SOMMAIRE
Présidence de Mme Laurence Dumont
Discussion des articles (suite)
Amendement no 95
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur
Amendements nos 96 , 94 , 137 , 93 , 315 , 124 , 180 , 173 , 174
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 133
Amendements nos 366 , 14 , 61 , 17 , 15 , 46 , 221 , 369 , 219 , 47 , 48 , 288 , 97 , 49 , 348 rectifié , 204 , 395 , 367 rectifié , 98 , 142 , 27 , 396 , 430 (sous-amendement) , 50 , 289 rectifié , 370
Amendements nos 143 , 70 , 295 rectifié , 144
Amendements nos 99 , 51 , 291 , 292 , 371 , 372 , 428 (sous-amendement)
Amendement no 334 rectifié
Amendements nos 67 , 297 , 296 , 52 , 68 , 146
Amendements nos 101 , 241 , 300 , 298 , 24 rectifié , 374 , 390 , 301 , 23 , 222 , 375 , 54 , 376
Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (nos 2183, 2923, 2916, 2919).
Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement nos 95 portant article additionnel après l’article 13 quinquies.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 95.
M. Guillaume Larrivé. Le dispositif de l’aide médicale d’État – AME – est extrêmement dispendieux, puisqu’il représente désormais un coût de près d’un milliard d’euros pour le budget de la nation. De plus, il constitue un encouragement à l’immigration illégale, comme le prouve l’augmentation très forte du nombre d’allocataires. Nous proposons, non seulement sa suppression par le présent amendement, mais également son remplacement par un dispositif beaucoup plus proche de ce qui existe dans des pays européens comme l’Allemagne, c’est-à-dire un dispositif humanitaire d’aide médicale d’urgence.
Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. À ce stade de notre débat, et alors qu’il reste un peu plus de cent cinquante amendements à examiner, nous en arrivons à votre totem, l’aide médicale d’État. Évidemment, la commission est défavorable à sa suppression.
Il y a à peine trois ans, le 19 juillet 2012, l’AME a fait l’objet d’un important débat dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative, la majorité ayant souhaité supprimer le forfait de trente euros exigé pour en bénéficier. L’UMP avait alors critiqué ce dispositif, mais sans le remettre en cause, contrairement à ce que vous faites aujourd’hui. À l’époque, seul le Front national demandait la suppression de l’AME. Trois ans, quasiment jour pour jour, après ce débat, vous vous êtes donc alignés sur cette position.
M. Guillaume Larrivé. Vous ne comprenez rien ou vous faites semblant ?
M. Guy Geoffroy. Ils le font exprès !
M. Erwann Binet, rapporteur. Nous préciserons les raisons motivant l’avis défavorable de la commission à l’occasion de l’examen des amendements suivants.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je veux répondre de façon précise à cet amendement par lequel M. Larrivé propose de supprimer l’AME, pour n’avoir pas à le faire à l’occasion de l’examen des autres amendements de même nature.
L’AME n’est pas un vecteur d’immigration irrégulière. Le choix de s’établir dans un pays plutôt que dans un autre tient aux perspectives d’emploi, à la pratique de la langue ainsi que, très souvent, à l’existence d’une communauté déjà établie. La situation à Calais le prouve, s’il en était besoin : ce qui conduit des migrants à s’y rassembler est la volonté de passer en Grande-Bretagne, pour des raisons comme la présence de membres de leur famille dans ce pays ou la croyance que l’accès à l’emploi y est plus facile, mais l’accès aux soins ne motive en aucun cas leur venue en France. Il y a deux fois plus d’étrangers en situation irrégulière au Royaume-Uni qu’en France. Au regard des estimations dont nous disposons, ils sont sans doute moins nombreux en France qu’en Allemagne, en Espagne ou en Italie. Il faut rappeler cette réalité statistique parce qu’à entendre certaines de vos déclarations, on a le sentiment que c’est l’inverse.
Par conséquent, l’idée que des hordes d’étrangers viendraient en France pour profiter de son aide sociale généreuse n’est pas corroborée, pour l’instant, par les statistiques,…
M. Éric Ciotti. Pour l’instant !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. …en dépit des disparités que l’on sait. On voit bien que ce n’est pas un moteur, contrairement à ce que vous prétendez. La France ne délivre aucun minimum social avant cinq ans de séjour régulier.
M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas le sujet !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il faut dix ans de séjour régulier pour toucher le minimum vieillesse. L’idée qu’une espèce de générosité laxiste présiderait à l’arrivée en nombre de migrants économiques irréguliers ne correspond pas non plus à la réalité.
L’aide médicale d’État s’inscrit dans une triple logique, que vous n’avez d’ailleurs jamais remise en cause : un objectif de santé publique – éviter la propagation de la maladie – ; un but humanitaire – donner accès aux soins à des personnes fragiles – et une logique économique – prévenir les surcoûts générés par des soins délivrés dans l’urgence faute d’avoir pu être dispensés à temps.
Si vous vous souciez des comptes publics, vous devez garder cela à l’esprit. Supprimer l’AME ne permettra pas de faire des économies car si la situation sanitaire de populations qui résident en France se dégrade, on devra en définitive augmenter le nombre de lits dans les hôpitaux et dispenser une thérapie plus lourde, partant plus coûteuse, ce qui dégradera aussi la situation des comptes publics.
Pour toutes ces raisons – réalité du sujet, motivation des migrants et impact sur les finances publiques de décisions qui ne sont économiques qu’en apparence –, je suis défavorable à cet amendement. Cela permettra à M. Ciotti, qui vient de me prendre en photo, de dénoncer dans un tweet l’inconvenance de mes propos et de saluer ceux de M. Larrivé, qu’il vient également de prendre en photo. (Sourires.)
M. Éric Ciotti. Absolument pas !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Envoyez-moi ce tweet, cela me permettra de voir ce qu’il en est !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
M. Guy Geoffroy. Malgré tous vos efforts, vous n’arriverez pas à semer la confusion dans les esprits. M. le rapporteur a repris son antienne nous accusant de je ne sais quel suivisme. Je ne sais pas qui nous suivons, quand nous nous contentons, depuis le début du débat, de faire notre travail de parlementaire. Ce sont probablement ses fantasmes !
Mme Cécile Untermaier. Vous n’étiez pas en commission !
M. Guy Geoffroy. Quant à M. le ministre, il a répondu à côté du sujet en parlant des aides sociales, alors que l’AME est tout sauf une aide sociale.
Soyons sérieux : ce que nous dénonçons par nos trois amendements, qu’il faut d’ailleurs considérer dans leur ensemble, c’est la dérive de l’AME et rien d’autre. La dépense de santé pour les immigrés en situation irrégulière n’est plus maîtrisée dans notre pays. Vous ne pouvez pas nier, sauf à nous sortir un nouveau chiffre magique, qu’avoir supprimé le forfait dû par les bénéficiaires de l’AME a créé une situation intolérable. Nous proposerons de le rétablir.
Nous ne voulons pas, comme vous le prétendez, avoir la peau de l’AME en tant que telle et vous n’arriverez pas à nous entraîner dans votre délire. Notre position est de dire que, puisque l’AME ne réussit plus à assumer sa mission dans le respect des finances publiques, il faut lui substituer un nouveau dispositif, l’aide médicale d’urgence, permettant de traiter en urgence les situations sanitaires qui le méritent, à la fois pour nos concitoyens et pour les immigrés en situation irrégulière. Vous voyez bien que notre position est bien loin de celle que vous dénoncez parce que vous n’avez plus rien à dire. Elle est républicaine et responsable.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Je n’avais pas prévu de prendre la parole sur le sujet mais j’ai relu l’amendement no 95 cosigné par M. Geoffroy, qui vise à supprimer le titre V du livre II du code de l’action sociale et des familles. L’exposé sommaire indique qu’il « est proposé de supprimer l’aide médicale d’État ».
M. Guy Geoffroy. Pour créer un autre dispositif !
M. Denys Robiliard. Vous venez de dire exactement le contraire !
M. Guy Geoffroy. Vous ne lisez pas tous les amendements ! Quelle mauvaise foi !
M. Denys Robiliard. Je lis l’amendement que vous avez déposé et dont vous niez la portée.
M. Guy Geoffroy. Vous êtes à la dérive, c’est terrible !
M. Denys Robiliard. Ce qui est terrible, c’est que dès 2012, vous vous opposiez à tout travail sérieux sur l’AME et que, à chaque projet de loi de financement de la Sécurité sociale, vous rouvrez le débat. Alors que vous vous piquez d’humanisme, vous n’admettez tout simplement pas qu’on ait, en France, le droit d’être soigné. M. le ministre a pourtant expliqué – et vous ne pourrez pas le démentir – que c’était l’intérêt, non seulement des étrangers mais également de la population française.
M. Guy Geoffroy. Bien sûr !
M. Denys Robiliard. Tout autre attitude reviendrait en effet à laisser se développer les maladies, y compris contagieuses. Si nous ne le faisons pas pour les autres, faisons-le pour nous-mêmes. Par conséquent, il est irresponsable et contraire aux valeurs républicaines de proposer de supprimer l’AME. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
(L’amendement no 95 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement no 96.
M. Guy Geoffroy. Je ne veux pas polémiquer avec ceux qui n’attendent que cela, mais ce que j’ai dit tout à l’heure était parfaitement audible, pour peu qu’on ait envie d’entendre.
Je répète, pour que mes propos soient entendus, que nos trois amendements se tiennent. Il s’agit, non pas de supprimer l’AME pour solde de tout compte, mais de constater que ce dispositif ne fonctionne pas comme il le devrait. Nos concitoyens et les personnes vivant en situation régulière sur notre territoire qui paient la couverture maladie universelle sont choqués de constater que les étrangers en situation irrégulière n’ont même pas à payer un petit écot de trente euros pour bénéficier de l’AME. Vous n’avez peut-être jamais rencontré de gens qui vous le disent, nous si !
Le présent amendement, de repli par rapport à l’amendement précédent, vise à remplacer l’AME par une aide médicale d’urgence, dans le détail de laquelle je ne rentrerai pas ici. Si vous refusez ce dispositif, afin d’assurer l’équité entre les Français, les étrangers en situation régulière et ceux en situation irrégulière, nous proposerons une fois de plus, et probablement pas la dernière, le rétablissement du forfait – trente euros par an, ce n’est pas grand-chose !– à verser par l’intéressé pour bénéficier, comme l’intérêt de chacun l’exige, de la générosité nationale et être soigné dans les conditions que ces personnes méritent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Geoffroy, je vais vous donner dès à présent les chiffres que vous attendez, même si je comptais le faire à l’occasion de l’examen des amendements visant à rétablir le droit de timbre, car cela apportera un éclairage sur votre proposition de réserver la prise en charge des soins aux maladies graves, à la grossesse et aux vaccinations obligatoires.
Dans un rapport du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2015, écrit d’ailleurs par un sénateur de votre sensibilité politique, figure un bilan du droit de timbre de trente euros, que votre majorité avait institué. Celui-ci a généré des recettes modestes : 5,5 millions d’euros. Certes, le nombre de bénéficiaires a baissé de 8,4 %, mais la dépense a augmenté de 5 %, soit autant que le montant des recettes que ce droit de timbre a permis de dégager. Selon l’assurance maladie, le coût moyen par bénéficiaire de l’AME s’explique par l’aggravation des pathologies et un report vers les soins hospitaliers – cela corrobore les propos tenus à l’instant par M. le ministre – en raison de prises en charge plus tardives. Ce dispositif n’a donc aucun effet.
En réservant le bénéfice de l’AME aux soins d’urgence, vous aggraverez le coût de l’AME, ce que nous ne voulons pas. C’est l’un des arguments que nos collègues de la commission des affaires sociales, entre autres, ne cessent de répéter. Soigner une tuberculose ordinaire coûte dix fois moins que soigner une tuberculose multirésistante. Le dispositif d’aide médicale d’urgence que vous proposez n’est donc pas une bonne idée et ne contribuera pas à la baisse du coût et du nombre de bénéficiaires, au contraire. C’est pourquoi un avis défavorable lui a été réservé par la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Geoffroy, je comprends parfaitement l’objectif de votre proposition et je ne vous fais pas de mauvais procès sur ce point, mais je conteste son efficacité. Je comprends votre souci de l’état des comptes publics. Nous partagions ce souci, Marisol Touraine et moi-même, lorsque j’étais ministre délégué chargé du budget et que nous nous étions saisis de ce dossier, car notre pays doit, sur chaque question, trouver le meilleur équilibre entre l’objectif poursuivi et les moyens budgétaires mobilisés.
Plus nous travaillons à la bonne allocation des moyens publics, dans un contexte où chaque euro dépensé doit être un euro utile, plus nous sommes vertueux. Je comprends donc parfaitement cette logique.
J’ai beaucoup réfléchi à ce sujet, et si je ne suis pas favorable à votre proposition, c’est aussi pour des raisons budgétaires. Si ce dispositif d’aide médicale d’urgence venait se substituer à l’AME – on peut débattre longuement du panier de soins susceptibles d’y être éligibles –, ces derniers seraient, en définitive, infiniment plus coûteux. Quand on analyse le sujet de façon globale, quand on en fait le bilan consolidé, en quelque sorte, on constate que votre proposition conduirait à une dégradation des comptes – les rapports sénatoriaux, y compris ceux rédigés par des parlementaires de votre sensibilité politique, en témoignent.
Je ne peux pas être favorable à votre amendement, pour des raisons qui tiennent à la volonté de soigner ceux qui doivent l’être et de le faire dans des conditions budgétaires soutenables.
Mme Cécile Untermaier. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. La mise en œuvre de votre proposition entraînerait de vrais problèmes budgétaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Cet amendement propose d’instaurer un droit aux soins de seconde zone. Voilà ce que vous proposez, messieurs de l’opposition ! On ne peut pas appeler cela autrement !
Si nous adoptions votre amendement et que nous prenions le parti de ne pas soigner l’étranger en souffrance, celui-ci n’aurait pas accès aux soins ordinaires et son état se détériorerait. Cette proposition est d’autant plus absurde que cette détérioration sanitaire lui conférerait un droit aux soins. En d’autres termes, on attendrait que son état se détériore pour lui accorder le droit de se soigner ! En outre, on ne soignerait pas la grossesse normale, mais on soignerait la grossesse pathologique !
Votre amendement se caractérise donc par une incohérence à la fois financière, sanitaire et humaine, autant de motifs pour lesquels le groupe socialiste, républicain et citoyen le rejettera.
Quand on en appelle à l’humanité, je ne vois pas comment on peut refuser de soigner celui qui est à côté de soi. Vous vous dites républicains et vous ne comprenez pas qu’on veuille soigner la personne que l’on côtoie, ne serait-ce que pour éviter des épidémies !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Issindou.
M. Michel Issindou. Je souhaite intervenir en qualité de membre de la commission des affaires sociales – Denys Robiliard a dit combien ce débat était récurrent dans le cadre de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Vous n’avez pas détaillé votre amendement, monsieur Geoffroy, et je pense que vous avez bien fait, parce qu’il est pour le moins tendancieux.
En effet, il limite la prise en charge des soins aux cas de maladies graves et de douleurs aiguës. Voilà qui n’est pas clair : un lumbago provoque-t-il des douleurs aiguës ? Quel médecin sera capable d’arbitrer et de dire à un étranger que sa douleur n’est pas suffisamment aiguë pour qu’il soit soigné ?
Il prévoit ensuite que ces soins relèveront d’une médecine de deuxième zone, comme Marie-Anne Chapdelaine vient de le dire, puisque seuls les médicaments génériques seront pris en charge. On sent là une volonté d’humiliation permanente.
M. Guy Geoffroy. Ah bon ?
M. Michel Issindou. On ne vous soignera que si vous avez très mal et seulement avec des médicaments génériques, au plus bas coût.
M. Guy Geoffroy. Et alors ?
M. Michel Issindou. On est humain ou on ne l’est pas ! Qu’il ait des papiers ou non, si un étranger présent sur notre territoire a un problème, nous devons le soigner, de la même façon que nous soignerions un citoyen français.
Il y a là un fantasme, que développe souvent l’un de nos collègues – il ne serait pas honnête de le mettre directement en cause puisqu’il n’est pas là. C’est le fantasme de l’étranger qui viendrait en France pour faire refaire toute sa dentition, ou pour faire de la chirurgie esthétique – on l’a entendu !– parce qu’en France ça ne lui coûterait rien ! Comme le ministre l’a dit fort justement, ce fantasme ne correspond pas à la réalité. L’étranger présent sur notre territoire a souvent quitté son pays d’origine sous l’effet de contraintes très fortes, sûrement pas pour bénéficier de soins de confort ! Mais une fois qu’il est là, il peut arriver qu’il tombe malade. Il faut alors le soigner dans les mêmes conditions que n’importe quel Français qui serait dans sa situation.
M. Erwann Binet, rapporteur et Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
M. Guy Geoffroy. Je ne reviendrai pas sur l’intégralité des propos de M. Issindou, mais il a dit quelque chose de tout à fait sidérant. Comme tout le monde ici, je suppose, je ne me sens pas humilié quand le pharmacien me propose un médicament générique.
M. Michel Issindou. Dans votre amendement la délivrance de médicaments génériques est systématique !
M. Guy Geoffroy. Allez dire cela à la ministre de la santé, qui ne cesse de plaider, à juste titre, pour que nous considérions les génériques comme des médicaments ordinaires.
M. Michel Issindou. De préférence !
Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est déjà le cas ! C’est la loi !
M. Guy Geoffroy. Il ne s’agit absolument pas de médicaments de seconde zone, puisqu’il s’agit des mêmes molécules, désormais libres de droit et pouvant être reproduites par n’importe quel laboratoire.
M. Jean-Pierre Dufau et M. Michel Issindou. C’est aux professionnels de les prescrire, pas à la loi !
M. Guy Geoffroy. Dans votre zèle à vouloir nous faire dire ce que nous ne disons pas, vous avez commis une petite sortie de route que je me permets de signaler.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je maintiens mes propos : vous instaurez une médecine de seconde zone !
Mme Chantal Guittet. Et que ferez-vous s’il n’existe pas de médicament générique ?
M. Guy Geoffroy. Dans ce cas, c’est le médicament ordinaire qui sera délivré ! Vous cherchez vraiment la petite bête partout !
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. « On soigne les gens quelle que soit leur couleur de peau, quelle que soit leur nationalité, qu’ils aient de l’argent ou qu’ils n’en aient pas. C’est notre honneur ! » Ces propos ont été tenus par Nicolas Sarkozy, le 26 avril 2012.
Mme Marie-Anne Chapdelaine et Mme Cécile Untermaier. Heureusement que vous le précisez ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Sergio Coronado. Je continue la citation, avec la faute de français : « Et je préfère le dire ici, même si c’est impopulaire, parce que c’est la vérité, je ne toucherai pas à l’aide médicale d’urgence – je le dis à mes amis parlementaires –, parce qu’on soit noir, blanc, jaune, qu’on soit étranger ou pas, qu’on soit légal ou pas, un homme à la porte d’un hôpital qui souffre, qui est malade et qui a besoin d’être opéré, la République française le soigne et l’opère. »
M. Michel Issindou. Il a très bien parlé !
M. Sergio Coronado. Ce discours date du 26 avril 2012.
Je ne sais pas, monsieur Geoffroy, si vous courez après le Front national. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) En tout cas, je constate, depuis quelque temps,…
M. Guy Geoffroy. Que feriez-vous sans le Front national ? C’est vous qui le faites prospérer !
M. Sergio Coronado. Je n’ai pas porté d’accusation, j’ai dit que je ne savais pas. Néanmoins, je constate non seulement un durcissement de vos positions, mais également un glissement dans vos interventions relatives à l’aide médicale d’État. Ce durcissement ne vous fait pas honneur. Il ne permet pas non plus d’appréhender l’accueil et le droit des étrangers de manière rationnelle. Sous couvert de bonne gestion, il s’agit d’une posture électoraliste. Cette approche purement comptable de la santé publique peut s’avérer non seulement inefficace, mais dangereuse. Le fait de ne pas soigner au plus tôt et au plus vite peut creuser un gouffre financier bien plus important que celui que vous dénoncez.
Par ailleurs, vous oubliez de dire que le Gouvernement a encore restreint l’accès à l’aide médicale d’État – et je le regrette. Il est faux de dire qu’un étranger qui réside en France et qui est dans une situation sanitaire fragile ou vulnérable a accès à une palette infinie de soins : le dispositif actuel est très encadré et un grand nombre de pathologies en sont exclues.
Il convient donc de rappeler la réalité de cette aide médicale et de regretter le glissement auquel vous vous laissez aller depuis le début de ce débat.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
M. Jean-Pierre Dufau. Tous les êtres humains ont en commun la vie, et donc, par définition, la santé. Notre pays a été à l’origine des droits universels, qui s’appliquent à tous. Lorsque des personnes sont sur notre territoire, quelle que soit leur nationalité, la moindre des choses est de leur dispenser les soins dont elles ont besoin.
M. Guy Geoffroy. Personne n’a dit le contraire !
M. Jean-Pierre Dufau. En outre, il ne nous appartient pas de juger si ce sont des médicaments génériques qui doivent leur être délivrés, comme vous l’avez proposé, monsieur Geoffroy. C’est aux professionnels, et certainement pas à la loi, de régler cette question.
M. Michel Issindou. Très juste !
(L’amendement no 96 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement no 94.
M. Guy Geoffroy. Il est défendu.
(L’amendement no 94, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 137.
M. Éric Ciotti. On a entendu beaucoup de propos caricaturaux dans ce débat sur la nécessaire, l’indispensable transformation de l’AME en une aide médicale d’urgence. Cette position que nous défendons, vous la caricaturez sciemment, chers collègues de la majorité, parfois avec des arguments d’une indigence absolue – je pense notamment, monsieur le rapporteur, à ce que vous dites sur notre rapport au Front national, au lieu de nous proposer une argumentation juridique. J’ai la faiblesse de croire que c’est plutôt vous qui entretenez ce climat qui favorise les extrêmes…
M. Guy Geoffroy. Tout à fait !
M. Éric Ciotti. …en maintenant un dispositif qui est incompris de nos concitoyens.
Mme Chantal Guittet. Mais non !
M. Éric Ciotti. En effet, vous octroyez des droits à des étrangers en situation irrégulière, alors que vous prétendez lutter – je ne doute pas de votre sincérité, monsieur le ministre – contre l’immigration irrégulière. Mais comment peut-on concevoir qu’un étranger en situation régulière, qui a respecté les lois de la République et suivi un parcours d’intégration, ne bénéficie pas des mêmes droits sanitaires qu’un étranger en situation irrégulière ?
Bien entendu, ce sentiment est partagé par les Français, notamment les plus modestes, dont certains n’ont pas accès à une complémentaire santé et ont des difficultés pour se soigner, quand ils constatent que les étrangers en situation irrégulière ont cette faculté.
Vous avez également, monsieur le ministre, avancé un argument budgétaire. De 2012 à 2013, le coût de l’AME est passé de 588 à 744 millions d’euros, soit une augmentation de 166 millions d’euros, ou 30 %, en un an. De 2011 à 2013, le nombre d’allocataires de l’AME s’est accru de 35 %. Il y a donc bien une dérive, que la Cour des comptes a pointée dans son rapport de 2013 où il évoque l’insoutenabilité budgétaire de ce dispositif.
C’est pourquoi nous proposons de limiter la prise en charge des soins à l’urgence vitale.
Mme la présidente. Merci, monsieur Ciotti.
M. Éric Ciotti. Madame la présidente, je pense que nous pouvons nous attarder quelques instants sur ce débat essentiel.
Mme la présidente. De nombreux amendements ont été déposés sur ce sujet. Si vous le souhaitez, monsieur Ciotti, vous pourrez parler deux minutes sur chacun d’entre eux. Je vous demande de conclure.
M. Éric Ciotti. Il faut engager cette réforme. Nous n’aurons pas le choix, monsieur le ministre. Pour des raisons idéologiques et politiques, vous refusez d’ouvrir ce débat. C’est une erreur, c’est une faute : il faut aujourd’hui supprimer l’AME et rétablir la franchise de trente euros, que vous avez eu l’audace de supprimer alors qu’elle était minime. Nous ne pouvons pas laisser perdurer la situation actuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable, évidemment. Contrairement à ce que vous essayez de faire croire, monsieur Ciotti, il existe des conditions pour accéder à l’aide médicale d’État sauf pour les enfants, dont la prise en charge est inconditionnelle.
M. Éric Ciotti. C’est ce que nous proposons aussi !
M. Erwann Binet, rapporteur. Heureusement ! Pour les autres bénéficiaires, il existe deux conditions : il faut pouvoir justifier de trois mois de présence en France et percevoir moins de 720 euros par mois. En toute logique et avec les mêmes arguments que précédemment, la commission a donné un avis défavorable à votre amendement.
(L’amendement no 137, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 93.
M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, nous souhaitons aborder un autre débat absent du projet de loi du Gouvernement : celui de l’accès des ressortissants étrangers en situation légale à un certain nombre de prestations sociales.
Lorsqu’un travailleur étranger en situation régulière s’acquitte de cotisations salariales, il a naturellement et légitimement droit aux mêmes prestations d’assurance sociale que tout autre travailleur, quelle que soit sa nationalité, qui s’acquitte des mêmes cotisations salariales. Cela vaut pour les accidents du travail, l’assurance vieillesse et l’assurance maladie.
En revanche, il convient de s’interroger sur les conditions dans lesquelles les étrangers en situation légale accèdent aux prestations de solidarité nationale financées à titre principal par l’impôt. Dans l’état actuel du droit, la durée de résidence légale nécessaire pour accéder à ces prestations est variable. S’agissant, par exemple, de l’accès au RSA, la condition est de cinq ans de résidence légale.
S’agissant du droit au logement opposable, le DALO, qui fait l’objet du présent amendement, le seuil est aujourd’hui de deux ans. Il faut ouvrir ce débat en envisageant de fixer un plancher de cinq années de résidence régulière en France comme condition d’accès au dispositif du droit au logement opposable tel qu’il est défini depuis 2006.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Larrivé, vous avez déjà développé la nuit dernière cet argument selon lequel les prestations de solidarité nationale étant financées par l’impôt, il est légitime qu’elles ne puissent pas profiter aux étrangers immédiatement, dès la remise du titre de séjour – car nous parlons là des étrangers en situation régulière – contrairement, dites-vous, aux prestations sociales qui sont la contrepartie des cotisations sociales payées par les étrangers.
Mais, monsieur Larrivé, les étrangers en situation régulière paient des impôts, des taxes.
M. Jean-Pierre Dufau. C’est bien de le rappeler.
M. Erwann Binet, rapporteur. Il n’y a aucune raison de les priver de prestations de solidarité nationale pendant cinq ans. Je ne peux pas adhérer à un argument que je n’arrive pas à comprendre.
S’agissant du droit au logement opposable, je rappelle que ce dispositif vise à ce que des personnes ou des familles ne se trouvent pas sur notre sol dépourvues de tout logement ou logées dans des conditions totalement indignes. Il ne s’agit donc pas d’une question de nationalité ou de durée de résidence : dès lors que ces personnes, ces familles résident de façon permanente sur le territoire, elles doivent y avoir droit. La condition de résidence permanente sur le territoire est d’ailleurs appréciée dans des conditions définies par décret, ce qui est légitime.
La commission a émis un avis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je ne comprends pas votre raisonnement, monsieur Larrivé. Selon votre logique, dès lors que l’étranger a acquitté des cotisations salariales, l’accès aux prestations qui sont la contrepartie de ces cotisations doit être de droit, comme c’est le cas pour les Français. Et ce raisonnement ne vaudrait plus lorsque les étrangers paient des impôts ? C’est pour le moins une rupture de cohérence dans votre raisonnement, et c’est une première raison pour moi de pas adhérer à votre amendement, monsieur Larrivé.
Il y a un deuxième sujet qui porte sur le fond, et qui par conséquent vous concerne moins, celui de l’intégration de l’étranger en situation régulière dans le pays. On peut l’appréhender de deux manières. Soit nous considérons que dès lors que nous accueillons, nous devons correctement intégrer et cela suppose que nous devons créer les conditions d’un accès au logement, celui-ci étant un facteur d’intégration. Plus nous tardons à permettre l’accès au logement à des salariés qui pour beaucoup d’entre eux sont des salariés modestes, les plus riches d’entre eux n’ayant pas besoin de ce type d’accompagnement, plus nous compliquons leur intégration.
On ne peut pas atteindre des objectifs contradictoires. Soit l’on veut que les parcours d’intégration soient réussis, et dans ce cas la règle doit être de mobiliser le plus rapidement possible des moyens qui ne sont pas illégitimes puisqu’ils sont fournis par l’impôt, qui pèse aussi sur les étrangers. C’est plutôt la vision du Gouvernement. Soit on considère que la question de l’intégration n’est pas prioritaire et dans ce cas on peut se permettre de développer le raisonnement que vous tenez même s’il est injuste.
J’évoquerai un troisième élément. Les républicains, quelle que soit leur sensibilité, peuvent être d’accord pour considérer qu’une bonne intégration est aussi la garantie d’une bonne acceptation de l’étranger par les citoyens français : c’est une approche saine et républicaine de la question migratoire.
Or que se passe-t-il pour les étrangers les plus modestes qui travaillent, qui cotisent et se voient privés de la possibilité d’accéder à un logement correspondant à leurs capacités contributives ? Où logent-ils ? Comment fait-on pour les loger de façon digne, éviter le trafic abject des marchands de sommeil ? On voit donc que même du point de vue de la cohésion de la société française, voire des risques de troubles à l’ordre public puisque les marchands de sommeil en occasionnent, votre démarche n’est pas la bonne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Je rappelle à nos collègues que le DALO a été voté par la majorité précédente, et que c’est elle qui a défini cette condition de deux ans.
En outre le droit au logement, comme l’a très bien dit M. le ministre, est une condition indispensable de l’intégration et il est ouvert à des étrangers en situation régulière. Il faut savoir ce qu’on veut. Soit on veut l’intégration et dans ce cas on offre des possibilités de logement car c’est une condition indispensable. Soit on considère que l’intégration n’est pas possible ou qu’elle suppose des difficultés telles qu’elle est improbable.
Après avoir refusé de soigner les étrangers, vous voulez maintenant les laisser dehors. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)C’est tout de même un peu excessif, quoique cohérent, une cohérence qui au demeurant vous rapproche du Front national dont les amendements vont dans le même sens.
Le seul avantage de cet amendement, c’est qu’il vous contraint à rappeler cette vérité que l’accès au RSA est soumis à une condition de résidence de cinq ans, ce qu’on entend rarement sur vos bancs.
M. Éric Ciotti. On va harmoniser le reste.
Mme Cécile Untermaier. Je m’oppose évidemment à votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Permettez-moi deux remarques, l’une d’ordre juridique et l’autre de fond.
Au plan juridique, monsieur le ministre, je maintiens qu’il y a des prestations sociales financées par la solidarité nationale qui sont d’ores et déjà soumises à des conditions planchers de durée de résidence. Mme Untermaier l’a rappelé, même si elle s’est un peu emmêlé les pinceaux, car cela va plutôt contre son argumentation.
M. Éric Ciotti. Tout à fait.
M. Guillaume Larrivé. En effet, si pour accéder au droit au logement opposable, il faut deux ans de séjour, pour le minimum vieillesse, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, c’est dix ans de séjour, le RSA, cinq ans. Ce que nous proposons, c’est, ni plus ni moins, de progresser vers une harmonisation des seuils d’accès pour généraliser cette condition de résidence de cinq ans à l’ensemble des prestations sociales non contributives, c’est-à-dire financées par l’impôt et non par des cotisations salariales.
Mme Cécile Untermaier. Cela n’a aucun sens.
M. Guillaume Larrivé. Voilà pour le raisonnement juridique.
Sur le fond, monsieur le ministre, il y a en effet une différence majeure, et nous ne cessons de la développer parce qu’elle est vraie. Nous pensons – et nous avons fait au cours des séances précédentes des propositions dans ce sens, que vous avez rejetées – que c’est en amont, dès les pays d’origine, qu’il faut réduire le flux migratoire. Si vous aviez voté en faveur de nos amendements, nous aurions adopté, d’une part le principe des plafonds, d’autre part le principe selon lequel, en amont de la délivrance d’un visa de long séjour, on vérifie dans le pays d’origine la maîtrise du français, le respect des valeurs de la République, l’autonomie financière et la capacité à exercer une activité professionnelle.
Nous assumons, monsieur le ministre, cette politique de diminution de l’immigration vers la France, qu’avec Éric Ciotti et Guy Geoffroy nous proposons au nom des Républicains.
M. Jean-Pierre Dufau. Quel aveu !
M. Guillaume Larrivé. Dans ce cas particulier, cette politique aurait pour effet de restreindre l’accès des personnes immigrées aux logements sociaux car dans la France de 2015, marquée par l’explosion du chômage, l’impéritie des finances publiques, la crise du logement, l’échec du système d’intégration, nous pensons, monsieur le ministre, qu’il faut tout changer.
M. Jean-Pierre Dufau. Quel plaidoyer !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vous apporterai deux éléments de réponse. Vous voulez l’harmonisation, mais n’avez-vous pas, en 2011, porté à dix ans la durée de résidence nécessaire pour accéder au minimum vieillesse ?
M. Guillaume Larrivé. Oui.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Et maintenant, vous expliquez que ce n’était pas bien et qu’il faut tout harmoniser.
M. Guillaume Larrivé. Je parle de planchers.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Larrivé, à chaque fois qu’on considère ce que vous préconisez aujourd’hui à la lumière de ce que vous avez fait, vous vous courroucez de la belle manière. Il n’y a pas lieu. Ce que je dis serait-il faux ?
M. Guy Geoffroy. Vous prenez des éléments isolés : considérez l’ensemble.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est précisément ce que je fais. En 2011, il fallait une durée de de résidence de cinq ans pour accéder au minimum vieillesse comme au RSA. Est-il exact que vous avez porté cette durée à dix ans pour le minimum vieillesse ?
M. Guillaume Larrivé. Oui.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Et aujourd’hui, vous nous expliquez qu’il faut tout harmoniser.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. À deux ans.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vous rappelle simplement qu’il y a trois ans, vous avez fait le contraire.
M. Guy Geoffroy. Pas du tout.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Deuxièmement je ne peux pas vous laisser dire, parce que cela ne correspond pas à la politique du Gouvernement,…
M. Guillaume Larrivé. Ce n’est pas pour tout le monde. C’est un plancher.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Laissez-moi poursuivre. Vous indiquez dans votre intervention que notre stratégie consiste à ne pas nous préoccuper des flux migratoires. C’est totalement faux : nous avons au contraire lancé une initiative au niveau européen. Il n’a pas échappé à votre sagacité que ces flux migratoires concernaient la planète tout entière. La France n’est pas le seul pays concerné, elle est même le pays qui accueille le moins parmi les pays de l’Union européenne. Alors que l’Allemagne a accueilli 130 000 demandeurs d’asile l’an dernier, la demande d’asile en France a baissé de 2,34 %. Quand vos amis conservateurs allemands accueillent 130 000 demandeurs d’asile, c’est tout à fait responsable, mais quand la demande d’asile diminue en France, c’est le résultat du laxisme du Gouvernement.
M. Guillaume Larrivé. Vous essayez d’échapper au vrai débat.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. De tels raisonnements, monsieur Larrivé, sont des raisonnements de tribune. Je comprends que vous les teniez compte tenu de la sensibilité politique à laquelle vous appartenez et compte tenu du fait que vous avez décidé de vous livrer à un politique d’opposition systématique, mais cela ne correspond pas à la réalité.
M. Guillaume Larrivé. Ce n’est pas ça !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. S’agissant de la maîtrise des flux, nous menons une politique structurelle, dans le cadre d’une démarche franco-allemande engagée par mon homologue De Maizière et moi-même, qui consiste à travailler avec les pays de provenance. C’est cela la vraie politique intelligente et structurelle : élaborer avec le Niger et les autres pays de la bande sahélo-saharienne des politiques visant à mettre en place des structures de maintien, mobilisant l’organisation internationale pour les migrations, le Haut-commissariat pour les réfugiés.
Il s’agit aussi de faire de ces pays des pays de retour. Il faut négocier avec ces pays pour obtenir des laissez-passer consulaires et réorganiser ensuite le retour des migrants sur la base de projets financés avec la possibilité pour eux de participer au développement de leur pays. Voilà une politique structurelle de long terme de nature à maîtriser les flux. Et cette politique, nous la conduisons au sein de l’Union européenne avec nos homologues allemands. Ces orientations sont du reste devenues celles de la politique de l’Union européenne.
Essayons sur ce sujet d’avoir des débats de fond. Vous nous invitiez tout à l’heure, monsieur le député Geoffroy, à ne pas verser dans la caricature. Ce n’est pas mon intention, et c’est la raison pour laquelle je pense qu’il est intéressant d’évoquer ces questions de politique migratoire structurelle dans un cadre européen. C’est en effet le bon niveau pour traiter de ces questions.
Quant à la question du logement, elle est particulière. En effet le logement, c’est la condition de la mise à l’abri, la possibilité de s’intégrer sereinement. Si l’on complique l’accès au logement, on complique l’intégration. Or vous dites qu’il faut réussir l’intégration pour rendre la politique migratoire soutenable. C’est précisément pour cela que nous ne souhaitons pas compliquer l’accès au logement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre, je rebondis sur votre souhait, que nous devrions partager – et dans le principe, nous le partageons – de ne pas nous enfoncer dans la polémique, mais encore faudrait-il pour cela ne jamais s’écarter de la vérité. Or ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, n’est pas vrai.
Vous avez en effet affirmé que nous étions systématiquement opposés à tout. Nous avions des arguments pour dire que votre loi relative à la lutte contre le terrorisme était trop faible et qu’elle ne réglerait pas tous les problèmes, mais nous aurions fait preuve de lâcheté et de faiblesse en nous y opposant et c’est pourquoi nous ne l’avons pas fait. De même, nous avons été nombreux à voter votre réforme de l’asile, bien que vous ayez persisté dans votre refus de lier la question des déboutés du droit d’asile à celle de l’immigration irrégulière, ce à quoi vous avez renoncé de fait dans le débat qui est le nôtre aujourd’hui.
Alors ne dites pas, avec la tranquille assurance qui est la vôtre, monsieur le ministre, ce ton lisse et paisible qui donne à votre discours l’apparence d’une parole fondée sur des réalités, des choses inexactes. Nous n’avons pas décidé de faire de l’opposition systématique, mais à l’inverse vous n’avez pas à nous dénier le droit d’exprimer une approche fondamentalement différente de la vôtre, comme Guillaume Larrivé vient de le faire. Cela ne fait pas de vous de meilleurs républicains, pas plus que nous pensons être plus républicains que vous.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je ne conteste aucunement la possibilité que vous avez d’exprimer des points de vue différents et je ne méprise pas ces points de vue. Le temps que je passe à y répondre de la façon la plus méticuleuse possible est bien, du reste, le signe que je respecte le Parlement et que j’ai la volonté de lui apporter des réponses précises.
Vous me reprochez d’être calme et lisse. C’est vrai. Certains sont tout le temps énervés ; moi, je suis calme et lisse, car je pense qu’on n’a pas besoin d’être énervé pour être convaincant.
M. Éric Ciotti. C’est méchant pour le Premier ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce n’est pas à lui que je pensais. Si vous voulez que je vous dise le fond de ma pensée… (Sourires.) Mais vous l’avez comprise !
Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est celui qui passe des coups de fil !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le fait que nous soyons en désaccord n’est pas dramatique. J’ai expliqué les raisons pour lesquelles je pensais qu’il ne fallait pas accéder à votre demande. Ce que je vous propose c’est que sur ce sujet où nous nous sommes dit beaucoup de choses, nous puissions maintenant avancer.
(L’amendement no 93 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 135 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 315.
Mme Chantal Guittet. Cet amendement sera sans doute plus consensuel, car il vise à mettre en cohérence le code civil et le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’ordonnance de protection instaurée en 2010 protège toute personne de tout type de violence, sans distinction quant à son statut marital ou sa situation administrative. Or, la délivrance et le renouvellement de la carte de séjour mentionnée dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers ne concernent pas spécifiquement les personnes étrangères victimes de violences au sein du couple.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement et a préféré s’en tenir à la rédaction actuelle, par souci de ne pas ouvrir excessivement le dispositif de cette carte de séjour lorsque les violences interviennent hors du cercle familial au sens strict.
Il me semble toutefois, à titre personnel et après une expertise plus approfondie, qu’il est pertinent d’aligner la rédaction de l’article L. 316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, relatif à la carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » destinée à l’étranger muni d’une ordonnance de protection, sur celle de l’article 515-9 du code civil, qui vise bien « un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin ». C’est pourquoi j’émets, à titre personnel, un avis favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Sagesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre, vous devriez donner un avis favorable sur cet amendement.
Mme Chantal Guittet. Merci !
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Eh bien !
M. Guy Geoffroy. Je ne crains pas du tout les remarques que cela pourrait susciter, car j’ai toujours assumé, en matière de lutte contre les violences au sein du couple, une conception que nous avions déjà intégrée, à mon initiative, dans la première loi de 2006. Selon cette conception, la notion de violences au sein du couple ne se limite pas aux couples mariés, ni au moment où le couple existe, mais peut valoir même des années après sa dissolution, dans les faits ou par la loi.
Cet amendement correspond donc parfaitement à l’esprit de ce que j’ai développé en 2006, puis à nouveau en 2010, dans cet hémicycle – je me souviens du reste qu’à l’époque, des réticences s’étaient exprimées sur tous les bancs de notre assemblée. Nous progressons et nous allons continuer de progresser en adoptant cet amendement, auquel je suis personnellement très favorable et que je voterai.
(L’amendement no 315 est adopté.)
M. Guy Geoffroy. Nous l’avons voté !
Mme Chantal Guittet. Merci ! J’avais bien dit qu’il était consensuel !
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous vous en donnons quitus !
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 124.
M. Sergio Coronado. Cet amendement a pour objet, conformément à la recommandation de la Commission nationale consultative des droits de l’homme – CNCDH –, de permettre aux femmes étrangères d’obtenir un titre de séjour durant la procédure engagée en cas de répudiation.
Il me semble cependant que cet amendement a été grandement satisfait hier par l’adoption de l’amendement no 354 présenté par Mme Chapdelaine et qu’il aurait donc dû tomber.
M. Guy Geoffroy. Il ne pouvait pas tomber, car il ne porte pas sur le même article !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. La commission a refusé votre amendement, qui était défendu alors par M. Paul Molac, car il tend à introduire en droit français la notion de répudiation, ce qui n’est pas souhaitable par principe. C’est uniquement pour cette raison que l’avis rendu par la commission est défavorable. Sur le fond, j’ignore s’il est satisfait par celui de Mme Chapdelaine.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il l’est !
M. Erwann Binet, rapporteur. S’il l’est, tant mieux, mais cela ne change pas l’avis défavorable de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. J’ai bonne mémoire et je me souviens bien de l’examen de l’amendement no 354, pratiquement identique à celui-ci. Or, c’est une argumentation tout à fait différente qui a permis de donner un avis favorable sur l’amendement de Mme Chapdelaine. Je suis donc étonné qu’au lieu de me dire que cet amendement était satisfait, vous développiez une argumentation à son encontre après avoir défendu hier une position contraire. Cependant, puisque je considère que cet amendement est satisfait, je le retire et je me félicite que celui de Mme Chapdelaine ait été adopté d’une façon assez consensuelle.
(L’amendement no 124 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 180.
M. Guillaume Larrivé. On estime couramment qu’il y a aujourd’hui en France 200 000 à 400 000 étrangers en situation irrégulière. Peut-être sont-ils plus nombreux. Si l’on se souvient qu’environ 45 000 à 50 000 personnes sont déboutées chaque année du droit d’asile et que, selon un récent rapport de la Cour des comptes, 99 % des déboutés du droit d’asile ne sont pas éloignés du territoire français, le nombre de personnes en situation illégale pourrait être en France de 400 000 ou 450 000, voire 500 000.
Nous proposerons plusieurs amendements visant à rendre effectif le principe selon lequel ces personnes doivent être raccompagnées dans leur pays d’origine.
Celui-ci propose une solution tout à fait nouvelle s’agissant de l’accès aux prestations bancaires car l’idée selon laquelle les personnes sont en situation irrégulière au regard du droit de séjour doivent continuer à avoir accès à un compte bancaire nous paraît peu défendable.
Concrètement, nous proposons la clôture progressive des comptes bancaires des personnes en situation illégale ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement définitive confirmée par les juridictions. Une personne en situation illégale en France n’a, par définition, pas à y rester. La question de l’accès aux prestations et services bancaires doit donc être posée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Avis évidemment défavorable.
M. Guy Geoffroy. Pourquoi « évidemment » ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(L’amendement no 180 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 173.
M. Guillaume Larrivé. On retiendra que, pour les députés socialistes comme pour le Gouvernement, il est tout à fait normal, souhaitable, légitime qu’une personne en situation clandestine bénéficie d’une sorte de statut qui l’autorise à bénéficier de prestations bancaires. C’est bien d’une situation quasiment statutaire qu’il s’agit. Voilà encore une différence entre nous : nous pensons, nous, que les personnes en situation illégale n’ont pas à rester sur le territoire national et ne doivent donc pas bénéficier de facilités équivalentes à celles dont bénéficient les personnes en situation légale.
Les deux amendements qui suivent et dont je défends ici le premier – l’amendement no 173 – proposent une nouveauté, qui devrait être adoptée à l’unanimité : le contrat de retour volontaire. Il serait utile de proposer, dans le cadre d’accords de gestion concertée avec les pays d’origine – certains États en voie de développement –, une prestation de retour volontaire.
Il ne s’agit pas là, monsieur le ministre, du dispositif que vous avez supprimé et qui concernait les ressortissants de certains pays européens, mais d’une mesure visant les ressortissants de pays en développement : un contrat de retour volontaire par lequel la personne étrangère s’engagerait à regagner son pays et l’État à accompagner son projet dans le cadre d’une politique de coopération.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Vous avez raison, monsieur Larrivé, ce n’est pas le même dispositif puisqu’il ne concerne pas les ressortissants européens. Il aura cependant exactement le même effet.
Le mécanisme que vous aviez institué de manière expérimentale en 2005, puis de manière définitive en 2006, permettait, notamment à des populations venues de Roumanie et de Bulgarie, de retourner dans leur pays avec un pécule de trois cents euros par adulte et de cent euros par enfant. Une famille de deux adultes et trois enfants recevait ainsi près de 1 000 euros alors qu’en Roumanie, par exemple, le salaire moyen était inférieur à 200 euros – il est aujourd’hui légèrement supérieur.
M. Guillaume Larrivé. Ça n’a rien à voir ! Lisez les amendements !
M. Erwann Binet, rapporteur. Tout le monde a pu constater les effets de ce dispositif et le ministre les a évoqués au début de nos débats, en particulier sur les statistiques en matière de procédures d’éloignement. C’est évidemment pour cette raison que la commission n’a pas voulu réitérer cette très mauvaise expérience dans laquelle vous vous étiez obstinés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Défavorable.
(L’amendement no 173 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 174.
M. Guillaume Larrivé. Ce contrat de retour volontaire est un vrai sujet et je suis très désagréablement surpris par la manière dont le rapporteur feint de ne pas savoir lire les amendements qui lui sont soumis. Il vient en effet de faire un développement parfaitement inopérant à propos d’une disposition qui n’a absolument aucun rapport avec l’amendement proposé.
Celui-ci, monsieur le rapporteur, comme vous l’auriez vu si vous vous étiez donné la peine de le lire, prévoit qu’un étranger originaire d’un pays en développement – je ne pense pas que ce soit le cas de la Roumanie ou de la Bulgarie – figurant sur une liste de pays fixée par le ministre des affaires étrangères et le ministre de l’intérieur, pourrait souscrire avec l’État un contrat de retour volontaire précisant le projet qu’il souhaite réaliser dans son pays d’origine. L’État s’engagerait à faciliter la réalisation de ce projet et pourrait verser une aide au retour volontaire. La souscription de ce contrat ferait évidemment perdre à l’étranger les droits attachés au titre de séjour. Ce serait là un dispositif tout à fait nouveau, de caractère contractuel, participant de la logique du développement concerté et de co-développement.
Les gouvernements de la mandature précédente avaient engagé une politique extrêmement active à l’endroit des pays subsahariens. Ainsi, M. Brice Hortefeux, en qualité de ministre de l’immigration, puis de ministre de l’intérieur, s’est rendu vingt-deux fois dans les pays d’origine pour engager avec eux une politique contractuelle. Dans les mois et les années à venir, il faudra mener des actions très déterminées, liant les problématiques de coopération et d’aide publique au développement à celle de la gestion des flux migratoires.
Nous croyons à la nécessité de lier ces deux sujets. Les initiatives que prend actuellement M. Jean-Louis Borloo dans le cadre des réflexions qu’il mène avec certains États africains pour faciliter l’électrification de régions africaines participent également de cette logique, et de co-développement et de maîtrise des flux migratoires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Monsieur Larrivé, je vais vous prouver que je sais lire.
Bien sûr, vos arguments sont légitimes : il faut évidemment permettre aux pays en voie de développement de bénéficier des apports qu’ils peuvent recevoir de certains de leurs ressortissants venus se former en France ou y acquérir une formation professionnelle.
C’est tout le sens des dispositifs d’aide au retour mis en œuvre par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Mais je ne pense pas nécessaire d’enserrer ce type de dispositions dans un contrat tel que celui que vous prévoyez, qui me paraît beaucoup trop formel et contraignant. Il interdit notamment de « s’établir à nouveau en France pendant une durée de dix ans suivant la souscription du contrat. » Cela est évidemment beaucoup trop contraignant, d’où l’avis défavorable de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je suis très favorable à toutes les politiques de co-développement. J’évoquais tout à l’heure ce que nous avons engagé avec le Niger, où je me suis rendu il y a deux mois pour rencontrer mon homologue et le président Issoufou afin de bâtir une politique de co-développement intégrant un dispositif d’aide au retour. Celui-ci doit être harmonisé au plan européen pour être efficace, parce que ce serait une politique européenne mobilisant la commission et l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM.
Aujourd’hui, les politiques de co-développement doivent être fortement encouragées, comme les centres de maintien. Mais, pour être efficaces, elles doivent être portées par l’Union européenne, une grande partie des migrants arrivant sur le sol européen par l’Italie et la Grèce. Ce que nous faisons avec les hotspots n’a de soutenabilité que dès lors que l’on organise le retour vers leur pays d’origine des migrants économiques irréguliers. Cela pourrait très bien se concevoir dans le cadre d’une politique globale européenne ayant un sens et une cohérence.
Je suis assez réservé sur votre dispositif pour la raison que je ne le crois pas efficace. Il revient en effet à demander à des migrants réguliers, donc des étrangers en situation régulière, de souscrire un contrat en application duquel ils seraient accompagnés financièrement pour le retour, en contrepartie de quoi ils n’auraient plus la possibilité de revenir en France pendant dix ans.
Ce dispositif a déjà existé, dans un contexte certes différent mais qui n’était pas exempt de pressions migratoires : mis en place en 1977 par Lionel Stoléru, ce dispositif a donné lieu à la signature de deux mille contrats – la presse à l’époque avait beaucoup commenté le « million Stoléru », indiquant ainsi que cette mesure avait toutes les apparences de l’efficacité, mais toute la réalité de l’inefficacité, ses effets ayant été tout à fait marginaux.
Vous proposez donc en réalité de revenir au « million Stoléru » – une idée neuve, qui date des années 1970, et dont on a pu mesurer l’efficacité à l’époque ! Je ne suis pas favorable à cela parce que je pense que ce n’est absolument pas efficace.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, je suis né en 1977, l’année où Lionel Stoléru présentait cette mesure. Au-delà de cette circonstance tout à fait personnelle, nous ne sommes plus sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing ni sous le gouvernement de Raymond Barre – on peut le regretter à bien des égards car les performances économiques et financières étaient alors nettement plus favorables !
M. Guy Geoffroy. Le Front national n’existait pas !
M. Guillaume Larrivé. La vraie différence, c’est qu’aujourd’hui, selon l’étude de l’OCDE parue il y a quelques jours, 43 % des personnes étrangères en âge de travailler présentes en France sont sans emploi : c’est radicalement différent ! En 1977, il y avait déjà la crise économique, il y avait eu les chocs pétroliers, mais il n’y avait pas quatre ou cinq millions de chômeurs en France !
Proposer d’organiser un plan de retour volontaire permettrait de mobiliser les administrations, le Quai d’Orsay et les services de coopération dans les pays d’origine. Cela inciterait le Président de la République lui-même à s’intéresser à cette question en lien avec les chefs d’État de l’Afrique subsaharienne, et à organiser un tel plan. Nous avons compris que vous ne le ferez pas ; nous souhaitons, pour notre part, pouvoir le faire – dans deux ans !
(L’amendement no 174 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 133.
M. Guillaume Larrivé. Cet amendement important concerne le bénéfice des allocations familiales, pour des raisons déjà exposées. Aujourd’hui, elles sont accessibles après trois mois de séjour en France. Nous pensons nécessaire de définir une durée plancher de résidence légale pour pouvoir en bénéficier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. J’imagine que c’est votre contribution au caractère universel des allocations familiales ! Ainsi que nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, ces droits qui, en l’espèce, sont une aide à l’éducation d’enfants à charge, ne sauraient être liés ni à la nationalité, ni même à une durée de séjour de moyen terme, comme vous le proposez, dès lors que ces personnes ou familles résident de façon régulière.
Vos propositions concernent, tantôt des personnes en situation régulière, tantôt des personnes en situation irrégulière. Je souhaite donc rappeler qu’en l’occurrence, nous traitons de l’accès aux allocations familiales de personnes qui séjournent régulièrement sur notre sol. Avis évidemment défavorable de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Pour conclure ce chapitre, je souhaite recadrer ce débat. Nous avons une opposition de fond, monsieur le ministre, qui est respectable. Nous considérons, pour notre part, qu’il convient aujourd’hui de restreindre les flux migratoires. Pour ce faire, il faut lutter de façon implacable contre l’immigration irrégulière : nous reviendrons sur ce sujet, sur lequel nous avons fait des propositions qui sont radicalement opposées à votre politique.
Nous souhaitons également réduire l’attractivité de notre modèle social pour l’immigration régulière, notamment pour tous ceux qui n’ont pas de travail dans notre pays. Au terme de ce long débat, je tenais à souligner notre opposition de fond sur ce sujet.
(L’amendement no 133 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement no 366.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il a pour objet de prendre en considération la situation du parent qui accompagne un mineur citoyen de l’Union européenne. Si mesure d’éloignement du parent il y a, la destination doit être un pays de l’Union européenne pour respecter le droit de l’enfant.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Ce sujet, qui nous a été soumis par notre collègue Premat, est extrêmement pointu, mais le problème est réel. La jurisprudence a apporté une réponse satisfaisante au cas d’espèce, mais je soutiens pleinement la volonté de M. Premat et de vous-même d’inscrire dans la loi la solution retenue.
Néanmoins la rédaction que je proposerai à l’amendement no 369 qui viendra un peu plus tard en discussion est meilleure et devrait vous donner satisfaction. Je vous invite donc à retirer votre amendement au profit de la proposition que je vous soumettrai tout à l’heure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il est retiré.
(L’amendement no 366 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 14.
M. Philippe Goujon. Cet amendement va de pair avec mon amendement no 17 qui viendra plus tard en discussion : ils n’en formaient qu’un seul à l’origine.
Cet article 14 porte sur les cas où le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public et justifie le prononcé d’une obligation de quitter le territoire français par la commission de plusieurs délits, dont les mariages forcés et certains vols aggravés. Nous proposons d’ajouter à la liste les mariages frauduleux, mariages gris ou mariages blancs, d’ailleurs visés par l’article 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ces mariages sont passibles de cinq ans de prison et de 15 000 euros d’amende et constituent évidemment des fraudes flagrantes en vue d’acquérir la nationalité ou le droit au séjour régulier sur notre territoire, avec tous les avantages s’y attachant.
S’agissant des vols aggravés, il faudrait ajouter les délits qui figurent au même article du code pénal et qui sont identiquement punis de cinq ans de prison et de 75 000 euros d’amende. La limitation à laquelle vous procédez nuit à l’intelligibilité de la loi et ne se justifie pas.
En commission, vous aviez dit, monsieur le rapporteur, que mon amendement était satisfait par le vôtre. Ce n’est pas tout à fait conforme à la réalité, puisque vous n’évoquez que certains cas de vols aggravés, et non pas tous. Parmi ceux que vous ne citez pas dans cet article, il y en a qui me paraissent très graves, comme le vol avec violence n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail, les cambriolages, les vols dans un transport en commun, les vols commis pour des motifs xénophobes, le racket dans les établissements scolaires ou à leurs abords. C’est pourquoi je souhaite compléter cette liste.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Comme vous l’avez dit monsieur Goujon, le texte se borne à sanctionner des faits extrêmement graves, constitutifs de violences aux personnes. Certes, la notion de gravité est sujette à discussion mais votre amendement propose d’étendre cette rigueur aux atteintes aux biens et même aux fraudes documentaires. Cette solution étant excessive, la commission a préconisé le rejet de votre amendement, comme de tous ceux du même type.
(L’amendement no 14, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 61.
M. Sergio Coronado. L’article 14 permet à l’autorité administrative d’ordonner à un étranger de quitter le territoire sur une simple présomption, dès lors qu’elle considère que la personne aurait commis des faits délictueux : il n’y a à ce stade aucune condamnation par les tribunaux ni même de décision d’orientation par le parquet. Cet article est donc problématique du point de vue de la présomption d’innocence et de respect des décisions judiciaires. Il doit pour nous viser des délits suffisamment graves, nécessitant une réponse rapide, pour justifier cette atteinte.
Il est surprenant que certains des délits énumérés à côté de la traite et du proxénétisme ne soient passibles que de six mois de prison. Il serait sage que le principe de proportionnalité soit respecté. Cet amendement vise donc à ne pas retenir les délits passibles de moins d’un an de prison pour justifier une OQTF.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. La lecture de votre exposé sommaire trahit une confusion fréquemment commise : une OQTF n’est pas une peine mais une mesure administrative prise par le préfet. Il n’est donc pas question de présomption d’innocence, qui relève du vocabulaire pénal. C’est pourquoi l’article vise la commission de faits répréhensibles et non la condamnation par l’autorité judiciaire.
Je rappelle aussi que sont concernés par cette nouvelle catégorie d’OQTF – qui reprend l’actuel régime de l’arrêté de reconduite à la frontière, voué à disparaître à la suite de l’adoption du présent texte – les seuls étrangers qui ne résident pas régulièrement en France depuis plus de trois mois.
Il s’agit donc de personnes qui violent les lois presque immédiatement après leur arrivée sur le territoire. Nous veillons à préserver les droits des personnes présentes de longue date sur le territoire français et qui y ont créé des liens, mais il ne faut peut-être pas considérer que des individus installés depuis moins de trois mois devraient bénéficier d’un droit de séjour en dépit d’un comportement immédiatement répréhensible. La commission a donc réservé un avis défavorable à votre amendement, monsieur Coronado.
(L’amendement no 61, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Philippe Goujon. Je l’ai déjà défendu.
(L’amendement no 17, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 15.
M. Philippe Goujon. Il vise à ajouter aux cas permettant de prononcer une OQTF celui des migrants en transit, qui ne demandent pas l’asile en France ni le statut de réfugié et ne souhaitent pas se maintenir sur le territoire, mais constituent tout de même une charge financière pour le pays d’accueil.
Cet amendement va dans le sens de ce que nous a dit M. le ministre de l’intérieur en commission : « Un étranger en situation irrégulière doit être conduit à la frontière » et pas forcément hébergé dans un de ces centres de transit pour migrants qui sont de plus en plus nombreux. Il y en aura bientôt à Paris, puisque la maire a demandé à chaque maire d’arrondissement d’ouvrir un tel centre : ce seront autant de « mini-Sangatte » un peu partout dans la capitale !
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Oh ! la la !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. En vous écoutant, j’avais un doute sur l’amendement que vous défendiez. Le vôtre concerne tous les étrangers, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, et non les seuls étrangers en situation irrégulière, comme vous le dites.
En pratique, le cas est déjà couvert par la loi, puisqu’il est possible d’imposer une obligation de quitter le territoire français à tout étranger « qui s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation de visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré », selon l’article L. 511-1 du CESEDA.
En outre, sa rédaction laisse penser qu’un étranger en situation régulière devrait faire l’objet d’une OQTF pour peu qu’il soit devenu une charge, par exemple à la suite d’un accident ou d’un problème de santé qui nécessite des soins. Cela nous paraît un peu trop restrictif. Avis défavorable.
(L’amendement no 15, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 46.
M. Sergio Coronado. Il vise à supprimer l’alinéa 4 qui permet de mettre en cause le droit de séjour d’un étranger en situation régulière dès lors que celui-ci a travaillé sans l’autorisation prévue à l’article L. 5221-5 du code du travail.
Étant donné la situation du marché du travail et la pression qui est parfois exercée sur les travailleurs étrangers, cet alinéa peut inciter certains employeurs à recourir au travail dissimulé, aggravant ainsi la précarité et la vulnérabilité des personnes étrangères. Je ne crois pas que ce soit à elles d’assumer cette responsabilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Nous en avons déjà débattu en commission. Vous souhaitez la suppression de la possibilité de prononcer une OQTF sur la base d’une infraction au droit du travail.
Comme je l’ai indiqué en commission, le raisonnement est parfaitement compréhensible. Néanmoins la disposition en cause est importante dans la lutte contre le travail clandestin. Elle indique que l’étranger fraîchement arrivé sur le territoire national – je rappelle que nous parlons de personnes qui y résident depuis moins de trois mois – doit solliciter une autorisation de travail, au risque d’être expulsé. Cette disposition permet de décourager les réseaux qui approvisionnent les ateliers clandestins. La supprimer enverrait un mauvais signal. C’est pourquoi la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.
(L’amendement no 46, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 221.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le projet de loi prévoit, en conformité avec la directive « Retour », que pour déférer à l’obligation de quitter le territoire français, le ressortissant d’un pays tiers dispose de trente jours pour rejoindre son pays d’origine ou un autre État non membre de l’Union européenne dans lequel il est légalement admissible. C’est une précision essentielle pour éviter toute ambiguïté quand un étranger visé par une OQTF n’y satisfait pas en se rendant par exemple en Espagne ou en Belgique.
Mais cette garantie est incomplète si on ne prévoit pas aussi le cas des pays non membres de l’Union européenne mais participant à l’espace Schengen, c’est-à-dire la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et surtout la Suisse. Cela confirmera, de plus, la cohérence entre l’OQTF et l’interdiction de retour, dont les effets concernent l’ensemble de l’espace Schengen.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. C’est une précision utile. Avis favorable.
(L’amendement no 221 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 369.
M. Erwann Binet, rapporteur. Il s’agit de l’amendement que j’évoquais tout à l’heure lors de l’examen de l’amendement défendu par Marie-Anne Chapdelaine à l’initiative de M. Premat.
Il vise le cas assez particulier, mais que j’ai rencontré dans ma circonscription, d’un étranger non européen qui aurait la charge d’un enfant européen et qui ne pourrait donc être éloigné de France qu’à destination du pays de son enfant.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
M. Guy Geoffroy. Je ne crois pas qu’il puisse être question de Confédération suisse mais bien plutôt de Confédération helvétique.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Erwann Binet, rapporteur. C’est pourtant le nom officiel utilisé par le Quai d’Orsay.
(L’amendement no 369, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 219.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 219, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 47.
M. Sergio Coronado. Cet amendement porte sur la définition du risque de fuite qui permet de refuser l’octroi d’un délai de départ volontaire et aboutit donc au placement en centre de rétention administrative ou à l’assignation à résidence.
Ce risque de fuite doit être apprécié en référence à l’acception européenne, c’est-à-dire, aux termes de la directive de 2008, en considération d’autres facteurs que le simple séjour irrégulier. Pour nous, la définition du risque de fuite devrait aussi se fonder sur la jurisprudence du Conseil d’État : il doit s’apprécier au regard d’une soustraction systématique et intentionnelle à la mesure d’éloignement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(L’amendement no 47 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 48.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à supprimer l’interdiction de retour sur le territoire français d’une durée allant de deux à cinq ans. Cette mesure est généralisée pour les personnes ne bénéficiant pas d’un délai de départ volontaire et pour celles qui ne respecteraient pas le délai de départ accordé.
Je rappelle qu’en 1993 le Conseil constitutionnel avait censuré l’interdiction automatique de retour d’un an lié à un arrêté de reconduite à la frontière. Or, telle que proposée aujourd’hui, l’interdiction de retour relève plus de la sanction que de la mesure de police administrative.
Des possibilités d’interdictions de retour vont également au-delà de celles inscrites dans la directive « Retour ».
Enfin, malgré la gravité de cette mesure, comme la CNCDH l’a noté, le projet de loi ne prévoit aucune catégorie de personnes protégées explicitement, telles les victimes de la traite. je crois que c’est une erreur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Cet amendement, monsieur Coronado, est néanmoins contraire au droit européen et, plus précisément, à la directive « Retour », laquelle réclame le respect par les États membres des dispositions en cause. Il y a encore quelques semaines encore, le Conseil européen rappelait l’importance des interdictions de territoire pour mieux identifier les étrangers en situation irrégulière et procéder plus simplement aux mesures adéquates.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(L’amendement no 48 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 288.
M. Denys Robiliard. Cet amendement est assez proche de celui défendu par M. Coronado sauf qu’il se limite à la suppression du seul alinéa 13.
Je ne pense pas qu’il soit contraire à la directive « Retour », l’État membre bénéficiant tout de même de marges d’appréciation pour déterminer les modalités de sa mise en œuvre. Dès lors, il me semble que l’automatisme ou, en tout cas, la possibilité d’une interdiction très fréquente faute d’un délai de départ volontaire ou lorsque le délai de départ n’a pas été respecté me paraît excessif.
J’ajoute que la rédaction du texte implique que la décision résulte d’un processus de sanction, ce qui pourrait relever de la matière pénale au sens où l’entend la Cour européenne. Dans ce cas-là, la procédure n’est pas du tout conforme aux exigences du procès équitable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable pour les raisons précédemment exposées.
(L’amendement no 288, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 97.
M. Guillaume Larrivé. Il est défendu.
(L’amendement no 97, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 49 et 348 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 49.
M. Sergio Coronado. Cet amendement, dans le même esprit que les précédents, vise à prévoir une exception s’agissant du prononcé de l’interdiction de retour pour les personnes victimes de traite ou celles qui ont témoigné dans des enquêtes contre les réseaux de proxénétisme.
Je rappelle que le 3 de l’article 11 de la directive « Retour » 2008/115/CE prévoit que : « les personnes victimes de la traite des êtres humains auxquelles un titre de séjour a été accordé conformément à la directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes ne font pas l’objet d’une interdiction d’entrée, sans préjudice du paragraphe 1, premier alinéa, point b, et à condition que le ressortissant concerné d’un pays tiers ne représente pas un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. »
Vous le constatez, monsieur le rapporteur, ce que nous proposons n’est pas contraire à cette directive, bien au contraire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement no 348 rectifié.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je considère qu’il a été défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Vous avez raison, monsieur Coronado, de même que Mme Chapdelaine. L’amendement de Mme Chapdelaine étant plus complet et plus précis que le vôtre, monsieur Coronado, je vous prie de bien vouloir le retirer à son profit.
Avis favorable, donc, à l’adoption de l’amendement présenté par Mme Chapdelaine et les membres du groupe SRC.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Je me rallie à l’amendement no 348 rectifié et je retire le mien.
(L’amendement no 49 est retiré.)
(L’amendement no 348 rectifié est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 204.
M. Guillaume Larrivé. Il est défendu.
(L’amendement no 204, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 395.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si vous en êtes d’accord, madame la présidente, je présenterai également l’amendement suivant no 367 rectifié puisqu’il repose sur la même idée.
L’amendement no 367 rectifié du Gouvernement a pour objet d’établir un régime contentieux accéléré pour certains cas d’obligation de quitter le territoire français. Il s’agit de ceux visés aux 1°, 2°, 4° et 6° de l’article L. 511-1 du CESEDA, c’est-à-dire les OQTF prises sans que le préfet ait été saisi d’une demande de titre de séjour.
Dans ces cas, le préfet s’est limité à constater l’entrée irrégulière de l’étranger en France, son maintien en situation irrégulière ou le fait qu’il ait été débouté de sa demande d’asile. Son appréciation est donc très encadrée et l’aménagement d’une voie contentieuse accélérée se justifie pleinement.
En outre, il est opportun d’accélérer le jugement de ces OQTF, notamment en ce qui concerne les déboutés du droit d’asile dont la situation a déjà été examinée par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l’OFPRA, et par la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, pour favoriser leur mise en œuvre.
À l’occasion de l’examen du projet de loi par la commission des lois, des préoccupations ont été exprimées quant à la brièveté des délais de recours et de jugements prévus dans le projet de loi initial du Gouvernement et quant à la soutenabilité du dispositif pour la juridiction administrative.
J’entends ces préoccupations et, en conséquence, je vous propose la mise en place d’une procédure qui les prend en compte tout en accélérant et en diminuant de moitié la durée de la procédure contentieuse.
Le délai de recours serait ainsi établi à quinze jours, à l’exemple de ce que vous avez décidé dans le cadre de la réforme de l’asile pour les recours contre les décisions de remises prises en application du règlement Dublin III. Le délai de jugement, quant à lui, serait de six semaines. Nous favoriserons ainsi l’effectivité de nos dispositifs d’éloignement.
Par ailleurs, votre rapporteur vous propose de décharger les juridictions administratives du contentieux de la rétention, qui pourvoit aujourd’hui un nombre important de recours jugés en juge unique.
Si ces amendements sont adoptés, on peut penser que du temps de juge unique serait ainsi libéré en proportion suffisante pour permettre à la juridiction de s’organiser au mieux afin d’assurer cette nouvelle voie de recours.
Il nous semble que nous parvenons ainsi à un équilibre conciliant un objectif d’efficacité et de célérité des procédures ainsi que le respect des droits.
L’amendement no 395 est quant à lui de coordination. Compte tenu de l’aménagement d’un contentieux accéléré pour certaines OQTF, il prévoit que les recours contre ces dernières prises sur le fondement de l’article L.511-3-1 à l’encontre des ressortissants européens suivront la procédure ordinaire visée au 1° de l’article L.511-1, c’est-à-dire avec un délai de recours d’un mois et de jugement de trois mois.
Tels sont les objets des amendements no 367 rectifié et 395 du Gouvernement que je vous propose d’adopter. Ils témoignent de notre volonté de procéder à la reconduite de ceux qui ont été déboutés du droit d’asile, comme je m’y étais engagé lors du vote de la loi relative à la réforme de l’asile. Nous sommes animés à la fois par un souci d’efficacité et de reconnaissance des droits.
Mme la présidente. Pour la bonne compréhension de nos débats, je précise que je suis saisie de plusieurs amendements, nos 367 rectifié, 98 et 142, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 98 et 142 sont identiques.
L’amendement no 367 rectifié vient d’être défendu.
Sur les amendements identiques nos 98 et 142, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 98.
M. Guillaume Larrivé. Il s’agit d’un point majeur.
Lors des débats sur le projet de réforme de l’asile, notre groupe à l’Assemblée nationale ainsi que nos homologues du Sénat ont défendu la nécessité d’accélérer les procédures d’éloignement des personnes déboutées du droit d’asile.
Dans le projet, le Gouvernement a fait un pas dans cette direction – c’est d’ailleurs, à dire vrai, le seul article de ce texte funeste qui nous semble aller dans la bonne direction. Cependant, cédant sans doute à certaines pressions ou sollicitations des milieux associatifs, le groupe SRC et la commission des lois ont souhaité que cette accélération de l’éloignement des déboutés du droit d’asile ne soit pas votée. La commission des lois a donc supprimé ce dispositif.
Par cet amendement, nous proposons au contraire de lui donner toute sa force en maintenant les délais d’une très grande célérité prévus par votre projet de loi initial, monsieur le ministre. Nous proposons en effet que le délai de saisine en la matière soit de sept jours et que celui de jugement par le tribunal administratif soit d’un mois.
L’amendement que vous venez de présenter est en retrait par rapport à votre position initiale : on voit bien que vous essayez de ménager la chèvre et le chou, c’est-à-dire de concilier les impératifs de la gestion administrative de l’éloignement et ceux, peut-être encore plus compliqués à maîtriser, de la gestion de votre majorité très diverse. Vous essayez donc de faire un pas en direction de l’aile gauche de votre majorité…
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Vous n’arriverez pas à nous diviser !
M. Guillaume Larrivé. … et un pas vers les nécessités opérationnelles.
Très concrètement, vous proposez donc des délais de recours de quinze jours et de six semaines pour les jugements, ce qui constitue autant de reculs par rapport à vos intentions initiales. Nous proposons quant à nous que les engagements initiaux soient tenus.
Nous avons très longuement débattu de ces questions dans le projet relatif à la réforme de l’asile. Le recul que vous vous apprêtez à opérer, monsieur le ministre, en cédant aux pressions de l’aile gauche de la majorité, est tout à fait regrettable.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Vous ne nous diviserez pas !
M. Guillaume Larrivé. En effet, cela compliquera encore l’éloignement des déboutés du droit d’asile sur le plan opérationnel ou, plus exactement, cela ne le facilitera pas, à la différence de ce que nous proposons, conformément à votre projet de loi initial.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 142.
M. Éric Ciotti. Pendant tout l’examen du projet de réforme du droit d’asile, monsieur le ministre, vous nous avez renvoyés à ce projet sur le droit des étrangers lorsque nous vous interpellions sur l’absence de dispositifs concernant l’éloignement des déboutés. Il s’agit en effet d’un problème majeur qui met en péril notre système d’asile car, comme la Cour des comptes l’a pointé, à peine 1 % des déboutés sont éloignés.
Systématiquement, donc, vous nous avez renvoyés au texte dont nous discutons. C’est maintenant l’heure de vérité, qui révélera si votre discours était ou non sincère.
Nous avions quant à nous défendu une position très claire : que le fait du recours par l’OFPRA ou la CNDA d’une demande d’asile vaille OQTF. Vous l’avez refusée.
M. Philippe Goujon. Hélas !
M. Éric Ciotti. Vous avez fait un pas avec cette procédure de contentieux accéléré, que votre majorité a remise en cause en commission des lois. Nous vous demandons à tout le moins, monsieur le ministre, de revenir à votre proposition initiale.
M. Philippe Goujon. C’est un minimum.
M. Éric Ciotti. Ce serait en effet le minimum pour prouver la sincérité de votre démarche. Si vous ne le faites pas, si vous cédez aux ultras de votre majorité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), le texte relatif à la réforme du droit d’asile n’aura aucun sens…
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Un projet de loi, cela évolue !
M. Éric Ciotti. … et vous aurez démontré qu’il est complètement insincère.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements, depuis l’amendement no 395 ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Il est vrai que la commission a supprimé ce dispositif mais absolument pas à la suite de je ne sais quelle pression. Nous avons débattu mais vous n’étiez pas présent en commission, monsieur Larrivé.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est vrai !
M. Erwann Binet, rapporteur. Il est donc difficile de parler au nom de ceux qui étaient présents.
M. Éric Ciotti. Pas de leçon de cette nature ! Contentez-vous du fond !
M. Erwann Binet, rapporteur. Ce n’est que la réponse aux leçons que vous nous adressez vous-mêmes ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. S’il vous plaît !
M. Guillaume Larrivé. C’est d’une médiocrité pitoyable !
M. Erwann Binet, rapporteur. Les amendements de MM. Larrivé et Ciotti visant à rétablir la rédaction initiale du projet de loi ont été en toute logique repoussés par la commission.
L’amendement no 367 rectifié prévoit un régime contentieux dérogatoire concernant entre autres les déboutés du droit d’asile.
Lors de ses travaux, la commission des lois a supprimé le dispositif prévu, jugeant que les délais de recours et de jugement, respectivement de sept jours et d’un mois – certes, avec un juge unique, sans rapporteur public, mais un mois tout de même – étaient trop brefs pour respecter le droit des étrangers et les capacités des juridictions.
Aujourd’hui, le délai de droit commun, qui est de trois mois, est respecté dans la plupart des tribunaux administratifs.
Mais, dans les tribunaux administratifs embouteillés par le contentieux des étrangers, notamment en région parisienne, ce délai peut être beaucoup plus long. Il est, en moyenne, de cinq mois et treize jours au niveau national.
Nous devons avoir le souci d’une bonne administration de la justice, et nous pouvons compter sur la bonne volonté des magistrats administratifs. Mais il ne paraît pas judicieux de fixer dans la loi un délai d’un mois, si nous savons pertinemment qu’il ne pourra être respecté.
L’amendement du Gouvernement a été rectifié pour prendre en compte la position de la commission : le délai de saisine est passé de sept à quinze jours, et le délai de jugement d’un mois à six semaines. En conséquence, je pense pouvoir donner un avis favorable à cet amendement au nom de la commission des lois. Mais je tiens tout de même à dire, y compris aux députés de l’opposition, qui sont eux aussi favorables à la fixation d’un délai sui generis, que nous avons déjà adopté, au cours des dernières années, trois projets de loi imposant des délais sui generis au juge administratif.
Je veux parler de la loi DALO, de la loi ALUR…
M. Guillaume Larrivé. Vous avez raison : vous n’auriez pas dû voter la loi ALUR. Brillante démonstration !
M. Erwann Binet, rapporteur. …où nous avons expérimenté la compétence, en premier et dernier ressort, des tribunaux administratifs sur une durée de cinq ans dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants et, enfin, de la loi de sécurisation de l’emploi, où le juge a un délai de trois mois pour statuer sur le plan de sauvegarde de l’emploi. Si le tribunal administratif ne donne pas sa décision au bout de trois mois, la cour administrative d’appel est directement saisie et, au-delà d’un nouveau délai de trois mois, c’est le Conseil d’État qui statue en premier et dernier ressort.
Nous partageons la volonté politique du Gouvernement et nous avons dit en commission que nous partagions entièrement les préoccupations du ministre. Néanmoins, il me semble que nous pouvons nous accorder sur la nécessité d’éviter, à l’avenir, d’imposer aux juridictions administratives des recours sui generis pour chaque politique publique.
L’avis de la commission, je le répète, est favorable aux amendements nos 395 et 367 rectifié du Gouvernement, et défavorable aux amendements de MM. Larrivé et Ciotti.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Votre intervention, monsieur Ciotti, n’était pas convenable, et je vais vous dire pourquoi. L’amendement qui a été proposé et adopté au Sénat, et que j’ai repoussé préconisait que le refus de l’asile au terme des recours vaille obligation de quitter le territoire français – OQTF. Cet amendement n’était pas acceptable, car il posait un problème constitutionnel.
M. Éric Ciotti. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ne dites pas cela : les sénateurs de votre sensibilité en ont eux-mêmes convenu à la fin du débat. Cet amendement posait un problème constitutionnel, puisque, du fait de cette disposition, il devenait impossible pour celui qui avait demandé l’asile d’avoir accès au séjour à un autre titre, ce qui posait un problème d’égalité. Je vous confirme donc que cette disposition n’était pas constitutionnelle.
À propos de cette disposition anticonstitutionnelle proposée par un amendement de l’opposition, et à laquelle je me suis opposée, j’ai eu l’occasion de réaffirmer en quoi consiste la politique du Gouvernement, qui est très claire : parce que le Gouvernement est soucieux de la soutenabilité de l’asile, il entend que tous ceux qui ont été déboutés du droit d’asile et qui n’ont pas la possibilité d’accéder au séjour à un autre titre soient reconduits à la frontière dans des conditions humaines ; humaines, et rapides.
D’ailleurs, si nous ramenons de vingt-quatre à neuf mois le délai de traitement des dossiers des demandeurs d’asile, si nous renforçons aussi leurs droits au moment des recours, c’est parce que nous souhaitons que leur retour puisse se faire dans des conditions qui soient les moins inhumaines possibles, et même les plus humaines possibles. Nous pensons que la rapidité de traitement des dossiers évite l’enkystement de situations humaines difficiles dans notre pays.
Quel est l’état du droit aujourd’hui ? Le délai est d’un mois pour le recours et de trois mois pour le jugement, soit quatre mois en tout. Je propose que l’on ramène tout cela à deux mois et trois semaines, alors que le texte initial proposait un délai de deux mois. Vous présentez les trois semaines de décalage entre le texte initial et l’amendement gouvernemental comme un recul, ce qui est totalement absurde.
M. Éric Ciotti. Vous avez bien compris !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est absurde et assez peu honnête intellectuellement de votre part – mais ce n’est pas la première fois – et je vais vous dire pourquoi. Si j’ai proposé un allongement du délai, c’est parce que je me suis entretenu de cette question avec les juridictions administratives.
M. Guillaume Larrivé. Vous ne vous étiez donc pas entretenu avec elles au moment de l’élaboration de votre projet de loi ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je ne souhaite pas fixer des délais qui, compte tenu de l’organisation et des effectifs des juridictions administratives, risqueraient de ne pas être tenus. C’est donc au terme de contacts très étroits avec les juges que j’ai proposé ce nouveau délai.
Pourquoi l’ai-je fait ? Parce qu’en décidant de laisser au seul juge judiciaire le soin du contentieux de la rétention et de faire du juge administratif le juge du contentieux de l’OQTF, nous allons libérer celui-ci d’un certain nombre de contentieux qu’il avait à traiter, ce qui permettra de raccourcir les délais de jugement sur les autres questions.
Le dispositif que je propose reste très proche de ce que prévoyait le texte initial, tout en tenant compte des discussions que j’ai pu avoir avec les acteurs des juridictions administratives. Il permet au Gouvernement d’atteindre le but qu’il s’était fixé, puisque nous divisons presque de moitié le délai qui avait cours lorsque vous étiez en situation de responsabilité. Ce délai est très proche de celui que j’avais proposé dans le texte initial et il résulte de mes discussions avec les responsables des juridictions administratives, parce que je souhaite que ce qui est écrit dans la loi soit possible demain.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
M. Guy Geoffroy. J’aimerais vous poser une question, monsieur le ministre : le contact avec les juridictions administratives que vous avez eu après que la commission des lois a modifié votre texte initial, vous ne l’aviez donc pas eu au moment d’élaborer votre projet de loi ? Ce que vous aviez écrit dans le projet initial, et qui nous convenait parfaitement, ne s’avère finalement pas pertinent, de l’avis des juridictions administratives. Que faut-il en penser ?
Ce que la commission des lois a fait de cet article, ce que vous proposez d’en faire, et ce que nous, nous voulons en faire sont trois choses assez différentes. Or cet article est un élément essentiel pour juger de la crédibilité de ce que vous proposez dans ce texte, dans la continuité de nos échanges à propos de l’asile. Je fais partie, et je ne suis pas le seul, des membres de l’opposition qui ont jugé en conscience qu’il fallait voter le projet de loi sur l’asile, en dépit des différences qui existent entre nous, du fait de l’engagement que vous aviez pris. Je fais partie de ceux qui, au début de votre intervention en commission pour présenter le présent projet de loi, ont jugé – vous m’avez vu opiner du chef – que vous aviez tenu votre engagement, puisque la question de l’éloignement des déboutés du droit d’asile était traitée comme vous vous étiez engagé fermement, et de manière répétée, à le faire.
Or nous ne pouvons pas ne pas faire le constat qu’il s’est passé quelque chose, et que cette chose est regrettable. Qu’il s’agisse d’un problème technique – l’oubli de consulter les juridictions au moment de l’élaboration du texte initial – ou de considérations plus politiques – de l’ordre de la politique interne, dirons-nous – tout cela brouille votre message. Cela remet également en cause la confiance que nous vous avons accordée, lorsque vous avez dit vouloir traiter séparément, mais de manière cohérente, la question de l’asile, d’une part, et celle des déboutés du droit d’asile, d’autre part. Je le regrette, comme je regrette que vous soyez amené à reculer – car il s’agit bien d’un recul. Il n’est pas fantastiquement désagréable, mais c’est bien un recul.
Il est regrettable que, en contrepartie de la confiance que nous vous avions accordée, vous ne donniez pas un avis favorable à nos amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Au sujet du débat au Sénat, monsieur le ministre, vous affirmez de manière péremptoire, et avec l’autorité qui vous caractérise – c’est une valeur à laquelle je suis attachée – que le fait que la Cour nationale du droit d’asile ou l’OFPRA ait débouté un demandeur d’asile ne saurait valoir OQTF. Nous avons eu un long débat sur le fond et je ne partage pas cet avis, pas plus que certains juristes éminents. Je citerai notamment la présidente de la cour administrative d’appel de Nancy, qui a pris des positions très claires sur ce sujet. Le Conseil constitutionnel n’ayant pas été saisi, ce débat juridique perdure – car je conviens qu’il y a débat.
Par ailleurs, vous ne vous avez pas convaincus lorsque vous avez évoqué la consultation préalable des tribunaux administratifs : c’est naturellement le compromis avec votre majorité qui vous amène à prendre cette position, nous ne sommes pas dupes.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Je voterai l’amendement du Gouvernement et je voudrais m’inscrire dans la réflexion d’ensemble. Quel est le problème ? Le problème, c’est qu’un demandeur d’asile qui a été débouté par l’OFPRA et par la Cour nationale du droit d’asile peut avoir d’autres raisons à faire valoir pour justifier de sa présence en France. Il peut par exemple avoir des problèmes de santé, ou des enfants français.
Or, pour avoir observé ce qui se pratique dans les préfectures, j’ai noté que, tant qu’une demande d’asile est à l’étude, les préfectures refusent de se prononcer sur les autres motifs qui permettraient de délivrer une carte de séjour. Cette pratique doit être modifiée si nous voulons accélérer les choses. Il ne s’agit pas de modifier la loi, mais de travailler différemment, afin d’avoir des délais suffisants pour instruire une demande d’accueil sur un autre fondement que l’asile.
Il paraît en tout cas essentiel de rappeler que les demandeurs d’asile peuvent avoir d’autres causes à faire valoir. Il est dès lors essentiel qu’ils puissent disposer d’un véritable recours : c’est le sens de l’amendement du Gouvernement. Un recours administratif nécessite une demande écrite et la présentation de documents justificatifs. Il faut donc avoir le temps de l’instruire, et je vous assure que quinze jours ne sont pas de trop. Tel est l’équilibre qui a été trouvé. Mais, encore une fois, pour gagner du temps dans la gestion de l’éloignement d’un demandeur d’asile débouté, il importe d’instruire les autres causes permettant la délivrance d’un titre de séjour parallèlement à la demande d’asile.
Il est un autre de vos arguments qui me paraît insoutenable : une cour nationale du droit d’asile n’a pas vocation à délivrer une OQTF.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Exactement !
M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas ce que nous avons demandé !
M. Denys Robiliard. Une cour nationale du droit d’asile est une juridiction, pas une administration. Le système préconisé au Sénat ne semblait donc pas adapté.
Il s’agit de s’entendre sur ce qui est souhaité : nous cherchons à rendre la pratique plus rationnelle, plus efficace et plus respectueuse du droit. Il me semble que l’amendement du Gouvernement le permet.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je voudrais tout d’abord, monsieur le député Guy Geoffroy, donner une petite précision, qui montrera la bonne foi qui caractérise ce débat. Vous avez expliqué à plusieurs reprises au cours de ce débat que vous aviez été de très bonne foi, que vous n’aviez pas fait preuve d’une opposition systématique, que vous m’aviez cru au moment de la loi sur l’asile et que vous aviez voté cette loi.
J’ai sous les yeux le résultat du scrutin et il se trouve que vous avez voté contre ce projet de loi.
M. Guillaume Larrivé. Nous le revendiquons !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous réécrivez donc l’histoire, sur la base de faits totalement faux, qui montrent de quel côté est la bonne foi. Vous reconstruisez un raisonnement a posteriori, d’une manière totalement politicienne, pour vous donner le beau rôle. Vous avez voté contre ce projet de loi : ce document l’atteste. Pourquoi avoir dit que vous aviez voté pour ? Vous avez dit une chose qui n’était pas vraie, comme souvent d’ailleurs, ce que je ne souhaite pas que l’on fasse sur ce texte, monsieur Geoffroy. Vous avez voté contre la réforme du droit d’asile ; à aucun moment vous n’avez été dans une démarche positive sur quoi que ce soit, comme vos collègues.
M. Éric Ciotti. Parce que c’était une mauvaise loi !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le député Guy Geoffroy dit qu’il a voté pour la loi d’asile, or le résultat du scrutin montre qu’il a voté contre, ce que chacun peut vérifier. Du reste, il en convient à présent.
Deuxième point…
M. Éric Ciotti. Vous ne pouvez pas lui reprocher son vote !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mais je ne lui reproche pas d’avoir voté contre, c’est son droit !
M. Éric Ciotti. Si, vous lui reprochez !
Mme la présidente. Seul le ministre a la parole !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je ne lui reproche pas d’avoir voté contre, je lui reproche d’avoir expliqué, à trois reprises, qu’il avait voté pour. Cela s’appelle un petit mensonge. Ce n’est pas grave un petit mensonge, ça peut même être sympathique, mais c’est un petit mensonge. La nature humaine conduit parfois à des petits mensonges, je n’en fais pas un drame, mais c’est ainsi.
Deuxième point, monsieur le député Ciotti, vous avez développé une argumentation fondée sur les positions de la présidente de la Cour administrative d’appel de Nancy et les propositions du Sénat. Mais si le fait d’être débouté du droit d’asile vaut OQTF, et que cette décision est prononcée par la Cour d’appel, il faut prévoir un recours contre l’OQTF en question. D’ailleurs, les sénateurs l’avaient eux-mêmes reconnu au cours des débats, je vous renvoie au compte rendu.
Vous expliquez donc ici que le fait d’avoir une OQTF après avoir été débouté du droit d’asile – le fait d’être débouté valant OQTF – est un gain de temps. C’est faux, parce qu’il y a un recours possible contre l’OQTF en question et ce recours renvoie devant le tribunal administratif, et vous ne raccourcissez en rien les délais.
Le troisième point sur lequel je voulais insister, pour revenir aux propos développés par le député Guy Geoffroy après son petit mensonge, concerne l’argument selon lequel nous n’aurions pas tenu compte de l’avis du Conseil d’État.
Monsieur Geoffroy, le Conseil d’État a émis des réserves au moment de l’examen du texte sur les délais. Et ce sont d’ailleurs ces réserves qui ont conduit la commission à amender le texte. Ayant tenu compte de cela, et parce qu’une discussion législative est, comme vous le savez, un processus itératif, nous avons travaillé sur ce sujet de manière à trouver le meilleur délai.
Je vous rappelle qu’entre le délai qui existait au moment où vous étiez aux responsabilités et le délai actuel, la durée a été divisée par deux. Et toutes les dispositions sont prises pour que cela puisse s’appliquer avec la plus grande fermeté, ce qui est normal, parce que c’est la politique du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, d’un mot, puis nous pourrons passer au vote.
M. Guillaume Larrivé. Ce qui est très itératif, monsieur le ministre, c’est la pratique des personnes étrangères qui se voient refuser le séjour du chef d’une disposition du CESEDA, et qui font une nouvelle demande, de manière dilatoire, sur d’autres fondements.
Tous les agents des préfectures qui gèrent ces dossiers sur le terrain savent très bien de quoi nous parlons. On demande l’asile en prétendant être réfugié politique, on ne l’est pas. La CNDA est saisie, elle déboute à nouveau, le Conseil d’État peut être amené à être saisi par voie de cassation. Ensuite, l’étranger qui se croyait réfugié politique mais qui ne l’est pas va alléguer qu’il est en réalité malade, et demander un titre de séjour sur ce fondement, qui sera rejeté par le préfet, le tribunal administratif, la cour administrative d’appel, le Conseil d’État…
Bref, il y a là une espèce d’éternel recommencement. Le moment viendra, monsieur le ministre, où sur le plan juridique, dans la loi ou peut-être par des dispositions constitutionnelles nouvelles, il faudra donner toute sa force au principe selon lequel la France a le droit de refuser qui elle ne souhaite pas accueillir sur son territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Larrivé, M. Robiliard a soulevé le problème que vous venez vous-même d’évoquer. Je ne suis pas du tout défavorable à ce que l’on travaille sur cette question, et je propose que nous le fassions dans le cadre de la navette, je suis même tout à fait prêt…
M. Guillaume Larrivé. Mais il n’y aura pas de deuxième lecture à l’Assemblée !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de navette : il y aura une lecture au Sénat, il est donc possible de présenter un amendement au Sénat ; il sera également possible de présenter un amendement lorsque le texte reviendra à l’Assemblée nationale, même si c’est en procédure accélérée.
Je ne suis donc pas du tout défavorable à ce que l’on travaille à ce sujet dans le cadre le plus consensuel possible.
Mme la présidente. Nous en venons au vote sur ces amendements.
(L’amendement no 395 est adopté.)
(L’amendement no 367 rectifié est adopté et les amendements nos 98 et 142 tombent.)
Mme la présidente. Le scrutin public demandé est donc devenu caduc.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 27.
M. Sergio Coronado. Le délai de recours de quarante-huit heures contre les assignations à résidence me semble devoir être porté à deux jours ouvrés, afin de permettre la mise en œuvre effective de ce droit, notamment durant le week-end.
Vous savez, puisque nous en avons débattu lors de la présentation des amendements du Gouvernement, que la question de l’effectivité des recours contre les décisions prononcées est problématique, notamment lorsque les décisions sont prononcées un vendredi soir.
Ce point a déjà été évoqué à plusieurs reprises dans les débats concernant les textes sur l’immigration. Ce sont des difficultés qui nous sont rapportées régulièrement par les associations, et je crois en effet qu’une grande partie du contentieux porte sur les difficultés du recours au droit de la part des étrangers.
Je crois qu’il convient donc de donner un délai raisonnable à ce recours contre les assignations à résidence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Le délai est raisonnable. L’amendement tend à porter de quarante-huit heures à deux jours ouvrés le délai de saisine du juge administratif dans le cas des OQTF dites sèches, c’est-à-dire sans délai de départ. Il prétend éviter ainsi les ruptures induites par les fins de semaines et les jours fériés.
En réalité, il n’y a aucune difficulté, puisque des tours de permanence sont toujours organisés dans les juridictions administratives. Avis défavorable.
(L’amendement no 27, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement no 396 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 430.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement tend à insérer, après l’alinéa 22 de cet article, deux alinéas pour y prévoir, sous réserve que l’étranger ne s’y oppose pas, la possibilité du recours à la visioconférence pour la tenue des audiences par lesquelles le juge administratif examine la légalité des décisions d’obligation de quitter le territoire d’un étranger placé en rétention.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir le sous-amendement no 430.
M. Denys Robiliard. Pour expliquer ce sous-amendement, je voudrais préciser ce dont il s’agit. Il est proposé que le tribunal administratif puisse tenir des audiences dans une salle spécialement dédiée qui se trouve à côté d’un centre de rétention administrative – ce n’est donc pas une enceinte dont la vocation initiale est judiciaire. Dans cette enceinte éloignée des lieux judiciaires habituels se tiendrait une audience sans la présence du magistrat.
On a donc non seulement une délocalisation de l’audience, mais en plus une audience qui se tient sans magistrat, ou en tout cas ce dernier n’est présent que par visioconférence. Et l’avocat se retrouve confronté à un dilemme cornélien : être auprès de son client ou être auprès du juge. Sachant qu’il faut expliquer ce qui se passe à son client, et qu’il faut convaincre le juge. Et il me semble quand même qu’il est plus facile de convaincre en regardant dans les yeux, ce qui est difficile à faire quand on est en visioconférence.
Par conséquent, il faut limiter la visioconférence le plus possible. L’audience est un rapport humain, pas simplement un rapport juridique, même si, évidemment, la décision se prendra en droit.
Mon amendement s’appuie sur un avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté qui préconisait que l’on n’ait recours que de manière limitée aux audiences par visioconférence dès lors qu’une personne est détenue. Et une personne retenue est une personne détenue, en tout cas elle relève du champ d’application du contrôleur général. Je souhaitais donc qu’il ne soit recouru à ce type d’audience que si c’est le seul moyen pour qu’un conseil puisse assister l’étranger, ou si c’est le seul moyen pour respecter le délai dans lequel le tribunal doit statuer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement et le sous-amendement de M. Robiliard ?
M. Erwann Binet, rapporteur. L’amendement du Gouvernement prévoit de recourir à des audiences par visioconférence si l’étranger y consent. Il n’y a pas de raison de s’opposer à cette évolution conforme à la bonne administration de la justice.
Je suis par conséquent défavorable au sous-amendement. Évidemment, dans l’absolu, l’audience présentielle est toujours préférable à la visioconférence, mais les circonstances peuvent justifier que l’on y ait recours, dans le respect total des droits de la défense et des droits des personnes étrangères, qui peuvent toujours s’y opposer, comme le prévoit le texte du Gouvernement. Avis défavorable au sous-amendement et avis favorable à l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Avis défavorable.
(Le sous-amendement no 430 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 396 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 50.
M. Sergio Coronado. Par cet amendement, il vous est proposé de supprimer les alinéas 23 et 24 de l’article.
Ces deux alinéas, adoptés en commission sur un amendement du rapporteur, permettent qu’il soit statué dans les soixante-douze heures, par juge unique, sur les recours exercés contre les OQTF par des personnes détenues. Le détenu aurait donc quarante-huit heures pour saisir le tribunal administratif de son recours, qui serait jugé dans les trois jours.
Cela pose pour nous d’importants problèmes d’effectivité de l’accès au droit des personnes détenues. Ces dernières rencontrent déjà d’importants obstacles pour exercer leurs recours. L’accès aux avocats, associations et interprètes est très contraint. Des problèmes d’enregistrement des recours auprès des greffes sont régulièrement rapportés au moment des auditions ou lors des rencontres avec les associations. De plus, il est très difficile pour une personne étrangère détenue de réunir les pièces d’un dossier en un temps si bref.
Enfin, son extraction en soixante-douze heures, soit le délai de jugement, semble impossible de notre point de vue. Il est donc totalement illusoire de penser qu’un étranger puisse exercer son droit de recours dans de tels délais – de quarante-huit puis soixante-douze heures. Je ne suis donc pas sûr de l’efficacité de la mesure, ni de la constitutionnalité et de la conventionnalité de ce dispositif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Je veux être exhaustif sur cette question, dont nous avons discuté en commission. Le rapport sénatorial de Mme Assassi et de M. Buffet encourage l’autorité administrative à régler la situation d’une personne détenue avant sa mise en liberté. À cet égard, il préconise une amélioration de la coopération avec les services judiciaires et pénitentiaires, mais également avec les autorités consulaires, afin d’éviter le placement en rétention à la sortie de la détention.
Dans tous les centres de rétention administrative que nous avons visités, avec Marie-Anne Chapdelaine, les directeurs ont souligné la problématique de cohabitation dans un même lieu des anciens détenus et des retenus. Je crois que nous avons tous rencontré cette problématique.
Mais le cadre juridique actuel ne favorise pas le règlement de ces situations avant l’élargissement, en dépit de la volonté des préfectures d’engager la procédure suffisamment tôt. Une OQTF ne peut être exécutée d’office avant que le juge n’ait statué sur sa légalité. Or en l’absence d’assignation à résidence ou de rétention – ce qui est bien le cas pour une détention – le tribunal administratif statue dans les trois mois de sa saisine, voire davantage si la juridiction est engorgée. Cette situation peut conduire l’autorité administrative à faire succéder une rétention à une détention, ce qui n’est ni satisfaisant pour l’étranger qui a purgé sa peine, ni pour l’efficacité de l’action publique.
L’amendement adopté en commission prévoit que la procédure accélérée de jugement en soixante-douze heures par un juge unique s’applique également en cas de détention. Il a aussi pour effet d’éviter la cohabitation, dans les lieux de rétention, d’étrangers sortant de prison avec d’autres personnes, comme je viens de le dire.
De surcroît, un étranger détenu sait bien que sa mise en liberté sera très probablement suivie d’un éloignement. L’argument selon lequel le temps lui manquerait pour préparer sa défense ne peut avoir d’effet. Non seulement le préavis est long de plusieurs mois ou années, mais encore le détenu dispose plus facilement d’un autre avocat auquel confier son dossier. Avis défavorable.
(L’amendement no 50, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 289 rectifié.
M. Denys Robiliard. L’objectif est de permettre d’instruire une demande justifiée par l’état de santé de l’étranger quand la question n’a pas été abordée auparavant, c’est-à-dire quand il y a un délai entre le moment où une OQTF est prise et celui où elle est exécutée et que c’est en période de rétention que des indications sont données sur l’état de santé nécessitant de reconsidérer la situation de l’étranger pour voir s’il peut être éloigné, s’il va simplement supporter le voyage, et, surtout, s’il pourra être soigné dans son pays.
De telles situations sont réglées aujourd’hui au cas par cas, sans droit particulier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Doublement défavorable.
D’une part, cet amendement fait référence à un avis médical du médecin de l’agence régionale de santé alors que le projet de loi, nous en avons discuté longuement au début de nos débats, confie cette mission à l’OFII.
D’autre part, un caractère suspensif de l’OQTF ne pourrait avoir pour seul effet que la multiplication des saisines dilatoires.
(L’amendement no 289 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet, pour soutenir l’amendement no 370.
M. Erwann Binet, rapporteur. Coordination.
(L’amendement no 370, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 14, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 143.
M. Éric Ciotti. Il est défendu.
(L’amendement no 143, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 70 et 295 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 70.
M. Sergio Coronado. Il y a un grand vide concernant la situation des étrangers malades expulsables quand il y a eu saisine du médecin de l’agence régionale de santé. Des personnes malades sont ainsi éloignées de force du territoire alors que l’ARS a été saisie sur le caractère de gravité que pourrait avoir l’insuffisance de l’offre de soins dans les pays dont elles sont originaires.
Cet amendement propose que l’expulsion soit suspendue en cas de saisine du collège de médecins du service médical de l’OFII, qui remplace l’ARS après le vote à l’article 10. Cette saisine est réalisée par les médecins des unités médicales des prisons et des centres de rétention, de sorte que l’introduction d’une nouvelle mesure de protection ne pourrait pas déboucher sur des recours faits uniquement pour retarder l’éloignement.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 295 rectifié.
M. Denys Robiliard. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Mêmes arguments que ceux que j’ai développés sur le précédent amendement de M. Robiliard. Défavorable.
(Les amendements nos 70 et 295 rectifié, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 144.
M. Éric Ciotti. Cet amendement reprend les termes d’une proposition de loi que j’avais déposée avec Philippe Goujon et Guillaume Larrivé, proposition de loi qui avait d’ailleurs déjà été défendue lors de la précédente législature et adoptée par notre assemblée. Il concerne l’introduction du principe d’interdiction du territoire français au titre des peines complémentaires à l’encontre des délinquants étrangers.
En 2010, près de 80 000 condamnations prononcées concernaient des personnes de nationalité étrangère, soit environ 13 % des condamnations, alors que la proportion d’étrangers dans la population française est de l’ordre de 5 %. Il y a donc une surreprésentation des personnes d’origine étrangère dans les personnes condamnées.
Nous souhaitons, dans ce contexte, renforcer la législation à l’encontre des délinquants de nationalité étrangère et nous proposons un dispositif très simple, que les tribunaux prononcent systématiquement une peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour les délinquants d’origine étrangère avec, naturellement, en fonction du principe fondamental d’individualisation des peines, la possibilité d’y déroger, comme pour les peines planchers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Il s’agit tout simplement du rétablissement de la double peine, supprimée par un ancien Président de la République,…
M. Éric Ciotti. Rien à voir !
M. Erwann Binet, rapporteur. …qui a, comme vous, dû changer d’avis depuis.
La commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. La manière dont, au nom de la commission des lois, vous commentez les amendements, faites semblant de ne pas les lire, est affligeante, monsieur le rapporteur.
À aucun moment, l’amendement présenté n’abroge les dispositions du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile introduites par la loi du 26 novembre 2003 sur l’initiative de Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, dans ce qu’il est convenu d’appeler l’abrogation de la double peine. Il s’agit d’un autre dispositif, nous parlons d’une interdiction du territoire prononcée par la justice judiciaire dans des cas très précisément évoqués de récidive ou de réitération.
Vous pouvez, article après article, amendement après amendement, soit ne pas lire ce que nous proposons soit feindre de ne pas le lire, mais cela a tout de même des limites et il serait bon peut-être que nous achevions les débats avec, de votre part, un peu plus de précision, un peu moins de mauvaise foi.
(L’amendement no 144 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon, inscrit sur l’article 15.
M. Philippe Goujon. Cet article va dans le sens que nous souhaitons puisqu’il vise à répondre au problème de la délinquance des ressortissants européens, plus particulièrement, évidemment, ceux de l’Est.
Selon l’ONDRP, qui leur a consacré une étude assez approfondie dans la capitale, un tiers des multi mis en cause pour une moyenne de onze faits sont étrangers, la moitié roumains, dont 89 % de mineurs. Le chef de l’office central de lutte contre la délinquance itinérante considère que les ressortissants d’Europe de l’Est – Roumanie et Bulgarie – représentent 30 % des auteurs de cambriolages en France. Ce sont des chiffres qu’on ne peut bien sûr négliger.
Le Conseil d’État a reconnu le 1er octobre dernier qu’un ressortissant européen qui n’a d’autre moyen d’existence que la mendicité constituait une menace réelle actuelle et suffisamment grave qui touche aux intérêts fondamentaux de la société.
C’est donc un article qui est de nature à mettre fin à la difficulté causée par la période de trois mois de séjour en permettant de prononcer une OQTF, une interdiction de circuler, d’une durée pouvant aller jusqu’à trois ans.
Ce sur quoi nous nous interrogeons par rapport à tout ce que nous avons pu entendre depuis le début de ce débat, c’est l’application de cette disposition. Dans quelles conditions sera-t-elle mise en œuvre ? Quel sera son aspect opérationnel ? Nous vous avons entendu donner un certain nombre d’instructions hier lorsque vous avez installé le préfet de police de Paris, monsieur le ministre. On pouvait considérer que cela faisait partie de vos demandes. Pourriez-vous nous préciser la façon dont cet article sera appliqué ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 99.
M. Guillaume Larrivé. Il est défendu.
(L’amendement no 99, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 51.
M. Sergio Coronado. L’article 15 prévoit la possibilité d’assortir une OQTF frappant un ressortissant de l’Union européenne de l’interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée maximale de trois ans si l’intéressé a abusé de sa liberté de circulation ou bien s’il constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française.
Comme l’a rappelé M. Chassaigne dans la discussion générale, même si c’est formulé de façon très générique, il s’agit de frapper les citoyens bulgares et roumains, des Roms en fait. C’est d’ailleurs ce que craint le défenseur des droits, qui, dans son avis sur le projet de loi, préconise la suppression de ce nouvel article. Nous ne faisons que reprendre une partie de son argumentation pour demander la suppression des alinéas 3 à 20.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. L’abus de droit en matière de libre circulation au sein de l’Union européenne est défini à l’article 35 de la directive retour : « Les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la présente directive en cas d’abus de droit ou de fraude, tels que les mariages de complaisance. Ces prescriptions n’ont évidemment pas été censurées en justice, ni en droit interne, ni devant les juridictions européennes. Elles s’imposent donc à nous.
De plus, l’abus de droit dépasse le simple fait de solliciter des aides sociales ou de constituer une charge pour le pays d’accueil. Être malade ou dans la difficulté n’est évidemment pas en soi une faute. L’abus de droit en droit européen suppose une démarche maligne, frauduleuse pour délibérément « vivre sur la bête ».
Ce sont ces comportements qui sont visés et qui pourront donner lieu à des interdictions de circulation sur le territoire français. La définition qui figure à l’article L.511-3-1 est sans équivoque.
Je pense donc que la mesure est à la fois nécessaire et suffisamment encadrée. Je vous demande donc, mon cher collègue, de retirer votre amendement. Sinon, j’y suis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, le rapporteur vous a donné les arguments que j’aurais développés moi-même.
J’en profite pour répondre à M. Goujon, qui se demandait quelle était la portée, quel était le sens de l’interdiction de circulation sur le territoire français.
Il s’agit d’une novation du présent projet de loi. Elle vise à doter les pouvoirs publics d’instruments plus efficaces et plus dissuasifs lorsque des citoyens européens ne respectent pas les prescriptions de la liberté de circulation. Son cadre d’application est extrêmement limité, s’agissant de citoyens européens, le principe, en application de la directive 2004-38, étant et devant demeurer la libre circulation.
Deux cas de figure sont prévus dans le projet de loi, et l’interdiction de circulation sera toujours une disposition facultative. Aucun principe de droit de l’Union européenne ne permet de la rendre automatique.
Le premier cas concerne les citoyens européens dont la présence constitue une menace à l’ordre public. Il ne s’agit pas là de peccadilles. Pour reprendre l’expression de la CJUE, leur comportement doit constituer une menace grave pour un intérêt fondamental de la société. Si l’État prononce une mesure d’éloignement, que le citoyen européen revient le lendemain et qu’alors il faut reprendre toute la procédure, c’est toute l’action de l’État qui est entravée. Vous comprendrez aisément que, pour ce cas de figure, qui concerne un nombre limité de personnes mais qui donne à nos concitoyens une piètre image de la liberté de circulation, le ministre de l’intérieur que je suis sera totalement intraitable.
Le second cas sera encore plus résiduel. Il vise les abus de droit en matière de liberté de circulation. Ce sont des cas très limités, dans lesquels l’administration apporte la preuve qu’un ressortissant européen abuse de la liberté de circulation pour, en vérité, s’installer illégalement sur le territoire d’un autre État de l’Union.
Parce que ces cas impliquent la mise en place d’une stratégie délibérée consistant à détourner les règles de libre circulation, la seule sanction efficace les concernant est l’interdiction de circulation limitée dans le temps.
Telles sont très exactement les motivations de cette disposition, mesure de clarification et de fermeté.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Je pense, monsieur le ministre, que le moment est venu d’engager à Bruxelles, sur ces questions, une renégociation de la directive de 2004.
En préparant ce débat, comme l’ensemble de mes collègues, je suis allé relire cette directive, notamment les articles 27 et 28. La vérité, c’est que, concrètement, elle vous contraint à ne quasiment pas pouvoir reconduire vers la Roumanie et la Bulgarie les citoyens de ces pays dont un certain nombre, c’est un fait, se livrent à des faits de délinquance réitérés. Elle contient en effet un critère extrêmement restrictif, une menace réelle actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Elle ne prévoit pas la possibilité de prendre une mesure d’éloignement pour un simple trouble à l’ordre public ou une menace à la sécurité publique.
Ce que je pense – et je le dis sans esprit polémique –, c’est que, sur ce point particulier, la directive de 2004 est devenue un carcan. Il serait de bonne politique de s’appuyer sur ce que certains de nos partenaires européens ont également à l’esprit.
Je pense notamment au gouvernement conservateur de David Cameron et aux Espagnols du parti populaire, que je sais, pour les avoir rencontrés, très intéressés par une évolution de ce point précis qui contraint les autorités de l’État, quelle que soit leur bonne volonté, à ne pas pouvoir éloigner assez efficacement et définitivement des citoyens européens qui ont manifestement abusé de la liberté de circulation, au point de troubler l’ordre public et de se livrer, à Paris par exemple, à des actes de mendicité agressive ou de vol, dans le métro ou sur la voie publique.
Très bien !
Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Coronado ?
M. Sergio Coronado. Je le maintiens.
(L’amendement no 51 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 291.
M. Denys Robiliard. Il s’inscrit à la suite de l’amendement de M. Coronado, tout en étant plus restrictif. Les raisons avancées par mon collègue sont également celles que je défends dans cet amendement, qui devrait donc essuyer le même refus. Je crois que M. Larrivé a vendu la mèche, en disant que ce texte s’applique à une population déterminée, qui est celle des Roms,…
M. Sergio Coronado. Je l’avais dit !
M. Denys Robiliard. …qu’il qualifie de façon générale comme une population voleuse, ce qui est totalement inacceptable, parce que cela procède par généralisation…
M. Guillaume Larrivé. Je parlais des citoyens roumains et bulgares qui, pour certains d’entre eux, se livrent à des actes de délinquance.
M. Denys Robiliard. …et que cela donne à une population déterminée certains caractères. C’est du racisme.
M. Philippe Goujon. C’est inacceptable !
M. Denys Robiliard. C’est exactement ce qui a été dit ! Il suffira de relire le compte rendu de la séance ! Cela n’était pas acceptable. Je le dis comme je le pense. M. Larrivé a cependant dit une autre chose, qui est intéressante, à savoir que les dispositions que l’on nous demande de voter sont contraires aux articles 27 et 28 de la directive de 2004. Je pense qu’il a relativement raison, puisque l’on prend pour un abus de droit des dispositions qui ne paraissent pas possibles en l’état du droit positif européen. Il ne me paraît pas de bonne politique de voter des textes contraires au droit communautaire. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. C’est le même argument que pour l’amendement précédent. Je suggère donc son retrait, à défaut de quoi, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Monsieur Robiliard, je n’ai pas dit que l’article 15 du projet de loi était contraire aux stipulations de la directive de 2004. Les mots ont un sens et je vous remercie d’écouter ce que je dis. J’ai dit que, de mon point de vue, la directive de 2004 était trop restrictive et qu’il pourrait être opportun d’envisager sa renégociation.
M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas tout à fait la même chose !
M. Guillaume Larrivé. Deuxièmement, je vous laisse la triste responsabilité de ce que vous avez dit, s’agissant des citoyens roumains et bulgares,…
Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est ce que vous avez dit !
M. Guillaume Larrivé. …dont un certain nombre – c’est une réalité – se livrent aujourd’hui en France et dans d’autres pays européens à des actes réprimés par le code pénal. En disant cela, on ne se livre à aucune réduction essentialiste qui attribuerait à une population des caractéristiques prédéterminées.
M. Philippe Goujon. Lisez les statistiques pénales !
M. Guillaume Larrivé. On constate seulement qu’un certain nombre de citoyens de nationalité européenne se livrent malheureusement à des actes réprimés par le code pénal.
M. Guy Geoffroy. C’est la réalité !
M. Philippe Goujon. Ce sont les chiffres !
M. Guillaume Larrivé. Si vous refusez, monsieur Robiliard, membre du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, de regarder cette réalité en face et si vous considérez qu’il n’y a aucun problème d’aucune nature, s’agissant des questions que nous évoquons, vous êtes dans les nuées et très éloigné des réalités que vivent au quotidien nos compatriotes.
Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Robiliard ?
M. Denys Robiliard. Je le maintiens.
(L’amendement no 291 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 292.
M. Denys Robiliard. Je le retire.
(L’amendement no 292 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 371.
M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un amendement de coordination.
(L’amendement no 371, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement no 372 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 428.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement.
M. Erwann Binet, rapporteur. L’amendement no 371 préparait en fait la coordination avec cet amendement qui vise à restaurer la compétence du juge judiciaire, en l’occurrence le juge des libertés et de la détention, sur la prolongation de la décision administrative de placement en rétention. Celle-ci ne serait plus valable que pour quarante-huit heures, contre cinq jours depuis la loi Besson de 2011. C’est une évolution importante, conforme à notre Constitution, suivant laquelle l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle.
Or, personne ne contestera qu’un placement en rétention est bien une atteinte à la liberté individuelle. Du point de vue strictement juridique, toutes les autres décisions administratives – OQTF, pays de destination ou interdiction de retour sur le territoire français – demeureront de la compétence du juge administratif. Le JLD ne s’occupera que des circonstances de la privation de liberté, de l’interpellation à la rétention. Je ne crois pas qu’il y ait un risque constitutionnel.
Du point de vue politique et humain, c’est une avancée essentielle dont se réjouiront les défenseurs de l’État de droit. On ne peut tolérer que des étrangers soient éloignés sans avoir bénéficié du regard du juge, ce qui est, hélas, trop fréquent depuis 2011, avec des éloignements massifs dans les cinq premiers jours de la rétention. On ne peut pas tolérer non plus le mépris de la liberté des personnes, car l’on sait que le juge judiciaire considère qu’une rétention sur cinq est irrégulière. Plutôt que d’améliorer la procédure, on a préféré éloigner l’intervention du juge : or, ce n’est pas la logique que doit poursuivre une démocratie comme la nôtre.
Je veux vraiment remercier le Gouvernement et M. le ministre qui n’a jamais argué de la légitime recherche d’effectivité de la règle de droit pour combattre cette proposition, qu’il a même bien accueillie. En démocratie, dans la République, la fin ne justifie évidemment pas toujours les moyens et la quête de la statistique ne peut avoir pour préalable le retour de l’arbitraire. La commission a donné un avis favorable à mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir le sous-amendement no 428.
M. Denys Robiliard. J’y suggère une autre rédaction de l’amendement de M. Binet, puisque je m’inscris dans sa démarche. Je me réjouis que l’on crée un bloc de compétences. En effet, que les contestations d’arrêtés de rétention viennent devant les tribunaux administratifs et le renouvellement de la rétention devant le juge des libertés me paraissait d’une dangereuse illisibilité, en plus d’être extrêmement chronophage et coûteux. La démarche du rapporteur correspond à ce qu’il faut faire dans une rationalisation intelligente.
Il m’a toutefois semblé que l’on pouvait rédiger cet amendement un peu différemment dans un souci de clarification. La jonction des instances permettra qu’il y ait une seule audience et une seule décision.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable, parce que votre amendement, contrairement à ce que vous suggérez, ne clarifie pas la rédaction. Il introduit « le tribunal », quand mon amendement n’implique que le juge des libertés et de la détention. De plus, ajouter une phrase à l’alinéa crée un doute, car on ne sait plus si elle se rapporte au tribunal administratif ou au juge des libertés et de la détention. Dans la mesure où la disposition de fond de l’amendement répond à votre sentiment, je vous invite à retirer votre sous-amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Défavorable au sous-amendement et favorable à l’amendement du rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Cet amendement du rapporteur est très important. Il réintroduit une complexité totale dans les procédures d’éloignement.
M. Erwann Binet, rapporteur. Non !
M. Éric Ciotti. Si vous adoptez cet amendement, vous allez mettre de nouveaux obstacles aux procédures d’éloignement. Vous installez à nouveau la confusion que la loi Besson a voulu dissiper, dans cette concurrence entre le juge judiciaire et le juge administratif, en matière d’éloignement, puisque vous redonnez des pouvoirs au juge des libertés et de la détention pour le placement en détention. Je vous mets en garde solennellement – et nous nous opposerons avec force à cet amendement – contre cette confusion que vous réintroduisez au cœur de nos procédures d’éloignement.
Nous évoquerons dans quelques instants la suppression des procédures de rétention au profit de celles d’assignation à résidence. Cela veut dire que, comme nous l’avons soutenu depuis le début, monsieur le ministre, ce texte va affaiblir les procédures d’éloignement et donc favoriser l’immigration irrégulière.
M. Erwann Binet, rapporteur. C’est faux !
M. Éric Ciotti. L’effet du texte sera bien celui-là ! Cet amendement en apporte la preuve de façon éclatante.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Deux questions se posent sur le plan technique : celle du nombre de juges et celle des délais. S’agissant du nombre de juges, il y a aujourd’hui en droit positif, il y avait avant 2011 et il y aura, si cet amendement est voté, toujours deux juges, ce qui est parfaitement constitutionnel : le juge des libertés et de la détention, juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle au sens de l’article 66, qui est et restera compétent sur les modalités de l’interpellation et de la rétention, en tant qu’elle porte atteinte à la liberté individuelle ; le juge administratif qui est, lui, le juge du fond de l’OQTF, comme tous les principes du droit administratif l’ont énoncé.
Vous maintenez ces deux juges et, si j’ai bien compris, vous faites basculer du côté du juge des libertés et de la détention une petite partie, celle de la mesure de placement en rétention. Le JLD, qui était déjà compétent sur les conditions d’interpellation, devient aussi compétent sur le placement en rétention. Cela est-il bien ou mal ? Est-ce conforme à la Constitution et au bloc de compétences entre judiciaire et administratif ? Le Conseil constitutionnel, que nous saisirons naturellement, le dira.
Le vrai sujet n’est pas tant ce petit ajustement des compétences entre les juges que les délais. Il me semble que vous faites une erreur. Vous allez faire passer l’intervention du JLD de cinq jours à quarante-huit heures. C’est une erreur. Si le nombre d’éloignements contraints de ressortissants de pays tiers s’est stabilisé et a parfois même augmenté dans les quatre dernières années, c’est bien parce que le législateur de 2011 a introduit ce délai de cinq jours.
Il l’avait fait, monsieur le rapporteur, en toute connaissance de cause, éclairé par les meilleures études. Le rapport Mazeaud, que vous avez évoqué sur un autre point au début de nos débats avait consacré la moitié de son analyse à cette question du délai. Je pourrais vous citer très précisément l’analyse de Pierre Mazeaud et de la commission qu’il présidait, qui était le fruit d’un travail de consultation des juridictions administratives.
Après ce développement un peu technique, plus que jamais, avec Éric Ciotti et Guy Geoffroy, nous tenons à l’application de la loi de 2011. Vous avez tort de modifier les délais, au risque, je le crois profondément, de fragiliser l’exécution des procédures d’éloignement et de compliquer le travail opérationnel des préfets et des policiers.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est à vous que je vais répondre, monsieur Larrivé, puisque M. Ciotti n’a pas compris ce que fait le Gouvernement. Nous clarifions, dans l’esprit de la Constitution. En effet, que le juge judiciaire soit mobilisé globalement sur les conditions de la rétention et que le juge administratif soit le juge unique de ce qui concerne l’OQTF est très conforme à ce qu’est la répartition des compétences entre les juges dans l’esprit de la Constitution, notamment à l’article 66. De ce point de vue, nous procédons à un travail de clarification qui était hautement souhaitable, d’autant qu’il est aussi un gage d’efficacité, y compris dans le déroulement de la procédure d’éloignement. Je ne reviens donc pas sur ce sujet sur lequel il n’y a quasiment pas de désaccord entre nous.
Le désaccord porte sur les délais.
M. Guillaume Larrivé. Oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous considérez que faire passer le délai de cinq à deux jours est de nature à compliquer l’éloignement.
Pour ma part, j’ai une position très claire sur le sujet : je répète qu’à mon avis, toux ceux qui sont en situation irrégulière, y compris les déboutés qui ont épuisé toutes les autres possibilités d’accès au droit au séjour, doivent pouvoir être éloignés dans des conditions rapides, mais respectueuses des procédures. Que se passe-t-il quand le juge intervient au bout de cinq jours ? Il y a des éloignements qui n’auraient pas dû se produire au regard des conditions de droit parce que le juge statue trop tard, après l’éloignement. Votre conception n’est pas la mienne, et nous touchons là un problème de fond : vous, vous considérez qu’on doit pouvoir procéder à un éloignement au détriment de la possibilité pour le magistrat d’examiner les conditions de droit dans lesquels celui-ci s’effectue. Vous êtes donc prêt à obtenir davantage d’éloignements sans tenir compte du respect du droit. Je souhaite que les éloignements régulièrement décidés soient appliqués, mais dans le respect scrupuleux du droit parce qu’il n’y a pas de compatibilité entre une politique d’éloignement efficace et la brutalité. C’est ce que nous reprochons à la loi Besson : comme le juge n’intervient qu’au bout de cinq jours, des gens sont éloignés alors qu’ils n’auraient pas dû l’être avant que le juge ne se soit prononcé. Pour vous, c’est acceptable ; pour moi, ce ne l’est pas.
M. Guillaume Larrivé. Pour moi non plus.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je considère que ce qui est à faire doit l’être dans le respect scrupuleux du respect des principes de droit.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, l’intervention du JLD n’a pas pour objet de vérifier la légalité au fond de la décision, de savoir s’il était légitime ou non que le préfet décide l’éloignement, mais seulement les conditions de l’interpellation, sur un plan très formel. Le rapport Mazeaud, comme les témoignages de terrain, montre que bien souvent, les JLD – qui ne sont pas comme les Saintes Évangiles au-dessus de toute critique, mais des juges de première instance qui peuvent commettre des erreurs de droit – font énormément de formalisme : par exemple, ils leur arrivent de contester une mise en rétention parce qu’il n’y avait pas de téléphone dans un fourgon de police… Voilà la réalité que la police aux frontières et les autres services concernés connaissent parfaitement.
La loi de 2011 a d’abord rappelé qu’il n’y avait pas cause de nullité de la procédure sans grief – comme en droit pénal. Elle a donc allégé le formalisme. Et puis cette bonne loi, efficace, républicaine et opérationnelle, avait porté le délai à cinq jours.
Il y a encore une autre différence majeure entre nous, et nous en faisons, hélas, la démonstration aujourd’hui, mais ce sera encore plus flagrant dans quelques mois, lorsque vous reviendrez rendre compte à la représentation nationale du nombre d’éloignements contraints d’étrangers en situation irrégulière : je suis certain que vous en aurez diminué le nombre car vous aurez compliqué les procédures de rétention administrative avec de tels amendements. Je rappelle d’ailleurs que ceux-ci n’étaient pas dans le projet de loi initial. Personne n’est dupe : je lis la presse comme tout le monde, notamment un grand quotidien du soir, et je sais très bien quelles sont les tractations entre le Gouvernement et sa majorité, et que vous avez, hélas, cédé là-dessus, au cœur de l’été, à votre aile gauche en introduisant des dispositions qui vous poussent à glisser sur la pente du laxisme.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est vraiment très triste d’entendre un esprit aussi délié que le vôtre répéter comme une litanie des propos d’une faiblesse intellectuelle totale.
M. Guillaume Larrivé. Oh, ça va !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous répétez à longueur de débats que j’ai cédé à l’aile gauche… Vous conviendrez avec moi qu’on doit pouvoir faire plus élevé et moins politicien.
On ne peut pas faire moins élevé et plus politicien que de tels propos. C’est du politicien chimiquement pur.
M. Jean-Yves Caullet. Oh, ils ont de la ressource !
M. Guy Geoffroy. Mais c’est la réalité !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. De tels propos apparaissent d’autant plus incorrects, monsieur Larrivé, quand on connaît les résultats des éloignements forcés en 2011. Donnez-moi le chiffre après la grande loi efficace que votre majorité d’alors avait mise en place. L’efficacité d’une politique se mesure à l’aune des résultats obtenus.
M. Yves Censi. Monsieur le ministre, soyez sérieux : la loi de 2011 ne s’est appliquée qu’après !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quel était le nombre d’éloignements forcé en 2011 et en 2012 ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, vous me cherchez querelle à tort : je conviens tout à fait que les éloignements des étrangers en situation irrégulière ont augmenté en 2012 et en 2013 par rapport à 2011, mais précisément parce que la loi votée en 2011 a produit ses effets plus tard. Elle n’a pas eu de conséquences immédiates, dans les quarante-huit heures qui ont suivi son entrée en vigueur. Comme vous le savez, il faut prendre des dispositions réglementaires d’application et, ensuite, en assurer le suivi administratif.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Larrivé, votre raisonnement serait juste s’il y avait eu moins d’éloignements forcés avant la loi. Or, il y en avait plus auparavant.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’attendais justement votre réponse à ce sujet et m’en délectais à l’avance. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Tout votre raisonnement consiste à dire : « Nous avons fait une loi, et il est normal qu’elle ait produit des résultats. » Mais c’est faux puisque les éloignements forcés étaient plus nombreux avant. C’est bien la preuve que ce n’est pas la loi qui produit les vrais éloignements forcés. Je précise que je parle ainsi des éloignements hors Union européenne, car on sait par quel dispositif, pour ne pas dire par quel alambic, les autres étaient alimentés – les fameuses primes versées aux intéressés. Je le répète : ce n’est donc pas la loi Besson qui a conduit à l’augmentation des éloignements forcés après 2012, mais la volonté du Gouvernement d’être extrêmement clair sur le sujet. J’estime que la soutenabilité de notre politique dépend de notre capacité à procéder à l’éloignement effectif de ceux qui n’ont pas vocation à bénéficier du droit de séjour en France.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Erwann Binet, rapporteur. Contrairement à ce qu’a dit M. Ciotti, je tiens à souligner que nous faisons œuvre de simplification et non pas de complexification. Je rappelle que dès l’adoption de la loi de 2011, tous les recours se sont déportés du JLD au juge administratif, ce qui a fait exploser les référés-liberté, sachant que le magistrat est enserré dans un délai très court. Aujourd’hui, une personne en rétention qui forme un recours en référé-liberté a donc affaire tout d’abord au juge administratif, qui n’a que quarante-huit heures pour statuer, puis au juge judiciaire, qui doit rendre sa décision dans les cinq jours, ce qui n’est évidemment pas satisfaisant pour se prononcer. Les magistrats sont très favorables à l’évolution que ce texte propose, qu’ils soient de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire.
Mme la présidente. Monsieur Robiliard, maintenez-vous le sous-amendement no 428 ?
M. Denys Robiliard. Non, madame la présidente.
(Le sous-amendement no 428 est retiré.)
(L’amendement no 372 est adopté.)
(L’article 15, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 26.
M. Sergio Coronado. Je le retire, madame la présidente.
(L’amendement no 26 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 294.
M. Denys Robiliard. Cet amendement propose que l’exécution d’une mesure d’éloignement ne puisse être mise en œuvre qu’après « l’expiration du délai d’un jour franc courant de sa notification ». En effet, si la mesure est exécutée aussitôt après que le juge administratif l’a validée, l’intéressé n’aura pas eu le temps de saisir le juge du référé-liberté et cette procédure n’aurait dès lors plus lieu d’être. Il faut donc prévoir un délai minimum pour saisir le juge au titre du recours référé-liberté afin de permettre l’effectivité du droit. Le délai proposé n’est pas énorme. J’ai beaucoup apprécié la discussion qui portait sur l’amendement du rapporteur à l’article 15 car on a ainsi très clairement compris qu’il s’agissait pour M. Larrivé d’éloigner le juge pour qu’il ne puisse pas sanctionner des procédures irrégulières et qu’il en faisait une condition d’efficacité du dispositif. Or, dans un État de droit, il faut que la législation prévoit que le juge puisse être réellement saisi pour que les droits du requérant soient effectifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. La situation ultramarine en matière de séjour ne permet pas d’émettre un avis favorable à cet amendement, qui mettrait grandement à mal les conditions de rétention des étrangers. Il emboliserait vraiment le système. J’ai fait un déplacement à Mayotte dans le cadre des travaux de la commission et, sans entrer dans le détail, je peux vous affirmer, mon cher collègue, que l’application du délai d’un jour franc paralyserait totalement là-bas le système, probablement aussi en Guyane.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Il faut être très précis sur les chiffres : selon le ministère de l’intérieur – page 85 du onzième rapport sur le sujet –, le nombre des éloignements forcés – il n’est pas question ici des départs spontanés et des éloignements aidés – était de 13 908 en 2009 et de 13 386 en 2012. Il a donc en effet baissé, monsieur le ministre. Les raisons en sont nombreuses, mais c’est notamment parce qu’il est apparu qu’un certain nombre de décisions juridictionnelles hasardeuses compliquait par trop le travail des préfets et des policiers. D’où la modification législative intervenue en 2011. On passe de 12 034 éloignements forcés en 2010 à 12 547 en 2011, soit l’épaisseur du trait, une quasi-stabilité, avant d’augmenter les années suivantes – 13 386 en 2012 et 14 076 en 2013. Il y a donc bien une tendance haussière à partir de 2011, après une tendance baissière en 2010-2011 du fait de difficultés procédurales considérables, identifiées notamment par le rapport Mazeaud.
À propos du délai de quarante-huit heures que vous rétablissez, voici ce qu’en concluait le rapport Mazeaud : « La commission est certes consciente de la nécessité d’une intervention rapide du JLD pour respecter les impératifs constitutionnels. Elle considère néanmoins que la précipitation actuelle liée au délai de quarante-huit heures est excessive et nuit à la fois à la justice, dont elle mobilise abusivement les membres – juges, personnels de greffe, personnels de sécurité –, et à la mise en œuvre de la politique des pouvoirs publics, les demandes étant examinées dans des conditions exécrables, et aux étrangers eux-mêmes qui, levés à l’aube, attendent interminablement dans la salle du tribunal de grande instance, sans confort et dans la grande promiscuité. » C’est ce rapport qui nous avait conduits à passer de quarante-huit heures à cinq jours, à la fois pour augmenter l’efficacité des procédures – les chiffres que j’ai rappelés en démontrent le résultat – et pour améliorer les droits des justiciables.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’ai été précis.
M. Guillaume Larrivé. Moi aussi.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’ai parlé des éloignements hors UE alors que les chiffres que vous citez comprennent les éloignements vers l’Union européenne. Le chiffre hors UE est seulement de 4 000, et je raisonne à partir de ce critère parce qu’il s’agit là des vrais éloignements. Ce sont aussi les plus difficiles à mettre en place puisqu’il faut obtenir des laissez-passer consulaires. Par ailleurs, ces éloignements sont les plus efficaces parce qu’il est évidemment beaucoup plus difficile de revenir alors que le principe de la libre circulation dans l’Union européenne permet à l’intéressé de revenir le lendemain de l’éloignement.
C’est la raison pour laquelle, si l’on veut mesurer l’efficacité d’une politique d’éloignement, il faut raisonner exclusivement à partir des données relatives aux éloignements des étrangers hors de l’Union européenne, et c’est ce que j’ai fait. Si vous citez des chiffres aussi élevés, c’est que l’on appliquait à l’époque la politique du chiffre, qui consistait à concentrer l’action des forces de police sur les éloignements les plus faciles à réaliser. Ce n’est pas cette politique-là que nous conduisons ; nous, nous mobilisons les forces de sécurité en vue de procéder à de véritables éloignements forcés, qui sont les plus difficiles à réaliser, parce qu’ils impliquent la délivrance de laissez-passer consulaires.
(L’amendement no 294 n’est pas adopté.)
(L’article 16 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 334 rectifié.
M. Erwann Binet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Veuillez m’excuser, monsieur le ministre, de vouloir poursuivre cette querelle statistique, mais s’agissant des éloignements hors de l’Union européenne…
Mme Chantal Guittet. Oh, mais c’est une manie !
M. Guillaume Larrivé. Ce n’est pas une manie, madame : je veux simplement que l’on évoque des chiffres précis.
S’agissant donc des retours de ressortissants de pays tiers hors de l’Union européenne, je confirme l’exactitude des tendances que j’ai indiquées. Les mesures d’éloignement exécutées en 2009 étaient au nombre de 13 623 ; ce nombre a baissé en 2010 – il était de 11 975 –, puis s’est stabilisé en 2011 – à 11 775 – et, sous l’effet de la loi de 2011, a augmenté en 2012, avec 12 769 mesures d’éloignement. En revanche, il y a bien eu une baisse en 2013.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vais être une fois encore obligé de publier les chiffres sur le site du ministère ! J’ai sous les yeux le document publié en janvier 2015, qui indique que le nombre de retours forcés hors de l’Union européenne était, en 2013, de 4 656. Expliquez-moi comment l’on pourrait avoir un chiffre aussi bas en 2013 si l’on avait dépassé les 12 000 en 2012 ! Je vous le redis : les chiffres que vous citez incluent les retours aidés au sein de l’Union européenne. Je ne veux pas raisonner sur cette base, car seuls les retours des ressortissants de pays tiers hors de l’Union européenne sont de véritables retours forcés.
Les véritables chiffres sont, je le répète, de 4 656 en 2013 et de 6 515 en 2014, soit une augmentation de près de 40 % de ce type de retours, les plus difficiles à organiser. Sinon, il faut m’expliquer comment l’on passe en un an de près de 13 000 à 4 000 !
Quoi qu’il en soit, je vous communiquerai cet après-midi les chiffres sur la période antérieure, et vous pourrez vérifier encore une fois notre parfaite bonne foi. Toutes ces données seront publiées sur le site du ministère.
(L’amendement no 334 rectifié est adopté.)
(L’article 17, amendé, est adopté.)
(L’article 17 bis est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 25 et 100.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Sergio Coronado. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 100.
M. Guillaume Larrivé. Comme nous avons déjà débattu de ce point lors de la discussion générale, je ne m’y attarderai pas. Il y a, là encore, un désaccord important entre nous.
Pour le dire rapidement, nous doutons que donner la priorité à l’assignation à résidence sur la rétention administrative soit efficace. Je pourrais développer si vous le souhaitez, mais cela nous conduit à proposer la suppression de l’article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(Les amendements identiques nos 25 et 100 ne sont pas adoptés.)
(L’article 18 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 67.
M. Sergio Coronado. De nombreuses personnes étrangères appartenant aux catégories protégées contre un arrêté d’expulsion qui ont obtenu l’abrogation de cette mesure se heurtent à un refus de délivrance de carte de séjour. En conséquence, elles constituent une catégorie de personnes que l’on qualifie de « ni expulsables ni régularisables ». L’amendement vise à dénouer cette situation en leur permettant d’obtenir un titre de séjour.
Pour rappel, l’article 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visé par cet amendement n’est pas applicable aux personnes au comportement « de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Certains étrangers ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’expulsion – il convient de prendre garde aux termes utilisés, car l’expulsion est une procédure particulière d’éloignement qui vise les étrangers menaçant plus ou moins gravement l’ordre public. Cela ne signifie pas, comme l’amendement le laisse penser, que ces personnes bénéficient d’un droit au séjour qui ne pourrait être remis en cause par l’autorité publique. Toutefois, l’étranger qui remplit les critères de protection contre l’expulsion n’aura aucune difficulté à obtenir un titre de séjour par les voies de droit commun ; il lui revient d’en faire la demande.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(L’amendement no 67 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 297.
M. Denys Robiliard. Je souhaiterais que l’étranger qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion, mais qui ne peut pas être en pratique éloigné, en raison notamment des risques qu’il courrait dans son pays, puisse être autorisé à travailler. Il s’agit du cas de ce que l’on appelle les « ni ni ».
Aujourd’hui, ceux-ci peuvent être assignés à résidence, mais sans avoir la possibilité de vivre par leurs propres moyens. Le minimum serait qu’ils puissent travailler.
M. Guy Geoffroy. Ce serait une régularisation de fait !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Avis défavorable, bien évidemment. Comme cela a été rappelé en commission, il serait illogique d’autoriser à travailler des personnes étrangères qui ont vocation à être éloignées et qui sont assignées à résidence pour préparer cet éloignement !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Cher collègue Robiliard, de qui parlez-vous ? D’étrangers frappés par un arrêté ministériel ou préfectoral d’expulsion pour troubles graves à l’ordre public, par exemple dans des affaires de terrorisme, et qui n’ont pu faire l’objet d’un éloignement effectif parce que la Cour européenne des droits de l’homme ou une juridiction nationale a considéré qu’elles encouraient dans leur pays d’origine le risque d’un traitement inhumain ou dégradant, conformément aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ces individus, extrêmement dangereux pour la société, se trouvent, en dépit de la volonté des autorités de l’État, assignés à résidence, par exemple dans un hôtel en Haute-Loire ou dans la Creuse.
Ce dispositif n’est pas satisfaisant ; il nous est imposé par des juridictions. Quoi qu’il en soit, il existe. Ce que vous proposez, avec la générosité qui vous anime et parfois vous aveugle, c’est que ces terroristes – disons les choses clairement –, que l’on aimerait pouvoir expulser du territoire national, eh bien, on puisse faciliter leur insertion dans le marché du travail. Pardon, mais les bras m’en tombent ! C’est d’une absurdité confondante !
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Monsieur Larrivé, toutes les personnes qui font l’objet d’une mesure d’expulsion ne répondent pas aux caractéristiques que vous décrivez.
M. Guillaume Larrivé. Ah si !
M. Denys Robiliard. Il ne s’agit pas nécessairement de mesures d’expulsion en urgence absolue. Premier point.
M. Guillaume Larrivé. Il y a aussi des voleurs…
M. Denys Robiliard. Ensuite, nous sommes dans un État de droit, l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales existe, et nous ne pouvons pas, compte tenu de la situation de certains pays, éloigner des étrangers, même si ceux-ci font l’objet d’une mesure d’expulsion.
M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas une raison pour les autoriser à travailler !
M. Denys Robiliard. Par conséquent, nous les gardons sur le territoire français, parce qu’aucun pays ne veut les prendre. Et c’est l’honneur de notre pays que de le faire.
M. Guillaume Larrivé. C’est l’honneur de notre pays que de garder des terroristes ?
M. Denys Robiliard. Après, que veut-on ? Qu’une personne, qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion et est assignée à résidence, dans les conditions que vous avez parfaitement décrites – un hôtel situé dans certains départements –, soit à la charge intégrale de notre pays, parce qu’elle ne peut pas travailler et qu’il faut bien financer son hébergement et sa nourriture ? Ou que cette personne, qui reste un homme ou une femme – plus souvent un homme, d’ailleurs –, ait les moyens de subvenir à ses propres besoins, auquel cas il faut lui laisser la possibilité de travailler, ni plus ni moins ? Et si, à un moment donné, il redevient possible de l’expulser, le fait qu’elle ait un travail ne l’empêchera pas !
Il s’agit donc d’une mesure qui me semble pragmatique. La générosité n’est pas nécessairement aveuglante, monsieur Larrivé, et ce n’est pas parce que l’on refuse des droits à des personnes que l’on est efficace.
(L’amendement no 297 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 296.
M. Denys Robiliard. Il s’agit d’une disposition technique qui vise à permettre aux personnes qui ne sont pas expulsables, car protégées de manière relative ou absolue, de solliciter l’abrogation d’un arrêté d’expulsion. Pour cela, il faut qu’elles soient préalablement assignées à résidence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Votre amendement est satisfait, cher collègue : à l’heure actuelle, tout étranger qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion peut faire l’objet d’un arrêté d’assignation à résidence à titre probatoire et exceptionnel. Par conséquent, les étrangers protégés évoqués dans le dispositif et définis par les articles L. 521-2 et L. 521-3 le peuvent également.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Retirez-vous l’amendement, monsieur Robiliard ?
M. Denys Robiliard. Je crains que l’amendement ne soit pas satisfait. L’on en revient à la différence entre « pouvoir » et « devoir » : ce qui est une possibilité n’est pas un droit.
Nous en avons déjà débattu à propos d’un autre sujet. Il s’agit là de créer un droit, et non d’offrir une possibilité – laquelle, je le reconnais, existe. Or le placement en assignation à résidence le temps nécessaire à l’examen de la demande d’abrogation de l’arrêté n’est pas un droit. L’amendement n’est donc pas satisfait, monsieur le rapporteur.
(L’amendement no 296 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 52.
M. Sergio Coronado. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(L’amendement no 52 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 68.
M. Sergio Coronado. Cet amendement porte sur la question épineuse de la double peine.
Un nombre important de personnes étrangères frappées par cette double peine sont sous la menace constante d’un éloignement du territoire en exécution d’une peine d’interdiction du territoire prononcée avant l’entrée en vigueur de la loi de novembre 2003. Pourtant, ces personnes étrangères appartiennent pour beaucoup aux catégories « protégées » de façon absolue, mais elles n’ont pas bénéficié des mesures transitoires prévues par la loi.
La situation de ces personnes étrangères, qui ont parfois toute leur vie en France, doit être réglée. Tel est l’objet de cet amendement.
Il convient de préciser, pour rassurer notre collègue Larrivé, que sont bien évidemment exclues de ces dispositions les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation et les actes de terrorisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. J’avais déjà développé une argumentation similaire en commission, à la suite de quoi M. Molac avait retiré son amendement.
Conformément à l’article 131-30 du code civil, l’interdiction judiciaire de territoire peut être prononcée soit pour une durée maximale de dix ans, soit définitivement, au choix du juge, en fonction des circonstances de l’affaire. Autant dire que les étrangers toujours interdits de territoire à cette date, alors que la mesure a été prononcée avant la promulgation de la loi du 26 novembre 2003, n’ont pas été condamnés pour des vols de voiture, mais pour des affaires criminelles très lourdes ! Je ne pense pas qu’il soit dans la volonté de M. Coronado « d’amnistier » ces personnes et d’empiéter ainsi sur les compétences du juge judiciaire. Avis défavorable, donc.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(L’amendement no 68 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 146.
M. Guillaume Larrivé. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Défavorable.
(L’amendement no 146 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 101, tendant à supprimer l’article.
M. Guillaume Larrivé. Défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Défavorable.
(L’amendement no 101 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 241.
Mme Fanélie Carrey-Conte. Je le retire, madame la présidente.
(L’amendement no 241 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 300.
M. Denys Robiliard. Il s’agit de substituer au mot « locaux », à l’alinéa 2, les mots « centres de rétention administrative ».
Même s’il existe des locaux de rétention administrative, les conditions d’hébergement et, surtout, les conditions d’encadrement ne sont pas les mêmes, puisqu’il n’y a pas d’associations dans les locaux de rétention administrative. Et pour que des recours effectifs soient possibles, il est important que les rétentions aient lieu dans les centres de rétention et pas simplement dans des locaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Les locaux de rétention administrative, les LRA, ne sont employés que pour des durées extrêmement courtes, inférieures à quarante-huit heures, avant un transfert en centre de rétention. La moins bonne qualité des conditions de rétention, à laquelle vous faites allusion dans l’exposé sommaire de l’amendement, évidemment imposée par les circonstances pratiques, n’a donc pas vocation à se prolonger. Du reste, je précise que les locaux de rétention administrative figurent dans la partie réglementaire du CESEDA, ils ne peuvent donc pas être supprimés par voie législative.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(L’amendement no 300 est retiré.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 298, 24 rectifié et 374, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 24 rectifié et 374 sont identiques.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 298.
M. Denys Robiliard. Je le retire, madame la présidente.
(L’amendement no 298 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 24 rectifié.
M. Sergio Coronado. Je le retire au profit de l’amendement no 374 du rapporteur, madame la présidente.
(L’amendement no 24 rectifié est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 374.
M. Erwann Binet, rapporteur. Avec l’adoption de l’article 15, l’Assemblée nationale a déjà commencé à organiser le contentieux des étrangers en confiant le contrôle de l’interpellation et de la rétention au seul juge judiciaire. Il est maintenant proposé de poursuivre sur cette voie.
La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, dite « loi Besson », a repoussé au sixième jour de la rétention administrative l’intervention du juge des libertés et de la détention. Comme l’a déploré le rapport Fekl, cela conduit à ce que des étrangers soient reconduits à la frontière avant d’avoir pu contester devant le juge judiciaire, gardien des libertés, les mesures privatives de liberté dont ils faisaient l’objet. Nous en avons largement discuté tout à l’heure.
Le présent amendement, combiné à l’amendement no 377 portant article additionnel qui effectue toutes les coordinations nécessaires, limite à quarante-huit heures la durée du placement en rétention décidé par l’autorité administrative. Le juge des libertés et de la détention doit dès lors être saisi à l’expiration de cette période de quarante-huit heures, et non plus après cinq jours.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Nous voterons contre cet amendement, naturellement, mais je voudrais saisir l’occasion qui m’est donnée de faire une demande au ministre. Nous avons eu, sur cette question, une lancinante querelle de chiffres. Je pense que les choses seraient beaucoup plus claires pour l’avenir si, d’ici à la fin du quinquennat, vous voulez bien publier chaque mois, de manière tout à fait officielle et transparente, le nombre des éloignements effectifs de ressortissants de l’Union et de pays tiers. Ce serait une sorte de baromètre de la lutte contre l’immigration clandestine, avec le nombre d’éloignements et les démantèlements de filières. En disposer chaque mois, dans une parfaite transparence, serait, je pense, extrêmement utile et cela nous permettrait de juger de manière tout à fait objective de l’impact opérationnel qu’aura cette loi sur les procédures d’éloignement.
(L’amendement no 374 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 390.
Mme Fanélie Carrey-Conte. C’est un amendement auquel nous reviendrons également tout à l’heure, puisque plusieurs collègues, notamment M. Coronado, ont déposé des amendements dont l’objet est le même. Je sais également que notre rapporteur apportera des éléments complémentaires sur cette question.
Pour ma part, ce que je demande, à travers cet amendement, c’est l’interdiction totale du placement en rétention des mineurs de dix-huit ans, y compris lorsqu’ils sont accompagnés de l’un ou l’autre de leurs parents. Je sais bien qu’en commission des lois notre collègue Marie-Anne Chapdelaine a fait adopter un amendement qui permet d’encadrer les conditions dans lesquelles la rétention administrative peut être applicable aux enfants mineurs de moins de treize ans, et je crois aussi qu’il y aura un amendement du rapporteur pour faire en sorte que l’on passe de treize à seize ans. Cependant, je pense vraiment que, si nous n’inscrivons pas dans la loi l’interdiction totale de la rétention pour les mineurs, ce projet de loi aura été une occasion manquée.
L’interdiction totale de la rétention des mineurs était, je le rappelle, l’un de nos engagements de campagne et la France a été condamnée à ce propos par la Cour européenne des droits de l’homme. On sait par ailleurs que, chaque année, ce ne sont que très peu de familles qui sont concernées. Tous les arguments me paraissent vraiment réunis, allons jusqu’au bout et évitons d’avoir à nouveau des cas de rétention à l’avenir.
La place d’un mineur n’est vraiment jamais en rétention administrative. Cela ne nous coûterait pas grand-chose de l’inscrire définitivement dans la loi.
Tel est donc le sens de l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement. Votre préoccupation principale, madame Carrey-Conte est satisfaite par mon amendement no 375. À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.
Mme Fanélie Carrey-Conte. Je ne le retire pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.
M. Guy Geoffroy. Tout à l’heure, je n’ai pas demandé la parole, parce que je pensais que M. le ministre répondrait à la suggestion faite par notre collègue Guillaume Larrivé. Comme il ne l’a pas fait, je me permets de lui reposer la question. Est-il envisageable qu’il y ait un baromètre mensuel, avec les précisions qui nous permettraient de parler de la même chose – je crains que, quelquefois, ce ne soit pas le cas – lorsque nous évoquons les chiffres des reconduites des étrangers en situation irrégulière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.
Mme Fanélie Carrey-Conte. Après avoir lu, à l’instant, l’amendement no 375, je retire l’amendement no 390.
(L’amendement no 390 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 301.
Mme Fanélie Carrey-Conte. Il est défendu, madame la présidente.
(L’amendement no 301, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 23.
M. Sergio Coronado. Il est défendu, madame la présidente.
(L’amendement no 23, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 222.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’en profite pour répondre à la question posée par MM. Larrivé et Geoffroy. Chaque année, des statistiques extrêmement précises sont diffusées. Par ailleurs, j’ai dit au président de la commission des lois que j’étais disponible pour venir à tout moment m’exprimer sur ces sujets devant celle-ci, y compris à votre demande, messieurs les députés. Par ailleurs, sur le site du ministère de l’intérieur, est publiée la totalité des chiffres, des rapports et des séquences statistiques relatifs à ces sujets. Je pense donc qu’il est difficile de faire mieux, d’autant que ce que vous demandez requerrait, pour les services, un dispositif extrêmement lourd. De surcroît, une très forte mobilisation de l’INSEE serait nécessaire.
J’en viens à l’amendement no 222. Il s’agit par cet amendement de prendre en compte les cas d’évasion d’un centre de rétention. Il doit être possible de replacer immédiatement en rétention l’étranger qui se serait évadé, sans que le délai franc de sept jours prévu à l’alinéa 3 et dans le droit actuel s’applique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. C’est un amendement de bon sens. Il est clair que, si l’étranger s’évade du centre de rétention, son interpellation doit le conduire à y retourner sans qu’il puisse mettre en avant un délai de carence. C’est l’application du principe classique selon lequel nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes.
La commission est donc favorable à cet amendement.
(L’amendement no 222 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 375.
M. Erwann Binet, rapporteur. À l’initiative de Mme Chapdelaine et du groupe SRC, la commission des lois a strictement défini les conditions de placement en rétention d’une personne accompagnée d’un mineur de treize ans. Cet amendement visait à prendre en compte la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et à inscrire dans la loi les dispositions adoptées dès 2012 par voie de circulaire par le ministre de l’intérieur d’alors, Manuel Valls.
Par cet amendement et reprenant notamment une suggestion du défenseur des droits Jacques Toubon, je propose de parfaire cette approche. En effet, la référence à un mineur de treize ans ne semble pas la meilleure : cette une référence à l’âge auquel les individus deviennent responsables pénalement n’a guère de sens en matière de placement en rétention, l’étranger retenu n’étant coupable d’aucun fait pénalement répréhensible – et le mineur qui l’accompagne encore moins. De plus, un enfant est un enfant : si la loi retient l’âge de dix-huit ans comme seuil de la majorité, ce qui est également conforme aux conventions internationales auxquelles la France est partie, rien ne justifie de prévoir ici une dérogation. La rétention des mineurs sera donc rendue exceptionnelle et ne pourra intervenir que dans les cas où elle est plus respectueuse de l’intérêt de l’enfant qu’une autre mesure ou bien à la suite d’une fuite préalable de l’étranger en voie d’éloignement.
La commission est donc évidemment favorable à cet amendement.
(L’amendement no 375 est adopté et l’amendement no 63 tombe.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 54.
M. Sergio Coronado. L’amendement no 54 concerne l’interdiction sans exception de la rétention administrative des mineurs de treize ans, comme le recommande d’ailleurs le défenseur des droits dans son avis sur ce texte. En encadrant la rétention des mineurs de treize ans, cet article permet la légalisation de cette pratique qui me semble contestable. De plus, il crée un risque, a contrario, en ne prévoyant pas les mêmes garanties pour les mineurs de plus de treize ans. L’intérêt supérieur de l’enfant commande pourtant qu’il ne soit pas placé en rétention. Je ne développerai pas les arguments qu’un certain nombre de mes collègues ont déjà développés tout à l’heure, de même que le défenseur des droits. Je crois en effet que l’amendement adopté marque un pas positif. Néanmoins, légaliser la rétention des mineurs de treize ans est une erreur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwann Binet, rapporteur. Comme je viens de le dire, les cas dans lesquels la rétention d’un mineur reste possible sont extrêmement limités. Elle est possible, d’une part, s’il apparaît que cette rétention est dans son propre intérêt – dans la mesure, par exemple, où elle lui épargne un transfert pénible. Elle l’est, d’autre part, si l’adulte qui a la charge de cet enfant s’est déjà soustrait à une mesure d’éloignement et refuse de déférer. L’adoption de l’amendement signifierait en pratique, mon cher collègue, la mise en échec des règles relatives à l’éloignement pour toutes les personnes accompagnées d’un mineur : elles pourraient sans cesse fuir sans s’exposer à une décision de contrainte. Ce n’est évidemment pas envisageable.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(L’amendement no 54 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 376.
M. Erwann Binet, rapporteur. Il est défendu, madame la présidente.
(L’amendement no 376, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 19, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.
M. Guillaume Larrivé. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 du règlement.
Permettez-moi, mes chers collègues, monsieur le ministre, de souligner que nous avons des débats de qualité sur un texte très important, mais la manière dont l’ordre du jour est organisé par le Parlement est quand même assez extravagante. L’examen de ce texte est complètement saucissonné. Nous allons reprendre nos travaux à quinze heures, en commençant par l’examen d’un texte qui n’est pas celui que nous examinons actuellement, et ce n’est qu’ensuite que nous aurons le plaisir de nous retrouver pour reprendre ce débat.
Je sais bien que mon rappel au règlement ne fera pas modifier l’ordre du jour mais enfin, tout de même, pour la sérénité et le sérieux de nos débats, ces allers-retours permanents entre des textes qui n’ont aucun rapport les uns avec les autres sont assez curieux. On aurait pu, de manière beaucoup plus utile, prévoir de commencer les travaux de cet après-midi par la fin de l’examen de ce texte.
Mme la présidente. En l’absence de contestation en conférence des présidents, l’ordre du jour a été ainsi établi, cher collègue.
Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi ;
Suite de la discussion du projet de loi relatif au droit des étrangers ;
Discussion, en lecture définitive, du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly