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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 16 juillet 2015

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Nouvelle organisation territoriale de la République

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (n2971).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le Président, madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie le 9 juillet dernier pour examiner le projet de loi portant nouvelle organisation du territoire de la République – dit projet de loi NOTRe – a adopté un texte issu des travaux de notre assemblée et de ceux du Sénat. Il s’agit évidemment un texte de compromis, qui a requis que chaque assemblée fasse un pas vers l’autre. Comme tout compromis, il peut laisser un sentiment partagé à celles et ceux qui souhaitaient aller plus loin, tant en termes de transferts de compétences vers les régions, puisque les départements continueront à gérer les collèges et la voirie, qu’en termes de gouvernance des intercommunalités, puisque le texte adopté par la CMP ne modifie pas un certain nombre de règles comme celles relatives au transfert de la compétence en matière de documents d’urbanisme. Il faut aussi souligner d’emblée que n’apparaît pas dans ce texte le principe d’une élection des conseillers communautaires au suffrage direct, distincte des élections municipales. À ce stade de nos débats, je souligne cependant que le projet de loi ainsi rédigé s’inscrit dans la droite ligne de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – dite loi MAPTAM – de janvier 2014, texte qui avait fait lui aussi l’objet d’un accord en CMP.

Je tiens également à dire qu’il répond à deux attentes fortes – deux objectifs de notre assemblée – en permettant une véritable clarification dans la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités mais aussi en renforçant la capacité à agir du bloc communal, notamment de l’intercommunalité. Nous voulions clarifier la répartition des compétences exercées par chaque collectivité et nous le faisons en supprimant la clause de compétence générale pour les régions et les départements. La spécialisation des compétences de ces deux collectivités nous permettra ainsi de gagner en lisibilité et en efficacité. En sus des compétences qu’elle exerce depuis sa création, la région s’affirme avec ce texte comme la collectivité de la formation, du développement et de l’aménagement du territoire mais aussi comme celle de toutes les mobilités. Nos régions seront ainsi plus grandes, grâce à la loi ayant permis leur redécoupage, et plus fortes, puisque dans leurs deux principaux domaines de compétences, elles pourront s’appuyer sur des schémas opposables aux autres niveaux de collectivités : le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation – SRDEII –, prévu à l’article 2 et le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires – SRADDET –, prévu à l’article 6.

M. Martial Saddier. C’est une catastrophe !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Le caractère opposable de ces schémas fait d’ailleurs écho à l’article 1er, qui évoque et précise dans quelle mesure les régions peuvent bénéficier d’une forme de pouvoir réglementaire. En matière de développement économique, l’article 3 leur permet, en plus, de fixer seules les règles d’action en matière d’aide directe aux entreprises et il faut souligner la complémentarité de ces dispositions avec le transfert de la gestion des fonds structurels européens autorisé par la loi MAPTAM.

Par ailleurs, les régions pourront se voir déléguer la coordination des acteurs de l’emploi, à l’exception de l’opérateur national, comme le prévoient les articles 3 bis et 3 ter. Les régions se voient enfin attribuer, à l’article 8, la gestion de l’intégralité des transports non urbains, avec notamment les transports interurbains et les transports scolaires, à l’exception des transports de personnes en situation de handicap, qui resteront gérés par les départements, en lien avec les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH. Véritables autorités organisatrices des transports sur leur territoire, les régions seront désormais les collectivités de toutes les mobilités. Elles seront aussi en première ligne en matière d’environnement puisque vont être ajoutées à leurs compétences actuelles la défense de l’environnement, la promotion de la biodiversité, l’organisation du tri et de la gestion des déchets.

Quant au département, il s’impose comme la collectivité des solidarités. Il continuera évidemment à gérer les collèges et la voirie mais aussi l’intégralité de l’action sociale, avec la gestion des allocations telles que l’allocation personnalisée d’autonomie – APA –, le revenu de solidarité active – RSA – ou la prestation de compensation du handicap – PCH – ou encore la conduite de l’action sociale de proximité et l’aide à l’enfance et aux familles.

M. Dominique Bussereau. Et on lui vole la CVAE !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Avec ce projet de loi, nous allons plus loin et nous renforçons le caractère solidaire de l’action des départements en l’élargissant à la solidarité territoriale puisque, à l’article 24, l’aide aux communes et à leurs groupements en matière de soutien à l’investissement mais aussi de soutien technique et d’ingénierie devient une compétence obligatoire.

M. Dominique Bussereau et M. Guillaume Larrivé. Avec quels financements ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Cet article prévoit aussi de maintenir les actions départementales sur les filières agricoles et forestières. De plus, le département sera désormais mieux et directement associé aux décisions concernant l’implantation des services publics, puisque l’article 25 précise qu’il co-élaborera avec l’État le schéma départemental d’accès aux services publics.

M. Dominique Bussereau. C’est bidon !

M. Guillaume Larrivé. C’est purement déclaratoire !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Mes chers collègues, notre volonté de spécialiser les compétences des régions et des départements ne nous a pas interdit de faire preuve de pragmatisme. Ainsi, à l’article 28, nous avons précisé qu’un certain nombre de compétences resteront partagées, car c’est une condition d’efficacité de l’action publique dans ces domaines. Il s’agit de la culture, du sport, du tourisme, de l’éducation populaire et de la promotion des langues régionales.

Pour ce qui concerne le bloc communal, le texte adopté par la CMP est riche de dispositions qui s’appliquent pour la plupart aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. En effet, si la commune est la seule collectivité à garder le bénéfice de la clause de compétence générale, il nous semble essentiel que les intercommunalités soient à la fois plus grandes et plus fortes. Il s’agit, dans ce texte, des communautés de communes et des communautés d’agglomérations, ainsi que des syndicats intercommunaux, puisque la question des communautés urbaines et des métropoles avait été débattue lors de l’examen du projet de loi MAPTAM. Avec les articles 14 et 15, les EPCI vont donc voir leur taille moyenne progresser, puisque désormais le seuil démographique pour la création d’une intercommunalité sera de 15 000 habitants, et ce même si nous avons prévu un certain nombre d’adaptations pour les zones de montagne et les territoires ayant une densité de population inférieure à 30 % de la densité nationale, où ce seuil sera ramené à 5 000 habitants, mais aussi en acceptant de pondérer ce seuil de 15 000 habitants dans une trentaine de départements dont la densité moyenne est trop basse pour qu’un tel seuil puisse être exigé.

Nous avons aussi prévu un certain nombre de dispositions pour améliorer le fonctionnement des commissions départementales de coopération intercommunale amenées à appliquer les nouveaux schémas, en encadrant notamment le droit de passer outre des préfets, et faire en sorte que les futurs schémas départementaux de coopération intercommunale permettent de diminuer plus facilement le nombre de syndicats – il en existe aujourd’hui plus de 13 000.

De nombreuses dispositions vont dans le sens de cette rationalisation du paysage intercommunal, par exemple l’amélioration et la clarification du régime de la représentation-substitution pour les syndicats compétents en matière d’eau et d’assainissement. C’est un enjeu majeur, tant pour clarifier l’action publique que pour réaliser des économies en matière de fonctionnement. Les nouveaux EPCI, ainsi redéfinis, seront créés au 1er janvier 2017. Ils auront plus de compétences à exercer au service des communes. En effet, en termes de compétences obligatoires, qui désormais ne seront plus soumises à la définition de l’intérêt communautaire, les articles 18 et 20 prévoient le transfert aux intercommunalités de la création et de la gestion des aires d’accueil des gens du voyage, de la promotion touristique dont la création d’offices de tourisme – des exceptions seront possibles pour tenir compte des stations classées et des marques territoriales –, ou encore de la collecte et du traitement des déchets. L’eau et l’assainissement deviennent aussi des compétences obligatoires, mais avec une mise en œuvre décalée à 2020 pour laisser le temps aux élus locaux de préparer ces transferts souvent plus complexes du fait de la diversité des modes de gestion.

Le projet de loi adopté par la CMP contient aussi d’autres dispositions importantes. Je pense notamment à l’article 13, qui permet la création de la collectivité unique de Corse. C’est une avancée politique et institutionnelle majeure, qui va entraîner la fusion des deux départements et de la région actuels, tout en maintenant des établissements de proximité. Je pense aussi, bien évidemment, à l’article 17 septdecies, qui comprend de nombreuses dispositions pour améliorer la métropole du Grand Paris. Celle-ci sera créée le 1er janvier 2016, comme le prévoyait déjà la loi MAPTAM, mais avec un calendrier adapté pour l’exercice des compétences et en s’appuyant sur des établissements publics territoriaux dotés d’une personnalité juridique et dont le rôle aura été clarifié. La gouvernance de la métropole est aussi améliorée par le projet de loi, grâce notamment à la réduction du nombre initialement prévu de conseillers métropolitains. Je pense enfin à l’article 23, qui encadre le dispositif de délégation des compétences exercées par les départements aux métropoles situées sur leurs territoires. Ces délégations auront d’abord un caractère conventionnel mais elles seront automatiques si aucun accord n’est trouvé entre les métropoles et les départements concernés.

D’autres dispositions pourraient être soulignées mais elles ont un caractère plus technique et l’énumération serait trop longue. Elles visent pour la plupart deux objectifs de nature différente. Le premier est celui de la protection de la carrière et des droits des agents publics concernés par les réaffectations de compétences et les évolutions de leur cadre d’emploi. Le second est celui de la transparence et de la responsabilité pour la gestion des collectivités et des politiques publiques, comme c’est le cas, par exemple, de l’action récursoire en matière de responsabilité de la gestion des fonds européens, prévue par l’article 33. Il s’agit enfin de dispositions améliorant la gestion quotidienne des collectivités et de leurs services en favorisant les mutualisations ascendantes, descendantes mais également entre communes, comme le prévoit l’article 22, en rénovant des règles juridiques de définition de l’intérêt communautaire ou encore, à l’article 22 octies, en permettant aux communes qui ne disposent que d’un conseiller communautaire de pouvoir le remplacer plus facilement et dans tous les cas lorsque celui-ci est amené à quitter ses fonctions.

Mes chers collègues, nous arrivons à la fin de nos débats sur ce projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Ce débat aura été marqué à la fois par l’implication et l’engagement de nombreux élus, parfois aussi par la volonté de quelques-uns d’effrayer en agitant des dispositions qui ne sont pas – ou plus – dans le texte, mais le plus souvent par une volonté partagée d’améliorer l’action publique locale. En tant que rapporteur de la commission des lois, je considère que le texte adopté en CMP est conforme aux objectifs initiaux. C’est le cas pour la clarification et la spécialisation des compétences. C’est le cas pour la montée en puissance des régions, qui auront davantage de compétences et pourront s’appuyer sur des documents opposables. C’est le cas pour la définition des compétences des départements, lesquels voient leur rôle conforté pour assurer la solidarité territoriale. C’est le cas enfin pour les intercommunalités, dont la taille moyenne va progresser en même temps que de nouvelles compétences leur seront transférées. Pour toutes ces raisons, je vous invite donc à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. Et je souhaite évidemment que le Sénat fasse de même dans quelques heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, comme je savais que l’intervention du rapporteur aurait lieu avant la mienne et que, connaissant par cœur les dispositions du projet de loi, il les rapporterait de manière précise, j’ai décidé, en préparant hier mon intervention, de me contenter de quelques remarques. Je tiens d’abord à remercier le rapporteur, le rapporteur pour avis et l’ensemble des parlementaires pour leur travail. En effet, même s’il semble qu’il n’y ait pas eu d’unanimité sur tous les points au sein de la CMP,…

M. Martial Saddier. C’est le moins qu’on puisse dire !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …son travail a été de très grande qualité.

Ce projet de loi s’inscrit dans l’histoire de l’action publique, qui a connu diverses évolutions depuis 1981, année où fut engagée la politique de décentralisation de la République. Cette histoire est à la fois enthousiasmante et difficile : enthousiasmante car elle a permis de valoriser le dynamisme de nos territoires, a donné davantage de vitalité à notre démocratie et a rapproché les citoyens de la puissance publique ; difficile car, petit à petit, nous nous sommes pris collectivement à oublier que l’action publique est une, qu’elle soit exercée par l’État ou par les collectivités territoriales, allant parfois jusqu’à les opposer.

Pour réussir cette conjugaison, nous avons eu besoin de femmes et d’hommes attachés à leurs territoires. Ces femmes et ces hommes, ce sont les maires, les élus municipaux, les élus départementaux, les élus régionaux mais aussi, depuis 2010, les élus intercommunaux désignés par fléchage. Leur engagement, leur détermination à exercer leurs fonctions le mieux possible fait sans doute de notre pays l’un de ceux qui comptent le plus grand nombre d’élus mais surtout le plus grand nombre d’élus bénévoles – nous en discutions il y a deux jours avec le président du Mexique.

Bien sûr, vouloir rationaliser, conjuguer efficacité et simplicité, encourager la mutualisation, ne pouvait qu’animer les passions. Avec ce projet de loi, nul ne voit son rôle amoindri et nul n’est mis en cause, au contraire. Nous savons la richesse du débat. Nous savons qu’une CMP est forcément un compromis, mais ce texte est conforme aux valeurs auxquelles nous sommes attachés : la coopération, la solidarité, la justice, car la concurrence entre les territoires a crû en même temps que les inégalités territoriales.

Aujourd’hui, en sortie de crise, en période de réduction nécessaire de notre dette – nul ne le conteste –, ce que nous voulons tous, au-delà de nos débats, c’est tracer le chemin de la clarté et de la performance territoriale.

M. François Rochebloine. Ce n’est pas gagné !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce chemin, c’est celui qui permet de garantir les services publics indispensables aux citoyens et aux entreprises, celui qui assure la pérennité et la modernisation de ces services publics dont nous parlons souvent comme d’un accessoire indispensable en oubliant qu’ils sont – je le rappelle toujours – le seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas.

Bien sûr, et c’était d’ailleurs le souhait exprimé par le Premier ministre, nous avons tout fait pour qu’un accord puisse être trouvé entre les deux assemblées. Je sais les regrets de certains sénateurs à propos de l’emploi et des régions ; je sais les regrets de nombreux députés à propos du seuil des intercommunalités ; je sais aussi le nombre important de compétences qui resteront aux départements au-delà de leur belle et grande mission de solidarité envers les personnes et les territoires, parce que la solidarité territoriale est sans doute le fait majeur que nous aurons inscrit ensemble.

M. Dominique Bussereau. Non, ne croyez pas cela, madame !

M. Guillaume Larrivé. Vous n’aurez fait que provoquer un choc de complexité et de confusion !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je sais enfin la crainte de certains maires, qui, peut-être, ne se font pas assez mutuellement confiance, devant la montée en force et parfois la montée en charge des EPCI. À ceux-là je veux dire une fois encore qu’ils sont les premiers relais de la puissance publique, qu’ils expriment des liens privilégiés entre les citoyens et notre République, et que la loi reconnaît leur rôle essentiel. Simplement, c’est ensemble, associés, qu’ils pourront faire plus et qu’ils pourront faire mieux.

Nos débats ont été longs : plus de trente jours. Le travail de vos rapporteurs et de vos commissions, ainsi que celui accompli en séance, a été précis et précieux : 5 000 amendements examinés, 1 000 adoptés.

Non sans difficulté, nous avons posé les grandes lignes de cette nouvelle organisation territoriale de la République.

Plus fortes, les régions détermineront les orientations pour le développement économique – tout le monde en convient. Elles ouvriront aux jeunes, comme à tous les créateurs, les portes de la recherche et de l’innovation. Elles assureront la cohérence entre les territoires, entre métropoles et territoires ruraux. Parce qu’il n’y a pas une France rurale d’un côté et une France urbaine de l’autre, mais une France qui a besoin, à égalité, de tous ses territoires.

Les élus régionaux, en concertation avec les élus des départements et avec ceux du bloc communal, auront une grande responsabilité. Le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire et le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ne sont pas des documents anodins. Il ne s’agit pas seulement de réécrire l’aménagement du territoire classique tel que Claudius-Petit l’avait conçu, il s’agit d’envisager des stratégies d’innovation dans un monde qui bouge, et qui bouge vite. Nous comptons sur les régions pour permettre ces innovations indispensables à la création d’emplois.

Ce sont là des avancées majeures. Cependant, rien de tout cela ne serait possible sans solidarité. Je l’ai dit des dizaines de fois dans cette assemblée et au Sénat : l’hyper-richesse côtoie encore l’hyper-pauvreté dans notre pays et ce n’est pas acceptable.

C’est pourquoi les grandes régions de demain seront des espaces de cohérence et de cohésion entre les territoires et entre les citoyens. Au-delà, peut-être des évolutions volontaires seront-elles possibles, à l’image de ce qui se passe à Lyon ou en Corse.

M. Dominique Potier. Il faut s’en réjouir.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Davantage de solidarité et de capacités d’action, c’est aussi le sens de l’intercommunalité. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, le seuil de 15 000 habitants constitue un progrès. Mais ce n’est sans doute pas l’idéal. En allant au-delà, nous aurions peut-être fait une loi pour vingt-cinq ou trente ans. Là, il est possible que nous ayons à y revenir.

M. Dominique Bussereau. Nous y reviendrons en 2017, ne vous inquiétez pas !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. En tout cas, nous pouvons être fiers d’avoir fixé ce seuil, assorti de toutes les adaptations écrites – il est important de le noter – par la commission des lois de l’Assemblée nationale, sous l’autorité de son rapporteur auquel le président Jean-Jacques Urvoas avait laissé carte blanche.

Nous n’oublions pas qu’il faut relever des défis. Aujourd’hui, chaque enfant de France n’a pas accès à l’égalité des possibles.

M. Guillaume Larrivé. Et vous aggravez la situation, hélas !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La belle compétence de solidarité dont je parlais à l’instant sera celle qui fera cohésion.

Je veux aussi évoquer la future métropole d’Aix-Marseille-Provence, pour laquelle les discussions ont également été difficiles.

Ce que je veux surtout dire, à la fin de ce propos, c’est que l’État restera toujours garant, toujours attentif, toujours présent sur les territoires.

M. Dominique Bussereau. Ce n’est pas le cas !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il sera plus proche des élus et des citoyens : c’est un nouveau défi à relever parce que tel n’est pas le cas aujourd’hui et que trois ans, monsieur Bussereau, sont trop courts pour arriver à réparer et à rétablir la présence de l’État.

M. Dominique Bussereau. Vous aggravez la situation !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Un point pour terminer. Je ne connais pas, dans notre histoire, de Premier ministre qui ait décidé de favoriser un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat alors que la majorité n’y est pas la même. C’est un engagement personnel que M. Manuel Valls a pris devant le président du Sénat et qu’il a tenu en dépit des difficultés.

M. Patrick Ollier. Il s’agissait aussi de servir les ambitions de M. Bartolone en Île-de-France !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Contrairement à ce qui s’était passé en 2004, lorsque la loi avait totalement changé de contenu après les élections – comme nous le rappelait au Sénat, avec beaucoup d’humour, le sénateur et ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin –, nous n’avons pas changé d’avis selon que nous étions avant ou après les élections. Les départements ont leurs compétences, ils ont renoncé…

M. Dominique Bussereau. Vous avez diminué leurs ressources après avoir perdu les élections !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il ne s’agit pas d’un dialogue singulier entre un président de l’Association des départements de France et un ministre de la décentralisation et de la fonction publique, monsieur Bussereau !

M. Dominique Bussereau. Je m’exprime en tant que député, madame la ministre !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce que je dis, c’est que les départements ont choisi de conserver certaines compétences. C’est bien un choix. Hier, devant l’instance de dialogue national des territoires – où vous n’étiez pas –, j’expliquais que le transfert des routes aux régions était la seule façon de faire reculer une des inégalités très fortes de ce pays. Moins les départements sont denses, moins ils ont d’assiette fiscale et de DMTO – droits de mutation à titre onéreux –, et plus ils ont de voirie à entretenir.

M. Dominique Bussereau. Ce n’est pas la voirie qui est le problème !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Au moins, le transfert aux régions serait un premier pas dans la péréquation entre départements. Cela n’a pas été le choix des départements. Ceux qui pouvaient augmenter les DMTO pour améliorer la péréquation au profit de leurs homologues n’ont pas fait ce choix, parce qu’ils ont suffisamment de ressources.

Mais c’est un autre débat, et c’est par là que je voudrais terminer. Après ce texte dont le rapporteur a présenté les grandes articulations, nous aurons un nouveau débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement.

M. Marc Dolez. Hélas !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Aujourd’hui, les dotations aux communes sont parfaitement injustes. Nous devrons soulever à nouveau cette question dans un autre texte, qui nous donnera aussi l’occasion de passer de nombreuses heures ensemble.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour le travail accompli. Je souhaite que ce texte soit voté, même si je sais que ce n’est pas chose facile pour certains d’entre vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Paul Molac, premier orateur inscrit.

M. Paul Molac. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui la lecture probablement définitive du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Ce texte a pour objectif de repenser et d’éclaircir le partage des compétences entre les différentes collectivités territoriales. L’idée directrice était de donner davantage de pouvoir aux régions.

À l’heure du bilan, force est de constater que cet objectif primordial d’avoir des régions fortes, légitimes et capables de promouvoir à la fois le développement économique et la justice territoriale s’est étiolé petit à petit au cours de l’étude des différents textes, et la dernière commission mixte paritaire a encore un peu plus édulcoré la volonté régionaliste de la loi. Premier regret, donc : les différentes lectures ont eu raison de la volonté de donner une partie du pouvoir réglementaire aux régions.

Je rends ici hommage à l’habileté, au sens du devoir, à l’amabilité et à la compétence de notre rapporteur – pas seulement sur ce sujet, du reste ! Il a bien essayé de nous expliquer que les collectivités avaient déjà, inscrit dans la Constitution même, le pouvoir réglementaire dans les compétences qui sont les leurs. Vous conviendrez que, si la possibilité existe, la procédure, qui est complexe, rend cette faculté quelque peu hypothétique.

J’en veux pour preuve la petite modification sur les aires marines protégées proposée par la Corse. Elle a finalement été retirée devant une campagne médiatique injustifiée à mes yeux. Quand on sait qu’elle ne concernait que les aires marines protégées gérées par des collectivités locales et que celles-ci sont au nombre de trois en France métropolitaine, Corse comprise, il apparaît que nous aurions tout intérêt à donner à la Corse la possibilité de faire des lois de pays comme en Nouvelle-Calédonie. Le constat est accablant : la Corse, je le rappelle, a vu ses quarante-huit demandes d’adaptation locale se solder par deux refus réels et quarante-six absences de réponse de la part du Gouvernement. Certes, c’était un autre gouvernement !

Deuxième regret : l’abandon de l’idée du suffrage universel pour les intercommunalités. C’est à notre avis une erreur. Les intercommunalités sont les collectivités qui gèrent de plus en plus l’argent public dans le but de fournir des services à la population. Il paraît normal qu’au moins une partie des élus soit élue au suffrage universel avec un projet qui soit à l’échelle de l’intercommunalité. Nous y reviendrons certainement dans les années à venir.

Troisième regret : nous faisons la part trop belle aux métropoles en leur laissant la possibilité d’élaborer un schéma économique qui ne fait que prendre en compte le schéma prétendument prescriptif de la région. Force est de constater que ce schéma économique n’est pas prescriptif, au moins pour les métropoles. Je pense que c’est également une erreur et qu’il faudra y revenir. Les inimitiés tenaces entre certains dirigeants de métropole et de région, même quand ils sont du même parti, auraient dû nous inciter à la prudence. Cette prudence aurait été, à mon sens, d’imposer la compatibilité des deux schémas et d’obliger certains frères ennemis à s’entendre.

N’oublions pas que les régions sont aussi chargées de l’aménagement du territoire et que leur revient la lourde charge de réguler, de répartir les activités et les moyens de communication sur le territoire pour un aménagement équilibré. Comment pourront-elles le faire si les métropoles élaborent leur propre schéma ? Cela risque d’être préjudiciable à l’activité économique de régions entières.

Nous avons tout de même eu un lot de consolation avec l’amendement défendu par notre collègue Alain Rousset, qui permet aux régions d’investir dans l’immobilier d’entreprise. Cette possibilité est en effet importante, en particulier pour les territoires les plus ruraux.

Je regrette que, globalement, nous tournions le dos au modèle allemand, redistributeur, irriguant l’ensemble des territoires. En somme, nous tournons le dos au modèle fédéral, ce qui, vous en conviendrez, est bien dommage !

De cette façon, l’État qui sait si bien diviser reste un arbitre. Quand sortirons-nous de cette bonne vieille tradition ? Même si comparaison n’est pas raison, je fais souvent un parallèle avec le Royaume-Uni. Ce pays est devenu un État fédéral en 1999. Sachant qu’il a institué le droit de vote des femmes environ vingt-cinq ans avant nous, je pense que la France deviendra un État fédéral en 2025 ou 2030. Vous le voyez, je vis d’espoir !

M. Marc Dolez. Quel cauchemar !

M. Paul Molac. J’avoue que le centralisme démocratique n’est pas ma tasse de thé, mon cher collègue !

M. Marc Dolez. Ce n’est pas ce que j’évoquais !

M. Paul Molac. Ce texte manque donc d’ambition et fait la part trop belle aux métropoles. Il présente tout de même un souci de clarification des compétences ainsi que de délégation de certaines compétences aux régions.

Sous la réserve que j’ai déjà indiquée, la région est affirmée dans son rôle économique. On peut aussi faire le parallèle avec la gestion des fonds européens, ce qui me semble complémentaire. Le département, lui, perd cette compétence. Les régions ont pu obtenir la compétence exclusive couvrant la totalité des interventions économiques. Ainsi, au lieu de se limiter à l’aide directe aux entreprises, elles concerneront le fonctionnement des agences de développement, les clusters, etc. C’est un signal très positif apporté aux régions. Je forme le souhait que le Gouvernement tienne bien sa parole de transférer 50 % de la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – aux régions.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui !

M. Paul Molac. Il faudra y veiller dans le prochain projet de loi de finances. La compétence économique va de pair avec cet impôt économique.

On peut constater d’autres transferts de compétence des départements aux régions, notamment la gestion des transports non urbains et scolaires, des aérodromes ou encore des ports.

M. Dominique Bussereau. Scandaleux !

M. Paul Molac. La région conforte son rôle dans les transports, ce qui est bien normal puisqu’elle qui est chargée de l’intermodalité.

Concernant la compétence des régions dans le domaine éducatif et de la formation, le projet prévoit désormais la création de schémas régionaux d’enseignement supérieur. Le Gouvernement lui-même a fait adopter un amendement laissant aux régions un rôle dans la fixation des districts scolaires. On peut toutefois regretter le recul concernant les collèges.

Je note une autre avancée substantielle, obtenu par une coopération avec le groupe socialiste concernant les frais de scolarité entre communes dans le cas de classes bilingues français-langue régionale. La question empoisonnait les rapports entre mairies depuis dix ans. Cette modification permettra de débloquer de nombreuses situations locales. Merci à notre rapporteur et à Mme Appéré, que je n’oublie pas !

Mme Nathalie Appéré. Merci !

M. Paul Molac. Ensuite, la région sera l’autorité de coordination des acteurs du service public de l’emploi sur son territoire. On regrettera que sa compétence ne soit pas élargie au-delà de la simple coordination et que Pôle Emploi ne soit toujours pas inclus dans son champ de compétences.

Cependant, nous sommes parfois obligés de ne pas choisir et la rationalisation devient complexe. L’exemple du tourisme est révélateur : cette compétence est en effet partagée entre la région et le département dans le cadre de l’élaboration conjointe d’un schéma de développement touristique.

Le renforcement de la démocratie locale constituait l’un de nos objectifs au début de l’examen de ce texte. Si l’on excepte la question épineuse du suffrage universel dans les intercommunalités, nous avons de manière générale obtenu des avancées plutôt satisfaisantes s’agissant de la transparence et de la prise en compte des groupes d’opposition ou minoritaires au sein des conseils régionaux. Nous sommes satisfaits de la transparence que prévoit ce projet de loi vis-à-vis des collectivités locales, notamment depuis l’adoption de notre amendement sur l’open data et, plus largement, depuis l’adoption d’amendements concernant les pouvoirs des conseillers municipaux et la transparence dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants. Nous sommes également satisfaits du renforcement des prérogatives des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, qui furent un temps menacées.

Concernant les politiques d’environnement et de développement durable, que nous tenions à soutenir dans ce projet, des avancées encourageantes sont perceptibles. Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires constitue un élément important de l’articulation de ces politiques. Il s’agira d’un schéma prescriptif comprenant le schéma régional climat-air-énergie, un schéma de l’intermodalité, le schéma régional de cohérence écologique et un plan régional de prévention des déchets, qui est prescriptif pour les documents d’urbanisme élaborés par les communes et par les EPCI.

En outre, la commission a ajouté au SRADDET l’objectif de la promotion de la biodiversité, et elle a rétabli notre amendement visant à donner aux régions la compétence « action contre les eaux polluées ».

Ce projet de loi renforce donc le poids des régions et clarifie le partage des compétences entre les différentes collectivités territoriales. On peut cependant regretter qu’il n’aille pas assez loin. Pourquoi ne pas avoir cherché à supprimer les départements chaque fois que cela était possible,…

M. Dominique Bussereau. Tiens donc !

M. Paul Molac. …par exemple en Bretagne ? Mon amendement en faveur d’une collectivité unique a hélas été refusé.

Pour conclure, je regrette que ce texte, qui prévoyait de donner davantage de pouvoirs aux régions et de les faire passer à la maturité, perde finalement de sa force. En effet, les régions restent très dépendantes du gouvernement et du pouvoir central pour la politique d’adaptations réglementaires, et dépendantes des métropoles dans certains cas. S’il va timidement dans le bon sens, j’ai bien peur que ce projet de loi ne permette pas d’avancer suffisamment vers la véritable régionalisation que nous appelons de nos vœux, et qu’il faille au cours des prochaines années continuer à légiférer, alors que nous avions là une occasion importante d’orienter plus largement notre organisation territoriale vers le régionalisme et le fédéralisme.

M. le président. La parole est à Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’état, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui, au terme d’un long processus législatif, pour l’examen définitif du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Ce texte de compromis, qui résulte des travaux de la commission mixte paritaire, est l’aboutissement d’un long cheminement. Son fondement, qui repose sur les compétences des différents échelons de collectivités territoriales, fait suite à la loi du 16 janvier 2015 portant délimitation des régions, ainsi qu’à la loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014.

Faut-il le dire : nous déplorons certains atermoiements – trois textes successifs, absence de concertation préalable avec les territoires et examen du texte pendant des élections locales.

M. Claude Sturni. Tout à fait !

M. Martial Saddier. C’est bien dit !

Mme Gilda Hobert. Rappelons-nous en outre que le texte initialement présenté par le Gouvernement visait à la suppression pure et simple de l’échelon départemental.

M. Patrick Devedjian. Tout en préservant les caisses d’allocations familiales !

Mme Gilda Hobert. Néanmoins, le Premier ministre a accepté de prendre en compte la spécificité des territoires.

M. Dominique Bussereau et M. Martial Saddier. Pas assez !

Mme Gilda Hobert. Cette considération est d’autant plus nécessaire au regard de la mise en place des treize grandes régions prévues par le projet de loi de janvier 2015.

En effet, la suppression, surtout en milieu rural, d’un échelon de proximité qui a pour mission la solidarité et le rééquilibrage des différentes zones apparaissait difficilement applicable et contraire aux intérêts de nos concitoyens.

Les radicaux de gauche, comme l’a maintes fois précisé ma collègue Jeanine Dubié, sont très attachés à l’échelon départemental et à sa fonction de représentation des territoires et des spécificités locales. Oui, les départements ont choisi !

Aussi sommes-nous satisfaits que certaines de leurs compétences aient été conservées. Le département est un échelon incontournable en matière de développement local et de solidarité territoriale et sociale, qui se traduit par la construction et l’entretien des collèges, l’aide aux personnes âgées et handicapées, l’accompagnement des publics en difficulté sociale et professionnelle, à quoi s’ajoutent l’organisation et l’entretien des transports ainsi que le soutien financier à d’autres collectivités territoriales.

Nous approuvons sans réserve le maintien aux départements de la compétence en matière de collèges, de même que la suppression du chef de filat des régions en matière de tourisme. Nous regrettons cependant que la compétence en matière de transports soit intégralement déléguée aux régions.

M. Dominique Bussereau et M. Martial Saddier. Très bien !

Mme Gilda Hobert. Dès la première lecture, nous avions donné notre accord au transfert de la compétence économique aux régions. Échelon qui apparaît le plus pertinent en matière d’attractivité et de développement du rayonnement d’un territoire, la région est gardienne et centrale en matière de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Cet avantage n’a pas échappé aux parlementaires, qui ont ajouté la définition de l’économie sociale et solidaire dans les orientations du schéma régional.

En revanche, si nous sommes satisfaits que les départements soient associés à l’élaboration du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, nous aurions préféré – je salue à cet égard l’acharnement de ma collègue Jeanine Dubié – qu’ils le soient également à son approbation.

M. Dominique Bussereau. Très bien !

Mme Gilda Hobert. Plusieurs points nous semblent positifs, notamment la conservation des compétences partagées en matière de sport, de tourisme, de culture, d’éducation populaire et de promotion des langues régionales. Je tiens toutefois à signaler ma déception quant à la suppression de l’obligation de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’exercice de ces compétences. Il s’agit là d’un point qui pourrait sembler évident mais, si cela va sans dire, il aurait été préférable de le préciser.

En contrepartie, nous approuvons la suppression du Haut conseil des territoires, demandée par nos collègues sénateurs, notamment les membres du groupe RDSE. En effet, cette instance semblait redondante par rapport aux fonctions du Sénat.

J’en terminerai avec les dispositions relatives à l’intercommunalité, non sans avoir préalablement dit que, bien qu’étant attachée au maintien des prérogatives des départements, je salue le zèle déployé en faveur de la construction de la métropole de Lyon.

Revenons aux intercommunalités. Il est regrettable que les délais de leur mise en place n’aient pas été prorogés. Sans remettre en cause l’objectif de rationalisation de la carte intercommunale que nous avons acceptée, il était plus que souhaitable de laisser davantage de temps aux communes et aux intercommunalités existantes.

M. Martial Saddier. Une fois de plus, elle a raison !

Mme Gilda Hobert. En revanche, nous sommes satisfaits que le seuil applicable ait été abaissé à un objectif de 15 000 habitants avec un minimum de 5 000 habitants, et nous approuvons la mise en place de dérogations pour les zones peu densément peuplées et les zones de montagne auxquelles, en raison de leurs particularismes et des contraintes de leurs territoires, ne peuvent être assignées les mêmes obligations. C’est ce qu’avaient signalé mes collègues Jeanine Dubié et Joël Giraud, et ce qu’appelaient de leurs vœux des maires et élus locaux.

En effet, la diversité de la France et la richesse de ses zones, notamment rurales et de montagne, devaient être prises en compte dans la réforme des compétences et de l’organisation territoriale. La rationalisation et l’amélioration de la gestion des compétences ne doivent pas entraîner le risque que se créent des friches territoriales.

Autre point de satisfaction : l’obligation faite aux communautés de communes et d’agglomération en matière de compétence pour l’eau et l’assainissement à compter du 1er janvier 2020, et non dès la promulgation de la loi, afin de laisser le temps aux communes et aux intercommunalités existantes de s’organiser pour une gestion plus efficace.

En revanche, nous déplorons que le suffrage universel direct pour l’élection des représentants intercommunaux ait été supprimé du projet de loi, car cela aurait été un bon moyen de légitimer l’existence et le développement des compétences et du rayonnement des intercommunalités.

Mme Nathalie Appéré. C’est vrai !

Mme Gilda Hobert. À la demande de mon collègue Paul Giacobbi, je souhaite remercier le Gouvernement pour la création de la collectivité unique qui était attendue en Corse depuis trente ans et qui a été obtenue grâce à une collaboration étroite entre le Gouvernement et la collectivité territoriale de Corse.

M. Paul Molac. C’est une très bonne chose !

M. Claude Sturni. Et l’Alsace ?

Mme Gilda Hobert. J’exprimerai cependant son regret à propos de la taxe sur le mouillage des grands navires dans le parc marin de Bonifacio.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je le partage !

Mme Gilda Hobert. Je précise que M. Giacobbi présentera des propositions au Gouvernement afin qu’une solution rapide puisse être trouvée dans l’intérêt de la préservation de cette aire marine protégée.

Après une gestation difficile, nous voici devant la naissance de cette loi. Je conclurai en saluant, après l’accord trouvé en commission mixte paritaire, un texte équilibré et concerté, qui respecte la spécificité et les prérogatives des différents échelons de collectivités territoriales.

M. Martial Saddier. Non !

Mme Gilda Hobert. Vous l’aurez compris : le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Martial Saddier. Tout ça pour ça !

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, s’il n’en reste qu’un, notre groupe sera celui-là. En effet, alors que l’Assemblée s’apprête à ratifier l’accord trouvé en commission mixte paritaire par la majorité gouvernementale et la droite sénatoriale, les députés du Front de gauche réitèrent leur opposition résolue à une réforme territoriale dont ce projet de loi constitue le troisième volet.

De cette réforme territoriale, nous contestons depuis le début la philosophie tout autant que le dispositif. Elle signe la fin du processus démocratique de décentralisation entamé en 1982 en ouvrant la voie à la disparition programmée des collectivités territoriales de proximité que sont les communes et les départements, par l’évaporation progressive de leurs compétences et par leur asphyxie financière. C’est toute notre démocratie locale qui est ainsi mise à mal avec la concentration des pouvoirs locaux et l’éloignement des citoyens des centres de décision.

C’est bien une logique de régionalisation qui est en marche parallèlement à la métropolisation qui s’accélère, pour déboucher à terme et à n’en pas douter, comme l’a évoqué notre collègue Paul Molac, sur un État fédéral et non plus unitaire, qui mettra les territoires en concurrence et bafouera l’égalité républicaine.

En somme, cette réforme donne une traduction législative au renoncement à la singularité française héritée de la Révolution et à l’aménagement équilibré du territoire. Il s’agit ici, ni plus ni moins, de réorganiser entièrement l’action publique, c’est-à-dire ses structures et ses procédures, pour parvenir à la réduction de la dépense publique et répondre ainsi aux injonctions ultralibérales, austéritaires et technocratiques de Bruxelles.

Lors des deux lectures du texte, nous avons tenté par quelques amendements de préserver un peu mieux la place de la commune et du département dans l’architecture territoriale – hélas sans succès. Certes, un compromis a été trouvé en commission mixte paritaire afin de rétablir à 15 000 habitants au lieu de 20 000 le seuil minimal de constitution d’un EPCI mais, malgré les dérogations retenues, ce seuil demeure irréaliste, arbitraire et déconnecté des réalités des bassins de vie.

M. Dominique Bussereau. Très bien !

M. Marc Dolez. Si l’abandon par la CMP du principe de l’élection au suffrage universel direct des conseillers intercommunaux à l’horizon 2020 constitue évidemment un point positif, nous n’entretenons cependant aucune illusion sur la suite. La perspective du suffrage universel direct, maintes fois évoquée par le Gouvernement et par sa majorité, s’inscrit dans la logique de renforcement de l’intégration des communes au sein d’intercommunalités au périmètre élargi et aux compétences renforcées. C’est la remise en cause de la nature même de la coopération intercommunale, l’objectif final étant de transférer la compétence générale à des intercommunalités élues au suffrage universel direct, comme le propose explicitement le rapport commandé par le Gouvernement au Commissariat général à l’égalité des territoires.

Et que l’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agit seulement de la proposition d’un rapport n’engageant personne. La lettre de commande est claire puisque, dans la perspective du relèvement du seuil minimal de constitution d’un EPCI, il s’agit de « disposer d’analyses actualisées à l’échelle des territoires permettant de définir les lignes directrices pour les prochains regroupements intercommunaux ».

Que restera-t-il des communes quand leurs compétences essentielles auront été transférées à des collectivités devenues autonomes par le mode d’élection de leurs assemblées ?

M. Martial Saddier. Rien !

M. Marc Dolez. Des coquilles vides, sans compétence significative et sans ressources propres.

Les perspectives pour les départements ne sont, hélas, guère plus encourageantes. Je n’en veux pour preuve que l’acharnement mis à déposséder le département d’importantes compétences de proximité comme en témoigne le débat que nous avons eu dans cet hémicycle sur le transfert de la gestion des transports scolaires.

M. Martial Saddier. Ce sont des centralisateurs.

M. Marc Dolez. Alors que le retour de la gestion des transports scolaires aux départements avait été voté, le Gouvernement a exigé une seconde délibération,…

M. Dominique Bussereau. Scandaleux !

M. Martial Saddier. À 3 heures du matin !

M. Marc Dolez. …contraignant notre Assemblée à se déjuger en moins de quarante-huit heures. Nous regrettons ici que la CMP ne soit pas revenue sur le maintien au niveau régional élargi des transports scolaires, lesquels nécessitent pourtant une connaissance fine des besoins des familles et des itinéraires.

M. Dominique Bussereau. Vote honteux !

M. Marc Dolez. Faisant fi des inquiétudes et des oppositions fortes, exprimées dans la diversité de leurs sensibilités par les élus locaux du pays, le Gouvernement a donc choisi d’aller au bout d’une réforme qui bousculera notre organisation territoriale pour des décennies et consacrera une France des territoires à plusieurs vitesses.

Nous ne saurions nous y résoudre et nous croyons à l’absolue nécessité de maintenir l’ossature de la République que constituent communes, départements et régions.

Fidèles à l’esprit des lois pionnières de 1982 et 1983, nous continuerons de défendre avec obstination une décentralisation au service de nos concitoyens, organisée en fonction du principe de proximité pour faire vivre la démocratie et les libertés locales.

Tel est le sens du vote contre, que les députés du Front de gauche émettront une nouvelle fois sur ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est le fruit de l’accord intervenu entre députés et sénateurs, la semaine dernière, au sein de la commission mixte paritaire. Là où beaucoup avaient prédit l’échec, nous avons déjoué les pronostics et sommes parvenus à nous entendre avec nos collègues sénateurs sans amoindrir les grands axes de cette loi.

Nous nous félicitons de cette issue positive. Il n’en aurait pas été ainsi sans l’immense travail accompli par notre collègue et ami, le rapporteur Olivier Dussopt, que je tiens à saluer chaleureusement devant vous, mes chers collègues.

Au terme de ces mois de débats parlementaires, de ces échanges nourris et répétés avec le Sénat, les élus locaux et le Gouvernement – je veux ici remercier les ministres pour leur écoute et pour l’attention qu’ils ont porté à notre travail – nous pouvons être satisfaits de ce compromis qui transcende les clivages politiques et propose des avancées notables pour nos territoires.

M. Martial Saddier. Pas du tout ! C’est un rêve !

Mme Nathalie Appéré. Grâce à la spécialisation de chaque niveau de collectivité prévue par le texte que nous nous apprêtons à adopter, les responsabilités des uns et des autres seront clairement distinctes. Aux régions, aidées des métropoles, le développement économique pour mener le combat de l’emploi et de l’aménagement stratégique du territoire.

Aux départements, la cohésion sociale et la solidarité, conditions essentielles de l’égalité républicaine.

M. Dominique Bussereau. Sans argent !

Mme Nathalie Appéré. Aux intercommunalités renforcées, avec des compétences nouvelles et un seuil de constitution des EPCI à fiscalité propre relevé à 15 000 habitants – avec un certain nombre d’adaptations possibles –, l’action de proximité et les services à la population à l’échelle des bassins de vie.

Au 1er janvier 2017, la carte intercommunale de la France sera rationalisée et les intercommunalités exerceront de nouvelles compétences en matière de collecte et de traitement des déchets, puis de gestion de l’eau et d’assainissement au plus tard en 2020. Nous sommes convaincus que cette nouvelle étape de l’intercommunalité est la condition du maintien de notre tissu communal et du rôle des maires en particulier, auquel tout le monde est ici attaché.

Elle est surtout une condition de l’égalité des habitants sur nos territoires en permettant de mettre en place des services à la population qui n’auraient pu l’être à la simple échelle communale.

Le groupe SRC a pu garantir le maintien, dans le texte issu de la commission mixte paritaire, de dispositions adoptées par l’Assemblée nationale en seconde lecture. Nous nous en réjouissons.

Il en va ainsi notamment des dispositifs relatifs aux schémas régionaux, le SRDEII et le SRADDET, du service public de l’emploi, ou encore du transfert de l’ensemble des transports en dehors des agglomérations, des départements aux régions.

Toutes ces avancées permettront de simplifier et de clarifier nos territoires. Elles sont aussi la condition d’un service public local plus efficace dans une période de maîtrise des dépenses publiques, pour qu’un euro dépensé par nos collectivités soit un euro utile pour les habitants de nos territoires.

M. Martial Saddier. Quelle méfiance !

Mme Nathalie Appéré. Nous regrettons toutefois que certains, ici et au Sénat, se soient farouchement opposés au principe de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, revendication constante du groupe SRC tout au long de nos débats.

M. Martial Saddier. Heureusement !

Mme Nathalie Appéré. À cet égard, nous déplorons les réactions disproportionnées, voire agressives, envers la représentation nationale, qu’a générées cette simple volonté d’avancée démocratique. N’a-t-on pas entendu certains de nos collègues, y compris en CMP, parler de « funeste suffrage universel direct » ? Tout est dit.

Permettez-moi, sur ce point, de vous rappeler cette phrase de Wolf, personnage du roman l’Herbe rouge de Boris Vian : « Les prophètes ont toujours tort d’avoir raison : la preuve en est qu’on les écharpe ».

Peut-être était-il trop tôt pour franchir ce nouveau palier, dont acte, mais nous demeurons convaincus qu’il faut donner davantage de leviers de contrôle démocratique à nos concitoyens. La démocratie ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Nous savons que cette évolution aura lieu, elle est aussi inévitable que nécessaire. Souhaitons qu’elle se fasse dans un futur proche.

Je me permettrai enfin, en l’absence de mon collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, d’évoquer la future métropole du Grand Paris, dont je salue au passage le travail considérable qui a été le sien sur ce volet du texte.

La métropole du Grand Paris connaît de nouvelles modifications dans le projet de loi NOTRe, le Gouvernement ayant accepté de remettre l’ouvrage sur le métier pour pallier l’absence de compromis entre les élus franciliens.

Avec l’amendement que vous nous avez proposé en deuxième lecture, madame la ministre, nous avons pu préserver le cœur du projet en prévoyant le transfert en 2021 de l’ensemble de la fiscalité économique à la métropole afin qu’elle dispose de moyens suffisants pour répondre aux demandes des habitants, notamment en matière de logement. Ce dispositif répond également aux attentes exprimées par les élus locaux : il permet de gérer les équipements de proximité au plus près des habitants grâce aux établissements publics territoriaux dotés de la personnalité juridique.

Dès sa création, au 1er janvier 2016, la métropole pourra élaborer son projet métropolitain, son plan métropolitain de l’énergie et de l’environnement, et définir les sujets d’intérêt métropolitain Elle sera officiellement compétente pour définir le schéma de cohérence territoriale à partir du 1er janvier 2017 et réaliser les opérations concrètes en matière de logement, avec tous les outils nécessaires, au plus tard le 31 décembre 2017 –et c’est bien là le cœur du projet, ce qui est attendu.

Mes chers collègues, nous voici donc arrivés au terme de la réforme territoriale que nous avions engagée ensemble il y a près de trois ans. Nous aurons longuement, et parfois vivement débattu dans cet hémicycle, et au Sénat. Nos échanges auront été riches, comme c’est souvent le cas lorsqu’on se penche sur l’organisation et le fonctionnement des collectivités territoriales, dont chacun revendique ici une part d’expertise.

Certains regretteront peut-être qu’il n’y ait pas eu de grand soir de la décentralisation, dont acte.

M. Martial Saddier. Il y aura eu un grand soir de la centralisation !

Mme Nathalie Appéré. Mais je crois sincèrement que nous aurons œuvré pour plus de lisibilité de l’action publique locale, pour davantage de confiance dans les élus locaux et l’intelligence des territoires. Nous aurons renforcé la solidarité entre les différents niveaux de collectivité et au sein des territoires. Des objectifs maintes fois énoncés par le passé pour une réforme toujours ajournée : cette fois, mes chers collègues, avec ce Gouvernement, avec cette majorité, nous l’avons fait.

Si le compromis auquel nous sommes parvenus avec le Sénat implique quelques renoncements, je veux néanmoins retenir les avancées de ce dernier volet du triptyque de la réforme territoriale, qui touchent moins aux collectivités elles-mêmes qu’à un service public local plus efficace, mieux organisé et répondant aux attentes nombreuses des citoyens, en zone rurale comme en zone urbaine.

M. Patrick Devedjian. Allez, allez, vous serez secrétaire d’État !

Mme Nathalie Appéré. Mettons désormais en œuvre cette réforme sereinement et profitons-en pour marquer une pause dans la législation sur les collectivités territoriales.

M. Dominique Bussereau. Ah non !

Mme Nathalie Appéré. Les élus le réclament, et je l’appelle également de mes vœux.

C’est dans cet esprit que le groupe socialiste, républicain et citoyen votera le projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République, tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous achevons, ce matin, l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dernier volet de la réforme territoriale lancée en 2013.

Ce texte ne satisfait personne et, par conséquent, mécontente tout le monde.

C’est un véritable rendez-vous manqué pour l’avenir de nos collectivités territoriales : absence réelle d’objectifs et de ligne directrice, comme en témoignent vos différentes volte-face au sujet de la clause de compétence générale, projet de loi complexe qui soulève de vives inquiétudes de la part des élus locaux, expression d’une véritable défiance envers les élus régionaux, départementaux et surtout les maires, calendrier totalement inédit où, pour la première fois, les conseillers départementaux nouvellement élus ne connaissaient pas jusqu’à il y a quelques heures les compétences qui leur seraient dévolues et où les candidats aux futures élections régionales ne connaissent pas les moyens financiers qui leur seront propres pour mener cette réforme.

À ces incertitudes s’ajoutent la baisse drastique et brutale des dotations que vous imposez aux collectivités, l’impact croissant du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, et l’annonce de la refonte de la DGF en 2016. Comment voulez-vous, mes chers collègues, que nos collectivités territoriales ne soient pas affaiblies par de telles décisions ? Comment voulez-vous que nos territoires s’inscrivent durablement dans une nouvelle dynamique ? Comment voulez-vous appliquer une pareille loi dans des délais aussi courts ? C’est totalement incompatible avec le bon fonctionnement des collectivités territoriales.

C’est une loi centralisatrice, il n’y a pas d’autre mot !

Enfin, c’est une loi, nous l’espérons, entachée d’inconstitutionnalité, du fait de la mise sous tutelle de l’échelon communal, départemental et intercommunal, avec les schémas régionaux prescriptifs, pour la première fois cosignés par le préfet de région. Et que dire de l’amendement honteux, qui vise personnellement Mme Kosciusko-Morizet, relatif à l’organisation des élections à Paris ?

Nous reconnaissons néanmoins quelques avancées, qu’il s’agisse de la suppression du Haut conseil des territoires ou de l’abandon de l’élection au suffrage universel direct des élus communautaires, même si au moins, cela a le mérite de la clarté, les élus, et l’ensemble des Français, savent désormais où la majorité actuelle veut en venir. Le caractère obligatoire du PLU intercommunal et la suppression de la minorité de blocage étaient également inacceptables.

Hormis ces trois avancées, le texte issu de la commission mixte paritaire n’est absolument pas satisfaisant. C’est d’ailleurs la première fois, depuis quelques années que je suis député, que je vois à 3 heures du matin, non pas une seconde délibération, qui est de droit, mais six secondes délibérations, pour revenir à la position du Gouvernement, battu à la fois par sa propre majorité et l’opposition.

Comment peut-on se satisfaire du relèvement du seuil, même abaissé à 15 000 habitants, pour les intercommunalités ? C’est inacceptable et inadapté aux territoires, même si je salue les dérogations accordées aux territoires de montagne et à ceux de faible densité.

Comment peut-on aussi se satisfaire d’avoir confié aux régions toute la chaîne de transports en dehors des agglomérations, notamment le transport scolaire alors que les collèges sont restés dans le domaine de compétence des départements ? Et le transport à la demande est placé dans la compétence des régions alors que sa gestion demande de la précision. Que feront les régions ? Elles imploreront les départements pour leur redéléguer l’organisation des transports à la demande et des transports scolaires. Voilà ce que vous appelez de la simplification !

Comment peut-on également se satisfaire du transfert forcé à l’intercommunalité des compétences en matière d’eau, d’assainissement, d’ordures ménagères et de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations ?

Enfin, les zones touristiques, dans un pays qui est la première destination touristique au monde, constituent un point très sensible du débat. Comment a-t-on pu transférer de droit la compétence touristique, et notamment les offices du tourisme à l’échelon intercommunal ?

Outre l’effet considérable sur les stations de montagne mais aussi les stations balnéaires, imposer un tel transfert témoigne d’une méconnaissance totale des spécificités de l’offre touristique de montagne. Il pourrait ainsi s’avérer impossible de mettre en œuvre une telle compétence dans certains territoires Je pense en particulier à La Clusaz ou au Grand Bornand, deux grandes stations qui appartiennent à la même intercommunalité et qui devront mettre en place un schéma de mutualisation.

Enfin, sur le plan constitutionnel, que dire de l’amendement honteux – il n’y a pas d’autre mot – dont l’objectif est d’évincer personnellement notre collègue Nathalie Kosciusko-Morizet du futur conseil métropolitain ? Seuls les conseillers de Paris, soit une petite fraction des conseillers d’arrondissement, pourront voter ! C’est un mode de scrutin inédit, qui n’existe ni dans la métropole de Lyon ni dans celle de Marseille, et qui ne relève pas du droit commun. Il aura pour conséquence absurde que dans certains arrondissements, notamment dans le Ier, le collège électoral ne comptera qu’une personne – avec une seule personne élus, avouez que c’est facile pour organiser les élections ! Les arrondissements ne sont pas des organes exécutifs ; l’organe délibérant de la commune de Paris est le Conseil de Paris. Les arrondissements n’apparaissent à aucun moment dans la loi. Nous espérons que ce dispositif sera déclaré inconstitutionnel.

Malgré les avancées obtenues, nous voterons contre ce texte. Nous sommes favorables à la libre administration des collectivités territoriales et voulons leur laisser les moyens financiers de fonctionner. Nous sommes favorables à une République décentralisée et voulons faire confiance aux élus locaux. Nous souhaitons que soient reconnues, à l’intérieur des lois de la République, la spécificité et la diversité de nos territoires – l’aménagement du territoire en somme.

M. Claude Sturni. Exactement !

M. Martial Saddier. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, en dépit de divergences majeures, nos deux assemblées sont finalement parvenues à élaborer un texte commun en commission mixte paritaire. Avec ce projet de loi, nous sommes bien loin de la réforme territoriale, ambitieuse et décentralisatrice, que nous appelions de nos vœux.

Alors que nos débats s’achèvent, nous constatons avec regret qu’aucune clarification n’a été apportée entre la première et la dernière lecture. Les annonces gouvernementales sur le maintien ou la suppression des départements avaient déjà semé une certaine confusion dans notre organisation territoriale. Avec ce projet de loi, vous finissez, madame la ministre, par retirer aux départements certaines compétences, sans plus de précisions sur leur avenir.

Comment ne pas parler de confusion, encore, lorsque vous proposez de supprimer la clause de compétence générale, que vous aviez rétablie il y a dix-huit mois dans la loi MAPTAM ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’assume !

M. François Rochebloine. La carte des intercommunalités, elle, reste aussi incertaine que grevée d’exceptions. Le projet de loi initial proposait d’accroître la taille minimale des EPCI de 5 000 à 20 000 habitants. Nos deux assemblées se sont finalement accordées sur un seuil de 15 000 habitants, avec de nombreuses adaptations possibles. Ce seuil de 15 000 est certes préférable à celui de 20 000, qui aurait remis en cause près de 70 % des intercommunalités.

Pour autant, l’intercommunalité ne peut se faire de manière aussi étroitement administrative. L’objectif doit être, avant tout, de rendre plus efficace l’action publique, dans un paysage atomisé de 36 700 communes. Des territoires divers exigent des réponses diversifiées. C’est la raison pour laquelle nous avions proposé de confier la définition de ce seuil aux commissions départementales de la coopération intercommunale, les CDCI.

Là où l’uniformité du seuil trahit une vision jacobine, l’adaptation du seuil à chaque département relèverait d’une démarche décentralisatrice. Nous n’avons malheureusement pas été entendus sur ce point.

Quant au contenu, madame la ministre, où sont les clarifications ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous n’en voulez pas !

M. François Rochebloine. S’agissant de l’emploi, le projet de loi prévoit une participation de l’État à la coordination des acteurs du service public de l’emploi et la possibilité pour les départements, les communes et leurs groupements de concourir à ce service public. Néanmoins, Pôle Emploi, qui gagnerait à être assumé par les régions, demeurera de la compétence de l’État.

En ce qui concerne les collèges, l’article 12 prévoyait initialement de les transférer aux régions. Désormais, cet article, adopté conforme par nos deux assemblées, prévoit la possibilité pour les régions et les départements de conclure des conventions fixant des modalités d’actions communes et de mutualisation des services.

Pourquoi les collèges devraient-ils rester une compétence des départements, alors que la formation professionnelle est de la responsabilité des régions ? Si les régions géraient les personnels des collèges et des lycées, elles pourraient au moins réaliser des économies d’échelle incontestables. Ces dispositions manquent véritablement de cohérence.

Ces constats nous amènent à penser que ce projet de loi, loin d’être décentralisateur, n’est tout au plus qu’un texte de répartition des compétences, malheureusement illisible. Pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants, la prise en compte de la diversité des territoires est primordiale et la réponse ne peut être uniforme. La mutualisation et le transfert des compétences ne peuvent être traités de la même façon lorsqu’il s’agit de très grandes régions ou de régions plus compactes. Nous devons donc apporter des réponses diversifiées, correspondant aux différentes situations régionales.

Tout l’enjeu du débat est de trouver le meilleur lien entre demande de proximité et demande organisationnelle, de trancher, enfin, la question du pouvoir organisationnel et réglementaire régional.

En outre, ce projet de loi aurait dû amorcer une simplification de l’architecture territoriale. Les régions doivent aujourd’hui mettre en cohérence sept schémas différents, qui ne relèvent ni des mêmes arbitrages ni des mêmes logiques, et sont parfois contradictoires.

Les organisateurs et opérateurs que sont les régions et les intercommunalités doivent pouvoir co-élaborer, co-délibérer et cosigner ces schémas, l’État se contentant du contrôle de légalité. La nature prescriptive de ces documents impose d’associer étroitement l’ensemble des collectivités territoriales et des autres partenaires sur le territoire régional.

En outre, les grands absents de ce projet de loi sont la réforme de l’État et les ressources financières des collectivités.

La réforme territoriale doit être associée à une réforme de la fiscalité locale permettant d’accroître l’autonomie des collectivités et d’aboutir à une fiscalité efficace et plus lisible pour les citoyens. Elle doit également redéfinir la sphère d’intervention de l’État, permettant d’en revisiter la présence sur les territoires. Quelles sont les compétences que l’État entend toujours assumer, ou déléguer – voire accorder – aux collectivités ? Si l’État doit conserver la responsabilité dite régalienne de la péréquation ou du contrôle de légalité, nous devons veiller à préserver la cohérence des pouvoirs et des responsabilités dans l’architecture générale.

Plus globalement, ce projet de loi nous amène à faire le constat suivant : alors que le fossé entre le pouvoir central et les territoires ne cesse de se creuser, nous arrivons au bout d’un système usé, crispé sur la production de règles incapables d’épouser la diversité du réel, un système désormais incapable de se réformer.

Il est donc grand temps pour la France de sortir de cette situation de décentralisation inachevée, pour se diriger, enfin, vers une décentralisation perpétuée.

M. Martial Saddier. Nous n’en prenons pas le chemin !

M. François Rochebloine. Il est temps d’entreprendre une réforme territoriale d’ampleur, de procéder au rapprochement entre régions et départements, d’engager une mutualisation accrue entre intercommunalités et communes, de redéfinir le rôle de l’État et une redistribution des moyens financiers alloués aux collectivités.

M. Martial Saddier. Ce n’est pas avec cette loi que nous y parviendrons !

M. François Rochebloine. Ce projet de loi n’est finalement qu’un « ersatz bien éloigné de la réforme institutionnelle qu’appelle – que dis-je, qu’exige – ce temps de gouvernance aussi fragile qu’incertain ». Tels sont les propos de mon collègue et ami Michel Piron, qui, malheureusement, ne peut être parmi nous ce matin. Je lui souhaite d’ailleurs un prompt rétablissement et lui rends hommage pour avoir su porter brillamment la voix du groupe de l’Union des démocrates et indépendants durant nos débats.

Parce que ce texte est incapable d’améliorer la gouvernance de notre pays, parce qu’il rend notre paysage institutionnel moins lisible, moins efficace et plus coûteux…

M. Claude Sturni. Tout à fait !

M. François Rochebloine. … le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera, comme en première et en seconde lecture, contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Estelle Grelier.

Mme Estelle Grelier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, en France, « la promesse de réforme est aisée mais la pratique est difficile ». Cette formule s’applique particulièrement à l’organisation territoriale de notre pays, un domaine dans lequel il est, d’expérience, compliqué de faire simple.

Il est ainsi paradoxal de constater que les premiers à dénoncer le prétendu mille-feuille administratif, les supposées gabegies, l’illisibilité de la décentralisation pour nos concitoyens, sont souvent ceux qui s’opposent à tout changement.

Depuis trente ans, les différentes lois ont oscillé entre régions et départements, entre collectivités décentralisées et services déconcentrés de l’État, entre communautés de communes et syndicats intercommunaux… Chacun a voulu s’occuper de tout, être sur tous les dossiers, cofinancer les mêmes projets. Partant, les structures de coordination se sont multipliées, l’État ajoutant ses agences et opérateurs aux services territoriaux.

C’est ce pari de la clarification, de l’identification de véritables chefs de file et d’autorités organisatrices des politiques territoriales que propose la loi NOTRe, cohérente avec les deux volets législatifs précédents, la loi MAPTAM et la loi relative aux fusions de régions, mais aussi avec la loi sur les communes nouvelles, sans oublier le vaste chantier de la revue des missions territoriales de l’État, enfin articulée avec la réorganisation des pouvoirs locaux.

Malgré plusieurs dispositions en deçà du texte que nous avions voté en deuxième lecture, je salue l’accord trouvé entre les deux chambres. Je veux remercier notre rapporteur, l’excellent Olivier Dussopt, pour son travail, son implication totale, son écoute constructive et amicale ainsi que son immense patience.

Les compétences des collectivités sont désormais clarifiées, ce qui permettra aux habitants, aux acteurs socio-économiques, et même aux élus, de mieux identifier qui fait quoi.

Les régions et les intercommunalités sont officiellement reconnues comme les échelons institutionnels majeurs dans la conduite des politiques stratégiques de développement économique, d’aménagement de l’espace, de transports et d’environnement. Je me félicite de cette évolution, qui va dans le sens de l’histoire et promet un dialogue fécond entre ces deux échelons.

Les compétences des intercommunalités sont étendues et renforcées. Il est mis fin à la définition de l’intérêt communautaire pour le développement économique ; l’eau, l’assainissement, les déchets sont des transferts qui contribuent à rapprocher progressivement les statuts des différentes catégories d’EPCI, pour à terme viser à n’en faire qu’une, madame la ministre : la communauté territoriale.

Je me félicite aussi de l’assouplissement des majorités qualifiées au sein des conseils communautaires, qui empêchera enfin que des minorités très minoritaires ne freinent les majorités locales.

Très actives dans la gouvernance des intercommunalités, les communes sont confortées dans leur mission essentielle d’organisation des services publics de proximité, et les seules à bénéficier du maintien de la clause générale de compétence. Construire des intercommunalités fortes, efficaces, dotées de capacités d’ingénierie, n’est en rien une menace pour les communes, contrairement à ce que certains ont pu prétendre au cours des débats.

Porter le seuil de 5 000 à 15 000 habitants, tout en prévoyant la possibilité d’ajustements dans les espaces à faible densité, permet à la loi de fixer une ambition : celle d’intercommunalités en adéquation avec les bassins de vie, les territoires du quotidien des habitants…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Eh oui !

Mme Estelle Grelier. … des intercommunalités consenties, dont la construction nécessite du temps. À cet égard, madame la ministre, je regrette l’absence de souplesse sur les délais de mise en œuvre des schémas.

L’intercommunalité sera de plus en plus la protectrice de nos communes. La mutualisation redonnera sens à l’égalité des territoires, en remédiant à la disparité considérable de moyens entre communes. Depuis vingt ans, ce sont les maires et les élus municipaux qui font vivre les intercommunalités. Ils le font ensemble, se répartissant moyens et compétences. La ligne de partage n’est donc pas entre partisans et adversaires de la commune ; elle est entre ceux qui pensent que les communes doivent agir et décider ensemble et ceux qui rêvent encore d’une autarcie municipale sans limite.

Les départements, quant à eux, voient leurs interventions recentrées sur les solidarités et l’accompagnement du bloc local dans la mise en œuvre de ses projets. S’agissant de l’échelon départemental, le texte de compromis qui est aujourd’hui soumis au vote n’est sans doute pas à la hauteur des ambitions réformatrices initiales. C’est en tout cas mon point de vue. Mais je ne doute pas que ce sujet reviendra sur la table, au fur et à mesure de la montée en puissance des intercommunalités.

À titre personnel, je me réjouis aussi des mesures prises en faveur de la rationalisation des syndicats, qui supprimeront la possibilité de désigner en leur sein des personnalités qualifiées, ce qui contribuera à mettre progressivement fin à des fonctionnements opaques.

Je regrette en revanche l’abandon du suffrage universel direct pour l’élection des conseillers communautaires, qui seront appelés à gérer des projets structurants et à assumer des compétences du quotidien de plus en plus importantes. De mon point de vue, cela impliquerait un renforcement de leur légitimité démocratique, au-delà du scrutin fléché, qui a pu engendrer dans certains territoires des exécutifs communautaires peu conformes au souhait exprimé par les électeurs.

Notre pays a besoin de réformateurs à l’échelon national, et il en a besoin aussi dans les bassins de vie et d’emploi. Nombre d’élus sont prêts à avancer et à prendre leurs responsabilités, même si les micros se tendent moins vers eux que vers d’autres. Ce texte leur permettra, je crois, d’agir de manière plus efficace, au plus près des citoyens et des réalités territoriales.

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues, un accord suppose que chacune des assemblées fasse des compromis. J’ai la conviction que celui trouvé le 9 juillet, dans un climat constructif, permettra à nos territoires de progresser, en dépit de certains reculs par rapport au texte que nous avions voté en seconde lecture à l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en musique, on appellerait cela « Requiem pour une métropole défunte ». En effet, avec l’article 17 septdecies, il s’agissait de rien de moins que d’établir le statut moderne de la capitale de la France. Vaste sujet, ô combien nécessaire !, qui supposait de la hauteur de vue, de la réflexion, un esprit de conciliation, de rassemblement et aussi de renoncement. Hélas, un État tétanisé par les échéances électorales s’est perdu dans les calculs politiciens et les ambitions personnelles.

Cette ambition, si importante pour l’avenir de notre pays, n’aura connu que de petits procédés. D’abord un projet incohérent, irréfléchi et non concerté avec la loi MAPTAM, rapidement et brutalement remplacé via un simple amendement, dont le dépôt fut organisé comme un coup de main à l’instigation de M. Bartolone, qui rêvait de prendre la présidence de la métropole et de diluer ce que la Chambre régionale des comptes appelle « la cavalerie budgétaire de la Seine-Saint-Denis » dans les ressources de toute l’Île-de-France. Ces manœuvres ont conduit à un rejet du projet par 94 % des élus métropolitains.

Le Gouvernement a donc été contraint de présenter un troisième projet, avec la version élaborée par la commission mixte paritaire aujourd’hui soumise à notre examen. Il se caractérise d’abord par une immense coquille vide, dotée pour le moment de presque aucune compétence, ainsi que par l’absence totale de décentralisation – au contraire, le pouvoir des préfets sur les collectivités locales se trouve renforcé. Il se caractérise aussi par un nombre pléthorique d’élus – il en était prévu 348 au début du projet, mais il en reste encore 211 aujourd’hui – et par une razzia sur les ressources des communes étroitement dominées par les établissements publics territoriaux. Il se caractérise enfin par le manquement à la plupart des engagements pris envers les élus, même lorsqu’ils avaient fait l’objet d’une signature ministérielle, et par de misérables manœuvres électorales, dont cet amendement qui a pour seul objet d’empêcher Nathalie Kosciusko-Morizet de se faire élire parmi les 211 conseillers métropolitains,…

M. Martial Saddier. Un scandale !

M. Claude Sturni. Une honte !

M. Patrick Devedjian. …ce que Martial Saddier a dénoncé avec justesse.

On observera que chacune des trois métropoles concernées par la loi PLM disposera d’un mode de scrutin différent, en réalité adapté aux intérêts du parti socialiste. Nous avons tous compris que la confusion organisée autour de la métropole du Grand Paris reposait en fait sur l’espoir de voir M. Bartolone élu président de la région Île-de-France, ce qui permettrait alors de procéder à la fusion, déjà prévue, de la métropole du Grand Paris et de la région Île-de-France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre, M. Olivier Dussopt, rapporteur et M. Jean-Luc Laurent. C’est Mme Pécresse qui veut cette fusion !

M. Patrick Devedjian. Que se passera-t-il lorsqu’il aura échoué ? Cela mettra à bas le projet du Gouvernement et laissera la métropole dans la plus grande déshérence. Mais, impavide, le Gouvernement n’envisage même pas cette situation – que vous avez bien raison d’évoquer !

Mme Marylise Lebranchu, ministre et M. Olivier Dussopt, rapporteur. Vous faites confusion !

M. Patrick Devedjian. Le Gouvernement vient de décider – et c’est éloquent – que le conseil des élus de la métropole siégerait dans les locaux du Conseil économique, social et environnemental.

M. Jean-Luc Laurent. C’est toujours mieux qu’à Paris !

M. Patrick Devedjian. Mais c’est à Paris, cher collègue ! (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Jean-Luc Laurent. Mieux qu’à la préfecture de région, voulais-je dire !

M. Dominique Bussereau. En tout cas, c’est mieux que dans le Val-de-Marne… (Sourires.)

M. Sylvain Berrios. Pourquoi le Val-de-Marne ?

M. Patrick Devedjian. Voilà qui illustre parfaitement le rôle strictement consultatif auquel on entend cantonner la métropole. Il faudra y revenir dans les meilleurs délais, et c’est pourquoi je voterai contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les députés, une réforme territoriale n’est jamais un acte anodin ; ce n’est pas une proposition de changement purement administratif. À travers les enjeux pratiques que constituent l’organisation, les aspects financiers, les modes et les moyens de décision des collectivités territoriales, se dessine une vision de notre pays, une vision qui repose sur une analyse souvent partiale de ce qui existe au moment présent, et une vision essentiellement politique de ce vers quoi on souhaite aller.

Le projet de loi NOTRe n’est pas isolé ; bien au contraire, il s’inscrit dans le cadre d’un bouleversement inédit de nos institutions et de notre pays.

En décembre dernier, vous faisiez adopter une nouvelle carte des régions. Aujourd’hui, je voudrais vous faire part de ma vive inquiétude. Nous sommes en train de créer un pays artificiel ! Nos nations sont démantelées, leurs dernières libertés livrées à l’Europe. Sous l’impulsion de lobbies régionalistes, Bruxelles confisque aux États leurs prérogatives au profit de vastes régions aux pouvoirs étendus. Les régions sont agrandies, les centres de décision éloignés des Français et, surtout, les régions sont mises sous perfusion financière par les technocrates de Bruxelles, via les fonds européens qu’elles seront de plus en plus amenées à gérer. Les départements sont amputés ; à côté des communes, c’est ainsi l’échelon de proximité par excellence, l’échelon de la solidarité qui voit disparaître une partie de ses capacités d’action, du fait de la suppression de la clause de compétence générale. Quant aux communes, avec ce projet de loi, elles sont incitées à se diluer dans de vastes intercommunalités.

Sous l’impulsion de l’Europe, et avec la complicité des gouvernements successifs, la France est en train de devenir un monstre froid, qui ne repose sur rien de réel et de naturel : une simple superposition de collectivités gestionnaires, administratives et comptables. L’équilibre entre l’État, le département et la commune laisse la place à un triptyque déraciné, désincarné, lointain et technique, conçu autour de l’Europe, de la région et de l’intercommunalité, en décalage total avec les attentes des Français.

Cela survient au moment même où, confrontés à une mondialisation sauvage et à l’uniformisation des peuples, les Français ont plus que besoin de repères – ils ne cessent de le dire. Or la seule réponse du Gouvernement est une nouvelle attaque contre leurs attachements vitaux.

Après la famille, démantelée par des lois qui sacrifient l’intérêt des enfants, après les entreprises, étouffées par la paperasse et les taxes, vous partez à l’assaut de ces derniers remparts culturels que sont nos communes. Car même si l’intercommunalité a des raisons d’être, il ne faut pas perdre de vue que le cœur des Français réside dans les communes, et non dans d’hypothétiques bassins de vie.

La première raison d’être de l’intercommunalité résulte d’une nécessité : la mutualisation. Cette mutualisation découle du besoin de rationaliser les investissements publics, de mieux les répartir, mais aussi de développer une plus grande qualité de services, en évitant les doublons et en faisant des économies d’échelle. Mais le besoin de mutualisation découle aussi d’un contexte économique dans lequel la France reste depuis trop longtemps enlisée ; la mutualisation est aujourd’hui imposée par la baisse drastique des dotations de l’État.

La mutualisation n’est pas une fatalité à subir, c’est une occasion à saisir. L’avenir est à la mutualisation, c’est une certitude : il faut faire mieux avec moins. Mais si l’avenir est à des intercommunalités plus importantes, avec de vrais moyens et des compétences élargies, il convient de faire attention à l’essentiel et de ne pas tout sacrifier sur l’autel du budget.

Car la deuxième raison d’être de l’intercommunalité est le respect du principe de proximité. Pour compenser la suppression de la clause de compétence générale pour les régions et les départements, les intercommunalités vont être amenées à épauler toujours davantage les communes, qui sont un échelon de proximité incontestable. Je me réjouis donc du rejet par la CMP de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel sans fléchage, et cela pour deux raisons ; l’une est de fond – les intercommunalités sont avant tout un prolongement des communes, un moyen mis à leur service et à celui de leurs habitants, et non une fin en soi –, l’autre de forme : au moment même où nous attendons un choc de simplification, lequel d’ailleurs ne vient pas, une élection supplémentaire au suffrage universel, à part entière, viendrait ajouter une strate supplémentaire au millefeuille territorial.

La proximité communale est un gage de disponibilité, de réactivité et d’adaptation ; c’est à travers elle que l’intercommunalité doit puiser sa légitimité.

Enfin, la troisième raison d’être des intercommunalités est la liberté. L’intercommunalité découle de l’engagement volontaire de communes, qui renoncent à certaines de leurs prérogatives pour les rendre plus efficaces. Elle repose avant tout sur la liberté des communes à s’administrer elles-mêmes. En imposant des seuils démographiques et des mariages arrangés entre communes et intercommunalités, l’État fait avancer au forceps la cause de la mutualisation. Oui, celle-ci est nécessaire, oui, elle doit être encouragée, mais non, elle ne doit pas se faire à marche forcée.

En résumé, ce projet de loi ne bouleverse pas uniquement nos habitudes et le rôle des collectivités territoriales, il va bien plus loin et répond à une autre logique, une logique qui déracine, qui désincarne et qui éloigne les Français de leurs repères et des communautés qui leur sont naturelles. Par des micmacs, dans le dos des Français, vous changez les institutions pour changer les esprits. Nous ne tomberons pas dans ce piège. C’est pourquoi je ne voterai pas ce texte.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, dernier orateur inscrit.

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, « comment comprendre la multiplication, la complexité des interventions locales, les financements croisés qui ajoutent encore à la confusion ? […] Comment justifier aussi toutes ces structures nées de la liberté, du bon vouloir, parfois de la contrainte, mais qui, en réalité, laissent sans cohérence un certain nombre de domaines d’action publique ? ». Qui a dit cela ? François Hollande, dans son allocution aux États généraux de la démocratie locale, en octobre 2012 !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Tout à fait.

M. Patrick Ollier. Son objectif était donc de clarifier, de simplifier et d’économiser. Or le présent texte va totalement à l’inverse de cette ambition.

M. Claude Sturni. Eh oui !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais non !

M. Patrick Ollier. Il instrumentalise la confusion et la complexité. Vous n’avez pas voulu aller jusqu’au bout de la simplification, alors que nous avions créé les conseillers territoriaux et prévu un dispositif simple, qui permettait de supprimer un échelon. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Vous ne disiez pas cela, à l’époque !

M. Patrick Ollier. Vous n’avez pas voulu aller dans ce sens, simplement parce que c’était nous qui l’avions mis en place, et vous avez supprimé tout cela, au profit d’un texte totalement incompréhensible pour nos concitoyens.

Le texte de la CMP va certainement être adopté ; la seule voie qui reste à l’opposition pour exprimer sa déception est donc la saisine du Conseil constitutionnel – ce que nous allons faire. Même les élus de proximité que sont les maires de France jugent ce texte insuffisant en raison de sa philosophie, qui tourne le dos à la démocratie de proximité ; ce n’est pas nous qui le disons, c’est l’Association des maires de France.

Vous auriez pu saisir l’occasion pour mettre en place une meilleure organisation du territoire, plus simple et plus lisible, sans que cela se fasse au détriment de la proximité et des élus qui la font vivre ! Ces élus, soit dit au passage, sont aujourd’hui les seuls ou presque à être respectés des Français ; or ce sont eux qui sont les victimes de ce projet de loi.

Le texte issu de la CMP est en réalité un texte de compromis qui n’a pas permis de déterminer un seuil démographique raisonnable pour la constitution d’EPCI à fiscalité propre, sujet sensible pour les maires ruraux, ceux de la montagne, des îles et des intercommunalités à faible densité.

M. Martial Saddier. Très bien !

M. Patrick Ollier. N’est-ce pas, monsieur Saddier ?

Il n’a pas permis non plus de dégager de vraies mesures de décentralisation de la politique de l’emploi en direction des régions, ou de limiter les transferts de compétence en ce qui concerne la promotion du tourisme, s’agissant par exemple des offices de tourisme des stations de ski et des stations balnéaires.

Enfin, il n’a pas permis de construire une métropole du Grand Paris suivant une logique ascendante et respectueuse de la résolution votée à 94 % par les élus de la mission de préfiguration, toutes tendances politiques confondues. Comme le dit la presse de ce jour, il s’agira d’une « coquille vide » – au moins durant une année. Certes, je dois reconnaître que vous nous donnez raison, mais pour quatre ans seulement, sur deux points, notamment sur le transfert des compétences fiscales aux territoires afin d’en faire des établissements à fiscalité directe. Mais vous avez décidé d’ores et déjà de ce qu’il faudra faire en 2020, au terme des quatre années d’expérimentation : tout sera recentralisé et reviendra à la métropole.

M. Jean-Luc Laurent. Métropole que vous allez gérer !

M. Patrick Ollier. En vérité, ce texte est un texte de recentralisation qui ne dit pas son nom. Il est stupéfiant, je le redis après Patrick Devedjian, que trois statuts différents soient prévus pour les trois grandes métropoles de notre territoire, comme si les communes ou les territoires ne fonctionnaient pas de la même manière à Marseille, à Lyon ou à Paris !

Les cent vingt-cinq maires du périmètre de la métropole, les cent soixante-dix maires de la mission de préfiguration ont donc voté à 94 % une résolution le 8 octobre 2014. Nous avons travaillé – entre nous, madame la ministre – à un consensus. Celui-ci prévoyait d’abord d’attribuer la personnalité morale aux territoires sous la forme d’un EPCI à fiscalité propre, ce que vous nous concédez pour quatre ans seulement, et ensuite de répartir la fiscalité économique entre les différents niveaux de l’intercommunalité, la CVAE allant à la métropole et la CFE aux établissements publics territoriaux – vous l’acceptez aussi, mais pour quatre ans seulement.

Nous voulons une métropole qui soit un outil de stratégie, une métropole qui fasse rayonner son périmètre à l’échelle européenne et à l’échelle nationale, mais aussi une métropole qui permette d’harmoniser, de faire converger et de coordonner les politiques des territoires et des communes. La proximité aux territoires et aux communes, la stratégie à la métropole !

Nous avons beaucoup travaillé dans le cadre du syndicat Paris Métropole. Nous avons constaté – et ce sont vos services qui nous l’ont dit à l’époque – que l’article 12 de la loi MAPTAM était inapplicable. Le Premier ministre nous a laissé un grand espoir, et nous y avons retravaillé avec vous. Sincèrement, nous y avons cru ; sincèrement, madame la ministre, j’y ai cru. Aujourd’hui, je suis très déçu.

Nous avons un sentiment d’amertume, car la rédaction de l’article 17 septdecies ne correspond pas tout à fait à ce que nous souhaitions. Un certain nombre de dispositions – notamment le processus de vote pour la ville de Paris – sont inacceptables. Je le dis, car c’est choquant sur le plan de la démocratie. De même, le report des compétences au 1er janvier 2017 nous trouble beaucoup. Pourquoi ce report, si ce n’est pour faire, dans le cadre de petits calculs politiques à la veille d’élections régionales, une faveur à M. Bartolone, candidat à ces élections ? C’est choquant.

Vous avez été à l’écoute pendant quelque temps, mais cela n’a pas duré. Vous m’aviez par exemple dit en commission des lois qu’il n’y avait pas de plafond pour les territoires. Mais j’ai compris hier, en prenant connaissance des périmètres des territoires, que vous refusiez même ce que nous voulions faire dans la Grande boucle de Seine – près d’un million d’habitants – alors que quinze élus sur dix-huit ont signé et font partie d’une association pour la constitution de ce territoire. Cela aussi est choquant !

Toutes ces raisons me conduisent à voter contre ce texte technocratique qui tourne le dos à la volonté des élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Quelques mots pour remercier l’ensemble des intervenants qui soutiennent ce texte et répondre brièvement aux autres. Permettez-moi de vous lire cette belle citation : « Vous ne ferez aucune réforme si vous considérez que toutes les collectivités existantes ne doivent pas se voir retirer une part de leurs pouvoirs. » Il me semble que la clé est là. Vous parlez tous, sur les bancs du groupe Les Républicains ou du groupe UDI, de clarification. Lisez donc cet entretien avec Édouard Balladur, paru ce matin dans la presse !

M. Dominique Bussereau. Un grand élu local, et un élu local de proximité !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Écoutez cet homme qui a le courage de dire : « Paris est la plus petite capitale du monde évolué. » Il est temps de parler de métropole du Grand Paris. Nous avons essayé. Cela vous fait rire, monsieur Bussereau ? Moquez-vous d’Édouard Balladur ! Pour ma part, je trouve que son rapport était de grande qualité et que l’article auquel je fais référence ne mérite pas tant d’ironie.

M. Dominique Bussereau. Je ne me moque pas d’Édouard Balladur, je me moque de ceux qui ne sortent pas du périphérique !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je le répète, la clé est là : clarifier, encore clarifier et toujours clarifier, mais sans retirer aucune compétence à qui que ce soit. Là était toute la difficulté. Vous avez tweeté tout à l’heure que je venais d’annoncer une baisse de la CVAE, monsieur Bussereau. Voilà pourtant vingt jours que l’information a été rendue publique – cela date du 26 juin. On ne peut pas demander aux entrepreneurs de verser toujours plus aux collectivités territoriales. Il y a un impôt économique, il doit aller au développement économique et aux entreprises.

M. Dominique Bussereau. Et le numérique ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il faut cesser de penser que nous pourrons réduire la dépense publique et les impôts en conservant l’ensemble des dotations aux collectivités territoriales, voire en les augmentant. Je vous rappelle qu’en ce qui concerne les allocations, c’est la première fois qu’un gouvernement reconnaît…

M. Dominique Bussereau. Mais il ne fait rien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …l’existence d’un problème de financement. C’est aussi la première fois qu’un gouvernement, hors enveloppe normée des collectivités territoriales, va chercher 847 millions d’euros…

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Chaque année !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …pour répondre à cette difficulté. Cela ne s’était jamais fait, et ce sera tous les ans ! Vous pouvez toujours dire non, mais c’est la première fois !

M. Sylvain Berrios. Vous asphyxiez les collectivités territoriales !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage.

M. Patrick Devedjian. C’est pour cela que je préfère les chats ! (Sourires)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. On ne peut pas demander la clarification et la décentralisation et dire « mais pas celle-là » à chaque fois que l’on propose un peu de clarification ou de décentralisation. C’est en effet l’écueil, et la presse s’en faisait à nouveau l’écho ce matin. Pour ma part, je m’en tiendrai là. Je félicite ceux qui ont osé avancer, car c’est difficile, très difficile. Après la métropole du Grand Paris, dont je ne referai pas l’histoire, car je l’ai déjà faite ici un soir, mais nous l’écrirons à quatre mains si vous le voulez, monsieur Ollier, car c’est tout de même une histoire intéressante, vous nous dites aujourd’hui que nous n’avons pas décentralisé Pôle emploi. C’est le seul reproche que vous nous faites aujourd’hui !

M. Patrick Devedjian. Oh non !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne parle pas de vous, monsieur Devedjian, puisque vous n’avez évoqué que Paris, mais de l’ensemble du territoire. Or Pôle emploi n’est pas décentralisable en l’état : les ASSEDIC sont l’affaire des partenaires sociaux…

M. Jean-Luc Laurent. Évidemment !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …et vous avez décidé de marier ANPE et ASSEDIC, ce qui empêche absolument de décentraliser la première. C’est trop facile de nous faire ce reproche et de ne proposer aucune autre décentralisation que celle-là !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Tout à fait !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avons décentralisé la formation professionnelle dans la loi Sapin ; il s’agit aujourd’hui de l’organisation territoriale de la République. Si vous êtes courageux, publiez un projet, et nous verrons !

M. Patrick Devedjian. Cela va venir !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais le seul projet de l’Île-de-France ne saurait suffire à l’ensemble du territoire français, monsieur Ollier. Nous avons en effet besoin d’une capitale. Mme Pécresse demande à ce que la métropole du Grand Paris soit l’Île-de-France. Ce n’est pas forcément une bonne solution.

Je m’en tiendrai là. Quand on veut voter contre un projet, on trouve toujours des raisons de le faire.

M. Patrick Devedjian. Vous nous les avez données !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais garder les communes, les intercommunalités, les départements, les régions et l’État sans rien toucher, comme vous nous demandez de le faire…

M. Patrick Ollier. Il fallait accepter le conseiller territorial !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …c’est très difficile. Ce qui nous manque, c’est peut-être une vision partagée de l’avenir. J’estime que des efforts ont été accomplis ; ils sont courageux, ils sont difficiles.

En 2004, vous aviez changé votre fusil d’épaule entre deux élections – je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, mais personne ne m’écoutait. Du moins n’avons-nous pas changé de position entre avant et après les élections départementales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Dominique Bussereau. Si !

Explications de vote

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Dominique Bussereau, pour le groupe Les Républicains.

M. Dominique Bussereau. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles le groupe Les Républicains votera contre ce texte.

Permettez-moi simplement de vous dire que j’ai toujours été passionné par la décentralisation. J’ai ainsi soutenu la décentralisation Mitterrand-Defferre contre l’avis de ma famille politique. À l’époque où j’étais membre du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, nous avons entamé une nouvelle ère de la décentralisation : je l’ai soutenue, et j’ai même regretté que nous n’allions pas toujours assez loin, car nous étions nous aussi freinés dans notre élan. Mais il ne s’agit pas aujourd’hui d’un texte de décentralisation, mais d’un texte de recentralisation. Les métropoles régionales se verront ainsi dotées des mêmes caractéristiques de recentralisation que Paris en son temps, à tel point que vous faites signer par les préfets de région des schémas s’imposant aux collectivités locales – le comble de l’inverse de l’esprit de décentralisation !

En outre, c’est un texte hypocrite. On va aux élections départementales sans connaître les compétences des départements, puis, une fois que la droite et le centre ont remporté ces élections, on rechange la donne pour affaiblir les départements. Franchement, il n’y a pas de quoi être fier sur le plan républicain de la manière dont les débats ont été conduits et de la manière dont vous les avez personnellement conduits, madame la ministre !

Je terminerai par un point qui concerne les départements, que plusieurs de nos collègues ont évoqués. Avec les transports scolaires, nous sommes dans le comble de l’absurdie ! Dans la future région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, c’est à Bordeaux que l’on décidera de l’emplacement d’un arrêt à Mauprévoir dans la Vienne ou à Guéret dans la Creuse ! C’est absurde ! Les régions transféreront donc ce soin aux départements ; il faudra des fonctionnaires pour établir des conventions, ce qui réduira bien entendu les coûts de fonctionnement des départements ! En outre, vous créez une épouvantable discrimination entre enfants selon qu’ils sont ou non handicapés, puisque les seconds ne relèvent pas des mêmes compétences dans le domaine des transports, ce qui pose un vrai problème de constitutionnalité.

Enfin, vous annoncez en plein débat, au moment où tous départements confondus, nous implorons l’État de nous aider à compenser le RSA – dans le département du Nord, la majorité précédente a programmé onze mois de RSA, et pas douze ; nombre de départements seront en situation de déficit cette année ou l’année prochaine –, que vous supprimez une part de la CVAE aux départements ! Bref, alors que vous ne compensez pas les dépenses obligatoires des départements en matière sociale, vous venez diminuer leurs autres ressources ! Très franchement, nous sommes dans l’absurde et dans l’inacceptable. C’est la raison pour laquelle notre groupe – avec bien d’autres – s’opposera fermement à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Nathalie Appéré. Quelques mots, au terme de nos débats, pour remercier à nouveau notre collègue rapporteur Olivier Dussopt pour l’excellence du travail qui a été le sien, ainsi que Mme la ministre et M. le secrétaire d’État pour le sens de l’écoute dont le Gouvernement a su faire preuve tout au long des discussions sur la réforme territoriale, tant à l’égard des parlementaires qu’à l’égard des nombreuses associations d’élus qui ont été consultées durant ces presque trois ans.

Nous nous félicitons d’avoir pu aboutir à un compromis, qui n’était pas acquis d’avance et va conforter cette réforme territoriale dans les grands enjeux qui sont les siens, en ayant su dépasser les égoïsmes territoriaux, chacun ayant renoncé à se cramponner à ses revendications pour n’avoir qu’un seul objectif, l’intérêt général et l’amélioration du service public local pour le rendre plus efficace et plus à même de répondre aux attentes des Français, en milieu urbain comme en milieu rural.

Ce n’est peut-être pas le grand soir de la décentralisation.

M. Claude Sturni. C’est sûr !

Mme Nathalie Appéré. Il n’empêche que les petits matins sont aussi des avancées non négligeables, qu’il faut savoir saluer. Ce texte, tel qu’issu de la CMP, constitue une étape importante vers la clarification et l’efficacité. Nous nous en réjouissons, et nous le voterons bien évidemment. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, sur un texte tel que celui-ci, nous aurions dû pouvoir nous rassembler au-delà des sensibilités et des clivages politiques. Il est bien dommage que nous n’y soyons pas parvenus, même si nous avons pu nous accorder sur un certain consensus dans le cadre de la CMP.

Je voudrais à mon tour revenir sur les transports scolaires, et dire combien je partage les propos de notre collègue Dominique Bussereau. Quelle logique y a-t-il dans tout cela ? Il eût fallu alors confier les collèges aux régions. Vous confiez les collèges aux départements, puisqu’ils en conservent la compétence, et les transports scolaires aux régions, ce qui nécessitera inévitablement la signature de conventions. Mais ce qui me choque le plus, c’est que la compétence du transport des handicapés, elle, reste aux départements. Certes, c’est pour assurer la liaison avec les MDPH, mais il me semble qu’il y a là quelque chose d’inconstitutionnel.

Le groupe UDI a été très clair. Je vous ai moi-même interrogée sur Pôle emploi, et vous m’avez répondu. Néanmoins, notre groupe, comme il l’a fait en première et en deuxième lecture – je m’exprime ici plus particulièrement au nom de mon ami Michel Piron, qui a participé assidûment aux échanges qui ont eu lieu sur ce texte – votera contre.

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. J’ai souligné, lors de la discussion générale, les manquements du texte, tout en exprimant mes attentes en la matière. Cela étant, la politique des petits pas est à mes yeux préférable à l’absence de toute mesure. Comme on dit en breton, pep tra a zo mat a zo mat da gaout, ce qui signifie qu’il faut savoir saisir une avancée lorsqu’elle se présente.

De fait, ce serait adopter une posture que de rejeter le texte en raison de son insuffisance. Mieux vaut faire preuve de réalisme en se contentant pour l’heure de ce pas en avant, avant d’en accomplir, demain, un deuxième, puis un troisième. C’est ainsi que l’on avance dans une démocratie, au moyen de compromis.

Il me semble que, tout compte fait, ce projet de loi va dans le bon sens. C’est pourquoi nous le voterons. Le rassemblement a eu lieu. On a réussi à réunir une CMP et à parvenir à un accord, ce qui n’est pas si courant ; pour un certain nombre de textes, on a dû attendre la quatrième lecture avant de procéder à l’adoption définitive. Un certain consensus étant apparu au sein du Parlement, nous allons y apporter notre voix.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Si l’on prend en compte la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – MAPTAM –, ce sont deux années de travail qui s’achèvent. Je veux remercier l’ensemble des services de la présidence et de la séance pour leur implication, ainsi que les membres du Gouvernement et l’ensemble des groupes politiques, qui, quels que soient les clivages partisans qui les ont opposés, se sont exprimés par la voix d’orateurs de qualité – vous me permettrez de saluer tout particulièrement, au sein du groupe socialiste, Nathalie Appéré, Jean-Yves Le Bouillonnec et Estelle Grelier. Je remercie également les administrateurs de la commission des lois, qui m’ont accompagné au long de l’examen de ce texte. Deux d’entre eux m’avaient d’ailleurs accompagné sur le projet de loi MAPTAM : c’est dire le travail qu’ils ont fourni. Je leur adresse des remerciements on ne peut plus sincères. Je veux enfin remercier mon collaborateur, ainsi que celui du groupe, Maxime et David, car celles et ceux qui travaillent avec moi savent combien leur aide m’est précieuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Au nom d’André Vallini et du Gouvernement, je vous remercie, parce que cela a été un travail extrêmement difficile…

M. Patrick Ollier. Ça, c’est vrai !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …et extrêmement long. Je souhaite remercier le rapporteur, bien évidemment, mais aussi tous les responsables des groupes, même s’il n’a pas toujours été facile de parvenir aux échanges désirés.

André Vallini faisait partie du groupe de travail conduit par M. Balladur et est, à ce titre, coauteur du rapport qu’il a produit. S’il est ainsi tenu à un devoir de réserve, pour ma part, je ne peux m’empêcher, en ce jour…

M. François Rochebloine. Historique !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …de vote – il faut certes attendre ce soir pour savoir s’il est définitif – de vous lire ceci – : « C’est finalement la gauche qui a mis en œuvre une grande partie des préconisations de votre rapport, monsieur Balladur : création de la métropole du Grand Paris, réduction du nombre de régions, création de plusieurs métropoles en France, renforcement des intercommunalités. Que vous inspire cette ironie de l’histoire ? ». M. Balladur répond : « Un vif sentiment de satisfaction. Cela signifie que nos propositions n’étaient pas mauvaises. Il y a eu l’élection de 2012, un changement de majorité qui, dans un premier temps, a fait litière de tous les progrès, mais j’ose espérer que nous aurions pu nous-mêmes mettre en place ce que nous avions prévu initialement. Le fait que le gouvernement de gauche se rallie, après une période d’hésitation de deux ans, à certaines de nos propositions, ne peut que me satisfaire. » Je remercie un homme qui n’est pas dans la majorité…

M. Dominique Bussereau. Qui n’a jamais dépassé le périphérique !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …de trouver que notre travail précis, lent, long mais tenace, a porté des fruits intéressants pour la France. Merci donc à tous.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Actualisation du droit des outre-mer

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’actualisation du droit des outre-mer (nos 2910, 2949).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Ibrahim Aboubacar.

M. Ibrahim Aboubacar. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée. En effet, il s’agit d’un texte utile qui vise l’efficacité de l’action des pouvoirs publics outre-mer. C’est un travail de fourmi qui permettra de combler bien des lacunes et d’appréhender la diversité des outre-mer. Il offre l’occasion de prendre en compte un certain nombre d’attentes restées en souffrance dans beaucoup de ces territoires et à l’égard desquelles, parfois, les plus hautes autorités de l’État s’étaient engagées. Ce texte a été enrichi lors de son examen en commission par la mobilisation de nombreux collègues – ce qui explique sa croissance en volume, ce dont personne, pour une fois, ne se plaindra – et grâce au travail remarquable de notre rapporteure, que je tiens à saluer. Pour toutes ces raisons, je le redis, c’est un projet de loi utile.

Le groupe socialiste, républicain et citoyen aborde cet examen en séance avec un esprit de responsabilité. Il faut souligner que ce texte est en passe de régler de nombreux chantiers. Je citerai en particulier les questions foncières en Martinique et en Guadeloupe, avec le transfert prévu aux collectivités régionales des espaces urbanisés dans les cinquante pas géométriques, qui constitue une évolution très importante dans la conception que l’État se fait de la gestion de son domaine public maritime, et qui trouvera, je n’en doute pas, à l’avenir, à s’étendre à d’autres collectivités d’outre-mer une fois les conditions locales réunies.

Je citerai également, à Mayotte, la création d’un établissement public foncier et le reprofilage de celui de Guyane – en ayant à l’esprit, chers collègues, qu’une approche appropriée pour le foncier agricole dans ce dernier territoire reste à trouver –, l’ajustement des dispositions de lutte contre l’habitat indigne, l’extension à Saint-Barthélémy et à Saint-Martin des dispositions relatives à la lutte contre la vie chère, la transformation du statut de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité – LADOM –, pour un gain d’efficacité attendu de longue date, l’amélioration de la situation des agents publics en Polynésie et à Wallis-et-Futuna – sujet qui demeure préoccupant dans d’autres collectivités –, la transparence financière et budgétaire dans plusieurs collectivités, la sécurisation – mesure très importante – du passage en Martinique et en Guyane à la collectivité unique au 1er janvier 2016 et la sûreté aérienne dans plusieurs collectivités, pour ne citer que ces mesures.

Madame la ministre, les débats sur ce texte ont également été l’occasion de poursuivre la discussion sur d’autres chantiers sensibles inachevés, dont on rediscutera au cours de l’examen des articles. Citons notamment l’amélioration de l’efficacité des mesures de lutte contre la vie chère – préoccupation commune à tous les outre-mer –, le contenu de la politique de continuité territoriale et sa mise en œuvre – sujet sur lequel nous avons porté l’accent – et les délais de paiement des TPE par les collectivités publiques, mal endémique qui fragilise le tissu économique local.

Au cours de ces travaux, deux préoccupations générales sont ressorties en filigrane : d’une part, l’applicabilité des lois dans les collectivités d’outre-mer, notamment dans celles qui font l’objet d’une procédure d’homologation spécifique, ainsi que dans le département de Mayotte, d’autre part, les délais excessifs accordés au Gouvernement dans les habilitations à légiférer par ordonnances et, parfois, la non-parution de ces ordonnances, qui conduisent à un empilement d’habilitations, retardant d’autant l’application des lois. Le président Urvoas a dit hier ce qu’il convenait d’en penser.

S’agissant du département de Mayotte, je voudrais souligner la nécessité, d’une part, de reconnaître à l’établissement public foncier – l’EPF – le statut d’opérateur foncier agricole, d’autre part, de trouver une solution pour la zone des cinquante pas géométriques, comme envisagé à l’article 3 de la loi dite Larcher du 17 octobre 2013. Il est désormais nécessaire de s’appuyer sur le document stratégique « Mayotte 2025 », dont les orientations ont fait l’objet d’arbitrages : tel est le sens de la signature du Premier ministre. C’est le cas des orientations à prendre pour l’habilitation relative au code du travail, qu’il convient désormais d’étendre en totalité dans un calendrier raisonnable. À ce sujet, madame la ministre, j’ai particulièrement apprécié votre engagement en faveur de l’extension, que j’ai défendue, des dispositions concernant les services à la personne : cela relève en effet de l’urgence.

Enfin, j’évoquerai les nouvelles missions à confier aux anciens cadis dans ce jeune département, question emblématique qui symbolise, aux yeux de la population, la prise en compte de notre identité mahoraise dans ce processus départemental. Cela fait quinze ans que cette question, il est vrai difficile, doit être tranchée. Le 2 juillet dernier, le conseil départemental a voté une demande d’habilitation, au titre des alinéas 2 et 3 de l’article 72 de la Constitution, solution que j’ai suggérée lors de l’atelier institutionnel que j’ai animé dans le cadre de « Mayotte 2025 ». Le cheminement administratif de cette demande n’étant pas parvenu à son terme, le Gouvernement n’a pas été mesure d’y donner suite dans ce projet de loi. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement d’appel pour faire écho au vote du 2 juillet et à l’attente qui s’en est suivie dans la population, auquel l’article 40 de la Constitution m’a été opposé à tort – c’est ainsi. J’attendrai donc encore la prochaine occasion pour m’exprimer sur le fond, convaincu que la solution qui est aujourd’hui sur la table est, au bout du compte, la meilleure porte de sortie pour solder cette question, car l’État n’a pas su, ne sait pas et ne saura pas le faire. Seul le conseil départemental pourra agir de manière appropriée et il conviendra que l’État l’y autorise.

Madame la ministre, le groupe socialiste, républicain et citoyen est résolu à améliorer encore ce texte et entend poursuivre le dialogue constructif établi avec le Gouvernement ces dernières semaines, afin de le voter in fine avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le Sénat a adopté à l’unanimité le projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer. Le texte soumis à notre examen aujourd’hui a pris un autre titre, qui correspond davantage à son véritable objet, et s’est étoffé de nombreux articles additionnels par rapport à la rédaction initiale, mais je ne doute pas, madame la ministre, que vous obtiendrez pour celui-ci le même succès qu’à la Haute assemblée dans notre hémicycle.

Le parlementaire de Saint-Barthélemy et Saint-Martin que je suis a quelques motifs de réelle satisfaction.

En premier lieu, bien entendu, l’article 1er de ce projet de loi vient corriger une douloureuse omission de la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer de 2012, en permettant enfin la création d’un observatoire des prix, des marges et des revenus à Saint-Barthélémy et à Saint-Martin et en rendant applicable à Saint-Martin le fameux « bouclier qualité prix ».

La commission des lois de notre assemblée a en outre prévu, sur proposition du Gouvernement, d’offrir aux présidents de ces observatoires la possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence pour avis sur toutes les questions de concurrence dont ils ont la charge. Sur un territoire comme Saint-Martin, perpétuellement exclu des dispositifs d’aides nationaux, pénalisé par sa double insularité et par la concurrence, autant rude qu’immédiate, de sa jumelle néerlandaise, toute mesure visant à lutter efficacement contre la cherté de la vie doit être, à mon sens, accueillie à sa juste valeur. Madame la ministre, soyez donc remerciée pour cette juste réparation.

En second lieu, permettez-moi de me réjouir de l’avancée significative que promet votre texte en matière d’application du code de la Sécurité sociale pour Saint-Barthélemy : l’organisme de la protection sociale et des allocations familiales de la collectivité devrait porter le nom de « caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy » et un conseil de suivi associant des représentants des institutions concernées devrait voir le jour.

La visite et l’engagement du chef de l’État lors de son déplacement sur le territoire de la collectivité en mai dernier et l’examen récent de la proposition de loi organique du sénateur de Saint-Barthélemy, Michel Magras, ont permis de mettre l’accent sur les attentes très fortes de cette jeune collectivité d’outre-mer, qui souhaitait être détachée de la Guadeloupe et disposer d’un régime plus adapté à ses spécificités.

L’article 26 bis A est également important, puisqu’il habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance visant à permettre aux agents publics des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution de rechercher et de constater par procès-verbal certaines infractions aux réglementations édictées localement, notamment en matière d’environnement, de chasse, de pêche, d’urbanisme, de stationnement payant ou de santé ou de salubrité publiques. Il en est de même de l’ordonnance n2014-470 du 7 mai 2014 portant dispositions pénales et de procédure pénale pour l’application du code de l’environnement de Saint-Barthélemy.

Si ce texte comporte quelques avancées satisfaisantes, je regrette cependant qu’il manque d’ambition et que sa ligne directrice soit si épineuse à délimiter. Développement économique et social, transports, aménagement du territoire, fonction publique, collectivités territoriales, sécurité intérieure, sûreté aérienne, nécessaires mises à jour pour évolutions statutaires diverses : cet inventaire à la Prévert, que je choisis d’arrêter à ce point, s’allonge au gré des amendements.

Je m’interroge toutefois : pourquoi engager la procédure accélérée sur ce projet de loi « fourre-tout », selon vos propres termes, madame la ministre ? Pourquoi examiner ces dispositions disparates en urgence et ne pas se donner les moyens, comme cela a été un moment évoqué par le Gouvernement, d’un grand texte ambitieux pour nos outre-mer ? Vous me répondrez que l’urgence présente au moins l’intérêt de nous éviter, au fil de la navette, de déboucher sur un texte de la taille du petit Larousse, à l’envergure finale incertaine…

En déplacement aux Antilles ou dans l’Océan Indien, je ne doute pas que le Président de la République et son Premier ministre ont respectivement pris la mesure de l’envers du décor de carte postale que constituent nos territoires ultramarins. Je parle d’emplois, de développement économique, de cohésion sociale, d’éducation, de logement ou de santé. Je parle du nécessaire rattrapage social et économique à mettre en œuvre sur des territoires qui participent de manière importante au rayonnement et à la richesse de notre pays.

Avec ce texte, vous prorogez, vous adaptez, vous prolongez, vous actualisez. Ne voyez aucune ironie dans mes propos : je ne sous-estime pas la portée de certaines mesures de votre projet de loi, en faveur duquel, encore une fois, je voterai. Je regrette simplement, madame la ministre, que nos outre-mer ne fassent pas l’objet d’un grand texte ambitieux et de nature à inverser radicalement la donne dans des territoires profondément enlisés dans la crise et qui méritent tellement plus que des mesurettes et une politique d’ajustements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le droit applicable en outre-mer est, il est vrai, une matière complexe, et ce texte, à lui seul, en est la démonstration.

Nous avons des statuts juridiques différents, des besoins différents selon nos spécificités. Le contexte, même s’il est insulaire pour chacun de nos territoires, à l’exception de la Guyane, est différent d’un territoire à l’autre, ce qui nécessite d’adapter les textes que nous votons ici à l’Assemblée nationale. Les réalités locales sont bien souvent éloignées des réalités continentales. À cet égard, il nous faut aussi permettre à la représentation nationale de mieux appréhender ces difficultés et ces spécificités.

Le présent projet de loi a été voté à l’unanimité au Sénat, puis en commission des lois de notre assemblée, ce qui démontre la volonté partagée des ultramarins siégeant dans ces deux assemblées d’améliorer sans cesse leur cadre juridique et d’être ouverts et tolérants quant aux difficultés que chacun rencontre sur son territoire.

Certes, ce texte est une loi-balai, pourrait-on dire, un projet de loi relatif à l’outre-mer qui traite de plusieurs sujets. Cependant, ainsi que je l’ai dit en commission, il me semble que de tels textes devraient être examinés chaque année, que l’examen de ce type de textes devrait être un rendez-vous périodique de notre assemblée. Je songe à une semaine de l’outre-mer à l’Assemblée nationale, au cours de laquelle on traiterait de l’ensemble de ces sujets, à une date fixe, pour permettre à nos territoires de mieux appréhender leurs besoins en amont.

Les textes relatifs à l’outre-mer, du fait de la complexité de leur application, mériteraient d’être plus lisibles, plus accessibles, plus intelligibles pour ceux qui pratiquent le droit au quotidien. Croyez-moi, ce n’est pas une tâche facile, et il me semble que le présent projet de loi permet des ajustements réellement nécessaires, même si certains d’entre eux peuvent être considérés comme mineurs, des ajustements pratiques qui facilitent l’application des textes et les rendent plus efficaces.

Je n’émettrai qu’une seule réserve : la forme utilisée aujourd’hui ne doit pas obérer le fond. Je souhaiterais réellement que l’on prenne le temps de mener les débats de fond qui sont nécessaires sur l’ensemble de ces points. Même si tous ces sujets sont abordés dans un seul et même texte, ils ont chacun une grande importance pour nos territoires. Ils concernent pour beaucoup d’entre eux des priorités qui nous sont propres. Je pense par exemple aux débats que nous avons eus en commission sur le foncier ou sur l’aménagement. Ce texte traite donc de sujets graves, très importants pour nous, ultramarins, qui méritent des débats de fond.

À cet égard, un rendez-vous annuel bien organisé permettrait à chacune des commissions concernées de s’exprimer et serait aussi l’occasion pour les députés de l’hexagone de mieux comprendre nos difficultés propres. Je tiens donc à remercier la rapporteure d’avoir repris cette idée dans son intervention d’hier soir. Je m’associe à cette volonté de mettre en place un rendez-vous annuel automatique et pérenne.

En ce qui concerne la Polynésie, le projet de loi permet des avancées importantes en matière d’intégration de nos agents dans la fonction publique communale. C’est le premier point majeur de ce texte, et je tiens à saluer l’action de l’État et du Gouvernement à cet égard. Nous ne pouvons qu’être satisfaits de la prise en compte de la nécessité de prolonger le processus inachevé d’intégration des agents de statuts particuliers.

Je souhaite souligner également la précision, importante, qui a été apportée au Sénat. La date limite de publication des offres d’intégration par les communes était le 12 juillet 2015, soit il y a quelques jours. La Polynésie compte 5 000 agents ; seuls 20 % d’entre eux ont été intégrés, ce qui signifie que 80 % ne le sont pas et sont donc directement concernés par ce que nous votons aujourd’hui. Ces derniers souhaitent avoir des garanties, madame la ministre. Je vous demanderai donc, si cela vous est possible, de confirmer officiellement que nous allons leur soumettre le décret d’application et que son contenu reprendra bien les termes des accords conclus au mois de février dernier entre les syndicats et les communes. C’est un point fondamental pour réussir la mise en œuvre de la fonction publique communale en Polynésie.

Un autre point important du texte est celui de l’élection du maire délégué d’une commune associée. Vous aviez soumis une proposition pour améliorer ce mode de désignation. Je vous remercie d’avoir pris en compte au Sénat la position de nos communes, qui ont demandé que l’on sursoie à cette décision jusqu’au congrès du mois de septembre, au cours duquel ils devraient s’entendre sur une position finale. Vous avez entendu ce message, madame la ministre, et je tenais à vous en remercier en leur nom.

Ne croyez pas que nous repoussons aux calendes grecques le règlement de cette problématique. Nous y reviendrons dans cet hémicycle avec des solutions qui auront fait l’objet d’une vraie concertation.

Je conclurai sur cette question des communes associées, qui n’est pas une petite question pour la Polynésie, chers collègues. Je vous rappelle que ce territoire a une surface maritime d’une superficie comparable à celle de l’Europe. Imaginez la moitié de la Corse fragmentée en 118 petits morceaux éparpillés sur une surface grande comme l’Europe : voilà qui vous donne un aperçu rapide de ce que peuvent représenter les difficultés de la Polynésie française, qui est composée de 118 îles, 48 communes, 96 au total avec les communes associées, qui sont nombreuses.

Sur un territoire où des communes associées se juxtaposent, l’intercommunalité peut s’organiser beaucoup plus facilement qu’entre neuf îles reliées chacune par bateau en deux ou trois heures. Un vrai débat de fond a lieu sur la notion de commune associée en Polynésie. Bien entendu, le mode de désignation de leur premier magistrat est d’importance, en particulier pour nos concitoyens.

Tels sont les deux points importants qui figurent dans le présent projet de loi. Le gouvernement de Polynésie a souhaité profiter de ce véhicule législatif pour demander à l’État d’améliorer certaines dispositions ou d’en étendre d’autres. Je tiens à nouveau à remercier l’État, la rapporteure et le président de la commission des lois, ainsi que tous ceux d’entre vous qui ont soutenu ces propositions en commission.

Je pense en particulier aux extensions d’homologation pour les peines d’emprisonnement. Le président de la commission des lois a soutenu l’idée que nous puissions travailler ensemble à un dispositif permettant de simplifier la méthodologie d’homologation de nos textes. Certains ont en effet été pris en 2006 ; devoir attendre près de dix ans une homologation est loin d’être efficace. Je m’associe donc à cette proposition du président Urvoas, qui concerne l’ensemble des collectivités qui, comme la nôtre et celle de la Nouvelle-Calédonie, doivent passer par une loi nationale pour homologuer des peines d’emprisonnement.

Se posait aussi la question de l’assermentation des agents des administrations de l’agriculture et de la santé. La commission a adopté des amendements visant à les autoriser à procéder à des fouilles et à étendre leurs pouvoirs de police administrative.

En outre, la commission des lois a accordé des dérogations à nos perliculteurs afin de faciliter le transport de leurs marchandises. Un certain nombre d’amendements sont également venus améliorer la lisibilité de nos textes.

Bien entendu, le groupe UDI votera en faveur de ce texte.

Il est vrai que les statuts juridiques de nos collectivités d’outre-mer sont différents. Cependant, je ferai un parallèle avec les propos du Premier ministre qui a parlé hier, lors du débat sur la Grèce, du partenariat avec l’Allemagne. Certes, les outre-mer ne sont pas du tout dans la même situation que la Grèce, mais ils sont tellement loin des réalités continentales ! L’autonomie de nos territoires est nécessaire pour y rendre l’application du droit plus efficace. En tant que territoires autonomes, nous nous considérons comme des partenaires de l’État. Le Premier ministre disait hier que des partenaires n’étaient pas toujours d’accord sur tout, mais qu’ils savaient se retrouver sur l’essentiel. C’est exactement ce que les Polynésiens souhaitent dans leur relation rénovée avec l’État. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, ce texte a pour objet de moderniser et de mettre à jour la législation en vigueur dans les différentes collectivités ultramarines. Il contient de nombreuses mesures d’ordre technique, sur des sujets très divers, le droit étant différent dans chaque collectivité.

Je disais donc que ce texte comportait beaucoup de mesures différentes.

Il concerne d’abord l’aménagement du territoire et vise à doter Mayotte et la Guyane d’outils d’aménagement particuliers, les établissements publics fonciers et d’aménagement.

Il entend également lutter contre la vie chère, qui est un fléau dans les collectivités d’outre-mer. Par exemple, il étend le « bouclier qualité-prix » pour les produits de base à Saint-Martin et prévoit l’intervention des observatoires des marges, des prix et des revenus à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy – notre collègue Gibbes en a parlé.

En matière de démocratie locale, il prévoit la création de maires adjoints de quartiers en Nouvelle-Calédonie et l’élection de maires délégués exprimant la préférence des électeurs locaux en Polynésie.

Dans le domaine social, il dote l’Agence des outre-mer pour la mobilité d’un statut d’établissement public administratif. Il met en conformité le droit social des gens de mer à Mayotte, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

En matière de sécurité, il étend les règles relatives à la lutte antiterroriste et au PNR dans les territoires où elles ne s’appliquaient pas encore. Il plafonne la détention d’armes individuelles en Nouvelle-Calédonie et actualise l’application de la législation sur les jeux à Wallis-et-Futuna.

Enfin, concernant la fonction publique, il crée des passerelles dont pourront bénéficier les agents de l’État et du territoire à Wallis-et-Futuna. Il améliore également la situation des agents non-titulaires en Polynésie française.

Ce projet de loi considère nos outre-mer dans leur originalité, leur diversité économique et culturelle, leur diversité de populations, qui imposent un certain nombre d’adaptations utiles mais aussi nécessaires. Ces territoires sont dynamiques, avec une richesse de vie et des spécificités locales qui sont des atouts majeurs pour diversifier leur économie, créer des emplois stables et de qualité. Il faut leur laisser la possibilité de s’organiser, dans des contextes économiques et sociaux parfois très différents de ceux de la métropole.

Les territoires d’outre-mer doivent bénéficier de marges de manœuvre importantes pour poursuivre leur développement. Il faut parfois casser certaines positions dominantes ou hégémoniques, et permettre une régulation et un contrôle des marchés plus efficaces. Il est en effet capital d’assurer la concurrence dans les outre-mer pour revenir à des prix raisonnables. De même, parler de contrôle, c’est aussi s’assurer que chaque opérateur économique n’exerce pas son activité de façon anarchique et nuisible pour le corps social, pour la société ou pour l’environnement.

Ces territoires doivent donc trouver leur voie, au sein ou en dehors de la République – c’est à eux d’en décider collectivement, dans le cadre d’un processus qui doit toujours rester démocratique.

À terme, ils doivent également constituer des pôles d’excellence en matière économique, de biodiversité et d’énergies renouvelables. Il leur faut conserver la perspective d’un changement de modèle de développement pour sortir d’un système linéaire, trop lié à la métropole et comportant trop de relents coloniaux. Ils doivent entrer dans une économie plus circulaire, recentrée sur la préservation de leurs ressources abondantes et riches, mais aussi en synergie avec les autres pays de leur zone, ce qui n’est pas toujours facile puisque les règles économiques, monétaires et sociales sont très différentes – les collectivités d’outre-mer sont plutôt alignées sur le modèle européen.

M. Serge Letchimy. Très juste !

M. Paul Molac. Le tourisme constitue aussi une réelle opportunité, s’il s’appuie sur un véritable développement local. De ce point de vue, la loi relative à la régulation économique outre-mer allait dans le bon sens.

Vous l’aurez compris, nous voterons ce projet de loi qui donne plus de marges de manœuvre aux outre-mer et qui permet de s’adapter aux réalités locales parfois très éloignées de nos réalités et de notre superstructure étatique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe Les Républicains et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure Paola Zanetti – je vous félicite pour votre rapport –, mes chers collègues, je remplace au pied levé mon collègue Joël Giraud à cette tribune.

Madame la ministre, Baudelaire aurait apprécié cette invitation au voyage que vous nous proposez ici et à laquelle nous répondons volontiers, même si la réalité du quotidien n’est pas toujours si poétique.

Revenons donc à la réalité. Le projet de loi présenté aujourd’hui a pour objectif de moderniser la législation en vigueur dans les collectivités d’outre-mer. En effet, chacun de ces territoires est confronté à des problématiques diverses et spécifiques, qui ne trouvent pas toujours de réponses adaptées dans le droit existant.

Vous l’avez vous-même expliqué, les dispositions contenues dans ce projet de loi recouvrent un champ varié, un large éventail qui tente d’apporter des solutions aux difficultés rencontrées par nos concitoyens ultramarins. Ces dispositions s’étendent du développement économique et social aux transports, en passant par l’aménagement du territoire. Il est aussi question de la fonction publique et des collectivités territoriales. Ont également été introduites des dispositions relatives à la sécurité intérieure ou encore à la sûreté aérienne.

Face à cette large palette de mesures que vous nous soumettez, et dont chaque territoire bénéficie, nous concentrerons notre propos sur les sujets relatifs aux territoires de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Guadeloupe et de l’île de La Réunion.

Concernant Saint-Pierre-et-Miquelon, il apparaissait nécessaire d’imposer des mesures de sûreté aux compagnies aériennes afin de nous mettre en conformité avec certains de nos engagements européens. Nous saluons ces dispositions.

S’agissant de la Guadeloupe et de La Réunion, nous approuvons absolument la prorogation, jusqu’au 31 décembre 2018, des agences de la zone des cinquante pas géométriques, afin d’éviter toute rupture de gestion dans cette zone. Cette prolongation fait suite, d’ailleurs, à un texte examiné par la commission des finances, qui s’était déjà saisie de cette question.

Conscients du fait que le coût de la vie et les prix des biens de consommation sont beaucoup plus importants dans les territoires ultramarins qu’en métropole, nous nous réjouissons des mesures adoptées qui vont dans le sens de la lutte contre la vie chère. En effet, l’article 1er du présent projet de loi étend le champ d’application territoriale de l’Observatoire des marges, des prix et des revenus à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. En outre, il rend applicable à Saint-Martin le « bouclier qualité-prix », c’est-à-dire les accords annuels de modération des prix. Ainsi, une meilleure prise en compte des besoins de la population devrait permettre une baisse sensible des prix applicables en outre-mer.

L’article 13 de ce projet de loi prévoit très justement le renforcement de la transparence financière, notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce qui devrait empêcher les usages illicites de produits financiers sophistiqués.

L’article 2 prévoit la transformation de LADOM en établissement public administratif. En effet, cette agence, chargée d’assurer la continuité territoriale entre les collectivités ultramarines et la métropole, connaît de graves difficultés financières. Or il est de notre devoir d’assurer une offre de formation ou, à défaut, de mettre en place des financements pour permettre à nos ressortissants de poursuivre leurs études ou de suivre une nouvelle formation professionnelle, quel que soit leur lieu de résidence. À ce sujet, certains de nos collègues ont pu critiquer en commission l’insuffisance de l’offre de formation dans les outre-mer, obligeant l’État à trouver des solutions de scolarisation en métropole – une situation qu’il convient en effet de corriger.

L’un des objectifs du présent texte est de rendre effectives sur les territoires ultramarins certaines dispositions déjà prévues, mais qui ont fait jusqu’ici l’objet de règles dérogatoires quant à leur applicabilité. En effet, il est souhaitable d’organiser la mise en œuvre effective et immédiate des mesures adoptées qui améliorent la vie quotidienne des habitants ou le potentiel de développement économique des territoires. Je pense notamment à l’application des nouvelles dispositions en matière de services à la personne, de sécurité sociale ou encore de transports.

Permettez-moi d’exprimer un regret : parmi les divers sujets abordés dans ce texte, on ne trouve pas de dispositions spécifiques au développement de la biodiversité, véritable atout de notre pays. À quelques mois de la COP 21, la conférence sur le climat à Paris, il est dommage qu’il n’ait pas été tenu compte des demandes et propositions de nos collègues élus en outre-mer. Aussi encourageons-nous le Gouvernement à ouvrir un vrai dialogue sur ces enjeux.

Mon collègue Stéphane Claireaux est récemment revenu sur la nécessité de valoriser le parc maritime français, dont plus de 80 % se situent dans les outre-mer. Il serait souhaitable de mettre l’accent sur le développement de la politique maritime de la France, qui représente un important potentiel économique, tant en termes d’échanges commerciaux qu’en matière de ressources premières présentes dans nos fonds marins. À l’heure où la situation économique est dégradée, il apparaît pertinent d’aller chercher les solutions au-delà de la seule métropole.

Cependant, parce que ce texte a pour objectif de moderniser et d’actualiser des dispositions obsolètes applicables dans les outre-mer, et en raison des avancées notamment sociales qu’il contient, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du fait de son aspect multiforme, ce texte est une invitation à l’ajout de dispositions nouvelles et diverses. Pour ma part, dans une démarche inverse, je consacrerai mon intervention à la deuxième section, celle qui porte sur la continuité territoriale.

Plus de cinquante ans après sa création, après deux changements de dénomination et plusieurs redéfinitions de ses missions, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité s’apprête à changer de statut. Créé en 1961 sous la forme d’une société d’État, cet opérateur va devenir un établissement public administratif, ce qui le mettra en adéquation avec les missions de service public qu’il assure.

Au moment où cet organisme va connaître une évolution statutaire importante – j’y reviendrai de façon plus précise au moment de l’examen des articles –, il paraît important d’assortir cette transformation d’une réflexion sur les conditions dans lesquelles s’organisent les déplacements entre les outre-mer et l’hexagone. Ce sujet ne relève d’ailleurs pas des seuls outre-mer, ne serait-ce que parce qu’après New York et Montréal, ces liaisons font partie des cinq plus importants long-courriers français.

Depuis la révision à la baisse, il y a quelque mois, du dispositif d’aide à la continuité territoriale, la question de la mobilité et, plus généralement du désenclavement aérien, occupe le devant de la scène, particulièrement à La Réunion.

Dans aucune autre région d’outre-mer, le débat n’est aussi vif. L’absence d’étude d’impact préalable n’a permis ni d’évaluer avec précision toutes les conséquences de la réforme pour chacun des territoires, ni de mieux cibler les nouveaux critères.

À ce jour, moins de 2 % de la dotation de 5 millions allouée à La Réunion pour l’année 2015 a été utilisée et le nombre de bons délivrés par LADOM est passé de 16 000 l’an dernier à 252. En fait, depuis la réforme, l’aide à la continuité territoriale n’est quasiment plus financée par l’État mais par les Réunionnais eux-mêmes, par le biais d’un dispositif que la région Réunion a choisi de mettre en place au détriment d’autres actions qui, elles, relèvent de sa seule compétence.

La question du désenclavement aérien est sans aucun doute plus sensible à La Réunion. En raison, d’abord, non seulement de tarifs plus élevés, mais aussi d’une saisonnalité des prix encore plus marquée et que n’explique pas le seul critère de la distance. Selon les spécialistes, il faut aussi tenir compte de la moindre productivité des avions sur la desserte réunionnaise. La plupart des vols étant effectués la nuit, les appareils font un aller-retour tous les deux jours au lieu de repartir immédiatement, comme aux Antilles.

Il y a aussi le fait que les Réunionnais sont les plus nombreux à n’avoir jamais quitté leur île : 26 % contre 13 % pour les Martiniquais. Et vous êtes particulièrement bien placée, madame la ministre, pour confirmer que la réalité de la migration présente, elle aussi, des traits différents selon qu’il s’agit des Antilles ou de La Réunion ; que, par exemple, pour les migrants réunionnais, les retours périodiques sont encore plus difficiles car, moins présents dans la fonction publique, ils sont moins nombreux à bénéficier des congés bonifiés.

Pour bien prendre la mesure de la situation, il faudrait également mentionner le coefficient de périphéricité, certes calculé pour le transport maritime, mais qui révèle qu’en temps de trajet réel, La Réunion est cinq fois plus éloignée qu’elle ne l’est géographiquement de l’espace européen et que, de toutes les régions ultrapériphériques, elle est la moins bien desservie.

Loin de moi de méconnaître les arrière-pensées politiciennes qui prospèrent autour de la continuité territoriale. Mais il est évident que le désenclavement aérien de La Réunion demande, lui aussi, une approche modernisée et adaptée aux nouveaux enjeux dictés par la mondialisation. Un véritable désenclavement exige des solutions durables avec des tarifs accessibles à tous, à l’opposé des onéreux remèdes à court terme et en trompe-l’œil aujourd’hui proposés.

Un grand travail de clarification et de transparence est devenu indispensable : sur la formation des prix, sur la surcharge transporteur, sur l’impact du carburant et sur l’influence des aides elles-mêmes sur les tarifs.

De même, il n’est plus possible de passer sous silence l’incompatibilité entre les règles commerciales internationales qui régissent cette desserte et son caractère éminemment social. Notre desserte aérienne ne doit plus être le lieu où le principe d’égalité se heurte au dogme de la concurrence libre et non faussée qui inspire les politiques européennes. L’égalité réelle est aussi à ce prix.

L’urgence d’une vraie réforme saute aux yeux. Elle devra permettre l’avènement d’une ligne « Réunion-Paris » qui concilie appartenance géographique et statut politique. Le principe de continuité territoriale, dont l’application la plus accomplie se rencontre en Corse, n’est ni une variable d’ajustement budgétaire ni le lieu de surenchères politiciennes. Puisse LADOM, dans sa nouvelle formule, participer au désenclavement, donc au développement, de La Réunion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à saluer le travail effectué par notre collègue Paola Zanetti, rapporteure de la commission des lois, qui a su, en peu de temps, cerner avec finesse les réalités et les enjeux de nos territoires ultramarins.

Nous lui devons la réécriture du titre de ce projet de loi relatif à l’actualisation du droit des outre-mer. Malgré tout, cet objectif « d’actualisation » m’interroge au plus haut point.

L’article 5 relatif à l’établissement public d’aménagement de Guyane – l’EPAG – ne répond qu’à la marge, pour ne pas dire que de manière palliative, aux enjeux du foncier agricole. En effet, ce projet de loi vient consacrer un établissement créé il y a près de vingt ans.

Depuis 1996, il comprend trois domaines d’activité : l’aménagement en faveur du logement, l’aménagement en faveur du développement économique et l’aménagement en faveur de l’agriculture.

En 1999, la loi d’orientation agricole a attribué le droit de préemption aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER.

En Guyane, faute de SAFER, ce n’est qu’en 2006 que ce droit de préemption a finalement été transféré à l’EPAG. Et il n’est toujours pas exercé !

L’ordonnance du 8 septembre 2011 a acté la séparation des activités de foncier et d’aménagement pour tous les établissements publics de l’État disposant de cette double compétence.

À l’article 7, madame la ministre, vous avez fait le choix, dans ce projet de loi, de déroger à cette séparation pour l’EPAG, choix que je peux partager. Mais force est de constater que l’EPAG ne peut à lui seul, et sans moyens adéquats, gérer l’ensemble des problématiques et enjeux fonciers que rencontre notre territoire.

Faute d’opérateur foncier agricole dédié en Guyane, ce qui est unique en France, la spéculation foncière s’est développée à grands pas et a dévoré des espaces jusque-là réservés à l’agriculture.

Des terres agricoles sont laissées en friche à des fins spéculatives, des divisions foncières sont opérées pour favoriser la vente de parcelles dont la superficie ne permet plus une exploitation agricole viable.

Pour vous donner une idée, chers collègues, les terres agricoles se vendent à 5 euros le mètre carré. Entre 2005 et 2011, près de 4 000 hectares de terres agricoles ont été définitivement perdus. Soit l’équivalent de dix terrains de football par semaine ! Si encore c’était pour cela, je pourrais l’admettre !

Cette perte croissante des terres agricoles vient mettre à mal un modèle économique, culturel et cultural pourtant consacré, du moins dans ses grands principes, par la récente loi d’avenir agricole.

La consolidation des agricultures traditionnelles, le renforcement des filières de diversification, le soutien à l’agriculture vivrière, l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs et la satisfaction de la demande alimentaire territoriale par des productions locales passent nécessairement par la mise place d’outils adaptés.

Sans ces outils, madame la ministre, dites-moi comment lutter efficacement contre la spéculation foncière ? Comment favoriser le maintien et la transmission des exploitations existantes ? Comment soutenir le développement de notre agriculture ?

C’est pourquoi madame la ministre, j’interpelle le Gouvernement sur l’absence d’une politique foncière réelle de l’État, qui, je le rappelle, est propriétaire de 95 % des plus de 80 000 kilomètres carrés de la Guyane. Il en va de notre pacte républicain et de la conciliation qu’il permet entre nos singularités et notre appartenance commune à la République.

Le Premier ministre a récemment souligné à propos des langues régionales – et j’adresse là un clin d’œil au président de la commission des lois – le week-end dernier à Ouessant « qu’il n’y a que ceux qui ont peur de ce qu’est la France qui ne veulent pas des particularités et des différences ».

Madame la ministre, au nom du Gouvernement, démontrez-moi que vous savez ce qu’est la France et que vous n’avez pas peur des particularités et, encore moins, des différences de la Guyane. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet d’actualiser le droit applicable en outre-mer et, en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, cette actualisation est limitée à un certain nombre de dispositions de notre code des communes ainsi que d’autres champs normatifs qui nécessitaient l’intervention de la loi s’agissant de compétences de l’État même si celles-ci sont, vous le savez, résiduelles, pour l’essentiel limitées aux compétences régaliennes et à la procédure pénale.

Un certain nombre d’amendements permettent à la Nouvelle-Calédonie d’envisager un effort particulier notamment en ce qui concerne l’habitat social. Un amendement permet désormais à l’État, dès lors que la liste de parcelles aura été établie annuellement, de céder gratuitement des terrains aux collectivités pour la réalisation d’équipements publics ou aux opérateurs d’habitat social pour la réalisation de programmes de logements sociaux.

Nous devons construire environ 1 100 logements sociaux par an, ce qui n’est pas une mince affaire, pour permettre de résorber l’ensemble des demandes. Bien évidemment, certains terrains de l’État sont susceptibles d’être utilisés dans cette perspective.

D’autres amendements vont dans la bonne voie, je pense notamment à celui qui vise à plafonner les frais bancaires sur les comptes inactifs. C’est très utile car la législation applicable dans notre territoire n’est pas la même que celle de la métropole. En effet, un compte est considéré comme inactif en Nouvelle-Calédonie, dès lors qu’il n’a pas connu de mouvements pendant trois mois alors que dans la législation métropolitaine, cette durée est de douze mois.

C’était bien sûr un procédé abusif de la part des banques et il est heureux que cet amendement soit en cours d’adoption.

D’autres amendements devraient être adoptés. Je pense à l’ensemble des habilitations qui ont été sollicitées pour que le Gouvernement puisse légiférer par ordonnance en ce qui concerne un certain nombre de compétences qui sont les siennes en Nouvelle-Calédonie et sur lesquelles son intervention est urgente.

J’ai noté, madame la ministre, que le Gouvernement avait déposé un amendement en ce sens : c’est de bon augure et je vous remercie.

Un point central est la question des armes et de leur plafonnement à quatre par personne. Je tiens à rappeler brièvement l’historique. À la fin de l’année 2013, je suis intervenu dans cet hémicycle pour demander que la réglementation des armes soit revue dans un sens précis et j’ai plaidé pour que des conditions liées à la personne soient instaurées, visant notamment à ce que l’on ne permette pas à certaines personnes de détenir ou d’acquérir des armes dans notre pays.

Ce n’est pas l’arme en elle-même qui est dangereuse, mais l’usage qui peut en être fait par une personne qui n’a pas les capacités ou la santé mentale nécessaires pour l’utiliser. Ces conditions devraient selon moi s’articuler autour de deux principes. Premièrement, toute personne ayant été condamnée pour des faits de violence, quels qu’ils soient, serait interdite de détention ou d’acquisition d’armes. Deuxièmement, toute personne ayant des antécédents psychiatriques ou ayant suivi un traitement psychiatrique sans son consentement serait également interdite de détention ou d’acquisition d’armes.

Ces dispositions ont été étudiées par le Gouvernement qui a indiqué qu’elles relevaient du domaine législatif s’agissant d’atteinte à des libertés publiques. Dès lors, ne pouvant faire l’objet d’un décret, elles sont restées en suspens.

Entre-temps, un décret est intervenu, lequel prévoyait le plafonnement à quatre armes par personne en ce qui concerne les adultes. Dans un avis, le Conseil d’État a indiqué que là aussi il s’agissait d’atteinte à une liberté publique. Voilà la raison pour laquelle nous retrouvons cette disposition dans la loi d’actualisation du droit des outre-mer.

Je précise que cette disposition ne va strictement rien régler. Il ne s’agit pas de désarmer des Calédoniens qui détiennent légalement des armes et qui sont pour 95 % d’entre eux des chasseurs. La question est de savoir comment éviter qu’un certain nombre de personnes puisse acquérir des armes sans avoir la capacité d’en assumer le fonctionnement et sans devenir un danger pour autrui ou pour elles-mêmes.

Telles sont, madame la ministre, les observations que je souhaitais faire sur ce sujet. Je les développerai davantage au cours de l’examen des amendements.

M. Daniel Gibbes. Très bien.

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi relatif à l’actualisation du droit des outre-mer a été en partie détourné de son objectif initial. À l’origine il s’agissait de faire les mises à jour qui s’imposaient. Certaines coulent de source, comme l’extension de la durée de vie des agences des cinquante pas géométriques et de la gestion de la transition entre la date de mise en place de la Collectivité territoriale de Martinique et les mois qui suivent cette installation.

À propos de cette installation, certains bien-pensants disent tout et son contraire. Il serait donc de bonne opportunité de rappeler la place que pourraient avoir les maires élus dans cette collectivité, afin que les futures élections ne se déroulent pas dans un climat d’« insécurité juridique » entretenu par des politologues particulièrement pointilleux et soucieux.

Au départ, il était également prévu de moderniser. Des propositions fécondes devaient être formulées, dans le but d’élargir les compétences et le champ d’action de la nouvelle collectivité. Chemin faisant, le projet de loi est devenu un véritable fourre-tout, un « kalalou » truffé de redondances et de contradictions surprenantes. Le temps m’étant compté, je n’en parlerai pas plus avant.

Madame la ministre, pour éclairer ma lanterne politique, je vous poserai quelques questions qui m’intriguent.

En premier lieu, quelle appréciation portez-vous, sur la création par une collectivité d’une sorte d’« INSEE bis » dont le rôle essentiel est de nier et de contester les chiffres désavantageux de l’Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE – officiel et de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer – IEDOM –, et dont le président est, de surcroît, un fonctionnaire, ancien directeur de l’INSEE officiel ?

En deuxième lieu, la transformation de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité en établissement public à caractère administratif, avancée notable selon vos dires, ne saurait léser les intérêts des agents transférés.

Pour ce qui est, en troisième lieu, de l’habitat indigne et insalubre, j’ai voté la loi relative à cette question, tout en pointant du droit les difficultés à surmonter. Certains maires ont autorisé l’occupation de terrains n’appartenant pas à la collectivité qu’ils présidaient. Ne pouvant régler ces problèmes, on se défausse maintenant sur l’État pour faire déguerpir les occupants, ce que l’État accepte avec une candeur déconcertante : quand l’État le veut, il peut assumer des rôles ingrats, selon les cas – et selon les personnes !

En quatrième lieu, à propos du retour dans les outre-mer des fonctionnaires travaillant en France, le Président de la République s’est engagé, lors de sa visite dans l’île de la Réunion, le 21 août 2014, à ce que soit retenu le critère de l’ancienneté de la demande formulée. Cet engagement n’a pas été tenu. À quand sa prise en compte ?

En cinquième lieu, je terminerai par une demande que j’ai eu l’occasion de formuler ici même à propos du transfert de compétence de la zone économique exclusive – ZEE – à la collectivité territoriale de Martinique. J’ai en effet déposé deux amendements en ce sens, qui ont été frappés d’irrecevabilité budgétaire.

Rappelons que la ZEE est une création consacrée par la convention de Montego Bay signée le 10 décembre 1982 et ratifiée en 1994. Rappelons également que les régions d’outre-mer exercent déjà les compétences définies aux articles L. 611-31 et L. 611-32 du code minier ayant trait au domaine public maritime.

Gageons que ces amendements, déclarés irrecevables aujourd’hui, trouveront leur aboutissement à l’instar de nos amendements sur les cinquante pas géométriques, déclarés irrecevables les années passées et que vous avez repris à votre compte.

Madame la ministre je reste très attentif et me tiens à l’écoute des réponses appropriées que vous nous apporterez.

M. le président. La parole est à Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer ici l’initiative de ce projet de loi relatif à l’actualisation du droit en outre-mer. Les enjeux spécifiques que recouvrent nos territoires méritent que nous leur apportions une attention particulière. C’est un bon signal envoyé à l’ensemble de nos concitoyens ultramarins pour clarifier le bon fonctionnement de nos économies et améliorer notre quotidien.

Je ne reviendrai pas ici en détail sur l’ensemble des cinq grands domaines qu’aborde ce texte, mais permettez-moi de me focaliser très rapidement sur certains points. Nous reviendrons précisément, au cours de l’examen du projet de loi, sur ces points qui ont un écho sur le territoire que mes collègues et moi-même avons l’honneur de représenter ici.

Actualiser le droit de l’outre-mer est essentiel, car actualiser nos pratiques, nos textes et nos institutions, c’est aussi faire un pas supplémentaire vers l’égalité réelle.

Les prix outre-mer sont parfois jusqu’à 40 % supérieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone. François Hollande, candidat, avait promis d’y travailler. C’est aujourd’hui chose largement engagée pour un grand nombre de départements d’outre-mer et le présent projet de loi propose d’étendre ce travail à Saint-Martin.

J’ai été missionnée pour évaluer l’impact de la loi de régulation économique outre-mer et rendrai prochainement mon rapport, mais des mesures telles que la création des observatoires des prix, des marges et des revenus – OPMR – ou le bouclier qualité-prix méritent déjà d’être remarquées et étendues autant que possible. Cette dernière initiative permet en effet aux préfets de négocier avec les entreprises afin d’obtenir des prix modérés pour certains produits. À la Réunion, en particulier, cette baisse des prix a été de l’ordre de 15 % sur plus de 100 produits et a ainsi favorisé la production locale. C’est une réussite pour les consommateurs réunionnais et pour le pouvoir d’achat.

Du travail reste bien entendu à faire et des améliorations sont encore possibles. M. Victorin Lurel et moi-même avons ainsi déposé un amendement tendant à renforcer le pouvoir du président de l’OPMR pour accéder aux comptes sociaux des entreprises, afin de faciliter le travail de ces observatoires dans l’intérêt général des consommateurs.

La mobilité est, nous l’avons dit, un sujet qui nous préoccupe tous, particulièrement en cette période post-examens où les jeunes finalisent leurs projets de départ pour apprendre et se former avant de rendre le meilleur à des territoires auxquels ils sont très souvent attachés. Ainsi, LADOM offre des facilités financières à nos jeunes qui souhaitent se rendre dans l’Hexagone, notamment pour y poursuivre des études, et assure la fonction essentielle de la continuité territoriale.

Le projet de loi prévoit la transformation de LADOM en établissement public administratif. C’est une réponse aux dérives constatées dans la gestion de cette institution. En effet, la situation financière de l’agence s’est dégradée depuis plusieurs années, avec des déficits de trésorerie récurrents. Une actualisation du statut de LADOM paraît donc plus que nécessaire.

Néanmoins, il me paraît également urgent que nous puissions discuter d’une association plus pérenne et efficiente des usagers à l’amélioration du service rendu, car force est de constater que l’accès à ce dispositif reste complexe et que cette complexité est renforcée, pour ce qui concerne la Réunion, par une opacité très partisane qui rend la continuité territoriale confuse et entraîne une dégradation considérable du service public, préjudiciable à nos concitoyens.

Les très petites et moyennes entreprises, constituées d’hommes et de femmes emplis de volonté et d’ambition, sont de véritables moteurs de la croissance d’aujourd’hui et de demain. Cependant, elles rencontrent de nombreuses difficultés, par exemple en matière de délais de paiement. Alors que ces délais peuvent, dans les outre-mer, dépasser plusieurs mois, voire un an, ils ne sont que de quelques semaines ici, sur le territoire hexagonal. C’est une différence très importante, qui n’est pas supportable pour nos entreprises. Je vous propose donc, madame la ministre, que nous travaillions de concert sur ce sujet, afin de trouver rapidement des solutions pour nos compatriotes entrepreneurs.

Pour ce qui concerne les fonctionnaires ultramarins, de nombreux questionnements s’élèvent. Sur ce point également, plusieurs de mes collègues et moi-même avons déposé un amendement tendant à ce que leurs centres d’intérêts moraux et matériels soient pris en compte et soient mentionnés dans la loi, car nous sommes convaincus que, dans la mesure des postes disponibles et dans la transparence, il est important que nos territoires récupèrent ces forces vives qui nous ont quittés, parfois, depuis plus de quinze ans. Nous aurons, madame la ministre, l’occasion d’en débattre au cours de l’examen de ce projet de loi.

Emploi, croissance, pouvoir d’achat : les sujets sur lesquels nous avons dû travailler d’urgence à notre arrivée au pouvoir sont nombreux. Trois ans après, les mesures commencent à porter leurs fruits. Nous avons pris à bras-le-corps de nouvelles problématiques, telles que la continuité territoriale ou la mutation des fonctionnaires. Nous aurons, je l’espère, très prochainement l’occasion de débattre à l’Assemblée de l’égalité réelle pour continuer à montrer à nos territoires que le Gouvernement et sa majorité veulent aller plus loin. Les chemins sont encore longs, mais la détermination est intacte et solide. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde.

Mme Sonia Lagarde. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, derrière l’apparence d’un texte qui embrasse un grand nombre de sujets, il y a une idée à la fois simple et ambitieuse : rendre à l’outre-mer sa juste place dans la loi de la République, et c’est bien là que réside, au fond, toute l’importance de ce projet. En effet, les grands débats qui se nouent dans cet hémicycle ne font pas toujours droit à l’ensemble des spécificités qui façonnent nos territoires respectifs.

Sans pouvoir prétendre à l’exhaustivité, je consacrerai mon propos à trois sujets qui me tiennent particulièrement à cœur.

Tout d’abord, je me réjouis de deux dispositions contenues dans ce projet de loi, qui tendent à rapprocher le droit applicable en Nouvelle-Calédonie du droit commun métropolitain.

En premier lieu, le projet donne la possibilité aux villes de plus de 80 000 habitants, donc à Nouméa, de se doter d’adjoints au maire supplémentaires chargés des quartiers, comme cela se pratique en métropole depuis 2002 à la suite de l’adoption de la loi sur la démocratie de proximité. C’est, pour le maire que je suis, un réel progrès vers plus de démocratie locale.

En second lieu, figure dans ce texte une disposition habilitant le Gouvernement à adapter par ordonnance à la Nouvelle-Calédonie et aux collectivités régies par l’article 74 de la Constitution les règles permettant aux agents publics de verbaliser certaines infractions aux réglementations édictées localement en matière d’environnement, de chasse, de pêche, d’urbanisme, de santé ou de salubrité publique. Je tiens à vous en remercier, madame la ministre, car c’est le fruit de nombreuses interventions auprès de votre ministère qui se trouve concrétisé.

Mais cela traduit aussi, il faut le dire, la vigilance que nous devons exercer pour que nos territoires ne soient pas les oubliés des textes de loi.

Il y a sur ce deuxième point une attente forte en Nouvelle-Calédonie et je crois pouvoir dire, par ailleurs, qu’à l’heure où nombre de nos outre-mer font face à une montée inquiétante des incivilités et de la délinquance, il y a une véritable urgence à doter les polices municipales de rôles et de pouvoirs équivalents à ceux dont disposent leurs homologues métropolitains.

Ces deux réels motifs de satisfaction ne m’empêchent pas, madame la ministre, de vous renouveler mes réserves et, en réalité, mes craintes quant à l’article 17 relatif au contrôle des armes en Nouvelle-Calédonie. Les Calédoniens, dont beaucoup sont chasseurs, vivent d’autant plus mal l’instauration de quotas que l’État n’a pas véritablement pris la peine d’engager sur place une vraie concertation avec les acteurs des différentes filières, qu’elles soient de chasse ou de tir sportif.

L’État ne peut pas passer en force, madame la ministre : il doit privilégier le dialogue avec les parties concernées – les associations, les fédérations – afin de trouver avec elles le meilleur compromis puisque, selon toute vraisemblance, l’article 17 sera maintenu.

Comme je l’ai dit en commission, je demeure résolument opposée à cet article. Toutefois, à défaut d’une suppression, et en réponse à mon intervention en commission, vous avez proposé d’engager la concertation avant l’application du décret. J’en ai pris acte ; cependant, je souhaite que vous nous précisiez que le décret est aujourd’hui une page blanche et que celle-ci sera écrite après le dialogue et la concertation.

Madame la ministre, privilégier le dialogue et la concertation vaut toujours mieux que la rue, car il ne peut y avoir de législation efficace sans ces deux éléments. Il vous faut prendre la voie de la sagesse sur ce sujet.

D’autre part, je tiens à réaffirmer ici que les agressions et homicides commis par armes à feu en Nouvelle-Calédonie, en particulier envers les forces de l’ordre, ne sont en aucun cas l’œuvre de chasseurs mais bien celle de petits délinquants dont les armes, loin d’être achetées légalement, proviennent le plus souvent de cambriolages. Ce point devait être précisé afin d’éviter tout amalgame : les chasseurs calédoniens sont des gens responsables et respectables, qui ne tirent pas sur les gendarmes.

Pour conclure, notre collègue Maina Sage a fait une excellente proposition en commission, qui consiste à adapter annuellement des textes de loi afin de rendre aux outre-mer, tant dans leur diversité que dans leurs spécificités, leur juste place dans la loi de la République. Je pense qu’elle a été entendue et je souhaite que cette proposition soit prise en compte.

Mme Maina Sage et M. Daniel Gibbes. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je souhaite tout d’abord revenir sur le débat d’hier portant sur la Nouvelle-Calédonie : j’ai été extrêmement marqué par l’intervention de notre collègue Marion Maréchal-Le Pen, dont les propos montrent bien qu’une grande partie de la France demeure dans la nostalgie coloniale, de l’empire français, du non-droit à l’autodétermination des peuples et de l’incapacité des peuples à s’assumer, soulignant ainsi l’incapacité de la France à comprendre que les libertés et les particularités font partie d’un universel qu’il faut conjuguer ensemble – je tenais à le dire !

Pour en revenir au présent texte, celui-ci contient des points extrêmement intéressants, madame la ministre, car vous avez fait des avancées qu’il faut relever – c’est quasiment historique ! Ainsi, concernant la zone des cinquante pas géométriques, cela fait plusieurs centaines d’années que nous nous en occupons, plusieurs centaines d’années que la bande littorale est gérée d’abord dans le cadre colonial, puis, plus récemment, par l’État.

Après l’amendement de M. Larcher au Sénat, qui avait déjà enclenché le processus, nous avons décidé ensemble de prolonger de cinq ans – et non pas de trois ans – l’activité des agences de la zone des cinquante pas géométriques – je vous en remercie ! Il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle prolongation de trois ou de cinq ans, mais d’un véritable transfert aux collectivités. Vous avez accepté cette proposition, ce dont nous nous en réjouissons car, ainsi, toutes les zones urbaines seront traitées de manière cohérente.

Autre avancée considérable : l’habitat indigne. Des amendements ont permis aux communes d’intégrer, dans leur plan local de l’habitat, dit PLH, un plan local communal de résorption de l’habitat indigne.

L’autorité organisatrice de transport unique, dite AOTU, est historique puisque nous allons installer la première autorité unique du transport en outre-mer. Vous avez accepté de moderniser cette partie du texte, nous permettant de rendre beaucoup plus performante l’organisation locale du transport.

Nous avons tout fait pour que la collectivité territoriale de Martinique soit prête administrativement, techniquement, budgétairement et comptablement à assumer cette responsabilité, dès que le peuple aura choisi. Vous avez accepté d’être très attentive pour éviter un gap entre le vote et le fonctionnement de la collectivité.

Mais nous conservons quelques petits points de débat et de discussion. Je considère que c’est dans la différence de points de vue et de conceptions que l’on peut enrichir un texte. Ce texte est du reste fait pour être enrichi, ainsi que Mme Zanetti l’a affirmé à plusieurs reprises.

Concernant le gros dossier de l’octroi de mer – qui n’est pas dans le texte – et du règlement général d’exemption par catégorie, je présente un amendement dont vous imaginez bien qu’il n’est pas destiné à être approuvé, puisqu’il a pour objet la rédaction d’un rapport alors que le président de la commission des lois est opposé aux rapports. Mais il vise simplement à poser le problème : il faut absolument que le Gouvernement réponde et rassure tout le monde sur la fiabilité juridique du choix de placer l’octroi de mer sous le statut du RGEC configuré par Bruxelles.

Autre sujet important : l’aide au fret, utilisée aujourd’hui presque uniquement, dans le cadre des intrants, dans une relation hexagone-Martinique et hexagone-Guadeloupe. Nous considérons qu’il faut absolument, comme cela a été indiqué par nos collègues, qu’existe une relation extrêmement puissante de dynamique économique avec les pays tiers ou, à tout le moins, si l’on ne peut pas avoir de relations économiques et d’échanges commerciaux avec les pays tiers, autoriser que ces relations se fassent entre la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Martin, entre La Réunion et Mayotte ! Aujourd’hui, il n’est pas possible d’utiliser l’aide au fret.

Dernier sujet extrêmement important : l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité. Dans les années 1960, nous avons créé – je dis « nous » pour ne pas stigmatiser qui que ce soit – le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer, ou BUMIDOM, qui a aspiré démographiquement les populations, conduisant à une catastrophe démographique dans plusieurs pays d’outre-mer, dont la Martinique et la Guadeloupe, peut-être plus encore qu’à La Réunion : entre 2007 et 2014, 16 000 personnes ont quitté la Martinique ! La population risque de tomber à 300 000 d’ici à 2030 si jamais nous ne réagissons pas.

Bien entendu, madame la ministre, concernant la question de son statut, il n’est pas dans mon intention d’alourdir LADOM par un dispositif nouveau ; mais je veux absolument que le Gouvernement réponde à la question de la migration retour !

LADOM doit-elle servir seulement dans un sens, concernant la formation ou l’organisation des déplacements ? Ou bien affirme-t-on clairement qu’il faut absolument que les deux jeunes sur trois qui partent à l’extérieur et ne reviennent pas en Martinique puissent bénéficier ici, en Angleterre ou ailleurs, de plateformes à Paris – LADOM ou autre –, nous permettant de les faire revenir dans leur pays pour accompagner le dispositif de mobilisation et de dynamique de développement ? Il s’agit d’un enjeu majeur : nous n’avons pas le droit de ne pas traiter ce problème ! Je demande au Gouvernement de se saisir de cette question.

Pour en revenir à l’octroi de mer et au RGEC, je considère que nous devons tous nous mobiliser, à vos côtés et avec certainement l’appui du Président de la République, car la négociation sera extrêmement compliquée avec Bruxelles qui ne veut pas entendre parler des articles 107 et 349 du Traité de Lisbonne. En effet, cette négociation, si elle n’est pas parfaite ni bien faite, risque de nous mettre en difficulté.

Je souhaite enfin répondre à mon collègue Alfred Marie-Jeanne, qui a voulu que l’on éclaire sa lanterne politique – je n’ose pas dire autre chose. L’INSEE est une structure d’État qui n’assume pas ses responsabilités sur le plan local, donnant des statistiques à l’outre-mer avec un décalage d’un à deux ans.

En tant qu’indépendantiste, M. Marie-Jeanne devrait se réjouir autant que moi, qui suis autonomiste, que la Martinique ait fait le choix de créer un outil nous permettant de mener des politiques publiques cohérentes sur place, avec des chiffres au jour le jour.

Je suis très content que M. Para, ancien directeur de l’INSEE, ait accepté de mener cette bataille : cela nous permettra de ne pas naviguer à vue en attendant systématiquement que les solutions viennent de Paris. Je n’ai pas compris l’intervention de M. Marie-Jeanne, mais je me permets de lui répondre très directement parce qu’il s’agit d’une création de la région Martinique, dont je suis extrêmement fier !

M. le président. La parole est à M. Napole Polutélé.

M. Napole Polutélé. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, je veux en tout premier lieu, madame la ministre, vous dire combien je me réjouis de votre présence ici, au banc des ministres, car elle est la preuve d’une santé retrouvée.

Après votre prédécesseur, notre collègue Victorin Lurel, vous imposez les outre-mer au centre de l’action gouvernementale et les textes qui nous concernent occupent largement notre assemblée. Celui, très dense, que vous nous présentez permet d’apporter des réponses aux problèmes des outre-mer dans leur grande diversité.

Permettez-moi, madame la ministre, de considérer le cas de Wallis-et-Futuna. Notre territoire est inquiet. Une seule donnée suffit à prendre la mesure du péril : notre population ne cesse de diminuer et les projections sont particulièrement inquiétantes. Il nous faut donner les moyens d’inverser cette tendance, c’est-à-dire, en premier lieu, de saisir toutes les possibilités de créer sur place de la richesse et d’offrir du travail aux habitants.

Ce texte apporte, en son article 9, une première réponse au problème des fonctions publiques. Cela me semble satisfaisant. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour remercier Mme la rapporteure Paola Zanetti et M. Aboubacar, mon collègue du groupe SRC, pour leur soutien au maintien de la prorogation de trois ans du dispositif de la loi Sauvadet, afin de mener à bien la réforme du statut de la fonction publique à Wallis-et-Futuna.

Votre texte s’efforce aussi, en valorisant le pavillon de Wallis-et-Futuna par le registre de Mata-Utu, de rendre sa place au milieu du Pacifique à notre confetti de France. Je dirai dans un moment, en défendant un amendement, combien il est important que des exigences administratives excessives ne viennent pas anéantir ces efforts. C’est non seulement du pavillon de Wallis-et-Futuna qu’il est question, et des rentrées d’argent qu’il permet, mais aussi et surtout de la place de la France dans l’économie des croisières, donc dans toute la filière navale.

Je veux appeler l’attention du Gouvernement sur deux problèmes essentiels : tout d’abord, le territoire a des revenus limités et il convient que nous nous accordions sur les dépenses qui peuvent lui être imputées. L’État ne doit pas lui imposer des dépenses impossibles à honorer, sous peine de mettre en grande difficulté son budget. L’État ne doit pas davantage chercher à nous imposer des réformes qui ne seraient pas souhaitées, ni par la population, ni par les autorités coutumières. C’est par exemple le cas de la mise en place de l’accord sur les bas salaires, dont le territoire ne peut assumer seul sa part du coût.

Nous savons que nous devons aussi nous réformer. Cela doit se faire dans la concertation – cela a été rappelé tout à l’heure – et dans la plus grande harmonie. Dans ces conditions, nous soutiendrons totalement les accords de pêche avec les États-Unis, les décrets d’application du code minier en matière d’exploration et d’exploitation de gisements sous-marins, l’installation d’un câble optique sous-marin contribuant au désenclavement numérique du territoire, ainsi que d’autres réformes.

Le deuxième aspect – et j’en terminerai là madame la ministre –, est celui de l’isolement et des communications vers Wallis-et-Futuna. La société qui assure la desserte de notre territoire nous présente une réévaluation de ses prestations que nous ne pouvons honorer.

Les aéronefs qui assurent la desserte intérieure doivent être réformés. Il nous faut dans les meilleurs délais répondre à ces exigences.

Soyez-en sûre, madame la ministre, nous savons ce que ce Gouvernement a fait et fait pour Wallis-et-Futuna, mais il reste tant à faire. Pour cette raison je soutiens votre texte en espérant que les décrets viennent vite et bien : il n’est plus temps d’attendre.

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé.

Mme Monique Orphé. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui a pour objet d’adapter les nouvelles législations à l’évolution des territoires ultramarins. En effet, les mesures proposées tendent à répondre aux nombreux enjeux que nous avons à relever. Des enjeux qui, malgré l’éloignement de nos territoires les uns des autres, sont parfois communs lorsque nous les abordons sous l’angle économique ou social, mais aussi spécifiques en raison d’un développement inégal.

En ce qui concerne mon département, La Réunion, je tiens tout d’abord à saluer dans ce texte une mesure qui pourrait passer inaperçue et qui pourtant fait suite à un engagement pris par le Président de la République lors de sa venue dans l’île, à savoir : la représentativité des professions agricoles au sein des conseils d’administration de la caisse générale de sécurité sociale et de la caisse d’allocations familiales. L’adoption de cet article va permettre à un syndicat majoritaire – en l’occurrence, à la Confédération générale des planteurs et éleveurs de La Réunion – de siéger dans ces deux instances. Voilà donc une revendication syndicale de dix ans qui se concrétise aujourd’hui. Cette mesure met fin à une injustice et j’espère qu’elle recevra une large adhésion dans cette assemblée.

Je voudrais à présent, madame la ministre, mettre l’accent dans cette discussion générale sur quelques amendements que j’aurai l’occasion de soutenir, notamment à l’article 2 relatif à la continuité territoriale.

Mais d’abord quelques mots sur la transformation de l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité en établissement public administratif. Un changement de statut, il faut le rappeler, comme vous l’avez indiqué, souhaité par la Cour des comptes mais aussi soutenu par les représentants syndicaux dans l’espoir, pour reprendre leur expression, « que cela lui redonne un nouveau souffle ».

Madame la ministre, LADOM est bien ancrée dans la mémoire des populations d’Outre-mer puisque nous l’avons connue sous le célèbre nom de BUMIDOM, en 1963 – même si je n’étais pas née –, puis sous celui de l’ANT, Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs en 1982, sa dénomination actuelle remontant à 2010.

Sa mission principale consiste à favoriser la formation professionnelle, ainsi que l’insertion des Ultramarins hors de leur région d’origine. Et il faut reconnaître que cette structure a eu ses succès mais aussi ses échecs.

Vous justifiez, madame la ministre, cette évolution de statut par un double objectif de sécurisation et de rationalisation financière et juridique de la structure. Je souhaite qu’au-delà de ces objectifs, certes importants, cet outil soit plus efficace, au service de toutes ces personnes qui osent la mobilité, sous un horizon nouveau. Une mobilité de plus en plus contrainte en raison de la situation économique et sociale très difficile de nos territoires.

Je mettrai l’accent sur l’accompagnement de nos jeunes qui osent cette mobilité, un accompagnement qui existe aujourd’hui mais qui, à mon sens, devrait être resserré, renforcé, plus long aussi que celui qui est proposé actuellement. Il s’agit d’éviter les découragements, mais aussi les échecs, souvent liés aux conditions d’installation.

Je proposerai donc trois amendements sur l’organisation et le fonctionnement de LADOM. Le premier vise à donner la possibilité à l’établissement public administratif de mettre en place un conseil spécialisé associant les usagers. Le deuxième a pour objet d’améliorer la coordination avec les services des préfectures de région en France métropolitaine. Le troisième amendement vise à doter l’établissement public administratif d’un comité technique et d’un comité d’hygiène et de sécurité.

Pour conclure, madame la ministre, quelques mots sur le chapitre II et la section 3 relative aux schémas d’aménagement régionaux. Je souhaite partager avec vous cet échange que j’ai eu avec le directeur de l’établissement public foncier de La Réunion au sujet des documents d’urbanismes qui régissent nos territoires. Ils sont nombreux – schéma d’aménagement régional, schéma de cohérence territoriale, plan local d’urbanisme communal et bientôt plan local d’urbanisme intercommunal – et ces documents sont parfois redondants. À l’heure où le Président de la République prône la simplification des actes administratifs, il serait judicieux de mener une réflexion sur le nombre de documents de planification. Une réflexion qui pourrait permettre un toilettage des documents, voire une fusion de certains d’entre eux pour faciliter la sortie de projets de territoires.

Madame la ministre, seriez-vous favorable à la mise en place d’un groupe de travail pour étudier la pertinence d’une telle proposition ? Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre, je suis très heureux de vous revoir parmi nous.

Le texte d’actualisation du droit outre-mer qui nous rassemble aujourd’hui, et qui a semble-t-il perdu son aspect de « modernisation » lors de son passage en commission, répond à un besoin de mise en conformité de certaines dispositions éparses, suite à l’actualité législative extrêmement riche qu’ont connue nos territoires depuis le début de cette législature.

En effet, ce ne sont pas moins de six projets de loi qui ont concerné à titre principal une ou plusieurs des collectivités ultra-marines et je tiens donc à saluer ici le Gouvernement dans sa volonté de réformer le droit outre-mer afin d’apporter des solutions adaptées aux problématiques spécifiques que connaissent nos territoires.

La reconnaissance de nos particularités et réalités locales par l’administration centrale cimente l’action de la plupart de ceux qui sont réunis aujourd’hui.

Je ne peux qu’espérer que la volonté affichée aille en grandissant, jusqu’à permettre une prise en compte de ces vérités dans l’élaboration de chaque texte de loi. Je l’ai encore rappelé hier après-midi, à l’occasion du passage en dernière lecture du projet de loi relatif au droit d’asile, ce n’est qu’à ce prix que nous réussirons à apporter des réponses idoines et pérennes à des problématiques qui sont souvent à des années-lumière de celles suivies sur le territoire hexagonal.

D’ailleurs, en l’espèce, ce projet de loi d’actualisation, qui constitue davantage un vecteur législatif qu’une réforme en soi, démontre bien que très souvent il n’existe pas d’unité des problématiques au sein des outre-mer et qu’il est grand temps que chaque territoire fasse l’objet d’une étude et d’une approche différenciées, en véritable adéquation avec les situations et les enjeux locaux.

Cela dit, le fond même du texte n’amène de ma part que peu de commentaires puisque, on l’a dit, il ne modernise pas vraiment le droit applicable outre-mer : il proroge et renouvelle l’existant plus qu’il ne modernise. Toutefois, je ne minimise pas son importance, tant il est fondamental d’assurer la sécurité juridique des lois que nous votons et d’améliorer par la même occasion la lisibilité du droit applicable dans nos collectivités.

À titre d’exemple, la Guyane n’est directement concernée que par la régularisation statutaire de l’EPAG, l’établissement public d’aménagement. Je partage d’ailleurs les préoccupations légitimes exprimées par ma collègue Chantal Berthelot en commission et ici même, quant à la vocation agricole de cet outil. L’immensité du territoire guyanais et la hauteur des enjeux qui s’y rattachent rendent indispensable la création d’une SAFER, outil dont on sait à quel point il a fait ses preuves sur le reste du territoire national.

Il est également dommage, et je pèse mes mots, que cette disposition n’ait pas été accompagnée d’avancées sur la question du foncier local. Je rappelle à toutes fins utiles que l’État est propriétaire chez nous de 95 % du territoire, contre à peine 0,3 % pour nos collectivités locales. Cette situation n’est plus acceptable et ne saurait perdurer. Pour couronner le tout, et rendre la situation encore moins acceptable, l’État s’est exonéré de toute taxation sur ce vaste domaine de 8 millions d’hectares en introduisant dans le code général des impôts un article qui dispense la Guyane de cadastre, dès lors que les propriétés domaniales ne sont ni concédées ni exploitées. On l’a bien compris : pas de cadastre, pas de fiscalité.

Certes, l’équation est simple, mais terriblement dommageable à nos collectivités locales aux budgets exsangues, quand on sait, en outre, que la vaste majorité du territoire n’est « ni concédée ni exploitée ». Et le problème ne s’arrête pas là !

En effet, l’Office national des forêts, gestionnaire de ce vaste domaine déclaré par conséquent improductif, se trouve également exonéré de taxe sur le foncier non-bâti, alors même qu’il en tire des revenus. Vous comprendrez donc, madame la ministre, et j’y reviendrai lors de la discussion des amendements, les raisons pour lesquelles j’ai souhaité réintroduire une disposition défendue par des sénateurs socialistes et supprimée en commission. Cet amendement vise à exonérer les forêts communales de Guyane des frais de garderie et d’administration normalement versés à l’ONF. Cette exonération au bénéfice des communes de Guyane serait une juste contrepartie de l’absence de versement de taxe sur le foncier non-bâti par l’ONF, au mépris des dispositions du code général des impôts.

Sur un tout autre sujet par ailleurs, il m’est apparu opportun et important que cet exercice d’actualisation du droit soit l’occasion d’aborder une question qui aurait dû être réglée depuis longtemps : il s’agit de l’extension du principe de séparation des Églises et de l’État dans les collectivités d’outre-mer toujours soumises aux dispositions des décrets Mandel de 1939.

En effet, comment admettre qu’encore aujourd’hui, en 2015, la loi du 9 décembre 1905, pilier de notre philosophie républicaine laïque, ne soit pas appliquée dans certains de nos territoires ? Je pense bien évidemment à Mayotte, à la Polynésie, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Wallis-et-Futuna et, surtout, à la Guyane qui, en plus, supporte le poids des dispositions de l’ordonnance royale du 27 août 1828.

Je rappelle que cette fameuse ordonnance royale régit encore aujourd’hui les relations entre l’Église catholique et les pouvoirs publics en Guyane. Elle prévoit notamment que « le gouverneur veille au libre exercice et à la police extérieure du culte » catholique, « et pourvoit à ce qu’il soit entouré de la dignité convenable ». Cette formulation recouvre également l’entretien du clergé local.

Vous le savez, madame la ministre, la conséquence est la prise en charge par le conseil général de Guyane de la rémunération des prêtres du culte catholique. Or, à la veille de l’avènement de la collectivité unique, le conseil général ne peut tout simplement plus faire face à cette obligation, ses finances étant mises à mal par des besoins sociaux toujours plus importants.

Les tentatives de sorties de crise, par la médiation puis par la voie judiciaire ont toutes échoué, malgré la bonne volonté affichée par toutes les parties. Les mandatements d’office des versements de salaires des prêtres catholiques, s’ils sont on ne peut plus légitimes, se font donc désormais au détriment d’autres postes budgétaires de dépenses. Il revient donc à l’État et au Gouvernement d’assumer leurs responsabilités en abrogeant enfin cette ordonnance qui fait peser sur notre territoire une inégalité historique, insupportable, entre les cultes et donc, in fine, entre les citoyens.

Mais la problématique de la séparation des Églises et de l’État n’est pas exclusive à la Guyane, bien qu’elle y soit symptomatique. Ainsi que je l’ai dit précédemment, il convient de supprimer le régime Mandel, distinct de la séparation des Églises et de l’État en Guyane et dans bien d’autres collectivités d’outre-mer. Il autorise un financement public du culte en permettant que les cultes s’organisent dans ces territoires en missions religieuses disposant de conseils d’administration. Placées sous une étroite tutelle de l’État, ces personnes morales bénéficient d’avantages fiscaux qui ne semblent plus compatibles avec les efforts budgétaires qui sont demandés tant aux collectivités qu’aux citoyens.

Il ne s’agit pas pour moi de défaire des équilibres centenaires, mais d’harmoniser les régimes du culte afin d’assurer la promotion de l’égalité entre tous les citoyens d’une part, et entre tous les cultes d’autre part.

Enfin, je souhaite appeler votre attention sur les risques de tensions sociales que pourrait engendrer la rédaction des futurs articles relatifs aux transferts de personnels, en particulier des emplois fonctionnels du département et de la région vers la nouvelle collectivité territoriale de Guyane.

On a bien compris que le Gouvernement, pour ces transferts, s’est inspiré de ce qui s’est passé au moment de la fusion des régions métropolitaines, mais la configuration administrative et institutionnelle est tellement différente qu’il faudra prévoir d’autres mesures de transfert pour éviter les tensions sociales qu’on sent poindre en Guyane.

J’aurai l’occasion de développer ces trois sujets lors de l’examen des amendements mais il me semblait important de vous signifier d’ores et déjà leur importance pour la Guyane, à telle enseigne que la question de la rémunération du culte a fait l’objet d’une proposition de loi que j’ai déposée auprès des services de l’Assemblée nationale.

Il va sans dire que mon soutien à ce texte, qui me paraît extrêmement favorable aux outre-mer, sera dès lors conditionné par les réponses que vous saurez apporter aux questions relatives à la Guyane.

Je souhaite en tout cas que les débats soient riches, qu’ils soient objectifs et qu’ils permettent de nous éclairer quant aux réponses à apporter aux attentes profondes exprimées par nos populations respectives.

D’avance, madame la ministre, je me permets de vous en remercier.

M. le président. La discussion générale est close.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014 ;

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly