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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 06 novembre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Projet de loi de finances pour 2015

Seconde partie (suite)

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

M. André Chassaigne

Mme Pascale Got

M. Antoine Herth

M. Thierry Benoit

Mme Brigitte Allain

M. Jacques Krabal

M. Jean-Pierre Le Roch

M. Stéphane Le Foll, ministre

M. Nicolas Dhuicq

M. Stéphane Le Foll, ministre

M. Marc Le Fur

M. Stéphane Le Foll, ministre

M. Gilles Lurton

M. Stéphane Le Foll, ministre

M. Yannick Favennec

M. Stéphane Le Foll, ministre

M. Éric Alauzet

M. Stéphane Le Foll, ministre

M. Jacques Krabal

M. Stéphane Le Foll, ministre

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Stéphane Le Foll, ministre

Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (état B)

Amendement no 607

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Amendements nos 473 , 505

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 289 , 288 , 493 , 287

Article 47

Amendements nos 206 , 238 , 279 , 285 , 511 , 270 , 490 , 600 , 491 , 530 , 500 , 512 , 13 , 41 , 44 , 55 , 58 , 99 , 105 , 120 , 286 , 494 , 501

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (état D)

Suspension et reprise de la séance

Santé

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes

Mme Bernadette Laclais

M. Dominique Tian

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2015

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’agriculture, à l’alimentation, à la forêt et aux affaires rurales (n2260, annexes 4 et 5 ; n2262, tome I).

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, dans cette discussion budgétaire à laquelle certains d’entre vous participent depuis quelque temps, nous abordons aujourd’hui les crédits relatifs au ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Ce ministère a non seulement en charge un budget propre mais aussi les aides issues du budget européen, qui s’élèvent à 9,1 milliards d’euros dans le cadre des premier et deuxième piliers de la nouvelle politique agricole commune. Quant au budget propre du ministère, il atteindra 4,7 milliards d’euros dans ce projet de loi de finances pour 2015. Proche de 5,2 milliards d’euros à mon arrivée comme ministre de l’agriculture, il témoigne donc de la participation du ministère à l’effort de réduction de la dépense publique.

Outre ce choix assumé, j’ai fixé depuis mon arrivée dans ce ministère des orientations et de grandes priorités. Celles-ci concernent tout d’abord le grand enjeu de l’enseignement agricole – enseignement technique, mais aussi recherche et enseignement supérieur –, qui représente près de 45 % de l’ensemble du budget.

Au total, ce budget de 4,7 milliards d’euros présente, avec les propositions qui vous sont faites, 200 millions d’euros de moins que celui du projet de loi de finances pour 2014.

Lors du débat sur la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, il avait été longuement question des engagements nécessaires pour redonner aux secteurs agricole et agroalimentaire les moyens d’assurer leur compétitivité à l’échelle européenne. Ces secteurs étant intensifs en emplois, les dispositifs du pacte de responsabilité et de solidarité, notamment le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et les allégements de charges, s’y appliquent tout particulièrement. Ainsi, bien que le budget du ministère de l’agriculture baisse de 200 millions d’euros, ils contribueront, dès le 1er janvier 2015, à près de 730 millions d’euros, soit un solde de 500 millions d’euros pour l’ensemble de l’activité agricole.

Le concours du seul secteur viticole – le fameux contrat vendanges devant donner ici lieu à débat – s’élèvera à 60 millions d’euros, qui contribueront à en renforcer la compétitivité.

Ces 730 millions d’euros sont bien l’enjeu budgétaire, au-delà des aides de la politique agricole commune.

En outre, les engagements que le Président de la République et moi-même avons pris à Cournon ont tous été tenus, voire accélérés puisque les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, ont été majorées de 15 % et versées à temps, bien que l’ensemble des services travaille déjà à la mise en œuvre de la prochaine politique agricole commune.

Dans l’Allier, l’antenne départementale de la Fédération nationale des syndicats exploitants agricoles salue la nouvelle PAC, qu’elle considère comme bien meilleure que la précédente.

Nous avons ainsi agi pour servir les agriculteurs, pour les aider avec l’ensemble des moyens disponibles, en mobilisant pour ceux qui connaissent des difficultés tous les dispositifs d’allégement de charges et de taxes sur le foncier non bâti. Ce sont de grands objectifs, qui entraînent une mobilisation continue et constante du ministère de l’agriculture.

Il faut donc prendre ce budget dans sa globalité, même si certains sujets, tel le contrat vendanges que j’évoquais à l’instant, font naturellement l’objet de débats.

Le ministère de l’agriculture participe à la baisse de la dépense publique, dans le souci d’être efficace, aux côtés des agriculteurs, et de maintenir les priorités fixées. Outre l’enseignement agricole, le secteur vétérinaire bénéficiera ainsi, pour la première fois depuis plus de dix ans, de 60 nouveaux postes afin de répondre aux enjeux du contrôle sanitaire et vétérinaire, très important pour la santé et l’alimentation, mais également pour assurer nos certifications et notre capacité d’exportation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Brigitte Allain. Très bien !

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, il m’est assez difficile d’intervenir car je ne voudrais pas que certains d’entre vous n’en viennent à me cataloguer comme schizophrène. (Sourires.)

En effet, bien que je soutienne globalement les orientations portées par le ministre – je crois l’avoir montré sans ambiguïté dans la discussion relative à la loi d’avenir sur l’agriculture –, je suis conduit à émettre et à proposer à mon groupe d’émettre sur ce budget un vote négatif, résultat non d’une posture sclérosante mais d’un travail réfléchi, d’un long cheminement intellectuel. (Sourires.)

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Une maturation !

M. André Chassaigne. Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » subissent cette année de nouvelles coupes, avec une baisse de 255 millions d’euros de crédits de paiement, soit une réduction de 8 % des moyens d’intervention du ministère par rapport à 2014.

Vous essayez, monsieur le ministre, de justifier ces baisses drastiques de crédits par ce que vous appelez une « approche globale ». Vous venez d’ailleurs de le faire ; en commission, vous aviez insisté sur les substitutions progressives de financements communautaires aux crédits nationaux dans la politique agricole et leur effet sur des actions essentielles de cette mission. C’est un fait.

Certes, nous prenons acte de ces transferts, mais n’était-ce pas l’occasion rêvée pour affecter des moyens supplémentaires à des actions structurantes ? Je pense notamment, alors que de très nombreuses exploitations subissent des prix d’achat toujours plus bas et sont extrêmement vulnérables aux fluctuations économiques et aux aléas climatiques, à une refonte ambitieuse du Fonds national de gestion des risques en agriculture, sur la base d’un système de garantie mutuel et public et non d’une extension du secteur assurantiel, totalement inadapté aux besoins des petites et moyennes exploitations, quelle que soit la filière de production concernée. Une occasion manquée, en quelque sorte.

Ces coupes sévères dans les crédits font suite à deux années de disette budgétaire, avec une diminution des crédits de 151 millions d’euros en 2014 et de 350 millions d’euros en 2013, que l’on ne peut attribuer à des substitutions communautaires. Ainsi, depuis la première loi de finances du quinquennat, le budget de l’agriculture aura tout de même perdu 756 millions d’euros de crédits, monsieur le ministre !

Alors que nous venons d’adopter une loi d’avenir pour l’agriculture fixant un cap ambitieux en matière de renouvellement des générations en agriculture et de réorientation des pratiques agricoles, force est de constater que les moyens nationaux décrochent par rapport aux objectifs que nous nous sommes assignés collectivement lors du vote de la loi.

Ainsi, des missions très importantes au regard des enjeux agricoles soulevés dans cette loi subissent de plein fouet ce coup de rabot. Le programme 154, par exemple, perd 205 millions d’euros, dont 130 millions d’euros pour l’action « Adaptation des filières à l’évolution des marchés » et 1 million d’euros pour l’action « Gestion des crises et des aléas de la production ».

Quand on connaît la situation des filières agricoles, notamment celles des fruits et légumes, et du lait, ces baisses sont en contradiction flagrante avec le besoin de soutiens nouveaux et de réorientations des marchés.

Quant au Fonds national de gestion des risques en agriculture et à l’aide au redressement des exploitations en difficulté, ils sont à l’étiage alors qu’ils constituent des outils essentiels, à renforcer d’urgence.

De même, l’action « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations » perd 48 millions d’euros alors qu’elle avait été confortée en 2014 et que l’objectif de renouvellement des exploitations a été longuement soutenu lors de l’examen de la loi d’avenir. Cela n’est pas satisfaisant.

Rappelons qu’il s’agit des crédits qui financent les prêts à l’installation, les stages à l’installation, la dotation jeunes agriculteurs et les prêts de modernisation. Sur cette action, ce yoyo budgétaire est, à notre avis, injustifiable.

Je ne reviendrai pas longuement sur le budget du programme 149 consacré à la forêt, puisqu’un excellent rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – moi-même – a eu l’occasion d’aborder ce sujet en commission élargie. (Sourires.)

Je regrette cependant que ce programme subisse une diminution considérable, de 14 %. Son budget s’inscrit malheureusement dans une baisse continue des moyens consacrés à la forêt et la filière forestière de notre pays. Les deux opérateurs concernés, l’Office national des forêts et le Centre national de la propriété forestière, subissent cette année une baisse drastique de leurs crédits, ce qui va dans le sens inverse d’une valorisation efficace de notre potentiel forestier. Ainsi, nous ne pouvons que regretter que la création, cette année, du Fonds stratégique de la forêt et du bois, outil demandé depuis longtemps, s’accompagne de telles coupes claires, totalement contradictoires avec les objectifs recherchés.

Aussi, comme je l’ai annoncé au début de mon intervention, les députés du Front de Gauche ne voteront pas les crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Pascale Got. Monsieur le ministre, nul ne peut nier que ce projet de budget pour 2015 s’inscrit dans la ligne des efforts demandés à l’ensemble des ministères. Néanmoins, vous avez su répartir cette contrainte en fonction des postes de dépenses et en préservant une orientation fixée à la fois par la PAC et par la loi d’avenir pour l’agriculture, notamment dans le programme « Accompagner le renforcement et l’adaptation des filières à la transition agro-écologique ».

Je voudrais insister sur la gestion des crises et des aléas de la production. Les crédits pour 2015 seront renforcés grâce à une dotation complémentaire de 5 millions d’euros. Ces aides fourniront un appui financier aux exploitations touchées par diverses crises ou calamités agricoles.

Au total, grâce au cofinancement européen, l’assurance récolte bénéficiera d’une enveloppe de 100 millions d’euros.

Concernant le renouvellement et la modernisation des exploitations agricoles, le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations bénéficie d’un budget quasiment doublé. Avec les crédits de l’Union européenne et des régions, ce sont 200 millions d’euros qui sont consacrés à cet objectif.

S’agissant toujours de la compétitivité, ce budget traduit aussi les effets du Pacte de responsabilité : ainsi les exploitants agricoles verront leurs charges d’exploitation baisser de 200 millions d’euros supplémentaires et leurs cotisations personnelles, en tant qu’indépendants, de 160 millions par rapport à 2014 ; les coopératives et industries agroalimentaires du secteur de la commercialisation et de la transformation bénéficieront dès 2015 d’une diminution de leurs charges de 370 millions d’euros. Il était important de rappeler ces chiffres.

L’ensemble des dispositifs mis en place pour la compétitivité des entreprises – CICE, Pacte de responsabilité, TO-DE, pour travailleur occasionnel-demandeur d’emploi,… – représentent un soutien global de 3,2 milliards d’euros.

Monsieur le ministre, je salue votre volonté de faire du renouvellement des générations et de la transmission des exploitations une priorité. Là aussi, les chiffres parlent : l’augmentation de la DJA, la dotation aux jeunes agriculteurs, de 25 % au niveau national et les crédits européens représentent une enveloppe de 100 millions d’euros supplémentaires par an destinée à l’installation des jeunes.

Par ailleurs, je note l’augmentation des indemnités compensatoires de handicaps naturels. Les départements concernés recevront un complément qui permettra d’améliorer la valorisation des superficies fourragères. Ce complément sera accordé pour une surface maximale de 75 hectares, contre 50 actuellement.

Enfin, je souligne l’engagement renouvelé en faveur du développement des filières agricoles outre-mer. Il conviendrait toutefois de conserver une enveloppe similaire de crédits, nous aurons l’occasion d’en reparler.

J’en viens au budget de la forêt. Le niveau des subventions allouées à l’ONF est réduit d’environ 20 millions d’euros. Cette réduction est rendue possible par des prévisions de recettes en hausse et une réduction des dépenses de l’établissement.

Tout aussi important, les crédits de soutien à la protection contre les risques sont maintenus, tout comme les crédits destinés à faciliter la reconstitution des forêts affectées par les catastrophes majeures de 1999 et de 2009, et cela grâce au cofinancement du FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural.

Enfin, je note le renforcement du fonds de solidarité en faveur de la filière forêt-bois, qui bénéficie d’un apport de 18 millions d’euros. Cela permettra de lutter contre le déficit de mobilisation du bois de la France. C’est un point important car il convient de soutenir les investissements à l’amont et dans la première transformation, mais aussi d’accompagner les actions de recherche et d’innovation.

En outre, le Centre national de la propriété forestière mobilisera en 2015 ses réserves, qui sont très excédentaires.

Quant aux fameux « centimes forestiers », ils seront maintenus à la même hauteur qu’en 2014, soit environ 9 millions d’euros, le ministère de l’agriculture prenant en charge la différence.

La sécurité et la qualité sanitaires de l’alimentation sortent renforcées de ce budget grâce à la création de 60 postes supplémentaires pour la sécurité sanitaire dans les abattoirs, la création de postes à l’Agence nationale de la sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, enfin la mise en place d’un système de phyto-pharmacovigilance.

Je termine par la recherche et l’enseignement agricole en soulignant l’augmentation d’environ 6 % des crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’augmentation de 2,8 % de ceux destinés à l’enseignement technique. Je salue la création de 140 postes supplémentaires d’enseignants et de 25 postes d’auxiliaire de vie scolaire individuel, et ce dès la rentrée 2015 dans l’enseignement technique, ce qui porte à 685 le nombre de postes créés depuis la fin de 2012.

En conclusion, monsieur le ministre, si vous avez dû réduire dans ce budget les coûts de fonctionnement de votre ministère et des opérateurs sous tutelle, vous avez su maintenir les priorités, notamment le soutien aux agriculteurs et aux forestiers, la compétitivité de l’agriculture et de la forêt française, la sécurité alimentaire et la qualité de l’enseignement agricole, et, bien sûr, la transition vers l’agro-écologie. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC votera ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Le Roch. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, l’examen en commission élargie du budget du ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la forêt et des affaires rurales pour 2015, une nouvelle fois en baisse, nous a permis de vous interroger sur les nombreuses facettes de votre fonction mais vos réponses, parfois succinctes et le plus souvent malheureusement inexistantes, n’ont pas réussi à épuiser le débat. Je reformulerai donc certaines de mes remarques, suggestions ou interrogations.

S’agissant du programme 206 – Sécurité et qualité sanitaire de l’alimentation – je tiens tout d’abord à affirmer ma satisfaction de constater que vous poursuivez en 2015 les efforts pour la maîtrise de l’utilisation des pesticides et le développement des méthodes de biocontrôle.

Je vois également avec intérêt la refonte de l’indicateur de performance en unités de compte NODU – nombre de doses unités – qui me semble plus réaliste que les seuls pourcentages.

Enfin, même si je reste sceptique sur le bien-fondé du choix politique fait dans la loi d’avenir pour l’agriculture, je vous donne acte d’avoir obtenu la levée du plafond d’emplois de l’ANSES.

Dans le programme 154 « Économie et développement durable », je constate que le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles est théoriquement doté de 200 millions d’euros, ce qui suppose que vous trouviez encore 29 millions. Où donc allez-vous les trouver ? Auprès des régions, des agences de l’eau ? Seule certitude : vous parlez de moins en moins d’agro-écologie et une seule fois de GIEE, les groupements d’intérêt économique et environnemental, dans le bleu budgétaire. C’était donc bien un objet de communication politique et rien que cela.

Je veux également réitérer l’opposition du groupe UMP à la disparition programmée des exonérations de charges sociales. Cette mesure est vitale pour beaucoup de « métiers » agricoles à haute intensité de main d’œuvre et qui sont confrontés depuis de nombreuses années à un véritable dumping social intra-européen.

Vous arguments sur les vertus du CICE ne nous ont pas convaincus. Dès lors je me réjouis que les commissions saisies aient adopté à la quasi-unanimité le maintien du contrat vendanges.

Au sujet de l’assurance climatique, nous avons bien compris que le dispositif va basculer dans le cadre de la PAC. Mais sera-t-il plus efficace pour autant ? Dans l’indicateur de taux d’assurance récolte, le bleu précise que 40 % des exploitations de culture céréalière seront couvertes en 2015, mais seulement 16 % des surfaces maraîchères et seulement 3 % des surfaces fruitières, alors que ce sont les productions les plus exposées. Sauront-elles trouver une juste réponse dans le nouveau dispositif d’assurance ? Votre ministère envisage-t-il une communication pour promouvoir le nouveau système de couverture des risques ? Ces questions méritent que nous y réfléchissions.

En attendant, je vais défendre des amendements visant à consolider les dispositifs existants, à savoir le FAC, fonds d’allègement des charges, et AGRIDIFF – pour agriculteurs en difficulté –, pour que votre ministère dispose des moyens suffisants pour répondre aux difficultés des producteurs, difficultés qui ne manqueront pas d’apparaître.

J’en viens à une autre menace, qui celle-là pèse sur le pastoralisme : je veux parler du loup. Dotée de 6,9 millions d’euros et cofinancée à 50 % par le FEADER, la mesure « grands prédateurs » est vouée par avance à l’échec. Ce sont vos propres services qui le disent, je cite : « Le coût de la mesure suit la zone d’extension du loup. Depuis 2011, la zone est en constante augmentation : de la zone alpine initiale, elle s’étend maintenant au nord – Franche-Comté, Bourgogne, Vosges – et au sud – Ardèche, Vaucluse, Lozère – ». Et de conclure par cette phrase, véritable perle de la haute administration : « Les attaques, de plus en plus dévastatrices, progressent malgré les mesures de protection dont l’efficacité est pourtant démontrée ». (Rires.)

Je ne suis pas certain que vous aurez rassuré beaucoup d’éleveurs avec ce genre d’affirmation. La vérité, monsieur le ministre, c’est que le loup est hors de contrôle. ( « Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Un mot sur le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques ». J’ai été surpris par l’indicateur « Taux d’utilisation des téléprocédures ». Vous fixez l’objectif à 89 % en 2015, mais seulement à 80 % pour le taux cible de 2017. Cela signifie que nous allons vers plus de complexité des procédures administratives, et donc plus de difficultés. Et j’en arrive à me demander si le but n’est pas de décourager un maximum d’agriculteurs afin qu’ils renoncent tout simplement à demander les aides auxquelles ils ont légitimement droit.

Au final, monsieur le ministre, en présentant un budget en baisse vous parlez d’efforts nécessaires pour contribuer au redressement des comptes publics. Mais est-ce bien la réalité ? Une partie des actions précédemment financées sur fonds nationaux sont prises en charge par des crédits européens. Voilà de quoi sérieusement amortir la notion d’effort !

Mais il n’y a pas que cela. Ce budget est entaché d’un péché originel, celui de la captation des réserves des chambres d’agricultures et autres CRPF, centres régionaux de la propriété forestière, que l’un de nos collègues socialistes a qualifiée de « mesure de rétorsion financière ». Si l’on doit parler d’efforts, c’est bien au sein des établissements publics qu’il faut les chercher.

Au final, les seuls à qui, une fois de plus, il sera demandé des efforts, ce sont les agriculteurs, les éleveurs, bref tous ceux qui font vivre nos campagnes. Voilà pourquoi le groupe UMP ne vous suivra pas sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yannick Favennec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, la bonne foi du groupe UDI ne saurait être mise en cause…

M. André Chassaigne. Cela commence bien !

M. Thierry Benoit. …puisque je rappelle que nous avons, en commission mixte paritaire, voté la loi d’avenir pour l’agriculture.

M. Yannick Favennec. C’est juste !

M. Thierry Benoit. Nous abordons, nous, la question agricole en faisant la connexion entre le budget de la Nation, de 4,7 milliards d’euros, et celui, significatif, de l’Europe, qui s’élève à 9,1 milliards par an de 2014 à 2020.

Faire mieux avec moins : tel est le défi que le Gouvernement français doit relever. Nous sommes prêts à soutenir ces efforts, à condition que les stratégies et les orientations choisies accompagnent véritablement le développement de l’agriculture.

Parmi les points positifs du budget qui nous est proposé, nous saluons l’augmentation de 25 millions d’euros de la dotation destinée aux jeunes agriculteurs, qui ont de plus en plus de difficultés à s’installer et à élaborer un plan de développement viable et pérenne, ainsi que la quasi-sanctuarisation des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». Le groupe UDI se satisfait des moyens engagés en faveur de la sécurité et de la qualité sanitaires de notre alimentation. Avec plus de 500 millions d’euros alloués à ces problématiques, nous ne pouvons que nous réjouir de l’engagement pris par le Gouvernement dans ce domaine.

Après différents scandales qui ont ponctué l’actualité, les députés du groupe UDI militent pour un véritable renforcement des politiques de prévention des risques afin de protéger au mieux les consommateurs et notre environnement. Nous resterons donc très vigilants quant à l’utilisation de ces crédits et à leur avenir. Je pense par exemple à la traçabilité alimentaire en Europe. Monsieur le ministre, il faut relever le gant et poursuivre le travail engagé en ce sens, notamment pour améliorer la traçabilité des produits carnés dans les plats préparés. À cet égard, la notion d’« animal né, élevé et abattu » présente à nos yeux le plus grand intérêt.

L’augmentation des autorisations de paiement de l’action 14 « Gestion équilibrée et durable des territoires » relève pour nous de la plus haute importance puisqu’elle permet d’assurer la défense des territoires ruraux. Nous connaissons votre attachement, monsieur le ministre, à ces problématiques, et nous espérons que d’autres mesures seront prises prochainement dans ce sens.

Le renforcement des indemnités compensatoires de handicaps naturels est évidemment une très bonne chose et nous ne pouvons que soutenir l’amendement présenté à cet effet.

Le budget de la mission présente néanmoins plusieurs points faibles.

M. André Chassaigne. Ah bon, il y en a ? (Sourires.)

M. Thierry Benoit. Tout d’abord, il est en baisse. Nous ne pouvons que le constater et le regretter, mais nous devrons faire mieux avec moins. Quelques points font à nos yeux l’objet d’un débat dont l’issue déterminera le vote du groupe UDI.

Notre vigilance porte sur les emplois saisonniers, en particulier le contrat vendanges que nos amendements visent à préserver. Nous verrons l’accueil que le Gouvernement leur réservera.

Le Fonds d’allégement des charges est selon nous un dispositif important dont le budget, doté d’une enveloppe de 1,5 million d’euros contre huit en 2012, atteint en 2015 son niveau le plus bas. Sommes-nous prêts à gérer des situations de crise ?

Si nous avons émis un avis plutôt positif sur certaines parties de la mission, nous ne cachons par notre déception au regard du mauvais budget de la forêt. Les crédits du programme 149, qui diminuent de 11 % par rapport à l’année dernière, n’ont jamais été aussi bas. La subvention de l’État à l’Office national des forêts diminue même de onze millions d’euros et celle attribuée au Centre national de la propriété forestière subit une baisse de quinze millions d’euros !

M. André Chassaigne. C’est presque une disparition !

M. Thierry Benoit. Le groupe UDI s’interroge également sur le programme d’investissement d’avenir. Quarante millions d’euros, est-ce suffisant pour préparer la filière lait à l’ouverture des quotas laitiers en 2015 ? La France est-elle prête à conserver son potentiel de production ? Le Gouvernement est-il prêt à accompagner la réorganisation des outils industriels des acteurs privés et coopérateurs du secteur laitier ? J’attire également votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité d’accompagner la mutation consécutive à la fusion des Haras nationaux et de l’École nationale d’équitation résultant de la création de l’Institut national du cheval et de l’équitation. Quant à la filière porcine, elle fait l’actualité en raison des conséquences de l’embargo russe. Enfin, la simplification et la coordination des contrôles dont vous avez engagé la mise en œuvre, monsieur le ministre, constitue pour nous un point essentiel et nous vous soutenons dans cette voie. Elle ne coûte pas d’argent au pays et prévenir et conseiller les agriculteurs vaut mieux que les sanctionner et les punir. Notre vote dépendra de la qualité de nos débats et, surtout, de l’accueil que vous réserverez à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Yannick Favennec. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.

Mme Brigitte Allain. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous constatons depuis quelques années une baisse régulière du budget du ministère de l’agriculture.

M. Patrice Martin-Lalande. Eh oui !

Mme Brigitte Allain. La baisse est cependant compensée en grande partie par les mesures du pacte de responsabilité, le CICE et l’augmentation des crédits alloués par l’État dans le cadre de la PAC révisée pour 2014-2020 grâce à des taux de co-financement plus favorables à l’installation, à l’indemnité compensatrice de handicap naturel ou encore au programme d’investissements d’avenir. Ayant participé activement aux travaux de la loi d’avenir sur l’agriculture, l’alimentation et la forêt, je suis particulièrement sensible à la bonne traduction budgétaire des nouvelles orientations agro-écologiques retenues pour la France. À ce titre, je me réjouis de l’augmentation des crédits alloués à l’agro-écologie dans le cadre du compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural ». L’Agence BIO voit ainsi son budget augmenter de 17 %.

J’ai cependant fait part à M. le ministre, avec plusieurs élues régionales, des inquiétudes suscitées par une orientation européenne limitant à cinq ans les primes au maintien de l’agriculture bio fortement réévaluées et non plafonnées. Il pourrait en résulter des distorsions de concurrence entre producteurs aidés et non aidés et le refus de certaines régions d’inscrire cette orientation dans les contrats de plans pluriannuels. Vous avez proposé une solution, monsieur le ministre, visant à mieux répartir les fonds. Les écologistes seront attentifs à son devenir. Je salue l’attribution sur appel à projets de crédits supplémentaires aux pionniers de l’agro-écologie que sont les organismes nationaux à vocation agricole et rurale. Les montants ont été multipliés par sept ! Nous en avions exprimé le vœu l’an passé et lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt. Il s’agit d’un signe positif pour les projets innovants en matière d’installation tels les espaces test et les projets alimentaires territoriaux. Dans le même ordre d’idées, les écologistes demandent le prolongement du crédit d’impôt à la production biologique pour les trois prochaines années et espèrent recueillir un large soutien à ce sujet.

Le budget des chambres d’agriculture diminue mais demeure important grâce à l’appui du compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural ». Il s’élève ainsi à plus de quarante millions d’euros. Mais comment s’assurer qu’elles auront à cœur la promotion de l’agro-écologie ? En matière de dépenses fiscales, les viticulteurs s’émeuvent que l’on envisage de mettre fin aux exonérations de la part salariale des cotisations sociales des contrats vendanges mais il est bon de rappeler que l’exonération dégressive des charges patronales pour les travailleurs occasionnels saisonniers bénéficie à 75 000 entreprises agricoles pour 750 000 contrats. Le coût du travail aidé demeure donc identique pour tous. Je suis certaine que la suppression de l’actuel contrat vendanges n’entraînera aucun changement de pratique des vendanges manuelles ou mécaniques, car ce choix procède de motivations distinctes.

M. Philippe Armand Martin. C’est faux !

M. Nicolas Dhuicq. Les motivations sont exactement identiques !

Mme Brigitte Allain. En matière de traçabilité et de sécurité sanitaire, les leçons de plusieurs années de baisse catastrophique et de la dégradation consécutive de la qualité et de l’efficacité des contrôles sanitaires ont été tirées. Avant même le scandale des lasagnes, les vétérinaires et agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes nous alertaient régulièrement au sujet de la perte de contrôle de l’État. Mon collègue Eric Alauzet, rapporteur du programme 206, et moi-même exprimons notre satisfaction que les effectifs soient renforcés de soixante nouveaux postes. Nous nous demandons néanmoins si l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail pourra assurer à budget constant ses nouvelles et importantes missions telles l’évaluation des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires.

Enfin, en matière de recherche, la plus forte hausse de la mission « Enseignement supérieur et recherche » bénéficie à l’enseignement supérieur et à la recherche agricoles dont les crédits de paiement s’élèvent à 330 millions d’euros, soit vingt de plus qu’en 2014. De même, les crédits pour l’installation des nouveaux agriculteurs sont renforcés. Il est essentiel de susciter à nouveau l’envie d’exercer ce métier et de soutenir les jeunes qui s’installent dont chacun sait qu’ils sont d’autant plus motivés que le projet à vocation agro-écologique de l’agriculture est une voie économique et sociale durable. En conclusion, les écologistes soutiennent le budget pour l’agriculture, l’alimentation, la forêt et les affaires rurales. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. François André. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le monde agricole est en crise depuis de nombreuses années et manifestait hier encore son mécontentement. Les agriculteurs veulent que la France demeure une grande nation agricole et nous devons leur faire confiance. Ils nous rappellent ce qu’affirmait déjà Sully : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». Nous sommes tous convaincus de la nécessité de renouer le pacte liant notre pays à son agriculture et ses paysans. Les questions agricoles sont d’importance stratégique pour la France et nous avons le devoir de leur rendre la place qu’elles méritent au profit de la vitalité du monde rural, de l’aménagement du territoire, de l’emploi, de la qualité de vie et de notre commerce extérieur ! Que serait notre pays si ces milliers de petites exploitations subsistant parfois péniblement grâce au travail courageux de nos paysans venaient à disparaître ?

Les crédits consacrés à la mission « Agriculture » comme à l’immense majorité des missions du projet de loi de finances pour 2015 n’en sont pas moins soumis aux contraintes budgétaires et à l’éthique de responsabilité animant le Gouvernement comme le groupe RRDP en vue de redresser les comptes publics de notre pays. L’État et de nombreux opérateurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de l’alimentation et des affaires rurales connaissent à nouveau une baisse significative des crédits dans le cadre du nouvel exercice budgétaire, certes compensée aux deux tiers par une mobilisation croissante du budget de la PAC grâce à la régionalisation des programmes de développement rural du deuxième pilier. Les efforts sont par ailleurs concentrés sur des priorités et des missions essentielles au service de l’économie et du développement durable de l’agriculture et de la forêt et de la sécurité et de la qualité sanitaires de l’alimentation.

Parmi ces priorités, j’insisterai au nom des députés du groupe RRDP et après d’autres issus d’autres bancs sur notre attachement aux actions maintenues ou renforcées, en particulier celles visant à l’installation des jeunes à hauteur de 100 millions d’euros, à la modernisation des exploitations, au développement de démarches agro-écologiques et au renforcement de l’indemnité compensatrice de handicap naturel par le biais des primes herbagères, conformément aux annonces du Président de la République. Il résulte de tout cela une aide de plus d’un milliard d’euros, soit une augmentation de plus de 300 millions d’euros par rapport à 2013 au terme du budget triennal. Par ailleurs, dans la continuité de nos débats sur la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt dorénavant en vigueur, les crédits consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche mais aussi à l’enseignement technique sont en augmentation. Nous soutenons cette priorité. J’ai une pensée pour le lycée agricole de Crézancy pour le développement duquel je ne doute pas que les moyens seront mis en œuvre.

En outre, le CICE bénéficie de façon optimale à notre agriculture. À propos de l’exonération de cotisations sociales, je réaffirme notre attachement à la préservation du contrat vendanges et nos préoccupations à propos du prélèvement sur les chambres consulaires. La baisse de crédits sera sans doute dépourvue de conséquence économique pour les exploitations mais elle risque de remettre en cause l’activité de conseil collectif, solidaire et partagé qu’exercent les chambres, notamment dans les territoires plus fragiles. Le contrat vendanges a fait l’objet d’un débat vivant en commission et l’amendement de suppression de l’exonération a finalement été voté. Chaque année, 315 000 contrats vendanges sont signés et je suis convaincu que la suppression de l’exonération aura une incidence sur la mécanisation des vendanges.

M. Philippe Armand Martin. Très bien !

M. Jacques Krabal. Nous avons entendu les arguments en faveur d’une telle suppression et devons convenir qu’ils sont fondés. La suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu compense l’exonération de la part salariale des cotisations sociales dont la modulation a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elles ouvrent droit à des prestations égales pour tous. Il existe néanmoins de solides arguments juridiques selon lesquels le dispositif censuré n’est pas exactement comparable aux exonérations du contrat vendanges, qui est limité dans le temps et concerne des salariés souvent affiliés à d’autres régimes de Sécurité sociale.

M. Patrice Martin-Lalande. Il a complètement raison !

M. Jacques Krabal. Dans ces conditions, les députés du groupe RRDP soutiendront l’amendement au cours des débats qui suivront notre discussion générale et ne manqueront pas de voter également les crédits de la mission « Agriculture » dont nous sommes globalement satisfaits.

M. Patrick Mennucci. Très bien !

M. Jacques Krabal. N’oublions pas, mes chers collègues, ces vers de Jean de La Fontaine, natif de Château-Thierry, extraits de la fable Le laboureur et ses enfants : « Gardez-vous […] de vendre l’héritage / Que nous ont laissé nos parents : Un trésor est caché dedans ». N’oublions pas que l’agriculture est pour la France l’un de ses trésors !

M. Marc Le Fur. C’est très vrai !

M. le président. Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.

La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Pierre Le Roch. Le Parlement a adopté définitivement le 11 septembre dernier la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt qui concrétise l’action menée depuis 2012 visant à donner aux acteurs du monde agricole, forestier et agroalimentaire l’ensemble des leviers d’actions nécessaires pour faire face aux défis économiques, environnementaux et territoriaux d’aujourd’hui et de demain. Qu’une telle loi soit nommée « d’avenir » traduit la volonté renouvelée de créer les outils structurants nécessaires au développement de l’agro-écologie. Elle vise également à faire du renouvellement des générations et de la formation et l’installation des jeunes agriculteurs une priorité. Les mesures adoptées ont été le fruit d’une longue et féconde concertation, en particulier dans le cadre des assises de l’installation lancées au mois de novembre 2012. En raison de la pyramide des âges des agriculteurs français, il s’agit en effet d’un défi majeur conditionnant l’avenir de notre modèle d’agriculture performante et durable, créatrice d’emploi et de valeur ajoutée dans les territoires.

Ainsi, alors que la nouvelle PAC s’appliquera dans son intégralité en 2015, et en cohérence avec celle-ci, le budget débattu aujourd’hui permettra de tenir les engagements pris par le Président de la République à Cournon en 2013.

Ce sont donc 100 millions d’euros supplémentaires par an qui seront dévolus à l’installation des jeunes. Je me félicite que les moyens nationaux dédiés à cette politique soient renouvelés. Le financement de la dotation jeunes agriculteurs – DJA – est augmenté de 25 %, l’aide totale passant de 105 millions d’euros en 2014 à 130 millions d’euros en 2015. Les prêts bonifiés sont préservés. Le programme pour l’installation et le développement des initiatives locales, le PIDIL, ainsi que les stages, bénéficient d’une enveloppe de 14,5 millions d’euros.

Monsieur le ministre, pourriez-vous détailler les autres mesures prévues par le Gouvernement pour encourager l’installation, mais aussi confirmer les efforts engagés dans le domaine de la formation et du renouvellement des générations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez rappelé, monsieur le député, un certain nombre des engagements qui ont été pris dans le cadre de la loi d’avenir et qui se traduisent aujourd’hui dans le budget pour 2015. Vous avez en particulier évoqué la question de l’installation, avec le renforcement des moyens – 100 millions d’euros supplémentaires – et le maintien de la DJA, même si la politique d’installation sera désormais conduite par les régions, conformément au contrat que nous avons passé avec elles.

Vous avez aussi évoqué l’enjeu que représente l’enseignement agricole, avec les grands objectifs que nous avons fixés dans la loi d’avenir en matière d’agro-écologie. Je profite de l’occasion pour répondre à M. Herth que même s’il n’y est pas fait référence à chaque ligne budgétaire, le projet de l’agro-écologie restera l’axe stratégique de notre politique dans les années à venir, avec le CASDAR, qu’a évoqué Brigitte Allain. Il sera notamment mis en œuvre par les groupements d’intérêts économiques et environnementaux, les GIEE ; des projets sont déjà en cours dans tous les départements et toutes les régions.

Ce projet de budget est donc conforme et aux débats que nous avons eus, et aux objectifs que nous poursuivons, en particulier sur la question de l’installation, comme vous l’avez rappelé, d’autant que la loi d’avenir comporte des dispositions importantes sur l’accès au foncier, notamment en ce qui concerne le rôle des SAFER. Tous ceux ici présents savent bien que si les aides à l’installation sont nécessaires compte tenu du capital à mobiliser, l’accès au foncier est également essentiel.

Ce débat rejoint celui que nous aurons dans un instant à propos du contrat vendanges : est-ce nécessairement l’aide budgétaire qui fait l’efficacité d’une politique ?

M. Marc Le Fur. C’est ce qu’on dit quand les aides budgétaires baissent !

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est ce que disent nombre de députés, que les enjeux particuliers et le débat politicien conduisent un peu vite à considérer que, derrière un choix, il doit y avoir une aide, et que, en l’absence d’aide, il n’y aurait pas de choix.

M. Marc Le Fur. Le problème, c’est que les paysans sont des gens concrets !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Or il y a des choix qui sont faits. Je me souviens en particulier de ceux qui furent les nôtres dans le débat sur le GIEE : il s’agissait de faire émerger des choses.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, nous allons aborder dans un instant l’article 47, plus précisément ses alinéas 4 et 5 – et les deux alinéas comptent, puisqu’il s’agit du contrat vendanges.

Dans nos vignobles, principalement dans les vignobles d’excellence, nous sommes attachés à la vendange manuelle, qui est un gage d’exportations, donc de recettes pour une balance des paiements aujourd’hui malheureusement largement déficitaire. Or, votre gouvernement met en place un système qui risque à terme d’interdire ce qui se produit régulièrement dans nos vignobles, à savoir que des personnes exerçant un autre métier prennent du temps pour vendanger leur vigne, mais aussi, éventuellement, celle d’autres propriétaires, ou que des exploitants préfèrent – et j’insiste sur ce point – faire travailler des chômeurs ou des personnes locales. Or la suppression du contrat vendanges, quelles que puissent être vos déclarations…

M. François André. Mais non ! Il n’est pas supprimé !

M. Nicolas Dhuicq. …ajoutée à la directive sur les travailleurs détachés de l’excellente Commission européenne et de nos brillantes institutions bruxelloises, va inciter les exploitations viticoles françaises à choisir de se fournir en main-d’œuvre extérieure à l’Hexagone. Le Gouvernement perdra donc sur tous les tableaux. Il est facile de dire qu’une économie ne peut fonctionner entièrement sur les aides, monsieur le ministre. Pour ma part, je dirais qu’elle fonctionne surtout lorsque les impôts baissent ou ne sont pas trop élevés, et lorsqu’ils sont utilisés non pour financer des mesures de « saupoudrage », mais pour soutenir les missions régaliennes de l’État, telle la défense.

De grâce, monsieur le ministre, revenez sur l’intention du Gouvernement et répondez-nous sur le contrat vendanges, gage de qualité et de pérennité pour le vignoble français, qui vous rapporte des devises à l’exportation.

M. Patrice Martin-Lalande. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez conclu votre propos sur l’enjeu que représentent les exportations vitivinicoles, et vous l’avez inauguré en évoquant le contrat vendanges. Sachez que celui-ci n’est pas remis en cause en tant que contrat, en particulier en ce qui concerne la possibilité de cumul avec des congés payés.

M. Philippe Armand Martin. Il est vidé de sa substance !

M. Stéphane Le Foll, ministre. La seule chose qui est remise en cause, c’est l’exonération de cotisations sociales payées par les salariés.

M. Philippe Armand Martin. Oh !

M. Stéphane Le Foll, ministre. S’il vous plaît, monsieur le député ! Je rappelle qu’avec le crédit d’impôt et les exonérations liées aux saisonniers (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), la viticulture bénéficiera de 60 millions d’euros supplémentaires d’exonérations de cotisations sociales, et que les exonérations au profit de ce secteur vont passer de 284 millions d’euros à 344 millions d’euros. S’il s’agit de compétitivité, la question est résolue par l’ensemble des dispositifs du Pacte de responsabilité !

Vous me dites que pour avoir de la main-d’œuvre pour cueillir le raisin, il faut garder le contrat vendanges, sans quoi les exploitants feront appel aux travailleurs détachés. Je vais me rapprocher de M. Rebsamen pour savoir qui a aujourd’hui recours aux travailleurs détachés. Car si c’était le contrat vendanges qui évitait ce recours, ce dernier ne devrait logiquement pas exister aujourd’hui, puisque nous avons le contrat vendanges...

M. François André. Voilà !

M. Jean-Pierre Le Roch. C’est clair !

M. Stéphane Le Foll, ministre. La moitié des emplois dans les vendanges sont aujourd’hui occupés par des travailleurs détachés. Donc si le contrat vendanges était la seule réponse possible pour ne pas avoir recours aux travailleurs détachés, cela se saurait, et cela se vérifierait dès aujourd’hui !

Je le redis, la viticulture bénéficiera de 60 millions d’euros supplémentaires d’exonérations de cotisations sociales. Si à chaque fois que l’on instaure des aides nouvelles et que l’on vient en soutien à la compétitivité, il faut conserver tous les dispositifs antérieurs, je ne sais pas comment vous financerez toutes les propositions d’économies que vous faites !

M. François André. Nous non plus !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, je recevais il y a quelques jours les salariés de Tilly-Sabco, entreprise que vous connaissez. Ces salariés sont aujourd’hui désespérés – pas seulement, d’ailleurs, les 326 salariés de l’entreprise, mais aussi les agriculteurs qui concourent à lui fournir des animaux.

L’entreprise va s’arrêter au 1er décembre. En l’état de mes informations et de celles des salariés, il n’y a pas de perspectives. Or cette entreprise a grandement concouru à nos exportations. Cette entreprise, c’est une usine moderne, ce sont des ouvriers compétents et motivés.

Vous m’opposerez que ce n’est pas la disparition des aides européennes et des différentes aides à l’exportation qui explique cette situation. Si : les restitutions ont disparu sous votre gouvernement…

M. François André. C’est programmé !

M. Marc Le Fur. …et c’est la gauche qui avait préconisé la fin des restitutions, parce qu’elles étaient contraires aux intérêts des pays africains et autres.

Vous m’opposerez aussi que Doux s’en sort. Peut-être, et je me réjouis qu’il y ait des perspectives pour Doux, tout en observant que ce n’était pas la solution que vous préconisiez lorsque le sujet était traité au tribunal de Quimper il y a quelques mois – vous défendiez une tout autre solution. Quoi qu’il en soit, la solution que vous ne préconisiez pas semble évoluer positivement pour l’entreprise Doux et pour ses salariés.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Grâce à qui ?

M. Marc Le Fur. En tout état de cause, que va t-il se passer pour les salariés de Tilly-Sabco ? Aujourd’hui, les offres de reprise sont ridicules. Ces 326 salariés sont tous concentrés dans cette zone située à l’intersection du Finistère nord et des Côtes d’Armor que vous connaissez, déjà touchée par des crises considérables – je pense à l’entreprise Gad. À Guerlesquin, commune de 1412 habitants, ce sont 64 salariés ; à Loguivy-Plougras, dans les Côtes d’Armor, on compte 21 salariés pour 975 habitants ; à Plounérin, 26 pour 738 habitants. Vous concevez sans peine l’impact de tout cela, après les crises qui ont déjà secoué ce secteur.

J’attends donc de vous de la détermination…

M. Patrick Mennucci. Il en a !

M. Marc Le Fur. …et si possible des esquisses de solutions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Parlons donc de la Bretagne et de la filière exportatrice, monsieur le député. Je me souviens être allé à Hong Kong en 2004, à l’occasion de négociations sur l’OMC.

M. Marc Le Fur. Vous n’allez plus beaucoup à Guerlesquin !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Qui représentait alors la France, comme ministre du commerce extérieur ? Christine Lagarde, que j’ai d’ailleurs rencontrée à ce moment-là. Quand a été décidée officiellement pour l’Union européenne la fin des restitutions ? En 2005, suite aux négociations de Hong Kong…

M. Marc Le Fur. Les restitutions s’arrêtent en 2013 !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …et toujours sous votre gouvernement. Depuis 2005, rien n’a été fait pour anticiper cette fin des restitutions…

M. Jean-Pierre Le Roch et M. François André. Eh non !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …en organisant cette filière exportatrice, qui était importante en termes économiques pour la Bretagne. Rien, absolument rien n’a été fait pendant les dix ans où vous étiez aux responsabilités, alors que tout le monde savait que cela finirait.

M. Marc Le Fur. Votre famille politique ne voulait pas des restitutions, au nom de je ne sais quel tiers-mondisme !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je le rappelle, la décision a été prise sous un gouvernement de votre majorité !

Que s’est-il passé ensuite, pour Doux comme pour Tilly-Sabco ? Il y avait encore des restitutions lorsque je suis arrivé au ministère, c’est vrai, et j’ai maintenu un an ce qui aurait dû s’arrêter dès le début de l’année 2013. Mais les difficultés et les liquidations étaient déjà sur la table, puisqu’à mon arrivée, il y a eu ce fameux plan que vous évoquez.

Qu’ai-je fait pour Doux – 2 500 salariés, 3 000 même si nous retenons tout l’ensemble ? Nous sommes allés chercher un fonds de retournement, le fonds Calmels ; nous avons organisé le maintien des exportations, en tenant Almunajem. Nous avons tout fait pour remettre les choses en ordre.

M. Marc Le Fur. Et pour Tilly-Sabco, que faites-vous ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Aujourd’hui, sans aucune restitution, le groupe Doux va dégager un résultat net positif ; et nous ferons tout pour structurer cette filière export.

En ce qui concerne Tilly-Sabco, j’ai parfaitement conscience des difficultés. Si depuis le début, on ne s’était pas borné à déplorer que le ministre n’ait pas obtenu le maintien des restitutions, si nous avions pu discuter ensemble de la filière export, nous aurions pu mieux régler le problème. Dans ce domaine et sur cette question, l’État et le ministre de l’agriculture ont été présents.

M. Marc Le Fur. Quelles sont les perspectives au 1er décembre ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous avons sauvé la filière exportatrice de volaille bretonne, et nous continuerons à le faire. je ferai tout pour sauver le maximum d’emplois sur le site de Guerlesquin, car Niquelvez-Berrien et Guerlesquin, ce n’est pas loin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, les producteurs de légumes et de fruits voient depuis plusieurs années leur chiffre d’affaires baisser. En outre, ils doivent satisfaire à des normes croissantes en nombre et à une réglementation toujours plus restrictive.

Les conditions climatiques de l’hiver dernier n’ont pas permis d’équilibrer l’offre et la demande, du fait d’une chute de la consommation. À ces conditions climatiques hors du commun s’ajoutent des stocks non consommés au début de l’année 2014, qu’il faut maintenant écouler.

Enfin, les prix pratiqués par la grande distribution restent très élevés par rapport aux coûts d’achat.

Face à cette situation, les agriculteurs n’ont d’autre solution que d’exporter leur marchandise dans les pays étrangers. Les distorsions de concurrence avec les autres pays européens compliquent la vente de leurs récoltes ; l’embargo russe accentue encore ces difficultés.

Ainsi, au 31 août 2014, les exploitations légumières n’atteignaient pas 50 % de leur chiffre d’affaires 2013, alors que les années précédentes, elles étaient généralement à plus de 75 % à cette période. Ces deux chiffres montrent à eux seuls les difficultés d’un secteur tout entier.

Monsieur le ministre, vous avez accepté de recevoir les producteurs légumiers de Saint-Pol-de-Léon et de Saint-Malo. À la suite de cet entretien, vous avez annoncé différentes mesures susceptibles de leur permettre de faire face à la situation, ce dont je veux vous remercier.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Gilles Lurton. Mais la crise est profonde et les agriculteurs ont besoin de mesures durables, parmi lesquelles la fiscalité peut être une variable d’ajustement importante. En effet, actuellement, comme les agriculteurs connaissent une mauvaise année pour la production et la vente de leurs produits, toute la pression fiscale s’applique à un moment où leurs revenus sont au plus bas et où ils sont le plus fragilisés.

Monsieur le ministre, ne pourrait-on pas envisager un lissage de la fiscalité appliquée aux agriculteurs sur une durée qui pourrait être, par exemple, fixée à six années ?

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le député, vous m’interrogez sur la filière légumière, considérée de manière générale ; vous avez également parlé du problème des fruits. Concernant cette filière légumière, en particulier dans le Nord Bretagne – je pense à l’Ille-et-Vilaine et aux Côtes-d’Armor, pour une partie de leur territoire, mais surtout au Finistère –, vous avez vous-même rappelé que des rencontres ont eu lieu. Des dispositifs ont été mis en place, à la suite de discussions conduites au cas par cas et ayant porté sur tous les reports – voire les annulations de cotisations, en particulier à la MSA –, la suppression de la taxe sur le foncier non bâti et des reports sur les annuités de remboursement des emprunts. Tous ces dossiers sont en cours. S’agissant, par exemple, du Finistère, la baisse – qui représente plus de 30 % par rapport à l’an dernier – a abouti à ce que l’on traite – je parle de mémoire – 162 dossiers. Il faudra que je vous communique le chiffre concernant l’Ille-et-Vilaine. Mais, je le répète, les choses se mettent en place, ce qui est extrêmement satisfaisant.

S’agissant de l’embargo russe, vous avez vu que des décisions avaient été prises à l’échelle européenne.

M. Nicolas Dhuicq. Cet embargo est délirant !

M. Stéphane Le Foll, ministre. À la suite de demandes pressantes, en particulier de la Pologne, la Commission a interrompu l’application des mécanismes d’aide : on est en train de remettre de l’ordre pour que ces aides aillent bien à la promotion des produits, dans tous les pays, en particulier, en France, au profit notamment de la zone légumière.

Concernant, enfin, la fiscalité, un groupe de travail a été créé. Il est déjà possible de lisser sur trois ans les bénéfices agricoles. De surcroît, le projet de loi de finances pour 2015 contient l’engagement – que vous allez, j’en suis certain, adopter – de modifier les règles relatives à la dotation pour aléas – la DPA – pour permettre aux agriculteurs ayant bénéficié d’une bonne année de constituer des provisions utilisables au cours des années plus difficiles.

On a eu cette discussion avec les légumiers et on a commencé à améliorer les choses. Je répète que le lissage sur trois ans est possible et doit être utilisé, et que la modification de la DPA, si vous la décidez, permettra aux agriculteurs de constituer des provisions utilisables lors des années plus difficiles, ce qui irait dans le sens que vous souhaitez.

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Yannick Favennec. Monsieur le ministre, à l’heure où l’embargo russe amplifie les difficultés des filières d’élevage à trouver des débouchés, faute de compétitivité, dans un contexte de concurrence avec des importations à bas prix, les producteurs français ont besoin de gestes forts et porteurs, notamment en ce qui concerne le marché de la restauration hors foyer, dont ils sont quasi-absents.

Hier, nos agriculteurs ont manifesté, notamment dans mon département de la Mayenne, pour exprimer leur colère et leur désarroi notamment sur ce sujet. En effet, 75 % de la viande bovine servie par les trois leaders de la restauration collective n’est pas française : elle est majoritairement importée de nos voisins européens. Pire, 87 % de la viande de volaille utilisée en restauration hors foyer est, elle aussi, importée.

Monsieur le ministre, il paraît même que, dans la cantine de votre ministère, 60 % des produits consommés proviennent de l’étranger !

Rester inactif face à cette situation est bien plus qu’une faute de goût : c’est une faute politique majeure, notamment lorsque l’on sait que, chaque mois, un Français prend en moyenne douze repas hors de chez lui, ce qui représente 6,2 milliards de repas par an dans l’Hexagone, pour un chiffre d’affaires annuel de 67,8 milliards d’euros. Dès lors, la facture est particulièrement salée pour les éleveurs français, à qui échappe une grande part des repas servis.

Alors que les producteurs ne sont que très rarement fournisseurs des repas pris dans les collectivités, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour soutenir les filières d’élevage françaises, indispensables maillons de notre économie, qui contribuent à la qualité et à la sécurité alimentaires de milliers de repas servis chaque jour hors foyer ?

M. Marc Le Fur et M. Patrice Martin-Lalande. Très bonne question !

M. Thierry Benoit. Il y a là un vrai sujet !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le député, sur ces sujets qui apparaissent aujourd’hui comme prioritaires, je ferai des propositions : vous avez d’ailleurs reçu un texte qui débouchera sur un nouveau guide pour permettre aux collectivités locales de favoriser l’achat de produits français. J’ai même rappelé hier qu’il faut manger de l’entrecôte-frites…

M. Yannick Favennec. Nous sommes d’accord !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …comme le Président de la République en donne d’ailleurs l’exemple lui-même. Je le conseille à chacun et je tenais à le redire devant vous, mesdames, messieurs les députés.

Par ailleurs, monsieur Favennec, vous ne pouvez pas utiliser des chiffres comme vous l’avez fait, les verser de la sorte au débat, en disant que c’est une faute. Vous ne pouvez pas nous accuser, comme vous venez de le faire, en affirmant que 60 % de ce qui est consommé au ministère serait importé, car c’est faux. Où avez-vous trouvé ces chiffres ? Pourquoi les versez-vous au débat sans même les avoir vérifiés ?

M. Yannick Favennec. Donnez les chiffres exacts, alors !

M. Patrice Martin-Lalande et M. Marc Le Fur. Quels sont les bons chiffres ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce n’est pas de bonne politique. On ne procède pas de la sorte. Si vous voulez m’adresser des reproches, faites-le à partir de faits sérieux, mais non au moyen de telles rumeurs.

Je suis favorable à la reconquête mais, monsieur Favennec, je voudrais que l’on vérifie si, en la matière, toutes les collectivités sont aussi vertueuses que vous le suggérez. Je crains que nous n’ayons de mauvaises surprises ! Chacun assume sa part de responsabilité, et l’État ne s’en exonérera pas. Mais vous ne pouvez pas, comme vous l’avez fait, donner des chiffres fantaisistes et lancer des accusations sans fondement. Monsieur le député, pourquoi avez-vous indiqué ces chiffres, alors que vous ne les avez pas vérifiés ? Au nom de quoi, sur quelle base, les avez-vous présentés ?

M. Yannick Favennec. C’est dans toute la presse !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Favennec, si, à présent, votre source est la presse, alors c’est parfait ! (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. François André. Ce n’est pas une revue de presse, ce sont les débats parlementaires !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je n’ai pas attendu, pour ma part, après la crise des lasagnes, pour mettre en œuvre une traçabilité française, pour créer une filière. Je suis désolé de devoir vous poser la question, mais qui a institué, avec l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes – l’INTERBEV –, à l’issue de discussions avec l’interprofession, le logo « viandes de France », pour l’ensemble de ces dernières ? Cela a été fait en début d’année 2014, à l’initiative du ministère et du président d’INTERBEV. Cette traçabilité existe donc aujourd’hui, ce qui constitue un bon début. On vient de commencer, depuis six mois, et je sais que les choses progressent. Chacun, maintenant, a des outils. On va mettre à la disposition de toutes les collectivités locales un guide pour favoriser l’achat. J’ai conclu un accord avec la Défense, la Justice et tous les ministères pour qu’ils mettent en œuvre également cette politique. Les collectivités locales auront également toutes – je dis bien : toutes – à conduire cette politique. Mais, je le répète, monsieur le député, ne communiquez pas de chiffres que vous n’avez pas vérifiés.

M. François André et M. Jean-Pierre Le Roch. Très bien !

M. Yannick Favennec. Aucune réponse !

M. Marc Le Fur. Et pour la cantine du ministère, on aura les chiffres dans la matinée ?

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le ministre, pour avoir reçu la Fédération nationale du bois à plusieurs reprises, vous connaissez parfaitement la situation difficile dans laquelle se trouvent les scieries. Ma question porte en particulier sur la Franche-Comté, région couverte à 50 % par la forêt. Les scieries doivent faire face à une pénurie d’approvisionnement en bois en raison d’exportation de grumes en direction des pays émergents, principalement la Chine, qui pratiquent des prix d’achat très attractifs pour les producteurs. Ainsi, en 2013, un million de mètres cubes de bois brut sont partis directement à l’export sans être valorisés par nos scieries.

Pourtant, la filière bois représente une part importante de l’activité économique française – 60 milliards de chiffre d’affaires, soit 4 % du PIB de la France – mais 10 % du déficit de notre balance commerciale : malheureusement, la valeur ajoutée nous échappe. Si cette situation devait perdurer, nous assisterions immanquablement à des fermetures de scieries : 450 000 emplois sont menacés de manière directe ou indirecte.

De plus, alors que le rapport du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, alerte à nouveau sur la nécessité de changer au plus vite nos comportements pour limiter les conséquences du réchauffement climatique, vendre des grumes de bois en Asie alors qu’elles pourraient être transformées en France constitue un non-sens.

Pour améliorer la situation, nous devons agir au plus vite, en complément des mesures que vous avez prises, monsieur le ministre, pour assurer la mobilisation de la ressource : il nous faut favoriser la contractualisation entre les propriétaires forestiers et les scieries, pour assurer un approvisionnement en grumes, ce qui peut prendre du temps, un temps qui risque d’être excessif. Par ailleurs, instaurer des quotas à l’export, permettant de limiter la sortie de grumes, se pratique fréquemment à travers le globe, même si cela pose un problème juridique.

Monsieur le ministre, quelles actions vous semblent les plus efficaces et comment comptez-vous agir : quelles sont les mesures concrètes, complémentaires que vous entendez mettre en œuvre pour sauvegarder nos scieries et préserver l’avenir de la filière agricole ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le député, nous sommes pris entre deux logiques et deux intérêts : d’une part, celui des forestiers, qui bénéficient d’une rémunération du bois plus élevée qu’elle ne l’était auparavant…

M. Jacques Lamblin. Pour le moment !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …et de débouchés qui s’accroissent à l’export mais aussi au niveau national, d’autre part, celui des scieries qui, voyant le prix du bois augmenter, éprouvent des difficultés à valoriser ensuite, en raison des coûts de production, ce travail, pourtant essentiel, du sciage de bois. Tels sont les contours de la question.

Par ailleurs, on constate une inorganisation totale de la filière bois en matière de relations contractuelles entre les secteurs amont et les premiers secteurs de la transformation. L’effort doit donc porter d’abord sur cette organisation.

S’agissant en premier lieu de la forêt publique, le groupement d’intérêt public Écosystèmes forestiers – ECOFOR – et l’ONF doivent être partie prenante à un engagement relatif à l’approvisionnement des scieries. Il faut garantir cet approvisionnement et arrêter de chercher à chaque fois à tirer parti d’opportunités dès que les prix fluctuent.

S’agissant en deuxième lieu de la forêt privée, de la même manière, on doit engager une démarche contractuelle et faire appel à des indices de prix qui permettent d’approvisionner les scieries. Si tout le monde cherche à chaque fois à tirer parti de l’opportunité liée au marché, il ne peut y avoir d’approvisionnement suffisant ni stable pour les scieries, qui se trouvent alors plongées dans les difficultés. Je rappelle qu’un certain nombre de producteurs de bois d’une grande région française avaient ironisé le jour où se sont tenues les manifestations des scieries, en rappelant que, pendant cinq ans, après les tempêtes, alors que des tonnes de bois bon marché étaient disponibles, personne n’était venu les chercher. Il faut donc un peu de rigueur, faute de quoi on se livre à une bataille d’arguments sans jamais résoudre le problème.

J’ai engagé ce débat de la même manière pour la forêt publique – avec l’ECOFOR et l’ONF – que pour la forêt privée, afin de parvenir à une forme de contractualisation, avec des indices de prix, pour permettre l’approvisionnement des scieries. C’est un engagement fort.

Dans le même temps, s’agissant des exportations, vous le savez, on a renforcé les contrôles, en particulier le contrôle phytosanitaire, pour essayer de limiter ces dernières. Mais on ne peut pas établir de quotas : je ne vois pas en effet comment cela pourrait être fait, juridiquement parlant, dans le cadre européen.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le ministre, vous le savez, les groupements d’employeurs offrent de la main-d’œuvre supplémentaire pour des périodes courtes et représentent un outil de gestion de l’emploi face aux difficultés de recrutement rencontrées par les employeurs. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour lever les obstacles relatifs aux groupements d’employeur et favoriser leur développement ?

Par ailleurs, je tiens à saluer l’adoption de notre amendement « vendanges » en commission élargie, qui maintient l’exonération de la part salariale des cotisations sociales dont bénéficient, un mois par an, les salariés embauchés comme saisonniers agricoles pour les vendanges.

M. Marc Le Fur. Il n’y a pas que les vendanges !

M. Jacques Krabal. Nous serons particulièrement vigilants, lors du débat qui suivra cette discussion, à ce que cette exonération demeure dans le texte qui sera adopté par notre assemblée.

Vous l’avez dit tout à l’heure, et nous en sommes, pour notre part, persuadés : dans un contexte marqué par l’accroissement du nombre de travailleurs détachés, il y aurait, en cas de remise en cause de cette exonération, une accélération de l’arrivée de ces derniers.

M. Patrice Martin-Lalande. Il a parfaitement raison !

M. Jacques Krabal. Aussi, monsieur le ministre, ne serait-il pas judicieux, autant pour les salariés que pour les employeurs, de transformer le statut de saisonnier en un statut de pluriactif ?

Enfin, je veux rappeler que la coopération agricole est un mouvement très fort : trois quarts des agriculteurs sont adhérents d’une coopérative agricole. Historiquement, la coopérative est le fruit d’une réflexion pour survivre à la crise. Elle a été conçue pour reconstruire l’agriculture d’après-guerre et pour faire face aux terribles crises viticoles : nous devons donc nous appuyer sur cette force coopérative, qui est un véritable levier de développement et un facteur de cohésion humaine. Monsieur le ministre, comment comptez-vous soutenir, de manière encore plus importante, la coopération agricole dans notre pays ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le député, vous avez évoqué plusieurs sujets, en commençant par les freins qui bloqueraient le développement des groupements d’employeurs. Je n’ai pas connaissance de l’existence de telles entraves aux niveaux réglementaire ou législatif : les groupements d’employeurs bénéficient, par définition, puisqu’ils ont vocation à embaucher, de toutes les mesures liées à l’emploi ; le dispositif d’exonération pour l’embauche de travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, les TO-DE, le crédit d’impôts pour la compétitivité et l’emploi. Nous sommes prêts à examiner de plus près les freins qu’il pourrait y avoir, mais pour l’heure, je ne peux pas vous répondre plus précisément.

S’agissant de la coopération agricole, il faut bien sûr la soutenir. C’est pourquoi nous avons obtenu que les coopératives agricoles bénéficient tout de suite de la suppression de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, pour leur partie non filialisée. Ce sont en effet aujourd’hui de véritables entreprises, qui s’organisent et qui se développent. Lorsque je me suis rendu au SIAL, le salon de l’industrie agroalimentaire, j’ai d’ailleurs salué le fait que les coopératives agricoles s’organisaient au niveau de l’agroalimentaire, ce qui est très important.

Vous avez également évoqué la question du statut des saisonniers pluriactifs, qui est extrêmement compliquée. Sur ce point également, vous aurez à nous expliquer exactement ce que vous pensez. S’agit-il de garantir moins de précarité ? Quelles sont les conséquences ? C’est en tout état de cause une piste à explorer.

Enfin, sur le contrat vendanges, je vais répéter ce que j’ai dit, je ne peux pas être d’accord. Cela a été rappelé d’ailleurs immédiatement par M. Le Fur : les vendanges sont un enjeu, mais on fait aussi appel à des saisonniers pour cueillir les fraises…

M. François André et M. Jean-Pierre Le Roch. Tout à fait !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …les pommes, les tomates, les asperges, les poires…

M. Jacques Lamblin. Les cerises !

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’enjeu est spécifique, certes, et je sais que le département de la Marne bénéficie largement de l’ensemble du dispositif. Cependant, la mesure, prise de manière globale, est la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu pour l’ensemble des salariés. Le contrat vendange reste possible ; ce qui a été remis en cause à la suite d’un recours auprès du Conseil constitutionnel, c’est la modulation de la part salariale des cotisations sociales.

M. Jacques Lamblin. Le Conseil constitutionnel n’a pas bougé sur ce point !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Voilà le sujet et le débat. Sur cette question-là, compte tenu des débats que nous avons sur le contrat vendanges, je ne suis pas d’accord avec l’amendement qui est proposé et sur lequel nous poursuivrons cette discussion dans quelques instants.

M. Philippe Armand Martin. Dans ce cas-là, il est complètement vidé de sa substance !

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, au titre des députés non inscrits.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le ministre, avec une baisse de 4,8 % des crédits de paiement pour 2015 qui s’inscrit dans un plan triennal au rabais, le monde agricole, condamné à survivre sous perfusion, est de plus en plus vulnérable.

En voulant supprimer les exonérations de charges sur les contrats saisonniers, qui concourent à la compétitivité de notre agriculture, vous confronterez toujours plus la main-d’œuvre française au dumping social de pays à faible coût de main-d’œuvre, tels que l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne.

Les chambres d’agriculture, qui apportent leur soutien aux agriculteurs et à l’économie agroalimentaire, voient leur dotation diminuer de 60 millions d’euros. La directive sur le nitrate contraint les collectivités territoriales et les professionnels à engager des frais supplémentaires.

Pendant ce temps, les agriculteurs français subissent l’embargo russe depuis la mi-août. C’est la double peine : d’un côté, ils sont exposés à la concurrence déloyale d’États européens et extra-européens qui inondent le marché français de leurs exportations avec la complicité d’administrations publiques qui font fi du patriotisme économique, de l’autre, ils ne peuvent plus exporter. Les pertes pour l’agriculture et l’agroalimentaire français s’élèvent à 500 millions d’euros selon le président de la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, produits laitiers et viande en tête. Dans le département du Vaucluse, les filières pomme et poire sont particulièrement touchées.

Solution pernicieuse, si la Commission européenne décide de recourir aux 430 millions d’euros de la réserve de crise, les professionnels aidés devront renoncer à 1 % des paiements directs prévus par la PAC. Cet embargo est la décision de trop pour des agriculteurs déjà écrasés sous le poids de normes administratives, écologiques et sanitaires auxquelles leurs concurrents ne sont pas tenus de se plier.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour indemniser les exploitants français des pertes engendrées par l’embargo russe ? Alors que cet embargo démontre la capacité de la France à réguler ses exportations, comptez-vous enfin défendre une juste régulation des importations afin de permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail ? Enfin, ne serait-il pas temps de renégocier les traités européens afin de permettre l’adoption d’une loi « Achetons français » pour contraindre les administrations publiques à se fournir prioritairement en produits français ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame la députée, votre ligne politique, que tout le monde connaît, consiste à dire que pour se développer, la France doit se protéger, en particulier à ses frontières. Vous avez même affirmé que le fait de renforcer la compétitivité avec les baisses de charges que nous avons engagées revient à nous ramener au niveau des pays ayant le coût du travail le plus bas, c’est-à-dire l’Allemagne. Une telle posture vous conduit logiquement, et c’est ce que vous avez fait, à demander la fermeture des frontières et l’achat exclusif de produits français dans toutes les cantines ou dans tous les établissements publics.

La seule question que vous devriez alors vous poser est la suivante : exportons-nous dans d’autres pays, dans d’autres cantines, et quelles conséquences aurait pour l’agriculture française la fermeture que vous préconisez ? Vous refusez de vous poser cette question. Vous ne vous la posez jamais et vous laissez croire à tous les agriculteurs que vous rencontrez qu’en fermant les frontières vous allez sauver l’agriculture française. C’est faux. La question est simple : est-on capable d’avoir une grande agriculture en France, dans l’Europe et dans le monde ? Oui !

M. Marc Le Fur. Dans ce cas, il faut aider les entreprises qui exportent !

M. Stéphane Le Foll, ministre. La preuve en est que, sur la volaille, on continue à exporter et à gagner de l’argent sans restitution malgré ce que dit M. Le Fur, qui n’a rien fait pendant dix ans sur cette question. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. C’est qu’il n’était pas ministre de l’agriculture ! Quel dommage !

M. Marc Le Fur. Ne mettez pas de barrière à l’exportation, dans ce cas ! Quelle est votre politique ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Tel est le sujet, telle est la question ! Vous ne pouvez pas résumer le sujet comme vous l’avez fait.

Que fait-on sur l’embargo russe ? Nous nous mobilisons pour organiser un soutien cohérent à l’échelle européenne.

M. Nicolas Dhuicq. Vous n’aimez pas l’agriculture !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour ma part, j’ai refusé que la Pologne capte l’ensemble du budget.

M. Philippe Armand Martin. Vous êtes le fossoyeur de l’agriculture !

M. Stéphane Le Foll, ministre. La Commission nous a suivis. Aujourd’hui, nous allons aider les filières qui sont en difficulté par trois moyens : la promotion commerciale, le soutien à l’exportation et la politique de retrait quand c’est nécessaire.

Voilà ce que nous faisons pour répondre aux difficultés que connaissent les agriculteurs. Permettez-moi d’ailleurs de vous indiquer que ces questions, je pense en particulier à la filière laitière, dépassent non seulement la France mais aussi l’Europe : nous sommes sur un marché mondialisé, et si cette réalité n’est pas notre fait, nous ne devons pas moins la gérer et réguler au mieux nos productions à l’échelle européenne. Tel est l’enjeu.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », inscrits à l’état B.

Un certain nombre d’amendements ayant été déposés au dernier moment, une nouvelle feuille vient de vous être distribuée qui récapitule l’ensemble des amendements dont nous allons discuter.

Sur ces crédits, je suis tout d’abord saisi de trois amendements, nos 607, 473 et 505, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 473 et 505 sont identiques.

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, pour soutenir l’amendement n607.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Je souhaitais simplement dire à M. Favennec, qui a quitté l’hémicycle, que la cantine du ministère s’approvisionne à 75 % en produits français. Cette proportion est de 100 % pour la viande à l’exception de l’agneau, 100 % pour le lait et les légumes frais, 70 % pour les fruits frais et 100 % pour le pain. Telle est la réponse précise à sa question.

M. Marc Le Fur. Et la viande ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je l’ai dit, 100 % de la viande est française.

M. Marc Le Fur. Et la viande de porc, d’où vient-elle ?

M. Jacques Lamblin. Et l’agneau ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. M. Favennec avançait quant à lui le chiffre de 60 % ; je tenais à lui répondre, voilà qui est fait.

M. le président. Venons-en à l’amendement, monsieur le ministre, je vous prie.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement a pour objet de rétablir les crédits associés aux mesures du CIOM, le conseil interministériel de l’outre-mer, en faveur de la diversification agricole. C’est le débat que nous avons eu en commission élargie et ce sujet est important pour tous les élus de l’outre-mer.

Je vous propose que les 6 millions d’euros qui étaient prélevés sur le programme d’investissement d’avenir soient rétablis là où nous le proposons, afin que l’outre-mer bénéficie d’un soutien pour la filière sucre et la diversification agricole.

Mme Frédérique Massat. Très bien !

M. le président. Dans la discussion commune, nous en venons à deux amendements identiques, nos 473 et 505.

La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement n473.

Mme Chantal Berthelot. Je ne peux bien sûr que me satisfaire de ce que propose le Gouvernement dans son amendement, et ce, je tiens à le préciser, au nom de tous les parlementaires des outre-mer et des socioprofessionnels. Ces derniers s’étaient en effet inquiétés – et vous comprenez bien pourquoi, monsieur le ministre – de la modification de la règle budgétaire et du passage à une logique d’investissement, alors que jusqu’à présent on était sur une logique d’accompagnement des producteurs. Cet amendement est donc une bonne chose.

Dans ces conditions, je retire l’amendement qui avait été déposé et je remercie le Gouvernement de son écoute et de cette réponse positive.

(L’amendement n473 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n505.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Bien entendu, au nom de la commission des affaires économiques, je ne peux que retirer l’amendement que nous avions voté.

Nous avions trouvé comme solution, pour rester en conformité avec l’article 40 de la Constitution, un fléchage différent des crédits, puisque ces derniers étaient transférés du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » vers le programme « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires » pour accompagner la filière sucrière, la fin des quotas sucriers et la diversification agricole dans les départements et régions d’outre-mer.

Il est bien évident que, le Gouvernement nous proposant les 6 millions d’euros sans pour autant modifier le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture », nous retirons notre amendement.

(L’amendement n505 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n607.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Tout d’abord, la commission n’a pas examiné cet amendement, puisqu’il vient d’être déposé. Cela étant dit, je ferai deux observations.

Le Gouvernement avait retiré 6 millions d’euros des lignes de crédit associées à la filière sucre et à la diversification agricole des outre-mer pour les redéployer sur un programme d’investissement d’avenir. Alors que j’avais quelques doutes sur la possibilité de le faire, le Gouvernement dépose cet amendement. Il me paraît plus sûr de prévoir ces crédits dans le budget plutôt que de les imputer sur le PIA, pour lequel les procédures sont souvent compliquées et longues. À titre personnel, donc, l’avis est favorable.

Cependant, monsieur le ministre, le dernier alinéa de votre exposé des motifs m’inquiète : « Le Gouvernement proposera de compenser intégralement ces dépenses supplémentaires dans la suite des débats de manière à garantir le respect de la norme de dépenses de l’État. » Vous avez en effet tous remarqué qu’on augmentait les crédits de 6 millions d’euros sans prévoir de diminution des dépenses d’un montant équivalent.

Ma question est la suivante, monsieur le ministre : sur quelles lignes de crédit, au sein de votre ministère ou ailleurs, envisagez-vous une réduction de 6 millions d’euros ?

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je souhaite aborder un aspect plus technique de nos discussions. J’ai constaté qu’il y avait un peu de cafouillage dans la distribution des amendements. Par exemple, je ne dispose pas de l’amendement du Gouvernement ; je vais donc avoir quelque difficulté à me prononcer à son sujet.

M. Marc Le Fur. Nous n’avons rien !

M. Antoine Herth. Nous avons cependant compris, en écoutant M. le ministre, quelle était la teneur du débat, et je ne voudrais pas bloquer inutilement la discussion. J’aimerais simplement, monsieur le président, que vous vous assuriez que pour la suite, l’ensemble des députés présents disposent des amendements en discussion.

M. le président. Cher collègue, l’amendement n607 du Gouvernement était déjà dans la liasse initiale ; il ne fait donc pas partie de ceux qui sont arrivés plus tard. Je vous enjoins donc de consulter la liasse qui avait été distribuée initialement.

M. Thierry Benoit. Et qu’en est-il de la réponse du ministre ? Où trouvera-t-il les 6 millions d’euros ?

(L’amendement n607 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur spécial.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Monsieur le président, j’ai posé une question importante à laquelle le ministre était sur le point de répondre, et vous ne lui avez pas donné la parole. Il serait intéressant de connaître cette réponse, même si le vote a déjà eu lieu.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, il me revient de donner la parole quand on me la demande. Puisque la parole ne m’a pas été demandée, nous passons à l’examen de l’amendement suivant.

La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n289.

M. Guénhaël Huet. Cet amendement concerne les subventions aux assurances climatiques. Dans le cadre de la politique agricole commune, les subventions aux assurances climatiques peuvent représenter au maximum 65 % du coût de l’assurance.

L’an dernier, chacun s’en souvient, les crédits d’engagement de 19,3 millions d’euros avaient permis de mobiliser près de 60 millions d’euros de cofinancements européens, soit une enveloppe totale de 77,2 millions d’euros, alors que les besoins totaux pour subventionner les contrats à 65 % ont finalement représenté 105,2 millions d’euros, donc bien loin de la somme qui avait été récoltée.

Pour 2015, les crédits d’engagement de la France, fixés à 24,3 millions d’euros, sont en hausse de 26 % par rapport à 2014 et devraient permettre de mobiliser un cofinancement européen de près de 73 millions d’euros pour reconstituer une enveloppe totale de 97,2 millions d’euros.

La proposition qui est faite au travers de cet amendement est d’augmenter les crédits de 10 millions d’euros afin que notre pays puisse souscrire l’intégralité des financements nécessaires aux subventions aux assurances climatiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. M. Huet aborde un problème déjà soulevé en commission et dans le rapport : l’insuffisance des crédits pour permettre une prise en charge à hauteur de 65 % du coût de l’assurance – plafond imposé par le droit communautaire –, sur les fonds nationaux et européens. En 2014, le coût théorique a été de 105 millions. M. le ministre a dit et redit, notamment lors de son audition, qu’il était favorable au développement et à l’utilisation maximale de cette possibilité. La commission a émis un avis hélas défavorable – elle a rejeté un amendement identique que j’avais déposé –, mais à titre personnel, je suis favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Avis défavorable. Cinq millions d’euros ont été ajoutés, ce qui a permis de lever 20 millions d’euros supplémentaires et de porter l’enveloppe dédiée à la gestion des crises de 80 à 100 millions d’euros. La question est toujours la même : quels sont les besoins que font naître ces crises ? Nous avons calibré l’enveloppe sur ceux des années passées. Nous disposons de 100 millions d’euros pour faire face.

Cela n’occulte pas le débat sur ce que j’ai appelé le contrat socle, la mise en place d’une mutualisation de l’assurance pour les agriculteurs. Celle-ci, prévue pour cet hiver, prend plus de temps que prévu, car elle suppose de mobiliser des acteurs financiers, notamment les assurances. Le système assurantiel devrait être opérationnel à l’été 2015. L’objectif demeure le même : protéger et mutualiser les risques.

(L’amendement n289 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 288 et 493.

La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n288.

M. Guénhaël Huet. Cet amendement concerne le fonds d’allégement des charges, le FAC, dont l’abondement est réduit d’année en année depuis deux ou trois ans. En 2009, la priorité de l’État s’était portée sur le FAC, dont le montant avait été doublé et porté à 8 millions. Ce montant, qui ne variait plus, s’est trouvé à son niveau le plus bas en 2014, avec 2,2 millions d’euros.

La chute se prolonge en 2015, avec 1,5 million d’euros. Dans ces conditions, il semble difficile pour le FAC d’assumer ses missions. C’est pourquoi nous proposons que le programme « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires » soit abondé de 6,5 millions, montant pris sur le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture ».

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n493.

M. Thierry Benoit. Cet amendement appelle une question, monsieur le ministre : avec 1,5 million d’euros, le FAC, qui était autrefois abondé à hauteur de 8 millions, peut-il répondre aux divers aléas – crises climatiques, crises conjoncturelles ? Nous proposons un abondement de l’action 12 « Gestion de crises et des aléas de production » du programme 154, afin que le FAC retrouve son niveau de 2012.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le débat a déjà eu lieu en commission. Je rappelle qu’il existe trois fonds : les fonds budgétaires que sont l’AGRIDIFF et le FAC, auxquels il convient d’ajouter le « fonds » MSA, une enveloppe de 30 millions d’euros, dont on parle moins. Afin de faire face aux crises, il a fallu, au deuxième semestre 2014, augmenter les crédits de cette enveloppe – qui sont de 15 millions par semestre – pour les porter à 23 millions d’euros.

Le Gouvernement disposera-t-il des moyens nécessaires pour faire face aux aléas ? Je ne le pense pas et j’ai dit pourquoi dans mon rapport. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement semblable en commission, visant à porter le montant du FAC de 1,5 million à 8 millions. Un débat a eu lieu, au terme duquel la commission a rejeté cet amendement. À titre personnel, je suis donc favorable au présent amendement, mais je prends la parole ici en tant que rapporteur. Il serait intéressant d’entendre M. le ministre s’exprimer sur ces trois fonds et leurs niveaux respectifs, au regard des problèmes sectoriels et individuels qu’il aura à affronter en 2015.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Avis défavorable. Le montant du FAC est stable, il ne baisse pas. Comme l’a expliqué M. le rapporteur, nous disposons de deux lignes budgétaires – l’AGRIDIFF et le FAC –, et de l’enveloppe MSA sur les cotisations, qui a été augmentée de 8 millions en 2014 et qui sera portée à 30 millions en 2015.

Mais vous avez omis de citer un autre fonds, monsieur le rapporteur : le fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, qui s’appuie sur des cotisations agricoles et que l’État abonde.

Je veux rassurer les députés : lors des crises, nombreuses depuis ma prise de fonctions – je pense notamment aux pluies torrentielles dans les Pyrénées –, nous avons mobilisé tous les moyens, sans jamais être pris à défaut. Tout a été fait et mis en œuvre pour réparer et redonner aux agriculteurs leurs capacités de production.

M. Marc Le Fur. Et gouverner, c’est pleuvoir ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Nous n’avons pas compris, monsieur le ministre, comment vous comptiez utiliser ces différents instruments. Le sujet des catastrophes climatiques prend de l’ampleur et, en tant que membre d’un gouvernement qui a mis la lutte contre le réchauffement climatique et l’agro-écologie au cœur de son projet, vous devriez être particulièrement sensible à cette argumentation. Cette année a été particulière, catastrophique notamment pour les producteurs d’huile d’olive.

Vous dites que, l’une des enveloppes ayant augmenté, l’autre peut rester stable – même si celle-ci a quand même un peu diminué. Dans ces conditions, pourquoi être aussi compliqué et ne pas supprimer deux de ces fonds pour n’en garder qu’un ? Mais pour moi, il y a une différence entre le FAC et un fonds financé par les cotisations sociales. Ces fonds n’ont pas la même origine, ils ne sont pas utilisés de la même façon ni sur les mêmes critères.

M. Patrice Verchère. Très bien !

M. Thierry Benoit. Il n’a pas tort.

M. Julien Aubert. Pour pouvoir voter en âme et conscience, je voudrais savoir quelle différence vous faites entre ces deux leviers et pourquoi vous privilégiez l’un plutôt que l’autre, sachant que derrière, des questions se posent de manière très concrète pour nos agriculteurs.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Du Aubert pur sucre !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, à la faveur de cet amendement sur le fonds d’allégement des charges, je voudrais évoquer un sujet qui touche à un autre allégement de charges, en l’espèce le crédit d’impôt pour congé des associés de GAEC, les Groupement agricole d’exploitation en commun. Je viens d’apprendre que l’amendement que je souhaitais défendre avait été déclaré irrecevable. Mais le problème existe et les agriculteurs seront attentifs à votre réponse.

Les GAEC sont caractérisés par le principe de la transparence – un dossier sur lequel nous avons mené un combat commun –, désormais reconnu au niveau européen. Ce principe s’applique, selon des modalités diverses, dans des domaines aussi variés que les seuils d’imposition, les plafonds d’exonération des plus-values professionnelles, les plafonds de déduction pour investissement, ou de déduction pour aléas, le crédit d’impôt agriculture biologique, etc. Mais rien n’est prévu pour le crédit d’impôt pour congé.

Ne pouvant défendre formellement cet amendement, je souhaiterais, monsieur le ministre, recueillir votre avis sur la question et savoir si le principe de la transparence peut s’appliquer également au crédit d’impôt pour congé.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Aubert, je n’ai pas tout compris de votre question. Il est sûr qu’il existe différents fonds et les allégements de cotisations sociales sont des allégements de cotisations sociales ! Tout doit être fait pour aider les agriculteurs en difficulté ; chaque fonds doit être mobilisé.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas la même solidarité : dans un cas, elle est intraprofessionnelle, dans l’autre, extraprofessionnelle !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il s’agit quand même de solidarité. Et dans ce domaine, je ne crois pas que vous ayez de grandes leçons à nous donner. Nous avons plus d’expérience que vous ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Sur la solidarité gouvernementale ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame Genevard, j’examinerai la question, mais elle est d’ordre fiscal et ne peut être abordée aujourd’hui.

(Les amendements identiques nos 288 et 493 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour soutenir l’amendement n287.

M. Guénhaël Huet. Les crédits de l’AGRIDIFF ont fortement diminué. En 2014, ils n’étaient plus que de 1,8 million d’euros et le même montant est programmé pour 2015. C’est nettement insuffisant, compte tenu de la situation actuelle. Nous proposons d’augmenter les crédits de 2,2 millions d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. J’ai déposé un amendement semblable, que la commission a rejeté. Si je suis, à titre personnel, favorable à cet amendement, la commission a émis un avis défavorable.

Monsieur le ministre, je persiste à penser que vous aurez besoin de davantage de crédits. Vous en viendrez certainement à redéployer des crédits pris sur la réserve en cours d’année. Je maintiens la question à laquelle vous n’avez pas encore répondu : qu’allez-vous faire des 6 millions d’euros ? Nous souhaiterions le savoir avant de passer au vote.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. J’apprécie les débats en commission, mais si l’on ne peut plus avoir de débat dans l’hémicycle, ne faut-il pas mieux supprimer la séance publique ? Cet amendement concerne les agriculteurs en difficulté. Vous vous êtes livré, monsieur le ministre, à un jeu de bonneteau en mélangeant les fonds et en évitant de répondre au fond du problème : quel outil doit-on utiliser, en fonction de quel but politique ? Pourquoi refusez-vous d’augmenter les moyens des dispositifs d’aide aux agriculteurs en difficulté ? Avec quel autre type d’instruments les aiderez-vous ?

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Il est certain que notre agriculture sera de plus en plus soumise aux aléas, aux incertitudes et aux variations considérables de revenus. Il existe plusieurs formules pour y répondre. Seuls les fonds budgétaires peuvent aider les agriculteurs les plus modestes. J’insiste sur l’importance des fonds AGRIDIFF, qui permettent de résoudre des problèmes économiques et sociaux considérables.

M. Thierry Benoit. Il a raison !

M. Marc Le Fur. Si vous choisissez de ne pas augmenter ces fonds, j’espère que vous bougerez sur les dispositifs fiscaux qui peuvent également constituer des amortisseurs. J’ai bien noté que vous les avez évoqués de façon positive. Avec François André, nous avons commencé de travailler sur cette question lundi dernier et nous invitons ceux que cela intéresse à nous rejoindre.

On ne peut dire non à tout, monsieur le ministre. Il faut de véritables évolutions et ce, dans un calendrier précis, dès la loi de finances rectificative, de façon à ce que cela s’applique dès cette année. Comprenez bien que si vous nous renvoyez à un débat intellectuel dont les implications ne pourront intervenir qu’en 2016, cela ne nous satisfait pas. L’année à venir sera redoutable pour notre agriculture : même le prix du lait, un pilier en termes de stabilité, après avoir augmenté, baisse, voire s’effondre. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous vous engagiez à prêter une oreille bienveillante – nous ne vous en demandons pas davantage à ce stade – aux propositions précises et responsables…

M. Julien Aubert. et constructives !

M. Marc Le Fur. …que nous ferons lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. C’est bien cette échéance que je veux vous entendre évoquer.

(L’amendement n287 n’est pas adopté.)

(Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » sont adoptés.)

Article 47

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 206, 238, 279 et 285.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n206.

M. Marc Le Fur. Cet article est connu en ce qu’il vise à supprimer les contrats vendanges mais il ne porte pas préjudice aux seuls vignerons, dont je suis par ailleurs solidaire. Les entreprises de travaux agricoles et celles de travaux forestiers sont également très inquiètes. M. Alauzet parlait à l’instant de la forêt : ce secteur sera lui aussi touché par les dispositions de cet article qui, si elles étaient adoptées, pourraient remettre en cause l’ensemble des emplois saisonniers.

En effet, les entreprises de travaux agricoles emploient elles aussi des saisonniers pour ramasser les fruits, récolter la moisson, ensiler le maïs, et elles bénéficiaient, jusqu’à présent, d’un dispositif encourageant. La suppression de ce dispositif se traduira, soit par un surcoût pour les entreprises de travaux agricoles et donc pour leurs clients, soit par la concurrence déloyale de salariés venus d’Europe voire même non européens.

Monsieur le ministre, vous devez prendre en considération cette préoccupation car les entreprises de travaux agricoles, trop souvent oubliées, sont créatrices d’emploi, pourvoyeuses d’activité. Elles emploient des gens courageux, qui travaillent dur, se lèvent tôt et se couchent tard, au rythme des moissons qui peuvent s’achever à trois heures ou quatre heures du matin. C’est cela la réalité de nos campagnes.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 206, 238, 279 et 285, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour soutenir l’amendement n238.

M. Philippe Armand Martin. Cet amendement tend à supprimer cet article qui modifie les dispositions relatives aux travaux saisonniers. Depuis 2013, l’emploi saisonnier a déjà fait l’objet de diverses mesures qui ont affecté la compétitivité de nombreuses entreprises viticoles et agricoles. Rappelons que le coût de l’emploi saisonnier agricole en France est 80 % plus élevé qu’en Allemagne, 39 % qu’en Espagne, et 49 % qu’en Belgique.

Le contrat vendanges a été instauré il y a douze ans pour répondre à deux objectifs : augmenter la rémunération nette des salariés en instaurant des exonérations de cotisations salariales et faciliter le recrutement des vendangeurs.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’était avant le CICE !

M. Philippe Armand Martin. Or, vous avez supprimé en 2013 les exonérations de cotisations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ce qui a porté le taux de charge patronale de 5 à 8,4 %. Voilà pourquoi il était question tout à l’heure de prestataires étrangers : vous aviez déjà modifié ce contrat vendanges.

De surcroît, le plafond de l’exonération est passé de 2,5 SMIC, avec une dégressivité de l’exonération jusqu’à 3 SMIC, à 1,25 SMIC et une dégressivité jusqu’à 1,5 SMIC, ce qui a d’autant plus pénalisé les viticulteurs que les salaires versés aux saisonniers sont supérieurs à 1,25 SMIC dans beaucoup de régions.

Aujourd’hui, non contents d’entraver la compétitivité de l’agriculture et de la viticulture, vous décidez de vous attaquer à l’exonération de cotisations salariales : l’augmentation de près de 8 % des charges représente, dans certaines régions, une perte de 150 euros par salarié durant les vendanges.

Voilà les conséquences, monsieur le ministre : incitation au travail illégal ou au recours aux saisonniers étrangers. Nous n’en serons plus à 50 %, comme vous le disiez, mais bien à 100 % ! Vous aurez tout gagné ! Les entreprises agricoles embaucheront des prestataires étrangers qui relèvent de la réglementation de leur pays et il n’y aura donc pas de cotisations pour les caisses de l’État, elles emploieront des gens du voyage qui poseront des problèmes aux maires des communes ou bien elles utiliseront davantage les machines, au détriment de la qualité des produits. Pas moins de 300 000 vendangeurs sont concernés. Vous serez le fossoyeur de la qualité du raisin ! Comment, ensuite, vanter les produits de nos terroirs à l’étranger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n279.

M. Jacques Lamblin. Nous nous apprêtons, monsieur le ministre, à passer un long moment à tenter d’élaguer ce malheureux article 47 aussi vais-je vous proposer de gagner un temps précieux en le supprimant d’emblée pour que le concept de simplification ne reste pas fumeux.

Vous délivrez, avec cet article, un message désastreux, pour les salariés et pour les agriculteurs, dans le contexte actuel.

Vous prétendiez à l’instant que ce texte était un modèle de solidarité mais quel choix restera-t-il aux entrepreneurs ? Diminuer le salaire net des salariés s’ils veulent conserver à l’identique la masse salariale ou maintenir le salaire – ce qu’ils feront dans leur grande majorité – et augmenter ainsi la masse salariale et, par conséquent, le coût du travail.

Les entreprises de travaux agricoles qui se chargent de moissonner devront répercuter la hausse du coût de la récolte sur les céréaliculteurs, ce qui ne tombe pas très bien en ce moment.

Celles qui récoltent le maïs répercuteront l’augmentation sur les éleveurs, en particulier les éleveurs laitiers, ce qui n’est pas une bonne nouvelle non plus. Et il en ira de même pour les producteurs de fruits, confrontés de surcroît à la concurrence allemande.

Bref, cet article représente un véritable désastre pour les céréaliers et les agriculteurs – je ne reviens pas sur les vendangeurs mais le problème est le même –, aussi convient-il de l’abolir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n285.

M. Antoine Herth. Je ne reprendrai pas les arguments de mes collègues mais je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, de mon malaise face à cet article qui opère une discrimination entre les coopératives d’utilisation de matériels agricoles – CUMA – et les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers – ETARF. Les frontières sont parfois assez floues entre ces deux formes de mécanisation des travaux en milieu rural et chaque fois que nous introduisons un déséquilibre dans leur traitement, nous ouvrons la voie à des divergences sur le terrain. Je crains que vous ne relanciez le conflit dans ce domaine. Je le regrette et je souhaite à mon tour que cet article soit supprimé.

Surtout, vous prétendez que le CICE ne rend plus nécessaire l’exonération de charges mais j’aimerais connaître, une fois pour toutes, l’impact du CICE dans le monde agricole. Tout le monde nous en parle mais vos propos sont lapidaires et les témoignages que nous recevons vont à l’encontre de ce que vous nous affirmez ici. Avant de retirer aux agriculteurs les aides dont ils bénéficient au profit d’un CICE, j’aimerais qu’on maintienne les bénéfices actuels et qu’on prenne exemple sur le Sénat qui vient de supprimer le compte pénibilité. Voilà une belle avancée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Ces amendements n’ont pas été examinés en commission mais je voudrais éclairer le débat. Cet article 47, longuement débattu en commission, comporte deux mesures, de natures très différentes. La première, relative aux ETARF, consiste à supprimer les exonérations de cotisations patronales dont ne bénéficiait qu’une partie de ces établissements, puisqu’il fallait remplir deux conditions – un salaire inférieur à 1,5 SMIC pour moins de 119 jours de travail.

Quels sont les arguments du Gouvernement ? Selon l’étude d’impact, il s’agirait de lutter contre l’effet d’aubaine et le travail clandestin.

S’agissant de l’effet d’aubaine, je ne comprends pas ce qui est écrit dans l’étude d’impact : ces entreprises seraient mal gérées puisqu’elles ne justifient pas le recours à des salariés permanents. L’argument tombe justement puisque l’emploi saisonnier étant limité à 119 jours, il ne peut pas être permanent !

M. Stéphane Le Foll, ministre. D’où l’effet d’aubaine !

M. Nicolas Dhuicq. Mais on ne va pas vendanger toute l’année !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Quant à votre deuxième argument qui tient à la lutte contre le travail clandestin, la suppression de l’exonération de cotisations sociales patronales encouragera au contraire les entreprises à y recourir car le travail coûtera plus cher.

Une deuxième mesure, d’une nature différente, vise, non pas à supprimer le contrat vendanges comme j’ai pu l’entendre, mais les exonérations de cotisations salariales sur les salaires des vendangeurs. Selon l’étude d’impact, le Gouvernement aurait voulu tirer les conséquences de la récente décision du Conseil constitutionnel, lequel a annulé une mesure du Gouvernement après avoir considéré que les cotisations sociales des salariés ne pouvaient être dégressives lorsque les prestations correspondantes ne l’étaient pas.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Or, cet argument n’est pas du tout valable en l’espèce car les cotisations payées par les salariés dans le cadre des contrats vendanges n’ouvrent droit à aucun droit social.

M. le président. Veuillez conclure. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. En matière d’assurance maladie, ils sont tous déjà assurés. Quant à l’assurance vieillesse, il faut travailler 150 heures pour que des droits s’ouvrent. Or, ils sont en dessous.

M. le président. Je vous demande de donner l’avis de la commission. Ne m’obligez pas à vous couper la parole.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Je ne cherche qu’à nous faire gagner du temps par la suite.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé. Mais rien ne vous empêchera d’intervenir à nouveau.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le second argument juridique ne tient pas plus que le premier, car la suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu n’a rien à voir avec ce qui nous occupe aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Avis défavorable. L’anticipation du crédit d’impôt compétitivité emploi et du pacte de responsabilité avec les allégements de charge dès le début de l’année 2015 donnent un ensemble de dispositions qui profiteront directement aux entreprises agricoles, ce qui représente un allégement du coût de travail de plus d’1,4 milliard d’euros mais nous vous donnerons le détail région par région, OTEX – orientation technico-économique des exploitations – par OTEX.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Chaque député saura ainsi qui bénéficie de ces mesures et à quelle hauteur.

Pour résumer, les dispositions relatives au CICE et aux charges sociales représentent un coût d’1,4 milliard, dont 109 millions pour la viticulture. Le dispositif TO-DE est évalué à 0,4 milliard avec 123 millions dédiés à la viticulture. À ces mesures s’ajoutent les 102 millions d’exonérations « Fillon ». Au total, 344 millions d’euros bénéficieront à la viticulture, soit 60 millions d’euros d’aides aux entreprises viticoles en plus par rapport à 2014.

Bien sûr, l’on pourra toujours dire que ces dispositions ne suffisent pas. Il faudrait ajouter encore les 17 millions liés au contrat vendanges, et pourquoi pas toutes les aides qui auraient pu ne pas être supprimées ! Soyons cohérents !

M. Jean-Luc Laurent. Il ne faut pas pousser le bouchon trop loin !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je l’ai dit : on ne peut pas ajouter sans fin des aides aux aides et considérer que tout doit se rapporter à la seule question des aides ! Les aides transversales qui sont prévues sont très importantes et compensent largement les mesures supprimées, même pour ce qui concerne les ETARF ! Il est vrai que dans ces entreprises, que je connais un peu, la moisson peut durer tard dans la nuit. La plupart des employés, toutefois, sont permanents, et la saisonnalité des travaux est parfaitement intégrée en amont. À cet égard, le dispositif d’embauche des travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi ne représente que 20 millions d’euros sur les 400 millions consacrés aux ETARF ! L’enjeu est loin d’être majeur !

Chacun doit donc prendre ses responsabilités. Vous avez fait le choix d’ajouter les aides les unes aux autres sans en supprimer une seule : assumez-le. Je propose quant à moi une méthode différente : une aide générale et transversale est prévue et l’on ne remet pas en cause le contrat vendanges, mais simplement les cotisations sociales payées par les salariés. L’ensemble du dispositif profite à la viticulture. C’est dans ce contexte que le Gouvernement vous propose de procéder par l’article 47 à ces deux modifications. (« Très bien ! » sur certains bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Permettez-moi de constater vos syllogismes, monsieur le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Viendriez-vous du Conseil d’État pour parler ainsi ?

M. Julien Aubert. Vous créez une nouvelle aide – le CICE – tout en nous expliquant que l’on ne saurait ajouter des aides aux aides sans en supprimer certaines. Si la question se pose, c’est bien à cause de vous ! Le problème de votre attitude tient à ce que vous adoptez – ce qui peut se comprendre – une logique macroéconomique : vous nous dites que votre dispositif est général et qu’il dégagera tant et tant de millions ou de milliards. Soit ; nous ne sommes pas ici pour instruire le procès du CICE. La question qui nous importe est celle-ci : il s’agit des agriculteurs, particulièrement les petites exploitations viticoles qui font dans la dentelle en recrutant quelques travailleurs saisonniers avec des délais très courts. Or, le CICE est un dispositif assez lourd qui concerne toutes les entreprises – chacun sait d’ailleurs que c’est La Poste qui en est le principal bénéficiaire. Pensez-vous donc vraiment que l’on puisse vêtir des mêmes habits les petites exploitations viticoles de Vaucluse, du Gard, de l’Aube ou d’ailleurs qui n’emploient que quelques travailleurs saisonniers permanents, et les grandes entreprises qui feront un recours massif au dispositif ? Quant à moi, je ne le pense pas.

Mme Brigitte Allain. Vous n’avez jamais fait la différence !

M. Julien Aubert. Sur le plan juridique, M. le rapporteur a apporté des précisions très utiles qui éclairent bien le débat. Il a fait la preuve qu’il n’existait ni impératif juridique, ni impératif budgétaire. De surcroît, monsieur le ministre, nous avons eu voici deux ans un débat sur les travailleurs saisonniers. Vous prétendiez alors que nous avions tort et qu’il fallait alléger le dispositif en en supprimant certaines mesures. Pourtant, je constate sur le terrain une explosion du travail au noir et du recours aux travailleurs détachés !

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est faux !

M. Julien Aubert. Pas du tout : il vous suffira d’ouvrir les journaux de ce jour pour constater que l’agriculture est en crise et que les agriculteurs en ont ras la casquette !

M. Patrice Verchère. Très bien !

M. Julien Aubert. Cessons donc tout cela, monsieur le ministre, et tâchons d’être concrets !

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. J’entends bien vos arguments, monsieur le ministre, mais au-delà des aspects techniques et financiers que vous soulevez, j’estime que cette mesure aura un effet dévastateur dans l’opinion publique et vous collera aux doigts comme la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

À qui est-ce cela profite, et pour quel gain ? On parle du contrat vendanges, mais le dispositif aura des effets sur tous les salariés saisonniers, soit environ un million de personnes !

S’agissant des vendanges, la Champagne n’est pas seule concernée – même si c’est un vignoble reconnu. L’Aquitaine, la Provence, l’Alsace, l’Anjou, la Bourgogne…

M. Thierry Benoit. N’oublions pas le Jura !

M. Jacques Krabal. Le Gouvernement s’est engagé à lutter contre le chômage, à diminuer les charges salariales et patronales…

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Des cotisations !

M. Jacques Krabal. … et à soutenir les entreprises. Or, que se passera-t-il demain ? Les vignobles seront intégralement mécanisés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout à fait !

M. Jacques Krabal. Que voulons-nous donc ? À qui profite ce contrat vendanges ? Aux salariés les plus défavorisés, aux étudiants et à certains chômeurs !

M. Patrice Verchère. Exactement. Que le Gouvernement fasse donc preuve d’un peu de solidarité !

M. Jacques Krabal. Nous voulons aussi lutter contre l’arrivée de travailleurs détachés venus de pays éloignés : ils sont déjà nombreux, et nous n’en voulons pas davantage ! Or, par ce dispositif, vous allez y contribuer !

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, il y aura un appel d’air.

M. Jacques Krabal. Pour 30 ou 40 millions d’euros, cette mesure ne vaut donc vraiment pas le coup !

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Rémi Delatte. Suivez le bon sens !

M. Jacques Krabal. J’en appelle à la responsabilité individuelle de chacun d’entre nous : il nous faut supprimer l’alinéa 5 de cet article !

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Pourquoi ne pas abroger la Sécurité sociale, pendant que nous y sommes ?

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Bien des choses ont déjà été dites ; je n’en soulignerai que deux. Tout d’abord, cette mesure d’économie somme toute très modeste produira des conséquences et des effets pervers : il se produira un phénomène de mécanisation…

M. Philippe Armand Martin. Évidemment !

M. Michel Piron. … là où c’est possible – les plus petites exploitations y échapperont donc. Surtout, les enjeux de qualité sont loin d’être négligeables, car la vendange à la main disparaîtra dans certains cas.

D’autre part, le deuxième aspect – tout aussi important, notamment pour les plus grandes exploitations – tient à la substitution des saisonniers par les travailleurs détachés. M. Savary et moi-même avons commis sur ce sujet un rapport qui a ensuite donné lieu à des textes que j’ai votés. Aujourd’hui, pourtant, nous sommes en pleine contradiction avec les recommandations formulées dans ce rapport. Je rappelle la règle en vigueur : les charges applicables à un travailleur détaché sont celles de son pays d’origine. Nous savons qu’il y a là une source de considérables distorsions des coûts entre les travailleurs français et les travailleurs détachés.

Or, vous prenez là une mesure qui ne fera qu’accélérer la croissance déjà vertigineuse de l’appel aux travailleurs détachés au détriment – disons-le clairement – des travailleurs français qui, certes, ne représentent pas du tout le même coût, mais qui trouvaient dans ce secteur un travail fort utile. Ainsi, le signal que vous envoyez aujourd’hui est totalement contradictoire avec celui que vous avez envoyé dans le cadre d’une précédente loi. Je ne comprends pas cette mesure !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Comme de nombreux collègues, je m’interroge sur la suppression de ce dispositif, car j’estime que les arguments avancés sont tous rejetables. Le Gouvernement adopte la logique suivante : augmenter le coût du travail, au risque de pénaliser les travailleurs saisonniers. Encore une fois, je cherche à comprendre.

Je ne comprends pas non plus en quoi la suppression de cette exonération mettrait fin à la précarité des travailleurs saisonniers et permettrait de lutter contre le travail clandestin. C’est même l’inverse, comme l’a excellemment précisé M. de Courson dans son rapport.

Je suis tout aussi surpris par l’argument selon lequel il faudrait abroger des dispositifs qui fonctionnent au motif qu’il existe désormais le CICE et le pacte de responsabilité. J’avais cru comprendre, monsieur le ministre, que ces mesures seraient prises en plus des mesures déjà existantes afin de renforcer la compétitivité et de favoriser l’emploi.

Je ne m’attarderai pas sur la question du contrat vendanges, que nous aborderons lors de l’examen des amendements à l’alinéa 5 – dont la logique m’échappe tout autant. Cependant, j’insiste sur le fait que c’est bien l’ensemble de l’article 47 qui pose problème, car il met en danger l’attractivité de certains emplois et crée des ruptures d’égalité.

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary. Je ne souhaite pas mettre le Gouvernement en difficulté et je partage d’ailleurs la conviction de M. le ministre selon laquelle on ne saurait ajouter indéfiniment des aides aux aides.

M. Lionel Tardy. Supprimez donc les contrats aidés !

M. Gilles Savary. On sait bien que dans le secteur agricole, l’aide est automatique quand tout va bien mais exceptionnelle quand tout va mal. Ceux qui perçoivent des aides automatiques quand tout va bien oublient de créer des caisses de caution pour aider ceux qui sont susceptibles d’aller moins bien à un moment donné, comme on l’a vu dans le secteur céréalier qui, ces dernières années, a multiplié les records de revenus, de cours et de productivité, tandis qu’une profusion de subventions asséchait totalement l’élevage, ce qui a incité les organisations agricoles à solliciter des subventions supplémentaires.

M. Antoine Herth. C’est archifaux ! N’importe quoi !

M. Gilles Savary. Sans faire preuve d’égotisme concernant la loi sur les travailleurs détachés, j’estime cependant que l’on ajoute là une aide aux viticulteurs pour retrancher une aide aux salariés agricoles saisonniers. Voilà le sujet ! Il existe aujourd’hui des gens courageux qui vont travailler dans les vignes – je pense à ma circonscription – pour obtenir un complément de revenus. Or, on s’apprête à leur expliquer qu’ils seront remplacés par des travailleurs détachés bénéficiant, eux d’une exonération de droit. C’est un message socialement dévastateur !

M. Jacques Krabal. Absolument !

M. Gilles Savary. On n’encourage pas ceux qui veulent travailler, et l’on décourage ceux qui veulent obtenir un complément de revenus. Je me place donc du point de vue du salarié : j’estime que puisqu’il faut faire des économies, il serait opportun d’aller les chercher dans d’autres crédits budgétaires de l’État en matière agricole qui sont inutiles. Je vous invite par exemple à vous pencher sur les fonds publics que perçoivent certains chais de châteaux prestigieux au titre de l’Organisation commune du marché vitivinicole…

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je suis d’accord !

M. Gilles Savary. … plutôt que de chipoter quelques dizaines ou centaines d’euros concernant les travailleurs détachés. Pour ne pas mettre le Gouvernement en difficulté, je m’abstiendrai de voter en faveur de ces amendements, mais je veux dire toute ma circonspection quant à cette mesure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial pour expliciter l’avis de la commission.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. J’ai rappelé que la commission n’a pas examiné ces amendements. Je dirai simplement deux choses pour éclairer le vote des uns et des autres. S’agissant des ETARF, monsieur le ministre, vous arguez du fait qu’ils bénéficient du CICE. C’est tout à fait exact, mais pourquoi ne supprimez-vous dès lors l’exonération que pour les ETARF, et non pour les autres catégories ? C’est une rupture d’égalité. Pourquoi les exploitants agricoles qui recourent à des travailleurs occasionnels bénéficient-ils encore de la mesure, alors que les ETARF en sont exclus ? Ce n’est pas cohérent !

M. Lionel Tardy. Tout à fait !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Si vous aviez supprimé l’exonération pour tout le monde, on aurait pu y être favorable ou non mais, au moins, vous auriez fait preuve de cohérence.

D’autre part, concernant le contrat vendanges, votre argument tombe puisqu’il s’agit de cotisations salariées, et non de charges patronales. Or, le salarié ne bénéficie aucunement du CICE, qui profite à l’entreprise.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Mettez-vous donc d’accord, monsieur le rapporteur ! Ceux d’entre vous qui argumentent en faveur de la suppression de l’article 47 et du maintien du contrat vendanges dans le dispositif prétendent craindre un appel d’air en faveur de l’embauche de travailleurs détachés. Qui embauche ? C’est le viticulteur, c’est-à-dire l’employeur. C’est lui qui fait le choix !

Vous avez raison, monsieur le rapporteur, d’évoquer la situation du salarié – en contradiction avec les propos que tiennent vos collègues. M. Savary a justement eu le mérite de se placer du point de vue du salarié. On ne peut pas dire tout et son contraire ! On ne peut pas prétendre que la compétitivité de la viticulture est remise en cause et, dans le même temps, craindre un appel d’air en faveur des travailleurs détachés. Qui embauche les salariés ? C’est l’employeur, qui touchera davantage d’aides tandis que le coût du travail dans la viticulture diminuera grâce à ces mesures.

M. Philippe Armand Martin. Les salariés, eux, ne toucheront plus rien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le sujet n’est pas là : nous parlons des travailleurs qui viennent travailler en France. À cet égard, j’espère – mais je n’ai pas vérifié – que les exonérations de cotisations prévues dans le contrat vendanges servaient à rehausser les salaires des travailleurs ! (Exclamations sur divers bancs.)

Mme Catherine Quéré. Oui, de 8 % !

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est à vérifier.

Quoi qu’il en soit, notre débat porte sur le salarié, et non sur la viticulture. Sinon, qu’en serait-il des salariés qui font le ramassage des pommes dans mon département de la Sarthe ? Croyez-vous qu’il s’agit là d’un exercice plus facile que les vendanges ? Ou qu’il est plus facile de ramasser des fraises ?

Il se pose donc un problème d’égalité. Nous mettons en œuvre une mesure générale sur la première tranche de l’impôt, qui se substitue à la modulation des cotisations sociales qui était prévue – et que vous avez contestée en saisissant le Conseil constitutionnel. Elle doit s’appliquer à tous ; c’est une question d’égalité. Je comprends que l’on ait besoin de main-d’œuvre dans le secteur du champagne, mais cela ne change rien pour l’employeur !

M. Philippe Armand Martin. Mais pour les travailleurs salariés, si !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Au contraire, l’employeur bénéficiera d’une baisse du coût du travail. Il n’est donc pas concerné.

M. Philippe Armand Martin. On ne trouvera plus de salariés !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous confondez plusieurs choses et vos arguments ne tiennent pas debout. J’ajoute que les départements qui bénéficient le plus du dispositif du contrat vendanges sont la Marne, avec 28 % du total, et la Gironde avec 10 %, contre à peine 1 % en Alsace.

M. Philippe Armand Martin. Mais nous exportons pour 2,5 milliards d’euros !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je tiens à votre disposition l’ensemble des statistiques du dispositif. Je comprends vos propos, mais ne faites pas croire dans un débat comme celui-ci que l’on mettrait en péril la qualité du vin ou notre capacité à exporter !

M. Philippe Armand Martin. Bien sûr que si !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous jouez dans un débat politicien dans lequel je ne m’engagerai pas. Je reste fidèle à ma position : la grande question est celle de la compétitivité et de l’ensemble du dispositif de l’emploi – crédit d’impôt et exonérations de cotisations sociales – qui est indispensable et qu’il faut soutenir.

Mme Marie-Christine Dalloz. Justement !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Sur ces questions spécifiques, des réponses sont données. Je maintiens donc la position dont je vous ai fait part.

Le contrat vendanges représente 17 millions d’euros. Messieurs les députés, faites des propositions pour équilibrer cette dépense ! Vous avez évoqué les aides données aux grands chais : si elles sont de trop, je suis tout à fait d’accord pour examiner leur suppression.

M. Gilles Savary. Oui, il faut le faire !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais en l’état, ma position reste inchangée.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 206, 238, 279 et 285.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants48
Nombre de suffrages exprimés44
Majorité absolue23
Pour l’adoption20
contre24

(Les amendements identiques nos 206, 238, 279 et 285 ne sont pas adoptés.)

M. Marc Le Fur. C’était serré !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ils ont bien fait d’en rappeler quelques-uns !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 511, 270, 490 et 600.

La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n511.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission des finances. Il tend à maintenir les exonérations de la part salariale des cotisations sociales pour les salariés en contrat vendanges.

Le premier argument en faveur de cette mesure est d’ordre social. Comme l’a rappelé tout à l’heure notre collègue de l’Aisne, pour ses bénéficiaires, qui sont un peu plus de 300 000, le contrat vendanges représente en moyenne un gain de 650 euros. La suppression de l’exonération des cotisations salariales – qui coûte 16,7 millions d’euros – représenterait en moyenne, pour chacun de ces vendangeurs, une perte de revenus de 8 %, soit 52 euros. Or il s’agit de gens modestes : des étudiants, des demandeurs d’emploi.

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Je le précise, car en commission, le ministre a évoqué la suppression, par la loi de finances, de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Mais cette mesure concerne fort peu les 300 000 bénéficiaires du contrat vendanges, dont la plupart sont non imposables.

M. Michel Piron. Absolument !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. D’un point de vue social, voter la suppression de l’exonération de charges revient à diminuer de 52 euros, ou de 8 %, la rémunération des vendangeurs. Cela n’affecte en rien le patron.

Le deuxième argument est international. Dans toute la France, on voit se développer le recours aux prestataires de service étrangers qui, bénéficiant du statut de travailleurs détachés, relèvent du régime social de leur pays d’origine. Ce sont des Polonais, des Hongrois, des Tchèques, des Espagnols – il y a de tout.

Mme Marie-Christine Dalloz. Des Portugais !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Or si vous supprimez l’exonération de charges, vous allez rendre moins attractive l’activité de vendangeur pour les travailleurs français.

Enfin, le troisième argument, de nature économique, soulève peut-être la question la plus grave. Plusieurs AOC ont interdit la mécanisation pour des raisons liées notamment à l’image de marque. Si l’article est adopté en l’état, elles seront conduites à lever cette interdiction. Dès lors, il n’y aura plus de problème, puisqu’il n’y aura plus d’emplois !

M. Julien Aubert et M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. Lionel Tardy. C’est d’une logique implacable !

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n270.

M. Jacques Lamblin. L’article 47 vise notamment à exclure les ETARF du champ d’application du dispositif d’exonération en faveur de l’emploi saisonnier agricole, mais par sa rédaction, il s’applique également aux sylviculteurs qui emploient directement des travailleurs saisonniers. Je vous suggère de modifier ce point.

J’en profite également pour revenir sur les problèmes rencontrés par la filière bois. Des dispositions ont été prises dans la loi de modernisation de l’agriculture afin de favoriser la contractualisation pour la vente de bois issu des forêts publiques. L’objectif était de lutter contre les exportations sauvages vers des pays tels que la Chine. Il serait nécessaire d’aller plus loin dans cette direction.

S’agissant à la forêt privée, le problème est différent, tant est incontestable la volonté des propriétaires forestiers privés de s’impliquer dans la filière aval, que ce soit au niveau du sciage ou de l’industrie, afin de la préserver. Or vos propositions auront pour effet de retirer des moyens à ce secteur en réduisant les fonds dont disposent les centres régionaux de la propriété forestière. Une telle politique va à l’encontre de votre volonté de mettre un frein à l’exportation de bois, qui risque de mettre à mal notre filière de transformation.

Certes, aujourd’hui les Chinois paient le bois un bon prix, mais soyez sûrs qu’il n’en sera plus de même dans quelques années, lorsqu’il n’y aura plus de scieries en France : ils s’approvisionneront alors à bon compte. Le programme est déjà dans les tuyaux !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n490.

M. Thierry Benoit. Cet amendement, cosigné par le rapporteur spécial de la commission des finances, Charles de Courson, est identique à l’amendement n511.

La majorité des députés souhaite supprimer l’exonération de la part salariale des cotisations sociales dont bénéficient les salariés saisonniers. L’amendement que je défends est d’une précision chirurgicale : nous proposons d’exclure les salariés de la filière forestière, et notamment les sylviculteurs, du champ d’application de l’article 47. En effet, dans sa rédaction actuelle, il s’applique à toutes les entreprises des travaux agricoles, ruraux et forestiers.

Cette proposition a donné lieu à des débats intéressants en commission qui ont mis au jour la grande attention que portent les députés à la filière bois. J’espère qu’elle se confirmera ici, dans l’hémicycle.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n600.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques a adopté l’amendement présenté notamment par notre collègue Benoît. Il est légitime au regard des difficultés d’exploitation de la forêt sur nos territoires. Chacun de nous connaît en effet la situation des derniers bûcherons, qui éprouvent les pires difficultés à percevoir un revenu correct. Or ils sont organisés en entreprises de travaux forestiers – des entreprises individuelles. Il me paraît tout à fait justifié de maintenir l’avantage dont ils bénéficient.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Je veux revenir sur le premier amendement de cette série, concernant la suppression des exonérations de cotisations sociales salariales pour les vendangeurs.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Ce n’est plus le sujet !

Mme Brigitte Allain. J’ai entendu des propos assez incroyables ! Ainsi, des appellations d’origine contrôlées qui ont imposé la vendange manuelle pourraient revenir sur cette décision. Mais il faut savoir de quoi l’on parle. Dans ma région, par exemple, deux AOC sont soumises à cette obligation : Monbazillac et Saussignac. Elles procèdent en effet à des tris successifs – il s’agit de vendange qualitative.

M. Michel Piron. Très bien !

Mme Brigitte Allain. Dans ce but, elles font appel à des vendangeurs habitués, habitants de la région ou gens du voyage. J’ai d’ailleurs entendu à propos de ces derniers des paroles très choquantes tout à l’heure. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ces vendangeurs travaillent très bien et reviennent d’ailleurs chaque année.

Or ce sont aussi des personnes responsables. Ce n’est pas parce qu’ils travaillent et cotisent par ailleurs qu’ils souhaitent obtenir des remises de cotisations. Comme tout le monde, ils veulent contribuer à l’effort national et financer notre santé, nos retraites, nos congés.

Soyons clairs : ce n’est pas cette mesure qui va remettre en cause les modes de production dans les AOC qui font du qualitatif. Ce sont les orientations politiques, à un moment donné, qui décident d’accorder des d’exonérations ici ou là. Il s’agit de choix politiques, et il est naturel que les nouvelles décisions, lorsqu’elles sont prises, conduisent à remettre en cause certains choix effectués auparavant.

Ainsi, il est légitime de se demander pourquoi un vendangeur toucherait des aides supplémentaires par rapport à un ramasseur de pommes, de cerises, ou de fraises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(Les amendements identiques nos 511, 270, 490 et 600 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 491, 530 et 500, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 491 et 530 sont identiques.

La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n491.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, nous vous proposons de poursuivre notre travail chirurgical. (Sourires.) Alors que les députés de la majorité ont décidé de supprimer l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les emplois saisonniers, nous venons d’exclure la filière forestière du champ de cette mesure. Nous vous proposons maintenant d’en faire autant pour les vendangeurs.

Monsieur le ministre, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi devient un peu le joker, voire la tarte à la crème du Gouvernement.

M. François André. Il coûte tout de même 20 milliards d’euros. Cela fait beaucoup de crème !

M. Thierry Benoit. On nous affirme que les problèmes de compétitivité et de revenus des salariés en France ont été réglés par le CICE. Mais comme l’a rappelé Charles de Courson, ce crédit d’impôt bénéficie aux entreprises, et non pas aux salariés.

Monsieur le ministre, vous avez commencé à ouvrir un débat qu’il faut approfondir. Nous avons un vrai problème dans ce pays : c’est l’ambivalence qui existe entre la question de l’emploi saisonnier et celle des travailleurs détachés. Et cela vaut pour les vendangeurs. Car le vin de paille, dans le Jura, qui doit se vendanger à la main, ou les vendanges tardives en Alsace sont des produits hautement qualitatifs.

Vous avez évoqué la récolte des pommes, monsieur le ministre. Mais dans les polders – ma circonscription englobe la partie bretonne de la baie du Mont Saint-Michel –, pour récolter les poireaux ou les salades, il faut se plier en deux. La question de l’attractivité de ces métiers se pose, et explique le recours aux travailleurs détachés pour occuper des emplois saisonniers.

Je vous propose donc d’adopter ces amendements et, plus largement, d’entamer une vraie réflexion sur ce sujet.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 491 et 530, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n530.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. J’avais déposé deux amendements en commission : celui-ci, et celui qui a finalement été adopté par la commission, et qui est devenu l’amendement n512. J’ai déposé à nouveau cet amendement n530 afin qu’il soit débattu en séance publique et me permette de m’exprimer sur deux arguments utilisés par le ministre en faveur de la suppression de l’exonération de cotisations salariées sur les contrats vendanges.

Le ministre a utilisé un argument de nature constitutionnelle. Je le conteste formellement, pour deux raisons. La première est que la récente décision du Conseil constitutionnel à laquelle le ministre nous invite à nous conformer portait sur la progressivité des cotisations. Or il n’y a aucune progressivité en la matière qui nous intéresse, puisqu’il s’agit d’une exonération.

Deuxièmement, cette décision était prise au regard des prestations, et il n’y en a pas non plus en l’espèce. En effet, les bénéficiaires du contrat vendanges se situant en dessous du seuil de 150 heures au SMIC, ils ne se voient ouvrir aucun droit à l’assurance vieillesse. Par ailleurs, ils bénéficient déjà de l’assurance maladie.

Le deuxième argument est celui de la suppression de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Or, permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, cela n’a rien à voir avec notre débat ! Vous faites l’hypothèse que tous les vendangeurs seraient imposés dans la première tranche ; or la majorité d’entre eux ne sont pas imposables.

M. Michel Piron. Exactement !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Ainsi, les deux arguments que vous avez utilisés tombent.

Je suis prêt à retirer, comme je l’ai fait en commission, mon amendement n530 au profit de l’amendement n512 déposé par nos collègues socialistes et adopté par la commission. Ce n’est pas un problème, mais je voulais préciser ces quelques éléments avant de passer au vote.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n500.

M. Antoine Herth. Je partage les arguments qui viennent d’être développés.

Monsieur le ministre, cette exonération représente 8 % d’argent en plus dans la poche des vendangeurs, ce qui n’est pas négligeable.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Dans la poche des vendangeurs ? En êtes-vous vraiment sûr ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Oui, c’est sûr !

M. Antoine Herth. Vous avez des doutes, monsieur le ministre : vous ne savez pas si l’argent va effectivement dans la poche des vendangeurs. Ce dont on est certain, c’est que la suppression de cette mesure va sortir de l’argent de la poche des vendangeurs, alors que le CICE ira dans la poche du patron – vous l’avez dit vous-même. M. Chassaigne devrait bondir de rage et montrer du doigt les effets de votre politique.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Chassaigne, avec nous !

M. Jean-Yves Caullet. L’employeur n’a pas le choix !

M. Antoine Herth. Je rejoins les arguments qui ont déjà été développés pour défendre cet amendement n500.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Je l’ai dit tout à l’heure : la commission a préféré adopter l’amendement n512 déposé par nos collègues socialistes, qui sera présenté tout à l’heure et qui vise à supprimer l’alinéa 5, plutôt que les amendements nos 491, 530 et 500, qui viennent d’être défendus et qui visent à supprimer les alinéas 4 à 6. À mon avis, ces trois amendements étaient techniquement mieux rédigés, mais peu importe : ils ont tous le même objectif, celui de maintenir la situation existante.

M. Michel Piron. En effet !

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. La commission n’a pas eu à se prononcer sur ces trois amendements, puisqu’ils ont été retirés au profit de l’amendement n512, qui a été adopté par la commission et que nous allons examiner tout à l’heure. Cependant, tous ces amendements sont équivalents.

M. le président. Dois-je en conclure, monsieur Benoit, que l’amendement n491 est retiré ?

M. Thierry Benoit. J’ai besoin d’une précision, monsieur le ministre, car nous parlons là de chirurgie. Je demande à vos services de bien regarder : notre amendement n491 propose de supprimer les alinéas 4 à 6, de façon à rendre opérationnelle et efficiente l’exclusion des emplois saisonniers dans le cadre des vendanges. Or d’autres amendements ne suppriment que l’alinéa 4, ou les seuls alinéas 4 et 5.

M. le président. Les amendements ont déjà été présentés, monsieur Benoit.

M. Thierry Benoit. Je demande au ministre de m’apporter des explications, car je veux comprendre ce que je vote. L’amendement n491 est complet : le ministre l’accepte-t-il ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le ministre est contre !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il est défavorable. Je veux répondre à l’argument de M. Herth, ainsi qu’aux arguments touchant aux salariés développés en particulier par le groupe UMP, qui a saisi le Conseil constitutionnel d’une mesure générale visant à exonérer les salariés de cotisations sociales.

Mesdames et messieurs les députés du groupe UMP, vous dites que c’est nous qui sommes en contradiction. Or c’était une bonne mesure pour tous les salariés : …

M. François André. Ils l’ont contestée !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …elle permettait d’augmenter les salaires du ramasseur de pommes, du cueilleur de fraises, de l’ouvrier travaillant dans une usine Peugeot-Citroën ou dans une scierie, par exemple. Je le répète : c’était une bonne mesure. Vous avez saisi le Conseil constitutionnel, considérant que cette disposition était mauvaise. Mais aujourd’hui, parce que l’on parle de viticulture et que la Marne est concernée, vous affirmez qu’il s’agit d’une très bonne mesure pour les salariés.

M. Jean-Luc Laurent. C’est trop beau !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Herth, mesdames et messieurs les députés du groupe UMP qui avez saisi le Conseil constitutionnel, le problème est chez vous ! Vous avez remis en cause une mesure que vous défendez aujourd’hui. Bravo ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Bien sûr, le président de votre groupe n’est pas là : il a dû vous entraîner…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Assumez vos responsabilités !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cela ne peut pas marcher ! Je ne sais pas si l’UDI avait suivi l’UMP.

M. Thierry Benoit. Non !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Non, parce que les députés du groupe UDI sont quand même beaucoup plus cohérents dans ce domaine.

Je ne peux pas être favorable à ces amendements, car le problème de l’égalité est maintenant posé. Nous devons être clairs, et nous disposons justement d’aides globales, transversales, visant à soutenir l’emploi et la compétitivité, ce que vous avez toujours demandé. Cette fois-ci, nous devons être cohérents. Si vous l’aviez été dès le début, nous ne discuterions même pas de ce sujet aujourd’hui.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous n’êtes pas cohérent, monsieur le ministre !

M. Thierry Benoit et M. Michel Piron. Nous, nous le sommes !

M. Jean-Luc Laurent. Bravo, monsieur le ministre ! Il faut voter contre ces amendements afin de respecter le principe d’égalité !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, je veux vous apporter un élément technique sur la portée de la décision du Conseil constitutionnel de cet été. Je l’ai relue ce matin, puisque vous nous aviez déjà opposé cet argument en commission.

M. Jean-Patrick Gille. L’argument est massif !

M. Guillaume Larrivé. Dans sa décision du 6 août 2014, le Conseil constitutionnel a censuré la réduction des cotisations salariales pour un tiers des assurés du régime social. Au fond, le Conseil constitutionnel a considéré qu’il n’était pas possible de baisser un tel volume de cotisations salariales de manière indifférenciée. En revanche, il n’a absolument pas écrit que, dans le cadre d’un dispositif spécifique, en l’occurrence le contrat vendanges, un allégement de cotisations salariales était impossible.

Je rappelle que le principe d’égalité permet de traiter de manière différente des situations différentes, selon un critère objectif et rationnel. En l’occurrence, nous parlons d’ici d’une situation différente, celle des travailleurs saisonniers employés dans le cadre de contrats vendanges. Contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, le Conseil constitutionnel n’a absolument pas jugé que ce dispositif méconnaissait un quelconque principe d’égalité. Bien au contraire !

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Puisque mon nom a été fortuitement cité, je veux dire quelques mots en jouant peut-être une musique un peu différente. Pour ma part, je suis très attaché au versement des cotisations sociales, parce que je pense à ce formidable acquis qu’est la Sécurité sociale, mise en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale sur proposition du Conseil national de la Résistance.

M. Jean-Luc Laurent. Eh oui ! Quelle belle réforme !

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Je pense au ministre communiste Ambroise Croizat, qui utilisait cette belle formule : « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Je pense aussi au principe d’universalité : je défends l’universalité des ayants droit, mais soyons aussi très attentifs à ne pas remettre en cause, petit à petit, par des coups de canif successifs, l’universalité des cotisations de Sécurité sociale.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Dès lors, on ouvrirait la voie, de façon progressive, à une sécurité sociale privée. On ferait en sorte que cet immense acquis social disparaisse de notre pays. Je sais que c’est ce que veulent certains : derrière tout cela se cachent des intérêts privés, qui souhaitent se faire de l’argent sur la couverture sociale.

Pour ma part, à chaque fois qu’il est question d’une exonération de cotisation, je me pose la question de son opportunité en tremblant. C’est pour cette raison que je ne voterai pas ces amendements et que je soutiens, sur ce point, la position du Gouvernement, même si je suis dubitatif et sceptique quant à ce que le CICE pourrait apporter à notre pays.

M. le président. Monsieur de Courson, vous avez dit que vous pourriez retirer votre amendement n530. Confirmez-vous ce retrait ?

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Je maintiens mon amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 491 et 530.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants40
Nombre de suffrages exprimés40
Majorité absolue21
Pour l’adoption14
contre26

(Les amendements identiques nos 491 et 530 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n500 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 512, 13, 41, 44, 55, 58, 99, 105, 120, 286, 494 et 501.

La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n512 au nom de la commission des finances.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le débat est un peu compliqué, puisque des amendements ont été retirés en commission et que la commission des finances a adopté à l’unanimité l’amendement n512, qui avait été déposé par nos collègues Terrasse, Grandguillaume et Goua, notamment. Je tiens à rappeler les cinq arguments en jeu dans ce débat.

Le premier est social : ceux qui voteront la suppression de l’exonération de la part salariale des cotisations sociales diminueront le salaire des vendangeurs de 52 euros en moyenne, soit une baisse de 8 %.

Le deuxième argument est économique : on l’a évoqué tout à l’heure.

Le troisième est international : il convient de réagir à l’importation croissante de main-d’œuvre étrangère, par le biais de sociétés de services étrangères, qui offrent en réalité des prestations de services pour une durée limitée.

M. Michel Piron. Absolument !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le personnel étranger qu’elles emploient relève du droit de leur pays d’origine, puisqu’il s’agit de contrats de courte durée.

Les deux derniers arguments, sur lesquels s’est replié le Gouvernement, sont juridiques. L’argument constitutionnel ne tient pas, monsieur le ministre. Je ne vous demande pas de me croire, mais pourquoi le Gouvernement ne saisit-il pas le Conseil constitutionnel sur ce point ?

Votre dernier argument consiste à vous interroger sur la pertinence d’une limitation de cette exonération aux vendangeurs : pourquoi ne pas l’étendre aux ramasseurs de pommes et de poires ? Nous avons déjà eu ce débat en 2001. À l’époque, j’étais dans l’opposition et je fus à l’initiative d’une expérimentation du contrat vendanges.

M. Philippe Armand Martin. Cela fonctionne bien !

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Il avait alors été dit, sur tous les bancs, que ce type de contrat devrait être étendu par la suite, ce qu’aucun gouvernement n’a fait. Vous pouvez donc l’étendre, monsieur le ministre ! Un collègue avait d’ailleurs fait cette célèbre déclaration : « les pommes, les poires et les scoubidous ». Ceux qui aiment la musique comprendront. (Sourires.) L’idée était donc d’étendre le contrat vendanges s’il fonctionnait bien ; il s’avère qu’il fonctionne bien, mais il n’a pas été étendu.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n13.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, je suis l’élu d’un bassin d’emplois qui souffre terriblement. Le secteur du bâtiment et des travaux publics est à l’arrêt, la métallurgie souffre et une commune de 2 000 habitants vient de perdre 300 emplois. Dans cette région, ce sont des salariés aux revenus modestes, parfois des fonctionnaires, des chômeurs ou des personnes qualifiées de « gens du voyage » qui vont faire les vendanges, et qui gagnent quelques euros qui leur sont utiles pour compléter leurs revenus modestes.

Dans leur grande générosité, les socialistes, fascinés comme toujours par les grandes structures – les marxistes, car il faut relire Marx, auraient dit : par « le grand capital » (Murmures sur plusieurs bancs du groupe SRC) –, viennent de retirer brutalement aux vendangeurs 8 à 10 % de leurs revenus. Le Gouvernement et le parti socialiste, ou plutôt la SFIO, ou ce qu’il en reste, sont généreux !

Monsieur le ministre, revenez à la réalité ! Nous vous l’avons dit et nous vous le répétons : vous allez entraîner le recours à la mécanisation, et même pire, à des sociétés de services venues de pays étrangers, comme cela a été dit par M. de Courson, notre excellent collègue et voisin de la Marne – l’Aube produit aussi du champagne, comme vous le savez.

Vous ne faites rien contre la directive sur les travailleurs détachés, qui devient un véritable scandale…

M. François André. Vous n’avez pas de leçon à nous donner sur ce sujet !

M. Nicolas Dhuicq. …et qui touche non seulement les viticulteurs, mais aussi les légumiers, puisque Belges et Allemands viennent exploiter des hectares de terres françaises et que nos entreprises disparaissent. La République fédérale allemande est numéro un dans la production de protéines animales. À cause de la loi, de la politique agricole commune et du traité transatlantique, elle sera aussi numéro un dans la production des céréales et dans tous les domaines. Elle sera numéro un dans l’industrie : l’Allemagne compte quatre fois plus de machines-outils que la France, tandis que l’Italie du nord en compte deux fois plus que la France.

De grâce, monsieur le ministre, écoutez nos arguments : vous ferez une œuvre sociale utile, vous aiderez des gens qui ont peu de moyens.

M. le président. Sur l’amendement n512 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement n41.

M. Patrice Verchère. Nous savons tous que la situation économique impose de réaliser actuellement des économies budgétaires, mais celles-ci ne doivent pas se faire au détriment de l’emploi. Et pourtant, monsieur le ministre, vous vous apprêtez à prendre une mesure qui coûtera cher en emplois. À la recherche d’économies tous azimuts, vous vous apprêtez, malgré la vive opposition de nombreux parlementaires et des viticulteurs de France, à supprimer l’exonération partielle de cotisations sociales attachées aux contrats vendanges.

Initié il y a plus de dix ans, ce dispositif a pourtant fait ses preuves. En effet, il a permis de redonner de l’intérêt à l’activité du vendangeur, car il repose sur un bénéfice direct pour l’employé par une augmentation du salaire net perçu.

Oui, monsieur le ministre, le contrat vendanges permet non seulement de soutenir l’emploi, mais encore d’agir concrètement sur le pouvoir d’achat par une exonération de la part salariale des cotisations d’assurance sociale et par la possibilité de cumuler temporairement deux activités.

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est maintenu.

M. Patrice Verchère. Étudiants, retraités, salariés en congés payés, personnes bénéficiant du RSA ou des allocations chômage, tous peuvent bénéficier de ce contrat avantageux.

Pour les viticulteurs, le contrat vendanges est également appréciable puisqu’ils bénéficient de l’exonération d’une partie des cotisations patronales.

M. François André. Cela ne change pas.

M. Patrice Verchère. Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, les viticulteurs et les travailleurs saisonniers sont inquiets. En 2012, selon les derniers chiffres de la Mutualité sociale agricole, 22 000 entreprises ont signé 315 000 contrats représentant 18,4 millions d’heures et 221 millions d’euros de salaires.

La suppression du contrat vendanges prévue par le Gouvernement, pour réaliser une économie d’environ 20 millions d’euros, aura des conséquences sur l’emploi dans les régions viticoles. Il n’y a pas de petites économies, me direz-vous. C’est vrai. Mais dans le même temps, je constate le Gouvernement augmente de 73 millions d’euros le budget de l’aide médicale d’État. Il en va de même avec la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires, qui a fait perdre près de 60 millions d’euros au budget de l’État.

Monsieur le ministre, si vous supprimez les avantages de ce contrat, vous allez contribuer à diminuer les cotisations versées à la Mutualité sociale agricole, car les viticulteurs auront recours soit à la mécanisation soit aux travailleurs étrangers.

M. François André. On ne voit pas le lien.

M. Patrice Verchère. Force est de constater que les bénéfices du contrat vendanges sont largement supérieurs au bénéfice que vous escomptez tirer de sa suppression.

Les vendanges à la main représentent non seulement un gage de qualité pour nos vins, mais aussi une tradition qui fait partie intégrante de l’histoire de nos vignobles, et plus particulièrement des vignobles du Beaujolais et des coteaux du Lyonnais.

Monsieur le ministre, allez-vous donner un avis favorable à nos amendements ?

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n44.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, il est toujours périlleux de changer une formule qui marche. Grâce au contrat vendanges, le travail saisonnier est attractif, sans augmenter le coût pour l’employeur. De nombreux publics, généralement peu argentés, peuvent en bénéficier. En outre, il permet de répondre à la question de la pénurie de la main-d’œuvre.

À notre sens, il est tout à fait périlleux, je le répète, de toucher à un dispositif qui a largement fait ses preuves.

M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour soutenir l’amendement n55.

M. Philippe Armand Martin. Après avoir déjà avancé de nombreux arguments en faveur du contrat vendanges, je n’ai pas l’impression, monsieur le ministre, que vous ayez compris.

Mme Brigitte Allain. Oh !

M. Philippe Armand Martin. Je vous invite avec vos amis à venir faire les vendanges en Champagne : vous vous rendrez compte du travail que cela représente.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Comme si je ne le savais pas !

M. Philippe Armand Martin. Le contrat vendanges a été mis en place il y a douze ans maintenant et il fonctionnait bien. Sa mise en œuvre devait permettre d’attirer des salariés, car il est de plus en plus difficile de trouver des personnes prêtes à vendanger. Pour les saisonniers de Champagne, le manque à gagner sera d’environ 150 euros pour douze jours de vendange. Cela signifie que l’on ne parviendra plus à recruter.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Il faut les payer davantage !

M. Philippe Armand Martin. Vous mettez en regard de cette suppression la mise en place du CICE. Mais ce dernier ne bénéficie qu’aux seuls chefs d’entreprise, cela a déjà été rappelé. De surcroît, il ne touchera ni les exploitations qui sont au régime du forfait ni les sociétés « translucides ». Quant aux aides liées au pacte de responsabilité, ce ne sont que des paroles car pour l’instant, nous ne voyons rien venir.

Nous, nous nous sommes placés du point de vue des salariés. En effet, nous voulons éviter l’arrivée de la machine à vendanger, qui nuirait à la qualité de nos produits. Vous êtes fier, monsieur le ministre – et je le suis aussi – de vanter à l’étranger les bons produits de notre terroir. Non seulement nous avons les meilleurs vins du monde, mais leur exportation représente 4,5 milliards d’euros. Il faut garder cela à l’esprit, monsieur le ministre.

Dites-nous comment, demain, seront faites les vendanges. Aujourd’hui, nous allons nous tourner vers les prestataires étrangers.

M. Jean-Yves Caullet. C’est votre responsabilité.

M. Philippe Armand Martin. Et vous n’aurez plus de rentrées de cotisations. C’est cela qui arrivera, monsieur le ministre. De surcroît, une partie des viticulteurs aura recours au travail illégal.

M. Patrice Verchère. Vous favorisez l’emploi des étrangers !

M. Philippe Armand Martin. Ce n’est pas ainsi que l’on favorisera l’emploi en France. Cette proposition va à l’encontre de votre idéologie, monsieur le ministre. C’est la raison pour laquelle je vous demande de maintenir ce qui marche. Ce contrat fonctionnait, il faut le laisser en l’état. En outre, il est bénéfique pour les salariés qui n’ont pas de gros revenus.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got, pour soutenir l’amendement n58.

Mme Pascale Got. Je ne vais pas revenir sur les arguments que j’ai présentés en commission. Ce dispositif va dans le sens des intérêts des salariés.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n99.

M. Michel Piron. Le contrat vendanges marchait bien.

M. Patrice Verchère. Il était très simple aussi.

M. Michel Piron. Est-ce son principal tort ? Fonctionnait-il trop bien pour que l’on veuille ainsi le supprimer ?

J’ai bien entendu mon collègue Gilles Savary avec qui nous avons beaucoup travaillé sur les travailleurs détachés. Il vous a rappelé, monsieur le ministre, quelles étaient les personnes concernées par ce contrat. Dans de très nombreux cas, il s’agit de gens très modestes, des salariés de proximité, qui recherchent un complément de revenus. Pour la plupart, ils ne sont pas imposables, comme l’a parfaitement souligné Charles de Courson.

Et c’est à ce public-là que vous vous en prenez ? En fait, vous allez renforcer la position des travailleurs détachés et, plus encore, celle des sociétés qui les envoient. Vos propos sur la relation employeur-salarié relèvent vraiment du sophisme – d’un sophisme sophistiqué, pourrait-on dire –, et ils ne m’ont pas convaincu, monsieur le ministre. J’ai d’autant moins été convaincu que je ne suis pas un obsédé de la lutte des classes.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Vous avez tort !

M. Michel Piron. J’aimerais pour conclure, monsieur le ministre, vous demander de répondre aussi à l’UDI, et pas seulement à l’UMP, par car pour ce qui nous concerne, nous n’avons pas déposé de recours devant le Conseil constitutionnel.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh ! Alors ça, c’est franchement nul !

M. Philippe Armand Martin. Ils ne sont pas centristes pour rien.

M. Michel Piron. En outre, sur le fond, quelques questions demeurent.

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n105.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le ministre, il n’est en effet pas facile de discuter avec vous parce que donnez trop dans la facilité. Quand on vous parle de compétitivité et de baisse des salaires, vous nous servez le CICE à toutes les sauces, comme si les deux dispositifs, contrat vendanges et CICE, étaient parfaitement comparables dans leur utilisation.

M. Michel Piron. Elle a raison.

M. Thierry Benoit. Elle n’a pas tort.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Lorsque je vous ai parlé de régulation aux frontières, vous êtes immédiatement tombé dans la caricature en me parlant de fermeture de ces frontières, comme s’il était impossible d’exporter tout en conduisant une politique de patriotisme économique. C’est à se demander comment font d’autres grandes puissances, comme les États-Unis, qui appliquent parfois des droits de douane très élevés sur les produits européens, notamment agricoles. Pour autant, il ne me semble pas que l’Union européenne ait renoncé à importer des produits américains.

Manifestement, vous ne comptez pas vous orienter vers cette politique. À défaut, essayez de ne pas priver les viticulteurs, puisque nous parlons d’eux, du peu d’avantages de compétitivité dont ils bénéficient face au dumping des pays intra-européens notamment. C’est tout l’objet de cet amendement qui propose le maintien du contrat vendanges.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n120.

Mme Marie-Christine Dalloz. S’agissant de la saisine du Conseil Constitutionnel, soyons très clairs. Il est vrai qu’en 2001, le groupe UMP a saisi le Conseil constitutionnel sur l’ensemble du texte de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002. Or, dans sa réponse, le Conseil s’est abstenu, alors qu’il en avait la possibilité, de rendre un avis sur l’article 8, qui créait le dispositif spécifique relatif aux vendanges. Il n’a donc pas remis en cause la suppression des exonérations sociales dans le cadre du contrat vendanges.

En commission élargie, vous indiquiez que la suppression de la tranche à 5,5 % de l’impôt sur le revenu permettrait aux salariés concernés par ce contrat de ne pas voir se dégrader leur pouvoir d’achat.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je n’ai jamais dit cela.

Mme Marie-Christine Dalloz. Non, monsieur le ministre, ils ne seront pas concernés. Une partie des bénéficiaires du contrat vendanges sont des salariés précaires.

M. Philippe Armand Martin et M. Nicolas Dhuicq. En effet.

Mme Marie-Christine Dalloz. La suppression de la tranche à 5,5 % ne les affecte donc pas.

M. Thierry Benoit. Tout à fait.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je n’irai pas jusqu’à vous dire que vous avez fait preuve de malhonnêteté intellectuelle, monsieur le ministre. Mais pour le moins, votre argument est fallacieux.

Dernier élément, les exploitations vont bénéficier du CICE, dites-vous. Mais de quoi parle-t-on ? Le CICE n’est pas la panacée !

M. François André. Vingt milliards !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il était censé améliorer la compétitivité et l’emploi, mais il ne fait qu’en porter le nom.

Toutes les entreprises imposées aux bénéfices forfaitaires et un certain nombre de petites exploitations agricoles, notamment de vignerons, imposées aux bénéfices forfaitaires, sont systématiquement exclues du dispositif du CICE. Elles ne peuvent y prétendre.

M. Michel Piron. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. Soyons honnêtes, allons au bout de la démarche et conservons un dispositif reconnu et qui a fait ses preuves.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Et les exonérations de charges patronales ? 1 milliard !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ne pourrait-on pas envisager que les entreprises qui bénéficient déjà du CICE n’aient pas le droit de recourir au contrat vendanges, mais que celui-ci soit maintenu pour celles qui appliquent le régime du bénéfice forfaitaire ?

M. Michel Piron. Très bonne remarque.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n286.

M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous ayez entendu parler de la drosophila suzukii. C’est un nouveau ravageur installé dans nos terroirs et qui, pour la première fois, a attaqué les vignes en Alsace, après avoir dévasté d’autres régions, en particulier la vallée du Rhône. Ce n’est que grâce à des vendanges manuelles que la plupart des vignerons ont pu sauver une partie de la récolte, notamment sur les cépages colorés.

Une vendange mécanique aurait entraîné la perte totale de la récolte, car il a fallu procéder à un tri sévère et éliminer la partie gâtée par les piqûres de cet insecte. Telle est la réalité sur le terrain.

J’ai bien compris, monsieur le ministre, que, comme moi, vous êtes un homme du terroir, un homme de la nature, vous avez été bûcheron. J’ai du reste noté que vous avez été sensible à un amendement portant sur l’exploitation forestière. Peut-être, s’il existait un contrat « ramasseur de pommes », seriez-vous sensible à des amendements tendant à le préserver ? S’agissant du contrat vendanges, je vous demande, monsieur le ministre, de vous projeter, pour une fois, dans une réalité que vous n’avez certes pas personnellement vécue, mais dont vous pouvez comprendre l’importance pour la qualité des vins de France. Acceptez nos amendements !

M. Patrice Verchère. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n494.

M. Thierry Benoit. Le débat sur le contrat vendanges révèle le problème posé en France par les emplois saisonniers ainsi, je le répète, que notre ambivalence vis-à-vis des notions d’emploi saisonnier et de travailleurs détachés.

Au-delà de ce contrat, quelle réponse apportez-vous, monsieur le ministre, à ces femmes et ces hommes qui s’engagent dans un emploi dit saisonnier pour compléter leurs revenus ? Ils ne sont concernés ni par la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu ni par le CICE.

Le contrat vendanges offre en particulier une réponse aux viticulteurs tenus, de par des traditions séculaires, de vendanger à la main.

Par ailleurs, je souhaite savoir où en est votre réflexion sur la question des travailleurs détachés. À nos yeux, il est en effet important de maintenir un emploi saisonnier de proximité, à l’échelle des bassins de vie, des territoires. Tel est le sens du présent amendement que je défends avec mes collègues de l’UDI.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n501.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis. Le présent amendement a été voté par la commission des affaires économiques. À titre personnel, je vous informe, chers collègues, qu’il y a longtemps que j’ai abandonné le centralisme démocratique. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Mon vote se fera donc en fonction de l’argumentation que j’ai développée précédemment.

La question des travailleurs saisonniers ne se limite pas à celle de l’exonération. Anicet Le Pors, ancien ministre et conseiller d’État, avait fait une série de propositions concernant les travailleurs saisonniers, il y a une quinzaine d’années. Évitons d’aborder cette problématique uniquement par le petit bout de la lorgnette des exonérations et prenons à bras-le-corps la totalité du problème.

Mme Brigitte Allain. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et les exonérations de cotisations patronales pour les indépendants relèvent du pacte de responsabilité, soit 40 milliards d’euros destinés à soutenir la compétitivité des entreprises. Ce dispositif vise toutes les entreprises, en particulier celles de la viticulture, qui, je l’ai dit, bénéficieront entre 2014 et 2015 de plus de 60 millions d’euros supplémentaires en sus des 284 millions d’exonérations dont ce secteur bénéficie déjà.

La question de la compétitivité se pose donc dans le cadre du crédit d’impôt compétitivité et, pour les indépendants, dans le cadre des exonérations de cotisations sociales patronales, qui représentent 1 milliard d’euros. Ne confondez donc pas la situation de l’employeur et celle du salarié – mais vous le faites volontairement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Yves Caullet. Eh oui !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Du point de vue de l’employeur, la question posée est celle du coût global du travail – on parle ici du crédit d’impôt et de la baisse des cotisations sociales, c’est-à-dire de la compétitivité. Il n’y a donc aucune raison pour que les mesures supplémentaires qui s’appliqueront en 2015 remettent en cause l’utilisation de main-d’œuvre pour les vendanges, car le coût de la main-d’œuvre va baisser – selon un article paru aujourd’hui dans Les Échos, la France devrait même largement rattraper l’Allemagne à cet égard. Le coût salarial diminuant, l’employeur n’a aucune raison de changer de stratégie ou de mécaniser la récolte. Il devrait même, au contraire, être encouragé à utiliser davantage d’emplois. Votre argument ne vaut donc pas.

Le seul argument qui reste est donc que, les cotisations sociales payées par le salarié venant en déduction de salaire brut – à la condition du reste que le salaire brut soit maintenu quel que soit le niveau de la cotisation sociale payée par le salarié, ce qui est une vraie question –, se pose la question de l’attractivité des vendanges pour les salariés. Selon vous, l’exonération de 8 % de cotisations sociales suffirait à entraîner leur choix. (Exclamations sur divers bancs.) Le contrat vendanges, qui permet à des fonctionnaires, à des étudiants ou à des retraités de contractualiser pour les vendanges, reste inchangé.

Pour donner du pouvoir d’achat, la bonne méthode était de baisser la part de cotisations sociales payées par les salariés, mais de manière globale. Votre position est en effet contradictoire : après avoir refusé ce dispositif dans le cas général, vous le défendez pour le seul contrat vendanges.

On peut penser par exemple aux ramasseurs de pommes, qu’évoquait tout à l’heure M. Herth. J’ai moi-même ramassé jadis des pommes. À l’époque, il fallait en récolter 56 cageots par jour pour toucher le SMIC : étant donné que j’en ramassais 82, je gagnais donc plus que le SMIC. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Sur le plan de la productivité, je soutiens donc la comparaison en termes flatteurs.

M. Michel Piron. Vous êtes un vrai Stakhanov !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il s’agit là d’une question d’égalité entre tous les salariés. Ni sur le fond, ni sur la forme, nous ne pouvons donc accepter les amendements que vous proposez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Sans rivaliser avec le ministre, je signalerai que, moi aussi, j’ai jadis travaillé dans les champs pendant les vacances pour payer mes études.

C’est une bonne chose que, tous dans cet hémicycle, nous soutenions les salariés mais, comme l’a particulièrement souligné M. Gilles Savary et comme vous-même, monsieur le ministre, l’avez rappelé à la fin de votre intervention, nous devons être aux côtés de celles et ceux qui verront leur pouvoir d’achat amputé de 8 %. Selon vous, ce n’est pas grand-chose.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je n’ai pas dit cela.

M. Jacques Krabal. Or, par les temps qui courent, c’est beaucoup.

Nonobstant le CICE et le pacte de responsabilité que vous invoquez – et que nous soutenons, sous certaines conditions –, je voudrais que ce dispositif s’applique vraiment à toutes les petites entreprises, aux artisans, aux commerçants, et non pas aux grandes entreprises internationales du commerce du vin.

M. François André. Cela n’a rien à voir !

M. Jacques Krabal. Quels que soient les arguments que vous pourriez avancer, il reste vrai que les salariés subiront une diminution de 8 % de leur pouvoir d’achat. L’exonération des heures supplémentaires, sur lesquels certains d’entre nous souhaitaient revenir, vont constamment nous coller aux doigts.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Très bien !

M. Jacques Krabal. Nous n’avons pas le droit de condamner le pouvoir d’achat des salariés, car notre pays connaît, au-delà du problème de chômage, celui du pouvoir d’achat, et nous parlons ici de 30 millions d’euros.

Le groupe RRDP, qui a soutenu cet amendement en commission, est donc favorable au maintien de ces exonérations. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il est normal que ce sujet suscite de l’enthousiasme. Je soutiens quant à moi la position du ministre et rappelle les propos de M. Chassaigne, qui a rappelé les devoirs de chacun en matière de solidarité sociale. Le ministre nous alerte à juste titre, car Halloween est derrière et Noël n’est pas encore arrivé : ne nous berçons pas d’illusions avec une mesure qui sautera, en raison de l’inégalité qu’elle instaure avec les filières de collecte auxquelles elle ne s’applique pas.

Créer une illusion dans un moment où le travail et le pouvoir d’achat font l’objet d’une grande vigilance de la part de chacun, c’est prendre le risque, non seulement de voir annuler cette mesure, mais également de voir la rigueur budgétaire imposer un coup de rabot beaucoup plus profond sur d’autres dispositifs. Faisons donc preuve de responsabilité, sans démagogie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 512, 13, 41, 44, 55, 58, 99, 105, 120, 286, 494 et 501.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants40
Nombre de suffrages exprimés40
Majorité absolue21
Pour l’adoption18
contre22

(Les amendements identiques nos 512, 13, 41, 44, 55, 58, 99, 105, 120, 286, 494 et 501 ne sont pas adoptés.)

(L’article 47, amendé, est adopté.)

Compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (état D)

M. le président. J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », inscrits à l’état D.

(Les crédits du compte d’affectation spéciale « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », modifiés, sont adoptés.)

Nous avons terminé l’examen de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à douze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Santé

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la santé (n2260, annexe 42 ; n2264, tome II).

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, l’examen des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2015 se situe dans un contexte d’efforts d’une ampleur inédite pour le redressement des comptes publics.

En matière de santé, la majeure partie des économies qui seront réalisées concerne l’assurance maladie et donc le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le PLFSS. Marisol Touraine a eu l’occasion de présenter ces économies que nous allons chercher dans la modernisation de notre système de santé en améliorant l’efficience de la dépense hospitalière, en agissant sur le prix des médicaments ou encore en engageant le nécessaire virage ambulatoire.

Cela étant, dans ce contexte, nous finançons des priorités essentielles. Avec ce projet de loi, nous voulons promouvoir des conditions de vie favorables à la santé, comme le font d’autres pays avec succès. Dans le projet de loi de finances pour 2015, les crédits en faveur de la prévention, de la sécurité sanitaire et de l’offre de soins sont préservés alors même que des efforts de réduction importants sont demandés dans plusieurs programmes ; la préservation des crédits de prévention constitue donc un choix politique fort.

La comparaison entre les crédits du programme 204 entre les projets de loi de finances pour 2014 et pour 2015 ne donne pas une image exacte de l’évolution des moyens affectés à la prévention. En effet, dans le cadre du PLF et du PLFSS pour 2015, nous avons rationalisé les champs d’intervention respectifs de l’État et de la Sécurité sociale.

Cela se traduit par le transfert à l’assurance maladie d’un certain nombre d’interventions : les formations médicales effectuées en ville, le fonctionnement des centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles, ou CIDDIST. Je précise d’emblée qu’il ne s’agit pas de débudgétisation comptable mais de clarification visant à plus d’efficacité. Le transfert du financement des formations médicales en ville peut permettre d’en améliorer et d’en simplifier la gestion. Le transfert du financement des CIDDIST permet la fusion avec les structures financées par l’assurance maladie et, au-delà, de poser les bases d’un dispositif unique de dépistage plus performant et plus accessible aux publics qui en ont le plus besoin. Cette réforme du dépistage a été saluée par l’association AIDES comme une petite révolution dans la façon d’appréhender le dépistage des hépatites ou du VIH en France.

Si l’on tient compte de ces transferts et si on compare les moyens consacrés en 2015 à ce qui relevait du périmètre du programme 204 en 2014, on constate une progression de 0,87 %, ce qui, je le répète, dans un contexte de réduction des dépenses de l’État, traduit un choix politique fort.

Le soutien budgétaire de l’État à la politique de prévention passe principalement par la dotation du programme 204 aux projets régionaux de santé dans le cadre du Fonds d’intervention régional, le FIR. Ces crédits resteront, sur toute la durée du triennal, au niveau de la loi de finances initiale pour 2014, soit plus de 130 millions d’euros. Je rappelle que le financement des actions de prévention du FIR bénéficie de ressources de l’assurance maladie pour un total de 247 millions d’euros en 2014.

Par ailleurs, les financements du fonds de prévention de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, progresseront dans le cadre de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion de 7,3 % entre 2013 et 2017, de 424,6 millions d’euros à 455,4 millions d’euros.

En dehors du financement des actions de prévention, les opérateurs de sécurité sanitaire et de prévention contribuent sur la durée du triennal aux efforts d’économies, ces dernières reposant non sur du rabot mais sur une réforme structurelle de notre système d’agences sanitaires. En effet, la future loi relative à la santé crée un institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique reprenant les missions exercées par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé – l’INPES –, l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – l’EPRUS – et l’Institut de veille sanitaire – l’InVS. Cette réforme doit permettre d’améliorer l’efficacité de la réponse aux risques sanitaires, de créer une agence disposant d’une approche intégrée de la santé publique et de réaliser des économies sur les dotations à ces opérateurs.

Avant d’en venir au financement de l’aide médicale d’État, je voudrais souligner que, dans le cadre du PLF 2015, l’État rétablit sa contribution au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – le FIVA –, qui avait été mise à zéro en 2013 et 2014. Cette contribution sera de 10 millions d’euros. Il y a là non seulement un symbole – la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans l’indemnisation des victimes de l’amiante – mais aussi l’accompagnement de l’action que nous menons pour améliorer l’efficacité du FIVA en réduisant les délais de présentation et de paiement des offres d’indemnisation.

J’en viens à présent à l’aide médicale d’État, l’AME. Je souhaiterais tout d’abord rappeler la vérité des chiffres : en 2015, nous prévoyons 678 millions d’euros de crédits pour l’AME. Nous sommes donc très loin des chiffres que certains font claquer ! Je comprends que la compétition interne à l’UMP conduise à une surenchère, mais il m’a semblé nécessaire, dans ce débat, d’en rester aux faits.

Cette dépense garantit un accès aux soins aux étrangers en situation irrégulière, c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas des assurés sociaux, parce que cela correspond à nos valeurs mais aussi parce que c’est dans l’intérêt de la santé publique de tous.

Cela ne signifie pas que l’AME est exemptée de l’effort d’économies. De façon plus spécifique à l’AME, nous devons travailler et nous travaillons sur la question des filières organisées de séjours uniquement motivées par le souhait de bénéficier d’une prise en charge des soins. Une chose est de prendre en charge les soins donnés à des personnes déjà présentes sur notre territoire – c’est la reconnaissance d’un état de fait ; c’est du pragmatisme –, une autre est de laisser se développer des entrées sur le territoire qui n’ont pour but que de bénéficier de la prise en charge des soins. Lutter contre ce phénomène s’inscrit dans la lutte plus générale contre les réseaux mafieux de l’immigration illégale, mais peut également passer par une action de coopération avec les pays d’origine.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. Nous en venons à l’expression des différents groupes politiques.

La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, les crédits de la mission « Santé » s’élèvent à près de 1,2 milliard d’euros ; ils étaient de l’ordre de 1,3 milliard d’euros en 2014. Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, cette régression doit se comprendre comme un effort de redressement des comptes publics. Néanmoins, cet effort ne devrait pas obérer les actions et le fonctionnement des structures, comme vous venez de nous l’expliquer, ces structures qui concourent particulièrement à la santé et à la sécurité sanitaire de nos concitoyens. En effet, à périmètre constant, le montant est pratiquement équivalent.

Trois points retiennent notre attention. Premier point : l’année 2015 sera marquée par une réorganisation pour plus d’efficience des agences sanitaires. Un institut de prévention, de veille et d’intervention en santé publique devrait être créé, qui reprendra les missions de l’INPES, de l’InVS et de l’EPRUS. Permettez-moi de dire, à titre personnel, qu’ayant été rapporteure pour avis des deux précédents budgets, j’avais eu l’occasion, au moment d’étudier les évolutions possibles pour l’Agence du médicament ou pour l’InVS, de souligner que le rassemblement de ces agences pourrait constituer une occasion de mutualisation intéressante sur le plan financier et sur le plan fonctionnel. Je me réjouis donc de cette avancée, même s’il conviendra bien sûr de vérifier tout cela.

Il convient de noter que les moyens dédiés au pilotage de la politique de santé progressent de 9,2 % pour s’établir à 93,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Sur ce montant, 54,3 millions d’euros – soit près de 60 % des crédits de l’action – sont consacrés à la subvention pour charge de service public de l’InVS : il convient donc de relever la stabilité de ce budget par rapport à 2014 et de souligner que la vigilance sanitaire reste donc bien au cœur des priorités du Gouvernement.

Le deuxième point concerne l’action n18 qui intègre l’ensemble des crédits de prévention, promotion de la santé, veille et sécurité sanitaires, alloués sur le programme 204 aux agences régionales de santé – les ARS – par l’intermédiaire du FIR. Ces crédits sont en baisse de 4,3 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Nous sommes particulièrement vigilants sur ce point car ces projets sont connectés au projet régional de santé, véritable outil de pilotage et d’articulation des politiques de santé sur les territoires. Si nous comprenons l’effort demandé, nous soulignons que ces crédits répondent à des projets précis et répondent aux besoins et aux spécificités des territoires.

Nous n’ignorons pas, et vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, que ces crédits sont complétés par des financements des trois régimes d’assurance maladie, notamment en provenance de leurs fonds de prévention et d’une partie du produit des taxes à visée comportementale affecté à la CNAM. Néanmoins, nous restons vigilants car plusieurs budgets successifs ont quelque peu rogné ces crédits et il nous semble important de veiller à ce que ces projets régionaux soient soutenus dans la durée.

Le troisième point concerne l’aide médicale d’État, sujet qui retient le plus l’attention de nos collègues de l’opposition, qui en dénoncent l’augmentation – de manière parfois idéologique, disons-le. Pour notre part, nous considérons que l’AME est nécessaire pour des raisons éthiques évidentes et pour des raisons de sécurité sanitaire non moins évidentes. Mais son accessibilité est aussi une question de pragmatisme financier. En effet, la franchise de 30 euros votée en loi de finances pour 2011 et que nous avons supprimée dès la loi de finances rectificatives pour 2012, …

M. Arnaud Richard. Pour des raisons dogmatiques !

Mme Bernadette Laclais. …avait certes augmenté le non-recours à l’AME, mais elle avait également augmenté le coût moyen des bénéficiaires.

M. Claude Goasguen. C’est faux !

Mme Bernadette Laclais. Notre groupe souligne par ailleurs que la part de la dotation forfaitaire réservée aux soins d’urgence est maintenue à 40 millions d’euros et ce, depuis 2008, ce qui est une bonne chose, la dotation réservée aux autres dispositifs hors AME étant elle aussi stable.

Pour l’AME de droit commun, les crédits demandés s’élèvent en 2015 à 632,6 millions d’euros, contre 560 millions d’euros ouverts en 2014, soit une augmentation d’environ 12 %. Cette évolution nécessite une vigilance certaine et des mesures que vous avez mentionnées, madame la secrétaire d’État. Soyez assurée de la volonté de notre groupe – je pense en particulier à mon collègue Christophe Sirugue qui suit ce dossier depuis de nombreuses années – de participer à la réflexion pour la mise en place de dispositifs à la fois justes, pragmatiques, respectueux des personnes et permettant de maîtriser nos finances publiques. Pour toutes ces raisons, madame la ministre, nous voterons ces crédits.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire – cher Claude Goasguen –, mes chers collègues, les crédits que nous examinons aujourd’hui au titre de la mission « Santé » sont en baisse pour 2015 puisqu’ils s’élèveront à 1,20 milliard d’euros au lieu de 1,29 milliard d’euros en 2014. Les parlementaires que nous sommes devraient s’en réjouir puisque les quelque douze agences sanitaires dépendant de cette mission continuent à mener des politiques de réduction de leurs coûts dans le cadre de la modernisation de l’action publique, ce qui est une bonne chose.

Cependant, un poste de dépenses ne connaît pas la crise, et Claude Goasguen y reviendra tout à l’heure dans le cadre de l’examen des amendements : celui de l’aide médicale d’État puisque les crédits alloués à celle-ci pour prendre en charge les soins des étrangers en situation irrégulière et sans ressources seront augmentés de 73 millions en 2015.

Dès le mois de juin, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement avait reconnu une forte poussée du nombre de bénéficiaires, mettant à mal vos prévisions. Vous avez donc admis que les dépenses constatées à l’arrivée seraient de 744 millions.

Vous accusez l’opposition d’avoir un « marronnier », une obsession. Pourtant, les Français comprennent de moins en moins cette générosité accordée aux sans-papiers. Il apparaît clairement qu’il existe une inégalité entre les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, pris en charge à 100 % pour leurs dépenses, et les assurés aux revenus modestes du régime général, de moins en moins bien remboursés. Ainsi, un travailleur sans mutuelle, qui paie des cotisations sociales obligatoires, a une moins bonne couverture qu’un étranger en situation irrégulière.

En effet, aujourd’hui un titulaire de l’AME se trouve paradoxalement avec plus de droits qu’un titulaire de la CMU ou de la CMU-C et a fortiori qu’un national ou un étranger en situation régulière qui travaille et qui cotise : tous les actes de médecine de ville et hospitaliers sont en effet pris en charge pour le titulaire de l’AME qui n’a aucune avance de frais à réaliser.

Mme Brigitte Bourguignon. Des privilégiés, pourrait-on croire !

M. Dominique Tian. Votre première mesure en arrivant au Gouvernement a consisté à supprimer le droit de timbre de 30 euros que nous avions mis en place sous le gouvernement de François Fillon. Vous avez donc créé un appel d’air favorisant l’arrivée de réfugiés médicaux et le développement d’un tourisme médical. Selon un médecin d’un centre hospitalier de Montpellier, cité il y a quelques jours par le journal L’Opinion : « Nous voyons des clandestins qui arrivent aux urgences, qui sont pris en charge pour de soins très lourds et qui, en parallèle, déposent via des structures organisées des demandes d’asile en tant qu’étrangers malades ». Le député socialiste Jean-Louis Touraine ne le dit pas autrement puisqu’il déclare : « On est face à des filières très organisées. Dans la région Rhône-Alpes, les gens viennent de l’Est pour se faire dialyser. […] Il y a des passeurs… ».

Nous pourrions peut-être nous inspirer de ce que font plusieurs pays européens : ainsi, l’Espagne, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, la Pologne et la Suède limitent l’accès aux soins d’urgence uniquement, qui peuvent d’ailleurs être soumis à paiement. Ainsi, en 2012, l’Espagne a supprimé l’accès aux soins pour les sans-papiers, sauf pour les mineurs, les femmes enceintes et les cas d’urgence. La France doit donc s’atteler à réformer profondément le mode d’attribution et de fonctionnement de l’AME.

Lors de l’examen de ce budget en commission, M. Sirugue, membre du parti socialiste, a balayé d’un revers de main le problème de la fraude et du tourisme médical au motif que la fraude ne serait que de 1 %. C’est évidemment intellectuellement complètement insupportable puisque 100 % des gens qui bénéficient de l’aide médicale d’État sont rentrés illégalement sur le territoire national, ce qui me paraît quand même constituer un acte illégal, donc une fraude par nature ! Ce chiffre est donc totalement absurde.

Pourtant, selon le rapport annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2012, les contrôles réalisés par les 106 caisses primaires d’assurance maladie interrogées ne portent que sur 20 % des dossiers. Cela signifie que 80 % des dossiers ne sont pas examinés.

Je voudrais par ailleurs m’arrêter un instant sur le contenu de votre bleu budgétaire. Le budget exécuté en 2014 ne sera connu quand dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative dont nous n’avons pas encore les chiffres. Mais la prévision pour la fin de l’année 2014 est d’environ 700 millions d’euros de crédits dépensés, et on sait que 410 millions d’euros avaient déjà été consommés fin juillet pour l’AME de droit commun. Ce sont donc 73,2 % des crédits votés qui ont été dépensés, et il nous reste encore cinq mois à tenir.

Si le chiffre de 700 millions d’euros se confirme, cela équivaut à une consommation de 115 % des crédits votés initialement.

Quand vous nous proposez un budget de 677,5 millions d’euros de crédits pour 2015, vous êtes bien en deçà de la vérité puisque les budgets exécutés des deux dernières années ont été supérieurs ! Face au dérapage des dépenses d’aide médicale de l’État – elles pourraient atteindre un milliard d’euros dans deux ans –, les députés UMP ne pourront que rejeter le budget que vous nous proposez pour la mission « Santé ».

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 : missions « Santé », « Conseil et contrôle de l’État ; Pouvoirs publics ; Direction de l’action du Gouvernement », « Culture » et « Sport, jeunesse et vie associative »

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly