. Je commencerai par une remarque de forme. Soixante-dix amendements ont été déposés en commission, et un peu plus de deux cent en séance : l’écart est de taille ! En définitive, deux tiers de ces amendements n’auront pas fait l’objet d’échanges en commission. À soi seul, ce constat mérite que nous adoptions cette motion de renvoi en commission.

M. Denis Jacquat. Tout à fait !

Mme Véronique Louwagie. J’en viens aux remarques sur le fond. Premièrement, l’article 9 prévoit un gel de la revalorisation des retraites. Dans un premier temps, ce gel devait durer six mois, du 1er avril au 1er octobre 2014. Vous prévoyez désormais de le prolonger d’un an, jusqu’au 1er octobre 2015. Au total, ce sont dix-huit mois de gel qui vont affecter la moitié des retraités.

J’ai bien entendu la manière dont la présidente de la commission des affaires sociales a justifié le déroulement des travaux sur l’amendement de suppression de cet article 9. En toute honnêteté, la majorité a eu un doute sur les motifs qui ont conduit à une suspension de séance – mais tout cela fait partie du jeu parlementaire. De tels doutes s’étaient déjà fait jour en octobre dernier, lors de l’examen du gel de la revalorisation des retraites pendant six mois.

Ce serait donc rendre service à la majorité que d’adopter cette motion de renvoi, afin d’examiner à nouveau cet article 9.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous êtes trop bonne !

Mme Véronique Louwagie. De surcroît, ce PLFRSS repose sur une hypothèse de croissance de 1 % pour 2014, alors que l’INSEE a publié le 24 juin une prévision à 0,70 %. Ce n’est pas sérieux ! Tous ces éléments justifient donc de renvoyer ce texte en commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce ne sera pas la première fois que l’INSEE se trompe !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Je n’avais pas prévu de prendre la parole, mais après tout, nous avons le temps, puisque ce projet de loi ne sera appliqué qu’à partir de 2015 : il nous reste encore six mois pour en discuter !

Premièrement, je regrette que les documents que nous examinons en commission ne nous soient parvenus que tardivement, notamment le document « pastillé ». Cela a perturbé notre travail d’élaboration des amendements.

Deuxièmement, comme vient de le dire Mme Louwagie, l’INSEE a revu à la baisse sa prévision de croissance, à 0,7 %. Le présent projet de loi doit donc être revu par le Gouvernement. À défaut, la commission pourrait s’y atteler et envisager de nouvelles économies, à l’heure où l’Europe nous demande de remédier au dérapage de notre déficit. Lorsqu’un organisme relevant de l’État tel que l’INSEE émet un signal d’alerte, il est important d’en tenir compte, même si cela se produit en même temps que l’examen d’un texte. Le renvoi en commission n’est donc pas une mauvaise idée.

Enfin, ce renvoi permettrait d’examiner sereinement les amendements, puisque beaucoup de nos collègues n’étaient pas présents en commission – en raison d’un match de foot ? Mais compte tenu de l’importance du pacte de responsabilité et de solidarité pour le Gouvernement, il est important de renvoyer le texte en commission, afin qu’il soit examiné par l’ensemble de nos collègues. Le groupe UDI votera donc cette motion.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, dans la situation économique difficile à laquelle nous sommes confrontés, nous devons nous attacher à redresser les finances publiques et à combler du mieux possible nos déficits. Nous le devons à nos concitoyens, à notre jeunesse et aux générations futures.

Toutefois, nous ne pouvons ignorer que s’attacher à l’organisation de finances saines peut engendrer, pour certaines catégories professionnelles de notre pays, des situations complexes et délicates. Le contexte appelle un effort généralisé de solidarité et il est de notre responsabilité de maintenir une cohésion sociale et nationale, indissociable de notre socle républicain, en proposant des mesures équitables.

À l’instar du projet de loi de finances rectificative présenté en conseil des ministres le 11 juin dernier, ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des premières mesures du pacte de responsabilité et de solidarité. Ces mesures doivent comporter notamment des baisses ciblées de prélèvements, voire des exonérations en faveur des catégories sociales les plus modestes et des entreprises.

Comme l’a souligné Mme la ministre, quand la gauche est arrivée aux responsabilités en 2012, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse atteignait près de 21 milliards d’euros. Pour rappel, en 2013, il a été réduit à 15,4 milliards. Avant la fin de cette année, il devrait être encore revu à la baisse, à 13,3 milliards. Ces chiffres sont encourageants.

En outre, permettez-moi de redire à cette tribune la satisfaction du groupe RRDP sur la question de la revalorisation des retraites. À la suite de la demande de son président, Roger-Gérard Schwartzenberg, les retraités les plus modestes, percevant des pensions inférieures à 1 200 euros mensuels, ne seront pas affectés par le décalage de la valorisation des retraites. N’est-il pas de notre devoir et de notre responsabilité de ne pas voir s’aggraver la précarité des plus démunis ? Il l’est, en effet, et cette disposition y contribue.

Quant à l’allégement des cotisations patronales et à la baisse du coût du travail pour les salaires entre 1 et 1,6 SMIC, nous estimons que cette mesure, ciblée sur les bas salaires, est de nature à relancer l’économie et à participer à la création d’emplois.

Il est indiqué dans l’exposé des motifs de l’article 2 du présent projet de loi que les cotisations personnelles des travailleurs indépendants et des exploitants agricoles seront réduites de 3,1 points pour les cotisants dont les revenus sont inférieurs à un seuil fixé par décret. Le groupe RRDP a pris acte de cette disposition, mais souhaite obtenir des précisions sur le montant de ce seuil.

En outre, nous suivrons avec attention les débats sur la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, objet de l’article 3. La C3S ne s’appliquera plus qu’à une société sur trois dès 2015 et sera définitivement supprimée pour tous les redevables en 2017. Cette disposition pourrait remplir son objectif de favoriser la compétitivité des entreprises en privilégiant à la fois la baisse de charges sur la production et la prise en compte d’un marché concurrentiel international.

J’entends les revendications des uns et des autres au sujet de la suppression de la C3S. Chacun a, certes, des arguments qui lui semblent justifiés. Les débats permettront de nous éclairer.

Les économies sur l’ONDAM portent pour un tiers sur l’hôpital et pour deux tiers sur les soins de ville, principalement les médicaments et les indemnités journalières. Je tiens à saluer les efforts fructueux en matière de réduction de l’ONDAM : il s’agit d’un point extrêmement positif.

J’aimerais enfin attirer l’attention sur le gel des prestations sociales. Comme l’a indiqué le Conseil d’État, les gels qui ne trouveraient à s’appliquer qu’en 2015 et qui ne seraient pas pérennes ne peuvent être inscrits dans un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative. Ces gels relèvent en effet d’une question d’ordre technique, et non constitutionnel.

Mais je ne doute pas que le gel des prestations sociales revienne dans les débats prochainement, et, si des amendements sont proposés, il nous faudra, là encore, nous montrer très attentifs à ce que ne soient pas pénalisés les plus modestes, les plus fragiles. Notre groupe y veillera, afin que soit conduite une politique sociale et solidaire qui prévoit que les efforts demandés soient répartis de la façon la plus équitable possible.

Je me félicite de l’adoption en commission d’un amendement déposé par notre groupe et portant création d’un article additionnel. En effet, l’article 56 de la loi n2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité Sociale pour 2014 organise un dispositif de mise en concurrence visant à sélectionner les contrats proposés par des organismes complémentaires de santé, à savoir les mutuelles, les instituts de prévoyance ou les compagnies d’assurance, ce qui aura pour effet de donner le droit à l’utilisation de l’aide à la complémentaire santé.

Notre amendement précité vise à exclure de ce dispositif les contrats complémentaires de santé qui nous apparaissent revêtir un caractère discriminant et exclusif, en ce qu’ils imposent des limites d’accès, notamment liées à l’âge. Je pense que tout motif d’exclusion, en particulier ceux inhérents à l’âge, doit être rejeté.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous avez raison.

Mme Gilda Hobert. Je tiens à remercier ici Mme la présidente de la commission des affaires sociales ainsi que M. le rapporteur.

Pour conclure, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je réitère la volonté du groupe des radicaux de gauche et apparentés d’être particulièrement vigilant sur l’évolution des débats et la discussion des amendements.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014, joint à la loi de finances rectificative qui vient d’être adoptée, met en application le pacte dit « de responsabilité et de solidarité » auquel nous sommes fermement opposés.

Nous ne l’avons pas voté parce que nous considérons qu’il ne peut pas permettre de résoudre la crise que nous traversons, et qu’il contribue même à l’aggraver. Malheureusement, tout confirme cette analyse : l’activité économique recule – l’INSEE confirme que les ménages ont moins consommé –, et, avec plus de 3,338 millions de chômeurs, les chiffres publiés jeudi dernier par le ministre du travail sont parmi les plus mauvais jamais connus.

Vous êtes engagés sur une voie catastrophique : celle qui consiste à imposer toujours plus de contraintes aux plus modestes, tout en distribuant l’argent public aux entreprises sans discernement, sans contrôle et sans contrepartie.

Pourtant, je le répète, nous avons du recul et beaucoup d’expérience, pour mesurer le fait que l’exonération des cotisations sociales patronales n’a pas enrayé la montée du chômage. Pas plus, d’ailleurs, que les 20 milliards d’euros votés ici même en janvier 2013 – soit depuis plus d’un an et demi maintenant – dans le cadre du crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE, au bénéfice de toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, leur santé financière, leur politique d’investissement et de création d’emploi, et la façon dont elles se comportent avec leurs salariés, notamment en termes de formation ou de politique salariale.

Le rapport 2013 du comité de suivi du CICE est édifiant : cette manne financière bénéficie majoritairement aux entreprises du secteur du commerce, dont tout le monde mesure ici bien sûr leur investissement dans la recherche. Elle bénéficie également à celles, je cite, « dont la distribution des salaires est plus centrée vers des rémunérations moins élevées ». Selon le journal Les Échos, Carrefour a déjà touché 125 millions d’euros au titre du CICE depuis la création du dispositif, et dans le même laps de temps, selon plusieurs sources, cette entreprise a multiplié par six les dividendes qu’elle a distribués à ses actionnaires.

C’est donc confirmé : les effets de cette politique sont à l’inverse des objectifs affichés et l’argent public ainsi distribué va davantage dans la poche des actionnaires qu’à la relance de notre économie. Mais peu importe, même face à cette évidence, vous ne changez pas votre stratégie, vous ne l’infléchissez même pas ; au contraire, avec la loi de finances rectificative et ce PLFSS rectifié, vous l’accentuez.

Pourtant vos propres services ne croient pas aux bénéfices du pacte de responsabilité et de solidarité. Ainsi, les prévisions les plus optimistes envisagent-elles 190 000 créations d’emplois grâce aux baisses de cotisations, quand le ministère des finances indique que les 50 milliards d’euros d’économies prévus par le programme de stabilité auraient, pour leur part, je cite, « un impact négatif sur la croissance de 0,7 % par an en moyenne entre 2015 et 2017, et pourraient entraîner la suppression de 250 000 emplois à l’horizon 2 017 ». Un chiffre à rapprocher des 190 000 créations imaginées et prévues.

Nous ne voyons pas, franchement, d’autre intérêt à ce pacte, qui conduit notre pays droit dans le mur, que celui de se soumettre au diktat de Bruxelles, quelles qu’en soient les graves conséquences, telles que nous avons pu les constater en Grèce, au Portugal ou en Espagne.

Ainsi ce texte propose-t-il, pour les employeurs, de nouveaux allégements de cotisations sociales patronales, dont l’Urssaf et les ATMP, concernant les salaires les plus bas, compris entre le SMIC et 1,6 SMIC, pour un montant de 4,5 milliards d’euros qui manqueront dans les caisses de la Sécurité sociale. Alors que ces exonérations devaient donner lieu à des discussions, dans les branches professionnelles, entre les organisations syndicales et les organisations patronales pour définir des axes d’orientation des économies réalisées par les entreprises, aujourd’hui seules 24 branches sur les 700 régies par des conventions collectives ont ouvert ces négociations. Au point même que le secrétaire général de la CFDT, pourtant favorable à la logique du pacte, a dénoncé l’attitude du MEDEF. Mes chers collègues, comment s’en étonner ? Si aucune contrainte n’est exigée du patronat, pourquoi donnerait-il des gages ? Car les chefs d’entreprise philanthropes sont finalement assez rares…

Autre mesure en faveur des employeurs : la diminution des cotisations d’allocations familiales de 1,8 point, portant sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC. Une mesure que vous prévoyez d’élargir encore, dès 2016. Vous osez même diminuer les cotisations couvrant les risques liés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, encourageant ainsi les entreprises à négliger davantage la santé et la sécurité des salariés qu’elles emploient.

En faveur des employeurs, toujours, ce texte propose encore la suppression progressive d’ici à 2017, date de sa suppression totale, de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, au taux de 0,16 %. Elle est actuellement acquittée par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 760 000 euros. Ce sont encore 6 milliards de recettes en moins pour les caisses de l’État ! Vous ne proposez même pas de moduler cette mesure par des taux différenciés selon la taille de l’entreprise, ce que nous proposerons par voie d’amendement, pour épargner les très petites entreprises, mais maintenir la contribution des grandes.

Voilà pour les moyens financiers nouveaux consentis au grand patronat, et qui viendront s’ajouter aux milliards déjà versés, sans effet, je le répète, sur la relance économique et l’emploi qui continue de se dégrader.

Venons-en aux mesures concernant les salariés, les retraités, les familles : pour eux, ce ne sont pas des augmentations de leurs moyens, ce sont des baisses que contient ce texte ! Eh oui, « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », disait La Fontaine – « les décisions prises vous seront avantageuses ou défavorables », pourrions-nous dire aujourd’hui.

Il s’agit en effet de suspendre la revalorisation des pensions de retraite dont le montant est supérieur à 1 200 euros par mois. Une mesure qui touche 8 millions de personnes, soit près de la moitié des retraités. Vous appliquez la même punition aux allocations de logement familial, qui concernent près d’1,3 million de familles, modestes évidemment, par définition. Et vous prévoyez, en plus, de geler dès 2015 la revalorisation des pensions d’invalidité, ainsi que des prestations familiales, ce qui représente en tout plus de 1,8 milliards d’euros ponctionnés sur le pouvoir d’achat de ces personnes, de ces familles aux faibles revenus.

Quant à la baisse des cotisations sociales salariales, que vous présentez comme une importante augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs les plus modestes – puisqu’elle concerne les salaires compris entre le SMIC et 1,3 fois le SMIC –, elle est destinée à « faire passer la pilule » de toutes les largesses que je viens de décrire pour les entreprises.

Ainsi, l’amélioration apparente du salaire net en bas de la feuille de paye donnera au salarié, certes, l’illusion qu’il disposera de davantage de moyens… Jusqu’au moment où il mesurera les effets cumulés du gel de la revalorisation des pensions de retraite, des aides au logement, des pensions d’invalidité et des prestations familiales, auxquels s’ajouteront évidemment la diminution des remboursements pour les maladies, et autres dépenses de santé, ainsi que l’augmentation des cotisations d’assurance complémentaire. Eh oui mes chers collègues, la réalité c’est celle-là ! Il s’agit bien d’un leurre, que personne ne s’y trompe !

Nous aurons évidemment à en reparler sous peu, car cette mesure engendre, de surcroît, une nouvelle diminution des ressources pour la protection sociale. Tout le monde se demande : comment au bout du compte, allez-vous compenser tout ça ? Quels autres budgets allez-vous diminuer ? Quels services publics seront encore touchés ?

Vous nous demandez de nous prononcer sur ce texte sans nous donner le début d’une explication sur ces points, pourtant essentiels pour nos concitoyens. Votre obstination dans des choix politiques qui conduisent notre pays à la catastrophe est extrêmement préoccupante au point que même dans vos rangs – et c’est heureux – des hommes et des femmes s’indignent. Ici même, des députés de votre groupe ont le courage mais surtout la lucidité de contester ces choix.

Lorsque le Premier ministre, M. Valls, dit que la gauche risque de mourir, il n’a pas tort. Mais ce qu’il oublie de dire, c’est que c’est lui le fossoyeur de la gauche, par sa surdité à toutes ces alertes, son indifférence aux préoccupations des classes moyennes, aux cris d’alarme des salariés, des chômeurs, et des personnes en grande difficulté.

Non, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous ne voterons pas ce texte. Non pas pour mettre délibérément le Gouvernement en difficulté, comme l’envisagent avec plaisir nos collègues de droite ; mais dans le but de mettre un coup d’arrêt à ces choix qui mènent tout droit à l’échec.

M. le président. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour débuter mon propos, je souhaite rappeler le constat de la commission des comptes de la Sécurité sociale qui confirme les premiers résultats de la politique de réduction des déficits sociaux menée par le Gouvernement depuis deux ans : de 17,4 milliards d’euros en 2011, le déficit du régime général a été ramené à 13,3 milliards d’euros en 2012 et 12,5 milliards d’euros en 2013.

Je veux indiquer, ici encore, combien cette politique marque une véritable rupture avec la période précédente, celle des années Sarkozy, qui a vu l’accroissement des déficits tout au long du quinquennat, des déremboursements massifs pour les assurés, ainsi que le démembrement et la fragilisation de notre système de santé en général, et de l’hôpital public en particulier.

Rompant avec une décennie de stigmatisation des personnes en situation de précarité, notre gouvernement a affirmé avec force l’impératif républicain d’accompagner vers l’autonomie les personnes qui en ont besoin et ne souhaitent qu’une chose : s’en sortir par elles-mêmes et retrouver le chemin de l’emploi.

Alors que les inégalités entre les plus riches et les plus précaires s’accroissent, alors que les conséquences sociales de la crise économique se font durement ressentir, la responsabilité de l’État et de ses partenaires est de promouvoir la solidarité, indispensable pilier de notre système de protection sociale. Aussi, il nous appartient de garantir le financement d’un haut niveau de protection sociale en adaptant ses ressources à la nature des risques couverts et en tenant compte des contraintes économiques comme des effets de la crise économique.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les mesures de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale visent à accompagner la transformation de notre système productif et à favoriser une économie orientée vers l’emploi. Elles s’inscrivent dans le cadre des orientations définies par le Président de la République et le Gouvernement dans le pacte de responsabilité et de solidarité.

Comme l’ensemble des élus socialistes, j’estime que les aides importantes consenties aux entreprises, dans le cadre de ce pacte, doivent s’accompagner de contreparties permettant, à terme, la création d’emplois. Force est de constater que l’attitude des instances nationales, du MEDEF en particulier, dans les négociations de branche sur les contreparties du pacte de responsabilité, est loin d’être aujourd’hui à la hauteur de nos attentes compte tenu de l’effort important engagé en direction des entreprises. La restauration de la confiance est l’une des clés de notre réussite.

La compétitivité de nos entreprises est aujourd’hui un objectif largement partagé. De même, une majorité de Français qui, depuis plusieurs années, ont consenti à de lourds efforts, partage l’objectif de réduction des déficits.

L’équilibre est délicat. Il nous faut veiller à soutenir le plus possible le pouvoir d’achat des classes moyennes et des catégories populaires afin que la demande intérieure puisse se maintenir à un bon niveau.

Comme le soulignent de nombreux économistes, les politiques de baisse de cotisations des entreprises, surtout en période de faible croissance, ont une incidence limitée, à court terme, sur les créations d’emplois. Le débat qui s’engage, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, doit nous permettre de lever quelques incertitudes sur ce point.

À l’issue des travaux de la commission des affaires sociales et des discussions entre notre rapporteur et le Gouvernement, je souhaite que nous confirmions les avancées obtenues, notamment sur la question de l’allocation logement à caractère familial prévue à l’article 9 du projet de loi. En effet, le logement constitue aujourd’hui le premier poste de dépenses des ménages. Ces dépenses sont en progression rapide et constante et évoluent beaucoup plus vite que les revenus.

Je souhaite également que cette discussion permette de lever quelques doutes qui subsistent, concernant notamment la branche AT-MP. Comme l’ont rappelé à juste titre mes collègues Gérard Sebaoun et Denys Robiliard en commission, son financement a un caractère spécifique, en ce que cette branche obéit à une logique assurantielle. Elle participe ainsi à la prévention et à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il est avéré que les cotisations des entreprises ont une efficacité en matière de prévention. Il me semble donc important que les mesures envisagées permettent de maintenir un niveau efficace de prévention de ces risques pour les salariés.

Enfin, je souhaite que nos échanges nous permettent de limiter encore l’incidence de certaines mesures sur le pouvoir d’achat des retraités, afin d’assurer des revenus stables à ceux qui ont cotisé toute leur vie.

Pour conclure, face à une crise qui perdure et un chômage de masse qui s’ancre, il nous faut réinventer un nouveau modèle. Pour cela, nous avons besoin de l’ensemble des forces vives. Nul ne détient la vérité. Les territoires qui ne manquent pas de talents se sont engagés dans cette dynamique. La jeunesse n’attend qu’une chose : qu’on lui fasse confiance pour créer, innover et réenchanter le rêve français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs des groupes RRDP et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la décision de geler les prestations sociales dans le cadre de la maîtrise des dépenses est extrêmement surprenante dans ce PLFSSR pour 2014.

Tout d’abord, pour une très grande partie des retraités, ce gel marque un nouveau report, qui porte la non-revalorisation de leurs pensions de six mois à dix-huit mois, portant une nouvelle fois atteinte à leur pouvoir d’achat. Depuis deux ans, celui-ci baisse régulièrement, et à la vitesse grand V. Les petites retraites, ce ne sont pas seulement les pensions inférieures à 1 200 euros !

Le Gouvernement devant renoncer, pour des raisons purement juridiques, à sa volonté de ne pas revaloriser les allocations familiales, logement et invalidité, on peut penser, après vous avoir lus et écoutés, madame la ministre et monsieur le secrétaire d’État, que ces mesures, incompréhensibles, se retrouveront dans le PLFSS 2015. Cela serait une erreur.

À ce propos, le plan d’économies prévoit de geler pendant un an les prestations d’invalidité et les rentes versées aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Cela est inadmissible. Il convient de « dégeler » immédiatement ces prestations immédiatement car les personnes concernées seraient victimes d’une double peine.

Je tiens à rappeler que des personnes très modestes sont entrées dans l’impôt sur le revenu en 2012 et 2013 ou risquent d’y entrer cette année, non parce que leurs revenus ont augmenté, mais en raison de la politique fiscale du Gouvernement. Ces personnes, je le répète, très modestes, doivent encore être exonérées de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle.

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait.

M. Denis Jacquat. Il se dit que le problème est réglé. On peut en douter. Il faudrait le confirmer publiquement de nouveau car si je suis un peu comme Saint Thomas qui voulait voir, je suis également ORL… et veux donc entendre. (Sourires). Vous comprendrez que j’adore la phrase de Mme Martine Aubry : « Quand c’est flou, il y a un loup ».

Enfin, deux mesures de ce PLFSSR posent structurellement problème. La baisse des cotisations retraite de certains salariés et fonctionnaires est audacieuse, au moment où l’assurance vieillesse est en très grande difficulté financière.

Quant à la disparition, à terme, de la C3S, elle va priver progressivement le RSI d’une recette de base, pour ne pas dire essentielle. L’adossement prévu à la CNAMTS sur le modèle de la CCMSA va accentuer encore davantage le déficit de la CNAMTS.

En conclusion, sur ces différents points extrêmement importants, vitaux pour les catégories de personnes concernées, pouvez-vous m’indiquer, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement compte revoir sa copie ? Je vous ai bien entendu tout à l’heure exprimer votre souhait qu’il n’y ait pas de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’examen de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, exercice inhabituel, puisque ce n’est que la deuxième fois qu’un tel texte est soumis à l’examen du Parlement depuis que le budget de la sécurité sociale fait l’objet d’une loi de financement.

À dispositif exceptionnel, contenu exceptionnel : c’est ce que nous étions tentés de croire avant de prendre connaissance des dispositions que contient votre texte. Mais la lecture de ce projet de loi s’est vite révélée décevante.

Ce constat est d’autant plus désolant pour le groupe UDI qu’il avait accueilli, avec une exigence mêlée de bienveillance, la philosophie générale du pacte de responsabilité, dont le Premier ministre nous avait exposé les grands traits. Le groupe UDI est toujours disposé à dépasser les luttes partisanes dans l’intérêt général de notre pays. C’est en effet l’un des principaux messages que nos compatriotes nous ont adressés à travers le cycle électoral de ce printemps : les Français veulent que l’action publique retrouve son efficacité. Ils ne veulent plus de ces effets d’annonce sans lendemain qui dévalorisent définitivement la parole politique. Ils veulent des engagements fermes sur des politiques concrètes donnant des résultats tangibles.

Or, à peine trois mois après la déclaration du Gouvernement sur le programme de stabilité, où est donc passée l’ambition de diminuer la dépense publique par des réformes de structure ? Où est passée la volonté de rendre des marges de compétitivité à nos entreprises et des marges de progrès au pouvoir d’achat de nos compatriotes ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Lisez le projet de loi !

M. Francis Vercamer. Où est passée la volonté affichée de redonner confiance dans la parole publique, d’en susciter l’envie et de répondre plus efficacement, plus rapidement aux attentes de nos concitoyens ?

Où est la volonté mais surtout, où sont les actes concrets ?

En réalité, pour le groupe UDI, ce texte relève du triple A : A comme aveu, A comme ambiguïté, A comme absence. Aveu des erreurs de politique fiscale commises ces deux dernières années, ambiguïté des mesures correctrices proposées dans ce projet de loi, et absence des réformes structurelles qui auraient pu y être attachées.

Ce projet de loi résonne d’abord comme l’aveu des erreurs lourdes de politique économique et fiscale commises au début du quinquennat, qui hypothèquent désormais durablement le retour de la croissance.

La première erreur a été la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires pour plus de huit millions de salariés, qui a profondément porté atteinte à leur pouvoir d’achat.

La deuxième erreur a résidé dans la suppression des allègements de charges aux entreprises, pour un montant de plus de 13 milliards d’euros. En cumulant cette mesure avec l’alourdissement de la fiscalité des entreprises de 14 milliards d’impôts supplémentaires depuis 2012, c’est un fardeau de plus de 27 milliards d’euros de fiscalité nouvelle qui grève sur la compétitivité de nos entreprises.

En baissant les charges sur le travail et les salaires, le Président de la République et sa majorité reconnaissent enfin que, depuis le début du quinquennat, ils ont fait fausse route – ou plutôt ils semblent le reconnaître.

Au sein du groupe UDI, nous pensons en réalité qu’avec ce projet de loi, le Gouvernement et sa majorité agissent comme ces personnes qui estiment que l’aveu de leurs défauts les dispense de s’en corriger.

En effet, ce texte se perd dans l’ambiguïté des mesures qu’il propose. C’est d’abord vrai de l’équilibre financier qu’il vise, puisqu’il repose sur une hypothèse de croissance de 1 % alors même que l’INSEE ne table que sur une croissance de 0,7 %. Ce projet de loi est ambigu d’abord parce qu’il n’est pas sincère. Il est ambigu ensuite parce que ses mesures n’entreront en vigueur que tardivement : alors que notre économie donne des signes alarmants de faiblesse, que viennent de souligner les derniers chiffres du chômage, les baisses de charges annoncées ne pourront prendre effet qu’au 1er janvier 2015 !

Or, ces baisses de charge, dont le Gouvernement ne conteste plus l’utilité, puisqu’il les propose lui-même, c’est dans les semaines qui viennent qu’elles doivent entrer en vigueur ! C’est à cette condition qu’elles produiront à temps leurs effets.

« La France est en panne, en panne de confiance, de croissance, de compétitivité, de création d’emplois ». Ce constat que Jean Louis Borloo dressait en mars 2013, nous pouvons le reprendre mot pour mot, pour souligner la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons.

Pourtant, malgré l’urgence, tout se passe pour l’instant comme si les mesures du pacte de responsabilité, annoncées le 30 décembre 2013, allaient tranquillement entrer en vigueur au 1er janvier… 2015, soit un an après. Un an trop tard ! Un an de perdu !

Vous reconnaissez que la fiscalité est trop lourde. Vous vous dispensez pourtant, en 2014, de corriger ce défaut, cette erreur, jusqu’à frôler l’entêtement. Certains y verront la conséquence de l’orientation sociale-libérale nouvelle de la politique de ce gouvernement, orientation que n’assume pas une partie de votre majorité, et qui vous amène à différer l’entrée en vigueur des premières mesures censées incarner cette nouvelle ligne.

Force est de constater qu’en amont de l’examen du présent texte ainsi que du projet de loi de finances rectificative, les « frondeurs » »ont suscité bien des débats au sein de la majorité sur la ligne politique de celle-ci. Nous doutons que ces débats aient été définitivement tranchés. Ils enferment au contraire la majorité et le Gouvernement dans un jeu de miroirs schizophrène.

Les uns rappellent la liste des promesses intenables sur la foi desquelles ils ont été élus, tandis que les autres leur renvoient l’image d’une réalité économique devenue incontournable.

À ce jeu là, tout le monde perd, d’abord et avant tout nos compatriotes. J’en veux pour preuve un certain nombre de mesures, dont nous doutons que le souci de l’équité et le sens de la justice sociale les aient inspirées.

C’est vrai, par exemple, du gel des prestations sociales qui touche des concitoyens de condition modeste. Avec la non-revalorisation de leurs prestations, l’effort qui leur est demandé est-il juste, dès lors que font défaut dans ce projet de loi les mesures structurelles de maîtrise des dépenses publiques, qui auraient garanti le caractère exceptionnel de ce gel ? De même, est-il juste de solliciter à nouveau les retraités en gelant la revalorisation des pensions, en réalité pour une durée portée à dix-huit mois ?

Certes, sur ce point, le Gouvernement a consenti une avancée allant dans le sens de nos préoccupations, en exonérant de cet effort ceux qui touchent les pensions les plus modestes.

Mais force est de constater qu’après avoir été déjà fortement sollicités, notamment avec la suppression des exonérations fiscales pour charges de famille, ils doivent à nouveau supporter une mesure qui pèsera sur leur pouvoir d’achat et leur vie quotidienne.

Ce projet de loi s’illustre enfin par l’absence de mesures structurelles concernant l’avenir de notre protection sociale, la structure de son financement et la manière dont nous abordons de nouveaux enjeux, notamment en matière de santé publique.

Nous ne voyons pas davantage dans ce texte la nature des économies qui seront opérées par le Gouvernement pour compenser les baisses de charges que vous vous apprêtez à pratiquer, avec si peu d’empressement.

Cette absence vient confirmer ce que nous constatons depuis maintenant deux ans, à l’abord de l’examen de chaque projet de loi de financement de la Sécurité sociale : il manque à ceux-ci des orientations susceptibles de réformer, de manière structurelle, notre protection sociale et de rétablir, sur le long terme, l’équilibre de nos comptes sociaux.

Mme Martine Pinville. Quelle mauvaise foi !

M. Francis Vercamer. Il n’y a pas d’orientation précise pour identifier des ressources permettant de financer notre protection sociale, alternatives à celles assises sur le travail.

De surcroît, les seules mesures d’économies proposées, outre le gel des prestations sociales, concernent les crédits du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés : leur diminution conduira à une réduction drastique des investissements destinés, notamment, à la modernisation de nos hôpitaux.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce n’est pas exact !

M. Francis Vercamer. Nous doutons que le Gouvernement puisse engager une maîtrise durable des dépenses de santé en sacrifiant les crédits de modernisation de nos équipements hospitaliers.

Il n’y a pas davantage de précisions sur la réforme de l’organisation de notre système de santé, la constitution de véritables parcours de soins, le rôle de l’hôpital en articulation avec la médecine de ville, ni sur le développement de l’hospitalisation à domicile et de la chirurgie ambulatoire. Or, cette dernière pratique était encore identifiée, la semaine dernière, par la Cour des comptes, comme étant une source réelle d’économies.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas juste, ce que vous dites là !

M. Francis Vercamer. Bien sûr, la stratégie nationale de santé et le prochain projet de loi de santé publique, dont vous avez récemment présenté les grandes orientations, apporteront des réponses à ces demandes, que nous vous formulons depuis deux ans, et nous pourrons sans doute nous retrouver sur un certain nombre de propositions que vous avez déjà dévoilées, notamment en matière de prévention et d’accès aux soins.

Mais ces orientations, bien qu’elles traduisent le volontarisme du Gouvernement, restent vagues sur des questions aussi essentielles que la désertification médicale, le rapprochement entre le public et le privé ou la sécurité sanitaire.

Le groupe UDI attendra le détail des mesures envisagées par le Gouvernement pour savoir si elles répondent réellement aux défis majeurs que doit relever notre système de santé et de protection sociale : concilier les exigences croissantes en matière de qualité et d’accès aux soins et la nécessaire maîtrise des dépenses publiques.

Pour l’heure, le groupe UDI entend rester fidèle à cette logique d’opposition constructive…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Où est l’aspect constructif ?

M. Francis Vercamer. …déterminée et responsable, qui nous amène à avancer des propositions quand un texte ne nous paraît pas aller dans le bon sens – celui des intérêts de notre pays et de nos concitoyens. Nous formulerons ainsi des propositions pour amplifier les baisses de charges envisagées par le Gouvernement, et pour qu’elles s’appliquent dès le premier septembre prochain, sans attendre 2015 !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous les gagez sur quoi ?

M. Francis Vercamer. Pour une meilleure maîtrise des dépenses de santé, nous proposerons un contrôle plus soutenu du Parlement sur les dotations affectées aux établissements de santé au titre de leurs missions d’intérêt général.

Nous inciterons le Gouvernement à avancer des propositions précises en matière de santé publique, de développement de la chirurgie ambulatoire et de réforme du financement de la protection sociale.

Nous inviterons enfin le Gouvernement à redéfinir sa position sur la suppression des crédits de modernisation des établissements de santé.

C’est donc lucide sur la situation de nos dépenses publiques, sans illusion sur les marges de manœuvre politiques du Gouvernement face à la fronde d’une partie de sa majorité, mais ouvert au débat autour de ses propositions que le groupe UDI aborde l’examen de ce projet de loi. Nous attendrons le sort réservé à nos amendements pour exprimer notre position.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Quel suspense !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, au terme de longues discussions au sein de nos commissions respectives, le groupe écologiste constate que le collectif budgétaire 2014 s’inscrit dans le cadre d’une politique budgétaire reposant invariablement sur deux axes : la réduction des déficits et les allégements inconditionnels de charges accordés aux entreprises.

Nous avons bien entendu le Gouvernement réaffirmer la cohérence et la continuité de son action. Il n’en demeure pas moins que nous constatons une accélération sans précédent des mesures indiquées.

Certes, une inflexion est apportée par l’allégement de l’impôt sur le revenu des ménages, en particulier pour les revenus modestes.

Mais le gel des prestations sociales et le soutien à des emplois faiblement rémunérés induit des risques, ce qui rend nécessaire une véritable évaluation de l’impact de ces mesures.

La crise chronique que nous percevons à tous les échelons de la société nous impose une relecture sans concession de l’ensemble des méthodes qui ont échoué, de celles qui repoussent toujours plus loin la mise en perspective d’un nouveau modèle de développement, engageant la création d’emplois, la solidarité et la protection de notre environnement.

Le pacte de responsabilité s’appuie sur un constat sans équivoque : nous nous trouvons face à un héritage lourd, forgé par des exonérations et des cadeaux fiscaux répétés à l’envi pour obtenir le soutien du monde économique. Cela s’est accompagné d’une fuite en avant des déficits publics. Les chiffres parlent pour nous : la droite nous a laissé une facture aggravée de 600 milliards.

Deux rendez-vous électoraux majeurs ont fait entendre la voix de tous ceux qui se sentent abandonnés, relégués, incompris.

L’aide inconditionnelle aux entreprises, et le gel des prestations sociales qui l’accompagne, induisent le risque d’un accroissement de la précarité et des inégalités, et cela sans garantie d’efficacité en terme de création d’emplois.

Aussi le groupe écologiste exprime-t-il son incompréhension devant la persistance d’une politique fondée sur un système qui a montré toutes ses limites. On peut se demander pourquoi la gauche, en responsabilité, réussirait, là où la droite elle-même a échoué.

Ce qui est à l’ordre du jour, et en débat, c’est la baisse constante du coût du travail, credo récurrent des représentants du monde économique – comme on a pu le voir, encore ces jours-ci, dans la presse – présentée comme le socle unique de relance de notre compétitivité, au risque de fracasser l’ensemble de notre architecture de protection sociale. Les exonérations de cotisations patronales existent depuis des décennies : a-t-on bien évalué leur résultat en termes de création d’emplois ?

En revanche, ce que l’on sait de manière certaine, c’est que la distribution des dividendes des entreprises du CAC 40 ne cesse d’augmenter, pour atteindre plus de 6 % en 2013, soit 39 milliards d’euros.

Nous avons entendu, à ce sujet, les alertes de madame la rapporteure générale de la commission des finances. Les baisses de charges et d’impôts du pacte de responsabilité devraient produire 190 000 emplois à la fin 2017, mais, simultanément, la réduction des dépenses publiques destinées à couvrir ces baisses de charges en supprimerait bien davantage. Le solde serait donc négatif.

Pour nous, la réponse est claire : il ne peut y avoir de relance en matière de création d’emplois sans la garantie que l’effort soit justement réparti. Aussi les amendements écologistes proposeront-ils des contreparties aux exonérations de cotisations patronales, tenant compte de la taille des entreprises, de la qualité des contrats de travail, de la bonne volonté des entreprises à qualifier leurs salariés et de leur capacité à investir. En effet, il n’y a aucune commune mesure entre une PME localement bien implantée, participant à l’effort collectif, et une entreprise multinationale rompue à l’exercice des filiales en cascade et à l’optimisation fiscale.

Nos propositions visent d’abord à instituer des garanties qui, loin de pénaliser qui que ce soit, posent les termes d’un pacte social où la négociation dépasse les caricatures et tend vers un consensus sincère de mobilisation vers l’emploi.

Ainsi, le dispositif « zéro charge », qui prend la forme d’une accentuation de la réduction dégressive de cotisations de Sécurité sociale, vise-t-il à aider les entreprises à développer leur compétitivité. Mais il doit servir à financer des investissements dans la recherche, l’innovation, la formation et le développement à l’export, et non à l’augmentation des dividendes ou de la rémunération des dirigeants.

Dans le même esprit, on doit s’assurer que les marges de manœuvre retrouvées grâce à la suppression de la C3S ne vont pas nourrir des dividendes, mais servir réellement l’investissement et l’emploi.

Nous proposerons des amendements pour soutenir une remontée d’information claire et transparente sur le montant des dividendes distribués par rapport au chiffre d’affaires, aux rémunérations et aux investissements de l’entreprise, ainsi que sur leurs évolutions et leurs écarts.

Il importe donc de s’assurer que les marges de manœuvre ainsi retrouvées ne vont pas nourrir les rémunérations les plus élevées. En effet, les écarts entre les plus hauts et les plus bas revenus dans les grandes entreprises sont souvent pointés du doigt.

En dernier lieu, il s’agit d’optimiser la dépense publique et les aides aux entreprises en luttant contre les pertes fiscales liées à l’optimisation fiscale agressive.

Un autre sujet nous tient à cœur : celui de la sanctuarisation du financement de la branche « accidents du travail et maladies professionnelles ». Ce n’est pas qu’un symbole : cette contribution concerne la réparation des salariés exposés à des risques, à des accidents ou à des substances toxiques. Son maintien serait un signe fort pour soutenir une politique de prévention à laquelle les entreprises doivent participer.

Les délocalisations et les transferts de nos savoir-faire à l’étranger nous ont souvent laissé des friches industrielles polluées, et ont aussi gravement lésé des hommes et des femmes dans leur santé. Nous ne pouvons exonérer le monde de l’entreprise de ses responsabilités en ce domaine.

Plus globalement, nous défendrons une modification de la CSG : il convient en effet de rendre cette contribution progressive. Un de nos amendements vise à appliquer un barème progressif à l’ensemble des revenus assujettis à la CSG sans distinction, à l’exception des petites pensions, qui continueront à bénéficier d’un taux réduit. Cette progressivité serait instaurée essentiellement par l’abaissement des taux acquittés par les contribuables à revenus moyens ou faibles. Elle permettrait de faire bénéficier ces ménages de 4 milliards d’euros de pouvoir d’achat sur la seule année 2015.

Alors que nous entamons le débat, je tiens à saluer l’écoute de notre rapporteur, Gérard Bapt, qui a accueilli nos propositions en faisant preuve d’un esprit positif, et qui a partagé – puisque son amendement allait dans le même sens – notre volonté de supprimer le gel de l’allocation de logement familial. C’est un signe positif.

En conclusion, je voudrais rappeler les engagements que nous avons pris en 2012, en citant le Président de la République : « Je favoriserai la production et l’emploi en France, en orientant les financements, les aides publiques et les allégements fiscaux vers les entreprises qui investiront sur notre territoire, qui y localiseront leurs activités et qui seront offensives à l’exportation. À cet effet, je modulerai la fiscalité locale des entreprises en fonction des investissements réalisés. »

Permettez-moi de citer un autre de ses engagements : « Je maintiendrai toutes les ressources affectées à la politique familiale. »

C’est autour de ce pacte que le Gouvernement doit s’efforcer de maintenir sa majorité rassemblée et répondre ainsi aux attentes des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014, que nous examinons aujourd’hui, répond à un engagement : celui de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité annoncé le 14 janvier dernier par le Président de la République.

Il répond également à une exigence : celle d’apporter de nouveaux moyens en faveur de l’emploi et de l’investissement, pour retrouver le chemin de la croissance.

Permettez-moi un retour en arrière – je me tourne ici vers Mme Louwagie. Il y a quelques années, en 2010, nous débattions d’une prolongation du nombre d’années de remboursement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, dont le seul objectif était d’étaler la dette des comptes sociaux dans le temps et de léguer, par ce fait même, les déficits aux générations futures. Dans le même temps, vous avez augmenté le découvert autorisé de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale de 70 à 130 milliards d’euros : est-ce là, madame, une bonne gestion ? Je ne le crois pas.

Mme Véronique Louwagie. C’était temporaire !

Mme Martine Pinville. Grâce à la volonté politique de redressement des comptes publics que nous manifestons, en soutien au Gouvernement, depuis 2012, nous enregistrons désormais l’opinion favorable de la Cour des comptes sur les comptes du régime général de la Sécurité sociale pour l’année 2013.

Pour la première fois depuis que la procédure de certification des comptes existe, la Cour des comptes a en effet certifié, dans son rapport publié le 24 juin dernier, la sincérité et l’exactitude des comptes de chacune des branches du régime général de Sécurité sociale et de chacune des caisses nationales qui les pilotent.

Ainsi, depuis 2012, nous avons engagé avec succès une réduction des déficits sociaux : ils s’élevaient à 17,4 milliards d’euros en 2011, ils sont de 12,5 milliards d’euros en 2013. Ce sérieux budgétaire s’est accompagné d’un souci de justice. Ainsi, et pour ne citer que cet exemple, aucun nouveau déremboursement n’est intervenu depuis 2012.

Parallèlement, nous avons souhaité pérenniser notre système de sécurité sociale et le protéger. C’est le cas par exemple en matière de retraites, puisque le financement des retraites est aujourd’hui garanti.

En matière de santé, nous aurons à débattre dès 2015 de la future loi de santé publique qui mettra en œuvre la stratégie nationale de santé qui a été présentée par Mme la ministre. Développement de vraies politiques de prévention, avec notamment la création d’un parcours éducatif de santé, meilleur accès aux soins, y compris pour les personnes en situation de handicap : voilà des mesures fortes qui démontrent que nous souhaitons apporter des solutions réelles aux problèmes que peuvent rencontrer nos concitoyens.

Avec ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative, le temps est venu d’accompagner et de soutenir encore plus fortement le redressement de notre pays. Nous le réaffirmons, l’emploi est notre priorité.

Par ce projet de loi de financement rectificative, nous allons mettre en œuvre une baisse du coût du travail qui est de nature à faciliter les embauches et à produire des effets immédiats sur le chômage. En effet, à partir du 1er janvier 2015, les employeurs d’un salarié payé au SMIC ne payeront plus aucune cotisation patronale de Sécurité sociale à l’URSSAF et cette exonération sera dégressive jusqu’à 1,6 SMIC. Cette disposition, dont le coût est estimé à 4,5 milliards d’euros en 2015, devrait créer 45 000 emplois dès l’année prochaine. Voilà ce que j’ai envie d’appeler une politique volontariste en faveur de l’emploi ; je suis convaincue qu’elle ne manquera pas de porter ses fruits dans la lutte que nous menons contre le chômage qui frappe notre société.

Le pacte de responsabilité et de solidarité et sa déclinaison, dont nous débattons aujourd’hui ici, comportent des mesures fortes pour redonner du pouvoir d’achat aux salariés qui souffrent le plus aujourd’hui.

En effet, ce projet de loi propose un allégement des cotisations salariales pour les salariés qui perçoivent jusqu’à 1,3 SMIC ; 5,2 millions de salariés du privé verront ainsi leur pouvoir d’achat augmenter de 520 euros en 2015. Une mesure identique sera bien sûr mise en œuvre dans les différentes fonctions publiques sur la base du traitement indiciaire brut, et ce, jusqu’à 1,5 SMIC ; 2,2 millions de fonctionnaires civils et militaires seront ainsi concernés. Le pouvoir d’achat des salariés du public et du privé est notre préoccupation : en voilà une preuve tangible si besoin était.

À titre de rappel, la même volonté est présente dans le PLFR, qui prévoit des mesures en faveur des ménages à hauteur de plus de 1 milliard d’euros : pour les Français modestes concernés, l’impôt sera réduit immédiatement de 350 euros pour un célibataire et de 700 euros pour un couple.

Redresser les comptes publics dans la justice sociale, tel était l’engagement du Président de la République dès 2012. Des efforts ont été consentis par les Français ; nous arrivons à l’heure des résultats. Grâce à ce sérieux budgétaire, les déficits des comptes sociaux ont été maîtrisés sans que nous nous soyons engagés vers une protection sociale au rabais.

Désormais, l’acte deux de l’action du Gouvernement et de la majorité parlementaire est celui de l’intensification des politiques de lutte contre le chômage. Ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 en est la première pierre. Son objectif est de redonner une chance aux personnes qui ont perdu un emploi et de faire progresser le pouvoir d’achat de millions de salariés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voilà réunis en ce dernier jour de la session ordinaire pour un exercice bien singulier, puisqu’il s’agit d’une grande première : se prononcer sur un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est le second !

M. Philippe Vitel. Ce texte, qui vise essentiellement un effet d’affichage, est loin de rassurer la communauté soignante de notre pays et l’éternel défenseur de la médecine libérale que je suis ne peut qu’être aujourd’hui très inquiet.

Si je voulais y voir un aspect positif, je pourrais considérer qu’il me rajeunit, car il me renvoie presque vingt années en arrière, à l’époque où, engagé dans les organismes représentatifs de la profession, je me battais pour faire comprendre à mes confrères qu’il fallait accepter la maîtrise médicalisée des dépenses et mettre en pratique les références médicales opposables au risque de se voir imposer une maîtrise comptable.

Patatras ! Au moment où les premiers résultats commençaient à se faire sentir, les dirigeants politiques de l’époque effectuaient un virage à 180 degrés qu’ils allaient d’ailleurs payer très cher électoralement. Ils inventaient, en 1996, l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, afin, comme le proclamaient certains conseillers techniques du ministère, de donner un contenu médical à un objectif de dépenses. Ainsi était née la maîtrise comptable, qui allait s’avérer au fil du temps totalement inefficace dans le rééquilibrage durable des comptes de l’assurance maladie et qui s’accompagnait de nouvelles couches réglementaires dont l’effet inéluctable était le rationnement des soins.

Aujourd’hui, madame la ministre, j’ai vraiment le sentiment que l’histoire se répète. En effet, grâce aux efforts de tous, l’ONDAM, qui avait connu un dépassement cumulé de 19 milliards d’euros entre 1998 et 2008 avant de trouver son équilibre en 2009 et 2010, est sous-exécuté depuis 2011 et a généré une économie de 1,4 milliard en 2013.

Pour 2014, une rectification à la baisse de 800 millions d’euros est attendue, alors que le taux de progression de l’ONDAM a été fixé à 2,4 %, ce qui est le plus bas taux depuis 1998.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les médecins libéraux sont les principaux contributeurs de ces économies. Ils ont permis d’économiser en 2013 1,1 milliard d’euros, avec une sur-exécution de 109 % des objectifs de maîtrise médicalisée. Or, du fait des mesures iniques que vous nous proposez aujourd’hui, ils ne récolteront pas les fruits de leurs efforts et continueront à pâtir de la sous-valorisation des actes.

Réduire de 400 millions d’euros l’ONDAM soins de ville assèche toute marge de manœuvre et élimine de facto toute possibilité d’évolution tarifaire pour 2014. Il est choquant que cette baisse soit deux fois plus importante que celle de l’ONDAM hospitalier, alors que la médecine libérale de ville contribue quatre fois plus aux économies que les hôpitaux publics, dont les déficits continuent de se creuser.

Cette baisse de l’ONDAM signe donc une rupture brutale avec la maîtrise médicalisée, qui commençait à donner de très bons résultats, et n’est absolument pas en cohérence avec votre discours sur le développement des soins de proximité. Ainsi donc, dix-huit ans après, l’histoire se répète et, une fois de plus, les libéraux joueront le rôle de boucs émissaires !

Il est grand temps, madame la ministre, de réfléchir tous ensemble à une vraie réforme structurelle, qui serait seule à même de garantir la pérennité de notre système de soins par une mobilisation sans faille de tous les acteurs autour d’un projet positif.

À ce sujet, j’ai ressorti de ma bibliothèque les propositions pour la maîtrise de l’ONDAM 2013-2017 publiées en 2012 sous forme de rapport par une mission de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale des finances. Ces propositions me semblent pleines de bon sens. Les auteurs du rapport appellent à redéfinir les places respectives de l’hôpital, recentré sur les soins complexes, des soins de ville et des établissements et services médico-sociaux, et émettent le souhait d’une médecine de parcours plus fluide et efficiente s’appuyant sur une meilleure coordination des professionnels et un décloisonnement entre domaines de soins. Ils privilégient les efforts de maîtrise médicalisée visant à dispenser des soins adéquats et pertinents à leur juste prix. Ils rappellent que le patient doit être au cœur du système de santé, qui échouerait s’il sacrifiait la qualité de ses résultats à l’ajustement financier.

En conclusion de son rapport, la mission rappelait, et je ferai mienne ce soir cette affirmation, que seul un effort raisonné, imaginatif mais immédiat et résolu est de nature à garantir l’avenir de notre système de soins afin de continuer à offrir aux malades les services de qualité qu’ils sont en droit d’attendre.

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Madame la ministre, chers collègues de la majorité, l’idéologie, la lâcheté politique et le refus de vous remettre en question face aux échecs de vos choix économiques sont les ingrédients du cocktail explosif que vous faites aujourd’hui boire aux Français au travers de ce texte.

Vous agissez dans l’urgence avec des mesures qui ne feront que creuser le déficit. Il est prévu 100 millions d’euros de déficit supplémentaire pour le régime général dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative, ce qui constitue l’aveu d’une politique dénuée d’ambition. Il suffit de regarder avec quelle frilosité sont abordées les réformes des systèmes de retraite des cheminots et des indemnités chômage des intermittents. C’est la même frilosité que sur la question du financement des syndicats ; surtout, pas touche aux copains !

Vous faites encore preuve de lâcheté lorsque vous préférez aux véritables réformes de structure des petites économies de quelques millions ici et là, en gelant ou en prolongeant indéfiniment le gel de certains salaires ou pensions. Les retraites sont ainsi gelées pour un peu plus de la moitié des retraités. Les pensions de retraites complémentaires versées pour les salariés et les cadres le sont également. Ajoutons que la revalorisation de la valeur du point de retraite complémentaire sera sous-indexée en 2015 : elle sera inférieure d’un point à l’inflation. Si cette dernière ne dépasse pas 1 %, les pensions versées par l’ARRCO et l’AGIRC n’augmenteront pas non plus l’an prochain dans un contexte social où les Français réclament pourtant votre énergie prioritairement sur le pouvoir d’achat.

Surprise : vous avez voté en commission le dégel de l’allocation de logement familiale ! Mais vous prévoyez déjà le gel des prestations familiales dans le PLFSS pour 2015.

Comble de l’absurde, les économies réalisées au détriment des familles françaises pourront dorénavant financer les allocations familiales pour les enfants d’immigrés algériens, y compris ceux qui sont nés à l’étranger, comme l’exige l’Union européenne depuis avril dernier. Visiblement, le déficit de la branche famille de 2,8 milliards d’euros ne pose pas de problème quand il s’agit de soutenir la natalité étrangère.

La branche maladie, dont le déficit de 6,1 milliards d’euros est le plus important, ne connaît aucune évolution positive. Pourtant, les crédits alloués aux programmes profitant avant tout aux étrangers ne cessent d’être réévalués à la hausse, à l’instar de l’aide médicale d’État pour les clandestins, qui est en constante augmentation. En un an, le budget de l’AME est passé de 558 millions d’euros à 600 millions d’euros. Mais les prévisions de dépenses sont constamment minimisées par rapport au coût réel : au lieu des 558 millions prévus en 2013, ce ne sont pas moins de 744 millions d’euros qui ont été dépensés en raison d’une augmentation de 30 % en quatre ans du nombre de bénéficiaire.

Je vous entends déjà, la voix tremblante, en appeler aux valeurs de République ; mais la République ce n’est pas l’AME ! Et où est la République lorsque la fraternité de notre devise devient une véritable incitation pour les filières d’immigration sanitaire clandestine, parce que l’État faillit à son devoir de contrôle ? Il était révélé récemment qu’une filière géorgienne était à l’origine d’une fraude d’un montant de 13,7 millions d’euros.

Dans la même veine, vous relevez les plafonds de la CMU, la couverture maladie universelle, dont les dépenses réelles sont opaques. L’augmentation de 8,3 % du plafond de la CMU en juillet dernier aura pour effet d’ajouter 200 000 personnes aux 4,8 millions de bénéficiaires. Le relèvement des plafonds de la CMU-C, la CMU complémentaire, ainsi que de l’ACS, l’aide pour l’acquisition d’une complémentaire santé, auront pour conséquence d’augmenter massivement le nombre de bénéficiaires. Une telle mesure, qui consiste à venir en aide aux plus démunis en période de crise, serait défendable si elle était réservée aux citoyens français.

Pendant ce temps, les dépenses du régime général continuent de filer : 336,5 milliards d’euros en 2012, 344,8 milliards d’euros en 2014 ; nous ne sommes plus à quelques dizaines de milliards d’euros près… Les Français sont condamnés à remplir sans faiblir ce tonneau des Danaïdes.

Étonnamment, votre rigueur budgétaire s’arrête lorsqu’il s’agit de lutter à bras-le-corps contre la fraude sociale. À chaque prestation sociale ses fraudeurs : 141 millions d’euros de fraude ont été détectés par la caisse d’allocations familiales, la CAF, en 2013, ce qui correspond à une augmentation de 18,7 % en valeur.

M. Gérard Sebaoun. Cela veut dire qu’elle fait bien son travail !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ce n’est cependant qu’une vétille au regard des 5 milliards d’euros de fraude annuelle selon le rapport de M. Tian, qui livre pourtant des chiffres largement sous-évalués, certaines estimations allant jusqu’à 20 milliards d’euros.

Une fois n’est pas coutume : une baisse des charges pour les entreprises est prévue dans votre texte ; impossible de résister à la curiosité de s’y attarder ! Il s’agit de la suppression de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés. Passons sur le fait qu’aucune explication n’est donnée sur la façon de garantir l’équilibre financier des branches maladie et vieillesse, des bases du régime social des indépendants. Passons également sur la double peine supportée par ces travailleurs indépendants, qui ont déjà connu d’importantes hausses de cotisations sociales l’an dernier. Le ministère, toujours peu enclin à l’originalité, juge une nouvelle augmentation de la TVA crédible pour compenser ce manque à gagner.

C’était trop beau pour être vrai : votre exceptionnelle faveur fiscale ne bénéficiera pas, bien sûr, aux TPE, autres grandes oubliées de votre politique. La C3S ne concerne que les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 760 000 euros, soit 105 000 entreprises sur un total de 3,5 millions. Nous sommes très, très loin des promesses tonitruantes de votre pacte de responsabilité.

Nos TPE tombent comme des mouches face à la baisse des carnets de commandes, aux difficultés d’emprunt et de trésorerie sans que vous ne sembliez prendre la mesure de la gravité de la situation, considérant en avoir déjà beaucoup fait avec vos emplois d’avenir subventionnés et votre CICE inefficace.

Les Français ne sont pas dupes et la Cour des comptes est là pour rappeler à la réalité ceux que vous seriez parvenus à berner. Les baisses, réalisées avec parcimonie, s’accompagneront de hausses de prélèvements pour vous permettre de trouver les 16 milliards d’euros de recettes que vous recherchez sur les trois prochaines années.

Comme vos prédécesseurs, vous continuez à refuser la chasse aux mauvaises dépenses. Vous continuez à saigner les classes moyennes, pressurées pour remplir le puits sans fond de votre politique d’assistanat et d’immigration coûteuse, pour payer les pots cassés d’un modèle économique catastrophique qui ne crée plus de richesse et ne fait que gérer la pénurie.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que les lois rectificatives – celle concernant le financement de la Sécurité sociale comme celle relative au budget de l’État – suscitent le débat. C’est la preuve que le Gouvernement n’est pas immobile et qu’au contraire il agit. C’est au moins l’un des mérites du débat que nous avons aujourd’hui et de celui que nous avons eu la semaine dernière que de le montrer.

Je me félicite donc de ce débat. Au début du week-end dernier, on a entendu les organisations patronales, en particulier le MEDEF, s’élever contre la remise en cause éventuelle de certaines politiques supposées être favorables à la compétitivité des entreprises. C’est dire si elles aussi débattent du projet que nous examinons aujourd’hui.

Nous venons d’entendre à l’instant des propositions qui se résument finalement à une seule orientation : lutter contre les fraudeurs, sans qu’aucune proposition de portée générale ne soit formulée.

De la même manière, François Fillon a récemment voulu se démarquer en indiquant qu’il conviendrait d’augmenter la TVA de 3 % et de casser le code du travail. L’opposition est donc loin de faire des propositions constructives.

En ce qui concerne notre politique, certains prétendent qu’elle est sociale-libérale, alors qu’en fait elle est sociale-démocrate. Elle recouvre ce que Helmut Schmidt, à une certaine époque, avait clairement défini comme étant une politique cohérente : il faut que les entreprises puissent dégager des marges, qu’il y ait du profit – au sens noble du terme –, engendrant des investissements puis des emplois. J’encourage donc le Gouvernement à être à la fois courageux, constant et cohérent. Il faut inscrire dans le temps cette politique qui répond à trois objectifs.

Le premier est de redresser nos comptes publics laminés par dix ans d’une gestion calamiteuse et irresponsable par l’UMP, même si, quelquefois, ses représentants ont la mémoire courte.

Entre 2002 et 2012 – faut-il le rappeler ? –, sous les gouvernements de droite successifs, la dette est passée d’un peu plus de 50 % à 90 % de la richesse nationale. Depuis mai 2012, le contraste est saisissant. En effet, le chemin parcouru est exactement inverse, puisque le déficit est passé de 20,9 milliards d’euros à 13,3 milliards d’euros en 2014. C’est cela, la gestion rigoureuse des finances publiques et un meilleur contrôle de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, sans remettre en cause la protection sociale de nos concitoyens.

Le deuxième objectif, évidemment essentiel, est de permettre à nos entreprises de retrouver des marges. Il est d’ailleurs paradoxal que la droite nous critique aujourd’hui, puisque, si les entreprises se retrouvent dans cet état, c’est à cause des politiques menées les années précédentes. En effet, nous avons battu l’année dernière un record : les marges sont descendues jusqu’à 29,8 %, soit un niveau que l’on n’avait plus connu depuis 1985. On ne peut évidemment pas imputer cette situation à la majorité qui n’est aux affaires que depuis deux ans.

Assurer la compétitivité des entreprises et redonner des marges, c’est tout simplement faire en sorte de créer le terreau nécessaire pour les emplois de demain.

L’effort consenti en matière d’allégements des cotisations patronales est sans précédent. Il s’ajoute aux avancées du CICE. L’objectif que nous nous fixons est tout simplement d’atteindre de nouveau des taux constatés dans certains pays voisins, par exemple l’Allemagne, et qui, autant que je sache, ne sont pas considérés comme des États socialistes ou communistes.

Pour la première fois depuis dix ans, le coût du travail en France est presque stabilisé : il a augmenté de 0,3 %, contre 1,6 % en Allemagne. Les gouvernements successifs de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls ont été les seuls à s’attaquer véritablement au problème de compétitivité de nos entreprises en baissant le coût du travail. Faut-il rappeler à ceux qui nous ont précédés qu’entre 2000 et 2013 le coût du travail en France a augmenté de 46,3 % ? C’est dire si les personnes qui prétendent aujourd’hui nous donner des leçons sont les plus mal placées pour le faire.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

M. Michel Liebgott. Enfin – c’est le troisième objectif –, tout cela ne peut se faire qu’en réintroduisant de la justice sociale, ce qui passe par le soutien à la consommation des ménages, en particulier pour les plus défavorisés.

C’est la raison pour laquelle nous persévérerons en réduisant l’imposition des ménages ayant de bas revenus, en prévoyant un allégement et une progressivité des cotisations salariales sur les bas salaires et des sanctions accrues contre l’optimisation fiscale. De fait, contrairement à ce que préconisait à l’instant Mme Maréchal-Le Pen, il ne suffit pas de lutter contre la fraude.

Ces dispositions – faut-il le rappeler ? – s’ajoutent aux mesures déjà adoptées précédemment, sur lesquelles je ne reviendrai pas faute de temps. Je rappellerai tout de même que nous avions commencé par la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, en août 2012. Nous avons toujours eu le souci des populations les plus défavorisées. Il faut de l’efficacité économique, mais également une politique de justice sociale, nécessaire pour redonner confiance à nos concitoyens sur le long terme et pas seulement à court terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, je voudrais profiter de ce débat à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour évoquer une question très importante : la situation dans notre pays des personnes handicapées. Je voudrais évoquer en particulier trois sujets.

Le premier concerne plus particulièrement les personnes handicapées vieillissantes. À dire vrai, ce n’est pas là une question absolument nouvelle, mais elle prend aujourd’hui de plus en plus d’importance, d’autant que la situation actuelle crée un goulet d’étranglement pour l’accès des plus jeunes aux structures.

Il ne saurait y avoir de réponse univoque, consistant par exemple à créer des structures spécialisées. Toutefois, le droit commun doit être adapté et le personnel qui intervient en gérontologie mieux formé. La loi, maintes fois annoncée, sur l’adaptation de la société au vieillissement, doit prendre en compte ces réalités. Madame la ministre, il convient d’apporter des réponses claires aux familles et aux personnes handicapées.

Il faut davantage de places dans les EHPAD. Il convient également d’intégrer les réalités en ce qui concerne la tarification des services de soins infirmiers à domicile pour les personnes handicapées, laquelle doit se différencier de celle pratiquée pour les personnes âgées. En outre, le financement des sections spécifiques pour les personnes handicapées vieillissantes en EHPAD doit être repensé de manière à tenir compte des besoins particuliers.

Il manque des places en maisons d’accueil spécialisées pour les plus jeunes ; il manque des places dans les EHPAD pour les personnes handicapées vieillissantes. Sur ce sujet, nous avons un immense défi à relever collectivement.

Le deuxième sujet, qui concerne les aidants familiaux, intéresse peut-être davantage M. le secrétaire d’État chargé du budget. En effet, comme vous le savez, la prestation de compensation du handicap permet aux aidants familiaux de toucher une allocation. De fait, s’ils s’occupent d’un parent, ils ne peuvent pas être salariés. Or cette aide, assimilée aux bénéfices non commerciaux, est fiscalisée comme eux et assujettie aux cotisations sociales. Chaque semaine, dans nos permanences, nous rencontrons des personnes qui, de ce fait, deviennent imposables à l’impôt sur le revenu, avec toutes les conséquences que cela entraîne.

Je pense donc qu’il sera absolument indispensable, à la faveur de la prochaine loi de finances, de faire en sorte que les prestations de compensation soient exonérées de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux et qu’elles ne soient pas assujetties aux cotisations sociales. En effet, nous savons que beaucoup de personnes connaissent de grandes difficultés. Or, avec cette situation, on rajoute des difficultés financières à la souffrance morale et à la difficulté économique.

Le troisième sujet, enfin, anticipe peut-être sur la discussion de la réforme territoriale. Je veux parler de la question de la gouvernance en faveur des personnes handicapées.

Il y a quelques mois de cela, le Gouvernement a adopté un projet de loi, transmis au Conseil d’État, renforçant singulièrement les compétences des conseils généraux en matière de politique de prise en charge du handicap, notamment en ce qui concerne le travail protégé, qui est aujourd’hui de la responsabilité de l’État. Or, trois semaines plus tard, le Premier ministre a annoncé, dans sa déclaration de politique générale, la suppression des conseils généraux. Aujourd’hui, de nombreuses associations viennent nous voir afin de mieux savoir ce qu’il en sera et quels seront, dans les prochains mois, leurs interlocuteurs.

Autant la loi portant sur les compétences, adoptée en conseil des ministres le 18 juin, comporte des dispositions très précises sur l’évaporation des compétences des départements en matière de routes, de transports et de collèges, autant elle ne dit rien sur le secteur social en général et sur la prise en charge du handicap en particulier. Nous serions donc très intéressés, madame la ministre – je parle des personnes handicapées et des associations qui les représentent, mais aussi, accessoirement, des élus locaux – de savoir quelle sera demain la gouvernance de la politique en faveur des personnes handicapées.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais.

Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le présent projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale a pour objet de dégager de nouveaux moyens en faveur de l’emploi et de relancer la croissance. Il s’agit de donner aux entreprises les marges de manœuvre nécessaires dont elles ont besoin – ce que, objectivement, personne ne peut nier – pour innover, embaucher et investir.

Parallèlement, ce projet de loi intervient sur la demande, avec des mesures significatives. En effet, il est prévu, pour la première fois dans notre pays, d’alléger les cotisations salariales pour redonner du pouvoir d’achat, notamment aux personnes à revenus modestes.

Dans ce contexte, et à l’occasion de cette intervention, j’aimerais souligner quelques points.

Tout d’abord, il faut mesurer le chemin parcouru : alors que le déficit des comptes sociaux dépassait 20 milliards d’euros en 2013, il se situe aujourd’hui entre 13 milliards et 14 milliards.

Je veux aussi souligner que, depuis plusieurs semaines maintenant que nous travaillons sur le PLFRSS et sur le PLFR, certaines lignes ont bougé. Le montant de l’une des mesures fiscales du PLFR a été porté de 500 millions à 1 milliard d’euros. Le gel des pensions a été écarté pour les personnes percevant moins de 1 200 euros par mois. Le débat est ouvert s’agissant des prestations d’invalidité. La revalorisation de l’ALF, quant à elle, fera l’objet d’amendements.

S’agissant des mesures tendant à geler les prestations sociales, je suppose que ce n’est jamais de gaieté de cœur qu’un gouvernement les propose…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Eh non !

Mme Bernadette Laclais. …et que des députés les votent. De telles mesures doivent, bien sûr, rester exceptionnelles dans le temps et ne peuvent être bien comprises que si elles ne s’appliquent pas uniformément et si elles préservent les ménages les plus modestes.

Si nous n’adoptions pas cette solution, il faudrait sans doute, pour maîtriser la dépense publique dans des proportions équivalentes, remettre en cause – voire supprimer totalement – de nombreuses prestations. Vous en conviendrez, ce n’est pas le choix qui est fait : contrairement à l’Allemagne, à l’Espagne ou encore à l’Angleterre, il n’y a chez nous aucun recul du service public et aucune prestation sociale n’est supprimée ou diminuée.

Je voudrais aussi souligner que la mesure en faveur du pouvoir d’achat des personnes ayant de bas salaires constitue un geste fort, qui apportera un gain brut de pouvoir d’achat de 520 euros par an, soit environ la moitié d’un treizième mois pour une personne touchant le SMIC. De plus, 2,2 millions de fonctionnaires seront concernés également par cette mesure.

Surtout, mettons en perspective les mesures de gel en les comparant aux dispositions et aux textes déjà adoptés par l’actuelle majorité et que les uns et les autres ont déjà rappelés.

La période que nous traversons exige que l’on évite de dresser les uns contre les autres. Essayons d’évaluer le mieux possible ce qui a été fait, notamment en matière d’allégements fiscaux pour les entreprises. Retouchons-les, si nécessaire. Soyons également attentifs aux messages des uns et des autres : les syndicats de salariés sont très sensibles aux contreparties apportées, tandis que les entreprises demandent des allégements supplémentaires. Évaluons les effets de chacun des allégements décidés et jouons au maximum sur les effets de levier, dans un dialogue social renouvelé et en réfléchissant au niveau des branches professionnelles plutôt qu’en cherchant à prendre des mesures uniformes ne répondant pas aux spécificités de chaque secteur.

Baisse du coût du travail, baisse des impôts, justice dans les économies : voilà les trois piliers du collectif budgétaire. « Votez les trois premiers articles, mais pas le reste », ai-je entendu. Voter ce qui serait populaire mais pas le reste serait incohérent et irresponsable !

Vous l’avez compris, ce n’est pas notre choix, même si nous aurions préféré qu’une autre situation nous permette d’aborder les choses différemment. Je suis persuadée que vous partagez ce sentiment, avec le souhait d’en sortir le plus vite possible et de retrouver le chemin de la croissance. C’est le sens des propositions que vous faites, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Costes.

M. Jean-Louis Costes. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après deux ans d’échecs en termes de politique économique, le Gouvernement ouvre enfin les yeux sur la réalité de la situation économique, désastreuse pour notre pays. Il lui aura fallu le temps !

Aujourd’hui, la situation est grave. N’entendez-vous pas l’agonie des acteurs économiques de notre pays ? Les petites entreprises s’asphyxient peu à peu, étouffées par les normes et les charges. La France économique va mal, et ce ne sont pas les derniers chiffres du chômage qui me contrediront.

Sur la partie consacrée à la baisse des charges, votre texte va dans le bon sens et marque un progrès de la part du Gouvernement. Mais il est encore largement insuffisant. Il faudrait aujourd’hui un véritable choc pour obtenir des résultats rapides et une inversion de la courbe du chômage.

Aujourd’hui, il y a urgence. Vous avez fait fausse route durant deux ans, perdant beaucoup trop de temps. Vous avez assommé les entreprises et matraqué les contribuables. Vous avez tergiversé, cherché une ligne et ménagé les susceptibilités de votre majorité. Il est temps d’agir et de prendre les mesures qui permettront à notre pays de retrouver sa compétitivité.

Même s’il faut reconnaître que les allégements de charges sont les bienvenus, ce texte ne suffit pas et ne semble relever que d’un effet d’annonce. Les dispositifs ne sont pas à la hauteur. Certains mécanismes, pensés trop idéologiquement, risquent d’avoir des effets pervers. Ainsi, le dispositif « zéro charges URSSAF », mis en œuvre pour les salaires jusqu’à 1,6 SMIC, posera problème : ce plafond, trop bas, risque de créer une trappe à bas salaires ; l’augmentation générale du pouvoir d’achat escomptée n’aura pas lieu.

Ne sont-ce pas simplement des mesures « mirages » que vous nous présentez ? En vérité, on ne sait pas ce qu’il en adviendra. Comment pouvons-nous être sûrs que ce que vous donnez aujourd’hui, vous ne le reprendrez pas sous une autre forme demain ? Pour le moment, on ne peut qu’espérer que le Gouvernement tiendra ses engagements, on ne sait pour combien de temps.

Ces mesures seront-elles reconduites dans les années à venir ? Là est la question. Or les entreprises, vous le savez, ont besoin de lisibilité et de visibilité à long terme pour pouvoir s’engager en termes d’embauches. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ces dispositions sont-elles pérennes, et pour combien de temps ?

Les inquiétudes sont d’autant plus importantes que vous proposez des baisses et des allégements sans annoncer aucune piste pour les compenser. Alors que l’article 40 oblige les parlementaires à compenser chaque euro dépensé, le Gouvernement se permet de présenter un texte représentant plusieurs millions d’euros non financés. Où trouverez-vous cet argent ?

Mme Véronique Louwagie. Tout à fait !

M. Jean-Louis Costes. Mais il faut aller plus loin que ces aides et ces allégements. Une simplification des textes et du droit du travail devient inévitable ; ce n’est pas en ironisant, comme l’a fait M. Sapin ces derniers jours, sur la taille des caractères dans le code du travail que nous arriverons à relancer la croissance française !

Pourtant, vous n’arrêtez pas de compliquer le quotidien des entrepreneurs. Le compte pénibilité que vous avez mis en place est une usine à gaz pour les entreprises. La réforme de l’inspection du travail que vous préparez pèsera aussi sur le fonctionnement des établissements. Il faut stopper ce processus et cesser ces empilements. Il est indispensable de mettre en place une véritable simplification du droit et une réduction des normes, qui pèsent beaucoup trop sur nos entreprises.

Enfin, nos collègues socialistes et écologistes demandent en permanence des contreparties aux entreprises. Il est temps d’arrêter avec ce discours ! Je l’ai dit en commission, je vous le redemande ici : faites un peu confiance à nos chefs d’entreprise ! Dans la situation actuelle, un peu d’oxygène fiscal leur permettra simplement de survivre ; c’est essentiel si l’on ne veut pas que la situation se dégrade encore davantage.

Mme Véronique Louwagie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, les choix que nous ferons dans les heures qui viennent sont essentiels. Ils détermineront l’avenir économique de la France ces prochains mois et ces prochaines années. Car ce texte, juridiquement une loi de financement de la sécurité sociale, est fondamentalement une loi de politique économique et sociale.

Notre croissance va-t-elle rebondir ou stagner encore pendant de longs mois ? Le chômage, qui est reparti à la hausse, baissera-t-il enfin ou poursuivra-t-il sa course désespérante ? Les Français verront-ils les fruits de leurs efforts, ou serons-nous contraints de leur demander encore plus dans une course perdue d’avance, où l’austérité creuse les déficits, et appelle toujours plus d’austérité ?

C’est pourquoi j’attends beaucoup de l’examen de ce texte. Je veux évacuer d’emblée les faux débats. La question n’est pas d’être pour ou contre les entreprises – nous sommes tous ici pour les aider à réussir dans la mondialisation. La question n’est pas non plus d’être plus ou moins à gauche – je ne ferai jamais ce procès à un gouvernement de la majorité à laquelle j’appartiens. La question est celle de l’efficacité : comment retrouver au plus vite, et au mieux, le chemin de la croissance ?

Je veux vous dire mon intime conviction. La France est confrontée à une triple difficulté, à un triple déficit : déficit financier – c’est l’honneur de la gauche de ne pas vouloir laisser nos dettes aux générations futures – ; déficit de compétitivité ; déficit de la demande.

Est-ce pour autant la quadrature du cercle ? Non, à condition de trouver un bon équilibre entre le soutien à l’offre et le soutien à la demande. De mon point de vue, cet équilibre aujourd’hui n’existe pas : le projet de loi prévoit 6,5 milliards pour les entreprises, et 2,5 milliards pour les ménages, neutralisés par 2,5 milliards de gels de prestations. Entre 2014 et 2017, 41 milliards d’euros iront aux entreprises, et 5 milliards aux ménages, neutralisés par 5 milliards de gels de prestations.

Or les entreprises, dans nos circonscriptions, nous disent que leur problème numéro 1 est celui du carnet de commandes. Les Français nous disent : « on n’arrive plus à boucler nos fins de mois ! ». Les collectivités locales nous disent qu’elles n’ont plus les moyens d’investir dans le logement, les transports, les équipements publics. Il est devenu vital d’engager un soutien puissant au pouvoir d’achat, en commençant par annuler ces gels de prestations qui touchent les plus modestes.

J’espère aussi que nous nous retrouverons, chers collègues, pour baisser les taux de CSG sur les classes moyennes et sur les foyers les plus modestes. De nombreux parlementaires ont déposé des amendements en ce sens ; en les votant, nous apporterions 16 milliards d’euros de pouvoir d’achat à horizon 2017, dont 4 milliards dès 2015. Au passage, nous aurions créé cette CSG progressive et ouvert la voie à la fusion avec l’impôt sur le revenu. L’impôt, c’est le ciment de la nation ! Réconcilions les Français en créant enfin cet impôt citoyen promis par François Hollande, dans son engagement n14 !

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. Jean-Marc Germain. Le deuxième levier du retour de la croissance, c’est l’emploi. Quand l’économie est à l’arrêt, c’est l’emploi qui fait la reprise, pas le contraire. On l’a vu en l997, avec les emplois jeunes. Aujourd’hui, on nous annonce 150 000 chômeurs supplémentaires fin 2015. Eh bien, créons 150 000 emplois d’avenir, créons 150 000 contrats d’apprentissage, et conjurons ce mauvais présage !

En matière de lutte contre le chômage, des leviers existent, qu’il nous faut mobiliser à plein. Je vous assure que si, fin 2015, nous affichons enfin une baisse des chiffres du chômage, la France aura un visage autrement plus souriant.

Je vous entends déjà nous demander comment financer tout cela sans creuser les déficits. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative : en concentrant les baisses d’impôts et les baisses de cotisations prévues pour les entreprises sur celles qui en ont réellement besoin. Je le disais, les textes prévoient 41 milliards d’euros en tout pour les entreprises à l’horizon 2017. Ma conviction est que l’on peut faire beaucoup mieux, avec moins.

Ciblons ces fonds sur les entreprises exposées à la concurrence, fléchons ces moyens sur la recherche, l’innovation, la formation, le verdissement de l’économie. Adoptons un principe simple : pas un euro pour les entreprises ne doit aller ailleurs que dans l’emploi ou l’investissement, et tout euro qui partirait ailleurs doit être remboursé. Nous avons défendu ce principe pour les crédits d’impôts dans le PLFR, nous le ferons ici pour les baisses de cotisations.

C’est une exigence économique, mais aussi morale : on ne peut pas demander de tels efforts aux Français sans leur donner l’assurance, par la loi, que leurs efforts ne seront pas vains. Bien sûr, il faut aussi se battre à Bruxelles pour obtenir une trajectoire plus raisonnable de réduction des déficits, comme le fait d’ailleurs le Président de la République. La présidence Renzi offre quelques espoirs d’y parvenir.

Chers collègues, la semaine dernière, nous avons fait honneur à notre mandat de député en débattant ensemble sur les meilleures façons de sortir de la crise. Nous l’avons fait aux yeux de tous, dans cet hémicycle qui est le cœur battant de la démocratie. Alors que la France et le Nigeria sont toujours à égalité, formons ensemble un vœu, celui de marquer enfin des buts contre le chômage ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, les deux lois de finances que le Parlement examine actuellement jettent les bases concrètes du pacte de responsabilité, esquissé le 1er janvier, précisé, amendé, et parfois ballotté, durant tout le printemps. Nous entrons à présent dans une deuxième phase du quinquennat, non que la majorité se soit convertie à une politique de l’offre, mais parce que nous sommes sortis du simple « redressement dans la justice ».

Plus personne ne peut feindre d’ignorer les effets récessifs de la course aux 3 %. Ces baisses de dépenses, qui ont pour conséquence de repousser sans cesse l’objectif de redressement des comptes publics, fabriquent une politique sans chance, une politique de l’échec perpétuel, qui provoque une grande anxiété civique. Chaque citoyen se sent écrasé par la dette, écrasé par l’impotence des politiques. Cette anxiété s’est exprimée, entre autres, par deux fois, dans les urnes ce printemps.

L’OFCE l’a dit très tôt, la rapporteure générale du budget le dit maintenant : cette politique tue la croissance et fabrique du chômage. La croissance zéro et la hausse du chômage ne sont pas des phénomènes naturels, des orages dont il faut guetter la fin, mais bien le produit d’une mécanique austéritaire, imposée par ce que j’appelle les 3 « B » : Bruxelles, Berlin, Bercy.

Ce pacte repose sur la volonté d’écarter la question du taux de change de l’euro, et plus encore celle de la nécessaire refonte de l’euro, avec sa transformation de monnaie unique en monnaie commune.

Les mesures de baisse du coût du travail ne peuvent se comprendre autrement que comme une mesure de déflation salariale, une dévaluation interne, pour reprendre un peu de compétitivité à nos voisins, particulièrement ceux du Sud.

Voilà l’Europe que l’Euro, monnaie unique, fabrique : une Europe de la compétition et de la dévaluation interne. Faute de dévaluation monétaire, nous provoquons une micro-dévaluation interne.

Bien sûr, l’ajout dans le collectif budgétaire de mesures en faveur des ménages et du soutien à la demande intérieure va dans le bon sens. Ces mesures auraient toutefois plus de portée dans le cadre d’une fusion de l’impôt sur le revenu et d’une CSG progressive. Mais faire bouger la feuille de paie est une bonne mesure.

Là où il aurait fallu améliorer le CICE, le Gouvernement fait le choix du recours à une politique aussi inoxydable que, je me permets de le dire, inefficace : la baisse du coût du travail, pratiquée depuis trente ans par tous les gouvernements. La baisse des charges justifie ce projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Pour notre part, nous conservons une préférence pour l’outil fiscal et pour le CICE, une excellente intuition issue du rapport Gallois. Le CICE est conforté dans le cadre du pacte : c’est une très bonne nouvelle, car il doit rester une pièce importante du dispositif.

Dans la continuité du rapport Gallois, d’autres chantiers sont à ouvrir : financement de l’économie ou coût du capital, montée en gamme industrielle, véritable démocratie sociale, au-delà du paritarisme – à bout de souffle comme le montrent les atermoiements actuels du patronat –, politique énergétique assurant une énergie à bas coût, et aussi une politique du travail.

Le Mouvement Républicain et Citoyen ne manque pas d’idées et de propositions pour vous aider à réussir. Nous les avons récemment rassemblées dans un contre-projet.

J’ai assez critiqué le « triple B » pour devoir préciser qu’il y a le bon Bercy et le mauvais Bercy ; il y a un Bercy qui sait que la politique de compétitivité n’a pas grand-chose à voir avec la baisse du coût du travail, et qu’il faut mener les batailles de demain, pas celles d’hier.

Économique, sociale, politique, la crise est profonde. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, en politique, vous le savez autant que moi, il y a des objectifs incompatibles. La science économique rejoint la sagesse populaire : on ne peut pas courir plusieurs lièvres à la fois.

Croissance, emploi ; déficit, dette : il faut choisir. D’ici l’automne, et en tirant toutes les conséquences du conseil européen de jeudi dernier, je souhaite que nous soyons capables de choisir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Mes chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale me donne à nouveau l’occasion de m’interroger sur l’article L. 136-6 du code de la Sécurité sociale qui étend la CSG et la CRDS aux revenus tirés de biens immobiliers par des non-résidents, sans tenir compte du refus déjà exprimé par la Cour de justice de l’Union européenne d’étendre la CSG et la CRDS aux revenus de source française, dès lors que ces non-résidents sont assujettis à une imposition sociale dans un autre État membre. J’entends appeler votre attention sur les difficultés juridiques que ce non-respect soulève.

Dès 2012, j’ai demandé à la Commission européenne si cette mesure était conforme au droit européen. Vous le savez, les services de la Commission européenne ont ouvert une procédure d’infraction contre la France pour non-conformité au droit européen de l’extension des prélèvements sociaux aux revenus immobiliers perçus par les non-résidents. De surcroît, le Conseil d’État a saisi en 2013 la Cour de justice de l’Union européenne afin de l’interroger sur l’application du règlement européen en la matière.

Le Conseil d’État organisait vendredi dernier un colloque ayant pour thème « Impôt et cotisation : quel financement pour la protection sociale ? ». Ainsi, la haute autorité administrative considère, comme mentionné sur son dossier, qu’« un prélèvement symbolise le caractère ténu de la frontière entre impôt et cotisation dans le système de droits et devoirs actuels : la CSG, qualifiée d’impôt, mais qui n’est due, en application de la jurisprudence de la CJCE, que pour les personnes bénéficiant du système de Sécurité sociale français. » M. le rapporteur pour avis a d’ailleurs participé à ce colloque.

Si le bénéfice du régime de santé est lié au paiement de la CSG qui concourt au financement de la protection sociale, dont les assujettis doivent tout naturellement bénéficier, expliquez-moi comment les non-résidents peuvent être assujettis à la CSG sans bénéficier d’une prestation sociale ? Peut-être souhaitez-vous leur accorder les avantages des usagers de la Sécurité sociale ? Chers collègues, je vous invite à réfléchir à cette question.

J’insiste : les revenus immobiliers de source française perçus par les non-résidents doivent demeurer exclus du champ des contributions sociales bien qu’ils soient soumis à l’impôt sur le revenu en France. Pour toutes ces raisons la France doit rendre sa législation conforme à ses engagements européens et ainsi éviter une lourde condamnation.

Monsieur Christian Eckert, vous avez proposé dans cet hémicycle le 24 juin dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2014, de constituer un groupe de travail avec les députés des Français de l’étranger et les membres de la commission des finances, afin, « d’ici la loi de finances, aboutir à une solution satisfaisante ». Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, m’indiquer qui présidera ce groupe de travail et quand il se mettra en place ? Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Mes chers collègues, le pacte de responsabilité et de solidarité, en direction des entreprises et des ménages, est indissociable des mesures qui seront adoptées demain dans la loi de finances rectificative, et de celles que vous nous proposez dans le budget rectificatif de la Sécurité sociale pour 2014. Il s’agit de mobiliser de nouveaux moyens en faveur de l’emploi et de l’investissement, ce qui concerne les entreprises, mais également, et nous devons l’exprimer avec force, de préserver le pouvoir d’achat des classes moyennes et veiller aux ménages à revenus modestes dont l’impôt et les cotisations seront allégés.

Trop souvent, ce message est brouillé par ceux qui considèrent qu’il s’agit d’abord de « cadeaux » aux entreprises, ou par ceux qui, sans avoir de véritable politique alternative à proposer, voudraient des réformes qu’ils n’ont jamais faites eux-mêmes lorsqu’ils étaient au pouvoir.

Votre politique est cohérente car elle s’attache à réduire les déficits tout en préservant les ménages modestes et en s’appuyant sur les partenaires sociaux pour opérer, dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, un suivi branche par branche, entreprise par entreprise, année par année.

Votre politique est cohérente car, dans un contexte où il est devenu indispensable de redresser les finances publiques, vous avez instauré en direction des ménages les plus aisés une tranche supérieure d’impôt à 45 % pour les très hauts revenus alors que la droite avait mis en place le bouclier fiscal. Parallèlement les revenus du patrimoine ont été soumis à un barème progressif d’imposition, comme les revenus du travail.

C’est parce que la pression fiscale est devenue trop lourde, suite aux mesures du précédent Gouvernement ajoutées à celles que nous avons dû prendre pour faire face à la situation laissée par la droite, que le projet de loi de finances rectificative ainsi que le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale prévoient d’alléger dès 2014 la charge sociale de 3,7 millions de foyers devenus imposables. C’est pour près de 2 millions d’entre eux que l’impôt sera annulé.

Le Gouvernement a entendu notre groupe politique et nous nous en réjouissons particulièrement quant au décalage d’un an de la revalorisation de certaines prestations sociales hors minima sociaux : c’est le cas des pensions de base, mais à l’exception de celles touchées par les retraités dont le montant total des pensions est inférieur à 1 200 euros. De même, 6,5 millions de retraités ne seront pas affectés par le gel des pensions de retraite de base.

Au-delà des retraités, les salariés payés au SMIC bénéficieront également d’un allégement de leurs cotisations. Cette mesure se traduira par un gain de salaire de plus de 500 euros par an. Les agents publics seront aussi concernés, en même temps que les allégements de cotisations patronales seront mis en œuvre dès 2015.

Toutes ces dispositions ne sont pas de simples mesures fiscales techniques. Elles signent votre volonté de soutenir l’investissement et de donner aux entreprises des marges de manœuvre pour innover, investir et créer des emplois. Elles traduisent également, même si certains s’appliquent à le passer sous silence, notre volonté commune, majorité parlementaire et Gouvernement, de veiller au pouvoir d’achat des classes moyennes et des ménages modestes, mettant au centre de nos préoccupations la justice sociale, la réduction des inégalités, pour lesquelles nous sommes engagés et auxquelles nous ne renoncerons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Mes chers collègues, dans ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale présenté dans le cadre du pacte de responsabilité, nous saluons la baisse envisagée du coût du travail qui est une nécessité à laquelle vous vous serez ralliés bien tardivement. Deux années de perdues après avoir combattu et rejeté la TVA anti-délocalisation du gouvernement précédent, ce qui représente ni plus ni moins une perte, pour les entreprises, de près de 13 milliards d’euros de baisse des charges qui avaient été promises à l’époque.

Nous avons le devoir de nous inquiéter du financement de ces réductions de charges. Vos prévisions sont à la fois optimistes, imprudentes et fragiles et vous persistez dans le conjoncturel en négligeant trop le structurel. La grande incertitude repose sur la prochaine évolution des dépenses de santé et des établissements de santé. La comparaison avec notre voisin allemand est criante : alors que nous débattons ici autour de nos déficits, ils se préoccupent quant à eux du niveau de leur excédent. Voyez le fossé qui nous sépare !

Aucun chef d’entreprise, aucun Français n’a oublié la fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions de retraite, la fiscalisation de la dépense des entreprises pour la généralisation des complémentaires santé, la réduction du plafond du quotient familial, l’arrêt des exonérations fiscales des heures supplémentaires et les dépenses qui découleront du compte pénibilité.

Vous avez de surcroît supprimé le jour de carence dans le secteur public, la franchise pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État alors qu’elle explose aujourd’hui. Vous réalisez des économies sur le champ social, par des mesures de type « rabot » qui n’ont rien de structurel et qui n’infléchissent en rien le tendanciel de dépense.

Vos perspectives sont trop lointaines : le CICE en 2015, les baisses de cotisation en 2016, la contribution sociale de solidarité des sociétés en 2017. Les entreprises vous le répètent depuis 48 heures : elles ont besoin que des mesures soient mises en œuvre tout de suite. Trop de temps a été perdu et elles semblent penser aujourd’hui qu’il s’agit d’un chèque en blanc.

Des questions se posent quant à l’effet des prévisions et des mesures sur la Sécurité sociale, que la Cour des comptes a évoquées. Les recettes sont surévaluées et les dépenses sous-évaluées. Vos données d’économies réelles ne sont pas fiables : le niveau de croissance et celui des recettes fiscales sont contredits par les économistes les plus sérieux.

Dans votre texte, la Sécurité sociale porte la part la plus importante des économies du pacte de responsabilité, mais sans compensation budgétaire, ce qui est en contradiction avec les règles législatives depuis 1994 et la loi organique de financement de la Sécurité sociale de 2005.

Si, à première vue, le total des allègements prévus s’élève entre 2015 et 2017 à 44 milliards d’euros environ, comment les compenser ? C’est le flou sidéral ! Même en commission, nous n’avons obtenu aucune réponse car seul le budget de l’État pourrait compenser les baisses de charges. Comment ? En accentuant le déficit du budget général ou en donnant d’autres recettes, issues de taxes diverses ?

Pourquoi anticiper ? J’ai l’impression que l’on met la charrue avant les bœufs – M. Bapt ne me contredira pas – puisque vous ne vous référez pas aux propositions définitives du Haut conseil du financement de la protection sociale, qui ne rendra sa copie que dans quelques semaines. Quelles taxes ? Quelles recettes supplémentaires ? Il est anormal que la représentation nationale soit laissée dans l’ignorance et attende un « jour prochain » comme il m’a été dit en commission des affaires sociales. Qu’est-ce que ce « jour prochain » ? Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ? Le projet de loi de finances d’octobre prochain ? Nous n’en savons rien.

Nous avons également fait observer, en commission, quelques failles de ce texte, comme le RSI qui serait fondu dans le régime général, ou la réduction du fonds de modernisation pour les équipements publics et privés de santé alors que les nécessités du terrain appelleraient plutôt à abonder encore davantage ce fonds – à moins que ses ressources ne soient mal employées.

Enfin, la décision de geler les pensions des retraités pendant dix-huit mois nous a troublés, et même profondément choqués.

En clair, ce projet de loi de financement rectificative nous laisse tout à fait circonspects. Il ne relève pas d’une véritable logique de réforme, mais bien davantage de la technique du sapeur Camembert, suivant le jugement de quelques observateurs avertis. En effet, le risque est grand pour le régime général de plonger dans un nouveau précipice déficitaire.

Madame la ministre, nous sommes tous – vous comme nous, la gauche comme la droite – tout à fait favorables à la réduction des cotisations patronales et salariales dès lors qu’elle permettrait de réduire le coût du travail. Il est regrettable, néanmoins, d’avoir raté l’étape de la TVA anti-délocalisation,…

Mme Isabelle Le Callennec. Eh oui ! Détricotage !

M. Jean-Pierre Door. …tout comme il est regrettable de ne pas s’inspirer des propositions du Haut conseil pour le financement de la protection sociale. En commission, le groupe UMP a indiqué qu’il ne s’opposerait pas aux articles 1 à 3 qui donnent corps à l’ambition de réduire les charges sociales, mais il ne pourra donner son aval à l’ensemble du texte, car nous demeurons très dubitatifs sur plusieurs points. Enfin, pourquoi les conseils d’administration de tous les organismes et les associations d’usagers – y compris le collectif interassociatif sur la santé, le CISS – ont-ils donné un avis presque unanimement défavorable ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La discussion générale est close.

2

Élection de trois députés

M. le président. J’informe l’Assemblée que M. le président de l’Assemblée nationale a reçu aujourd’hui une communication du ministre de l’intérieur l’informant que, le 29 juin 2014, ont été élus députés M. Laurent Degallaix dans la 21ème circonscription du Nord, Mme Annick Girardin dans la circonscription de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mme Maina Sage dans la 1ère circonscription de la Polynésie française.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron