SOMMAIRE
Présidence de Mme Sandrine Mazetier
1. Réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville
Suspension et reprise de la séance
Discussion des articles (suite)
M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales
Amendements nos 213 , 214 , 257 , 215 , 218 , 219 , 220
Amendements nos 37 , 125 , 259 , 222 , 258
Amendements nos 38 , 130 , 185 , 186 , 246 , 39 , 126 , 152 , 40 , 127 , 153 , 41 , 129 , 241 , 154
Amendements nos 42 , 54 , 65 , 134 , 43 , 131 , 66 , 223 , 44 , 132 , 67 , 133 , 226
Amendement no 155
Amendements nos 281, 282, 283
Articles 23 quinquies A, 23 quinquies B et 23 septies
Amendement no 270
Articles 23 nonies A et 23 nonies
Amendement no 76
Amendement no 265
Amendements nos 156, 157, 158, 159, 160, 162, 161, 163, 164
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 273 , 68 , 142
Amendement no 136
Amendement no 48
Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la, en lecture définitive, de la proposition tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales (nos 2888, 2948).
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, pour commencer, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve.
Vous êtes à nouveau appelés à examiner la proposition de loi visant à permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015. Sans cette proposition de loi, les élections régionales de décembre 2015 se feraient sur la base des demandes d’inscription déposées près d’un an auparavant, au 31 décembre 2014, ce qui représente un décalage flagrant. Nous avions le devoir d’y remédier. La députée Elisabeth Pochon en a pris l’initiative, et je l’en remercie au nom du Gouvernement.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien !
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État. Pour permettre aux Français qui auront déménagé entre le 31 décembre 2014 et l’été 2015 pour des motifs non professionnels – ils seront nombreux – de s’inscrire dans le courant du mois de septembre 2015, il convient d’adopter la réforme telle qu’elle a été votée par votre assemblée en première lecture et en nouvelle lecture. Ainsi, le rapprochement entre la date butoir d’inscription sur les listes électorales et le moment où se déroule le scrutin permettra d’obtenir un corps électoral plus sincère basé sur des listes électorales plus représentatives.
Les communes attendent les instructions des préfectures sur les mesures à mettre en œuvre pour préparer cette révision exceptionnelle. Le Gouvernement est prêt à prendre le décret d’application visé par l’article 2 de la proposition de loi et à transmettre les instructions adéquates aux préfets, qui les relaieront aux communes peu avant les congés estivaux.
M. Yves Goasdoué. Parfait !
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État. Enfin, je voudrais rappeler que le Gouvernement appelle de ses vœux une réforme plus structurante. Nous devons d’ores et déjà envisager de franchir une étape supplémentaire.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien !
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État. Et le Gouvernement souhaite que nous le fassions ensemble.
Mesdames, messieurs les députés, le Président de la République s’est en effet clairement exprimé en faveur d’une modernisation de l’accès au scrutin, avec l’ambition que nos concitoyens puissent s’inscrire dans un délai d’un mois précédant l’échéance électorale, et non plus seulement l’année précédant le scrutin. Votre rapporteure et M. Jean-Luc Warsmann partagent cette ambition et ont formulé en ce sens des propositions très concrètes dans leur rapport d’information.
M. Yves Goasdoué. D’excellentes propositions !
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Un excellent rapport !
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État. Nous avons d’ores et déjà, avec ces deux députés, comme le ministre de l’intérieur s’y était engagé devant vous le 30 mars dernier, commencé à travailler depuis quelques semaines à une telle réforme. C’est là un enjeu républicain qui doit nous rassembler au-delà de nos différences.
Mesdames, messieurs les députés, vous l’aurez compris, le Gouvernement apporte un soutien sans réserve au texte tel qu’il a été adopté en première lecture et en nouvelle lecture par votre assemblée. Il permet de prendre la mesure de l’échéance qui nous attend au mois de décembre, qui est non seulement une échéance électorale pour chacune de nos formations politiques mais également une échéance républicaine face au risque de l’abstention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Elisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Mme Elisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous sommes à présent – enfin, ai-je envie de dire – parvenus à la dernière étape de la navette parlementaire, la lecture définitive, sur une proposition de loi que l’Assemblée nationale a commencé d’examiner en mars. J’en rappellerai l’objet et l’objectif.
L’objet de ce texte, tout d’abord, est de tirer les conséquences du report des élections régionales de mars à décembre prochain décidé par la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, entrée en vigueur en janvier 2015.
M. Frédéric Reiss. Une ineptie totale !
Mme Elisabeth Pochon, rapporteure. L’objectif, ensuite, est de répondre à l’exigence démocratique de participation du plus grand nombre à des élections organisées exceptionnellement en fin d’année, événement inédit depuis cinquante ans pour des élections organisées en décembre – les présidentielles de 1965 – et vingt-sept ans pour des élections organisées en septembre ; les cantonales de 1988.
Trois options se présentaient à nous pour répondre à ces circonstances exceptionnelles. La première consistait à ne rien faire. C’est, en substance, la position prônée par le groupe Les Républicains qui, à l’Assemblée tout du moins, s’est abstenu sur ce texte avant de s’y opposer, soutenant tout et son contraire, notamment la nécessité d’une modification des conditions d’inscription sur les listes électorales et le statu quo pour l’année 2015, quel qu’en soit le prix à payer pour nos concitoyens. Or, je le répète, ce n’était pas, ce n’est pas le moment de refaire le débat sur la réforme territoriale.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ils ont compris, à présent ; ils sont sur la bonne voie !
Mme Elisabeth Pochon, rapporteure. La deuxième option consistait à assouplir les conditions d’inscription en dehors des périodes de révision permises par l’article L. 30 du code électoral. Un temps envisagée par M. Jean-Luc Warsmann et moi-même, cette solution a finalement été écartée par notre assemblée pour des raisons de principe et de faisabilité pratique. Elle a toutefois été retenue par le Sénat, qui a proposé d’élargir l’inscription en dehors des périodes de révision à toutes les personnes changeant de commune de résidence, quel que soit le motif de leur déménagement, alors que cette possibilité n’est permise aujourd’hui qu’en cas de déménagement pour des motifs professionnels.
La dernière option, enfin, était de rouvrir les possibilités d’inscription à tous les électeurs. C’est celle qui a été retenue dans la version initiale de la présente proposition de loi, qui visait à procéder à une seconde révision des listes électorales en plus de celle qui s’est achevée le 1er mars dernier, sur la base des demandes d’inscription déposées avant le 31 décembre 2014, en rouvrant les délais d’inscription jusqu’au 30 septembre prochain afin de permettre à tous les électeurs de régulariser leur situation électorale.
L’Assemblée nationale et le Sénat ne sont, hélas ! pas parvenus à trouver un accord sur l’une de ces deux dernières solutions, ni en commission mixte paritaire ni en nouvelle lecture.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Quel dommage !
Mme Elisabeth Pochon, rapporteure. Je note cependant que la seconde chambre a fait évoluer sa proposition initiale pour tenir compte des objections que notre assemblée et le Gouvernement avaient formulées à son égard.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est la voix de la raison !
Mme Elisabeth Pochon, rapporteure. La commission des lois du Sénat a tenté de répondre aux risques d’insécurité du processus d’inscription et d’insincérité du scrutin en aménageant le dispositif généralisant le 2° bis de l’article L. 30 précité. Elle a ainsi reculé de dix à vingt jours avant le scrutin la date butoir à laquelle l’électeur peut déposer sa demande d’inscription en dehors des périodes de révision et allongé de cinq à dix jours avant le même scrutin le délai dont dispose la commission administrative pour statuer, permettant au maire de la commune de radiation d’être informé plus tôt par son homologue de la commune de la nouvelle inscription, soit une semaine environ avant l’élection.
Je tiens à saluer le souci de convergence et l’esprit de conciliation qui ont présidé aux réflexions du rapporteur, M. Pierre-Yves Collombat, et aux travaux du Sénat. Malgré tout, le dispositif adopté par le Sénat en nouvelle lecture demeure insatisfaisant sur le principe et inopérant en pratique. Je ne reviendrai pas ici sur les problèmes pratiques soulevés par la proposition sénatoriale – risques de doubles inscriptions et d’inscriptions indues – car chacun connaît les termes du débat. Les aménagements opérés par le Sénat à sa proposition initiale ne les font pas disparaître, mais permettent d’en réduire la portée en assouplissant les contraintes de calendrier.
Nous demeurons toutefois convaincus qu’un délai de deux mois incompressibles est nécessaire à l’actualisation des listes électorales avant les prochaines élections régionales. Plus fondamentalement, il est impératif que tous les électeurs puissent régulariser leur situation électorale avant ces élections, et non pas seulement ceux qui changeraient de commune d’inscription.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien !
Mme Elisabeth Pochon, rapporteure. En effet, je reste persuadée que nombreuses seront les personnes à se présenter en mairie pour procéder à leur inscription sur les listes électorales dans les prochaines semaines, convaincues que leur démarche leur permettra de voter aux régionales de décembre. Qui comprendrait que cela ne soit pas le cas ? Quelle démocratie peut accepter que les listes électorales servant de base à des élections soient figées une année plus tôt ?
Pour toutes ces raisons, le texte adopté par notre assemblée en nouvelle lecture est le seul à même de répondre au défi posé par le report des élections régionales de mars à décembre prochain, parce qu’il est conforme à l’exigence démocratique de participation du plus grand nombre au scrutin, et parce qu’il ne préjudicie en rien à la sécurité et à la sincérité du processus électoral. Je vous invite donc à adopter la proposition de loi dans sa version approuvée par notre assemblée en nouvelle lecture.
En conclusion, je souhaiterais renouveler le vœu que j’avais formulé ici même en première lecture, madame la secrétaire d’État, vœu qui sera aussi une réponse aux critiques exprimées par certains de nos collègues : je souhaite que les prochains mois et l’année 2016, au cours de laquelle aucun scrutin ne devrait être organisé, soient mis à profit pour adapter notre procédure d’inscription aux attentes des électeurs, en la rendant plus souple, plus moderne et plus fiable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Excellent !
M. François de Rugy. Très bien !
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Zumkeller.
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ah ! Les mots me manquent ! (Sourires.)
M. Michel Zumkeller. Madame la présidente…
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Très bien ! (Sourires.)
M. Michel Zumkeller. Je vais vous dédicacer mon discours, monsieur le président de la commission, puisque vous semblez l’attendre avec une telle impatience ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je l’attendais, en effet !
M. Michel Zumkeller. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, élection après élection, nous assistons à la progression inexorable de l’abstention, signe d’un désintérêt profond, voire d’un rejet de la politique. Si certains électeurs font le choix de ne pas voter, d’autres sont dans l’incapacité de le faire pour des raisons techniques, parce qu’ils sont mal informés, parce qu’ils n’ont pas connaissance des démarches administratives et sont, de ce fait, mal inscrits.
Ce phénomène, identifié dans le rapport d’information co-écrit par Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, n’est pas anodin : on comptait, en 2012, 3 millions de non-inscrits, chiffre en progression continue depuis 2007, autant d’abstentionnistes supplémentaires pour notre pays. Ce rapport soulignait notamment le décalage qui existe entre le calendrier de révision des listes électorales et le rythme démocratique. Depuis 1959, la majeure partie des élections se tiennent après le mois de mars, date à laquelle l’inscription déposée l’année précédente prend effet. Or, cette année, alors que les élections régionales auront lieu au mois de décembre, nous pouvons craindre une recrudescence des phénomènes de non-inscription.
Si des dérogations existent en cas d’acquisition de la nationalité ou de déménagement pour raison professionnelle, elles sont peu nombreuses et ne prennent pas en compte la mobilité croissante des électeurs. Un certain nombre de propositions ont été inscrites dans le rapport que je viens d’évoquer pour éviter ce type de situations, qui ne font que renforcer l’abstention. Il était notamment suggéré d’assouplir le calendrier électoral pour l’ensemble des élections à venir en rapprochant la clôture des délais d’inscription des dates des élections et en procédant à une révision préélectorale des listes. Il est d’ailleurs regrettable que la présente proposition de loi, au lieu de suivre cette préconisation, instaure une disposition spécifique pour la seule année 2015. Il était proposé dans le rapport d’accompagner les citoyens dans leurs obligations civiques, de suivre au mieux leur mobilité, et de répartir les demandes d’inscription sur l’ensemble de l’année en articulant l’inscription sur les listes électorales avec d’autres démarches administratives.
Les co-rapporteurs souhaitaient également réformer la procédure d’examen et de contrôle des inscriptions en rationalisant l’organisation territoriale des commissions administratives de révision des listes électorales, en renforçant le contrôle des préfectures sur ces commissions et en confiant à l’INSEE la gestion d’une liste électorale unifiée. Malheureusement, cette proposition de loi ne nous donne pas l’opportunité de débattre de ces propositions. Nous espérons pouvoir en discuter prochainement, car la participation électorale est un sujet primordial. En outre, nous sommes un peu surpris que cette proposition de loi n’ait pas été déposée à l’initiative des deux co-rapporteurs, ce qui eût permis de donner l’image d’un travail réalisé dans un esprit transpartisan.
En dépit de ces regrets évoqués lors des précédentes lectures par mes collègues Arnaud Richard et Michel Piron, nous sommes favorables à cette proposition de loi. Elle poursuit un objectif louable, celui de permettre au plus grand nombre d’exercer son droit de vote, en fixant au 30 septembre 2015 la date limite de dépôt des demandes d’inscription.
En remplaçant le dispositif initial par une disposition élargissant la faculté reconnue aux personnes qui ont déménagé en cours d’année de s’inscrire en dehors de la période de révision des listes électorales, le Sénat a adopté une version radicalement différente de cette proposition de loi. Le dispositif issu du Sénat imposerait cependant un délai trop court dans la procédure de révision des listes. Les commissions administratives de révision, l’INSEE et les communes ne disposeraient donc pas du temps nécessaire à des vérifications effectives. Les risques de doubles inscriptions seraient ainsi accrus.
En outre, cette disposition créerait une distinction injustifiée entre les électeurs selon le moment de dépôt de leur demande : un dépôt avant son entrée en vigueur ne permet aux électeurs que d’être inscrits au 1er mars 2016, alors que ceux qui l’auraient déposé après auraient la possibilité de voter en 2015.
Enfin, les personnes ayant oublié de s’inscrire ne rempliraient pas les conditions nécessaires pour s’inscrire sur les listes électorales et ne rentreraient pas dans le périmètre du dispositif.
Le texte du Sénat ne répondrait donc pas à l’objectif initial du texte et ne réglerait qu’une partie du problème.
Compte tenu du fléau grandissant qu’est l’abstention, nous ne pouvons pas nous opposer à la présente proposition de loi. Nous n’oublions pas pour autant que les aller-retour incessants entre la majorité et le Gouvernement au sujet des élections ont contribué à les rendre encore plus complexes aux yeux de nos électeurs. En outre, si cette proposition de loi permettra probablement à certains de se rendre aux urnes, notre problème majeur, la démobilisation de l’électorat, reste préoccupant. C’est un défi commun auquel nous devrons travailler ensemble, un problème que nous devons résoudre afin que nos concitoyens puissent s’exprimer en toute liberté lors des élections.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est vrai !
M. Michel Zumkeller. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UDI s’associera à cette proposition de loi et la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers et nombreux collègues passionnés par le sujet (Sourires), j’interviens à mon tour pour soutenir cette proposition de loi.
À cette occasion, madame la rapporteure, je salue le travail que vous avez accompli avec M. Jean-Luc Warsmann dans le rapport d’information sur les modalités d’inscription sur les listes électorales que vous avez remis en décembre 2014. Vous constatiez alors que le nombre de nos compatriotes non inscrits est évalué à 3 millions.
M. Pascal Popelin. C’est exact.
M. François de Rugy. Certaines évaluations, m’a-t-on dit, estiment même que leur proportion atteint près de 10 % de la population en âge et en droit de voter. Sachant qu’il y a environ 45 millions d’électeurs inscrits, nous pouvons prendre la mesure de l’importance de ce potentiel, mais aussi de son caractère inquiétant, puisque les personnes non inscrites ne peuvent exercer, volontairement ou non, leur droit de vote.
Il faut également compter avec la catégorie encore plus nombreuse – d’où un problème encore plus important – des « mal-inscrits », dont vous aviez évalué le nombre à 6,5 millions.
M. Yves Goasdoué. Là encore, c’est exact.
M. François de Rugy. Au-delà de votre travail de fond se pose la question conjoncturelle propre aux prochaines élections régionales, qui se tiendront en décembre 2015. Il est rarissime, dans l’histoire de notre République, d’organiser des élections en décembre.
Je ne referai pas le débat sur le redécoupage des régions qui nous a amenés à ce résultat.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Cela vaut mieux, en effet !
M. François de Rugy. Vous savez ce que j’en pense. Je vois d’ailleurs le président Urvoas, dont le sentiment concernant ce redécoupage n’est pas très éloigné du mien, opiner du chef.
C’est au cours de cette discussion qu’avait été fixée la date de décembre 2015. On ne savait pas que les 6 et 13 décembre seraient retenus, mais il était déjà question de la fin de l’année.
M. Martial Saddier. Hélas !
M. François de Rugy. J’étais intervenu pour souligner qu’il serait difficile d’organiser, non pas les élections, mais tout simplement le vote à cette période. De fait, pour certains de nos compatriotes, il sera compliqué d’aller voter en cette saison hivernale.
M. Martial Saddier. Très compliqué ! Imaginez un peu en zone de montagne !
M. François de Rugy. Le seul député du principal groupe d’opposition encore présent dans l’hémicycle est un élu de la montagne. Dans la région fort tempérée dont je suis l’élu, la région de Nantes, nous rarement gênés par la neige, mon cher collègue, mais nous le sommes plus que vous quand il y en a car nous n’en avons pas l’habitude ! (Sourires.)
M. Martial Saddier. C’est la voix de la sagesse !
M. François de Rugy. Quoi qu’il en soit, il sera plus difficile pour les Français d’aller voter durant cette période, de même qu’il sera plus compliqué de faire campagne. Je pense aux militants et aux militantes des partis politiques – et je me considère toujours, en tant qu’élu, comme un des leurs – qui devront affronter la pluie, le vent ou le froid. On a beau dire, c’est beaucoup plus ardu !
En outre, on sait bien que les Français n’ont pas forcément la tête aux élections durant la période des fêtes. Je doute que nous soyons très bien reçus lorsque nous irons distribuer des tracts sur un marché de Noël. Nous le ferons néanmoins, car il est impensable de rater un rendez-vous démocratique aussi important que celui des élections régionales.
Dernière difficulté : si nous ne faisons rien, il est certain que de nombreux Français ne seront pas inscrits sur les listes électorales ou ne seront pas inscrits dans la bonne commune. Nous avons tous mené des campagnes électorales et rencontré à chaque fois des personnes qui se montraient intéressées par nos propos, qui se rappelaient qu’il y avait une élection, mais qui n’étaient pas inscrites dans la commune où elles résidaient. Parmi elles, on trouve bien sûr les étudiants, mais pas seulement : pour des raisons professionnelles ou parfois familiales, les Français déménagent beaucoup plus souvent. Et plus l’élection est éloignée de la date de clôture de la révision des listes électorales, plus le problème est important. Nous autres députés en savons quelque chose : en général, les élections législatives se tiennent au mois de juin, et cette date paraît déjà très éloignée de la date limite du 31 décembre !
Honnêtement, plus personne ne comprend aujourd’hui les raisons de cette date butoir, de ce couperet du 31 décembre, même pour des élections ayant lieu au mois de mars. Cela a un côté ubuesque : en pleines fêtes de fin d’année, les gens pensent à autre chose qu’à aller s’inscrire sur les listes électorales ; les mairies, quant à elles, sont confrontées à un brusque afflux ; enfin, les personnes qui n’ont pas les pièces justificatives en sont pour leurs frais et découvrent trop tard qu’elles ne pourront pas voter dans la commune ou, en l’occurrence, dans la région où elles résident.
Vous proposez donc d’ouvrir cette année une nouvelle révision des listes électorales, en permettant les inscriptions jusqu’au 30 septembre. Vous avez mon total soutien. Il faut rapprocher la date limite d’inscription de la date du scrutin.
Du reste, vous proposiez dans votre rapport de réduire ce délai à quarante-cinq jours – délai que nous n’atteignons toujours pas avec cette disposition. J’en viens donc à la seule réserve que ce texte m’inspire : pourquoi ne prévoir un tel dispositif que pour cette élection alors que nous devrions le généraliser ?
M. Martial Saddier et M. Jacques Krabal. Eh oui ! C’est la vraie question !
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ça va venir, mes chers collègues !
M. François de Rugy. Pour ma part, je plaide en faveur d’une « révision glissante » des listes électorales. Les capacités informatiques dont disposent désormais toutes les communes de France, petites ou grandes, le permettent. Et si, comme je l’ai dit lors du débat sur la réforme territoriale, de toutes petites communes n’ont pas assez de moyens, ce sera le moment ou jamais de songer à se regrouper ! Au reste, une commune de cent habitants n’aura pas à faire face à un afflux massif. Quant aux autres, elles ont les moyens informatiques de réviser les listes électorales au fil de l’eau. Quiconque a tenu un bureau de vote sait bien qu’il existe déjà, depuis longtemps, des listes additionnelles aux listes électorales pour les jeunes nés entre le 31 décembre de l’année précédant l’élection et le jour de l’élection ainsi que pour les ressortissants de l’Union européenne ayant le droit de vote aux élections locales.
J’ai bien entendu que l’on renvoyait la mesure à plus tard. Mais pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
M. Martial Saddier. Oui, pourquoi ?
M. François de Rugy. On aurait pu décider d’adopter définitivement cette solution. Les Français attendent cette simplification qui facilitera leur inscription sur les listes électorales.
Je pense même que l’on pourrait établir des mécanismes automatiques. Rappelons que chacun doit déclarer au fisc quelle est sa résidence principale. Il serait très simple que toute déclaration de changement de la résidence principale donne lieu automatiquement, sauf avis contraire de la personne, au transfert de son inscription sur les listes électorales. Pourquoi, après avoir signé un acte d’acquisition chez le notaire, devoir encore faire des démarches ? C’est aberrant ! Puisque nous parlions des notaires et nous en reparlerons demain à l’occasion d’un autre texte, nous pourrions peut-être leur dire qu’ils n’auraient qu’à cliquer sur une case supplémentaire pour enclencher l’inscription sur les listes électorales.
Je profite des cinquante secondes de temps de parole qui me restent pour indiquer que j’estime moi aussi qu’il faudra prendre des mesures beaucoup plus fortes. Avec treize de mes collègues du groupe écologiste, j’ai déposé une proposition de loi en faveur du vote obligatoire, et le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a repris cette idée. Je sais que le président de la commission des lois n’y est pas favorable,…
M. Pascal Popelin et Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous non plus !
M. François de Rugy. …mais, si l’on veut restaurer le caractère universel du suffrage, il faut aller au bout de sa logique.
Mme la présidente. Merci, mon cher collègue.
M. François de Rugy. Vous êtes bien placée pour savoir, madame la secrétaire d’État, qu’un certain nombre de nos compatriotes s’auto-excluent du vote : ce sont les plus jeunes et ceux qui ont le plus de difficultés économiques et sociales. On ne peut continuer ainsi, c’est pourquoi je voulais plaider à nouveau pour le vote obligatoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Martial Saddier. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.
M. Jacques Krabal. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen de la proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales. Je suis d’accord avec ce que François de Rugy vient de dire avec faconde et pertinence : le problème dépasse le fait que les prochaines élections régionales soient organisées en décembre – ce qui est à l’évidence une mauvaise date –, il est beaucoup plus global.
En France, pour voter, il faut franchir non pas une étape, mais deux : pour participer au scrutin le jour de l’élection, il faut d’abord être inscrit sur les listes électorales. Et, disons-le, l’inscription à la française est un véritable parcours du combattant.
M. François de Rugy. Très juste !
M. Jacques Krabal. Oui, l’inscription sur les listes électorales est chez nous un frein à la démocratie !
À chaque élection, l’équivalent de la population combinée de Paris, Lyon et Marseille, soit entre 7 et 10 % des Français en l’âge de voter, ne peuvent le faire parce qu’ils ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Et c’est sans compter les « mal-inscrits », soit un Français sur quatre environ, inscrits à une adresse différente de leur adresse actuelle et qui, souvent, deviennent des abstentionnistes forcés.
Il existe pourtant des solutions : il serait aisé de généraliser, comme le font nos voisins, l’inscription automatique. D’ailleurs, nous avons réussi à le faire depuis 1997 pour les jeunes de dix-huit ans.
Nous ne pouvons pas ne pas réfléchir à la question de fond, à savoir la lutte contre l’abstention, et nous poser la question : quelle citoyenneté voulons-nous ?
Mes chers collègues, avant d’entrer dans le détail, laissez-moi rappeler la célèbre formule d’Abraham Lincoln prononcée devant le Congrès en 1856 : « Un bulletin de vote est plus fort qu’une balle de fusil. » Oui, voter, c’est lutter contre l’obscurantisme, contre les extrémismes. Voter, c’est favoriser la cohésion sociale, c’est montrer son appartenance à la société, à la communauté nationale. Tel est l’enjeu que nous ne devons jamais perdre de vue.
En vertu de l’article L. 16 du code électoral, le principe en vigueur à ce jour impose aux citoyens qui ne seraient pas inscrits sur une liste électorale de le faire avant le 31 décembre pour pouvoir participer aux élections de l’année suivante. Cette proposition de loi vise à leur permettre de bénéficier d’un délai plus long pour aller s’inscrire, notamment en vue des élections régionales de 2015.
Sans une telle disposition, ces élections se tiendraient sur la base de la liste électorale entrée en vigueur le 1er mars 2015 en fonction des inscriptions faites au plus tard le 31 décembre 2014. Il est évident que ce délai est trop long et que des mesures doivent être prises afin que les électeurs n’aient pas à payer le prix de ce décalage du calendrier. Ainsi, nous éviterons qu’un certain nombre d’entre eux se voient privés d’exercer ce droit fondamental qu’est le droit de vote.
La proposition de loi revient de façon exceptionnelle sur la procédure de révision annuelle des listes électorales prévue à l’article L. 16 du code électoral. Il s’agit de prolonger le délai d’inscription sur les listes électorales jusqu’au 30 septembre 2015. La dérogation permettrait également aux mineurs ayant atteint l’âge de dix-huit ans au plus tard la veille de l’élection de pouvoir voter.
Cela concerne également les personnes ayant retrouvé le droit de vote après le 31 décembre 2014. Si cette mesure est considérée comme insuffisante en tant que telle, elle est néanmoins bonne.
Techniquement, elle permettra de donner la possibilité à un plus grand nombre de citoyens de participer aux élections régionales de 2015 et de laisser un délai de deux mois aux commissions administratives pour effectuer les opérations de radiation et d’inscription en vue de l’établissement définitif des listes électorales en vue de ces élections.
Clôturer les listes électorales plus d’une année avant l’ouverture des élections serait un non sens civique quand près de cinq millions de Français déménagent chaque année.
Certes, il existe – vous en avez parlé – des dérogations prévues à l’article L. 30 du code électoral permettant à certaines catégories de personnes de pouvoir s’inscrire sur les listes en dehors des périodes de révision. Il s’agit notamment des personnes ayant dû déménager pour des raisons professionnelles, personnelles ou familiales.
C’est à ce problème que répond la présente proposition de loi, et à rien d’autre. Mes chers collègues, c’est simplement de bon sens ! Ceux qui y voient autre chose se trompent. Tout ce qui peut favoriser le vote, donc faire reculer l’abstention, est bon pour la démocratie ! C’est pourquoi nous avons trouvé la polémique qui a, de temps à autre, accompagné le parcours de cette proposition de loi complètement déplacée.
Il ne s’agit pas de savoir pour qui pourraient voter ceux qui ne sont pas encore inscrits, mais de tout faire pour qu’ils aillent voter. Je vous rappelle que le taux d’abstention s’est élevé à 57 % lors des élections européennes et à plus de 50 % lors des dernières élections départementales.
Bien que l’objectif initial poursuivi par la proposition de loi ne soit certes pas – vous l’avez dit, madame la rapporteure – de répondre à la crise globale de l’abstention mais de faciliter la procédure d’inscription, nous considérons qu’il s’agit un bon signal envoyé aux citoyens afin de leur permettre de se rendre aux urnes.
Mais pourquoi réserver cette mesure aux seules élections de décembre ? Nous sommes en effet très favorables à ce que ces mesures soient applicables à l’ensemble des élections, ce qui va dans le sens des préconisations du rapport que vous avez cosigné, madame la rapporteure, avec M. Jean-Luc Warsmann.
M. Pascal Popelin. Nous aussi.
M. Jacques Krabal. Toutefois, nous pouvons nous interroger sur la nature trop contraignante du délai qui est actuellement prévu dans le code électoral. À titre d’exemple, la Grèce a réussi à organiser un référendum sur son territoire en neuf jours. À l’heure de l’informatique et du numérique, comment est-il possible que l’on ne puisse pas s’inscrire sur les listes électorales de manière continue et à tout moment ?
Dans la plupart des démocraties, l’inscription sur les listes électorales n’est pas de la responsabilité des individus, comme en France, mais de celle de l’État : chacun, à tout moment de sa vie, y est inscrit d’office. Même dans les pays où, comme en France, l’inscription n’est pas automatique, la procédure est, en général, nettement moins fastidieuse.
Un projet de réforme entraînant des modifications pérennes irait dans le sens du souhait formulé par le Président de la République le 30 octobre dernier – dans le cadre du choc de simplification destiné à simplifier la vie des Français – visant à permettre l’inscription sur les listes électorales jusqu’à un mois avant un scrutin. « J’ai demandé au ministre de l’intérieur de conduire ce chantier avec les maires, pour qu’aucun Français ne soit privé de son droit de vote à cause de la rigidité des règles […] On doit pouvoir s’inscrire sur les listes électorales un mois avant le scrutin et je pense que nous devons aller, là-dessus, jusqu’au bout ».
Il est donc prévu, dans la continuité de ce qu’a dit le Président de la République et que vous avez rappelé, madame la secrétaire d’État, d’aller plus loin. Sachez que nous le souhaitons, et que vous pouvez compter sur nous pour cela.
Selon nous, il faut généraliser l’inscription sur les listes électorales mais aussi – il s’agit là d’un pas supplémentaire à propos duquel nous devrions d’ores et déjà engager une réflexion – rendre le vote obligatoire.
Le droit de vote, c’est l’arme la plus sûre de la démocratie.
Mme Elisabeth Pochon, rapporteure. Très bien.
M. Jacques Krabal. Cessons d’en priver celles et ceux qui vivent parmi nous et que certains stigmatisent !
Mme Elisabeth Pochon, rapporteure. Excellent.
M. Jacques Krabal. Le droit de vote pour toute personne vivant en France de façon légale depuis dix ans est devenu une nécessité. Nous avons le devoir de dire à celles et ceux qui partagent notre vie qu’ils sont des nôtres. Un droit, c’est aussi un devoir.
M. François de Rugy. Très bien !
M. Jacques Krabal. En s’érodant, le droit de vote devient une arme qui se retourne contre la démocratie et contre la liberté.
S’il faut une profonde réforme de la pratique politique, nous devons également tout faire pour que nos concitoyens s’intéressent à la vie sociale dans laquelle ils s’inscrivent, afin qu’ils en redeviennent les acteurs.
C’est là le préalable nécessaire pour rompre avec l’individualisme et rétablir le vivre ensemble. Pour retrouver la confiance, nous devons nous appuyer sur le peuple et ne pas avoir peur de lui.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien.
M. Jacques Krabal. Je suis de ceux qui pensent que la démocratie représentative a montré ses limites et qu’il est impératif de promouvoir la démocratie participative.
Le civisme et la citoyenneté ne sont pas que de simples mots – je sais, madame la secrétaire d’État, que vous partagez ce jugement et que vous portez ces fortes valeurs – : ils devraient être le ciment de notre unité nationale. Comment la France, pays des droits de l’homme et du citoyen, peut-elle se satisfaire de ce rejet de la démocratie qui fait son chemin ?
Comme l’a dit Jean de La Fontaine dans la fable Le petit poisson et le pêcheur : « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Nous aurions souhaité aller plus loin, mais le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste est favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin.
M. Pascal Popelin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous examinons dans cet hémicycle, pour la troisième fois depuis le mois de mars, c’est-à-dire après trois passages en commission, une proposition de loi simple, claire et sans détour ni objectif caché et qui ne porte que sur un seul point : rouvrir exceptionnellement les listes électorales jusqu’au 30 septembre 2015, afin que nos concitoyens qui n’ont pu s’inscrire avant le 31 décembre dernier puissent voter les 6 et 13 décembre prochains.
Cela fait donc maintenant plus de quatre mois, que nous débattons d’un texte qui ne comporte que soixante-quinze mots (Sourires) et qui aurait pu entrer dans les faits depuis plusieurs semaines. Un des deux groupes de l’opposition a en effet fait le choix de pratiquer une opposition systématique à l’égard d’une proposition qui n’en mérite pas tant.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est vrai.
M. Pascal Popelin. On a argué, tout d’abord, qu’il y avait une forme de discourtoisie à ce que seul le groupe socialiste, républicain et citoyen ait déposé cette proposition de loi, alors qu’elle trouvait sa genèse dans la première des vingt-trois préconisations d’un rapport cosigné par deux élus, l’une de la majorité, l’autre de l’opposition. Si cette remarque pouvait s’entendre – et méritait sans doute d’être faite – lors de l’examen en première lecture par la commission des lois de notre assemblée, la resservir à chaque stade de la procédure tourne à une forme d’enfantillage pour lequel la forme l’emporterait toujours sur le fond.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Comme d’habitude.
M. Pascal Popelin. Nos contradicteurs ont également indiqué que la dernière élection s’étant déroulée en fin d’année n’était pas l’élection présidentielle de décembre 1965, mais les élections cantonales d’octobre 1988. La belle affaire ! Au-delà du fait qu’octobre n’est pas décembre, le phénomène de la mal inscription, chacun le sait, s’est amplifié au cours des vingt-cinq dernières années, notamment parce que les Français sont désormais plus mobiles. Il n’est, en outre, jamais trop tard pour bien faire.
D’aucuns se sont aussi émus que seule la première préconisation du rapport d’information de nos collègues Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann sur les modalités d’inscription sur les listes électorales ait été reprise dans cette proposition de loi.
La raison en est pourtant limpide : il s’agit d’une disposition aisée à mettre en œuvre, qu’il vaut mieux, en outre, adopter le plus tôt possible – en tous cas avant le 30 septembre prochain, car ensuite elle ne servira plus à rien – si on a la volonté qu’elle ait une quelconque portée.
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Très bien.
M. Pascal Popelin. Il n’aura, par ailleurs, échappé à personne ici que le Gouvernement s’est engagé à plusieurs reprises – et vous venez, madame la secrétaire d’État, de renouveler cet engagement – à concrétiser, au cours de l’année 2016, d’autres recommandations de ce rapport en vue de moderniser et d’adapter à notre temps la procédure d’établissement des listes électorales. Chacun peut toutefois comprendre que le sujet mérite que l’on s’y attarde un peu et que l’on travaille sérieusement et, comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, de concert. L’année 2016, au cours de laquelle aucun scrutin n’est prévu, sera naturellement propice à cet exercice.
On nous a enfin objecté que nous aurions pu aller bien plus vite, si nous avions accepté la version du Sénat.
M. Martial Saddier. Eh oui.
M. Pascal Popelin. C’est ne pas vouloir prendre en compte ce qui est pourtant une réalité : le Sénat a considérablement amoindri la proposition de loi, pour ne pas dire qu’il l’a privée de toute véritable portée. Il l’a fait dans des conditions juridiquement inapplicables lors de la première lecture et la correction technique intervenue lors de la deuxième lecture n’a rien changé quant au fond : manifestement, certains chez Les Républicains sont peu enthousiastes à l’idée de faciliter la participation citoyenne aux prochaines élections régionales…
Mais peut-être notre collègue Martial Saddier, qui intervient après moi, adoptera-t-il une attitude plus constructive lorsqu’il s’exprimera au nom de son groupe.
M. Martial Saddier. Comme toujours.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous allons voir.
M. Pascal Popelin. Nous députés socialistes, non moins républicains, et citoyens pensons qu’il est temps d’en terminer avec les arguties, les mauvais prétextes et les faux semblants.
Nous adopterons donc sereinement et tranquillement cette proposition de loi dans sa version initiale proposée par notre rapporteure.
Je me réjouis que cette adoption permette à toutes celles et tous ceux qui ont d’ores et déjà fait les démarches pour s’inscrire depuis le 1er janvier de cette année – et qui n’en espéraient pas tant – de voter lors des prochaines élections régionales. J’invite le Gouvernement à prendre le décret rapidement, mais aussi chacune et chacun d’entre nous à faire savoir à nos concitoyens que, grâce à cette loi, ils pourront encore s’inscrire d’ici au 30 septembre prochain.
Je forme le vœu que nous puissions examiner, au cours des prochains mois, d’autres dispositions de nature à rendre plus fluide, tout en lui conservant sa fiabilité, la procédure d’établissement des listes électorales dans notre pays.
M. Jacques Krabal. Très bien.
M. Pascal Popelin. Cela constituerait un pas de plus vers la simplification des démarches des Français, dans laquelle la majorité s’est engagée depuis le début de ce quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Original et enjoué.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous revoilà, en lecture définitive, réunis pour débattre de l’article unique de la proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales, réouverture qui ne concerne que les seules élections régionales de décembre 2015. Telle est l’origine du profond désaccord qui nous sépare.
Reconnaissez tout d’abord, sur la forme, que l’engagement de la procédure accéléré sur ce texte – qui nous a valu une première lecture, un échec de la commission mixte paritaire, une nouvelle lecture, puis enfin cette lecture définitive – a de quoi faire sourire !
Sur le fond, nous l’avons suffisamment répété : l’objet de cette proposition de loi, déposée par le groupe socialiste, républicain et citoyen de l’Assemblée nationale, est simple : il s’agit d’ouvrir – exceptionnellement – les délais d’inscription sur les listes électorales. Elle vise à permettre à ceux qui n’ont pu s’inscrire avant le 31 décembre 2014 et qui n’entrent pas dans les cas prévus par les dérogations figurant au désormais fameux article L. 30 du code électoral de voter aux élections régionales de décembre 2015.
Depuis le début, vous nous dites vouloir, par-là, lutter contre l’absentéisme électoral : l’exposé des motifs de la rédaction initiale de la proposition de loi en atteste. Or le premier responsable de l’absentéisme électoral – je rejoins par là les orateurs précédents – qui touche de plus en plus notre démocratie est-il vraiment la rigidité des procédures d’inscription sur les listes électorales ? Cela peut certes, et cela ne fait pas débat, y contribuer, mais une mesure ponctuelle et exceptionnelle est-elle le meilleur moyen d’y remédier ? Nous pensons que non.
D’ailleurs, si tel avait vraiment été le cas, vous auriez forcément été d’accord avec la rédaction adoptée par le Sénat, qui optait, elle, pour une solution pérenne de révision des listes en temps réel. Je note d’ailleurs, madame la rapporteure, et je vous remercie de votre honnêteté, que dans vos propos liminaires, vous avez tout simplement abondé dans ce sens en appelant à aller plus loin que cette proposition de loi.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Elle l’a toujours dit.
M. Martial Saddier. Je rejoins également le président de Rugy qui, lui aussi, outre qu’il a rendu un hommage appuyé à la montagne, a tenu des propos allant dans ce sens. Les députés du groupe Les Républicains pensent que nous pouvons encore, ce soir, aller au-delà des simples élections régionales.
Je vous le concède, la portée du dispositif est limitée dans son champ comme dans le temps. Mais pourquoi cette faculté devrait-elle se limiter à une réouverture exceptionnelle des listes électorales, et ce à quelques mois justement d’une échéance électorale ? Nous savons toute et tous dans cet hémicycle qu’à chaque fois que nous changeons une règle électorale à quelques semaines ou à quelques mois d’un scrutin, les Françaises et les Français nous soupçonnent de je ne sais quelles manœuvres.(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Non, c’est vous qui nous soupçonnez.
M. Martial Saddier. Cela nourrit la suspicion envers le monde public et, plus largement, envers la classe politique. La tradition veut, dans notre République, que cela se retourne toujours contre le camp qui est à l’origine de l’évolution des règles électorales à quelques semaines du scrutin.
Comment cela ne pourrait-il pas éveiller le soupçon d’une opération d’opportunisme électoral ?
Depuis 2012, jamais une majorité n’aura autant maltraité le calendrier électoral, jamais une majorité n’aura autant modifié les institutions départementales et régionales.
M. Pascal Popelin. Elles en avaient bien besoin !
M. Martial Saddier. Nous verrons ce qu’il adviendra demain, monsieur le président, puisque nous allons passer une partie de la nuit et de la matinée ensemble dans la CMP de la loi NOTRe, mais jamais les institutions communales et intercommunales n’auront été autant bouleversées, qu’il s’agisse des compétences, des modes d’élection, des circonscriptions d’élection, ou encore du périmètre des régions. Alors ne nous reprochez pas de soulever ces interrogations et de vous exposer nos inquiétudes quant à l’interprétation que les Français feront de ce texte !
D’ailleurs, si le niveau de participation électorale était vraiment l’objectif poursuivi, vous ne seriez pas revenu, pour l’organisation de ces élections régionales, sur la date initiale de mars 2014, puis sur celle de mars 2015, qui avait le mérite de conserver la simultanéité des élections départementales et régionales, et d’éviter de convoquer les électeurs au mois de décembre. Le fait de voter le même dimanche pour les élections départementales et régionales aurait garanti une participation extrêmement importante.
Que rajouter ? J’en suis presque gêné : j’aurais pu lire le plaidoyer du président François de Rugy quant au choix du mois de décembre. Pourquoi avoir choisi ce mois, à quelques jours des fêtes de Noël, la plus grande fête traditionnelle de notre pays, pour expliquer aux Français la modification du périmètre des régions, la réforme profonde des compétences des futurs conseillers régionaux et du rôle des conseillers départementaux que nous venons d’élire, ainsi que celui des présidents d’EPCI et de maires, qui devront s’inscrire dans les nouvelles compétences régionales ? Comment avez-vous pu choisir cette date, qui ne se situe pas seulement à quinze jours des fêtes de Noël, mais qui correspond aussi aux premier et deuxième dimanches d’ouverture de nos stations de ski, dans un pays qui est la première destination au monde pour les stations de sport d’hiver, et dont un quart de la population se trouvera concerné ?
Que dire des zones du littoral, totalement désertées à cette époque puisque les gens du littoral sont au repos, épuisés par l’énergie qu’ils auront mise dans la saison estivale !
Près de la moitié du territoire se trouve ainsi vidée de ses habitants permanents !
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. Pascal Popelin. Ce n’est pas le débat de ce soir.
M. Martial Saddier. Si vous décidez ce soir de retenir cette date, vous aurez choisi le solstice d’hiver pour organiser les élections régionales. Je crains que vous n’ayez choisi le crépuscule de la participation aux futures élections régionales ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Une nouvelle fois, l’opportunité de cette révision exceptionnelle n’est justifiée que par le report, par cette majorité, des élections régionales au mois de décembre 2015, report réalisé dans la précipitation. Le choix de décembre est un calcul politique tout comme celui de reporter les élections régionales puisque vous ne souhaitiez pas essuyer la défaite d’une élection au suffrage universel direct, à un moment où la cote de popularité du Président de la République, de ce Gouvernement et de cette majorité était au plus bas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Nous avons déjà eu le loisir de critiquer ce report au moment de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions. C’est pour cette raison que je n’en rajouterai pas trop.
La proposition de loi que nous examinons n’est que la suite logique du manque d’anticipation du Gouvernement et de la majorité en la matière, notamment pour ce qui est de la modification excessive du mode d’élection et du découpage des régions.
Toujours pour ces mêmes raisons, exprimées lors des différentes lectures, les députés du groupe Les Républicains maintiendront leur vote contre, même si un groupe de travail du ministère de l’intérieur, auquel participent Mme Pochon et M. Warsmann, étudie actuellement une solution qui concernerait effectivement toutes les élections.
Nous serons attentifs à ce que votre promesse soit tenue, à savoir que l’année 2016, sans élection, débouche réellement sur ce que je demande ce soir, à la suite du président François de Rugy, Jacques Krabal, Mme la rapporteure et le représentant de l’UDI :….
M. Pascal Popelin. Et moi aussi.
M. Martial Saddier. …. la généralisation de la réouverture des listes électorales. Nous souhaitons avant tout que cesse le tripatouillage des calendriers et des différents modes d’élection. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Et si nous parlions du découpage Morlaix ?
M. Martial Saddier. Voilà, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, et surtout madame la présidente de l’Assemblée nationale, ce que je voulais vous dire en neuf minutes et cinquante-cinq secondes. J’ai parfaitement respecté mon temps de parole.
Mme la présidente. Bravo !
Les trois derniers orateurs de la discussion générale disposent chacun de trois cents secondes, et pas une de plus.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Trois cents secondes, c’est un joli temps pour parler d’un sujet majeur pour lequel la question du temps a été posée tout au long de la discussion. La future région naîtra le 1er janvier et il est important que le maximum de personnes qui vivent dans ces nouvelles régions s’approprient cette élection et cette nouvelle institution. Car c’est bien d’une nouvelle institution dont nous parlons et il fallait permettre, jusqu’au dernier moment, à tous ceux qui sont là, de s’exprimer sur ceux qui gouverneront cette nouvelle institution, dont la taille, les formats, les ambitions, les mandats, les missions, seront essentiels pour la réorganisation de notre territoire, de notre France, en métropole comme dans les DOM.
Vous contestez la tenue d’élections en décembre mais il n’est pas possible de créer une nouvelle institution autrement qu’un 1er janvier. C’est la loi, ce sont les textes. Vous devriez le savoir et l’assumer, chers collègues. Nous sommes en République, et nous devons appliquer les lois. Notre hémicycle doit en être garant. C’est l’enjeu de ce vote.
Notre majorité a voulu que la démocratie s’exprime par les gens qui sont là cette année-là et non pas seulement par ceux qui étaient là aussi l’année d’avant, car il faut accueillir tout le monde. Dans notre pays, les mutations, les transformations, les déménagements, sont légion. Ils concernent les jeunes, bien sûr, mais plus généralement tous ceux qui travaillent et vont là où on leur propose un emploi, là où ils sont prêts à apporter leurs qualités, leurs compétences et leur force de travail, là où parfois aussi est leur famille car la situation économique difficile leur fait chercher près des leurs ce qui parfois manque ailleurs quand le travail n’est pas là.
Cette réforme est profondément démocratique et elle pose des principes qui nous font vibrer. Ces élections, qui auront lieu peu avant Noël, transformeront la France. Paris et le désert français, ce n’est pas encore fini, mais nous avons l’ambition, grâce aux métropoles, aux nouvelles régions, au socle consolidé des départements, de faire naître de l’économie de partout. Parce que les régions sont le chef de file de l’économie, tous ces gens iront voter.
Bien sûr, il y aura des abstentions, mes collègues en ont parlé, en particulier Mme Pochon, M. Popelin ou Mme la secrétaire d’État. Mais la question des dates est importante. La démocratie est une matière compliquée en France. Qui votait ? Les aristocrates, puis les bourgeois, puis l’ensemble des citoyens, très longtemps après, les femmes, il y a quarante ans, les jeunes de dix-huit ans. À présent, les nouveaux venus pourront, à leur tour voter. Les nouveaux venus, on ne les caractérise pas. On les a, on les prend, on vit avec et on les associe. C’est cela, la démocratie participative.
Puis, il y a ceux qui ne votaient pas mais qui se disent que, peut-être, dans cette nouveauté d’une grande région nouvelle, qui prendra une dimension différente, il reste un enjeu à relever. Ceux qui, pas encore inscrits, décident d’y aller. Ceux qui sont inscrits ici, mais vivent ailleurs. Ceux qui vivent ici mais veulent voter là-bas, où ils ont un passé et une histoire. Ce sera possible, cette année-là, parce que l’enjeu est essentiel.
Le vote, la démocratie, c’est une histoire d’enjeux, de participation, de République.
Et nous voici aujourd’hui, ici, ce soir, en deuxième lecture, après moult atermoiements de l’opposition, après avoir tergiversé, au Sénat, sur des mots, des places. Quatre mois pour se mettre d’accord sur soixante-quinze mots, rendez-vous compte ! Il est temps, à présent, d’aller de l’avant.
La mobilité est source d’économie, de vitalité, de puissance. C’est un choix ou un besoin, mais qui doit s’exprimer dans le vote démocratique.
Nous vivons un moment important. Nécessité faisant loi, faisons la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean Lassalle. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, c’est bien entendu un sujet de toute première importance qui nous réunit ce soir. Tout ce qui peut contribuer à pousser nos concitoyens vers les urnes part d’un bon sentiment. Les dispositions pour faciliter et clarifier la procédure vont dans ce sens. Je ne peux que m’en réjouir.
Hélas, le problème est beaucoup plus profond. Il est en partie dû à ce changement de monde auquel nous assistons depuis une trentaine d’années, changement de monde comme il y en eut d’autres sous notre ère. Chaque fois que le monde a bougé, lorsque Magellan et ses compagnons ont retrouvé les Indes et les Amériques par exemple, les royaumes de l’époque s’en sont trouvés complètement bouleversés. Bien sûr, l’argent de la spéculation a pris le pouvoir. Lorsque, à l’orée du XXe siècle, ceux qui ont vu ces trains qui s’étiraient à perte de vue jusqu’aux fonds des Amériques et des Europes, ces étranges volatiles en acier, ce liquide de la couleur indéfinissable de toutes les sous-couches du sol, ceux-là ont pensé qu’il n’y aurait jamais autant de profit à faire, que les luttes de pouvoir allaient atteindre un niveau jamais égalé dans l’Histoire. Ils ne se sont pas trompés, cela a donné les deux tragédies du XXe siècle.
Nous sommes à présent dans le troisième mouvement de mondialisation avec, notamment, Internet. Jamais autant d’informations n’ont été portées à notre connaissance et jamais il n’a été aussi difficile de dire bonjour à son voisin. C’est à ces éléments qui touchent à l’humain aujourd’hui, que nos concitoyens sont attentifs.
Je ne nous trouve pas, ni les uns, ni les autres, très inspirés. J’espère que cela viendra, et, de tout cœur, avant qu’il ne soit pas trop tard. Tous les éléments, de quelque côté que l’on appréhende notre France chérie, en témoignent : il est déjà très tard.
Je crois que lors des prochaines élections régionales, des records d’abstention seront une nouvelle fois battus, et ce malgré les facilités que vous apportez, madame la secrétaire d’État – même si vous n’y êtes pour rien. Et pour cause : nos compatriotes n’ont tout simplement pas envie de voter ! À moins que je ne rencontre que les plus récalcitrants… Il n’y a plus ni élan ni envie.
En dépit de toute la sympathie que je porte au député et à l’homme, je le dis à M. de Rugy : je suis en désaccord total avec lui – mais cette maison n’est-elle pas faite pour exprimer des désaccords ? Pour moi, en effet, le vote obligatoire serait le niveau zéro de la démocratie.
Si l’on m’imposait l’obligation d’aller voter, je suis si attaché à l’expression du vote au suffrage universel que je n’irais pas.
M. Pascal Popelin. Je veux bien le croire !
M. François de Rugy. Ce serait par pur esprit de contradiction !
M. Jean Lassalle. Sans doute suis-je un cas extrême.
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est probable, en effet... (Sourires.)
M. Jean Lassalle. Il pourrait cependant s’en trouver quelques autres autour de moi.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Cela se discute…
M. Jean Lassalle. Faisons en sorte de trouver des débats qui portent davantage d’espoirs et d’idées nouvelles que celui, par exemple, que nous avons eu cet après-midi à propos de l’immense question grecque – débat qui, selon moi, n’était pas à la hauteur de l’Assemblée nationale. Je ne précise pas qu’il s’agit de l’Assemblée nationale française, car chacun le sait.
Trouvons donc d’autres moyens. C’est difficile, je le sais.
Mme la présidente. Je vous prie de conclure, cher collègue.
M. Jean Lassalle. Je conclus : trouvons d’autres moyens de faire le travail du politique. Le politique est un rêve ; c’est une utopie. Le politique, c’est penser la cité, lui donner un futur et un lendemain, et le faire avec le peuple ! Le peuple, aujourd’hui, est perdu de vue. J’en appelle au retour du citoyen : il reviendra. Espérons qu’il ne revienne pas trop tard !
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. En fin de compte, êtes-vous pour ou contre le texte ?
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Oui, qu’allez-vous voter ?
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Goasdoué.
M. Yves Goasdoué. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, soixante-quinze mots pour la dernière intervention dans la discussion générale après notre collègue Jean Lassalle : voilà une situation bien particulière qui pourrait s’avérer redoutable ! (Rires.) Soixante-quinze mots, cependant, peuvent aussi être importants.
L’extension de la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales jusqu’à la fin septembre résout-elle tout ? Non, cela va de soi.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Mais elle aide !
M. Yves Goasdoué. Peut-elle aider en permettant à des personnes qui ne relèvent pas des exceptions maintes fois décrites ce soir à s’inscrire sur les listes électorales car ils souhaitent le faire pour déterminer qui sera leur président de région ? J’ai bien une petite idée pour la région Normandie, mais je ne vous la dirai pas. (Sourires.)
En toute franchise, je pense que c’est un texte utile.
Y a-t-il eu « magouille » ?
M. Martial Saddier. Non, plutôt un « tripatouillage » !
M. Yves Goasdoué. Soit : y a-t-il eu « tripatouillage » ?
M. Pascal Popelin. Ils sont payés à chaque fois qu’ils emploient le mot…
M. Yves Goasdoué. Y a-t-il un changement des règles ?
M. Martial Saddier. Ah oui ! Carrément !
M. Yves Goasdoué. Au fond, voilà le sujet : il n’y a aucun changement des règles.
M. Martial Saddier. Mais si !
M. Yves Goasdoué. On permet simplement aux gens d’aller s’inscrire.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous ne savons pas pour qui ils voteront !
Mme Françoise Descamps-Crosnier. C’est plus de démocratie !
M. Yves Goasdoué. Il n’y a aucun changement ni des règles, ni du périmètre, ni du mode de scrutin. Ce n’est donc pas la peine de le prétendre.
M. Martial Saddier. Dans ce cas, pourquoi la mesure n’est-elle pas généralisée ?
M. Yves Goasdoué. Était-il possible de faire la réforme totale ?
M. Martial Saddier. Oui !
M. Yves Goasdoué. Il suffit de lire le rapport rédigé par Mme la rapporteure et par M. Warsmann pour comprendre sur-le-champ toute la complexité de la matière. Il faut ne jamais avoir organisé des élections pour ne pas le comprendre ! La difficulté est réelle, en raison des allers et retours entre la commission ad hoc et l’INSEE et du problème des doubles inscrits. Imaginez qu’un scrutin donne lieu à un écart de dix à quinze voix : si les listes électorales ne sont pas irréprochables, le scrutin débouchera in fine sur un contentieux électoral massif !
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Absolument !
M. Yves Goasdoué. Il n’était donc pas nécessaire de chercher d’autres arguments : en réalité, nous ne pouvions pas faire cette réforme totale.
M. Martial Saddier. Mais cet argument vaut pour les élections régionales !
M. Yves Goasdoué. Vous avez raison, cher collègue, de dire qu’il faut désormais faire la réforme, car les gens ont changé d’habitudes. Ils bougent, ils déménagent. De surcroît, ils ne savent absolument pas comment ça marche ! Lorsque vous tenez un bureau de vote, vous recevez régulièrement des personnes pensant s’être inscrites. Comment, leur demande-t-on ; en ouvrant le compteur d’eau à la mairie, répondent-elles par exemple. Il faut donc les informer que l’inscription requiert une démarche particulière, ce à quoi elles rétorquent qu’il aurait fallu le leur indiquer. Nous avons tous vécu cette situation dans laquelle les gens finissent par repartir mécontents et déçus.
Autrement dit, ce texte ne résout certes pas tous les problèmes, mais il nous fait avancer. Cependant, madame la secrétaire d’État, pour qu’il porte ses fruits, il faut naturellement que le décret soit pris rapidement, mais aussi que le Gouvernement fasse connaître – en toute neutralité, bien entendu – la possibilité qui existe pour les uns et pour les autres de faire leur devoir de citoyens, tout simplement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mme la présidente. Conformément au troisième alinéa de l’article 114 du règlement, j’appelle maintenant la proposition de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (nos 2913, 2932).
Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’article 19 quater.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 212 et 256.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 212.
M. Gérard Cherpion. L’élaboration de référentiels de branche ne peut se résumer au classement des salariés par « métiers », sauf à accepter la création de nouveaux régimes spéciaux. Spécifier un certain nombre de critères, dont ceux ayant des incidences sur la durée du temps travaillé, créerait indirectement des régimes spéciaux.
L’appréciation doit donc se faire par postes de travail types ou par groupes homogènes d’exposition. Il en va de la régulation globale du dispositif – nombre de bénéficiaires, financement… C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer, à l’alinéa 5, le mot « métiers ».
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 256.
M. Dominique Tian. La démonstration de M. Cherpion est parfaite, mais je voudrais ajouter que nous parlons de pénibilité. Or hier, dans l’indifférence générale, nous avons reconnu le syndrome d’épuisement professionnel dit burn out, que le Sénat avait rejeté et que vous avez réintroduit en commission. Vous devrez donc gérer aussi la question du burn out. Celui-ci se caractérise par un épuisement soudain qui n’a pas besoin d’être prouvé par une analyse médicale. Nous ne savons pas combien cela va coûter ni comment cela sera utilisé. Le ministre avait pourtant, au cours des débats, exprimé un avis défavorable, arguant que cette reconnaissance nous emmenait un peu à l’aventure.
S’agissant de la pénibilité, le Gouvernement, heureusement, a fait marche arrière. Le texte que nous avions adopté dans l’urgence, monsieur le ministre, était inapplicable. Vous l’avez reconnu et vous revenez sur votre position. Nous saluons ce pas en arrière.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales. Avis défavorable à ces deux amendements identiques. Le terme de « métiers » a fait l’objet d’un débat avec deux de nos collègues au sein de la mission qui nous a été confiée par le Premier ministre. Il est important de conserver ce terme car il permettra aux branches d’apprécier la réalité d’une manière plus fine.
Plutôt qu’un élément qui encadre, je pense au contraire qu’il va nous amener à trouver une meilleure définition de la pénibilité. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je prendrai la peine de me prononcer sur ces deux amendements qui ont été présentés par des parlementaires qui connaissent bien ces sujets.
Vous connaissez parfaitement l’histoire, messieurs, vous savez donc qu’il y a une dizaine d’années, par crainte du mot « métiers », le patronat a refusé cette notion, craignant qu’elle ne conduise à recréer des régimes spéciaux. Qu’a fait alors le patronat ? Il a créé une fiche individuelle de pénibilité qui est totalement ingérable et inapplicable.
M. Dominique Tian. C’est une vision subjective des choses !
M. François Rebsamen, ministre. Aujourd’hui, nous sommes obligés de revenir sur cette complexité parce que vous aviez refusé le mot « métiers ». J’ai bien entendu vos arguments, toutefois je donne un avis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. J’entends bien le discours, moins patronal qu’hier, de M. le ministre, mais nous parlons du référentiel et non de la fiche. Quoi qu’il en soit, je prends acte de votre décision, monsieur le ministre.
(Les amendements identiques nos 212 et 256 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 213.
M. Gérard Cherpion. L’ouverture d’une négociation au niveau de la branche ne doit pas être un préalable à l’ouverture de la possibilité pour l’organisation professionnelle de branche de définir unilatéralement les postes et les situations de travail. Un tel préalable est de nature à retarder l’élaboration des référentiels, pourtant indispensables à la définition de certains facteurs de pénibilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’alinéa relatif au référentiel de branche en précisant que l’ouverture d’une négociation au niveau de la branche ne doit pas être un préalable à la définition des référentiels de branche.
Il me semble que cet amendement est satisfait par le dispositif actuel puisque le texte n’impose pas aux branches d’ouvrir une négociation avant d’avoir élaboré un référentiel. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement, à défaut j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Cherpion, souhaitez-vous maintenir votre amendement ?
M. Gérard Cherpion. Je le retire.
(L’amendement no 213 est retiré.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 214 et 257.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 214.
M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à préciser clairement que les accords et les référentiels peuvent introduire des dérogations, et non seulement des modulations, par rapport aux définitions et aux seuils de pénibilité de droit commun.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 257.
M. Dominique Tian. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il s’agit d’un sujet de fond. Les référentiels que nous avons proposés n’ont jamais eu pour objectif de modifier les seuils des différents facteurs. Ces référentiels sont là pour aider les chefs d’entreprise à définir les facteurs de pénibilité dans l’entreprise, mais assurément pas pour revenir sur ces facteurs. Avis très défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 214 et 257 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 215.
M. Gérard Cherpion. Nous souhaitons à travers cet amendement qu’un employeur qui applique le référentiel de branche tel que le propose cet article soit présumé de bonne foi. Il est important, en effet, de ne pas mettre en doute tout employeur qui appliquerait le référentiel.
L’amendement vise à sécuriser juridiquement la situation des employeurs qui auraient choisi d’appliquer le référentiel de branche, qui sera homologué par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et des affaires sociales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il existe déjà dans le texte, notamment dans l’article 19 quater, des éléments qui permettent d’en tenir compte. Je rappelle qu’un chef d’entreprise qui utiliserait le référentiel de branche ne peut se voir appliquer les pénalités et majorations prévues par le code du travail en cas de déclaration inexacte concernant l’exposition de ses salariés à des facteurs de pénibilité.
Néanmoins je pense que la précision que vous proposez est intéressante, c’est pourquoi j’émets un avis favorable à cet amendement.
M. Gérard Cherpion. Il faut fêter ça !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
(L’amendement no 215 est adopté à l’unanimité.)
M. Lionel Tardy. Bravo !
M. Dominique Tian. Cela ne va pas durer !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 218.
M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à préserver, pour les entreprises qui le peuvent ou le souhaitent, la possibilité de réaliser un suivi individuel ou de mettre en place leur propre document d’identification des situations types d’exposition.
Le référentiel doit être une aide, notamment dans les TPE-PME, mais son application doit pouvoir rester un choix.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Votre amendement est totalement satisfait par le texte. En effet, ou bien le chef d’entreprise utilise les référentiels professionnels de branche, ou bien il ne les utilise pas et alors il revient à l’application des décrets existants. Il n’y a pas cinquante formules mais deux, et l’une et l’autre sont possibles. Je précise qu’il est plus sécurisant pour l’employeur d’utiliser les référentiels de branche. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Je comprends l’esprit de cet amendement, mais sa rédaction me pose un problème. Bien sûr, les chefs entreprises ne sont pas obligés d’appliquer les référentiels : ils peuvent s’appuyer sur leurs propres méthodes d’évaluation, dans le respect du décret. Tel qu’il est rédigé, je suis défavorable à votre amendement, mais l’objectif qu’il poursuit est satisfait. J’en demande donc le retrait, faute de quoi j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Cherpion ?
M. Gérard Cherpion. Je le retire.
(L’amendement no 218 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 219.
M. Gérard Cherpion. Le présent amendement propose que les entreprises aient la possibilité d’élaborer elles-mêmes un document identifiant les situations types d’exposition de leurs salariés aux facteurs de pénibilité. L’adoption de cet amendement permettrait d’adapter au mieux la définition des risques de pénibilité aux enjeux des entreprises concernées.
Pour éviter tout risque de contentieux, l’employeur doit pouvoir bénéficier d’une sécurisation juridique de son document grâce à une validation par la DIRECCTE, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il n’est pas envisageable que l’ensemble des entreprises qui feraient le choix de décliner la pénibilité sans avoir recours au référentiel puissent avoir pour interlocuteur la DIRECCTE. Si nous voulions engorger le dispositif, nous ne nous y prendrions pas autrement. Je n’imagine pas une seconde qu’il ait derrière cet amendement l’intention de bloquer les travaux des DIRECCTE. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. L’intention est bonne, mais avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. En matière fiscale, il existe le rescrit fiscal. En cas de difficultés ou lorsqu’elle rencontre un problème, l’entreprise peut se tourner vers les services fiscaux pour leur demander leur avis. Une entreprise qui a un doute par rapport à ce qu’elle a entrepris pourrait bénéficier du même type de procédure, que visiblement vous avez du mal à accepter.
(L’amendement no 219 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 220.
M. Gérard Cherpion. Afin de s’assurer du respect du schéma global prévu et d’éviter la création de nouveaux régimes spéciaux, il importe que les référentiels de branche définissant ces groupes comprennent une estimation du nombre de salariés bénéficiant du dispositif. Cette estimation ferait l’objet d’un audit périodique et serait prise en compte par l’autorité chargée de la validité des référentiels.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. La fin de l’alinéa 7 de l’article 19 quater précise qu’un décret doit déterminer les conditions d’homologation des référentiels professionnels de branche. Très sincèrement, il ne me paraîtrait pas opportun que le décret ait pour rôle d’estimer le nombre de salariés susceptibles de bénéficier du dispositif.
Ayant moi-même été interpellé sur cet amendement, j’en comprends l’objet, mais je pense sincèrement qu’il ne relève pas du projet de loi que nous sommes en train d’examiner. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Je partage l’analyse du rapporteur. Je comprends les arguments qui s’enchaînent et qui ont leur propre logique, mais le référentiel de branche n’est qu’une option pour les entreprises. À partir de là, le chiffre potentiel des salariés n’est que théorique. Prendre en compte le nombre de salariés pour l’homologation pourrait aboutir à des situations inéquitables entre les branches, ce qui irait à l’encontre d’une philosophie – que vous partagez, j’en suis sûr – de justice sociale. J’en comprends la logique, mais je vous avertis que cette mesure est inapplicable. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Mme Isabelle Le Callennec. L’évaluation que propose M. Cherpion serait pourtant très intéressante. J’ai fait état hier, lors de la présentation de notre motion de rejet préalable, des difficultés d’application du compte pénibilité, en rappelant un élément que vous avez tendance à négliger, à savoir le coût de la mesure pour les entreprises. Comme je vous le disais, le collectif des acteurs économiques bretons pour la croissance et l’emploi a calculé que ce compte pénibilité allait peser très lourd sur les résultats et les marges des entreprises de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la métallurgie. Or selon une étude, 65 % des salariés du secteur agroalimentaire et 50 % de ceux de la métallurgie seraient susceptibles d’être concernés. Cela signifie un manque à gagner et un coût supplémentaire pour des entreprises dont la compétitivité est déjà mise à mal.
Mme Isabelle Le Callennec. Il serait donc plus qu’intéressant d’évaluer le nombre de salariés bénéficiant du dispositif, et c’est pourquoi l’amendement de notre collègue Cherpion mérite d’être voté.
(L’amendement no 220 n’est pas adopté.)
(L’article 19 quater, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 19 septies A.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article.
M. Jean Lassalle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour une fois, je vais « coller » au texte de l’article. Je vous le lis : « Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juin 2016, un rapport sur l’intégration des affections psychiques dans le tableau des maladies professionnelles ou l’abaissement du seuil d’incapacité permanente partielle pour ces mêmes affections. » Je reçois dans ma permanence de plus en plus de personnes atteintes de maladies aux noms aussi barbares que les dégâts qu’elles occasionnent chez ceux qui les contractent. J’entends de plus en plus parler, par exemple, de syndrome de Gougerot-Sjögren, de polyarthrite rhumatoïde, de lupus, de fibromyalgie, d’ostéoporose dentaire, toutes maladies aux noms exotiques qui entraînent de lourdes difficultés pour ceux qui les contractent. La première de ces difficultés consiste à faire reconnaître sa maladie, ce qui prend beaucoup de temps et oblige parfois les personnes concernées par ces pathologies – souvent des femmes – à aller devant le tribunal pour faire fixer la durée de prise en charge de leur maladie et obtenir éventuellement une pension. Ne pourrait-on profiter de l’intégration de ces affections psychiques dans le tableau des maladies professionnelles pour essayer d’accélérer le processus de reconnaissance et de prise en compte de ces maladies ? Ces personnes ne peuvent plus travailler et voient souvent leur vie de couple altérée. Bref, c’est toute leur vie qui bascule en l’espace de quelques mois.
M. Bruno Le Roux. Très bonne question !
Mme la présidente. Nous en venons aux amendements. Je suis saisie de deux amendements de suppression de l’article 19 octies, nos 37 et 125.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 37.
M. Lionel Tardy. Il faut proposer des amendements, monsieur Lassalle : il y a beaucoup à faire.
M. Lionel Tardy. Vous l’aurez compris, je n’interviens pas dans le même sens, puisque cet amendement vise à supprimer l’article. Je suis convaincu qu’il faut limiter autant que faire se peut les demandes de rapports qui, nous le savons, sont rarement remis. Celui dont il est question concerne les affections psychiques. Très honnêtement, j’ai du mal à comprendre ce que compte faire le Gouvernement ; il faudrait qu’il avance des pistes dès maintenant. Nul besoin, cependant, d’un rapport pour cela, et encore moins de l’inscrire dans la loi.
M. Lionel Tardy. Je sais que certains sur les bancs du groupe socialiste attachent beaucoup d’importance à la reconnaissance du burn out, qui est un vrai sujet. Ils sont focalisés sur celui-ci, au détriment, d’ailleurs, du reste du texte, bien que ce ne soit pas la question principale. Or il faut être très prudent sur le sujet : quand on parle de burn out, il ne faut pas confondre l’épuisement professionnel, qui relève d’une prise en charge médicale, et le surmenage, très fréquent, qui peut être réglé dans le cadre d’une discussion avec l’employeur, sans qu’il soit besoin de poser des arrêts maladie. Par ailleurs, j’aimerais vous interroger sur le phénomène inverse, le bore out, ou épuisement professionnel non par la surcharge de travail, mais par l’ennui – oui, cela existe vraiment !
M. Lionel Tardy. Lorsqu’on parle d’affections psychiques, pense t-on aussi au bore out ? Ce n’est pas de l’humour, c’est une vraie question, qui montre à quelles difficultés nous risquons de nous heurter en restant trop imprécis. Bref, si une vraie réflexion s’impose, il n’en reste pas moins qu’un énième rapport n’est pas nécessaire. C’est pourquoi mon amendement vise à supprimer cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement identique no 125.
M. Dominique Tian. Lionel Tardy a raison, il faut supprimer cet article. Nous revenons aujourd’hui sur le burn out, puisqu’il s’agit d’une maladie psychique. Nous savons que, dans les arrêts de travail, ce sont le mal de dos et les maladies psychiques qui sont les plus difficiles à contrôler. Il se trouve d’ailleurs que nombre de maladies psychiques traînent en longueur, or chacun sait que la France est l’un des pays européens où l’on totalise le plus d’arrêts de travail. Cela concerne à la fois des branches professionnelles et des administrations – depuis qu’on a supprimé le jour de carence dans la fonction publique, les gens sont de plus en plus malades : on est en train de passer de deux à trois jours par an. Appelons un chat un chat, monsieur le ministre : reconnaissons que certains abusent du système. Avec un déficit cumulé de la Sécurité sociale qui atteint 100 milliards d’euros, pouvons-nous vraiment nous le permettre ?
M. Dominique Tian. Vous proposez un rapport. M. Tardy a raison, cela ne sert à rien. Vous parlez des affections psychiques liées à l’exercice professionnel. Il est certain que quand on travaille, on s’use et on peut avoir des problèmes, mais de là à en faire une priorité du Gouvernement…
M. Dominique Tian. Que va dire ce rapport ? Que le travail ne rend pas fou, je l’espère, ou le contraire. Est-il vraiment utile de perdre un temps infini à faire des rapports au Parlement, alors même que nous ne voulons plus de rapports qui ne servent à rien ? À moins, monsieur le ministre, que vous n’ayez l’intention de reconnaître les maladies psychiques liées au travail…
M. Gérard Sebaoun. Cela existe !
M. Dominique Tian. …comme une grande avancée d’un gouvernement de gauche. Vous avez raison, monsieur Sebaoun, cela existe. Autrement dit, le rapport est totalement inutile – à moins qu’il ne s’agisse de rassurer certains. Bref, nous ne voulons pas d’un rapport de plus, surtout sur les maladies psychiques !
M. Lionel Tardy. On peut faire un rapport sans l’inscrire dans la loi !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je voudrais revenir quelques instants sur la démarche qui a été la nôtre pour expliquer pourquoi ce rapport a du sens. Je rappelle qu’en première lecture, nous avons souhaité franchir une première étape dans la reconnaissance de la souffrance de certains travailleurs en permettant la reconnaissance des pathologies psychiques d’origine professionnelle.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Deuxième élément : comme l’origine professionnelle de ces pathologies n’est pas facile à identifier…
M. Jean Lassalle. C’est vrai.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. …il n’a finalement pas été décidé – nous en avons débattu – d’inscrire ces maladies au tableau des maladies professionnelles, ni de baisser le seuil d’incapacité permanente partielle, ce qui permettrait de mieux les prendre en compte. La demande de rapport est liée à ce questionnement. Elle a toute sa légitimité, puisque le rapport permettra d’identifier les facteurs de reconnaissance de ces maladies et de formuler des propositions pour améliorer leur prise en compte. Ce n’est donc pas un rapport pour un rapport, monsieur Tian : il est lié au déroulement des travaux et des réflexions que nous avons eues en première lecture. Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Je comprends les positions des uns et des autres. On ne peut pas tout mettre dans le rapport, monsieur Lassalle. En même temps, il est important d’avoir ce rapport sur des maladies que je ne qualifierais pas de professionnelles – nous verrons ce que dira le rapport –, mais qui sont liées à des situations de travail,…
M. Jean Lassalle. Absolument.
M. François Rebsamen, ministre. …pas automatiquement, j’en conviens, et de manière peut-être difficile à démontrer. Néanmoins, on sait que l’augmentation des rythmes et de la productivité crée parfois des souffrances qui peuvent se transformer en maladies. Le burn out ou syndrome d’épuisement professionnel peut être la résultante de plusieurs facteurs, mais il est incontestable qu’il peut être lié à un facteur de productivité ou de situation au travail. Simplement, ce n’est pas le seul facteur, d’où la complexité de l’appréciation.
M. Jean Lassalle. Tout à fait.
M. François Rebsamen, ministre. Il est donc important d’avoir un rapport sur ce sujet. Vous proposez d’ailleurs vous-mêmes, dans des amendements ultérieurs, de l’étendre à la prévention, à la fonction publique, etc. C’est donc que vous y voyez aussi un intérêt.
M. Lionel Tardy. On n’est pas obligé de l’inscrire dans la loi !
M. François Rebsamen, ministre. Ce n’est pas un rapport pour un rapport. Le sujet est sur la place publique. La première question que l’on me pose, c’est : « Quelle est votre position sur le burn out ? » Nous avons considéré qu’il ne pouvait être inscrit dans le tableau des maladies professionnelles, car d’autres facteurs interviennent. Il reste qu’il peut être la conséquence de facteurs liés au poste de travail ou au travail lui-même. Il faut étudier tout cela, et ce rapport nous y aidera. Il permettra de faire le tri dans les informations – il y a encore beaucoup de maladies que nous ne connaissons pas. Le sujet est vraiment d’actualité ; nous avons tout intérêt à l’approfondir et à présenter ce rapport à la représentation nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Mme Isabelle Le Callennec. Je pense aussi qu’il nous faut avoir les idées claires sur cette notion de burn out. Le rapport dont il est question dans cet article 19 octies est-il celui qui sera commandé par la direction générale du travail auprès de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail et de l’Institut national de recherche et de sécurité, et qui doit vous être remis, monsieur le ministre ? Si oui, il doit être remis au Parlement, aux termes de cet article, avant le 1er juin 2016. Quand vous sera t-il remis à vous, monsieur le ministre ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott.
M. Michel Liebgott. En un mot, l’ergothérapie soigne par le travail. Vous venez de faire la démonstration, en indiquant qu’il y a des abus, qu’il faut un rapport, une réflexion sur le sujet. Dire qu’il y a abus, c’est reconnaître que le burn out existe, mais qu’il est mal défini. C’est donc à bon droit que nous réclamons un rapport.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.
M. Francis Vercamer. Nous voici à fronts renversés, monsieur le ministre. J’ai rarement vu un ministre défendre un rapport au Parlement ! Vous avez-vous même tout à fait le droit de passer une commande à l’Inspection générale des affaires sociales ou aux inspections générales pour obtenir ce rapport, sans qu’il soit besoin de passer par un texte de loi.
M. Lionel Tardy. Bien sûr ! C’est de l’affichage !
M. Francis Vercamer. Mais soit. Ce que je voudrais savoir, c’est ce que vous allez faire de ce rapport. D’après le texte, il portera sur l’intégration des affections psychiques dans le tableau des maladies professionnelles ou l’abaissement du seuil d’incapacité permanente partielle. Lancerez-vous une conférence sociale pour en débattre avec les partenaires sociaux ? Prendrez-vous un décret pour tirer les conséquences du rapport, ou reviendrez-vous vers le Parlement ? Le sujet est de taille, car cela risque de coûter extrêmement cher à la Sécurité sociale.
M. Dominique Tian. Eh oui !
M. Francis Vercamer. Nous devons donc savoir ce qu’il adviendra de ce rapport que vous appelez de vos vœux, si j’ai bien compris ce que vous nous avez dit à l’instant. Vous avez défendu le principe de ce rapport, ce qui m’a étonné de la part d’un ministre, qui peut parfaitement le demander à son administration. Comme vous avez insisté, je pense que ce rapport est important pour vous. Qu’allez-vous donc en faire ?
M. Lionel Tardy. C’est de l’affichage politique !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Ce n’est pas moi qui ai demandé le rapport, mais le Parlement. J’ai trouvé que c’était une démarche intéressante, qui méritait d’être inscrite dans la loi. À l’origine, le ministère n’avait nulle intention de demander un rapport sur ce sujet, mais le débat parlementaire nous enrichit les uns les autres. J’entends ce qui est dit.
M. François Rebsamen, ministre. Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail a longuement débattu de ce sujet, un groupe de travail spécialisé y réfléchit même. Selon leurs conclusions, en l’état, les conditions de travail ont ou peuvent forcément avoir un impact sur la santé psychique des gens. Néanmoins, à quel niveau et comment ? Tout cela reste à préciser.
Le Parlement nous demande un rapport à ce propos, inscrit dans la loi. Je défends donc l’idée de cette inscription, sinon je n’en aurais rien fait.
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. Lionel Tardy. Cela ne sert à rien.
(Les amendements identiques nos 37 et 125 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 259.
M. Dominique Tian. Pour prolonger le débat, si on est fatigué, si on souffre d’un burn out, on se met en maladie, voilà tout ! On est traité par un médecin et tant qu’on ne se porte pas mieux, on est soigné. C’est comme ça que cela fonctionne.
Certes, il est possible de faire reconnaître le burn out comme une maladie professionnelle mais, à ce moment-là, c’est la caisse primaire d’assurance-maladie qui prend la décision après une réunion d’experts.
Ce qui nous fait très peur, comme les uns et les autres l’ont bien dit, c’est que l’on considère que c’est l’activité professionnelle qui induit le burn out, ce qui en ferait en quelque sorte une maladie professionnelle : il ne s’agirait plus d’un arrêt de travail pour épuisement mais d’une maladie professionnelle.
Vous ouvrez là la boîte de Pandore, monsieur le ministre. Dès lors que quelqu’un sera reconnu comme souffrant d’une maladie professionnelle parce qu’il occupe tel poste dans le secteur informatique, les autres salariés qui travaillent dans le bureau d’à côté pourront dire qu’ils subissent la même charge et les mêmes conditions de travail depuis autant de temps. Il n’y a aucune raison qu’on ne leur accorde pas aussi le burn out – qui arrive d’ailleurs subitement généralement.
Bref, nous allons créer une sorte de jurisprudence selon laquelle tout le monde, après tout, pourra avoir droit à son burn out.
M. Lionel Tardy. Les symptômes commencent à se présenter…
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Pour en revenir à l’amendement de M. Tian, il ne prévoit ni plus ni moins que l’introduction de mesures de préventions dans le rapport. Or, il se trouve qu’elles ont déjà été prises en compte, comme c’est indiqué dans l’exposé des motifs, par les partenaires sociaux, lesquels ont en effet souhaité que la prévention en matière de santé et de sécurité au travail soit la priorité absolue du troisième plan de santé au travail.
Sur la question du burn out, la Direction générale du travail, l’Institut national de recherche et de sécurité et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail ont publié au mois de mars 2015 un guide d’aide à la prévention pour prévenir le syndrome d’épuisement professionnel.
M. François Rebsamen, ministre. En effet. C’est important.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je ne vois pas ce qu’un nouveau rapport sur la prévention apporterait de plus. Il serait même redondant. Avis défavorable.
M. Dominique Tian. C’est une blague !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Même position.
(L’amendement no 259 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 222 et 258.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 222.
M. Lionel Tardy. C’est l’amendement à 20 milliards ! (Sourires)
M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à étendre le champ de ce rapport au secteur public. L’épuisement professionnel, en effet, ne se limite pas au secteur privé. Des cas d’épuisement professionnel pouvant également toucher des agents du secteur public.
Je prendrai deux exemples, car le sujet est important. Au moment de la loi de 2005 sur le handicap, j’avais rédigé un rapport pour étudier la situation dans les secteurs privé et public. Nous nous sommes vite rendu compte que dans le secteur public, les conséquences de l’application de cette loi avaient été nettement moins favorables et qu’elles avaient été plus lentes à se manifester que dans le secteur privé. Or, par équité, le traitement doit être identique dans le secteur public.
Je prendrai également un exemple plus récent, monsieur le ministre. Lorsque le présent texte nous est revenu après son passage au Sénat, nous n’avons disposé que de très peu de temps avant la CMP. Ensuite, les administrateurs de la maison ont eu très peu de temps pour « pastiller » le texte, et le travail s’est achevé nuitamment. Nous avons donc eu très peu de temps pour déposer les amendements et les administrateurs en ont eu très peu pour les traiter. Tout cela participe d’une forme d’épuisement professionnel !
Il me paraît donc nécessaire, madame la présidente, monsieur le ministre, de traiter le secteur public comme le secteur privé.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 258.
M. Dominique Tian. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Avis défavorable, tout simplement parce qu’en l’état de la réglementation, la reconnaissance des maladies professionnelles dans la fonction publique ne répond pas aux mêmes règles que dans le secteur privé, vous le savez d’ailleurs très bien. Les tableaux de maladies professionnelles ne sont pas applicables de plein droit aux fonctionnaires et il n’existe pas de seuil d’incapacité permanente psychique dans la fonction publique.
M. Dominique Tian. Quel scandale !
M. Lionel Tardy. Incroyable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Avis défavorable, malgré l’habileté de la démonstration.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.
M. Gérard Sebaoun. Je vous demande juste quelques secondes pour resituer le débat sur ces amendements par rapport à la vérité des textes.
Les tableaux de maladies professionnelles sont connus, et il est extrêmement difficile d’y inclure une nouvelle pathologie. Il y a donc des maladies déclarées comme pouvant être d’origine professionnelle. C’est cela le sujet ! Aujourd’hui, nous avons beaucoup de mal à faire reconnaître certaines pathologies, dont nous savons qu’elles existent et qu’elles ont un impact sur la vie des gens, comme des maladies professionnelles.
Et la situation est exactement contraire à celle que vous avez décrite, monsieur Vercamer : si demain une maladie est reconnue comme maladie professionnelle, ce sera la branche AT-MP qui sera concernée et non le régime général.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. Mais monsieur Sebaoun, il s’agit du rapport, lequel ne peut qu’être instructif s’agissant précisément des décisions qu’il faudra prendre plus tard ! Pourquoi donc ne pas l’étendre au secteur public ? Y voyez-vous un inconvénient, mon cher collègue ?
(Les amendements identiques nos 222 et 258 ne sont pas adoptés.)
(L’article 19 octies est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 38 et 130, visant à supprimer cet article.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 38.
M. Lionel Tardy. Il s’agit là de la question du régime d’assurance chômage de l’intermittence, dont nous avons débattu en commission des affaires culturelles, saisie pour avis. Quels que soient les amendements qui pourraient modifier cet article 20 à la marge, un problème de principe se pose. J’en ai parlé en défendant la motion de renvoi en commission.
Si l’on commence à inscrire des exceptions au régime général dans la loi, je crains qu’une brèche ne soit ouverte. En outre, en gravant cette exception dans le marbre, on se prive de trouver une solution pérenne car de que vous proposez ici n’en est pas une.
Le rapporteur Jean-Patrick Gille m’avait dit qu’il ne s’agissait pas de créer une exception, mais de consacrer une spécificité. Encore mieux ! Cela fait peut-être partie des éléments de langage socialistes mais cela signifie exactement la même chose et ne règle pas les problèmes.
Surtout, mes chers collègues, il faut prendre deux minutes pour lire cet article. On se rend compte alors qu’il est d’une incroyable complexité, avec deux niveaux de négociation se superposent. Très honnêtement, cela ressemble fort à une usine à gaz qui risque de n’avoir aucune efficacité, bien que tout cela soit inscrit dans le marbre.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 130.
M. Dominique Tian. Nous traînons le problème dit des intermittents du spectacle depuis des années. Cela n’arrête pas ! Pourquoi ?
Certains trouvent que ce régime coûte trop cher. Vous êtes quant à vous très attachés au paritarisme mais vous savez que, malheureusement, les négociations n’aboutissent quasiment jamais et que les partenaires sociaux se séparent sur un constat d’échec. En l’occurrence, vous demandez encore quelques mois avant une prochaine réunion dont vous savez a priori qu’elle n’aboutira toujours pas non plus.
Jean-Patrick Gille et Christian Kert, notamment, avaient évoqué quelques pistes de réformes qui représenteraient des avancées, mais malheureusement je rejoins Lionel Tardy : il s’agit d’une bombe qui menace toujours d’exploser.
En outre, vous portez le courage politique à son plus haut sommet en laissant passer la période des festivals pour reprendre la question en septembre ou octobre… Il est vrai que la pression est telle qu’aucun organisateur ne peut se permettre de louper son festival.
Le système n’en demeure pas moins assez dérogatoire, coûte très cher à l’assurance chômage et malheureusement avantage énormément certains. On devrait peut-être plutôt s’occuper de la créativité des personnes qui exercent des métiers du spectacle en traitant le sujet par le biais du subventionnement : ce n’est pas à l’assurance chômage de le faire. Oui, il faut une aide à la création, c’est une des pistes qui ont été avancées, oui il faut aider les spectacles vivants, mais pas avec l’argent des chômeurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il faut éviter les amalgames et les raccourcis. En l’occurrence, nous ne parlons ni plus ni moins que de la discussion qui existe sur les annexes VIII et X.
M. Gérard Cherpion. Nous ne les avons jamais remis en cause.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. S’il n’y avait pas eu en permanence une discussion, les conflits que nous avons connus n’auraient probablement pas eu lieu.
L’article 20 permet d’inscrire les annexes VIII et X dans la loi, ce qui me paraît déterminant. Bien évidemment, avis très défavorable à ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Vous regretteriez la suppression de cet article. Avis très défavorable.
(Les amendements identiques nos 38 et 130 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 185.
Mme Danielle Auroi. L’article 20 met en place un dispositif de négociation des annexes VIII et X par les partenaires sociaux du secteur concerné. Selon le texte, ces derniers doivent être considérés comme représentatifs mais il est impératif de bien garantir cette représentativité.
En effet, tel qu’il est rédigé, l’article 20 précise que les organisations doivent être représentatives de l’ensemble du secteur mais aucun dispositif législatif ne permet de définir la représentativité d’organisations patronales sur plusieurs branches.
Cette rédaction permet à des structures qui regroupent plusieurs branches en leur sein d’être considérées comme représentatives mais ne garantit pas l’intégration d’autres acteurs qui ne représentent qu’une seule branche de secteur comme, par exemple, le Syndicat des musiques actuelles, le SMA, ou le Syndicat national des arts vivants, le SYNAVI.
Il nous paraît important que la démocratie sociale soit garantie au niveau de chaque branche du secteur culturel afin de garantir un réel pluralisme dans le paritarisme. Notre amendement vise donc à garantir que les organisations patronales doivent être représentatives à l’échelle de chaque branche, comme c’est le cas dans la démocratie sociale en général, et non à l’échelle du secteur tout entier. Cela relève de la cohérence sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. J’entends bien l’esprit de cet amendement, mais il existe neuf branches dans le domaine du spectacle. Si nous devions adopter votre amendement, je vous laisse imaginer à quel point le dispositif que nous mettons en place serait impossible à piloter.
Mme Danielle Auroi. Non.
M. Lionel Tardy. C’est une usine à gaz.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il faut impérativement revenir à quelque chose de beaucoup plus raisonnable. J’ai développé en commission un certain nombre d’arguments à ce propos. Je pense que l’enfer est pavé de bonnes intentions. J’appelle donc votre attention sur un point : s’il s’agit de bloquer le dispositif, la légitimité même de ce que nous avons mis en place sera mise en cause. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Même avis, même position.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. Le système est kafkaïen, personne n’y comprend rien et cela fait des années que cela dure. Monsieur le rapporteur, ne dites pas que vous simplifiez le système ! Le projet de loi introduit une nouvelle méthode de dialogue social articulant le niveau interprofessionnel et le niveau professionnel où il est question des partenaires sociaux représentatifs au niveau interprofessionnel négociant la convention d’assurance chômage, des organisations représentatives du secteur négociant les paramètres propres aux règles d’indemnisation des intermittents du spectacle sur la base d’un document de cadrage financier transmis par… Bref, personne n’y comprend rien !
Si j’ai bien compris, des sous-groupes ont été créés, lesquels négocieront pour leurs propres intérêts. Mme Auroi s’interroge sur l’organisation patronale adéquate à ce niveau-là, mais la même question se pose à tout niveau ! Tous les types de spectacles et tous les sous-groupes devront disposer d’une organisation syndicale représentative. Et il y neuf groupes !
De surcroît, que va-t-on négocier ? Dans un même théâtre, cinq, sept ou neuf métiers différents négocieront chacun à leur niveau ? Et je ne parle pas des différences entre festivals ! Déjà que ce n’était pas simple et que cela coûtait énormément d’argent, là, la complexité deviendra extraordinaire !
Mais vous parlez de simplification, monsieur le rapporteur. J’avoue que les bras m’en tombent.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. En tout cas, il ne faut pas compter sur vous pour simplifier.
Mme la présidente. Maintenez-vous cet amendement, madame Auroi ?
Mme Danielle Auroi. Oui.
(L’amendement no 185 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 186 et 246, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 186.
Mme Danielle Auroi. Cet amendement vise à rétablir la rédaction issue du Sénat concernant la trajectoire financière de la négociation. Cette rédaction est issue d’un amendement commun, déposé par les sénateurs écologistes et les sénateurs du groupe communiste à la demande du comité de suivi des intermittents.
L’objectif est de mieux encadrer le cadrage financier dans le sens où, tel que le projet de loi est rédigé, il pourrait permettre aux organisations interprofessionnelles d’empêcher de réelles négociations entre les partenaires sociaux du secteur. Ainsi, le cadrage budgétaire pourrait aboutir, alors que ce n’est pas l’intention du législateur, à imposer aux partenaires du secteur un fonctionnement de type « caisse professionnelle » en imposant que les allocations soient du même niveau que les contributions.
Enfin, la rédaction initiale peut potentiellement empêcher la discussion sur plusieurs dispositions spécifiques comme le principe de la date anniversaire. Il est donc essentiel de mieux préciser le contenu du document de cadrage.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 246.
Mme Fanélie Carrey-Conte. Il s’agit de la même logique, sauf que je préfère le terme de « négociation », qui se trouve déjà dans le texte de la commission, à celui de « concertation ».
Le présent projet de loi comporte, on l’a dit, des avancées majeures pour les intermittents du spectacle, n’en déplaise à MM. Tardy et Tian. Je voudrais rappeler que le statut spécifique des intermittents et de leur régime d’assurance chômage contribue de manière essentielle à la vitalité culturelle de notre pays…
M. Dominique Tian et M. Lionel Tardy. Nous sommes d’accord !
Mme Fanélie Carrey-Conte. …et que son coût ne pèse pas autant qu’on le dit souvent sur le déficit de l’assurance chômage – la Cour des comptes, elle-même, l’a reconnu.
Cela dit, il semble nécessaire d’apporter des garanties supplémentaires au texte tel qu’il est actuellement rédigé, s’agissant de l’inscription dans la loi des annexes VIII et X. Deux risques demeurent en effet. D’une part, il faut éviter que le cadrage budgétaire qui sera fixé au niveau interprofessionnel n’aboutisse à fixer un cadrage pour les seules annexes VIII et X, ce qui pourrait les vider de leur substance et durcir, in fine, les conditions d’accès au régime. D’autre part, la notion de « respect des principes généraux applicables à l’ensemble du régime d’assurance chômage » peut être, comme Mme Auroi l’a rappelé, de nature à empêcher la discussion sur un certain nombre de règles spécifiques, notamment le principe du retour à la date anniversaire.
Tel est le sens de cet amendement, qui avait été adopté au Sénat mais qui a été supprimé au moment de l’examen du texte par notre commission. Il semble indispensable de le rétablir, car il précise les choses et lève des ambiguïtés. Son adoption permettrait d’aboutir à une véritable sanctuarisation du régime des intermittents. C’est pourquoi je plaide fortement en sa faveur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. La formulation de ces deux amendements est légèrement différente, mais leur esprit est identique. Permettez-moi de rappeler une chose : il est bien évident que les organisations représentatives des intermittents du spectacle peuvent négocier entre elles les règles d’assurance chômage qui leur sont propres, à condition toutefois que ces règles ne déstabilisent pas l’ensemble du régime d’assurance chômage. En vous suivant, nous apporterions de l’eau au moulin de ceux qui, depuis tout à l’heure, dénoncent le fait qu’il s’agit d’un régime spécial !
M. Dominique Tian. C’est un régime spécial !
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je vous rappelle que les orientations générales sont définies à l’échelle du régime d’assurance chômage, qui a lui-même un cadre financier. Jean-Patrick Gille, qui ne peut être présent ce soir, développerait bien mieux que moi les raisons pour lesquelles l’adoption de vos amendements risquerait de bloquer la machine et de donner des arguments à ceux qui, y compris à l’UNEDIC, considèrent que l’on donne déjà un peu trop de latitude aux représentants des intermittents du spectacle. Avis très défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Je répète que cet article constitue une avancée formidable. Grâce au travail réalisé notamment par Jean-Patrick Gille, nous sommes arrivés à un accord, ce qui n’est pas rien dans ce secteur – j’ai pu le ressentir même physiquement, puisque j’ai été arrosé, alors que ce n’était pas du tout la canicule ! J’ai donc été heureux d’aboutir à un accord.
Il s’agit en réalité d’un enchâssement. Les choses se passent d’abord au niveau interprofessionnel, et c’est normal. C’est l’interprofession qui négocie l’assurance chômage et qui donne des objectifs à la profession. On constate d’ailleurs, contrairement à ce que l’on pensait, que c’est une bonne chose que la profession réfléchisse elle-même à la manière de respecter l’objectif qui lui est fixé. En effet, les professionnels savent très bien quels sont ceux qui profitent du système tout en le dénigrant, et ils arrivent à des objectifs beaucoup plus précis, qui visent véritablement les intermittents du spectacle, notamment les techniciens, concernés par les annexes VIII et X.
Or votre amendement modifierait cet enchâssement, c’est-à-dire l’équilibre qui existe entre le niveau interprofessionnel et le niveau professionnel. Et cet équilibre est très fragile, vous le savez, car la CGT inteprofessionnelle et la CGT Spectacle, qui réunit les professionnels du spectacle, ce n’est pas tout à fait la même chose… Ajoutez à cela qu’il existe encore, au niveau des professionnels du spectacle, la coordination des intermittents et des précaires, qui a ses propres experts !
Le cadre de l’assurance chômage, je le répète, est fixé au niveau interprofessionnel pour la profession. Il revient ensuite à la profession, et c’est là que réside la grande avancée du texte, de désigner elle-même les métiers qui seront inclus dans les annexes VIII et X, et de définir les conditions dans lesquelles ils s’enchâsseront dans le cadre général. Je comprends votre préoccupation, mais il ne faut pas toucher à cet équilibre, car y toucher, c’est toucher à l’accord général qui a été conclu, et qui est très fragile.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. L’article 20, cela a été dit et répété, constitue une avancée non négligeable de ce texte, sur un sujet particulièrement sensible. Mais, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, c’est précisément parce que cette avancée est importante qu’il ne faut pas rester dans un entre-deux. Vous voulez peut-être faire plaisir à l’opposition, et notamment à M. Tian, qui s’en prenait tout à l’heure à ceux qui profitent du système. Ceux qui en profitent, monsieur Tian, ce sont plus vos amis de TF1 que ceux qui jouent de la guitare le soir… Veillons à ne pas caricaturer les choses.
Monsieur le rapporteur, je ne vois pas en quoi ces amendements pourraient amener à un blocage. Nul ne conteste le fait qu’il existe un cadre général et une enveloppe à respecter, dans le cadre général de l’assurance chômage. Ces amendements proposent seulement que soit définie, pour ce secteur, une trajectoire financière qui lui permette d’avoir, non seulement des discussions techniques, mais aussi des discussions spécifiques d’ordre financier sur les annexes VIII et X, au-delà de la reconnaissance des différents métiers. Il y a là de vrais enjeux financiers.
Jean-Patrick Gille vous dirait, et cela figure dans le rapport, que de nombreuses personnes de ce secteur revendiquent la possibilité d’avoir des discussions spécifiques, y compris sur des aspects financiers, tout en restant dans le cadre général. Le but n’est pas de déborder l’enveloppe, telle qu’elle est discutée au niveau de l’assurance chômage. Il me semble donc que vous vous trompez d’argument.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.
Mme Fanélie Carrey-Conte. L’objet de mon amendement n’est pas de modifier l’équilibre de l’accord qui a été trouvé, mais d’apporter une précision rédactionnelle afin de lever des ambiguïtés et des inquiétudes. Vous avez bien compris quels sont le vrai sujet et la nature de notre crainte : c’est que le cadrage budgétaire qui serait arrêté à l’échelon interprofessionnel aboutisse à un fonctionnement de caisse autonome qui serait retirée de la solidarité interprofessionnelle. L’amendement vise simplement à dire que la trajectoire des dépenses fixées au niveau interprofessionnel concerne l’ensemble du régime d’assurance chômage, et pas les seules annexes VIII et X. C’est cette seule ambiguïté que je veux lever.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Très sincèrement, vous ne pouvez pas dire qu’il s’agit d’une simple question de rédaction. Ce n’est pas possible de dire cela ! En réalité, vous inversez la logique qui a été retenue au terme de la concertation. Les règles financières générales et les orientations ne peuvent être fixées qu’au niveau interprofessionnel. Il ne peut pas en être autrement. Ce n’est donc pas seulement une question d’écriture ! Si l’on vous suit, l’interprofession n’aura plus son mot à dire.
J’ajoute que si des règles étaient définies par les organisations professionnelles du monde du spectacle, elles pourraient être contradictoires avec les règles générales qui sont applicables à l’ensemble des salariés, ce qui, bien évidemment, n’est pas possible. Il ne s’agit pas, je le répète, d’une simple question d’écriture. Encore une fois, pour avoir eu ce débat avec Jean-Patrick Gille en commission, je précise très clairement que ce serait une erreur que d’adopter ces amendements. Je confirme donc, madame la présidente, l’avis défavorable de la commission.
(Les amendements nos 186 et 246, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 39 et 126.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 39.
M. Lionel Tardy. On a souvent parlé du déficit causé par le régime d’indemnisation des intermittents du spectacle. J’aurais tendance à dire que le débat sur les chiffres importe peu, puisque ce déficit existe et qu’il est important. Et, comme tout déficit, il doit être comblé. Pour combler celui des collectivités, vous avez pris des dispositions dans la loi NOTRe.
Plutôt que de faire porter l’accord sur une « trajectoire » financière, je préférerais que l’on parle, plus rigoureusement, d’une « enveloppe », ce qui implique un caractère fermé, et donc l’objectif d’éviter tout dérapage financier. Ce changement de terme me paraît plus propre à pouvoir contrôler les choses.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 126.
M. Dominique Tian. Je comprends les inquiétudes de nos collègues : nous sommes tous pour le spectacle vivant et pour les intermittents et nous adorons aller au spectacle. Ce n’est pas parce qu’on est de droite qu’on est forcément hostile à la culture ! Il n’y a pas de souci de ce côté-là, et les intermittents sont souvent des amis.
Cela dit, quand vous parlez de trajectoire et d’enveloppe, vous parlez de ce qu’imposerait l’UNEDIC, car c’est bien elle qui fixe les règles d’indemnisation des chômeurs. Je veux simplement vous dire que vous allez vraiment complexifier les choses, en disant aux gens de négocier en fonction de la trajectoire et de l’enveloppe. La vraie question, à mon sens, c’est celle de l’indemnisation des périodes travaillées et non travaillées, en fonction des catégories professionnelles.
Au risque de me répéter, j’insiste sur le fait qu’il faut aider à la création. Il faut que les spectacles soient mieux subventionnés et qu’ils soient payés à leur vrai prix, par ceux qui les organisent, par ceux qui y assistent, par des subventions ou par le soutien de fondations. Mais ce n’est pas l’argent destiné à tous les chômeurs qui doit aider à la création en France : c’est cela qui nous choque !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il importe de faire une vraie distinction entre les termes « trajectoire » et « enveloppe ». Retenir le second, comme vous le proposez, reviendrait à définir un budget fixe. Or ce n’est pas ce qui est demandé aujourd’hui. Si nous parlons de trajectoire, c’est parce qu’il faut tenir compte d’une enveloppe déterminée, mais aussi respecter certains principes financiers, comme, par exemple, celui d’économies réparties sur plusieurs années. Nous dépassons donc là le cadre d’un budget fixe : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Le cadrage, ce n’est pas une enveloppe, mais une trajectoire financière et le respect des principes généraux, qui sont applicables à l’ensemble du régime d’assurance chômage. C’est ainsi que les choses ont été fixées. Comme vient de le dire le rapporteur, il ne peut évidemment pas s’agir d’une enveloppe fixe, mais d’une trajectoire financière, qui dépend de nombreux paramètres. Et l’on ne peut pas fixer précisément les conséquences financières, à l’euro près, de cette trajectoire.
Les conditions peuvent évoluer. Par exemple, quand vous avez supprimé la dispense de recherche d’emploi pour les personnes ayant atteint un certain âge et un certain nombre d’années de cotisation, vous avez créé 250 000 chômeurs supplémentaires, inscrits en catégorie A depuis 2012. Cela ne vous a pas posé de problème !
M. Lionel Tardy. Il y en a 600 000 de plus ! Et aucune mesure pour l’emploi !
(Les amendements nos 39 et 126, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 152.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
(L’amendement no 152, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 40 et 127.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 40.
M. Lionel Tardy. Au milieu de cette architecture complexe, qui compte deux niveaux de négociation, on ne s’y retrouve plus du tout. On retrouve en revanche, comme d’habitude… un comité. Un de plus ! Il s’agit cette fois d’un comité d’expertise, créé par la loi, qui réunira des économistes et qui devra donner son avis, lequel ne sera pas forcément suivi, comme d’habitude. En fait d’avis d’ailleurs, il s’agira en réalité d’une simple évaluation, puisqu’un amendement a été voté en ce sens.
Vous connaissez mon combat à ce sujet : il faut alléger tout cela, éviter un nouveau comité Théodule. Encore une fois, ce n’est pas à la loi de faire cela.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 127.
M. Dominique Tian. Pour M. Tardy, c’est byzantin, pour moi c’est kafkaïen. Il n’y a qu’à lire l’article ! Il crée un comité d’experts sur les intermittents, ce qui est d’ailleurs assez amusant parce que j’ai l’impression que tout a été écrit sur ce sujet depuis des années. Mais bref, si c’est la nouveauté du jour, pourquoi pas, créons un comité d’experts : ils tomberont en burn out et ainsi la boucle sera bouclée !
Ce comité d’experts va expertiser les règles spécifiques en matière d’indemnisation – donc il faut tout reprendre – avec les artistes, les techniciens, les intermittents du spectacle, les services de l’État – évidemment, si l’on monte quelque chose, il faut que les services de l’État soient là – ainsi que Pôle emploi, l’UNEDIC, des personnalités qualifiées… Parce que bien sûr, il faut des personnes qualifiées. Sauf qu’elles seront désignées par l’État, donc il y aura l’État et des personnes qualifiées désignées par l’État. Mais s’agira-t-il d’intermittents du spectacle, ou de chômeurs de longue durée ? Bref, quelle sera la qualification leur permettant de parler doctement de l’intermittence ? S’y ajouteront en plus les organisations d’employeurs, des salariés…
Bref, le monde entier sera dans ce comité, une sorte de jury du Festival de Cannes. Tout le monde va réfléchir au problème des intermittents du spectacle. Monsieur le ministre, bravo, on peut dire que cela va dans le bon sens, incontestablement !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Monsieur Tian, à un moment, il faut faire attention à ce que l’on dit à propos des intermittents.
M. Dominique Tian. Je les respecte !
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Non, je pense justement que certains propos sont désobligeants à l’égard de cette catégorie professionnelle, je vous le dis comme je le ressens. À force de les assimiler, comme vous le faites dans vos propos, à des gens qui ne travaillent pas ou qui abusent, je trouve que vous prenez un risque très important, et je me permets de vous le dire en tant que rapporteur.
M. Dominique Tian. C’est vous qui le dites !
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Non, c’est exactement ce que vous venez de formuler, je me permets de vous le dire. Cela se verra très clairement au compte rendu.
Pour en revenir aux amendements, ce n’est pas un comité Théodule qui est créé.
M. Dominique Tian. Ah non ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Mais non, et si vous aviez suivi le dossier, vous le sauriez. Il s’agit de ce qui a été fait dans le cadre de la mission qui a été pilotée par Jean-Patrick Gille avec Mme Archambault et M. Combrexelle. La mission a mis en place ce comité d’experts, et c’est justement pour cela que l’on a réussi à établir un dialogue et obtenir une reconnaissance des différentes parties prenantes. Et c’est fort de cette expérience que nous l’avons repris dans ce texte.
Ce n’est donc pas un comité Théodule, c’est une méthode qui a fait ses preuves. Pour cette raison, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Appeler comité Théodule ce comité d’experts composé de spécialistes du secteur qui sont capables d’aller plus loin dans les économies que ce qui était prévu par l’interprofession, c’est vraiment ne pas connaître ce dossier, je me permets de vous le dire. Il faut du respect pour ce comité d’experts. Avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 40 et 127 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 153.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Amendement rédactionnel
(L’amendement no 153, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 41 et 219.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 41.
M. Lionel Tardy. Il s’agit tout simplement de prévoir que le rapport de ce fameux comité d’experts sur l’accord soit rendu public. Il me semble que c’est la moindre des choses.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 129.
M. Dominique Tian. Monsieur Sirugue, ce que vous avez dit n’est pas très élégant : nous n’avons jamais tenu de tels propos sur les intermittents. Le seul à l’avoir fait est un collègue sur un autre banc, qui a évoqué TF1. Les intermittents, nous travaillons avec eux tous les jours, nous montons des opérations avec eux, et nous avons certainement plus de respect pour eux que vous n’en montrez avec votre comité d’experts – comme s’il fallait encore retarder la prise de décision !
Et si nous respectons les intermittents, nous respectons aussi l’UNEDIC, parce que c’est important. J’ai travaillé sur les dossiers de l’UNEDIC, Gérard Cherpion aussi, et quand nous avons créé Pôle emploi, nous avons pris soin de maintenir l’indépendance de l’UNEDIC pour qu’elle prenne des décisions stratégiques.
S’agissant des intermittents, je ne crois pas que le président Sarkozy ait remis en cause quoi que ce soit. Chacun s’est entendu, à droite comme à gauche, pour que le régime des intermittents soit plus ou moins respecté et qu’il soit préservé. Ce n’était donc pas très bien de votre part de dire cela.
S’agissant des intermittents du spectacle, nous essayons de sauver l’argent des chômeurs, je le dis pour la quatrième fois, mais nous les aidons. Simplement, dites-vous bien une fois pour toutes que ce n’est pas l’argent des chômeurs qui doit payer le spectacle vivant. Il faut vraiment que les collectivités et autres mettent de l’argent dans la création, plutôt que maintenir ce système que chacun dénonce et qui rend mal à l’aise.
Quant au comité d’experts, il faut vraiment que son rapport soit rendu public : avec toutes ces personnes qui vont réfléchir, il faut que l’on sache à quoi cela aboutit !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Les intermittents sauront reconnaître les propos des uns et des autres. Cela étant, s’agissant de l’amendement qui nous est proposé par MM. Tardy et Tian, le comité d’expertise a une vocation de support technique. Dès lors, il ne rend pas d’avis.
M. Dominique Tian. Ça, c’est intéressant !
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Si vous aviez suivi les débats en première lecture et en commission sur ce sujet, cher collègue, vous sauriez exactement à quoi correspond ce comité d’experts, qui n’est pas du tout ce que vous décrivez depuis tout à l’heure. Il n’a donc pas vocation à donner d’avis, et dès lors, il n’y a pas de raison de rendre public un avis qui n’existe pas. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Même avis.
(Les amendements identiques nos 41 et 129 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 241de M. Jean-Patrick Gille.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cet amendement tend à harmoniser au 31 mars 2016 les dates limites concernant la révision des listes des emplois pouvant être pourvus en contrat à durée déterminée d’usage – CDDU – et la négociation relative aux conditions de recours à ce CDDU.
C’est pertinent, puisque cela permet d’avoir une seule échéance pour la négociation des règles de recours au CDDU et la révision des listes d’emplois pouvant être prévus par ces mêmes contrats.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. Il ne me semble pas que M. Gille soit présent pour proposer cet amendement ?
Mme la présidente. Le rapporteur l’a repris.
M. Dominique Tian. Très bien. Et pour en revenir au rapport des experts, qui sera donc secret, avez-vous prévu des sanctions financières si, par hasard, il venait à fuiter ? C’est important : les gens vont travailler, nous n’aurons pas le droit de savoir à quelles conclusions ils sont arrivés, mais y aura-t-il des sanctions financières en cas de fuites ? Parce que cela pourrait être assez embêtant pour tout le monde…
(L’amendement no 241 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 154.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Amendement rédactionnel.
(L’amendement no 154, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 20, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 20 bis A.
(Les articles 20 bis et 20 quater sont successivement adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements tendant à supprimer l’article, nos 42, 54, 65 et 134.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 42.
M. Lionel Tardy. Je suis très surpris par cet article relatif au compte personnel d’activité.
Premièrement, sur la forme, on nous demande d’entériner une concertation alors qu’il n’y a pas besoin de la loi pour cela. On fait même plus, en prévoyant une date butoir d’entrée en vigueur : cet article revient donc à nous faire adopter un dispositif dont nous ne savons rien. Pourquoi cet article bizarre ? Est-ce un article d’affichage, suite aux annonces récentes du Président de la République ? Je le crains.
À ces bizarreries de forme s’ajoutent des inquiétudes sur le fond. En effet, lorsque l’on voit le succès des comptes personnels de pénibilité et de formation, il y a de quoi s’inquiéter de la suite. Faute de visibilité, et par crainte que vous ne soyez en train de créer une nouvelle usine à gaz, je propose de supprimer cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 54.
M. Gilles Lurton. Effectivement, on nous demande dans cet article 21 d’entériner une concertation qui, à ma connaissance, n’a pas eu lieu. En outre, la création de ce compte va encore complexifier les tâches administratives des chefs d’entreprise, de l’artisanat et du commerce de proximité, comme si elles n’étaient pas déjà assez complexes.
Tout le monde parle de simplification, et vous ne faites que complexifier. Ajoutez à cela le compte pénibilité et vous obtenez un cocktail de tâches qui va s’abattre sur tous les chefs d’entreprise et risque de leur compliquer gravement la vie et de les mécontenter.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 65.
M. Francis Vercamer. Le groupe UDI propose de supprimer cet article pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la loi Macron, qui n’est pas encore votée mais aux articles de laquelle le rapporteur aime se référer dans ses amendements, prévoit déjà un certain nombre de modifications concernant le compte de pénibilité. Vous savez que le compte d’activité est la fusion du compte de pénibilité et du compte de formation.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Vous n’en savez rien !
M. Francis Vercamer. Je ne vois pas comment voter d’un côté un compte d’activité alors que de l’autre, on modifie le compte de pénibilité dans un texte qui viendra demain en discussion dans cet hémicycle – nous l’espérons en tout cas, à moins que le Gouvernement n’utilise l’article 49 alinéa 3.
Ensuite, le groupe UDI n’est pas contre l’idée de travailler sur la portabilité des droits, mais je pense que cela doit se faire dans un schéma général, une vision globale, et non dans un article à la sauvette dans cette loi. Je pense qu’il y a un véritable travail de fond à faire.
Troisième raison : l’article L. 1 du code du travail n’a pas été respecté. Je vous rappelle que selon lui, le Gouvernement doit communiquer aux partenaires sociaux un document d’orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options. Or ces éléments ne sont pas dans la loi, et certainement pas dans l’article 21 que nous sommes en train d’étudier.
Pour ces trois raisons, le groupe UDI propose la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 134.
M. Dominique Tian. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous avons déjà débattu de ce compte personnel d’activité. Premier élément, il est important que nous puissions mettre en place un tel outil, qui correspond ni plus ni moins à une notion de sécurité sociale professionnelle. C’est la reconnaissance du fait qu’aujourd’hui, rares seront les parcours professionnels dans lesquels un individu passera vingt, vingt-cinq ou trente ans dans la même entreprise. Il y a aujourd’hui des ruptures extrêmement importantes dans les parcours professionnels. Le compte personnel d’activité, c’est le capital des salariés. C’est ce qu’ils ont acquis qui sera retenu dans ce compte personnel d’activité.
Il ne vous est nulle part demandé d’acter les conclusions d’une quelconque concertation – relisez l’article, comme je viens de le faire. L’article fait état de la mise en place d’une concertation. Elle pourra déboucher – ou non, d’ailleurs, car les participants ne se mettront pas nécessairement d’accord, et nous verrons bien sous quelle forme ils seront consultés – mais c’est seulement à ce moment que l’on saura si le compte personnel d’activité inclut le compte de pénibilité, le compte personnel de formation, ou si d’autres éléments tels que les droits rechargeables sont pris en compte.
Aujourd’hui, ce que cet article vous propose, c’est de mettre en place l’outil qui permettra de constituer ce capital pour les salariés, ce qui me paraît déterminant. C’est une vraie avancée sociale.
Vous combattez un outil. Peut-être, de votre point de vue, faudra-t-il combattre ce qui y figurera, et les modalités qui seront prévues, mais lorsque le moment sera venu. À ce jour, le texte ne prévoit rien sur la notion de portabilité, ni sur la possibilité d’une fusion des droits. Nous verrons au moment opportun, mais vous prenez une position de principe défavorable aux salariés. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Je comprends votre position, mais je la regrette, parce que je pense qu’il s’agit d’une avancée dans laquelle vous devriez vous inscrire. Quand elle est au pouvoir, la gauche fait des avancées sociales.
M. Lionel Tardy. Elle ferait mieux de faire avancer l’emploi !
M. François Rebsamen, ministre. Ces avancées sociales sont très importantes pour les salariés, ceux qui sont en situation d’emploi. Je pense par exemple au compte épargne temps, au compte personnel de formation ou au compte personnel d’activité. Tous ces comptes personnels créent des droits nouveaux.
M. Lionel Tardy. Les gens veulent de l’emploi !
M. François Rebsamen, ministre. C’est très important de créer des droits pour les salariés. Après, il convient de voir comment ces droits nouveaux correspondent à cette belle idée que porte la gauche depuis un moment, celle de la sécurité sociale professionnelle. Comment tout cela fait consensus, corpus idéologique, c’est très important pour les salariés.
M. François Rebsamen, ministre. Je suis persuadé que vous n’êtes pas contre le progrès social par principe. Vous devriez donc vous inscrire dans cette démarche, quitte à en contester les modalités par la suite – c’est autre chose, comme l’a très bien dit le rapporteur. On ne peut pas dire que l’article L. 1 du code du travail, auquel vous faites allusion, n’est pas respecté, puisqu’il ne s’agit pas d’engager une négociation mais une large concertation. En fonction des résultats de cette concertation, il y aura ou non une négociation.
Il est normal que la loi détermine le cadre. Si la loi ne peut pas définir un cadre général en renvoyant à la concertation et éventuellement ensuite à la négociation, alors le Parlement ne sert plus à grand-chose et on n’a plus le droit d’avancer de belles idées ! Il s’agit, en effet, d’une belle idée – je le pense depuis longtemps, les syndicats y ont d’ailleurs déjà réfléchi et j’espère qu’ils vont apporter leur miel à cette réflexion.
Dans le contexte actuel d’évolution du monde du travail, il est dans l’intérêt de la société de donner à un salarié la possibilité de construire son parcours professionnel, d’avoir des droits nouveaux, de choisir son orientation. Il n’y a pas que l’argent qui compte ! Ce beau projet de société, qui consiste à défendre d’abord l’individu, celui qui produit la richesse dans l’entreprise, est quand même plus important que les positions politiques et idéologiques que vous défendez !
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Mme Isabelle Le Callennec. Vous dites, monsieur le ministre, que vous voulez lutter contre le chômage, et nous ne cessons de vous redemander quelles sont les mesures concrètes que vous mettez en œuvre pour cela. Je me souviens très bien de l’annonce, par le Président de la République, de la création de ce compte personnel d’activité qui devait tout révolutionner, à un moment où il était obligé d’annoncer aussi que les chiffres du chômage repartaient à la hausse.
M. François Rebsamen, ministre. Non, c’est moi qui annonce ces chiffres ! (Sourires.)
Mme Isabelle Le Callennec. Je ne vois pas, et vous non plus je pense, ce que la création d’un compte personnel d’activité va apporter de concret. Parlez-en à un jeune qui cherche aujourd’hui du travail : vous allez lui dire que nous sommes en train de voter une loi relative au dialogue social et à l’emploi, et que nous allons lui créer un compte personnel d’activité. Il vous rira au nez ! Ce n’est pas cela qui va lui procurer un emploi !
Il faut tout de même que les Français entendent l’article 21 : « Afin que chaque personne dispose au 1er janvier 2017 d’un compte personnel d’activité qui rassemble, dès son entrée sur le marché du travail » – il faut déjà pouvoir y entrer ! – « et tout au long de sa vie professionnelle, indépendamment de son statut, les droits sociaux personnels utiles pour sécuriser son parcours professionnel, une concertation est engagée avant le 1er décembre 2015 avec les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, qui, si elles le souhaitent, » – si elles le souhaitent ! – « ouvrent une négociation sur la mise en œuvre du compte personnel d’activité. »
M. Lionel Tardy. C’est du lourd !
À qui allez-vous faire croire que ce genre d’article permettra de créer des emplois et de sécuriser les parcours professionnels ? Je vous rejoins quand vous dites que la formation est un passage obligé pour rapprocher l’offre et la demande d’emplois, mais ne nous faites pas croire que la création de ce compte personnel d’activité va changer quoi que ce soit au chômage que connaît aujourd’hui notre pays.
Pire, vous ne savez même pas vous-mêmes ce que vous mettez dans ce concept totalement abstrait, et vous renvoyez la balle aux partenaires sociaux. C’est à eux de se débrouiller avec ce concept plus ou moins fumeux que le Président de la République a sorti un jour parce qu’il devait passer à la télévision et qu’il ne pouvait pas se contenter de commenter les chiffres du chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
(Les amendements identiques nos 42, 54, 65 et 134 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 43 et 131.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 43.
M. Lionel Tardy. Encore une fois, il est absurde de nous faire voter un dispositif dont on ne sait rien. Aussi cet amendement vise-t-il à ne voter que le principe d’une expérimentation, laquelle est d’autant plus justifiée quand on connaît l’échec du compte pénibilité et les errements actuels du compte personnel de formation. Il faut s’assurer qu’un tel dispositif soit faisable pour les petites entreprises.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 131.
M. Dominique Tian. Lionel Tardy a raison. Que nous y soyons favorables ou non, nous sommes tous un peu persuadés que le compte personnel d’activité ne sert à rien. Cependant, il existe, puisque la loi l’a créé.
Le principe de l’expérimentation est un bon principe, tout simplement parce que nous sommes déjà en retard, monsieur le ministre. Aux termes de l’article 21, la création du compte personnel d’activité doit intervenir au 1er janvier 2017, mais les partenaires sociaux commenceront à discuter de ses modalités dès le 1er décembre 2015. Or nous sommes déjà en juillet, et la concertation n’a pas réellement commencé.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Forcément !
M. Dominique Tian. Avant de généraliser ce dispositif, expérimentons-le, car si cela s’avère plus compliqué que prévu, nous risquons malheureusement de rencontrer de grosses difficultés. Il serait donc peut-être plus sage de procéder à une expérimentation, si les partenaires sociaux en arrivaient à cette conclusion.
(Les amendements identiques nos 43 et 131, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 66.
M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à réécrire la fin de l’alinéa 1 afin qu’il respecte l’article L. 1 du code du travail. Vous allez me dire que vous le respectez, monsieur le ministre, puisque vous engagez une concertation. Mais l’article L. 1 existe, c’est la loi, et je suis désolé de vous dire que vous n’êtes pas au-dessus des lois, monsieur le ministre ! Or la loi dispose que vous devez donner aux partenaires sociaux un certain nombre de documents et d’orientations dans le cadre de la concertation que vous engagez.
M. Francis Vercamer. Selon l’article L. 1, « Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation. À cet effet, le Gouvernement leur communique un document d’orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options. »
Le rapporteur répond que tout cela est inutile puisqu’on va interroger les partenaires sociaux. Mais je suis désolé : ce n’est pas la loi, monsieur le rapporteur, ce n’est pas ce que prévoit l’article L. 1 ! Vous vous croyez peut-être au-dessus des lois, mais ce n’est pas ma conception de la démocratie. En démocratie, tout le monde doit respecter la loi, y compris le Gouvernement et le rapporteur.
Je demande donc quel est l’objectif que vous poursuivez. Vous me dites que ce n’est pas la fusion du compte pénibilité et du compte personnel de formation. Pourtant, je ne l’ai pas inventé : je l’ai entendu, en commission ou dans cet hémicycle, de la bouche du ministre, me semble-t-il.
M. Dominique Tian. Je confirme !
Je ne l’ai pas inventé ! Le ministre a certainement des idées quant au contenu du compte personnel d’activité, et c’est bien normal, car le rôle du Gouvernement est bien de fixer des objectifs. Je demande donc quel contenu le Gouvernement envisage de donner au compte personnel d’activité, et quels documents d’orientation il va communiquer aux partenaires sociaux. Je ne demande pas plus ! Monsieur le ministre, ce n’est pas une feuille blanche que vous allez transmettre aux partenaires sociaux. Ce n’est quand même pas difficile ! Nous pourrions poser cette question à Martine Aubry, puisque c’est elle qui est à l’origine de cela, mais ce n’est pas elle le ministre du travail !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je souriais en vous écoutant, monsieur Vercamer… Dans le compte personnel d’activité, nous n’allons pas mettre des petits pois et des carottes, nous mettrons forcément des droits qui concernent les salariés ! On peut en faire la liste. Y seront-ils tous ? Peut-être. Y en aura-t-il d’autres, complémentaires ? Peut-être. Seront-ils portables ? Peut-être, c’est à souhaiter. Seront-ils fusionnables ? Peut-être, c’est à souhaiter. Mais encore une fois, ce n’est pas l’objet de l’article 21, qui vise à mettre en place le compte personnel d’activité. Il reviendra au Gouvernement de préciser en temps utile les enjeux de la concertation, sans qu’il soit nécessaire de les détailler maintenant.
M. Francis Vercamer. Merci pour la représentation nationale !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. Il faudrait être logique. Hier, nous avons inséré dans le texte des précisions invraisemblables, et d’ailleurs superfétatoires, en descendant à un niveau de détail incroyable. Aujourd’hui, nous ne précisons même pas les grands axes d’un autre dispositif. Nous n’avons pas connaissance de la lettre de mission et du cadrage que le ministre adressera aux partenaires sociaux pour qu’ils puissent engager la négociation.
Nous sommes bien d’accord : aujourd’hui, nous mettons en place un outil, un cadre destiné à contenir un certain nombre d’éléments, dont plusieurs sont d’ailleurs incertains. Si nous n’avons pas, au départ, une lettre de mission assez précise indiquant les grands thèmes qui doivent faire l’objet de la concertation, alors dans quelques mois nous discuterons d’un nouveau texte et vous déposerez un amendement de dernière minute parce que les partenaires sociaux n’auront pas réussi à se mettre d’accord ! Je voterai donc l’amendement no 66.
(L’amendement no 66 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 223.
M. Gérard Cherpion. Il s’inscrit dans le même esprit que les précédents. Le présent projet de loi prévoit la création d’un compte personnel d’activité rassemblant les principaux droits sociaux personnels et collectifs de son titulaire, notamment issus du compte personnel de formation et du compte personnel de prévention de la pénibilité, afin de sécuriser son parcours professionnel.
M. Gérard Cherpion. Tout à l’heure, M. le rapporteur a parlé de sécurisation du parcours professionnel. Ce n’est pas nouveau : on en parle déjà depuis un certain temps, et c’est très bien. M. le ministre a parlé de sécurité sociale professionnelle. Je rejoins ses propos. Notre amendement va tout à fait dans ce sens : nous proposons de préciser que la création du compte personnel d’activité doit s’inscrire dans le cadre d’une démarche de construction d’une flexisécurité du marché du travail. Cette précision me paraît utile afin d’expliquer l’orientation que l’on veut donner à ce compte, qui doit améliorer l’avenir des salariés concernés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Même raisonnement que pour l’amendement précédent : ce n’est pas à cette étape qu’il faut apporter ces précisions, nous verrons bien ce qui ressortira des discussions entre les partenaires sociaux. Avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Même avis, même position. J’entends les propos de M. Cherpion et de M. Vercamer, mais franchement, nous n’arrivons pas à nous entendre. Nous engageons une concertation. Ensuite, éventuellement, il y aura une négociation. C’est aux partenaires sociaux de nous dire ce qu’ils souhaitent. Nous ne faisons que fixer le cadre de ce nouveau dispositif ? C’est ce qu’a fait le Président de la République.
(L’amendement no 223 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 44 et 132.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 44.
M. Lionel Tardy. J’ai cru comprendre que le compte d’activité allait regrouper le compte pénibilité et le compte personnel de formation. Dans ce cas, autant l’inscrire dès maintenant dans le projet de loi, ce qui assurerait un minimum de simplification. Cette précision n’est pas plus superficielle que celle que vous avez apportée, dans cet article, sur un dispositif extrêmement flou.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 132.
M. Dominique Tian. Il est défendu.
(Les amendements identiques nos 44 et 132, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 67.
M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, il n’y a pas de piège dans nos questions, nous voulons simplement avoir des informations ! D’ailleurs, je ne comprends pas votre méthode : vous auriez mieux fait d’élaborer une belle loi sur la portabilité des droits ou la sécurisation professionnelle plutôt que de nous en parler à demi-mot. Cela aurait été plus utile que de rédiger un article comme celui-ci, perdu au milieu d’un projet de loi avec lequel il n’a d’ailleurs rien à voir.
L’amendement no 67 vise simplement à fixer un certain nombre de cadres. Puisque vous ne voulez pas le faire, je propose de le faire pour vous. Il s’agit d’indiquer que le document d’orientation, ou la « lettre de mission » – l’expression utilisée par Gérard Cherpion est intéressante – que vous allez transmettre aux partenaires sociaux inclura également une réflexion sur « de nouvelles modalités d’adaptation des entreprises aux évolutions de leur activité, pour favoriser l’innovation, la compétitivité et l’emploi » – en gros, sur la flexisécurité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Même raisonnement : défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Monsieur Vercamer, vous définissez la flexisécurité à votre manière ! Quant à nous, nous préférons renvoyer cela à la concertation et laisser les partenaires sociaux nous dire s’il faut engager une négociation. Défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Mme Isabelle Le Callennec. Ne croyez-vous pas que vous donnez déjà beaucoup de travail aux partenaires sociaux ? Avec le compte pénibilité, avec cette loi relative au dialogue social qu’il va falloir digérer, avec ses cinquante-cinq décrets d’application, avec le débat sur la représentation syndicale, qui sera assez houleux, avec les nouvelles modifications des dispositions relatives à l’apprentissage, avec le rapport de M. Combrexelle qui va sortir à l’automne, avec les propositions qui seront faites pour améliorer le code du travail,…
M. Lionel Tardy. Le burn out menace ! (Sourires.)
Mme Isabelle Le Callennec. …croyez-vous vraiment que les partenaires sociaux n’ont rien d’autre à faire que de se creuser la tête sur un concept que vous avez inventé sans savoir ce que vous alliez y mettre ?
(L’amendement no 67 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 133.
M. Dominique Tian. Il est défendu.
(L’amendement no 133, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 226.
M. Jean-Philippe Nilor. En permettant le regroupement et la portabilité des comptes pénibilité, formation et épargne-temps, le compte personnel d’activité va dans le sens du progrès, c’est indéniable. Cependant, pour qu’il constitue une réelle avancée sociale, majeure, révolutionnaire oserais-je dire, il faudrait qu’il prenne en compte l’ensemble des mesures législatives susceptibles d’être attachées au salarié et portées, concernant notamment son ancienneté.
M. Jean-Philippe Nilor. À titre d’exemple, si, au cours des dix dernières années, un salarié a été employé en CDD par différentes entreprises, son nouvel employeur ne tiendra pas compte de cette ancienneté. À l’inverse, le salarié qui travaille en CDI depuis dix ans dans la même entreprise bénéficiera d’un déroulement de carrière et d’une progression salariale qui la prendront en compte.
M. Jean-Philippe Nilor. C’est pour remédier à ce type d’anomalie que nous proposons par cet amendement que la négociation qui pourrait s’ouvrir sur le thème du compte personnel d’activité envisage toutes les questions liées à la portabilité de certains droits afin qu’ils soient attachés à la personne du salarié et non à son emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Nous avons déjà évoqué le sujet tout à l’heure. Il n’y a pas lieu pour l’instant d’inscrire dans la loi les termes de la discussion qui va s’engager avec les partenaires sociaux. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Pourquoi pas, monsieur le député… Mais on verra ce qu’en disent les partenaires sociaux. Respectons-les. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.
M. Jean-Philippe Nilor. Je maintiens cet amendement. Je veux bien que les partenaires sociaux aient à délibérer et à négocier, mais le cadre doit être fixé.
M. Gérard Cherpion. Très bien.
M. Jean-Philippe Nilor. Je considère qu’un gouvernement de gauche ne peut pas ne pas tenir compte d’un critère aussi majeur que l’ancienneté. Ne pas la prendre en compte provoque déséquilibre et injustice. Si vous êtes favorable à la justice, vous devriez aller dans mon sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Cavard.
M. Christophe Cavard. S’agissant d’une question relative au dialogue social, il est normal de renvoyer vers les partenaires sociaux. Pour ma part, j’ai presque envie de soutenir cet amendement, mais ce n’est pas au législateur qu’il revient de dire aux partenaires sociaux ce dont ils doivent discuter. En effet, nous, nous souhaiterions que le problème soulevé par M. Nilor ait sa place dans cette discussion, mais certains, dans l’opposition, voudraient encadrer la discussion dans un autre sens !
M. Christophe Cavard. Mais, monsieur le ministre, vos services vont suivre et accompagner la négociation. Tout le monde le sait : vous n’allez pas attendre de lire la copie finale ! Dès lors, compte tenu de ce que nous essayons de construire depuis 2012, pourriez-vous vous engager, sans bien sûr encadrer la discussion, à nous communiquer un certain nombre d’éléments ? Il serait bon que le compte personnel d’activité aille au-delà de la fusion du compte personnel de formation et du compte pénibilité et tienne compte d’autres critères, comme la question des contrats.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Nous proposons certains droits qui devraient à terme figurer dans le futur compte personnel d’activité. Dans votre amendement, vous les définissez plus précisément : « Cette négociation, si elle s’ouvre, porte sur le regroupement des comptes pénibilité, formation, compte épargne-temps ainsi que sur tous les droits susceptibles d’être portés. »
M. François Rebsamen, ministre. Je ne vois aucune objection à une telle formulation. En outre, les partenaires sociaux ne découvrent pas cette question aujourd’hui. J’étais en réunion avec eux au moment de l’annonce du Président de la République. Nous en avons parlé, et je sais qu’ils ont déjà engagé une réflexion sur ce point.
M. François Rebsamen, ministre. La concertation avec les partenaires sociaux devrait donc, j’emploie le conditionnel à toutes fins utiles, porter sur la portabilité des différents comptes personnels, éventuellement sur des droits rechargeables, et sur l’établissement d’un véritable parcours de vie, du moins j’espère qu’ils iront jusque-là, permettant ainsi d’assurer une véritable sécurité sociale professionnelle des salariés. C’est un objectif que nous avons en commun.
M. François Rebsamen, ministre. Je crois à leur inventivité. Aussi, laissons-les aller au bout de la concertation. Nous reprendrons, si jamais un mandat de négociation leur était confié, leurs premières conclusions – je ne veux préjuger de rien. Mais je tiens à dire que je partage l’objectif de votre amendement, monsieur Nilor.
M. François Rebsamen, ministre. Ma réponse devrait vous satisfaire, tout cela figurera au compte rendu. Vous avez raison pour ce qui concerne ces regroupements. Peut-être ajouteront-ils d’autres éléments. Pour avoir lu les réflexions de certaines organisations syndicales, qui remontent à une bonne dizaine d’années, j’ai une petite idée de ce qu’elles peuvent contenir. Faisons-leur confiance. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.
M. Jean-Philippe Nilor. Une fois de plus, le groupe GDR aura la naïveté de vous faire confiance. (« Oh, non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) J’espère que ce ne sera pas la fois de trop. Je crois à votre engagement, mais nous serons très réactifs et vigilants.
(L’amendement no 226 est retiré.)
(L’article 21 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, inscrit sur l’article.
M. Lionel Tardy. La réforme de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – AFPA – était nécessaire en raison de certaines lacunes. Cependant, l’AFPA avait l’avantage d’être une association. En lui faisant perdre la forme d’établissement public à caractère industriel et commercial – EPIC – on peut s’inquiéter quant au risque de favoritisme par rapport à des organismes privés. J’admets toutefois qu’il n’était pas évident de trouver une solution.
M. Lionel Tardy. Je profite de cette intervention pour rappeler l’importance des autres acteurs, par exemple les Compagnons du devoir dont il est question plus loin et dont le rôle en matière de formation est considérable. Bref, il n’est pas indispensable ni souhaitable que l’État se considère comme un acteur incontournable en matière de formation professionnelle. Il faut y prendre garde.
(L’article 22 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l’amendement no 155.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Amendement rédactionnel.
(L’amendement no 155, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 22 bis A, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 45 et 135.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 45.
M. Lionel Tardy. La lutte contre le chômage de longue durée ne pourra être efficiente que si l’on commence par former les personnes, surtout pour les métiers qui ont besoin de main-d’œuvre. Si on ne comprend pas cela, on n’arrivera jamais à résorber le chômage, à moins de continuer à subventionner des emplois artificiels comme vous le faites depuis 2012 – mais c’est un autre débat.
M. Lionel Tardy. En présentant ce nouveau volet des contrats de professionnalisation destinés aux chômeurs de longue durée les moins qualifiés, monsieur le ministre, vous aviez annoncé vouloir les cibler vers des métiers en tension. Cette volonté, j’en suis désolé, ne se retrouve pas dans le texte. Le présent amendement propose donc d’y remédier et de traduire cette volonté par le biais d’un décret.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 135.
M. Dominique Tian. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. L’article 23 n’a vocation qu’à étendre les modalités du contrat de professionnalisation adapté aux demandeurs d’emploi de longue durée. Je ne vois pas comment il pourrait être complété par votre suggestion. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Sur le fond, je partage une partie de ce que vous venez de dire, monsieur le député. Il faut orienter la formation des bénéficiaires du contrat « Nouvelle chance » en fonction des besoins du marché du travail, notamment vers certains métiers en tension et compte tenu du bassin d’emploi, car la situation est différente dans chaque bassin.
M. François Rebsamen, ministre. C’est le sens des formations prioritaires. Le plan « 100 000 formations » mis en place l’année dernière et renouvelé récemment est à la disposition des partenaires sociaux certes, mais d’abord des DIRECCTE et de Pôle Emploi. Il y a des formations prioritaires dont l’objectif est de répondre aux besoins urgents de certains bassins d’emploi qui ont des métiers en tension, des postes non pourvus.
M. François Rebsamen, ministre. Le financement des contrats de professionnalisation – deuxième sujet dans le sujet – relève des organismes paritaires collecteurs agréés – OPCA – et des branches professionnelles. L’analyse la plus pertinente des besoins de formation s’effectue dans le cadre du dialogue social de branches.
M. François Rebsamen, ministre. Je n’ai donc pas d’opposition de principe, mais cela n’a pas sa place dans ce contexte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Mme Isabelle Le Callennec. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous livrer une information concernant la mise en place des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles – CREFOP – dans les régions, sujet que je suis tout particulièrement.
Mme Isabelle Le Callennec. Dans la loi relative à la formation professionnelle, nous avons voté l’établissement d’un référentiel et d’une liste au niveau national qui peut être complétée pour les formations accessibles par le biais du compte personnel de formation dans chaque région en fonction des besoins.
Mme Isabelle Le Callennec. Ces listes commencent à dépasser les besoins des entreprises qui recrutent. Je voulais appeler votre attention sur ce point, dans la mesure où il a été dit que le compte personnel de formation devait plutôt être utilisé par les demandeurs d’emploi et les salariés pour des métiers qui recrutent. Je me permets d’envoyer un petit signal à cet égard.
Mme Isabelle Le Callennec. Seconde information, qui résulte des échanges que j’ai eus avec des centres de formation et l’AFPA : compte tenu des dotations des régions, il faut savoir que celles-ci achètent de moins en moins cher les formations qui sont délivrées par les centres de formation. Cela les met en difficulté financière.
M. Gilles Lurton. Absolument.
Mme Isabelle Le Callennec. Et l’AFPA n’est pas totalement sortie de ses difficultés financières de ce fait-là. Cette intervention vise seulement à vous informer.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. Ce matin, dans Les Échos, on pouvait lire une protestation de Jean-Paul Huchon, président de la région Île-de-France, qui dénonçait un problème de clé de répartition et indiquait que la région qu’il préside n’avait plus les moyens d’assurer la formation professionnelle et l’apprentissage. Ce faisant, il vous adressait un message, monsieur le ministre, que nous relayons.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Il me semble que l’on mélange plusieurs discussions. Certaines questions qui sont posées sont fort justes.
M. François Rebsamen, ministre. S’agissant du compte personnel de formation, 60 000 formations sont particulièrement dédiées aux demandeurs d’emploi de longue durée, ce qui n’existait pas auparavant ; 40 000 formations correspondent aux métiers en tension dans les bassins d’emploi.
M. François Rebsamen, ministre. Pour ce qui concerne l’AFPA, madame Le Callennec, son activité relève pour une partie d’une mission de service public et pour une autre des appels d’offres. Il faut que l’AFPA fasse des efforts pour pouvoir gagner des marchés dans le cadre des appels d’offres des régions.
M. Gérard Cherpion. On leur dira.
M. François Rebsamen, ministre. On les encourage, on les soutient. La forme d’EPIC est une bonne solution, car elle permet la dévolution des biens, mais pour autant elle ne peut résoudre tous les problèmes.
M. François Rebsamen, ministre. Monsieur Tian, vous avez évoqué la question de l’apprentissage. Les régions, je le répète, disposent cette année d’une masse financière supérieure, de l’ordre de 70 millions d’euros, à ce qu’elles avaient l’année précédente. Chaque région procède comme elle l’entend pour ce qui concerne l’attribution de ces sommes.
M. François Rebsamen, ministre. Étant donné qu’un certain nombre de collecteurs n’attribuent pas forcément leur taxe d’apprentissage aux mêmes centres de formation d’apprentis – CFA – d’une année sur l’autre, il va falloir faire le bilan à la rentrée de septembre. Certains CFA auront davantage de moyens, d’autres en auront moins. Ce que je souhaite, c’est qu’aucun CFA ne dispose de moins de moyens que l’année précédente. Qu’il y ait des pôles d’excellence, c’est bien, mais il ne doit pas y avoir de CFA abandonné. C’est aussi le souhait du président de la région Île-de-France, avec qui je m’en suis entretenu.
(Les amendements identiques nos 45 et 135 ne sont pas adoptés.)
(L’article 23 est adopté.)
(Les articles 23 bis et 23 ter sont successivement adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, sur l’article.
M. Lionel Tardy. Cet article habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances pour réformer le fonctionnement d’Action Logement, qui gère le système du 1 % logement, est nécessaire. Cette réforme a été proposée par le conseil d’administration d’Action Logement.
M. Lionel Tardy. Je tiens à rappeler que si l’organisme peut sortir du marasme dans lequel il se trouvait, ce ne sera absolument pas grâce à l’État qui, ces dernières années, a régulièrement ponctionné sa cagnotte et menacé sa trésorerie.
M. Lionel Tardy. Je ne comprends pas cet acharnement de l’État. Le système, qui était à bout de souffle, doit repartir sur de bonnes bases. J’espère un engagement du Gouvernement en ce sens, car il s’agit réellement d’une question cruciale.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 281, 282 et 283, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. le ministre, pour les soutenir.
M. François Rebsamen, ministre. Action Logement est un acteur important du logement, et les ponctions que vous évoquez ne sont pas d’aujourd’hui. Action Logement a en effet participé, et pas qu’un peu, à l’ANRU, à la demande de l’ancien ministre Borloo, et c’était une très bonne chose. Nous confortons donc Action Logement avec des dispositions évoquées par M. Tardy.
M. François Rebsamen, ministre. L’amendement no 281 complète et précise l’alinéa 1 en substituant aux mots : « et le régime fiscal des trois organismes devant être constitués en application des 1°, 2° et 3° » les mots : « , le régime fiscal et le régime des relations individuelles et collectives de travail applicables aux trois organismes devant être constitués en application des 1°, 2° et 3° ainsi que s’il y a lieu de leurs filiales, ».
M. François Rebsamen, ministre. Il s’agit donc bien d’adapter les dispositions législatives relatives aux missions exercées par l’Agence nationale de contrôle du logement social – ANCOLS – sur les différents organismes d’Action Logement et de fixer les modalités permettant d’assurer la mise en place effective et juridiquement sécurisée du nouveau dispositif.
M. François Rebsamen, ministre. L’amendement no 282 tend à insérer au cinquième alinéa de l’alinéa 1 les mots : « , assurant l’association des partenaires, notamment l’Union sociale pour l’habitat regroupant les fédérations d’organismes d’habitations à loyer modéré, à la définition des orientations de l’organisme créé en application du 1° ». Il fallait citer l’USH à ce moment.
M. François Rebsamen, ministre. La réforme du réseau Action Logement, initiée par les partenaires sociaux, va se traduire par la disparition des comités interprofessionnels du logement – CIL – que vous aviez déjà regroupés. Les CIL, organismes collecteurs de la participation des employeurs à l’effort de construction – PEEC – seront remplacés par une nouvelle organisation du réseau.
M. François Rebsamen, ministre. L’amendement no 283 est exactement dans la même veine, et je précise que cette initiative vient du conseil d’administration d’Action Logement. Dans la nouvelle organisation du réseau que je viens d’évoquer, trois entités seront créées : une structure faîtière – un mot qui convient particulièrement au monde de la construction – pilotera l’ensemble du dispositif, un nouvel organisme sera chargé de collecter la PEEC et une nouvelle structure portera l’ensemble des participations actuellement détenues par les CIL dans les entreprises sociales de l’habitat et autres sociétés immobilières. C’est compliqué, mais les spécialistes comprennent !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. La commission n’a pas examiné ces amendements, qui ont un aspect technique prononcé. À titre personnel, j’émets sur les deux premiers un avis favorable, et sur le troisième un avis de sagesse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Mme Isabelle Le Callennec. En première lecture, monsieur le ministre, vous aviez déjà déposé de tels amendements et je vous avais demandé si Action Logement était en phase avec leur rédaction. Vous m’aviez répondu que oui. Je me permets de vous poser à nouveau la question car, comme l’a très justement dit le rapporteur, nous n’avons pas pu examiner ces amendements en commission – ce qui montre bien qu’il aurait été bon de renvoyer l’examen du texte en commission, mais n’y revenons pas. Je me répète donc : Action Logement est-elle en phase avec la rédaction de ces trois amendements ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. Je tiens à féliciter le ministre, qui a battu d’une heure le record établi hier : il nous apporte des amendements nouveaux à une heure moins vingt-cinq du matin ! Félicitations au Gouvernement pour cet exploit. (Sourires.)
M. Gérard Cherpion. Cela dit, ces trois amendements sont lourds et, même s’ils ont de toute évidence un caractère organisationnel, ils ont une incidence forte sur le système et des conséquences importantes sur le plan financier et budgétaire.
M. Gérard Cherpion. À cet instant, je suis incapable de me prononcer et j’ai du reste senti chez le rapporteur, sinon une hésitation, du moins l’impression que ces amendements n’ont pas fait l’objet d’un travail suffisant, surtout le dernier, comme le montre l’avis de sagesse qu’il a émis.
M. Gérard Cherpion. Je ne dirai pas que ces amendements sont mauvais ou de mauvaise foi, ou que vous avez tort, mais je suis surpris, une nouvelle fois, par la méthode que vous employez. Ayant été, dans une vie antérieure, collecteur de la PEEC, qu’on appelait alors le 2 %, j’avoue que j’ai ce soir un peu de mal – est-ce la fatigue, ou l’âge ? – à comprendre le sens de vos amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Je tiens à rassurer Mme Le Callennec et à dire en même temps à M. Cherpion que ces amendements ne viennent pas d’être déposés : ils l’ont été hier, c’est-à-dire voilà vingt-quatre heures. Vous auriez pu les étudier.
M. Gérard Cherpion. Nous ne les avons pas eus !
M. François Rebsamen, ministre. Il est vrai que nous avons passé beaucoup de temps à travailler ensemble.
M. François Rebsamen, ministre. La réponse que je vais faire à Mme Le Callennec devrait vous rassurer, monsieur Cherpion : ces amendements ont en effet été travaillés avec Action Logement, et sont même son produit. Ils complètent et précisent le rôle et la place de l’Union sociale pour l’habitat par rapport à Action Logement. Vous aurez l’occasion de le vérifier, il n’y a aucun flou dans ces amendements, sans quoi vous auriez pu penser qu’il y avait un loup ! (Sourires.)
(Les amendements nos 281, 282 et 283 sont successivement adoptés.)
(L’article 23 quater, amendé, est adopté.)
(Les articles 23 quinquies A, 23 quinquies B et 23 septies sont successivement adoptés.)
Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 23 octies A.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 270, tendant à le rétablir.
M. François Rebsamen, ministre. Cet amendement devrait rassembler tous les suffrages dans cette assemblée. Il tend en effet à permettre à des écoles adossées à de grandes entreprises de bénéficier de fonds attribués par les organismes paritaires collecteurs agréés. Les écoles d’enseignement technologique et professionnel adossées à de grandes entreprises…
M. Gérard Cherpion. Pas forcément grandes !
M. François Rebsamen, ministre. C’est vrai. Je retire donc : les écoles adossées à des entreprises, dont certaines sont grandes – celles qui sont citées dans l’exposé sommaire – perçoivent déjà des ressources diversifiées. Les écoles technologiques et professionnelles adossées à des entreprises ayant le statut de CFA ou délivrant des formations technologiques professionnelles peuvent percevoir des ressources de droit commun. Certaines peuvent par ailleurs, à titre dérogatoire, percevoir des financements au titre de la part quota de la taxe d’apprentissage.
M. François Rebsamen, ministre. Pour conforter ces écoles sans détourner de ressources au détriment d’autres établissements, le Gouvernement propose d’ouvrir aux branches professionnelles la possibilité de leur verser – c’était déjà le cas précédemment, mais nous le confirmons – des subventions au titre de la professionnalisation. La condition d’un accord de branche ou d’un accord de collectif permettra de garantir que l’école d’entreprise forme des jeunes, au bénéfice de l’ensemble du secteur professionnel concerné.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Comme vient de le dire M. le ministre, il s’agit d’établissements qui dispensent depuis plusieurs décennies des actions de formation et de qualification. Il est important que nous puissions le prendre en compte. Cet amendement va donc dans le même sens que les mesures en faveur de la qualification et de l’insertion des publics éloignés de l’emploi qui figurent au titre III de ce projet de loi. Avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. Monsieur le ministre, il s’agit d’un excellent amendement, dont j’aurais aimé avoir eu l’idée. (« Ouh là là ! et sourires sur divers bancs.)
(L’amendement no 270 est adopté et l’article est ainsi rétabli.)
(Les articles 23 nonies A et 23 nonies sont successivement adoptés.)
Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 23 decies A.
Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 23 decies B.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 76 tendant à le rétablir.
M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à permettre aux stagiaires de percevoir une rémunération de base dont le montant est indépendant du nombre de jours travaillés. De nature forfaitaire, la rémunération des stagiaires ne pourrait varier en fonction du nombre de jours ouvrés dans le mois. Les mois comptent en effet trente et un, trente ou vingt-huit jours. La rémunération forfaitaire s’impose donc. Elle serait de l’ordre de 506,27 euros je crois. À ce prix, supprimer ou ajouter une journée ne fait guère de différence…
M. Gérard Cherpion. Cette mesure a en outre une incidence sociale. En effet, si le montant ne correspond pas à une gratification globale, une déclaration à l’URSSAF pourra être nécessaire et les difficultés que cela crée font perdre au chef d’entreprise tout l’intérêt du stage. On compte tout de même 1,6 million de stages chaque année dans notre pays : il faut donc adopter cette mesure, son coût n’est pas un problème.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je parle sous le contrôle de Mme Chaynesse Khirouni, qui a été à l’origine de cette question, qui a déjà fait l’objet de débats nourris lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant au développement et à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. Lors de cette CMP avait été retenue la notion de « gratification minimale forfaitaire » selon laquelle les stagiaires ne peuvent toucher un montant inférieur à 523 euros mensuels, quel que soit le nombre de jours fériés dans le mois.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. La rapporteure du présent projet de loi au Sénat, Mme Catherine Procaccia, s’est étonnée que des stagiaires continuent de toucher, au mois de mai 2015, des gratifications variant en raison du nombre important de jours fériés. Elle proposait donc de modifier l’article L. 124-6 du code de l’éducation.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Notre analyse de cette situation est différente, car cette nouvelle disposition ne s’appliquera qu’aux conventions de stage signées à compter du 1er septembre 2015.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je suis donc défavorable à l’amendement de M. Cherpion, qui propose de revenir sur l’équilibre trouvé lors de la CMP, voilà moins d’un an.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Cet objectif est louable, personne ne le conteste, monsieur Cherpion et j’en conviens. Je trouve même que l’idée d’une gratification forfaitaire est intéressante. La question se pose de savoir pourquoi le revenu du stagiaire devrait dépendre du nombre de jours ouvrés.
M. Gérard Cherpion. Pas le revenu : la gratification !
M. François Rebsamen, ministre. Lors du débat au Sénat, pour tout vous dire, j’ai hésité entre un avis de sagesse et un avis défavorable. Je comprends donc vraiment l’esprit de cette proposition. Mais est-ce le moment ? Non. Le moment n’est pas opportun pour une telle évolution. Ainsi que l’a rappelé M. le rapporteur en évoquant Mme Khirouni, une loi importante relative aux stages a été adoptée, qui vient d’entrer en vigueur.
M. Gérard Cherpion. Ça, c’est une catastrophe !
M. François Rebsamen, ministre. Je vous répondrai donc en reprenant vos propres arguments – ne le prenez pas mal : l’encre est à peine sèche, attendons de voir un peu ce qu’il en est avant de prendre de nouvelles mesures ! Cette idée, je ne le conteste pas, est intéressante mais entre les deux avis, j’en reste à l’avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.
M. Jean-Philippe Nilor. Je trouve cet amendement particulièrement intéressant. Il aurait très bien pu être déposé par le groupe GDR. Je le voterai.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Gérard Cherpion. Merci à notre collègue pour sa clairvoyance ! Je voudrais simplement dire à M. le ministre que dans sa réponse même se trouve la source de l’erreur. Vous avez parlé de revenus, monsieur le ministre : il ne s’agit pas de revenus, mais d’une gratification !
M. François Rebsamen, ministre. Je sais !
M. Gérard Cherpion. Mais je vous assure que vous avez parlé de revenus ! Voulez-vous une suspension pour que nous écoutions la bande ? (Sourires.)
Mme la présidente. Nous nous arrêterons à 1 heure : à vous de voir…
M. Gérard Cherpion. Ce ne sont donc pas des revenus, mais une gratification. Et la gratification pose un problème pour la déclaration URSSAF concernant l’ensemble des charges. Je pense que vous commettez une véritable erreur, monsieur le ministre, et nous en subirons longtemps les conséquences.
(L’amendement no 76 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 265 tendant à la suppression de l’article.
Mme Fanélie Carrey-Conte. Il s’agit de la possibilité laissée aux employeurs de renouveler deux fois les CDD et les contrats de mission au lieu d’une fois comme c’est actuellement le cas, toujours dans la limite de dix-huit mois. Cette disposition introduite en commission pose une question de fond : faut-il aller vers davantage de flexibilité pour lutter contre le chômage et favoriser l’emploi ? Je crois que nous ne prenons pas la bonne direction en suivant cette préconisation.
Mme Fanélie Carrey-Conte. D’une part, j’ai le sentiment que cette mesure aura un faible impact sur l’emploi. En effet, si l’employeur est aujourd’hui freiné par des incertitudes économiques pour embaucher, il peut d’ores et déjà utiliser d’autres outils tels que l’intérim ou la possibilité de renouveler une fois le CDD, avec une durée de renouvellement qui n’est pas nécessairement la même que la durée initiale, ce qui laisse une certaine souplesse.
Mme Fanélie Carrey-Conte. D’autre part, je continue de penser que ce qui freine davantage l’embauche aujourd’hui dans notre pays, ce sont les carnets de commandes vides plutôt que les incertitudes économiques.
Mme Isabelle Le Callennec. En effet ! Et pourquoi les carnets de commandes sont-ils vides ?
Mme Fanélie Carrey-Conte. En échange d’un impact faible sur l’emploi, cette mesure accroîtra la précarisation des salariés avec davantage d’incertitudes, davantage d’insécurité, alors que 80 % des embauches se font déjà en CDD, notamment pour les jeunes. Je vous rappelle d’ailleurs que dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi de juin 2013, nous nous inscrivions dans une logique inverse de ce que nous faisons là, à savoir une logique de taxation supplémentaire des contrats courts.
Mme Fanélie Carrey-Conte. En renouvelant deux fois le CDD, par exemple en faisant trois CDD de six mois au lieu de deux de neuf mois, on ne se place pas dans une logique de surcroît d’activité, comme devrait le faire le CDD, mais plutôt dans la logique d’un poste permanent qui devrait être occupé par un salarié en CDI. Pour l’ensemble de ces raisons, je pense que cet article ne va pas dans le bon sens, ce qui justifie le présent amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cet article fait suite à un amendement introduit au Sénat par le Gouvernement, qui s’inscrit dans les mesures annoncées par le Premier ministre le 9 juin 2015 dans le cadre du plan en faveur de l’emploi dans les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. La possibilité de renouveler deux fois pose une question pragmatique : que se passe-t-il aujourd’hui à l’expiration du renouvellement qui est actuellement permis ? Le plus souvent, malheureusement, il n’y a pas de prolongation d’activité. De fait, la réalité du marché du travail est telle qu’au travers de cet amendement déposé par le Gouvernement, nous offrons une opportunité de maintien à ceux qui en bénéficieront. Contrairement à ce qui a été adopté au Sénat, le délai a été ramené à dix-huit mois. Il s’agit donc d’une véritable opportunité, qu’il faut prendre en compte.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il existe ensuite un autre débat, porté par Mme Fanélie Carrey-Conte : pourquoi le CDD prend-il aujourd’hui autant de place dans le marché du travail ? Je ne suis pas sûr que le dispositif que vous proposez réponde à ce questionnement légitime. L’intérêt des salariés est d’aller au bout de la logique des dix-huit mois, même avec un deuxième renouvellement de CDD, plutôt que de n’avoir pas d’emploi du tout. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Pour compléter, je précise qu’il ne s’agit nullement de précariser des salariés, mais de leur permettre de travailler plus longtemps, dans le cadre de la même durée maximale. Cette mesure a été présentée aux partenaires sociaux lorsqu’ils ont été consultés par le Premier ministre : elle a reçu un accord favorable, à condition, bien évidemment, que l’on ne prolonge pas la durée du CDD.
M. François Rebsamen, ministre. En clair, je vais prendre un exemple à peu près identique au vôtre. Vous avez évoqué un CDD de neuf mois. Avec un seul renouvellement, cela fait dix-huit mois de travail. C’est vrai, mais si le CDD de départ est de quatre mois, ce qui est tout aussi possible, cela ne fait que huit mois de travail en tout ! Nous préférons trois fois quatre mois plutôt que deux fois quatre mois, dans le cadre de la même durée maximale.
M. François Rebsamen, ministre. Les partenaires sociaux et les organisations syndicales ne s’y sont pas opposés, raison pour laquelle nous avons repris cette disposition. Nous ne précarisons pas, nous ne retirons aucun droit aux salariés : nous donnons de la souplesse en permettant de travailler plus longtemps, dans le même plafond. Voilà ce qu’il en est exactement.
M. François Rebsamen, ministre. Toutes les mesures adoptées aujourd’hui visent à encourager les CDI, nous l’avons rappelé tout à l’heure à propos de l’intermittence. La mission du groupe de travail sur l’intermittence est justement de sortir de l’intermittence ceux qui devraient être en CDI : nombre d’entre eux en effet ne sont pas de vrais intermittents et sont en réalité employés fictivement en intermittence alors qu’ils devraient être en CDI.
M. François Rebsamen, ministre. Le travail mené aujourd’hui porte sur le recours abusif au CDDU par rapport au CDI. Rien de tel avec le présent dispositif : sans toucher à la durée maximale, nous permettons aux salariés de travailler plus longtemps, ce qui est un plus pour ceux qui veulent travailler. C’est comme cela que nous l’entendons et que l’entendent les organisations syndicales.
(L’amendement no 265 n’est pas adopté.)
(L’article 23 duodecies est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 156, 157, 158, 159, 160, 162, 161, 163 et 164, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Christophe Sirugue pour les soutenir.
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ces amendements sont rédactionnels.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Favorable.
(Les amendements nos 156, 157, 158, 159, 160, 162, 161, 163 et 164 sont successivement adoptés.)
(L’article 23 terdecies, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, inscrit sur l’article.
M. Lionel Tardy. Je me réjouis que la prime d’activité ait été étendue aux apprentis, diplômés ou non, et aux étudiants. Cette demande du groupe Les Républicains n’a malheureusement pas pu passer l’article 40. Il est surprenant que cela n’ait pas été envisagé avant la commission en première lecture.
M. Lionel Tardy. Il est tout à fait logique de soutenir les apprentis, qui sont de jeunes travailleurs, avec cette prime d’activité. Il faut vraiment que le Gouvernement réalise que la voie de l’apprentissage et de l’alternance est un tremplin exceptionnel vers l’emploi. Vous avez perdu deux ans sur ce sujet et, malheureusement, les effets s’en font sentir : l’apprentissage a commencé à s’effondrer en 2013, lorsque vous avez bouleversé le mécanisme de soutien à l’apprentissage en réduisant les aides. Ce recul se poursuit encore puisque, sur les deux premiers mois de cette année, on note un recul de 15 % du nombre d’apprentis par rapport à 2014.
M. Lionel Tardy. Il faut vite inverser la logique. Je me réjouis à ce titre que le décret sur les machines dangereuses, pour lequel je me bats depuis plusieurs années, ait abouti il y a quelques semaines. On passe désormais à un régime déclaratif et cet assouplissement était nécessaire, monsieur le ministre. Les chefs d’entreprise attendent également l’expérimentation du dispositif dit « zéro coût » pour les apprentis mineurs à la rentrée.
M. Lionel Tardy. C’est bien, mais tout de même, encore une fois, que de temps perdu ! C’est malheureux qu’il ait fallu un effondrement et que, malgré nos avertissements, vous ne vous soyez pas aperçu de l’importance de l’apprentissage un peu plus tôt.
M. François Rebsamen, ministre. Oh non ! Vous ne pouvez pas dire cela !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 141 et 95.
La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement no 141.
M. Jacques Krabal. Le titre IV du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi crée la prime d’activité en remplacement de la prime pour l’emploi et du RSA activité. L’amendement no 141 que je défends au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste vise les conditions d’éligibilité du salarié modeste et moyen à la prime d’activité, en fonction de l’activité de son concubin ou de son conjoint. Celui-ci ne devra en effet être ni en congé parental d’éducation, ni en congé sabbatique, ni en congé sans solde, ni mis en disponibilité.
M. Jacques Krabal. Toutefois, l’article L. 1225-53 du code du travail prévoit que le salarié en congé parental d’éducation – ou plus clairement « la » salariée en congé parental – peut exercer les activités d’assistance maternelle qui sont définies par le code de l’action sociale et des familles dans le titre II de son livre IV. Dès lors, la conjointe ou la concubine du salarié éligible à la prime d’activité exerçant elle-même une activité salariée par ailleurs d’intérêt général, il semble inopportun d’exclure le premier d’un dispositif visant à encourager l’activité professionnelle.
M. Jacques Krabal. Rappelons en effet que le congé parental dénombre environ 520 000 familles allocataires de la prestation forfaitaire, renommée depuis le 1er janvier « prestation partagée d’éducation de l’enfant » et plafonnée à 390 euros mensuels. Ces allocataires sont à 96,5 % des femmes, salariés modestes en majorité, même si certaines femmes au statut de cadre en formulent la demande auprès de la caisse d’allocations familiales – CAF. Sur l’ensemble de la France, en 2011, le revenu moyen des femmes salariées prenant un congé parental à taux plein était d’à peine 800 euros par mois.
M. Jacques Krabal. Deux contingents principaux de secteurs d’activité sont concernés : le commerce et les services, ainsi que la santé et le social. Leurs conditions de travail et leurs perspectives de carrière peuvent en partie expliquer leurs moindres réticences à interrompre leur activité. Mais de surcroît, si ces femmes salariées, principalement modestes, formulent cette demande auprès des CAF, 40 % le font de manière contrainte, parce qu’elles n’ont pas trouvé de mode de garde qu’elles puissent assumer financièrement. En effet, en dépit des objectifs du plan de lutte contre la pauvreté, il manquerait en France 350 000 places d’accueil.
M. Jacques Krabal. Dans ce contexte, lorsque ces femmes et ces 18 000 hommes exercent également des activités d’assistance maternelle et appartiennent à un foyer au sein duquel l’autre parent est éligible à la prime d’activité, c’est-à-dire qu’il est reconnu lui-même salarié modeste ou moyen, il semble contre-productif économiquement et socialement de les exclure du champ du dispositif.
M. Jacques Krabal. En outre, nous proposons d’élargir, avec l’accord du Gouvernement, cette éligibilité directement au bénéficiaire de la prime. S’il ne peut logiquement y avoir accès quand il s’est retiré du marché du travail, il doit conserver le bénéfice de la prime si ce congé d’éducation ou ce congé sabbatique le conduit à exercer une activité nouvelle.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement identique no 95.
M. François Rebsamen, ministre. J’ai écouté avec attention M. Krabal et, mon amendement étant exactement le même, j’en épargne la lecture aux parlementaires encore présents. Je veux juste dire que je suis tout à fait d’accord avec M. Krabal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ces deux amendements prévoient une exception bienvenue en faveur des personnes pouvant travailler bien qu’en congé. Avis favorable.
M. Jacques Krabal. Merci !
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Mme Isabelle Le Callennec. Dans l’étude d’impact, souvenez-vous, l’enveloppe budgétaire consacrée à la prime d’activité est de 4,1 milliards d’euros pour 2016, la prospection budgétaire repose sur l’hypothèse d’un taux de recours de 50 % et 4 millions de foyers seront éligibles à la prime d’activité.
Mme Isabelle Le Callennec. Je voudrais savoir si vous avez mesuré l’impact des différents amendements votés au Sénat et ici, sans parler de ceux qui seront adoptés ce soir, sur le coût global de cette prime d’activité et sur le nombre de personnes concernées.
M. Lionel Tardy. C’est open bar !
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 9 juillet 2015 à une heure, est reprise à une heure cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous en sommes au vote des amendements identiques.
(Les amendements identiques nos 95 et 141 sont adoptés à l’unanimité.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 273.
M. François Rebsamen, ministre. Il vise à remplacer la formule de calcul de la prime d’activité retenue par le Sénat, qui comporte une erreur. Elle déduit en effet de cette prime le RSA perçu. Or, tous les bénéficiaires de la prime d’activité ne perçoivent pas le RSA : par exemple, un jeune de moins de 25 ans révolus est éligible à la prime d’activité mais pas au RSA. Je vous propose donc de rétablir la rédaction initialement adoptée par l’Assemblée nationale.
(L’amendement no 273, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 68.
M. Francis Vercamer. Il est défendu.
(L’amendement no 68, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 142.
M. François Rebsamen, ministre. Il vise à ajouter, à la fin de l’alinéa 57, après le mot « activité », les mots : « lorsqu’il est en recherche d’emploi, il a droit à un accompagnement adapté à ses besoins. »
M. François Rebsamen, ministre. C’est une précision importante. Il s’agit de revenir en réalité sur la rédaction qui était généreuse, mais trop générale, adoptée par le Sénat : elle est peu opérante et réduirait l’accompagnement par Pôle Emploi du bénéficiaire de la prime d’activité à son seul maintien dans l’emploi. La rédaction qui est proposée par le Gouvernement est à la fois plus adaptée, moins restrictive et plus favorable au bénéficiaire.
(L’amendement no 142, accepté par la commission, est adopté.)
(L’article 24, amendé, est adopté.)
(L’article 25 est adopté.)
(L’article 26 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 136.
M. Dominique Tian. Nous sommes d’accord pour qu’un rapport nous soit présenté sur la prime d’activité, mais il y manque un élément utile : l’estimation de ses effets sur l’encouragement à l’activité professionnelle. Il me semble que c’est un oubli qui doit pouvoir se réparer facilement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Cet amendement, en première lecture, avait été accepté par la commission mais n’avait pas été soutenu en séance. Avis favorable.
(L’amendement no 136, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 28, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 48.
M. Lionel Tardy. Nous arrivons à la fin de l’examen de ce projet de loi présenté comme « relatif au dialogue social et à l’emploi ».
M. Lionel Tardy. Qu’il soit relatif au dialogue social, c’est vrai, même si ce n’est pas dans le sens de la simplification. En revanche, monsieur le ministre, dire qu’il va améliorer la situation de l’emploi est tout simplement mensonger, car je ne vois pas les mesures qui iraient dans ce sens.
M. Lionel Tardy. Nous en sommes à plus de 3,5 millions de chômeurs, nombre que vous n’arrivez pas à contenir malgré vos injections massives d’emplois subventionnés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Ce n’est pas ce texte, qui ne modifie pas les seuils sociaux, qui réglera quoi que ce soit et on ne peut que le regretter, à cette heure de la nuit. Il faut donc supprimer cette référence à l’emploi dans le titre du texte. En effet, nous n’avons pas parlé une seule fois d’emploi, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, reconnaissez-le.
(L’amendement no 48, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
M. Francis Vercamer. Le groupe UDI, malheureusement, votera contre ce texte, monsieur le ministre. Je l’ai dit dans la discussion générale, le dialogue social commence par un dialogue. Or, vous n’avez pas écouté les propositions que nous avons faites ni répondu à toutes les questions que nous avons posées : par exemple, à propos du compte personnel d’activité, vous n’avez même pas voulu nous indiquer les orientations que vous alliez donner aux partenaires sociaux. Vous avez aussi complexifié le code du travail pour les TPE. Même si le texte comporte quelques avancées intéressantes, comme la délégation unique du personnel, mon groupe ne pourra pas le voter.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe Les Républicains.
M. Gérard Cherpion. Dès le départ, j’avais signifié que nous n’étions a priori pas susceptibles de voter ce texte. Je n’ai pas évolué depuis le début de son examen et M. Tardy a clairement dit les choses : de dialogue social, il n’en est pas beaucoup question, puisque vous le bafouez à de nombreuses reprises, mais pas non plus de mesures en faveur de l’emploi, ni même de respect pour le Parlement. Monsieur le ministre, nous voterons contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Michel Liebgott. Rassurez-vous, je ne prolongerai pas le débat. Juste : le dialogue n’est pas l’alternance ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. Prochaine séance aujourd’hui jeudi, à neuf heures trente :
Débat d’orientation des finances publiques.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 9 juillet 2015, à une heure quinze.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly