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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 23 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (suite)

Troisième partie (suite)

Article 28 et annexe B (suite)

Amendements nos 499 , 511 , 551 , 674 , 699 , 702 , 711 , 704 , 733 , 755 , 816 , 828

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Amendements nos 130 , 142 , 194 , 701 , 706 , 735 , 818

Vote sur l’ensemble de la troisième partie

Quatrième partie

Avant l’article 65

Amendement no 176

Article 65

Mme Véronique Louwagie

Amendements nos 857, 858, 859 , 801 , 975 (sous-amendement)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Article 66

Mme Véronique Louwagie

Amendements nos 860 , 206

Après l’article 66

Amendements nos 177 , 434

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales

Amendements nos 435 , 538, 542 , 178 , 804 , 439 , 629 rectifié , 671 rectifié , 254 , 255 , 253 , 257 , 258 , 879 deuxième rectification , 251 , 263

Assurance maladie

Article 29 (précédemment réservé)

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Bernard Accoyer

Mme Isabelle Le Callennec

Mme Véronique Louwagie

M. Jean-Pierre Barbier

M. Jean-Pierre Door

M. Gérard Sebaoun

Mme Fanélie Carrey-Conte

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Mme Sylviane Bulteau

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Valérie Boyer

M. Francis Vercamer

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Marisol Touraine, ministre

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (nos 2252, 2303, 2298).

Troisième partie (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n483 à l’article 28 et annexe B.

Article 28 et annexe B (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 499, 511, 551, 674, 699, 702, 704, 711, 733, 755, 816 et 828.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n499.

M. Dominique Tian. Le groupe UMP s’est tout à l’heure élevé contre les mesures scandaleuses que le Gouvernement s’apprête à prendre. Nous avons pu évoquer, avec Valérie Boyer, les dangers que couraient les familles et je n’y reviendrai pas plus longuement car d’autres amendements nous permettront d’en traiter de nouveau plus tard.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n511.

M. Philippe Vitel. Depuis 1945, la politique familiale faisait consensus au-delà des clivages partisans ou syndicaux. Le consensus avait porté ses fruits : la politique familiale était une réussite française.

Depuis l’élection de François Hollande, tout a changé – ce qui était d’ailleurs prévu, puisque le changement devait être « maintenant »... Las, le changement a été pour les familles et l’idéologie est arrivée au pouvoir. Les familles en sont les premières victimes car la politique familiale connaît, avec ce PLFSS, son troisième plan d’économie en deux ans. Les familles avec enfants sont, une nouvelle fois, mises à contribution.

Rappelons que nous avons tout de même vécu successivement deux baisses du plafond du quotient familial – 2 000 puis 1 500 euros –, la modulation et le gel de l’allocation de base de la PAJE, des primes de naissance et d’adoption, la fiscalisation des majorations des pensions de retraite pour les personnes ayant élevé au moins trois enfants. Nous pouvons évaluer à 3 milliards d’euros les économies déjà supportées par les familles. Je vous demande par conséquent de voter cet amendement qui vise à ce que les familles ne puissent « pas être les variables d’ajustement du manque de courage et de l’incapacité du Gouvernement à réformer notre pays ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement n551.

Mme Isabelle Le Callennec. La ministre des affaires sociales nous reprochait d’être hors jeu lorsque nous exprimions notre attachement à l’universalité des allocations familiales à l’occasion de l’examen de l’article 28. Il est tout de même inscrit dans le rapport annexé, aux alinéas 29 à 32, que la branche famille contribuera à l’effort de maîtrise de la dépense publique ! C’est là votre intention et ce PLFSS 2015 affiche clairement une diminution des prestations familiales et la modulation des allocations. Nous y reviendrons. Nous demandons par conséquent que soient substitués aux alinéas précités les deux alinéas suivants : « La politique familiale de notre pays est sanctuarisée. Les familles ne peuvent pas être les variables d’ajustement du manque de courage et de l’incapacité du Gouvernement à réformer notre pays et les allocations familiales resteront une prestation universelle ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n674.

M. Christian Jacob. Je voudrais défendre à nouveau le principe d’universalité. Comprenons-nous bien : l’objectif de la politique familiale fut bien de prendre en charge le coût de l’enfant pour que, à revenu égal, joue le principe de solidarité entre des familles avec enfant et des familles sans enfant. Or, vous avez mis fin à ce principe en baissant à deux reprises le quotient familial. Je vous répéterai ce que je vous ai dit lorsque vous vous êtes attaqués de la même façon au congé parental : de quoi vous mêlez-vous ? Il est aberrant de vouloir choisir à la place des parents la façon dont ils vont se répartir le congé parental ! Ces décisions doivent rester du domaine de la sphère privée !

En remettant en cause le principe d’universalité, vous prenez le risque de favoriser demain un système par capitalisation. Est-ce cela que vous voulez ? En vous en prenant au principe d’universalité, vous touchez à l’un des piliers fondateurs de notre pacte républicain. Dès lors que vous vous engagez sur ce chemin, comment voulez-vous continuer à défendre notre système de retraite par répartition ? En effet, ce sont bien les enfants d’aujourd’hui qui paient les retraites de demain !

M. Philip Cordery. Quel est le rapport ?

M. Christian Jacob. En aucun cas la politique familiale ne peut être un correcteur de revenu. Nous avons d’autres outils pour cela : la politique sociale et l’impôt sur le revenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n699.

M. Bernard Accoyer. Faute de réforme structurelle, il faut trouver un bouc émissaire. Avec la gauche, le bouc émissaire ne peut être que la famille.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est reparti.

M. Bernard Accoyer. Pardon ? Je vous gêne ?

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Non, mais vos propos sont répétitifs !

M. Bernard Accoyer. Peut-être est-ce parce que je n’appartiens pas à la commission des finances et que vous nourrissez le plus grand des mépris à l’endroit des membres de la commission des affaires sociales ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Parce que vous n’avez pas le courage de réformer, vous avez abrogé un certain nombre de réformes structurelles engagées par le gouvernement précédent et vous vous acharnez sur les familles. La mise sous condition de ressources des allocations familiales est une initiative à laquelle Mme Aubry elle-même, qui sert de chef aux frondeurs, avait renoncé. Je me souviens d’ailleurs de la vivacité des débats de l’époque.

Vous n’hésitez pas, pour votre part, à franchir ce pas, avec une improvisation scandaleuse quand on connaît les conséquences d’un tel bouleversement. Le Gouvernement a dû passer un accord avec une partie du groupe socialiste pour dégager une majorité. Nous en sommes là, en effet : la gauche n’a plus de majorité au sein de l’Assemblée nationale ! Elle est obligée de faire n’importe quoi pour acheter des voix et ne pas être sous la coupe des frondeurs !

En imposant une condition de ressources, après avoir déjà pris 4,5 milliards d’euros aux familles, sans parler des hausses d’impôt généralisées, vous franchissez un nouveau seuil, mais vous en franchirez d’autres, car la vocation d’un seuil est d’être dépassé.

Surtout, nous avons à présent la certitude, s’agissant de l’assurance maladie, que demain, les remboursements seront soumis à des conditions de ressources. C’est pour cette raison que nous vous demandons, chers collègues, de voter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n702.

Mme Valérie Boyer. Mes éminents collègues l’ont dit : non seulement ce Gouvernement est incapable de tenir ses engagements en matière de réduction des déficits, incapable d’engager le redressement de notre pays, mais en plus il s’attaque avec dogmatisme à notre politique familiale qui nous est pourtant enviée pour son efficacité.

Ce qui est pudiquement désigné comme le volet des économies à venir sur les prestations de la branche famille et que nous vous proposons de supprimer aurait pour conséquence de fragiliser à court terme la situation quotidienne des familles avec des jeunes enfants et, à plus long terme, de peser sur notre taux de natalité, ce qui serait très grave.

Détaillons ces mesures puisqu’un certain nombre, étant d’ordre réglementaire, ne pourra pas être débattu ici, ce qui est un déni de démocratie.

La baisse des allocations familiales pour un enfant entre 14 et 16 ans concernera toutes les familles, en particulier les plus pauvres. Elle représente 1 500 euros de perte sur deux ans pour une famille de deux enfants et 4 500 euros pour une famille de trois enfants.

La division par trois de la prime de naissance et le report du versement de l’allocation de base, qui sont des prestations soumises à condition de ressources, toucheront également les familles qui ont au contraire besoin d’être soutenues au moment de l’accueil d’un nouvel enfant. Allez expliquer à une famille qui accueille un troisième enfant et qui doit changer de voiture, voire de logement, qu’elle est déjà suffisamment équipée et qu’elle devra se contenter de la prime de naissance...

Enfin, les femmes seront mécaniquement renvoyées à la maison par les nouvelles modalités de partage du congé parental, l’intrusion quasi soviétique dans la vie des gens et la baisse du complément de mode de garde des familles qui embauchent une assistante maternelle, alors même que vous êtes incapables de tenir votre engagement d’augmenter l’offre d’accueil de la petite enfance puisque vous vous désengagez des subventions que vous donnez aux collectivités locales et que la CAF, déjà sous l’eau n’arrivera pas à compenser tout cela !

Quand j’ai voulu avoir des enfants et commencer à travailler, j’ai eu la chance de n’avoir pas à choisir. Mes filles devront, elles, se poser la question : travailler ou avoir des enfants ? Vos mesures feront reculer le travail des femmes dans notre pays !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n711.

M. Jean-Pierre Door. Nous estimons qu’un enfant vaut toujours un autre enfant. Il nous faudra donc revenir sur cette baisse du quotient familial et refonder la politique familiale que vous avez altérée depuis deux ans. Nous estimons que l’universalité de la politique familiale est un acquis et c’est pourquoi, à l’avenir, nous nous opposerons de toutes nos forces à la mise sous condition de ressources des allocations familiales. C’est une véritable déclaration de guerre aux familles !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales et et, M. Philip Cordery. Et quelles familles !

M. Jean-Pierre Door. Une fois de plus, le Président de la République cède au mensonge. Il y a peu encore, il défendait l’universalité des allocations familiales, qui figurait dans son programme. Las, vous entérinez ce mensonge par votre proposition. Demain, les familles seront certainement ravies de constater que les allocations qu’elles perçoivent pour leurs enfants sont rabotées.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Seuls 10 % des familles sont concernées !

M. Jean-Pierre Door. Le PS se réserve des réveils difficiles. Vous verrez quels résultats vous obtiendrez lors des prochaines élections !

M. Patrick Hetzel. Il n’y a plus de PS !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n704.

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à l’heure, M. Rogemont a cité l’exemple – flagrant, selon lui – de la gratuité de l’école. Cet exemple valait avant que vous n’arriviez au pouvoir, chers collègues de la majorité !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ne dites pas s’importe quoi !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ayez bien conscience que les mesures que vous appliquez aujourd’hui concernant les allocations familiales sont déjà en vigueur dans les écoles – je pense à certaines écoles primaires relevant de la responsabilité d’élus socialistes, qui organisent des temps d’activités périscolaires payantes en tenant compte du quotient familial.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est exact !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il ne s’agit donc pas de l’école.

Mme Marie-Christine Dalloz. Là encore, cela revient à faire payer les parents à hauts revenus davantage que ceux dont les revenus sont moindres. Telle est votre vision !

Mme Valérie Boyer. Ce sont toujours les mêmes qui paient !

Mme Marie-Christine Dalloz. D’autre part, Mme la ministre a prétendu que vous ne remettiez pas en cause l’universalité des allocations familiales, puisque seules les familles ayant deux enfants ou davantage en bénéficient. Est-ce donc là votre vision de l’universalité ? J’y vois un argument artificiel que vos services ont dû vous souffler. L’universalité, ce n’est pas cela, madame la ministre ! Il est vrai que les familles ayant un seul enfant ne bénéficient pas des allocations familiales, mais toutes les familles qui en ont deux perçoivent le même montant d’allocations. Il en va de même des familles ayant trois enfants et ainsi de suite. Voilà ce que signifie l’universalité, bien loin de votre vision dogmatique…

Mme Marie-Françoise Clergeau. C’est la vôtre qui est dogmatique !

Mme Marie-Christine Dalloz. …selon laquelle l’enfant d’une famille à faibles revenus a davantage de besoins de redistribution qu’un autre. Pour nous, tous les enfants ont les mêmes droits, et ce quelle que soit la situation de leurs parents !

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir l’amendement n733.

M. Denis Jacquat. M’étant déjà exprimé sur l’article, je me contenterai de rappeler deux idées fortes. Tout d’abord, nous souhaitons une véritable universalité, et non la simple excuse d’universalité qui nous est présentée. J’avoue que je souris de la comparaison que l’un d’entre vous a faite avec l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA – que j’ai votée en son temps – : même Mme Bettencourt a droit à l’APA !

Mme Bernadette Laclais. Pas pour le même montant !

M. Denis Jacquat. D’autre part, les familles – comme l’ont déjà dit plusieurs collègues – ne doivent pas être la variable d’ajustement d’une politique économique. Ce sont deux choses complètement différentes ! La crise financière et économique mondiale existe, c’est un fait, et il faut faire des choix ; les familles ne doivent pas être concernées.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n755.

M. Gilles Lurton. Tout ce qui est excessif est insignifiant, nous répondait tout à l’heure Mme la ministre. Au-delà de l’émotion que suscite parmi nous la décision de remettre en cause une politique familiale qui a fait ses preuves et sur laquelle le Président de la République lui-même refusait de revenir il y a encore une dizaine de jours, vous risquez de provoquer des conséquences en chaîne que vous ne maîtrisez pas du tout ! C’est d’ailleurs pour cela que votre décision fait couler autant d’encre dans la presse depuis une semaine. En la prenant, vous allez affaiblir davantage le pouvoir d’achat des familles. Ce sont environ 800 millions d’euros supplémentaires qui ne pourront pas être injectés dans l’économie et dans la consommation. C’est donc tout le contraire de ce qu’il faut faire aujourd’hui ! De cette décision, vous porterez longtemps la responsabilité !

M. Denis Jacquat. Vous irez en enfer ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n816.

M. Jean-Pierre Barbier. Ce PLFSS suscite de nombreux regrets. Ce matin, j’ai évoqué le manque de débat en commission ; certains collègues s’en sont émus, croyant que je ne jugeais pas les débats de la commission des affaires sociales de bonne qualité. Ce n’est pas du tout ce que j’ai voulu dire ; je note simplement qu’une partie de la majorité était absente, nous privant ainsi de l’occasion de discuter avec elle.

M. Patrick Hetzel. Quelle majorité ? Elle n’existe plus !

M. Jean-Pierre Barbier. Surtout, un certain nombre de sujets n’ont pas été abordés lors de ces débats, en particulier celui qui nous intéresse en ce moment. En effet, ce dont nous avons discuté en commission n’est pas ce qui va être appliqué ce soir ; il n’y a donc pas eu de débat.

Nous avons plus tôt parlé de fraternité. La fraternité et la solidarité sont importantes.

M. Philip Cordery. Vous parlez de ce que vous ne connaissez pas !

M. Jean-Pierre Barbier. Elles s’expriment par les cotisations et les impôts payés par ceux qui en ont les moyens, permettant ainsi à ceux qui n’ont aucun revenu de bénéficier des mêmes prestations. Voilà ce que signifient la fraternité et la solidarité ! Cela étant, il faut veiller à ce que l’écart entre le montant des cotisations versées par les uns et celui des allocations touchées par les autres ne soit pas trop grand ; dans le cas contraire, vous remettez en cause la fraternité.

Enfin, madame la ministre, en matière de politique familiale, ce n’est pas de fraternité qu’il doit s’agir, mais tout simplement de fratries, pour que les familles puissent vivre !

M. Christian Jacob et M. Bernard Accoyer. Très bien !

Mme la présidente. Sur l’amendement n499 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Claude Greff, pour soutenir l’amendement n828.

Mme Claude Greff. En matière de réduction des déficits, le Gouvernement est incapable de tenir ses engagements. J’évoquais tout à l’heure les difficultés posées par le nombre de places disponibles en crèche. Sans surprise, Mme la secrétaire d’État s’est esclaffée lorsque j’ai dit mon sentiment qu’elle nous renvoie, nous les femmes, à la maison. Pourtant, j’en veux pour preuve le fait que les 100 000 places de crèche que vous avez promises ne se concrétiseront pas, et ce pour les raisons que j’ai déjà indiquées : les places de crèche sont financées par les caisses d’allocations familiales et par les collectivités locales, lesquelles ne pourront pas investir dans la construction de crèches en raison de la forte baisse de leurs subventions, tandis que la CNAF, la Caisse nationale d’allocations familiales, ne pourra pas non plus contribuer à ce financement. En conséquence, le nombre de places en crèche diminuera, ce qui ne laissera plus la possibilité aux femmes de concilier leur vie familiale avec leur vie professionnelle.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Vous n’avez créé aucune place en crèche ! Votre bilan est neutre !

Mme Claude Greff. Cela vous fait-il rire aussi, madame la ministre ? Dois-je vous rappeler que vous avez présidé le conseil général d’Indre-et-Loire et que, à ce titre, les places en crèche relevaient de votre compétence ? Il y a en Indre-et-Loire 33 500 enfants de moins de quatre ans pour 624 places de crèche – je dis bien 624 – seulement. Comment voulez-vous croire que la place des femmes et l’égalité entre les sexes sont respectées dans ces conditions ?

Mme Marie-Françoise Clergeau. Allez donc en parler au président de la communauté d’agglomération de Tours, puisque c’est l’un de vos amis !

Mme Claude Greff. Je vous donne là des statistiques de l’INSEE !

Mme la présidente. Je vous remercie de conclure, madame la députée.

Mme Claude Greff. Je conclus en disant ceci : Mme la ministre nous parle de justice sociale, mais la justice sociale existe déjà. En effet, les couples qui gagnent 6 000 euros n’ont pas de place en crèche…

Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, madame Greff.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l’équilibre général, pour donner l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Nous entendons le même bruit de fond depuis plusieurs jours – je devrais même dire depuis deux ans : « la gauche n’aime pas la famille », répétez-vous à l’envi. (« C’est la vérité ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Élection après élection, vous voyez combien vous êtes aimés !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. J’ai donc tenté de comprendre ce qui vous conduit à tenir de tels propos : s’agit-il d’un simple ressenti ou de faits qui peuvent se vérifier au fil des ans ? J’ai consulté l’histoire des allocations et prestations familiales depuis une trentaine d’années.

M. Christian Jacob. Si vous nous lisez la même note que Mme Clergeau, peut-être remonterez-vous même jusqu’à 1932 ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Permettez-moi de citer quelques-unes de ces prestations pour comparer les bilans des uns et des autres.

M. Razzy Hammadi. Eh oui ! 1981 !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. L’allocation parentale d’éducation, aujourd’hui devenue le complément de libre choix d’activité ? C’est nous, en 1984 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le complément du libre choix du mode de garde, qui s’adresse aux parents qui confient la garde de leur enfant à une assistante maternelle ? C’est nous, avec Michel Rocard ! (Même mouvements.) Le congé de paternité de quatorze jours pour les jeunes pères ? C’est nous, avec Lionel Jospin ! (Même mouvement.) La fin des inégalités successorales entre les enfants adultérins et les autres enfants, qui relève bien de la politique familiale ? C’est nous ! (Même mouvement.) L’allocation personnalisée d’autonomie, dont j’estime qu’elle relève du soutien aux familles car aider les aidants, c’est aider les familles ? C’est nous ! (Même mouvement.)

M. Denis Jacquat. Nous ne nous sommes pas opposés à l’APA !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Qu’avez-vous fait au cours de la même période ? De quelle évolution de la politique familiale pouvez-vous vous prévaloir ? Voilà une bonne question !

Mme Claude Greff. Mais vous cassez tout !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Vous avez créé l’allocation de garde d’enfant à domicile – une prestation utile que personne ne conteste, mais qui ne s’applique qu’à 2 % des familles ! Vous avez également créé la PAJE, monsieur Jacob, qui n’est que la fusion de différentes prestations préexistantes.

Mme Isabelle Le Callennec. C’était un choc de simplification !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. La simplification est toujours utile, mais en aucun cas ne s’agissait-il là d’une prestation nouvelle !

Qu’avez-vous fait concernant l’accueil des jeunes enfants ?

Mme Claude Greff. Seulement 624 places en crèche dans le département d’Indre-et-Loire : est-ce cela, la justice sociale ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Entre 2002 et 2012, vous avez supprimé 118 000 places d’accueil dans les écoles maternelles pour les enfants de deux et trois ans ! (Huées sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Quant à nous, nous en avons déjà recréé 6 000 en deux ans !

Mme Claude Greff. 624 places en Indre-et-Loire !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Et quand je vois que l’un de vos candidats, dans vos affaires de famille…

M. Jean-Pierre Barbier. Regardez donc chez vous !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. …propose de supprimer 30 % des enseignants, je me dis que le travail que nous accomplissons pour les enfants de moins de trois ans s’interromprait brutalement si, par malheur, vous reveniez au pouvoir !

Quant à vous, madame Greff, vous mentionnez le fait que nous avons souri…

Mme Claude Greff. Vous vous êtes esclaffée : c’est bien pire !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. …lorsque vous nous avez accusés de vouloir renvoyer les femmes au foyer. Laissez-moi vous dire pourquoi nous avons souri : c’est parce que nous avons de la mémoire !

M. Patrick Hetzel. Gardez votre calme !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Nous avons en effet entre les mains la proposition de loi que vous avez déposée afin de créer un statut du parent au foyer par l’instauration d’un revenu pour les familles.

Mme Claude Greff. C’était en 2002 ! Les choses ont changé depuis ! N’avez-vous vraiment que cela à faire ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. La seule ici qui a voulu renvoyer les mères au foyer, c’est vous, puisque vous avez déposé une proposition de loi en ce sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous voilà prise la main dans le sac !

M. Razzy Hammadi. Tout est dit ; il n’y a plus rien à ajouter.

M. Olivier Véran. La greffe a bien pris, si j’ose dire…

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Il va de soi que l’avis du Gouvernement est défavorable à ces amendements. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Vous ricanez avec madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mais pourriez-vous vous exprimer avec un peu d’amabilité et nous répondre sur le fond ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Sans doute n’avez-vous guère d’expérience comme parlementaire,…

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Ah bon ?

M. Christian Jacob. …mais vous êtes ici à la disposition du Parlement !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Et je me donne !

M. Christian Jacob. Vous n’êtes pas là pour ricaner entre collègues comme vous êtes en train de le faire !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quelle honte, monsieur Jacob !

M. Christian Jacob. Nous parlons de sujets extrêmement importants. En matière de politique familiale, vous vous livrez depuis deux ans à un véritable jeu de massacre ! Vous avez ponctionné 4,5 milliards sur les familles !

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Philip Cordery. Quelles familles ?

M. Christian Jacob. Reprenons donc les différents éléments l’un après l’autre. Vous diminuez le quotient familial, tout d’abord. Ce faisant, vous cassez la solidarité à revenu égal entre les familles qui ont des enfants et celles qui n’en ont pas ! Vous vous attaquez là à l’un des piliers de notre République.

La fiscalisation des majorations mensuelles pour les familles nombreuses, ensuite : là encore, c’est vous qui vous attaquez aux familles de retraités pour les fiscaliser et ponctionner ceux qui ont eu des enfants davantage que ceux qui n’en ont pas eu !

S’agissant de la PAJE, vous avez également adopté des mesures restrictives. Interrogez les familles : y en a-t-il une qui remette la PAJE en cause ? Au contraire, il s’agit d’une avancée très importante que tout le monde reconnaît.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. C’est ce que j’ai dit.

M. Christian Jacob. Une nouvelle fois, vous vous livrez à un jeu de massacre en plafonnant le système.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Simplification !

M. Christian Jacob. Vous vous attaquez aussi au congé parental. De quoi allez-vous donc vous mêler ! Vous entrez là dans ce qui relève de l’intimité des familles ! De même, lors du débat sur les modes de garde à l’occasion de la création de la PAJE, vous prétendiez qu’il fallait mettre tous les enfants en crèche et refuser les autres possibilités d’accueil : c’est stupide !

Mme Valérie Boyer. On doit pouvoir choisir !

M. Christian Jacob. Nous sommes là dans la sphère privée. Laissez les familles se débrouiller et choisir le mode de garde de leurs enfants ! Le rôle de l’État consiste à créer les conditions qui permettent de garder les enfants ; le choix du mode de garde, lui, relève de l’intime ! Arrêtez de vous mêler des familles ! Fichez-leur la paix et laissez-les vivre ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 499, 511, 551, 674, 699, 702, 704, 711, 733, 755, 816 et 828.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants38
Nombre de suffrages exprimés38
Majorité absolue20
Pour l’adoption18
contre20

(Les amendements identiques nos 499, 511, 551, 674, 699, 702, 704, 711, 733, 755, 816 et 828 ne sont pas adoptés.)

M. Patrick Hetzel. Il va falloir mobiliser vos collègues, car ce résultat mérite un recalage !

Mme Valérie Boyer. Oui, vous avez senti le vent du boulet !

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 130, 142, 194, 701, 706, 735 et 818.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n130.

M. Jean-Pierre Door. Nous avons la chance de compter dans notre groupe, deux députés qui ont été ministres de la famille et qui savent de quoi ils parlent. Vous pouvez aussi les respecter, madame la secrétaire d’État, et ne pas être aussi arrogante lorsque vous prenez la parole pour vous opposer à nous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut que nous retrouvions un débat serein.

Vous nous reprochez de défendre nos amendements de façon répétitive, mais plus nous nous répétons, plus nous avons des chances d’être entendus. Il est vrai que nous sommes entendus par la population…

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je n’en suis pas sûre !

M. Jean-Pierre Door. …et soyez-en assurée, vous en verrez les résultats dans quelque temps.

Cet amendement a pour but de rappeler que nous n’avons jamais obtenu de réponse ferme sur le transfert à la charge de l’État de la baisse des cotisations sociales et de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) qui a été prévu dans le Pacte de responsabilité. Avec le transfert de l’aide personnalisée au logement, actuellement financée par la branche famille, ce sont 4,7 milliards d’euros qui passent dans le budget de l’État. Nous ne savons toujours pas comment ce transfert est compensé. C’est une véritable supercherie que nous voulons dénoncer et c’est pourquoi nous demandons la suppression des alinéas 31 et 32 de l’article 28.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n142.

M. Gilles Lurton. Dans tous les débats importants, vous utilisez les mêmes arguments, de type « vous avez fait ceci, mais vous n’avez pas fait cela », etc. Je cherche, moi, à faire avancer les choses et je trouve que votre décision pèse lourdement sur la vie des familles.

Car, je le répète, plus on a d’enfants, plus on contribue à la solidarité nationale, plus on a besoin de biens de consommation et plus on paie de TVA sur les produits que l’on achète et qui font entrer 19,6 % de TVA dans les caisses de l’État. Les allocations familiales servent aussi à compenser les dépenses liées aux enfants. C’est un discours que j’aimerais que vous entendiez.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n194.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement dénonce une nouvelle fois le détournement de finances, le tour de passe-passe que le Gouvernement opère pour faire semblant de compenser le coût du Pacte de responsabilité et de solidarité.

Mais revenons-en aux familles. Madame la secrétaire d’État, votre arrivée dans l’hémicycle a électrisé l’Assemblée. Votre agressivité, s’agissant d’un membre du Gouvernement qui doit s’occuper des enfants, de la jeunesse, de la douceur, de l’espérance, est véritablement pitoyable ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Votre moquerie, votre mépris à l’égard de l’Assemblée, vous les avez acquis après un très rapide passage dans cet hémicycle. Mais vous auriez dû écouter vos amis politiques, à commencer par M. Lepaon, secrétaire général de la CGT, qui d’ailleurs est un ami de Mme Fraysse. Selon M. Lepaon, « Cette mesure est contraire à l’esprit même de la sécurité sociale ». « C’est une remise en cause sans précédent de ce qu’on appelle l’universalité ». Ce n’est pas la droite qui parle, c’est M. Lepaon !

Et il poursuit : « Il est indécent d’opposer à nouveau les Français, les Françaises entre eux ».

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Récemment, un grand quotidien du soir titrait que « Le niveau de vie des familles nombreuses est inférieur de 25 % à celui des ménages sans enfant ». Où est la justice dans ce qui n’est que de l’acharnement ?

L’improvisation de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales est une véritable faute et une erreur, et vous la paierez.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n701.

Mme Valérie Boyer. Comme je vous l’indiquais tout à l’heure, votre politique d’acharnement contre la famille renvoie les femmes à la maison, d’une part parce que les places de crèche que vous avez promises, vous ne les tiendrez pas, d’autre part parce que les mesures fiscales que vous avez prises ne permettent plus aux femmes qui travaillent – pas plus celles qui vivent en couple et gagnent correctement leur vie que celles qui forment une famille monoparentale – de choisir un mode de garde satisfaisant. En effet, la crèche est devenue trop chère et il est devenu très difficile de trouver un mode de garde à domicile. C’est une réalité, en particulier pour les femmes qui ont choisi d’avoir plusieurs enfants tout en continuant à travailler.

Non seulement vous remettez en cause l’universalité des allocations mais vous stigmatisez les familles qui élèvent des enfants et celles dans lesquelles la femme travaille.

Ce qui fait le succès de notre politique familiale, outre son universalité, c’est le libre choix laissé aux familles en matière d’organisation, mais vous revenez sur cet acquis.

Pour toutes ces raisons, il est impératif que vous supprimiez ces alinéas.

D’autres économies plus justes auraient pu être réalisées, dont certaines sont proposées par nos collègues dans un certain nombre d’amendements : une meilleure régulation du coût de l’AME qui explose, la lutte contre les arrêts maladie de complaisance dans la fonction publique grâce à l’instauration de trois jours de carence, en parité avec le secteur privé, ce que réclame l’hôpital public. Je vous rappelle que l’instauration d’un jour de carence en 2012 avait permis à l’hôpital d’économiser 70 millions d’euros !

Mais vous refusez ces dispositions comme vous refusez tout le reste, par pur dogmatisme. Il est malheureux que nous soyons encore obligés de répéter ces arguments. Les Français, eux, nous ont compris et ils approuvent ce que nous défendons, mais vous, vous restez sourds à nos appels.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n706.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la secrétaire d’État, quand vous faites la lecture de toutes les avancées que vous prétendez avoir apportées à la politique familiale, nous sentons bien que, pour une fois, votre majorité est soulagée de pouvoir se dire qu’elle a fait quelque chose.

Je voudrais que vous preniez conscience d’une chose : vous allez porter durablement cette décision. Dans cette noble enceinte, dans les vingt prochaines années, nous citerons les propos que vous avez tenus ce soir et nous nous rappellerons que c’est dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous avez remis en cause ce principe fondateur de notre pacte républicain qu’est l’universalité des prestations familiales. Ce n’est pas acceptable.

Je vois bien sur le visage des députés de la majorité un certain malaise. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau. Pas du tout !

Mme Marie-Christine Dalloz. Assumer dans l’hémicycle d’appartenir à une majorité est une chose, mais le week-end prochain, lorsque vous serez dans vos circonscriptions, dire que vous avez voté la remise en cause du principe de l’universalité des allocations familiales en est une autre, et c’est difficile à assumer.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous n’avons pas les mêmes valeurs !

Mme Marie-Christine Dalloz. Une chose est évidente pour nous : la famille est unique, quelle que soit sa composition, quels que soient ses revenus. La famille n’est pas un élément comptable. Depuis deux ans, vous portez la responsabilité du matraquage et du prélèvement de 4,5 milliards d’euros sur le dos des familles. Au départ, nous avons dit que vous leur faisiez les poches, mais nous sommes bien loin de cette image car vous avez puni l’ensemble des familles de France sous couvert d’un dogme socialiste.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir l’amendement n735.

M. Denis Jacquat. Ce qui est pudiquement présenté dans les alinéas que nous vous proposons de supprimer comme un « volet d’économies à venir sur les prestations de la branche famille » aura pour conséquence, à court terme, de fragiliser la situation quotidienne des familles ayant de jeunes enfants. À plus long terme, cela pèsera sur notre taux de natalité, ce qui est très grave.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n818.

M. Jean-Pierre Barbier. Dans l’alinéa 32, vous tentez de justifier les économies que vous réalisez sur la branche famille par les mesures que vous avez prises dans la loi de finances rectificative pour 2014. Vous avez procédé à 1,3 milliard de réductions d’impôt, allégé les impôts des ménages modestes pour 3 milliards dans la loi de finances pour 2015 et, en échange, vous allez prendre 800 millions d’euros à la branche famille.

Ce raisonnement ne tient pas. C’est un véritable enfumage. Vous mélangez tout, vous faites tout et son contraire en donnant d’une main ce que vous avez déjà repris de l’autre. Franchement, ce sont des comptes d’apothicaire.

Vos cadeaux fiscaux participent très certainement aux économies, selon la vision socialiste, puisque nous avons dépensé presque 4 milliards d’euros dont je ne sais pas comment nous allons les récupérer, et vous essayez de justifier ces baisses d’impôt en réduisant les prestations des ménages plus aisés.

Vous refusez de l’avouer, mais c’est votre règle : quand vous faites des cadeaux aux uns, ce sont les autres qui paient. C’est ce qui est en train de se passer aujourd’hui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur tous ces amendements identiques ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Avis défavorable.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 130, 142, 194, 701, 706, 735 et 818, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Il est tout de même surprenant, eu égard aux arguments que nous avons avancés, que le rapporteur et la secrétaire d’État n’aient rien eu à nous répondre. Nous débattons d’un sujet essentiel pour la politique familiale et son universalité et nous n’avons obtenu pour réponse que leur « avis défavorable », sans autre explication. Je pense que nos concitoyens, tout particulièrement les familles, apprécieront.

Il est intéressant de voir ce qui est en train de se passer. Le dernier scrutin est révélateur de la non-mobilisation de la majorité et nous comprenons aisément pourquoi : ses membres sont gênés parce que cette question touche tous nos concitoyens. Une fois de plus, on voit bien que cette gauche, qui utilise régulièrement le mot justice, ne considère pas deux enfants de la même façon alors que nous parlons de politique familiale. C’est fondamentalement injuste et vous devriez y réfléchir à deux fois. En tout cas, tout ceci mérite d’être consigné pour que nos concitoyens se souviennent que la gauche est en train de donner le premier coup de canif au principe d’universalité de la politique familiale.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. J’aimerais que la ministre ou la secrétaire d’État s’exprime sur le fond pour nous expliquer ce qui justifie cette mesure. Pas un seul argument ne nous a été donné pour justifier ce matraquage sur les familles.

M. Bernard Accoyer. Exactement !

M. Christian Jacob. Pourquoi allez-vous chercher ces 700 millions ? Ce n’est pas une mesure budgétaire, car si c’était le cas il était possible de les trouver ailleurs. Vous êtes donc bien dans une logique d’acharnement contre la politique familiale. Si c’était une simple mesure budgétaire, nous aurions pu les prendre sur l’aide médicale de l’État (AME) qui, comme l’ont suggéré plusieurs de mes collègues, est en train d’exploser,… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est parti !

M. Christian Jacob. …et qui fait qu’un salarié qui gagne le SMIC, qui paie sa mutuelle, bénéficie d’une moindre protection sociale qu’un étranger en situation irrégulière !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce que vous dites est honteux !

M. Christian Jacob. Cela ne vous fait pas plaisir, mais c’est la réalité !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Non, c’est faux !

M. Christian Jacob. C’est la vérité ! Parce que vous avez supprimé le droit de timbre, parce que vous avez supprimé l’agrément. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce que vous avez fait pour l’AME est indigne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aujourd’hui, si vous êtes à la recherche de 700 millions d’euros, vous pouvez les trouver sur l’AME, ou encore sur les jours de carence dans la fonction publique, puisque trois jours de carence représentent 700 millions d’euros !

Mais il n’en est rien ! Vous menez une politique d’acharnement contre les familles et les classes moyennes que rien ne justifie ! Quant au Président de la République, chacun peut voir qu’il est une véritable marionnette du groupe parlementaire, en perdition complète ! Lui qui disait il y a une semaine qu’on ne toucherait pas à l’universalité des allocations s’y attaque trois jours après faute d’être capable de tenir le groupe parlementaire !

M. Yves Censi. Bravo !

M. Christian Jacob. C’est une marionnette, un Président en perdition ! 86 % des Français non seulement ne voteront pas pour lui mais ne veulent pas même qu’il se présente à nouveau ! Pensez aux élections, chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Arlette Carlotti. Ça suffit !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Et dire que c’est M. Jacob qui invite Mme la secrétaire d’État à faire preuve de modération et à parler sur un ton calme ! Merci du conseil, monsieur Jacob, appliquez-le à vous-même !

M. Philip Cordery. Bravo !

M. Christian Jacob. Je ne fais preuve d’aucun mépris, moi !

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai demandé la parole car j’ai fait preuve jusqu’alors de beaucoup de patience face aux caricatures et aux excès – dont celui que nous venons de vivre à l’instant – que nous supportons depuis un certain temps au cours du débat sur la famille. Le propos de M. Accoyer sur la déclaration du secrétaire général de la CGT me donne l’occasion de dire ce que je pense de ce qu’il faut bien appeler une entreprise d’obstruction qui s’inscrit d’ailleurs dans le droit fil de ce que nous avons vu et entendu à propos du mariage pour tous.

Certes, les députés du Front de gauche sont eux aussi en désaccord avec les millions d’euros d’économies réalisés sur les aides aux familles et la mise sous condition de revenu des allocations familiales,… (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. …mais permettez-moi de vous dire, chers collègues de droite, combien votre positionnement tourne le dos à l’idée même que je me fais de la famille, de son évolution, de sa liberté et de sa place dans notre société moderne ! Je lis dans l’exposé des motifs de l’un de vos amendements : « Au-delà même de l’attaque contre l’institution du mariage, du soutien implicite à la marchandisation du corps des femmes ou de la promotion rampante de la théorie du genre, c’est le cœur de la politique d’aide aux familles qui est aujourd’hui ébranlé par les décisions gouvernementales ».

M. Yves Censi. En quoi est-ce choquant ?

Mme Jacqueline Fraysse. C’est une caricature ! Que vous osiez associer mon nom ou celui de M. Lepaon à de tels propos est à la limite de l’insulte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vitel. Vous avez déjà oublié ce que vous avez dit l’autre jour à la tribune !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Le Gouvernement met le feu dans les familles et déstabilise un certain nombre de mécanismes, dont le supplément familial de traitement qui est un bonus que perçoivent les fonctionnaires ayant des enfants à charge. Les médias en ont fait état il y a quelques jours et encore il y a quelques heures. Il s’agit d’une majoration de traitement proportionnelle aux revenus s’ajoutant aux allocations. Autrement dit, plus le traitement est élevé, plus le bonus est important.

Son principe est donc complètement contraire au mécanisme par lequel le Gouvernement propose de le réformer, en vertu duquel les allocations seront d’autant plus amputées que les revenus des ménages sont élevés. La contradiction entre le dispositif du supplément familial de traitement et la réforme proposée me laisse perplexe. En réalité, la mesure a été préparée avec beaucoup d’amateurisme et de précipitation et résulte en fait d’une opposition entre le groupe parlementaire et le Gouvernement dont les familles font les frais, ce dont je suis fortement désolée.

M. Christian Jacob. Exact !

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. J’attache moi aussi de l’importance à l’universalité des droits et des allocations, qui ne sont pas une aide sociale mais un accompagnement de toutes les familles. Ce qui est en passe d’être décidé ce soir dans cet hémicycle affectera beaucoup plus que vous ne l’imaginez, chers collègues socialistes, la construction de la famille en France et la réussite de nos politiques familiales. Pourquoi nos politiques familiales réussissent-elles si bien ? Ce n’est pas uniquement en raison de l’argent versé aux familles, grâce auquel elles élèvent leurs enfants, en particulier les familles les plus précaires, c’est vrai. Les allocations versées aux familles, en particulier si la femme travaille, valident le parcours de la famille et de la femme car elles constituent pour elle la permission culturelle de faire garder ses enfants tandis qu’elle travaille.

M. Yves Censi. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. En Allemagne, les choses sont différentes. Culturellement, les mères n’y sont pas autorisées à travailler faute de politiques publiques ayant accompagné pendant des années les familles allemandes. Cela ne fait pas partie de leur culture. Chez nous, en France, des politiques ont accompagné toutes les familles pendant des années, y compris si la femme travaille.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Et alors ?

Mme Bérengère Poletti. Moduler les allocations familiales en fonction des revenus porte atteinte au principe même d’accompagnement de toutes les familles, en particulier si la femme travaille. J’ai l’intime conviction qu’une telle mesure porte atteinte à ce qui fonde la qualité de la famille en France en pénalisant les familles qui s’engagent et font plus de deux ou trois enfants au détriment de la dynamique démographique dont a besoin notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 130, 142, 194, 701, 7016, 735 et 818.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants42
Nombre de suffrages exprimés42
Majorité absolue22
Pour l’adoption18
contre24

(Les amendements identiques nos 130, 142, 194, 701, 706, 735 et 818 ne sont pas adoptés.)

(L’article 28 et l’annexe B sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble de la troisième partie

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la troisième partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.

(L’ensemble de la troisième partie du projet de loi est adopté.)

Quatrième partie

Mme la présidente. Nous abordons la quatrième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux dépenses pour l’année 2015.

Avant l’article 65

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n176.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il vise à donner suite aux travaux menés par la mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale lorsqu’elle était dirigée conjointement par MM. Morange et Germain. Selon le rapport annuel de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale publié au mois de septembre 2012, « la gouvernance du système d’information de la branche famille manque de clarté et de pilotage » et « la dispersion de ses structures en quatorze entités et l’éclatement des missions nuisent à l’efficience de la branche Famille ». Grâce aux travaux de la MECSS, la direction de la Caisse nationale d’allocations familiales a renouvelé son système d’information, abandonnant l’ancien système dit propriétaire ou main frame au profit d’un système plus moderne, ouvert et réactif, ce dont il résultera une économie annuelle de vingt millions d’euros.

L’étape suivante de la réforme de l’organisation du système d’information est la modification de sa gouvernance. Le présent amendement propose donc de rationaliser l’organisation du système d’information en dotant la Caisse nationale des allocations familiales d’une direction informatique unique, ce qui en fait un opérateur de service informatique pour la branche Famille. La nouvelle organisation de la gouvernance parachèvera les gains de productivité et de gestion réalisés sur proposition du Parlement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Il s’agit d’une proposition intéressante, inspirée d’une recommandation de la Cour des comptes, qui mérite d’être approfondie. L’avis du Gouvernement est donc favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange. Je me félicite de la présentation de l’amendement par notre rapporteur Gérard Bapt. Il s’inscrit en effet dans le cadre des travaux de la MECSS que j’ai l’honneur de coprésider avec Mme Biémouret qui a succédé à Jean-Marc Germain. Il résultera en effet du passage des lourds systèmes main frame à des systèmes ouverts beaucoup plus efficients une économie de quelque vingt millions d’euros. Je me permets de suggérer au Gouvernement mais aussi à l’ensemble des établissements publics contrôlés par le pouvoir exécutif d’adopter une vision plus globale des systèmes main frame qui y sont largement utilisés. Si le parallélisme des formes nous amenait à les adapter et à généraliser les systèmes informatiques ouverts, des économies tout à fait substantielles seraient dégagées.

M. Joël Aviragnet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Nous nous posons souvent la question, au cours de nos débats, de l’utilité des rapports que nous présentons ou demandons. L’élaboration du rapport dont nous parlons, mené dans le cadre de la MECSS sous l’égide de Pierre Morange, a été un travail de longue haleine. Je tiens à témoigner ici de la persévérance nécessaire pour mener à terme une proposition, en particulier dans la situation difficile que nous vivons actuellement. Ce que propose le rapport permettra de progresser un peu dans la résolution, qui prend beaucoup de temps, de problèmes que nous dénonçons d’ailleurs assez souvent. Je tenais à en témoigner ici : membre moi-même de la MECSS, je sais combien de temps a été nécessaire à l’élaboration de l’amendement dont nous discutons.

(L’amendement n176 est adopté à l’unanimité.)

Article 65

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, inscrite sur l’article.

Mme Véronique Louwagie. La fraude sociale, tout comme la fraude fiscale, constitue aujourd’hui comme hier un préjudice moral et financier important pour l’ensemble de la société, ce qui met à mal notre pacte républicain. Selon la Cour des comptes, la fraude aux cotisations sociales représentait en 2012 entre vingt et vingt-cinq milliards d’euros, soit 1 % du PIB et le double de ce qu’elle était en 2007. La principale raison de cette augmentation rapide est l’inefficacité de la lutte contre le travail au noir.

Je cite la Cour des comptes, qui indique que la plus grande part de cette fraude est constituée du travail dissimulé, auquel s’ajoutent des irrégularités intentionnelles dans le calcul de l’assiette des cotisations. « Malgré des progrès ces dernières années, poursuit-elle, l’efficacité des redressements apparaît très faible au regard des montants en jeu. Le niveau des redressements est inférieur à un milliard d’euros en 2013, et le travail illégal, qui constitue la part massive de la fraude aux cotisations, n’en représente que 291 millions d’euros.

Comment mieux prévenir ? Vous envisagez, au travers de ce PLFSS, de recouvrer 75 millions d’impôts au titre de la lutte contre la fraude. L’ambition est faible au regard des chiffres de la Cour des comptes. Quels moyens entendez-vous mobiliser pour améliorer l’efficacité de l’ensemble des redressements ?

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 857, 858 et 859, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’amendements rédactionnels.

(Les amendements nos 857, 858 et 859, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n801 qui fait l’objet d’un sous-amendement n975 du Gouvernement.

La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement.

M. Stéphane Claireaux. Cet amendement vise à nous doter de nouveaux instruments dans la lutte contre les mouvements contestataires remettant en cause la légalité de la Sécurité sociale.

S’il existe déjà des sanctions civiles et pénales contre les cotisants contestataires, il importe d’adopter des mesures plus dissuasives face à des mouvements qui incitent de plus en plus d’assurés à se désaffilier et qui remettent en cause le système solidaire et universel de Sécurité sociale français.

L’objectif de cet amendement est donc de prévoir un quantum de sanctions pénales plus dissuasif à l’égard des meneurs de ces mouvements et des personnes qui choisissent délibérément de se désaffilier.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, pour donner l’avis du Gouvernement et présenter le sous-amendement n975.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je donnerai un avis favorable à cet amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement, qui permet de préciser le champ d’application de la mesure proposée.

Avant d’en venir à ce sous-amendement, je veux dire que nous devons faire preuve d’une extrême vigilance à l’égard de ceux qui appellent à se désaffilier de la Sécurité sociale. Ils sont peu nombreux – ne faisons donc pas comme s’il s’agissait d’un mouvement quantitativement significatif –, mais ils font beaucoup de bruit, et ils disent des choses fausses lorsqu’ils prétendent que la jurisprudence européenne permettrait de choisir sa caisse d’assurance, donc d’opter pour une assurance privée plutôt que pour la Sécurité sociale. La Cour de justice de l’Union européenne a dit et redit qu’il y avait un choix national de l’organisation de la Sécurité sociale ou de l’assurance collective ou individuelle. Il n’y a donc pas de choix en France : la Sécurité sociale est un engagement qu’il appartient à chacun de respecter. On aimerait d’ailleurs parfois entendre sur tous les bancs une condamnation forte de ceux qui appellent à la désaffiliation.

Nous entendons ces jours-ci beaucoup de références à 1945. Je voudrais rappeler que le grand acquis de 1945, du Conseil national de la Résistance et de la mise en place de la Sécurité sociale aura été de poser le principe que c’est l’obligation de l’assurance qui permet de garantir que les personnes seront protégées. Laisser à chacun la possibilité de s’assurer ou de ne pas s’assurer, c’est prendre le risque que certains ne s’assurent pas et se tournent ensuite vers la collectivité parce qu’ils n’ont pas les moyens d’assumer les frais de leurs soins ou de leur retraite. C’est précisément parce que nous ne voulons pas voir, comme dans certains pays riches, d’un côté de vieux pauvres et de l’autre des malades incapables de se soigner parce qu’ils ne se seront pas assurés, qu’a été créée la Sécurité sociale et que nous défendons fermement la nécessité de condamner les démarches qui appellent nos concitoyens à se désaffilier.

Cela dit, se désaffilier de la Sécurité sociale ne nous semble pas suffisant pour justifier les sanctions que vous proposez ; il faut maintenir cette position si l’on est rappelé à l’ordre. C’est pourquoi nous proposons de préciser le champ d’application de la mesure, en remplaçant les mots « qui demande à ne plus être affiliée » par les mots « persiste à ne pas engager les démarches en vue de son affiliation obligatoire » à l’alinéa 6. Si vous en êtes d’accord, nous donnerons un avis très favorable à votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement et ce sous-amendement ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission avait repoussé cet amendement, car il punit d’une peine d’emprisonnement et d’une amende – ou de l’une de ces deux peines – la personne qui « demande à ne plus être affiliée » à un régime de Sécurité sociale. Mais le sous-amendement du Gouvernement soumet à ces peines la personne qui « persiste à ne pas engager les démarches en vue de son affiliation obligatoire », ce qui me permet aujourd’hui de donner un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cet amendement me semble un peu excessif, et sa lecture a de quoi affoler. Demander à ne plus être affilié à un régime de Sécurité sociale n’est tout de même pas un crime. Émettre des doutes sur l’obligation d’être affilié à la Sécurité sociale française ne mérite ni la prison, ni d’être mis au ban de la société. Le débat est là : plusieurs milliers de personnes refusent cette affiliation et prétendent que les textes européens leur permettraient de s’affilier au système de Sécurité sociale qui leur est le plus favorable. On ne peut leur reprocher d’y réfléchir ; c’est leur liberté.

Sur le plan juridique, les avis sont partagés. Les tribunaux sont saisis. Laissons-les prendre leur décision et être les garants de la liberté individuelle.

Les peines de prison ont disparu. Heureusement ! Il n’empêche que ce que vous proposez a de quoi effrayer. Cela concourt aussi à donner une image impressionnante : la Sécurité sociale française aurait-elle à ce point peur qu’elle menacerait de prison ceux qui refuseraient de s’y affilier ? Nous sommes là sur un terrain très glissant. En ce qui me concerne, je ne risque pas de voter ce type d’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Vous avez bien fait, madame la ministre, de rappeler les fondements de la Sécurité sociale et votre attachement à ce système. Nous sommes tous attachés dans cet hémicycle à ce système de solidarité entre ceux qui payent des cotisations et font « fonctionner la machine » et celles et ceux qui ne peuvent le faire et doivent bien évidemment être soignés.

Ce qui me choque dans cet amendement, c’est qu’il privilégie le répressif. Vous avez là une responsabilité particulière, et les débats que nous avons eus précédemment – et que nous aurons encore demain – y sont pour quelque chose. Car lorsque les cotisations deviennent trop éloignées des prestations versées, les assurés en viennent à s’interroger sur le « juste retour » de ce qu’ils payent. Certes, on ne cotise pas pour avoir quelque chose, surtout quand on parle de maladie ; mais il arrive un moment, quand les cotisations deviennent trop importantes et les prestations versées trop faibles, où les assurés se mettent à douter. Pardonnez-moi d’y revenir, mais c’est bien ce qui se passe pour les allocations familiales : certains vont payer très cher sans avoir le « juste retour » ; ils se poseront inévitablement ce type de questions. Ce sont sans doute de mauvaises questions, j’en conviens, mais soyons prudents dans les décisions que nous prenons. Cet amendement uniquement répressif ne me convient donc pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. L’affiliation à la Sécurité sociale est obligatoire. Il existe quelques dérogations. Vous avez d’ailleurs mis toute votre énergie, madame la ministre, à mettre un terme définitif à l’une d’entre elles, qui concernait les travailleurs frontaliers exerçant leur activité professionnelle en Suisse. Vous avez ainsi déclenché – il faut que vous le sachiez – une crise économique et sociale en région frontalière, dans les secteurs de la construction et du bâtiment comme chez les travailleurs indépendants. C’est la conséquence directe de décisions que vous avez prises ici même lors de la discussion du PLFSS de l’an dernier.

J’en viens à l’amendement. Il existe déjà des sanctions ; les doubler semble parfaitement déraisonnable. On aimerait vous voir aussi attentifs à l’égard des consommateurs de cannabis et autres délinquants qu’à l’égard de ceux qui oublient de s’affilier ou ne le font pas dans les délais que vous souhaitez. Cet amendement est donc tout à fait déplacé ; nous voterons contre.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange. Sans rouvrir le débat classique sur le caractère obligatoire de l’affiliation à un système de Sécurité sociale, auquel nous sommes toutes et tous attachés, et sur le fait que l’ouverture de cette boîte de Pandore pourrait conduire à une privatisation des systèmes assurantiels et, finalement, à la fragilisation du périmètre des cotisants, il semblerait tout de même judicieux de réfléchir à la lourdeur des pénalités infligées par cet amendement et à leur automaticité – il n’y a même pas de procédure contradictoire ! Bref, le sujet me semble mériter une réflexion plus aboutie. En l’état actuel, je ne suis pas sûr qu’il puisse prospérer.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement pose d’autant plus question que nous étions un certain nombre dans cette Assemblée à ne pas tout savoir et à ignorer – du moins jusqu’à ce soir – que le code de la Sécurité sociale prévoyait des peines de prison.

M. Accoyer a évoqué le cas des travailleurs frontaliers qui ont le choix…

M. Bernard Accoyer. Ils ne l’ont plus ! Ils sont désormais dans le malheur et la difficulté !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …entre une assurance privée en Suisse et l’assurance maladie de leur lieu de résidence.

Permettez-moi de citer l’exemple de ce jeune de trente-deux ans qui avait recouru à une assurance privée en Suisse en lieu et place de notre assurance maladie obligatoire, et chez qui s’est déclenchée une leucémie. L’assurance privée lui a opposé que ce type de pathologie n’était pas pris en compte.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Et notre assurance maladie, bonne mère, l’a pris en charge parce que l’assurance maladie est obligatoire, universelle et solidaire.

M. Bernard Accoyer. Permettez-moi de répondre, madame la Présidente.

Mme la présidente. Non, monsieur Accoyer : vous avez déjà pris la parole. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Bernard Accoyer. J’insiste, madame la présidente ! Vous n’avez pas le droit de dire cela, monsieur le rapporteur. Je connais le problème en tant que professionnel, et…

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je dois dire que j’ai apprécié les propos de Mme la ministre. Je vous approuve en particulier lorsque vous dites qu’il est important que nous prenions garde à ce que les Français soient affiliés à un régime de Sécurité sociale. Lorsque tel n’est pas le cas, ils se retournent en effet vers la collectivité aux moments fatidiques, et il faut bien les prendre en charge.

Le groupe UDI ne votera pas pour autant cet amendement. La sanction est tout de même un peu lourde, et je ne suis pas sûr qu’elle encourage les réfractaires à adhérer.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Permettez-moi de dire un mot de l’exposé des motifs de l’amendement. On sent que le Gouvernement a joué les pompiers sur cette proposition – heureusement d’ailleurs.

L’exposé des motifs procède d’une démarche de délit d’opinion : une personne qui demanderait à ne plus être affiliée encourrait une peine d’emprisonnement, ce qui est tout de même assez grave. L’amendement du Gouvernement a d’ailleurs relevé cette outrance inadmissible.

Il est écrit dans l’exposé des motifs qu’il importe d’adopter des mesures dissuasives face à des mouvements qui incitent de plus en plus d’assurés à se désaffilier. L’objectif de l’amendement est ainsi de prévoir un quantum de sanctions pénales plus dissuasif à l’égard des meneurs – j’insiste sur ce terme – de ces mouvements : on se trouve là dans le champ du délit d’opinion. J’aimerais que le Gouvernement soit plus clair et fasse la différence entre ces meneurs et les gens qui refusent tout simplement de payer, étant rappelé que l’on parle en général de libre choix du régime. Il existe en effet des régimes particuliers tout à fait honorables : outre les régimes spéciaux, c’est le cas du régime agricole, qui voisine le régime général et doit être respecté. Aussi, j’y insiste : il faudrait que, dans le cadre de ces accusations, vous soyez très clairs ; il ne s’agit pas de condamner des gens qui ont une opinion différente.

Cela étant dit, je fais partie de ceux qui considèrent que l’obligation de s’affilier à un régime de Sécurité sociale est, évidemment, une obligation nationale tout à fait respectable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ferai deux observations. Premièrement, je veux rassurer ceux qui imagineraient que nous nous en prendrions aux personnes affiliées à des régimes tels que la Mutualité sociale agricole qui, bien que ne relevant pas du régime général, constitue un régime de la Sécurité sociale. L’amendement concerne les personnes affirmant qu’il faut quitter la Sécurité sociale, et l’objet du sous-amendement du Gouvernement est précisément de clarifier le champ d’application de cette disposition.

Je veux aussi rassurer ceux qui imaginent que la sanction est automatique : une procédure judiciaire sera mise en œuvre et, à ce titre, le principe du contradictoire sera évidemment respecté.

La deuxième observation que je voulais faire aux députés siégeant à la droite de cet hémicycle est que leur référence aux principes de la Sécurité sociale est un peu à géométrie variable. On l’entend d’ailleurs ce soir. En effet, depuis quelques jours, vous n’avez que les grands principes de la Sécurité sociale à la bouche, ces principes de 1945 qui seraient remis en cause par la politique familiale.

M. Bernard Accoyer. Oui !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais lorsque nous en venons au cœur et à l’essence mêmes de la Sécurité sociale, c’est-à-dire à l’affiliation obligatoire, sans laquelle il ne peut y avoir de gestion du risque collectif, on vous sent beaucoup plus libéraux et enclins à une certaine prise de distance.

M. Jean-Pierre Barbier. On ne peut pas laisser dire ça !

(Le sous-amendement n975 est adopté.)

(L’amendement n801, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 65, amendé, est adopté.)

Article 66

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, inscrite sur l’article.

Mme Véronique Louwagie. Je souhaite revenir à la question que je vous ai posée, madame la ministre, concernant les moyens qui sont envisagés pour lutter contre la fraude. Dans son rapport, remis il y a quelques semaines, la Cour des comptes préconisait de renforcer les moyens d’action des organismes sociaux, notamment en accroissant leurs pouvoirs d’investigation, en les dotant d’outils de recouvrement plus efficaces et en relevant les pénalités. Il y a plus que jamais urgence. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les moyens envisagés pour lutter contre la fraude ?

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n860.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n860, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n206.

M. Gérard Sebaoun. L’article 66 vient corriger une disposition problématique issue de la loi portant réforme des retraites de 2010. Cette dernière disposait qu’en cas de contrôle de l’URSSAF ou de la MSA ayant généré un redressement, les droits à la retraite des salariés n’étaient ouverts qu’à partir du moment où l’employeur avait effectivement régularisé sa situation.

Grâce à ce nouvel article, les salariés verront leurs droits ouverts à compter de la mise en recouvrement, ce qui évitera de les soumettre aux aléas des procédures de recouvrement, qui n’aboutissent pas toujours, loin s’en faut. La Cour des comptes a d’ailleurs signalé dans son rapport de 2014 que les redressements consécutifs à une situation de travail dissimulé n’étaient payés que dans 10 à 15 % des cas.

Cependant, à mes yeux, la rédaction des alinéas 3 et 6 de cet article, qui traitent spécifiquement du travail dissimulé, pose problème. En effet, ces alinéas font référence à une éventuelle situation de collusion entre l’employeur et son salarié.

Dans le code du travail, c’est relativement clair : la personne qui subit un travail dissimulé n’a en général guère le choix ; elle est en situation de précarité et est unie par un lien de subordination envers son employeur indélicat. Les articles afférents du code du travail établissent clairement que la responsabilité du travail dissimulé repose sur les employeurs.

Suggérer une situation possible de collusion revient a priori à dédouaner l’employeur d’obligations déclaratives qui reposent sur ses épaules et non sur celles du salarié. Or, le salarié ne peut être tenu responsable que quand il est lui-même demandeur, ou a profité de prestations sous conditions de ressources ou d’inactivité alors qu’il était en situation de travail dissimulé.

Je reconnais volontiers que la rédaction de mon amendement, comme mon argumentaire, souffrent d’une certaine fragilité : en effet, peut-on parler de « salarié » dans le cas du travail dissimulé ? Il me semble que c’est le cas dans le code du travail, mais peut-être la ministre pourra-t-elle m’apporter une précision quant à cette notion particulière ?

En tout état de cause, la référence à la collusion entre employeur et employé dans une situation comme celle-là me paraît tout à fait déraisonnable. Je souhaite donc que ces alinéas disparaissent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Sebaoun, la commission n’est pas allée aussi loin dans la réflexion technique sur votre amendement, mais elle l’a repoussé car ce dernier restreint aux seules prestations sous conditions de ressources la dissuasion du travail dissimulé, ce qui conduirait à alléger excessivement cette dissuasion. Je laisse le soin à Mme la ministre de vous répondre plus sur le fond.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le député, j’avoue que votre amendement me préoccupe ; c’est pourquoi je vous demanderai de le retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable. Je vais vous expliquer pourquoi. Je comprends bien votre raisonnement, qui consiste à dire qu’il n’y a pas de collusion. On part de l’hypothèse que, si le salarié se trouve plongé dans une telle situation, c’est qu’il y est amené, qu’il la subit, sans être aucunement de mèche – pour dire les choses trivialement – avec son employeur.

Mais il est des cas dans lesquels on peut procéder à une vérification : c’est la situation où la personne qui travaille perçoit un minimum social. Si l’on adoptait votre amendement, on aboutirait au résultat suivant : les seules personnes jugées comme étant de collusion, parce qu’elles ont tous les éléments leur permettant d’apprécier la situation, seraient les bénéficiaires de minima sociaux. Or, je ne crois pas que ce soit le sens de votre amendement : je ne vous fais certainement pas ce reproche, mais la rédaction de votre amendement aboutirait à placer, je le répète, les bénéficiaires de minima sociaux en situation de fraude volontaire, dans la mesure où ils détiennent tous les éléments leur permettant de savoir qu’ils ne peuvent pas cumuler ces minima avec des revenus d’activité.

Aussi je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable, car il me semble que son adoption aurait des conséquences extrêmement problématiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Madame la ministre, j’ai bien entendu vos arguments ; je vais souscrire à votre demande et retirer cet amendement. Peut-être était-il maladroit, mais cette notion de collusion entre employeur et salarié existe bel et bien dans le code du travail : il n’est que de lire les alinéas 3 et 6 pour en avoir confirmation. Cela me pose un problème au regard de notre droit du travail. J’ai bien entendu les arguments que vous avez invoqués mais ils ne m’ont pas particulièrement convaincu. Écrire cela dans le code du travail me paraît tout à fait contestable. Je me trompe peut-être sur le plan strictement juridique et technique – je veux bien le reconnaître et je consens à retirer mon amendement – mais cette notion devrait, me semble-t-il, être regardée de près.

(L’amendement n206 est retiré.)

(L’article 66, amendé, est adopté.)

Après l’article 66

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 177 et 434, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n177.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de M. Morange qui a été adopté par la commission et qui vise à donner suite à une proposition ancienne de la MECCS, qui avait recommandé de finaliser rapidement la mise en place du répertoire national commun de protection sociale, le RNCPS, en y incluant les montants des prestations versées.

À la suite de ces préconisations, l’article 117 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 avait introduit une nouvelle rédaction de l’article L. 114-12-1 du code de la Sécurité sociale – que voulait modifier M. Morange – afin d’inclure, dans les échanges de données, les transmissions relatives aux montants des prestations, l’article 117 précisant que cette nouvelle fonctionnalité serait mise en œuvre avant la fin de l’année 2012. Dans une réponse à une question écrite, le ministre du budget a seulement précisé que le dispositif est aujourd’hui opérationnel et permet ces échanges autant que de besoin.

Cet amendement propose donc que, dès le 1er janvier 2016, ce répertoire national commun de protection sociale permette à l’ensemble des organismes mentionnés à l’article L. 114-12-1 du code de la Sécurité sociale d’avoir accès aux montants des prestations versées. Cela répond donc, d’une part, à une demande de la MECCS, d’autre part, au fait que ces échanges existaient déjà mais pas de manière automatique : ils avaient lieu à la demande. L’adoption de l’amendement permettra ainsi de simplifier et d’accélérer les procédures. La commission propose donc d’adopter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n434.

M. Dominique Tian. Cet amendement va dans le même sens que celui qu’a présenté Gérard Bapt, dont la rédaction a fait suite aux travaux de la MECCS qui, comme chacun sait, sont adoptés à l’unanimité des groupes politiques composant l’Assemblée, ce qui leur confère une grande force morale. Comme l’ont dit M. Bapt et M. Morange, renseigner le répertoire national commun de protection sociale paraît une priorité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ce deuxième amendement ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne suis pas certain qu’il apporte quelque chose au premier. Monsieur Tian, peut-être pourriez-vous vous rallier à l’amendement adopté par la commission ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage les préoccupations relatives à la lutte contre la fraude sociale qu’expriment à la fois l’amendement de la commission et celui de M. Tian. Nous avions d’ailleurs adopté plusieurs mesures à ce sujet dans les précédents PLFSS, et nous venons d’en adopter dans le texte en discussion. De la même façon, nous avons souhaité développer les échanges de données entre organismes, notamment à l’aide du répertoire national commun de la protection sociale que vous aviez créé en 2007. Ces échanges entre organismes incluent depuis 2013, vous le savez, les montants des prestations et permettent donc d’éviter les paiements indus de ces dernières. Ils répondent ainsi en partie aux préoccupations exprimées par ces amendements.

Monsieur Morange, vous souhaitez que les montants des prestations figurent dans le répertoire national commun. Monsieur Tian, vous souhaitez, de votre côté, que toutes les ressources déterminant le montant des prestations y soient mentionnées. Ces deux amendements, quoique différents, présentent l’un et l’autre des difficultés.

D’une part, le répertoire est conçu pour échanger des données dont les organismes ont besoin et pour verser les prestations, mais non pour stocker des données. Est seul prévu le stockage des données d’identification et de celles relatives aux organismes de rattachement.

D’autre part, vos amendements étendent le périmètre des données du répertoire et présentent, au regard des dispositions de la loi du 6 janvier 1978, des incertitudes juridiques que la Commission nationale informatique et libertés ne manquerait pas de soulever. Il conviendrait en effet de pouvoir démontrer le besoin de faire figurer de façon systématique tous les montants, au vu des besoins de tous les utilisateurs, qui sont nombreux.

Par ailleurs, monsieur Tian, les ressources autres que les prestations sociales ne sont pas nécessairement toutes connues de ces organismes. En outre, des échanges existent en dehors de la sphère sociale, notamment avec l’administration fiscale, mais ne s’appuient pas sur le numéro de Sécurité sociale, au contraire du répertoire.

La CNIL veille en effet scrupuleusement à ce que l’utilisation du numéro de Sécurité sociale – sensible, car personnel et signifiant – soit cantonnée à la sphère sociale.

Enfin, les potentialités du répertoire, qui permettent d’ores et déjà aux organismes d’échanger des montants de prestations, ne sont pas encore utilisées à plein régime. Il semble donc prioritaire de mener ce travail, qui mobilise les services de différents organismes.

Pour toutes ces raisons, et bien qu’il ne soit pas évident d’opposer un avis défavorable à un amendement de la commission, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements que nous considérons comme inopportuns compte tenu du travail qui est déjà conduit.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange. Madame la secrétaire d’État, avec tout le respect que je vous dois, ce sujet du RNCPS, j’y suis pour quelque chose, dans la mesure où c’est moi qui l’ai mis en œuvre, en introduisant un article additionnel dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007, afin justement de mettre en place un dispositif efficient en matière de lutte contre la fraude sociale.

M. le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, socialiste de son état, l’a encore rappelé lors d’une dernière audition au sein de la commission des affaires sociales, en précisant que le montant de cette fraude sociale tournait aux alentours de 25 milliards d’euros et que le recouvrement des sommes indûment versées était particulièrement faible, de 10 à 15 %. Ce préjudice pour les deniers publics doit être combattu avec fermeté.

L’interconnexion des fichiers des organismes sanitaires et sociaux, qui a été instituée et qui a donc fait l’objet d’un décret au bout de quatre années, n’est que la traduction de la complexité technologique du système.

Jusqu’à maintenant, on contrôlait essentiellement l’éligibilité aux droits, madame la secrétaire d’État. Il est indispensable que les montants soient inscrits. Dans le cadre de la MECSS, sous la précédente législature, notre collègue Dominique Tian, qui était chargé du rapport sur la lutte contre la fraude sociale, avec notre co-président d’alors, Jean Mallot, et moi-même qui suivions ce travail en profondeur, avions abouti à la nécessité d’inscrire ces montants.

Les préconisations ont été adoptées à l’unanimité. Elles ont été, à nouveau, votées à l’unanimité au sein de la commission des affaires sociales. Quant à l’argument juridique selon lequel il y aurait une fragilité concernant la CNIL, permettez-moi de m’inscrire en faux et ce de façon solennelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la secrétaire d’État, je crois que c’est un sujet extrêmement important. Il s’agit d’un travail conduit par la MECSS depuis de nombreuses années. La MECSS, vous le savez, réunit des députés de tous horizons ; elle travaille, elle est paritaire et ses travaux, en général, aboutissent à des résultats sur lesquels il faut s’appuyer. Ce sont des résultats consensuels.

Que de temps perdu ! Le rapporteur l’a dit, la mesure remonte à 2007. Puis est venu en 2011 le rapport de M. Tian sur les fraudes et notre collègue Pierre Morange n’a pas lâché ce dossier, en le maintenant à bout de bras.

Il y avait un autre dossier, celui du dossier médical informatisé, qui est passé en même temps devant la CNIL. La CNIL, après plusieurs séances, a fini par valider ce dossier et par lever tout obstacle. Je parle du dossier médical informatique sur support mobile.

Maintenant, nous arrivons au point où il faut impérativement que ce travail trouve une issue. Elle consiste à inclure, à l’intérieur du RNCPS, les échanges de données, avec les types d’acte et les prescriptions. C’est l’outil anti-fraude par excellence ! Cela existe déjà dans certains pays et nous sommes en train de nous en priver.

Le dispositif remonte à 2007 ; nous sommes en 2014. Je trouve que l’ancien gouvernement – de 2007 à 2012, ce n’était pas vous – a perdu du temps avec les problèmes de la CNIL. Maintenant, tout cela est réglé. Vous êtes là depuis deux ans, nous sommes en 2014 : il faut enfin donner un accord pour qu’existe cet outil. C’est indispensable.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la secrétaire d’État, il y a un moment où la lassitude, le désespoir s’installent. Les uns et les autres, nous avons passé des mois et des mois à travailler sur un système intelligent. Nous sommes arrivés à un accord unanime des députés, qui ont dit : « C’est du bon sens. Nous allons faire comme les Belges, comme les Néerlandais, comme pratiquement tous les autres pays européens. »

En Belgique, cela fait dix ans que cela fonctionne, avec une carte sociale qui a la valeur d’une pièce d’identité.

Madame la secrétaire d’État, vous ne pouvez pas nous dire que la CNIL n’est pas d’accord. Nous l’avons vue dix fois. Vous ne pouvez pas nous dire que les libertés individuelles seraient menacées.

Mme Valérie Boyer. C’est l’inverse !

M. Dominique Tian. Nous avons travaillé sur cette question pendants des mois.

Écoutez simplement les députés et les sénateurs, qui sont arrivés à la même conclusion que la Cour des comptes : il s’agit de mesures intelligentes, partagées par tous les pays européens.

Mme Valérie Boyer. Et justes !

M. Dominique Tian. Nous sommes un peu désespérés, parce qu’à l’unanimité dans cet hémicycle, nous avons abouti aux mêmes conclusions.

Excusez-nous, ce sont toujours les mêmes cabinets ministériels qui nous font les mêmes réponses depuis des années : c’est désespérant. Et notre système de protection sociale, pendant ce temps, est en train de couler, madame la ministre. Écoutez les députés !

Mme la présidente. Monsieur Tian, maintenez-vous votre amendement ?

M. Dominique Tian. Je le retire, au profit de celui de la commission.

(L’amendement n434 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Je voudrais dire que c’est la fraude qui menace les libertés, aujourd’hui. C’est la fraude qui menace notre système de Sécurité sociale. Ce sont 80 milliards d’euros de prestations qui sont en jeu.

Moi, je voudrais rendre hommage au travail fait par Pierre Morange et Dominique Tian au sein de la MECSS…

M. Dominique Tian, rapporteur. Et Jean Mallot !

Mme Valérie Boyer. Et Jean Mallot aussi. Ils ont passé des heures et des heures, les jeudis, à travailler sur ce thème. Cet outil est absolument indispensable : c’est celui qui va nous permettre de pérenniser notre système de Sécurité sociale en le rendant juste et transparent.

Aujourd’hui, il est absolument nécessaire qu’à chaque fois qu’on ouvre un nouveau droit, on puisse constater ce qu’il en est. Tout à l’heure, nous évoquions les prestations fournies par les communes : quand vous prévoyez, comme à Marseille, la gratuité de la cantine pour certains enfants, quand vous accordez la gratuité des transports ou des demi-tarifs, quand vous prenez en charge des loisirs et des activités, ce sont des prestations sociales que vous créez et il est nécessaire de pouvoir les comptabiliser, grâce à un répertoire qui fonctionne.

De grâce, la liberté, ce n’est pas frauder. Il faut faire en sorte que ce répertoire fonctionne et que ce travail qui a été approuvé de manière unanime puisse sauver notre système de protection sociale.

Sur un sujet aussi grave et aussi important, qui engage l’avenir de notre système, nous aurions aimé avoir une oreille plus respectueuse et plus attentive de Mme la secrétaire d’État, qui non seulement ne nous a pas écoutés, mais a passé son temps à envoyer des textos. (Interruptions sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. Sur l’amendement n177, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Madame la ministre, j’avoue mon trouble à ce moment du débat. Voilà un amendement qui fait suite à des recommandations de la MECSS qui était présidée par M. Morange d’une part, mais aussi par M. Jean Malot. Elle avait préconisé de mettre en place rapidement le RNCPS en incluant les montants des prestations versées.

Il a fallu deux ans pour sortir un décret, deux ans de plus pour sortir un arrêté, ce qui prouve que c’était très certainement un ouvrage délicat.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas sûr.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Aujourd’hui, Mme la secrétaire d’État nous a indiqué qu’il pouvait y avoir des problèmes concernant l’hébergement des données, alors qu’elle nous dit que les échanges d’informations se font à la demande de manière aisée.

Je pense que si ces échanges étaient automatiques, cela permettrait d’éviter ce problème d’hébergement.

La commission a adopté à l’unanimité cet amendement. Ne pourrait-on pas envisager, pour pouvoir en reparler en deuxième lecture avec une information sur les questions liées à la CNIL, de l’adopter ce soir ? Cela nous permettra de le revoir, à partir de données objectives concernant la position de la CNIL, dont on me dit qu’elle pourrait poser problème.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Très brièvement, je voudrais répondre à Gérard Bapt, qui est un passionné de l’informatique médicale, de l’Open Data, etc. : oser dire qu’il y a un problème d’hébergement ! Vous êtes un peu gonflé, Gérard !

Le transfert de données existe partout, y compris pour la carte Vitale. Il existe pour les mutuelles, les services fiscaux, les services bancaires : vous n’allez pas me dire qu’il est difficile d’alimenter le répertoire. Ce système existe dans beaucoup de pays et la CNIL n’a pas donné d’avis défavorable, ce n’est pas vrai. Nous les avons vus à plusieurs reprises : les membres de la CNIL n’ont pas donné d’avis défavorable.

Depuis 2007, je l’ai dit, tout le monde a été fautif : il faut arrêter. Cela fait sept ans et sept ans, c’est long.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Quelques mots pour dire à M. le rapporteur que le dispositif des échanges, tel qu’il fonctionne aujourd’hui, est bien un dispositif automatique, qui permet des requêtes collectives. Cela répond donc en partie aux préoccupations qui ont été exprimées. C’est pourquoi nous considérons, compte tenu des difficultés que nous pourrions avoir du côté de la CNIL…

M. Dominique Tian. Il n’y en pas.

Mme Marisol Touraine, ministre. …que le dispositif tel qu’il existe répond aux préoccupations légitimes qui ont été exprimées.

M. Dominique Tian, rapporteur. Non.

Mme Valérie Boyer. Cela fait quatre ans que ça dure !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le travail se poursuivra et je pense même qu’il peut se poursuivre d’ici la deuxième lecture, pour que nous puissions approfondir les données, apporter des explications et voir comment progresser. Voilà les éléments de précision que je souhaitais, monsieur le rapporteur, vous donner.

Mme Valérie Boyer. Vous préférez frapper les familles que les fraudeurs !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morange.

M. Pierre Morange. Madame la ministre, je ne peux pas accepter cette argumentation. D’ailleurs, vous venez de vous contredire à l’instant, puisque vous nous avez précisé qu’il y avait déjà automaticité, avant de nous dire que c’était impossible du fait des problématiques juridiques liées à la CNIL. Il n’y a donc pas de cohérence dans le raisonnement.

Madame la ministre, je ne veux pas vous faire un procès d’intention. Il y a un dispositif qui est opérationnel. Le problème est que les requêtes se font à titre individuel et que pour, donner pleine ampleur au dispositif, il ne faut pas se contenter de contrôler l’éligibilité aux droits, mais le montant des prestations : ainsi ferons-nous œuvre utile, puisque nous lutterons tout à la fois contre la fraude fiscale et la fraude sociale, et nous mettrons en lumière des économies à caractère souterrain dans certaines parties du territoire français.

Je ne dirai rien de plus à ce propos.

Il est certain que la nécessité de l’automaticité n’est en effet pas la règle et c’est pourquoi la combinaison de cette dernière avec la précision concernant la prestation est absolument essentielle pour lui donner toute son efficience, comme l’a d’ailleurs rappelé le premier président de la Cour des comptes.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends les préoccupations du rapporteur.

Je pense que nous avons les moyens d’apporter les éléments de réponse aux questions qui sont posées, néanmoins, le débat se poursuivra, notamment, en deuxième lecture.

M. Dominique Tian. Nous ne pouvons pas tous nous tromper, tout de même !

Mme Marisol Touraine, ministre. En attendant, je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.

Nous espérons que le travail se poursuivra dans un bon esprit, en tout cas avec le groupe majoritaire puisque, quoi que nous disions, j’ai le sentiment que l’opposition ne nous entend pas. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. C’est faux !

M. Bernard Accoyer. Même à Cuba ils ne procèdent pas de la sorte !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour le secteur médico-social.

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales. Mme la ministre s’en remet à la sagesse de l’Assemblée, nous avons entendu l’avis du rapporteur et nous savons que nous pourrons travailler avant que le texte ne nous soit soumis en deuxième lecture.

Le groupe SRC votera donc cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n177.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants40
Nombre de suffrages exprimés39
Majorité absolue20
Pour l’adoption39
contre0

(L’amendement n177 est adopté.)

(Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. C’est Canossa !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n435.

M. Dominique Tian. Je ne sais plus précisément quel est le contenu de l’amendement mais je félicite Gérard Bapt et Pierre Morange !

Je remercie aussi Mme la ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui a compris que les députés unanimes ne pouvaient tout de même pas se tromper tout le temps ! En l’occurrence, nous avions sûrement raison et je vous remercie donc d’avoir reconnu notre bon sens.

Quant à l’amendement n435, il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable.

M. Bernard Accoyer. Après les propos qu’il a tenus ! (Sourires)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je veux éviter à M. Tian de commettre une erreur envers les employeurs car exiger qu’ils vérifient l’identité des personnes qu’ils pourraient employer – comme le dispose son amendement – et, notamment, qu’elles ne soient pas déclarées simultanément avec le même numéro de Sécurité sociale, ce n’est pas leur rôle mais celui de l’URSSAF.

Mme Jacqueline Fraysse. Tout à fait. Mais c’est une obsession de M. Tian !

(L’amendement n435, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 538 et 542, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour les soutenir.

M. Francis Vercamer. En 2014, la réduction du déficit a été principalement assurée par des prélèvements supplémentaires à hauteur de 7,6 milliards de recettes nouvelles sur l’année et non sur des économies de dépenses qui n’ont pas véritablement augmenté.

La faible croissance ne peut expliquer le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse qui s’élevait à 16 milliards, ce déficit étant structurel à hauteur de 57 %.

La dette sociale a augmenté et atteint 162 milliards, la Cour des comptes estimant que les objectifs de baisse des déficits pour 2014 ne devraient pas être atteints et que le retour à l’équilibre prévu pour 2017 est particulièrement incertain.

Par conséquent, elle recommande un effort accru d’économies sur les dépenses plutôt que la mobilisation de nouveaux prélèvements sociaux.

Pour autant, de nouvelles recettes peuvent être mobilisées.

En effet, le montant de la fraude aux cotisations sociales atteignait en 2012 entre 20 et 25 milliards et a doublé en huit ans. La Cour des comptes recommande donc d’accentuer la lutte.

Tel est précisément l’objet du présent amendement qui, en complément du répertoire national de la protection sociale dont nous venons de parler, élargit la base de données des informations disponibles pour fonder l’exercice des contrôles et lutter contre les fraudeurs.

L’amendement n542 est de repli.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je pense, monsieur Vercamer, qu’il convient de repousser votre amendement. Je vous rends ainsi un peu le même service que j’ai rendu tout à l’heure à M. Tian en proposant le rejet de l’amendement qu’il défendait.

En l’occurrence, vous demandez que les employeurs s’adressent désormais aux entreprises délivrant l’eau, l’électricité, le gaz et fournissant l’accès aux réseaux de télécommunications et que ces dernières soient tenues de leur communiquer les informations dont elles disposent quant à l’adresse du bénéficiaire des prestations sociales.

Or, ce n’est vraiment pas le rôle de l’employeur de réclamer de telles informations.

M. Dominique Tian. Et si cela était effectif ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Cela ne nous fait pas plaisir de présenter ce type d’amendement mais si l’URSSAF connaissait des succès grandioses dans la lutte contre le travail clandestin, cela se saurait.

Si l’inspection du travail, quant à elle, contrôlait assidûment les chantiers du soir et de la fin de semaine, etc., les résultats seraient un peu meilleurs que ceux que la Cour des comptes vient de signaler.

Je rappelle que la somme non encaissée des cotisations employeurs s’élève à 29 milliards en raison du travail au noir.

Nous ne sommes certes pas très heureux de contraindre les chefs d’entreprise à ce type d’action mais, madame la ministre, que fait-on ?

La Cour des comptes a effectué deux contrôles. Lorsque je m’occupais de la mission dans le cadre de la MECSS avec MM. Morange et Mallot, la fraude s’élevait à l’époque, de mémoire, à 14 milliards. Le dernier rapport de la Cour des comptes, madame la ministre, fait état d’une somme de 29 milliards.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’une évaluation.

M. Dominique Tian. J’ai l’impression de n’avoir servi à rien – ce qui n’est pas très grave – mais la situation empire.

Alors, s’il existe de meilleures solutions, nous les prenons bien volontiers – nous ne sommes pas favorables au flicage des chefs d’entreprise, cette mesure ne nous rendant pas de surcroît populaires auprès d’eux qui, d’après vous, sont pourtant plutôt nos amis – mais que fait-on, monsieur Bapt ? L’URSSAF doit se charger de ces vérifications mais elle ne le fait pas ! On continue donc à couler !

(L’amendement n538 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n178.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Amendement de cohérence, madame la présidente.

(L’amendement n178, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n804.

M. Gérard Sebaoun. Voilà ce qui a motivé un amendement quasiment d’appel.

Vous savez qu’une pénalité est susceptible d’être infligée à un médecin suspecté d’abuser de prescriptions d’arrêts maladie – il est en effet évalué en fonction de la moyenne départementale.

Je vous rappelle les chiffres : en moyenne, les journées d’arrêts prescrites par médecin s’élevaient en 2010 à 2 700, un millier d’entre eux en prescrivant plus de 10 000, ce qui entraîne soit la mise sous objectifs quantifiés, soit la mise sous accord préalable, voire une pénalité.

Nous savons bien que le comportement et des assurés et des prescripteurs peut être mis en cause dans ces cas.

Cette année, dans mon département, on a reproché à plusieurs médecins généralistes des prescriptions ne correspondant pas à la moyenne statistique et, d’une façon générale, on leur a demandé de justifier leur écart par rapport à cette moyenne.

Peu suspect de corporatisme puisque je me suis saisi de ce sujet, en son temps, lors d’une réunion de la commission des affaires sociales, je tiens à relater l’histoire récente d’un médecin de Montataire, dans l’Oise, bassin dont la situation est très difficile, où les usines ont fermé, et qui se situe près de FedEx, le gros transporteur voisin d’Aéroports de Paris.

Ce médecin a récemment assisté à la désertification médicale totale de ce bassin, dont je répète que la situation est très difficile.

Il a donc été contrôlé par la caisse primaire d’assurance maladie, laquelle lui a indiqué qu’il avait franchi la ligne rouge – ce qui est vrai en termes purement comptables puisqu’il avait prescrit près de 5 000 journées d’arrêts alors que la moyenne de ses confrères s’élevait à 1 400.

M. Dominique Tian. Il ne chômait pas ! (Sourires)

M. Gérard Sebaoun. Il a fait part de sa situation et je vous prie de bien vouloir l’entendre : âgé de 63 ans, il assure qu’il n’a jamais prescrit autant d’arrêts durant ses 37 années de carrière, la situation étant exceptionnelle. C’est une histoire presque banale de désertification médicale, a-t-il ajouté.

Mon amendement vise donc simplement à s’assurer que lorsque ces médecins font face à la CPAM, ils disposent de l’ensemble des éléments statistiques leur permettant de se défendre et de faire part de la réalité du terrain.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement a été repoussé dans le cadre de l’article 88, donc, nous n’en avons pas précisément débattu.

Nous ne connaissions pas le cas particulier que vous venez de citer.

M. Gérard Sebaoun. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

M. Gérard Bapt, rapporteur. La procédure de pénalité de l’assurance maladie est déjà encadrée et contradictoire. J’imagine donc que ce médecin a fait valoir ses arguments.

En outre, l’avis de la commission paritaire de la caisse d’assurance maladie est requis.

Enfin, s’il y a lieu, la pénalité doit être motivée.

Cela dit, en esprit, il existe en effet une ardente obligation pour que ce professionnel puisse bénéficier des informations nécessaires afin qu’il puisse se défendre dans le cadre d’un débat contradictoire lorsque l’on est confrontés à des situation du type de celle que vous avez décrite.

Sous réserve de l’avis de Mme la ministre, je vous propose de repousser cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. J’ai entendu qu’il s’agissait d’un amendement d’appel et je ne sais donc pas précisément quel est votre état d’esprit à ce propos, monsieur le député : êtes-vous prêt à le retirer ? Dans le cas contraire, je donnerai un avis défavorable à son adoption.

J’entends bien la situation particulière que vous évoquez mais les procédures de sanction engagées prennent en compte les références statistiques, lesquelles intègrent également des éléments locaux.

La réalité des bassins de vie doit donc être prise en considération.

Par ailleurs, en admettant même – je peux l’entendre, cela peu arriver, après tout – que la référence statistique ne tienne pas compte de réalités locales, la procédure, elle, demeure locale puisqu’elle est engagée au niveau de la caisse.

De plus, cette procédure est contradictoire. À son terme, le directeur de la caisse peut saisir pour avis la commission des pénalités, laquelle peut émettre un avis différent et arguer que, malgré les éléments qui lui ont été communiqués, la situation est particulière, ce qui justifie son appréciation.

Le médecin mis en cause est informé de cet avis et peut ensuite faire valoir ces observations.

Une procédure longue et contradictoire permet donc au médecin de mettre en évidence les éléments particuliers, le cas échéant, qu’il souhaite souligner.

Il me semble donc que des garde-fous existent – ce qui ne signifie pas que, parfois, il y ait des manquements – et que, globalement, la procédure est satisfaisante.

Si j’entends donc votre préoccupation, je vous demande néanmoins de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. À mon tour, j’entends bien l’argumentation de Mme la ministre mais cette histoire avait simplement une valeur illustrative.

Il n’en reste pas moins que je me suis interrogé à partir de différents cas qui m’ont été rapportés dans mon propre département, non pas tant sur la réalité de la procédure que sur le fait que des professionnels mis en difficulté en raison d’une moyenne statistique doivent disposer de tous les éléments pour se défendre correctement et qu’ils n’aient pas simplement à répondre d’un écart par rapport à ladite moyenne.

Tel est le sens de cet amendement.

Je le répète : je ne fais preuve en l’occurrence d’aucun réflexe corporatiste. J’appelle simplement votre attention sur une situation qui me semble de plus en plus fréquente et qui m’a été rapportée.

Je l’ai illustrée par cette histoire de Montataire que M. Carvalho, s’il avait été présent, aurait bien mieux racontée que moi.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement ou, à l’invitation de la ministre, le retirez-vous ?

M. Gérard Sebaoun. Je veux bien le retirer, certes.

(L’amendement n804 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n439.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement répond à notre préoccupation, toujours la même, de renforcer la lutte contre la fraude des entreprises aux cotisations sociales : les montants en jeu sont très importants et pourraient alimenter la caisse de Sécurité sociale.

Nous estimons que les entreprises dominantes, autrement dit les holdings, ont une influence importante sur les entreprises qu’elles contrôlent, ce qui leur confère aussi des responsabilités importantes. C’est pourquoi nous proposons, avec cet amendement, que les holdings soient tenues solidairement et subsidiairement au paiement des contributions et cotisations sociales, ainsi que des pénalités dues par la filiale qui aurait fraudé. Nous pensons par ailleurs que la responsabilisation des holdings permettra de renforcer les contrôles à l’intérieur même du groupe.

Enfin, dans son article L. 243-7-3, le code de la Sécurité sociale dispose déjà que les holdings sont tenues solidairement et subsidiairement responsables en cas d’infraction de travail dissimulé. Nous proposons donc, non pas d’instaurer une nouvelle pénalité, mais simplement d’étendre cette responsabilité à l’ensemble des fraudes aux cotisations. Tel est, madame la présidente, l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Votre amendement revient, madame Fraysse, à ajouter un alinéa à l’article L. 243-7-3 du code de la Sécurité sociale, en reprenant exactement la formulation de l’alinéa relatif au travail dissimulé, qui figure déjà dans cet article. Vous voulez en quelque sorte étendre la subsidiarité et la solidarité existant entre l’entreprise contrôlée et l’entreprise dominante à la fraude à la cotisation sociale.

Mme Jacqueline Fraysse. En effet.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le problème, c’est que l’article devrait être réécrit. On voit mal, en effet, comment la même formulation peut être utilisée dans deux alinéas juxtaposés. Je vous invite donc à réécrire cet article et pour l’heure, je propose le rejet de cet amendement.

(L’amendement n439, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 629 rectifié et 671 rectifié.

La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement n629 rectifié.

M. Stéphane Claireaux. Le travail dissimulé est un véritable fléau, puisque si l’on parle souvent de la fraude aux cotisations sociales, 15 milliards d’euros sont perdus en raison du travail non déclaré. Par conséquent, cet amendement propose de rendre les majorations des sommes recouvrées plus dissuasives.

Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n671 rectifié.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Dans le même esprit, cet amendement présenté par mon collègue Mathieu Hanotin propose un moyen d’obtenir de nouvelles recettes, tout en renforçant l’efficacité de la lutte contre la fraude sociale et le travail dissimulé.

Le manque à gagner pour les caisses de la Sécurité sociale résultant de la fraude aux cotisations sociales s’élève à 20 milliards d’euros. La majeure partie de cette fraude concerne le travail dissimulé pour un montant estimé à 15 milliards d’euros, comme mon collègue Stéphane Claireaux vient de le rappeler. Pourtant, le taux de redressement de la fraude liée au travail illégal n’est que de 1,4 à 1,7 %. Le présent amendement propose donc, pour renforcer l’efficacité de la lutte contre la fraude, de rendre les majorations des sommes recouvrées plus dissuasives.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 avait proposé une majoration de 25 % ; nous proposons de la faire passer à 40 %, afin d’augmenter l’efficacité du dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces amendements, qui ont été examinés dans les conditions définies par l’article 88, visent à augmenter les sanctions pour travail dissimulé. À titre personnel, je me demande s’il ne serait pas préférable, plutôt que d’augmenter les sanctions, …

Mme Claude Greff. À croire qu’il n’y a que de mauvais Français, en France ! On sanctionne, tout est fait pour sanctionner !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …d’augmenter les contrôles, car le propre du travail dissimulé, c’est justement qu’il est dissimulé.

M. Dominique Tian. Ce n’est pas faux !

M. Gérard Sebaoun. L’un n’empêche pas l’autre !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà pourquoi les évaluations établissant à 15 milliards d’euros le coût du travail dissimulé sont difficiles à vérifier. Il importerait d’abord, selon moi, de renforcer les contrôles. La commission a repoussé cet amendement, sous réserve de l’avis de Mme la ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends la préoccupation que vous exprimez, et nous avons évidemment la volonté de voir reculer le travail dissimulé, parce qu’il représente une pénalité pour notre système de Sécurité sociale et une contrainte pour les salariés.

Cela dit, je crois que nous pouvons aller plus loin que l’état du droit actuel…

Mme Claude Greff. Pour sanctionner encore plus ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …et un amendement du rapporteur interviendra un peu plus tard, qui nous semble répondre aux préoccupations du moment.

Le relèvement du taux de pénalité de 25 à 40 % est-il une bonne mesure ? Honnêtement, je ne suis pas capable de vous répondre. C’est nous-mêmes qui avons proposé l’augmentation du taux de pénalité à 25 % dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013. Nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour apprécier l’impact de ce dispositif. Nous l’aurons au 1er janvier 2015, puisque l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale va procéder à l’évaluation de ce dispositif. Il me semble prématuré à ce jour de vouloir combattre le travail illégal, dont je ne conteste pas la réalité, par la mise en œuvre d’un mécanisme dont l’efficacité n’est pas encore avérée.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, sans quoi j’émettrai contre lui un avis défavorable. Je vous indique par avance que je donnerai un avis favorable à l’amendement du rapporteur qui sera présenté un peu plus tard, et qui propose un dispositif plus global pour renforcer notre arsenal contre le travail dissimulé.

Mme la présidente. Monsieur Claireaux, maintenez-vous votre amendement ?

M. Stéphane Claireaux. Je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Et vous, madame Carrey-Conte ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je vais maintenir l’amendement, d’abord parce que c’est celui de mon collègue Mathieu Hanotin, et ensuite parce que je ne pense pas que le renforcement des contrôles soit incompatible avec celui des sanctions. On peut et on doit évidemment renforcer les contrôles, mais cela ne doit pas nous empêcher de chercher de nouvelles ressources, à un moment où nos finances publiques et le régime de la Sécurité sociale en ont tant besoin.

J’entends bien, madame la ministre, que le dispositif n’a pas encore été parfaitement évalué, mais je voudrais rappeler que certains dispositifs ont été mis en œuvre, dans d’autres domaines, alors même que leur efficacité n’était pas avérée et qu’ils n’avaient fait l’objet d’une évaluation complète. Je pense par exemple au CICE.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est reparti…

Mme Fanélie Carrey-Conte. Il serait dommage de nous priver d’un instrument susceptible de nous apporter des ressources supplémentaires. Je maintiens donc cet amendement.

(Les amendements identiques nos 629 rectifié et 671 rectifié ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n254.

Mme Bérengère Poletti. Les situations de fraude ou d’abus doivent absolument être traquées et sanctionnées, aussi bien du côté des employeurs que du côté des salariés. Mon amendement propose d’aborder un sujet que vous connaissez bien, puisque je l’ai déjà abordé dans le PLFSS de l’année dernière et que j’en ai fait une proposition de loi. Il s’agit de décliner les travaux de la MECSS sur le contrôle des arrêts de travail et les indemnités journalières.

Force est malheureusement de constater que les choses sont loin d’être bien faites et parfaites. La Caisse nationale d’assurance maladie reconnaît elle-même qu’il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine, et notamment en matière de contrôles. Des contrôles ont d’ailleurs été expérimentés dans certaines caisses par la CNAM, avec de très bons résultats, mais il importerait à présent de les décliner au niveau national.

Cet amendement propose de privilégier un contrôle plus ciblé des arrêts maladie, en prévoyant d’assurer une transmission systématique des caisses primaires vers les services médicaux, des arrêts pour lesquels une obligation administrative n’a pas été respectée, de concentrer l’activité des services médicaux de l’assurance maladie sur le contrôle médical sur examen, et de faire assurer un suivi systématique des signalements employeurs par l’assurance maladie.

Pour compléter les dispositions relatives au contrôle médical exercé par les médecins-conseils de l’assurance maladie, un contrôle pourrait avoir lieu dès lors que la durée prescrite de l’arrêt de travail est supérieure à celle indiquée dans des fiches repères élaborées par la Caisse nationale d’assurance maladie.

Cette mesure a été expérimentée à Bayonne : un certain nombre de fiches repères ont été établies, qui ont permis de dépister des situations à haut risque. Les retours de contrôle sont excellents.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Votre amendement, madame Poletti, part certainement d’une bonne intention, mais il convient de bien en évaluer la portée. D’une manière automatique, lorsque l’arrêt de travail paraîtra supérieur à un certain référentiel, vous prévoyez qu’un contrôle de l’évaluation thérapeutique ait lieu – c’est-à-dire du médecin. Il ne s’agit pas là d’aller contrôler l’assuré pour voir s’il respecte les horaires de sortie, mais bien de contrôler le médecin. Dans le contexte actuel, étant donné la sensibilité du corps médical dans ses relations avec les organismes de contrôle, je pense que votre amendement va outrepasser la capacité de persuasion et de contrôle de l’assurance maladie.

La commission, qui a examiné cet amendement dans les conditions prévues par l’article 88, l’a repoussé.

M. Denis Jacquat, rapporteur. La MECSS ne sert donc à rien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Ce n’est pas tout à fait comme cela que les choses fonctionnent, monsieur le rapporteur. Je vous l’ai dit : le dispositif a été expérimenté par la caisse de Bayonne. On a constitué des fiches sur les situations à risques, celles au cours desquelles il a été constaté une augmentation des abus en matière d’arrêts maladie, en établissant des critères.

Pour prendre un exemple qui peut paraître anecdotique mais qui a donné des résultats à Bayonne, une fiche repère a été établie sur la période de la chasse à la palombe. Et l’on a constaté, durant cette période, un recours plus important aux arrêts maladie.

M. Michel Issindou. Qu’en est-il de la chasse au sanglier dans les Ardennes ?

Mme Bérengère Poletti. Ces contrôles plus systématiques ont permis de constater que des gens étaient arrêtés alors qu’ils n’étaient pas malades, certains médecins se rendant sans doute complices de ces fraudes. Ces abus, en tout cas, au-delà de leur coût, ont des effets délétères pour tous ceux qui travaillent, ces derniers étant démotivés et démobilisés de les voir non suivis de sanction.

Et ce n’est pas une histoire que je sors du chapeau ou que j’invente !

M. Olivier Véran, rapporteur. La chasse à la palombe, vous ne pouvez pas l’avoir inventée, madame Poletti. On vous fait confiance !

Mme Bérengère Poletti. Je me fonde sur des auditions menées par la MECSS et sur des expérimentations réalisées par la Caisse nationale d’assurance maladie, notamment à Bayonne. Ce que je vous propose, c’est d’étendre l’expérimentation faite à Bayonne à toutes les caisses. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la députée, l’exemple que vous prenez montre précisément que le contrôle n’est pas systématique. C’est parce que l’on repère une déviance à certaines périodes de l’année que l’on concentre les contrôles sur cette période de l’année.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est cela, s’attaquer à la fraude !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais ce que vous proposez, c’est un contrôle systématique de tous les arrêts. Et cela, ce n’est pas possible.

Mme Valérie Boyer. Pas du tout ! Nous proposons un ciblage systématique !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est en tout cas ce qui est écrit dans votre amendement.

Mme Valérie Boyer. On voit que vous n’avez jamais travaillé dans une caisse d’assurance maladie !

M. Gérard Sebaoun. Nous avons lu le rapport, madame Boyer !

(L’amendement n254 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n255.

Mme Bérengère Poletti. Afin de procéder à un contrôle mieux ciblé sur les situations identifiées à risque, il est également proposé par les travaux de la MECSS sur les arrêts de travail de modifier l’article du code de la Sécurité sociale qui permet au service médical de l’assurance maladie de convoquer un assuré au vu de la fréquence de ses prescriptions d’arrêt de travail.

Cet amendement tend donc, à la première phrase de l’article L. 315-2-1 du code de Sécurité sociale, à remplacer les mots : « peut convoquer » par le mot : « convoque ». Ainsi, dès que l’on constaterait une fréquence importante des arrêts de travail, la convocation pour un contrôle maladie serait obligatoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. Bernard Accoyer. Quelle déception !

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. On se moque du monde ! La MECSS est une institution sérieuse. Si toutes ses recommandations ne servent à rien du tout sous prétexte que les amendements émanent de l’opposition, pourquoi continuer à la réunir ? Les députés ici présents passent des heures en auditions, et quand ils font des recommandations, elles sont en général frappées du sceau du bon sens.

Tout simplement parce que ces propositions viennent de nos bancs, vous ne retenez aucun des amendements, sans donner d’explications.

M. Olivier Véran, rapporteur. Nous venons d’en voter un il y a moins d’une heure !

Mme Isabelle Le Callennec. Dans ce cas, il faut supprimer la MECSS et aussi la Cour des comptes, car toutes leurs recommandations ne sont pas suivies ! Si l’on continue à travailler comme cela, on ne réformera jamais notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Madame Le Callennec, nous nous référons souvent aux recommandations de la Cour des comptes. Je me souviens aussi que vous avez souvent protesté contre ces recommandations.

M. Bernard Accoyer. Non ! Jamais !

M. Gérard Bapt, rapporteur. À l’heure actuelle, l’automaticité de la convocation n’est pas réalisable par les organismes de Sécurité sociale. Faites confiance aux organismes de contrôle et ne rendez pas les choses automatiques, parce que vous entrez là dans l’administration administrée.

Mme Isabelle Le Callennec. Ne prétendez pas que vous voulez lutter contre la fraude !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Gérard Bapt le sait, ces recommandations ne sont pas de droite, elles ne viennent pas de l’UMP, elles sont prises à l’unanimité, après des débats entre les députés de tous bords pour se mettre d’accord. Ces propositions sont minimalistes, c’est vraiment le minimum que l’on puisse demander, après de longues discussions.

Madame la ministre, on ne peut pas demander toute la journée aux assurés sociaux de se serrer la ceinture et, lorsque l’on sait qu’il existe des abus multiples et que l’on arrive à un accord, le balayer d’un revers de main.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est du bon sens !

M. Dominique Tian. Ces questions sont expertisées, elles sont issues de travaux qui durent des mois, et demandent des négociations. C’est le minimum pour lutter contre ces abus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. J’insiste sur les remarques de mes collègues Bérengère Poletti, Isabelle Le Callennec et Dominique Tian, qui sont non seulement pleines de bon sens, mais aussi de justice. Aujourd’hui, si ces recommandations sont faites par la MECSS à l’unanimité, il faut les suivre. Nous sommes dans cet hémicycle pour modifier le code de la Sécurité sociale. Nous ne nous mêlons pas d’une administration, nous faisons notre travail de législateur en permettant aux dispositions du code de la Sécurité social d’être plus efficaces, en se fondant sur nos auditions et notre expérience.

Madame la ministre, vous disiez tout à l’heure que les contrôles ne se font pas de cette manière. Je suis désolée de vous répondre que c’est exactement comme l’a décrit Mme Poletti que l’on fait un contrôle. Je viens de la Sécurité sociale, j’y ai passé vingt ans, je sais très bien comment cela se passe : d’abord on cible les situations, et ensuite on rend les contrôles automatiques.

Il faut modifier le code de la Sécurité sociale pour permettre aux caisses d’être plus efficaces. Il faut les encourager. On ne peut pas continuer avec ces déficits, dans un système fou qui s’emballe et qui créé de l’injustice parce qu’on ne le contrôle pas. Aujourd’hui, nous constatons une désespérance des Français face à cette justice que nous n’arrivons pas à mettre en place dans notre système de Sécurité sociale. Nous sommes là pour le sauver, pas pour aggraver les choses !

Pour une fois que l’on pourrait donner une certaine grandeur à nos travaux, en faisant en sorte que des mesures recommandées par la droite et la gauche soient votées, ne ratons pas cette occasion !

(L’amendement n255 n’est pas adopté.)

Mme Valérie Boyer. Un peu de courage, mes chers collègues, c’est désespérant !

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n253.

Mme Bérengère Poletti. Cet amendement est tiré des mêmes travaux de la MECSS. Il s’agit d’une mesure de simplification, puisqu’en cas d’arrêts itératifs sur une période d’une année, les salariés de l’assurance maladie sont obligés de recalculer le montant de l’indemnité journalière en fonction du moment de l’année, des jours de congé, de nouveaux critères s’ajoutant à chaque fois.

On mobilise donc des moyens humains extrêmement importants dans les caisses pour recalculer à chaque fois le montant des indemnités journalières. Il vous est proposé, dans le cas d’arrêts maladie itératifs, de reprendre la base sur laquelle ont été versées les premières indemnités journalières.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Madame Poletti, cet amendement me paraît plus séduisant que les précédents, mais il a un inconvénient.

M. Bernard Accoyer. Ça ne pouvait pas durer !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je comprends bien l’intérêt de cette mesure visant à simplifier le travail des agents en versant les indemnités de remplacement sur la base du premier arrêt de travail dans l’année dans le cas de personnes dont l’état de santé justifie des arrêts de travail itératifs, donc fluctuants par définition.

Le problème est que si ces personnes ont des revenus fluctuants et que le premier arrêt de travail tombe à une période où les revenus sont bas, la personne sera pénalisée toute l’année, ce qui suscitera certainement des contentieux.

Cet amendement pourrait donner lieu à expérimentation – peut-être à Bayonne, madame Poletti –, mais pour l’heure, je vous propose, dans l’attente d’une expertise plus approfondie, de repousser cet amendement.

(L’amendement n253, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n257.

Mme Bérengère Poletti. Je proposerai une expérimentation de l’amendement précédent l’année prochaine, j’aurais peut-être des chances d’être entendue !

L’amendement n257 aborde le sujet des arrêts de travail de longue durée, et notamment la problématique de la désinsertion professionnelle des personnes confrontées aux arrêts longs. Une fois qu’une personne s’est arrêtée longuement, il lui est plus difficile de revenir dans la course au niveau professionnel. Il est donc proposé de modifier le délai de réaction des caisses et de privilégier un contrôle médical ciblé sur les arrêts longs, non pas à partir du troisième mois d’arrêt de travail, mais à partir du deuxième mois.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Madame Poletti, le problème est qu’à l’heure actuelle, il est difficile d’effectuer ce contrôle médical de manière systématique au bout de trois mois. Dans l’état actuel des moyens, vous allez aggraver ces difficultés si vous raccourcissez à deux mois le délai de ce contrôle d’arrêt de travail, qui est par ailleurs justifié pour favoriser la réinsertion professionnelle des assurés. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Je suis stupéfaite des réponses qui nous sont apportées par le rapporteur et la ministre sur ce sujet de la fraude. Non seulement la ministre ne prend pas la peine de répondre par un avis motivé, mais surtout on néglige les conclusions de la MECSS, pourtant composée de parlementaires de tous les bords, et dont les travaux sont sérieux, longs et difficiles. Je ne comprends pas. À quoi tout cela sert-il ?

M. Bernard Accoyer. Ils sont gagnés par la léthargie !

Mme Valérie Boyer. Isabelle Le Callennec a raison : nous allons déposer un amendement pour supprimer la MECSS et faire les choses au doigt mouillé, ce sera bien mieux ! Pourquoi faire tout cela si l’on ne se sert pas des avis de la MECSS ? On étaie, on travaille, on veut lutter contre la fraude et rendre notre système plus juste et plus transparent, et toutes nos propositions tombent à l’eau. J’avoue que les bras m’en tombent ! Le spectacle que nous sommes en train de donner est absolument pitoyable !

Mme Isabelle Le Callennec. S’il n’y a pas de consensus là-dessus, c’est inquiétant !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais réagir aux propos de mes collègues. Nous avons eu l’occasion de discuter il y a quelques mois d’un projet de loi de simplification défendu par Thierry Mandon. Dans le cadre de la commission spéciale constituée pour son examen, des propositions relatives aux indemnités journalières ont été à chaque fois été repoussées au motif qu’elles ne relevaient pas d’un projet de loi de simplification, mais du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Aujourd’hui, nous y revenons, et elles sont à nouveau rejetées.

Monsieur le rapporteur, il est inacceptable de justifier un avis défavorable sur une proposition en déclarant que les moyens manquent pour l’appliquer. Un tel argument n’est pas recevable s’il s’agit d’une bonne mesure, qui sert l’intérêt général.

Or je crois que c’est le cas en l’espèce, car raccourcir le délai à deux mois va permettre d’améliorer certaines situations sur le terrain. Ce sera profitable à chacun, et en premier lieu au salarié.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il ne faut pas dire que nous ne tenons jamais compte des avis de la MECSS, puisque nous avons adopté précédemment un amendement de M. Morange. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. À quel prix !

Mme Valérie Boyer. Il a fallu l’arracher !

M. Michel Issindou. Un par jour, cela suffit bien !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous en revenons toujours au même problème, mesdames Boyer et Louwagie : il s’agit d’amendements déposés dans le cadre de l’article 88 que nous n’avons pas le temps de discuter et sur lesquels nous n’avons pas le temps de consulter.

Mme Véronique Louwagie et M. Bernard Accoyer. Comme l’amendement sur les allocations familiales !

Mme Valérie Boyer. La MECSS les a étudiés !

M. Gérard Bapt, rapporteur. S’ils viennent de la MECSS, vous aviez le temps de les présenter en commission, pour que nous puissions en débattre, que nos administrateurs aient le temps de les expertiser et que le rapporteur puisse consulter. Ne nous vouez pas aux gémonies parce que vous ne respectez pas une procédure simple qui consiste à déposer vos amendements pour qu’ils puissent être discutés en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n257 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n258.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le rapporteur, l’amendement ayant pour objet la mise sous condition de ressources des allocations familiales a aussi été déposé sur le fondement de l’article 88. Sur un sujet aussi grave, cet amendement n’a pas été examiné en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. On en parle depuis des années ! Il y a eu le rapport de M. Fragonard !

Mme Bérengère Poletti. Je trouve cet argument un peu fallacieux.

M. Bernard Accoyer. Il y a deux poids, deux mesures !

Mme Bérengère Poletti. Les mesures que je défends ont fait l’objet d’une proposition de loi, mais je suis têtue…

M. Bernard Accoyer. Tenace !

Mme Bérengère Poletti. Oui, tenace, le mot est plus élégant ! Je suis tellement convaincue qu’elles sont justes que je continue, et je ne doute pas qu’un jour, j’arriverai à vous convaincre !

Vous dites que les moyens manquent, mais les propositions qui m’ont été faites pendant les auditions viennent des caisses. Elles reflètent le souhait des caisses. C’est leur constat, leur travail qui les a amenés à me faire un certain nombre de remarques et de propositions que j’ai déclinées dans le rapport rédigé avec Pierre Morange et Jean-Marc Germain.

Mme Valérie Boyer. Vous le savez, d’ailleurs vous êtes gênés !

Mme Bérengère Poletti. L’amendement n258 porte également sur la désinsertion professionnelle. Il tend à remplacer les mots « peut solliciter » par le mot « sollicite » à la première phrase de l’article L. 323-4-1 du code de la Sécurité sociale. Il s’agit d’encourager les échanges qui doivent avoir lieu entre le médecin-conseil et le médecin du travail, et particulièrement la transmission et l’accès aux dossiers médicaux des assurés entre les deux praticiens. Toutes les personnes que nous avons auditionnées ont fait remarquer qu’il n’y avait pas suffisamment de liens et d’échanges entre les médecins-conseils des caisses et les médecins du travail.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est un excellent amendement, qui est demandé sur le terrain !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. Vous allez nous désespérer !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il faut laisser une marge d’appréciation aux médecins contrôleurs. Chers collègues de l’opposition, vous voulez corseter les médecins ! Les médecins libéraux d’un côté, les médecins contrôleurs de l’autre ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Pierre Barbier. C’est vous qui le dites !

(L’amendement n258, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n542 de M. Francis Vercamer a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Défavorable : le droit de communication satisfait votre demande, madame… monsieur le député. (Rires.)

M. Denis Jacquat. Le rapporteur est épuisé ! Un peu de lait de soja lui ferait du bien !

(L’amendement n542, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n879 deuxième rectification.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous allons parler de lutte contre la fraude aux cotisations. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Cela va être intéressant !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mon amendement vise à conforter les moyens de lutte contre la fraude, comme l’a d’ailleurs réclamé la Cour des comptes,…

M. Olivier Véran, rapporteur. Très bien !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …qui avait dénoncé le faible nombre de contrôles sur les activités professionnelles des indépendants, notamment ceux relevant des régimes micro-sociaux.

Il s’articule autour de deux mesures. La première est le renforcement des dispositions législatives en matière de lutte contre le travail illégal, par un rehaussement des sanctions et des pénalités prononcées dans les situations qui présentent un caractère aggravant. La deuxième est l’adaptation des contrôles aux conditions d’exercice de l’activité des indépendants relevant des régimes micro-sociaux. En l’absence d’obligations de tenue de comptabilité applicables aux autres, il est en effet nécessaire de pouvoir distinguer la gestion de l’ensemble des transactions financières de la micro-entreprise sur un compte bancaire unique, qui permettrait donc une meilleure définition de la frontière avec les activités privées.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable : c’est l’amendement auquel j’ai fait référence tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je suis embêté, monsieur Bapt : il s’agit d’un amendement dont nous n’avons pas discuté en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Eh oui, il a été examiné dans le cadre de l’article 88, et je n’ai pas eu le temps de l’expertiser ! Je n’ai pas eu le temps d’interroger les administrateurs de la commission !

Mme Isabelle Le Callennec. Il faut supprimer l’article 88 ! C’est une farce !

M. Francis Vercamer. Et pourtant, monsieur Bapt, je vais le voter. (Exclamations sur divers bancs.)

(L’amendement n879 deuxième rectification est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n251.

Mme Bérengère Poletti. Toujours au sujet du contrôle des arrêts maladie, et toujours suite au rapport de la MECSS, cet amendement vise à insérer après l’article 66 l’article suivant : « Un protocole d’accord est conclu, avant le 1er septembre 2015, entre la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la Mutualité sociale agricole et le Régime social des indépendants et les principales sociétés de contre-visites médicales. Ce protocole vise à améliorer la coordination entre les différents acteurs en matière de contrôle des arrêts de travail dans le cadre du dispositif de contre-visite employeur. »

Cet amendement s’explique par les nombreux dysfonctionnements des liens entre le dispositif de contre-visites et l’ensemble des autres partenaires. Toutes les personnalités que nous avons auditionnées ont dit que les choses ne fonctionnaient pas bien, que les acteurs ne se parlaient pas : elles ont toutes exprimé le besoin de mettre en place ce protocole d’accord. Ce sont ce besoin et cette demande itérative que j’ai déclinés dans cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je vais étonner Mme Poletti : c’est une excellente idée. (« Ah ! Enfin ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. C’est une résurrection !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais, très franchement, elle relève du domaine réglementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Isabelle Le Callennec. Et alors ? Vous avez dit la même chose sur le cumul de l’ASPA et d’une activité professionnelle !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je pense donc que cette excellente idée doit être mise en œuvre, mais il n’est pas besoin d’alourdir la loi.

Mme la présidente. Quel est donc votre avis sur cet amendement, monsieur le rapporteur ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Favorable !

Mme Valérie Boyer. Sagesse !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Défavorable (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), car il s’agit d’une mesure réglementaire.

Mme Bérengère Poletti. C’est la douche écossaise !

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, je suis confuse de vous pousser dans vos retranchements. (Sourires.)

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Chat échaudé craint l’eau froide. Je me souviens du débat que nous avons eu sur la possibilité de cumul entre les revenus d’activité et l’ASPA. On nous avait expliqué que ces dispositions ne relevaient pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. On nous avait donc promis un décret que l’on attend toujours, plus d’un an après.

Monsieur le rapporteur, vous trouvez que notre amendement est excellent, mais vous renvoyez cette proposition au pouvoir réglementaire. Encore une fois, c’est une occasion ratée. Vous l’avez dit vous-même, cet amendement fait l’objet d’un consensus : je ne vois donc pas pourquoi on ne le voterait pas.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Nous nous grandirions en votant cet amendement de façon unanime sur tous les bancs : nous donnerions ainsi un signal concret de notre volonté de lutter contre la fraude aux prestations sociales. C’est ce que nos concitoyens attendent aujourd’hui.

Comme Isabelle Le Callennec vient de le souligner, nous devons attendre plusieurs années avant de voir la publication de certains décrets. Or nous avons ici la possibilité d’adopter une mesure législative visant non seulement à accélérer le processus, mais également à envoyer un signal important.

Ici, nous faisons de la politique. Faire de la politique, c’est aussi avoir le courage de ses engagements.

M. Gérard Sebaoun. C’est vrai !

Mme Valérie Boyer. Quand on a le courage, sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, de vouloir sauver notre système et lutter contre la fraude, alors je pense qu’on peut tous lever le bras ce soir pour adopter cet amendement.

Mme Isabelle Le Callennec. Les Français apprécieraient !

Mme Valérie Boyer. Cette soirée aura au moins permis de rendre notre système de Sécurité sociale moins poreux…

Mme Isabelle Le Callennec. Plus efficace !

Mme Valérie Boyer. …et de faire en sorte que les Français y adhèrent encore. En effet, on observe aujourd’hui une désespérance par rapport à cette injustice sociale liée aux fraudes. Ayons un peu de courage !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour quelques mots.

M. Dominique Tian. Ce débat est quand même assez…

Mme Claude Greff. Affligeant !

M. Dominique Tian. Voilà, c’est affligeant !

Mme la présidente. Merci, monsieur Tian. Pardon, je croyais que vous aviez terminé ! (Sourires.)

M. Dominique Tian. Nous parlons de mesures justes, qui seraient efficaces, qui sont réclamées et qui font l’unanimité.

Je comprends que la situation soit compliquée pour M. Bapt.

M. Bernard Accoyer. Il est fatigué !

M. Dominique Tian. Pas parce qu’il est fatigué, mais parce qu’il subit des pressions.

M. Bernard Accoyer. Il faut supprimer la MECSS ! Cela nous permettra de faire des économies !

Mme Isabelle Le Callennec. Et supprimer l’article 88 du règlement : cela nous fera gagner du temps ! Il faudrait en parler à M. Bartolone !

M. Dominique Tian. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi le Gouvernement ne prend pas des décisions de ce type, qui vont à l’évidence dans le bon sens et permettront de limiter les arrêts de travail non justifiés, lesquels représentent une catastrophe. Madame la ministre, vous serez obligée de prendre ces mesures un jour, parce que les Français ne supportent plus l’injustice de notre système.

À force de ne pas prendre de mesures, le nombre d’arrêts de travail explose. Il a été multiplié par deux lorsque vous avez supprimé le jour de carence dans la fonction publique – nous y reviendrons dans quelque temps.

Le système n’est pas vertueux, madame la ministre. Quelles sont les raisons pour lesquelles vous retardez l’adoption des mesures nécessaires ? On ne comprend pas. Il suffirait, un peu lâchement peut-être, si le Gouvernement en est réduit à cette extrémité, d’admettre que M. Bapt a peut-être raison et de laisser voter ces députés qui sont un peu extrémistes.

Mme Valérie Boyer. Donnez un avis de sagesse, madame la ministre !

M. Dominique Tian. Tout le monde sait que cette proposition est juste et efficace. Pourquoi recule-t-on encore ? Faut-il faire subir à l’ensemble des assurés sociaux les abus et les fraudes de quelques-uns, contre lesquels nous devrions lutter ? Les gens honnêtes sont ponctionnés, les gens qui abusent ne le sont pas ! Ce n’est plus compréhensible par personne.

Mme Valérie Boyer. Courage ! Dites « oui » !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement est un cavalier !

(L’amendement n251 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement n263.

Mme Bérengère Poletti. Tout à l’heure, alors que je n’étais pas présente dans cet hémicycle, vous avez eu des échanges sur la problématique des taxes sur le tabac. J’avais prévu de défendre cet amendement, mais je ne sais pas pourquoi il a été placé après l’article 66. C’est un sujet intéressant.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous auriez dû être là ce matin, madame Poletti !

Mme Bérengère Poletti. Y a-t-il quelqu’un, dans cet hémicycle, à qui il n’est jamais arrivé de ne pas pouvoir être présent à un moment des débats ? Que celui qui n’a jamais fauté… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Madame la présidente, je vous demande de tenir compte des interruptions que je subis dans le décompte de mon temps de parole.

Mme la présidente. Poursuivez, madame Poletti.

Mme Bérengère Poletti. J’ai souhaité déposer cet amendement parce que nous parlons chaque année, dans le cadre de la discussion du PLFSS, des taxes sur le tabac. Je suis l’élue d’un territoire frontalier,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Moi aussi.

Mme Bérengère Poletti. …comme beaucoup d’entre nous. Si les augmentations successives du prix du tabac pouvaient aboutir à l’arrêt de la consommation de ce produit, nous pourrions faire une croix sur les problèmes économiques qui y sont liés. Dans ma circonscription, à chaque modification du prix du tabac, des commerces situés en milieu rural ferment tandis que d’autres ouvrent de l’autre côté de la frontière, que les consommateurs traversent pour se fournir en tabac moins cher.

À chaque fois que j’évoque ce sujet dans notre hémicycle, je plaide pour un traitement européen de ce problème. La France n’est pas une île : nous devons œuvrer en faveur d’une harmonisation européenne du prix du tabac. À chaque fois, on me répond qu’il s’agit d’un sujet difficile – ce que je veux bien entendre –, qui sera discuté au niveau européen.

Nous n’avons malheureusement pas beaucoup de solutions législatives pour interpeller le Gouvernement. Je demande donc que ce dernier remette au Parlement, avant le 1er octobre 2015, un rapport sur « les différences entre les fiscalités dans l’Union européenne sur le prix du tabac » – je pense que ce sera rapide à faire – et sur « la possibilité pour la France de mettre en place une initiative commune pour tendre vers une harmonisation fiscale ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Dans le cadre de l’article 88 du règlement, nous avons repoussé cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Barbier. Décidément, il fallait renvoyer le texte en commission !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces données sont déjà connues, madame Poletti. Notre collègue Jean-Louis Touraine a élaboré un rapport d’information sur l’évaluation des politiques publiques de lutte contre le tabagisme,…

M. Denis Jacquat. Nous étions deux !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …avec M. Jacquat. Toutes les données sont donc déjà disponibles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je cherchais cet amendement tout à l’heure : en effet, il a été placé après l’article 66.

Nous avons eu un débat, à la faveur de la discussion d’un amendement de Mme Delaunay,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Elle n’est pas là ce soir !

Mme Isabelle Le Callennec. …au sujet de la fixation des taxes sur le tabac. Notre collègue proposait de faire passer ces taxes de 80 % à 180 %, afin que le prix du paquet de cigarettes dépasse la barre symbolique de 10 euros, considérant qu’une augmentation radicale était de nature à faire évoluer les comportements. C’est une question de santé publique, à laquelle je pense que vous serez sensible, madame la ministre de la santé.

Comme nous avons conscience des difficultés que susciterait une telle mesure pour les fabricants et les buralistes, notamment les frontaliers, nous avons, à l’initiative de Bérengère Poletti, déposé cet amendement que nous sommes plusieurs à avoir cosigné. Avant même que nous en parlions, le secrétaire d’État chargé du budget, M. Eckert lui-même, a déclaré qu’il faudrait en effet mener une réflexion commune au niveau européen pour tendre vers une harmonisation fiscale.

Mme Bérengère Poletti. Eh oui !

Mme Isabelle Le Callennec. Si M. le secrétaire d’État chargé du budget était député, il aurait probablement cosigné notre amendement.

Mme Valérie Boyer. Il l’a appelé de ses vœux !

Mme Isabelle Le Callennec. Le secrétaire d’État chargé du budget fait cette proposition mais, pas de chance, il s’agit d’un amendement de l’opposition. Encore une fois, nous disons la même chose. Ne pourriez-vous pas voter cet amendement, qui emporte l’assentiment du secrétaire d’État chargé du budget lui-même ?

Mme Valérie Boyer. Il l’a dit ici-même il y a moins de vingt-quatre heures !

Mme Isabelle Le Callennec. Cela permettrait de faire évoluer la façon dont nous travaillons ici.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Comme l’a fait remarquer Bérengère Poletti il y a quelques instants, il est étonnant d’avoir placé cet amendement à cet endroit : il aurait été justifié d’en discuter en même temps que les amendements de Mme Delaunay que nous avons examinés ce matin.

Mme Valérie Boyer. Il aurait même été adopté !

M. Denis Jacquat. Je serais alors intervenu en indiquant que cette question devrait être traitée dans le cadre de la grande loi sur la santé publique.

Comme vient de le dire Isabelle Le Callennec, le secrétaire d’État Christian Eckert nous a apporté ce matin une réponse parfaite sur l’un des problèmes de base concernant la question du tabagisme : celui de l’harmonisation européenne, qui n’existe pas, qui n’est pas près d’être mise en place, mais qui est indispensable et que tout le monde souhaite.

Je sens que cet amendement, à l’instar de beaucoup d’autres, a de grandes chances d’être rejeté, mais promettez-nous au moins, madame la ministre, puisque c’est vous qui détenez les clés, d’intégrer cette proposition dans le volet santé publique de votre future loi. L’harmonisation européenne est vraiment une pierre angulaire de la lutte contre le tabagisme et contre les trafics qui en résultent.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Ce qui a été voté ce matin relève quasiment de l’improvisation. Certes, le triplement du prix des cigarettes a été évité, et le prix du paquet ne sera pas de 21 euros. En revanche, le cigare le plus vendu, « le Café crème », va passer de 7 à 17 euros le paquet, soit 10 euros de plus. C’est totalement déraisonnable. Il en résultera un effondrement des ventes et une multiplication des achats à l’étranger pouvant se traduire par environ 158 millions d’euros de perte de recettes fiscales. S’ils habitent près d’une frontière, les fumeurs iront en effet se fournir à quelques kilomètres de chez eux ; dans le cas contraire, ils auront recours au marché parallèle.

C’est donc le type même de la mesure mal pensée et mal évaluée. Sur ce point, Bérengère Poletti a tout à fait raison.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr qu’elle a raison.

M. Dominique Tian. Si cet amendement ne vient en examen que maintenant, elle n’y est pour rien. Ce matin, il aurait trouvé toute sa place dans la discussion.

Mme Isabelle Le Callennec. D’autant que M. le secrétaire d’État l’a jugé excellent.

M. Dominique Tian. Nous devrions donc adopter cette proposition afin d’obtenir rapidement le rapport demandé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. À cette heure avancée de la nuit, je souhaiterais que nous prenions une décision consensuelle et de bon sens. Nous nous sommes demandé tout à l’heure où était passé cet amendement – Mme Le Callennec a même précisé qu’elle l’avait cosigné. Il apparaît maintenant qu’il avait été placé – peut-être par erreur – après l’article 66. Or il ne faudrait pas qu’une erreur administrative conduise à rejeter une bonne idée : s’il avait été examiné plus tôt, l’amendement aurait certainement été adopté.

M. Jean-Pierre Barbier. Il faut rappeler le secrétaire d’État au budget, et demander une suspension en attendant sa venue dans l’hémicycle.

Mme Valérie Boyer. Même si c’est un amendement de l’opposition, il conviendrait de le voter par souci d’efficacité. Nous demandons seulement qu’une réflexion soit menée au niveau européen afin de tendre vers une harmonisation dans le domaine de la fiscalité du tabac : cela ne requiert pas des heures de débat ! Cette question est très importante, non seulement sur le plan de la santé publique, mais aussi pour nos buralistes. Elle traduit plus généralement la nécessiter d’harmoniser nos politiques à l’échelle européenne.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. On peut d’autant mieux convenir de la nécessité d’agir au niveau européen que c’est à ce niveau que les lobbies du tabac sont le plus virulents. Les rapports sur le sujet en attestent, qu’ils soient signés par des membres de la majorité ou de l’opposition.

Toutefois, l’inconvénient de l’amendement est qu’il ne précise pas si l’harmonisation doit s’effectuer par le bas ou par le haut. Aucun objectif n’est fixé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est un réel problème, chers collègues.

L’harmonisation fiscale en tant que telle est peut-être un moyen de lutter contre la contrebande – de même, d’ailleurs, que l’amélioration de la traçabilité –, mais pas nécessairement contre le tabagisme. Dans sa rédaction actuelle, l’amendement ne me convient donc pas : il devrait fixer des orientations et des objectifs plus clairs.

Il est vrai, cependant, que nous devons travailler à l’échelon européen pour renforcer la lutte contre le tabagisme.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. M. Tian nous a lu un communiqué des producteurs de cigares et cigarillos, lesquels brandissent la menace d’une augmentation de 7 à 17 euros du prix de la marque la plus courante. Dans ce même texte, il est annoncé qu’il n’y aura plus, demain, de fumeurs de cigares et de cigarillos en France – ce qui serait d’ailleurs une bonne nouvelle du point de vue de la réduction du tabagisme.

M. Dominique Tian. Il n’y aura plus de ventes, du moins.

M. Bernard Accoyer. Mais de la contrebande.

M. Jean-Louis Touraine. La vérité est autre. Premièrement, le prix cité n’est qu’un « prix de menace ». Le prix réel sera différent, car, comme toujours dans ces cas-là, les producteurs vont limiter leurs marges de bénéfices afin de maintenir une certaine attractivité de leurs produits. Il en résultera en outre une diminution proportionnelle du montant des taxes, si bien qu’en définitive, le produit sera vendu à un prix intermédiaire entre le prix actuel et le prix maximum.

M. Dominique Tian. Probablement.

M. Jean-Louis Touraine. En revanche, il y aura bien une réduction du nombre de consommateurs de ces produits, même si, hélas, toutes les personnes concernées ne s’arrêteront pas définitivement de fumer.

S’agissant du présent amendement, je ne pense pas qu’il soit opportun de discuter ici de l’harmonisation des prix européens. De toute façon, nous n’avons guère de chance d’être entendus dans ce lieu. Quant au benchmarking sur la fiscalité, il a déjà été fait, comment en atteste le rapport d’information que j’ai réalisé avec M. Jacquat : je le tiens à disposition de tous ceux qui souhaitent connaître le prix des différentes formes de tabac dans chacun des pays européens.

Mme Bérengère Poletti. Il faut une harmonisation.

M. Jean-Pierre Barbier. Rappelons M. Eckert !

M. Jean-Louis Touraine. Quant au travail pouvant être réalisé, à Bruxelles ou ailleurs, pour influencer les différents gouvernements, il s’agit d’une autre affaire, très éloignée de ce dont nous pouvons décider ici même.

(L’amendement n263 n’est pas adopté.)

Mme Valérie Boyer. Vous n’êtes pas courageux !

Mme la présidente. Nous en revenons aux articles précédemment réservés.

Assurance maladie

Mme la présidente. Nous abordons les dispositions relatives aux dépenses d’assurance maladie.

Article 29 (précédemment réservé)

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. L’article 29 vise à étendre aux personnes qui bénéficient d’une assurance complémentaire santé – ACS – le dispositif du tiers payant intégral déjà pratiqué pour les personnes concernées par la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C.

Nous allons ainsi permettre à de nombreuses personnes, qui aujourd’hui renoncent à se faire soigner, de bénéficier d’un parcours de soins.

Plusieurs rapports d’activité récents – comme ceux du Secours populaire, d’ATD Quart Monde ou du Fonds de financement de la CMU, dont notre rapporteur préside le conseil de surveillance – montrent en effet une augmentation du nombre de personnes contraintes de renoncer aux soins.

L’extension de l’avance des frais à la part complémentaire des prestations d’assurance maladie constitue une réponse à ces situations d’inégalité. Il fallait donc aller plus loin et en faire bénéficier les personnes ayant utilisé leur attestation de droits pour souscrire une assurance maladie complémentaire et qui respectent leur parcours de soins.

Cette disposition est une amélioration dont nous pouvons nous féliciter.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Madame Carrillon-Couvreur, il n’y a pas que de la générosité derrière cette disposition. Elle ne figure dans le texte que parce qu’on ne peut pas traiter en même temps le tiers payant et les franchises médicales. Or comme le Gouvernement est opposé aux franchises, il multiplie les dispositifs de tiers payant. Mais ce faisant, il ne fait qu’aggraver un mouvement qu’il a engagé depuis longtemps, celui de la déresponsabilisation des assurés.

Il connaît pourtant parfaitement les effets inflationnistes du tiers payant ainsi que les réactions qu’il provoque chez les professionnels de santé…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Lesquels ?

M. Bernard Accoyer. …lesquels se sont déjà mobilisés pour s’opposer à sa généralisation du tiers payant, d’ores et déjà prévue dans le projet de loi de santé que Mme la ministre a présenté en conseil des ministres.

Si les professions de santé sont contre la généralisation du tiers payant, c’est en raison de la complexité du dispositif et du coût supplémentaire qui en résultera pour elles. Je le répète, il y a incompatibilité entre franchises et tiers payant, comme le démontrent d’ailleurs clairement plusieurs publications parues dans la presse spécialisée.

Nulle générosité, donc, dans cet article, et c’est pourquoi j’en demanderai la suppression dans mon amendement n186, que je viens dans le même temps de défendre.

M. Denis Jacquat. L’art de la synthèse...

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 29 met en place le tiers payant pour les bénéficiaires de l’ACS à compter du 1er janvier 2015. Cette aide concerne les personnes dont les ressources sont inférieures à un plafond de 11 670 euros pour une personne et de 17 505 euros pour deux personnes.

S’il est prouvé – et j’insiste sur cette condition – que la nécessité d’avancer les frais de santé conduit les plus modestes à renoncer à l’accès aux soins, un tel article peut se justifier.

En revanche, nous craignons les effets de la suppression de la franchise et de la participation forfaitaire pour les bénéficiaires de l’ACS, que vous avez annoncée lors de la séance des questions au gouvernement de mardi dernier, sans d’ailleurs nous préciser quel en serait le coût pour les finances publiques.

Mme Valérie Boyer. Cela n’a pas été évalué !

Mme Isabelle Le Callennec. Pour nous, en effet – et il s’agit là d’une vraie différence avec vous –, la gratuité totale n’est pas le meilleur moyen de faire prendre conscience du coût de l’assurance maladie. Elle peut même conduire à déresponsabiliser les patients.

J’en profite pour poser une question à notre rapporteur. Les bénéficiaires de l’ACS vont être éligibles à la généralisation de la complémentaire santé. À ce sujet, lors de l’examen de la loi de sécurisation de l’emploi, nous avons bataillé et obtenu qu’une clause de recommandation, autorisant le libre choix des mutuelles, remplace la clause de désignation prévue.

Or, en l’état actuel de leur rédaction, les décrets qui doivent définir le socle minimal des contrats collectifs sont plutôt favorables aux grands groupes d’assurance ou de mutuelles. Ce sont pourtant les petites mutuelles qui prennent souvent pour clients des personnes en situation de handicap ou d’isolement social. Elles sont aussi les plus soucieuses des clients dépourvus de moyen de locomotion, ou connaissant des difficultés à accéder aux réseaux numériques. J’appelle donc votre attention sur la nécessité de ne pas les exclure en proposant un socle minimal plus adapté aux grands groupes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 29 propose d’appliquer le tiers payant intégral aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé de la même manière qu’il s’applique aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire.

Premièrement, une telle disposition pourrait tout à fait être intégrée dans la prochaine loi de santé. Cela permettrait d’en évaluer les effets et de ne pas en limiter l’examen au seul cas des bénéficiaires d’une assurance complémentaire de santé.

Deuxièmement, ce dispositif est une source importante de déresponsabilisation, dans la mesure où le patient n’a plus conscience du montant des soins dont il bénéficie.

Troisièmement, la mesure coûtera entre 12 à 18 millions d’euros, ce qui est loin d’être négligeable.

Quatrièmement, le monde médical est opposé à la généralisation du tiers payant.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce n’est pas vrai !

Mme Véronique Louwagie. Or il mérite d’être entendu sur une question qui touche au rapport entre le patient et le médecin.

Cinquièmement, la généralisation du tiers payant conduit à poser la question du médecin référent choisi par le patient.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Oui.

Mme Véronique Louwagie. Elle risque en effet d’entraver le mécanisme de repérage des fautes professionnelles. Dès lors que la facturation s’effectue selon le tiers payant, il existe un risque accru que le médecin facture des actes inexistants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Jacqueline Fraysse. N’importe quoi !

M. Gérard Sebaoun. Les médecins ne sont pas des escrocs !

Mme Véronique Louwagie. Je ne fais que souligner, mes chers collègues, une observation faite par certains directeurs de caisse primaire d’assurance maladie.

J’aurais donc souhaité que la généralisation puisse être reportée et étudiée dans le cadre de la loi de santé publique que nous attendons.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. La question est difficile, car la situation économique de notre pays est catastrophique. De plus en plus de gens se trouvent en difficulté et éloignés de l’accès aux soins et les bénéficiaires de l’ACS seront de plus en plus nombreux.

Vous mettez concomitamment en place deux mesures : l’ACS et la suppression des franchises, qui rendront l’ensemble des prestations gratuites pour une partie de la population. On peut comprendre cette démarche. On peut également débattre de la déresponsabilisation, mais il ne faut pas négliger non plus l’offre commerciale qui sera proposée par les assureurs.

De fait, le mouvement est déjà lancé. Il suffit de taper sur un moteur de recherche les mots « tiers payant PLFSS 2015 » pour trouver un site, certes tout à fait neutre, mais porteur d’un grand bandeau inséré par une assurance dont je ne citerai pas le nom et qui annonce : « Aide à la complémentaire santé : plus aucuns frais avancés en 2015 ». C’est une vraie tête de gondole ! On explique ensuite le fonctionnement : il suffit pour cela de cliquer sur un onglet. Tout est gratuit en 2015. On ouvre le guichet : tout le monde pourra bénéficier d’un service gratuit. C’est formidable et c’est déjà parti sur internet !

Avec cette mesure, madame la ministre, vous allez relancer la surconsommation, contre laquelle vous luttez. Peut-être aurait-il été plus intelligent de coupler l’attribution du tiers payant et la suppression des franchises avec une prise en compte des malades et des pathologies. Si vous ouvrez ce système à tout le monde, vous ouvrez en effet un guichet gratuit dont tout le monde profitera, de manière parfois inconsidérée.

Mme Jacqueline Fraysse. On ne va pas chez le médecin par plaisir, comme au cinéma !

M. Jean-Pierre Barbier. Le texte n’est pas même voté que le dispositif est déjà sur internet. Il faut y réfléchir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Comme vient de le dire de M. Barbier, l’article 29 évoque uniquement la mise en place du tiers payant pour les bénéficiaires de l’ACS, en sus de ceux qui en bénéficient déjà au titre de la CMU ou de la CMU-C. Cette mesure pourrait être envisageable et le nombre de bénéficiaires – un million ou un million et demi de personnes – n’est pas ce qui m’inquiète, mais les questions que pose cette démarche. En effet, le risque inflationniste est en marche. On ne l’évitera pas, du fait de la déresponsabilisation, car les patients ignoreront absolument le coût des soins.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est incroyable !

M. Jean-Pierre Door. C’est là en effet un facteur de risques.

Il faut tenir compte par ailleurs des difficultés d’exécution et des problèmes techniques, évoqués par les caisses et par les mutuelles. Un article d’un journal australien rappelle qu’en Australie, pays dont le système n’est pas purement libéral et qui a tenté d’appliquer le tiers payant, les paiements différés et les prestations liés à l’assurance-maladie pourraient prochainement ne plus être gérés par les caisses d’assurance, car elles ne disposent pas de la technique nécessaire pour les assumer, mais par des banques ou par la poste australienne.

Le coût du dispositif est inconnu, mais il risque en tout cas d’y en avoir un pour toutes les parties. D’autres options étaient possibles.

Mme la présidente. Monsieur Door, vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Jean-Pierre Door. Le tiers payant aurait pu être géré par l’assurance maladie en coordination avec les professionnels de santé, qui pourraient ainsi – ils l’ont proposé – prendre en charge la contractualisation du système du tiers payant et le gérer eux-mêmes.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je tiens à féliciter le Gouvernement et Mme la ministre pour cet article 29 et pour les annonces qu’elle a faites dans la stratégie nationale de santé pour annoncer une généralisation du tiers payant à l’horizon 2017. Non seulement cela me semble possible, même si je reconnais volontiers que s’expriment des réticences et des critiques d’ordre techniques auxquelles il n’est pas simple d’apporter des solutions, mais rien ne justifie l’annonce pro domo d’une tendance inflationniste.

Je vous renvoie sur ce point à une étude qui date d’une quinzaine d’années et qui a été citée, je crois, par la ministre lors d’une conférence de presse. Selon cette étude, publiée par ce qui s’appelait encore le Centre de recherche, d’études et de documentation en économie de la santé, ou CREDES – aujourd’hui IRDES –, le tiers payant est un mode de paiement socialement équitable qui ne soulevait alors aucun problème d’inflation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Lisez donc cette étude.

M. Jean-Pierre Barbier. Venez donc sur le terrain !

M. Gérard Sebaoun. Saisi par l’inspection générale des affaires sociales – l’IGAS – sur la compatibilité du tiers payant avec la déontologie, le Conseil national de l’ordre des médecins, peu suspect d’avoir un quelconque intérêt dans le tiers payant, constatait que la pratique du tiers payant était déjà très largement répandue – notamment pour la CMU, la CMUC, l’AME, l’ACS, l’AT/MP, la prévention, l’hospitalisation, la contraception des mineures de plus de 15 ans, les pharmaciens, les radiologues et les laboratoires d’analyses médicales –, que cette pratique ne semblait évidemment pas anti-déontologique, qu’il fallait seulement éviter de mettre en cause l’indépendance professionnelle des praticiens et que le tiers payant ne devienne une caisse empêchant ces derniers de recevoir en temps et heure les honoraires qui leur sont dus. Faire d’emblée un mauvais procès au tiers payant, que la droite brandit aujourd’hui comme un épouvantail, est un problème purement idéologique. J’engage donc le Gouvernement non seulement à poursuivre cette démarche avec l’article 29, sur lequel nous le soutiendrons, mais aussi à aller au bout de la démarche du tiers payant dans notre pays d’ici 2017.

Mme Isabelle Le Callennec. Et la suppression de la franchise ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je suis abasourdie par la somme des caricatures et des contrevérités que nous venons d’entendre à droite de l’hémicycle sur le tiers payant. D’abord, il est faux de dire que tous les médecins et professionnels de santé sont hostiles à la généralisation du tiers payant. Vous savez en effet que certains syndicats de médecins y sont favorables.

M. Gérard Sebaoun. Absolument !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Cette généralisation, dont la première pierre est posée ici pour les bénéficiaires de l’ACS et qui sera généralisée à tout le monde à l’horizon 2017 par la loi de santé publique, est une avancée et un progrès social majeur, que nous devons revendiquer et que nous attendions depuis longtemps.

L’argument de la déresponsabilisation des patients est insupportable à entendre. Il faut en effet rappeler que les gens ne vont pas se faire soigner pour le plaisir. Aller chez le médecin n’est pas un hobby ou un loisir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce qui me préoccupe plus que cette prétendue déresponsabilisation, c’est que des gens renoncent aux soins pour des raisons financières, phénomène qui est scientifiquement prouvé, notamment par les études de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, ou DREES. Vous feriez mieux de vous préoccuper de cette réalité sociale, malheureusement trop présente pour un grand nombre de nos concitoyens.

Mme Valérie Boyer. Il y a des études là-dessus !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Pour conclure, je rappelle que le tiers payant a également un impact économique. Tous les spécialistes de la santé publique disent en effet aujourd’hui qu’il faut favoriser le plus possible l’accès aux soins de premier recours, afin de favoriser les diagnostics précoces. L’accès aux soins sans barrière financière est donc une mesure de bon sens, non seulement du point de vue de la santé, mais également d’un point de vue économique pour notre système de santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Dominique Tian. C’est vrai qu’il va très bien, le système ! Il est équilibré !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

M. Dominique Tian. On va encore se prendre un rapport !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous avez une vision bien noire de la médecine.

M. Gérard Sebaoun. Et des patients !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Selon vous, les médecins prescrivent donc en toute irresponsabilité ? Selon moi, au contraire, ils prescrivent les médicaments, les analyses biologiques et les examens radiologiques qu’ils pensent être bons pour leurs patients. Je vais vous apporter la preuve que vous avez tort.

M. Dominique Tian. Il n’y en a pas !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Puisque vous demandez des rapports à longueur de temps, j’espère que vous avez lu le dernier qui a été remis au Parlement sur les franchises médicales et les forfaits.

M. Dominique Tian. Remis par qui ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Selon vous, les franchises et les forfaits sont facteurs de responsabilisation. Cela signifie donc que, depuis que tout cela a été mis en place par Mme Bachelot, le montant des franchises devrait baisser sur les médicaments, puisqu’il est fonction des produits vendus. Or, on n’a observé aucune baisse de cet ordre depuis 2008, mais même une petite augmentation de 2012 à 2013, le montant total passant de 814 millions d’euros à 820 millions d’euros. En 2008, du temps de Mme Bachelot, ce chiffre était de 840 à 850 millions d’euros, en 2008. Ces chiffres ne changent donc pas car, quelle que soit la prescription qu’on lui fait, un patient n’ira pas répondre au médecin qu’il est un patient responsable et qu’il considère que cette prescription est excessive.

M. Denis Jacquat. Cela arrive.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Votre raisonnement ne tient pas la route. Si on observe une diminution de la consommation des médicaments, les causes en figurent très clairement dans le rapport que je vous conseille de lire avant d’aller vous coucher, dans une heure.

M. Denis Jacquat. On l’a lu !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Non, vous ne l’avez pas lu, sans quoi vous ne tiendriez pas ces raisonnements !

M. Denis Jacquat. Mais je n’ai rien dit ! C’est un peu fort ! Vous avez des apparitions !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Deux raisons principales peuvent expliquer une diminution de la consommation du médicament : les effets de la maîtrise médicalisée – que vous aviez engagée et que nous poursuivons, d’une manière plus efficiente du reste, avec Mme la ministre – et par une modification des comportements, …

Mme la présidente. Madame Lemorton, vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Dominique Tian. Merci, madame la présidente !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. … en matière d’antibiothérapie et de méfiance vis-à-vis de certains médicaments.

En tant que présidente de commission, je dispose d’un temps de parole supérieur à deux minutes.

Mme la présidente. Je ne crois pas.

M. Denis Jacquat. De toute façon, il faut montrer l’exemple.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Bulteau.

Mme Sylviane Bulteau. Je suis moi aussi très fière que nous travaillions sur cette mesure du tiers payant social, malgré le procès d’intention permanent que nous font nos collègues de l’opposition.

Sur cette mesure-ci, ce procès d’intention vise les personnes en difficulté qui abuseront du dispositif et les médecins qui pourraient frauder. Or, il ne s’agit pas seulement d’une importante mesure de justice sociale, mais également de santé publique, qui épargnera l’avance des frais aux familles – ces familles que nous n’aimons pas et que vous aimez tant. Je pense notamment aux familles monoparentales dont les enfants en bas âge sont souvent malades et doivent parfois revoir le médecin chaque semaine. Je pense aussi à toutes les personnes sans domicile fixe, qui doivent elles aussi se faire soigner de pathologies lourdes. Je pense également aux personnes âgées qui ont de petites retraites, ainsi qu’à tous ceux qui ont de petites pensions.

On entend ce soir un discours anxiogène, (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP),

Mme Valérie Boyer. Mais oui ! Tout va bien dans le système !

Mme Sylviane Bulteau. …destiné à montrer du doigt – tout à l’heure, c’étaient ceux qui abusent prétendument de la Sécurité sociale et des arrêts maladie, puis les étrangers avec l’AME, puis les fonctionnaires et les arrêts maladie. Moi, j’ai confiance en nos concitoyens et dans notre pays.

Mme Valérie Boyer. C’est vrai ! Tout cela ne coûte qu’un milliard !

Mme Sylviane Bulteau. Comme je l’ai dit plusieurs fois ici, vous avez vraiment rayé définitivement de votre vocabulaire le mot : « fraternité ».

Mme la présidente. Tous les orateurs inscrits sur l’article, y compris les présidents de commission, disposent d’un temps de parole de deux minutes. Il est hors de question de donner à nouveau la parole à des orateurs qui se sont déjà exprimés sur l’article.

La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales. Le tiers payant dont il est aujourd’hui question n’est pas le dispositif du tiers payant généralisé – que vous avez, je le sais, très hâte d’aborder.

M. Jean-Pierre Barbier. On nous dit que c’est la première étape !

M. Olivier Véran, rapporteur. Contrairement à ce qu’ont pu dire certains, le tiers payant n’est pas la gratuité des soins, mais une dispense d’avance de frais. Premier constat : l’obligation d’avance de frais est une cause de renoncement aux soins, ce qui est donc créateur d’inégalités de santé pour les publics les plus fragiles – c’est un deuxième constat.

Troisième constat : les publics bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé ont des revenus inférieurs ou égaux au seuil de pauvreté.

Vous parlez de surconsommation, alors que cela concerne de gens qui gagnent moins de 11 700 euros par an et par personne : un peu de décence !

M. Jean-Pierre Barbier. Ne nous accusez pas d’être indécents !

M. Olivier Véran, rapporteur. Je vais vous expliquer pourquoi il n’y a pas de remise en cause de la médecine libérale avec le tiers payant social : nous sommes en train de mettre en place pour les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, dite ACS, la confirmation par la loi de ce qui a été négocié dans le cadre de la convention médicale en juillet 2011 – voilà une date qui doit vous parler ! – par les syndicats de médecins eux-mêmes avec l’assurance maladie. Ayant fait le constat que, dans 74 % des cas et sans intervention de la loi, les médecins dispensaient d’avance de frais les patients bénéficiaires de l’ACS, ils ont conclu un accord permettant la généralisation : c’était le tiers payant social, qui sera validé par le présent PLFSS, trois ans plus tard. Nous allons ainsi conforter ce que la convention avait demandé à la puissance publique de faire.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Très bien !

M. Olivier Véran, rapporteur. Un mot pour conclure sur la question de la modération : l’avance de frais aura-t-elle une influence sur le recours aux soins ? Je vous engage à vous reporter vingt ans en arrière, quand on débattait du ticket modérateur à l’hôpital : qui aujourd’hui peut affirmer que cela modère quoi que ce soit dans le recours à l’hôpital ? Connaissez-vous des patients qui décident de rester moins longtemps à l’hôpital parce que cela leur coûte quinze euros par jour ? Non ! Quand on a besoin de se faire soigner, on y va ; quand on n’en a pas besoin, on évite de se faire soigner ! Attention donc à tous ces discours sur la responsabilisation ! Nous aurons l’occasion d’en reparler, très sereinement, je l’espère !

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Selon un adage américain, « Quand c’est gratuit, c’est toi le produit » : avec le tiers payant, les personnes au seuil de pauvreté n’auront plus l’obligation de consulter un médecin traitant ou un médecin référent.

M. Olivier Véran, rapporteur. Mais si !

Mme Valérie Boyer. En effet, contrairement aux autres, elles n’y seront pas incitées par une franchise.

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est faux !

Mme Valérie Boyer. On assistera donc à une augmentation du nomadisme médical, et les personnes seront moins bien suivies.

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est faux : le parcours de soins avec un médecin traitant est respecté !

Mme Valérie Boyer. J’aurais voulu que l’on écoute les professionnels de santé, qui s’opposent à cette mesure, non pour des raisons financières, mais pour des raisons pragmatiques.

M. Olivier Véran, rapporteur. N’affirmez pas des contre-vérités !

Mme Valérie Boyer. C’est écrit dans tous les rapports : ils s’opposent à cette généralisation !

M. Olivier Véran, rapporteur. Pas pour l’ACS !

Mme Valérie Boyer. On peut parfois avoir de bonnes idées, des idées charitables qui semblent pouvoir obtenir l’assentiment des autres. Puis, en appliquant le principe de réalité, on voit ce qui marche et ce qui ne marche pas. Or à l’évidence, cette disposition ne rend pas service !

Je crois par ailleurs que nous sommes face à un paradoxe absolu : vous supprimez le principe d’universalité des allocations familiales, qui seront versées en fonction des revenus. Il n’y a aucune raison pour que demain, d’autres catégories de personnes ne soient pas remboursées en fonction de leurs revenus. Ainsi, la fameuse famille riche avec deux enfants et 6 000 euros de revenus pourra se voir rembourser, pour certaines catégories de médicaments ou de soins, en fonction de ses revenus. Mais paradoxalement, alors que l’on crée des inégalités manifestes dans notre système de santé, on a adopté tout à l’heure des mesures visant à sanctionner très lourdement les personnes qui voudraient s’éloigner de notre système obligatoire.

Il faut rétablir un peu de cohérence en arrêtant de créer un système à double vitesse, avec d’un côté des personnes exonérées de tout et affranchies de toute obligation et, de l’autre, des personnes à qui on demande toujours plus.

M. Jean-Pierre Barbier. Tout à fait !

M. Olivier Véran, rapporteur. Quel monologue !

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI n’est pas opposé à cet article ; nous n’avons d’ailleurs pas déposé d’amendement de suppression ni de modification. À Roubaix, dans ma circonscription, la situation est difficile : les urgences de l’hôpital sont souvent très remplies, bien au-delà de ce qui est raisonnable, parce que les gens n’ont pas les moyens de faire l’avance de frais : aller à l’hôpital, c’est donc plus simple et cela coûte beaucoup moins cher pour le patient – mais beaucoup plus cher pour la collectivité !

Je ne suis donc pas opposé à ce que les bénéficiaires de l’ACS puissent obtenir l’avance de frais comme les bénéficiaires de la CMU-C. J’émettrai néanmoins un petit bémol : pour que cela fonctionne, il faut lutter contre les déserts médicaux. En effet, pour permettre à des patients de bénéficier du tiers payant chez le médecin, encore faut-il qu’il y ait des médecins ! Il y a vraiment un travail à faire pour lutter contre les déserts médicaux parce que, sinon, on ne réglera pas le problème des gens qui vont à l’hôpital pour se faire soigner, faute de professions médicales à proximité de chez eux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je veux à mon tour me féliciter du contenu de cet article qui vise à étendre aux bénéficiaires de l’aide complémentaire de santé le dispositif du tiers payant intégral. C’est un point très positif de ce texte, que je voterai avec beaucoup de satisfaction.

Je trouve significative la levée de boucliers que suscite cette disposition de la part de nos collègues de droite, ce qui évidemment ne me surprend pas…

M. Dominique Tian. Bien sûr ! Nous sommes des gens sérieux !

Mme Jacqueline Fraysse. …et même me conforte dans mes convictions. Je voudrais tout de même leur dire que je suis aussi médecin et que leurs propos concernant tant les médecins que les patients sont mensongers et très désobligeants, pour ne pas dire plus.

M. Michel Issindou. Insultants !

Mme Jacqueline Fraysse. Je suis vraiment surprise que vous osiez tenir de tels propos !

Plusieurs députés du groupe SRC. Exactement ! Très bien !

M. Jean-Pierre Barbier. On va vous répondre !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Quelques mots à cette heure tardive ; nous aurons l’occasion de poursuivre ce débat demain matin.

J’ai entendu beaucoup d’interventions, et je veux remercier les parlementaires de la majorité ainsi que M. Vercamer, qui ont apporté leur soutien à cet article, les parlementaires de la majorité s’inscrivant dans la perspective plus large d’un tiers payant généralisé. Mais j’ai aussi entendu beaucoup de propos contradictoires : d’un côté, on m’explique que nous ferions une différence entre les Français, alors même que la perspective du tiers payant général est inscrite dans la politique gouvernementale, et d’un autre côté, certains reprochent à ce tiers payant pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé de n’être qu’une première étape.

Mme Isabelle Le Callennec. Première étape avant la suppression de la franchise !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux dire les choses très simplement : lors de l’examen de la loi de santé publique, nous parlerons du tiers payant généralisé à échéance 2017 pour l’ensemble de la population. Nous reviendrons sur ces débats, et je ne doute pas que nous le ferons dès demain ! Mais l’article dont nous parlons ce soir concerne des hommes et des femmes dont le revenu est inférieur à 987 euros par mois : pour ces gens qui ont des revenus si bas, vous nous parlez de responsabilité, de maîtrise des coûts et de rapport aux soins ! Il y a vraiment là une forme d’indécence, purement et simplement incompréhensible !

Mme Isabelle Le Callennec. C’est parce que vous avez annoncé la suppression de la franchise : cela va au-delà de la généralisation du tiers payant !

Mme Marisol Touraine, ministre. Par ailleurs, la préparation de la mise en place de ce système s’est faite avec les professionnels de santé, avec la Caisse nationale d’assurance maladie et avec les complémentaires. Le système retenu, qui a recueilli l’accord d’absolument tout le monde, est simple : il passera par la carte Vitale et permettra à l’assurance maladie de centraliser le dispositif. Si d’autres systèmes de tiers payant existent, comme dans les pharmacies, ils pourront continuer de s’appliquer. C’est précisément parce que ce dispositif est simple qu’il a été accepté par l’ensemble des partenaires.

Je ne sais pas, monsieur Barbier, quelles sont les publicités que vous voyez, mais je veux vous rappeler, puisque cela a été voté ici l’année dernière, qu’il y aura désormais des contrats identifiés, réservés aux bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé : il ne s’agit donc pas que n’importe quel assureur se lance dans une surenchère sur les contrats d’assurance, puisque ceux-ci seront encadrés.

M. Dominique Tian. Qu’est-ce qui les en empêchera ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Tout cela, nous le verrons sans doute plus tard dans le débat. Mais je veux vraiment insister sur le fait que…

Mme Isabelle Le Callennec. Et la franchise, dont vous nous avez annoncé la suppression mardi sans plus d’explication ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je peux vous parler de la franchise ce soir, puisqu’un amendement doit venir en discussion sur ce sujet. J’aurai donc l’occasion de vous indiquer très précisément le coût que cela représente.

C’est article constitue la première étape d’une avancée sociale absolument majeure. Alors que nous parlons de personnes en situation de fragilité sociale qui se tournent systématiquement vers l’hôpital, alors même que sur les bancs de l’opposition, on nous reproche de faire « portes ouvertes » à l’hôpital, je m’étonne donc qu’il n’y ait pas un accord général pour considérer que le tiers payant pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé est une évidence, qui aurait dû être réalisée depuis bien longtemps.

Mme Isabelle Le Callennec. Si cela ne va pas plus loin, oui !

Mme Marisol Touraine, ministre. L’étape que nous allons franchir grâce au vote demain, je l’espère, de cet article, est une étape dont chacune et chacun ici devrait pouvoir se réjouir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 24 octobre 2014, à zéro heure cinquante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly