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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 08 décembre 2014

SOMMAIRE

Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendements nos 9 , 51

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

Suspension et reprise de la séance

Suspension et reprise de la séance

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Amendements nos 61 , 96 , 29 , 104 , 126 , 145 , 121 , 20 , 59 , 65 , 8 , 10 , 16 , 30 , 70 , 87 , 105 , 128 , 188 , 74 , 134 , 165 , 187 , 189

Article 1er bis

Article 2

Amendements nos 23 , 58 , 76 , 190 , 17 , 19 , 62 , 63 , 89 , 33 , 64

Suspension et reprise de la séance

Article 3

M. Claude Sturni

Mme Corinne Erhel

Mme Annie Le Houerou

M. Richard Ferrand

Amendements nos 12 , 53 , 11 rectifié , 176 , 101, 100 , 34 , 107, 130, 167 , 174 , 40, 114, 137, 173 , 35, 108, 131, 168 , 36, 109, 132, 169 , 81 , 7 , 24, 38, 75 , 84 , 79, 80 , 112, 135, 171 , 39, 113, 136, 172, 175 , 37, 110, 133, 170 , 83 , 122 , 54, 82, 55, 18, 123 rectifié, 57 , 125 , 41, 48, 115, 138, 178, 78, 49, 60, 50

Article 3 bis

Article 6

Amendements nos 4, 42, 68, 116, 139, 179 , 66, 44, 118, 142, 181, 15 , 141

Article 6 bis

Article 7

M. Alain Calmette

Amendements nos 177 , 185

Article 12

Amendements nos 5, 45, 119, 143, 182 , 46, 120, 144, 184

Article 12 bis A

Article 13

Amendement no 111

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Nouvelle lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (nos 2412, 2417).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est d’une heure et trente-trois minutes pour le groupe SRC, dont six amendements sont en discussion ; une heure et vingt minutes pour le groupe UMP, dont cent vingt-trois amendements sont en discussion ; quarante-neuf minutes pour le groupe UDI, dont quinze amendements sont en discussion ; vingt-deux minutes pour le groupe écologiste, dont huit amendements sont en discussion ; treize minutes pour le groupe RRDP, dont sept amendements sont en discussion ; vingt-six minutes pour le groupe GDR et dix minutes pour les députés non-inscrits.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles, s’arrêtant aux amendements identiques nos 9 et 51 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n9.

M. Paul Molac. Cet amendement tend à revoir le découpage prévu dans l’Ouest. Il propose de réintégrer la Loire-Atlantique à la Bretagne et de fusionner le reste des Pays de la Loire avec la région Centre. Ces deux nouvelles régions seraient ainsi plus cohérentes.

Cet amendement répond également aux aspirations d’une grande partie des populations concernées. Ce redécoupage satisferait tout particulièrement une demande maintes fois exprimée en Bretagne en faveur de l’intégration de la Loire-Atlantique à sa région d’origine. Le sondage LH2 de juillet 2014 donne des chiffres assez éloquents, puisqu’il indique que les habitants de Loire-Atlantique sont 70 % à le souhaiter. Ce pourcentage est de 77 % dans la région Bretagne, et même 58 % des habitants des Pays de la Loire sont favorables à ce que la Loire-Atlantique revienne en Bretagne.

M. Michel Piron. Ah bon ?

M. Paul Molac. Mais oui, je tiens les résultats à votre disposition, monsieur Piron !

Cet amendement répond donc à une aspiration populaire, comme nous pourrions le vérifier en organisant un référendum, ce qui ne nous poserait aucun problème. Il poursuit également l’objectif gouvernemental de réduire le nombre de régions, puisque de trois, nous en ferions deux. Cela correspond enfin aux bassins de vie, et donc à l’aménagement du territoire.

Les Bretons se sont largement exprimés sur cette question, et il me semble que la région Centre également, puisque le président de la région, M. Bonneau, l’a évoqué par voie de presse.

M. Serge Grouard. Non, pas du tout !

M. Thierry Benoit. Écoutons l’orateur !

M. Paul Molac. C’est tout de même le président de la région, il me semble.

M. Michel Piron. Il y a beaucoup d’approximations !

M. Paul Molac. Peut-être, mais je sais tout de même lire ! Ce découpage serait donc totalement cohérent par rapport aux demandes de la population, je le répète, mais aussi dans le domaine économique, car on s’aperçoit que les Pays de la Loire ne fonctionnent pas du tout avec le Centre, ce qui entraîne un certain nombre de problèmes dans les territoires. Les synergies sont donc à développer en ce qui concerne la vallée de la Loire, qui a aujourd’hui besoin d’un développement cohérent. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Thierry Benoit. Bien sûr !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n51.

M. Marc Le Fur. Mes chers collègues, nous retrouvons encore les mêmes préoccupations et il est vrai que je partage le sentiment exprimé par Paul Molac, et qui devrait traverser tous les bancs : l’idée qu’il faut donner l’occasion à Nantes et à la Loire-Atlantique de rejoindre la Bretagne.

Je nourris quelques espérances en vous voyant, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, au banc du Gouvernement ce soir, car comme je le disais tout à l’heure, dans le couple ministériel qui nous accompagne dans ce débat, il y a une pente plutôt jacobine – celle de votre collègue – et une pente girondine – que je vous attribue.

J’ai également entendu vos propos à la radio il y a quelques jours, indiquant que des perspectives pouvaient exister pour la Loire-Atlantique. Concrétisons-les maintenant, donnons les moyens à la Loire-Atlantique de rejoindre la Bretagne !

Votre collègue disait tout à l’heure, c’était intéressant, qu’il faut qu’il y ait un mélange d’identité, d’efficacité et de modernité. L’identité existe, pour la Bretagne à cinq départements. Il y a un sentiment d’appartenance, une volonté commune ; il y a non seulement une histoire, mais aussi la volonté de se projeter ensemble dans l’avenir, car se limiter à l’histoire serait de la nostalgie. Et l’efficacité existe aussi : une région de 4,5 millions d’habitants avec la Loire-Atlantique serait une région de taille conséquente. C’est plus grand qu’un certain nombre de pays européens, c’est plus grand que bon nombre de Länder allemands, c’est même, si l’on se compare avec les cinquante états américains, une taille médiane, puisque vingt-cinq états sont plus peuplés et vingt-cinq moins.

Nous aurions donc les moyens d’associer l’identité, qui est un atout et non pas une difficulté pour la République comme certains voudraient nous le faire croire, et une efficacité que nous devons collectivement rechercher.

Nous donnerions également un signe très positif à ceux et celles qui depuis longtemps se battent pour que Nantes et la Loire-Atlantique reviennent en Bretagne et qu’il soit mis un terme à ce fameux décret de 1941. Et ils sont nombreux, à se battre : par trois fois, nous nous sommes retrouvés à Nantes – certains dans cette assemblée y étaient.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce n’étaient pas les Nantais !

M. Marc Le Fur. À chaque fois, nous avons compté entre 20 000 et 30 000 manifestants, selon que l’on retienne les chiffres de la police ou des organisateurs. Mais 20 000 personnes à chaque fois, c’est énorme ! Ce sont 20 000 personnes qui prennent une journée complète pour exprimer leur attachement à la Bretagne et pour demander que cet attachement connaisse une traduction institutionnelle.

Au-delà de ces manifestants, il y a des associations, des militants associatifs – je pense à toutes celles et ceux qui nous sollicitent au sein de Bretagne réunie. Non seulement ils nous sollicitent et nous incitent à mener ce combat, mais ils réunissent également très sereinement et sans violence aucune des arguments et des éléments de mobilisation à l’égard de l’opinion.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Marc Le Fur. Vous auriez là l’occasion, monsieur le secrétaire d’État, de vous réconcilier avec une région qui a fait confiance à votre sensibilité politique il y a de cela deux ans et demi. Les Bretons ont voté à 56 % pour François Hollande et sur tous les sujets, ils expriment aujourd’hui une déception considérable.

M. Jacques Krabal. Il n’y a pas qu’en Bretagne !

M. Marc Le Fur. C’est vrai, il n’y a pas qu’en Bretagne, mais la déception y est peut-être encore plus grande puisque non seulement on nous refuse bien des choses sur les sujets économiques, mais on nous refuse également beaucoup de choses sur des sujets qui n’ont pas d’impact financier immédiat, et cela, les gens ne le comprennent plus.

Voilà toutes les raisons qui m’incitent à penser que notre assemblée se grandirait en donnant à cette région, qui a démontré son attachement à la République et à notre pays – le centenaire du déclenchement de la Première guerre mondiale en est à bien des égards l’expression – le sentiment que les vœux qu’elle formule peuvent, à l’occasion, être satisfaits par cette même République.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques.

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Mes chers collègues Molac et Le Fur, depuis le début, le Gouvernement et les commissaires aux lois avaient annoncé la couleur, si je peux m’exprimer ainsi. Le choix qui a été fait pour rendre possible cette réforme ambitieuse est d’en rester au niveau des régions existantes dans le nouveau dessin de la France que nous avions à proposer à nos concitoyennes et concitoyens. En effet, quoi qu’on en pense, nous voyons bien les débats qui ont surgi sur nos bancs, au sein de la population et sur les bancs du Sénat.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Quels débats ? Il n’y en a pas !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Ces débats font évidemment une part que l’on peut estimer belle à l’identité et aux terroirs. Certains, dont je suis, peuvent estimer qu’ils leur font même une part trop belle, dans le sens où elle va titiller un certain nombre de réflexes qui n’aident pas la République à faire corps. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais pas du tout ! Vous n’avez pas le droit de dire cela !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Donc, le choix qui a été fait par le Gouvernement, le Président de la République et la majorité de notre hémicycle est de travailler en partant des régions existantes. Dans ce cadre, les amendements qui sont défendus avec pugnacité et talent par MM. Molac et Le Fur… Je les vois d’ailleurs se concerter pour conjuguer leur talent et leur pugnacité, comme s’il en était besoin !

M. Marc Le Fur. Sans hésitation aucune ! Nous savons passer outre les clivages politiques !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Il n’y a aucune limite quand il s’agit de défendre ses arguments ! Bref, ces amendements tordent l’esprit qui est le nôtre. Évidemment, si nous avions dû examiner la situation de chacun des départements, et particulièrement la vôtre, nous nous serions engagés dans des débats qui n’auraient jamais pris fin.

Il y a une autre raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité procéder ainsi. Elle vient de ce que j’ai entendu, en tant que rapporteur de la commission des lois, lorsque j’ai reçu chacun des présidents de région qui ont bien voulu répondre favorablement à l’invitation qui leur avait été faite, ainsi que les groupes politiques représentés dans les différentes régions. Comme j’en ai déjà fait état en première puis en deuxième lecture, ils m’ont dit que si chacun des conseillers régionaux et des exécutifs régionaux pouvait vouloir aller chercher un département voisin, pour les raisons fort bien évoquées par MM. Le Fur et Molac mais aussi, dans d’autres situations, pour des raisons bien moins historiques et bien moins glorieuses, et si chacun des exécutifs régionaux s’accordait à l’idée d’aller chercher un département voisin, aucun exécutif régional ni aucun groupe politique d’aucune région ne souhaitait voir partir un de ses départements vers une autre région.

Le choix qui a été fait, qui est contesté par un certain nombre d’entre vous et notamment par MM. Le Fur et Molac, est de garder l’intégrité des régions mais de permettre un droit d’option raisonné et raisonnable…

M. Thierry Benoit et M. Marc Le Fur. Et verrouillé !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …permettant aux départements qui le décident et aux régions qui le souhaitent d’ouvrir un dialogue qui prendra naissance pendant les campagnes des élections départementales et régionales à venir.

M. Marc Le Fur. N’agitez pas d’illusions !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Ce dialogue pourra durer trois années et permettra, là où il y a un accord qui dépasse les stratégies politiciennes, là où cet accord a le sens de l’intérêt général, de faire évoluer ces régions.

Mais il faut aussi permettre à nos concitoyennes et nos concitoyens de s’y retrouver, et nous devons être les garants d’une forme de stabilité.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ils s’y retrouveraient, c’est ce qu’ils demandent !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. C’est d’ailleurs la position constante de la majorité de cet hémicycle depuis que nous examinons ce texte. C’est donc bien évidemment un avis défavorable qu’il me faut émettre sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Marc Le Fur. Est-il le girondin du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Monsieur Le Fur, en réponse à la question que vous venez de poser et aux propos que vous avez tenus tout à l’heure concernant le ministre de l’intérieur, je veux dire que Bernard Cazeneuve, mais aussi vous et moi avons en partage l’héritage à la fois des jacobins et des girondins. La Révolution française, comme le disait Clemenceau, est un bloc. Et le Gouvernement est un bloc.

M. Jean-Louis Christ. Il est sourd, alors !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Il n’y a pas de nuances entre nous, nous sommes exactement sur la même ligne. Nous voulons réformer la carte administrative de notre pays dans le plus grand respect des identités provinciales – puisque ces identités remontent aux provinces de l’Ancien régime, l’identité de l’Alsace comme celle de la Bretagne – et nous ne voulons pas obérer l’avenir.

Donc nous réfléchissons ce soir, pour la troisième fois, bloc par bloc et région par région. Ensuite, le droit d’option permettra au fil des années, peut-être aussi vite que vous le souhaitez, voire plus vite que vous ne le pensez, de faire évoluer les choses. Mais laissons les choses se faire comme elles doivent se faire, car le consensus n’existe pas, monsieur Le Fur, monsieur Molac, sur le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Il n’y a pas de consensus. N’obérons pas l’avenir, votons la carte telle qu’elle est présentée pour la troisième fois devant l’Assemblée et telle que vous l’avez déjà adoptée deux fois.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Sur l’amendement n9, je suis saisie par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Je demande une suspension de séance, madame la présidente.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux !

Mme la présidente. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante et une, est reprise à vingt-deux heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Madame la présidente, j’attendrai que tous nos collègues de la majorité aient pris place dans l’hémicycle.

M. Thierry Benoit. Au pas de course ! Le réveillon est terminé !

M. Marc Le Fur. Même M. Le Roux est là !

M. Benoist Apparu. Ils sont venus en nombre, mais ils vont dormir…

Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Grouard.

M. Serge Grouard. Nous comprenons parfaitement la logique dans laquelle s’inscrivent ces deux amendements du groupe écologiste et de M. Le Fur. Mais je voudrais souligner au moins deux choses… Mes chers collègues, faites-moi le plaisir de m’écouter un instant ! Ces deux amendements sont importants, madame la présidente. Je souhaiterais donc que nous puissions en débattre dans un minimum de sérénité.

Mme la présidente. Nous vous écoutons, monsieur Grouard. Veuillez vous exprimer.

M. Serge Grouard. Sur le fait de voir la Loire-Atlantique rattachée à la Bretagne…

Mme Marietta Karamanli. N’importe quoi.

M. Serge Grouard. Écoutez-moi plutôt, ma chère collègue. Nous disposons de temps, madame la présidente…

Mme la présidente. Il vous reste une heure et vingt minutes.

M. Serge Grouard. Je prendrai peut-être une heure dix-neuf… (Sourires.)

Le texte prévoit un droit d’option, lequel permettra par la suite à la Loire-Atlantique, si elle le souhaite, d’être rattachée à la région Bretagne.

M. Pascal Popelin. C’est vrai.

M. Serge Grouard. Rien dans le texte n’interdit cette perspective.

Il existait une autre possibilité : la fusion des deux régions Bretagne et Pays de la Loire.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Oui.

M. Thierry Benoit. Du Centre et des Pays de la Loire…

M. Serge Grouard. Cette fusion n’a pas été souhaitée par les auteurs des amendements dont nous discutons. Je ne comprends pas. Faut-il voir dans ce refus de fusion des deux régions un rejet de départements pourtant très beaux et très agréables des Pays de la Loire, dont on ne saurait que faire exactement ?

M. Marc Le Fur. Mais non.

M. Serge Grouard. Vos amendements proposent, puisqu’il faut bien en faire quelque chose, de les rattacher à la région Centre.

M. Hervé Gaymard. Il faut bien qu’ils aillent quelque part.

M. Serge Grouard. Vous ne manquez pas d’aplomb, mes chers collègues, en présentant de tels amendements : vous n’avez aucunement pris attache avec la région Centre, vous décidez de manière unilatérale qu’elle sera fusionnée avec les départements restants des Pays de la Loire ! Procéder ainsi n’est pas correct.

M. Paul Molac. Ils peuvent être rattachés à la Bretagne, s’ils le veulent.

M. Serge Grouard. Je me suis laissé dire qu’à Europe Écologie les Verts, vous étiez des adeptes de la concertation, de l’écoute et de la participation. Or vous faites exactement ce que vous reprochez au Gouvernement, à savoir de la fusion autoritaire. Car c’est le sens de votre amendement, monsieur Molac !

Je me tourne maintenant vers nos collègues de l’UMP, notamment alsaciens. Ce qui est proposé dans ces amendements, mes chers collègues, c’est exactement ce contre quoi vous vous battez : une fusion autoritaire. N’avez-vous pas répété tout au long des débats que vous refusiez que la région Alsace soit fusionnée avec la Lorraine et Champagne-Ardenne ? Nous respectons au demeurant totalement votre volonté.

Or c’est exactement ainsi que procèdent nos deux collègues pour la région Centre : peu importe son avis, on décide de la fusionner autoritairement, alors qu’elle ne le veut pas, avec des départements des Pays de la Loire dont d’ailleurs la Bretagne ne voudrait pas ! C’est tout de même choquant. Pour ma part, vous l’aurez compris, je suis résolument hostile à ces amendements et à la manière de procéder.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je vais reprendre mes arguments, sous une forme un peu différente. D’abord, j’entends parler de sondages. Il est une chose pourtant qui prévaut sur les sondages, en démocratie : c’est l’avis des élus du suffrage universel. Or l’immense majorité des élus régionaux des Pays de la Loire ainsi que l’immense majorité des élus des départements des Pays de la Loire ont très clairement affirmé leurs deux priorités. La première est que les Pays de la Loire ne soient en aucun cas démantelés : ils forment un tout. La deuxième est que, si rapprochement il devait y avoir, ils seraient tout à fait d’accord pour être rapprochés de la Bretagne – la Bretagne tout entière, car ils respectent la Bretagne tout entière. Nous aimerions bénéficier en retour du même respect pour les Pays de la Loire dans leur ensemble.

M. Luc Belot. Très bien.

M. Michel Piron. Ensuite, s’agissant des sondages, tout dépend des questions qui sont posées.

Un sondage montre que plus de 60 % des habitants des Pays de la Loire sont d’accord pour un rapprochement avec la Bretagne tout entière. Alors quand j’entends parler de 20 000 ou 30 000 manifestants, je me permets de souligner que cela ne représente pas le suffrage universel.

M. Pascal Popelin. C’est vrai.

M. Michel Piron. Ma troisième observation porte sur les bassins de vie. La région Pays de la Loire, je le répète, ne s’est pas construite sur une quête d’identité. Les Pays de la Loire, c’est plus de quarante ans de construction volontaire, sur des complémentarités,…

M. Paul Molac et M. François de Rugy. Non.

M. Michel Piron. …d’Olivier Guichard à Jacques Auxiette en passant par François Fillon. Les pays de la Loire relèvent d’une extraordinaire construction volontaire de complémentarités entre le caractère industrieux bien connu de la Loire-Atlantique, et de la Vendée, et le tourisme également archiconnu du Maine-et-Loire et du Val de Loire.

Les Pays de la Loire ont constitué, année après année, des filières soutenues par la région – agroalimentaires, industrielles. Plus des deux tiers de l’industrie de la Vendée sont liés à l’industrie et aux donneurs d’ordre de la Loire-Atlantique. Plus des deux tiers de l’industrie du Maine-et-Loire sont liés à la Loire-Atlantique. Et M. Molac a déjà, à juste titre, indiqué qu’il y avait autant de contractualisations et de partenariats entre Lorient et Nantes qu’entre Angers et Nantes. Il semblait le découvrir, mais je le remercie de l’avoir rappelé. Cela montre que la réponse est à trouver en Bretagne-Pays de la Loire, mais certainement pas dans le démantèlement des Pays de la Loire.

Dans le domaine de la recherche, la totalité des universités et des centres de recherche n’ont pas seulement opté pour Bretagne-Pays de Loire, mais sont en train d’achever leur mise en réseau. Est-ce là ce que l’on veut nier, ignorer ? Telle est la réalité du bassin de vie des Pays de la Loire.

Cette région connaît en outre des réussites économiques incontestables : premier taux national en matière d’apprentissage, troisième région industrielle, taux d’emploi tout à fait exceptionnel. Le dynamisme des Pays de la Loire est tout à fait exceptionnel. Mais nous, nous n’entendons pas forcément le garder pour nous. Nous sommes toujours ouverts à l’idée de le partager avec la Bretagne – mais certainement pas en acceptant, je le répète, de récuser plus de quarante ans de travail commun.

Permettez-moi une observation complémentaire : certains parlent de faire deux régions pour trois ? Nous proposons d’en faire une pour deux. Cela me semble encore plus simple.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Très bien.

M. Michel Piron. Enfin, concernant la région Centre, je l’ai déjà dit : non seulement nous n’avons absolument aucun mépris pour la région Centre, mais nous la respectons – nous respectons ce qu’elle veut ! M. Molac affirmait à l’instant que cela ne marchait pas entre la région Centre et les Pays de la Loire : et donc, il suffirait de les mettre ensemble pour que cela marche ? C’est ça, sa réponse ?

S’agissant des rapports avec la région Centre et la Bretagne, et il n’y a là aucun jugement de valeur, je me permets de vous indiquer que sur quarante-sept contractualisations interrégionales des Pays de la Loire – pas des petits contrats signés sur un coin de table – quarante-trois sont signés entre les Pays de la Loire et la Bretagne. Tels sont les rapports réels, concrets. Alors, les manifestations de compassion d’un certain nombre de nos collègues ne sont guère respectueuses ni de l’histoire contemporaine, ni de l’histoire que l’on essaie de construire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Chers collègues, après avoir commencé avec l’Alsace, veuillez m’excuser de vous imposer un chapitre breton. L’hypocrisie n’est pas de mise dans ce dossier, car nous sommes observés.

Je ne voterai pas l’amendement de Paul Molac qui propose le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, alors qu’il répond à ma conviction profonde. Une grande partie de mon engagement politique est portée par la certitude que la Bretagne est faite de cinq départements. Mais la Bretagne ne peut pas être réunifiée uniquement parce qu’elle le veut, elle.

M. Serge Grouard. Très bien.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il faut naturellement que la Loire-Atlantique le veuille. Or je n’ai pas entendu, mis à part François de Rugy, d’autres parlementaires de ce département demander le rattachement à la Bretagne.

Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Hugues Fourage. C’est vrai.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je ne veux pas les contraindre, car je refuse que les rassemblements se fassent en usant de la force.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et l’Alsace ?

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Permettez, chers collègues. Je veux m’expliquer parce qu’en Bretagne, on nous interroge beaucoup sur cette question. On ne fait pas de la politique par des coups dans l’hémicycle. On fait de la politique en respectant la parole qui a été donnée. Le groupe auquel j’appartiens a fait un choix, celui de conserver la Bretagne à quatre départements. Le président Le Roux a très justement rappelé que cela ne correspondait pas au sentiment dominant du groupe socialiste : s’il y avait eu un vote au sein du groupe, la Bretagne serait rattachée à la région Pays de la Loire.

Le groupe socialiste n’a pas défendu cette position car nous avons su convaincre qu’il fallait, dans un premier temps, garder la Bretagne à quatre départements, les Pays de la Loire et le Centre. Mais demain, il est évident que la carte va évoluer. C’est la raison pour laquelle je me suis engagé sur le droit d’option.

M. Jacques Krabal. Avec quels résultats ?

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. En effet, je suis persuadé que le droit d’option doit bouger.

M. Marc Le Fur. Il n’a pas bougé.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Mais le texte n’est pas encore adopté. Toutes les batailles ne sont donc pas perdues, elles sont à mener. Mais parce que je récuse l’hypocrisie, je voterai de la même manière, dans cette nouvelle lecture, que lors de la première et de la deuxième : alors que je suis convaincu que la Bretagne doit avoir cinq départements, et par cohérence et solidarité envers mon groupe, car je ne suis pas ici simplement parce que je m’appelle Jean-Jacques Urvoas mais parce que j’appartiens à une majorité qui m’a soutenu, je ne voterai pas cet amendement. Mais je me battrai sur le droit d’option. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Louis Christ. Et votre conscience ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Et l’Alsace ?

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Comme en première et en deuxième lecture, notre groupe entend rester délibérément à l’écart des tractations et marchandages de la carte régionale, compte tenu de son opposition de principe à l’élaboration d’une nouvelle carte. C’est la raison pour laquelle notre groupe ne participera pas au vote sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. J’ai bien écouté le président Urvoas et je souhaite relayer les propos de M. Grouard et de M. Piron. Au point où nous en sommes, des mécontentements demeurent, je ne les ignore pas, nous les avons entendus. Mais nous devons respecter la procédure que nous avons fixée. On peut penser qu’elle est allée trop loin dans certains cas, mais elle a suivi le principe d’un regroupement par régions, qui nous semble être le plus cohérent compte tenu des enjeux pour demain. Je suis convaincu que l’on répondra ainsi mieux à ces enjeux dans la partie Est de notre pays et qu’ils seront matière à réflexion demain dans la partie Ouest.

Je souhaite que nous ne soyons pas dans l’affichage et que nous respections le débat que nous avons eu, avec toutes nos différences, depuis plusieurs semaines.

M. Éric Straumann. Le respect, il faut le chercher !

M. Bruno Le Roux. Les amendements dont nous débattons, eux, ne montrent pas de respect pour les territoires. Par exemple, monsieur Molac, il a d’abord été question de la Bretagne seule, puis de lui adjoindre la Loire-Atlantique, et enfin, en nouvelle lecture, il est apparu qu’il ne fallait pas laisser quatre départements tout seuls et qu’il fallait leur adjoindre une région, le Centre. Mais dans votre exposé sommaire, pas un seul paragraphe ne parle d’autre chose que de la Bretagne ! Rien sur les Pays de la Loire, rien sur la région Centre !

Ce que vous proposez n’est qu’un habillage pour essayer d’obtenir quelque chose qui n’a pas été rendu possible aujourd’hui, qui n’a pas sa place dans le débat et qui est une perspective pour demain. Mais à la différence avec le président Urvoas, je pense que le droit d’option doit exprimer des volontés fortes, tant pour la région d’accueil que pour la région qui autorisera le départ.

Nous sommes parvenus aujourd’hui non pas à la fin du débat, ça se saurait ! Mais à un point d’équilibre qui est apparu il y a plusieurs semaines et qui doit maintenant s’installer, et que nous devons assumer, parce qu’il est issu d’un débat pleinement républicain qui a été, quoi qu’on puisse en dire, respectueux des territoires et de leur opinion. Compte tenu de la manière dont nous avons construit nos débats, il n’est pas question de séparer les éléments qui constituent une région.

Je sais que nous allons finir par voter, car il y a dans cette question des considérations qui dépassent le cadre de notre débat. Pourtant, mieux vaudrait, monsieur Molac, afin d’éviter des plaies et des incompréhensions dans ces territoires importants pour notre pays que sont les quatre départements des Pays de la Loire hors Loire-Atlantique, sans parler de la région Centre, que vous retiriez votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Il est normal que nous ayons ce débat. Il s’impose du fait que l’on a voulu procéder à un redécoupage des régions par la voie parlementaire, qui est une voie parmi d’autres mais dont on voit bien, débat après débat, qu’elle pose problème car elle conduit à demander au Parlement d’arbitrer des questions qui ont parfois de fortes implications régionales, comme vient encore de le démontrer l’intervention de M. Bruno Le Roux. J’ai déjà dit que ce choix posait un double problème de démocratie et de méthode de travail. Il est donc normal, je le répète, que jusqu’à la dernière lecture de ce texte qui redécoupera sans doute les régions pour un certain temps – car j’imagine mal qu’il soit conçu pour être provisoire – chacun de nous aille au bout de sa logique.

Évitons les faux arguments, comme ceux qui consistent à dire que la question n’a pas été travaillée en amont, qu’il n’y a pas eu de concertation, que les élus et les députés de Loire-Atlantique ne sont pas tous favorables à la réunification de la Bretagne et que je serais même le seul à la souhaiter. Si cet argument était valable pour la Bretagne, il aurait fallu qu’il le soit aussi pour l’Alsace ! Or on nous a dit, et je peux l’entendre, que ce n’est pas aux députés de choisir pour leur propre région.

M. Éric Straumann. Nous sommes là !

M. François de Rugy. Pour ma part, je préférerais que ce soient les citoyens et les élus des régions concernées qui choisissent, mais je dois bien constater qu’on ne nous a pas donné l’occasion de faire un choix populaire et citoyen.

M. André Schneider. Nous sommes là !

M. François de Rugy. Monsieur Piron, vous ne pouvez pas dire que la construction des Pays de la Loire depuis quarante ans – d’ailleurs, pourquoi quarante ans ?…

M. Michel Piron. Depuis la création de la région !

M. François de Rugy. Mais l’élection au suffrage universel remonte à 1986, c’est-à-dire vingt-huit ans ! Toujours est-il qu’on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une construction volontaire, car jamais, jamais il n’a été demandé aux citoyens, électeurs ou élus des territoires concernés s’ils étaient favorables à la construction de cette région des Pays de la Loire.

On nous a également dit qu’il n’était pas grave d’être noyé dans une région différente de celle pour laquelle on éprouve le sentiment d’identité ou d’appartenance, car cela n’empêchait pas ce sentiment d’exister. Heureusement qu’on n’efface pas d’un trait de plume ou d’un vote à l’Assemblée, voire d’un décret – comme cela a déjà été le cas – le sentiment d’appartenance ! Cela devrait d’ailleurs nous faire réfléchir… Force est cependant de constater, monsieur Piron, que depuis quelques années, avec les trois présidents de région successifs que vous avez cités, jamais le conseil régional des Pays de la Loire n’a reconnu la diversité des identités des cinq départements constituant la région, notamment l’identité bretonne. On a même vu s’imposer dans le langage officiel de la région le terme aberrant de « Ligérien » pour désigner les habitants de ces cinq départements, dont deux seulement sont traversées par la Loire ! Les députés de la Loire et de la Haute-Loire, qui siègent à nos côtés et dont les départements sont bien loin de cette région des Pays de la Loire, pourraient s’insurger contre cette usurpation d’identité ! (Sourires.) Si le ministre de l’intérieur était présent, je pourrais lui demander de lutter contre cette usurpation de l’identité ligérienne par cette construction artificielle qui s’appelle les « Pays de la Loire » !

M. Paul Molac. Très bien !

M. François de Rugy. Je constate, cher collègue de la région Centre, que les élus de cette région se sont battus pour obtenir qu’elle change de nom dans le présent texte de loi. Elle est seule dans ce cas, et sera désormais dénommée « Centre-Val de Loire ». Il est étrange que cela ait été accepté, alors qu’elle n’inclut pas tout le Val de Loire, tant s’en faut.

M. Serge Grouard. C’est la seule qui n’ait pas d’identité !

M. François de Rugy. Nous avons travaillé, avec Paul Molac et d’autres, à des convergences avec des collègues socialistes de la région Centre, notamment M. Jean-Patrick Gille, avec qui nous avons signé une tribune en toute transparence. En amont, le président de la région Centre, également socialiste, s’est exprimé à plusieurs reprises en faveur d’une région Centre-Val de Loire élargie, qui est le pendant logique d’une région Bretagne élargie.

M. Serge Grouard. Je récuse ! C’est faux !

M. François de Rugy. Monsieur Piron, vous avez évoqué vos quarante-sept contractualisations. C’est votre droit. Deux lectures sont en effet possibles. L’une est celle des schémas, des contrats, des plans, de tout ce que produisent les collectivités. L’autre est celle de la volonté populaire, de l’expression des citoyens. Or vous ne pouvez pas nier ce que confirment toutes les études d’opinion réalisées depuis que ce débat sur le redécoupage de région a été relancé – car il ne s’agit pas seulement de manifestations. Voulez-vous un référendum, pour vous en assurer ? Pas de problème. Faisons-le demain, dans les cinq départements bretons, et nous nous soumettrons à son résultat. Mais cela n’a pas été fait…

Il serait donc de la responsabilité des membres du Parlement, quel que soit le département dont ils sont élus, de suivre cette volonté et de permettre la réunification de la Bretagne. Je rappelle qu’il s’agit de la seule région de France où s’exprime depuis plusieurs dizaines d’années une revendication de redécoupage : et à l’occasion de cette loi de redécoupage, l’une des seules régions de France qui ne serait pas touchée serait la Bretagne ? C’était bien la moindre des choses que cela suscite un trouble, un émoi et un mécontentement dans la région Bretagne et que des députés les relaient ici, à l’Assemblée nationale, et demandent qu’il soit fait justice à cette revendication très ancienne en votant ce soir la réunification de la Bretagne. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Bien que je ne sois pas Breton, je voudrais intervenir dans ce débat. J’ai trouvé le plaidoyer de M. Jean-Jacques Urvoas plus que pertinent. Conformément à la formule célèbre, qui est je crois d’Edgar Faure, on peut être convaincu par un discours sans forcément changer de vote et, de fait, M. Urvoas m’a presque convaincu. Ne reste qu’un problème : pourquoi ce qui est valable pour l’Ouest ne l’est-il pas pour l’Est ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Pourquoi ce qui est valable pour la Bretagne ne l’est-il pas pour l’Alsace ?

M. Urvoas vient de livrer un vibrant plaidoyer adjurant de ne pas forcer ceux qui ne veulent pas être ensemble, de ne pas obliger la Loire-Atlantique, qui pourtant le veut mais peut-être pas tant que cela, à se marier avec les Bretons. De même, il a repris les arguments de nos collègues du Centre, à juste titre, car on ne peut pas les forcer à aller à l’encontre de leur point de vue. Mais pourquoi alors, monsieur Urvoas, acceptez-vous le mariage des Alsaciens avec les Lorrains et les Champardennais alors même que les Alsaciens, unanimes voire plus encore, ne l’acceptent pas ? Pourquoi deux poids, deux mesures ?

En deuxième lieu, le rapporteur vient de déclarer que vous ne souhaitiez pas séparer les départements au sein d’une même région et que vous ne feriez pas d’exception pour la seule Bretagne. J’entends l’argument. Expliquez-moi alors pourquoi vous faites une exception pour la désignation des capitales de région ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Et voilà !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je tiens à témoigner du travail réalisé depuis l’annonce du découpage territorial dans la région des Pays de la Loire, qui a entrepris très en amont la réflexion sur son évolution. Des tables rondes et des rencontres ont été organisées dans l’ensemble de la région des Pays de la Loire et, comme en attestent les comptes rendus, l’ensemble des acteurs économiques, associatifs ou politiques présents dans ces différentes réunions, à part un écologiste qui a demandé le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, ont déclaré que tout en conservant ce qui nous rapprochait en matière d’histoire et de culture bretonnes, il fallait se tourner vers l’avenir, et notamment vers une grande région Bretagne-Pays de la Loire. C’est ce qu’ils ont tous dit. Cela est d’autant plus juste que, comme l’a relevé M. Piron, de nombreux partenariats, multiples et variés existent avec le Bretagne mais aussi avec d’autres régions.

Monsieur de Rugy, vous avez déclaré que la Loire-Atlantique devait être rattachée à la Bretagne. Bigre ! Et vous, monsieur Le Fur, vous avez parlé d’une manifestation pour le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne qui avait réuni 20 000 à 30 000 personnes à Nantes, mais sans dire que ces gens venaient majoritairement des quatre départements de Bretagne, et très peu de Loire-Atlantique !

M. Marc Le Fur. Ils venaient de Bretagne et de Loire-Atlantique !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Il faut aller jusqu’au bout de la logique.

M. Marc Le Fur. Vous n’y étiez pas, madame !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Je n’y étais pas, c’est vrai, vous vous répétez. Mais il s’y trouvait en majorité des représentants des quatre départements bretons, et pas de Loire-Atlantique.

Il faut donc laisser les choses se faire sereinement. Nous serons certainement conduits un jour à un rapprochement, à une région Bretagne-Pays de la Loire. Mais si nous voulons être une région forte, au bout de l’Europe, nous avons plutôt intérêt à nous rassembler – pas seulement les cinq départements bretons, mais l’ensemble des départements de la Bretagne et des Pays de la Loire.

Pour ce faire, il faut que le département puisse décider de changer de région, il faut que la région qui l’accueille puisse également affirmer que c’est son souhait, mais il faut aussi, et c’est la moindre des choses, que les départements de la région d’origine puissent eux aussi donner leur avis. Il y a dans ce domaine une grande hypocrisie. Il est un peu fort que vous réclamiez qu’un département vous rejoigne sans vous préoccuper le moins du monde du sort des autres ! Nous avons créé, avec les Pays de la Loire, une région homogène, ce qui n’avait rien d’évident au départ. Nous sommes une région forte et solidaire et souhaitons le rester, avec d’autres si possible. Mais, de grâce, la région qui laisse partir le département doit pouvoir exprimer son point de vue !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Monsieur de Rugy, puisque vous vous êtes prononcé contre la fusion forcée de l’Alsace, et pour faire écho aux propos très pertinents de M. Benoist Apparu, je vous invite à vous déclarer aussi contre la fusion forcée du Centre et d’une partie des Pays de la Loire.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Je vais bien sûr soutenir les amendements de Marc Le Fur et de Paul Molac ; j’ai du reste déposé des amendements allant dans le même sens.

À ce stade, en troisième lecture, je suis vraiment déçu par la tournure des événements. Nous en sommes à réclamer réparation – car c’est bien de cela qu’il s’agit, pour la Bretagne : avec les amendements qui proposent en troisième lecture le rattachement du département de Loire-Atlantique à la région Bretagne, il s’agit bien, pour nous qui habitons cette région, de demander réparation par le Parlement d’un décret qui date de 1941 et qui, avec brutalité, a détaché et annexé le département de Loire-Atlantique.

Mme Marie-Françoise Clergeau. C’est archaïque et passéiste !

M. Thierry Benoit. Nous sommes une majorité d’habitants des cinq départements bretons à souhaiter cette réunification, y compris dans le département de Loire-Atlantique, dont la majorité des habitants, lorsque la question leur est posée, se prononcent, à 60 ou 70 % selon les périodes, en faveur de cette réunification.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Non ! Ce n’est pas vrai !

M. Thierry Benoit. J’ai déjà dit que ce redécoupage, cette redéfinition de la carte des régions aurait dû se faire par les territoires, avec les territoires et pour les territoires.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Et voilà !

M. Thierry Benoit. J’en suis convaincu.

Lorsque votre projet est arrivé au Parlement, monsieur le ministre, il a fait naître de réels espoirs dans certaines régions de France qui ont une identité forte, qui sont attachées à leur histoire culturelle et qui ont bâti un développement économique à partir de cette histoire et de cette culture. Or il s’agit à cette heure d’un faux espoir, d’un espoir déçu, ce qui me rend personnellement amer : je le répète pour la troisième fois, ce sont des membres du Gouvernement qui ont fait naître cet espoir dans la région où je vis !

À ce stade, s’agissant du droit d’option qui a été évoqué, je considère qu’une majorité de trois cinquièmes, telle qu’elle est définie à ce jour, est une majorité bloquante, une majorité qui verrouille toute possibilité pour un département de faire mouvement. C’est juste un hochet que vous agitez, monsieur le ministre.

Vous nous avez d’abord dit de ne pas nous inquiéter, qu’il y aurait un droit d’option. Ça, c’était avant la première lecture. En passant à la deuxième lecture, on nous a expliqué qu’il ne fallait pas se faire de souci, que la majorité des trois cinquièmes avait été retenue en première lecture mais qu’il y avait de grandes chances que cela se transforme en majorité simple, qu’on allait travailler pour obtenir un droit d’option avec une majorité simple. Mais les lectures se succèdent, le temps s’écoule et le système se verrouille. Ce hochet que le Gouvernement agite d’un droit d’option complexe, à la majorité des trois cinquièmes, fait s’évanouir toute perspective pour un département qui voudrait à l’avenir choisir sa région de rattachement. Sauf si, dans les heures qui viennent, les débats nous permettent d’en revenir à un droit d’option simple…

Voilà pourquoi je vais voter ces amendements et pourquoi je soutiens la réunification des cinq départements bretons. Dans l’histoire de notre pays, la région Bretagne est à ce jour la seule qui demeure privée d’un de ses départements. L’action de certaines associations comme Bretagne réunie ou Produit en Bretagne, qui regroupe plus de trois cents entreprises et une centaine de milliers de salariés, est donc légitime.

Tout cela compte, dans notre histoire. La Bretagne, qui est une eurorégion, puisque les Bretons ont toujours été au rendez-vous de la construction européenne, veut elle aussi apporter sa contribution à la construction européenne, à la modernité, à l’esprit qui anime le Gouvernement lorsqu’il nous explique, comme l’a fait Bernard Cazeneuve cet après-midi, qu’il souhaite une meilleure lisibilité pour le citoyen, une meilleure efficacité des régions, des régions plus fortes en Europe ainsi qu’une meilleure maîtrise de la dépense publique.

Enfin, puisque c’est l’heure d’exprimer mes déceptions et mon amertume, je regrette aussi que ce texte n’ait pas prévu une prime d’encouragement pour les femmes et les hommes des territoires qui souhaitent s’organiser. Les Alsaciens ont récemment pris des initiatives, qui ne sont pas totalement couronnées de succès parce que certaines dispositions étaient complexes. Mais le message de celles et ceux qui se sont déplacés en Alsace était majoritairement en faveur de la réunification des deux départements.

M. Hugues Fourage. C’est faux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Si, le message des Alsaciens qui se sont déplacés pour voter, même s’ils étaient insuffisamment nombreux, était en faveur du rapprochement des deux départements pour créer une région forte d’Alsace !

M. Patrick Hetzel. Bien sûr ! Il a raison !

M. André Schneider. C’est vrai !

M. Thierry Benoit. Il y a des élus territoriaux, il y a des parlementaires de Bretagne qui prennent des initiatives, qui en faveur de l’assemblée de Bretagne, qui pour le conseiller territorial institué sous l’ancienne législature. Je souhaiterais d’ailleurs que nous revenions dès que possible au conseiller territorial, probablement à l’occasion d’un changement de majorité, parce que le conseiller territorial représentait la confiance accordée aux élus des territoires pour organiser leurs schémas de compétences et pour envisager, pour celles et ceux qui en étaient désireux dans les diverses régions de France, de constituer par exemple une assemblée de Bretagne ou une assemblée d’Alsace – c’était la primauté et la confiance accordées aux territoires.

Voilà pourquoi je soutiens de tout cœur la réunification des cinq départements bretons et pourquoi je voterai bien sûr en faveur de tous les amendements qui la favorisent.

M. Paul Molac. Bravo !

M. Jean-Louis Christ. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Fourage.

M. Hugues Fourage. Je voudrais d’abord dire à Thierry Benoit que je trouve son argument sur la réparation du décret de 1941 un peu spécieux sur le plan historique. En effet, cela fait fi de l’établissement public régional constitué en 1972. Pourquoi, vous comme d’autres, venez-vous toujours nous rappeler 1941 ?

M. Marc Le Fur. C’est la première fois qu’on en débat à l’Assemblée nationale !

M. Hugues Fourage. C’est assez dommageable, et c’est certainement oublier que les régions ont été véritablement constituées dans leur forme moderne à partir des établissements publics créés en 1972. Je tenais à le rappeler parce qu’avec cet argument, vous nous mettez dans une position de culpabilité, au motif que nous vous refuserions un droit à réparation. Mais quelle réparation ? La question se pose véritablement. Je trouve que l’argument est fondamentalement spécieux.

Ensuite, je voudrais dire à mes collègues alsaciens qui sont intervenus dans ce débat, qui est davantage un débat de l’Ouest que de l’Est (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Benoist Apparu. Un principe valable dans l’Ouest s’applique aussi dans l’Est, c’est tout !

M. Hugues Fourage. Moi, je vous ai écoutés…

Mme la présidente. Seul M. Fourage a la parole.

M. Éric Straumann. Il est à l’ouest !

M. Hugues Fourage. Voilà qui est d’une grande finesse…

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Fourage !

M. Hugues Fourage. Je voudrais donc rappeler à mes collègues alsaciens que lors des premières lectures, lors des auditions du rapporteur, les Alsaciens étaient prêts à aller avec les Lorrains.

M. Éric Straumann. C’est faux !

M. Hugues Fourage. La question est un peu différente de celle de la Bretagne et des Pays de la Loire. C’est même totalement différent. C’est la raison pour laquelle, après avoir étudié la carte et auditionné un certain nombre de collègues de vos bancs, M. Warsmann par exemple, nous avons intégré la Champagne-Ardenne dans la nouvelle région, parce que nous avons entendu ses arguments.

M. Benoist Apparu. Vous avez pris en compte l’avis d’une partie des parlementaires de Champagne, pas de tous !

M. Hugues Fourage. Ce n’est donc pas tout à fait la même logique et la même façon de faire que s’agissant de la Bretagne et des Pays de la Loire, et je regrette que la Bretagne ne souhaite pas forcément la fusion avec les Pays de la Loire.

M. Marc Le Fur. Tout le monde s’y intéresse : cela ne regarde pas seulement certains !

M. Hugues Fourage. Le rapporteur a rappelé tout à l’heure que c’était une logique d’assemblage région par région qui prévalait. On discutera tout à l’heure du droit d’option, c’est une autre histoire.

Enfin, je rappelle que depuis la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, 10 % des élus d’une assemblée peuvent inscrire cette question à son ordre du jour. Et la loi MAPTAM date du début de cette année !

M. Éric Straumann. C’est que nous avons fait : nous avons voté cette disposition en Alsace !

M. Hugues Fourage. Non ! Ici, en l’occurrence, cela n’a pas été fait. Si je me pose la question, c’est pour répondre à M. de Rugy concernant l’expression des élus. Je rappelle que nous sommes dans un mandat représentatif, et non un mandat impératif, et qu’en outre il y a eu une évolution : autant les cartes, en 1972 et en 1986, ont été établies par décret, autant nous sommes ici dans un débat démocratique. En tant qu’élus de la nation, nous pouvons avoir une vision globale des choses !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Chers collègues, s’agissant du décret et de la loi, je voudrais rappeler que les régions ne sont collectivités territoriales que depuis 1982 et que, quand on n’est pas collectivité territoriale, les découpages se font par décret ! Auparavant, les régions étaient des circonscriptions administratives de l’État. L’établissement public régional a été créé en 1972. Or, seules les catégories d’établissements publics sont créées par la loi ; pour le reste, tout relève du pouvoir réglementaire. Il est donc normal que ce soit seulement depuis 1982 que l’on traite du redécoupage par la loi. Et c’est la première fois que l’on procède à un redécoupage des régions. Ne vous gargarisez donc pas d’être de grands démocrates parce que quand vous voulez redécouper, vous recourez à la loi : c’est normal, puisque les régions sont collectivités territoriales depuis 1982 ! Arrêtez de brandir cet argument !

Deuxième remarque : une carte a été publiée dans L’Express il y a quelques semaines, une carte de la DATAR, que chacun a sans doute vue dans cet hémicycle et qui permet d’éclairer le débat sur la région Est. Elle fait apparaître l’intensité des relations de toutes natures entre toutes les communes de France. Et vous remarquerez que, s’agissant de l’Alsace, il n’y a quasiment aucune relation avec la Lorraine, et pas du tout avec la Champagne-Ardenne ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Un député du groupe UMP. C’est la vérité !

M. Hervé Gaymard. Regardez cette carte, elle est extrêmement éclairante ! Vous plaquez un dessin administratif sur une réalité de flux humains et économiques qui n’a rien à voir : c’est pour cela qu’il y a des débats ! Je ne suis pas Breton, je ne suis pas Alsacien, je suis Savoyard mais j’ai bien compris que s’il y a autant de débats de la part de nos collègues, ce n’est pas par volonté de faire durer les choses ! On est en troisième lecture. Il faut savoir entendre ce que disent nos collègues ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Bravo !

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. Hervé Gaymard. Ils sont comme nous tous issus du suffrage universel : souffrez que l’on entende ce qu’ils disent ! Je trouve que dans ce débat, il y a vraiment deux poids deux mesures. Tout ceci est scandaleux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Je ne peux pas laisser passer cela. Je rappelle qu’il y a eu un référendum en Alsace, en avril 2013.

M. André Schneider. Vous avez voté contre !

M. Philippe Bies. Ce référendum a rejeté le projet défendu par Philippe Richert.

M. Éric Straumann. C’est faux ! Il y a eu 60 % de votes pour à Strasbourg !

Mme la présidente. Seul M. Bies a la parole !

M. Philippe Bies. On peut le regretter, mais c’est comme ça.

Deuxième rappel : en mars 2013, un mois avant ce référendum, un sondage effectué dans le Haut-Rhin donnait 71 % d’opinions favorables à ce conseil unique d’Alsace. Un mois plus tard, les Alsaciens se rendent aux urnes et 56 % des Haut-Rhinois rejettent ce projet.

Un député du groupe SRC. Merci, monsieur Straumann !

M. Philippe Bies. Et aujourd’hui, on voudrait refaire l’histoire, réintroduire un projet qui a été rejeté par les Alsaciens ! C’est comme ça, c’est la réalité !

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Philippe Bies. Je trouve un peu dommage qu’on fasse débat avec cette histoire.

Troisième point : je ne peux pas laisser M. Gaymard dire qu’il n’y a aucune relation entre l’Alsace et la Lorraine.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il y a la Moselle !

M. Philippe Bies. C’est un contresens historique, économique et administratif !

Mme Marie-Jo Zimmermann. La Moselle, pas la Lorraine !

M. Patrick Mennucci. Vous voulez une carte ?

M. Philippe Bies. Madame Zimmermann, évitons de raconter n’importe quoi ! Chacun a le droit de défendre son opinion, mais évitons trop de passion et surtout évitons trop d’imprécision, car cela peut entraîner des réactions que certains ne maîtriseront pas, ou plus, comme j’ai eu l’occasion de le dire précédemment.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Après avoir entendu toutes les interventions, aussi intéressantes les unes que les autres, je dois dire que je reste tout de même un peu heurté par la définition unilatérale par l’État de la délimitation des régions.

M. Patrick Hetzel. Exactement !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. C’est un système discrétionnaire, parfois un peu arbitraire, et cela ne relève pas véritablement de ce que l’on peut espérer de la démocratie, et spécialement de la démocratie locale.

Second point : le droit d’option. Cela fait des mois qu’on nous promet qu’il va cesser d’être illusoire, théorique. Chaque fois, le Sénat définit un droit d’option vraiment tangible et chaque fois, jusqu’à présent en tout cas, l’Assemblée nationale revient à la case départ et détruit la possibilité de l’exercer. Donc si, au début de l’examen des articles, vous avancez l’argument que peut-être, plus tard, dans un autre article, les modalités d’exercice du droit d’option seront un peu assouplies, dites-nous franchement maintenant ce qu’il en sera, car nous ne pouvons pas délibérer valablement quand subsiste un tel point d’interrogation.

D’autre part, je comprends très bien le président de la commission des lois, même s’il s’exprime au nom de son groupe, ce qui est un peu une innovation.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Non, je m’exprime comme député, tout simplement !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Tout de même… Mais ce n’est pas grave : ce groupe est incomparablement majoritaire et il l’est aussi à la commission des lois, donc les points de vue sont les mêmes. En outre, je pense que la fidélité que le président de la commission des lois montre à son groupe est tout à fait positive. Elle s’inscrit dans la meilleure tradition du socialisme et de la social-démocratie : ne pas faire preuve d’une sorte d’individualisme petit-bourgeois, comme disaient très légitimement les marxistes… (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Mais je préférerais citer une autre formule, même si elle revient au même, celle-ci de Disraeli, qui comme vous le savez était président du parti conservateur et du groupe conservateur : je vote avec mon groupe, comme un gentleman, et non avec ma conscience, comme un aventurier ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Krabal et M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. La problématique alsacienne exaspère nos collègues socialistes, mais je voudrais quand même répondre à M. Bies. Je rappellerai d’abord que les socialistes strasbourgeois ont toujours été opposés au conseil unique d’Alsace. C’est pour ça, d’ailleurs, que Strasbourg a voté à plus de 60 % en faveur de ce conseil unique… Cela dit, vous avez raison, cher collègue plus de 70 % des Alsaciens, des Haut-Rhinois sondés y étaient favorables. C’est tout le problème du référendum : lorsqu’on interroge les gens, ils sont pour le projet, mais le jour où il faut se déplacer, ils ont autre chose à faire et le taux de participation est très faible.

Mais ce qui est vraiment dommage, c’est qu’un député alsacien nous dise que comme nous n’avons pas voté dans le sens souhaité par les siens, nous serons punis et que, sans qu’on nous demande notre avis, nous serons fusionnés dans une grande région. Évidemment, il faut savoir voir l’arrière-pensée politique qui se cache derrière ce raisonnement.

M. André Schneider. Eh oui !

M. Éric Straumann. L’Alsace en effet a toujours été à droite, et leur seul espoir, pour pouvoir espérer gouverner un jour, c’est de nous noyer dans une grande région.

M. André Schneider. C’est ça, le vrai problème !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je voudrais revenir sur un point qui a été évoqué par André Schneider et sur lequel, jusqu’à présent, nous n’avons eu strictement aucune réponse.

M. André Schneider. Aucune !

M. Patrick Hetzel. C’était d’ailleurs déjà l’objet d’une question écrite qu’il avait posée le 5 août dernier, à propos de l’article 5 de la Charte européenne de l’autonomie locale : « Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet. » Qu’a donc fait le Gouvernement pour que le présent texte de loi soit conforme à cette charte que la France a décidé de ratifier, un peu tardivement certes, mais qui la lie tout de même depuis le 1er mai 2007 ? À cet égard, il est tout de même important de rappeler que si le fameux référendum du printemps 2013 n’a pas rempli toutes les conditions requises, il a fait apparaître que 58 % des votants étaient en faveur du conseil unique d’Alsace !

M. Armand Jung. C’est un département sur deux ! Un sur deux !

M. Patrick Hetzel. Toujours s’agissant de la Charte, en Alsace, trois collectivités territoriales se sont prononcées : le conseil général du Bas-Rhin, le conseil général du Haut-Rhin et le conseil régional d’Alsace. Ces trois conseils se sont prononcés chacun par une majorité de 96 % en faveur de l’existence d’un conseil unique.

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est quand même imparable, ça !

M. Patrick Hetzel. Ma question est simple : qu’en faites-vous ?

Le président Le Roux, fort judicieusement, a tiré argument du fait qu’on ne peut pas faire les choses contre l’avis des territoires. Vous êtes pris en flagrant délit de contradiction, chers collègues ! Il y a une région, l’Alsace, où 96 % des élus s’expriment en faveur d’un projet et vous nous dites circulez, il n’y a rien à voir ! En tout état de cause, il y a un problème d’argumentation et un problème de cohérence de la majorité et du Gouvernement. Vous êtes en totale contradiction avec ce qui a été dit tout à l’heure à propos de la Bretagne.

Cela montre bien qu’à partir du moment où la délimitation des territoires ne repose pas sur des critères objectifs, ce dont nous avons parlé tout à l’heure avec le ministre de l’intérieur, nous ne pouvons qu’être confrontés à de très importantes difficultés. Et si nous, parlementaires de l’Est de la France, sommes si nombreux à nous exprimer, c’est précisément pour vous dire qu’il y a là un vrai problème. Il n’a pas pu être résolu en première ni en deuxième lecture, mais nous espérons toujours que la sagesse prévaudra dans les heures qui viennent.

M. Luc Belot. Les amendements, c’est de la Loire-Atlantique qu’ils parlent !

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je remercie Hervé Gaymard d’avoir replacé le problème dans une perspective historique. Le problème véritable, le péché originel, c’est qu’on n’a jamais demandé aux populations et aux territoires quelle région ils voulaient ! Jamais ! C’est la première fois qu’on s’en préoccupe aujourd’hui, et j’en remercie d’ailleurs le Gouvernement. Le seul problème, c’est que finalement on le fait dans cet hémicycle, sans avoir demandé localement l’avis des populations.

Or nous, Bretons, nous n’avons jamais accepté la partition de la Bretagne ! Jamais ! Ma première manifestation, je l’ai faite à l’âge de seize ans, à Nantes, justement pour réclamer la réunification. Depuis lors, je n’ai pas varié, et je ne varierais pas aujourd’hui quand bien même mon groupe politique me demanderait de me taire. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François de Rugy. Il ne le demande pas !

M. Paul Molac. Et mon groupe politique ne me le demande pas, effectivement ! (Sourires.)

Nous avons discuté, je le rappelle, d’une loi qui concernait les communes sans jamais décider qu’une commune qui compte six ou dix habitants devait fusionner avec une autre. On en laisse l’initiative aux communes. Très bien ! Mais pour les régions, on décide de façon arbitraire, et on s’étonne que cela pose problème !

Quant au droit d’option avec une majorité des trois cinquièmes, ne nous leurrons pas : c’est juste un verrou, plus rien ne bougera !

M. Serge Grouard. Mais si ! Si tout le monde est d’accord, où est le problème ?

M. Paul Molac. Cela ne bougera pas, monsieur Grouard, parce qu’on demandera l’avis des Pays de la Loire, qui diront non, tout simplement, aux trois cinquièmes ! C’est tout simple, c’est évident. Les Bretons pourront dire ce qu’ils veulent, ce ne sont pas eux qui décideront, au bout du compte.

Il y a encore un problème plus large, beaucoup plus large : c’est que cette République n’arrive toujours pas à concilier unité et diversité. C’est le problème principal, on y revient toujours. C’est vrai de la Charte européenne des langues minoritaires, qui n’est toujours pas ratifiée. C’est vrai de tout ce tas de tracasseries administratives auxquelles on est confronté dès qu’on veut agir en faveur des cultures ou des langues régionales. Je pourrais vous en faire un florilège ! Il se trouve que je viens de la base, du milieu associatif. Pendant dix ans, j’ai été président d’une association de parents d’élèves pour l’enseignement du breton à l’école publique et je peux vous dire que les blocages administratifs, je connais ! Le mépris administratif, je connais !

Derrière le découpage, il est bien là, notre problème. Il faudra qu’un jour on fasse une « psychologie de peuple » et qu’on arrive à concilier notre unité et notre diversité, à accepter notre diversité et à l’inscrire dans la Constitution.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Juste deux ou trois choses, au terme de ce débat. Je voudrais d’abord dire que notre vote est grave pour une partie de la population française, en particulier la population de la Bretagne, particulièrement concernée. En effet, pour la première fois, nous avons l’occasion de mettre un terme au fameux décret de 1941. Il est vrai qu’il a été confirmé par des autorités légitimes et républicaines relevant du pouvoir exécutif mais aujourd’hui, pour la première fois, c’est le Parlement qui va le confirmer. Je considère que c’est un paradoxe étonnant.

Ce scrutin sera également très observé. C’est l’ultime vote, sur cette question de la Loire-Atlantique et de Nantes en Bretagne. Nous en avons eu de précédents, mais c’est aujourd’hui l’ultime. Il peut rattraper les erreurs. Si ce scrutin est particulièrement observé, c’est parce qu’avant que le Président de la République ne lance ce débat, ces questions de région ne suscitaient vraiment l’intérêt des gens qu’en Bretagne et en Alsace. C’étaient les deux endroits où le sujet parlait à l’opinion. Eh bien dans ces deux cas, vous passez à côté de l’opinion – non l’opinion du moment, mais l’opinion durable ! Depuis des années, en Bretagne en tout cas mais je suis convaincu que c’est la même chose en Alsace, ce sentiment s’exprime. Vous vous mettez donc à dos l’opinion bien inutilement, sachant, d’autres l’ont dit avant moi, que vous n’avez pas su satisfaire un certain nombre d’autres revendications touchant aux personnalités locales, et en particulier aux langues locales.

Il y a aussi un certain nombre de propos que j’ai un petit peu de mal à comprendre. J’ai le plus grand respect pour le président de la commission des lois, mais il dit que, tout en étant convaincu de la nécessité de rapprocher la Loire-Atlantique et de faire une Bretagne à cinq, il appartient aussi à un parti politique et se plie à sa discipline. Ma conception de la vie publique, c’est que quand on croit à un certain nombre de choses, on peut accepter que le parti l’emporte sur des questions que l’on estime mineures, mais qu’il est des choses essentielles dont on est comptable, y compris devant les électeurs.

Et puis il y a d’autres choses très surprenantes. Ainsi, jusqu’à récemment, monsieur le secrétaire d’État, votre collègue Mme Lebranchu était une passionnée de la Bretagne à cinq. Et voici qu’elle en est devenue une adversaire résolue, pour cause de menace liée à l’identité ou je ne sais quoi…

Ce qui est vrai, en tout état de cause, mes chers collègues, c’est que la société civile va plus vite que nous. Il y a des sondages, nous en avons parlé. Il y a aussi des manifestants, qui ont bien le droit, dans la République, de manifester. Et 30 000 personnes qui manifestent trois fois dans l’année, ce n’est pas rien ! Et puis il y a le mouvement des entreprises : « Produit en Bretagne », ça veut dire quelque chose ! Au salon nautique, qui a lieu en ce moment, « Produit en Bretagne » est très présent.

Il est à craindre que nos institutions politiques et administratives ne se coupent un peu plus de la société civile. C’est ce qui est en train de se passer, d’une manière plus générale, dans ce pays. La société civile bouge, elle prend des initiatives et nous, au contraire, nous restons figés dans une espèce de glaciation un peu surprenante, en particulier de la part d’un gouvernement qui se promettait d’être celui de la réforme.

Nous avons encore une occasion de faire évoluer les choses, de faire la Bretagne à cinq. Mes chers collègues, donnez aux Bretons l’occasion de ce rassemblement !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 51.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants64
Nombre de suffrages exprimés60
Majorité absolue31
Pour l’adoption19
contre41

(Les amendements identiques nos 9 et 51 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 61 et 96.

La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n61.

M. Éric Straumann. M. Vallini a inauguré au cours de l’été la foire de Châlons-en-Champagne. À cette occasion, il a déclaré, ce qui a eu beaucoup d’écho en Alsace, que le projet de conseil unique était « intéressant ». Cette déclaration de M. le secrétaire d’État a suscité beaucoup d’espoirs. Il faut dire qu’il a la réputation d’être moins rigide que d’autres membres du Gouvernement : j’espère que sa présence, ce soir, permettra de faire avancer les débats.

Je réitère une question qui a déjà été posée à plusieurs reprises sans que nous obtenions de réponse. Le 22 septembre dernier, les conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ainsi que le conseil régional d’Alsace, conformément au droit actuel, ont proposé la fusion des deux départements et de la région. C’était il y a plus de deux mois, et le Gouvernement n’a toujours pas répondu à cette demande, pourtant conforme à la législation en vigueur qu’il est chargé d’appliquer.

M. Claude Sturni et M. Jean-Louis Christ. Eh oui !

M. Éric Straumann. Il convient donc d’organiser rapidement un référendum. Je vous rappelle, mais vous le savez déjà, que 96 % des conseillers généraux et régionaux ont demandé l’organisation d’un tel référendum. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Christ, pour soutenir l’amendement n96.

M. Jean-Louis Christ. Nos débats ce soir sont assez éloquents, je dirais même édifiants. D’un côté, on fait passer les consignes avant la conscience. De l’autre, on ne s’intéresse qu’à sa propre région. D’un côté, on promeut une fusion autoritaire, de l’autre le libre choix.

Vous vous étiez gaussés des principes de la démocratie participative. Aujourd’hui, on constate qu’ils sont appliqués différemment au Nord, au Sud, à l’Est ou à l’Ouest. On peut s’étonner des différences de traitement que réserve ce projet de loi : certaines régions gardent leurs contours, comme la Bretagne, mais on a décidé d’un sort différent pour l’Alsace. Les élus alsaciens sont venus nombreux ce soir pour évoquer à la fois l’identité historique de l’Alsace et la nécessité de préserver ses limites actuelles, pour des raisons qui ont été souvent répétées.

C’est à un mariage forcé que nous assistons aujourd’hui. Mais on ne peut pas imposer une identité à des populations contre leur gré ! C’est pourquoi cet amendement vise à rétablir les limites actuelles de la région Alsace.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Défavorable.

M. Patrick Hetzel. Et pourquoi cela ? Donnez-nous vos raisons !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 61 et 96 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 29, 104, 126, 145 et 121, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 29, 104, 126 et 145 sont identiques.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n29.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à revenir à une collectivité unique pour l’Alsace, regroupant le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, comme c’est le cas aujourd’hui. En effet, 96 % des élus alsaciens se sont prononcés en faveur d’une telle solution. Plus que jamais, cela aurait du sens !

Nous sommes par ailleurs très surpris que M. le rapporteur aussi bien que M. le secrétaire d’État n’aient pas le moins du monde motivé leur avis défavorable. Certes, c’est leur droit, mais cela montre bien qu’ils manquent d’arguments de fond !

Si nous sommes aussi véhéments sur cette question, c’est que nous estimons que le projet qui a émergé en Alsace ces derniers mois mérite d’être pris en considération. M. le ministre de l’intérieur est revenu tout à l’heure sur le référendum du 7 avril 2013 en Alsace, estimant, je l’ai noté avec un immense intérêt, que si le résultat avait été différent, nous ne parlerions pas de fusionner l’Alsace avec d’autres territoires. Cela montre bien que ce projet a une légitimité propre.

M. Armand Jung. Mais non ! Les Alsaciens l’ont rejeté !

M. Patrick Hetzel. Cela montre aussi que le projet de rassembler les conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et le conseil régional d’Alsace est une véritable contribution à la réforme de l’État. Il permettrait de concilier les deux objectifs de la proximité des services publics pour les citoyens et de la réforme de nos institutions territoriales. Dans cette perspective, cet amendement prend tout son sens. C’est pourquoi nous espérons que les avis de la commission et du Gouvernement seront favorables.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n104.

M. Éric Straumann. Il s’agit d’un amendement fondamental, qui a fait l’objet de longs débats. Nous vous proposons à nouveau de maintenir l’Alsace dans ses contours actuels.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous pose à nouveau, pour la cinquième ou la sixième fois, la même question : quelles suites juridiques le Gouvernement entend-il donner aux délibérations concordantes prises par les conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ainsi que par le conseil régional d’Alsace le 22 septembre dernier ?

M. Philippe Bies. Les Alsaciens sont opposés à ce projet ! Ils l’ont rejeté ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider et Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est incroyable !

M. Éric Straumann. 96 % des conseillers régionaux et généraux ont voté pour, y compris les socialistes !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n126.

M. Claude Sturni. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez quand même pas rester silencieux alors que nous vous interpellons depuis si longtemps, et si nombreux ! Les conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et le conseil régional d’Alsace ont adopté à une très forte majorité des délibérations concordantes demandant une collectivité unique. Qu’allez-vous leur répondre ? Ils ne font que recourir aux possibilités offertes par la loi ! Vous devez une réponse à ces élus.

M. Philippe Bies. Toujours la même chose ! C’est de l’acharnement !

M. Claude Sturni. Avec cet amendement, je propose que l’Alsace reste constituée des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, ce qui permettrait à cette expérimentation d’avoir lieu, à ce projet novateur de se concrétiser. J’entendais encore cet après-midi certains de nos collègues nous taxer de conservatisme. Au contraire, si jamais des élus ont assumé avec courage un projet novateur, c’est bien les élus alsaciens ! Je salue ceux de nos collègues qui ont osé défendre ce projet avec courage, que ce soit au conseil régional ou dans les conseils généraux.

Pour en revenir à notre débat, il faut éclairer encore un peu celles et ceux qui devront tout à l’heure se prononcer. Je vous avoue, monsieur le secrétaire d’État, que je ne comprends toujours pas quels résultats vous attendez de cette réforme en termes d’efficacité pour nos territoires. Vous nous proposez en effet cette carte sans nous donner d’objectifs crédibles. Sans doute vous êtes-vous fixé des objectifs inavouables : ceux-là, je laisse à chacun le soin de les deviner. Mais ce que je voudrais savoir, pour ma part, c’est les gains que vous attendez de cette réforme.

En deuxième lecture, j’avais parlé d’une France à deux vitesses. Il y a en effet deux catégories de régions dans ce projet de loi : celles que l’on préserve, qui pourront continuer à faire avancer leurs projets, dans le cadre de leurs schémas et de leurs plans, et les autres, qui formeront une France de seconde zone, de deuxième catégorie. Si d’aventure nous n’adoptions pas les présents amendements, l’Alsace en ferait partie. Les régions de cette deuxième catégorie se retrouveront sans repères, sans schémas.

Parmi les questions que tout le monde se pose en Alsace, j’en évoquerai quelques-unes. Ainsi, quid des contrats de projets État-région ? Ils sont arrivés à échéance à la fin de cette année : qui signera, monsieur le secrétaire d’État, les prochains CPER en 2015 ? Nous ne voulons pas perdre le bénéfice de ces projets, qui ont été largement débattus avec les services de l’État. Signerez-vous d’ores et déjà trois contrats séparés avec les régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne, ou gèlerez-vous tout simplement ces réflexions en attendant le résultat des scrutins prévus l’an prochain ? Après cela, attendrez-vous tranquillement que les nouveaux conseillers puissent retravailler la question ? Cela nous ferait attendre deux, trois, voire quatre ans un véritable projet de CPER !

Les CPER doivent déboucher sur des investissements et fixer une vision partagée du développement de nos régions. C’est donc une question très précise que je vous pose, monsieur le secrétaire d’État : que deviendront les CPER pour les régions que vous vous apprêtez à remodeler ?

Je passe sous silence toutes les autres questions liées à cette réorganisation, mais je ne doute pas que mes collègues vous interrogeront à propos du futur des académies ou des agences régionales de santé. Que deviendront, par exemple, les schémas régionaux d’organisation des soins, qui ont été tellement débattus dans les régions ? Les nouvelles régions auront-elles la chance d’avoir un SROS, et à quelle échéance ?

Toutes ces questions traduisent une même inquiétude : que peut-on attendre de ce grand redécoupage ? Comment cette réforme soi-disant fondatrice, censée redynamiser notre pays, permettra-t-elle à nos régions d’avancer plus vite, alors que la crise est particulièrement prégnante ?

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n145.

M. Michel Sordi. Nous, les Alsaciens, nous sommes un peu comme les Bretons : nous sommes têtus.

M. Thierry Benoit. Nous avons simplement du tempérament !

M. Michel Sordi. Comme cela a déjà été dit, les nouvelles régions devraient être le reflet de l’histoire, des réalités culturelles, sociologiques et économiques. Éric Straumann l’a rappelé, 96 % des élus alsaciens se sont prononcés pour le conseil unique. Nous revendiquons ce droit à l’expérimentation. Créer une méga-région sans étude d’impact, sans en évoquer les compétences ni le financement, ne nous paraît pas responsable.

Cet amendement propose donc de rétablir la région Alsace dans ses limites actuelles, avec les deux départements fusionnés avec la région.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 29, 104, 126 et 145, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Luc Bleunven, pour soutenir l’amendement n121.

M. Jean-Luc Bleunven. Cet amendement poursuit le débat que nous avons eu tout à l’heure. Je pense que la réforme territoriale est effectivement nécessaire. C’est une grande réforme, qu’il faut vraiment mener à bout. Cela nécessitera un gros travail. Cependant, nous avons le sentiment que ce projet de loi reste à mi-chemin : il faudrait aller plus loin dans la réforme de la gouvernance de la République. La réforme que nous examinons reste en effet essentiellement centralisatrice. Or, nous sommes ici les porte-parole des territoires et dans les territoires bretons, les électeurs veulent décider par eux-mêmes.

M. Thierry Benoit. Très bien!

M. Jean-Luc Bleunven. Au fond, les difficultés que nous rencontrons à faire évoluer notre région selon nos vœux soulèvent de graves questions. La Bretagne est un territoire très démocrate : elle l’a prouvé à plusieurs reprises. Pour l’instant, il n’y a donc pas de volonté de séparation à l’écossaise. Les Bretons ont pourtant manifesté très fortement qu’ils veulent voir évoluer la décentralisation. Il s’agit vraiment d’un appel très fort. C’est le moment ou jamais : ne faisons pas cette réforme à moitié !

Je reste par ailleurs convaincu qu’il n’y a pas de repli identitaire en Bretagne. Au contraire, les Bretons demandent plus de moyens d’action pour mieux s’organiser et faire valoir leurs atouts. Dans la compétition européenne, voire mondiale, les régions peuvent jouer un rôle moteur pour redynamiser la France.

C’est pourquoi je réclame ce nouveau découpage. La Bretagne, avec ses cinq départements, ses trois métropoles, son maillage territorial exceptionnel, aurait une vraie cohérence. Je remets cette question au centre du débat. Je le répète : il ne faut pas manquer l’occasion que nous procure cette réforme territoriale. Elle s’est engagée comme une vraie réforme de décentralisation, mais nous avons l’impression, aujourd’hui, qu’elle n’a fait que la moitié du chemin.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. L’avis de la commission est évidemment défavorable. Je m’arrête un instant sur certains propos de M. Sturni, que j’aimerais cesser d’entendre dans cet hémicycle.

M. Claude Sturni. On n’a plus le droit de parler ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Ce sont des propos qui nous accusent de créer des régions de seconde zone.

M. Claude Sturni. C’est vrai !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Pendant des décennies, on a débattu dans ce pays de la centralité de la région parisienne et de sa force incommensurable au regard des autres régions françaises.

M. Claude Sturni. Répondez à ma question !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Précisément, monsieur Sturni, nous faisons le contraire. Avec ces grandes régions, nous dessinons une carte équilibrée de la nation et de la République, ne vous en déplaise. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Je vais apporter quelques éléments de réponse aux différents orateurs. Tout à l’heure, je n’ai pas répondu à M. Hetzel, mais il n’est plus présent…

M. Patrick Hetzel. Si !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Pardon, monsieur Hetzel ! La Charte européenne de l’autonomie locale a une force juridique certes supérieure à celle de la loi, mais inférieure à celle de la Constitution. Elle ne peut donc pas servir de fondement à la suppression d’une prérogative que la Constitution a attribué au législateur. Celui-ci est parfaitement en droit de procéder aux découpages régionaux.

M. Jean-Louis Christ. Vous niez ces identités !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Monsieur Straumann, vous avez bien voulu rappeler ce que j’avais dit à Châlons-en-Champagne, où j’avais été aimablement invité par le député-maire Benoist Apparu pour inaugurer la foire, en septembre dernier. Certes, intellectuellement, les propositions des Alsaciens et de certains Bretons, comme M. Urvoas, sont intéressantes, comme le sont les débats de ce soir ou des deux premières lectures. Je prends beaucoup de plaisir à vous écouter parler de l’Alsace, de la Bretagne, de l’histoire et de la géographie. Mais il faut aussi être réaliste, je vous l’ai déjà dit en ces lieux.

J’ai beaucoup écouté ce que vous avez dit et ce qu’ont dit les sénateurs alsaciens au Palais du Luxembourg. Le sénateur Gérard Longuet a parlé du grand Est de la France. De la même manière, le sénateur Jean-Pierre Masseret a évoqué la grande région Est, dont la locomotive pourrait être Strasbourg. Tout cela est intéressant et très important.

Tout à l’heure, M. Christ a dit que nous voulions imposer une identité. Où avez-vous entendu cela, monsieur Christ ? Il n’est pas question d’imposer quelque identité que ce soit à qui que ce soit ! Les identités existent depuis longtemps, en Alsace comme en Bretagne, en Lorraine comme en Champagne, en Picardie comme en Savoie ou en Dauphiné ! Personne ne peut imposer, gommer, effacer une identité régionale !

M. Jean-Louis Christ. C’est ce que vous êtes en train de faire !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Il est question de faire des grandes régions, et je réponds ainsi à M. Sturni, dont les objectifs sont la compétitivité et l’attractivité économique. Il s’agit également de simplifier la vie des chefs d’entreprise, qui n’auront plus qu’un seul interlocuteur, le leader du développement économique dans chaque région. Tel est tout le sens de notre réforme administrative et économique, qui ne revient en aucune façon sur les identités de quelque région qu’il s’agisse.

S’agissant des contrats de plan État région, ils seront signés, certains le sont déjà, avec les présidents actuels des vingt-deux régions, et ils s’appliqueront ensuite bien sûr dans les nouvelles régions.

Pour ce qui est des académies, des agences régionales de santé et des divers découpages administratifs, Bernard Cazeneuve prépare, en collaboration avec le secrétaire d’État Thierry Mandon, une réforme globale de l’État territorial qui sera, me semble-t-il, présentée au printemps 2015.

Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames et messieurs les députés,…

M. Éric Straumann. Et les délibérations ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. J’ai oublié le plus important, monsieur Straumann ! Les délibérations des conseils généraux et régionaux ont été prises en vertu de la loi de 2010, que le présent projet de loi tend à abroger. Son adoption les rendra donc caduques.

M. Éric Straumann. On aurait pu les mettre en œuvre !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Elles n’auront pas de suite. Juridiquement, c’est impossible. Avis défavorable, donc, à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Armand Jung.

M. Armand Jung. Je souhaite faire une rapide explication de vote. J’ai observé, avec respect, la ténacité des députés UMP d’Alsace – ils ne sont pas les seuls – qui dressent un parallèle entre la situation de la Bretagne et celle de l’Alsace. Mais je suis désolé, ce n’est pas du tout la même chose !

M. Éric Straumann. Oui, les Bretons ont eu gain de cause !

M. Armand Jung. En Bretagne, a dit Paul Molac, il faut donner la parole au peuple.

M. Michel Piron. Quel peuple ?

M. Armand Jung. Il a raison. Or la parole a été donnée au peuple alsacien, et le résultat a été négatif. J’avais mis en garde plusieurs d’entre vous contre le référendum d’avril 2013. J’avais adjuré à Philippe Richert de ne pas avoir la prétention de croire que l’on peut soumettre un projet de telle ampleur à référendum. Vous n’avez pas suivi ces conseils et vous vous trouvez aujourd’hui dans une situation qui n’est pas la même que celle de la Bretagne.

Vous ne pouvez pas faire le parallèle entre ces régions. Vous devez, en tant que républicains, respecter la parole des Alsaciens. Un département sur deux n’a pas voté ce projet de conseil unique d’Alsace, le CUA – quel beau terme, d’ailleurs ! Plusieurs d’entre nous vous avaient mis en garde. Aujourd’hui, vous vous retrouvez dans une situation intenable.

Je dis à Paul Molac que moi aussi, je suis issu de la base, des mêmes milieux régionalistes de proximité que lui. Je comprends qu’il puisse s’en réclamer, mais à partir du moment où les citoyens d’Alsace ont dit non, il faut respecter leur parole.

M. Éric Straumann. Ils ont dit non aux socialistes !

M. Armand Jung. Ils ont dit non !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Il s’agit du moment de vérité pour l’Alsace, on l’a bien compris. Les réponses du rapporteur et du secrétaire d’État ne nous satisfont évidemment pas. Ces amendements proposent de dissocier l’Alsace de la région Lorraine-Champagne Ardenne. C’est un souhait légitime de la très grande majorité des Alsaciens. Au fil des manifestations, la colère monte et quoiqu’en dise M. Bies, ce ne sont pas que des autonomistes qui manifestent !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !

M. Frédéric Reiss. Il serait dommage d’ailleurs que le Gouvernement, par son intransigeance, son autisme, ne réveille encore davantage la fibre autonomiste de certains de nos concitoyens. Le ministre de l’intérieur a admis en fin d’après-midi que si le référendum de 2013 avait abouti, nous n’en serions pas là et que la collectivité unique alsacienne aurait sans doute fait des émules dans d’autres régions, comme l’ont parfaitement compris, entre autres, Alain Tourret et François de Rugy.

L’Alsace n’est ni la Bretagne, ni la Corse, mais ses particularités, ses valeurs identitaires, son engagement pour l’emploi transfrontalier, sa volonté de promouvoir l’excellence de la marque Alsace pour développer une économie ouverte sur l’international, sont réels. Les Alsaciens ne veulent pas être noyés dans une méga-région sans cohérence et sans âme. Le futur rattachement de la Loire-Atlantique et de la Bretagne, dont le président Urvoas a fait le plaidoyer, pourrait être un modèle pour le rattachement de la Moselle à l’Alsace – Aurélie Filippetti en a parlé tout à l’heure. Encore faut-il que l’Alsace reste dans ses contours actuels. Il est donc important de voter ces amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Éric Straumann. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Tout d’abord, je partage les propos de M. Reiss : les manifestants ne sont pas tous des autonomistes. Heureusement, sinon ceux-ci seraient des milliers ! Néanmoins, je considère que ceux qui font aujourd’hui preuve d’un acharnement qui confine à l’aveuglement portent une responsabilité dans le développement de ces manifestations. Je crains que l’avenir confirme cette supposition.

Ensuite, le conseil unique d’Alsace, le CUA, est évidemment une idée séduisante, qui a d’ailleurs séduit beaucoup de monde, y compris nous-mêmes. La difficulté, c’est qu’on est passé d’un conseil unique à un conseil multiple. Je tiens à votre disposition le schéma de ce conseil unique, qui a été publié dans la presse locale, sur laquelle M. Straumann s’est fondé lors de son intervention à la tribune. Je vous invite à en prendre connaissance. On est passé, de compromis en compromis, d’un conseil unique à un conseil multiple qui n’a plus grand rapport avec l’idée initiale, principalement à cause de ceux-là même qui vocifèrent le plus fort dans le Haut-Rhin.

Enfin, les mêmes viennent nous donner des leçons de démocratie et essaient de revenir par la loi sur une idée rejetée par les Alsaciens.

M. Éric Straumann. C’est faux !

M. Philippe Bies. Le Haut-Rhin notamment a rejeté cette idée à 56 %. Encore une fois, soyons raisonnables, prenons acte de ce que les Alsaciens nous ont dit. Prenons en compte les inquiétudes qu’ils expriment, dont certaines sont légitimes. Plutôt que d’attiser ces inquiétudes et d’essayer d’en tirer profit sur le plan politique, travaillons à la proposition, que je réitère ce soir, d’un département alsacien qui réunirait le Haut-Rhin et le Bas-Rhin…

M. Éric Straumann. C’est la double peine !

M. Philippe Bies. …et dont d’ailleurs la capitale pourrait se situer dans le Haut-Rhin.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni.

M. Claude Sturni. Je veux rectifier ce que j’ai entendu à plusieurs reprises sur la signification de ce vote pour la Bretagne et pour l’Alsace. Il y a, en effet, une différence majeure : si ces amendements sont rejetés, il restera toujours une région Bretagne, certes inchangée. On pourra dire qu’il s’agit d’une occasion manquée, mais elle demeurera dans une situation de statu quo. En revanche, il n’y aura plus d’Alsace, car elle sera fusionnée dans quelque chose d’autre.

M. Éric Straumann. Il a raison !

M. Claude Sturni. Nous aurons l’occasion d’en reparler à propos d’amendements que j’ai déposés à l’article 3 : non seulement il y a un mariage forcé, mais il n’y a même pas, en l’état actuel des textes, de possibilités de sortie ! Je serai très intéressé par vos réponses sur l’éventuel droit d’option appliqué au département bas-rhinois… Il n’y a pas de possibilité de divorce. Or, à mariage forcé, divorce assuré !

M. Philippe Bies. On n’est pas dans la rue !

M. Claude Sturni. Croyez-moi, nous avons d’autres choses à faire que de nous préoccuper d’impasses comme celles-ci. J’en appelle donc à toute la sagesse de mes collègues afin qu’ils réalisent que les deux situations ne sont absolument pas comparables. S’agissant de l’Alsace, vous rayez définitivement les possibilités d’expérimentation et de mise en place du projet novateur que nous avons décrit à plusieurs reprises. Les conséquences du vote ne sont pas les mêmes pour l’Alsace que pour les autres régions de France.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je voudrais à mon tour apporter mon appui aux amendements déposés par mes collègues, qu’il faut peut-être regarder sous un angle un peu différent. J’ai accompagné, la semaine dernière, le président de ma commission, François Brottes, à Berlin, dans le cadre d’un échange avec la commission des affaires économique du Bundestag. Nous avons évoqué, entre autres, la réforme des collectivités territoriales en cours en France.

Vous pourrez demander confirmation de mes propos à M. Brottes et aux députés socialistes présents en nombre dans la délégation : ils ont entendu comme moi l’étonnement de nos interlocuteurs allemands quant à la méthode de réforme. Certes, cela se comprend, ils ont une tradition fédérale et nous avons un État central : les méthodes pour réformer la carte ne peuvent être évidemment que très différentes. Mais il leur est quand même apparu qu’un peu plus de dialogue était probablement nécessaire. C’est en tout cas ce qu’ils ont dit.

Ensuite, nos interlocuteurs se sont étonnés, et là encore vous pourrez vérifier mes propos auprès de M. Brottes, de la disparition de l’Alsace en tant que région à part entière.

M. Armand Jung. Mensonges !

M. Antoine Herth. Si vous pensez, M. Jung, que je profère des mensonges, je vous invite à nous accompagner à l’occasion d’un de nos prochains voyages à Berlin et à écouter, comme je l’ai fait, nos collègues allemands. Ils s’expriment avec une réelle liberté de parole.

Ils ont marqué un certain étonnement en apprenant la disparition prévue de l’Alsace en tant que telle. En effet, à côté des instances de l’État et de la diplomatie française, l’Alsace a développé d’étroites relations de partenariat avec nos voisins allemands, notamment avec le Land de Bade-Wurtemberg. J’imagine, d’ailleurs, que la Lorraine a fait de même, comme la région Champagne-Ardenne avec la Belgique. L’Alsace constitue un trait d’union très fort entre la France et l’Allemagne. Dieu sait que, compte tenu que des difficultés de notre pays, comme de l’Europe, ce trait d’union est extrêmement important pour les relations franco-allemandes.

Mon témoignage conforte notre démarche visant à maintenir la région Alsace dans ses frontières actuelles.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Les députés écologistes, de la même façon qu’en première et en deuxième lectures, voteront en faveur de tous les amendements qui visent à reconnaître la spécificité du cadre régional alsacien.

Notre groupe a d’ailleurs déposé un amendement du même ordre, dont l’objet est de reconnaître l’Alsace en tant que collectivité régionale et d’affirmer son droit à l’existence en tant que telle. Notre collègue Paul Molac le défendra tout à l’heure.

Nous l’avons dit à plusieurs reprises : ce n’est pas une bonne façon de procéder que de noyer dans de grandes régions des entités de taille plus réduite.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure le « Grand Est » : nous ne nous reconnaissons pas du tout dans ces appellations qui pourraient finalement conduire à couper la France en quatre ou en cinq. L’Île-de-France, pourrait ainsi, si on lui adjoignait la région Centre, prendre l’appellation de « Grand Centre ». On pourrait également imaginer un « Grand Ouest », un « Grand Nord » et un « Grand Sud ». On voit bien que cette démarche n’a aucun sens.

Nous souhaitons, au contraire, nous appuyer sur le sentiment régional - lorsqu’il existe avec une certaine force - car nous pensons qu’il s’agit là d’un atout pour les futures régions, dont nous souhaitons par ailleurs voir les compétences élargies.

Je crois que cela n’a rien à voir avec la fusion des deux conseils généraux qui n’auront jamais les mêmes compétences, d’autant que, logiquement, les compétences des conseils généraux devraient se trouver, demain, restreintes par rapport à celles des régions, notamment dans les domaines de la culture et de l’économie, qui constituent de véritables enjeux pour les nouvelles régions.

Les élus écologistes, ont, en Alsace, fait partie des 96 % d’élus régionaux et départementaux qui ont voté en faveur de l’existence d’une vraie collectivité régionale alsacienne. Je crois qu’il n’est pas nécessaire de s’envoyer les résultats du référendum du 7 avril 2013 à la figure. En effet, plusieurs lectures peuvent en être faites. De surcroît, si un référendum était organisé aujourd’hui sur le fait de savoir si, oui ou non, les Alsaciens veulent faire partie d’une nouvelle région Champagne-Ardenne-Lorraine-Alsace, ou s’ils veulent disposer d’une collectivité régionale de plein droit, son résultat ne fait guère de doute.

M. Armand Jung. Qu’en savez-vous ?

M. François de Rugy. De quoi aurions-nous l’air, nous, parlementaires, d’être désavoués, référendum après référendum, dans l’ensemble des régions ? Il serait tellement plus simple de voter, à l’Assemblée nationale, dans le sens voulu par les citoyens dans les territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Nous vivons un véritable paradoxe : le Gouvernement nous indique qu’à travers ce projet de loi, il veut construire la France de demain, grâce à des régions de taille comparables à celle de leurs homologues en Europe.

En réalité, le Gouvernement a une vision et un discours extrêmement fermés. Prenons l’exemple de l’Alsace : elle compte aujourd’hui plus de 80 000 travailleurs frontaliers, telle est la réalité.

Après la Seconde guerre mondiale, l’idéal européen a été un des moteurs les plus puissants de la construction de l’espace rhénan, autour de l’Alsace, avec l’Allemagne d’un côté et la Suisse de l’autre. Et voilà qu’aujourd’hui, on nous oppose une construction ex abrupto, qui n’a d’ailleurs pas du tout été pensée, et on veut imposer à un territoire une réorganisation, y compris économique, en faisant fi de tout ce qu’il a construit patiemment et qui contient, en filigrane, l’idéal européen.

Si depuis les débuts de la construction européenne, un territoire porte en France cet idéal, c’est bien l’Alsace. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vouloir nier cette réalité, c’est en rester à une vision du XXe siècle et refuser de se tourner vers le XXIe siècle.



Le débat que nous avons ici me semble passéiste : il fait fi de la réalité humaine sur laquelle repose aujourd’hui la construction européenne. Or cette construction ne peut s’inscrire dans les seules frontières de l’Hexagone.

À ne vouloir tourner l’Alsace que vers un autre territoire avec lequel aujourd’hui elle entretient peu de relations économiques, et faire fi en revanche de ceux avec lesquels elle a patiemment tissé des relations économiques créatrices de richesses – notamment par le biais de ses 80 000 travailleurs frontaliers –, on passe à côté d’un élément important de la construction européenne et porteur de prospérité, non seulement pour le territoire alsacien mais aussi l’ensemble du territoire national.

Cela augure évidemment très mal de l’avenir de Strasbourg : voilà quelle est ma dernière crainte.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le ministre, je vous remercie tout d’abord d’avoir évoqué, dans votre réponse, les débats au Sénat. Oui, des sénateurs lorrains et mosellans se sont exprimés. Ils ont bien mis en évidence une dimension de la question qui me paraît plus que défendable, à savoir qu’aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, les élus alsaciens ont manifesté leur volonté.

Au Sénat, je l’ai rappelé tout à l’heure, le vote en deuxième lecture du projet de loi a été acquis par 184 voix contre 129. Les deux tiers de la Haute assemblée se sont donc exprimés en faveur d’une carte où l’Alsace était indépendante de la région Champagne-Ardenne.

M. Armand Jung. Et le référendum ?

M. Thierry Benoit. On écoute l’orateur. (Sourires.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur Jung, puis-je m’exprimer ?

M. Luc Belot. Et nous, nous n’avons pas été interrompus ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Certes, en première lecture, lorsque l’on partait de la version initiale du projet de loi, la grande région pouvait se comprendre, si les Alsaciens étaient d’accord et partageaient ce point de vue.

Aujourd’hui, depuis seize heures, nous n’avons débattu presque exclusivement que de l’Alsace et de la Bretagne. Et les députés alsaciens sont présents dans l’hémicycle.

M. Philippe Bies. Ah, ça oui !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je le souligne puisque tout à l’heure, certains députés ont relevé que les députés de Loire-Atlantique, eux, n’étaient, pas présents.

La Mosellane que je suis affirme aujourd’hui qu’effectivement, si une volonté aussi affirmée s’exprime, il faut l’entendre.

Vous avez évoqué tout à l’heure le vote des collectivités. Certes, le projet de loi dont nous débattons abrogera la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales. Mais ce vote a bien eu lieu.

Je sais qu’en ce moment, nous agaçons profondément le rapporteur. Tout à l’heure, il a même piqué une colère qui m’a un peu choquée.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Vous ne m’avez jamais vu en colère. Mon propos n’était qu’amical.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il devrait dire combien nous sommes intéressés par le débat qui va décider, pour les cinquante années qui viennent, du mode de gestion de nos territoires. Il est tout à fait légitime et normal que nous puissions nous exprimer.

M. Marc Le Fur. En effet, c’est bien normal.

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est pour cette raison que nous sommes présents, sans que l’on ait eu à nous solliciter. Et je veux souligner une nouvelle fois que les députés alsaciens ont été actifs tout au long de nos débats. Je souhaite donc qu’aujourd’hui le Gouvernement prenne en compte cet élément. L’un des amendements que j’ai déposés vise donc d’un côté à créer une région Champagne-Ardennes-Lorraine, tout en laissant de l’autre côté l’Alsace poursuivre son destin comme elle l’entend. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je mets donc aux voix les amendements identiques nos 29, 104, 126 et 145.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants58
Nombre de suffrages exprimés57
Majorité absolue29
Pour l’adoption21
contre36

(Les amendements identiques nos 29, 104, 126 et 145 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n121, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 20 et 59.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n20.

M. Marc Le Fur. Il est défendu.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 20 et 59, je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n59.

M. Thierry Benoit. Il s’agit ici de faire preuve de constance et de faire valoir ici nos convictions. Nous faisons preuve sur ce sujet, en effet, d’un certain tempérament, et nous tenons notre ligne.

Je le disais tout à l’heure, une majorité des Bretons des cinq départements de la Bretagne historique souhaitent la réunification de ces cinq départements. Tel est le sens de cet amendement, lequel ne fait que répondre à l’appel des territoires et traduire la volonté de la population. N’ayons pas peur d’encourager cet appel et de faire confiance à la population.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Cet avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Défavorable également.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Bien que j’aie beaucoup de respect pour notre collègue ainsi que pour tous les Bretons, que j’aime beaucoup, j’avais songé, dans un souci de parallélisme des formes, à déposer un amendement proposant que l’Ille-et Vilaine puisse rejoindre la région Pays-de-Loire.

Mais finalement par respect pour les départements du Finistère, du Morbihan, des Côtes-d’Armor, bref pour l’ensemble des Bretons, j’ai jugé cela n’aurait peut-être pas été convenable. Je me suis donc abstenu de le déposer. (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 59.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants53
Nombre de suffrages exprimés51
Majorité absolue26
Pour l’adoption19
contre32

(Les amendements identiques nos 20 et 59 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de neuf amendements nos 65, 8, 10, 16, 30, 70, 87, 105, 128 et 188 pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 8, 10, 16, 30, 70, 87, 105,128 et 188 sont identiques.

La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement n65.

M. Jacques Krabal. Je veux rappeler qu’au moment où nous débattons, avec beaucoup de passion, du devenir de la Bretagne et de l’Alsace, il existe d’autres endroits de France où la carte fait débat – pas pour les mêmes raisons.

C’est le cas en Picardie, qui ne possède ni l’identité ni la cohérence historique des deux ensembles breton ou alsacien. Elle n’a en effet jamais rassemblé, au titre de l’identité picarde, ses trois départements, dont l’Aisne.

Je regrette que la carte dont nous débattons n’ait pu évoluer. Alors qu’on a beaucoup invoqué le consensus et mis en avant une volonté d’écoute et de dialogue, quatre ou cinq départements en France auraient pu être entendus : c’est le cas de l’Aisne, d’autant que la région Picardie a subi une double peine. En effet, lorsque le Président de la République a rendu publique la première carte, peut-être élaborée sur un coin de table, sa proposition, immédiatement reprise dans tous les médias, a suscité, dans les territoires, de l’adhésion et de l’enthousiasme.

La question est ensuite revenue de manière lancinante. Cela a été dit tout à l’heure, il faut que les propositions qui nous sont faites soient respectueuses de l’identité des territoires concernés. Mais pour aller dans le sens de cette volonté de respect qui doit nous animer tous, encore faudrait-il que nous ayons été respectés. Or, quand on n’obtient aucune explication rationnelle et objective sur le changement opéré depuis la première carte, comment voulez-vous que nous puissions nous entendre et éviter la cacophonie ?

Je n’étais pas contre une réforme au départ, mais la méthode qui a été adoptée est totalement inacceptable. Elle tourne le dos aux élus locaux. Les trois sénateurs du département de l’Aisne, dont le président du conseil général, ont voté contre la proposition de fusion de la Picardie avec le Nord-Pas-de-Calais.

Je vois mon collègue Jean-Louis Bricout s’agiter…

M. Jean-Louis Bricout. Pas du tout !

M. Jacques Krabal. Mais le département de l’Aisne n’a jamais été picard. Si à Bohain-en-Vermandois ou à Saint-Quentin, on peut, à la limite, trouver quelques ressemblances avec la Picardie, pour 80 % du territoire de l’Aisne, d’après les études de la DATAR, les flux vont vers Reims et le département de la Marne. Dix villes se sont d’ailleurs groupées depuis plusieurs années, comme les infrastructures territoriales d’ailleurs y conduisent.

Le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, c’est l’eau et le feu. Le Nord-Pas-de-Calais, c’est 400 habitants au kilomètre carré, un caractère urbain continu. La Picardie, c’est la ruralité partout, 80 habitants au kilomètre carré, une agriculture performante, des liens historiques avec la Champagne. Vous comprenez donc pourquoi cette carte ne peut pas être acceptée.

Je vous entends dire que nous ne devons pas agiter de chiffon, que nous devons nous taire, que vous avez raison, mais apportez-nous les arguments prouvant que vous avez raison.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Jacques Krabal. Donnez-nous les arguments économiques. Comment pouvez-vous dire qu’en rassemblant ces deux régions, on va favoriser le dynamisme de notre territoire ? Notre dynamisme, nous le trouvons avec le département de la Marne et la Champagne-Ardenne. Notre développement ne se fait pas sur un axe nord-sud, mais est-ouest, chacun le sait.

Pour nous en sortir, car tous ces débats tendus ne sont pas agréables, soit nous prenons l’initiative d’organiser un référendum là où des problèmes se posent, et il faudrait évidemment en respecter le résultat, soit nous assouplissons le droit d’option, lequel ne doit pas être un miroir aux alouettes. J’entends le président de la commission des lois s’exprimer comme il l’a déjà fait la dernière fois. Je l’avais alors remercié, j’y croyais, mais je crains fort que l’issue ne soit la même aujourd’hui.

Je vous fais part de mon amertume parce que c’est un débat important, qui va peser lourd dans les élections à venir. Le parti de la haine, que nous devons tous combattre, est le seul à se réjouir en voyant comment nous n’écoutons ni les habitants ni les élus.

M. Éric Straumann. Il a raison !

M. Jacques Krabal. Voilà pourquoi j’ai déposé cet amendement et en appelle à la raison. J’aurais tellement voulu que cette nouvelle lecture puisse être une troisième chance. Je me rends, hélas, compte que nous sommes partis sur les mêmes bases alors que j’espérais que nous pourrions réagir autrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, écologiste et UMP.)

Mme la présidente. Nous en venons à la série d’amendements identiques.

La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n8.

M. Michel Sordi. Je souhaitais simplement que l’on tienne compte de la réflexion conduite par le Sénat, qui est tout de même censé représenter les collectivités territoriales, et que l’on autorise donc l’expérimentation en Alsace.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n10.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à laisser l’Alsace toute seule. Je dois avouer que je ne comprends pas cette façon de vouloir la noyer dans une grande région. Je crois que les Européens qui nous regardent ne le comprennent pas non plus. Il ne serait absolument pas question par exemple de regrouper le Pays de Galles avec les West Midlands, ou le Lake District avec l’Écosse. Cela paraîtrait totalement aberrant pour tous les pays qui nous entourent.

Plusieurs députés du groupe SRC. On s’éloigne du sujet !

M. Paul Molac. Je ne pense pas du tout. Le droit pour les collectivités d’exister, c’est quelque chose d’important, et nous sommes le seul pays, exception bien française que je déplore une fois de plus, à fonctionner de cette façon.

S’agissant de l’Alsace, la question a changé. On avait demandé s’il était envisageable de créer une collectivité unique en rassemblant deux départements et une région. Aujourd’hui, on demanderait s’il convient de fusionner l’Alsace avec d’autres régions ou si celle-ci doit rester seule. Le dernier référendum ne peut donc être pris comme exemple puisque la question n’est plus la même.

Plusieurs députés du groupe UMP. Tout à fait !

M. Paul Molac. Enfin, c’est rayer l’Alsace de la carte parce que, dans tous les ouvrages de géographie, ce sont les régions administratives que l’on verra, ce qui signifie que l’Alsace disparaîtra effectivement de tous les livres de géographie de France (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, RRDP et UMP.), comme la Loire-Atlantique a disparu des cartes de Bretagne. C’est une négation.

Mme la présidente. La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n16.

M. André Schneider. Honnêtement, monsieur le ministre, vous étiez tout à l’heure dans ce que les jésuites appelaient la direction d’intention. D’accord, mais c’était avant, et, aujourd’hui, c’est caduc parce qu’on est dans le cadre d’une autre loi, avez-vous répondu lorsque nous vous avons fait valoir que les élus des trois collectivités territoriales, c’est-à-dire les conseils généraux et le conseil régional, s’étaient exprimés à 96 %. Dans ces conditions, M. Molac l’a souligné, on ne peut pas arguer du référendum de l’année dernière, lui aussi caduc.

Nous avons tout dit sur l’Alsace. C’est une vitrine sur l’Europe et sur le monde. Je ne vais pas vous redonner nos arguments, le temps nous étant très compté. Il y a une seule vraie question qui se pose : pourquoi, diantre, voulez-vous diluer l’Alsace dans une vaste région alors qu’elle a son histoire, ses traditions ? Je n’ose le penser mais serait-ce parce que vous voudriez faire disparaître celle qui est, encore pour le moment, la seule région de droite ? (Interruptions sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Claude Sturni. Exactement.

M. André Schneider. Enfin, une tradition s’est perdue au cours de ce débat. Jusqu’à présent, et je siège ici depuis dix-sept ans et demi, lorsque l’on touchait à l’Alsace, tous les élus, de tous bords politiques, étaient en rang d’oignon pour défendre ensemble une même vision de l’Alsace. J’espère que, grâce à certains collègues qui s’expriment sur d’autres bancs, vous allez remettre l’Alsace à sa vraie place, c’est-à-dire au cœur de l’Europe, une Alsace qui se suffit à elle-même pour défendre les couleurs de la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n30.

M. Patrick Hetzel. Avec ces amendements, nous présentons le projet que nous avons d’ores et déjà évoqué. Il s’agit bien d’un projet de réforme. Certains parlent de repli, c’est exactement l’inverse.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Patrick Hetzel. Nous proposons un vrai projet de réforme, qui, en même temps, préserve la proximité.

En réalité, avec ces méga-régions telles qu’elles sont envisagées, on va s’éloigner de nos concitoyens et, sur ce sujet, personne, ni vous, monsieur le secrétaire d’État, ni vous, monsieur le rapporteur, n’avez apporté de réponse. Lorsque nous légiférons, nous avons évidemment à l’esprit nos concitoyens et la bonne gestion des deniers publics. Comment allons-nous faire pour que le service public soit assuré à proximité de nos concitoyens et comment allons-nous réaliser des économies ? Sur ces points précis nous n’avons aucune réponse.

En Alsace, la pression fiscale est inférieure de 30 % à la moyenne de la fiscalité des autres régions françaises. Cela montre bien que l’on peut, à cette échelle-là, être efficace, et nous craignons qu’à une autre échelle, l’efficacité ne soit pas au rendez-vous. C’est un vrai problème.

Comme nous ne disposons d’aucune étude d’impact du Gouvernement sur ce qu’il en serait en termes de services publics et de gestion des deniers publics, nous ne pouvons pas discuter autrement qu’autour d’un projet de collectivité unique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour soutenir l’amendement n70.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n87.

M. Frédéric Reiss. L’amendement est défendu, avec les arguments qui ont déjà été exposés.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n105.

M. Éric Straumann. Monsieur le secrétaire d’État, il n’est pas acceptable sur le plan juridique de prétendre que l’on applique par anticipation un texte susceptible d’être voté, lequel n’a d’ailleurs pas encore franchi le seuil du contrôle constitutionnel, et vous aurez certainement une surprise à ce niveau-là.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n128.

M. Claude Sturni. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Christ, pour soutenir l’amendement n188.

M. Jean-Louis Christ. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Si la région Alsace restait seule, ce serait la plus petite des régions métropolitaines, avec 1,8 million d’habitants.

M. Frédéric Reiss. La Sarre est plus petite.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et la Corse ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. On peut avoir, c’est vrai, des régions de taille modeste puissantes économiquement, mais ne pensez-vous pas que la puissance économique de l’Alsace pourrait être renforcée par la Lorraine et par la Champagne-Ardenne ?

M. Jean-Louis Christ. Pourquoi cette obstination ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Au lieu d’avoir une vision négative de cette réunion au sens étymologique, pourquoi ne pas en avoir une vision positive ? M. Gaymard évoquait tout à l’heure une carte publiée dans L’Express, que j’ai vue moi aussi, montrant les flux qui existent, ou qui n’existent pas ou de manière insuffisante, entre telle ou telle région. Il n’y en aurait notamment pas suffisamment entre l’Alsace et la Lorraine. Mais le souci du Gouvernement, et, je pense, de la majorité de l’Assemblée nationale, c’est que se créent des flux, que se développent des synergies, que s’établissent de nouvelles relations entre les régions au lieu qu’elles se replient sur ce qui existe.

M. Éric Straumann. Croyez-vous que les Alsaciens vont travailler en Lorraine ?

M. Claude Sturni. Tout cela n’est pas sérieux.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Il faut créer de nouveaux dynamismes entre les régions. Des flux qui n’existent pas aujourd’hui entre l’Alsace et la Lorraine pourront exister demain, et de même avec la Champagne-Ardenne.

M. Bies a évoqué l’idée d’un département d’Alsace. Des fusions de département sont en projet, des départements se rapprochent, comme la Drôme et l’Ardèche, les deux Savoie aussi – M. Gaymard sait bien de quoi je parle. Je ne veux évidemment pas me substituer aux élus alsaciens, mais pourquoi ne pas envisager demain la fusion des deux départements pour faire un grand département d’Alsace ?

M. Philippe Bies. Très bien !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Enfin, un grand nombre d’entre vous parlent de l’Alsace comme région européenne et il est vrai que Strasbourg est la capitale de l’Europe puisqu’elle est le siège du Parlement européen, du Conseil de l’Europe, de la Cour européenne des droits de l’homme. Ne pensez-vous pas que, si Strasbourg devient la capitale d’une grande région de l’est de la France, cette région qui a tellement souffert des deux guerres mondiales, cela confortera encore son rôle de capitale de la paix en Europe ?

Ne pensez-vous pas que l’esprit européen, c’est la coopération, l’union, le rassemblement entre des peuples et entre des pays, et donc aussi entre des régions ? L’Alsace devrait montrer l’exemple de ce point de vue, mesdames, messieurs les députés alsaciens.

M. Éric Straumann. Demandez ce qu’on en pense à Nancy !

Mme la présidente. Mes chers collègues, à minuit, je me permets de faire un point sur les temps de parole : il reste une heure, dix-sept minutes et quatre secondes au groupe SRC, vingt-quatre minutes au groupe UMP, trente-cinq minutes vingt-trois secondes au groupe UDI, quinze minutes quatorze secondes au groupe écologiste, sept minutes quatorze secondes au groupe RRDP, vingt-cinq minutes cinquante-sept secondes au groupe GDR, et dix minutes pour les députés non inscrits. Chacun est ainsi informé du temps de parole qui lui reste.

La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Je ne suis pas d’accord avec M. Krabal, au sujet de la fusion entre le Nord-Pas de Calais et la Picardie. On nous a dit que nous n’avions écouté ni les élus, ni les habitants. S’agissant des élus, l’Assemblée a adopté, en deuxième lecture, la nouvelle carte intégrant la fusion du Nord-Pas de Calais et de la Picardie, après bien des débats !

M. Jacques Krabal. C’est le groupe socialiste qui l’a décidé !

M. Jean-Louis Bricout. Tout a été dit en termes d’argumentation sur les complémentarités entre les deux régions et sur leurs points communs – la culture, l’histoire, l’accent, les infrastructures. Un dernier sondage du Courrier picard révèle que 52 % des Axonais sont d’accord avec le rapprochement, ce qui vient contredire le fait souvent répété que l’Aisne s’opposerait à la fusion.

M. Jacques Krabal. Ils disent que cela ne servira à rien.

M. Jean-Louis Bricout. De plus, 60 % des habitants de Picardie et du Nord-Pas de Calais sont d’accord avec la fusion. Le peuple est donc bel et bien d’accord.

Maintenant que tout le monde est d’accord, il faut en venir à l’essentiel des débats et passer à l’action. Le 28 novembre, je te le rappelle, Jacques…

Mme la présidente. Vous vous adressez ici à l’ensemble de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Louis Bricout. …à l’ouverture de la session du conseil régional, le président Claude Gewerc a annoncé que le processus de création de la nouvelle région Nord-Pas de Calais-Picardie était lancé et qu’il fallait préparer ce grand tournant dans les meilleures conditions. Il a ajouté qu’une nouvelle page de notre histoire commencerait à s’écrire en 2015 et que c’était une chance pour la Picardie. Avec Daniel Percheron, ils ont pris la responsabilité de se rencontrer une fois par mois : le premier rendez-vous est fixé le 11 décembre. En Picardie, nous sommes déjà en route vers la nouvelle région !

Cessez donc de vous opposer à cette fusion, les débats sont clos ! La Picardie va continuer d’exister. Elle n’est pas éclatée : elle conserve son unité, son histoire, sa culture, sa langue, ses espaces, de même que les hommes et les femmes qui l’incarnent. Tout cela continue d’exister, simplement dans un espace plus grand. Nous sommes en train d’écrire l’avenir avec de grands projets comme le canal Seine-Nord, la remise en navigation du canal de la Sambre à l’Oise, la RN 2, l’électrification de la ligne Amiens-Boulogne ou encore les pôles de compétitivité.

L’avenir de cette fusion, ce n’est pas non plus une remise en cause de tout ce qui pouvait exister entre la Picardie et la Champagne-Ardenne, qu’il s’agisse des pôles de compétitivité comme le pôle Industries et agro-ressources – IAR – ou des coopérations agricoles et viticoles. Cela continue d’exister et continuera d’être renforcé. La fusion n’empêchera pas les coopérations interrégionales. Si mes propos ne peuvent suffire pour vous convaincre, cher collègue Jacques Krabal, peut-être La Fontaine saura-t-il le faire mieux que moi : « Parfois on se trompe dans l’analyse d’un événement, parce qu’on reste figé dans le seul point de vue qui nous semble évident. »

Passons à autre chose et préparons l’avenir d’une grande région, qui me réjouit !

(L’amendement n65 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 8, 10, 16, 30, 70, 87, 105, 128 et 188 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n74.

M. Michel Piron. Il est défendu, madame la présidente.

(L’amendement n74, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 134, 165, 187 et 189.

La parole est à M. Kléber Mesquida, pour soutenir l’amendement n134.

M. Kléber Mesquida. Pour la troisième fois, lors de cette nouvelle lecture – vous ne vous en étonnerez pas, messieurs le secrétaire d’État, le rapporteur et le président de la commission des lois –, je ne renonce pas à ma profonde conviction de défendre la légitimité du fondement de cet amendement qui a été co-signé par plusieurs députés du Languedoc-Roussillon. Ce projet de loi a mis en exergue de nombreuses divergences sur tous les bancs de notre assemblée. Beaucoup ont regretté, voire dénoncé, que le processus de la réforme nécessaire ait été inversé. Avant les contours des régions, il fallait définir les compétences, définir ensuite des bassins de vie, réexaminer la notion de « pays », entamer une concertation et enfin, prendre en compte la volonté de vivre ensemble, principe qui a été largement rappelé ici.

M. le ministre de l’intérieur nous a dit cet après-midi que la carte était certes imparfaite et qu’il fallait prendre un peu de temps pour aboutir à quelque chose de plus consensuel.

M. Michel Sordi. Très bonne idée !

M. Kléber Mesquida. On aurait l’occasion de le faire, si cette loi était ajournée pour nous laisser y réfléchir. Après avoir évoqué les problématiques de l’est, puis celles de l’ouest, je vais vous parler du sud. M. le ministre a dit que cette réforme était nécessaire pour faire des économies. Pourtant, peut-on m’expliquer comment, dans une assemblée qui passera, avec la fusion avec la région Midi-Pyrénées, de 91 élus régionaux à 158, nous pourrions faire des économies ? Cette fusion suppose, en effet, une nouvelle salle des délibérations, des bureaux pour les 67 élus supplémentaires, des secrétariats, de la logistique, des frais de déplacements. De plus, étant donné son étendue, il est certain qu’il faudra créer des super-directions régionales pour coordonner les actions de cette future grande région, si tant est qu’elle aboutisse.

Certes, les régions feront des économies pour faire face à leurs nouveaux besoins de fonctionnement ; mais elles le feront au détriment d’investissements et, partant, de la croissance et de l’emploi.

M. Jean-Louis Christ. Tout à fait !

M. Kléber Mesquida. Les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées sont à la fois très proches et très différents. Avec nos collègues de Midi-Pyrénées, que je salue ici, nous nous apprécions, je dirais même que nous nous aimons d’amitié. Toutefois, Saint-Exupéry n’a-t-il pas dit qu’aimer ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction ? Or, le Languedoc-Roussillon regarde la Méditerranée, tandis que Midi-Pyrénées regarde l’Atlantique et Bordeaux. Certes, nous sommes dans le berceau de la langue occitane, mais nous nous tournons le dos. Dès lors, comment regarder dans la même direction ?

Nous avons des politiques de marque. Le Languedoc-Roussillon a la marque Sud de France Méditerranée et Midi-Pyrénées celle de Sud-Ouest de France, associée à l’Aquitaine. Rappelons que Bordeaux est le port naturel de Toulouse. Les deux régions auraient toute légitimité à rester autonomes et je veux, pour vous le prouver, décliner quelques-uns des atouts de notre région. Nous avons un budget de 1,2 milliard d’euros, comparable à celui d’autres régions qui restent isolées. Montpellier Métropole dispose avec Agropolis et le CIRAD d’un pôle unique tourné vers la Méditerranée et le Maghreb. Elle est également à la pointe de la recherche dans les domaines de la santé, de l’eau, de l’agronomie et même dans l’innovation, récompensée par l’obtention du label French Tech.

Le Languedoc-Roussillon dispose également d’une forte économie présentielle, avec la plus forte progression démographique du pays – 30 000 nouveaux habitants arrivent chaque année. Nous avons un tourisme de qualité, mais néanmoins un tourisme de masse, bien différent de celui de nos voisins. Le Languedoc-Roussillon, c’est le plus grand vignoble du monde et d’importantes activités portuaires. Le port de Sète recevra, d’ici à 2020, 300 millions d’euros d’investissements publics – 53 ont d’ores et déjà été réalisés, 60 sont en cours. Port-la-Nouvelle recevra 200 millions d’euros afin de développer de nouveaux trafics.

Alors que le Languedoc-Roussillon, avec Montpellier Métropole, est en situation de pouvoir maintenir son autonomie, son développement et son rayonnement, je veux pointer quelques menaces liées à la fusion. Celle-ci entraînera nécessairement la suppression de doublons de directions régionales. On ne peut pas imaginer que l’État et d’autres instances, notamment consulaires, conservent des directions régionales dans deux pôles différents. Je pense à la direction régionale de l’action culturelle – la DRAC –, la direction régionale des finances publiques, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – la DIRECCTE –, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – la DREAL –, la chambre régionale des comptes, le rectorat, la cour d’appel, la préfecture de région, le secrétariat général aux affaires régionales ou encore l’agence régionale de santé. Comment, par exemple, cette dernière pourra-t-elle coordonner l’offre de santé et de soins de Beaucaire à Tarbes, situées à cinq heures de route l’une de l’autre ?

Parmi les autres handicaps, pensons également aux habitants usagers. Nous allons leur imposer de longs trajets pour se rendre dans la capitale régionale afin d’accomplir les différentes démarches administratives. Les menaces de disparition qui pèsent sur les directions régionales – elles vont se concrétiser, j’en prends le pari – concerneraient chez nous 4 000 postes. Je comprends que les zélateurs de la fusion aient envie d’apparaître comme des visionnaires ; mais je pense que les habitants et les usagers, qui ont conscience de la proximité de leurs services par rapport à leur zone de résidence, sauront un jour se souvenir de qui a bradé leur région.

Je ne pense pas que programmer une fusion forcée soit particulièrement efficient. Il n’y a pas eu de référendum, comme je l’ai entendu en Alsace, mais les assemblées se sont prononcées, même si elles n’ont pas été consultées par le pouvoir central, et toutes, d’une manière unanime, se sont prononcées contre cette fusion. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je soumets mes réflexions à la sagesse de l’Assemblée et souhaiterais que nous puissions revoir ce texte en profondeur.

M. Jacques Krabal. Très bien !

M. Éric Straumann. Nous aussi !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n165.

Mme Jeanine Dubié. Nous proposons de revenir sur la carte adoptée par le Sénat et de séparer les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. En première comme en deuxième lecture, nous avons vainement tenté de faire entendre au rapporteur et au Gouvernement que la fusion avec le Languedoc-Roussillon n’avait pas de sens. Il suffit de constater le périmètre économique commun à la région Midi-Pyrénées et à l’Aquitaine – par exemple, les pôles de compétitivité dans les domaines aéronautique et agroalimentaire.

Un autre élément majeur serait de prendre enfin en compte la barrière des Pyrénées pour définir une région englobant l’ensemble de la chaîne montagneuse, de l’Atlantique à la Méditerranée, afin d’améliorer nos échanges vers le sud, notamment grâce à de nouvelles infrastructures. Tout cela n’a pas été entendu. Nous n’avons même pas obtenu une réponse quelque peu cohérente, nous expliquant pourquoi un tel scénario n’avait pas été retenu.

Aujourd’hui, la fusion avec le Languedoc-Roussillon va accroître le développement autour d’un axe Toulouse-Montpellier et délaisser tous les départements qui ne se trouveront pas sur cet axe. La région Midi-Pyrénées est la plus grande région de France, avec 45 000 kilomètres carrés, soit une superficie comparable à celle du Danemark, et on veut lui adjoindre une région elle-même très étendue. En aucune façon, la fusion ne permettra de rapprocher le citoyen des décideurs politiques ! Au-delà de l’Alsace, au-delà de la Picardie et au-delà de la Bretagne, la colère gronde aussi dans le Sud-ouest et bon nombre de citoyens ne comprennent pas le caractère parfaitement artificiel du découpage.

Pour terminer, j’indique que la chambre de commerce et d’industrie des Hautes-Pyrénées a lancé une enquête auprès des chefs d’entreprise : ils souhaitent à 85 % un rapprochement avec l’Aquitaine. Comme vient de le faire mon collègue du Languedoc-Roussillon, M. Mesquida, je plaide pour que ces deux régions restent telles qu’elles sont aujourd’hui.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n187.

M. Éric Straumann. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Christ, pour soutenir l’amendement n189.

M. Jean-Louis Christ. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. En réponse à M. Mesquida et à Mme Dubié, quelques éléments de réflexion sur la fusion que nous proposons entre le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Il est vrai que pour cette dernière, l’alternative était une fusion avec l’Aquitaine. Certains l’évoquent aujourd’hui encore, et cette fusion aurait pu avoir du sens. Néanmoins, le Gouvernement a pensé que la vraie cohérence consistait, contrairement à ce que vous dites, madame Dubié, à reconstituer une entité qui a existé il y a très longtemps : l’Occitanie.

Mme Jeanine Dubié. Elle intégrait aussi l’Aquitaine !

M. André Vallini, secrétaire d’État. L’axe de l’Occitanie au XIIIe siècle, c’était plutôt Toulouse-Montpellier. En tout cas, pour regarder devant nous et sans remonter à l’Occitanie médiévale, le Gouvernement pense que la nouvelle région s’affirmerait comme une grande région, au carrefour du sud de l’Europe et de la Méditerranée occidentale. Elle compterait 5,5 millions d’habitants, s’appuierait sur deux métropoles dynamiques – Toulouse et Montpellier –, six pôles de compétitivité et quarante-trois laboratoires d’excellence. Elle se situerait à la convergence d’axes économiques importants, à la confluence de grands courants d’échange entre l’Atlantique et la Méditerranée vers la péninsule ibérique. Ses infrastructures de transport performantes lui permettraient d’exploiter au mieux cette situation stratégique privilégiée.

Et puis surtout, des synergies existent déjà, vous le savez bien, monsieur Mesquida, madame Dubié. Je pense notamment à l’eurorégion Pyrénées-Méditerranée, née le 29 octobre 2004, structure de coopération entre la Catalogne espagnole, le Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et les Îles Baléares. Cette eurorégion forme un pôle de coopération de référence dans le Sud-Ouest européen, fondé sur l’intégration sociale, environnementale et économique, et destiné à parler d’une même voix auprès des institutions communautaires. J’ajoute que le Groupement européen de coopération territoriale, le GECT, a été créé le 25 août 2009, permettant à cette eurorégion de soutenir directement ses projets de développement économique et de transport, notamment avec la Catalogne.

De même, le pôle de compétitivité dit « EAU », associant les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, a été créé en 2010, avec pour objectif de développer des outils industriels pour relever l’enjeu majeur qu’est la gestion de l’eau au XXIe siècle.

Enfin, le pôle de compétitivité DERBI, – Développement des énergies renouvelables dans le bâtiment et l’industrie –, basé à Perpignan, a été étendu à Toulouse.

Des synergies, des coopérations, existent donc déjà dans beaucoup de domaines. Le projet du Gouvernement consiste à les renforcer encore pour former une grande région du Sud de la France, avec deux métropoles dynamiques, qui ont déjà engagé des coopérations. J’ai eu récemment au téléphone le maire de Montpellier, et nous étions ensemble, madame la députée, avec Martin Malvy et le Premier ministre dans les Hautes-Pyrénées : on sent qu’il y a déjà une évolution qui est appelée à se développer entre ces deux régions. C’est tout le sens de la fusion que nous proposons.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Assaf.

M. Christian Assaf. Ma position est connue : la fusion du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées n’a rien d’un mariage de raison car celui-ci n’est pas raisonnable. J’ai entendu les arguments des défenseurs de cette disposition, l’un des plus importants étant celui de la taille critique que devraient avoir nos territoires régionaux. Mais on peut alors se demander pourquoi tous ne grandissent pas de manière identique… Et puis surtout, on peut comparer avec l’Allemagne, si souvent, à tort ou à raison, citée en exemple : l’importance démographique des Länder varie de 650 000 habitants à plus de dix-sept millions, et le Land de Hambourg, qui a le plus fort PIB par tête du pays, compte seulement 1,7 million d’habitants…

M. Éric Straumann et Mme Marie-Jo Zimmermann. Comme l’Alsace !

M. Christian Assaf. …alors que le Languedoc-Roussillon en compte plus de 2,2 millions. L’important n’est donc pas tant l’importance de la population ou la superficie, car les éléments primordiaux sont les compétences – question qui reste à débattre –, les infrastructures et les moyens financiers, dont nous savons qu’ils ne peuvent que difficilement augmenter en ces temps difficiles. Ce ne sont pas les économies d’échelle, dont chacun sait qu’elles ne seront pas immédiates, qui accroîtront les budgets régionaux. À budget constant, il sera dès lors difficile d’équiper les territoires que peu d’infrastructures relient et qui se sont parfois développés côte à côte, mais souvent dos-à-dos.

Oui, je parle du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées pour que ne passent pas à la trappe des pans entiers d’une action publique réussie et appréciée par les populations, mais qui ne relèvent ni des mêmes logiques, ni des mêmes besoins ni des mêmes choix dans les deux régions. C’est la raison pour laquelle je voterai ces amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Je vais répondre en toute amitié à nos collègues Mesquida, Dubié et Assaf. Je pense qu’ils se trompent en prétendant que ces régions seraient à la fois si proches et si différentes : ces régions sont en fait très proches. La seule différence que je vois, c’est l’existence d’une façade maritime en Languedoc-Roussillon. Faire le procès d’une absence de proximité auprès des populations des services de l’État et de ceux des nouvelles régions est un contresens : le sujet, au-delà du débat sur cette fusion, c’est bel et bien le développement économique des régions françaises, qui doit être complémentaire avec l’équilibre territorial. Tel est le cœur de cette réforme. Ce n’est en aucun cas un bradage d’une région au profit d’une autre. Il faut aborder cette alliance non pas en termes de soumission mais en termes de dynamique.

Pour conclure, cher Christian Assaf, si cette union entre les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées est tout sauf un mariage de raison, nous devons travailler pour que ce soit un mariage d’amour, efficace économiquement.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je suis un peu étonné par l’argument, à plusieurs reprises invoqué dans ce débat, des synergies déjà existantes entre telle région et telle autre pour justifier leur fusion. Mais à quoi servirait-il de les fusionner s’il existe déjà les synergies sans la fusion ?

M. Patrick Hetzel. Exactement !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce serait parfaitement superflu. La synergie ne vient pas de la fusion forcée de deux régions ou de plusieurs départements, mais du fait que les acteurs économiques ou sociaux font le nécessaire pour nouer des liens à travers des régions différentes.

M. Patrick Hetzel. C’est tellement juste ! Mais sans doute trop évident !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. On peut avoir comme idéal de très grandes régions. Jeanine Dubié notait d’ailleurs que Midi-Pyrénées, à soi seule, avait une superficie équivalente à celle du Danemark. Mais l’addition de deux grandes régions comme celles-ci aboutirait à une population dépassant 5,5 millions d’habitants. Certes, il y a des précédents, mais est-ce l’idéal ? La dimension la plus grande est-elle toujours la plus efficace ? Personne ne peut le dire avec certitude.

M. Éric Straumann. L’avis d’un sage !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Et puis il y a la distance kilométrique : si, par exemple, il faut se rendre de Collioure ou de Port-Vendres à Toulouse, peut-être la capitale de la future région, la distance n’est certes pas énorme mais le trajet subit des encombrements assez fréquents.

Enfin, chacune de ces deux régions, même si elles partagent une histoire commune – laquelle se situe plutôt au Moyen-âge que dans des temps plus récents –, a maintenant sa propre culture, son identité particulière. Y a-t-il vraiment une proximité culturelle entre Cahors et Perpignan ? Y a-t-il vraiment ne serait-ce qu’une analogie entre Laguiole et Sète ? Je ne le crois pas, mais il est vrai que ce n’est pas à soi seul un argument.

M. Sébastien Denaja. On va se battre au couteau ! (Sourires.)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je me souviens que Christian Bourquin, décédé récemment, ancien député de l’Hérault et, mes collègues de Languedoc-Roussillon le savent bien, président de leur région, était très attaché à son maintien et à l’absence de fusion avec la région Midi-Pyrénées.

Mme Jeanine Dubié. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. Le secrétaire d’État a eu raison de convoquer l’histoire en rappelant ce qui unit les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. C’est bien place du Capitole et non place de la Comédie que trône la croix du Languedoc. Ces deux régions ont en effet en partage la culture occitane.

De toute façon, nous ne procédons pas à des fusions de régions sur des bases identitaires, nous l’avons répété à profusion au cours du débat, mais dans la seule perspective de pouvoir ainsi bâtir des projets de développement économique à des échelles pertinentes. Il y a bien évidemment des différences entre les régions qui vont être fusionnées, mais plutôt que de s’enfermer dans des logiques de concurrence, voyons les choses en termes d’enrichissement mutuel, notamment s’agissant de Toulouse et de Montpellier, qui vont accéder au statut de métropole au mois de janvier, grâce à l’action des députés socialistes, particulièrement ceux de Montpellier.

Notre collègue Mesquida a eu tout à fait raison de faire valoir les atouts de la région Languedoc-Roussillon, mais je nous invite à nous souvenir que nous établissons la nouvelle carte à treize régions hexagonales tout en souhaitant qu’elle soit équilibrée. D’où le débat – que je ne veux pas réactiver ! – sur l’Alsace, avec au final une grande région à l’Est et une autre au Nord, et plus aucune région comptant moins de quatre départements. Plus au Sud, se bâtit, et cela fait consensus, une région formée de l’Aquitaine, du Limousin et du Poitou-Charentes, tandis que la région PACA est déjà constituée. Était-il raisonnable de laisser entre les deux, dans une situation d’isolement, Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon ? Nous avons pensé qu’il fallait au contraire équilibrer la carte des régions au Sud, avec trois ensembles comparables, de six à sept millions d’habitants.

Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, j’insiste sur le fait que les inquiétudes rappelées par mon collègue Mesquida sont légitimes, notamment s’agissant de la métropole montpelliéraine. Les députés socialistes du Languedoc-Roussillon souhaitent que l’amendement d’Alain Tourret, auquel le groupe socialiste avait apporté ses voix, visant à pouvoir éventuellement dissocier le siège du conseil régional de celui de la préfecture de région soit pris en compte pour un geste d’aménagement du territoire fort pour cette grande région, avec peut-être à Toulouse le siège du conseil régional et à Montpellier celui de la préfecture ou l’inverse, mais dans un souci d’équilibre. Cela est aussi pensable pour la Normandie réunifiée. Il s’agit d’éviter les désagréments qu’a évoqués Kléber Mesquida. Il peut encore y avoir des compromis l’année prochaine, et c’est le Gouvernement qui aura à trancher ce débat.

(Les amendements identiques nos 134, 165, 187 et 189 ne sont pas adoptés.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er bis

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 1er bis.

Article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n23.

M. Michel Sordi. Il est défendu, madame la présidente.

(L’amendement n23, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n58.

M. Michel Sordi. Il est défendu, madame la présidente.

(L’amendement n58, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n76.

M. Thierry Benoit. Lui aussi est défendu, madame la présidente.

(L’amendement n76, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva, rapporteur, pour soutenir l’amendement n190.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Cet amendement vise à laisser plus de temps pour le choix des noms et des chefs-lieux des nouvelles régions.

(L’amendement n190, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 17 et 19.

La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n17.

M. Benoist Apparu. Nous venons d’adopter un amendement qui laissera trois mois de plus pour décider du lieu d’implantation du chef-lieu de région, partout en France, sauf dans une région : la région Lorraine-Champagne-Ardenne-Alsace. Dans celle-là, c’est la loi qui fixera la capitale.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous expliquiez cette incongruité juridique, qui fait que sur les futures treize préfectures de région, douze seront désignées par décret et une par la loi. J’aimerais bien comprendre la raison d’une telle bizarrerie.

D’autre part, les préfectures de région seront fixées par décret après consultation du conseil régional, du conseil économique, social et environnemental régional et de l’ensemble des collectivités locales concernées, mais les villes de Reims, Châlons, Nancy et Metz, elles, ne seront pas consultées. N’y aurait-il pas là quelque chose qui pourrait être constitutif de ce que l’on appelle une « rupture d’égalité » entre les territoires ?

M. Armand Jung. Bien sûr que non !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais si !

M. Benoist Apparu. Pourriez-vous m’expliquer comment, en droit constitutionnel, certaines villes pourraient être consultées et d’autres non ?

J’ajoute que tactiquement, s’il revenait au Conseil constitutionnel de « retoquer » – passez-moi l’expression – le choix de Strasbourg comme capitale régionale, cela ferait désordre. Vous nous avez expliqué à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d’État, que vous souhaitiez que Strasbourg soit capitale de région : c’est tout à fait audible, voire légitime, au regard de l’importance de Strasbourg, mais pourquoi avoir choisi un traitement spécifique par la loi ? Je n’arrive pas à le comprendre !

Par ailleurs, sans vouloir donner dans le localisme municipal, la population active de Châlons-en-Champagne est composée pour 56 % de fonctionnaires – contre 25 % pour la moyenne nationale –, avec deux composantes principales : les militaires et les employés de la préfecture de région. Il y a un mois, le Gouvernement a fait une croix sur la présence de l’armée à Châlons ; quinze jours après, voilà que l’on en fait une autre sur la préfecture de région. Monsieur le secrétaire d’État, comment se fait-il qu’en l’espace d’un mois, vous ayez ainsi décidé de faire une croix sur les deux principales activités d’une ville ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour soutenir l’amendement n19.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le secrétaire d’État, j’irai dans le même sens que mon collègue Benoist Apparu.

Dans une réorganisation administrative comme celle que vous êtes en train de conduire, le choix des chefs-lieux est aussi important que le découpage en lui-même. Or ce choix doit répondre à une logique de proximité, suivant le principe de la « centralité du chef-lieu », que les Constituants adoptèrent en 1789.

Par ailleurs, la loi mentionne expressément le nom de Strasbourg. Je le répète : je n’ai rien contre Strasbourg ; mais si j’ai défendu la possibilité pour l’Alsace de mener seule son destin, c’est aussi parce que je crois que l’on ne peut pas admettre que le chef-lieu de région soit fixé, d’emblée, par la loi.

Comme l’a souligné Benoist Apparu, pour l’ensemble des autres régions, il existe une possibilité de choix avant la publication du décret ministériel. Or nous, nous ne passons pas par cette étape : cela introduit une véritable rupture. L’alinéa 6 ne me semble donc pas en conformité avec la Constitution, puisqu’il occasionne une différence de traitement : une seule région se voit imposer son chef-lieu, sans aucune concertation ni possibilité d’exprimer un avis sur le sujet.

Quid dans ce cadre du siège de l’administration régionale, de celui des assemblées régionales et du chef-lieu de la zone de défense ? Si j’ai défendu la grande région, c’était dans un souci de justice : on pouvait imaginer une répartition des tâches entre Strasbourg, Metz, Nancy, Reims et Châlons. Aujourd’hui, du fait de la désignation de Strasbourg par la loi, il n’y a plus le choix.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Mais si !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Dans ce cas, il faudrait que vous nous le précisiez, monsieur le secrétaire d’État ! Quoi qu’il en soit, je pense qu’il serait bon de supprimer l’alinéa 6 de l’article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Sur la forme, je vous rappelle que l’amendement qui prévoyait de faire de Strasbourg le chef-lieu de sa région a été adopté par l’Assemblée nationale en seconde lecture, à l’unanimité, et à l’issue d’un débat particulièrement long et constructif. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il n’y a pas eu de scrutin public !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je m’étonne que les auteurs de ces amendements de suppression n’y aient pas participé davantage !

Sur le fond, le fait que Strasbourg soit le siège du Parlement européen et du Conseil de l’Europe place cette ville dans une situation particulière qui fait, ne vous en déplaise, qu’elle ne peut être mise en concurrence ni sur un pied d’égalité avec aucune autre commune française. Ce statut de capitale européenne est, vous le savez parfaitement, régulièrement remis en cause par des opposants qui dénoncent le caractère délocalisé, voire « provincial » – selon eux – de Strasbourg, et souhaitent ouvertement rapatrier à Bruxelles toutes les institutions européennes.

M. Benoist Apparu. Il faut l’accord de la France pour cela !

Mme Marie-Jo Zimmermann. De toute façon, cela n’a rien à voir !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Notre rôle, en tant que représentation nationale, est donc de conforter le statut européen et international de Strasbourg.

Pour répondre ensuite la question de notre collègue Apparu sur la constitutionnalité d’une telle disposition, le choix du chef-lieu d’une région relève de l’État, qui peut décider de l’exercer par le pouvoir réglementaire ou par le législateur – de toute façon, le Conseil constitutionnel ne censure pas les éventuels empiétements du législateur sur le domaine réglementaire.

M. Benoist Apparu et Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas l’argument que nous avions invoqué !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Il ne s’agit donc pas d’une compétence de la région, qui restera maîtresse, si nous adoptons le texte dans la version que nous souhaitons, du choix de l’implantation de l’hôtel de région et de la localisation des réunions. La disposition ne remet nullement en question la libre administration de la collectivité.

Enfin, il n’existe aucun droit constitutionnellement protégé à concourir pour le titre de chef-lieu de région : en aucun cas, les autres communes ne sauraient être considérées comme lésées par la décision du législateur.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. Philippe Bies et M. Armand Jung. Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Quel mépris !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Le rapporteur a tout dit, sur la forme et sur le fond. Je confirme notamment la volonté du Gouvernement – partagée sur tous les bancs – de conforter Strasbourg comme capitale européenne.

Je voudrais simplement rassurer M. Apparu, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire et l’ai encore redit il y a peu alors que je me trouvais dans la Meuse : ce n’est pas parce que Strasbourg sera capitale régionale, comme pourrait l’être demain Lyon pour la région Rhône-Alpes-Auvergne ou Toulouse, si ce n’est Montpellier, pour la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, que tous les services de la région, et a fortiori tous les services de l’État en région, seront concentrés à Strasbourg ! Châlons-en-Champagne restera préfecture du département de la Marne et accueillera sans doute aussi des services de la région.

M. Hervé Gaymard. Voilà qui sera commode à gérer !

M. André Vallini, secrétaire d’État. C’est pourtant déjà le cas, monsieur Gaymard !

Il y aura donc des services de la région à Châlons-en-Champagne, comme à Metz, Nancy et Reims : fort heureusement, tout ne sera pas concentré dans les chefs-lieux de région, ni pour ce qui concerne l’État, ni pour ce qui concerne les collectivités territoriales.

M. Éric Straumann. Quelle usine à gaz !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Strasbourg est capitale européenne, et cette particularité par rapport aux autres métropoles françaises a été reconnue à plusieurs reprises par la loi, notamment, dernièrement, par la loi du 27 janvier 2014, qui lui a conféré le statut d’eurométropole. Le Gouvernement a également reconnu les fonctions particulières exercées par Strasbourg au titre de ville siège des institutions européennes, conféré en application des traités et des protocoles européens ratifiés par la France, en inscrivant dans la loi le contrat triennal « Strasbourg, capitale européenne », qui est destiné à lui donner les moyens d’assurer ses fonctions dans de bonnes conditions.

Le rapporteur vient de rappeler que Strasbourg faisait l’objet d’attaques régulières sur son statut de capitale européenne. Il s’agit donc de comparer Strasbourg non pas à Châlons, Metz ou Nancy, mais bien à Bruxelles, et de la soutenir contre ces tentatives de déstabilisation. C’est pour cela que l’amendement auquel nous étions arrivés à l’issue d’un compromis avait été adopté à l’unanimité des députés présents – je crois que c’est l’une des rares dispositions qui a fait l’objet d’un consensus dans le cadre de ce débat très passionné.

Compte tenu de ces éléments, il semble logique que Strasbourg, qui est la seule métropole du Grand Est reconnue par la loi, devienne la capitale régionale.

Toutefois, je conviens qu’il ne s’agit pas de tout concentrer à Strasbourg. Il ne faudrait pas avoir une vision purement institutionnelle de l’organisation de cette grande région Est : les pôles d’excellence devront être reconnus dans chacun des territoires qui la composent.

Pour conclure, je dirai que cette grande région aura besoin d’un cœur puissant, Strasbourg, d’artères fluides, avec ses lignes à grande vitesse et ses autoroutes, et de vertèbres solides, avec les axes Reims-Châlons-Charleville-Mézières, Nancy-Metz-Épinal et Strasbourg-Colmar-Mulhouse. Tel était en tout cas l’objet de l’amendement qui avait été adopté, à l’unanimité, en deuxième lecture.

M. Armand Jung. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je voudrais signaler au rapporteur que j’ai moi aussi évoqué les problèmes constitutionnels – mais vous avez sans doute choisi d’ignorer mes propos.

Monsieur le secrétaire d’État, l’expérience de Metz et Nancy me fait dire qu’avoir la préfecture de région dans une ville et des directions régionales dans une autre pose des problèmes réels.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Le pensez-vous vraiment ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Écoutez, je n’ai pas envie de rallumer la guerre entre Metz et Nancy, mais cela a toujours été une difficulté entre ces deux villes.

D’où les tentatives de compensation à l’endroit de Nancy – Metz étant préfecture de région – en lui confiant des directions régionales.

Je veux bien qu’il en soit ainsi mais, entre Strasbourg, Metz, Nancy, Reims, Châlons, le choix sera nettement plus compliqué, vous en conviendrez.

Je connais la situation en Lorraine, notamment dans le domaine universitaire : l’université de Nancy profite beaucoup plus des crédits de la nouvelle université de Lorraine que Metz parce qu’elle est plus ancienne et plus importante, Metz étant toujours dans le « rattrapage ».

Je ne comprends pas l’argument des uns et des autres selon lequel Strasbourg serait conforté comme capitale régionale si elle était aussi préfecture de région. Je suis tout de même un peu surprise. Je n’arrive pas à imaginer qu’un tel argument soit crédible.

Si l’on croit à Strasbourg comme capitale européenne – j’y crois et j’y ai toujours cru – on n’est pas obligé d’y installer également la préfecture de région et surtout pas de l’affirmer dans la loi en prétendant que cela conforte son rôle européen !

Je comprends l’amendement qu’avait déposé M. Bies…

M. Hugues Fourage. Il a été adopté à l’unanimité !

Mme Marie-Jo Zimmermann. …mais il s’agissait peut-être de calmer ainsi le jeu. (Vives interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Puis-je continuer à m’exprimer ? Je vous remercie.

Je comprends que vous ayez souhaité donner des garanties aux députés socialistes alsaciens et d’ailleurs aussi à d’autres députés socialistes afin qu’ils votent la loi, mais concevez que vos arguments n’emportent pas du tout la conviction, d’autant plus que je connais depuis un certain nombre d’années les difficultés liées à l’éclatement des directions régionales entre Metz et Nancy.

Je crois vraiment que c’est une erreur d’avoir inscrit Strasbourg comme capitale régionale dans la loi. Il s’agit d’une rupture d’égalité, qu’on le veuille ou non, car dans les autres régions, les collectivités pourront débattre et choisir avant que le décret ministériel ne soit pris alors que, dans notre région, ce débat n’aura pas lieu.

Mme la présidente. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Je m’exprimerai très rapidement afin de ne pas prendre trop de temps de parole au groupe UMP.

Tout d’abord, aucune réponse n’a été apportée à la question de la rupture d’égalité. Sur le plan constitutionnel, vous avez raison : à partir du moment où l’on peut recourir à un décret, la loi peut s’en saisir. Aucun problème ! Mais vous n’avez pas répondu en ce qui concerne la rupture d’égalité.

Ensuite, vous invoquez l’argument de Strasbourg capitale européenne. Si mes souvenirs sont exacts, s’il en est ainsi, c’est suite à un traité européen. Or, pour modifier un traité européen et enlever à Strasbourg son statut de capitale, il faudrait que la France l’accepte. Toutes les pressions, tous les lobbies bruxellois peuvent s’exercer afin que ce statut soit supprimé mais si la France s’y refuse, cela ne se fera pas.

Enfin, vous évoquez un partage des directions régionales. Il est probable, vous avez raison, et ce sera valable dans cette région-là, comme dans d’autres. Mais pourquoi l’affirmer dans la loi pour Strasbourg et pas pour les autres villes ?

M. Michel Piron. Pour rassurer les Alsaciens !

M. Benoist Apparu. C’est cela que je ne comprends pas !

Qui plus est, monsieur le secrétaire d’État, le partage en question sera effectué avant de désigner la préfecture dans toutes les autres régions, sauf dans celle-ci, où cela se fera après.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. Un mot sur la question de la constitutionnalité, sujet qui mérite que l’on y revienne un instant.

La rupture d’égalité est en effet avérée entre Strasbourg et les autres futures capitales régionales mais, en droit français, les ruptures d’égalité sont admises dès lors qu’elles ont un motif d’intérêt général.

Le fait que l’Assemblée nationale, en adoptant – qui plus est à l’unanimité – l’amendement en question ait décidé de conforter ainsi le rôle de Strasbourg comme capitale européenne sera considéré sur le plan constitutionnel comme un motif d’intérêt général justifiant un traitement différencié pour cette capitale régionale-là.

J’ajoute que, dans notre vie parlementaire, nous avons vécu à cette occasion un beau moment de concorde nationale. Non seulement cet amendement a été voté à l’unanimité mais nous l’avons rédigé ensemble…

M. Michel Piron. Tout à fait.

M. Sébastien Denaja. …alors que c’est M. Bies qui, initialement, l’avait déposé.

Nous l’avons d’ailleurs rédigé avec prudence puisque le texte dont vous êtes finalement l’un des co-auteurs, monsieur Straumann, reconnaît Strasbourg comme chef-lieu de la région à laquelle elle appartient, ce qui ne présage donc pas de l’issue de nos débats…

M. Thierry Benoit. Cela n’insulte pas l’avenir !

M. Sébastien Denaja. …même si l’article premier vient d’être adopté.

Enfin, il faut tordre le cou aux fantasmes et aux peurs que vous agitez : ce n’est pas parce qu’en effet un certain nombre de villes perdront leur statut de chef-lieu de région qu’elles se verront arracher l’ensemble des services qui y sont implantés.

Mme Marie-Jo Zimmermann. On verra…

M. Sébastien Denaja. La réforme qui se profile ne se fera d’ailleurs pas différemment, à certains égards, de ce que fut celle de l’administration territoriale d’État, la RéATE. Des règles existent s’agissant de la mobilité des fonctionnaires.

Cessez donc d’agiter des peurs !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas ce que nous faisons.

M. Sébastien Denaja. Non, l’ensemble des services des capitales régionales actuelles ne leur sera pas arraché, non, les fonctionnaires qui y travaillent ne seront pas amenés à s’exiler dans d’autres territoires !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Vous n’en savez rien !

M. Sébastien Denaja. Nous avons fait un geste à l’égard du groupe UMP en l’écoutant, alors que vous n’aviez de cesse d’affirmer que la majorité était fermée. Elle a au contraire su faire montre d’ouverture – notamment, s’agissant du statut de Strasbourg – afin de témoigner d’une écoute attentive face aux inquiétudes des Alsaciens.

Satisfaisons-nous de ce geste fort au lieu de faire entendre ce soir des dissonances qui n’ont pas lieu d’être, Strasbourg étant un enjeu national !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. L’argumentation de Mme Zimmermann m’étonne. J’avoue y avoir perdu mon latin. Je ne comprends pas ce que vous voulez, ma chère collègue.

J’ai bien compris que vous ne vouliez pas que la loi fixe la commune de Strasbourg comme chef-lieu de la future région.

Mme Marie-Jo Zimmermann. En effet.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Vous n’avez d’ailleurs pas précisé ce que vous en penseriez vraiment si d’aventure votre amendement était adopté.

Je n’ai pas compris quelle ville, de Nancy, Metz, Châlons-en-Champagne ou Reims devrait être selon vous la capitale de cette future région.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas possible qu’il me parle ainsi !

M. Benoist Apparu. Nous voulons une consultation !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Nous évoquons une région qui a suscité tant de débats en première puis en seconde lectures, en commission, dans l’hémicycle, au Sénat et, comme le rappelait notre collègue Denaja, qui a été l’occasion d’un beau moment de vie parlementaire. Au cours d’une discussion extrêmement passionnée – parfois, même, trop dure –, nous avons étudié l’amendement de M. Bies, étudié des amendements convergents déposés par nos collègues du groupe UMP, puis, après plusieurs suspensions de séance, rédigé ensemble un amendement finalement adopté à l’unanimité de ceux qui étaient alors présents dans l’hémicycle.

Et voilà que Mme Zimmermann prend maintenant la parole pendant plusieurs minutes, dépensant ainsi d’ailleurs le temps dont dispose le groupe UMP, pour qu’au final, en tant que rapporteur, je ne comprenne rien de rien et ignore la capitale qu’elle souhaiterait pour cette région !

M. Benoist Apparu. Réfléchissez !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. En outre, il ne vous a pas échappé, madame Zimmermann, si vous permettez que je vous interpelle ainsi, que l’organisation territoriale actuelle de notre belle République ne répond pas aux mêmes contraintes que celles auxquelles elle devait répondre jusqu’alors.

Autrement dit, la dématérialisation d’un certain nombre de procédures, d’actes, de communications peut aisément permettre qu’une forme d’activité administrative se maintienne dans l’ensemble des capitales régionales existantes et, comme le disait notre collègue Denaja, que des fonctionnaires restent sur place mais, aussi, échangent et élaborent les décisions et les politiques publiques dans les meilleures conditions.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. À ce stade de notre débat, la question des capitales est abordée uniquement – ou presque – par rapport à celle d’une future région constituée de trois régions actuelles dans l’est de la France.

Je ne partage pas l’idée selon laquelle cet amendement aurait été voté dans un bel élan unanime…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien ! Merci !

M. François de Rugy. …car je n’ai pas ce souvenir-là.

Je ne crois pas que le vote ait eu lieu par scrutin public.

Mme Marie-Jo Zimmermann. En effet !

M. François de Rugy. Nous pourrons vérifier.

La vérité, c’est qu’il s’agissait très clairement d’un geste fait en direction de l’Alsace…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Voilà !

M. François de Rugy. …en raison du débat que nous connaissons et que nous avons eu encore ce soir quant au sort qui lui est fait.

D’ailleurs, nous mélangeons tout !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !

M. François de Rugy. Notre collègue Apparu a raison : le statut de capitale européenne n’a évidemment rien à voir…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Rien !

M. François de Rugy. …avec celui de capitale régionale.

Par ailleurs, ce cas-là fait remonter à la surface un problème plus général – notre collègue Tourret l’a évoqué tout à l’heure pendant la discussion générale : celui des capitales régionales resté en suspens et renvoyé à plus tard.

Après tout, cela peut se comprendre mais, je vous le dis plus particulièrement, monsieur le secrétaire d’État, lorsque votre collègue ministre de l’intérieur s’est exprimé au banc du Gouvernement lors des lectures précédentes, il n’a pas voulu dire s’il y avait une logique quant à la détermination des capitales régionales – on a d’ailleurs déjà du mal à distinguer celle qui prévaut quant au découpage des régions.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. François de Rugy. Nous savons très bien qu’à de rares exceptions près, en France, la tradition consiste à choisir la ville la plus grande. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec les vingt-deux régions que nous connaissons aujourd’hui. Peut-être y-a-t-il une exception en Haute-Normandie et en Champagne-Ardenne avec Châlons-en-Champagne, autrefois Châlons-sur-Marne…

Est-ce là la logique ? Est-ce une forme de centralité géographique – ce qui ne correspond pas tout à fait à un épicentre démographique ? Est-ce, comme des collègues l’ont dit, la ville la mieux reliée aux autres points de la région grâce aux modes de transport ? Nous ne le savons pas.

Au final, nous avons cru comprendre que le Gouvernement – ce serait bien qu’il se montre un peu plus explicite à ce propos – veillerait à ce que les différentes fonctions existantes dans une capitale régionale soient équilibrées. S’agissant du siège du conseil régional, est-il sérieusement envisagé qu’il ne soit pas dans la même ville que la préfecture de région ?

Monsieur le secrétaire d’État, lorsque votre collègue ministre de l’intérieur parle d’une réforme administrative, il pense surtout à celle de ses propres services…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Voilà !

M. François de Rugy. …, notamment des préfectures, ce qui peut d’ailleurs se comprendre. Sans doute sera-t-elle d’ailleurs effective.

On imagine donc mal une dispersion des services de l’État à l’infini. Sans doute la tendance sera-t-elle au contraire au regroupement afin de réaliser des économies.

M. Thierry Benoit. Oui !

M. François de Rugy. On peut en effet penser que la logique de tout cela, c’est que l’État fasse des économies, à défaut de pouvoir en faire faire aux collectivités locales.

Ma collègue Barbara Pompili a soulevé le débat entre Amiens et Lille en première et en seconde lectures. Nous savons très bien que dans le cadre d’une fusion du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, la tendance naturelle sera de faire de Lille la capitale régionale.

Pour autant, nous savons aussi très bien que dans le cadre de l’aménagement du territoire, certaines villes perdront un certain nombre de fonctions administratives et politiques liées aux capitales régionales.

J’ai souvent entendu des collègues protester contre la restructuration de la carte militaire. Or, la restructuration de la carte administrative des fonctions de l’État et des collectivités locales, consécutive au redécoupage des régions, ce sera quand même autre chose, tant concrètement que d’un point de vue symbolique !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très rapidement, monsieur le secrétaire d’État, je regrette infiniment que l’article 2 soit flou, comme d’ailleurs l’ensemble du projet de loi.

Nous souhaiterions que notre région soit traitée de la même façon que les autres et que l’alinéa 6 soit supprimé. Ainsi, l’égalité de traitement serait-elle effective.

Je voudrais vraiment que vous compreniez, monsieur le rapporteur, que je ne demande pas à choisir la capitale régionale. Pas du tout ! Je ne fais que me conformer à l’alinéa 3 disposant que des consultations doivent être organisées.

Ne souhaitant pas, moi, imposer quoi que ce soit, je ne souhaite pas davantage que ce soit la loi qui l’impose.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je serai très bref, madame la présidente, mais je tiens à dire que je suis de ceux qui ont entendu – et attendu, car il y a eu une suspension de séance – vu et participé au vote unanime – je dis bien « unanime » – avec ceux de nos collègues qui étaient encore présents dans l’hémicycle, à une heure, il est vrai, tardive.

M. Patrick Hetzel. C’était un jeudi matin ! (Sourires.)

M. Michel Piron. Nous étions encore un certain nombre et nous avons bien levé la main d’une manière unanime.

Même si je ne prétends pas qu’elle soit suffisante, je veux rappeler la raison qui a alors été invoquée : nous avons entendu – et pour ma part, j’y ai été sensible – le message que nous ont adressé les Alsaciens. Ceux-ci nous ont fait remarquer que la localisation à Strasbourg du Parlement européen faisait parfois l’objet de discussions, voire de contestations. Dans ce contexte, quel message enverrait-on aux autres pays européens, si l’on ne confortait pas Strasbourg comme capitale régionale ? Nos partenaires européens pourraient avoir l’impression que Strasbourg n’a pas finalement, pour nous-mêmes, l’importance que certains croyaient que nous lui donnions. C’est un argument auquel j’ai été sensible, à titre personnel, et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai participé, je le répète, au vote unanime qui a eu lieu ce jour-là. Je tiens à l’attester.

(Les amendements identiques nos 17 et 19 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n62.

M. Éric Straumann. Ledit « amendement Bies », je l’avais présenté dès le mois de juillet, mais le rapporteur m’avait répondu qu’il n’était pas constitutionnel et ma proposition avait été repoussée. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Carlos Da Silva, rapporteur. C’est faux !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Merci, monsieur Straumann ! Cela apprendra au rapporteur à nous faire des leçons !

M. Éric Straumann. Je ne veux pas jeter de l’huile sur le feu, mais la rédaction actuelle de l’article 2 présente un risque important d’inconstitutionnalité. Il faut un texte plus général, qui soit conforme à la Constitution, et c’est ce que je vous propose ici. Retenez ma rédaction, si vous ne voulez pas prendre un sérieux risque d’inconstitutionnalité.

S’agissant, maintenant, de la prétendue unanimité autour de l’amendement de M. Bies, il est vrai que, sur tous les bancs, nous nous sommes mis d’accord pour adopter la rédaction proposée après une suspension de séance. Mais, à l’époque, le ministre nous avait expliqué que ce dont il était question, ce n’était pas la préfecture – laquelle relevait du pouvoir réglementaire – mais l’hôtel de région. C’est ce qui nous a été dit, et c’est la raison pour laquelle nous avons voté cet amendement à l’unanimité. Mais on nous a ensuite expliqué en commission qu’il n’était pas question de l’assemblée délibérante, de l’hôtel de région, mais seulement de la préfecture.

Nous n’allons pas affaiblir Strasbourg ce soir, mais si cette unanimité a été trouvée, c’est tout simplement parce que nous n’étions pas d’accord sur cette définition du chef-lieu. Dans un projet de loi intitulé « Délimitation des régions », il paraît logique, lorsqu’il est question de chef-lieu de région, que l’on parle de l’hôtel de région et de l’assemblée délibérante, et non de la préfecture.

Je vous propose donc un amendement qui devrait faire l’unanimité, puisqu’il arrive exactement au même résultat que l’amendement de M. Bies. Nous ne désignons pas expressément Strasbourg, mais nous indiquons simplement qu’une ville qui est le siège d’une institution parlementaire européenne sera la capitale de sa région. Cette formulation étant beaucoup plus générale, le risque de censure constitutionnelle sera beaucoup plus faible.

Nous vous demandons par ailleurs de clarifier cette notion de chef-lieu, en indiquant qu’il s’agit tout simplement du siège de l’hôtel de région. Pour le reste, nous avons bien compris que cet amendement visait à noyer le poisson avec les Alsaciens, lequel ne répond malheureusement pas aux objectifs que nous nous étions fixés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je suis ravi de découvrir ce soir qu’il existe une lecture straumannienne de la Constitution ! Néanmoins, mon cher collègue, je ne vous ai pas trouvé très virulent, il y a quelques minutes, lorsqu’il s’est agi de défendre la position que partagent la majorité de cet hémicycle, le rapporteur et le Gouvernement, à savoir qu’il ne faut pas toucher à l’amendement. Je vous ai même vu peiner pour lever la main et rejeter l’amendement de votre collègue Zimmermann. Tout cela est éminemment respectable, quoiqu’assez peu clair pour moi, qui suis, il est vrai, un rapporteur débutant.

M. Benoist Apparu. Cela se sent !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Mon cher collègue Straumann, autant la fixation du chef-lieu de région, autrement dit la localisation de la préfecture de région, relève de l’État, qui peut décider d’agir par la voie réglementaire ou par la voie législative, autant le choix du siège, et surtout du lieu de réunion d’une assemblée délibérante locale, relève de ce que l’on appelle la libre administration de cette collectivité territoriale, principe que vous semblez ignorer.

M. Éric Straumann. Ce n’est pas ce qu’a dit le ministre à l’époque !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Il me faut vous rappeler que le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion, en 1999, me semble-t-il, de censurer une disposition législative prétendant organiser le fonctionnement interne des conseils régionaux. Le législateur peut encadrer le choix du siège et du lieu de réunion d’une collectivité, mais il ne saurait le leur imposer, notamment en l’absence de toute consultation préalable de l’assemblée délibérante de cette collectivité. Or, comme celle-ci va se constituer à l’issue des élections qui auront lieu en décembre 2015, elle n’existe pas pour l’heure. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. Benoist Apparu. Quelle arrogance !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Vous pourriez parler correctement ! C’est incroyable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Nous avons déjà eu cette discussion en commission il y a quelques jours. Reportez-vous au compte rendu de la deuxième lecture du texte. Je me rappelle précisément avoir personnellement interrogé le ministre sur ce point, en faisant bien la distinction entre le chef-lieu de la collectivité territoriale, d’une part, et le siège de la préfecture de région, d’autre part.

J’ai demandé une suspension de séance, qui a donné lieu à la rédaction dudit « amendement Bies », et je me rappelle qu’au moment où nos travaux ont repris, le ministre a indiqué très explicitement qu’avec cet amendement, nous avions la garantie que le siège de la collectivité territoriale se trouverait à Strasbourg. Il a également indiqué que le Gouvernement, dont c’est la prérogative de fixer le siège de la préfecture de région, garantissait, quant à lui, que le siège de la préfecture de région serait bien Strasbourg.

Pour résumer, pardon de le dire ainsi, mais on nous a enfumés, du début à la fin ! C’est incroyable ! S’il y a eu unanimité sur ce vote, c’est parce que nous étions assurés, par le ministre de l’intérieur, de la sécurité juridique de l’amendement – ses services l’avaient d’ailleurs appuyé en ce sens. Sans cela, il n’y aurait pas eu unanimité sur cet amendement, vous pouvez l’imaginer !

(L’amendement n62 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n63.

M. Éric Straumann. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons.

(L’amendement n63, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n89.

M. Frédéric Reiss. Ayant entendu mes collègues Marie-Jo Zimmermann et Benoist Apparu, dont on peut comprendre les réactions, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de bien réfléchir, avant la dernière lecture, aux avantages qu’il y aurait, pour le Gouvernement, à garder l’Alsace comme région à part entière. Strasbourg comme chef-lieu de sa région, j’y suis évidemment favorable. Si cette région était l’Alsace, dans ses contours actuels, cela arrangerait tout le monde.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je n’ai pas très bien compris le rapport entre l’argumentation qui vient d’être faite et le contenu de l’amendement, mais l’avis de la commission est défavorable.

M. Jean-Louis Christ. Quelle prétention !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je n’en reviens pas !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n89 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n33.

M. Patrick Hetzel. Vous voyez bien, madame la présidente, que nous n’obtenons aucune réponse. Nous aimerions avoir, hic et nunc, une réponse aux questions que nous posons ! Je considère en effet qu’il y a là un problème de fond, dans la mesure où le ministre de l’intérieur a tenu des propos qui semblent être aujourd’hui contestés par le rapporteur. Il y a deux versions : celle du rapporteur, d’une part, et celle du Gouvernement, d’autre part. Il y a donc un problème.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Le rapporteur passe son temps sur son téléphone portable au lieu de répondre à nos questions, qui sont pourtant essentielles ! C’est scandaleux !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je n’ai pas bien compris, mes chers collègues, quel amendement vient d’être présenté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Néanmoins, je tiens à indiquer qu’autant qu’il m’en souvienne, il n’y avait pas l’espace d’une feuille de papier à cigarette entre l’avis du Gouvernement et le mien.

M. Patrick Hetzel. Reportez-vous au compte rendu !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Nous avons toujours été parfaitement clairs. Je ne vois pas comment le Gouvernement, représenté par quelque ministre que ce soit, ni moi-même, au nom de la commission des lois, aurions pu présenter un argument notoirement anticonstitutionnel, comme celui d’imposer à une collectivité son mode d’organisation. L’avis de la commission est donc défavorable.

Pour plus de lisibilité, car je répète que je ne suis que rapporteur débutant…

Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Jean-Louis Christ. Débutant, et sacrément arrogant !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …j’aimerais que les amendements soient défendus clairement, parce que je ne sais plus de quoi on parle.

M. Jean-Louis Christ. Un peu de respect, monsieur le rapporteur !

Mme la présidente. Chacun sait que les amendements ont été, pour la plupart d’entre eux, examinés en commission, monsieur le rapporteur.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. J’ai attendu un peu avant de vous répondre, afin de vérifier ce qui figure au compte rendu. Il me semble qu’une confusion s’est installée, alors que les choses sont très claires : c’est à l’État – législateur ou pouvoir réglementaire – qu’il revient de déterminer le chef-lieu de la région, mais c’est aux élus régionaux de déterminer le siège du conseil régional de la collectivité territoriale.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas ce que nous a dit votre collègue !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Je vous assure : les collaborateurs de M. Cazeneuve viennent à l’instant de relire le compte rendu. Peut-être un terme a-t-il prêté à confusion, mais il est évident que le Gouvernement, comme le rapporteur, ne fait que rappeler ce qui figure dans les textes que vous connaissez très bien. À l’État de fixer le chef-lieu de la région, là où siège la préfecture de région, et aux élus régionaux, en toute souveraineté territoriale, si j’ose dire, de fixer le siège du conseil régional, étant précisé que le conseil régional peut se réunir où bon lui semble, et pas seulement là où le siège de la région est fixé.

M. Jean-Louis Christ. On s’est fait enfumer, c’est tout !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Les choses sont donc très claires, et il n’y a aucune dissonance entre le Gouvernement et le rapporteur.

J’ajoute que le choix des chefs-lieux de région sera effectué au terme d’une concertation approfondie auprès des élus régionaux, qui eux-mêmes consulteront les élus des départements, ainsi que les CESER. La concertation prendra le temps qu’il faudra pour que le choix des chefs-lieux de région par l’État soit le meilleur possible.

M. Benoist Apparu. Pas chez nous !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Nous faisons un cas à part de Strasbourg, parce que Strasbourg est une ville à part, au bon sens du terme ! Imaginez une minute que Strasbourg, capitale européenne, ne soit pas capitale de sa région ! Qui peut l’imaginer une minute ?

M. Benoist Apparu. Mais pourquoi faut-il que cela soit la loi qui en dispose ?

(L’amendement n33 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n64.

M. Éric Straumann. J’ai une question très simple à poser au rapporteur : pourquoi mon amendement relatif à Strasbourg a-t-il été repoussé au mois de juillet, pour qu’un amendement analogue soit finalement adopté au mois de novembre ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Parce qu’il s’appelait alors Bies !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Dois-je répondre à votre question, monsieur Straumann, ou repousser votre amendement au nom de la commission ?

Je vais vous répondre. D’abord, les amendements n’étaient pas rédigés dans les mêmes termes – on pourra le vérifier. Par ailleurs, je suis attaché à la qualité du débat législatif, et si la carte a évolué, notamment entre la première réunion de la commission des lois et notre débat dans l’hémicycle, et si le texte évolue encore ce soir – à l’occasion, notamment, d’un amendement à venir, présenté par notre collègue Alain Calmette et certains de nos collègues du groupe RRDP – c’est précisément parce que j’écoute ce que vous dites, contrairement à ce que vous faites avec nous. Avis défavorable.

(L’amendement n64, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Je vais maintenant faire le point sur les temps de parole, puis je suspendrai la séance pendant cinq minutes pour que chacun puisse reprendre ses esprits.

Les temps de parole restants, au moment d’aborder l’article 3, sont les suivants : cinquante-quatre minutes et quatorze secondes pour le groupe SRC ; cinq minutes et vingt secondes pour le groupe UMP ; trente-trois minutes et cinquante-neuf secondes pour le groupe UDI ; quinze minutes et quatorze secondes pour le groupe écologiste ; quatre minutes et douze secondes pour le groupe RRDP ; vingt-cinq minutes et cinquante-sept secondes pour le groupe GDR et dix minutes pour les députés non-inscrits.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le 9 décembre 2014 à une heure quinze, est reprise à une heure vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 3

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3.

La parole est à M. Claude Sturni.

M. Claude Sturni. Alors que nous abordons cet article fondamental, qui définit les possibilités laissées aux collectivités de déterminer leur destin commun, je souhaite appeler votre attention sur les deux amendements nos 101 et 100.

Ils sont spécifiques et traitent en particulier de l’option de sortie. En effet, il ne vous aura pas échappé que notre pays est entouré de pays voisins et de vastes étendues d’eau. Par conséquent, beaucoup de départements, comme celui que je représente, le Bas-Rhin, ne possèdent aucune frontière autre qu’internationale ou maritime. Sur le territoire métropolitain, j’en ai dénombré dix-neuf. Plusieurs parlementaires, représentant ces territoires en quelque sorte acculés aux quatre coins du pays, ont bien voulu s’associer à ma démarche : je les en remercie tout particulièrement.

Vous avez dit à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d’État, qu’il ne fallait pas obérer l’avenir. Le président Urvoas a dit, pour sa part, que la situation allait pouvoir évoluer à l’avenir. Expliquez-moi quelle peut être la solution, pour un département comme le Bas-Rhin, dès lors que le droit d’option tel qu’imaginé ne peut pas s’y exercer ?

C’est pourquoi je vous propose d’envisager une option différente, à savoir la possibilité de créer, avec d’autres départements, une région nouvelle.

M. Thierry Benoit. Ça, c’est malin !

M. Claude Sturni. L’égalité, si chère à Manuel Valls et valeur éminente du socialisme, commande pour nos concitoyens qu’ils puissent opter, choisir, divorcer si nécessaire : ce principe me semble devoir être intégré dans ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. À de nombreuses reprises, depuis le début de nos débats, que ce soit en première lecture, en deuxième lecture, et encore aujourd’hui, cet article 3 définissant le droit d’option représente pour moi et pour un certain nombre de collègues un point central du texte.

Dans son principe, le droit d’option doit permettre, à terme, des évolutions répondant aux aspirations démocratiques et citoyennes des territoires.

Il a été beaucoup question de la Bretagne et de la Loire-Atlantique bien sûr, mais d’autres territoires sont également concernés par cette disposition. Nous élaborons la loi de façon à ce qu’elle soit opérante, efficace et applicable. Or, on ne peut raisonnablement se satisfaire de cet article 3 dans sa rédaction actuelle, qui rend inopérant et hypothétique l’exercice du droit d’option dans les conditions de majorité prévues, à savoir les trois cinquièmes.

Il faut savoir faire confiance aux dynamiques locales et aux élus locaux, et reconnaître la pertinence des décisions qu’ils pourront prendre dans le futur.

Les amendements que nous sommes un certain nombre à avoir déposés sur cet article ont pour objectif de fluidifier le processus, de faire de cette hypothèse de rapprochement une réelle option pour les territoires. La majorité simple, Jean-Jacques Urvoas l’a rappelé tout à l’heure, est bien sûr hautement préférable à celle des trois cinquièmes, qui est trop restrictive et qui, de fait, convenons-en, est quasiment inapplicable.

Nous allons examiner un certain nombre d’amendements sur ce sujet qui, encore une fois, est pour moi l’un des points centraux de ce texte, puisque le droit d’option apporte une certaine respiration démocratique. Nous devons être capables, collectivement, de faire confiance à nos élus, aux aspirations démocratiques et citoyennes des territoires. Le droit d’option, s’il existe dans le texte, doit être efficace et opérant. Rien ne sert que figure dans une loi, quelle qu’elle soit, une disposition dont on sait par avance qu’elle ne pourra pas s’appliquer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC, sur les bancs des groupes écologiste, RRDP et UDI, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Je vais aller dans le même sens que ma collègue Corinne Erhel. L’article 3 nous donne la possibilité de dessiner une carte mieux ajustée. L’objectif est d’avoir des régions plus efficaces au service du développement économique, certes, mais aussi social et culturel.

Le droit d’option doit être assoupli, pour permettre un « ajustement démocratique », comme l’a dit Paul Molac, en donnant la possibilité à un département de rejoindre une autre région.

Notre assemblée a défini des régions selon un principe : celui de regrouper, ou non d’ailleurs, des régions considérées dans leur périmètre actuel. L’article 3 ouvre le droit d’option en autorisant un département à rejoindre une autre région. Dont acte. Mais il convient que l’exercice de ce droit d’option soit effectivement possible. La porte est là, elle ne peut pas rester verrouillée, il faut la clé pour l’ouvrir.

M. Thierry Benoit. Eh oui !

M. Patrick Hetzel. Elle a raison !

Mme Annie Le Houerou. Nous devons faire confiance aux territoires en leur donnant cette clé, en leur permettant de se prononcer à la majorité simple. Ouvrir ce droit d’option en fixant des conditions qui le rendrait inopérant n’est pas sérieux. C’est malheureusement ce que vous nous proposez en exigeant la majorité des trois cinquièmes dans les trois assemblées concernées : région d’origine, région d’accueil et département concerné.

Nous devons aboutir, en faisant confiance à l’expression démocratique, laquelle se fait à la majorité simple. Nous voulons un droit d’option raisonné et raisonnable, comme l’a dit tout à l’heure M. le rapporteur.

La Bretagne a servi la France. Elle a largement donné sa confiance à la gauche. Une nouvelle étape de la décentralisation était attendue. La Bretagne a toujours fait preuve d’innovation en la matière. Je ne reviens pas sur les engagements du Premier ministre Jean-Marc Ayrault sur le pacte d’avenir pour la Bretagne en décembre 2013, qui avait suscité beaucoup d’espoirs.

Un droit d’option digne de ce nom redonnerait confiance aux Bretons, qui sont d’une grande fidélité à notre République et qui ont toujours été présents dans notre histoire. La France ne doit pas avoir peur de la diversité de ses régions, cela a déjà été dit : de ses régions historiques, de leur force et de leur dynamisme. À un moment où nos concitoyens sont désorientés, la volonté de partager un projet d’avenir qui s’appuie sur un territoire et un socle culturel communs nous donnera les clés de la réussite pour demain. Cela est indissociable du développement économique.

Je soutiendrai, pour ma part, tous les amendements qui tendront à un assouplissement du droit d’option, pour que celui-ci s’exprime à la majorité simple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs des groupes écologiste, RRDP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. À l’appui de ce que nos collègues viennent d’indiquer, j’ai le souvenir précis qu’en deuxième lecture, au moment où il s’est agi d’assouplir le droit d’option, c’est-à-dire en vérité de le rendre opérant, le ministre s’en était sagement remis à la sagesse de notre assemblée, tandis que le rapporteur avait donné un avis favorable.

Je ne peux pas imaginer qu’en dix-sept jours, la constance de la commission et du Gouvernement puisse être prise en défaut. C’est pourquoi, s’agissant de ce droit d’option, qui est une liberté locale – et une liberté ne se verrouille pas, une liberté ne se monnaye pas, une liberté ne s’entrave pas…

M. Patrick Hetzel. Tout à fait !

M. Richard Ferrand. …il va de soi qu’avec mes collègues, je soutiendrai tout amendement tendant à rendre ce droit d’option véritablement opérant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs des groupes RRDP et écologiste)

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 3. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 12 et 53.

La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n12.

M. Paul Molac. C’est par ce genre d’amendement que nous aurions dû commencer. Cela aurait permis aux territoires de s’organiser directement, sans leur imposer avec qui se marier. C’est exactement ce que l’on a fait avec les communautés de communes : on a donné un terme aux communes au-delà duquel, si elles n’avaient pas choisi une communauté de communes, le choix leur était imposé. C’était une procédure qui partait de la base et n’était pas imposée d’en haut. C’est la bonne méthode, et cela nous éviterait ici des discussions à n’en plus finir, puisque personne ne voudra céder de toute façon.

Je défends cet amendement, mais il représente déjà une concession importante, puisqu’il s’agit de revenir au droit commun, c’est-à-dire de revenir à une majorité de 50 %, et de ne pas exiger la majorité qualifiée des trois cinquièmes. C’est finalement la loi commune, ni plus ni moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement n53.

M. Michel Sordi. Très rapidement, cette règle des trois cinquièmes est un véritable verrou, et je propose également que nous revenions à la majorité simple.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. L’esprit dans lequel la commission a mené ses travaux jusque-là a consisté à élaborer un droit d’option effectif, mais dont l’exercice soit inspiré par l’intérêt général. L’idée qui a amené à proposer ce principe des trois cinquièmes, à la veille d’élections départementales et régionales qui auront lieu en mars pour les unes et en décembre pour les autres, est que celles et ceux qui seront candidats puissent présenter un éventuel projet, qu’ils soient élus sur ce projet, et qu’il puisse être procédé à des votes.

Je rappelle que ce droit d’option, par rapport à ce qui existe dans le droit positif actuel, est particulièrement assoupli puisqu’un référendum n’est plus nécessaire. En effet, comme nos collègues alsaciens en ont longuement débattu, ce triple référendum imposait une majorité dans le ou les départements concernés, ainsi que dans la ou les régions concernées, le tout avec un niveau de participation supérieur à 50 %, puisque la majorité devait représenter plus de 25 % des électeurs inscrits.

Ce droit d’option assoupli peut être utilisé pendant trois années, alors que le Sénat avait tenté d’en réduire la durée à une seule année, et il va s’exercer au lendemain d’élections départementales et régionales qui permettront à tous les candidats de faire valoir leurs options sur une reconfiguration éventuelle des régions.

Par ailleurs, puisque ce qui semble faire débat est le choix entre une majorité qualifiée des trois cinquièmes, soit 60 %, et une majorité simple, soit 50 %, n’oublions pas la prime majoritaire. En effet, vous le savez, les élections régionales sont des scrutins de liste régionaux à section départementale avec une prime de 25 % pour la liste arrivée en tête, si bien que toute liste en tête avec un score dépassant les 45 % obtient 60 % des sièges au sein du conseil régional concerné.

Dans mon travail de rapporteur, j’ai considéré que ce droit d’option à trois cinquièmes était un équilibre satisfaisant. J’ai tenté, lors de la deuxième lecture, de ramener cette majorité à 50 %, comme le réclament MM. Molac, Le Fur, Sturni et d’autres. Il est apparu que ce n’était pas là un équilibre permettant d’obtenir une majorité pour l’adoption du texte. C’est pour cela que la commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis que celui du rapporteur. L’assouplissement se trouve dans le texte initial du Gouvernement : on abandonne les trois référendums qui constituaient un verrou majeur, d’autant qu’était également exigé un très fort taux de participation. Nous en restons aux trois cinquièmes, y compris dans la région que l’on veut quitter, mais 60 %, ce n’est pas une majorité inatteignable. C’est une délibération extraordinaire au sens littéral du terme, qui sera soumise le cas échéant aux conseils régionaux que tel ou tel département voudra quitter. Il faut donc une majorité qualifiée, et 60 % nous semble constituer un bon équilibre.

M. Bruno Le Roux. Exactement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je voudrais essayer de répondre à quatre questions que soulève le droit d’option.

Première question, étant entendu que nous parlons de périmètres régionaux renouvelés. La stabilité de ces périmètres est-elle souhaitable ? De toute évidence, oui, si l’on entend permettre à des régions de mener des politiques de long terme. Ces politiques engagent des collectivités territoriales sur un certain périmètre, et la question de la stabilité de ces périmètres doit être posée de manière à ce que cela ne devienne pas un enjeu à chaque échéance électorale.

Pour autant – deuxième question – faut-il permettre des ajustements qui, c’est entendu, doivent demeurer exceptionnels, sauf à créer une instabilité généralisée dans l’architecture des régions ? Oui, il faut certainement les permettre.

Mais – troisième question – selon quelles règles faut-il permettre ces ajustements exceptionnels ? Je rappelle simplement ici que l’on ne peut pas considérer qu’il s’agit d’une délibération ordinaire alors qu’elle a pour objet de revoir un périmètre régional. C’est évidemment une délibération extraordinaire, et dans ce cas, il y a un concept qui n’est pas nouveau – on ne réinvente ni l’eau tiède, ni la roue ! –, c’est celui de majorité qualifiée. Cette procédure existe déjà dans les intercommunalités, qui sont engagées sur des politiques à quinze ou vingt ans. Les modifications de leur périmètre constituent une cause substantielle qui justifie une majorité qualifiée. Et je rappelle que dans ces cas-là, la majorité qualifiée est des deux tiers des communes représentant la moitié de la population, ou de la moitié des communes représentant les deux tiers de la population.

Or ici, nous ne parlons pas d’une majorité de deux tiers. C’est ma quatrième question : de quelle majorité parle-t-on ? Des trois cinquièmes, 60 %, c’est-à-dire moins des deux tiers. Pour une décision aussi lourde de conséquences qu’un changement de périmètre, qui entraîne nécessairement une modification des engagements passés et futurs, tant pour la région de départ que pour la région d’accueil, comment pourrait-on faire autrement qu’en exigeant une majorité qualifiée et, en la circonstance, celle des trois cinquièmes ?

Assimiler cette majorité qualifiée de 60 % à un droit de veto me semble pour le moins caricatural. L’exigence d’une majorité renforcée de 60 %, compte tenu de l’objet d’une telle délibération, me paraît s’imposer.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 12 et 53, je suis saisie par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 12 et 53.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants50
Nombre de suffrages exprimés50
Majorité absolue26
Pour l’adoption23
contre27

(Les amendements identiques nos 12 et 53 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n11 rectifié.

M. Paul Molac. Cet amendement a pour objet d’empêcher ce fameux droit de veto en demandant un simple avis à la région qu’un département voudrait quitter.

(L’amendement n11 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n176.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je voudrais saluer les propos de nos collègues socialistes sur le droit d’option et son caractère fondamental. C’est une liberté fondamentale des collectivités locales qui s’appuie sur la libre administration des collectivités locales, consacrée dans la Constitution depuis 1958, et sur l’affirmation de l’organisation décentralisée de la France, intégrée par la révision constitutionnelle de 2003.

Comme beaucoup d’entre nous ici – car les voix se partagent de manière égale entre les deux options – je pense que le législateur doit mettre en œuvre ces principes constitutionnels et non les contrarier, en tout cas au plan politique.

Le droit positif actuel repose sur l’article L. 4122-1-1 du code général des collectivités territoriales, qui dispose : « Un département et deux régions contiguës peuvent demander, par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe. »

Il s’agit donc de majorité simple, puisqu’il est fait mention de « délibérations concordantes ». La commission a rajouté « délibérations concordantes adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. » Ce n’est évidemment pas la même chose, et atteindre trois fois de suite les trois cinquièmes des suffrages exprimés est tout de même très difficile, d’autant qu’il faut l’obtenir dans la région de départ. Or cette dernière s’écriera : « Ne me quitte pas ! », comme dans une chanson bien connue, et n’aura pas une dilection particulière pour le fait d’être quittée ou plaquée, je ne sais plus comment on dit. En tout cas, c’est la réalité qu’elle ressentira, et ce sera donc difficile. Les deux autres votes seront également difficiles.

L’argument selon lequel vous auriez assoupli le droit d’option en supprimant le référendum ne me paraît pas relever de la quintessence de la démocratie. Le référendum n’est pas un blasphème, ce n’est pas un sacrilège dans la République…

M. Hugues Fourage. La majorité des trois cinquièmes non plus !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. D’ailleurs il figurait dans les institutions. C’est une pratique démocratique. Or vous supprimez tant la possibilité réelle pour les assemblées délibérantes d’obtenir ce qu’elles souhaitent en matière d’option que la possibilité, pour les habitants des régions ou des départements concernés, de se prononcer par référendum.

Je ne vois pas là un progrès sensible de la démocratie locale.

M. Patrick Hetzel. En effet !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Par ailleurs, j’ai bien entendu le raisonnement intelligent et intéressant reposant sur le fait que la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête aux élections régionales permettrait d’atteindre la barre de 60 % plus rapidement qu’on ne le pense. En réalité, cependant, il faudra atteindre un seuil très élevé. Par conséquent, ce droit d’option, pour lequel il faut réunir trois fois de suite les trois cinquièmes des voix, devient une illusion,…

M. Patrick Hetzel. Exactement !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …une théorie, un rêve, quelque chose qui passe,…

M. Patrick Hetzel. Un fantasme !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …un fantasme du moment – le temps de voter ce projet de loi, peut-être, aujourd’hui ou demain.

Enfin, les réponses qui nous ont été apportées sont très intéressantes, très intelligentes, mais très brèves. Elles me rappellent cette phrase de Saint-Just, que tout le monde apprécie dans cet hémicycle : « Le prix d’éloquence sera donné au laconisme. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Monsieur le président Schwartzenberg, ce que vous qualifiez de fantasme ou de rêve fugace porte pour moi un autre nom : l’intérêt général.

M. Luc Belot. Très bien !

M. Hugues Fourage. Excellent !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Lorsqu’il s’agit de garantir la stabilité mais aussi la possibilité de redessiner la carte de France, une majorité simple ou un avis simple d’élus régionaux de tous bords politiques ne suffit pas. Depuis que les régions sont devenues des collectivités territoriales en 1982, elles ont mis en place des politiques publiques et forgé une identité, qui n’est pas mémorielle ou historique, mais qui repose sur des politiques publiques, sur des actions concrètes sur le terrain. Pour défaire cela, cher président Schwartzenberg, il est nécessaire qu’un motif d’intérêt général s’impose aux trois collectivités, aux deux assemblées régionales et à l’assemblée départementale.

Je vous le répète, monsieur le président Schwartzenberg, nous sommes à la veille d’élections départementales et régionales. Tous ceux qui voudront porter ces motifs d’intérêt général n’auront qu’à le faire dans le cadre de ces scrutins : leur élection leur donnera un mandat bien plus puissant qu’un référendum car, si la République est démocratie, elle n’est pas que démocratie.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je comprends ce que dit le rapporteur mais, ici, chacun a la charge de l’intérêt général,…

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …chacun sait parfaitement qu’il agit pour l’intérêt général.

Mme Marie-Jo Zimmermann. À entendre le rapporteur, il serait le seul à défendre l’intérêt général !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. C’est donc enfoncer une porte ouverte que de dire qu’il faut se soucier de l’intérêt général. Nous sommes élus pour cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.) Il n’y a pas de leçon d’intérêt général à donner à tel ou tel député.

M. Patrick Hetzel. Excellent !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Le rapporteur aime donner des leçons d’intérêt général !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pour le reste, l’idée qu’un candidat puisse faire campagne, aux élections départementales, en faveur d’un changement de région de son département, comme vous le suggérez,…

M. Pascal Popelin. Pas du tout !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …va introduire un grand désordre dans les esprits.

M. Thierry Benoit. Ce sera la confusion totale !

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est incroyable ! Soyez sérieux, monsieur le rapporteur !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Déjà, le mode de scrutin sera nouveau – peut-être légitimement, mais il sera nouveau. Si, en plus, les élections ne se jouent pas sur des problèmes de gestion départementale mais sur des propositions de mariage ou de démariage avec d’autres départements, elles seront très particulières ! Comme d’une manière générale, il vaut mieux gagner les élections que les perdre (Sourires), je ne conseille donc pas d’adopter cette stratégie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et UMP.)

(L’amendement n176 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 101 et 100, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Claude Sturni, pour les soutenir.

Votre groupe dispose encore d’un temps de parole de deux minutes et quarante-neuf secondes, mon cher collègue.

M. Claude Sturni. Je vais résumer le travail de notre assemblée pour l’Alsace. L’Alsace a été mariée de force. Elle a été méprisée, il faut bien le reconnaître, compte tenu du rejet de la proposition du Sénat et de la façon expéditive dont la commission mixte paritaire a cherché un consensus. L’Alsace a été bâillonnée, comme nous avons pu le constater (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

M. Hugues Fourage. Mais l’Alsace a été libérée ! (Sourires.)

M. Claude Sturni. …puisque vous n’avez pas souhaité donner suite aux propositions des 96 % d’élus locaux qui se prononcés pour que l’on donne la parole aux Alsaciens. Acculés aux frontières de notre pays, ces deux départements sont privés d’option : ils sont, en quelque sorte, privés de droit de divorce ou de démariage, comme le président Schwartzenberg vient de le dire.

Mes chers collègues, vous conviendrez que, pour les deux départements alsaciens, la conclusion de nos travaux relève du désespoir. Tout à l’heure, Thierry Benoit expliquait que ce projet de loi avait fait naître des espoirs, des faux espoirs.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Claude Sturni. Pour ce qui concerne l’Alsace, il a fait naître de vrais désespoirs. Il reste une piste : donnez-nous un droit de renaissance ! Tel est le sens de ces deux amendements.

M. Thierry Benoit. Bien dit ! Nous allons voter pour !

(Les amendements nos 101 et 100, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 34, 107, 130 et 167.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n34. Je lui indique qu’il reste une minute de temps de parole au groupe UMP.

M. Patrick Hetzel. Je constate qu’un argument avancé tout à l’heure est utilisé à géométrie variable : je veux parler de la libre administration des collectivités territoriales. Tout à l’heure, on nous a indiqué que ce principe prévalait pour fixer le siège des conseils régionaux. Or, lorsque nous avons rappelé que les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et le conseil régional d’Alsace s’étaient exprimés à hauteur de 96 % en faveur d’une collectivité unique d’Alsace, la libre administration des collectivités territoriales n’a pas été évoquée. Je constate donc que cet argument est utilisé dans certains cas, mais pas dans d’autres. Cela montre que l’argumentation du Gouvernement et du rapporteur est aujourd’hui assez faible.

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est terminé, monsieur Hetzel ! Votre temps de parole est épuisé !

M. Patrick Hetzel. L’amendement n34 est ainsi défendu.

Mme la présidente. Il restait douze secondes. Mes chers collègues, je n’ai pas besoin d’aide pour présider : même à cette heure tardive, j’arrive encore à lire le chronomètre.

Les amendements nos 107, 130 et 167 sont défendus.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Les auteurs de ces amendements n’ont pas mesuré l’ampleur exacte de ce qu’ils veulent supprimer. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de députés issus de l’actuelle région Alsace…

M. Éric Straumann. L’actuelle région Alsace, dites-vous ? Elle va donc bien disparaître !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …car, en voulant supprimer la majorité des trois cinquièmes requise dans les deux conseils régionaux et le conseil départemental concernés, ils rétablissent en réalité la nécessité d’organiser un référendum dans chacune des collectivités.

M. Hugues Fourage. Eh oui !

M. Patrick Hetzel. Le référendum ne nous dérange pas !

M. Éric Straumann et M. Claude Sturni. Au contraire, nous le réclamons !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Or ils connaissent le résultat du référendum organisé en 2013. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Si un référendum était organisé aujourd’hui, les citoyens se déplaceraient massivement pour voter !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Tout cela est insensé au regard des arguments mis en avant tout au long de cette nouvelle lecture. Pour ces raisons et toutes celles évoquées précédemment, la commission est défavorable à ces amendements.

(Les amendements identiques nos 34, 107, 130 et 167, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Le groupe UMP a épuisé son temps de parole. Les amendements déposés par ce groupe et dont les auteurs sont présents seront mis aux voix sans débat. Le rapporteur et le secrétaire d’État donneront l’avis de la commission et du Gouvernement afin d’éclairer l’Assemblée, mais aucune intervention ne sera admise sur ces amendements.

Je suis saisie de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n174.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cet amendement traite toujours du problème du droit d’option. Il vise à permettre le rattachement d’un département à une région limitrophe, sous réserve de l’adoption du projet à la majorité des trois cinquièmes des assemblées délibérantes de la région et du département concernés. Ce projet est soumis pour avis simple à la région de départ, ce qui permettra de faciliter la procédure et de ne pas entraver le processus d’affinement du découpage des régions.

Comme à notre habitude, nous allons de concession en concession. Nous débattons avec une modération extrême en vue de trouver enfin la proposition sur laquelle le rapporteur et le secrétaire d’État pourront nous dire « oui », ce qui nous ferait plaisir.

Mme la présidente. Dans cette discussion commune, je suis saisie d’une première série d’amendements identiques nos 40, 114, 137 et 173, dont les auteurs n’ont plus de temps de parole.

Il en va de même des amendements identiques nos 35, 108, 131 et 168.

Il en va de même également des amendements identiques nos 36, 109, 132 et 169.

Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. La commission est défavorable à chacun de ces amendements. M. Schwartzenberg réclamait un « oui » : c’est non !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n174 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 40, 114, 137 et 173 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 35, 108, 131 et 168 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 36, 109, 132 et 169 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

Sur l’amendement n81, je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir cet amendement.

M. Thierry Benoit. Cet amendement vise lui aussi à instaurer un droit d’option simple. C’est le cœur de l’article 3 et de ce projet de loi.

Chacun reconnaît ce soir qu’à l’issue de cette nouvelle lecture, la carte des treize régions est totalement inadaptée et insatisfaisante. C’est pourquoi les partisans d’ajustements proposent la mise en place d’une procédure permettant aux territoires de s’exprimer de manière simple, avec une majorité simple, et non par un dispositif bloquant, verrouillé, qui suscite de faux espoirs et crée une illusion, comme cela a été dit à plusieurs reprises.

Par cet amendement, nous proposons qu’un département puisse choisir sa région de rattachement à la majorité simple, que la région d’accueil puisse s’exprimer sur cette possibilité de rattachement à la majorité simple, et que la région de départ soit consultée pour avis. Il s’agit donc d’un dispositif de majorité simple. Sur cette question, depuis la première lecture, le Gouvernement nous a baladés !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Chacun doit garder la mesure de ses propos. L’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n81.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants46
Nombre de suffrages exprimés46
Majorité absolue24
Pour l’adoption20
contre26

(L’amendement n81 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis maintenant saisie d’un amendement n7, dont l’auteur n’a plus de temps de parole.

(L’amendement n7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Toujours dans la discussion commune, je suis saisie de deux amendements identiques, nos 24 et 38, dont les auteurs n’ont plus de temps de parole, et d’un amendement n75. La parole est à M. Michel Piron, pour le soutenir.

M. Michel Piron. Compte tenu de l’adoption de la majorité qualifiée des trois cinquièmes, je le retire.

(L’amendement n75 est retiré.)

Mme la présidente. En va-t-il de même pour l’amendement n84, monsieur Piron ?

M. Michel Piron. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n84 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n79.

M. Thierry Benoit. Il est défendu, madame la présidente, de même que le n80.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 112, 135 et 171, dont les auteurs n’ont plus de temps de parole

Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 39, 113, 136, 172 et 175. Les auteurs des quatre premiers n’ont plus de temps de parole. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n175.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Il s’agit encore du droit d’option. De nombreux députés d’ailleurs ont déposé des amendements sur le droit d’option, dans le but de l’assouplir. Ce n’est pas le fait d’un ou deux députés isolés, mais de beaucoup d’entre eux. Le résultat du vote en est la preuve : 26 contre 20, ce n’est pas un écart considérable.

M. Bruno Le Roux. Suffisant pour faire prévaloir l’intérêt général.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cela mérite que chacun se pose la question. S’agissant de l’amendement n175, je ne le défends que pour le principe : connaissant l’aptitude du Gouvernement à ne pas changer d’avis, je m’en tiendrai là. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RRDP, UMP et UDI.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 37, 110, 133 et 170, dont les auteurs n’ont plus de temps de parole.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 83 et 122.

La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n83.

M. Thierry Benoit. Majorité simple. Défendu !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Bleunven, pour soutenir l’amendement n122.

M. Jean-Luc Bleunven. M. Schwartzenberg a souligné que de nombreux députés avaient déposé des amendements sur le droit d’option. Le sujet est d’importance. C’est la raison pour laquelle je veux trouver une porte de sortie et parvenir à une solution qui donnerait satisfaction à un maximum de députés. J’insiste beaucoup afin que leur voix soit entendue.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Avis défavorable.

M. Thierry Benoit. Surprenant.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. À mon tour, je souligne que les amendements sur ce sujet sont très nombreux, et qu’ils émanent de tous les groupes et de toutes les régions. On parle beaucoup de la Bretagne, mais d’autres régions sont concernées. L’idée, c’est simplement de pouvoir amender, en bas, ce qui a été décidé en haut.

M. le rapporteur, qui a invité chacun à faire preuve de mesure dans ses propos, estime que la majorité des trois cinquièmes traduit l’intérêt général. Il faut donc lui rappeler le vote de notre assemblée en deuxième lecture : je rappelle que ce projet de loi n’a pas obtenu la majorité absolue, mais 48 % contre 44 %…

M. Hervé Gaymard. Bien dit !

M. François de Rugy. …et, en suffrages exprimés, 52 % contre 48 %. Si l’on veut faire preuve d’un peu de mesure et prendre un tout petit peu de recul (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDI et RRDP), on doit bien admettre que la règle que l’on veut imposer aux territoires, on ne se l’impose pas à soi-même. Fort heureusement d’ailleurs, car si nous l’appliquions, nous ne parviendrons pas à adopter de nombreuses réformes ! Quant au consensus, mon cher collègue, s’il avait fallu attendre un consensus, vous auriez remisé ce projet de loi dans un tiroir dès la première carte présentée. Chacun sait que ce texte ne fait l’objet d’aucun consensus.

M. Hugues Fourage. Si.

M. François de Rugy. Il existe plus ou moins d’accords, mais il n’y a aucun consensus véritable, dans aucune région. Et ce soir, les résultats des votes sont assez serrés. Il est encore temps de modifier le texte. C’est la dernière chance, car en lecture définitive, cela ne sera plus possible et qu’on a bien compris que ce texte n’aboutirait pas en CMP.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. C’est déjà du passé, la CMP.

M. François de Rugy. Je le déplore, car c’est un sujet sur lequel le Sénat et l’Assemblée auraient pu trouver un accord.

Nous avons ce soir l’occasion de donner la possibilité aux élus des territoires d’amender, car il ne s’agit que de cela, le projet de loi tel que nous l’aurons voté définitivement au Parlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. L’amendement de M. Bleunven est en quelque sorte la balle de match. En l’adoptant, nous déciderions de conférer aux collectivités une véritable capacité à mobiliser le droit d’option.

Permettez-moi, à ce stade de la discussion, de noter que la droite bretonne est moins résistante que la droite alsacienne. Toujours prompte à nous donner des leçons, elle est manifestement couchée à l’heure où il faudrait être debout !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Très bien !

M. Thierry Benoit. Le centre est là !

M. Richard Ferrand. Il faut le reconnaître, monsieur Benoit.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il y a aussi les Lorrains.

M. Richard Ferrand. Quoi qu’il en soit, c’est un détail de l’histoire qui mérite d’être noté eu égard aux leçons que nous avons eues à subir. Ce détail étant simplement noté comme il convient, celles et ceux qui voudront véritablement qu’un pas soit franchi en direction des libertés locales dans le cadre de cette grande réforme territoriale ont l’occasion de se ressaisir, de se mobiliser afin que le droit d’option ne s’assimile pas, comme l’a fait remarquer notre éminent collègue M. Schwartzenberg, à un mirage, mais devienne une réalité qui s’exerce et donne corps dans la réalité à la démocratie locale que théoriquement, nous appelons unanimement de nos vœux. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Fourage.

M. Hugues Fourage. Jusqu’à présent, nous avons été cohérents et il faut poursuivre dans cette voie. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Il a peur !

M. Patrick Hetzel. Errare humanum est. Perseverare diabolicum.

M. Hugues Fourage. Cher Richard Ferrand, le droit d’option existe dans le projet tel qu’il est rédigé. J’entends votre ultime appel, que je peux comprendre. Mais nous devons aller jusqu’au bout de notre logique, et faire en sorte que des majorités claires et nettes se dégagent.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Comme il reste du temps au groupe socialiste, cela nous permet de discuter… (Sourires.)

Mme la présidente. Ne vous en privez pas, monsieur le président, il vous reste quarante-cinq minutes !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je n’irai pas jusque là, madame la présidente !

Plusieurs intervenants ont déploré la brièveté de la commission mixte paritaire, ce qui a été interprété comme une forme de désinvolture, voire de mépris. Pour avoir eu l’honneur de présider cette instance, je peux dire que nous avons simplement pris acte du fait que les deux rapporteurs n’avaient pas pu dégager de points de consensus. Dès lors que les deux rapporteurs, celui du Sénat et celui de l’Assemblée nationale, en venaient à conclure qu’il n’y avait aucune possibilité d’évolution, il n’était pas utile de faire durer cette réunion. Dans mon souvenir, elle a duré moins de sept minutes : juste le temps de constater qu’aucun des deux rapporteurs ne voulait discuter… Aucune désinvolture donc.

M. Claude Sturni. Vous expliquerez cela aux Alsaciens.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ensuite, et comme Hugues Fourage l’a dit, comme souvent avec raison, il faut être cohérent. Tous ceux qui ont cru que cette réforme n’était pas nécessairement un point d’aboutissement, mais le début de quelque chose, vont voter le droit d’option. Pour ma part, je le voterai et je ne comprends pas la frilosité à l’égard de ce mécanisme qui repose sur la responsabilité des élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Il ne s’agit pas de donner des leçons aux uns et aux autres. Chacun décidera en fonction de ce qu’il croit bon pour les territoires. Notre pays a du mal à évoluer. Cette majorité a le courage de s’attaquer à cette situation. Cela implique évidemment des tensions territoriales. Un mécanisme rendu un peu plus accessible serait de nature à calmer beaucoup de désespérance ou d’amertume, peut-être excessives d’ailleurs, car l’émotion ne conduit pas toujours à des réactions que le temps juge opportunes. Reste qu’il y a des troubles. Le droit d’option voté à deux heures dix du matin constituerait au moins un signe d’espoir. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et sur les bancs des groupes écologiste, RRDP, UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Comme nous arrivons à la fin de la discussion sur ce sujet, je voudrais poser quelques questions. Y a-t-il un droit d’option ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Non.

M. Michel Piron. Certains semblent en douter, mais le droit d’option existe ! Les deux tiers sont bien un droit d’option. C’est une majorité qualifiée, qui existe couramment dans notre droit. La majorité des deux tiers, ce n’est pas l’unanimité, c’est une majorité. Il y a bien un droit d’option

M. Thierry Benoit. Majorité simple !

M. Michel Piron. Ce droit d’option ne s’exerce pas sur n’importe quel sujet, mais sur une modification substantielle du support de l’action publique régionale qui engage pour de longues années.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Bien sûr.

M. Michel Piron. Il s’agit forcément d’ajustements marginaux, sauf à considérer que l’ensemble de la réforme ne vaudrait rien – et je ne peux imaginer que cela corresponde à la pensée de notre excellent président de commission.

Contrairement à ce que l’on voudrait laisser entendre, il y a un droit d’option et la majorité qualifiée n’est pas inatteignable. Si véritablement il y avait une grossière erreur, il y aurait bien deux tiers de suffrages pour la corriger. Mais encore faut-il que cela ne relève que de l’ajustement exceptionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Rien ne justifie, même à deux heures dix du matin, que nous perdions l’équilibre que nous avons atteint. Or tel serait le cas : nous perdrions l’équilibre de ce qui a été voté et très largement accepté.

M. Patrick Hetzel. Non.

M. Bruno Le Roux. Le mécanisme proposé n’est pas impossible à mettre en place.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Si.

M. Bruno Le Roux. Quelle est l’impossibilité ? Le fait de devoir dégager de larges majorités ?

M. Patrick Hetzel. Oui. Vous mettez en place des minorités de blocage.

M. Bruno Le Roux. Dans la région de départ ? Dans la région d’arrivée ? Mais c’est l’essence même du droit d’option, qui n’est en aucune façon un droit de dépeçage ! C’est cela qui permettra de construire des projets partagés par tous les territoires, celui qui verrait partir un département comme celui qui l’accueillerait ! Le texte que nous avons voté en première et deuxième lecture est arrivé à un point d’équilibre qu’il convient de ne pas rompre, surtout à deux heures dix du matin.

M. Jean-Louis Bricout. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je comprends le propos de Bruno Le Roux.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Le président Le Roux !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais je souhaite avancer un argument différent. La crainte de certains de nos collègues, dans le cas où les trois cinquièmes ne seraient pas requis trois fois de suite, c’est qu’il y ait une multiplication de départements qui cherchent à quitter leur région d’origine. Mais dans l’état actuel du droit, le code général des collectivités territoriales prévoit cette faculté à la majorité simple !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Oui !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. S’est-il produit une fuite de nombreux départements en dehors de leur région ? Jamais ! Aucun !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Exact.

M. Thierry Benoit. Très bon argument.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pourquoi les départements seraient-ils saisis d’hubris ou de folie avec la loi nouvelle alors qu’ils ne le sont pas avec une majorité simple sous l’empire du droit positif ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Comme M. Schwartzenberg, je pense que peu de départements seraient candidats à quitter la région à laquelle ils appartiennent actuellement – cinq tout au plus, que je ne citerai pas ici.

M. Jacques Krabal. Quatre !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Comme la plupart d’entre vous sans doute, j’ai beaucoup réfléchi à cette question. J’étais initialement favorable à un assouplissement. Mais l’assouplissement, il est là ! Le texte assouplit la législation actuelle. À l’inverse, mettez-vous à la place des élus de la région qu’un département voudra quitter : pour eux, il s’agira d’une véritable amputation ! M. Piron a évoqué tout à l’heure les efforts réalisés par la région des Pays de la Loire, qui, comme la région Rhône-Alpes, était d’abord un peu artificielle, puis a créé sa cohérence et a su trouver son dynamisme économique. Nous avons tous en tête l’exemple de la Loire-Atlantique : il y a évidemment chez certains Bretons, en Loire-Atlantique et, bien entendu, en Bretagne, une aspiration à voir un jour une « réunification » de la Bretagne, mais ce serait très dur pour les Pays de la Loire !

Laissons donc les choses évoluer. Fixer la majorité à 60 % me semble vraiment raisonnable. J’étais, je le répète, favorable à un assouplissement plus prononcé – autrement dit, pour la majorité simple. Mais il me semble, en vous écoutant comme j’ai écouté les sénateurs, que nous avons trouvé là un point d’équilibre auquel il ne faut plus toucher. Si les choses doivent se faire, elles se feront.

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix toute cette série d’amendements en discussion commune.

(Les amendements identiques nos 24 et 38 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 79 et 80, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 112, 135 et 171 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 39, 113, 136, 172 et 175 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 37, 110, 133 et 170 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 83 et 122 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 54, 82, 55, 18, 123 rectifié et 57, dont les auteurs n’ont plus de temps de parole à part vous, monsieur Molac, pour le n° 18.

M. Paul Molac. Défendu.

(Les amendements nos 54, 82, 55, 18, 123 rectifié et 57, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n125.

M. Paul Molac. Cet amendement est l’éclatante démonstration que le droit d’option est une vaste farce : non seulement il sera impossible à exercer compte tenu de l’exigence d’une majorité des trois cinquièmes, mais il disparaîtra de toute façon dès 2019 ! Il est donc certain que la situation sera figée dans le marbre. Je tenais à enfoncer le clou : bien qu’on veuille se montrer libéral en accordant ce droit d’option, il ne servira à rien et n’abusera que ceux qui veulent être abusés.

M. Thierry Benoit. C’est de l’enfumage !

M. Paul Molac. Je tenais au moins à ce qu’il reste dans la loi, afin que les régions puissent s’organiser, mais je n’ai aucune illusion quant au fait que cet amendement recevra un avis défavorable…

(L’amendement n125, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 41, 48, 115, 138, 178, 78, 49, 60 et 50. Les amendements nos 41, 48, 115, 138 et 178 sont identiques. Les amendements nos 49 et 60 sont identiques également. Aucun des auteurs de ces amendements ne dispose plus de temps de parole, à part M. Benoit, qui a la parole pour soutenir son amendement n78.

M. Thierry Benoit. Puisque nous n’avons pas obtenu satisfaction quant au droit d’option simple, cet amendement tend à permettre aux élus désireux de fusionner les départements avec leurs régions de prendre cette initiative et invite le Gouvernement à l’appuyer. Simplification, maîtrise de la dépense publique, meilleure lisibilité de l’action publique par les habitants… Tout cela va dans le sens des eurorégions que souhaite le Gouvernement. L’amendement n60 va dans le même sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Monsieur Benoit, ce que vous proposez existe déjà dans le code des collectivités territoriales, que nous assouplissons en outre avec l’article 3, qui supprime l’obligation d’une consultation référendaire. Notre proposition est donc bien plus avantageuse que votre rédaction, qui vous complique à vous-même la tâche. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.

(Les amendements identiques nos 41, 48, 115, 138 et 178 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n78 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 49 et 60 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n50 n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 3 bis

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 3 bis.

Article 6

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 4, 42, 68, 116, 139 et 179, dont les auteurs n’ont plus de temps de parole.

(Les amendements identiques nos 4, 42, 68, 116, 139 et 179, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 66, 44, 118, 142, 181 et 15, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune. Les amendements nos 44, 118, 142 et 181 sont identiques. Aucun de leurs auteurs ne dispose plus de temps de parole, à l’exception de M. Krabal, qui a la parole pour soutenir l’amendement n66.

M. Jacques Krabal. J’aurais préféré ne pas avoir à défendre cet amendement et, étant donné que le droit d’option n’a pas été assoupli et que le verrouillage est même total, sans aucune perspective d’ouverture, je ne me fais aucune illusion sur le sort qu’il recevra.

Il tend à raccrocher le département de l’Aisne à la région Champagne-Ardenne, ce qui aurait un sens à la fois historique, compte tenu de l’identité de ce département, et économique. Ces arguments, déjà évoqués en première et en deuxième lecture, ne retiennent attirent pas vraiment votre attention : vous préférez en rester à des postures très partisanes. Je suis très abattu de voir mettre en place une carte qui touchera la vie des gens pendant quarante ans sans souci de ce qui se passe sur le terrain.

Je pense par exemple aux étudiants, car j’ai vu toutes les difficultés qu’a rencontrées Myriam Bourhail, meilleure bachelière de France et habitante de ma circonscription, pour s’inscrire à l’université à Reims. Je vois aussi combien il est difficile pour les malades de mon territoire d’aller se faire soigner à Reims – on les envoie à Amiens, et demain à Lille. C’est un formidable gâchis.

Plusieurs députés du groupe de l’UMP. Quel gâchis, en effet !

M. Jacques Krabal. Ce n’est pas ainsi que l’on répond aux difficultés qui touchent les gens. Je ne comprends pas cet entêtement politique. Il eût été possible de donner un signe d’assouplissement qui eût été perçu politiquement comme un signe fort de confiance à l’égard des habitants et des élus. Au lieu de quoi, je vois la défiance qui s’exprime ici envers les élus.

M. Patrick Hetzel. Eh oui ! Très juste !

M. Jacques Krabal. Certains d’entre vous n’ont pas été élus locaux, mais je peux leur dire que la valse à trois temps, c’est ici, dans cet hémicycle, qu’elle se danse, certainement pas dans les collectivités territoriales, où l’on a le sens des responsabilités !

Bien que je connaisse déjà le sort de cet amendement, je tenais à le présenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Il ne peut être que défavorable, car il s’agit d’amendements de conséquence : leurs auteurs, en cas d’adoption de leurs amendements sur la carte des régions, adaptaient ainsi le nombre de conseillers régionaux correspondant.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Défavorable.

(L’amendement n66 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 44, 118, 142 et 181 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n15 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisi de l’amendement n141, dont l’auteur n’a plus de temps de parole.

(L’amendement n141, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 6 est adopté.)

Article 6 bis

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 6 bis.

Article 7

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Il s’agit, dans cet article 7, de discuter de la place des départements ruraux et de leur représentation dans les nouveaux conseils régionaux. L’annonce de la réforme territoriale avait fait poindre quelques craintes dans le milieu rural, avec la concomitance de l’agrandissement des régions d’une part et de la suppression des départements d’autre part. Il est désormais acquis que les départements seront conservés au moins à court et à moyen terme, ce qui est de nature à rassurer et à amoindrir certaines de ces craintes.

Je pense pour ma part que l’annonce de cette conservation est plutôt contraire à l’esprit même de cette réforme, qui voulait fonder son principe sur le couple région-intercommunalité, mais je dois bien avouer que c’est de nature à rassurer les départements les moins denses.

Il fallait donner d’autres signes de reconnaissance et de considération à ces territoires ruraux, concernant notamment le nombre des conseillers dans les futurs conseils régionaux. Tel est l’objet de cet article 7, qui avait fixé à deux le nombre minimum de conseillers régionaux par département. C’est bien trop peu, même si ce chiffre est la conséquence de la très faible démographie de la Lozère, qui ne permettait pas d’aller plus loin pour l’ensemble des autres départements. M. le rapporteur et M. le ministre m’avaient en effet opposé l’existence d’un risque constitutionnel lors de la deuxième lecture, quand j’avais proposé un amendement tendant à fixer le nombre minimum à quatre, ce qui, à l’exception de la Lozère, pouvait passer dans le « tunnel constitutionnel » du « plus ou moins 20 % ».

Les amendements, retravaillés avec le rapporteur et avec le ministre, qui seront défendus dans un instant poursuivent les deux objectifs que j’ai rappelés : être dans les clous constitutionnels et essayer de ramener la représentation des territoires les moins denses à un niveau acceptable pour pouvoir peser dans les nouvelles grandes régions.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 177 et 185.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir le n177.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je vais dans le même sens que M. Calmette : cet article, comme vous le savez, porte sur l’instauration d’un nombre minimal de sièges par département au sein de chaque conseil régional. Il a fait l’objet de beaucoup de débats, très légitimes compte tenu de l’importance du sujet, pendant les deux lectures au Sénat et à l’Assemblée, avec des modifications assez fréquentes qui nous amènent aujourd’hui à en débattre une nouvelle fois.

Il s’agit d’assurer la représentation des petits départements à faible démographie au sein des conseils régionaux. Il serait anormal qu’un département ne soit représenté que par deux élus sur un effectif total qui peut atteindre parfois deux cents conseillers régionaux, ou plus couramment cent cinquante. S’ils n’avaient que deux conseillers régionaux, les petits départements seraient privés de la moindre chance de faire entendre leur voix avec efficacité au sein des nouvelles grandes régions.

Il est donc souhaitable de garantir à chaque département une représentation minimale de quatre élus dans les conseils régionaux, faute de quoi ils ne pourraient jamais y exercer d’influence. Ces petits départements, vous les connaissez : ce sont essentiellement la Lozère – et je reprends ce que vient de dire mon collègue à l’instant sur le plan constitutionnel – le Cantal, la Creuse, l’Ariège, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence, qui ont très peu de sièges ou du moins un nombre de sièges qui risque d’être très réduit.

Pour ne pas s’affronter à la jurisprudence du Conseil constitutionnel – elle pourrait d’ailleurs être interprétée de diverses manières, mais autant prendre des garanties sur la base de ce qu’on pense généralement qu’elle implique en matière d’égale représentation en fonction des critères démographiques – le seul département de moins de cent mille habitants, la Lozère, aurait deux sièges, et tous les autres, qui ont une population égale ou supérieure à cent mille habitants, se verraient assurer quatre sièges.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette, pour soutenir l’amendement n185.

M. Alain Calmette. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Mes chers collègues, monsieur Calmette, monsieur Schwartzenberg, c’est avec un plaisir non dissimulé que je leur donne un avis favorable. J’avais donné avec peine un avis défavorable en première et en deuxième lecture, les avis que nous avions pu recueillir démontrant clairement que la rédaction proposée ne fournissait pas alors une garantie suffisante de constitutionnalité eu égard au nombre d’habitants de la Lozère, inférieur à cent mille, qui ne permettait pas de respecter ce tunnel constitutionnel de « plus ou moins 20 % » dans la représentativité de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Les présents amendements sont ainsi rédigés que, sans offrir de garantie absolue – mais qu’est-ce qui pourrait offrir une garantie absolue en matière électorale ? – ils en donnent suffisamment pour que nous puissions les adopter. J’entends souvent, sur tous les bancs de notre hémicycle, des défenseurs de la ruralité. J’émets donc le souhait que ces amendements puissent recueillir l’assentiment et le vote de tous nos collègues présents. Mais ce n’est qu’un vœu…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Le Gouvernement est également très favorable aux amendements du président Schwartzenberg et du député Calmette. Il y a une véritable inquiétude dans les départements qu’a cités le président Schwartzenberg sur leur future représentation au sein des conseils régionaux. Le Gouvernement en était bien conscient, mais il fallait trouver le bon système juridique, si j’ose dire, comme l’a bien expliqué le président Schwartzenberg, pour ne pas avoir à craindre le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement pense, tout comme le rapporteur, que ce qui est proposé ici pourrait passer le filtre du Conseil constitutionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal. Je me permets de vous dire, monsieur Krabal, qu’il vous reste une minute et quarante secondes.

M. Jacques Krabal. Tout comme le président Roger-Gérard Schwartzenberg, je suis vraiment très heureux, pour au moins deux raisons. La première, c’est qu’un amendement ait pu connaître une issue favorable au cours de cette troisième lecture. Enfin ! Il aura fallu aller jusqu’au bout du texte, mais nous n’allons pas bouder notre plaisir !

M. Pascal Popelin. Il ne faut jamais bouder son plaisir !

M. Jacques Krabal. Je suis heureux d’avoir entendu des propos de soutien à la ruralité. Cela étant, il faut relativiser, monsieur le rapporteur : il ne s’agit que de départements de moins de cent mille habitants.

Prenons l’exemple du Nord : 5 743 kilomètres carrés et 449 habitants au kilomètre carré, ce qui fera 76 élus. Certains de nos collègues veulent marier le Nord au département de l’Aisne – l’Aisne, un département rural au possible : 7 369 kilomètres carrés, soit 2 000 de plus, et seulement 17 élus ! La représentation de la ruralité ne doit donc pas reposer seulement sur la démographie : ce serait voir les choses par le petit bout de la lorgnette. Il faut prendre en compte également l’espace, les territoires ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Thierry Benoit. Voilà !

M. Jacques Krabal. Mais si ! C’est ainsi ! Voilà ce que je voulais dire. Bravo, merci, mais il faut vraiment aller plus loin si l’on veut prendre en compte la ruralité.

Mme la présidente. Merci, monsieur Krabal ; vous avez épuisé tout votre temps de parole.

(Les amendements identiques nos 177 et 185 sont adoptés.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Article 12

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 5, 45, 119, 143 et 182, dont les auteurs n’ont plus de temps de parole.

(Les amendements identiques nos 5, 45, 119, 143 et 182, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 46, 120, 144 et 184, dont les auteurs n’ont plus de temps de parole.

(Les amendements identiques nos 46, 120, 144 et 184, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 12 est adopté.)

Article 12 bis A

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 12 bis A.

Article 13

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n111 dont l’auteur n’a plus de temps de parole.

(L’amendement n111, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 13 est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé la discussion des articles du projet de loi. Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 9 décembre 2014 après le vote solennel sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 ;

Explications de vote et vote par scrutin public sur la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ;

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 9 décembre 2014, à deux heures quarante.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly