SOMMAIRE
Présidence de Mme Laurence Dumont
Discussion des articles (suite)
Amendement no 49
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur
Amendements nos 50 , 267 , 381 , 286 , 382 , 257 , 295
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères
Amendements nos 176 rectifié , 222 , 175 , 51 , 266 , 43 rectifié , 353 , 52 , 53 , 288 , 54 , 383 , 476 , 55 , 29 , 331 , 142, 459 , 2 , 333 , 361 , 223 , 362 , 384 , 283 rectifié , 363 , 155 , 426 , 321
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
Amendements nos 56 , 224 , 342 rectifié , 312 , 57 , 181 , 472 , 183 , 225 , 234 , 30 , 226 , 227 , 385 rectifié , 386 , 242 , 282 rectifié , 252 , 31 , 3 , 287 , 58 , 387 , 388 , 4 , 59 , 84 , 109 , 228 , 313 , 389 , 475 , 471 , 390 , 60 , 212 , 229 , 468 , 365
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 185 , 61 , 5 , 62 , 6 , 32 , 230 , 231 , 391 , 461 , 232 , 392 , 366
Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile (nos 2182, 2407, 2357, 2366).
Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 49 à l’article 6.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 49.
M. Sergio Coronado. Nous débattions, avant d’interrompre la discussion, de la pertinence de la liste des pays d’origine sûrs, de la gouvernance de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides – OFPRA – et de la place du ministère de l’intérieur. La revendication de transparence et de lisibilité lors de l’établissement de la liste a été formulée à plusieurs reprises. Il s’agit de savoir si l’on peut être à la fois juge et partie, en l’espèce si l’OFPRA peut être à la fois l’organe qui dresse la liste et celui qui la met en pratique, d’autant plus qu’elle a par ailleurs des conséquences procédurales, comme cela a été rappelé. L’amendement vise simplement à confier au Conseil d’État l’établissement de la liste, l’OFPRA conservant évidemment un pouvoir de radiation et d’évaluation afin qu’elle puisse évoluer en fonction de la situation géopolitique et des conflits internationaux.
Ayant senti M. le ministre un peu irrité lorsque nous nous sommes quittés, je tiens à préciser que je ne me livre pas ici à une mise en cause de la politique gouvernementale. Demander à comprendre le rôle que jouent les représentants du ministère de l’intérieur dans l’élaboration de la liste me semble être une question légitime. Amené à me déplacer à l’étranger dès lors que ma circonscription comprend les trente-trois pays d’Amérique latine et des Caraïbes, je consulte le site du ministère des affaires étrangères et constate que celui-ci, donc le gouvernement français, fait une analyse précise de la sécurité. Les agents de l’État à l’étranger ont même des obligations relatives à la sécurité des pays concernés. Il n’est donc pas choquant d’imaginer que le Gouvernement donne des indications à ses représentants au sein du conseil d’administration de l’OFPRA à partir de ces analyses. Telle est la question que je vous ai posée tout à l’heure, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Avis défavorable. L’élaboration de la liste par le conseil d’administration de l’OFPRA offre plus de garanties qu’un décret en Conseil d’État dont la production serait par ailleurs extraordinairement longue alors que la situation de certains pays exige parfois une rapidité que même la célérité des conseillers d’État ne garantit pas forcément.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Il n’y a du côté du ministère de l’intérieur ni interrogation ni agacement, monsieur le député. Je comprends parfaitement l’objectif de votre amendement et les raisons pour lesquelles vous le présentez. J’ai simplement explicité la conception qu’a le ministère de la définition de la liste des pays d’origine sûrs, des conditions dans lesquelles elle est élaborée et des modalités de son élaboration afin de minimiser la contestation tout en respectant l’esprit du droit d’asile. Néanmoins, pour les raisons que vient d’exposer Mme Mazetier, je ne suis pas favorable à votre amendement même si j’en comprends les motivations.
(L’amendement no 49 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 50.
M. Sergio Coronado. Dans le même esprit que l’amendement précédent, il vise à imposer une majorité qualifiée pour inscrire un pays sur la liste des pays sûrs. Nous savons que les modalités de la prise de décision revêtent parfois une importance déterminante dans les procédures dont relèvera le demandeur d’asile, qu’il soit ou non originaire d’un pays figurant sur la liste des pays sûrs. Dès lors que l’État est majoritaire dans le conseil d’administration de l’OFPRA, la majorité qualifiée semble nécessaire. La décision doit recueillir un soutien dépassant la majorité simple et être acceptée par une majorité renforcée, ce qui me semble également constituer une garantie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je propose à M. Coronado de retirer l’amendement car l’objectif qu’il vise me semble avoir été atteint par les amendements que nous avons adoptés en commission et ici-même élargissant la composition du conseil d’administration en donnant une voix délibérative aux personnalités qualifiées. Prévoir une majorité des deux tiers ne me semble pas de nature à garantir la réalisation des objectifs que vous visez.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement mais comme nous avons ce débat depuis la discussion du texte en commission, je tiens à préciser que la représentation d’autres ministères n’est pas à mes yeux un gage ni une garantie. J’ai voté l’amendement présenté par Mme la rapporteure car je pense que l’asile est en effet une question transversale dont le traitement doit associer d’autres ministères. Je n’avais pas l’intention de circonscrire l’influence du ministère de l’intérieur car ces questions ne relèvent pas selon moi d’une politique ministérielle mais d’une politique gouvernementale voire d’État. En effet, on constate peu de différences à long terme au sujet des questions d’immigration et d’asile. Je retire donc l’amendement mais persiste à croire que le problème de la majorité qualifiée et celui de l’indépendance du directeur ne sont pas réglés par les modifications apportées au conseil d’administration, vous le savez bien, madame la rapporteure !
(L’amendement no 50 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 267.
M. Denys Robiliard. Il s’agit toujours de précision. L’amendement propose que la mise à jour de la liste se base sur des informations émanant de sources distinctes. Je me suis évidemment inspiré de l’article 37 de la directive « Procédures ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Votre amendement est satisfait, monsieur Robiliard. En effet, l’alinéa 5 prévoit déjà que la détermination des pays d’origine sûrs s’effectue dans les conditions prévues par l’article 37 et l’annexe I de la directive « Procédures » dont les dispositions prévoient précisément que la liste est arrêtée d’après un éventail de sources d’information dont plusieurs exemples sont cités, en particulier celles qu’évoque votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 267 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 381.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Favorable.
(L’amendement no 381 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 286.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Il est opportun que l’OFPRA tire les conséquences de la situation d’un pays sûr dont il aurait lui-même constaté qu’elle est devenue incertaine en en suspendant effectivement l’inscription.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Par exception, un amendement proposant de substituer « doit » à « peut » est présenté par le groupe socialiste. Ainsi, ça arrive à tout le monde !
Mme Marie-Françoise Bechtel. J’avais évité de le mentionner ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. J’en propose le retrait car il ne semble pas opportun d’imposer une obligation, dans cette matière pas davantage que d’autres que nous avons évoquées. Nous évoquons l’hypothèse d’une « évolution rapide et incertaine de la situation » en une expression délibérément large ménageant au conseil d’administration de l’OFPRA la possibilité, sans aller jusqu’à la radiation pure et simple, de prendre une mesure conservatoire en attendant d’y voir plus clair. Voilà qui me semble satisfaire votre préoccupation, chère collègue.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 286 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 382.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Favorable.
(L’amendement no 382 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 257.
M. Sergio Coronado. Nous parlions tout à l’heure de la composition du conseil d’administration et de l’indépendance que lui confère le texte, même si elle reste à conquérir. En effet, j’ai parfois l’impression que le lien unissant le pouvoir exécutif et l’OFPRA n’est pas si clair qu’il ne paraît. L’amendement vise donc à consacrer l’indépendance du président de l’OFPRA.
Le renforcement continuel des pouvoirs de l’OFPRA et son rôle important en matière d’asile nécessitent d’établir son indépendance. L’article 5 du présent projet de loi prévoit déjà que l’Office exerce deux de ses principales missions, la reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire et leur protection juridique et administrative, sans recevoir aucune instruction. Dès lors, il importe de garantir aussi l’indépendance de son président. Nous ne bénéficierons pas à l’avenir de la présence aimable du directeur de l’OFPRA ! (Sourires.) Le président de l’OFPRA serait donc nommé pour un mandat de six ans non révocable et non renouvelable, ce qui me semble constituer une bonne option pour le mettre à l’abri de toute pression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je vous propose de retirer l’amendement, cher collègue, car il me semble procéder d’une confusion entre le président du conseil d’administration de l’OFPRA, qui n’a aucune fonction exécutive, et son directeur général, chargé de la gestion de l’établissement. Le premier a probablement une fonction de représentation, ce dont je ne suis pas certaine faute de l’avoir rencontré. Dès lors, on ne voit pas bien le sens de la très large immunité que vous proposez de lui accorder, cher collègue. Avis défavorable, donc.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 257 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, pour soutenir l’amendement no 295.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. Il est retiré.
(L’amendement no 295 est retiré.)
(L’article 6, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 176 rectifié.
M. Denys Robiliard. Il porte sur une disposition administrative un peu particulière. En raison d’une réforme votée en 2007, l’article L. 723-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA – dispose qu’aucune décision ne peut naître du silence gardé par l’Office. Il en résulte pour ce dernier la possibilité théorique, qui n’est pas sa pratique habituelle ni même actuelle mais qui l’a été dans les années 2000 à propos de ressortissants de certaines nationalités, de garder le silence sans recours possible. En effet, jusqu’en 2007, un silence de quatre mois valait décision implicite négative qui permettait de saisir ce qui était à l’époque la commission de recours des réfugiés. Depuis 2007, ce n’est plus possible et l’OFPRA peut laisser un demandeur d’asile en stand-by sans jamais lui donner une réponse et sans que celui-ci, interdit qu’il en est par la loi, puisse saisir une quelconque juridiction sinon éventuellement d’un recours indemnitaire à raison du retard anormal avec lequel sa demande serait traitée. Je ne vois pas ce qui justifie pareille situation. Il s’agit de l’administration française dont l’OFPRA participe même s’il dispose d’une autonomie évidemment essentielle compte tenu de sa mission. Si l’OFPRA ne rend pas de décision, une saisine de la Cour nationale du droit d’asile – CNDA – doit être prévue. En outre, maintenir l’article L. 723-3-1 me semble d’autant plus saugrenu que nous examinons un projet de loi visant à accélérer la procédure !
M. Pascal Cherki. C’est sûr !
M. Denys Robiliard. Que l’OFPRA garde le silence sans qu’une telle attitude puisse faire l’objet d’un recours a donc encore moins de sens. Prévoyons donc que le demandeur d’asile puisse saisir la CNDA après un certain délai ! Je ne fais pas du délai de quatre mois un impératif mais il me semble cohérent avec la directive.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je propose à M. Robiliard de retirer son amendement. Je comprends ses intentions, mais l’OFPRA n’est pas une juridiction. Si la demande n’était pas examinée par l’OFPRA, le demandeur irait devant la Cour nationale du droit d’asile qui renverrait à l’OFPRA, puisque le demandeur n’aurait pas été reçu en entretien individuel par un officier de protection de l’Office. Pour finir, on perdrait du temps. Surtout les délais prévus pour l’OFPRA sont beaucoup plus courts que ceux que vous imaginez : quinze jours pour la procédure accélérée et trois mois pour la procédure normale.
Par ailleurs, il faut ménager la possibilité, justement, de délais un peu plus longs. Il y a parfois des cas qui justifient des délais différents des quinze jours ou trois mois. Enfin, les délais sont du domaine réglementaire. Je vous propose donc de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. S’il ne s’agissait que d’un problème de délai, je serais prêt à tout retirer. Mais il faut voir d’où nous venons. L’administration française, de façon générale, était tenue de statuer dans un délai de quatre mois, puis de deux mois : à défaut, une décision implicite négative était rendue, ce qui permettait à l’administré de saisir le juge.
Avec les lois de simplification de M. Mandon, c’est la jurisprudence inverse qui s’applique : le silence de l’administration, dans un grand nombre de cas, crée une décision implicite positive…
M. Pascal Cherki. Exactement !
M. Denys Robiliard. …dans un souci de simplification et d’amélioration des rapports entre l’administration et les administrés. J’entends bien, madame la rapporteure, que l’OFPRA doit normalement statuer dans des délais plus courts, mais cela n’empêche pas qu’il faille fixer un délai ; et je suis d’accord pour discuter de la durée de ce délai. Mais c’est un délai au-delà duquel il faut que l’administré puisse saisir le juge.
Vous me dites que la CNDA renverra le dossier à l’OFPRA parce qu’il n’y aura pas eu d’entretien. Peut-être le fera-t-elle. Mais la CNDA est juge de plein contentieux.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Absolument.
M. Denys Robiliard. Ayant connaissance que l’OFPRA, de façon délibérée, refuserait d’examiner une situation, la CNDA, me semble-t-il, pourrait alors accepter de passer outre. Il ne s’agirait pas de manquer délibérément à la procédure d’examen de la demande d’asile : il s’agirait de dépasser le blocage administratif que permet le texte tel qu’il est. Je ne vois pas ce qui peut justifier, en droit français, qu’une administration puisse conserver le silence sans qu’à un moment on puisse saisir le juge. L’amendement est maintenu.
M. Pascal Cherki. C’est juridiquement imparable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je comprends parfaitement la préoccupation de M. le député Robiliard, qui serait fondée s’il n’existait pas une procédure qui s’appelle le référé mesure utile, permettant à celui qui se retrouverait dans la situation que vous nous indiquez de saisir en référé le juge, de manière à ce qu’il se prononce dans un délai extrêmement bref. Or, cette procédure existe : le référé mesure utile peut être soulevé par celui qui n’aurait pas de réponse de la part de l’OFPRA, dans des délais extrêmement brefs qui obligent l’Office à apporter sa réponse, si bien que vous avez satisfaction.
C’est la raison pour laquelle il ne faut pas voter cet amendement. S’il était adopté, il ferait courir des délais supplémentaires, ce qui irait à l’encontre des intérêts du demandeur d’asile lui-même, puisqu’ils allongeraient la procédure. Si cet amendement peut être justifié par le fait, très rare au demeurant, que l’administration peut opposer le silence au demandeur d’asile, celui-ci a tout à fait la possibilité, avec le référé mesure utile, d’engager devant le juge des démarches qui obligeront l’OFPRA à lui répondre. Avis défavorable.
Mme la présidente. Madame la rapporteure, vous n’avez pas précisé votre avis si l’amendement n’était pas retiré.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. S’il était maintenu après les explications complémentaires du ministre, l’avis serait défavorable, mais je trouverais regrettable que l’amendement soit maintenu.
Par ailleurs, le statut de réfugié ou la protection subsidiaire ne relèvent pas du silence valant accord de l’administration sur une fenêtre en PVC… Je trouve la métaphore un peu étrange.
M. Denys Robiliard. Il n’y a pas de métaphore !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il y a un autre argument, que je n’ai pas développé et je m’en excuse, parce qu’il est très important : l’article 11 de la directive oblige à une réponse motivée. Oui, la directive « Procédure » que nous transposons prévoit que « la décision administrative statuant sur la demande doit être écrite et motivée ». À maints égards, pour les raisons de procédure que j’ai indiquées préalablement et avec la directive qui est transposée en droit interne, votre amendement est donc satisfait. Vouloir le satisfaire au-delà de la directive, qui vous donne pourtant 100 % de garanties sur ce sujet, c’est créer les condition d’un alourdissement des procédures et d’un allongement des délais, qui iraient à l’encontre des intérêts des demandeurs d’asile.
Or, comme vous le savez, monsieur le député, la préoccupation du Gouvernement, c’est l’intérêt du demandeur d’asile.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.
M. Pascal Cherki. La préoccupation du Gouvernement, nous n’en doutons pas, monsieur le ministre : nous saluons et avons salué à maintes reprises l’avancée que constitue cette loi.
Il n’en demeure pas moins que nous ne sommes pas sur un débat de principe : en tant que législateurs, nous sommes attentifs à la qualité de rédaction de la loi pour éviter un certain nombre d’apories.
Si vous le permettez, monsieur le ministre, je reviendrai très brièvement sur votre raisonnement juridique. Il est vrai que nous parlons de cas marginaux, par rapport à la masse des demandes que doit avoir à traiter l’OFPRA. Mais voyez qu’il y a tout de même quelque incongruité à considérer que dans une procédure normale, dans laquelle l’OFPRA serait tenu de répondre dans un certain délai en motivant sa décision – et vous-même envisagez le cas où il ne le ferait peut-être pas –, il faudrait s’aiguiller vers le référé mesure utile. Je sais que c’est une voie de droit qui existe, mais elle paraît tout de même un peu tarabiscotée compte tenu de l’économie générale de la loi et du système que propose notre collègue Robiliard.
Je le répète, nous ne sommes pas dans un débat de principe, mais dans un débat d’efficience juridique pour assurer l’examen de la demande par l’OFPRA : dans le cas où celui-ci n’aurait pas répondu dans les délais, nous proposons la saisine de la CNDA, ce qui paraît beaucoup plus normal que le passage par ce canal dérivé qu’est le référé mesure utile. Pour rebondir sur l’argumentation de notre excellente rapporteure, cette dernière procédure est beaucoup plus adaptée aux problèmes d’autorisation de fenêtres en PVC qu’à l’examen des demandes d’asile.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je voudrais dire à M. le député Cherki que pour ma part, je suis en accord à 150 % avec ce qu’il vient de dire : 100 % en droit et 50 % au titre de l’amitié. (Sourires.)
C’est d’ailleurs parce que je suis totalement en accord avec cette formulation-là que j’incite le député Cherki et le député Robiliard à la plus grande prudence sur ce point. Pourquoi ? Parce que nous transposons trois directives en droit français, dont la directive « Procédure ». Son article 11 répond très exactement à la préoccupation que vous exprimez, en droit et en principe, puisque le droit est là pour satisfaire le principe auquel vous tenez et auquel je tiens, c’est-à-dire une réponse dans des délais brefs au demandeur d’asile, dont nous nous préoccupons à travers ce texte. On est obligé de lui donner une réponse précise et motivée.
Mais si par hasard, il existait, par extraordinaire, par contrariété, par volonté de nous empêcher de vivre comme nous le souhaiterions après que le législateur aura fait son travail, des gens qui au sein de l’OFPRA n’appliqueraient pas la directive telle qu’elle a été transposée en droit français, il existe cette possibilité – qui vaut davantage, j’en conviens, pour les fenêtres en PVC que pour les demandeurs d’asile, mais qui pourrait toujours être invoquée en pareil cas. Et je ne pense pas que ce sera nécessaire, parce que la directive donne déjà toute garantie. C’est la raison pour laquelle je vous propose de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Notre débat ne porte pas sur la simplicité ni sur la complexité. Je vous rassure, nous allons y venir, mais nous sommes dans le cas de figure extrêmement classique où le silence conservé par une administration produit une décision, qu’elle soit positive ou négative, de façon à permettre l’exercice d’un recours.
Ensuite, les amendements de M. Lellouche nous ont montré que « peut » n’est pas « doit » : un étranger peut saisir la Cour nationale du droit d’asile, mais il ne peut être tenu de le faire. Il peut le faire, comme il peut ne pas le faire. Par conséquent, c’est à lui qu’appartient le choix.
Par ailleurs, je suis conscient qu’il existe des situations difficiles dans lesquels le délai de quatre mois n’est pas suffisant : typiquement, dans les cas des clauses d’exclusion de la section F de l’article 1er. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
Penser un mécanisme qui permette à l’OFPRA de prolonger le recours, comme cela existe en matière administrative, pourquoi pas ? Je veux bien regarder le référé mesure utile, mais normalement, le juge ne donne pas d’injonctions, sauf exceptions. Sommes-nous dans un cas où, par exception, le juge pourrait donner injonction à l’OFPRA de statuer ? Je ne sais pas.
Je vois que Mme Bechtel demande la parole. Elle a peut-être un avis intéressant qui pourrait m’éclairer.
M. Pierre Lellouche. Elle n’est pas ministre !
M. Denys Robiliard. Si elle me dit que le juge administratif peut enjoindre à l’OFPRA de répondre dans un délai déterminé, je retire mon amendement.
M. Pascal Cherki. Nous avançons !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. M. Robiliard va être déçu, ce n’est pas l’objet de mon intervention.
Le débat que nous avons ce soir vient de ce que nous avons cru utile, du fait de l’existence de la directive, d’inscrire dans la loi un délai, alors que les délais, je le rappelle, relèvent normalement du règlement.
Le décret relatif à l’OFPRA, qui date de 1953, avait ainsi fixé un délai de deux mois. Lorsqu’on prévoit un délai dans la loi, et je comprends qu’on l’ait fait parce qu’on a pensé que la transposition de la directive méritait cet affichage, on se heurte forcément à des difficultés : tout ce que peut faire le législateur envers un organe administratif, c’est lui donner un objectif, un bon objectif, le bon délai dans lequel il lui demande de statuer.
Si nous voulons entrer dans la mécanique des décisions implicites d’accord ou de rejet, nous n’en arriverons jamais à bout.
Excusez-moi, mon cher collègue, mais je sens aussi, dans ce débat – et je l’ai éprouvé aussi lorsque M. Coronado a défendu ses amendements –, une grande défiance à l’encontre de tout ce qui est procédure administrative et administration.
M. Pascal Cherki. Non…
Mme Marie-Françoise Bechtel. L’objet de cette loi n’est pas de se méfier de l’Office, dont nous accroissons au contraire les pouvoirs. Il s’est déjà bien réformé d’ailleurs. Nous pensons qu’il mettra toute son énergie à poursuivre les objectifs fixés par le législateur : c’est ce que fait un bon et bel établissement public comme celui-ci ! C’est sa raison d’être. Cette méfiance consistant à se demander, s’il ne répondait pas pendant quatre mois, ce qui se passerait, n’est pas du tout appropriée au sujet.
Que le législateur fixe un objectif, soit, puisqu’il transpose la directive. Mais ensuite, laissons vivre et respirer le système sans entrer dans un régime de méfiance. En outre, comme l’a dit le ministre, s’il faut une soupape de sécurité, nous disposons du référé.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard. Nous allons peut-être conclure ?
M. Denys Robiliard. Je suis désolé : je demandais une consultation juridique à l’éminente juriste qu’est Mme Bechtel, je ne l’ai pas.
Il me semble que le délai de quatre mois était celui qui figurait initialement dans la loi du 25 juillet 1952 qui a institué l’OFPRA : elle prévoyait ce délai pour statuer et la possibilité de saisir, à l’époque, la commission des recours des réfugiés en cas de silence conservé.
Maintenant, je vais retirer mon amendement. S’il s’agissait simplement de prendre un décret, pas de problème. Ce que je souhaite, c’est qu’il y ait un délai. Et je ne fais pas de procès d’intention : je dis simplement – et je parle sous le contrôle du directeur de l’Office – qu’il y a eu une période, à propos de ressortissants tunisiens, où l’OFPRA s’est refusé pendant plusieurs années à prendre des décisions, en pleine connaissance de cause. Elle ne voulait pas prendre de décisions.
Je comprends l’existence d’une telle pratique mais je ne pense pas qu’elle soit acceptable de la part d’une administration française.
C’est la raison d’être de cet amendement et ce pourquoi je souhaitais qu’un délai soit défini. Comme j’arriverai peut-être à mes fins plus facilement en le retirant, je le retire.
(L’amendement no 176 rectifié est retiré.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 222 et 175, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 222.
M. Marc Dolez. Cet amendement vise à limiter les cas de recours à la procédure accélérée aux seuls cas de fraude sur l’identité, de demandes manifestement infondées telles que définies par le comité exécutif du Haut Commissariat aux réfugiés, et de demande d’asile en rétention.
En effet, dans son actuelle rédaction, le texte prévoit une augmentation du nombre des hypothèses dans lesquelles l’OFPRA et le préfet peuvent décider de classer des demandes d’asile en procédure accélérée.
Dix cas de procédure accélérée sont prévus mais nous pensons qu’au regard des garanties réduites offertes par cette procédure, celle-ci doit rester exceptionnelle.
C’est la raison même de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 175.
M. Denys Robiliard. Comme j’ai été un peu long précédemment,…
M. Pierre Lellouche. Mais non ! Nous avons le temps !
M. Denys Robiliard. …je serai un peu court : il a été défendu par M. Dolez.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je propose que ces amendements soient retirés.
Tout d’abord, la procédure accélérée est encadrée.
Ensuite, ces propositions méconnaissent la réalité de la nouvelle procédure accélérée, qui ne correspond pas à la procédure prioritaire telle que nous la connaissons aujourd’hui.
La procédure accélérée implique certes des délais d’examen plus courts mais les conditions d’entretien avec l’OFPRA demeurent inchangées, le demandeur d’asile pouvant être désormais accompagné d’un tiers – soit un avocat, soit un représentant de l’une des associations que nous avons prévues, c’est-à-dire de défense du droit des étrangers et des demandeurs d’asile mais, aussi, du droit des femmes ou de défense contre les persécutions en raison de l’orientation sexuelle.
L’officier de protection recevra le demandeur d’asile placé en procédure accélérée dans les mêmes conditions que précédemment et l’entretien aura la même durée. Nous nourrirons donc moins de craintes que nous ne le faisions avec la procédure prioritaire.
Par ailleurs, nous avons prévu que l’OFPRA puisse « déclasser » une procédure accélérée en procédure normale.
J’espère avoir apaisé les inquiétudes que vous pouviez éventuellement avoir à cet égard et je vous propose donc de retirer vos amendements.
Mme la présidente. À défaut, madame la rapporteure, quel serait votre avis ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. M. le député Marc Dolez évoque un sujet qui mérite la plus grande attention. Les intentions du Gouvernement ne peuvent souffrir en la matière aucune ambiguïté. C’est pourquoi, avant de donner l’avis du Gouvernement, je tiens à préciser exactement notre position et le contenu du texte présenté à votre délibération.
La procédure accélérée ne préjuge pas – j’insiste sur ce point – du fond de la demande. Il s’agit d’une modalité d’examen de certaines demandes pour lesquelles les premiers critères laissent entrevoir que l’examen pourrait être effectué rapidement.
C’est par exemple le cas des demandes de réexamen des étrangers ressortissants de pays sûrs, de ceux qui ont tardé à déposer leur demande ou de ceux dont la demande est entourée de très peu d’éléments pour être examinée au fond de façon méthodique et précise.
Je tiens à vous dire très clairement – et cela figurera au compte rendu des débats auquel il est important que l’on puisse se référer à l’avenir : il ne s’agit en aucun cas, dans l’esprit du Gouvernement, d’un examen expéditif, contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là.
Je souhaite que cette procédure d’examen accélérée soit entourée de toutes, je dis bien de toutes les garanties.
Tout d’abord, la procédure accélérée remplace l’actuelle procédure prioritaire en apportant trois changements majeurs et attendus, conformément d’ailleurs aux engagements qui avaient été pris par François Hollande lors de la campagne de l’élection présidentielle.
D’une part – c’est très important d’avoir cela à l’esprit –, pendant toute la durée de la procédure accélérée, le demandeur d’asile aura le droit de rester sur le territoire et ne pourra en être éloigné avant que la Cour nationale du droit d’asile n’ait statué.
D’autre part, qu’ils soient en procédure prioritaire, accélérée ou normale, les demandeurs d’asile pourront bénéficier d’un hébergement dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile.
Ensuite, et surtout, l’OFPRA est placé au cœur de la procédure accélérée. C’est lui qui devra déterminer, finalement, si la demande justifie un examen plus long ou si les éléments recueillis permettent de statuer sans attendre.
Il est tout à fait normal que les choses se passent ainsi car l’OFPRA a accès au contenu de la demande. C’est à lui de déterminer ce qui relève d’un examen approfondi.
Dans certains cas, la préfecture ou la loi pourront réorienter ou pré-orienter le dossier en procédure accélérée mais, en dernier lieu et au vu du contenu de la demande, l’OFPRA pourra toujours déclasser le dossier et le remettre dans le circuit normal.
La seule différence entre la procédure normale et la procédure accélérée, outre que celle-ci ira plus vite, c’est que le juge de l’asile statuera en juge unique. Le demandeur, quant à lui, ne perdra aucune garantie.
Si la CNDA estime que la procédure accélérée a été choisie à tort – il est très important d’avoir cela à l’esprit –, le dossier du demandeur pourra être examiné par une formation collégiale.
J’insiste donc sur ce point avec toute la force de mon engagement : toutes les conditions sont réunies pour accélérer les délais sans faire perdre de garanties et de droits au demandeur d’asile. C’est tout l’esprit et l’équilibre de ce projet de loi.
Monsieur le député Marc Dolez, je tenais à vous apporter toutes ces précisions de manière à ce qu’il n’y ait aucune ambiguïté quant aux objectifs poursuivis par ce projet de loi.
Je tiens à le dire parce qu’il m’est arrivé de lire que le temps gagné pourrait se faire au détriment de l’approfondissement de l’examen du dossier du demandeur d’asile.
M. Pierre Lellouche. Rassurez-vous, vous l’avez déjà perdu !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il n’en est absolument pas question. Avec ce projet de loi, nous voulons trouver un bon équilibre entre l’accélération des délais et la reconnaissance des droits des demandeurs d’asile.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, quel est donc l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Compte tenu de ce que je viens d’expliquer, je suis convaincu que le député Dolez a été conquis par mon argumentation (Sourires) et qu’il retirera son amendement. S’il ne le fait pas, ce qui me causera une peine incommensurable, je serai contraint d’émettre un avis défavorable à l’adoption de son amendement.
Mme la présidente. Quid du deuxième amendement, monsieur le ministre ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Idem.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. J’ai enregistré avec intérêt les explications et les précisions du ministre.
Sans vouloir le moins du monde le contrister, je maintiens tout de même mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.
M. Éric Ciotti. La fronde !
M. Pascal Cherki. Je ne doute ni de la détermination du ministre, que je partage, ni de sa bonne foi.
Je connais la valeur et l’utilité des travaux parlementaires quand la jurisprudence se penche sur une loi dont l’interprétation peut être sujette à caution.
Je considère donc, monsieur le ministre, que vos déclarations sont un point d’appui dans le cadre des contentieux à venir…
M. Pierre Lellouche. Hélas, il y en aura…
M. Pascal Cherki. …dont les avocats seront amenés à se saisir et qui pourront être nombreux…
M. Pierre Lellouche. Eh oui !
M. Pascal Cherki. …compte tenu de la création de la procédure accélérée et des cas qui y seront en quelque sorte éligibles.
Je souhaite livrer un élément à votre réflexion.
J’ai co-signé l’amendement de notre collègue Robiliard. Comme celui de M. Dolez, il présente un intérêt majeur : il resserre la question des procédures accélérées sur la base d’éléments objectifs, indépendamment de la qualité du demandeur – refus de donner les empreintes digitales, demandes d’asile sous plusieurs identités différentes, demandeur d’asile placé en rétention, puisque dans le cas-là, la procédure est particulière, enfin, demande qui n’a pour objectif que de faire obstacle à une procédure d’éloignement.
En l’occurrence, la loi ajoute un certain nombre de cas.
Le 2° de l’article 7, par exemple, dispose dans le texte de la commission : « Le demandeur n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande de protection qu’il formule ».
Outre que la notion de « questions sans pertinence » donnera lieu à matière jurisprudentielle assez fournie, on part ici du principe qu’il s’agit d’un nouveau cas objectif.
Si la qualité du demandeur n’est pas en cause mais la matière, pourquoi avoir exclu les mineurs du traitement des procédures accélérées ?
Vous voyez bien la nature de la difficulté à laquelle nous sommes confrontés. Je me réjouis de cette initiative mais le IV de l’article 7 précise : « Sans préjudice de l’article L. 221-1 – qui concerne la procédure de l’asile à la frontière –, la procédure accélérée ne peut être mise en œuvre à l’égard d’un demandeur qui est un mineur non accompagné. »
On peut être majeur ou mineur et formuler à l’appui de sa demande des questions sans pertinence au regard de la demande de protection formulée !
La rédaction de la loi est donc contradictoire au regard de ses objectifs.
La loi serait de meilleure qualité si l’on définissait des critères plus resserrés tels qu’ils sont définis par les amendements de nos collègues Dolez et Robiliard.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.
Mme Catherine Coutelle. Vous avez fait preuve de pédagogie, monsieur le ministre, en explicitant fort bien la nature de la procédure accélérée, qui suscite interrogations ou méfiance. Vous avez eu raison de le faire longuement.
J’ajoute un point.
L’un des motifs de la procédure accélérée est la présentation de faux documents d’identité.
Depuis la réforme de 2013 et celle de la formation de ses personnels – nous nous en sommes rendus compte, avec Bruno Lévy, en nous rendant sur place –, l’OFPRA a modifié ses procédures et ses approches.
Parfois, de faux documents sont involontairement fournis, le plus souvent par des femmes livrées à la prostitution.
Elles sont en effet victimes de la traite ; leur propre souteneur les accompagne parfois dans leur demande d’asile – la CNDA nous a fait part d’un cas où proxénètes et souteneurs étaient présents dans la salle pour attendre la décision ; lorsque les magistrats s’en sont rendu compte, ils ont demandé le huis clos, au grand mécontentement des souteneurs, auxquels ils ont soustrait la victime.
Je constate avec satisfaction l’évolution de la jurisprudence et le fait que, dans trois cas, des prostituées ont pu bénéficier de l’asile – et pas seulement de la protection subsidiaire – et être protégées. Tout cela va dans le bon sens.
Je souhaite donc que le cas des personnes qui présentent de faux documents puisse être étudié dans le cadre de la procédure accélérée de manière attentive parce que ces dernières ne sont pas forcément au courant.
C’est d’ailleurs un sujet sur lequel nous reviendrons en étudiant un autre texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Je n’ai pas de conseil à donner au Gouvernement mais, plus nous avançons, plus je trouve que cette procédure accélérée devrait être qualifiée de ralentie par rapport à ce qu’était jusqu’alors la procédure prioritaire.
Je m’étonne que la gauche de la gauche ne soit pas pleinement rassurée.
En effet, en multipliant tout un luxe procédural de garanties diverses et variées, ce texte fera qu’il n’y a aura quasiment plus de procédure prioritaire au sens du droit actuel.
Même en rétention, même lorsque le demandeur produit des éléments complètement incohérents, même lorsqu’il lui a fallu 120 jours pour avoir l’idée de déposer une demande, ce nouveau dispositif lui permet de bénéficier d’une procédure qui lui garantit – vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre – le maintien sur le territoire national jusqu’à l’examen de sa demande.
M. Pierre Lellouche. Et le logement !
M. Guillaume Larrivé. La procédure prioritaire est en voie de disparition et cette nouvelle procédure n’aura d’ « accélérée » que le nom.
Je ne ferai pas œuvre de divination mais je pense qu’à la fin du quinquennat de François Hollande, cette loi aura directement causé une augmentation du flux des demandes car elle accroîtra le délai d’instruction…
M. Pierre Lellouche. Et les contentieux !
M. Guillaume Larrivé. …au lieu de le réduire.
M. Pascal Cherki. La disparition de la procédure prioritaire est une excellente nouvelle !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Compte tenu des deux interventions qui ont été faites, dont celle de M. Larrivé, et des interrogations qui se sont exprimées, je gage que le Gouvernement a trouvé le bon équilibre et qu’il se situe au barycentre de cet hémicycle, là où il faut être vu l’état des procédures en vigueur et ce que nous voulons faire.
Je formulerai des réponses très précises.
Quelle était, hier, la procédure prioritaire ? Je m’adresse à ce que M. Larrivé appelle la gauche de la gauche, sans doute parce qu’il est trop à droite. (Sourires)
M. Guillaume Larrivé. Tout est relatif !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mais je m’adresse à des députés de la majorité.
En quoi consistait la procédure prioritaire ? C’est le préfet qui décidait d’y recourir, il n’y avait pas d’hébergement, ni de recours suspensif. Tel était l’état du droit. Nous décidons, quant à nous, de mettre en place une procédure dite accélérée. Le classement par l’OFPRA pour les motifs relatifs au contenu de la demande est désormais possible, alors que c’est le préfet qui intervenait jusqu’ici. C’est donc une garantie supplémentaire que nous donnons aux demandeurs d’asile. L’OFPRA a en outre la possibilité, dans tous les cas, de replacer le dossier en procédure normale.
M. Pierre Lellouche. Quelle chance !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous constatez bien, mesdames et messieurs les députés, le progrès évident que constitue cette nouvelle procédure, en termes de reconnaissance des droits des demandeurs d’asile.
M. Pascal Cherki. C’est un progrès, certes. Mais…
M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est un progrès absolument incontestable !
Je me tourne maintenant vers vous, monsieur Larrivé. Ce progrès est-il de nature à rallonger les délais ? Votre argument, monsieur Larrivé, consistait en effet à dire que les procédures seraient tellement longues qu’à la fin, nous serions comme dans la pièce de Beckett : nous attendrions Godot. Ce n’est pas vrai, ce ne sera pas du tout le cas, parce que…
M. Pierre Lellouche. Vous serez noyé, monsieur le ministre, car vous êtes en train de faire un appel d’air !
Mme la présidente. Monsieur Lellouche, laissez parler M. le ministre, s’il vous plaît.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je n’ai pas encore exprimé une idée, que déjà M. Lellouche est contre. C’est quand même terrible ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
M. Pierre Lellouche. Il m’arrive d’être d’accord avec vous, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Laissez-moi aller au bout de mon raisonnement. Pour ce qui concerne la procédure accélérée, elle peut, à l’initiative de la préfecture, être décidée dans des cas précis, à savoir des cas évidents et flagrants de fraude ou de détournement de la procédure. C’est l’une de vos préoccupations : vous redoutez que des procédures trop longues et l’élargissement des droits reconnus aux réfugiés ne viennent remettre en cause la volonté du Gouvernement d’accélérer les procédures.
Or ce ne sera pas le cas, puisque, à l’initiative de la préfecture, la procédure accélérée pourra être décidée dans le cas où de faux documents d’identité auront été produits, dans des cas de troubles à l’ordre public, ou pour des raisons de dépôt tardif de la demande. Une grande partie des inquiétudes que vous exprimez concernant les risques de voir les délais s’allonger tombe donc, du fait de cette disposition. Par ailleurs, il existe également une procédure accélérée par détermination de la loi elle-même, pour ce qui concerne les procédures de réexamen ou les questions touchant aux pays d’origine sûrs et, une procédure accélérée décidée par l’OFPRA lui-même, pour ce qui concerne le fond de la demande, si l’OFPRA en décide ainsi.
Le dispositif que nous proposons constitue donc un progrès, sans préjudice, par ailleurs, de l’accélération des procédures, qui est l’objectif de la loi. Étant tous rassurés sur les intentions du Gouvernement et sur les équilibres qui ont présidé à ses choix, je pense que nous pouvons désormais avancer en confiance.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Tout ce que vient de dire M. le ministre dans ses deux interventions successives, notamment la comparaison qu’il fait entre le régime actuel et le régime qu’il propose me paraît totalement exact. Son projet de loi constitue une très nette amélioration de l’état du droit actuel.
Cela étant dit, j’ai encore envie de progresser un petit peu. Quelle est la seule difficulté que présente le régime mis en place ? C’est le juge unique, et je défendrai tout à l’heure des amendements sur ce sujet. Je souhaite en effet, compte tenu de la composition très particulière de la Cour nationale du droit d’asile, qui veut que l’un de ses membres soit désigné de façon indirecte par le Haut Commissaire aux réfugiés, ou par son délégué en France, que cette personne soit présente de façon systématique. C’est la particularité – ou en tout cas l’une des particularités – de la CNDA. C’est là ma seule réserve, et c’est par cohérence avec les amendements que je défendrai tout à l’heure, que je ne peux pas retirer l’amendement no 175.
(Les amendements nos 222 et 175, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. Éric Ciotti. Nous vous protégeons de l’ultragauche, monsieur le ministre !
Mme Chantal Guittet, rapporteure. Restez où vous êtes !
M. Éric Ciotti. Nous, au moins, nous savons où nous sommes !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 51 et 266, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 51.
M. Sergio Coronado. Je me trouve juste au milieu, entre ceux qui sont trop à droite et ceux qui sont trop à gauche : j’espère avoir trouvé le bon équilibre.
On peut ne pas considérer la procédure accélérée comme une procédure expéditive, sans pour autant s’en satisfaire totalement. Nous avons déjà indiqué en commission que nous ne voyons pas d’un bon œil le recours au juge unique. Nous sommes favorables à la collégialité, particulièrement dans des cas où l’intime conviction joue un rôle très important.
Vous avez également fait référence, monsieur le ministre, à la possibilité de déclassement. Pour ma part, j’ai plutôt tendance à considérer que c’est à l’OFPRA de décider du déclenchement de la procédure accélérée, et que la possibilité de replacer le dossier en procédure normale n’est pas suffisante. Je crois que l’OFPRA doit être maître de l’ensemble de la procédure.
Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est ce que prévoit le projet de loi !
M. Sergio Coronado. Il me semble, d’autre part, que cet amendement est plus conforme à l’article 4 de la directive, qui ne parle que d’une « autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes ». Comme Mme Bechtel, je plaide pour que cette procédure accélérée n’ait pas un caractère automatique et que l’OFPRA garde la main sur elle de bout en bout.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 266.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je le regrette, mais, quoiqu’il soit très proche du vôtre dans sa rédaction, mon amendement a une visée diamétralement opposée à celle que vous avez défendue, monsieur Coronado.
Vous éprouvez manifestement – je l’ai déjà souligné tout à l’heure – une certaine méfiance vis-à-vis de tout ce que peut faire l’office, et vous voulez en quelque sorte l’obliger à faire l’examen individuel des demandes. L’ennui, c’est que c’est exactement ce que dit le projet de loi que nous examinons ! Prenez seulement la peine de lire le V de l’article 7 : « Dans tous les cas, l’office procède à un examen individuel de chaque demande dans le respect des garanties procédurales prévues à la présente section et peut décider de ne pas statuer en procédure accélérée lorsque cela lui paraît nécessaire pour assurer un examen approprié de la demande. »
Mon amendement a en réalité une portée plus modeste et touche davantage à la rédaction de l’article. Je ne m’explique pas qu’il ait été évacué un peu rapidement en commission, et je le regrette. L’article 7 me paraît peu lisible, et un certain nombre de nos collègues se sont d’ailleurs laissés tromper – nos débats, ainsi que certains des amendements déposés l’ont montré. Ils ont cru que le texte introduisait, plus souvent que ce n’est le cas, une obligation pour l’Office de travailler en procédure accélérée.
Le I énumère un certain nombre de cas où l’Office « statue » – c’est-à-dire « doit statuer » – en procédure accélérée ; le II indique les cas où l’office « peut statuer » en procédure accélérée ; et le III porte à nouveau, comme le I, sur des cas où l’office « statue » en procédure accélérée.
Mon amendement est relativement modeste et essentiellement rédactionnel : il consisterait à réunir dans un même ensemble les cas où l’office « statue » en procédure accélérée, c’est-à-dire les cas où il doit le faire – sous réserve, naturellement, du V, qui prévoit qu’il peut tout de même ne pas le faire ; et à énumérer, dans un autre paragraphe, les cas où il « peut statuer » en procédure accélérée.
Mon amendement, qui n’est pas inspiré par une quelconque méfiance vis-à-vis de cet article, est purement rédactionnel, ou, pour le dire autrement, architectural. Mais je conviens qu’il est un peu tard pour penser à ces problèmes de rédaction, et je regrette que l’on soit passé trop vite là-dessus en commission des lois, ou peut-être même avant, au moment de l’écriture du texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. L’article 7 ne compte pas moins de quatre-vingt-trois alinéas. Son élaboration a nécessité beaucoup de travail et a aussi suscité de nombreuses interrogations. La procédure accélérée est très différente de la procédure prioritaire actuelle, elle a un caractère très neuf, et il est donc compréhensible qu’elle puisse susciter des inquiétudes. Mais je crois franchement que le ministre y a répondu.
Par ailleurs, comme vous l’avez noté vous-même, madame Bechtel, l’Office a toujours la possibilité de reconsidérer la procédure qui a été décidée au moment de l’arrivée de la demande à l’OFPRA. Je propose donc aux auteurs de ces amendements de les retirer. À défaut, la commission appellera à les rejeter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Je voulais simplement rappeler quelques principes auxquels nous tenons : d’abord le refus du recours au juge unique ; ensuite, le fait que nous considérons, au groupe écologiste, que l’OFPRA doit avoir la main sur l’ensemble de la procédure – tel est le sens de notre amendement.
Je me permettrai aussi de vous rappeler, chère madame Bechtel, ce qui m’évitera de faire un rappel au règlement, que nous sommes assez grands pour juger nous-mêmes du sens que nous voulons donner à nos interventions. Personne, ici, n’est irrité ou méfiant : nous sommes dans un débat parlementaire, et chacun s’exprime librement. Je trouve désagréable la manière que vous avez de juger des interventions de vos collègues : votre attitude n’est pas conforme à la courtoisie qui est habituellement la règle dans cette enceinte, madame.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Cela s’applique à tout le monde !
Mme la présidente. Monsieur Coronado, votre amendement est donc maintenu ?
M. Sergio Coronado. Absolument, madame la présidente.
Mme la présidente. Madame Bechtel, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je le retire.
M. Pierre Lellouche. Comme c’est dommage ! J’allais vous expliquer la différente entre « peut » et « doit » !
(L’amendement no 266 est retiré.)
(L’amendement no 51 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 43 rectifié et 353.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 43 rectifié.
M. Éric Ciotti. Cet amendement, qui a été déposé par M. Goujon et un certain nombre de nos collègues, vise à ajouter aux conditions de déclenchement de la procédure accélérée par l’OFPRA le cas de fraude identitaire. Je profite de cette intervention pour souligner que la procédure accélérée constitue incontestablement une avancée, l’une des rares, d’ailleurs, de ce projet de loi. Dans la mesure où elles sont rares, il est nécessaire de les souligner lorsqu’elles sont avérées.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 353.
M. Arnaud Richard. Je ne vais pas ajouter grand-chose à ce qu’a dit M. Ciotti. Cet amendement vise en effet à donner la possibilité à l’OFPRA de statuer en procédure accélérée lorsque le demandeur présente de faux documents d’identité ou de voyage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. L’avis de la commission est défavorable à ces amendements, les premiers d’une série que j’ai appelée « amendements Paul Bismuth ». (Sourires.) Il peut effectivement arriver que des personnes, de nature et de provenance très différentes, aient besoin d’une identité de substitution, et parfois aussi qu’elles aient besoin d’une protection internationale.
Plus sérieusement, mes chers collègues, l’usage d’une fausse identité ou qualité, ou de faux documents, ne saurait donner lieu à une procédure accélérée de plein droit, comme le proposent vos amendements. La loi ne peut pas constater la fraude : c’est absurde. La fraude doit nécessairement être appréciée et constatée, soit par l’OFPRA, soit par l’autorité administrative. L’avis de la commission, sur ces amendements, est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 9 pour prévoir un cas de placement automatique en procédure accélérée en cas de présentation de faux documents d’identité ou de fausses indications. Le projet de loi prévoit déjà, à l’initiative de l’Office ou de l’autorité administrative, le possible placement en procédure accélérée dans les cas où le demandeur aura fourni de faux documents d’identité ou dissimulé son identité. L’intention d’induire en erreur les autorités est une notion qui nécessite une appréciation au cas par cas et qui ne saurait, en conséquence, être présumée, dès lors qu’un demandeur fait usage d’une fausse identité ou fournit de faux documents.
Il faut en effet, à chaque fois, que l’autorité administrative examine le fond du dossier, qu’elle constate la production de faux documents pour déclencher la procédure accélérée, et on ne peut présumer à l’avance, par la loi, et de façon tout à fait abstraite, déconnectée des dossiers réels, qu’un dossier sera entaché de fraude. C’est à l’administration de définir, au cas par cas, et après examen des pièces présentées, si l’on est, ou non, dans cette situation. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. J’entends l’argument du Gouvernement et je me range à son avis, puisque, je le vois, un amendement qu’il présentera un peu plus tard reprend de façon plus précise – et en droit plus pertinente – notre proposition. Je retire donc mon amendement.
(L’amendement no 353 est retiré.)
(L’amendement no 43 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 52.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à préciser que les fausses déclarations ou les fausses présentations qui justifient le recours à la procédure accélérée ont été faites à l’OFPRA lui-même. Nous en avons débattu précédemment : l’Office n’est pas maître de l’ensemble de la procédure, puisque ce n’est pas lui qui décide du déclenchement de la procédure accélérée. Il me semble donc utile de préciser que les documents litigieux ne sont pas ceux qui ont servi à la demande d’asile.
En effet, comme l’a rappelé notre collègue Catherine Coutelle s’agissant des cas très particuliers de traite ou de prostitution, les demandeurs ont parfois dû recourir à de fausses pièces d’identité pour traverser la frontière ou échapper à leurs souteneurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je comprends votre inquiétude, monsieur Coronado, mais en fait, ce ne sont pas les documents ou la fausse identité utilisés en d’autres occasions qui sont ici visés. Les officiers de protection ont évidemment l’habitude qu’un demandeur d’asile soit dépourvu de document d’identité ou qu’il ait utilisé une identité de substitution pour sortir de son pays d’origine ou circuler.
L’usage d’une identité de substitution ne fait donc pas obstacle à ce qu’un demandeur d’asile obtienne satisfaction si sa demande est fondée et entendue par l’officier de protection. D’une certaine façon, je crois que votre amendement est satisfait et je vous propose donc de le retirer. À défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, le Gouvernement a déposé un amendement no 476 à l’alinéa 16 qui répond très exactement à votre préoccupation. Je vous propose donc de retirer à son profit l’amendement no 52.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. L’amendement du Gouvernement a été présenté très tardivement, c’est pourquoi nous avions déposé cet amendement, que je retire.
(L’amendement no 52 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 53.
M. Sergio Coronado. Il s’agit presque d’un amendement rédactionnel, puisqu’il vise à reprendre à l’article 7 la définition de la « demande manifestement infondée » prévue à l’alinéa 7 de l’article 8, telle que modifiée en commission des lois par un amendement de la rapporteure. Le concept de « question soulevée » apparaît par ailleurs inadapté et imprécis, comme nous avons été un certain nombre à le souligner en commission des lois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il nous a semblé au contraire utile de distinguer deux hypothèses. La première vise les questions sans pertinence, quand bien même elles seraient vraies et cohérentes. Nous avons précisé en commission que la pertinence s’apprécie au regard de la demande de protection, ce qui inclut d’ailleurs la protection subsidiaire.
La seconde hypothèse porte sur les déclarations fausses, démenties, manifestement non crédibles, et ne vise donc pas les mêmes cas. Souhaitant maintenir une distinction, je suis donc défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 53 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 288.
M. Denys Robiliard. Je vais retirer cet amendement. La rédaction à laquelle nous sommes parvenus en commission est assez proche de ce que l’on pouvait espérer.
(L’amendement no 288 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 54.
M. Sergio Coronado. Dans l’esprit des amendements présentés tout à l’heure, celui-ci a pour objet de ne pas rendre automatique le recours à la procédure accélérée en cas de demande de l’autorité administrative. Nous pensons en effet que l’OFPRA doit pouvoir rester seul juge en la matière – une solution d’ailleurs plus conforme à l’article 4 de la directive –, et nous ne nous satisfaisons donc pas de la possibilité de déclassement que lui offre le texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Cet amendement est cohérent avec les autres propositions de M. Coronado, mais il est satisfait par l’alinéa 21 de l’article 7, qui permet de reclasser un dossier en procédure normale. J’invite donc son auteur à le retirer, sinon j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Je voudrais faire une simple remarque, mi-facétieuse, mi-juridique. La compétence liée est parfois utilisée dans le texte, et parfois refusée lorsque c’est l’opposition qui la propose. Nous avons d’ailleurs eu cet après-midi des débats sur les termes « peut » et « doit ». Dans ce cas précis, l’indicatif présent est tout à fait clair : l’Office « doit », et la compétence est liée. Je suis totalement favorable à cette rédaction.
Cet après-midi, il était question de retirer le statut de réfugié à une personne s’étant livrée à des actes criminels. Maintenant, il est question de ne pas accorder le statut dans un certain nombre de cas, par exemple lorsqu’il y a fraude. J’aurais préféré, pour la clarté du texte, qu’il y ait harmonisation et que l’on utilise la même formule dans pratiquement tous les cas de figure.
Cet après-midi, on m’a donné de prétendues leçons de droit, mais je constate que ce texte, qui est parfois équilibré, est en d’autres endroits très mal écrit.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 54 est retiré.)
Mme la présidente. Je suis saisie par Mme Sandrine Mazetier d’un amendement rédactionnel, no 383.
(L’amendement no 383, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 476.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. La rédaction de l’alinéa 16 de l’article 7 a soulevé une interrogation que le Gouvernement entend lever par le présent amendement. Ces dispositions du projet de loi visent à permettre à l’autorité administrative de placer en procédure accélérée la demande présentée par un demandeur d’asile qui, entre autres, présenterait de faux documents d’identité ou de voyage.
En effet, un ressortissant étranger qui demande l’asile à notre pays doit coopérer avec les autorités françaises, ne serait-ce que pour permettre un examen approprié de son dossier et une réponse adaptée à sa demande. Justifier de son identité et de sa nationalité est à cet égard le minimum requis, chacun le comprendra bien.
Une personne qui essaierait de tromper les autorités sur ce point peut donc légitimement être regardée comme ne relevant pas, a priori, d’un besoin de protection, sauf à ce qu’il soit apporté la preuve du contraire à tout moment de la procédure. Sa demande doit donc pouvoir donner lieu à un examen accéléré.
Plusieurs d’entre vous se sont toutefois émus de ce que la rédaction retenue pouvait laisser place à une interprétation extensive et conduire à placer systématiquement en procédure accélérée toute demande présentée par un étranger qui, pour fuir les persécutions et quitter son pays, aurait eu recours à de faux documents de voyage. Une telle pratique ne serait cependant pas conforme à l’esprit dans lequel le Gouvernement a conçu la procédure accélérée. Celle-ci doit en effet être décidée au cas par cas, et au regard des éléments particuliers du dossier.
Le Gouvernement propose donc une nouvelle rédaction de clarification pour lever toutes les équivoques. Il s’agit de préciser que les documents frauduleux en question sont ceux qui ont été présentés par le demandeur aux autorités administratives à compter de l’enregistrement de sa demande, à l’exclusion des documents d’identité et de voyage présentés pour entrer sur le territoire national.
(L’amendement no 476, accepté par la commission, est adopté et l’amendement no 179 tombe.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 55.
M. Sergio Coronado. Le recours à la procédure accélérée en cas d’entrée illégale sur le territoire est contraire à l’esprit de la Convention de Genève, selon laquelle il ne peut être reproché à un demandeur d’avoir pénétré irrégulièrement sur le territoire d’un État – et ce, quelle qu’en soit la raison, contrairement aux dispositions de l’alinéa 17.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il n’est pas illégitime de prévoir qu’une demande tardive fasse l’objet d’une procédure accélérée, d’autant que le délai initialement prévu a été allongé sur ma proposition par la commission. Je vous propose donc de retirer votre amendement, et à défaut, je lui donne un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Il ne s’agit pas uniquement du délai de cent vingt jours, puisque l’alinéa 17 se réfère à l’entrée ou au séjour irrégulier, sans raison valable, du demandeur en France. C’est ce principe de la convention de Genève que je veux rappeler : on ne peut pas reprocher au demandeur les conditions de son entrée sur le territoire. Je maintiens donc mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je crois qu’il y a une incompréhension sur l’alinéa 17,…
M. Denys Robiliard. Les critères sont cumulatifs !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. …qui cite l’un des cas dans lesquels l’Office statue en procédure accélérée. Il résulte même de la rédaction que nous avons adoptée qu’une demande tardive peut se justifier par de bonnes raisons.
L’alinéa prévoit le recours à la procédure accélérée dans le cas où, sans raison valable, le demandeur a présenté tardivement sa demande, qu’il soit entré irrégulièrement sur le territoire ou qu’il s’y soit maintenu irrégulièrement.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 55 est retiré.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 29 et 331.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 29.
M. Éric Ciotti. Madame la présidente, si vous le permettez je vais défendre conjointement les amendements nos 29 et 142, qui portent tous les deux sur les conditions de recours à la procédure accélérée.
Cette procédure est en effet requise si le demandeur a, sans raison valable, déposé sa demande au-delà d’un certain délai – fixé initialement dans le projet de loi du Gouvernement à quatre-vingt-dix jours, et rallongé à cent vingt jours par la commission des lois. L’amendement no 29 vise à remplacer le mot « valable » par le mot « impérieuse », afin de mieux souligner que, dans le cadre de la procédure normale, un tel délai ne peut être admis qu’à titre exceptionnel.
Quant à l’amendement no 142, il tend à réduire ce délai à soixante jours, car nous considérons que cent vingt jours, c’est beaucoup trop long.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 331, identique à l’amendement no 29.
M. Arnaud Richard. Je partage l’avis de M. Ciotti sur le caractère insuffisamment contraignant de l’expression : « raison valable », d’où la proposition de le remplacer par « raison impérieuse ». Nous jouons sur les mots, mais les mots ont un sens en la matière.
Par ailleurs, le travail en commission a fait passer ce délai à cent vingt jours, ce qui ne nous paraît pas du tout approprié au regard de l’esprit du texte. C’est même, monsieur le ministre, une source de déséquilibre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 29 et 331 ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je vais donner un avis défavorable à l’empire du mal,…
M. Arnaud Richard. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. …c’est-à-dire la raison impérieuse. « Raison valable » me paraît parfaitement clair et satisfaisant.
Par ailleurs, il est vrai que nous avons allongé le délai considéré. Mais cent vingt jours, c’est quatre mois ! Les migrants entrent en France après avoir survécu à un voyage parfois très long – il peut même prendre plusieurs années – ; ils ne parlent pas forcément français et ont parfois été victimes de tortures ou de séquestrations. On peut donc imaginer qu’ils aient parfois besoin de quatre mois…
M. Pierre Lellouche. Pour réfléchir ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. …pour constituer un dossier, comprendre à qui il faut s’adresser et comment la demande doit être formulée. Un délai de cent vingt jours ne nous a pas paru extraordinairement long, compte tenu du parcours de certains demandeurs d’asile.
(Les amendements identiques nos 29 et 331, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 142, 459, 2 et 333, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 142 et 459 sont identiques et ont déjà été défendus, respectivement par M. Éric Ciotti et M. Arnaud Richard.
Les amendements nos 2 et 333 sont également identiques.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Éric Ciotti. J’ai déjà exposé l’esprit de cet amendement visant à réduire le délai pour formuler une demande d’asile. Il s’agit d’un point essentiel, qui illustre la naïveté de la majorité quant aux dispositions qu’il convient d’adopter pour conforter notre système d’asile.
Le Gouvernement a mis en place une procédure accélérée et avait prévu, dans le projet de loi initial, un délai de quatre-vingt-dix jours pour déposer sa demande d’asile dans le cadre de la procédure normale. Ce délai paraît largement suffisant. Si un migrant n’a pas déposé sa demande d’asile au bout de trois mois de présence sur un territoire qu’il veut rejoindre, c’est que sa demande est manifestement motivée par d’autres raisons : comme nous le disons depuis le début de ce débat, 75 % des demandes sont malheureusement motivées par d’autres raisons que la protection, à savoir par des facteurs économiques que l’on peut comprendre mais qui n’ont rien à voir avec l’asile. La majorité de la commission des lois a donc fait preuve d’une extraordinaire naïveté en allongeant ce délai, qu’elle a porté de quatre-vingt-dix à cent vingt jours.
Il nous semble beaucoup plus pertinent de prévoir un délai très bref. Pour ma part, deux mois me paraissent très largement suffisants pour déposer une demande d’asile, si cette dernière est réellement motivée et si elle repose sur un récit de vie, un parcours marqué par des persécutions ou des menaces pour l’intégrité physique du demandeur.
Mme la présidente. Il me semble, monsieur Ciotti, que vous avez défendu à nouveau l’amendement no 142. Mais nous considérerons que l’amendement no 2 est défendu.
M. Éric Ciotti. Effectivement, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 333.
M. Arnaud Richard. Cet amendement a déjà été défendu.
Je comprends tout à fait que le Gouvernement soit à l’écoute de sa majorité. Chacun joue son rôle. Cependant, ce texte avait pour objectif de réduire les délais. J’entends les arguments de la rapporteure qui a décrit la situation qui peut, en effet, être celle des demandeurs d’asile, mais malheureusement – je ne sais pas si c’est l’adverbe qui convient –, notre objectif est d’aller vite. La commission des lois a porté le délai à cent vingt jours : pourquoi pas cent cinquante ? Par les amendements nos 459 et 333, identiques à d’autres amendements déposés par certains collègues du groupe UMP, je propose de porter ce délai à soixante jours ou à quatre-vingt-dix jours, comme le prévoyait le projet de loi initial du Gouvernement. J’espère que le Sénat sera plus sage en la matière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements en discussion commune ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Les amendements nos 142 et 459 proposent la réduction du délai à soixante jours, tandis que les amendements nos 2 et 333 visent à revenir au délai de quatre-vingt-dix jours prévu par le projet de loi initial. La commission a souhaité allonger le délai à cent vingt jours.
Nous parlons de la situation de personnes qui sont à la rue, qui ne vivent pas du tout comme nous.
M. Arnaud Richard. Je le sais !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Elles ne sont pas logées, elles ne disposent pas d’un pass Navigo pour prendre les transports en commun.
M. Éric Ciotti. Elles n’ont pas de pass Navigo à 70 euros, ça, c’est sûr !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Elles ne parlent pas français. Ce sont ces situations-là que nous évoquons !
La commission souhaite maintenir le délai de cent vingt jours : elle a donc donné un avis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, nous ne comprenons plus rien à la position du Gouvernement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) J’entends que mes propos suscitent les protestations d’une partie de la majorité. Lorsque vous avez présenté ce texte, vous avez dit que votre objectif cardinal était de réduire les délais d’examen des demandes d’asile. Voilà que la commission des lois décide, sur un point particulier mais très important, de les allonger. Sauf à entrer dans des mathématiques parallèles dont seule la gauche de la gauche a sans doute le secret,…
M. Denys Robiliard. La médaille Fields !
M. Michel Pouzol. La provocation est gratuite et inutile !
Mme Marie-Anne Chapdelaine. La gauche de la gauche, dites-vous ? La droite de la droite, c’est le FN !
M. Guillaume Larrivé. …j’aimerais comprendre – mais sans doute l’entendement est-il plus limité sur nos bancs – comment un allongement des délais peut conduire à leur réduction. Pardonnez-moi cette réflexion, mais la position de la majorité est absolument incompréhensible.
Preuve du caractère très modéré de nos propositions, l’amendement no 2 n’est jamais que le retour au texte du projet de loi adopté en conseil des ministres.
M. Arnaud Richard. Exactement !
M. Guillaume Larrivé. On ne peut donc pas dire qu’il soit extravagant ou extrémiste de suggérer à l’Assemblée nationale de bien vouloir revenir au délai proposé par le Gouvernement lui-même.
M. Arnaud Richard. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Je ne sais pas de quoi je risque de me faire traiter par Mme Mazetier qui, ce soir, a parlé de « l’empire du mal » après avoir évoqué Paul Bismuth. Je me demande ce qui m’attend ! J’ai peur !
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Vous avez des gardes du corps, monsieur Lellouche !
M. Pascal Cherki. Demandez l’asile ! (Sourires.)
M. Pierre Lellouche. Oui, mes chers collègues, je suis très vulnérable…
En examinant le dossier et les chiffres officiels, je me suis aperçu que, chaque année, un peu plus de 2 000 personnes sur 65 000 demandent l’asile à la frontière. Cela signifie que 2 000 personnes arrivent en France et, tout de suite, demandent l’asile. J’ai une toute petite expérience en la matière, car je me suis notamment occupé de réfugiés cubains et ukrainiens. Quand un réfugié politique arrive en France, sa première préoccupation est de trouver très vite une solution pour obtenir l’asile.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. De trouver à manger, surtout !
M. Pierre Lellouche. Parfois, il formule sa demande à la frontière, ou en contactant quelqu’un de sa nationalité.
Madame la rapporteure, la situation que vous décrivez est humainement touchante. Il existe bien sûr des personnes qui se trouvent dans cette situation, mais certaines d’entre elles sont prises en main par des réseaux. Plus elles traînent, plus elles se verront proposer de demander l’asile.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il y en a aussi qui demandent à manger !
M. Pierre Lellouche. Je pense aux réfugiés ayant vraiment subi des persécutions. Madame la rapporteure, monsieur le ministre, je sors d’une rencontre avec Mgr Gollnisch, avec lequel j’ai évoqué la situation des chrétiens d’Orient qui, eux, sont vraiment l’objet de persécutions.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ah ! Il y a les bons et les mauvais réfugiés !
M. Pierre Lellouche. La France vient d’en accepter 600 sur son territoire. On ne peut pas douter que ces personnes aient subi des persécutions. D’ailleurs, le prélat français s’est plaint qu’on ne leur indiquât pas tout de suite à quelle association catholique elles devaient s’adresser pour être aidées dans leurs démarches.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Pourquoi une association catholique ?
M. Pierre Lellouche. Voilà ce que j’essaie de vous dire, madame Mazetier : lorsqu’une demande est fondée, elle est immédiate. Plus vous prolongerez le délai pour déposer la demande, plus vous risquerez d’être confrontés à des situations de fraude, de prise en main par des réseaux, ou à des dossiers très approximatifs contenant des mensonges ou des histoires combinées. Pour ma part, je crois ceux qui, dès leur arrivée, demandent l’asile politique ou se débrouillent d’une façon ou d’une autre pour trouver quelqu’un, un élu, une association – il y en a dans toutes les mairies, à Paris comme ailleurs – pour les aider. Je le répète : si la demande est fondée, elle est quasiment immédiate. C’est pourquoi deux mois me paraissent largement suffisants.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.
M. Pascal Cherki. Monsieur Larrivé, vous interpelliez tout à l’heure la gauche de la gauche. Arrêtez de parler aux absents : dans cette partie de l’hémicycle, il n’y a que des députés de gauche !
Messieurs les députés de l’opposition, vous débattez de principes idéologiques. Oui, monsieur Lellouche, les cas que vous avez décrits existent, mais toutes les demandes d’asile ne sont pas comme cela. L’alinéa 17 évoque la situation des personnes entrées sur le territoire en situation irrégulière, ou qui s’y maintiennent. Certes, parmi ces personnes, on compte peut-être certains migrants qui auraient pu déposer leur demande d’asile plus rapidement. Mais, dans les mairies que vous avez citées, on rencontre aussi beaucoup de personnes arrivées en France dans des conditions parfois un peu rocambolesques : parce qu’elles ont fui leur pays dans des conditions assez graves, elles sont entrées sur le territoire français de manière irrégulière et se retrouvent dans une situation d’extrême précarité très justement décrite par Mme la rapporteure. Il faut laisser à ces personnes le temps de rencontrer une association et d’expliquer leur cas, pour que l’association puisse les aider à constituer leur dossier, à préparer tous les éléments qui donneront à leur demande une chance de prospérer devant l’OFPRA,…
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Oui, parce que tous les réfugiés ne sont pas comme les chrétiens d’Orient !
M. Pascal Cherki. …d’être examinée et peut-être même de recevoir une réponse favorable. Dans certains cas, le délai de quatre mois n’est pas superfétatoire.
Comment trancher cette question ? Au motif que certains pourraient abuser de cette procédure, M. Lellouche souhaite la durcir. Pour ma part, je considère qu’au motif que cette procédure peut permettre à des gens de déposer efficacement une demande d’asile, parce qu’ils sont entrés sur le territoire dans des conditions d’extrême précarité, cela vaut le coup de porter le délai à cent vingt jours. Voilà la réflexion qui a guidé la commission.
Certaines personnes entrent régulièrement sur le territoire français : généralement, elles ont pu quitter assez facilement leur pays et préparer leur demande d’asile. D’autres entrent irrégulièrement sur notre territoire, parce que le parcours qui les a amenées dans notre pays ne leur a pas laissé le temps d’accomplir les formalités consulaires pour obtenir un visa leur permettant d’entrer régulièrement en France.
M. Pierre Lellouche. Cet argument n’est pas convaincant !
M. Pascal Cherki. Le rôle de la loi est aussi de protéger les plus faibles. Le délai de cent vingt jours permet de protéger les personnes qui se trouvent dans ces cas limites, dans une situation d’extrême faiblesse et d’extrême dénuement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis. Mon collègue Pascal Cherki a dit le principal : je ne serai donc pas très longue.
Monsieur Lellouche, les réfugiés qui savent tout de suite que le droit d’asile existe et qui commencent immédiatement à accomplir les formalités n’ont pas forcément subi un traumatisme grave…
M. Pascal Cherki. Si !
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis. Cela peut arriver, mais il y a aussi des réfugiés qui entrent illégalement sur le territoire et qui ont peur des autorités ! Cela existe !
M. Pierre Lellouche. Je vous assure que non !
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis. J’en ai rencontré certains qui se cachaient et qui avaient peur des autorités françaises.
M. Arnaud Richard. Est-ce en leur accordant un mois supplémentaire que vous allez résoudre leurs difficultés ?
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis. Certaines personnes ont subi de telles persécutions qu’elles n’ont confiance en personne, qu’elles sont isolées. Elles n’ont pas la chance d’être soutenues par des associations.
Nous parlons là de cas exceptionnels. L’alinéa 17 fait référence aux réfugiés n’ayant pas présenté leur demande d’asile dans un délai de cent vingt jours « sans raison valable » : ce critère sera apprécié.
Par souci d’humanisme, il faut laisser à ces gens-là le temps de se reconstruire, d’être accompagnés, de trouver quelqu’un pour les aider. Contrairement à ce que dit l’opposition, un délai de cent vingt jours ne va pas « emboliser » toutes les procédures d’accueil de réfugiés.
M. Pierre Lellouche. Cela va juste augmenter les risques de fraude !
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis. Il faut avoir de la considération pour ces gens-là.
Monsieur Lellouche, les gens que vous connaissez, qui demandent l’asile immédiatement après avoir passé la frontière, ont une certaine éducation : ils savent que le droit d’asile existe et qu’une demande peut être déposée à la préfecture. Tout le monde n’a pas cette chance.
M. Pierre Lellouche. S’ils ne déposent pas de demande, de quel type de réfugiés s’agit-il ?
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis. Ils se cachent, monsieur Lellouche !
M. Pierre Lellouche. Ce sont des réfugiés économiques, voilà tout !
Mme la présidente. S’il vous plaît, monsieur Lellouche !
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je veux répondre aux interpellations de M. Larrivé, selon lequel nous retarderions l’examen des demandes d’asile alors que nous voulons l’accélérer. Pour montrer qu’il est vraiment de bonne composition, il affirme aussi qu’il n’est pas un extrémiste puisqu’il propose de revenir au texte du Gouvernement.
Monsieur Larrivé, je n’ai jamais pensé que vous étiez extrémiste, mais il m’est arrivé de penser que vous n’étiez pas toujours de bonne foi. Parfois, vous l’êtes, mais pas toujours. (Sourires.)
M. Pierre Lellouche. Vous, vous ne l’êtes jamais !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tout d’abord, la durée de la procédure accélérée n’est pas allongée par les dispositions adoptées par la commission. C’est le dispositif de déclenchement de cette procédure qui est modifié. La commission, et nous avons entendu ses arguments, a voulu instaurer un délai de cent vingt jours pour le dépôt de la demande, alors que le Gouvernement avait souhaité un délai de quatre-vingt-dix jours.
Or ce délai ne correspond pas à la durée de la procédure accélérée, mais au seuil à partir duquel elle se déclenche, ce qui est très différent.
M. Pierre Lellouche. En termes de séjour en France, non.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tout d’abord, tous les demandeurs d’asile ne seront pas nécessairement concernés, mais seulement ceux qui se trouvent dans une situation particulière. Ensuite, les arguments de Mme Guittet et de Mme la rapporteure recouvrent une réalité. L’objectif est d’examiner les demandes d’asile de la façon la plus approfondie possible, mais aussi de tenir compte de la situation de détresse que connaissent certaines personnes ayant subi des persécutions dans leur pays, et qui arrivent en France sans nécessairement être informées de leurs droits. Nous leur donnons donc la possibilité de déposer une demande par le biais de la procédure accélérée. Il n’est pas absurde de leur accorder trente jours de plus au terme d’un compromis avec la commission, surtout sur un texte qui justifie l’application d’une doctrine théorisée naguère par le président de votre groupe, celle de la coproduction législative.
M. Éric Ciotti. Il y a longtemps. Et c’était l’ancien président.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Certes, mais je m’en souviens.
M. Pierre Lellouche. Moi, j’ai oublié.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas un signe d’irresponsabilité que d’essayer, avec tous les groupes de l’Assemblée, de trouver le bon équilibre.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Respecter la majorité, c’est très bien, mais il est dommage que le Gouvernement n’assume pas mieux les termes qui figuraient initialement dans son projet de loi. Mon prochain amendement en donnera un nouvel exemple.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. S’il y a un soupçon de mauvaise foi, monsieur le ministre, je crains, hélas ! qu’il ne concerne pas notre côté de l’hémicycle. Avec une argumentation habile, comme à votre habitude, vous prétendez que le délai d’examen de la demande n’est en rien rallongé. C’est vrai, mais à compter du dépôt de la demande.
Or vous conviendrez avec moi, en toute bonne foi pour le coup, que la durée de la présence en France de la personne faisant la demande est nécessairement rallongée par la rédaction adoptée en commission. C’est en effet à compter de l’entrée en France que se déroule le délai de cent vingt jours à partir duquel courra le délai d’examen de la demande d’asile. Ce qui compte sur le terrain, c’est bien évidemment la durée de présence en France du demandeur.
Je crois l’avoir démontré, les délais sont bien rallongés si l’on veut bien procéder de bonne foi à la computation.
Mme Chantal Guittet, rapporteure. Vous n’avez pas bien lu le texte.
(Les amendements identiques nos 142 et 459 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 2 et 333 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 361.
M. Arnaud Richard. Le texte du Gouvernement prévoit que l’Office statue en procédure accélérée lorsque l’autorité administrative en charge de l’enregistrement de la demande d’asile constate que cette demande n’est présentée « qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente. » Je ne comprends pas pourquoi la commission a supprimé ces derniers mots ; il ne s’agit pas d’une question de détail.
À moins que Mme la rapporteure ne parvienne à me convaincre de la légitimité de ses raisons, j’estime qu’il convient de rétablir la rédaction initiale du Gouvernement.
Une telle proposition, venant d’un membre de l’opposition, est d’ailleurs assez truculente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je vous suggère, monsieur Richard, de retirer votre amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
En effet, la commission a jugé comme moi le qualificatif « imminent » trop imprécis. Que signifie une mesure d’éloignement imminente ? Qu’elle sera prononcée dans les vingt-quatre heures, dans les quarante-huit heures, dans le mois ? Nous avons opté pour la clarté.
Je rappelle que l’alinéa 18, à l’instar des précédents, décrit un des cas dans lesquels est déclenchée la procédure accélérée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le travail très méticuleux de M. Richard appelle une réponse précise. Je ne suis pas favorable à son amendement et je préférerais qu’il soit retiré, mais je tiens à lui expliquer pourquoi.
Si j’ai bien compris son objet, l’amendement vise à compléter la disposition qui permet le placement en procédure accélérée dans le cas très précis où une demande est présentée en vue de faire échec à un éloignement.
Vous souhaitez réintroduire la mention selon laquelle la mesure d’éloignement concernée peut être « prononcée ou imminente » – des termes qui figuraient dans le projet du Gouvernement, mais que la commission des lois, au terme de ses débats, n’a pas souhaité retenir.
Or la modification introduite par la commission des lois est purement rédactionnelle. Bien que plus simple, voire elliptique, elle vise les mêmes cas, celui d’un étranger qui dépose une demande d’asile parce que les autorités publiques ont engagé contre lui une procédure d’expulsion que sa demande a pour seul objet de ralentir, ou celui d’un demandeur qui fait déjà l’objet d’une mesure d’éloignement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.
M. Pascal Cherki. Nous sommes des législateurs, monsieur Richard. Pourriez-vous me donner la définition juridique d’une mesure d’éloignement imminente ? Une mesure d’éloignement n’existe qu’à partir du moment où elle a été prononcée. Lorsqu’une autorité administrative engage une instruction pour prendre une mesure, elle peut se rétracter.
Comme nous faisons la loi, nous devons nous fonder sur des catégories juridiques « sécures ». La mesure d’éloignement n’existe qu’au moment de son prononcé. Sinon, elle n’entre pas dans l’ordre juridique, mais dans le cadre des décisions préparatoires. Seules les décisions exécutoires sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Nous avons compris.
M. Pascal Cherki. En termes de qualité de la loi, il convient donc de conserver la rédaction de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Je me permets de demander à notre collègue de définir ce qu’est une mesure juridique « sécure » en droit français. (Sourires.)
Mme Chantal Guittet, rapporteure. Prenez rendez-vous !
M. Arnaud Richard. La proposition de la commission et du Gouvernement étant plus extensive, je leur donne raison et je retire mon amendement.
(L’amendement no 361 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 223.
M. Marc Dolez. L’alinéa 19 de l’article 7 permet le recours à la procédure accélérée lorsque la préfecture constate que la présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État. La notion de « menace grave pour l’ordre public » étant large, nous proposons de la définir plus strictement en précisant que la menace doit être actuelle et personnelle. Ce faisant, nous sommes fidèles à la jurisprudence constante selon laquelle la qualification de menace à l’ordre public doit respecter le principe de proportionnalité, être fondée exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné et être actuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. La jurisprudence relative à la menace à l’ordre public exige déjà qu’une telle menace soit actuelle.
S’agissant du mot « personnelle », il paraît moins judicieux. On ne voit pas très bien ce que serait une menace personnelle à l’ordre public.
De manière plus générale, à chaque fois que l’on ajoute des qualificatifs à une condition, on ouvre la porte à des raisonnements a contrario.
Vos préoccupations, que nous partageons, étant satisfaites, je propose que vous retiriez l’amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis que la commission.
M. Marc Dolez. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 223 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 362.
M. Arnaud Richard. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 362 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 384.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Avis très favorable.
(L’amendement no 384 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Crozon, pour soutenir l’amendement no 283 rectifié.
Mme Pascale Crozon. Il s’agit de transposer l’article 36 de la directive « Procédures » aux termes duquel aucun pays ne peut être considéré comme sûr dans l’absolu, mais uniquement au regard de la situation du demandeur et en particulier des motifs de persécution qu’il invoque.
Prenons l’exemple du Ghana, pays que nous considérons comme sûr, mais où l’homosexualité est un crime puni de vingt-cinq ans de prison : lorsqu’un ressortissant ghanéen fait valoir des raisons sérieuses de penser qu’il est persécuté au motif de son homosexualité, on ne doit pas pouvoir lui appliquer la procédure accélérée.
Aux termes de cet amendement, l’OFPRA ne pourra donc pas, à moins d’avoir préalablement écarté les raisons sérieuses invoquées, appliquer la procédure accélérée au seul motif que le demandeur provient d’un « pays d’origine sûr ».
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. J’émets un avis favorable à cet excellent amendement qui apporte une clarification bienvenue. Même dans un pays inscrit sur la liste des pays d’origine sûrs, la situation d’une personne peut être, dans les faits, très difficile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Avec votre amendement, vous souhaitez, madame la députée, que la procédure accélérée puisse ne pas être appliquée au ressortissant d’un pays d’origine sûre lorsque celui-ci fait valoir que ce pays ne peut pas être considéré comme sûr à son égard en raison de sa situation personnelle et des motifs de persécution qu’il invoque.
Cette précision est conforme à l’article 36.1 de la directive « Procédures » que nous sommes censés transposer en droit interne. Le Gouvernement y est donc favorable.
(L’amendement no 283 rectifié est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 363.
M. Arnaud Richard. Je souhaite comprendre les raisons de l’alinéa 24, qui me semble relever de la réassurance en matière de vulnérabilité. Mais Mme la rapporteure va assurément me convaincre du contraire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. C’est de la clarification, monsieur Richard. La notion de vulnérabilité, issue des directives, est très discutée, car elle est source de confusion entre l’évaluation de la vulnérabilité par l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration – qui retient des critères précis tels que la minorité, le grand âge, la présence d’enfants – et celle qui résulte de l’entretien avec l’officier de protection.
L’enjeu est de proposer un habitat adapté, comme nous le verrons plus tard en examinant l’article 15. Il convient d’éviter, par exemple, que l’OFII en vienne à fournir une seule chambre pour héberger dix personnes, ou qu’il ne propose une place d’hébergement éloignée d’un hôpital à un demandeur d’asile très malade.
Il y avait en outre confusion avec les raisons qui amenaient un demandeur d’asile à chercher protection, telles qu’il pourra les exprimer devant l’OFPRA et telles que l’OFPRA les évaluera ou les prendra en considération. C’est pourquoi, compte tenu des interrogations soulevées par cette notion qui nous est un peu étrangère – car, pour nous, les demandeurs d’asile sont par définition tous vulnérables –, nous avons voulu clarifier ce qui relève de l’OFII et de l’OFPRA. Ce n’est peut-être pas absolument indispensable, mais il semble, à la réflexion, que ce le soit quand même. Je suggère donc que l’amendement soit retiré.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Je le retire donc.
(L’amendement no 363 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 155.
M. Sergio Coronado. Tout à l’heure, M. le ministre donnait une suite favorable à un amendement de Mme Crozon en rappelant que cette exigence figurait à l’article 36, alinéa 1, de la directive dont nous nous opérons aujourd’hui la transposition. Je ne doute pas que le présent amendement recevra le même avis. Il vise en effet à préciser que toutes les décisions négatives de l’OFPRA – de rejet, de clôture ou d’irrecevabilité – doivent être motivées et doivent en outre indiquer les voies et délais de recours. Il s’agit là d’une garantie essentielle, qui figure du reste dans l’article 11 de la directive que nous allons transposer. Le texte prévoit en effet que nous devons à la fois notifier par écrit et indiquer les voies de recours.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis favorable. La procédure qui fait l’objet de l’amendement est déjà la pratique à l’OFPRA, mais mieux vaut l’écrire dans le marbre de la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député Coronado, votre amendement tend à substituer à l’alinéa 27 de l’article 7 deux alinéas prévoyant une obligation de motivation des décisions négatives de l’Office, c’est-à-dire des décisions de rejet, de clôture et d’irrecevabilité, et une obligation d’indication des voies et délais de recours. Vous justifiez votre proposition par le fait qu’il s’agit d’une garantie essentielle pour les demandeurs, d’ailleurs imposée par l’article 11 de la directive « procédures » que nous avons déjà évoquée depuis le début de nos débats.
Le Gouvernement est bien entendu favorable à votre amendement, qui correspond à la lettre et à l’esprit de cette directive et permet d’en assurer une transposition parfaite.
(L’amendement no 155 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 426.
M. Arnaud Richard. Peut-être cet amendement procède-t-il d’une crainte infondée – sans doute en effet les systèmes d’information européens permettent-ils de déjouer ce risque –, mais je souhaiterais que le Gouvernement nous rassure quant à la possibilité que des demandeurs d’asile aient déposé des demandes d’asile en cours d’instruction dans différents pays limitrophes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Monsieur Richard, je ne saurais me substituer au Gouvernement pour vous apporter les assurances que vous attendez de sa part. Je vous suggère néanmoins de retirer votre amendement, qui n’est pas nécessaire. En effet, un demandeur d’asile qui fournirait des éléments sur les demandes d’asile qu’il a pu formuler ailleurs ne serait plus demandeur d’asile en France, car on considérerait qu’il est « dublinable ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, votre amendement tend à prévoir à l’article 7, alinéa 30, que le demandeur peut étayer sa demande par des éléments relatifs à une demande d’asile qu’il a pu présenter dans un autre pays et qui serait en cours d’instruction. Votre proposition ne me paraît pas pouvoir être acceptée en l’état, car elle pose un problème de fond, celui de sa compatibilité avec le règlement Dublin III, qui traite avec une grande précision de la situation des demandeurs d’asile ayant déposé des demandes dans plusieurs pays européens. La mise en œuvre de ce règlement étant en soi déjà délicate, il ne me semble pas opportun d’introduire dans notre droit national des dispositions qui risqueraient de lui être contraire.
Je vous propose donc retirer votre amendement car, dans notre débat destiné à transposer les directives européennes, tout ce qui irait à l’encontre du droit européen nous conduirait à des impasses législatives et politiques et produirait de sérieuses difficultés opérationnelles.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 426 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 321.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Cet amendement déposé par le groupe auquel j’appartiens, tend à consacrer les missions foraines effectuées par l’OFPRA dans les territoires. Le projet de loi prévoyant en effet une déconcentration des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire, la pratique de missions déconcentrées permet de mieux répondre aux besoins, car les personnes hébergées dans des territoires éloignés de la région parisienne pourront ainsi voir leur dossier examiné sans délai et dans de meilleures conditions. Cette mesure répond à des objectifs de réduction des délais et d’économie : les missions déconcentrées permettant qu’il soit statué plus rapidement sur leur cas, ces personnes séjourneront moins longtemps en CADA. Cet amendement tend donc à rechercher l’efficacité avec un dispositif qui a déjà été employé à plusieurs reprises dans le passé par l’OFPRA et que nous souhaitons voir désormais consacré par voie législative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Monsieur Touraine, je vous invite à retirer votre amendement car, comme vous l’indiquiez dans l’exposé des motifs, cette pratique est déjà possible. Il s’agit d’une disposition infralégislative et votre amendement est déjà largement satisfait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur pour avis. Cet amendement étant une demande de mon groupe, je le maintiens.
Mme la présidente. Madame la rapporteure, pouvez-vous préciser l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Sagesse.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, qu’en est-il pour le Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement s’en remet également à la sagesse de l’Assemblée.
(L’amendement no 321 est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements, nos 56, 224, 342 rectifié, 312 et 57, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 56, 224 et 342 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 56.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à supprimer l’exception de l’asile « s’il existe de bonnes raisons de penser que ces persécutions graves ne se reproduiront pas ». Comme l’exprime fort bien M. Marc Dolez, à une présomption de crédibilité, on oppose une spéculation par le raisonnement. Tout à l’heure, M. Cherki a réagi à la proposition de M. Richard en observant que la notion d’OQTF « imminente » n’était pas très juridique car, soit cette obligation était prononcée, soit on ignorait le délai dans lequel elle le serait. L’expression « de bonnes raisons de penser » est floue et pourrait faire l’objet de multiples recours. Par ailleurs, elle s’oppose à la présomption de crédibilité reconnue aux demandeurs d’asile dès lors que leur récit est construit ou que les critères sont remplis et que l’analyse de la dangerosité du pays par les officiers ou par la CNDA est établie. Je propose donc la suppression de cette expression malheureuse.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 224.
M. Marc Dolez. Cet amendement est identique au précédent. Nous considérons nous aussi que la dérogation à la présomption de crédibilité fondée sur l’existence de « bonnes raisons de penser que » est particulièrement floue et s’oppose au principe de sécurité juridique. D’où cet amendement de suppression de la fin de l’alinéa 33.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 342 rectifié.
M. Arnaud Richard. Mon amendement est également identique aux deux précédents. J’ajoute que l’expression que ces amendements visent à supprimer risque de susciter de nombreux contentieux. Comme MM Dolez et Coronado, nous considérons que la précision s’impose.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement no 312.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il s’agit d’un amendement de clarification. Les « bonnes raisons de penser » qu’une persécution ne se reproduira pas ne sont en aucun cas une considération objective et peuvent laisser place à l’interprétation. L’appréciation doit plutôt s’appuyer sur un changement significatif et durable dans le pays d’origine du demandeur d’asile.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 57.
M. Sergio Coronado. Cet amendement de repli précise que les « bonnes raisons » précédemment évoquées doivent être des éléments précis et circonstanciés. Sans doute sommes-nous en effet nombreux à considérer, sur les bancs de la majorité et même sur ceux de l’opposition, que l’expression utilisée dans le texte ouvre grand les portes au contentieux et ne présente pas la sécurité juridique nécessaire dans des procédures administratives aussi délicates que celle de la demande de reconnaissance du droit d’asile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. J’ai de bonnes raisons de penser que mes collègues ont raison, même si cette appellation de « bonnes raisons » transpose l’article 4, paragraphe 4, de la directive « qualifications ». Je vous propose donc de nous rallier à l’amendement no 57 de M. Coronado, dont la rédaction précise et circonstanciée mérite de rassembler les amendements visant à supprimer cette expression malheureuse. J’invite les auteurs des autres amendements à les retirer au profit de celui-ci.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ces amendements soumis à discussion commune poursuivent tout le même objectif, mais n’ont pas tous la même rédaction. L’amendement no 57 de M. Coronado présente, comme vient de l’indiquer la rapporteure, des qualités rédactionnelles et de précision justifiant qu’on ne retienne plutôt que tous les autres, qu’il conviendrait de retirer. Le Gouvernement émettrait alors un avis très positif de sagesse au profit de cet amendement n° 57.
Mme la présidente. Monsieur Coronado, retirez-vous l’amendement no 56 ?
La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Madame la rapporteure, à l’occasion de discussions comparables que nous avons eues sur d’autres amendements, à propos de la formation, vous aviez choisi en commission un amendement de repli, à quoi j’avais alors répondu qu’il s’agissait selon moi d’un point de départ pour la discussion. L’amendement no 56 a le soutien d’un bon nombre de nos collègues – il est soutenu à la fois par MM. Richard et Dolez, et même par M. Cherki –, ce qui n’est pas le cas de l’amendement no 57. Je maintiens donc cet amendement no 56 et, s’il est rejeté, nous débattrons de l’amendement de repli.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Je maintiens mon amendement no 224
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Et moi, mon amendement no 342 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Quant à moi, je retire l’amendement no 312 au profit de l’amendement no 57.
(L’amendement no 312 est retiré.)
Mme la présidente. Madame la rapporteure, les trois amendements identiques étant maintenus, je vous remercie de préciser votre avis sur ces trois amendements.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je n’avais pas compris que les trois amendements identiques étaient maintenus : le sont-ils tous les trois ?
Mme la présidente. Oui !
M. Marc Dolez. Oui ! Cela fait trois groupes sur les six que compte l’Assemblée nationale !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Même celui de M. Richard ?
M. Arnaud Richard. Oui !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. J’émets un avis défavorable à ces trois amendements et je maintiens mon avis favorable à l’amendement no 57.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(Les amendements identiques nos 56, 224 et 342 rectifié ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 57 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 181.
M. Denys Robiliard. M. Lellouche avait présenté le même amendement que moi, mais pour des raisons radicalement différentes. Lui estimait que l’exigence en termes probatoires n’était pas suffisante ; je pense moi qu’il ne faut pas définir, en tout cas pas trop avant, la façon dont se forme l’intime conviction à laquelle se résume quand même, me semble-t-il, la prise de décision à l’OFPRA et ensuite à la CNDA.
J’aurais pu me satisfaire de la première partie de l’alinéa 34 : « Lorsqu’une partie de ses déclarations n’est pas étayée par des éléments de preuve, il n’est pas exigé du demandeur d’autres éléments de justification (…) ». Mais ensuite, l’alinéa, qui a un style extrêmement bruxellois, multiplie la complexité pour aboutir à un système probatoire dans lequel, si on est dans telle situation, il se passe ceci, et si on est dans telle autre situation, il se passe cela. Or, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne mais sur la cohérence d’un récit, la pertinence de ce récit et sa cohérence avec ce que l’on sait d’un pays, l’absence de contradiction. Pour autant, il ne s’agit pas d’un système formel de preuve comme celui que tend à instituer cet alinéa 34, raison pour laquelle je souhaite sa suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je propose à notre collègue Robiliard de retirer son amendement. Je signale que l’amendement suivant, présenté par le Gouvernement, modifie la rédaction de cet alinéa 34 qui crée du trouble chez vous : peut-être la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement vous apaisera-t-elle.
Mme la présidente. Monsieur Robiliard, retirez-vous votre amendement ?
M. Denys Robiliard. Je le retire.
(L’amendement no 181 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 472.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mme la rapporteure vantait par anticipation la capacité apaisante de l’amendement no 472 du Gouvernement : je vais donc le présenter pour voir quel effet il produit. (Sourires.)
Il vise à préciser l’alinéa 34, relatif au mode de preuve venant de l’OFPRA, dont la rédaction a suscité des interrogations de la part de plusieurs d’entre vous, notamment à la faveur des amendements nos 181 et 183 déposés par MM. Robiliard et Cherki.
Le Gouvernement vous propose ainsi de clarifier la rédaction de la disposition en y consacrant pleinement, au bénéfice des demandeurs d’asile, le principe de crédibilité, qui a pour effet d’alléger la charge de la preuve pesant sur eux. En effet, il ne peut être attendu d’un ressortissant étranger qui a fui les persécutions et les menaces graves dont il était l’objet dans son pays, le plus souvent d’ailleurs dans la précipitation et sans être en mesure de préparer dans de bonnes conditions son départ, d’apporter des éléments de preuve matérielle de l’ensemble de ses allégations.
Cette circonstance ne doit pas pour autant être préjudiciable au demandeur. L’OFPRA, dès lors que le demandeur a coopéré avec lui en s’efforçant de présenter l’ensemble des éléments de sa demande, doit alors apprécier ses déclarations au regard de leur crédibilité générale et de leur vraisemblance, notamment avec toute la documentation disponible.
Ce mode d’appréciation est celui préconisé par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR. L’objet de cet amendement est donc d’intégrer dans la loi les éléments que je viens d’indiquer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Vous vous êtes demandé, monsieur le ministre, quel effet cet amendement produirait : je dirai qu’en ce qui me concerne, il crée un effet de soulagement ! Lorsque je lis ce texte, qui est beaucoup mieux venu et beaucoup plus concis que le style pâteux, que notre collègue a qualifié justement de « bruxellois », de la directive, on se sent effectivement allégé d’un certain poids à l’idée qu’on ne va pas, dans un texte de loi qui tout de même se tient à peu près, écrire des choses pareilles.
Il y a tout de même un petit inconvénient ; c’est pourquoi j’eusse préféré pour ma part voter l’amendement de mon collègue Robiliard. On introduit en effet un élément de psychologie et de subjectivité qui ne figurait pas jusqu’ici dans la loi – nous sommes dans l’objectif – en écrivant « (…) il s’est réellement efforcé d’étayer (…) ». C’est un peu le professeur qui juge l’élève : « Il a fait des efforts » ! Je trouve un peu regrettable que cet élément de psychologie individuelle soit inséré dans un texte de loi qui doit garder une certaine objectivité, surtout lorsqu’il définit des critères d’acceptation.
Mais, comme je le disais en commençant mon propos hier après-midi, « Le mieux est l’ennemi du bien » : je crois que l’amendement du Gouvernement, monsieur le ministre, est déjà d’une écriture plus légère et donc beaucoup plus acceptable.
(L’amendement no 472 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 183.
M. Denys Robiliard. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 34. Je m’interroge en effet sur la nature de la charge de la preuve : est-ce au demandeur de rapporter complètement la preuve qu’il répond à la définition d’un réfugié ? Est-ce au demandeur de rapporter complètement la preuve, s’il ne s’agit pas d’un réfugié, qu’il est éligible à la protection subsidiaire ? Que se passe-t-il quand, même avec un récit cohérent, l’officier de protection ou la CNDA a des doutes ? Je souhaite que quand soit l’OFPRA, soit la CNDA ne peut pas écarter l’hypothèse que la personne puisse être persécutée ou être éligible à la protection subsidiaire, cela bénéficie au demandeur.
Dans l’exposé des motifs de l’amendement, j’ai indiqué qu’il s’agissait d’une extension du principe de précaution : je pense que c’est pour ne pas entendre cela que l’opposition a déserté nos rangs ! (Sourires.)
M. Sergio Coronado. C’est pourtant de l’innovation responsable !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je vous propose de retirer cet amendement, monsieur Robiliard, parce qu’il s’appliquait à un alinéa 34 dont la rédaction vient d’être magnifiquement modifiée, au grand soulagement de tous et dans l’apaisement général !
De plus, il me semble qu’il y a une petite confusion : il s’agit ici de l’OFPRA, et non de la CNDAni d’une juridiction. Je vous remercie donc de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement est du même avis que Mme la rapporteure. La rédaction lyophilisée, allégée qui a été présentée, est satisfaisante. Je propose par conséquent que cet amendement soit retiré au profit de l’amendement qui a été présenté à l’instant et qui en satisfait les intentions.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Puisqu’il sera acté au procès-verbal que l’interprétation donnée par le Gouvernement est que le mode de preuve comme la définition de la preuve qui ont été choisis permettent au doute de fonctionner, je préfère garder cela ! Je retire donc mon amendement.
(L’amendement no 183 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 225.
M. Marc Dolez. Cet amendement vise à supprimer l’article qui prévoit que l’OFPRA peut demander au demandeur d’asile de se soumettre à un examen médical pour évaluer la crédibilité de ses déclarations. Outre qu’elle est source de suspicion envers les demandeurs d’asile, l’exigence d’un certificat médical pourrait, nous le craignons, aboutir à une certaine systématisation.
J’ajoute que, à notre sens, l’exigence de ce certificat n’est pas suffisamment encadrée, notamment au regard du secret médical.
Enfin, la précision que le refus de la personne de se soumettre à cet examen médical ne fait pas obstacle à ce que l’Office statue sur sa demande ne nous rassure pas dans la mesure où rien ne garantit que ce refus ne lui serait pas préjudiciable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je vous propose de retirer votre amendement, monsieur Dolez, parce que les dispositions visées sont en fait une mise en œuvre des articles 18 et 25 de la directive « Procédures ». Je souligne que le demandeur d’asile est libre de refuser l’examen médical et que cela n’empêche effectivement ni que de sa demande de protection soit prise en compte, ni que l’OFPRA statue.
Par ailleurs, le dernier alinéa que vous souhaiteriez supprimer prévoit que des dispositions réglementaires viendront préciser les garanties qui entourent ce dispositif légal, en particulier que ces dispositions sont prévues conjointement par le ministre en charge de l’asile et par le ministre de la santé. Cela encadre donc cette possibilité ouverte à l’OFPRA, qui n’est naturellement pas une obligation ; elle doit d’ailleurs être relativement rare dans les faits et dans la pratique de l’OFPRA.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Monsieur Dolez, retirez-vous votre amendement ?
M. Marc Dolez. Je suis prêt à retirer cet amendement au profit de l’amendement no 234 : il s’agit d’un amendement de repli qui prévoit strictement les cas où un certificat médical peut être fourni.
Mme la présidente. L’amendement no 225 est donc retiré, monsieur Dolez ?
M. Marc Dolez. Dans la mesure où je le retire et que Mme la rapporteure émet un avis favorable à l’amendement de repli, tout va bien !
M. Sergio Coronado. Comme elle l’a fait avec le mien tout à l’heure !
M. Marc Dolez. C’est cela : comme elle l’a fait avec M. Coronado, pour traiter à égalité nos deux groupes !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. En réalité, l’amendement no 234 ne peut pas être un substitut aux dispositions que vous visez dans l’amendement no 225. Il ne peut donc pas constituer un repli acceptable. Je maintiens mon avis défavorable au cas où l’amendement no 225 serait maintenu.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Je retire l’amendement no 225 et je maintiens l’amendement de repli no 234.
(L’amendement no 225 est retiré.)
(L’amendement no 234, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 30.
M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à permettre à l’OFPRA de statuer en procédure accélérée lorsque le demandeur refuse de se soumettre à un examen médical.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. C’est un amendement qui vous ressemble, monsieur Ciotti !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On va savoir dans quelques instants si c’est un compliment…
M. Éric Ciotti. Pas sûr !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. D’une certaine manière, il ressemble au réquisitoire que vous avez instruit hier dans votre motion de procédure : avec vous, tout est toujours accéléré, prioritaire, et du coup plus rien ne l’est !
C’est un peu ce qu’on a vécu ces dernières années : tout est accéléré ! En dehors du fait que ce serait en l’occurrence très choquant, parce que quelqu’un qui refuserait de se soumettre à un examen médical peut avoir des raisons de ne pas vouloir le faire, on ne voit pas en quoi cela devrait accélérer les délais d’examen de sa demande. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.
(L’amendement no 30, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 226.
M. Marc Dolez. Le récit est l’élément essentiel de la demande d’asile. La question du choix de la langue est donc primordiale. Afin que le demandeur puisse détailler les éléments de sa demande dans les meilleures conditions possibles, il convient de lui permettre de s’exprimer dans la langue de son choix. Autoriser l’usage d’une langue dont le demandeur d’asile n’a qu’une « connaissance suffisante » risque en effet de compromettre la pleine effectivité de l’entretien. J’ajoute que la formulation existante laisse en quelque sorte un pouvoir discrétionnaire à l’officier de protection pour choisir une autre langue. Nous avons donc déposé cet amendement, pour que le demandeur puisse choisir la langue dans laquelle il souhaite s’exprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Le choix de la langue est le principe, l’exception consistant à proposer au demandeur d’asile de s’exprimer dans une langue qu’il maîtrise. Voici ce que dit l’alinéa 45 : « Le demandeur se présente à l’entretien et répond personnellement aux questions qui lui sont posées par l’agent de l’office. Il est entendu dans la langue de son choix, sauf s’il existe une autre langue dont il a une connaissance suffisante. » En effet, il n’existe pas forcément d’interprète pour toutes les langues. Si nous nous limitions aux langues du choix du demandeur d’asile, il pourrait donc ne pas y avoir d’interprétariat ni, par conséquent, de possibilité de bien entendre la demande de protection du demandeur d’asile.
Compte tenu de ces éléments, je vous invite à retirer cet amendement, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Dolez ?
M. Marc Dolez. Oui, madame la présidente.
(L’amendement no 226 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 227.
M. Marc Dolez. Il s’agit d’un amendement de repli, avec lequel j’espère avoir plus de chance que tout à l’heure. Il permettrait en quelque sorte de revenir au texte initial, qui prévoyait que le demandeur devait être à même de communiquer clairement dans cette autre langue, mais en retenant l’expression « communiquer couramment ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. S’exprimer couramment dans une langue, c’est la maîtriser presque comme sa langue maternelle.
M. Sergio Coronado. Pas du tout !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Cet amendement impose donc un niveau d’exigence qui compliquerait beaucoup la tâche de l’OFPRA en termes d’interprétariat. Je vous invite donc à le retirer. Mais comme il va sans doute être maintenu, puisque c’est un amendement de repli, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. La question de la langue n’est pas anodine. La procédure, notamment la reconnaissance du statut de réfugié, se fonde en effet d’abord sur la cohérence du récit et la capacité du demandeur d’asile à s’exprimer et à répondre seul aux questions, puisqu’il n’est pas aidé pour cela, que ce soit par son conseil ou par un tiers.
J’étais déjà convaincu par l’argumentation de Marc Dolez sur l’amendement précédent, puisqu’il s’agissait du choix du demandeur de s’exprimer dans la langue qu’il décide.
Selon vous, madame la rapporteure, parler couramment une langue reviendrait à être bilingue. Ce n’est pas du tout le cas : on peut parler une langue de manière fluide sans pour autant se sentir pleinement à l’aise dans celle-ci. Il est nécessaire d’apporter la précision proposée par M. Dolez, à savoir les mots « qu’il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer couramment », mais encore une fois, cela ne veut pas dire être bilingue. La précision apportée par l’amendement est suffisamment claire pour permettre à la fois à l’OFPRA et au demandeur d’avoir le choix.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Je suis bien entendu d’accord avec ce que vient de dire M. Coronado. Je précise par ailleurs à Mme la rapporteure que la formulation que nous proposons, qui vise à aller au-delà d’une « connaissance suffisante », terme qui paraît tout de même extrêmement vague, que les directives « Procédures » et « Qualification », qu’il s’agit de transposer, font référence, s’agissant de l’information du demandeur d’asile, à une langue « qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend », et que s’agissant des conditions de l’entretien personnel, la directive Procédures prévoit que « la communication a lieu dans la langue pour laquelle le demandeur a manifesté une préférence, sauf s’il existe une autre langue qu’il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement. » Vous conviendrez que cela va bien au-delà de la « connaissance suffisante ».
Je souhaiterais donc que vous reconsidériez votre position sur cet amendement.
M. Sergio Coronado. Nous sommes d’accord.
Mme la présidente. J’en conclus donc qu’il est maintenu.
(L’amendement no 227 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 385 rectifié.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 385 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 386.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il est également rédactionnel.
(L’amendement no 386, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 242, 282 rectifié et 252, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 242 et 282 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 242.
M. Marc Dolez. Cet amendement vise à permettre au conseil de jouer un rôle actif au cours de l’entretien, et non uniquement à la fin de celui-ci. Cela permettrait de ne pas transposer la directive « Procédures » a minima, comme nous le regrettons sur un certain nombre de dispositions, et cela constituerait une avancée significative.
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement identique no 282 rectifié.
M. Sergio Coronado. Je crois me souvenir que lorsque nous avons examiné ces amendements en commission des lois, notre collègue Robiliard nous a confié que cette possibilité offerte au demandeur d’être accompagné par un conseil ou par un tiers associatif lui rappelait la longue marche qui avait été celle de l’avocat pour la garde à vue : on a commencé par tolérer sa présence, avant de finir par accepter que son rôle devienne pleinement actif. Nous sommes à peu près dans la même situation en ce qui concerne les demandeurs d’asile. Nous avons l’impression d’avoir franchi un grand pas, et c’est le cas, mais ce n’est pas encore suffisant. Mieux vaudrait aller jusqu’au bout de l’esprit de la directive plutôt que se contenter d’une transposition a minima.
Vous le savez très bien, madame la rapporteure : tous les demandeurs ne seront pas accompagnés d’un avocat ou d’une association. Permettons au moins à ceux qui le seront de bénéficier pleinement de leurs conseils et de leur participation au cours de l’entretien.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 252.
M. Denys Robiliard. Soyons clairs, l’entretien avec un officier de protection de l’OFPRA n’a rien à voir avec un interrogatoire par le juge d’instruction : nous ne sommes pas du tout dans le même domaine. Il s’agit simplement d’une comparaison. Or si comparaison n’est pas raison, cela permet parfois d’éclairer le débat, d’autant que dans le cas présent, le vocabulaire est assez commun avec celui que l’on pouvait trouver dans le code de procédure pénale.
J’ai en effet comparé le régime de l’instruction avec celui de la garde à vue. À l’instruction, l’avocat peut poser des questions, sous le contrôle du juge. Si le juge refuse qu’il pose des questions, il prend des conclusions, et tout est reporté en fin d’interrogatoire.
Il me paraît important que l’officier de protection ait la maîtrise de l’entretien. C’est donc à lui de donner son accord – et c’est sans doute ainsi que les choses se feront, de façon très informelle – pour des observations au fil de l’entretien. Dans le cas contraire, elles sont reportées à la fin de l’entretien. Mais ménageons au moins un peu de spontanéité, en prévoyant que si le conseil du demandeur estime qu’un propos est mal perçu ou qu’il y a une incompréhension, celle-ci puisse être levée immédiatement.
Je ne peux en effet m’empêcher de faire la comparaison avec la méfiance qui a longtemps entouré la présence de l’avocat dans le cabinet du juge d’instruction. Voyez ce qu’écrivaient les professeurs de procédure pénale au début du vingtième siècle, et plus encore à la fin du dix-neuvième : ils craignaient qu’elle n’empêche toute manifestation de la vérité. Cela n’empêche rien du tout ! On a dit la même chose plus tard à propos de la garde à vue.
Encore une fois, nous ne sommes pas du tout dans le même contexte. Pourquoi ne pas faire un peu confiance aux conseils, dès lors qu’ils parleront sous contrôle et que ce sera bien l’officier de protection – et lui seul – qui conduira l’entretien ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. C’est un avis défavorable, même si je remercie M. Robiliard d’avoir rappelé que l’entretien avec l’officier de protection n’a rien à voir avec une garde à vue et que la présence d’un tiers à cet entretien constitue un grand progrès, d’autant qu’il ne s’agit pas nécessairement d’un avocat, même si j’ai beaucoup de respect pour cette profession, puisque ce peut être un représentant d’association.
Que se passe-t-il vraiment lors d’un entretien à l’OFPRA ? Tout d’abord, il faut savoir qu’il a été précédé d’un récit, qui a été couché noir sur blanc. Les demandeurs bénéficient souvent d’une aide pour rédiger ce récit. Le conseil qui sera présent à l’entretien sera donc déjà intervenu, en principe, sur le récit écrit que l’officier de protection a en sa possession.
Je trouverais dommage de figer les choses, même si la nature et la pratique feront que dans certains cas, lorsque l’officier de protection sentira que les réponses du demandeur correspondent mal à ce qui est écrit dans le récit, il autorisera très probablement le tiers accompagnateur à formuler des observations pendant l’entretien, et pas seulement à la fin de celui-ci. Quoi qu’il en soit, ce dernier peut – et c’est l’essentiel – formuler des observations à la fin de l’entretien. Il restera donc une trace.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. La reconnaissance du droit pour le demandeur d’être assisté par un tiers au cours de l’entretien est une avancée majeure dans notre droit, en termes de garantie pour les personnes, mais aussi de transparence dans le processus de décision. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu introduire ce dispositif dans la loi.
Il convient cependant de préserver – et j’insiste beaucoup sur ce point – la dimension individuelle et personnelle de l’entretien. L’entretien devant une autorité administrative ne peut pas être confondu avec une procédure de caractère juridictionnel. C’est pourquoi l’intervention du tiers à l’issue de l’entretien, dans des conditions conformes à la directive de 2013, constitue selon nous la voie la plus adaptée. Elle n’exclut évidemment pas la possibilité, pour l’officier de protection qui mène cet entretien, pour permettre l’expression des craintes, de solliciter de sa propre initiative l’intervention du conseil, si celle-ci est souhaitable et souhaitée.
Enfin, la modalité retenue par le projet vise également à permettre l’exercice de ce droit nouveau fondamental dans des conditions – et j’insiste aussi sur ce point – qui soient compatibles avec les délais de décision attendus de l’OFPRA.
Nous ne pouvons donc, pour toutes ces raisons, accueillir favorablement les amendements qui sont proposés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Je suis pour ma part très réservée sur ces amendements. Comme l’a dit la rapporteure, il faut laisser les choses évoluer selon la personnalité de l’officier et, éventuellement, de la personne reçue en entretien. Peut-être, dans certains cas, le conseil pourra-t-il intervenir, voire être sollicité en ce sens, mais je ne crois pas qu’il faille figer cela dans le texte, avant tout parce qu’un dialogue à deux n’est pas un dialogue à trois : ça n’a pas du tout la même nature. Tous ceux qui l’ont pratiqué savent à quel point l’entretien, le face-à-face entre celui qui écoute et celui qui parle est essentiel en ces affaires.
Par ailleurs, je voudrais apporter un témoignage concernant la CNDA – je ne puis en apporter d’autre. J’ai vu trop souvent des avocats ou des conseils qui, croyant bien faire, plaquaient une situation générale – qu’ils connaissaient plus ou moins bien, au gré de leurs lectures ou de leurs observations – sur la réalité vivante de ce que peut dire un individu. De façon certaine, dans un certain nombre de cas, cela nuisait à la cause qu’ils entendaient défendre, parce que la précision – ou, parfois, l’imprécision – des termes du demandeur ne peut s’accommoder d’une sorte de storytelling, si je puis dire, faite par le conseil à la place de celui qui demande. Personne n’est à la place de celui qui demande, personne ne peut se mettre à sa place. S’il est bon que l’officier – ou le juge, dans d’autres circonstances – ne soit pas trop impressionnant pour la personne entendue, et que cette dernière soit accompagnée d’un conseil, j’insiste sur le fait que c’est d’abord cette personne qu’il faut écouter, et non pas le conseil, d’autant que, comme je l’ai dit, dans un certain nombre de cas que j’ai en mémoire, c’est contre-productif.
(Les amendements identiques nos 242 et 282 rectifié ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 252 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Éric Ciotti. Je le retire l’amendement au profit de l’amendement no 3, que je vais présenter maintenant, si vous le permettez, madame la présidente.
(L’amendement no 31 est retiré.)
Mme la présidente. Je vous en prie.
M. Éric Ciotti. L’amendement no 3 vise à prendre en compte la présence de l’avocat ou du conseil. Vous l’avez évoqué, monsieur le ministre, ce projet de loi transcrit la disposition de la directive de 2013 relative à ce sujet. Nous en prenons acte mais vous ne pouvez contester, comme sur d’autres sujets, que cet élément procédural va allonger la procédure : lors des auditions, le directeur de l’OFPRA évaluait, me semble-t-il, la durée moyenne supplémentaire à vingt minutes par entretien.
Je veux répondre à Mme Mazetier qui, tout à l’heure, m’accusait de vouloir en permanence raccourcir les délais : je le revendique et je crois que c’est dans l’esprit du texte et de l’objectif que M. le ministre de l’intérieur a assigné à ce dernier. On est donc là face à un élément qui, j’en conviens, monsieur le ministre, ne relève pas de votre pouvoir de décision, puisqu’il est issu de la directive, mais qui va aboutir à allonger les délais de façon très importante. Je propose donc que, par décret, il puisse être fixé une durée maximale pour l’intervention du conseil, de l’avocat : l’amendement que je viens de retirer l’avait fixée à quinze minutes, tandis que le directeur de l’OFPRA parlait de vingt minutes. En tout état de cause, il convient, j’y insiste, de fixer un délai limite.
Monsieur le ministre, vous aviez fixé pour objectif de raccourcir les délais mais, à la sortie, les délais vont être allongés – au gré de ces débats, c’est la conclusion vers laquelle on s’achemine –, parce que les procédures ont été considérablement complexifiées par votre majorité. Je regrette que vous n’ayez pas le courage de vous opposer à ces dérives qui vont considérablement dénaturer l’esprit de votre projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Monsieur Ciotti, je ne vous faisais pas le reproche de vouloir raccourcir tous les délais…
M. Éric Ciotti. Si, vous l’avez dit !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. …mais d’avoir mené systématiquement des politiques soi-disant prioritaires ou d’avoir mis en place des procédures dites accélérées, ce qui a eu pour conséquence d’allonger tous les délais. Ce sont exactement les problèmes auxquels s’attaque ce projet de loi. Il existe en effet plusieurs types de procédures – normales ou prioritaires – de demande d’asile mais, en fait, tout le monde attend plus de deux ans. Vous aviez même inventé la domiciliation préalable au dépôt d’une demande d’asile, en conséquence de quoi la durée de traitement d’une telle demande s’élevait à deux ans, à laquelle il fallait ajouter les sept mois d’enregistrement de la demande : à Paris et en région parisienne, il fallait donc deux ans et demi pour instruire une demande d’asile. Je ne vous accuse donc pas de vouloir raccourcir les délais. Je considère que ce texte le fait bien mieux que vous ne l’avez fait, vous qui avez affiché une politique mais abouti aux résultats inverses.
M. Éric Ciotti. On fera le compte à la fin : rendez-vous dans un an !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je suis défavorable à l’amendement no 3, quand bien même vous avez retiré l’amendement précédent, qui visait à donner un quart d’heure, chronomètre en main, à l’avocat ou au tiers présent pour formuler ses observations. De fait, une telle mesure aurait rigidifié à l’excès le déroulement de l’entretien, qui peut nécessiter, en fonction des circonstances, des observations plus ou moins longues. Ne rigidifions pas les choses.
(L’amendement no 3, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 287.
M. Sergio Coronado. Il est retiré.
(L’amendement no 287 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 58.
M. Sergio Coronado. Il est également retiré.
(L’amendement no 58 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 387.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. C’est un amendement de conséquence.
(L’amendement no 387, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 388.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 388, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Éric Ciotti. N’y voyez pas une tendance obsessionnelle mais je reviens à mon objectif de raccourcir les délais. Je veux vous aider, monsieur le ministre, un peu malgré vous, peut-être « à l’insu de votre plein gré » (Sourires.), puisque vous montrez très peu d’ardeur, ce soir, à défendre les objectifs de votre texte.
Le projet de loi dispose qu’une transcription écrite devra être versée au dossier. L’amendement no 4 a pour objet de lui substituer, à titre exclusif, un enregistrement sonore, toujours dans le même souci, monsieur le ministre, de ne pas allonger les délais. En effet, cette transcription écrite va impliquer un travail supplémentaire considérable pour les officiers de protection et, à la sortie, on connaîtra, une fois de plus, un allongement des délais contraire aux objectifs que vous vous êtes vous-même assignés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je propose à M. Ciotti de retirer son amendement parce qu’il est en contradiction complète avec la directive « Procédures » que nous devons transposer, dont l’article 17 dispose qu’il faut impérativement une transcription écrite. Il est dommage que M. Lellouche ne soit plus là ; en effet, ayant été secrétaire d’État en charge des affaires européennes, il doit connaître parfaitement les directives du paquet « Asile ». À ce titre, il aurait pu vous expliquer que l’on peut ajouter un enregistrement sonore, mais que l’on ne peut en aucun cas se passer d’une transcription écrite. Je vous propose de retirer l’amendement ; à défaut, je donnerai un avis défavorable, ce qui serait fâcheux vis-à-vis de votre collègue du groupe UMP.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, je suis très désireux de faire en sorte que les objectifs du projet de loi, notamment en termes de raccourcissement des délais, soient atteints. Pour ce faire, il faut que nous fassions preuve d’une grande rigueur juridique. En effet, déposer un grand nombre d’amendements inconstitutionnels ou non conformes à la directive est parfois une manière de faire plaisir à son électorat mais ne permet absolument pas de parvenir à un texte juridiquement solide et efficace. Or, tous les amendements que vous proposez n’ont ni pertinence ni fondement juridiques et nous conduisent à des impasses.
C’est précisément pour sauver le texte, et faire en sorte que les objectifs qu’il prétend atteindre soient atteints, que j’essaie d’éviter tous les accidents graves auxquels vous risquez de nous conduire.
Le gouvernement est donc tout à fait défavorable à l’amendement de M. Ciotti.
M. Éric Ciotti. Nous avons passé minuit et vos arguments sont légers !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé. Nous avons le dos large, monsieur le ministre, mais je voudrais quand même rappeler que les deux principales directives dont votre texte engage la transposition sont les directives « Accueil » et « Procédures », toutes deux du 26 juin 2013 – j’insiste sur cette date. J’entends bien que le processus de négociation avait commencé avant mais il nous semble avoir remarqué que, le 26 juin 2013, nous n’étions pas en situation de responsabilité.
(L’amendement no 4 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 59 et 84.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 59.
M. Sergio Coronado. Je vais relayer la préoccupation exprimée par notre collègue Ciotti : il faut aller vite, accélérer, ne pas perdre de temps (Sourires.) Aussi cet amendement vise-t-il à permettre une transmission automatique des transcriptions aux demandeurs et à leurs conseils. Il s’agit d’une mesure de simplification car, comme je l’avais dit en commission, l’envoi sur demande peut être beaucoup plus chronophage qu’un envoi automatique. Ce serait donc plus simple et faciliterait la procédure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 84.
Mme Jeanine Dubié. Comme vient de le dire notre collègue, l’objet de cet amendement est de rendre systématique la transmission de la transcription de l’entretien personnel, afin que cette transmission ne soit pas uniquement liée à la demande de l’intéressé. Cela nous paraît participer à la protection des droits et libertés des demandeurs d’asile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je propose le retrait de ces amendements, car ils ne vont pas du tout dans le sens de la simplification. Par ailleurs, l’envoi systématique n’est absolument pas demandé par la directive. À défaut de retrait, mon avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(Les amendements identiques nos 59 et 84 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 109, 228 et 313.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 109.
M. Sergio Coronado. L’exception prévue à l’alinéa 53 de l’article 7 qui porte sur la transmission tardive des transcriptions en cas de placement en procédure accélérée ne se justifie pas. La remise en amont de la transcription de l’entretien de l’OFPRA est une garantie importante pour le demandeur et simple à mettre en place. Tel est le sens du présent amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 228.
M. Marc Dolez. Pour notre part, nous considérons également que rien ne justifie le fait de priver les demandeurs d’asile placés en procédure accélérée de la remise en amont de la transcription de l’entretien. Monsieur le ministre, j’ai bien écouté tout à l’heure vos explications très précises sur la procédure accélérée et il me semble que l’adoption de cet amendement viendrait conforter et illustrer votre propos, puisque les garanties sont supposées être identiques en procédure accélérée et en procédure normale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Crozon, pour soutenir l’amendement no 313.
Mme Pascale Crozon. La directive prévoit expressément que le compte rendu est fourni avant la décision et nous ne voyons pas de bonne raison d’y déroger. Fournir ce compte rendu ne représente pas une perte de temps significative pour l’OFPRA, qui doit de toute façon le rédiger, et n’ouvre droit à aucune manœuvre dilatoire.
Par ailleurs, nous soutenons invariablement que la procédure accélérée n’affecte en aucune manière le traitement de la demande par l’OFPRA et qu’elle n’a d’effet que sur les conditions dans lesquelles se déroule le recours devant la CNDA. Au regard de ce principe fort de votre projet de loi, l’alinéa susvisé nous apparaît peu utile et de nature à troubler un tel message.
M. Marc Dolez. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. En cas de placement en procédure accélérée, la transcription est transmise en même temps que la notification de la décision, et il serait difficile de faire plus rapide, à moins de retarder l’envoi de cette dernière, ce qui est contradictoire avec l’objet même d’une telle procédure.
Par ailleurs, la réception de la transcription n’ouvrant pas droit à en contester le contenu auprès de l’OFPRA, on ne voit pas quel intérêt il y aurait à supprimer l’alinéa. Je propose donc le retrait de ces amendements identiques. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les amendements identiques qui ont été déposés tendent à supprimer la disposition qui prévoit, en cas de procédure accélérée, que la transcription de l’entretien à l’OFPRA peut être communiquée au demandeur à sa demande lors de la notification de la décision.
Le Gouvernement est réservé sur une telle disposition, et je vais vous en expliquer précisément les raisons.
Une transmission de la transcription avant la décision, dont la vocation est de permettre au demandeur de mieux préparer son recours en cas de rejet, ne serait pas compatible avec les délais de la procédure accélérée, à l’effectivité de laquelle nous devons veiller pour atteindre l’objectif du raccourcissement des délais de traitement des dossiers enregistrés à l’OFPRA.
Rappelons qu’un placement en procédure accélérée n’est mené à son terme que lorsque l’OFPRA estime que les éléments contenus dans le dossier ne nécessitent pas le traitement plus long de la procédure normale. Par la suite, le demandeur d’asile disposera du délai de recours d’un mois, identique à celui de la procédure normale, pour examiner la transcription, et il pourra s’en servir dans le cadre de son recours juridictionnel éventuel.
Je comprends bien l’objectif poursuivi par les auteurs de ces amendements, mais compte tenu des éléments que je viens d’indiquer, ce qui est proposé aura pour effet de nous faire sortir des délais que nous voulons tenir. Et si, au terme de la discussion de ce texte, nous en arrivons, par la juxtaposition d’amendements, à un délai de traitement identique à celui qui prévaut actuellement, alors nous manquerons complètement la cible que nous nous étions fixée. L’avis du Gouvernement est par conséquent défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Je comprends les raisons pour lesquelles le ministre est réservé sur la communication préalable de la transcription. Ne pourrait-on en prévoir la communication automatique avec la notification de la décision au lieu de s’en tenir à une simple faculté ? Le fait d’inscrire dans la loi « cette communication peut être faite » risque en effet de donner lieu à des contentieux divers et variés.
M. Pascal Cherki. Il a raison !
Mme la présidente. Monsieur Coronado, souhaitez-vous maintenir votre amendement ?
M. Sergio Coronado. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Est-ce aussi votre cas, monsieur Dolez ?
M. Marc Dolez. Oui, je le maintiens.
Mme la présidente. Madame Crozon, maintenez-vous également votre amendement ?
Mme Pascale Crozon. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je me permets de prendre une dernière fois la parole sur ce sujet pour bien appeler l’attention de chacun sur ce qu’entraînerait l’adoption de ces amendements identiques. Cela nous éloignerait de l’objectif poursuivi au travers de ce texte en conduisant au rallongement des délais de traitement. Il faut bien prendre garde à ce que nous ne nous retrouvions pas, à l’issue de l’examen de ce texte, dans une situation qui soit peu ou prou identique à celle qui prévalait avant son adoption.
Ne l’oublions pas : nous renforçons considérablement les droits des demandeurs d’asile et nous essayons de raccourcir les délais de traitement des dossiers sans préjudice de la méticulosité de leur examen par l’OFPRA. J’appelle donc l’attention de chacun sur les risques que présenterait l’adoption de ces amendements.
(Les amendements identiques nos 109, 228 et 313 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 389.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
(L’amendement no 389, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 475.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les amendements nos 475 et 471 ayant le même objet, je remercie Mme la présidente de la séance, si c’est à sa convenance, de bien vouloir m’autoriser à les présenter conjointement.
Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ces deux amendements visent à préciser les dispositions adoptées en commission, à l’initiative de Mme la rapporteure, qui spécifient le régime juridique applicable à l’enregistrement sonore de l’entretien du demandeur d’asile avec un officier de protection.
L’amendement de la commission a tout d’abord encadré l’utilisation de l’enregistrement sonore. Il a prévu que la consultation de l’entretien par le demandeur d’asile intervient après notification de la décision négative de l’OFPRA. Cette consultation doit en effet permettre au demandeur qui souhaite introduire un recours devant la Cour nationale du droit d’asile de préparer efficacement sa défense.
L’amendement no 471 du Gouvernement tend à préciser cela beaucoup plus clairement dans le texte. Prévoir une consultation en amont de la décision de l’OFPRA ne semblerait en revanche pas utile au demandeur et serait de nature à ralentir considérablement la procédure.
L’autre amendement soumis à votre approbation, l’amendement no 475, vise quant à lui à préciser le régime de communication applicable à l’entretien, ce qui est important. Celui-ci ne peut pas suivre le régime de droit commun. Compte tenu de la confidentialité des éléments soumis à l’appui d’une demande d’asile, il convient en effet de limiter l’utilisation ou la diffusion de l’enregistrement sonore par le demandeur ou un tiers, car ce document pourrait, si nous n’y prenons pas garde, se retrouver sur les réseaux sociaux ; nous serions alors bien ennuyés. (Sourires.)
Il semble donc nécessaire de préciser que la communication de cet enregistrement se fait selon les modalités spécialement prévues par le projet de loi, dispositions complétées par un décret en Conseil d’État, et non pas selon celles qui sont issues de la loi du 17 juillet 1978 et qui concernent les documents administratifs ordinaires.
Cette préservation de la confidentialité des échanges entre le demandeur et les agents de l’OFPRA participe pleinement du droit d’asile ; il s’agit donc d’un point très important. C’est pourquoi nous tenions à ce que ce soit inscrit dans le texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 475 et 471 ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis favorable.
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La démonstration est implacable !
(Les amendements nos 475 et 471 sont successivement adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement no 390 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 390, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 60, 212 et 229.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 60.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à préciser que la protection dont le demandeur bénéficie au titre de l’asile dans un État membre de l’Union européenne doit être effective, comme le préconisent à la fois le Défenseur des droits et le Conseil d’État.
En effet, nous le savons, certains États membres contreviennent à leurs obligations internationales ou à celles qu’ils ont contractées dans le cadre de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La protection dont bénéficie le demandeur ne peut alors constituer un motif valable d’irrecevabilité. Il faut donc contraindre l’OFPRA ici représentée à vérifier l’effectivité de la protection dont bénéficie un demandeur dans l’État membre concerné avant de prendre une décision d’irrecevabilité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement no 212.
Mme Chantal Guittet, rapporteure pour avis. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 229.
M. Marc Dolez. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je propose à leurs auteurs de les retirer. En effet, depuis le traité d’Amsterdam, on présume que les États membres de l’Union européenne assurent une protection effective des réfugiés.
Cela ne vaut cependant pas blanc-seing : en cas de défaillance du système d’accueil dans un État membre, celui-ci est sanctionné et les transferts vers cet État dans le cadre du règlement « Dublin II » sont suspendus. Si nous ajoutions la mention « effective » à l’alinéa 60 de l’article, cela reviendrait à présumer que nos partenaires de l’Union européenne ne sont pas des démocraties assurant une protection effective à leurs concitoyens, donc à nos concitoyens européens.
À défaut de retrait, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame la rapporteure, je comprends parfaitement votre démonstration. Cela étant dit, permettez-moi, dans le cadre de l’échange spontané que nous pouvons avoir dans l’hémicycle, d’apporter un petit complément, sur lequel je vous demanderai – en cela je remettrai peut-être en cause les traditions – de reprendre ensuite la parole, si vous en êtes d’accord. J’aimerais m’assurer que nous comprenions bien les enjeux de cette affaire de la même façon.
Les amendements identiques présentés par M. Coronado, Mme Guittet et M. Dolez tendent à compléter l’alinéa 60 de l’article 7 relatif à l’irrecevabilité des demandes émanant de personnes qui bénéficient déjà d’une protection dans un autre pays de l’Union européenne.
M. Marc Dolez. C’est bien cela !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ils prévoient d’inscrire dans la loi l’obligation d’évaluer l’effectivité de la protection accordée dans ce pays.
Madame la rapporteure, les pays de l’Union européenne soumis à l’ensemble des règles du « paquet asile » sont présumés assurer une protection effective aux personnes auxquelles ils ont reconnu le statut de réfugié.
Toutefois, la présomption est réfragable, au cas par cas, dans le cadre de l’entretien personnel sur l’application du motif d’irrecevabilité prévu à l’alinéa 63 du même article. Je dois dire que la chose ne m’était pas apparue spontanément… (Sourires.) et que seule une lecture attentive a permis de révéler ce détail. (Mêmes mouvements.)
Il n’aura pas échappé à votre sagacité, madame la rapporteure, que cela correspond à la pratique actuelle, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État – je pense à un arrêt très connu de chacun d’entre nous, « Cimade et M. Oumarov ». (Mêmes mouvements.)
Préciser dans le texte que la protection dont bénéficie le demandeur doit être effective n’est certes pas nécessaire, mais…
M. Sergio Coronado. C’est utile !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. …comme le dit l’adage populaire, « ça ne mange pas de pain »… (Rires.)
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Et si ça peut faire plaisir… (Mêmes mouvements.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre. …et cela n’altère pas la portée du texte. Par conséquent, je m’en remets à la sagesse, qui est bonne conseillère, de l’Assemblée, tout en restant en accord, dans l’esprit et dans le texte, avec Mme la rapporteure.
M. Sergio Coronado. Grand numéro !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.
M. Pascal Cherki. M. le ministre a pointé une question juridique très importante. Quelle est la nature juridique de cette présomption, qui découle du traité d’Amsterdam ? Est-elle simple ou irréfragable ? Il s’agit d’une présomption simple. Ajouter le terme « effective » revient à borner juridiquement la présomption simple.
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Avant que le ministre ne prenne la parole, j’avais l’intention de rappeler la situation de la Grèce et celle, il y a un certain temps, de la Pologne, face à des réfugiés tchétchènes. Je me contente de l’avis de sagesse du ministre, sachant qu’il est en général suivi et bien compris de notre hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je me rallie à la sagesse.
M. Sergio Coronado. Sage décision !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Comme l’a montré l’arrêt « Cimade et M. Oumarov », la présomption est réfragable. Toutefois, prenez garde à ce que l’effectivité de la protection ne se retourne contre la France, qui pourrait être attaquée en manquement, en raison du bilan de nos prédécesseurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La France, hélas, risque aujourd’hui une procédure en manquement et une sanction : elle accueille dans des conditions parfaitement indignes des personnes qui ont traversé la planète à la recherche d’une protection. Si nous ne votions pas ce projet de loi – mais je suis sûre du contraire – on considérerait peut-être demain que la protection n’est pas effective en France.
(Les amendements identiques nos 60, 212, 229 sont adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 468.
M. Marc Dolez. Je le retire.
(L’amendement no 468 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 365.
M. Arnaud Richard. Sans vouloir casser l’ambiance aux bancs du Gouvernement et de la commission, j’ai le sentiment que le texte du Gouvernement est mieux écrit. Pour un membre de l’opposition, il est un peu fatigant, pour ne pas dire plus, de défendre la position du Gouvernement, mais je m’y emploie avec sérieux et constance ! Je propose donc, par cet amendement, de rétablir le texte du Gouvernement. Nul doute que Mme la rapporteure me convaincra que la réécriture par la commission de ces quelques alinéas est plus pertinente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. La rédaction que vous proposez, monsieur Richard, présente plusieurs défauts. Elle ne distingue pas suffisamment le retrait explicite du retrait implicite de la demande d’asile ; elle ne prévoit pas la possibilité pour le demandeur de justifier de raisons valables pour ne pas avoir introduit sa demande dans les délais impartis ; elle prévoit un cas de clôture lorsque le demandeur a quitté sans autorisation son lieu d’hébergement, alors que ce type d’événement ou de comportement n’a rien à voir avec le fond de la demande. Ce sujet a fait consensus au sein de la commission. Je vous propose donc de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Richard, j’estime que, sur ce point, le texte de la commission est meilleur que celui du Gouvernement. La commission a mené un travail de réflexion méticuleux, apportant des améliorations rédactionnelles et de fond au terme, me dit-on, d’un débat riche et approfondi. Je vous propose de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Richard, retirez-vous cet amendement ?
M. Arnaud Richard. Oui, je le retire.
(L’amendement no 365 est retiré.)
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Madame la présidente, je sollicite une brève suspension de séance.
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 11 décembre 2014 à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 185.
M. Denys Robiliard. Je ne suis pas favorable à cette possibilité de clôture qui me semble compliquer inutilement la procédure. Si nous voulons réduire les délais devant l’OFPRA, nous avons tout intérêt à ne pas trop raffiner la procédure. Nous avons au contraire besoin d’une procédure rustique qui puisse s’appliquer à tous les cas. Il ne s’agit pas d’augmenter les cas de litiges.
En temps normal, du fait de mon métier, j’aime les dispositions qui sèment la zizanie mais le législateur que je suis les déconseille vivement.
M. Pascal Cherki. C’est vraiment du bon sens !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable. Vous proposez de supprimer la procédure de clôture en cas de renonciation implicite. Quand une demande n’est accompagnée d’aucune démarche, il peut sembler normal de la clôturer, d’autant plus que, le demandeur s’étant vu notifier la clôture de sa demande, il lui reste toujours la possibilité de la rouvrir dans les neuf mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(L’amendement no 185 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 61.
M. Sergio Coronado. Je le retire.
(L’amendement no 61 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Éric Ciotti. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement tend à fixer à 120 jours le délai au terme duquel l’OFPRA, sans nouvelle du demandeur d’asile depuis la remise de son attestation peut clore l’examen d’une demande. Prenons garde à ne pas faire de confusion. La clôture ne vise pas, en l’espèce, la présentation tardive, qui pourrait conduire à engager la procédure accélérée, mais l’absence de dépôt du dossier à l’OFPRA, après passage en préfecture. Je vous propose de retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 5 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 62.
M. Sergio Coronado. Je le retire également.
(L’amendement no 62 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Éric Ciotti. Cet amendement tend à réintroduire la possibilité pour l’OFPRA de clore un dossier lorsque le demandeur a, sans raison valable, quitté l’hébergement qui lui avait été attribué.
Parmi les nouvelles mesures annoncées par le Gouvernement figure l’hébergement « directif », réclamé en particulier par les trois corps d’inspection dans leur rapport, car il garantit la sécurité des procédures et leur effectivité. Or, le caractère « directif » a été gommé en commission et, si une telle disposition n’était pas réintroduite, l’hébergement ne serait plus, dans les faits, « directif ». Une nouvelle fois, monsieur le ministre, nous présentons un amendement qui tend à préserver l’épure de votre texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable car la commission a expressément souhaité supprimer ce motif de clôture. L’hébergement « directif » n’en est pas pour autant remis en cause.
M. Éric Ciotti. Mais si !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il vise, une fois la demande enregistrée, à proposer un hébergement à un demandeur d’asile qui, normalement, a tout intérêt à l’accepter car il lui permet d’être abrité et accompagné dans sa démarche. S’il abandonne son hébergement, son allocation de demandeur d’asile peut être suspendue et il peut ne plus être accompagné dans ses démarches.
Si, par extraordinaire il avait quitté son lieu d’hébergement, cette décision ne doit en aucun cas peser sur l’examen par l’OFPRA de sa demande de protection car il peut avoir ses raisons.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je partage l’avis de Mme la rapporteure. Demandons-nous tout d’abord si l’hébergement « directif » est remis en cause par le fait de ne pas clôturer le dossier si la personne a refusé l’hébergement proposé. Non car la suspension des indemnités auxquelles le demandeur d’asile a droit présente un caractère extrêmement dissuasif. Elle rend par conséquent opérante la procédure d’hébergement « directif » tel qu’il est défini par la loi.
Si la personne part sans laisser d’adresse, la procédure est clôturée.
Cette proposition, différente de celle du Gouvernement car enrichie par la commission, correspond à l’esprit du texte souhaité par le Gouvernement. Avis très défavorable.
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Éric Ciotti. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable car cet amendement est contraire à l’article 28 paragraphe 2 de la directive « Procédures » selon lequel le délai de réouverture doit être d’au moins neuf mois. Cette réforme était non seulement nécessaire mais également imposée par la nécessité de transposer trois directives européennes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Je comprends votre argument mais cette directive porte la durée globale d’examen à six mois et je doute fort que, compte tenu des dispositions que vous avez prises en commission des lois, vous puissiez le respecter. Je vous invite en tout cas à respecter tout aussi scrupuleusement le délai global des procédures, ce que vous ne faites pas depuis le début de cet examen.
(L’amendement no 32 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 230.
M. Marc Dolez. Je le retire.
(L’amendement no 230 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 231.
M. Marc Dolez. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable. Cet amendement tend à exclure du champ du réexamen la demande qui ferait suite à une décision de clôture intervenue plus de neuf mois avant. Cette disposition serait source d’incertitudes pour tout le monde, y compris pour le demandeur d’asile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
(L’amendement no 231 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 391.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 391, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 461.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il est également rédactionnel.
(L’amendement no 461, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 232.
M. Marc Dolez. Cet amendement vise à garantir l’entretien du demandeur d’asile devant l’OFPRA lors de l’examen préliminaire de la demande de réexamen. La directive « Procédures » prévoit une procédure obligatoire de recevabilité des demandes de réexamen mais laisse aux États toute latitude pour savoir si ces demandeurs bénéficient d’un entretien lors de l’examen préliminaire.
L’esprit de la réforme est aussi d’étendre et de renforcer les garanties de tous les demandeurs d’asile. Nous ne nous satisfaisons pas, par conséquent, d’une transposition a minima de la directive.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable. Qu’est-ce qu’un réexamen ? C’est l’examen nouveau d’une demande qui n’a pas abouti à ce que l’OFPRA accorde une protection et qui, ayant fait l’objet d’un recours, a été déboutée par la Cour nationale du droit d’asile. Si l’on imposait un entretien obligatoire lors du réexamen, l’OFPRA devrait tenir 20 000 entretiens supplémentaires, ce qui ruinerait l’objet même de cette réforme et absorberait tous les moyens supplémentaires importants que nous avons affectés à l’Office dans le projet de loi de finances pour 2015. Je vous propose donc de retirer l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.
Mme la présidente. L’amendement est-il retiré, monsieur Dolez ?
M. Marc Dolez. Non, je le maintiens.
(L’amendement no 232 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 392.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il est rédactionnel.
(L’amendement no 392, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 366.
M. Arnaud Richard. J’espérais que cet amendement serait examiné demain, car sa rédaction n’est pas très habile et j’aurais voulu pouvoir le corriger. Je m’attends donc à être « bâché » par Mme la rapporteure, mais j’assume. (Rires.)
L’esprit de cet amendement consistait à ce que le demandeur d’asile puisse être soumis à une forme de réserve pendant la durée d’instruction de sa demande en France. Il ne paraîtrait pas de bon aloi qu’il s’expose à un risque de persécution par des actions qu’il commettrait de son propre fait après avoir quitté son pays d’origine.
Cela étant, l’amendement étant mal rédigé, je suppose que Mme la rapporteure me fera une réponse assez sèche.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je vous répondrai sans sécheresse aucune, monsieur Richard, car vous avez fortement contribué à de nombreux aspects de la réforme grâce à l’excellent travail que vous avez effectué avec Mme Dubié pour le compte du Comité d’évaluation et de contrôle de notre Assemblée. Aucune sécheresse n’affectera donc l’estime que la rapporteure vous porte.
M. Marc Dolez. Ce n’est tout de même pas la peine d’en rajouter : nous allons être jaloux ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous devrions les laisser… (Sourires.)
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Néanmoins, cet amendement consacre le retour du militant d’opportunité, un concept dont je reconnais avoir découvert l’existence lors des auditions et des entretiens préparatoires. Je ne comprends pas bien pourquoi une personne qui, une fois arrivée en France, se mettrait à lutter contre des dictateurs ne mériterait pas une protection, et ce même si elle ne militait pas dans le pays qu’elle a quitté. Militer contre un dictateur, en effet, peut entraîner des menaces en cas de retour dans le pays d’origine.
Mme Catherine Coutelle. Et même ici !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. En outre, la mesure de la sincérité d’un engagement est la « disposition Éric Besson » du texte initial, que la commission des lois a avantageusement supprimée. Je vous propose donc de retirer cet amendement.
M. Arnaud Richard. C’est dommage !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je suis exactement du même avis que Mme la rapporteure, car je ne voudrais pas, par un avis différent, devoir affronter sa sécheresse… (Rires.)
Mme la présidente. L’amendement est-il retiré, monsieur Richard ?
M. Arnaud Richard. Oui, avec chaleur ! (Même mouvement.)
(L’amendement no 366 est retiré.)
(L’article 7, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.
La séance est levée.
(La séance est levée à une heure cinq.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly