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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 19 février 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles

Présentation

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

M. Christophe Premat, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Discussion générale

M. Ary Chalus

Mme Isabelle Attard

M. Alfred Marie-Jeanne

Mme Sandrine Doucet

M. Patrick Hetzel

M. Michel Piron

M. Jean-Philippe Nilor

M. Victorin Lurel

M. Yves Durand

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État

Suspension et reprise de la séance

Discussion des articles

Article 1er

M. Benoist Apparu

Mme Marie-George Buffet

M. Victorin Lurel

Mme Brigitte Allain

M. Jean-Philippe Nilor

M. Patrick Hetzel

Mme Sandrine Doucet

Mme Isabelle Attard

M. Noël Mamère

Amendements nos 5 rectifié , 3 , 2 , 4

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Articles 1er bis à 3

Explications de vote

Mme Isabelle Attard

Mme Sandrine Doucet

M. Patrick Hetzel

Mme Marie-George Buffet

M. Ary Chalus

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

2. Nouvelle organisation territoriale de la République

Discussion des articles (suite)

Article 2 (suite)

Amendement no 287

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

Amendements nos 139 , 140 , 1302 , 1844

M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques

Amendements nos 568 , 744 , 1684 , 142

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l’enseignement supérieur (nos 2540, 2559).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je suis particulièrement heureuse de vous présenter ce matin le projet de loi ratifiant l’ordonnance n2014-806 du 17 juillet 2014. Ce texte constitue en effet l’aboutissement d’un long cheminement, qui crée l’université des Antilles.

Avant d’exposer les aspects plus techniques et opératoires de ce projet de loi, permettez-moi de revenir sur l’histoire de l’enseignement supérieur dans les Antilles. La Martinique et la Guadeloupe ont une tradition universitaire ancienne et bien ancrée. Dès 1883, une école préparatoire de droit a été créée à Fort-de-France. Un institut d’études juridiques, politiques et économiques apparaît en 1948, rapidement complété par d’autres formations d’enseignement supérieur, en lettres, en sciences et en santé. Il faut toutefois attendre 1970 et la loi Edgar Faure pour qu’un centre universitaire multidisciplinaire, commun aux Antilles et à la Guyane, soit créé. Cet établissement devient une université de plein droit en 1982, ce qui met fin à son rattachement historique avec l’université de Bordeaux.

Tout au long de cette histoire, et particulièrement à partir des années 1970, les collectivités locales ont énormément investi pour accompagner cette montée en puissance de l’enseignement supérieur et de la recherche, conscientes qu’il s’agissait là d’un levier de développement dont ces territoires avaient bien besoin. Les campus martiniquais et guadeloupéens, modernes et bien équipés, sont le reflet de cet engagement. Toutefois, des difficultés de fonctionnement sont apparues à partir des années 1980. L’éloignement géographique, des désaccords sur la répartition des moyens et des compétences, ainsi que la difficulté d’acheminer jusqu’au pôle guyanais les moyens dévolus par l’État ont progressivement tendu les relations entre le pôle guyanais et les pôles antillais.

J’ajoute que le contexte économique et démographique de la Guyane – ainsi que sa géopolitique, d’ailleurs –, très différent de celui des Antilles, a contribué à aggraver ces difficultés. Dans ce contexte, les tensions ont culminé à l’automne 2013, avec le blocage complet du campus guyanais. La médiation que j’avais demandée pour sortir de ce conflit a abouti à un protocole d’accord, signé le 11 novembre 2013. Ce protocole prévoit diverses mesures, dont la principale est la création d’une université de Guyane de plein exercice, au plus tard pour la rentrée de 2016. Il est vrai que cette décision allait un peu à contre-courant de la politique générale de regroupement, mais je crois qu’il faut aussi savoir prendre ses responsabilités lorsqu’on est confronté à des situations de blocage qui peuvent être dommageables aux territoires concernés.

Je tiens ici à souligner que le Gouvernement a tenu ses engagements et qu’il est même allé plus vite que ce qui avait été prévu. En effet, le décret créant l’université de Guyane est paru le 30 juin 2014. Il a permis la création d’une université de plein exercice en Guyane au 1er janvier 2015. Je salue les efforts de toutes les équipes de l’Université des Antilles et de la Guyane – l’UAG – qui ont permis cette création dans un calendrier contraint : les équipes administratives, l’équipe de gouvernance, les équipes d’enseignants-chercheurs. Cette réussite n’aurait pas été possible sans la participation de tous les acteurs concernés, et notamment des pôles antillais de l’université, dont la coopération avec la nouvelle université de Guyane a été absolument exemplaire.

L’ordonnance qu’il vous est proposé de ratifier aujourd’hui s’inscrit dans la suite de ces événements et prend acte de la création de l’université de Guyane. Mais, comme vous avez pu le constater, elle va bien au-delà d’un simple changement de périmètre de l’université.

Le Gouvernement a souhaité, avec la participation active de la communauté universitaire et des élus locaux, que le cadre juridique qui s’appliquera à la nouvelle université des Antilles soit aussi adapté que possible aux enjeux et aux spécificités de ce territoire. L’ordonnance qui a été signée le 17 juillet 2014 par le Président de la République constitue un acte fort, qui réaffirme l’unité de l’université des Antilles, tout en conférant à ses pôles une très large autonomie. Elle est le résultat d’une longue concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, y compris le comité technique de l’université, qui a approuvé le texte de cette ordonnance.

Plusieurs parties peuvent être distinguées dans ce texte. Tout d’abord, l’ordonnance applique à l’université des Antilles les innovations résultant de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013. Il faut rappeler que c’est cette loi qui a prévu la possibilité, pour le Gouvernement, d’adapter par ordonnance les dispositions législatives relatives à l’université des Antilles et – à cette époque encore – de la Guyane. Ainsi, comme dans les autres universités, un conseil académique se substitue désormais aux anciens conseil scientifique et conseil des études et de la vie universitaire – CEVU.

Mais l’ordonnance va plus loin que cette simple transcription des principes de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. Elle s’efforce aussi de tirer les conséquences juridiques de la création de l’université de Guyane et d’adapter l’organisation de l’université des Antilles aux spécificités et aux besoins régionaux. Afin de s’assurer du soutien des acteurs locaux, le Gouvernement a souhaité s’appuyer sur une large concertation avec l’ensemble des acteurs concernés : la communauté universitaire, bien sûr, mais aussi les collectivités territoriales, qui apportent depuis plusieurs décennies un soutien massif au développement de cette université. Le texte de l’ordonnance a ainsi résulté d’un accord politique autour de quelques grands principes d’organisation de l’université des Antilles.

Cet accord s’est traduit par les avis positifs des comités techniques de l’UAG, rendus en juin 2014 ; il a également été conforté par le soutien apporté par les collectivités. Enfin, une déclaration a été cosignée par les présidents des exécutifs régionaux et départementaux de la Martinique et de la Guadeloupe le 7 juillet 2014, MM. Serge Letchimy et Victorin Lurel, respectivement présidents des conseils régionaux de Martinique et de Guadeloupe, ainsi que Mme Josette Manin et M. Jacques Gillot, présidents des conseils généraux.

Cette déclaration, faite en pleine concertation avec le Gouvernement, a permis de reprendre et de développer les principes qui sous-tendent l’accord politique qui est à la base de l’ordonnance : la parité de représentation des pôles martiniquais et guadeloupéen au sein des instances dirigeantes de l’université ; l’élection du président de l’université pour un mandat non renouvelable de cinq ans – au lieu de quatre ans renouvelables pour les autres – afin d’aboutir à une alternance régulière de la présidence entre les représentants des deux pôles de l’université, selon des modalités acceptables par le Conseil constitutionnel ; l’élection, enfin, des vice-présidents de l’université par les conseils de pôle, afin de garantir l’autonomie des deux pôles dans le cadre d’une université dont l’organisation peut être décrite comme fédérale.

Il n’est pas inutile de revenir sur chacun de ces critères, dont l’ensemble conditionne le soutien que les acteurs locaux apportent à l’organisation de l’université, et qui vont permettre le climat pacifié dans lequel les jeunes pourront poursuivre leurs études et les chercheurs, mener leurs activités de recherche.

Le premier principe est celui de la parité de représentation des pôles régionaux dans les instances de l’université. Il reflète l’égal engagement des communautés de l’enseignement supérieur et de recherche de Martinique et de Guadeloupe dans leur université commune ; il se traduit par l’égalité du nombre des représentants de ces deux pôles au sein des différentes instances de l’université.

Deuxièmement, ce principe de parité est complété par un objectif d’alternance de la présidence. Pour cela, le mandat du président de l’université est porté à cinq ans, contre quatre dans les autres universités. En contrepartie, il n’est pas renouvelable. Cette règle vise à ce que la présidence soit exercée successivement par un représentant issu de chaque pôle. Je précise sur ce point qu’il n’était pas possible d’aller plus loin pour préciser les conditions de l’alternance. En effet, toute règle visant à rendre celle-ci obligatoire se serait heurtée au principe d’égalité devant le suffrage.

Troisièmement, l’élection des vice-présidents par les conseils de pôle traduit la large capacité d’organisation administrative et pédagogique dont dispose l’université. La reprise de ce principe dans l’ordonnance traduit l’identité de point de vue entre le Gouvernement et les acteurs locaux sur ce point essentiel et fondateur.

L’ordonnance n’avait pu, essentiellement pour des raisons de calendrier, intégrer certaines dispositions nécessaires pour parachever le statut de l’université. Elle devait notamment être complétée afin de prendre acte du changement de sa dénomination en devenant officiellement « université des Antilles ». Par ailleurs, la composition de son conseil d’administration devait être amendée pour tenir compte du retrait des membres guyanais.

Le débat intervenu au Sénat a permis de compléter utilement le texte initial en introduisant ces deux points et je veux en remercier les sénateurs. Toutefois, au cours des débats, les sénateurs ont également souhaité revenir sur les conditions d’élection des présidents de pôle initialement souhaitées par le Gouvernement et les élus des collectivités concernées. Alors que le texte du Gouvernement prévoyait que les présidents de pôles sont élus par les conseils de pôle, comme je l’ai indiqué précédemment, les sénateurs ont préféré que le président de l’université et ses vice-présidents soient élus simultanément dans le cadre d’un même « ticket ». Le détail de ces dispositions est prévu à l’article 1er, qui insère dans le code de l’éducation un article L. 781-3-1. Les sénateurs ont justifié ces dispositions par leur souci de préserver l’unité de l’université des Antilles.

Ce souci d’unité anime aussi le Gouvernement, et il est même fondateur des orientations qu’il a prises. Toutefois, il nous semble que le meilleur moyen d’y parvenir est de s’assurer que le texte qui sera voté fera l’objet d’un plein accord des acteurs locaux et d’une pleine appropriation. Il convient dès lors de rester aussi proche que possible des principes qui avaient fondé l’accord politique du 7 juillet 2014 et dont on retrouve la traduction dans l’ordonnance. C’est pourquoi j’avais exprimé devant le Sénat les fortes réserves du Gouvernement sur ces modifications relatives à la gouvernance de l’université. J’avais également indiqué que l’examen du texte devant votre assemblée permettrait au Gouvernement de soulever à nouveau ce point.

Je présenterai donc tout à l’heure, au nom du Gouvernement, un amendement visant à rétablir l’élection des vice-présidents par les conseils de pôle, ainsi que l’avait prévu le texte initial de l’ordonnance. Je présenterai également un second amendement visant à établir des règles transparentes et acceptées par tous, des règles vérifiables, de répartition des moyens entre les pôles, là encore dans un souci de pacification qui a fait défaut par le passé.

Le Gouvernement souhaite, vous l’aurez compris, que la ratification de l’ordonnance permette de poser des bases solides à l’organisation de l’université. La meilleure façon de le faire est de s’assurer que l’ensemble des acteurs sera en mesure de s’approprier et d’appliquer correctement, dans les meilleures conditions, le texte qui sera voté. Pour cela, il n’existe aucune meilleure garantie que celle donnée par le texte d’origine de l’ordonnance, qui réunit à la fois : la volonté du Gouvernement à l’écoute des besoins des territoires ; le soutien de la communauté universitaire, qui s’est prononcée positivement sur ce texte à travers les votes des comités techniques de l’ancienne UAG ; le soutien des élus locaux, qui ont exprimé clairement dans leur communication du 7 juillet dernier les bases de l’accord politique permettant à chacun de soutenir les règles d’organisation de la nouvelle université.

C’est pourquoi je tiens à vous remercier par avance pour le soutien que vous voudrez bien apporter au Gouvernement lors du vote de ce texte. Une université, la recherche, c’est le meilleur investissement que la nation puisse faire dans l’avenir des territoires et de leur jeunesse. Je ne doute pas que le texte que vous adopterez permettra de doter les Antilles d’une université qui soit à la hauteur des ambitions que nous avons tous collectivement pour ce territoire. Cela permettra aussi de l’ouvrir aux territoires caribéens qui entourent cette belle université et ce beau pôle de recherche des Antilles et de la Guyane. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Premat, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Christophe Premat, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi engageant l’avenir de l’université des Antilles. Son enjeu n’est rien moins, en effet, que la préservation d’une université commune, dans l’autonomie renforcée de ses pôles, et dynamique, dans la cohérence de sa gouvernance, avec pour unique ambition de garantir à nos jeunes concitoyens des Antilles un enseignement supérieur à la hauteur des exigences du monde contemporain.

Vous avez rappelé avec brio, madame la secrétaire d’État, l’histoire de cette université. Je ne reviendrai pas sur le contexte qui a conduit à la scission du pôle guyanais. Je remarque que pour apaiser la situation et mettre fin aux dangereuses surenchères autonomistes, le Gouvernement a tiré parti de l’habilitation à légiférer par ordonnance que nous lui avions accordée dans l’intention initiale d’adapter à cette université la nouvelle gouvernance fixée par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2014, pour procéder, dans l’ordonnance du 17 juillet 2014, à un profond renforcement de l’autonomie des deux pôles demeurant dans l’ancienne université des Antilles et de la Guyane.

Il n’a pas pu toutefois aller jusqu’à tirer les conséquences du retrait du pôle guyanais. Le champ de l’habilitation se bornait à la réforme de la gouvernance de l’université, sans permettre d’en modifier ni le nom ni le périmètre. Dès lors, dans l’état du droit existant, le code de l’éducation continue de prévoir l’existence d’une université commune. Cela impose notamment que ses organes délibérants se réunissent en rassemblant les représentants de ses trois pôles constitutifs, alors même que l’un d’entre eux ne participe plus à la vie de l’université. Cette situation juridique ambiguë pose de réelles difficultés, s’agissant en particulier du respect des règles de quorum ou de l’adoption des budgets des deux universités. C’est pourquoi notre intervention est urgente et nécessaire.

Dans ce contexte contraint, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a examiné le texte soumis aujourd’hui à notre discussion en étant uniquement inspirée par la profonde conviction que l’existence d’une université commune est une nécessité vitale pour le développement et le rayonnement de la Guadeloupe et de la Martinique et pour l’avenir de nos jeunes concitoyens antillais.

L’enseignement supérieur y fait en effet face à des défis d’une ampleur exceptionnelle. Le nombre de non-diplômés parmi les 25-34 ans atteint 26 % en Martinique, 33 % en Guadeloupe et 58 % en Guyane, contre 19 % en métropole. Les diplômés du supérieur se limitent à 27 % en Martinique, 22 % en Guadeloupe et 17 % en Guyane, contre 42 % en métropole.

Or ces mauvaises performances prennent une dimension dramatique lorsque l’on observe les niveaux atteints par les taux de chômage des jeunes actifs : près de 70 % en Martinique, 60 % en Guadeloupe et 45 % en Guyane. Car aux Antilles comme partout dans le monde, le diplôme du supérieur demeure le meilleur rempart contre le chômage, comme l’atteste son effondrement à 10 % pour les bénéficiaires d’une formation supérieure. Il faut bien dire que la tâche est singulièrement difficile pour l’université des Antilles, qui n’attire que le quart des bacheliers locaux, lorsque le tiers le plus performant des lycéens, souvent issus des milieux les plus favorisés, part étudier en métropole. Elle concentre plus qu’ailleurs des étudiants fragilisés face à l’enseignement supérieur. Les boursiers représentent ainsi la moitié de ses effectifs, tandis que la proportion de bacheliers technologiques et professionnels atteint le double de celle observée dans les universités métropolitaines.

C’est dire combien les défis sont lourds, et leur résolution indispensable. Se joue ici l’attractivité de l’université des Antilles, tant à l’égard de ses étudiants et des étudiants étrangers de la zone caraïbe qu’à celui de ses enseignants-chercheurs. Chacun sait sur ces bancs combien, pour réussir aujourd’hui dans l’enseignement supérieur, les universités doivent savoir élargir le cercle de leurs alliances, dont les opportunités sont ici particulièrement manifestes dans la zone caraïbe et dans toutes les Amériques, et offrir à leurs étudiants les formations, les partenariats et les passerelles qui sont aujourd’hui les conditions de parcours réussis dans le supérieur.

Deux universités indépendantes dans les deux régions d’outre-mer des Antilles, que ce soit dans les faits ou dans le droit, dont les effectifs tourneraient autour de 5 000 étudiants et qui offriraient nécessairement des formations parcellaires et limitées, seraient parfaitement incapables de se déployer en dehors du cadre étroit de leur territoire.

Mme Marie-George Buffet. Très juste !

M. Christophe Premat, rapporteur. Ces ambitions ne peuvent être poursuivies que par une université forte et unie, dépassant le seuil critique de 10 000 étudiants. Cette constatation, qui a, je crois, la force de l’évidence, peut tous nous rassembler aujourd’hui.

Dès lors, la question est simple : comment redonner de la force, de la stabilité, et je dirai même de l’avenir à l’université des Antilles ? Car la lucidité commande de constater que l’université des Antilles et de la Guyane, qui l’a précédée jusqu’à la scission, a échoué à trouver les voies d’une cohabitation sereine et non conflictuelle des fortes identités culturelles de ses trois territoires d’implantation.

Cette dynamique d’affirmation culturelle et ce légitime besoin de proximité des enseignements, renforcée par la très faible mobilité des étudiants entre les trois pôles, a en effet conduit à une véritable dissémination des filières sur les territoires, sans que le rééquilibrage des moyens et la répartition stratégique des offres n’aient jamais été réellement abordés et mis en œuvre. À cet égard, le cantonnement du pôle guyanais, plus récent et aux effectifs plus modestes, en marge des processus décisionnels de l’université, a sans doute été l’un des éléments déclencheurs les plus déterminants des troubles qui ont conduit à son retrait précipité.

Ces forces centrifuges ont érodé la cohérence de l’université parce que nous n’avons jusqu’ici jamais réussi à la doter d’une gouvernance apte à relever les défis posés par la rivalité de ses pôles géographiques.

Jusqu’en 2008, en effet, le modèle de gouvernance, conforme au droit commun et que je qualifierai de manière imagée de « centralisé » puisqu’il ne reconnaissait aucune autonomie à ses territoires, a naturellement encouragé une compétition permanente entre les deux îles des Antilles, qui rassemblaient les effectifs les plus importants d’étudiants.

En 2008, dans le droit fil de la loi sur l’autonomie des universités, une ordonnance a esquissé une gouvernance que je nommerai cette fois « fédérale », avec des pôles reconnus, car dotés d’un conseil et d’un vice-président, mais une présidence très substantiellement renforcée, comme pour toutes les universités. Cette confrontation, brutale parce que privée de tout mécanisme de conciliation, a très fortement attisé les tensions.

Comment, dans ce cadre, constituer une présidence autonome sans susciter une rivalité des pôles ? Le premier enseignement que je tire est celui d’une gouvernance confédérale.

L’expérience de l’université des Antilles et de la Guyane me semble à cet égard déterminante. Il est désormais temps de faire pleinement confiance aux territoires, en accordant une autonomie aux pôles dans la gestion quotidienne des formations implantées dans leur région. C’est ce que vous avez su faire, madame la secrétaire d’État, en confiant, dans l’ordonnance du 17 juillet 2014, aux pôles guadeloupéens et martiniquais une très large capacité d’organisation administrative et pédagogique, appuyée sur des compétences propres étendues. Celles-ci vont jusqu’à l’adoption de budgets propres intégrés, la définition d’une stratégie de pôle, la mise en œuvre d’une mission d’insertion et la faculté de contractualiser avec des partenaires de l’université. En parallèle, leurs vice-présidents ont reçu la qualité d’ordonnateurs des recettes et d’autorité de gestion sur les personnels du pôle.

La commission des affaires culturelles a salué la qualité de ces solutions en ratifiant cette ordonnance.

C’est d’ailleurs cette confiance dans les acteurs qui nous a amenés à repousser les amendements qui s’écartaient du droit commun en figeant dans le marbre de la loi tous les critères susceptibles d’inspirer la répartition des ressources entre les pôles. L’ordonnance que nous ratifions se contente de confier cette responsabilité au conseil d’administration, strictement paritaire entre les deux pôles, en précisant que cette répartition tenait « notamment » compte des traditionnelles données objectives que sont les effectifs et les recherches. Cette formulation souple permet de laisser les options ouvertes, sans imposer une lourde énumération, qui se révélerait immanquablement incomplète et donc disputée et qui constituerait une forme de tutelle législative bien éloignée de notre intention de donner une réelle autonomie aux territoires.

Par ailleurs, l’autonomie ne doit pas signifier l’éclatement et la régionalisation de l’université des Antilles. Sans force d’impulsion et sans cohérence à sa tête, cet établissement pourrait en effet devenir une coquille vide.

Pour pallier cette gouvernance par essence conflictuelle, le Sénat, reprenant l’une des propositions d’un groupe de travail constitué dès l’hiver 2014 par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et la délégation à l’outre-mer, a prévu que l’élection du président et des vice-présidents de pôle fasse l’objet d’un même vote au sein du conseil d’administration. Chaque candidat présenterait ainsi un ticket de trois personnalités, qui devraient démontrer au préalable la cohérence du projet global porté par le candidat à la présidence et les stratégies de développement des pôles défendues par les vice-présidents.

Cette solution, pertinente à nos yeux, répond à un besoin absolument incontournable. Elle a en outre le grand avantage de laisser aux statuts de l’université, dans la logique de confiance dans les acteurs de terrain et de rapprochement du droit commun que j’évoquais tout à l’heure, le soin de déterminer les modalités appropriées d’implication des pôles. C’est pourquoi la commission a approuvé cette innovation et repoussé hier des amendements qui proposaient de la supprimer, en rétablissant les conditions d’une rivalité sclérosante à la tête de l’université.

Tel est l’équilibre que nous avons estimé indispensable de préserver, en laissant bien entendu toute latitude au conseil d’administration, lorsqu’il modifiera les statuts de l’université, pour concrétiser dans le respect de ces grands principes les engagements pris par chacun au cours des récentes années.

C’est à un vote de confiance dans l’université des Antilles, dans la capacité de ses membres à dépasser les rivalités d’un jour pour unir leurs forces au service d’un enseignement supérieur de qualité et d’ambition, que nous vous appelons aujourd’hui. En adoptant, sans modification, le texte issu des délibérations du Sénat, nous mettrons fin dès aujourd’hui aux incertitudes juridiques qui empoisonnent le quotidien de l’université et nous lui donnerons les moyens de réussir, pour longtemps. Aujourd’hui, nous sommes l’université des Antilles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Discussion générale

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes aujourd’hui dans la phase finale, du moins sur le plan administratif et juridique, de la refondation du paysage universitaire des Antilles et de la Guyane françaises. Le paysage universitaire des départements français d’Amérique a changé. Pour répondre à une revendication guyanaise, le Gouvernement s’est engagé en 2013 à créer une université de plein exercice en Guyane, en détachant le pôle universitaire guyanais, jusqu’alors partie intégrante de l’université des Antilles et de la Guyane.

Télescopage heureux, ou planifié, de calendriers : suite à l’adoption, en juillet 2013, de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, la loi dite ESR, le Gouvernement était autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, des mesures législatives modifiant les dispositions applicables à l’université des Antilles et de la Guyane pour, entre autres, adapter le titre V. L’ordonnance fut présentée en juillet 2014 et le projet de loi de ratification, déposé au Sénat le 3 décembre 2014.

À l’instar du sénateur Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, je voudrais souligner que le texte initial ne tirait aucune conséquence du démantèlement de l’UAG décidé en 2013. Le Gouvernement ne pouvait modifier le code de l’éducation pour changer le périmètre de l’UAG et lui substituer une université des Antilles, le champ de l’habilitation prévu par l’article 128 de la loi du 22 juillet 2013 se limitant à une adaptation d’une partie des dispositions à l’UAG. Et ce, alors même que la composante guyanaise de l’UAG devenait une université de plein exercice par le décret n2014-851 du 30 juillet 2014.

Cela aurait pu et dû être anticipé. Ou alors, cette séquence de décisions prises par le Gouvernement, que je qualifierais de malheureuse, pour le moins, aurait dû être expliquée aux universitaires, ou plus encore, aux étudiants. La plupart d’entre eux restent sous le choc de la séparation, tout en subissant un intense parasitage de l’affaire du CEREGMIA, le centre d’étude et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée. Bien des malentendus actuels et à venir auraient pu être ainsi évités !

Ce n’est donc qu’à l’issue des travaux de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, le 14 janvier 2015, que le texte en discussion a pris sa forme actuelle. S’inspirant des principales propositions avancées par un groupe de travail mis en place par cette même commission et dont le rapport d’information est sorti il y a un an, fin janvier 2014, ce texte vise à acter juridiquement la transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en une université des Antilles. Finalement, le débat parlementaire sur le sort de l’université des Antilles n’est possible que depuis un mois !

Toutefois, le rythme exceptionnellement bref des travaux parlementaires ne peut être imputé uniquement à l’urgence ou à la fragilité de la situation de l’UAG ! Tous s’accordent sur le fait que notre université a été, pendant de longues années, le théâtre de crises récurrentes, dont l’origine est plus ou moins connue…

Certes, l’UAG, privée de sa composante guyanaise de manière assez brutale, il faut le redire, ne pouvait espérer une amélioration sans une refondation importante de son organisation. Mais l’urgence imposée à nos travaux provient bien plus du calendrier, à mon sens exagérément précipité, de la création de l’université de la Guyane et des conséquences de cette décision, essentiellement juridiques et administratives, sur ce qui reste de l’UAG.

Sans jamais remettre en question la légitimité de la création de l’université de la Guyane, j’ai eu l’occasion, à trois reprises au moins, d’attirer l’attention du ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessité d’accorder le temps nécessaire à la concertation, notamment pour que la communauté universitaire antillaise s’empare du projet de l’université des Antilles.

Dans une question écrite, publiée au Journal officiel le 12 novembre 2013, je relayais les inquiétudes sur l’avenir des implantations de l’université en Guadeloupe et à la Martinique. Je faisais déjà remarquer que les évolutions entrevues, menées à marche forcée, ne suscitaient que peu l’adhésion des acteurs de nos territoires et ce, quelles que soient les options d’organisation institutionnelle proposées.

Dans une autre question écrite, publiée le 22 avril 2014, je réitérais mes craintes de voir l’avenir de l’unique établissement d’enseignement supérieur et de recherche de la Guadeloupe et de la Martinique assujetti au calendrier prévu pour le décret de création d’une université de plein exercice en Guyane.

Dans une question au Gouvernement, le 7 mai 2014, je réclamais l’organisation d’une consultation des forces vives antillaises de l’enseignement supérieur. Les réponses d’alors se voulaient partiellement rassurantes. Promesse était faite de soumettre à consultation les décrets créant les deux universités. Cette consultation ne fut que très partielle, et restreinte à peu d’acteurs universitaires !

Il faut dire aussi que l’implémentation de ce projet de refondation s’est montrée bien plus délicate que prévue. Pour l’essentiel, le texte ne vise qu’à traiter des conséquences juridiques et administratives sur l’UAG, restreinte aux pôles universitaires de Guadeloupe et de Martinique, de l’engagement de l’État à doter la Guyane d’une université de plein exercice.

Ainsi, il propose de rapprocher la composition du conseil d’administration de l’université des Antilles, dorénavant constitué de deux pôles, l’un installé à la Guadeloupe et l’autre à la Martinique, du droit commun des universités, tout en assurant la présence d’au moins un représentant des autres organismes de recherche présents sur chacune des deux régions. Le texte vise aussi à clarifier les éléments constitutifs des pôles universitaires régionaux, afin de distinguer les services qui leur sont propres des services communs et de l’administration générale de l’université. Ce dernier point constitue à mes yeux une réelle avancée. Cela répond à la nécessité d’acter l’autonomie des pôles universitaires sur les deux régions.

Dans le même esprit, je voterai l’amendement présenté par le Gouvernement qui vise à intégrer le patrimoine mobilier et immobilier de chacun des pôles dans les éléments à prendre en compte par le CA de l’université des Antilles pour la répartition des moyens. Au passage, je salue l’effort de la région Guadeloupe, qui investit plus de 100 millions d’euros, dans l’intérêt de nos étudiants.

Le texte propose encore de préserver la transversalité de la recherche au sein de l’université. Enfin, dans une tentative d’apporter une solution aux divergences identitaires qui menaceraient l’université des Antilles, le texte propose d’organiser la continuité et la stabilité de la gouvernance, en confiant la responsabilité de la rédaction des statuts du nouvel établissement, conformément aux dispositions de l’ordonnance du 17 juillet 2014, aux membres du conseil d’administration de l’UAG, au titre des régions Guadeloupe et Martinique, en exercice à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Il propose de garantir la cohérence stratégique et l’unité de l’établissement, en prévoyant la mise en place d’un ticket de trois candidats à la présidence et aux vice-présidences de pôle, afin que les pôles universitaires régionaux exercent pleinement leur autonomie dans le respect du projet global de l’université.

Sur ces derniers points, je ne suis pas certain que l’élection commune d’un trio composé du président de l’université des Antilles et des deux vice-présidents de pôle par le conseil d’administration garantira l’entente cordiale. Bien au contraire, cela risque de miner la légitimité des vice-présidents sur chacun des pôles. C’est pour cette raison que je voterai l’amendement présenté par le Gouvernement, conformément aux principes actés par les présidents des deux régions où est implantée l’université des Antilles. Cet amendement supprime l’élection d’un ticket pour rétablir l’élection des vice-présidents de pôle par les élus de chaque pôle et celle du président par le conseil d’administration de l’établissement.

Je ne suis pas le seul ici à voir que le démantèlement de l’UAG, quelles qu’en soient les raisons, et sans que les parlementaires des trois départements aient été consultés, marque un échec patent !

Dans les régions continentales de la France, le processus inverse consistant au regroupement d’universités autour de grandes universités à rayonnement international est d’ores et déjà en phase d’achèvement. Comment, dans ces conditions, donner corps à une égalité des chances véritable, dont profiteraient les jeunes de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Guyane ?

L’université des Antilles et de la Guyane, l’UAG, se devait d’assurer, comme tout établissement de recherche et d’enseignement supérieur, des missions d’intérêt général. Mais ce n’est qu’à travers son originalité profonde que celles-ci pouvaient être véritablement appréciées.

Anticipant le vote de ce texte, j’ai sollicité, hier encore, le Gouvernement afin qu’il s’engage à favoriser, à l’aide de dispositions spécifiques, la coopération entre l’université des Antilles et l’université de la Guyane. Il ne tiendra qu’à nous, représentants de nos régions, aux côtés du monde universitaire et avec, nous le souhaitons, l’aide de l’Etat, de faire en sorte que cette refondation universitaire soit, au bout du compte, l’occasion de bâtir une réelle offre d’avenir pour notre jeunesse et de renforcer les moyens d’expertise de nos laboratoires.

Vous l’aurez compris, chers collègues, je plaide pour un fonctionnement équitable de cette nouvelle université de la Guadeloupe et de la Martinique, mais surtout pour une excellente collaboration, une fraternité de nos deux îles, dans l’intérêt supérieur de nos jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour débattre de la transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles.

La Martinique et la Guadeloupe disposent de formations d’enseignement supérieur depuis la fin du XIXsiècle. Après la Seconde Guerre mondiale, celles-ci se sont développées, en lien avec la faculté de droit de Bordeaux. Suite à la loi Faure de 1968, le centre universitaire des Antilles et de la Guyane a été créé le 31 juillet 1970, qui deviendra l’université des Antilles et de la Guyane en 1982. Jusqu’en 2014, l’UAG était composée de trois pôles géographiques : la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique.

En 2013, et suite à des difficultés de fonctionnement apparues dès les années 1980, un blocage a lieu sur le campus guyanais. Le Gouvernement engage alors une médiation, qui aboutit à un protocole d’accord le 11 novembre 2013. Celui-ci prévoit notamment la création d’une université de Guyane. Comme le prévoit le décret du 30 juin 2014, l’université de Guyane voit le jour le 1er janvier 2015. L’article 1er de ce projet de loi fait donc suite à ce décret, afin d’adapter le cadre juridique de l’université des Antilles.

L’université des Antilles compte aujourd’hui plus de 11 000 étudiants et près d’une vingtaine de structures de recherche. L’ordonnance du 17 juillet 2014 rénove la gouvernance de cette université, en identifiant les deux pôles restants comme des composantes pouvant disposer de compétences déléguées du conseil d’administration. Le président de l’université sera accompagné de deux vice-présidents, chacun en charge d’un pôle, avec des compétences propres.

Le Gouvernement avait prévu trois élections séparées pour le président et les deux vice-présidents, mais la commission de la culture du Sénat s’est appuyée sur le rapport Gillot-Magras pour mettre en place un ticket de trois candidats à la présidence et aux deux vice-présidences de pôle.

Les dispositions du projet de loi que nous examinons aujourd’hui ne semblent plus faire consensus. Deux paires d’amendements identiques ont été déposées pour les débats en séance. Ils sont déposés d’une part par le Gouvernement, d’autre part par le député socialiste et président du conseil régional de la Guadeloupe, Victorin Lurel, le député socialiste et président du conseil régional de la Martinique, Serge Letchimy, et quelques autres de leurs collègues.

Le premier amendement vise à intégrer aux prérogatives du conseil d’administration de l’université des Antilles la gestion du patrimoine mobilier et immobilier de chacun des pôles. L’amendement précise aussi que cette prérogative ne peut être déléguée au président de l’université. Nous ne soutiendrons pas cet amendement.

Le doyen de la faculté des lettres et sciences humaines de l’université des Antilles, Raphaël Confiant, explique que le déséquilibre historique, quant au patrimoine mobilier et immobilier, entre les deux pôles serait ainsi renforcé. Notre crainte est donc qu’un tel amendement conduise à l’asphyxie du pôle martiniquais.

Le second amendement vise à revenir sur l’élection d’un « ticket » de trois candidats à la tête de l’université des Antilles. Introduite par la commission de la culture du Sénat, maintenue en séance publique par le Sénat, puis par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, cette disposition prévoit d’élire à la fois le président de l’Université et les deux vice-présidents placés à la tête de chacun des deux pôles.

Le groupe écologiste soutient l’évolution que représente ce principe de candidature à plusieurs, qui nous paraît plus à même de garantir une présidence collégiale et apaisée de l’université des Antilles. À l’avenir, mobilisées autour d’un projet commun, la présidence et les deux vice-présidences ne seront pas tentées par des tiraillements liés à des légitimités d’élections distinctes.

Je profite de la séance qui nous réunit ce matin pour rappeler l’importance des choix de gouvernance au sein de nos universités, comme nous l’avions fait en 2013 lors des débats relatifs à la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. Si l’objectif, que nous partageons, est bien que le travail accompli dans ces universités s’effectue en toute sérénité, alors concentrons nos efforts sur le mode d’élection au sommet de ces établissements et soutenons le principe de la candidature commune.

En conclusion, nous souhaitons souligner le travail remarquable qu’a fourni M. le rapporteur Christophe Premat. Il a tenu à impliquer les représentants de tous les groupes parlementaires de notre commission, et ce malgré des délais très contraignants. Cette méthode est tout à son honneur. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, il faut se rendre à l’évidence : la mutilation de l’université des Antilles et de la Guyane a été un échec flagrant. Son onde de choc n’a pas fini de faire des dégâts. Ce qui se mijote autour de la création de l’université des Antilles laisse présager le pire. J’ai l’intime conviction que les tractations en cours n’ont qu’un but inavoué : celui de nous acheminer vers une seconde séparation, comme cela a déjà été dit.

Du passé, je sais les frustrations insupportables. Du passé, je sais les dysfonctionnements regrettables, comme je sais aussi les déplorables détournements de fonds publics en bande organisée. J’ai dénoncé toutes ces dérives les unes après les autres, sans complaisance et sans complicité d’aucune sorte.

Mais au-delà de toutes ces déconvenues, j’ai su raison garder en plaidant constamment en faveur du raffermissement et du développement des liens entre la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique. Car sur ce sujet vital, j’ai toujours considéré que les points de vue égocentriques n’avaient pas ipso facto pour conséquence d’améliorer l’efficacité globale.

Ce qui se dessine dans la pénombre risque d’exacerber inutilement les antagonismes entre la Guadeloupe et la Martinique si les deux composantes sont traitées en rivales plutôt qu’en partenaires équivalentes et solidaires – à moins de se satisfaire d’une université croupion.

À y regarder de plus près, c’est le concept consistant à « avancer à reculons pour mieux sauter » qui est préconisé. Ce concept ne peut pas, malheureusement, s’appliquer à l’université. C’est une hérésie de vouloir d’abord rompre les liens pour ensuite envisager comment les recréer !

Une autre approche est possible. Entre associés, il faut toujours lâcher du lest et en conserver une part pour soi-même, dans le but, in fine, de réussir ensemble.

Au fond, la question qui nous turlupine est celle de la continuité du mandat de la présidente de l’université, que certains veulent à tout prix pousser vers la porte de sortie. Si l’intéressée s’en va, de gré ou de force, la question n’a plus sa raison d’être. Dans le cas contraire, il n’y a aucune garantie formalisée. Rien n’empêche, par exemple, le conseil d’administration de démissionner, même en partie, comme on l’a signalé. Ce n’est pas une hypothèse d’école, c’est une épée de Damoclès ! Ce serait un acharnement insolite et peu glorieux que d’arriver à une telle extrémité.

Madame la secrétaire d’État, vous êtes le pivot central autour duquel gravitent toutes les probabilités inimaginables. Dois-je rappeler que la présidente de l’Université n’a pas été désignée, mais qu’elle a été élue ? Son mandat expire dans deux ans. L’obliger à s’en aller de force, par un artifice quelconque, c’est fomenter un complot ! Ne pas respecter la date de l’échéance est une atteinte délibérée à la démocratie.

Il est temps de revenir à des considérations plus apaisées. Sans remettre en cause le principe d’une direction collégiale élue, il serait judicieux d’insérer dans les statuts la règle selon laquelle la présidence de l’université est dévolue alternativement à une personne issue de chaque pôle, tantôt la Guadeloupe, tantôt la Martinique.

Madame la secrétaire d’État, ne succombez plus aux voix des sirènes de la discorde permanente. Vous avez créé les meilleures conditions possibles pour que les universités de France soient plus performantes et plus attractives sur la scène internationale, alors que s’agissant des étudiants de notre outre-mer de la Caraïbe, vous nous faites naviguer à contre-courant du monde.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. L’outre-mer, c’est aussi la France !

M. Alfred Marie-Jeanne. En mai 2013, en effet, lors de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, une dame déclarait avec fougue, conviction et pertinence que « les regroupements des universités relèvent du bon sens », qu’ils « donneront une plus grande visibilité aux universités », que celles-ci « sont des pastilles vues de Shanghai », que « nous devons regrouper nos forces » et « favoriser la coopération au lieu d’une compétition qui ne rime à rien ». Cette déclaration magnifique, c’est vous qui l’avez prononcée, madame Geneviève Fioraso !

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. Alfred Marie-Jeanne. Six mois plus tard, une dame défend avec le même talent et le même allant le démantèlement de l’université ; c’est encore vous, madame Geneviève Fioraso ! Aujourd’hui, on demande à une dame de conduire la présidente de l’Université à l’échafaud et, pour ce faire, on s’adresse à vous, madame Geneviève Fioraso !

Que de volte-face subites et déconcertantes ! J’aurais malgré tout souhaité vous faire confiance – écoutez-moi bien, madame – dans l’ultime épisode de ce désolant feuilleton, à condition que vous vous émancipiez enfin de ce système d’injonctions répressives qui empêche la création sereine de l’université des Antilles.

Chers collègues, mes propos ne sont ni exagérés, ni injurieux. Devons-nous rester indifférents à ces enjeux cruciaux pour notre devenir et notre ancrage dans une aire géographique à fort potentiel, en pleine expansion et mutation positives ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et écologiste.)

M. Patrick Hetzel. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Doucet.

Mme Sandrine Doucet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles conditionne l’avenir de celles-ci et celui qui se dessine pour la réussite des étudiants.

Pour commencer, je rappellerai le lien avec la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, car ce sont les dispositions prévues par cette loi qui sont en application. L’article 128 de la loi du 22 juillet 2013 a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures législatives applicables à l’université des Antilles et de la Guyane concernant, notamment, la nouvelle organisation de ces établissements. Le deuxième alinéa de ce même article 128 prévoit qu’un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de ladite ordonnance ; nous y voilà.

Je souhaiterais néanmoins revenir sur les circonstances de ce dossier. Dans les interventions précédentes, il a été abondamment question des tensions ayant conduit à la séparation de l’université guyanaise qui, à son tour, n’a pas manqué d’attiser les tensions centrifuges entre les deux pôles guadeloupéen et martiniquais, exacerbant ainsi une rivalité ancrée dans l’histoire.

Pour apaiser cette situation, le Gouvernement a tiré parti de son habilitation à modifier les dispositions législatives pour procéder dans l’ordonnance du 17 juillet 2014 à un profond renforcement de l’autonomie de ces deux pôles, en les dotant de compétences propres très étendues.

Au cours de sa réunion du 14 janvier 2015, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a enrichi le projet de loi initial en reprenant les propositions avancées par le groupe de travail. Elle a ainsi introduit des dispositions visant à clarifier la nouvelle gouvernance de l’université des Antilles et à mieux garantir sa cohérence stratégique. Elle a en particulier veillé à ce que le président de l’université et les présidents des deux pôles régionaux travaillent à l’avenir en bonne intelligence, grâce à l’instauration d’un « ticket » de trois candidats pour ces postes décisifs.

Une ordonnance en 2008, prise sur le fondement de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités de 2007, prévoyait une organisation reposant sur trois vice-présidents représentant la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique, qui seraient élus par le conseil d’administration sur proposition du président de l’université et après avis du conseil consultatif de pôle.

Toutefois, dans ce processus, leur autorité et leur rôle reposaient essentiellement sur la faculté pour le président, ouverte par l’ordonnance et intégrée aux statuts, de leur déléguer sa signature « notamment pour ordonnancer les recettes et les dépenses ». Ces dispositions ont échoué à garantir une articulation efficace.

Le « ticket » prévu dans le texte adopté par le Sénat et adopté à l’unanimité par la commission de l’éducation à l’Assemblée vise à ce que le président assure la cohérence du pôle et que les vice-présidents, avec des pouvoirs dévolus, prennent les décisions au plus près du territoire, comme l’a expliqué M. le rapporteur. Il s’agit ainsi de répondre au mieux à la volonté de constitution d’un pôle universitaire renforcé, selon la loi ESR. On pourrait regretter que cette constitution n’ait pu, dans sa logique la plus aboutie, englober le pôle guyanais, mais les événements de novembre 2013 ont davantage illustré le cumul des problèmes non résolus au cours des années précédentes – et qu’il a certes fallu gérer par cette séparation – que les limites de la loi ESR, qui permet d’éviter la division complète des sites universitaires. En disant cela, toutefois, on ne s’exonère pas de la suite à donner à ces nouvelles universités.

Rappelons que les buts sont les mêmes que ceux de la loi ESR de 2013 : la démocratisation de l’enseignement supérieur et la lutte contre l’échec en premier cycle. Comme le précisent les objectifs de la loi, il s’agit d’atteindre un taux de 50 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur, et les territoires ultramarins doivent naturellement participer à ce projet.

Les difficultés ont déjà été rappelées, mais je me permets d’y revenir : les diplômés de l’enseignement supérieur qui, en métropole, représentent 42 % des adultes de 25 à 34 ans, n’en représentent que 27 % en Martinique, 22 % en Guadeloupe et 17 % en Guyane. Ces performances décevantes sont notamment liés à des taux d’échec très élevés en licence – de l’ordre de 68 % en première année en 2010, contre 47 % en métropole, tandis que moins de 25 % des étudiants parvenaient à obtenir leur licence en trois ans, contre 30 % sur l’ensemble du territoire.

Aujourd’hui, comme l’a indiqué M. le rapporteur, une grande partie des bacheliers quitte les territoires antillais pour venir s’inscrire à l’université dans l’Hexagone. Ces effectifs d’étudiants pourraient encore diminuer dans les prochaines années, ce qui posera la question de l’attractivité de l’établissement. En effet, aux difficultés sociales des étudiants s’ajoutent celles de l’insularité, de l’éloignement et donc de la mobilité. Créer un pôle unique et le doter de moyens mutualisés et d’une gouvernance concertée permet de répondre à ces enjeux en termes de formation et de satisfaire la volonté d’une gestion raisonnée.

Mais pour suivre jusqu’au bout l’application de la loi ESR, il faut penser à son autre volet, celui du rayonnement universitaire. En effet, et je me permets de reprendre ici un argument que j’avais déjà défendu lors de l’examen du projet de loi ESR, la loi doit donner de la lisibilité aux étudiants sur notre système universitaire, mais aussi de la visibilité à nos universités dans un espace mondialisé.

Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, les atouts sont très nombreux. Or, pour attirer, il faut d’abord rayonner scientifiquement.

L’université des Antilles bénéficie d’atouts exceptionnels grâce à l’implantation aux Antilles de laboratoires prestigieux tels l’Institut Pasteur et l’INSERM en Guadeloupe, le CIRAD, ou encore l’IFREMER. Autant de laboratoires dont le rôle mériterait d’être confirmé et qui, pour rayonner dans un espace mondialisé, doivent être adossés à un pôle universitaire uni et cohérent.

Lors de l’examen des amendements en commission, nous avons cru comprendre que certains de nos collègues, se faisant l’écho de volontés locales, entendaient régler cette question en mettant en avant le rôle des régions. Mais le rôle des régions est clairement défini dans l’article 19 de la loi ESR, qui dispose que « la région coordonne, sous réserve des missions de l’État et dans le cadre de la stratégie nationale de recherche, les initiatives territoriales visant à développer et diffuser la culture scientifique, technique et industrielle, notamment auprès des jeunes publics, et participe à leur financement. […] La région définit un schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation qui détermine les principes et les priorités de ses interventions ».

De même, le projet de loi actuellement en débat sur la nouvelle organisation territoriale de la République va certainement renforcer le rôle des régions en matière de schéma territorial.

M. Michel Piron. Vraiment ?

Mme Sandrine Doucet. Voici quel est le cadre défini par la loi. La suite des débats nous permettra très certainement de savoir quelles sont les intentions du Gouvernement sur les dispositions prises au Sénat et à l’Assemblée : s’il s’agit du lien entre région et université, il est défini dans la loi ESR, mais s’il s’agit de défendre uniquement des intérêts régionaux, c’est un autre débat...

Les amendements gouvernementaux reposent sur une autre argumentation, que vous nous avez exposée, madame la secrétaire d’État, et je pense que la discussion sera fructueuse.

Mes chers collègues, l’université des Antilles doit exister pleinement dès lors que les équilibres et les concurrences seront réglés par ce nouveau cadre. Il s’agit pour les étudiants de disposer d’un ensemble de cursus répondant à la démocratisation des savoirs, et, pour l’université, de contribuer, au même titre que les universités métropolitaines, au rayonnement de la France. L’enjeu est d’autant plus louable que le concurrent américain est proche.

La France du lointain est celle qui nous dit notre capacité à mettre en œuvre nos ambitions car c’est un retour sans concession que nous en recevons, mais elle nous donne aussi, toujours, la mesure du monde qui nous entoure. L’université française et l’université des Antilles doivent aussi relever ce défi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ferai quelques remarques liminaires avant de poser à mon tour quelques questions au Gouvernement.

Mon intervention est empreinte d’une certaine tristesse car j’ai le regret de constater que cette belle université des Antilles et de la Guyane n’existe plus en tant que telle puisque la Guyane en est désormais séparée. Il s’agit pour moi d’une première difficulté.

Il nous faut, hélas, en prendre acte, mais si nous en sommes arrivés là, c’est que cette question a été très mal gérée par le Gouvernement. Je ne vous en fais pas le reproche, madame la secrétaire d’État, même si vous représentez le Gouvernement, mais je regrette que certains de vos collègues aient privilégié le localisme à l’intérêt général.

M. Michel Piron. C’est vrai !

M. Patrick Hetzel. Mais ce sont des choses qui vous dépassent, et je comprends aisément que des ministres plus influents que vous utilisent ce localisme…

Cela étant dit, le calendrier est désormais imposé. Il faut donc agir vite et de manière efficace, afin que la situation ne se dégrade pas davantage et que les Antilles, et en particulier leur université, poursuivent leur rayonnement dans l’espace des Caraïbes et maintiennent le lien que représente la francophonie au sein de cet espace.

Je voudrais revenir sur l’excellent travail de fond qui a été réalisé au Sénat et qui, comme l’a rappelé notre collègue Doucet, a permis l’adoption du texte à l’unanimité, travail sur lequel vous vous êtes appuyé, monsieur le rapporteur, comme vous l’avez rappelé en commission et ce matin même.

Je salue le travail que vous avez effectué car malgré des délais extrêmement contraints, vous avez fait le maximum pour associer tous les groupes politiques jusqu’à dégager une unanimité, que nous avons d’ailleurs retrouvée hier matin en commission en votant un texte conforme à celui du Sénat. Le vote sur chaque amendement a fait l’objet d’un consensus politique sans ambiguïté.

Mme Marie-George Buffet. Eh oui !

M. Patrick Hetzel. J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous ne donnerez pas un coup de canif dans ce consensus. Si c’était le cas, il faudrait que vous vous en expliquiez, parce que je ne sais pas ce qui aurait pu se passer au cours de la nuit pour justifier un revirement aussi fondamental de la part de la majorité sur un sujet aussi essentiel ?

J’en viens aux questions que je souhaite vous poser.

Tout d’abord, quels sont les résultats de l’étude d’impact en ce qui concerne la gouvernance de la future université des Antilles ? Quelles seront les incidences sur les deniers publics ? La question se pose parce que, en créant une université de Guyane autonome, vous avez soustrait une partie des ressources de l’université des Antilles et de Guyane pour les affecter à l’université de Guyane, ce qui a ipso facto réduit les ressources de l’université des Antilles.

Quelle garantie donnez-vous à cette université pour lui permettre de fonctionner ? Avez-vous l’intention de rétablir son budget initial ? Encore une fois, je ne pense pas que l’on puisse attribuer à l’université des Antilles la responsabilité de cette scission, qui est due à d’autres phénomènes. Il ne serait pas souhaitable que nos collègues des Antilles fassent les frais de turpitudes gouvernementales.

Concernant la place de l’enseignement supérieur et de la recherche français dans l’espace que constituent les Antilles, la Guyane et les Caraïbes, quelle politique publique comptez-vous mettre en œuvre pour faire en sorte que perdure le rayonnement de la France, qui est très largement assuré par l’université des Antilles ?

Notre collègue Marie-Jeanne a rappelé les propos que vous avez tenus dans cette assemblée lors de l’examen du texte relatif à l’enseignement supérieur et la recherche. Il serait paradoxal qu’en dépit de votre plaidoyer et du consensus obtenu autour du rassemblement des institutions universitaires, vous appliquiez une autre doctrine. Nous ne le comprendrions pas.

Le fameux « ticket à trois » – un président et deux vice-présidents pouvant se présenter à la présidence de l’université – fait le pari de la confiance entre les acteurs. C’est un pari tout à fait pertinent puisqu’il nécessite un accord ex ante et non un accord ex post.

En conséquence, le groupe UMP ne pourra que voter contre les amendements du Gouvernement qui, selon nous, sont de nature à rompre l’équilibre trouvé dans ce texte, équilibre basé sur la stabilité et la cohésion.

Il y a évidemment une certaine autonomie des pôles, mais elle doit être négociée. Elle ne peut être bâtie sur l’opposition des uns contre les autres, mais être le fruit de la discussion des uns avec les autres. C’est une vision inclusive et non exclusive qui a été privilégiée, parce que l’université, tout comme l’État, se doit d’être une et indivisible.

Je ne voudrais pas vous paraître trop insistant mais je vous rappelle que l’origine même du terme « université » fait référence à l’universalisme. Il serait paradoxal, alors que nous portons un nouvel établissement sur les fonts baptismaux, de privilégier non pas l’universalisme mais le localisme. Ce serait totalement antinomique, à la fois avec la philosophie universitaire et avec tout ce que vous-même avez défendu, madame la secrétaire d’État. À cet égard, les propos de notre collègue Marie-Jeanne étaient fort éloquents.

J’en viens à une autre question que nous avons posée en commission et qui concerne le contrôle qui sera exercé par l’État sur cet établissement : qui assurera la chancellerie des universités ?

Enfin, adopter ce texte conforme permettra à l’établissement de fonctionner rapidement, ce qui va dans le sens de l’intérêt général. Ce qui est en jeu, c’est une communauté universitaire, le devenir des étudiants et leur insertion professionnelle. C’est la raison pour laquelle, plus que jamais, je pense qu’il est nécessaire de maintenir le consensus qui a été dégagé par le Sénat et conforté hier en commission. J’espère que, dans les minutes qui viennent, vous ne chercherez pas à rompre ce consensus. Ce serait aller aux antipodes de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comment comprendre l’importance fondamentale de ce projet de loi sans prendre, au préalable, la pleine mesure des défis auxquels est confronté l’enseignement supérieur aux Antilles et en Guyane ?

L’Assemblée nationale est en effet aujourd’hui amenée à se prononcer sur ce projet de loi afin de circonscrire une crise qui met en péril la survie même de l’université aux Antilles. Notre inaction serait coupable, tant les enjeux sont importants.

Enjeux importants d’abord pour les Antilles où le chômage des jeunes actifs atteint des seuils dramatiques : 68,2 % en Martinique, 59,8 % en Guadeloupe, 44,8 % en Guyane. Or le diplôme, plus exactement la qualification, demeure un atout incontestable pour parvenir à gagner la bataille de l’emploi. J’en veux pour preuve que dans ces trois territoires le taux de chômage descend à 10 % pour les jeunes qui ont bénéficié d’une formation de l’enseignement supérieur.

Enjeux importants aussi pour notre République qui se doit de garantir un accès équitable à l’éducation, sans distinctions de condition sociale, de conviction, de confession religieuse, de territoire.

La parution du rapport annuel 2012 de la Cour des comptes qui mettait en cause la gestion opaque du CEREGMIA, le Centre d’étude et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée, entre 2005 et 2010, ainsi que la plainte déposée par la présidente de l’université, Corinne Mence-Caster, ont fait éclaté la crise dans laquelle s’est enlisée l’université des Antilles et de la Guyane jusqu’à risquer aujourd’hui l’éclatement.

Les irrégularités pointées du doigt par les magistrats de la Cour des comptes ont suscité un profond sentiment de révolte parmi les universitaires comme parmi les étudiantes et les étudiants, causant des tensions qui se sont envenimées à l’automne 2013, et se sont notamment traduites par des grèves en Guadeloupe.

Cette crise a donc conduit le Gouvernement, dans le protocole d’accord de fin de conflit signé le 11 novembre 2013, à acter le retrait de la Guyane de l’université commune, qu’elle partageait avec la Guadeloupe et la Martinique depuis 1982.

Cependant, cette décision, qui a conduit à la création d’une université guyanaise de plein exercice, a en réalité exacerbé les tensions entre Guadeloupéens et Martiniquais et favorisé les revendications autonomistes. Mon collègue Patrick Hetzel parlait tout à l’heure de revendications « localistes », et le mot n’est pas mince, dans la bouche d’un Alsacien ! (Sourires.) Je ferme la parenthèse, et je salue l’universalisme réaffirmé par M. Hetzel à cette occasion.

M. Patrick Hetzel. Merci !

M. Michel Piron. Cette décision a également paralysé le système éducatif. Afin d’apaiser la situation, le Gouvernement a alors tenté de tirer parti de l’habilitation à légiférer par ordonnance, qui lui avait été accordée dans l’intention initiale d’adapter à cette université la nouvelle gouvernance fixée par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2014. Ainsi, l’ordonnance du 17 juillet 2014 a accru l’autonomie des deux pôles de l’université, en les dotant de compétences propres.

Toutefois, le champ de cette habilitation, qui se bornait à autoriser la réforme de la gouvernance de l’université des Antilles et de la Guyane, sans permettre d’en modifier ni le nom ni le périmètre, n’a pas permis au Gouvernement de tirer toutes les conséquences du retrait du pôle guyanais qui, dans l’état actuel du droit, continue de faire partie de l’université commune.

Étant donné la fragilité de la situation de l’université des Antilles et de la Guyane, il était par conséquent indispensable que le législateur intervienne en urgence pour clarifier la situation juridique des deux universités. Aussi – nous le disons sans détours –, le recours aux ordonnances ne nous semble pas, en l’espèce, inapproprié, loin de là !

Mes chers collègues, quelles ambitions porte ce projet de loi ? Il s’agit tout d’abord de mettre définitivement fin aux blocages, aux inerties et aux rivalités auxquelles l’université des Antilles et de la Guyane est confrontée depuis de trop nombreuses années, et qui ont abouti à la situation de crise actuelle. C’est là le défi le plus immédiat. Mais dans une perspective de plus long terme, ce projet permettra également de poser les bases du déploiement d’une université des Antilles solide et dynamique, à même de garantir à la jeunesse antillaise un enseignement supérieur de qualité, à la hauteur des défis économiques, sociaux et culturels auxquels sont confrontées nos deux régions d’outre-mer des Antilles.

Il s’agit ainsi de rénover profondément la gouvernance de l’université des Antilles, afin de préserver son unité, tout en donnant au pôle martiniquais et au pôle guadeloupéen une large capacité d’organisation administrative et pédagogique. Ces compétences propres leur permettront non seulement d’adapter leur gestion quotidienne aux circonstances locales, mais aussi d’aboutir à une organisation pleinement déconcentrée, rompant avec les anciennes tentations centralisatrices. Parallèlement à cette forte autonomie, la cohérence et l’unité stratégique de l’université des Antilles doivent impérativement être préservées afin de renforcer son attractivité. Cette attractivité lui permettra de rayonner scientifiquement ; elle pourra ainsi non seulement mieux retenir les bacheliers antillais, mais également en attirer d’autres, au-delà des frontières, en s’appuyant sur le dynamisme universitaire de la zone caraïbe.

Cette nouvelle organisation dotera l’université des Antilles de fondations solides, qui lui permettront de relancer sereinement son développement. Toutefois, je répète qu’il est impératif de préserver l’articulation entre l’autonomie des pôles universitaires régionaux et l’unité de l’université. Les décentralisateurs que nous sommes savent aussi ce qu’est l’unité. C’est pourquoi l’un des enjeux majeurs de cette nouvelle gouvernance est sans conteste de prémunir l’université des Antilles contre d’éventuelles tensions entre les trois grands gestionnaires de l’université : le président de l’université, d’une part, et les vice-présidents des deux pôles régionaux, d’autre part.

Nous saluons les évolutions réalisées sur ce point au Sénat, qui sont de nature à assurer la solidarité de l’équipe de direction. L’élection commune de l’équipe de direction par le conseil d’administration de l’université des Antilles, sous la forme d’un « ticket » de candidats préalablement rassemblés, leur permettra de travailler en bonne intelligence et d’assurer ainsi la continuité d’une université puissante et ambitieuse.

Nous saluons également les autres avancées obtenues au cours de l’examen de ce projet de loi au Sénat. Les travaux de ce dernier ont en effet permis d’insérer dans le texte les innovations proposées par le groupe de travail commun mis en place par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et la délégation à l’outre-mer du Sénat. Le rapport d’information issu de ce groupe de travail avait dégagé de nombreuses pistes pour assurer le respect de l’autonomie des deux pôles de l’université. Nous nous réjouissons que le Sénat ait enrichi le projet de loi en reprenant les principales propositions de ce rapport.

Mes chers collègues, la crise à laquelle est confrontée l’université des Antilles appelle une réponse efficace, rapide et ambitieuse. Ce projet de loi, tel qu’adopté par le Sénat, répond à ces exigences. C’est pourquoi nous souhaitons que l’équilibre de ce texte soit respecté lors du débat au sein de notre assemblée. Convaincu que l’éclatement de l’université serait particulièrement grave et pénaliserait lourdement la jeunesse antillaise, le groupe UDI soutiendra ce projet de loi. Il permettra de maintenir une université des Antilles commune, avec des pôles à l’autonomie renforcée, mais dotée d’une gouvernance cohérente et efficace, afin que l’accès à l’éducation, si important – et même essentiel –, soit garanti partout sur le territoire français.

Mme Isabelle Attard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Je tiens tout d’abord à féliciter M. le rapporteur pour son honnêteté et son objectivité. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’associe à mon intervention mes collègues martiniquais Alfred Marie-Jeanne et Bruno Nestor Azerot.

Si nous nous réunissons aujourd’hui, c’est bien pour mutualiser nos capacités de réflexion et d’anticipation, afin de reconstruire, à partir des vestiges de l’université des Antilles et de la Guyane, une nouvelle université des Antilles. Du moins, j’ose l’espérer. Il nous appartient d’ériger des piliers solides, afin de prévenir les rivalités stériles qui ont émaillé l’histoire de l’université des Antilles et de la Guyane, et qui ont eu pour conséquences la détérioration de notre image collective et l’effondrement brutal, en moins de trente jours, avec la bénédiction du Gouvernement, de ce qui avait été patiemment bâti en plus de trente ans.

Notre objectif doit être aujourd’hui de permettre à l’université des Antilles d’être attractive, crédible et solide, pour rétablir les conditions favorables à l’apprentissage et à l’épanouissement de nos étudiants. Les populations de nos régions vieillissent rapidement, et nous sommes frappés par une baisse démographique, due notamment au fait qu’un jeune sur deux qui suit une formation hors de nos territoires ne revient pas y vivre. Tous ces facteurs aggravent le sinistre économique et social de nos territoires : nous n’avons alors d’autre alternative que de miser sur le renforcement de nos capacités à former notre jeunesse.

La loi Fioraso du 22 juillet 2013, qui vise à fusionner des universités déjà importantes en taille pour en faire des ensembles dotés de moyens mutualisés et bénéficiant d’une forte visibilité à l’international, nous soumet à la concurrence de ces méga-universités et nous avons l’obligation de redoubler d’efforts et d’ingéniosité pour retenir nos étudiants dans notre institution.

Enfin, nul ne saurait imaginer la pérennité d’un établissement bicéphale sans dispositif renforçant sa cohésion et sa stabilité, pour éviter les risques d’implosion qu’a connus l’UAG. Pour y parvenir, le Sénat a introduit dans ce texte des dispositions relatives à l’élection de l’équipe dirigeante de la future université, au terme de la mandature de celle-ci. Ces dispositions instituent un système connu sous le nom de « ticket à trois », qui me paraît judicieux. Le futur président de l’université des Antilles serait ainsi élu en même temps que les deux vice-présidents de pôle, afin de renforcer la stabilité et la cohésion de l’université. Afin de respecter en tout point l’autonomie des pôles, les statuts de l’université pourraient simplement prévoir de compléter ce dispositif par d’autres dispositions.

Pour concilier l’unité de l’établissement et l’autonomie des pôles, le système suivant est envisageable : en amont de l’élection de l’équipe dirigeante, chacun des deux pôles déterminerait une liste de trois noms pour la vice-présidence du pôle ; les candidats à la présidence de l’université seraient ensuite tenus de choisir leurs colistiers au sein de ces deux listes. C’est à cette proposition que, pour ma part, j’adhère.

Ce projet de loi, dans sa rédaction actuelle, me paraît réunir les conditions minimales pour que l’université des Antilles survive après une amputation ô combien traumatisante. Toutefois, j’appelle votre attention sur le fait que certains amendements soutenus par le Gouvernement – ou qu’il a repris à son compte – pourraient se révéler clairement préjudiciables, car portant en leur sein les germes de divisions et peut-être de scissions à venir. Le député Victorin Lurel propose la formulation « patrimoine mobilier et immobilier », tandis que le Gouvernement retient le terme de « surface ». S’agit-il d’une manière sournoise de revenir à la formulation initiale, c’est-à-dire « patrimoine mobilier et immobilier » ?

En tout état de cause, les surfaces à prendre en compte pour la subvention de l’État ne peuvent être que les surfaces financées à l’origine par l’État. Retenir la formule proposée en la figeant dans la loi ouvrirait la voie à des dérives importantes si les collectivités territoriales, suite à l’adoption de cet amendement, se mettaient à construire des campus. La détermination des critères doit rester une prérogative du conseil d’administration de l’université des Antilles.

Prendre en compte la surface de chaque pôle en tant que critère pour répartir la subvention pour charges de service public de l’État à l’université, cela reviendrait à pré-affecter les dotations et ôterait au conseil d’administration la possibilité d’apprécier souverainement la répartition des moyens entre les pôles en fonction des besoins réels. Sachant que des infrastructures régionales telles que le campus de Saint-Claude en Guadeloupe ne sont actuellement pas prises en compte dans la dotation de l’État, ni dans la subvention de l’État pour la maintenance, il apparaît évident que si l’on tenait compte du critère du patrimoine immobilier, une part supplémentaire conséquente serait attribuée au pôle Guadeloupe, qui regroupe trois campus universitaires, au détriment du pôle Martinique, qui ne dispose que de deux campus. Je condamne donc le flou qui règne quant à la définition du critère des surfaces.

Un autre critère intervient : l’effectif des étudiants. En réalité, l’actuelle présidente et les deux vice-présidents de pôle sont en train de travailler sur des critères qui appliquent d’ores et déjà un coefficient, variant en fonction des catégories, visant à évaluer le coût d’un étudiant. Pourquoi vouloir empiéter sur les compétences du conseil d’administration et figer dans la loi ce qui relève plutôt d’une négociation régulière au sein de cette instance ? Notons qu’un coefficient de 2,4 est déjà appliqué aux étudiants en sciences, un coefficient de 2,8 aux étudiants en école d’ingénieur, tandis qu’un coefficient de 1 est appliqué aux étudiants en lettres, droit ou économie.

M. le président. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Jean-Philippe Nilor. Le pôle de la Martinique accueille essentiellement des étudiants en sciences humaines, en droit et en sciences économiques. Le pôle Guadeloupe a des enseignements dans les mêmes matières, mais dispense, en plus, des enseignements scientifiques et de médecine, sans compter qu’il comprend également une école d’ingénieurs. On comprend bien, dès lors, que la part de subvention destinée à la Guadeloupe est largement prépondérante. Or au lieu de procéder à un nécessaire rééquilibrage entre les deux pôles, l’adoption des amendements lurélo-gouvernementaux risque d’aggraver ce déséquilibre !

M. le président. Il faut conclure, monsieur le député !

M. Jean-Philippe Nilor. En effet, si le texte était malencontreusement modifié – comme semble le vouloir le Gouvernement –, nous basculerions dans un rapport de 80 % de dotation pour la Guadeloupe contre 20 % pour la Martinique. Qui pourrait décemment se satisfaire d’une telle iniquité, alors que dans sa rédaction actuelle, le projet de loi permet de sauvegarder un rapport plus équilibré, de l’ordre de 60 % pour la Guadeloupe contre 40 % pour la Martinique ? De l’avis de tous les observateurs, tant martiniquais que guadeloupéens, cet équilibre permet aux deux pôles de vivre.

M. le président. Vraiment, monsieur Nilor, il est temps de conclure !

M. Jean-Philippe Nilor. Je conclus, monsieur le président, mais comprenez que ce sujet est vraiment très important !

Au regard des chiffres avancés, vous conviendrez qu’il ne s’agit pas d’entretenir des querelles de clocher, mais bel et bien d’avancer des données précises et objectives. La Martinique paye déjà suffisamment cher certains choix historiques, tel que celui d’avoir laissé se développer quasiment toutes les sciences en Guadeloupe, ainsi qu’une école d’ingénieur en 2011. Je ne puis donc assister à l’asphyxie du pôle universitaire de Martinique sans mot dire, ni sans maudire.

Nous, Martiniquais, sommes d’ailleurs en droit de nous interroger sur les raisons d’un tel acharnement et sur les motifs qui nous valent aujourd’hui des arbitrages discriminatoires. Tantôt il s’agit de remettre en question la légitimité des présidences martiniquaises successives de l’UAG, alors que celles-ci n’ont pas particulièrement bénéficié à la Martinique, tantôt il est question de reconsidérer la légitimité de l’actuelle présidente de l’université, à qui certains reprochent d’incarner une figure féminine trop verticale, alors qu’elle a entrepris une salutaire mission d’assainissement de méthodes condamnables, notamment celles pratiquées au sein du Centre d’étude et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée – le CEREGMIA –, dossier désormais entre les mains de la justice.

En définitive, le texte devrait être adopté en l’état, car nous avons suffisamment tergiversé et les étudiants martiniquais et guadeloupéens n’ont que trop payé le tribut des errements et du vide juridique qui perdurent.

M. le président. Merci, monsieur Nilor…

M. Jean-Philippe Nilor. J’invite donc chacun à prendre toute la mesure des enjeux inhérents au projet de loi.

M. le président. Monsieur Nilor, je vais être obligé de vous couper le micro. Vous avez dépassé votre temps de parole de quatre minutes.

M. Jean-Philippe Nilor. Je termine d’une phrase, monsieur le président. Nous considérant isolément, d’aucuns pourraient dire que nous ne sommes que deux cailloux dans l’océan. Antoine de Saint-Exupéry affirmait : « La pierre n’a point d’espoir d’être autre chose que pierre. Mais, de collaborer, elle s’assemble et devient temple. »

M. Michel Piron. C’est du Proust !

M. Jean-Philippe Nilor. Ainsi, de travailler ensemble et en revenant à l’intelligence, à la sagesse et à l’apaisement, la Martinique et la Guadeloupe parviendront ensemble à ériger enfin l’université des Antilles en temple de la connaissance et de la conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, j’aimerais pouvoir ignorer mon discours écrit pendant quelques minutes et parler de fraternité – j’allais même dire d’amour – entre la Guadeloupe et la Martinique, mais ce que je viens d’entendre à deux ou trois reprises n’est pas de nature à apaiser le débat. J’aimerais que nous ayons un discours d’apaisement. J’aimerais affirmer, à l’orée de ce propos, que nous sommes tous pour une université des Antilles. Nous nous sommes battus pour qu’elle soit une université rayonnante : j’en sais quelque chose, je ne parle pas hors sol, je suis également président de région et j’ai été brièvement enseignant à l’université. Au cours des dix dernières années, la région Guadeloupe a mis 100 millions – je dis bien : 100 millions – dans l’université. Un campus a été inauguré par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Nous avons mis 35 millions sur ce que nous avons appelé une « université des métiers ». Nous avons financé treize laboratoires. Treize laboratoires ! Chaque année, alors que la Martinique apporte 300 000 euros, nous en apportons 3 millions. Nous croyons au savoir, à l’investissement dans l’intelligence et le savoir. Aujourd’hui, pourquoi vouloir « pénaliser », si j’ose dire, le dynamisme du pôle de Guadeloupe et des campus de Guadeloupe ?

Je passerai sur les péripéties guyanaises : chacun est libre d’avoir son opinion, mais nous avons signé un accord politique. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas le Parlement qui a légiféré mais le Gouvernement qui a décidé par habilitation. Il a bien fallu pacifier les rapports sur les campus. Je rappelle qu’il y a eu une grève de trente-neuf jours sur le campus de Guadeloupe, parce qu’à deux reprises, par deux votes successifs, une demande a été émise tendant à la création d’une université de Guadeloupe. La Martinique était partie à peu près sur la même orientation. Les élus ont eu le courage de s’opposer – je dis bien : de s’opposer – aux demandes de leur communauté universitaire, de leurs syndicats et d’une part importante des étudiants.

On a donc gravé dans le marbre, en juillet 2014, un accord concernant tous les points en discussion, à partir de l’idée que ce n’est pas la nature de l’élection à la tête de l’université qui est à l’origine des difficultés de cette dernière, mais, précisément, l’absence de dialogue et, pire encore, le mépris affiché à l’égard de la Guyane. Depuis plus de trente ans, depuis 1982, il prévaut, sur le campus de Guadeloupe, le même sentiment que, depuis toujours – contrairement aux propos tenus par notre collègue Nilor – existe une inégalité de traitement.

Je réponds tout de suite que le texte a été préparé dans un souci d’équilibre – et je tiens d’ailleurs à rendre hommage à la qualité du travail accompli par Mme la secrétaire d’État –, en tenant compte d’un certain contexte. Une bonne législation, une bonne légistique consiste précisément à ne pas ignorer le contexte et la situation. On ne l’a pas ignoré.

Je respecte le droit d’amendement des parlementaires, mais le Sénat a ajouté des dispositions en ignorant le contexte et l’équilibre politique sur lequel est fondé cet accord. Il ne faudrait pas le remettre en cause. Or, dans sa rédaction actuelle, le texte remet en cause l’esprit de l’autonomie. Certains de nos collègues voudraient enfermer, ex ante, l’élection dans un trio, dans un triangle. Quelque part, c’est avoir peur de la liberté. La vérité, c’est que c’est cette proposition qui crée une spécificité qui n’existe nulle part dans l’Hexagone. Il y a là comme un soupçon qui n’ose pas s’avouer : « Si on laisse faire là-bas ce qui se fait depuis toujours – et ce qui continuera de se faire en métropole, même après la loi Fioraso –, si la liberté s’exprime et s’épanouit, ils feront mal les choses, ils démantèleront l’université ».

On a affirmé, on a réaffirmé, on a martelé que l’on veut une université des Antilles. Je me suis opposé à ce que j’ai appelé des demandes « ayatollesques », sans vouloir aucunement dire du mal d’une religion. On s’est opposé à cela. Vouloir enfermer le dialogue ex ante, entre trois personnes, alors que ce dialogue doit être entretenu tout au long du mandat, c’est une erreur politique gravissime. Si la Guyane est partie, demain, la Guadeloupe, ou même la Martinique, pourrait partir.

Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de ce que j’entends depuis quelque temps au sujet de l’introduction des surfaces dans les critères à retenir. Elle figure dans un accord politique, signé par quatre exécutifs, entériné par les syndicats et les communautés universitaires – comprenant aussi bien les techniques, les administratifs que le corps enseignant. J’ai sous les yeux les textes de l’université elle-même. Mon cher collègue Nilor, quand on demande de l’argent à l’État, c’est sur la base de 91 000 mètres carrés, mais quand on répartit les dotations, c’est sur la base de 81 000 mètres carrés : autrement dit, 10 000 mètres carrés disparaissent.

Pardonnez-moi de corriger ce que je qualifierai, pour rester correct, d’imprécision.

M. Jean-Philippe Nilor. D’après vous !

M. Victorin Lurel. Que se passe-t-il lorsque l’université ou un établissement d’enseignement supérieur est propriétaire de ses locaux, de ses équipements, du fruit de ses investissements ou a des investissements mis à sa disposition ? Selon les termes de l’instruction comptable M 9 du 23 janvier 2006 et de l’article 27 de la LOLF, les équipements sous son contrôle doivent être inscrits au bilan, faire l’objet d’un entretien et d’un amortissement. Or, aujourd’hui 100 millions d’investissements ne sont pas pris en compte. Il y a un manque d’équité, une inégalité dans la répartition. Oui, le coût des enseignements est plus élevé en Guadeloupe, du fait de l’existence d’enseignements scientifiques. C’était précisément la liberté du conseil d’administration que de mettre en place et des enseignements de lettres et des enseignements de science. Il est donc normal que les coûts et les dépenses soient plus élevés en Guadeloupe. Les recettes sont moins élevées : voilà ce que dit la secrétaire d’État pour rester dans l’équilibre, dans le respect des textes.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Lurel !

M. Victorin Lurel. Pour que ce ne soit pas simplement une instruction comptable, il faut le graver dans le marbre d’un texte qui a déjà fait l’objet d’un accord politique, en disant que les surfaces et les équipements doivent être pris en compte. C’est conforme à l’équité, à la loi, à la justice et, si j’ose dire, au rayonnement ultérieur de cette université.

Je demande à la majorité, à l’Assemblée nationale, de respecter ce qui a été fait, les accords politiques passés et le travail du Gouvernement : les deux amendements qui sont présentés méritent d’être soutenus et de recueillir votre confiance.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, dernier orateur inscrit.

M. Yves Durand. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur – je salue le travail difficile et extraordinaire qu’il a accompli –, mes chers collègues, il me paraît évident que notre objectif commun est la réussite de l’université des Antilles. Si j’ai bien écouté les débats de ce matin, souvent passionnés, cette réussite exige deux conditions. La première est de permettre à l’université des Antilles d’atteindre le seuil nécessaire à sa force. Sur ce point, je pense qu’il y a un consensus : il faut que l’université des Antilles atteigne le seuil permettant d’assurer la qualité des enseignements et de la recherche au bénéfice des étudiants. C’est d’ailleurs, tout simplement, la logique de la loi ESR elle-même qui encourage les universités à se regrouper.

C’est d’ailleurs cet objectif de renforcement des universités que le Sénat a voulu poursuivre en adoptant un amendement au texte gouvernemental allant en ce sens. C’est également pour obéir à cette condition absolument nécessaire que notre commission a repris le texte issu du Sénat, à l’unanimité, approuvant d’ailleurs l’excellent rapport de notre collègue Premat.

Si j’ai bien suivi les débats, il y a une deuxième condition à cette réussite : l’appropriation de la réforme par les acteurs locaux, par ceux qui font vivre l’université, dans laquelle ils s’intègrent. Cette deuxième condition, c’est, au fond, l’imprégnation de l’université dans son environnement local, régional,…

M. Patrick Hetzel. Triple salto arrière !

M. Yves Durand. …qui a d’autant plus d’importance qu’il joue un rôle majeur en matière de financement, comme notre collègue Lurel vient de s’en faire l’écho.

M. Patrick Hetzel. On attend la chute !

M. Yves Durand. C’est d’ailleurs cette préoccupation qui est à l’origine de la création de l’université de Guyane, qui s’est, non pas détachée, mais qui a pris son envol par rapport au pôle précédent d’Antilles-Guyane.

Je crois qu’il faut que nous reconnaissions, les uns et les autres, cette particularité antillaise, tout en maintenant une véritable université unique des Antilles…

M. Benoist Apparu. Pour combien de temps ?

M. Yves Durand. …pour assurer sa réussite.

Madame la secrétaire d’État, c’est cette reconnaissance que vous avez voulu établir en présentant un amendement que vous nous avez demandé, tout à l’heure, de soutenir…

M. Patrick Hetzel. On se croirait au théâtre !

M. Yves Durand. …en dehors de toute logique partisane, car l’enjeu le commande.

Mme Marie-George Buffet. C’est pour cela que nous étions unanimes en commission !

M. Benoist Apparu. On le restera !

Mme Annie Genevard. Ça s’appelle la cohérence !

M. Yves Durand. Ma chère collègue Marie-George Buffet, je suis d’accord avec vous et je respecte absolument l’avis unanime de la commission, à laquelle j’ai participé. La condition essentielle pour qu’une université fonctionne, c’est d’atteindre ce seuil pour qu’elle ait la force nécessaire à la réussite des étudiants. C’est ce que j’ai tenu à dire au début de mon intervention. Mais il y a la réalité des faits, et ce qui s’est passé en Guyane nous montre qu’il y a aussi un certain nombre de conditions à examiner et à reconnaître.

M. Benoist Apparu. Quelle est la consigne de vote ?

M. Yves Durand. Je pense qu’en faisant preuve de la bonne volonté nécessaire à la réussite de l’université des Antilles, nous devrions pouvoir réunir ensemble ces deux conditions et parvenir à la synthèse nécessaire pour que cette institution dispose à la fois de la force nécessaire – ce que nous avons voulu montrer au Sénat et, à l’unanimité…

M. Ary Chalus. À la majorité !

M. Yves Durand. …dans notre commission – et de la reconnaissance, non moins nécessaire, des particularités régionales. Mes chers collègues, c’est à cette synthèse que je vous appelle.

M. Benoist Apparu. Champion du monde de barque ! (Sourires.)

M. Patrick Hetzel. Chapeau l’artiste !

M. Benoist Apparu. Ramez, ramez !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Je souhaite remercier l’ensemble des intervenants qui se sont exprimés avec passion, conviction et sincérité. Une nouvelle fois, je veux saluer M. le rapporteur et l’ensemble de la commission pour la qualité de leur travail, mais également rendre hommage aux sénateurs Dominique Gillot et Michel Magras.

Les questions qui ont été posées par les uns et les autres ont révélé la difficulté de trouver un bon équilibre. Derrière les passions, on entrevoit la complexité de la situation qui s’inscrit dans un contexte national bien particulier. Certains ont parlé des Antilles et de la France, mais je rappelle que les Antilles, c’est la France. Ce n’est pas la métropole, mais c’est la France, répétons-le. Nous avons voulu conjuguer la réalité de la République française et les spécificités de l’outremer – j’y reviendrai.

Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons été confrontés aux difficultés guyanaises – dont nous ne sommes pas à l’origine, je le rappelle. Nous les avons trouvées à notre arrivée. Il a donc fallu en tenir compte pour parvenir à une solution équilibrée.

M. Hetzel m’a demandé comment nous allions pouvoir contrôler l’évolution de la situation de l’université de Guyane, d’une part, et celle de l’université des Antilles, d’autre part. Je me permets de lui rappeler que, sous le précédent quinquennat, le contrôle ne s’exerçait guère.

M. Patrick Hetzel. Vous allez encore longtemps recourir à ce genre d’arguments ?

M. Benoist Apparu. La faute à « avant », comme d’habitude ! Pas très original.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Je tiens à remercier M. Marie-Jeanne d’avoir évoqué avec honnêteté et franchise les dysfonctionnements observés. Certains faits, graves, sont en cours de jugement. L’actuelle présidente de l’université des Antilles avait été menacée et nous l’avions, à l’époque, soutenue avec détermination. Vous aviez d’ailleurs dénoncé ces faits à l’époque, monsieur Marie-Jeanne.

Les dysfonctionnements portaient également sur l’attribution de postes pour la Guyane et la Guadeloupe. D’où notre décision, dès l’apparition des premiers troubles et des premiers blocages en Guyane, de nommer un médiateur expérimenté, Christian Forestier, à qui je veux également rendre hommage. Son intervention a conduit à la création de l’université de Guyane, que nous avons voulu créer rapidement.

Il était essentiel de parvenir à un bon équilibre entre, d’une part, la concertation, qui est nécessaire, et, d’autre part, la mise en place d’un enseignement supérieur et d’une recherche efficaces, au service de l’intérêt général. Dans les territoires des Antilles et de la Guyane, les chiffres sont terribles – vous avez été nombreux à les rappeler – en matière de chômage des jeunes et de qualification – ou plutôt d’absence de qualification. C’est à cette situation que nous devions apporter des réponses efficaces.

C’est la raison pour laquelle nous avons créé l’université de Guyane le 1er janvier de cette année et recouru à des ordonnances qui ont fait l’objet d’une concertation. Elles ont été approuvées par le comité technique, les acteurs universitaires, mais aussi par les acteurs politiques très engagés dans les projets de ces deux universités.

Monsieur Marie-Jeanne, s’agissant de l’université des Antilles, vous avez plaidé avec conviction en faveur d’un dispositif permettant l’alternance dans la gouvernance. Malheureusement, un tel dispositif serait anticonstitutionnel. C’est pourquoi je présenterai, dans quelques instants, un amendement au nom du Gouvernement. L’alternance est souhaitable ; en parvenant à un bon équilibre sur ce point, nous réussirons à apaiser la situation.

Plusieurs orateurs ont évoqué la question des moyens. Monsieur Hetzel, la solution la moins onéreuse pour les deniers publics est celle qui permet aux enseignants-chercheurs et aux étudiants de travailler en toute sérénité. Chacun a pu constater que la sérénité n’était pas au rendez-vous en 2012 et en 2013, en raison de la situation que nous avions trouvée et dont nous n’étions pas à l’origine.

La création de l’université de Guyane s’est accompagnée de garanties : soixante postes seront créés sur quatre ans. Par ailleurs, le droit d’option qui permet aux enseignants-chercheurs de choisir leur université a permis de dégager, en solde net, vingt-six postes pour l’université des Antilles. Des moyens nouveaux seront donc bel et bien dédiés à l’université des Antilles. Il est important de le rappeler.

En conclusion – provisoire, puisque nous allons encore débattre sur un certain nombre d’amendements –, je rappelle que l’on ne crée pas une université, que l’on ne procède pas à un regroupement contre la volonté des communautés universitaires. Nous avons voulu tenir compte du bilan de l’université des Antilles et de la Guyane et des difficultés auxquelles elle a été confrontée, auxquelles nous avons voulu mettre un terme, au nom de l’intérêt général.

On ne peut pas non plus demander un engagement financier aux collectivités territoriales sans tenir compte des sensibilités qu’elles expriment. Là aussi, il a fallu trouver un équilibre.

Pour ma part, je promeus une vision universaliste des missions de l’université,…

Mme Marie-George Buffet. Ce n’est pas vrai !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. …que vous avez été nombreux à évoquer, mais je sais aussi que, ce qui fait la richesse des projets universitaires, c’est la force des écosystèmes et leurs spécificités. Sous les précédentes législatures, on préconisait les fusions à marche forcée, dénoncées par nombre d’entre vous. Nous avons voulu faire évoluer une telle vision dans le sens d’une meilleure prise en compte des spécificités et de l’intérêt des territoires, dans un cadre de préconisations et de contrôles que l’État stratège assume parfaitement.

Les amendements que nous proposerons vont dans ce sens et sont le reflet de l’équilibre auquel nous voulons parvenir. Pour ma part, je suis convaincue que, conscients de l’intérêt général, vous saurez partager ces préoccupations. Nous ne voulons pas reprendre le schéma des fusions à marche forcée qui ont été un échec.

M. Benoist Apparu. Là, ce n’est pas la fusion, c’est l’éclatement !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Nous voulons nous appuyer sur les initiatives locales et prendre en compte l’intérêt des territoires, dans une vision universaliste du savoir et de la recherche.

Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler hier en réponse à une question qui m’a été posée dans le cadre des questions au Gouvernement, le fait qu’il y ait désormais deux universités – celle des Antilles et celle de la Guyane – ne mettra pas en cause les liens, trop faibles au demeurant, entre ces deux entités, qu’il s’agisse de la recherche ou de la mobilité des étudiants.

Les Antilles disposent là d’une opportunité formidable pour développer davantage les liens avec les Caraïbes – un partenariat vient d’être signé avec la Jamaïque, mais il faut aller encore plus loin. Quant à la Guyane, elle se tourne naturellement vers le Brésil et sera conduite à développer ses liens avec ce pays. Mais, sur des thèmes aussi importants que la biodiversité ou l’étude des fonds marins – sujets qui sont au cœur des préoccupations politiques –, les deux universités peuvent mener des projets de recherche en commun et développer des projets de formation. L’État, dans le cadre de ses missions régaliennes et de sa fonction de stratège, y veillera – je veux rassurer à cet égard tous les parlementaires ici présents.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Doucet.

Mme Sandrine Doucet. Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

Plusieurs députés du groupe UMP. Comme d’habitude, ils ne sont pas assez nombreux pour avoir une majorité !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Ce texte n’est pas une bonne nouvelle, car il entérine malheureusement l’éclatement de l’université des Antilles et de la Guyane. C’est la triste réalité. J’ignore si la responsabilité en revient au gouvernement actuel ou au précédent, mais arrêtons ces petits jeux qui nous amusent peut-être tous, mais qui sont assez stériles. La question principale est de savoir si nous avons, ou non, une ambition pour une université des départements français d’Amérique, tête de pont de la France dans cette région de la Caraïbe, afin de constituer une plate-forme universitaire de haut rang, de haut niveau, qui puisse rayonner sur l’ensemble de ce continent. C’était là l’enjeu que pouvait défendre notre pays, au lieu de quoi nous assistons à l’éclatement des universités.

Monsieur Lurel, vous venez de nous dire, à juste titre, qu’il fallait que prévale dans les départements français des Amériques la même liberté de décision et la même autonomie que dans les universités métropolitaines. C’est vrai, mais je vous rappelle qu’en métropole, il n’y a pas d’éclatement.

M. Victorin Lurel. En métropole, il n’y a pas non plus 300 kilomètres de distance entre les composantes des universités !

M. Benoist Apparu. Or, nous assistons ici à un éclatement universitaire et nous voyons malheureusement où nous allons : hier, il y avait une université ; demain, il y en aura trois. Vous nous dites à juste titre, monsieur Lurel, qu’un accord a été scellé entre les deux départements des Antilles pour maintenir l’unité de l’université, mais j’imagine qu’on disait la même chose voilà dix ou quinze ans à propos de la Guyane : on voit le résultat. L’amendement gouvernemental porte malheureusement en lui, pour demain, l’éclatement de l’Université des Antilles. Au lieu donc d’avoir une université tête de pont dans les Amériques, nous aurons trois universités confettis.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Nous sommes tous, sur ces bancs, attachés au rayonnement de l’université de notre République. Or, avec l’université des Antilles, il s’agit ici d’un échec, avec la séparation de l’université de Guyane, qui sera très réduite quant au nombre d’étudiants et qui, dans son isolement, aura du mal à construire une attractivité et un rayonnement.

C’est précisément pour cela que le Sénat, avec une grande sagesse, a voté à l’unanimité un texte équilibré, qui permet de donner à l’université des Antilles sa cohérence, tout en respectant l’autonomie des pôles, et lui assure, avec l’amendement adopté, les moyens de créer une gouvernance stable en réunissant ces deux pôles à la direction de l’université.

Ce qui se joue avec le maintien du texte tel qu’il a été adopté au Sénat, c’est l’avenir de cette université – plusieurs intervenants ont relevé cet enjeu. Quand on sait qu’un certain nombre de bacheliers font le choix de ne pas poursuivre leurs études dans ces universités et qu’on connaît l’importance que revêt le diplôme pour ces jeunes dans la recherche d’un emploi, on mesure combien notre responsabilité est grande. Il y va de l’attractivité pour les étudiants et pour les enseignants-chercheurs.

Or, les amendements du Gouvernement fragilisent cet équilibre que le rapporteur, grâce à un travail de très grande qualité, nous avait présenté, et ils sont gros d’un risque de rupture entre les deux pôles de cette université.

Le groupe GDR s’opposera donc aux amendements gouvernementaux, comme il l’a fait lors de l’examen du texte en commission, à l’appel du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. En soutenant le Gouvernement et en déposant les deux amendements dont je suis cosignataire, je n’invente rien : il s’agit de revenir au texte de l’ordonnance et de respecter les engagements politiques pris auprès d’un ensemble de personnes, de communautés, de syndicats et d’enseignants.

Monsieur Apparu, aucune université de métropole n’a des pôles situés à 300 kilomètres l’un de l’autre.

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas vrai !

M. Victorin Lurel. Si donc la Guyane est partie, ce n’est pas à cause d’un mode de scrutin ou d’élection ; c’est parce que, depuis 1982, il n’y a pas eu de dialogue. On a secondarisé l’enseignement universitaire guyanais et les gouvernements successifs n’ont jamais exercé de contrôle de légalité à ce propos, de telle sorte que les Guyanais, excédés, sont partis. Il y a aujourd’hui la même tension.

Je peux prétendre connaître ce sujet,…

M. Alfred Marie-Jeanne. Pas plus qu’un autre !

M. Victorin Lurel. …dans lequel je suis immergé, et avoir obtenu avec la secrétaire d’État, Mme Fioraso, qui a fait un travail de qualité, un équilibre universitaire et politique. Vous remettez en cause la liberté d’élection, mais rien n’empêche le président élu de soutenir, comme il le fait déjà, l’élection des vice-présidents sur un programme.

Une élection de vice-président a récemment eu lieu et M. Didier Destouches a été élu, succédant à M. Didier Bernard, Guadeloupéen. Sur dix présidents, huit étaient martiniquais. Nous avons toujours voté pour les Martiniquais. Ce n’est pas un souci. En revanche, lorsqu’une majorité tyrannique fait qu’au moment même où je vous parle, comme le montrent les éléments publiés par la presse voilà une semaine à peine, le budget provisoire qui vient d’être établi se traduit par des crédits de 92 euros par étudiant en Guadeloupe contre 122 euros en Martinique, il faut que l’État exerce un contrôle de légalité, qu’il rétablisse les critères et exerce son droit de regard.

M. Benoist Apparu. Il faudrait donc comparer le budget par étudiant dans tous les départements et dans toutes les universités ?

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Chers collègues, vous avez relevé que ce projet de loi ouvrait un dialogue qui était nécessaire et important.

Monsieur Lurel, je ne comprends pas bien pourquoi vous stigmatisez, alors qu’il s’agit d’établir de bonnes conditions qui sont précisément inscrites dans la rédaction actuelle du projet de loi. Pourquoi déposer aujourd’hui des amendements qui n’ont pas été débattus en commission ? Le texte que nous examinons est le produit du travail réalisé en commission. Il est donc assez incompréhensible que vous déposiez aujourd’hui ces amendements.

M. Benoist Apparu. D’autant que le texte a été adopté à l’unanimité !

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Je ne peux pas laisser M. Lurel affirmer qu’il est le seul à maîtriser ce dossier, car nous le maîtrisons aussi.

Monsieur Lurel, les chiffres que vous venez de citer sont erronés. Ils sont faux. Il n’y a pas de projet de budget.

M. Victorin Lurel. Si !

M. Jean-Philippe Nilor. Non. Ces documents sont factices et il n’y a pas de projet de budget. En effet, l’université des Antilles n’existe pas encore. Un travail engagé en collaboration avec la présidente et les vice-présidents actuels des pôles s’oriente vers la répartition suivante : 60 % des fonds pour la Guadeloupe et 40 % pour la Martinique. Cette affectation est reconnue par tous les observateurs comme une solution consensuelle d’apaisement, d’intelligence et de sagesse, car elle permet aux deux pôles de vivre.

Si en revanche on adoptait vos amendements, que je considère comme des amendements de la rente, on s’orienterait irrémédiablement vers une affectation de 80 % des fonds en faveur de la Guadeloupe. Qui peut décemment accepter cette inégalité, cette iniquité ?

M. Patrick Hetzel et M. Benoist Apparu. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je suis surpris. Comme l’a en effet rappelé Mme Buffet, la discussion au Sénat a débouché sur un consensus et le texte a été adopté à l’unanimité. Lors du débat en commission, dans un premier temps, la semaine dernière, aucun amendement n’a été déposé et tout le monde était d’accord sur le texte en reconnaissant qu’il fallait faire vite, qu’il y avait urgence pour les Antilles et que, pour obtenir cet équilibre et stabiliser les choses, il fallait voter le texte conforme. Hier encore, nous avons discuté des amendements gouvernementaux et les choses ont été très claires : le vote de la commission a acté le rejet de ces amendements, suivant en cela l’avis très sage du rapporteur.

Bien entendu, nous n’avons entendu ce matin aucun argument pertinent permettant d’adopter ces amendements. Comme d’autres l’ont dit avant moi, il serait très grave d’aller dans cette direction car, ipso facto, nous instaurerions juridiquement, par la loi, les germes d’une université qui ne fonctionnera pas et débouchera sur la création de deux universités. C’est dramatique. Nous avions une université, il y en aura deux à la suite de l’adoption de ce texte et même, avec ce que souhaite faire le Gouvernement, potentiellement trois.

Tout cela est exactement à l’opposé de ce que vous-même, madame la ministre, avez défendu en présentant votre loi. Je ne comprends vraiment plus le Gouvernement ni la majorité.

Surtout, je ne comprends pas ce revirement de dernière minute, qui ne s’explique que par de petits arrangements entre amis, faits nuitamment. Tout cela est honteux et n’est pas à la gloire de la démocratie. C’est absolument scandaleux ! Je vois bien comment les choses se sont passées : une fois encore, on crée un système universitaire qui ne pourra pas fonctionner. C’est dramatique !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Doucet.

Mme Sandrine Doucet. Nous avons entendu les arguments des uns et des autres à propos de ces amendements, déposés pour des raisons différentes. Les attendus sont en effet différents selon que les amendements émanent des députés qui défendent l’intérêt d’une élection séparée des présidents et des vice-présidents ou de la volonté du Gouvernement.

À ce stade, pour ne pas prolonger un débat davantage orienté vers les intérêts des collectivités territoriales que vers l’enseignement supérieur et la recherche, je souhaite que les amendements déposés par M. Lurel et les autres députés soient retirés et que l’on se fonde sur ceux qui ont été déposés par le Gouvernement, afin de poursuivre la discussion sur la base de critères définis dans le cadre de la loi et uniquement dans ce cadre. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP, écologiste et GDR.)

M. Benoist Apparu et Mme Marie-George Buffet. Ce sont les mêmes !

Mme Sandrine Doucet. L’exposé des motifs et les arguments ne sont pas les mêmes ! Nous allons en revenir au cadre de la loi. Il y a, d’un côté, le texte qui a été voté à l’unanimité – et la parole du rapporteur, qui compte, mais aussi, de l’autre, l’esprit de la loi, auquel il faut se conformer.

M. Patrick Hetzel. Hallucinant !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Je souhaite revenir sur certains propos tenus par nos collègues dans l’hémicycle. Je rappelle qu’en commission – pas lors de la réunion de l’article 88, mais bien dans le débat en commission auquel nous avons participé tous ensemble –, j’ai demandé si des amendements seraient déposés plus tard, en séance : je n’ai obtenu aucune réponse.

M. Patrick Hetzel. Tout à fait !

Mme Isabelle Attard. Je ne sais pas comment l’interpréter, mais je n’ai eu aucune réponse, et j’ai été la seule à demander de façon extrêmement précise si le Gouvernement ou d’autres collègues souhaitaient déposer des amendements. Le dépôt en douce de ces amendements par la suite me laisse donc un goût extrêmement amer !

M. Patrick Hetzel. Excellent !

Mme Sandrine Doucet. Par ailleurs, j’aimerais savoir si ces amendements ont été demandés par les personnels élus des établissements, par les représentants du personnel ou par les étudiants. Eh bien non ! Ils n’ont pas été demandés par les premiers concernés par l’organisation proprement dite de l’université des Antilles, dont nous débattons aujourd’hui.

M. Patrick Hetzel. C’est de la tambouille !

Mme Sandrine Doucet. Vous me dites ensuite, monsieur Lurel, que c’est seulement une question de dialogue et qu’il n’y en a pas eu. Or nous, législateurs, nous devons fixer les conditions d’un bon dialogue. Ces conditions consistent en un mode de gouvernance, un débat, des élections qui respectent tous les points de vue à l’intérieur d’une université.

Il est bien sûr important de débattre du mode de gouvernance et du mode d’élection du trio à la tête de cette université : ce n’est pas un détail, mais l’élément fondamental d’un juste dialogue.

Enfin, vous avez indiqué que vous souhaitiez, par vos amendements, la liberté d’élection. Mais qu’est-ce qui empêche un trinôme, président et vice-présidents associés dans un objectif commun, de faire face, de débattre avec un autre trinôme qui aurait un autre projet pour l’université des Antilles ? C’est cela, la démocratie : projet contre projet ! Ce n’est pas individu contre individu, défendant un bout de gras pour des intérêts propres !

Mme Marie-George Buffet. Bien sûr !

Mme Sandrine Doucet. Nous débattons de l’intérêt général : rien n’empêche deux vice-présidents et un président de débattre d’un projet pour leur université, et un autre trinôme de débattre de leur autre projet pour l’université.

M. Patrick Hetzel. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Vous conviendrez que notre ordre du jour adresse parfois des clins d’œil au législateur : nous sommes en train de discuter de l’université des Antilles, donc de l’organisation du territoire universitaire ; or il se trouve que, immédiatement après, nous allons reprendre la discussion sur l’organisation du territoire de la République. On se rend compte, à cette occasion, à la veille de cette nouvelle organisation, que les particularismes ont encore la vie dure.

À nos collègues qui ont demandé à Victorin Lurel et à ses amis de retirer leurs amendements pour voter celui du Gouvernement, je dirai qu’il ne faut pas nous prendre pour plus naïfs que nous ne sommes : l’amendement du Gouvernement répond exactement à ce que demande M. Lurel !

Je trouve que, dans cette affaire, il y a quelque chose qui ne va pas : les commissions, dans cette assemblée, ont pour but d’élaborer un texte et de discuter des amendements. Il me semble d’ailleurs avoir entendu le Premier ministre se féliciter récemment de la qualité du débat – avant de nous sortir l’article 49, alinéa 3 ! (Rires sur les bancs des groupes écologiste, UMP, UDI et GDR.)

On a le sentiment de vivre exactement la même chose aujourd’hui ! Il y a eu un débat, des amendements ; tout le monde était d’accord sur le fond du projet. Puis, subrepticement, voilà qu’on nous sort des amendements purement clientélistes – il faut le dire –, inspirés par des amis du Gouvernement qui agissent auprès de lui pour défendre les intérêts de leur département.

M. Martial Saddier. Qu’en pense M. Le Roux ?

M. Noël Mamère. L’université et les populations des Antilles méritent mieux que ce traitement clientéliste ! C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons aux amendements du Gouvernement comme à ceux de M. Lurel. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, UMP, UDI et GDR.)

M. le président. Nous en arrivons aux amendements à l’article 1er.

Je suis saisi de deux amendements, nos 5 rectifié et 3, pouvant être soumis à une discussion commune.

Sur l’amendement n5 rectifié, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Sur l’amendement n3, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n5 rectifié.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Je souhaite rappeler en deux mots, car le débat a déjà eu lieu – même si tous ceux qui arrivent maintenant n’y ont pas totalement participé –, la cohérence de la position du Gouvernement, qui a procédé par ordonnance avec l’assentiment de tous.

Cette ordonnance du 17 juillet 2014 a été approuvée par l’ensemble des acteurs de la communauté universitaire et par le comité technique de l’université concernée ; elle a également fait l’objet d’un assentiment des collectivités territoriales, qui investissent aussi, au côté de l’État, dans l’université et l’enseignement supérieur. Il y a donc une cohérence totale et une continuité dans la position du Gouvernement.

Par ailleurs, lors du débat au Sénat, j’avais indiqué, au nom du Gouvernement, que nous reviendrions sur les dispositions introduites par les sénateurs – ce qu’ils avaient parfaitement le droit de faire, y compris à l’unanimité – lors du débat à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement avait donc annoncé la couleur dès le mois de novembre, tout cela dans la continuité de l’ordonnance.

Le présent amendement a pour objet de préciser les règles d’affectation des ressources budgétaires de l’université en permettant au conseil d’administration de s’appuyer sur des règles claires, transparentes et acceptées par tous. Cela n’a pas été le cas par le passé, et c’est d’ailleurs l’origine des difficultés que nous avons rencontrées – je ne doute pas que le jugement en cours à Toulouse le confirme.

Techniquement, l’amendement prévoit que la répartition du budget se fait en tenant compte tant de la situation que des projets des deux pôles, sur la base de critères objectifs partagés par tous : effectifs, enseignements dispensés, activités de recherche et surfaces.

Politiquement, l’encadrement de la discussion sur la répartition des ressources budgétaires, selon les critères que je viens de rappeler, correspond au souhait exprimé par tous les acteurs dans la déclaration du 7 juillet 2014 et dans l’ordonnance.

En outre, l’affichage de ces critères garantit l’équité dans la répartition des ressources, tout en laissant un large pouvoir d’appréciation au conseil d’administration de l’université, qui reste maître de la pondération des différents paramètres.

Enfin, le mandat de la présidente de l’université se poursuivra au terme des deux années, comme cela est prévu – je n’avais pas répondu à cette question. Je confirme ainsi cette confiance.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l’amendement n3.

M. Victorin Lurel. Je retire cet amendement. Je veux toutefois préciser un point : il ne s’agit pas du même amendement que celui du Gouvernement, contrairement à ce que j’ai entendu ici. Ce dernier cite les surfaces, et c’est conforme à ce que disent les textes. Je renonce pour ma part à y ajouter les équipements.

(L’amendement n3 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n5 rectifié ?

M. Christophe Premat, rapporteur. La commission a repoussé ces dispositions car elle a considéré que leur degré de précision était inutile, dans la mesure où l’ordonnance du 17 juillet 2014 prévoit déjà que la répartition des moyens peut reposer sur de nombreux critères, notamment « les effectifs et les recherches ».

Cette formulation large est apparue plus pertinente qu’une énumération de critères, nécessairement incomplète et donc disputée. L’avis est défavorable.

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. L’avis du rapporteur est éloquent ! Les choses sont claires : nous en avons très largement débattu et je suis surpris, madame la secrétaire d’État, par la manière dont vous traitez l’avis du Sénat. Puisque nous avons ici l’occasion d’en débattre à nouveau, je tiens à rappeler solennellement que ce texte a fait l’objet d’un consensus puisqu’il a été voté à l’unanimité au Sénat.

Or aujourd’hui, pour une question d’urgence, parce qu’il faudrait vite, il serait pertinent de voter conforme : je suis surpris par cette position du Gouvernement ! Isabelle Attard rappelait en effet tout à l’heure qu’elle avait clairement demandé en commission – et non en réunion de l’article 88 – s’il y aurait des amendements, et qu’elle n’avait pas obtenu de réponse.

Cela a été suffisamment clair, et je suis surpris que le Gouvernement « dégaine » des amendements alors qu’il aurait pu les déposer plus tôt pour que nous puissions en débattre autrement que sur la base de l’article 88. Tout cela est quand même très incohérent ! Il y a un problème de fond et de forme, raison pour laquelle le groupe UMP ne peut que s’opposer à ces amendements gouvernementaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n5 rectifié.

M. Bruno Le Roux. Nous sommes pour ! Nous soutenons le Gouvernement !

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants53
Nombre de suffrages exprimés53
Majorité absolue27
Pour l’adoption24
contre29

(L’amendement n5 rectifié n’est pas adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, écologiste et GDR.)

M. Marc Le Fur. Malheureusement pour eux, ils ne peuvent utiliser qu’une seule fois par session l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2 et 4.

Sur les amendements identiques nos 2 et 4, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n2.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. Le Gouvernement fait preuve de cohérence, de continuité et de transparence ; les parlementaires s’expriment ensuite et le Gouvernement en prend acte, bien évidemment.

En effet, pour ceux qui s’intéressent vraiment au projet et pas seulement aux péripéties politiciennes, j’avais annoncé au nom du Gouvernement, dès la discussion au Sénat, que le point de vue du Gouvernement s’inscrivait dans le droit-fil de l’ordonnance et que le débat reprendrait à l’Assemblée nationale. Ainsi, tous ceux qui s’intéressent à ce sujet et surtout au territoire des Antilles ne pouvaient pas ignorer ce fait : ne faites pas semblant de le découvrir !

L’amendement n2 a pour objectif de rétablir la rédaction initiale de l’ordonnance pour ce qui est du mode d’élection du président et des vice-présidents de l’université, qui avait fait l’objet d’une large concertation et d’un accord de l’ensemble des acteurs.

Il y a une double justification à ce dispositif : tout d’abord, l’élection des vice-présidents par les conseils de pôles est un élément essentiel de l’autonomie des pôles régionaux de l’université. Le modèle de l’université des Antilles, que vous avez tous acté, est fédéral : c’est le modèle le plus démocratique et le mieux adapté aux besoins de ce territoire. Cette situation particulière justifiait donc le mode d’organisation dérogatoire prévu dès l’ordonnance du 17 juillet 2014 – vous ne pouvez pas non plus ignorer cela si vous vous intéressez vraiment à ce sujet et au bon fonctionnement de l’université des Antilles.

Par ailleurs, la consultation menée en juin et juillet auprès de la communauté universitaire antillaise – approuvée par les comités techniques de l’université – et des collectivités locales, très engagées dans l’université, a été faite sur la base de ce mode d’élection des vice-présidents.

Pour préserver l’équilibre, le Gouvernement a donc toujours souhaité être en cohérence avec le texte de l’ordonnance, connu de tous ceux qui s’intéressent réellement au sujet de l’université des Antilles, de son bon fonctionnement, de sa stabilité dans un climat de sérénité, de la réussite de ses étudiants et du rayonnement de sa recherche – auquel je crois : prétendre qu’il y avait un rayonnement avant et qu’il n’y en aura plus maintenant, c’est mensonger !

Il y avait un énorme malaise au sein de l’université des Antilles et de la Guyane, créé par des dysfonctionnements successifs, dont certains sont en jugement aujourd’hui devant le tribunal de Toulouse.

Voilà pourquoi le Gouvernement a pris ses responsabilités, en toute clarté, en toute transparence, en toute cohérence, en toute connaissance de cause et par des déclarations publiques. Tous ceux qui s’intéressent vraiment au sujet et non à la politique politicienne ou aux caricatures étaient au courant ! (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et UMP.)

Mme Marie-George Buffet. C’est scandaleux !

M. Maurice Leroy. Un peu de respect !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. On peut ne pas être d’accord, et je respecte ce point de vue, mais je ne respecte pas le point de vue de ceux qui disent que cela a été fait subrepticement ! Cela a été fait clairement, en toute transparence,… (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, la parole est à Mme la secrétaire d’État et à elle seule !

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État. …dès le mois de juillet 2014. Lisez les textes, intéressez-vous aux textes, intéressez-vous au sujet !

M. Marc Le Fur. Quel est ce comportement ?

M. Philippe Meunier. Respectez le Parlement ! On n’est pas au PS ici !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l’amendement n4.

M. Victorin Lurel. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, pour le courage politique dont vous faites preuve. Chacun ici a pris ses responsabilités de parlementaire, et je prendrai les miennes au moment du vote.

Je rappelle cependant que le Gouvernement a parfaitement le droit de revenir au texte initial de l’ordonnance. Cette ordonnance a certes été rédigée par les bureaux, mais après concertation avec les élus, qui ont obtenu un équilibre. Vous avez voulu le remettre en cause au profit de celui réalisé au Sénat. Les collectivités universitaires, les syndicats, y compris étudiants, ont été consultés et jugent qu’il s’agit là d’une proposition déséquilibrée qui contrevient au principe de l’autonomie.

Ce n’est pas une élection groupée qui va assurer le rayonnement de l’université ou permettre un dialogue qui n’a jamais existé jusqu’ici. Je crois, moi, à la liberté. Ce qui se fait aujourd’hui peut se répéter dans un dialogue entretenu.

Le Sénat et vous-mêmes voulez nous réserver un mode d’élection qui n’existe dans aucune université de l’hexagone, semblant ainsi céder au soupçon que les Antillais seraient biologiquement voués à ne pas s’entendre. Vous leur collez donc cette élection groupée, comme s’il fallait inscrire dans le marbre une volonté ex ante.

Limiter le dialogue à trois personnes et ne pas le maintenir tout au long d’un mandat est une erreur politique gravissime. Je ne suis pas sûr que ce qui vient d’être voté ici sera accepté là-bas. Ce à quoi on vient d’assister est peut-être le début du démantèlement. On sait très bien que cela fait trente ans que le mode de répartition n’est pas contrôlé. Je rappelle qu’en ma qualité de président de région, je suis autorité de gestion des fonds européens et que c’est moi qui ai mis un terme aux dérives du CEREGMIA. S’il y a des voleurs parmi ces gens, eh bien qu’on les envoie en taule ! L’amalgame fait ici est de mauvais aloi. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Je retire mon amendement, pour soutenir, une fois encore, l’amendement du Gouvernement.

(L’amendement n4 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n2 ?

M. Christophe Premat, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Elle a en effet estimé que, sans réelle garantie contre l’émergence de rivalités entre les vice-présidents des pôles et la présidence, l’avenir de l’université des Antilles resterait menacé.

Il lui a paru que le « ticket » ne remettait pas en cause l’autonomie des pôles organisée par l’ordonnance du 17 juillet 2014 au moyen de l’attribution d’importantes compétences propres. Elle a ainsi remarqué que rien n’empêchait ensuite les statuts de l’université d’aménager un rôle au conseil de pôle dans ces élections, par exemple en établissant une liste de précandidats entre lesquels le candidat à la présidence pourrait choisir ses colistiers.

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Jusqu’à preuve du contraire, madame la secrétaire d’État, monsieur Lurel, c’est le Parlement qui vote la loi.

Mme Isabelle Le Callennec. Sauf la loi Macron !

M. Benoist Apparu. Même si, à part vous, qui connaissez merveilleusement bien le dossier, ceux qui sont ici n’y connaissent strictement rien, comme vous l’avez répété quatre fois en deux minutes, jusqu’à preuve du contraire c’est encore le Parlement qui vote la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

M. Benoist Apparu. Celle-ci n’est pas le fruit d’accords passés entre les uns et les autres, dans quelque domaine que ce soit.

Par ailleurs, monsieur Lurel, si je vous ai bien compris, vous voulez qu’on laisse à l’université des Antilles la liberté et l’autonomie en matière de désignation des présidents, tout en encadrant leur financement : il me semble qu’il y a une petite contradiction entre vos deux amendements.

M. Victorin Lurel. Cela n’a rien à voir !

M. Benoist Apparu. Nous considérons enfin que cet amendement fait courir un risque majeur de partition de l’université et que le texte issu du Sénat et proposé par la commission garantit mieux le maintien de l’unicité de cette université. En refusant que les rôles soient répartis entre les uns et les autres, vous préparez à cette université un avenir qui est loin d’être radieux, avec le risque de voir demain, non pas une seule université des Antilles et de la Guyane, mais trois universités dans les départements des Amériques.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Encore une fois, il faut privilégier la cohérence et le travail en bonne intelligence. De ce point de vue, l’introduction de cette notion de ticket commun est une excellente initiative de la commission des affaires culturelles du Sénat, et c’est pourquoi elle a été validée par notre commission.

On demande aux établissements muséographiques d’avoir un projet scientifique et culturel : pourquoi ne pas le permettre aussi aux universités ? Comment pourrait-on avoir un projet commun avec des élections distinctes pour chaque pôle universitaire ? C’est mathématiquement impossible.

M. Jean-Frédéric Poisson. Évidemment !

Mme Isabelle Attard. Soyons logiques jusqu’au bout, puisque nous sommes réunis ici pour éviter de retomber dans les problèmes du passé. Nous législateurs devons faire le maximum pour éviter de connaître de nouveau des tensions comme celles qui ont déchiré l’université des Antilles et de la Guyane. C’est à nous de prendre ces décisions, comme Benoist Apparu l’a souligné, et non à un conseil régional ou à je ne sais qui.

C’est par ce souci de cohérence et de bonne intelligence que nous demandons qu’on respecte la décision du Sénat d’introduire ce ticket commun, qui permettra de désigner un vice-président pour chaque pôle universitaire et un vice-président qui alternera d’un mandat à l’autre, d’un pôle à l’autre.

Tout à l’heure, monsieur Lurel, vous disiez regretter l’exception faite pour l’université des Antilles. Eh bien, je vous le demande : pourquoi n’expérimenterait-on pas aussi ce système en métropole ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Je ne suis pas de droite, loin de là ! (Sourires.) Cela devrait-il m’empêcher de reconnaître que la majorité sénatoriale a fait preuve de bon sens, qu’elle soit de droite ou non ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je considère que la proposition de Sénat est sage et va dans le sens de l’apaisement. En effet, le ticket à trois oblige Martiniquais et Guadeloupéens à dépasser les questions de personne pour se mettre d’accord sur des projets communs et rivaliser en propositions de qualité.

J’en suis désolé pour ceux de mes amis à gauche qui restent fidèles à des schémas préconçus, mais la droite aussi peut avoir des idées lumineuses. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

J’ai là un texte signé par cinq syndicats, dans lequel ils affirment que l’université n’est pas une affaire politique ni une affaire d’argent, mais qu’elle est affaire de connaissances, de savoirs et d’apprentissage. L’avenir de notre jeunesse ne doit pas être l’objet de tactiques politiciennes, qu’elles soient nationales ou locales.

Nous sommes là au cœur du débat, et c’est pourquoi je demande à mes collègues de confirmer leur vote précédent en rejetant cet amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, écologiste, UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Notre collègue M. Apparu a eu raison de dire que c’était au Parlement de faire la loi, et nous ne cessons de répéter sur tous ces bancs que la loi vaut sur tout le territoire de la République.

Je dois néanmoins vous avouer mon malaise, à ce moment précis de nos débats. J’ai choisi de ne pas prendre la parole ce matin, alors que j’aurais pu le faire, comme il est d’habitude pour le président d’une commission saisie au fond. Si je ne l’ai pas fait, c’était pour écouter le plus librement possible tous les arguments échangés.

Nous ne sommes pas simplement là pour faire la loi, monsieur Apparu, mais pour faire de bonnes lois. Je vous avoue que je ne suis pas certain, à ce moment de nos débats, que nous allons bien légiférer ce matin.

Je comprends l’argument, qui a été défendu aussi bien à gauche qu’à droite de cet hémicycle, selon lequel il faudrait rester fidèle à l’esprit de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, même si à la droite de cet hémicycle on a voté contre cette loi. Je vous concède qu’il y a quelque cohérence dans la démarche visant à promouvoir, à travers les communautés d’universités, un regroupement de nos universités susceptible de leur permettre d’affronter le contexte international que nous connaissons.

D’un autre côté, je veux dire mon malaise quand dans cet hémicycle des collègues ultramarins défendent des positions contraires et que je suis, moi député métropolitain, appelé à trancher ce différend.

M. Jean-Philippe Nilor. Nous sommes tous députés de la nation, une et indivisible !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. La loi ne vaut que lorsqu’elle a pour effet de régler des conflits et de trouver un équilibre conforme à l’intérêt général. Or j’ai l’impression que le vote qui vient d’avoir lieu a privilégié des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général – je ne veux pas dire qu’il serait mieux défendu ici que là. Étant donné que des députés de gauche ont voté avec des députés de droite contre le Gouvernement, on ne peut même pas dire que c’est la gauche qui a été battue par la droite, ni la majorité par l’opposition.

À l’issue du vote qui est déjà intervenu et de celui qui va intervenir, et qui risque d’être le même, nous allons être amenés, sans avoir été réellement convaincus par les arguments qui ont été développés, à faire un choix dont je ne suis pas certain qu’il corresponde à une bonne législation. En tout état de cause, je crains qu’il n’ait des conséquences contraires à ce que nous voulons tous, sur tous ces bancs.

Voilà ce que je voulais dire, non tant pour vous alerter que pour prendre date, car nous serons sans doute amenés à nous ressaisir de cette question.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n2.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants64
Nombre de suffrages exprimés64
Majorité absolue33
Pour l’adoption35
contre29

(L’amendement n2 est adopté.)

(Murmures.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Articles 1er bis à 3

(Les articles 1er bis, 1er ter, 2 et 3 sont successivement adoptés.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

Mme Isabelle Attard. Chers collègues, je suis extrêmement perplexe quant au vote qui vient d’intervenir. Dont acte, néanmoins.

Au sein du groupe écologiste, nous avons souhaité mettre l’accent sur la cohérence et, comme je l’ai dit tout à l’heure, sur le travail en bonne intelligence de pôles réunis afin d’éviter les futures tensions que notre vote entraînera probablement.

Je fais en tout cas confiance à notre rapporteur. J’ai fait confiance à son jugement et je continue à le faire car il a réalisé une analyse approfondie et juste de la situation extrêmement tendue et complexe de l’université des Antilles.

Christophe Premat a fait montre de courage en étant cohérent avec les conclusions de son rapport et les auditions qu’il a conduites. Je regrette que nous n’ayons pas pu suivre ses recommandations et que nous n’ayons pas pu en discuter plus longuement en commission, comme je l’ai rappelé, et non dans le cadre de l’article 88.

Nous voterons pourtant cette loi,…

Mme Huguette Bello. Allons, faites preuve de cohérence !

Mme Isabelle Attard. …parce que nous sommes responsables, que nous souhaitons que cette université soit viable pour tous ceux qui la composent et que nous puissions sortir de la crise actuelle.

Mais je regrette vraiment beaucoup que nous n’ayons pas pu expérimenter cette solution de sortie de crise qu’était le ticket commun composé de deux vice-présidents et d’un président.

Monsieur le président de la commission, vous l’avez dit, nous serons peut-être amenés à nous revoir dans cet hémicycle pour traiter de nouveau de cette question. Il est possible que nous ayons alors l’occasion de revenir sur cette nomination pour enfin prendre une décision d’expérimentation, certes, mais courageuse, cohérente et intelligente, conformément à ce que nous avons développé ici.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sandrine Doucet. En premier lieu, je souhaite évidemment saluer le travail réalisé par notre rapporteur Christophe Premat. Avec la grande maîtrise du sujet qui le caractérise, il a su nous montrer les tenants, les aboutissants et l’extrême complexité de la situation de l’université des Antilles.

Le président de la commission nous a également mis en garde et nous a placés devant nos responsabilités de députés : avant toute chose, il n’est pas question de régler un problème entre région et départements mais, comme j’y ai moi-même insisté pendant nos débats, de considérer l’esprit de la loi.

En l’occurrence, il s’agit de constituer un pôle universitaire lisible par tous les étudiants afin qu’ils puissent bénéficier aux Antilles de cursus répondant à leurs projets, que nous parvenions à ce que 50 % d’une classe d’âge soit diplômée et que nous réduisions conséquemment le chômage de la jeunesse tout en bénéficiant d’un pôle universitaire internationalement visible.

Nous serons donc très certainement appelés à discuter à nouveau de ce texte dont l’ensemble des points litigieux ont été évoqués.

Je souhaite que nous la votions et que le Gouvernement, comme en témoigne l’exposé des motifs des amendements qu’il a soutenus, s’engage à l’avenir pour que la situation au sein de ce pôle universitaire soit sereine et équilibrée en prenant en compte les avis de l’ensemble des acteurs qui se sont exprimés précédemment et qui ont donné lieu à cet accord mais, aussi, de tous ceux qui se sont exprimés ces jours-ci et qui ont témoigné de l’urgence de la situation.

Je souhaite qu’ils soient entendus et que l’on tienne compte de leur point de vue dans les débats à venir afin que, lorsque nous nous retrouverons ici dans quelques jours, nous puissions voter cette loi le plus sereinement possible.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrick Hetzel. Madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, je suis surpris par le déroulement de notre débat qui, à mon sens, ne grandit pas notre démocratie.

Comme nos collègues l’ont dit, la situation de l’université des Antilles est tout de même aujourd’hui dramatique et il faut en sortir. Le passage en force des amendements du Gouvernement montre bien qu’il détruit le consensus élaboré au Sénat. En ce qui nous concerne, et pour cette raison-là, notre groupe s’abstiendra.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Madame la secrétaire d’État, je tiens tout d’abord à dire que nous n’avons pas travaillé sur ce texte en commission dans un souci politicien mais avec l’avenir de l’université des Antilles au cœur.

M. Patrick Hetzel. Très juste ! On ne peut en dire autant de la part du Gouvernement !

Mme Marie-George Buffet. Parce que nous étions animés de ce même objectif, me semble-t-il, nous avons abouti à un consensus, oui, afin de soutenir le texte issu du Sénat !

Il permettait en effet de doter la gouvernance de points d’appui permettant de sauvegarder l’unité entre les deux pôles, ce dont nous savons très bien que nous avons besoin afin de maintenir l’attractivité de cette université.

Je vous avoue ne pas comprendre comment, en une semaine, l’opinion de certains de nos collègues a changé à ce point… Pour notre part, nous restons attachés à ce que nous avons défendu au sein du groupe GDR. Nous ne voterons donc pas le texte en l’état.

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. J’ai entendu chacun de nos collègues s’exprimer mais je considère que ce qui est important, c’est la volonté des hommes d’avancer.

Nous sommes assez intelligents en Guadeloupe et en Martinique pour donner à l’université des Antilles les moyens de fonctionner. Hier encore, je demandais à Mme la secrétaire d’État de mettre tous les moyens afin que l’université des Antilles puisse collaborer dans les meilleures conditions avec celle de la Guyane.

J’ai entendu tellement de choses… J’évite le plus souvent de prendre part à des discussions – telle est un peu ma façon de raisonner – mais j’aurais aimé dire à certains parlementaires ici présents aujourd’hui, qui aiment l’outre-mer plus que jamais, que la Guyane possède 80 % de la biodiversité. Nous demanderons peut-être que l’Agence française pour la biodiversité y soit installée, parce que notre département le mérite. J’espère que nous serons soutenus.

Nous faisons bien d’autres choses et nous accompagnons bien d’autres projets. Lorsque j’entends certaines déclarations, je ne peux manquer d’être un peu déçu.

Mais je le répète haut et fort : en Guyane, en Guadeloupe, c’est la volonté des hommes, des enseignants, des étudiants, des politiques qui fera que cette université fonctionnera dans les meilleures conditions.

Le groupe RRDP votera ce texte.

M. Paul Giacobbi. Très bien !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants64
Nombre de suffrages exprimés42
Majorité absolue22
Pour l’adoption41
contre1

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à douze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Nouvelle organisation territoriale de la République

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, portant nouvelle organisation territoriale de la République (nos 2529, 2553, 2542, 2544, 2545, 2546, 2549).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n187 à l’article 2.

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n287.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement porte sur la question foncière.

Le foncier d’entreprise est une compétence exclusive des collectivités locales. Pour assumer pleinement leur rôle de chef de file, les régions se proposent d’animer et de coordonner à l’échelle régionale les politiques qu’elles mènent afin d’éviter les phénomènes de concurrence entre collectivités, qui nuisent à tous.

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. À l’article 6, nous préciserons les orientations, les priorités du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire. Les questions de foncier y trouveront donc davantage leur place qu’à l’article 2, qui concerne le développement économique. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Même avis.

M. le président. Acceptez-vous de retirer votre amendement, madame Allain ?

Mme Brigitte Allain. Non, je le maintiens, monsieur le président.

(L’amendement n287 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n139.

Mme Brigitte Allain. Face aux enjeux climatiques, environnementaux et économiques, l’économie circulaire fait figure de solution. Les régions ne peuvent absolument pas laisser filer cette extraordinaire opportunité de démontrer qu’il est possible de combiner emploi et environnement et qu’il appartient à chacun de transformer les contraintes d’aujourd’hui en bénéfices de demain.

À cet égard, je tiens à saluer la région Île-de-France, qui a adopté la semaine dernière une stratégie d’économie circulaire.

Je veux également insister sur le fait que l’économie circulaire est un modèle de développement économique global qui modifie nos modes de production et de consommation. Il a donc logiquement sa place au cœur des stratégies économiques régionales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. La stratégie en matière d’économie circulaire peut s’entendre comme étant un objectif. Or le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation – ou SRDEII – est un outil prescriptif qui définit les orientations en matière d’aides aux entreprises, et fixe le cadre et les conditions dans lesquelles celles-ci seront allouées.

Il est compliqué d’inscrire une stratégie dans un outil prescriptif. Par ailleurs, le champ de l’économie circulaire étant inclus dans celui de l’économie en général, la précision nous paraissait inutile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. J’aurais souhaité un éclaircissement sémantique, une exégèse du concept d’économie circulaire.

Je me suis beaucoup interrogé sur la question de la dimension du cercle. S’il s’agit d’un concept spatial, en effet, tout est dans la dimension du diamètre du cercle ; la mondialisation serait alors le summum de l’économie circulaire, puisque la terre est ronde.

S’agit-il d’un concept temporel ? Dans ce cas, nous retrouvons, bien en deçà de Nietzsche, la doctrine stoïcienne de l’éternel retour.

M. Jean Launay. Arrêtez de tourner en rond, monsieur Piron !

M. Michel Piron. J’aimerais donc des éclaircissements sur ce concept qui me paraît, une fois encore, un peu flou, notamment en termes juridiques.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Vous tournez en rond, monsieur Piron !

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Pour répondre à notre ami Michel Piron, je tiens à préciser que l’économie circulaire est la traduction du principe selon lequel tout se transforme et rien ne se crée, tout simplement.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est Lavoisier !

M. Paul Molac. En d’autres termes, nos déchets sont à la source de notre futur système économique. Ce n’est donc pas très compliqué à comprendre, monsieur Piron, surtout pour un esprit éclairé comme le vôtre.

Que, sur le plan juridique, le concept soit un peu flou, je vous l’accorde, mais cela ne saurait durer et, la loi étant souvent en retard par rapport à la société, cela n’étonnera personne. Le concept est en effet assez nouveau.

L’amendement est retiré, monsieur le président.

M. Michel Piron. CQFD !

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout ça pour ça !

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n140.

M. Paul Molac. Il est défendu.

(L’amendement n140, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1302 et 1844.

La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n1302.

Mme Jeanine Dubié. Je voudrais revenir sur des propos que M. le secrétaire d’État a tenus hier soir. Celui-ci affirmait en effet dans l’une de ses interventions que les départements seraient associés à la concertation sur l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.

Monsieur le secrétaire d’État, je veux m’inscrire en faux contre votre propos. Par l’adoption de l’amendement n1682, les départements ont été exclus de la concertation en matière d’élaboration. N’ont été retenus que les métropoles, la métropole de Lyon et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Les départements devront donc se contenter d’une présentation qui sera effectuée dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique.

Monsieur le secrétaire d’État, vous qui avez été président de conseil général, vous savez bien que le département est chef de file en matière de développement social. Il participe largement à tout ce qui touche à l’insertion des personnes en difficulté, donc au champ de l’économie sociale et solidaire. Acceptez donc au moins qu’ils puissent prendre part à la concertation sur la définition des orientations relatives à l’économie sociale et solidaire au niveau régional.

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n1844.

M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques. J’ai retiré un amendement identique à celui-ci la nuit dernière, amendement que je défendais au nom de la commission des affaires économiques, parce qu’une petite erreur avait été faite ; nous souhaitions bien nous référer à l’alinéa 13, et non pas à l’alinéa 11.

Au nom de la commission des affaires économiques, je voudrais appuyer la démonstration de notre collègue Dubié. Il paraît en effet normal que les départements prennent part à la concertation sur les orientations de l’économie sociale et solidaire, et on ne pourrait concevoir qu’il en soit autrement. En effet, ce domaine, vous le savez, est étroitement lié au domaine social, pour lequel les départements sont chefs de file. En outre, ils accompagnent de très nombreuses associations d’insertion qui œuvrent notamment dans le champ culturel ou sportif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission des lois a considéré que la stratégie régionale de l’économie sociale et solidaire faisait partie intégrante du schéma régional de développement économique et les réflexions autour de l’élaboration de ce schéma en tiennent compte.

Le SRDEII fait l’objet d’une discussion, d’une concertation avec les autres acteurs dans le cadre des CTAP. Cette précision nous paraît donc superflue. La commission a donné un avis défavorable à ces amendements essentiellement parce que l’objectif poursuivi par leurs auteurs est satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est le même que celui du rapporteur. Je tiens à rassurer Mme Dubié : les départements seront bien évidemment consultés sur le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation au sein de la CTAP, dans laquelle ils sont parties prenantes. Ils joueront donc pleinement leur rôle, ils seront associés à la concertation, y compris sur le schéma économique. La CTAP est faite pour cela.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Concernant la procédure, les départements seront en effet consultés, comme sur le reste de la politique économique. D’ailleurs, sur le fond, l’économie sociale et solidaire, c’est de l’économie. Ce domaine a progressé dans notre pays, est sorti de la clandestinité dès lors qu’il a été considéré comme un pan entier de l’économie, et non plus comme strictement social.

Il convient donc de ne pas mélanger les sujets et de laisser l’économie sociale et solidaire dans le champ d’action des régions tout en conservant une concertation étroite avec l’ensemble des autres collectivités, dont les départements.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Dans la continuité des débats qui se sont arrêtés ce matin à une heure quinze, je voudrais souligner l’incohérence de la majorité, sa difficulté avec tout ce qui touche à l’économie.

Alors que le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques a retiré hier soir un amendement qui consistait à associer les départements aux sujets d’économie pure, la majorité veut ce matin réintroduire l’association des départements sur l’économie sociale et solidaire. Très franchement, compte tenu des débats que nous avons eus hier soir, je tenais à souligner cette incohérence au moment où nous reprenons nos travaux sur ce texte.

M. Benoist Apparu et M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le secrétaire d’État, aux termes de l’amendement n1682, les mots : « présentation et d’une discussion » sont substitués au mot : « concertation ». Il n’y aura donc pas de concertation avec les départements. La concertation sur l’élaboration du schéma n’impliquera que les métropoles et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Parce que cet amendement a été adopté, il est encore plus nécessaire d’inscrire dans le texte que les départements seront associés à la concertation sur la partie relative à l’économie sociale et solidaire. Je souhaite par conséquent maintenir mon amendement.

(Les amendements identiques nos 1302 et 1844 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n568.

M. Paul Molac. Le présent amendement vise à éviter à l’avenir les problèmes que l’on connaît aujourd’hui avec les emprunts toxiques. Nous proposons tout simplement à cette fin de sélectionner les établissements bancaires et financiers avec lesquels contractent les conseils régionaux, en tenant compte notamment des outils dont ces établissements se sont dotés pour lutter efficacement contre le blanchiment, la corruption et la fraude fiscale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission partage l’objectif poursuivi par M. Molac avec cet amendement. Cependant, celui-ci a pour objet de définir des procédures prudentielles de sélection des partenaires bancaires du conseil régional. Même si certaines régions ont déjà avancé sur ce point, ce texte ne nous semble pas être le bon pour mettre en place de tels outils.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est même pas une disposition d’ordre législatif !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission souhaite donc que l’amendement soit retiré ; à défaut, son avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. L’amendement est-il maintenu, monsieur Molac ?

M. Paul Molac. Non, monsieur le président, sur la demande de notre rapporteur, M. Dussopt, je le retire.

(L’amendement n568 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Claude Sturni, pour soutenir l’amendement n744.

M. Claude Sturni. On a bien compris comment vont évoluer les différentes missions en matière de développement économique. Pour ma part, je voudrais appeler votre attention sur le présent amendement, qui vise à apporter une précision relative au champ d’action des CTAP.

Les conférences territoriales de l’action publique ont vocation à coordonner de nombreux éléments. Nous souhaiterions qu’elles interviennent préalablement à toute décision résultant de la mise en œuvre du présent texte de loi sur l’avenir d’organismes menant des missions d’intérêt général. Je pense en particulier aux structures dépendant des collectivités territoriales dans des domaines comme le développement économique.

Vous le savez, des décisions en la matière peuvent être gravement dommageables au développement et à l’évolution de nos territoires. Il me paraît essentiel qu’elles soient prises dans le respect des droits et de la dignité des personnels concernés, qui ne sont pas nécessairement des agents de la fonction publique territoriale. En outre, ces agences ont cumulé de l’expérience et développé des contacts de qualité. La réussite du développement économique dépend aussi de notre capacité à conserver tout ce qui a pu être construit au fil des années au sein de ces organismes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Cet amendement me permettra de répondre à deux points : celui qui a été évoqué par M. Sturni, et un autre qui a été abordé hier soir.

La demande de M. Sturni est légitime, mais l’alinéa 30 de l’article 2 prévoit déjà que la CTAP débatte sur l’avenir des agences départementales de développement économique, qui sont à titre principal les organismes que vise l’amendement.

M. Olivier Dussopt. De manière plus générale, il est évident que la modification de l’affectation des compétences en matière économique entre régions et départements aura pour conséquence, à terme, un alignement des structures qui interviennent dans ce domaine. Mais cela ne se fera pas de manière précipitée : non seulement l’alinéa 30 prévoit un débat, mais en plus le droit en vigueur, sur lequel le texte dont nous débattons ne revient pas, prévoit que l’ensemble des conventions et des contrats signés par les parties ont force de loi pour celles et ceux qui les ont signés, ou qui reprennent les compétences des signataires. Les engagements pris dans les conventions et les contrats sont donc maintenus.

De plus, en réponse au débat sur les contrats de plan État-régions qui nous a occupés hier soir et auquel M. Saddier faisait allusion tout à l’heure, les premiers articles du code général des collectivités territoriales précisent que les CPER sont élaborés par l’ensemble des collectivités, et ces articles ne sont pas modifiés par le texte que nous examinons.

Soyez donc rassuré, monsieur Sturni : votre demande est satisfaite par l’alinéa 30 de l’article 2. Pour le reste, tant le droit des contrats que les premiers articles du CGCT permettent d’envisager avec sérénité la poursuite des opérations contractuelles engagées, y compris, pour les CPER, celles engagées dans le cadre de la nouvelle génération de contrats de plan. À défaut du retrait de l’amendement, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Je souscris aux propos du rapporteur, qui sont d’ailleurs vérifiables. Dans le texte du projet de loi, l’alinéa 30 de l’article 2 prévoit effectivement que les CTAP débattront « sur l’évolution des organismes antérieurement créés par les départements pour concourir au développement économique sur leur territoire ».

Les fameuses agences de développement local – l’épithète s’applique autant aux agences qu’au développement – font du bon travail. J’ai eu l’occasion, il y a quelques mois, d’assister à Aix-les-Bains à l’assemblée générale du CNER où se rassemblaient toutes les agences de développement économique de France – régionales, départementales, métropolitaines et intercommunales. Nous sommes bien conscients qu’il y a là une richesse, un trésor de compétence, de savoir-faire et d’expertise susceptible d’attirer les entreprises, y compris de l’étranger. Pour ce faire, il va falloir bouger – les agences le savent bien.

La question est posée, rien n’est résolu à ce jour, mais tout se passe dans de bonnes conditions, y compris d’un point de vue psychologique. Les directeurs et les salariés de ces agences, qui sont d’excellents professionnels, savent qu’il va falloir évoluer. Certains évolueront vers les métropoles, d’autres vers les agglomérations ou les régions. Le rapport Queyranne-Demaël-Jurgensen sur le développement économique local a dénombré en moyenne soixante-quinze organismes s’occupant de développement économique par région. C’est un gisement de rationalisation évident, et c’est ce qui va être fait dans les années qui viennent, mais sans préjudice pour les salariés ni – surtout – sur les actions engagées par les agences. La position du Gouvernement sur cet amendement est donc identique à celle du rapporteur : demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement concerne les agences de développement, mais aussi toutes les sociétés d’économie mixte. On compte en France à peu près une centaine de sociétés en charge de l’aménagement du territoire ou du développement économique. L’actionnariat historique de ces sociétés est constitué par les conseils généraux. Ce texte de loi retire la compétence économique aux conseils généraux ; il est donc important de bien préciser l’avenir des sociétés d’économie mixte, de connaître la composition du nouvel actionnariat et de faire en sorte que les départements et les régions débattent de ces sujets au sein des conférences territoriales.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. J’ai été frustré d’aller me coucher hier soir, parce que nous avions engagé une discussion très intéressante sur les CPER, notamment sur le volet financier. Je ne croyais pas y revenir ce matin, mais je saisis la perche qui m’a été tendue par le rapporteur : je n’attendrai donc pas l’article 37 pour vous interroger de nouveau sur cette question. (Sourires.)

Je souhaite que l’on nous explique comment vont se passer les signatures des contrats de plan État-région qui engagent les départements sur des compétences qu’ils n’exerceront plus. On nous explique, si j’ai bien tout compris, que l’on va leur retirer le financement pour alimenter les régions, lesquelles seront désormais compétentes en la matière, et qu’une partie des dispositions et des équilibres généraux financiers sont renvoyés à la loi de finances. Le II de l’article 37 dispose en effet : « La compensation financière des transferts de compétences s’opère, à titre principal, par l’attribution d’impositions de toute nature, dans des conditions fixées en loi de finances. »

Inutile de vous dire, mes chers collègues, que nous sommes dans la plus totale pénombre : nous allons voter aux élections départementales sans que les compétences ne soient distribuées et, dans le domaine financier, nous signons des contrats de plan État-région entre l’État, la région et les futurs conseillers départementaux, sans aucune visibilité financière. Toutes mes félicitations, mes chers collègues !

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Nous aurons ce débat à l’alinéa 15. Pour rassurer M. Sermier sur la question des SEM, le texte prévoit que les départements, de manière transitoire, peuvent rester au capital des SEM qu’ils ont constituées. Mais l’alignement des compétences et le fait que la région concentre les compétences économiques impliquent une évolution dans cet actionnariat. Ils pourront rester actionnaires au terme de la période d’alignement, mais de manière minoritaire. Vous devriez donc être rassurés sur ce point, car le texte satisfait votre demande.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Je tiens à répondre à M. Saddier, car moi aussi j’ai été frustré hier soir d’aller me coucher aussi vite – pas aussi tôt, car il était tard, mais aussi vite, car la discussion était intéressante.

S’agissant des contrats de plan 2007-2013, qui s’achèvent, l’article 37 prévoit que les opérations engagées à la date de publication de la loi sont poursuivies jusqu’à leur terme avec les mêmes maîtres d’ouvrage et les mêmes financements. Il s’agit d’une disposition classique du droit des obligations afin de garantir le bon achèvement des opérations prévues.

L’essentiel des opérations prévues par les CPER seront donc régies par ces dispositions. La phrase qui prévoit que les subventions de l’État viennent en déduction de la compensation versée par l’État au titre des transferts de compétences concerne les transferts de compétences à venir entre l’État et les collectivités territoriales, pour des opérations d’investissement. Cette disposition pourrait ne concerner que les aéroports, lesquels, à ce stade de nos discussions, sont potentiellement transférés par l’État – cela figure à l’article 10 du présent projet de loi.

Pour les opérations prévues dans les CPER 2007-2013 et non engagées à la date de publication de la loi, ce qui devrait rester une exception, le financement relèvera des collectivités nouvellement compétentes en cas de transfert de compétences. L’article 37 prévoit des dispositions classiques en matière de compensation des transferts de compétences : tout transfert de charge est neutralisé par l’affectation des moyens correspondants.

Pour les nouveaux contrats de plan, dont celui qu’est allé annoncer aux habitants de Haute-Savoie le préfet de région, ce matin,…

M. Martial Saddier. En mon absence, imaginez donc ! (Sourires.)

M. André Vallini, secrétaire d’État. …en votre absence remarquée, monsieur Saddier, les opérations prévues dans ces contrats ont vocation à prendre en compte la répartition des compétences issue de la présente loi, qu’on ne connaît pas encore – attendons quelques jours que vous vous soyez prononcés. Si toutefois il était prévu des opérations sous maîtrise d’ouvrage d’une collectivité dont les compétences ont été transférées à un autre niveau de collectivité, par exemple les départements en matière de ports, elles devront être prises en charge par la nouvelle collectivité compétente. Celle-ci sera substituée dans les droits et obligations de l’ancienne collectivité. Un amendement du Gouvernement, déjà déposé, a pour objet de le rappeler.

Le seul cas où la question du devenir d’une opération pourrait se poser concerne une maîtrise d’ouvrage directe du département en matière de développement économique. Dans ce cas, dans l’état actuel du texte qui vous est présenté, il appartiendra à la région de poursuivre son opération et d’en assurer le financement.

Enfin, l’article L. 1111-10 du CGCT prévoit que toutes les collectivités locales ont la possibilité d’apporter un financement sur tout projet inscrit au CPER, même s’il est sans lien avec leurs compétences. Ce dispositif préexistant – je crois qu’il date de la loi de 2010 – est maintenu par la loi NOTRe et permettra de préserver l’effet de levier des CPER. Voilà qui est clair et précis, et je me tiens à votre disposition.

M. Martial Saddier. On prend donc de l’argent aux départements pour le donner aux régions !

(L’amendement n744 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour soutenir l’amendement n1684.

Mme Nathalie Appéré. Nos débats et nos travaux sur l’article 2 ont clairement renforcé le rôle des régions en matière de développement et d’intervention économique, en articulation exclusive avec le bloc communal et les EPCI. Disons-le clairement, le département n’a désormais plus vocation à intervenir dans ces domaines.

M. Michel Piron. Hélas !

Mme Nathalie Appéré. Nous aurons tout à l’heure à examiner des dispositions sur les finalités du développement économique, à savoir la mobilisation pour l’emploi et le souci de conforter les régions – dans le prolongement de leur rôle en matière de formation, notamment – pour assurer la coordination de l’ensemble des acteurs du service public de l’emploi.

Anticipant nos débats sur l’article 3 dans le souci de faire le lien entre le développement économique – nécessaire et attendu – et la mobilisation pour l’emploi, cet amendement tend à inscrire dans le schéma les orientations en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

(L’amendement n1684, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n142.

M. Martial Saddier. Permettez-moi tout d’abord de remercier très sincèrement M. le secrétaire d’État pour la qualité de sa réponse. Elle atteste que ma question n’était pas stupide, mais précise, et qu’elle faisait suite à plusieurs heures de débats portant sur l’avenir des contrats de plan État-région, et du rôle des départements dans l’implication économique, qui nous tient tous à cœur.

L’amendement que je défends est extrêmement important, je le dis solennellement. Les frontières sont une richesse incontestable pour notre pays.

M. Michel Piron. Eh oui ! Régis Debray l’a bien dit dans Éloge des frontières.

M. Martial Saddier. La France est riche de ses frontières maritimes, mais aussi de ses frontières montagnardes…

M. Claude Sturni. Et fluviales !

M. Martial Saddier. Et fluviales. Au-delà de nos frontières, il y a nos amis membres de l’Union européenne, mais également la Confédération helvétique. Cette richesse frontalière, qui recèle des paysages merveilleux avec ses fleuves, ses mers et ses montagnes, abrite aussi des femmes et des hommes qui travaillent, qui vivent et qui accueillent d’importantes populations touristiques. Il n’est pas inutile de rappeler à ce stade que ses frontières font de la France la première destination touristique au monde.

Plusieurs centaines de milliers de personnes – on les dénomme des frontaliers – franchissent chaque jour la frontière pour aller travailler en Allemagne, au Luxembourg, en Belgique, en Espagne ou encore en Suisse.

Au terme de longs débats, vous avez décidé de maintenir les schémas régionaux. À moins que le rapporteur n’insiste, je pense que nous pourrons nous passer d’un nouveau débat sur le bien-fondé du schéma économique. (Sourires.) À l’alinéa 14, vous avez ouvert une possibilité en écrivant : « le schéma peut contenir un volet transfrontalier ». Nous souhaitons vivement que, là où il y a un enjeu frontalier, le schéma contienne obligatoirement un volet consacré à cette question. C’est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission appelle à la prudence. Nous partageons votre intérêt pour le travail transfrontalier. Nous avons d’ailleurs adopté des amendements présentés par des membres des groupes d’opposition en commission des lois, ce qui témoigne de notre ouverture d’esprit sur ce sujet.

En revanche, sans rouvrir le débat sur l’opportunité du schéma – considérons qu’il est tranché à ce stade –, celui-ci doit impérativement être publié. Or si nous disons, comme vous le proposez, que le schéma doit comporter un volet transfrontalier et que, pour une raison ou pour une autre, dans une région ou une autre, les discussions entre la région française et la région étrangère limitrophe échouent, rendant impossible un accord sur cette coopération transfrontalière, la mention obligatoire d’un tel volet bloquerait la parution du schéma. Par prudence, la commission préfère donc dire que le schéma « peut contenir un volet transfrontalier ».

Par ailleurs, ces dispositions s’appliquent à toutes les régions : autant donc en rester à cette rédaction. Elle n’interdit rien et doit même être prise comme un encouragement. Mais le rendre obligatoire présenterait un risque en cas d’échec des discussions avec les collectivités des pays limitrophes. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis, pour les raisons très circonstanciées que vient d’exposer le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Claude Sturni.

M. Claude Sturni. Je voulais insister sur l’importance de ce petit mot : « peut ». Il est évident qu’il existe dans beaucoup de régions françaises des enjeux transfrontaliers importants, en particulier en matière d’emploi. Pour prendre l’exemple de l’Alsace, qui est encore une région à ce jour, ces flux sont essentiels.

Aujourd’hui, notre taux de non-emploi est inférieur à la moyenne nationale, mais il est évidemment lié, entre autres, aux flux vers l’Allemagne et la Suisse.

Il faut donc absolument que la future très grande région Est puisse intégrer ces aspects dans son schéma régional de développement économique. La coopération transfrontalière ne peut pas être une option : elle doit être une obligation. C’est pourquoi il est essentiel que l’amendement n142 soit adopté.

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je ne souscris pas aux arguments de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État.

Je veux d’abord rappeler à nos collègues éloignés des frontières que, dans certains départements de notre République, le premier employeur est le pays étranger voisin.

M. Claude Sturni. Tout à fait !

M. Martial Saddier. Prenons l’exemple de la Haute-Savoie, qui est pourtant connue pour ses stations de ski ou pour l’industrie de la mécatronique et du décolletage : plus de 100 000 frontaliers habitant dans ce département vont chaque jour travailler dans le canton de Genève ou le canton de Vaud. Il n’est pas imaginable que la future région Rhône-Alpes-Auvergne, qui comptera au moins 250 000 à 300 000 frontaliers, puisse élaborer un schéma régional de développement économique sans que soient pris en compte ces travailleurs frontaliers.

M. Claude Sturni. Tout à fait !

M. Martial Saddier. Par ailleurs, nous votons la loi de la République française. Nous ne vous demandons pas de voter une loi visant à définir la politique transfrontalière du pays voisin : nous demandons tout simplement que le schéma régional de développement économique de la région Rhône-Alpes-Auvergne comporte un volet qui tienne compte de la présence de 200 000 à 300 000 travailleurs frontaliers dans la région.

Nous n’avons pas besoin de l’autorisation du canton de Genève, du canton de Vaud, de la Suisse ou de l’Allemagne pour écrire dans la loi que la politique économique de Rhône-Alpes-Auvergne ou de l’Alsace devra prendre en compte le fait frontalier en matière de transports, de logement et d’emploi.

Je le répète : dans certains départements, le pays voisin est le premier employeur. Depuis vingt ans, les départements frontaliers ont la plus grande difficulté à faire entendre la cause et la réalité du fait frontalier.

Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, vous qui n’êtes pas très éloigné de la frontière suisse, je vous le dis solennellement : en laissant perdurer l’absence d’obligation de prendre en compte le fait frontalier, comme vous vous apprêtez à le faire, vous allez reproduire le modèle des vingt dernières années qui, vous le savez très bien, n’est pas satisfaisant.

(L’amendement n142 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République ;

À seize heures :

Débat et vote sur une motion de censure déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ;

Suite de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly