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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 20 mai 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Politique migratoire

Mme Danielle Auroi

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Réforme du collège

M. Laurent Degallaix

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Ambition éducative

M. Patrick Bloche

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Conduite de la politique gouvernementale

M. Christian Jacob

M. Manuel Valls, Premier ministre

Déserts médicaux

M. Yves Nicolin

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

« Nouvelle France industrielle »

M. Michel Destot

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Politique industrielle

M. Patrice Carvalho

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Présidence de France Télévisions

M. Thierry Solère

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Allocation des chômeurs âgés

Mme Christine Pires Beaune

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Budget de la défense

M. Jean-François Lamour

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Conférence des Nations unies sur le changement climatique

M. Michel Vergnier

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Réforme du collège

M. Hervé Mariton

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Groupe Doux

M. Richard Ferrand

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Plan d’investissement pour l’Europe

Mme Arlette Grosskost

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Pauvreté et réussite scolaire

Mme Gilda Hobert

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. David Habib

2. Université des Antilles

Présentation

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Discussion générale

M. Alfred Marie-Jeanne

Mme Sandrine Doucet

M. Patrick Hetzel

M. Bertrand Pancher

M. Ary Chalus

Mme Isabelle Attard

M. Jean-Philippe Nilor

M. Serge Letchimy

M. Victorin Lurel

Discussion des articles

Article 1er

M. Christophe Premat

Mme Sandrine Doucet

Amendements nos 1 , 2

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

3. Transition énergétique

Discussion des articles (suite)

Article 1er bis

Amendement no 809

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale

Amendements nos 597 , 417

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

M. François Brottes, président de la commission spéciale

Article 2

M. Jean Lassalle

M. Guillaume Chevrollier

Amendements nos 598 , 369 , 370 , 519

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale

Amendement no 810

Article 3 AA

Article 3 A

Article 3 B

Amendement no 326

Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission spéciale

Amendements nos 324 , 587

Article 3 C

Amendements nos 328 , 589

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 173 , 777

Article 3

Amendements nos 520 , 599

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 305 , 41 , 451 , 585

Article 4

Amendements nos 964 , 698 , 600 , 230 , 291 , 371 , 452 , 601 , 453 , 2 , 579 , 826

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Politique migratoire

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour le groupe écologiste.

Mme Danielle Auroi. Monsieur le Premier ministre, en matière d’immigration, on dirait que l’Europe est en guerre. Certes, il faut lutter contre le trafic d’êtres humains, certes, il faut combattre les passeurs ; mais il s’agit avant tout de secourir des hommes, des femmes et des enfants en quête de sécurité et d’avenir ! Construire une nouvelle ligne Maginot contre des civils qui fuient la guerre, l’intolérance et la misère est totalement illusoire et voué à l’échec. C’est hypocrite et ce n’est pas cohérent avec les valeurs que nous portons et que nous diffusons. Je l’ai déjà dit ici : Comment refuser une protection légitime aux réfugiés syriens que la France reçoit avec toujours la même parcimonie ? Et que deviendront ceux que nous rejetons sur les côtes de pays en guerre ?

Seule une vraie coopération politique peut assécher le trafic, tout en régulant et en ouvrant des voies légales d’accès pour les demandeurs d’asile et les travailleurs peu qualifiés. C’est avec cette logique-là que nous pourrons construire une paix durable autour de la Méditerranée. Plutôt que de bâtir le tout sécuritaire, luttons contre la démagogie ordinaire. L’immigration n’est ni un fléau, ni une menace ! Elle est indissociable de l’histoire de la France depuis des millénaires. Or, aujourd’hui, dans notre pays, elle diminue. En Europe, elle permet de lutter contre le vieillissement et répond à des besoins de main-d’œuvre non pourvus.

Oui, une politique européenne migratoire apaisée et ambitieuse est possible. Construisons des ponts, pas des murs, comme le proposent nombre d’organisations ! Plutôt qu’une seule réponse militaire, il faut de la solidarité, y compris entre les États membres. L’Italie, Malte et la Grèce ne peuvent gérer seules ce problème. Ainsi, la Commission européenne a proposé une répartition, abusivement qualifiée de répartition par quotas. Monsieur le Premier ministre, puisque vous rejetez cette idée, que comptez-vous faire à court terme pour soutenir et pérenniser les secours en mer et permettre un mécanisme d’accueil solidaire entre les États ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la députée, sur ce sujet, il faut être clair quant aux objectifs que l’on poursuit et précis quant aux concepts que l’on utilise. Quels sont les objectifs que nous poursuivons au sein de l’Union européenne, qui ont inspiré les propositions récemment exprimées par ses commissaires, après que la France a eu de nombreux contacts pour que la politique migratoire européenne évolue ? Tout d’abord, nous devons lutter contre les filières de la traite des êtres humains qui agissent dans la bande sahélo-saharienne, en Libye et en France, parce qu’elles conduisent vers la mort des êtres vulnérables, après avoir prélevé sur des femmes, des enfants et des familles des sommes considérables. Ces filières doivent être combattues, et nous les combattons résolument en France. C’est la raison pour laquelle nous avons démantelé l’an dernier deux cents filières de l’immigration irrégulière de plus que l’année précédente.

Ensuite, il faut de l’humanité à l’égard de ceux qui relèvent du statut de réfugiés. C’est la politique de la France. C’est pourquoi nous avons nous-mêmes inspiré un mécanisme de répartition des réfugiés au sein de l’Union européenne tenant compte d’un ensemble de critères. Si nous avons rejeté le concept de quotas de migrants, c’est parce que nous considérons que l’asile repose sur des critères et non pas sur des quotas. C’est cette vision qui est conforme à notre tradition républicaine et à la tradition que nous portons de façon universelle à travers le monde. Nous ne voulons pas non plus de quotas de migrants pour ceux qui ne relèvent pas du statut de réfugiés. En effet, si nous voulons pouvoir accueillir correctement ceux qui relèvent de l’asile, il faut pouvoir maintenir dans leur pays ceux qui relèvent de l’immigration irrégulière, dans le cadre d’une véritable politique de codéveloppement que nous avons proposée à l’Union européenne et qu’elle a reprise dans la mesure visant à créer des centres de maintien et d’accompagnement des migrants, notamment au Niger. Nous sommes donc dans la solidarité et la soutenabilité dans la politique de l’asile. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que les bons concepts soient utilisés et que la politique de l’Union européenne soit forte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Réforme du collège

M. le président. La parole est à M. Laurent Degallaix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Laurent Degallaix. Monsieur le Premier ministre, je suis obligé de revenir sur un sujet qui a déjà longtemps été débattu ces derniers jours, mais l’actualité me l’impose : il s’agit bien évidemment de la réforme du collège. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Oui, la réforme du collège est nécessaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Michel Ménard. Très bien !

M. Laurent Degallaix. Les chiffres le prouvent : au vu de ceux qui ne maîtrisent pas les fondamentaux et de celles et ceux qui sont tout de même en échec scolaire, sa nécessité s’impose. Pour autant, la méthode employée est-elle la bonne ? (« Non ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Cette méthode, qui s’apparente tout de même à un passage en force, ne l’est pas, vous en conviendrez.

Vous faites fi de l’avis des parlementaires, de l’avis des enseignants, de celui des parents d’élèves et même de celui des intellectuels. Vous savez, monsieur le Premier ministre, il existe dans ce pays des femmes et des hommes de bonne volonté qui, sans dogmatisme aucun, sont prêts à se mettre autour de la table et à travailler sur ce type de réforme. L’unité nationale et républicaine que vous prônez régulièrement dans cet hémicycle ne doit-elle s’appliquer que lorsque nous avons des problèmes de sécurité intérieure ? Ne peut-elle pas s’appliquer sur un sujet aussi important, qui concerne l’avenir de nos enfants et donc du pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. Baratin !

M. Laurent Degallaix. Je crains que cette réforme, dans la foulée de celle des rythmes scolaires, n’affaiblisse encore un peu plus l’éducation nationale et l’enseignement public, hélas !

Monsieur le Premier ministre, vous savez que l’avenir ne se prévoit pas, mais qu’il se prépare. Nous sommes prêts à l’UDI, comme beaucoup d’autres, à nous mettre autour de la table pour co-construire avec vous un vrai projet réfléchi. Néanmoins, il faut pour cela une vraie volonté politique. Je vous demande solennellement de bien vouloir retirer votre décret, de réunir toutes celles et ceux qui veulent travailler avec vous sur ce sujet ô combien important, dans l’intérêt des collégiens, des collégiennes et au service de l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, on peut avoir un goût invétéré pour la polémique, mais il y a un moment où il faut la laisser de côté et faire du travail de fond. (Protestations sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Non, pas vous !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. De quel travail de fond parlons-nous ? Il s’agit de la réforme du collège. Cette réforme a-t-elle été conçue de façon solitaire ? La réponse est non : elle était prévue par la loi de refondation de l’école, débattue il y a deux ans, pendant des mois et des mois, au sein même du Parlement. Vous en connaissez les principes, et cette loi a été adoptée : davantage d’autonomie pour les collèges ; davantage d’interdisciplinarité ; davantage d’accompagnement personnalisé pour faire mieux réussir tous les enfants ; davantage de compétences développées, notamment en langues vivantes étrangères. La réforme a ensuite été l’objet de consultations qui ont duré des semaines et des semaines, dans le cadre du Conseil supérieur de l’éducation, qui est l’instance légitime pour l’adopter. Elle l’a été à une large majorité, le 10 avril dernier.

M. Céleste Lett. Qu’appelez-vous une large majorité ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Par conséquent, nous avons publié aujourd’hui le décret permettant à cette réforme d’entrer en vigueur. Elle se fera et elle doit se faire, car elle est indispensable pour nos enfants, vous l’avez dit vous-même.

Hier, un certain nombre d’organisations syndicales ont appelé à la mobilisation. Je sais que des enseignants ont en effet fait grève. Ils nous ont fait part de leurs inquiétudes. Elles sont entendues. La publication du décret…

Mme Claude Greff. C’est de la provocation !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …va nous permettre de discuter des modalités de sa mise en œuvre. Chacune des inquiétudes exprimées sera alors levée. L’accompagnement, la formation nécessaire aux enseignants pour mettre en œuvre la réforme seront assurés. Mais il nous faut le temps nécessaire, d’où le calendrier que j’assume et que je maintiens. Nous devons avancer si nous voulons que la réforme entre en vigueur à la rentrée 2016. Ce sera le cas, dans l’intérêt des enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Vous avez peur !

Ambition éducative

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Patrick Bloche. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Au fronton des bâtiments publics et d’abord des établissements scolaires, la devise de la République nous rappelle combien l’égalité est une valeur centrale, mais aussi une exigence de chaque instant. Et c’est bien l’égalité qui est au cœur de la politique éducative mise en œuvre dans notre pays depuis trois ans…

M. Claude Goasguen. Mais non !

M. Patrick Bloche. … qu’il s’agisse de la priorité donnée au primaire, de la scolarisation des moins de trois ans, de la réforme des rythmes scolaires, de la réforme de l’éducation prioritaire ou de celle du collège aujourd’hui.

La publication, ce matin, du décret portant réforme du collège témoigne à cet égard non seulement de la détermination du Gouvernement et de sa majorité, mais également de la justesse d’une démarche qui ne nourrit qu’un seul objectif : celui de l’avenir de notre jeunesse, et donc de notre pays.

M. Charles de La Verpillière. Provocateur !

M. Patrick Bloche. En maintenant le calendrier initialement prévu, il s’agit d’accompagner au mieux la communauté éducative dans la mise en œuvre de cette réforme.

Il y a désormais urgence à avancer si l’on veut que dès la rentrée 2016, les établissements aient plus d’autonomie dans leur organisation, si l’on veut plus d’interdisciplinarité dans les enseignements, si l’on veut offrir un réel accompagnement personnalisé aux élèves et leur permettre d’apprendre une deuxième langue étrangère dès la classe de cinquième. C’est en cela que la réforme du collège, en cassant les déterminismes sociaux et en réduisant les inégalités, vise à la réussite du plus grand nombre et à l’excellence pour tous !

M. Céleste Lett. Baratin !

M. Patrick Bloche. Vous avez indiqué, madame la ministre, vouloir poursuivre le dialogue, notamment avec les syndicats enseignants, sur le contenu des circulaires d’application. Pouvez-vous déjà en préciser le cadre, afin de rassurer ceux qui, de bonne foi, nourrissent encore des inquiétudes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Plusieurs députés du groupe UMP. Démission !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, vous avez été, en qualité de président de la commission des affaires culturelles, l’un des artisans de la loi de refondation de l’école, et vous êtes donc particulièrement bien placé pour remettre en perspective l’ambition de ce gouvernement en matière éducative. Il s’agit bien pour nous, depuis 2012, de relever un par un les défis qui se posent à notre école en redonnant, dans un premier temps, la priorité au primaire, avec les efforts que vous avez rappelés, puis de rétablir la formation des enseignants – formations initiale et continue que nous allons développer encore davantage – et, aujourd’hui, d’apporter des réponses aux difficultés du collège.

Cette réforme a été pensée, discutée et adoptée ici même ; elle a été largement validée par la communauté éducative. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Des inquiétudes se sont fait entendre hier. Elles portent sur les conditions de sa mise en œuvre, non sur sa viabilité elle-même. Le décret publié aujourd’hui confirme donc qu’elle entrera en vigueur à la rentrée 2016.

Cela étant, je l’ai dit, je suis à l’écoute et je prendrai en compte chacune des inquiétudes exprimées. Ma porte est grande ouverte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je reçois les organisations syndicales pour que nous travaillions ensemble, en détail, sur une circulaire d’application qui sera adoptée dans les prochains jours et qui précisera l’accompagnement et la formation mis en œuvre pour que chacun des enseignants du collège soit en capacité, en 2016, de faire progresser chacun de ses élèves puisque, s’il faut le rappeler, c’est bien la vocation de cette réforme : faire mieux apprendre, faire mieux réussir tous nos collégiens, sans en laisser un sur cinq sur le carreau comme c’est le cas aujourd’hui, en permettant aux meilleurs d’être encore meilleurs grâce à l’accompagnement personnalisé qui a vocation à leur faire approfondir leurs connaissances, et à tous ceux qui ont des difficultés d’avoir des perspectives. Je crois que c’est la vocation de l’école. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Conduite de la politique gouvernementale

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, la perte à répétition de votre sang-froid et votre manière de gouverner alternant entre manipulation, louvoiement et brutalité inquiètent de plus en plus les Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) J’en prendrai trois exemples.

D’abord, la gestation pour autrui. Vous avez refusé à l’automne dernier que la France fasse appel de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. Sur cette question d’éthique majeure, qui touche à la marchandisation du corps des femmes, vous encouragez de fait la violation de la loi de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.) Vous jouez clairement le pourrissement ; permettez-moi de vous dire que sur ce sujet, c’est particulièrement indigne !

Mme Claude Greff. C’est honteux !

M. Christian Jacob. Les quotas de migrants, ensuite. Vous tentez de nous faire croire que vous êtes contre les quotas ; dans le même temps, vous demandez au ministre de l’intérieur de négocier la répartition solidaire des migrants. Expliquez-nous la différence entre une répartition solidaire des migrants et des quotas : il n’y en a pas ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous manipulez l’opinion publique et vous mentez aux Français ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Veuillez écouter la question, s’il vous plaît !

M. Christian Jacob. Dernier exemple : votre gestion de la réforme du collège. La publication ce matin du décret entérinant celle-ci est une honte ! C’est une honte, car cette publication affiche un double mépris : mépris des enseignants, qui s’inquiètent de l’émergence d’un collège de la médiocrité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ; mépris de notre assemblée, où vous avez refusé que se tienne un débat démocratique. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Brigitte Bourguignon. Quelle est la question ?

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, la brutalité est en politique l’arme des faibles. Or publier ce décret en pleine nuit est un acte politique brutal. Vous le paierez cher ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. Pas de menaces !

M. Christian Jacob. Nous vous demandons l’abrogation du décret et la tenue dans les plus brefs délais d’un véritable débat démocratique ici, dans l’hémicycle, projet contre projet. Nous vous mettons au défi de le faire ! (Les députés du groupe UMP et quelques députés du groupe UDI se lèvent et applaudissent vivement l’orateur.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, je vous réponds bien volontiers. En vous écoutant, je me disais qu’en matière de violence, de perte de ses nerfs et de démagogie, vous aviez beaucoup à apprendre aux autres ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et ce n’est pas la première fois – y compris lors de moments solennels pour l’Assemblée nationale.

Vous avez raison : chacun doit être à la hauteur de l’exigence des Français.

M. Christian Jacob. C’est ce qu’on vous demande !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Depuis 2012, parce que c’est une priorité du Président de la République…

M. Guy Geoffroy. Sa priorité, c’est sa réélection !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et, surtout, parce que c’est une exigence des Français, nous avons engagé la refondation de l’école. Un long débat a eu lieu ici même, à l’Assemblée nationale, à l’occasion de l’examen du projet de loi présenté par Vincent Peillon.

C’est notre devoir, mais aussi notre honneur, que d’engager cette réforme attendue et nécessaire. On ne peut accepter l’échec subi par des dizaines de milliers d’enfants – échec qui est d’ailleurs souvent de votre responsabilité, car vous avez supprimé 80 000 postes d’enseignant, vous avez saccagé la formation des enseignants et vous avez décidé de ne plus faire de l’école de la République une priorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Eh bien, nous, nous avons décidé, monsieur Jacob, d’en faire une priorité !

Après ce débat, il était de notre devoir de mettre en œuvre la refondation de l’école.

M. Christian Jacob. On voit le résultat !

Mme Claude Greff. Tout le monde dans la rue !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est pourquoi, comme vient de le rappeler la ministre de l’éducation nationale, la réforme des collèges a été adoptée à une très large majorité par le Conseil supérieur de l’éducation.

M. Franck Gilard. Quelle est sa légitimité ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y a eu, dans cet hémicycle, des questions et des réponses ; il y a eu, bien sûr, de la concertation avec l’ensemble des partenaires ; il y a eu, hier, un mouvement – et il est de notre responsabilité d’écouter ceux qui font grève, comme ceux qui ne font pas grève. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce que je constate, monsieur le député, c’est que des syndicats, et non des moindres – la Confédération française démocratique du travail et l’Union nationale des syndicats autonomes –, soutiennent la réforme ; les deux fédérations de parents d’élèves aussi ; l’enseignement catholique, de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. Et les autres ?

M. Claude Goasguen. C’est la fin de l’école publique !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’ai la conviction profonde qu’au-delà du débat actuel, l’immense majorité des Français attendent un changement et des réformes. Car ce pays, monsieur Jacob, doit être réformé – en bien des matières, et pas uniquement scolaire. Et il doit être réformé en donnant plus de responsabilités aux acteurs ; cela fait des années que l’on réclame, y compris dans vos rangs, de l’autonomie pour les collèges…

M. Pascal Terrasse. Eh oui !

M. Luc Chatel. Mais pas n’importe laquelle !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et plus de responsabilités pour les équipes pédagogiques. Ces préoccupations sont au cœur de la réforme présentée par la ministre de l’éducation nationale. Et vous, monsieur Jacob, par démagogie, vous vous opposez à une réforme que vous auriez pu soutenir, et à propos de laquelle M. Chatel a tenu des propos particulièrement justes !

M. Christian Jacob. Vous avez peur du débat !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Au nom d’une opposition frontale et stérile, vous avez décidé de vous y opposer et de rejoindre dans leurs critiques ceux qui sont très éloignés de vos positions.

Car, au fond,…

Mme Claude Greff. Au fond ? Il n’y a rien au fond !

M. le président. Madame Greff, s’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …si vous aviez à concevoir une réforme ou à publier un décret, que proposeriez-vous ? Évidemment pas ce que réclamaient hier les enseignants qui manifestaient ! Vous proposeriez la même chose que M. Le Maire, c’est-à-dire une école de la sélection, une école qui supprime la deuxième langue vivante, une école qui tourne le dos au principe même de la République, l’égalité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Fillon. Mais non !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ayez donc le courage, non pas de suivre tel ou tel manifestant ou de vouloir – ce qui est assez étrange ! – cogérer le ministère de l’éducation nationale avec tel ou tel syndicat, mais de présenter vos propositions aux Français ; ceux-ci se rendront alors compte de la démagogie qui est la vôtre et de votre volonté de détruire l’école ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Alors oui, monsieur Jacob, nous voulons réformer, et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé, avec le chef de l’État et la ministre de l’éducation nationale, de publier ce décret.

M. Sylvain Berrios. En pleine nuit !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut aller vite, parce qu’il faut former les enseignants en vue de la rentrée 2016. Il faut avancer, parce que c’est utile. Ce gouvernement est déterminé à réformer ; nous continuerons à le faire, sur ce sujet comme sur tous les autres, car il y va de l’intérêt des Français. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Déserts médicaux

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Nicolin. Monsieur le Premier ministre, bien que notre pays n’ait jamais recensé autant de médecins, certains territoires ruraux, mais aussi urbains, souffrent d’une inédite désertification médicale.

Dans le département de la Loire, et particulièrement dans le Roannais, la situation devient dramatique. Notre pays compte en moyenne un généraliste pour 800 habitants ; dans le Roannais, nous n’en avons plus qu’un pour 1 700. Nous sommes revenus en 1930 !

Je veux être ici le porte-parole de tous ces élus, quelle que soit leur sensibilité, de nos villes comme de nos villages, pour vous porter un grave message d’alerte. Des patients sans médecins, des délais d’attente de plusieurs semaines pour une simple consultation, des services d’urgence débordés : depuis des mois, nous vous alertons. Que fait votre ministre de la santé pour aider cette France qui souffre, monsieur le Premier ministre ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Pour toute réponse, nous avons eu l’adoption par l’Assemblée, dans le cadre de la procédure accélérée, de la loi « Touraine », qui témoigne de l’incompréhension et de l’indifférence du Gouvernement envers les problèmes des médecins. Vous répondez « tiers payant généralisé » au lieu d’apporter un remède à la désertification. Les médecins ne veulent pas de cette mesure et la situation ne fera que s’aggraver. L’augmentation à venir de la charge administrative sera considérable pour les médecins et votre loi aura un effet très négatif sur leur disponibilité, donc sur l’accès aux soins de la population.

Les personnels des hôpitaux contestent votre projet de loi et manifesteront demain à Paris. L’ensemble de la filière, étudiants compris, est inquiète. Monsieur le Premier ministre, c’est une première en France : depuis lundi, la totalité des généralistes de mon arrondissement sont en grève pour trois jours. Depuis Roanne, les médecins de France vous lancent un cri d’alarme que vous n’entendez pas. Demain, d’autres départements prendront le relais, afin que vous daigniez enfin les entendre. Quelle sera votre réponse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, les déserts médicaux préoccupent l’ensemble des parlementaires, ainsi que tous les Français.

M. Jean-Pierre Vigier. Et on ne fait rien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ces enjeux, je les ai abordés dès la fin de l’année 2012 en créant le pacte territoire santé, afin de savoir ce qui pourrait attirer les jeunes médecins dans des territoires où ils n’iraient pas spontanément. La première chose qu’ils ont répondue, c’est qu’ils avaient besoin de lieux où travailler ensemble, et le nombre de maisons de santé a été multiplié par quatre depuis 2012. C’est dans cette direction qu’il faut aller.

Mais chacun doit assumer ses responsabilités, monsieur le député, et permettez-moi de vous dire que je regrette qu’alors que quatre maisons de santé se sont installées dans le Roannais et qu’une cinquième était en perspective, avec le soutien de la précédente municipalité, vous ayez jugé utile de stopper les travaux en cours et de supprimer les financements pour l’achèvement de cette maison, ce qui provoque des difficultés avec les médecins de votre territoire. (Huées sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement assume ses responsabilités ; à vous d’assumer les vôtres ! Nous proposons des bourses aux étudiants en médecine, avec l’objectif d’en attribuer 1 500 d’ici à 2017 – objectif qui sera largement dépassé. Nous avons mis en place des praticiens territoriaux de médecine générale, c’est-à-dire des médecins qui s’engagent à s’installer dans des territoires qui manquent de professionnels ; 400 le sont déjà, et 200 supplémentaires le seront au cours de l’année 2015.

Le Gouvernement agit, car l’accès de tous aux soins, partout sur le territoire, est pour nous une priorité. À vous, collectivité de Roanne, d’assumer les vôtres, dans l’intérêt de vos habitants et de l’ensemble de la population. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

« Nouvelle France industrielle »

M. le président. La parole est à M. Michel Destot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Destot. Au cours de son histoire, la France a toujours construit sa prospérité dans l’interaction intelligente entre puissance publique et sphère privée, pas avec un État intervenant à tout va et de manière désordonnée, mais avec un État stratège construisant des politiques de long terme, stimulant l’innovation et mobilisant les énergies.

Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, vous le savez aussi bien que nous : il n’y a pas de redressement économique durable, pour notre pays, sans stratégie industrielle forte. Or nous sortons d’une décennie quasi perdue pour l’industrie française : plus de 700 000 emplois détruits, plus de 40 milliards d’euros de déficit d’investissement dans notre outil industriel.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Michel Destot. Notre industrie a vu sa part dans le PIB chuter de 21 % à 13 % en dix ans.

Depuis 2012, notre gouvernement s’est employé à renforcer la chaîne de la compétitivité en améliorant les passages entre recherche, innovation, applications industrielles, services et exportation, notamment avec la sanctuarisation du crédit d’impôt recherche. Nous observons les principaux résultats : l’heure de travail dans l’industrie est d’ores et déjà moins coûteuse en France qu’en Allemagne. Nos usines automobiles voient enfin leur production repartir à la hausse après dix années de repli.

M. Céleste Lett. C’est faux !

M. Michel Destot. Mais cela n’est pas suffisant : l’investissement est encore atone et le chômage à un niveau insupportable pour beaucoup de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, vous avez lancé lundi à Nantes la seconde phase de la Nouvelle France industrielle, avec comme objectif d’accompagner toutes nos entreprises industrielles sur la voie de l’industrie du futur. Comment ce nouveau projet va-t-il contribuer à relancer l’investissement productif dans notre pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Vous l’avez dit, monsieur le député, il n’y aura pas de réussite économique sans réindustrialisation du pays après les destructions d’emplois de cette décennie perdue. Et cette réindustrialisation passera par cette capacité à mobiliser nos filières industrielles, à reconstruire des projets industriels.

Mon prédécesseur Arnaud Montebourg avait lancé en 2013 cette Nouvelle France industrielle autour de trente-quatre projets. Nous les avons regroupés pour leur donner une nouvelle dynamique pour plus d’accélération, plus d’ambition, autour, finalement, de deux volontés.

La première est de simplifier pour accélérer l’investissement productif. Il n’y aura pas de retour à l’industrialisation dans notre pays sans plus d’investissement productif. Il est atone depuis trop d’années. Sur ces quinze dernières années, l’investissement a trop peu porté sur l’outil productif, et nous avons raté trop de batailles.

Un député du groupe UMP. Ces trente dernières années !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce sont donc 3,4 milliards d’euros du plan d’investissement d’avenir qui seront mobilisés autour de l’industrie du futur et de ces neuf solutions industrielles que nous avons présentées en début de semaine, qui concernent l’ensemble des secteurs de l’économie. Elles représentent une montée en gamme de notre économie, une accélération du numérique, une accélération de la transition énergétique. Cet investissement public va déclencher de l’investissement privé productif. Il accompagnera également les mesures fiscales qui ont été décidées et annoncées il y a quelques semaines, celles du suramortissement fiscal.

Ensuite, cette réussite, cette réindustrialisation se fera par une politique de filières, de la montée en compétences et une politique de formation. On ne réussira pas la réindustrialisation du pays sans les salariés ou contre eux. Vous avez raison de le dire, monsieur le député : notre défi, aujourd’hui, c’est de réindustrialiser. Notre défi pour la croissance du pays, c’est d’enrichir cette croissance en investissement et en emplois. Nous y parviendrons grâce à notre volonté en termes de formation, grâce à une vraie volonté de conduire cette politique de filières. C’est ce que nous avons lancé lundi, c’est cette Nouvelle France industrielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Didier Quentin. Baratin !

Politique industrielle

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le ministre de l’économie, au-delà des mots, je dois vous reconnaître une qualité majeure : vous dites tout haut ce que la plupart de vos collègues tentent encore de dissimuler sur le ralliement du Gouvernement aux choix libéraux.

M. Luc Chatel. Si seulement !

M. Patrice Carvalho. Vous êtes le décodeur de la politique gouvernementale. En déplacement à Nantes, lundi, vous avez ainsi déclaré : « La clef de notre réussite industrielle, c’est l’invention d’une mentalité nouvelle, qui ne repose plus sur de la conflictualité, sur une fausse lutte des classes ».

Les milliers de salariés qui se sont mobilisés, à qui l’on a demandé des sacrifices en leur promettant le maintien de leur emploi et qui ont vu, au final, leur usine fermer apprécieront d’être ainsi tenus pour responsables du naufrage organisé de leur entreprise. Je pense à ceux de Continental, dans ma circonscription, ou aux 2 150 licenciés de MoryGlobal. Ce que vous leur proposez pour demain, c’est de cogérer la casse industrielle.

Nous connaissons le credo libéral : la main-d’œuvre est trop chère, le code du travail trop fourni en droits des salariés, et ces derniers trop résistants aux choix du capital. Cela fait trente ans que nous entendons cela, mais en trente ans, nous avons perdu 36 % de nos emplois industriels – 700 000 postes au cours des dix dernières années.

Le coût du travail vous préoccupe beaucoup, mais, de plus en plus, c’est le coût du capital qui nous plombe. Vous déversez des milliards d’euros dans les caisses du MEDEF, mais, sans contrepartie. Cet argent ne va pas à l’investissement, à l’emploi, à de meilleurs salaires : il se perd dans les dividendes, les placements financiers, les provisionnements pour les licenciements à venir.

Quand comprendrez-vous que cette politique est une faillite ? Il n’y a de reconquête industrielle possible qu’en s’opposant aux licenciements boursiers, en confortant les droits des salariés comme nous l’avons proposé, en encourageant ceux qui investissent, créent des emplois et en pénalisant ceux qui privilégient d’abord la financiarisation. C’est seulement ainsi, monsieur le ministre, que nous enrayerons le déclin industriel de notre pays !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je vous remercie, monsieur le député, de l’exercice d’exégèse auquel vous venez de vous livrer, mais je crains que vous n’ayez quelque peu déformé mes propos. Je défendrai en tout cas ici leur esprit.

Non, il n’y aura pas de réindustrialisation du pays contre les entreprises ou sans les entreprises.

Mme Claude Greff. Il y a déjà l’école sans enseignants, et la médecine sans médecins !

M. Guy Geoffroy. Et le Gouvernement sans ministres !

M. Emmanuel Macron, ministre. Non, il n’y aura pas de réindustrialisation du pays si nous ne modernisons pas ensemble notre tissu économique. Et oui, les responsables de la désindustrialisation du pays, ce sont, vous avez raison de le dire, les employeurs cyniques, les défaitistes, ceux qui pensent que produire en France n’est plus possible, ceux qui font, décident, chaque jour, des arbitrages contre le tissu productif français, mais aussi celles et ceux qui refusent ensemble de faire des efforts, celles et ceux qui, trop souvent, bloquent, celles et ceux qui refusent le dialogue social. Donc, oui, la réindustrialisation que nous proposons, au-delà de la démarche que je viens de décrire et de celle des plans, c’est celle de la modernisation du pays, qui a commencé au mois de mai 2012…

M. Patrice Verchère. On est mal barrés !

M. Emmanuel Macron, ministre. …celle qui consiste à faire entrer les représentants des salariés au conseil d’administration des grands groupes pour leur faire partager l’information, celle qui consiste à mieux anticiper les conflits sociaux grâce à la loi de sécurisation de l’emploi,…

M. Céleste Lett. Quelle prétention !

M. Emmanuel Macron, ministre. …en permettant, précisément, de développer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences – GPEC –, celle qui permet de déconflictualiser ces grands licenciements collectifs, pour éviter de détruire de l’emploi, celle qui permet de mettre en place des accords de maintien de l’emploi défensifs pour prévenir plutôt que guérir ou réparer, celle qui permet, à travers la loi que défend en ce moment François Rebsamen devant votre assemblée, de moderniser le dialogue social pour qu’il soit de meilleure qualité et prévienne plutôt qu’il ne guérisse, ce dialogue social qui va vers la co-détermination, vers une coresponsabilité, vers une alliance des producteurs, de celles et ceux qui font l’entreprise, ceux qui ont le capital, qui prennent des risques, ceux qui travaillent chaque jour, qui prennent des risques avec eux. C’est en réconciliant cette collectivité que nous réussirons, pas en y cultivant l’opposition de manière factice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Présidence de France Télévisions

M. le président. La parole est à M. Thierry Solère, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Thierry Solère. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

« Moi président de la République, je n’aurai pas la prétention de nommer les directeurs des chaînes de télévision publique,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Thierry Solère. …je laisserai cela à des instances indépendantes. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Popelin. Et « Moi, Sarkozy… » ?

M. Thierry Solère. Monsieur le Premier ministre, François Hollande avait promis la transparence dans la désignation du futur président de France Télévisions. C’est un fiasco.

Ce week-end, plusieurs médias ont titré sur le scandale de la procédure de désignation mise en œuvre par le CSA pour le choix du président de France Télévisions. Opacité totale, soupçons d’irrégularités, soupçons de rupture d’équité entre les candidats, soupçons de partialité de certains membres du CSA, soupçons de plagiat du projet d’un des candidats par la candidate retenue…

La presse nous apprend aujourd’hui que la candidate retenue forme son cabinet et qu’elle a trouvé la perle rare pour le diriger : un professionnel reconnu et très expérimenté de l’audiovisuel public, un militant écologiste de 27 ans qui était le collaborateur de Cécile Duflot à la région Île-de-France. (Exclamations sur divers bancs.)

En République, monsieur le Premier ministre, le soupçon est un poison. (Exclamations persistantes sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Afin de lever l’ensemble des soupçons et dans un souci d’apporter la transparence qui a tant manqué, le président du groupe UMP, Christian Jacob, a demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire. Aussi, monsieur le Premier ministre, nous vous demandons d’œuvrer pour que celle-ci voie le jour.

M. Nicolas Bays. Il n’y en avait pas beaucoup sous Sarkozy !

M. Thierry Solère. Soit la procédure a fait l’objet de nombreuses irrégularités, et il faudra avoir le courage politique de procéder à une nouvelle élection et de demander au président du CSA de prendre ses responsabilités. Soit ce n’est pas le cas, et la présidente de France Télévisions aura alors trouvé la légitimité qui lui fait aujourd’hui défaut.

Monsieur le Premier ministre, ma question est donc simple : allez-vous faire en sorte que votre majorité autorise cette commission d’enquête parlementaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, le Gouvernement et la majorité sont extrêmement fiers d’avoir fait voter une loi rétablissant l’indépendance dans les procédures de nomination de l’audiovisuel public. (Vives exclamations, rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues ! Écoutez la réponse !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Il est vrai qu’auparavant, les temps étaient différents puisque c’était le président de la République, en son plus secret conseil (Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP),…

M. le président. Monsieur Meunier, s’il vous plaît !

Mme Fleur Pellerin, ministre. …qui décidait de nommer les présidents de l’audiovisuel public, d’un simple coup de fil et sur l’avis de quelques visiteurs du soir. Nous avons décidé de faire autrement et nous assumons cette indépendance, qui est aussi un signe de respect de la démocratie. (Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Madame Greff, s’il vous plaît !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Voilà la réforme que nous avons conduite.

M. Didier Quentin. C’est scandaleux !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Le CSA est une instance indépendante…

M. Christian Jacob. Très indépendante, certainement !

Mme Fleur Pellerin, ministre. …et nous privilégierons toujours une décision collégiale, prise par des experts de l’audiovisuel dont je rappelle que la moitié a été nommée par la majorité précédente. Cette décision a été prise après avoir étudié un certain nombre de projets, présentés par de nombreux candidats, et après avoir auditionné certains d’entre eux. À l’issue de cette procédure a été désignée Delphine Ernotte, une professionnelle reconnue de tous, qui a une grande expérience du dialogue social,…

Mme Claude Greff. Oh oui, nous en sommes convaincus !

Mme Fleur Pellerin, ministre. …qui a conduit le changement dans une grande entreprise publique comptant près de 100 000 employés. C’est une personne qui présente toutes les qualités pour exercer ces compétences.

M. Christian Jacob. Vous ne répondez pas à la question !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Vous pouvez continuer à jeter le discrédit sur les institutions de la République.

M. Christian Jacob. Ne nous parlez pas de respect des principes de la République !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Vous avez définitivement un problème avec les institutions de la République, avec les corps intermédiaires (Protestations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Philippe Meunier. C’est vous qui ne respectez pas la République !

M. le président. Monsieur Meunier ! Cela va pour aujourd’hui !

Mme Fleur Pellerin, ministre. …avec les autorités indépendantes. Quant à nous, nous préférons faire confiance aux institutions de la République et ne pas jeter en permanence le discrédit, la suspicion et le mépris de ces institutions républicaines qui font l’honneur de notre pays. (Mêmes mouvements.) Je ne suis pas du tout sûre que le fait d’adopter en permanence cette attitude méprisante vis-à-vis des institutions de la République (Mêmes mouvements) soit le meilleur moyen de faire vivre la démocratie dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Allocation des chômeurs âgés

M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le ministre du travail, l’allocation équivalent retraite – AER – a été instituée en 2002 afin de garantir un niveau plancher de revenus aux demandeurs d’emploi qui disposaient d’un nombre suffisant de trimestres cotisés sans avoir atteint l’âge légal de liquidation de leur retraite. Cette allocation de solidarité a été malheureusement supprimée en 2011 par le gouvernement Fillon.

Pendant la campagne, le Président de la République avait pris l’engagement de faire en sorte que les personnes atteignant l’âge de 60 ans et ayant cotisé toutes leurs annuités retrouvent le droit de partir à la retraite à taux plein. Dès le 3 juillet 2012, soit trois mois à peine après son élection, un décret était pris pour rétablir la possibilité de départ partiel à 60 ans pour ceux qui avaient démarré très jeunes leur vie professionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.) De nombreux citoyens ont pu en profiter, et c’est heureux.

Le décret du 4 mars 2013 instituant à titre exceptionnel une allocation transitoire de solidarité – ATS – pour les demandeurs d’emploi nés en 1952 et 1953 a permis à certaines familles de sortir de la précarité. Néanmoins, vous le savez, monsieur le ministre, ce décret n’a pas réglé toutes les situations. Les anciens salariés de la société clermontoise Helvéticast, entreprise liquidée en 2010, en savent quelque chose. Ceux qui n’ont pas retrouvé de travail, ces chômeurs en fin de droits sans espoir de retour à l’emploi à 60 ou même à 61 ans comptent sur nous, monsieur le ministre.

Le chef de l’État a annoncé le 6 novembre 2014 qu’une prestation financière serait mise en place en faveur des chômeurs seniors de plus de 60 ans ayant cotisé toutes leurs annuités mais contraints de survivre – je dis bien « survivre » – avec l’allocation de solidarité spécifique, d’un montant de 487 euros par mois, ou avec le RSA socle, d’un montant mensuel de 513 euros, en attendant de bénéficier d’une retraite à taux plein. Monsieur le ministre, une telle situation est indigne de notre pays, cinquième puissance mondiale.

Un député du groupe UMP. C’est scandaleux !

Mme Christine Pires Beaune. Elle n’a que trop duré.

Monsieur le ministre, quelle réponse pouvez-vous apporter à ces hommes et à ces femmes qui ont travaillé toute leur vie, afin de mettre fin à leur calvaire et de faire en sorte qu’ils retrouvent enfin leur dignité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Guy Geoffroy. Et du chômage !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, votre souci de solidarité et de soutien aux personnes les plus fragiles vous honore et honore toute la majorité.

M. Christian Jacob. La question est intéressante, c’est sûr !

M. François Rebsamen, ministre. C’est pourquoi je veux rappeler, comme vous, que le Président de la République a annoncé que les personnes de plus de 60 ans ayant cotisé toutes leurs annuités pourraient bénéficier d’une prestation qui permettra de les conduire à la retraite dans de bonnes conditions.

Je sais que de nombreux Français attendent aujourd’hui cette disposition, qui viendra après deux grandes mesures de justice sociale prises depuis le début du quinquennat et que vous avez évoquées, madame la députée.

Ainsi, dès juin 2012, le Président de la République et le Gouvernement ont permis à ceux qui avaient commencé à travailler très jeunes de partir à la retraite dès l’âge de 60 ans. Depuis 2012, près de 140 000 personnes ont pu bénéficier de cette mesure de solidarité nationale et de justice sociale, qui honore la majorité. Comme vous, madame la députée, je tiens à le rappeler ici.

M. Céleste Lett. Combien cela a-t-il coûté ?

M. François Rebsamen, ministre. En outre, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a rouvert l’ATS aux générations de 1952 et 1953.

Pour respecter l’engagement du Président de la République, le gouvernement de Manuel Valls vient de décider la mise en place d’un nouveau dispositif ciblé visant à répondre aux situations individuelles les plus difficiles. Il consistera en une prime mensuelle de 300 euros aux bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique ou du RSA socle, qui percevront ainsi une aide d’un montant supérieur à 800 euros par mois en attendant de pouvoir liquider leurs droits à la retraite.

Tout cela vise à réparer tous les dégâts causés avant 2012 par la précédente majorité en matière de justice sociale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Budget de la défense

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre de la défense, ce matin, le projet d’actualisation de la loi de programmation militaire – LPM – a été présenté en Conseil des ministres. Malgré le succès commercial du Rafale, le budget de la défense est loin d’être sécurisé. Le Président de la République a tenté de répondre à cette lourde inquiétude, que nous avions exprimée avec mes collègues du groupe UMP. Il a ainsi annoncé le déblocage il faut bien le dire précipité de 2,3 milliards d’euros pour combler l’absence des ressources exceptionnelles pourtant prévues dans le budget 2015, et de 3,8 milliards d’euros supplémentaires jusqu’en 2019.

Pour autant, monsieur le ministre, à ce stade, nous sommes totalement dans l’incertitude, et cela pour trois raisons. Tout d’abord, les montants promis ne permettent en aucun cas d’absorber le maintien des 18 750 postes annoncés dans la loi et la poursuite de la modernisation de nos équipements, indispensable pour assurer la sécurité et l’efficacité de nos troupes alors qu’elles sont de plus en plus sollicitées. Ensuite, ce financement repose sur des économies théoriques, voire spéculatives, notamment en matière de prix des carburants. Enfin – et c’est peut-être le plus grave –, vous reportez l’essentiel de l’effort après 2017, c’est-à-dire en quelque sorte aux calendes grecques.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, ma crainte est qu’en définitive, votre ministère ne soit payé qu’en monnaie de singe. C’est pourquoi, alors que nous allons bientôt discuter de l’actualisation de la loi de programmation militaire dans cet hémicycle, je vous demande de nous préciser la réalité de l’effort qui sera consenti à notre défense qui, vous en conviendrez, fait l’honneur et la fierté de notre pays partout dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, merci pour votre question et sa tonalité. Vous avez rappelé que le Président de la République avait fait des choix et annoncé des décisions concernant l’actualisation de la loi de programmation militaire – vous en avez même cité certaines. Je voudrais les clarifier devant vous.

Premièrement, il y aura effectivement une réduction de la déflation des effectifs de 18 500 personnels militaires pour permettre le développement de la protection du territoire dans le cadre, en particulier, de l’opération « Sentinelle ». Deuxièmement, il n’y a plus de ressources exceptionnelles, ni en 2015, ni pour les années suivantes. Cette demande était formulée depuis longtemps, y compris sur vos bancs, monsieur le député. Sur décision du Président de la République et du Premier ministre, ces crédits exceptionnels seront convertis en crédits budgétaires nets dès la fin de cette année, en accord avec le ministre des finances. Troisièmement, ces crédits seront augmentés de 3,8 milliards sur l’ensemble de la période, y compris à partir de 2016, contrairement à ce que vous avez dit.

M. Jean-François Lamour. Surtout en 2017 !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Enfin, les ressources supplémentaires que nous pourrons acquérir s’il y a des facteurs favorables liés aux indices seront intégralement, pour un montant de 1 milliard d’euros supplémentaires, affectées au renouvellement des équipements.

Je vous rassure donc, monsieur Lamour : c’est la première loi de programmation militaire qui verra ses crédits augmenter en cours d’exercice.

M. Jean-Luc Laurent. Exactement !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Et c’est la première loi de programmation militaire dont les engagements seront intégralement respectés au cours de la période.

M. Jean-François Lamour. Surtout après 2017 !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il faut le remarquer, car c’est assez rare. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Dassault. Très bien !

M. Jean Glavany. On s’en réjouit !

Conférence des Nations unies sur le changement climatique

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre des affaires étrangères, depuis la conférence de Copenhague, la communauté internationale peine à prendre la pleine mesure des enjeux climatiques. En dépit de l’évidence des périls qui menacent l’humanité, la résignation et le statu quo semblaient devoir l’emporter. Pourtant, la France, elle, ne se résigne pas. C’est la raison pour laquelle elle s’est mobilisée pour organiser la COP21 en cette fin d’année 2015. Cette rencontre des dirigeants mondiaux n’a qu’un seul objectif : sauver notre planète du dérèglement climatique en adaptant nos économies et nos modèles de développement au défi considérable auquel est confrontée l’humanité.

M. Christian Jacob. Il faut aussi la sauver du socialisme !

M. Michel Vergnier. Oui, la France doit mettre tous les moyens dont elle dispose pour que cette conférence soit une réussite. Nous actionnons tous les leviers : le dialogue bilatéral et multilatéral – la participation cette semaine du Président de la République au dialogue de Petersberg va dans ce sens ; la mobilisation des entreprises, des associations, des citoyens, comme c’est le cas avec le forum « Entreprises et climat » qui se tient à l’UNESCO cette semaine ; l’adoption, enfin, du projet de loi sur la transition énergétique.

Monsieur le ministre, l’objectif est clair : bâtir avec l’ensemble des pays de la planète un accord global, ambitieux et contraignant pour maintenir le réchauffement global en dessous de deux degrés. Cet accord unique doit déboucher sur des actions concrètes. Nous avons besoin d’un basculement radical vers de nouvelles pratiques et une nouvelle économie écologique associant les acteurs privés et publics. Nous ne voulons pas rater cette chance. La France doit être au rendez-vous de la conférence mondiale pour le climat pour saisir cette opportunité unique. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire comment le Gouvernement prépare cet événement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, vous avez très bien posé le problème. D’abord, la France prépare cette conférence en essayant d’être la plus exemplaire possible. C’est le sens des projets de loi sur la transition énergétique et sur la biodiversité défendus par Mme Ségolène Royal.

En ce qui concerne la COP21, que j’aurai l’honneur de présider, les objectifs sont au nombre de quatre – je vais les énoncer rapidement. Le premier, le principal, est d’obtenir pour la première fois un accord universel des 196 parties qui seront présentes pour ne pas dépasser les 2 degrés d’augmentation du climat liés aux gaz à effet de serre. C’est très difficile, mais grâce à notre politique diplomatique et à toute une série de rencontres et d’interventions, au premier rang desquelles celles du Président de la République, nous allons en ce sens. Le deuxième objectif est de prendre la mesure de toutes les contributions nationales publiées au fur et à mesure par chacun des pays. Ils doivent publier leur contribution avant la fin du mois d’octobre. Nous en sommes aujourd’hui à près de quarante pays.

Le troisième objectif est de faire en sorte que les financements et les technologies soient rendus disponibles. En effet, les responsables de pays en voie de développement disent souscrire aux objectifs, mais demandent des précisions sur la disponibilité des financements et des technologies. Notre objectif est de les fournir. Quatrièmement, il faut associer les communes, les régions, les entreprises, la société civile et vous, mesdames et messieurs les parlementaires, pour parvenir à la fin de l’année au succès que nous attendons. Il n’y a pas d’autre solution que de réussir pour une raison simple, monsieur le député : il n’y a pas d’autre planète disponible. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Réforme du collège

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, la jeunesse est une priorité mais le collège mérite mieux que votre réforme.

Plusieurs députés du groupe SRC. Oh !

M. Jean Glavany. Et surtout mieux que Mariton !

M. Hervé Mariton. Je doute, à dire vrai, du sérieux de votre engagement : vous faites semblant. De nombreux rendez-vous de concertation annulés, une publication précipitée du décret : la communication est puissante. Mais auriez-vous renoncé à agir sur la réalité ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Bien sûr. (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Vous feriez mieux de retirer votre réforme. Ensuite, nous pourrions proposer et construire. Nous sommes nombreux à être favorables à l’autonomie des établissements,…

M. Manuel Valls, Premier ministre. Eh bien, dans ce cas !

M. Hervé Mariton. …mais pas au mot, à la réalité de celle-ci. Il s’agit de faire face, en France, à la variété des élèves : or vous proposez de baisser leur moyenne.

Il existe une réponse : l’annualisation du temps de travail. Elle se pratique déjà dans l’enseignement agricole. Oui ou non, êtes-vous favorable à l’annualisation du temps de travail des enseignants, passage obligé vers une réelle autonomie des établissements ?

Nous sommes nombreux à être favorables à l’autorité et à la responsabilité des chefs d’établissements. Vous avez commencé, en 2012, par abroger le décret Chatel qui leur permettait d’évaluer les enseignants.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et alors ?

M. Hervé Mariton. Si vous utilisez les mots, en réalité vous faites le contraire. Alors, le test est simple : allez-vous rétablir le décret Chatel ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Non.

M. Hervé Mariton. Allez-vous, oui ou non, donner aux chefs d’établissements la responsabilité du recrutement des enseignants ? Si vous dites oui, madame le ministre, alors nous sortons le débat de l’affrontement partisan, en vue d’un meilleur avenir pour les jeunes.

M. Jean Glavany. Rigolo ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Si vous dites non, madame le ministre, vous prenez alors la France en otage de votre communication et de votre idéologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, je m’apprêtais à vous répondre que vous n’avez pas franchement de leçons à nous donner, ni en matière d’éducation, ni en matière de dialogue social, ni en matière de conduite de réforme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais, compte tenu du ton posé de votre question, et je vais donc, à mon tour, vous en poser une, monsieur Mariton.

M. Julien Aubert. Ce sont les questions au gouvernement !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Expliquez-moi pourquoi nous aurions, d’après vous, dû renoncer à faire passer cette réforme du collège dans le délai prévu ?

M. Yves Fromion. Il ne peut pas répondre !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En effet, vous nous enfumez, depuis maintenant plus d’un mois, avec la soi-disant disparition du latin ou de l’allemand, mais la publication du décret va précisément permettre à tout le monde de constater que et le latin et les langues vivantes étrangères sont étendus à tous les collégiens.

Pourquoi aurions-nous donc dû renoncer à publier ce décret dès aujourd’hui, comme cela était prévu ? Parce que les organisations syndicales ont manifesté hier des inquiétudes relatives à notre capacité à mettre en œuvre en temps utile, et dans de bonnes conditions, cette réforme du collège ?

Mais c’est précisément la raison pour laquelle il faut aller vite, afin de garantir cet accompagnement et cette formation dont les enseignants ont en effet besoin.

M. Claude Goasguen. Vous n’avez pas d’enseignants. Combien d’agrégés d’allemand ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pourquoi aurions-nous dû renoncer ? Parce que certains des enseignants qui ont fait grève hier se sont, en effet, déclarés hostiles à ce surcroît d’autonomie que nous offrons aux établissements ?

M. Hervé Mariton. Vous faites le contraire.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mais nous l’assumons et nous le revendiquons. Vous-mêmes, sur ces bancs, avez, depuis des années, affirmé qu’elle était nécessaire ! Vous devriez donc adhérer sans réserve à cette souplesse et à cette marge de manœuvre qui sont données aux établissements afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins de leurs élèves. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Car, je le redis ici, dans certains collèges, il peut en effet être nécessaire d’insister sur l’acquisition du français, des mathématiques ou de l’histoire. Il faut laisser la possibilité aux équipes pédagogiques de le faire : c’est ce que cette réforme permet.

M. Hervé Mariton. Et le décret Chatel ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Enfin, monsieur le député, aurions-nous dû renoncer à ce décret pour avoir eu, face à votre contre-projet de réforme du collège, une révélation ? Eh bien je réponds non, car il nous conforte dans l’ambition que nous nourrissons pour l’école. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, et sur quelques bancs des groupes GDR et écologiste.)

Groupe Doux

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Richard Ferrand. Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, je vous ai interrogé, il y a presque trois ans, sur la tempête qui frappait l’aviculture bretonne, et en particulier le groupe Doux, premier groupe volailler européen, ainsi que l’entreprise Tilly-Sabco que défend mon collègue Gwenegan Bui.

L’arrêt, en 2012, d’une partie de l’activité déficitaire a conduit au licenciement de 1 000 salariés pour la reconversion et la formation desquels l’État et le conseil régional se sont mobilisés.

Aujourd’hui, trois ans après, le groupe Doux a renoué avec la rentabilité et avec la création d’emplois, puisque 3 000 emplois ont pu être sauvés, et plus de 200 contrats à durée indéterminée signés, malgré l’arrêt des aides européennes, annoncé depuis 2005 mais naguère mal anticipé.

L’investisseur D et P Participations a, en 2012, pris le risque de reprendre la majorité du capital. Premier client à l’export, le groupe saoudien Almunajem a rejoint le mouvement en 2014. La mobilisation de l’entreprise, conduite par son président Arnaud Marion, dans le respect du dialogue social, comme l’engagement constructif des syndicats, des salariés et des éleveurs, ont permis de former un « pack » breton solidaire.

Monsieur le ministre, vous avez toujours été à l’écoute de ce « pack », comme en témoignent votre action et celle de votre ancien ministre délégué, M. Guillaume Garot, qu’il s’agisse de médiation auprès de la Commission européenne ou d’accompagnement des phases du redressement. Je pense également à l’intervention utile, quoique tardive, de la BPI, heureusement stimulée par le ministre de l’économie.

Après un redressement réussi, le groupe Doux a suscité des convoitises venant du Brésil et de la Chine. Or hier, devant le comité central d’entreprise du groupe, a été annoncée la cession de la majorité du capital aux groupes français Terrena et Sofiprotéol. Dans ce contexte nouveau, pourriez-vous, monsieur le ministre, tracer les perspectives de développement de la filière avicole française et bretonne pour la reconquête du marché intérieur et la croissance des exportations ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez rappelé un souvenir douloureux. À l’époque, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le groupe subissait un redressement judiciaire, avec des conséquences importantes en termes de suppression d’emplois. De plus, si les 200 000 tonnes exportées par le groupe ne pouvaient plus l’être, il aurait fallu les écouler sur le marché français, au risque d’une déstabilisation générale de cette filière.

Vous avez rappelé la question des restitutions, peu anticipée par le gouvernement précédent, puisqu’elles avaient été, je le rappelle, décidées à Hong-Kong en 2004. Reproche était, déjà, fait au ministre de ne pas avoir maintenu ces restitutions, ce que j’ai, au contraire, fait pendant un an.

En revanche, nous avons cherché ensuite à organiser et à restructurer la reprise de cette activité exportatrice, d’abord en garantissant et en soutenant le marché sur lequel s’exportaient ces poulets. Vous avez évoqué le groupe saoudien Almunajem : il s’agit d’un partenaire avec lequel nous avons travaillé pour maintenir les débouchés.

Ensuite, les repreneurs, que vous avez également évoqués, ont pris un risque qu’ils ont assumé de manière telle qu’aujourd’hui ce groupe est redressé. Il faut également saluer l’engagement de la France dans une politique de parité entre l’euro et le dollar qui a permis à cette entreprise de dégager des bénéfices et aujourd’hui, à des partenaires industriels français de la reprendre pour pérenniser et développer son activité.

J’insiste sur un point : l’activité de cette filière exportatrice formée de Doux et de Tilly-Sabco devait être maintenue si nous ne voulions pas déstabiliser l’ensemble de la filière française. Mais maintenant que nous connaissons une nouvelle situation, l’objectif plus global que nous devons poursuivre est de pérenniser l’activité exportatrice et, ensuite, de reconquérir le marché français du poulet standard qui avait été laminé.

En effet, près de 40 % des produits consommés sur ce marché sont importés. Il s’agit du deuxième enjeu, qui va nécessiter l’organisation de l’ensemble de la filière, la mobilisation des grands acteurs français, coopératifs et privés, ainsi que la mise en place, à l’échelle de notre pays, d’une inter-profession de la volaille qui n’existe pas aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Ménard. Très bien.

Plan d’investissement pour l’Europe

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Arlette Grosskost. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie.

Le 12 mai 2015, monsieur le ministre, vous avez participé à la signature de la première opération financière au titre du plan d’investissement pour l’Europe. L’objectif est d’augmenter et de faciliter les prêts aux PME et aux ETI innovantes françaises, grâce à la garantie financée par le budget européen, dans le cadre du Fonds européen pour les investissements stratégiques, dit FEIS. À cet effet, un accord financier a été signé entre le Fonds européen d’investissement et Bpifrance.

Si l’on peut se satisfaire que cette première opération ait eu lieu en France, on peut aussi s’inquiéter qu’elle intervienne avant même que le FEIS ne soit institué officiellement. Certains diront que cet acte est l’illustration de la volonté d’agir vite et de donner vie au projet avant même son adoption. Donc acte. Une fois de plus, force est néanmoins de constater que nous sommes davantage dans une nouvelle opération de communication, pour afficher des chiffres alléchants. On peut toutefois s’interroger sur son application et sur son agenda.

Monsieur le ministre, vous parlez déjà d’un « plan Juncker Plus » alors que l’on débat encore de la mise en place du plan initial. Certaines zones concernant son financement – où en est-on de l’effet de levier tant vanté ? – ou sa gestion restent floues. Ce plan est toujours en discussion auprès des institutions européennes, les eurodéputés ne s’étant pas encore prononcés.

Certes, il y a urgence. Aussi, je vous demanderai de bien vouloir nous apporter des éléments plus clairs sur l’application effective de ce dispositif. Initialement, ce plan devait financer de gros projets européens. Or cette première signature permet seulement une ouverture de crédits supplémentaires visant à étoffer l’offre de la BPI. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Madame la députée, le plan dit Juncker est effectivement en cours de discussion et sera probablement finalisé fin juin. Un vote a eu lieu au Parlement européen à la fin du mois d’avril, qui a permis d’en dessiner les contours. Il s’agit de 21 milliards d’euros d’argent public, provenant à la fois de la Banque européenne d’investissement – BEI –et du budget pluriannuel communautaire, qui sont remobilisés pour déclencher, par effet de levier, de l’investissement public et privé à hauteur de 315 milliards d’euros. C’est insuffisant au regard des besoins d’investissement public et privé européens, mais c’est déjà un pas important, et il faut commencer vite.

La France a poussé, avec d’autres États membres, pour que, dès à présent et sans attendre la finalisation de l’architecture juridique de cet accord, nous puissions déclencher ces crédits. Aussi la BEI a-t-elle mis en place un guichet intermédiaire pour faire l’avance. C’est sur la base de ce guichet intermédiaire que la BEI est en train d’examiner une dizaine de projets.

Deux projets français ont déjà été signés sur cette dizaine de projets : celui que vous évoquiez il y a un instant, qui consiste à abonder des financements délivrés par la Banque publique d’investissement à hauteur d’un peu plus de 400 millions d’euros par un effet de levier de deux, celui que vous évoquiez, et un projet signé hier, qui permettra de financer la rénovation thermique de 40 000 logements.

C’est la preuve que le plan Juncker avance, et c’est une nécessité. Il avance sur la base de l’effet de levier, qui est sa philosophie. On mobilise de l’argent public communautaire pour déclencher à la fois des garanties, et donc du prêt bancaire, et de l’investissement privé.

C’est une réalité, elle doit se mettre en œuvre. Cela se fait dans le cadre défini avec les instances communautaires et la BEI, et nous continuerons à nous mobiliser pour aller chercher de grands projets concernant nos priorités que sont la transition énergétique, le numérique, les infrastructures. Nous le ferons avec nos partenaires – nous avons des projets franco-allemands, franco-italiens, franco-espagnols – et un guichet unique est mis en place, avec une organisation française. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Pauvreté et réussite scolaire

M. le président. La parole est à Mme Gilda Hobert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Gilda Hobert. Le 12 mai dernier, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, un rapport circonstancié de Jean-Paul Delahaye, intitulé « grande pauvreté et réussite scolaire » vous a été remis, révélant quelques faces bouleversantes des conditions de vie très précaires de certains enfants scolarisés.

On y trouve en effet des témoignages effrayants : des enfants qui dorment dans des voitures, sautent des repas, et dont la situation sanitaire entrave le bon développement, faute de ressources pour consulter un médecin. Comment pourraient-ils suivre une scolarité sereine et épanouie ? Et il ne s’agit plus seulement de quelques-uns : désormais, plus d’un million d’enfants sont concernés.

Vous le savez, les radicaux de gauche sont très attachés à la lutte contre les inégalités. Nous avons fait adopter le 12 mars dernier une proposition de loi qui tend à garantir l’égalité de droit pour tous les enfants à la restauration scolaire et qui devrait, je l’espère, faire régresser certaines inégalités.

Pour autant, il nous faut aller plus loin. Parmi ses préconisations, le rapport Delahaye suggère d’augmenter les fonds sociaux des établissements afin de payer des repas à la cantine, d’acheter du matériel scolaire, d’offrir des voyages scolaires aux enfants les plus démunis.

Madame la ministre, je suis convaincue de votre investissement indéfectible pour que tous les élèves suivent leur scolarité dans de bonnes conditions. Ma question est donc simple : quelles décisions envisagez-vous de prendre, à la suite de ce rapport, pour aider ces enfants démunis et faire en sorte que notre école soit, ainsi que nous le souhaitons avec vous, celle de la réussite pour tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je vous remercie, madame la députée, d’avoir par votre voix, convié dans cet hémicycle ces 1 200 000 enfants pauvres accueillis en effet par notre école, ces enfants qui rencontrent tous les jours des difficultés de logement, d’habillement, des difficultés pour participer aux sorties ou avoir des fournitures scolaires, et que nous avons parfois tendance à perdre un peu de vue dans les débats qui nous occupent. Toute notre action pour la refondation de l’école est d’abord destinée à ces enfants, afin qu’ils puissent eux aussi, par leurs seuls mérites et leurs seuls efforts, avoir accès à l’excellence et à la réussite.

J’ai reçu il y a une semaine le rapport de M. Delahaye, qui rejoint nos préoccupations.

Depuis 2012, si nous avons insisté pour préscolariser les enfants avant l’âge de trois ans, pour mettre plus de maîtres que de classes dans un certain nombre d’établissements en primaire, c’est parce que nous savons qu’il est important de mieux accompagner ces enfants.

Si nous insistons aujourd’hui, avec la réforme du collège, pour développer l’accompagnement personnalisé pour être au plus près des besoins des enfants, c’est aussi pour repérer très tôt ce type de difficultés.

Il faut aller plus loin. Les fonds sociaux ont été divisés par deux pendant les dix années au cours desquelles la précédente majorité a été aux responsabilités, on ne le rappelle pas assez. Ces fonds sociaux, qui s’adressent pourtant aux enfants les plus fragiles, nous avons décidé de les augmenter de 20 %, comme nous avons décidé de lutter contre l’insuffisance du recours aux bourses. D’un établissement scolaire à un autre, on voit bien que l’information n’est pas homogène et qu’un grand nombre de familles passent à côté de la possibilité d’en bénéficier pour leurs enfants.

Nous allons poursuivre, madame la députée. Ce doit être un enjeu qui nous rassemble sur tous les bancs que de permettre à chaque élève, quelle que soit sa situation sociale, de s’ouvrir toutes les perspectives que l’école doit lui offrir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. David Habib.)

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Université des Antilles

Nouvelle lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l’enseignement supérieur (nos 2656, 2764).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la nouvelle lecture du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 17 juillet 2014 relative à l’université des Antilles, qui nous réunit aujourd’hui, constitue l’aboutissement d’un cheminement qui a été engagé en 2013 et qui conduit aujourd’hui à la création de l’université des Antilles.

Comme vous le savez, la Martinique et la Guadeloupe ont une tradition universitaire bien ancrée, qui remonte à la fin du XIXsiècle. Cette histoire universitaire a longtemps été partagée avec la Guyane. Les choses ont toutefois évolué récemment, avec la création, le 1er janvier 2015, d’une université de plein exercice dans ce territoire. Il est donc devenu indispensable d’adapter les structures de l’ancienne université des Antilles et de la Guyane à son nouveau périmètre, pour créer la nouvelle université des Antilles.

Toutefois, le texte qui vous est présenté va bien au-delà d’un simple changement de périmètre. En effet, le Gouvernement a souhaité, avec la participation active de la communauté universitaire et des élus locaux, que le cadre juridique qui s’appliquera à ce nouvel établissement soit adapté autant que possible aux spécificités locales.

À l’origine de la loi examinée aujourd’hui, l’ordonnance signée le 17 juillet 2014 par le Président de la République réaffirme l’unité de l’université des Antilles, tout en conférant à ses pôles une très large autonomie. Lors de la rédaction de ce texte, le Gouvernement a souhaité s’appuyer sur une large concertation avec l’ensemble des acteurs concernés : la communauté universitaire, bien sûr, mais aussi les collectivités territoriales, qui apportent depuis plusieurs décennies un soutien massif au développement de l’université. Le texte de l’ordonnance a ainsi résulté d’un accord politique autour de quelques grands principes d’organisation de l’université des Antilles.

Cet accord s’est traduit par les avis positifs des comités techniques de l’université des Antilles et de la Guyane, rendus en juin 2014. Il a également été conforté par le soutien apporté par les collectivités. Enfin, une déclaration a été cosignée par les présidents des exécutifs régionaux et départementaux de la Martinique et de la Guadeloupe le 7 juillet 2014 : MM. Letchimy et Lurel, respectivement présidents des conseils régionaux de Martinique et de Guadeloupe, ainsi que Mme Manin et M. Gillot, présidents des conseils généraux.

Cette déclaration, faite en pleine concertation avec le Gouvernement, a permis de reprendre et de développer les principes qui sous-tendent l’accord politique au fondement de l’ordonnance : la parité de représentation des pôles martiniquais et guadeloupéen au sein des instances dirigeantes de l’université ; l’élection du président de l’université pour un mandat non renouvelable de cinq ans, afin d’aboutir à une alternance régulière de la présidence entre les représentants des deux pôles de l’université ; l’élection des vice-présidents de l’université par les conseils de pôle, afin de garantir l’autonomie des deux pôles dans le cadre d’une université dont l’organisation peut être décrite comme fédérale.

Le débat parlementaire en première lecture a permis d’enrichir et de compléter le texte initial de l’ordonnance qui, pour des raisons de calendrier, n’avait pu intégrer certaines dispositions nécessaires pour parachever le statut de l’université. Le texte devait notamment être complété afin de prendre acte du changement de dénomination de l’université, l’ancienne université des Antilles et de la Guyane devenant officiellement université des Antilles. Par ailleurs, la composition du conseil d’administration devait être modifiée pour tenir compte du retrait des membres guyanais.

Au cours des débats, les sénateurs ont également souhaité revenir sur les conditions d’élection des présidents de pôle initialement souhaitées par le Gouvernement et les élus des collectivités concernées. Alors que le texte du Gouvernement prévoyait que les présidents de pôle seraient élus par les conseils de pôle, les sénateurs ont préféré que le président de l’université et les vice-présidents soient élus simultanément dans le cadre d’un même « ticket ». Selon les sénateurs, ces dispositions traduisaient leur souci de préserver l’unité de l’université des Antilles.

Ces dispositions nouvelles n’ont pas été confirmées par votre assemblée. Comme le Gouvernement, vous avez considéré en effet que le meilleur moyen de conforter l’unité de l’université des Antilles était de s’assurer que le texte voté fasse l’objet d’un plein accord des acteurs locaux. Le meilleur moyen d’y parvenir est de rester aussi proche que possible des principes qui ont fondé l’accord politique du 7 juillet 2014 et donc, de prévoir l’élection de chacun des vice-présidents par les conseils de pôle.

La commission mixte paritaire réunie pour trouver une issue à ce désaccord ayant échoué, c’est un texte conforme à celui que vous avez adopté en première lecture qui revient devant vous aujourd’hui. L’adoption de ce texte permettra de poser des bases solides pour l’organisation de l’université. À court terme, elle donnera à celle-ci les moyens d’assurer le fonctionnement régulier de ses différentes instances.

C’est pourquoi je tiens à vous remercier par avance pour le soutien que vous apporterez au Gouvernement lors du vote de ce texte. Une université est indéniablement le meilleur investissement que notre pays puisse faire dans l’avenir des territoires et de leurs jeunes. Lors de son récent voyage aux Antilles, le Président de la République a rappelé l’importance que l’État attache au développement de l’université, en annonçant la création de deux IUT, l’un en Martinique et l’autre en Guadeloupe. Je ne doute pas que le texte que vous adopterez permettra de doter les Antilles d’une université qui soit à la hauteur des ambitions que nous avons collectivement pour ce territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Yves Durand, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture le projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles et ratifiant diverses ordonnances relatives à l’enseignement supérieur.

Comme nous le rappelions en première lecture, cette université, créée en 1982 par la réunion d’unités et de centres d’enseignement supérieur, dont certains étaient implantés depuis très longtemps, a toujours dû faire face à des tensions importantes.

Celles-ci se sont révélées d’autant plus dangereuses que l’université est confrontée à de redoutables difficultés. Je pense notamment à la concurrence des établissements métropolitains, qui attirent les meilleurs bacheliers locaux, au cumul des handicaps socio-économiques de nombreux étudiants, dont la moitié sont boursiers et, surtout, à la dramatique menace que le taux de chômage effrayant des jeunes, lequel atteint 60 % en Guadeloupe et 70 % en Martinique, fait peser sur l’insertion des jeunes.

Or, plus encore qu’en métropole, l’enseignement supérieur y est un défi impérieux à relever, puisque le taux de diplômés des 25-34 ans ne dépasse pas 17 % en Guyane, 22 % en Guadeloupe et 27 % en Martinique contre 42 % en moyenne nationale, ce qui est d’ailleurs trop faible.

Dans ce contexte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation est unanimement convaincue que, pour garantir à nos jeunes compatriotes une éducation supérieure à la hauteur des enjeux du monde contemporain, les Antilles ont besoin d’une université unie et forte. Seule une université disposant d’une masse critique suffisante pourra attirer les meilleurs étudiants et enseignants-chercheurs et nouer les indispensables partenariats dans la zone caraïbe et, plus largement, américaine. Des établissements fragmentés, limités à quelque 5 000 étudiants par pôle, porteraient un coup très rude à la qualité de l’enseignement supérieur proposé dans ces régions.

Comment, dès lors, s’assurer de l’unité d’une université soumise à une rivalité traditionnelle entre ses deux pôles, en conjurant le risque d’éclatement induit par les sentiments d’exclusion que pourraient nourrir les pôles s’ils avaient le sentiment que la gouvernance commune les ignore ? En d’autres termes, comment garantir l’unité dans un respect profond de la diversité des deux régions constitutives de l’université ?

C’est pour répondre à cette question que le Gouvernement s’est attaché, dès le premier semestre 2014, à éteindre l’effet engendré par le retrait du pôle guyanais, en définissant en étroite négociation avec les acteurs locaux une gouvernance équilibrée, dotant chacun des deux pôles guadeloupéen et martiniquais d’une forte autonomie, de nature à apaiser les tensions séparatistes, tout en préservant une direction centrale forte, capable de conduire une stratégie ambitieuse. L’ordonnance du 17 juillet 2014, qu’il vous est proposé de ratifier par ce projet de loi, s’appuie ainsi sur deux piliers équilibrés.

Assimilant les pôles universitaires régionaux aux « regroupements de composantes » auxquels la loi de 2013 a autorisé les universités à déléguer certaines de leurs attributions, l’ordonnance accorde aux conseils de pôle des compétences propres étendues, qui vont de l’adoption d’un budget propre à partir des moyens répartis par l’université et d’un projet stratégique de pôle à l’approbation de conventions intéressant les seules composantes des pôles.

Pour autant, l’ordonnance a conservé à l’échelon central les prérogatives les plus importantes pour l’avenir de l’université. Conformément au droit commun, le conseil d’administration de l’université, qui réunit les deux pôles, adopte le règlement intérieur, le budget, le bilan social et le bilan de la politique du handicap.

Au total, seules deux dispositions dérogent directement au droit commun des universités.

Tout d’abord, l’ordonnance a introduit un élément de souplesse et de dialogue dans la répartition des moyens entre les pôles, décidée par le conseil d’administration de l’université.

La deuxième exception concerne l’alternance à la présidence de personnalités issues de chacun des deux pôles. Selon la tradition, qui date de 1982, Guadeloupéens et Martiniquais alternent à cette fonction. La rupture en 2010 de cette coutume a d’ailleurs joué un rôle important dans l’accroissement brutal des tensions. Cependant, le principe constitutionnel de liberté des suffrages ne permettait pas d’imposer directement cette règle. L’ordonnance a dès lors choisi d’interdire le renouvellement du mandat du président tout en l’étendant à cinq ans pour lui permettre de mener des projets à moyen terme.

En première lecture, le Sénat a modifié cette ordonnance, précisant notamment la répartition des services entre les pôles et l’université et rapprochant la composition du conseil d’administration du droit commun. Notre assemblée a souscrit à presque toutes ces dispositions, ce qui aurait pu conduire à un succès de la CMP. Elle a toutefois été contrainte de rejeter l’une d’entre elles – une seule –, l’introduction du fameux « ticket », qui altérait très substantiellement l’équilibre de la nouvelle gouvernance en liant l’élection des vice-présidents de pôle, aujourd’hui désignés par chacun de leur conseil de pôle, à celle du président de l’université, sous la forme d’une liste préalable commune de candidats soumis au vote du seul conseil d’administration. C’est cette disposition, que les sénateurs souhaitaient rétablir, qui a malheureusement contraint la commission mixte paritaire réunie au Sénat le 11 mars dernier à se séparer sur un constat d’échec.

Il est vrai que cette formule de « ticket » est intellectuellement séduisante, semblant encourager la cohérence de l’action des dirigeants et prémunir l’université contre l’émergence rapide de rivalités exacerbées. Il est à craindre cependant que son application concrète n’emporte beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages.

Elle a ainsi suscité une très vive opposition sur le terrain, en rompant avec l’accord unanime recueilli par le Gouvernement sur l’ordonnance à l’été 2014 et en étant interprétée comme une marque de défiance vis-à-vis de l’autonomie des pôles.

Surtout, elle créerait le risque qu’un vice-président puisse être élu, dans un « ticket », par le conseil d’administration sans jouir de la confiance du conseil de pôle qu’il a pourtant pour vocation d’animer. Une telle situation, avivant inéluctablement le sentiment d’exclusion du processus décisionnel qui a abouti dans le passé proche au retrait du pôle guyanais, aurait pu provoquer l’éclatement que nous voulons justement éviter.

Or, comme nous l’avons constaté en première lecture, courir un tel risque n’est pas nécessaire à la cohérence de l’université – c’est le moins que l’on puisse dire.

Bien sûr, nous le reconnaissons, l’ordonnance que nous ratifions aujourd’hui introduit des solutions qui s’écartent à certains égards des grands principes dégagés par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche et qui militent pour la fusion des universités. Bien sûr, nous aurions préféré nous entendre avec nos collègues sénateurs pour doter sans tarder l’université des Antilles, qui en a bien besoin, d’une gouvernance stable permettant de mettre un terme définitif aux tensions qui l’affaiblissent depuis longtemps. Mais la lucidité et le principe de réalité commandent de constater que les particularités de cette université appellent des réponses adaptées et pertinentes, et de respecter avant tout le climat de confiance dans l’autonomie et l’unité que le Gouvernement a réussi à y recréer.

C’est par la reconnaissance de cette diversité et de la spécificité des deux pôles que nous pourrons précisément construire l’unité nécessaire. Pour ces raisons, la commission vous invite à adopter en nouvelle lecture le texte voté par l’Assemblée le 19 février dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, premier orateur inscrit.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues de l’Assemblée, à moins de jouer à l’inconscient, il faut reconnaître que le monde dans lequel nous évoluons voit la cadence de ses mutations s’accélérer jour après jour. La réalité a dépassé la fiction au point que l’espérance de vie de l’obsolescence elle-même est de plus en plus éphémère. Conséquence inéluctable, réformer est devenu une exigence permanente.

L’enseignement, de la maternelle à l’université, est au cœur d’un débat dont on ne pourra faire l’économie. L’actualité nous rappelle opportunément que le collège a perdu son latin et que la renommée de l’université s’est dégradée.

Pour en revenir au sujet qui nous occupe, c’est l’université des Antilles et de la Guyane qui s’est lézardée il n’y a pas si longtemps.

Pareil à un tsunami, ce démantèlement continue de provoquer des vagues annonciatrices de possibles destructions nouvelles. Pour preuve manifeste, la création de l’université des Antilles se fait au forceps dans une ambiance délétère, renversante, frisant la schizophrénie.

Ma crainte légitime, au regard des manœuvres utilisées, des déclarations menaçantes proférées, est d’assister dans de telles conditions à l’accouchement d’une université croupion, d’une université avorton.

Cette manière de procéder me laisse pantois mais pas sans voix. À ceux qui font mine d’oublier, un bref rappel historique s’impose. L’université des Antilles et de la Guyane, une université des Outre-mer, a été amputée avec l’appui délibéré de deux ministres issus des Outre-mer.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Alfred Marie-Jeanne. C’est surprenant et paradoxal. Ils n’ont eu ni la décence ni la clairvoyance de laisser perpétrer ce mauvais coup par d’autres.

Qui plus est, le parlementaire que je suis, et avec moi bien d’autres, ont été mis devant le fait accompli. Ce geste, choquant, blessant, est aussi cavalier et douteux.

Ainsi, l’université de Guyane a été mise sur pied en un temps record pour 2 000 étudiants, allant à contre-courant de la politique de regroupement soutenue ardemment par le Gouvernement.

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. Alfred Marie-Jeanne. Il y a forcément anguille sous roche derrière tous ces micmacs.

S’agissant de l’université des Antilles, 11 000 étudiants y sont attendus. Il s’agit de consolider une institution qui doit être à la base du développement bien compris des deux territoires, Guadeloupe et Martinique.

Au lieu d’aller à l’apaisement, on vire en cours de route le rapporteur, M. Yves Durand remplaçant M. Christophe Premat. Du jamais vu ! Quels que soient le mérite personnel et le respect dû à M. Durand, il est nommé pour empêcher l’instauration d’un « ticket à trois », garante, à mon humble avis, de la cohérence et de l’unité de l’université des Antilles.

En effet, expliquez-moi par quelle opération du Saint-Esprit l’université des Antilles pourrait fonctionner correctement, être viable et crédible avec trois têtes susceptibles de regarder dans trois directions opposées ? Ce serait tout simplement aberrant et désastreux.

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Alfred Marie-Jeanne. Comme par hasard, les présidents des régions concernées apportent leur caution solidaire à cette démarche somme toute inavouable.

Telle est l’université boiteuse que l’on veut à tout prix nous imposer. Parce qu’une présidente a eu le courage de défendre l’université contre vents, marées et tempêtes, qu’elle a eu l’audace de lutter fermement contre la corruption, on voudrait définitivement affaiblir tous les futurs présidents. Quelle inconséquence ! Inconséquence d’autant plus piteuse que tout futur président, cela vient d’être rappelé, ne sera élu que pour un mandat de cinq ans non renouvelable.

Il est permis de se demander pourquoi il n’est pas du tout question, dans l’accord politique pris le 7 juillet 2014 entre la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche et les présidents de région, du scandale du CEREGMIA qui gangrène l’UAG depuis une vingtaine d’années !

M. le président. Il va falloir conclure, cher collègue.

M. Alfred Marie-Jeanne. En définitive, les positions des uns et des autres sont claires et tranchées : d’un côté, le clan de ceux qui soutiennent les faillis en leur prodiguant un soutien sans faille ; de l’autre, le camp de tous ceux qui, sans être des infaillibles, pensent que l’honneur, la dignité et la responsabilité doivent être aux commandes de l’action humaine avant toute autre considération partisane ou égocentrée.

En conclusion, M. le rapporteur vient de souligner que ni le pôle guadeloupéen, ni le pôle martiniquais, qui ne rassemblent chacun qu’environ 5 000 étudiants, ne disposent en effet de la masse critique suffisante pour préserver une attractivité et un rayonnement scientifique suffisant, tant à l’égard des étudiants, des enseignants-chercheurs que des indispensables partenaires métropolitains et internationaux. Ces propos tombent comme un véritable couperet. L’édifice menace de crouler avant même que d’être bâti. De délit en délit, de déni en déni et dans tout cet embrouillamini, on appelle à la rescousse pour répéter que la Martinique avance ! Constatons en effet qu’elle avance à tâtons, qu’elle avance assurément à reculons.

M. le président. Chers collègues, j’ai laissé M. Marie-Jeanne s’exprimer longuement mais je ne pourrai faire preuve de la même générosité avec tous les orateurs.

M. Alfred Marie-Jeanne. Le sujet en valait la peine !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Doucet.

Mme Sandrine Doucet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le travail législatif de ces dernières semaines nous a permis de saisir l’acuité des enjeux du projet de loi portant transformation de l’université des Antilles. Il s’agit de mettre fin à une succession de crises et de permettre, par des statuts qui s’inscrivent dans le cadre de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013 mais qui tiennent également compte des enjeux et des particularités locales signalés par différents acteurs, d’organiser la gouvernance de la nouvelle université.

C’est pourquoi le Sénat et l’Assemblée nationale se sont attachés à en conforter l’unité et à rapprocher autant que possible son fonctionnement du droit commun des universités, tout en préservant l’indispensable autonomie des pôles instaurée par l’ordonnance du 17 juillet 2014.

Toutefois, les deux assemblées ont échoué à s’entendre sur une innovation introduite par le Sénat tendant à lier l’élection du président de l’université et des vice-présidents de pôle universitaire régional sous la forme d’un « ticket » de candidats préalablement constitué et soumis au seul vote du conseil d’administration.

Aujourd’hui, notre débat et notre vote ont pour objet de conclure cette recherche d’équilibre que l’on peut présenter en quatre points. Il convient tout d’abord de tenir compte de l’échec des aménagements de l’ordonnance de 2008 concernant le pôle guyanais, puisqu’ils n’ont pas empêché les grèves de l’automne 2013 et le retrait du pôle guyanais de l’ensemble universitaire des Antilles. Il faut ensuite renforcer l’autonomie des deux pôles universitaires régionaux de la Martinique et de la Guadeloupe, dans le cadre de la loi ESR, en les assimilant aux regroupements des composantes. Cette autonomie doit néanmoins s’exercer dans le respect de l’unité de l’université, avec des organes centraux qui conservent les prérogatives que prévoit le code de l’éducation. Enfin, il faut prévoir des éléments relatifs à l’existence de pôles dont l’unité est renforcée, en encourageant la souplesse et le dialogue pour ce qui concerne la répartition des moyens et le non-renouvellement du mandat des présidents de pôle.

C’est dans cette logique que l’assemblée a rejeté le « ticket » de nomination des présidents qui suscitait des tensions. Il ne s’agit pas de revenir sur l’équilibre atteint à l’Assemblée en première lecture ; il faut adopter ce texte en nouvelle lecture tel qu’il a été voté le 19 février dernier.

Cependant, afin de nous saisir de tous les enjeux liés à la nécessité d’un pôle consolidé, je souhaiterais revenir sur plusieurs éléments de contexte. Ne nous trompons pas de débat : il s’agit bien ici de légiférer en faveur des objectifs de cette majorité et de ceux qu’a fixés le Président et qu’a réitérés Mme la ministre ces derniers jours : la jeunesse, l’éducation, l’égalité et l’équité.

Les Antilles doivent en effet relever un double défi : répondre aux attentes de la jeunesse, dont les taux de diplômes sont bien inférieurs à ceux de la métropole, et confirmer ces entités territoriales dans leur rôle de façade scientifique dans le monde américain. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, les diplômés de l’enseignement supérieur, qui représentent 42 % des métropolitains de 25 à 34 ans, n’en représentent que 27 % en Martinique et 22 % en Guadeloupe. Ces performances décevantes sont notamment liées à des taux d’échec très élevés en licence, de l’ordre de 68 % en première année. La moitié de ces étudiants bénéficient de bourses octroyées sur critères sociaux.

Cependant, les Antilles possèdent aussi des éléments de rayonnement scientifique comme l’Institut Pasteur de Guadeloupe, le pôle de recherche agro-environnementale de la Martinique ou encore l’INSERM et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD.

Le Président de la République nous a rappelé aux Antilles, voici quelques jours, ce message d’unité et d’équité en faveur de la jeunesse. « Vous avez voulu l’université des Antilles, mais la compétition n’a pas lieu d’être. Vous avez le devoir de faire vivre dans l’unité l’Université des Antilles », a-t-il déclaré tout en précisant que 750 000 euros seront apportés à cette université. La politique de proximité, si nécessaire aux jeunes antillais, est confortée par la création de deux IUT et d’une nouvelle école régionale de la deuxième chance.

L’ensemble de ces mesures et d’autres encore, comme la recherche sur le cancer, pour laquelle un pôle existera dans chacune des deux îles, illustrent la volonté d’équité qui anime les décisions politiques. C’est pourquoi nous devons être conscients des enjeux et accomplir à notre tour notre devoir d’unité en adoptant ce projet de loi.

Soyons prudents, toutefois : loin de nous le dessein de nous exonérer de la moindre attention sur l’avenir de l’université des Antilles. Nous appelons tous les acteurs qui se sont impliqués dans ce débat à considérer ce projet non pas comme une fin, mais comme le début d’un travail d’unité et de concorde. Les Antilles en ont besoin pour leur reconnaissance dans le paysage scientifique américano-caribéen. Pour leur jeunesse, c’est une urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’interviens à cette tribune avec une certaine tristesse à l’occasion du deuxième examen de cette ordonnance. Et pour cause : alors que vous avez d’ores et déjà remercié la majorité pour son vote, madame la ministre, j’ai l’impression que nous nous livrons à un simulacre. C’est à mon sens d’autant plus dommageable qu’il est question d’une partie de la jeunesse des Antilles. Notre débat porte en effet sur la nouvelle université des Antilles qui, hélas, est elle-même déjà le fruit d’une scission, puisqu’elle était auparavant l’université des Antilles et de la Guyane. Comme vient de le rappeler M. Marie-Jeanne, des membres du Gouvernement ont malheureusement contribué à cette première partition déjà très regrettable. C’est un état de fait ; je n’y reviendrai pas davantage.

Une autre chose est en revanche particulièrement choquante. Lors de la première lecture qui s’est déroulée à l’Assemblée, fruit d’un travail extrêmement sérieux dans le prolongement des débats du Sénat, le précédent rapporteur, M. Christophe Premat, dont je salue le travail, avait insisté sur le fait qu’il est essentiel de donner à l’université des Antilles un bon équilibre de gouvernance. Or, pour aboutir à ce bon équilibre, il faut fixer les modalités de fonctionnement entre les deux pôles – la Martinique et la Guadeloupe – qui constituent cette nouvelle université en s’assurant que l’un et l’autre puissent désigner la personne qui les représentera dans l’équipe de direction de l’université, mais aussi veiller à l’unité dans cette nécessaire complémentarité.

Permettez-moi de revenir sur les propos de M. Yves Durand, dont je salue le travail même si je ne partage absolument pas son analyse concernant les modalités de gouvernance. Bien au contraire : je fais une analyse inverse. À mon sens, l’ordonnance qui nous est présentée aujourd’hui porte hélas en elle la future partition de l’université, qui est en quelque sorte inscrite dans le texte. En réalité, il n’est plus nécessaire d’effectuer un travail ex ante dans une équipe composée d’un président et de deux vice-présidents qui représentent chacun un pôle, en l’occurrence la Guadeloupe et la Martinique. Le fait de ne pas accomplir ce travail préalable risque à terme de produire une situation de gouvernance conflictuelle.

C’est à cela que M. Marie-Jeanne faisait explicitement référence. C’est la raison pour laquelle la proposition du Sénat était différente. C’est aussi la raison pour laquelle nous avions décidé unanimement en première lecture et en commission – M. le rapporteur l’a rappelé – de maintenir en l’état la proposition du Sénat. Le Gouvernement a souhaité qu’il en soit autrement : c’est regrettable, surtout pour la jeunesse antillaise.

C’est aussi regrettable parce qu’il existe un écart important entre certaines déclarations du Gouvernement et ses actes. Alors même que la majorité au pouvoir depuis 2012 insiste sur le développement de communautés universitaires et a martelé ici même, dans l’hémicycle, la question de la taille critique des universités, elle semble soudain y renoncer. C’est dommage : pour que l’université des Antilles puisse rayonner, son unité est indispensable. Or, l’ordonnance telle qu’elle nous est présentée ne garantira pas cette unité, bien au contraire : elle pourrait très rapidement produire le résultat inverse.

Je pose donc très simplement la question suivante : si ce texte aboutit à la situation dans laquelle les deux vice-présidents, élus par leur pôle respectif, sont en désaccord avec le président de l’université, lui-même élu de manière distincte, rien n’est prévu pour résoudre ce désaccord, qui porte en germe la potentialité d’une scission.

On a souvent insisté – y compris, ici, dans la majorité actuelle – sur le fait qu’il faut bannir tout localisme et éviter que les établissements soient soumis au joug d’influences exclusivement locales, parce que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ont une vocation nationale, voire internationale. Je ne vous ferai pas l’offense de vous rappeler que le terme « université » partage une étymologie commune avec « universalisme ». Or, nous sommes bien loin de cet universalisme, car le risque de partition existe.

On a l’impression qu’on est en train de parler d’un sujet technique : on évoque les questions de gouvernance, de tuyauterie en quelque sorte, mais on oublie que l’essentiel est de concevoir pour l’université des Antilles un projet ambitieux. On nous rappelle seulement que le Président de la République, en déplacement aux Antilles, a proposé un financement à hauteur de 750 000 euros. Mais la question se pose : cette somme est-elle prévue uniquement cette année ou sera-t-elle maintenue dans la durée ? Aucune réponse !

Pendant ce temps-là, depuis Paris, on dit qu’il faut créer des IUT… Mais cette question n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable, ni en Guadeloupe ni en Martinique ! Je suis surpris par ce mode de management d’un autre temps. Vous avez rappelé à plusieurs reprises, madame la ministre, que d’illustres prédécesseurs rue de Grenelle, au XIXe siècle, avaient une vision pour l’éducation nationale. Eh bien, ce texte traduit sans doute une vision colonialiste du XIXe siècle, loin de la vision éclairée qui devrait prévaloir au XXIe siècle. C’est là un autre point de rupture.

Si, comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est avec tristesse que je suis monté à la tribune, c’est que j’ai l’impression qu’on oublie de penser à la jeunesse. Le texte que vous nous avez présenté n’est pas adapté pour le XXIe siècle et c’est regrettable. C’est la raison pour laquelle je défendrai tout à l’heure un amendement visant à revenir à la gouvernance telle qu’elle avait été proposée par le Sénat et qui me semble être la seule capable d’assurer la pérennité de l’université des Antilles.

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, comment comprendre l’importance fondamentale du projet de loi sur l’université des Antilles et de Guyane sans au préalable prendre la pleine mesure des défis auxquels est confronté l’enseignement supérieur dans ces collectivités d’outre-mer ?

L’Assemblée nationale est aujourd’hui amenée à se prononcer sur ce projet de loi pour circonscrire une crise qui met en péril la survie même de l’université des Antilles. Notre inaction serait coupable, tant les enjeux sont immenses.

Enjeux immenses pour les Antilles car le chômage des jeunes actifs y atteint des seuils dramatiques : 68 % en Martinique, 59 % en Guadeloupe et 44 % en Guyane. Ces chiffres sont effrayants ! Or le diplôme demeure un atout incontestable pour gagner la bataille de l’emploi : pour preuve, dans ces trois territoires, le taux de chômage n’est plus que de 10 % pour ceux qui ont suivi une formation de l’enseignement supérieur.

Enjeux aussi pour notre République qui se doit de garantir un accès équitable à l’éducation sans distinction de condition sociale, de convictions, de confession religieuse, et de la même manière pour tous les territoires de France. D’ailleurs, quand on connaît leur histoire, on se dit que notre République devrait faire plus encore pour ces territoires.

La parution du rapport annuel de 2012 de la Cour des comptes, qui mettait en cause la gestion opaque, entre 2005 et 2010, du Centre d’études et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée, ainsi que la plainte déposée par la présidente de l’université Corinne Mencé-Caster ont fait éclater la crise dans laquelle s’est enfoncée et enlisée l’université des Antilles, jusqu’à risquer aujourd’hui l’éclatement. Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est un autre débat.

Les irrégularités pointées du doigt par les magistrats de la rue Cambon ont suscité un sentiment de révolte profond et justifié, parmi les universitaires comme parmi les étudiantes et les étudiants, qui sont les premiers concernés.

Cette crise a conduit le Gouvernement, en novembre 2013, à prendre l’engagement d’acter le retrait du pôle guyanais de l’université, mais cette décision a en réalité exacerbé les tensions entre Guadeloupéens et Martiniquais – mauvaise pioche ! –, favorisé les revendications autonomistes et paralysé le système éducatif. Connaissions-nous bien, en réalité, le fonctionnement de ces territoires ?

Le Gouvernement a alors tenté de tirer parti de son habilitation à modifier les dispositions législatives relatives à l’université des Antilles et de la Guyane pour accroître l’autonomie de ses deux pôles et les doter, par l’ordonnance du 17 juillet 2014, de compétences propres. Le champ de l’habilitation ne lui a pas pour autant permis de tirer les conséquences du retrait du pôle guyanais.

Il était par conséquent indispensable que le législateur intervienne en urgence pour tirer les conséquences du retrait du pôle guyanais et clarifier la situation juridique des deux universités. Aussi, disons-le sans détour, le recours aux ordonnances, pour une fois, ne nous semble pas inapproprié.

Quelle ambition devait, selon nous, porter ce projet de loi ? Permettre aux deux pôles universitaires régionaux de jouir d’une large capacité d’organisation, administrative et pédagogique, en leur conférant les moyens d’adapter leur gestion quotidienne aux circonstances locales tout en préservant l’indispensable unité de l’université.

Répondre à une telle ambition aurait permis de poser les bases du déploiement d’une université solide et dynamique, à même de garantir à la jeunesse antillaise un enseignement supérieur de qualité, à la hauteur des défis économiques, sociaux et culturels auxquels sont confrontés nos deux territoires d’outre-mer des Antilles.

Il était par conséquent indispensable de rénover en profondeur la gouvernance de l’université des Antilles pour préserver son unité, tout en donnant au pôle martiniquais et au pôle guadeloupéen une large capacité d’organisation administrative et pédagogique. Cela paraissait si simple !

Ces compétences propres leur auraient permis d’adapter leur gestion quotidienne aux circonstances locales et d’aboutir à une organisation pleinement déconcentrée, rompant avec les anciennes tentations centralisatrices.

Parallèlement à cette large autonomie, la cohérence et l’unité stratégique de l’université des Antilles devaient impérativement être préservées. Il s’agissait de renforcer son attractivité, de lui permettre de rayonner sur le plan scientifique, et dès lors de mieux retenir ses bacheliers et d’en attirer d’autres venus d’au-delà des frontières, en s’appuyant sur le dynamisme universitaire de la zone caraïbe. La question des objectifs de l’université des Antilles doit être posée en tenant compte de la situation de ces territoires au sein d’une région du monde en plein développement. À cet égard, l’analyse d’Alfred Marie-Jeanne est juste et m’a beaucoup impressionné… Cette nouvelle organisation aurait conféré à l’université des Antilles des fondations solides qui lui auraient permis d’envisager son développement avec sérénité.

Aussi en première lecture avions-nous estimé que l’un des enjeux majeurs de cette nouvelle gouvernance était sans conteste de prémunir l’université des Antilles d’éventuelles tensions entre ses trois gestionnaires que sont le président de l’université, d’une part, les vice-présidents des deux pôles régionaux, d’autre part – Patrick Hetzel a excellemment évoqué ce point.

Les évolutions apportées sur ce point au Sénat nous semblaient de nature à assurer une solidarité au sein de l’équipe de direction. En effet, l’élection commune de cette équipe par le conseil d’administration de l’université des Antilles, sous la forme d’un « ticket » de candidats préalablement rassemblés, leur aurait permis de travailler en bonne intelligence et d’assurer ensemble la continuité d’une université puissante et ambitieuse.

Nous regrettons vivement que cette disposition, adoptée par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, ait été ici supprimée en séance publique lors de la première lecture car elle aurait permis de garantir la cohérence stratégique et l’unité de l’établissement. Elle aurait également permis de créer des relations de confiance entre le président et les deux vice-présidents, et favorisé l’élaboration d’un projet d’établissement global et cohérent, défendu par le président, ainsi que la mise en place de véritables stratégies.

Au terme de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale et le Sénat, les deux assemblées ont échoué à s’entendre sur ce seul point en commission mixte paritaire. Nous le regrettons.

Le projet de loi qu’il nous est proposé d’adopter aujourd’hui ne contient plus la disposition, introduite à l’initiative du Sénat, tendant à lier l’élection du président de l’université et des deux vice-présidents de pôle universitaire régional sous la forme d’un « ticket » de candidats préalablement formés et soumis au seul vote du conseil d’administration.

Cette suppression est d’autant plus surprenante que feu notre rapporteur Christophe Premat, lors de l’examen du projet de loi en commission, en première lecture, estimait « que la solidarité nécessaire de cette équipe induite par son élection commune par le conseil d’administration de l’université des Antilles sous forme d’un « ticket » de candidats préalablement rassemblés est sans doute l’un des éléments les plus prometteurs pour assurer la continuité d’une université puissante et ambitieuse ». Qu’en pensez-vous aujourd’hui, monsieur le rapporteur Yves Durand ?

En ce qui nous concerne, nous sommes convaincus que l’éclatement de l’université serait particulièrement grave et pénaliserait lourdement la jeunesse antillaise. Mais le ver est dans le fruit…

Nous croyons que la survie de cette université passe par des pôles disposant d’une autonomie renforcée et une gouvernance cohérente et efficace. Or, ces deux éléments, essentiels à nos yeux, ne sont plus garantis.

Nous respectons profondément nos compatriotes antillais et guyanais, nous les aimons et nous voulons que ce qui les distingue – leur histoire, souvent douloureuse, leur culture, leur rapport si particulier avec la nature, leur appartenance à des parties du monde en plein développement et la qualité des relations humaines qu’ils savent entretenir – soit une chance, pour eux et pour l’ensemble de notre pays. Il convient pour cela que leurs enfants puissent s’épanouir à travers un système de formation de grande qualité, notamment dans le supérieur.

Nous doutons aujourd’hui de l’efficacité de ce projet de loi, dont l’équilibre a été bouleversé. Aussi, en l’état, nous ne pourrons malheureusement pas le voter.

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. Jean-Paul Tuaiva. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus.

M. Ary Chalus. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le paysage universitaire de nos départements français d’Amérique a changé, et cela sans qu’aient été consultés les parlementaires antillais. Il s’agit aujourd’hui d’acter cette évolution par le vote définitif du projet de loi portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles. Dois-je rappeler qu’à l’heure où je vous parle, l’université des Antilles n’existe pas encore, alors que le la composante guyanaise de ce qui fut l’université des Antilles et de la Guyane devenait, par décret de juillet 2014, une université de plein exercice ?

Nous retrouvons aujourd’hui en nouvelle lecture le texte débattu et voté par l’Assemblée, en février dernier, après d’âpres discussions sur le mode de gouvernance de l’université des Antilles.

Le texte initial voté par le Sénat visait principalement la continuité et la sécurité juridique de l’unique établissement d’enseignement supérieur et de recherche des Antilles françaises, l’université des Antilles conservant la même personnalité juridique que l’UAG dans toutes ses dimensions, aussi bien en sa qualité d’employeur et d’ordonnateur que pour la délivrance des diplômes.

Au nombre des avancées proposées dans le texte initial figure la clarification des éléments constitutifs des pôles universitaires régionaux, ce qui permet de distinguer les services qui leur sont propres des services communs et de l’administration générale de l’université. Cela répond en outre à la nécessité d’inscrire dans la loi l’autonomie des pôles universitaires de Martinique et de Guadeloupe.

Mais les sénateurs, à mon sens, ont péché par excès en tentant de renforcer la gouvernance face aux divergences qui ont été qualifiées – un peu rapidement, selon moi – d’identitaires.

En voulant garantir la cohérence stratégique et l’unité de l’établissement par la mise en place d’un « ticket » de trois candidats à la présidence et aux vice-présidences de pôle, ils revenaient ainsi sur les dispositions prévues par le Gouvernement, conformément à la position exprimée par les élus des collectivités majeures de Martinique et de Guadeloupe.

En juillet 2014, les élus antillais avaient en effet expressément indiqué leur souhait de voir figurer dans le texte législatif le principe d’élection libre des vice-présidents par les conseils de chaque pôle afin que les deux pôles universitaires régionaux exercent pleinement leur autonomie dans le respect du projet global de l’université.

Il s’agit d’un point important et je souhaiterais que notre assemblée sécurise définitivement cette disposition, d’autant plus que les débats ont été vifs et le sont encore ! Je regrette personnellement le procès d’intention intenté à l’encontre de ceux d’entre nous qui se sont opposés au ticket à trois introduit par le Sénat pour lui préférer l’élection des vice-présidents par les pôles respectifs. Si j’ai défendu en première lecture un amendement de suppression de la proposition du Sénat au profit de l’élection par chaque pôle de son vice-président, je l’ai fait non pour préparer le terrain d’une quelconque séparation de notre future université des Antilles en université de la Guadeloupe d’une part et université de la Martinique d’autre part mais afin d’éviter certaines dérives centralisatrices dont il faut bien dire qu’elles sont conformes à notre identité française et par ailleurs à l’origine de la crise universitaire guyanaise.

Le texte ne devrait pas se contenter, comme je l’ai entendu dire en commission le 11 février dernier, de « sauver les meubles ». Les mots sont malheureux même si l’intention n’était pas de nuire. Le texte aurait pu permettre une refonte pragmatique et pertinente du paysage universitaire antillais en tirant tous les enseignements des événements ayant mené à la scission du pôle universitaire guyanais. Nos étudiants ne méritaient pas que l’on traite les affaires de leur université dans la précipitation. Et croyez bien, chers collègues, que les élus des Antilles sont très au fait des intérêts de leur jeunesse – la jeunesse, la jeunesse dont on parle tant aujourd’hui ! Les collectivités territoriales soutiennent massivement depuis plusieurs décennies le développement de l’université qui fait face depuis sa création à des défis d’une ampleur exceptionnelle. La proportion de jeunes dépourvus de tout diplôme s’élève à 26 % à la Martinique, 33 % en Guadeloupe et 58 % en Guyane !

Ces chiffres devraient nous amener à nous interroger sur l’ensemble des politiques d’éducation menées dès le primaire dans nos territoires car ils ne peuvent être imputés au passif de la seule UAG, dont le taux d’étudiants boursiers s’élève par ailleurs à 50 % des effectifs, soit l’un des plus élevés de France ! Notre université n’accueille qu’un quart des bacheliers ; le meilleur tiers des lycéens, souvent issus des milieux les plus favorisés, part étudier en métropole. Et à l’autre bout de la chaîne, nos diplômés de l’enseignement supérieur peinent à trouver un emploi sur place à la hauteur de leur qualification, y compris dans le secteur public ! Je citerai l’exemple édifiant des professeurs néo-titulaires de l’académie de Guadeloupe affectés à l’issue du mouvement interacadémique en France métropolitaine, à plusieurs milliers de kilomètres, sans qu’il soit tenu compte de leur situation familiale ou sociale et au mépris de leur vie de couple, qui s’en trouve détruite.

Votre prédécesseur avait pourtant confirmé à Alfred Marie-Jeanne, madame la ministre, que ces professeurs resteraient dans leur département. Je saisirai très bientôt l’occasion de vous interroger sur cet autre sujet d’actualité car les contractuels, dont certains sont en poste depuis plus d’une dizaine d’années, comme les jeunes diplômés ayant réussi les concours constituent selon moi un atout considérable dans la lutte contre le décrochage scolaire, les premiers en raison de leur expérience et tous en raison de leur connaissance intime du territoire et de sa population. La situation dans le secteur privé n’est guère meilleure. Ainsi, les actuelles restructurations du secteur bancaire risquent de priver nos territoires des emplois qualifiés auxquels nos jeunes diplômés de l’université pourraient prétendre. Le Gouvernement a d’ailleurs commandé en 2013 un rapport à M. Patrick Lebreton, député de la Réunion, afin d’identifier les moyens de mieux faire profiter les ressortissants ultramarins des emplois publics comme privés créés dans leurs territoires. La discussion de l’avenir de l’université aux Antilles est aussi l’occasion de mettre tous ces sujets sur la table.

Je souhaite de tout cœur que mes collègues députés ayant su développer de beaux arguments en faveur du « ticket à trois » défendent avec autant d’ardeur l’université des Antilles dans quelques mois, à commencer par son financement ! L’État finance bien en dessous de leurs coûts réels les charges induites par la maintenance des établissements universitaires aux Antilles. Ainsi, les charges afférentes à deux campus représentant un tiers des surfaces universitaires de Guadeloupe sont insuffisamment couvertes par la subvention pour charges de service public. Le campus du Camp Jacob, construit sur un terrain appartenant au ministère de la santé grâce à un montage financier réunissant pourtant l’Union européenne, l’État et la région couvre plus de 8 000 m2, tout comme l’École supérieure du professorat et de l’éducation, ex-IUFM, dont le foncier et le bâti appartiennent au conseil général. Il en va de même pour l’ESPE de Martinique.

Je me réjouis, pour une fois d’accord avec M. Hetzel, que le Président de la République ait annoncé l’allocation d’une rallonge budgétaire de 750 000 euros à l’université des Antilles mais souhaite avant tout que notre université soit correctement dotée de façon pérenne. S’agit-il d’une aide ponctuelle ou pérenne ? Il faudra bien renégocier dès la prochaine loi de finances les montants alloués par l’État en tenant compte de toutes les surfaces dont l’université des Antilles est propriétaire, en Guadeloupe comme en Martinique. Face à ces défis, les élus de nos territoires sont en première ligne aux côtés de la jeunesse. Ils auraient mérité un peu plus de considération lors des débats sur l’avenir de leur université au cours desquels leur opinion sur l’organisation de sa gouvernance a été caricaturée !

En dépit de tous ces défis, je refuse de considérer que les grandes questions stratégiques qui faisaient la pertinence de l’UAG ne sont plus d’actualité ! Le positionnement stratégique sur lequel se fondait le projet universitaire antillo-guyanais, malheureusement passé au second plan au cours des derniers mois, mettait l’accent avec profit sur la richesse et la pluralité en matière culturelle comme en matière de biodiversité des territoires d’implantation. La richesse culturelle doit demeurer au cœur de l’identité universitaire en synergie avec les organismes de recherche des trois territoires français d’Amérique. La pluralité culturelle associée à la richesse de la biodiversité doit demeurer notre bien commun et notre force ! Plusieurs études ont montré que la biodiversité est une source d’innovation importante. Il appartient à l’université d’étudier et d’organiser la mise en valeur des ressources endogènes et de proposer des solutions pérennes conciliant mieux activités humaines et préservation de la biodiversité dans le cadre d’une démarche bien comprise de développement endogène et durable.

La collaboration étroite sur ces sujets communs à nos deux régions doit donc être maintenue et même renforcée. Elle est vitale pour nos territoires où sévit un chômage endémique des jeunes. C’est le moins que nous puissions attendre de notre université ! À la veille de la discussion du texte en première lecture, j’ai plaidé auprès du Gouvernement en faveur d’une collaboration renouvelée entre l’université des Antilles et l’université de la Guyane. Je continuerai à défendre la mise en place d’outils spécifiques favorisant les échanges entre chercheurs, enseignants et étudiants. Il ne tient qu’à nous, aux côtés du monde universitaire et avec l’aide de l’État, de faire en sorte que la refondation universitaire soit l’occasion de bâtir une réelle offre d’avenir pour notre jeunesse et de renforcer les moyens d’expertise de nos laboratoires. Je me réjouis que vous aimiez les Ultramarins, monsieur Pancher, mais j’aimerais surtout que tous les parlementaires de France métropolitaine nous défendent lorsque sont examinés des dossiers importants pour les outre-mer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Tuaiva. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre une nouvelle fois de la transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles. La Martinique et la Guadeloupe disposent de formations d’enseignement supérieur depuis la fin du XIXsiècle, lesquelles se sont développées après la Seconde guerre mondiale en lien avec la faculté de droit de Bordeaux. Dans le cadre de la loi Faure du 12 novembre 1968, le centre universitaire des Antilles et de la Guyane a été créé le 31 juillet 1970. Il est devenu l’université des Antilles et de la Guyane en 1982, composée jusqu’en 2014 de trois pôles géographiques, la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique. Un blocage du campus guyanais a eu lieu en 2013 en raison de difficultés de fonctionnement apparues dès les années 1980. La médiation engagée par le Gouvernement est parvenue le 11 novembre 2013 à un protocole d’accord prévoyant notamment la création d’une université de Guyane. Celle-ci a été créée par décret le 30 juin 2014 et a vu le jour le 1er janvier 2015.

L’article 1er du projet de loi fait suite à ce décret et vise à adapter le cadre juridique de l’université des Antilles qui compte plus de 11 000 étudiants et une vingtaine de structures de recherche. Comme l’a rappelé mon collègue Patrick Hetzel, la division de la structure initiale de l’université des Antilles et de la Guyane va en partie à l’encontre des directives et des orientations que nous avons étudiées ensemble en commission lors de l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et la recherche prévoyant de regrouper et fédérer les structures universitaires et non les diviser. L’ordonnance du 17 juillet 2014 rénove la gouvernance de l’université des Antilles en identifiant les deux pôles restants comme des « composantes » auxquelles le conseil d’administration peut déléguer des compétences. Le président de l’université sera entouré de deux vice-présidents, chacun chargé d’un pôle avec des compétences propres. Le Gouvernement avait prévu trois élections séparées pour le président et les deux vice-présidents mais la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, en se fondant sur le rapport Gillot-Magras, a mis en place un « ticket » de trois candidats à la présidence et aux deux vice-présidences de pôle.

Notre commission a approuvé ce changement en première lecture, mais le Gouvernement a déposé en séance publique un amendement supprimant l’élection conjointe du président de l’université et des vice-présidents de pôle universitaire régional sur une liste commune, arguant de l’autonomie des pôles et de la liberté des candidatures à la présidence de l’université comme à la vice-présidence de chaque pôle. Je vous invite à imaginer semblable situation dans nos collectivités locales, chers collègues. Je n’ai pas choisi cette comparaison au hasard. Comme un très grand nombre d’entre vous cumule un mandat parlementaire et d’autres mandats électifs, l’exemple devrait être parlant. Selon cette logique, il faudrait que les présidents d’intercommunalité soient élus au suffrage direct par un vote complètement déconnecté de l’élection des maires. Quelles en seraient les conséquences ? Tant que tout le monde s’entend bien, pas de problème, mais au premier désaccord le blocage est total, car chacun campe sur sa légitimité et le programme sur lequel il a été élu ! Vous conviendrez avec moi qu’une telle organisation et un tel système électoral ne sont pas souhaitables !

M. Patrick Hetzel. Très juste ! C’est le bon sens même !

Mme Isabelle Attard. C’est pourtant très exactement ce que prévoit le projet de loi au sujet de l’université des Antilles. Comment un président et des vice-présidents élus dans la même université sur des programmes différents pourront-ils travailler ensemble, madame la ministre ? Ce n’est pas sérieux ! En outre, il est très grave que le travail réalisé en commission des affaires culturelles lors de la première lecture ait été rejeté de cette façon par le Gouvernement. L’ex-rapporteur Christophe Prémat a consciencieusement fait son travail. Il a tenu à impliquer les représentants de tous les groupes parlementaires de notre commission malgré des impératifs d’emploi du temps très contraignants. Il a auditionné les parties concernées et élaboré un rapport dont tous les groupes ont reconnu la qualité. Sa démission et son remplacement démontrent l’ampleur du désaccord entre le Gouvernement et le Parlement au sujet de la présidence de l’université des Antilles !

M. Patrick Hetzel. Très juste !

Mme Isabelle Attard. Chers collègues, je vous invite à étudier sérieusement les deux amendements identiques dont nous allons débattre, mes chers collègues. Rétablissons ensemble le « ticket » de trois candidats afin d’assurer la stabilité de la gouvernance de l’université des Antilles, comme l’ont proposé Alfred Marie-Jeanne et Patrick Hetzel. C’est bien avant l’élection que doivent être menées les négociations doivent avoir lieu et non après ! Nous devons cela aux personnels, aux enseignants et avant tout aux étudiants des Antilles.

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, « la vraie politique ne peut […] faire un pas sans avoir auparavant rendu hommage à la morale […]. Toute politique doit s’incliner devant le droit, et c’est ainsi seulement qu’elle peut espérer arriver, quoique lentement, à un degré où elle brille d’un éclat durable. » Cette affirmation de Kant doit nous animer en ce moment décisif de la transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles. C’est en effet un édifice naissant encore vulnérable, qui est déjà gangrené par des coups bas, des querelles, des déchirements, des protections politiciennes en bande organisée et même des menaces – je dis bien : des menaces – sur l’intégrité physique et morale de ses dirigeants. Au terme de multiples épisodes, pour certains très épineux, l’université des Antilles que nous sommes en train de créer est déjà menacée d’une future scission.

Je rappelle que nous pouvions éviter qu’en novembre 2013, la secrétaire d’État de l’époque permette au pôle guyanais de se transformer en université de plein exercice, à contre-courant complet de sa politique de regroupement des universités affichée par ailleurs, et qu’elle entérine la création d’une université de 2 000 étudiants, bien en dessous du seuil critique de viabilité estimé à 10 000 étudiants. Nous pouvions tout autant éviter encore les incessantes dissensions entre élus de Martinique et de Guadeloupe, qui ont empêché l’émergence d’une position commune. Et je ne parlerai pas de ces amendements honteux ayant suscité des débats sur la répartition des dotations budgétaires entre les deux pôles, qui ont donné lieu à l’expression de lamentables divergences.

Tout ce temps perdu ne contribue pas à porter cette jeune université sur des fonts baptismaux lui garantissant pérennité et explique sans doute que seul un étudiant antillais sur quatre désire y suivre un cursus universitaire. Cette fuite de nos cerveaux diplômés entrave toute possibilité, tout espoir de développement.

Aujourd’hui, il nous faut réagir. Il y a en effet urgence et la situation est grave. Nous avons l’obligation, le devoir de répondre à l’attente des étudiants et des enseignants, qui veulent qu’émerge une université construite sur des bases solides et durables et que soient prévenues de stériles rivalités, d’où qu’elles viennent, et qui déjà n’émaillent que trop sa genèse.

Saurons-nous être à la hauteur ? Je crois que, pour cela, il faut dès maintenant s’attaquer clairement aux dérives financières et judiciaires que connaît aujourd’hui l’université. Je pense bien sûr aux graves abus commis par le laboratoire du Centre d’étude et de recherche en économie, gestion, modélisation et informatique appliquée – le CEREGMIA –, dénoncés par plusieurs rapports successifs de la Cour des comptes, de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et du Sénat. Neuf millions d’euros – je dis bien : neuf millions d’euros – se sont volatilisés. Cette affaire doit trouver une conclusion judiciaire, car il ne saurait y avoir de futur sain pour la nouvelle université sans un apurement du passé, du passif et une moralisation des pratiques.

Mme Isabelle Attard. Très bien !

M. Jean-Philippe Nilor. Comme le disait Freud, « faute de pouvoir voir clair, nous voulons à tout le moins voir clairement les obscurités », pour que nos jeunes les évitent à l’avenir. À cet égard, je crois qu’il faut conforter et stabiliser la gouvernance de l’université sur une base de projets, et non de personnes, pour construire un avenir pérenne. Oui, nous pouvons le faire dès aujourd’hui, et cela passe, d’évidence, par ce qui a été voté à l’unanimité au Sénat, comme à la commission des affaires culturelles de notre assemblée, c’est-à-dire une présidence élue sous la forme d’un ticket à trois, avec une élection de la présidence qui se fasse en même temps que celle des deux vice-présidents de pôle. Cela permettra de respecter l’autonomie des pôles dans l’unité de l’université et d’éviter des clivages permanents : autonomie des pôles oui, mais indépendance des pôles non, car l’université doit être une ; université, oui, « biversité » non ! Gardons-nous d’engendrer un monstre dont le patrimoine génétique recèlerait les germes d’une ingouvernabilité structurelle.

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. Jean-Philippe Nilor. C’est pourquoi je voterai les amendements proposés qui vont dans ce sens.

Encore une fois, ce qui dépend de notre vote, c’est l’avenir de nos étudiants, et nous avons reçu le mandat impératif de nous entendre dans le sens de l’intérêt général. Il nous appartient de redoubler d’efforts et d’ingéniosité pour retenir nos étudiants dans notre institution. Notre objectif doit donc être désormais de permettre à l’université des Antilles d’être enfin attractive, crédible et solide, pour rétablir les conditions favorables à l’apprentissage et à l’épanouissement de nos étudiants, ainsi qu’à son rayonnement dans la Caraïbe.

Je salue la force, la conviction et la détermination de l’actuelle présidente et de son équipe à aller en ce sens. C’est un bel exemple pour notre jeunesse, notamment pour le « non » opposé à la corruption et à la petitesse.

Cette volonté nous rappelle ce qui devrait nous guider fondamentalement : comme l’affirmait Nelson Mandela, « l’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde ».

M. Bruno Nestor Azerot Mme Isabelle Attard et M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, soyez rassurés : je ne serai juge de qui que ce soit, et je ne ferai pas de la situation de l’université mon fonds de commerce politique. Cela étant dit, il y a urgence : depuis deux ans, nous connaissons une situation très difficile ; 11 000 jeunes attendent, ainsi que des dizaines d’enseignants, des agents et des élus des deux pays – la Martinique et la Guadeloupe.

Le vote, aujourd’hui, de ce texte, mettra fin à une situation rocambolesque. De fait, à l’heure actuelle, on ne peut pas réunir le conseil d’administration, le budget a été arrêté par le recteur de la Guadeloupe et les étudiants nourrissent des inquiétudes grandissantes, ne sachant pas si leur diplôme sera validé ni comment ils pourront s’inscrire l’année prochaine. Un grand nombre d’entre eux, d’ailleurs, partent.

Beaucoup plus grave, le cumul des incertitudes a conduit à la prolifération de mesures dépourvues du moindre sens et qui excluent des priorités les jeunes de la Martinique et de la Guadeloupe. Je rappelle que deux jeunes sur trois quittant la Martinique pour faire des études à l’extérieur ne reviennent pas au pays. Autrement dit, la Martinique perd environ mille personnes par an : nous sommes déjà passés de 400 000 à 390 000 personnes.

Cela veut dire, madame la ministre, que la situation est urgente et, pour ce qui me concerne, je voterai ce texte.

Bien entendu, il y a un débat sur la pertinence de l’unité. Je rappelle à mes collègues qui ont évoqué dans leurs interventions – ce que je comprends parfaitement – le ticket à trois et le ticket séparé, que nous avons assisté, en 2013, au départ de la Guyane, parce que les revendications qu’elle avait exprimées en faveur de son autonomie et du fonctionnement autonome de ses institutions, n’avaient pas été suffisamment prises en compte. Je rappelle aussi que nos aînés – parmi lesquels des noms très célèbres : ont été évoqués tout à l’heure les cinq présidents issus de la Martinique et les cinq autres issus de la Guadeloupe – ont réussi, pendant de très nombreuses années, autant que faire se peut, à avancer.

De mon point de vue, on n’a pas été suffisamment attentif à l’expression des différences, à l’organisation des politiques liées aux territoires. Qui peut me démontrer que la situation de la Guyane est exactement celle de la Martinique ? La Martinique est une île tandis que la Guyane appartient au continent. Qui peut me démontrer que la Martinique doit avoir la même stratégie que la Guadeloupe sur le plan universitaire ou en matière de recherche-développement ? Pour quelles raisons la Guadeloupe ne définirait-elle pas des stratégies de développement liées à son université, et ne pourrait-elle pas administrer son pôle de manière légèrement différenciée ? Qui va-t-on convaincre que le seul mode d’organisation serait l’autocratisme, l’autoritarisme unitaire d’une seule personne ? Certains se revendiquent de cette école ; ce n’est pas mon cas. Je considère que l’on peut parfaitement travailler ensemble dans le respect de nos différences et dans le cadre d’une organisation autonome.

J’ai combattu, il est vrai, l’amendement portant sur la répartition du budget, que Victorin Lurel avait présenté, en se prévalant légitimement des investissements extrêmement importants qu’il a engagés en Guadeloupe. De fait, la collectivité de Guadeloupe s’est, en certaines occasions, quelque peu substituée à l’État, d’où une différence importante en termes d’investissements réalisés. Victorin Lurel l’a revendiqué. Mais nous lui avons indiqué, dans le cadre de l’accord que nous avons conclu en juillet 2014, qu’il faut penser, non seulement au passé mais aussi à l’avenir. Cet amendement n’est d’ailleurs plus d’actualité.

Je considère que c’est le dialogue qui permettra d’assurer l’organisation de l’université dans le respect de l’autonomie. Cela a déjà commencé à se voir, dans le cadre de ce que l’on appelle le « dialogue budgétaire », au moyen d’une répartition extrêmement claire. À présent, nous avons l’obligation de mettre en place l’université très rapidement.

J’ai souvent entendu parler du CEREGMIA. Une procédure judiciaire est engagée : laissons la justice suivre son cours. Si des agissements peu catholiques ont eu lieu, ils seront sanctionnés. Une procédure disciplinaire est même en cours. J’ai regardé très précisément les conventions signées entre l’université et le CEREGMIA : douze l’ont été avant 2010. On n’a pas de leçons à donner aux gens. On est en train d’enfumer le débat au détriment des jeunes étudiants de la Martinique et de la Guadeloupe. C’est pitoyable.

M. Victorin Lurel. Oui !

M. Serge Letchimy. Personnellement, je ne donnerai pas le spectacle d’un Martiniquais luttant contre la Guadeloupe. La Guadeloupe et la Martinique mènent un combat commun, celui de l’unité entre les deux pays et les deux peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Tuaiva. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, dernier orateur inscrit.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je crois que tout a été dit. On connaît la situation de l’université : inutile d’y revenir.

J’aimerais adresser des remerciements, en premier lieu à la ministre, qui a donné, ici même, une feuille de route extrêmement claire, indiquant que le Gouvernement se tiendrait au texte adopté par l’Assemblée nationale au mois de février. Je me félicite de cette position très explicite.

J’aimerais également remercier les députés ici présents, qui débattent dans une atmosphère sereine, pour ne pas dire pacifiée. De fait, ce n’était pas tout à fait la même ambiance la dernière fois. J’ai entendu des amalgames, que Serge Letchimy a dénoncés, ainsi que quelques propos excessifs. On est là pour réaffirmer un certain nombre de choses, et je crois que le Gouvernement a été clair sur ce point. À la Guadeloupe et à la Martinique, nous tenons à l’unité universitaire, à condition qu’elle ne soit pas autocratique, qu’elle ne confine pas à une uniformité qui empêcherait la diversité de s’exprimer.

Ce que certains voudraient faire croire ici, c’est que le vote libre serait mal utilisé par les pôles martiniquais et guadeloupéen. Curieuse conception de la liberté ! Cela signifie que l’on utiliserait mal la liberté. De fait, j’entends et je lis depuis des temps fort anciens que l’on devrait faire l’apprentissage de la liberté. La Guyane est précisément partie parce qu’elle ne pouvait pas faire valoir son autonomie, exprimer ses desiderata, ses aspirations et ses besoins.

Le raisonnement que l’on entend revient à faire porter le soupçon sur les administrateurs martiniquais et guadeloupéens. Je ne peux donc y souscrire, et je remercie le Gouvernement de l’avoir compris. L’accord qui a été conclu n’est pas politicien. Il présente le grand intérêt de réunir parfaitement la Guadeloupe et la Martinique, d’associer les acteurs de l’université, les enseignants, les chercheurs, le personnel administratif et, par endroits, les étudiants. Dans le cadre d’un écosystème politique, d’une sorte de théâtralisation préélectorale, certains ont effectué des amalgames et ont projeté de défaire cet accord en inventant la formule d’un « ticket » et en laissant accroire qu’à défaut, le démantèlement était assuré.

Je le répète ici : ce que Serge Letchimy, Josette Manin, présidente du conseil général de la Martinique, Jacques Gillot, alors président du conseil général de la Guadeloupe et moi-même avons signé l’a été parce que nous tenons à l’unité de l’université des Antilles et que nous nous battons pour l’équité. Nous souhaitons que chacun puisse s’exprimer et nous faisons confiance, du moins je l’espère, aux administrateurs. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le deuil de l’amendement qui visait à répartir le budget en tenant compte des surfaces. Le texte précise que les administrateurs seront libres d’intégrer tous les critères, avec les pondérations qu’ils auront choisies.

Je remercie le Président de la République d’être venu en Guadeloupe et en Martinique et d’avoir affirmé qu’il y aurait deux instituts universitaires de technologie. Je demande aux administrateurs de l’université de faire en sorte qu’ils soient créés le plus rapidement possible, l’un en Guadeloupe, l’autre en Martinique.

Le Président a entendu les doléances, et nous y avons tous notre part : une rallonge budgétaire a été annoncée. On passera de 600 000 euros à 750 000 euros. Il s’agit à présent de pérenniser cette dotation, mais je suis sûr que nous serons entendus sur ce point.

Par ailleurs, nous avons toujours dit que les collectivités continueraient d’accompagner le projet à condition que le travail parlementaire soit respecté. J’estime pour ma part qu’il est parfaitement du rôle des parlementaires présents et des exécutifs régionaux et départementaux de faire entendre leur voix, de mettre leur grain de sel ; je n’y vois aucune difficulté.

J’ai entendu les soupçons qui ont pesé sur nous ; je m’associe à ce que j’ai entendu. Je ne me fais pas d’illusions sur celles et ceux qui veulent tirer la couverture à eux. Une enquête judiciaire est en cours, et il est indécent que certains veuillent faire croire que l’affaire n’aurait pas éclaté si je n’avais pas été là. En tant qu’autorité de gestion, j’ai moi-même adressé un courrier à la présidente de l’université, et la réponse qui m’a été donnée n’est pas satisfaisante ; nous poursuivrons donc nos démarches. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer ici, s’il y a eu des malversations, la justice, qui est libre, fera son travail.

Par conséquent, je voterai avec beaucoup de bonheur le texte présenté ici et soutenu par le Gouvernement. C’est un bon texte, et je vous remercie du travail qui a été accompli, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Tuaiva. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article du projet de loi restant en discussion.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Christophe Premat, inscrit sur l’article.

M. Christophe Premat. Madame la ministre, vous avez porté un message de sérénité, de confiance ; c’est ce qui ressort de la récente visite du Président de la République dans les Antilles. Nous en sommes ravis.

Nous sommes en famille, si je puis dire, pour régler cette question, qui est importante pour la communauté universitaire des Antilles. Nous sommes en famille parce que nous avons un travail de deuil à effectuer : celui de la perte de la partie guyanaise. Comme dans toutes les familles, les spécialistes vous le diront, le travail de deuil nécessite au moins un an. Or, en l’occurrence, si nous nous référons à l’ordonnance du 17 juillet 2014, nous arrivons presque au terme de ce deuil, et c’est heureux.

Nous sommes en famille parce que, au-delà de ce deuil, nous devons envisager un mariage et générer un désir de l’université des Antilles, un désir pour l’université des Antilles. Cette dernière doit faire son deuil pour renaître avec deux pôles. Je compte donc sur nous tous pour retrouver les conditions d’un désir de l’université des Antilles, qui passe par un désir mutuel des deux pôles.

Nous devons être les garants de ce mariage, et j’espère sincèrement que cette université vivra et trouvera l’écho qu’elle mérite. Je remercie le Gouvernement d’avoir assuré cette transition et la présidence de l’université des Antilles d’avoir tenu le cap en assurant la liaison entre le travail de deuil et le mariage promis.

N’oublions pas que la question de la gouvernance sera déterminante pour assurer une stabilité et éviter des malentendus qui alimenteraient la rivalité entre les deux pôles. En tant que député des Français de l’étranger, j’ai dans ma circonscription des lycées français qui, précisément, ont des modes de gouvernance très spécifiques – je pense aux lycées franco-allemands, notamment au lycée franco-allemand d’Irlande –, qui requièrent un accord préalable entre les parties.

Le rapporteur a évoqué le principe de réalité ; pour conclure cette diatribe freudienne, je vous enjoins à ne pas ignorer le principe de plaisir et le désir des deux pôles. Tel est le message que je souhaitais vous adresser avant l’examen du présent article.

M. Pascal Deguilhem et M. Serge Letchimy. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Doucet, également inscrite sur l’article.

Mme Sandrine Doucet. Mes chers collègues, avec l’article 1er, nous en venons au cœur du sujet. Ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur Letchimy, il y a urgence, puisque près de 11 000 étudiants attendent que ce mariage universitaire soit scellé, comme l’a si bien dit M. Christophe Premat, et comme il l’a si bien écrit dans son rapport sur le texte en première lecture, nous l’en remercions. Il a effectué un travail très détaillé, comme à sa suite M. Yves Durand. Il était en effet difficile de trouver une solution, mais ce fut chose faite le 19 février dernier.

C’est la raison pour laquelle je m’en remets à votre vote sur le présent article, avec le souhait que ce mode d’élection du président et des vice-présidents constitue une solution pérenne et d’avenir.

Permettez-moi simplement de rappeler les raisons du refus du « ticket ». Cette formule a rencontré une très vive hostilité sur le terrain, car l’effacement du rôle des conseils de pôle dans l’élection des vice-présidents était assimilé à un geste de défiance quant à la capacité des acteurs à forger par eux-mêmes les consensus nécessaires à la marche de l’université. Nous avons donc aujourd’hui à sceller la bonne marche de l’université des Antilles.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1 et 2.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n1.

M. Patrick Hetzel. Le présent amendement s’inscrit dans le droit fil des arguments que j’ai exposés voilà quelques instants dans la discussion générale.

Il nous faut aujourd’hui définir les modalités de fonctionnement de la gouvernance de la nouvelle université des Antilles, en particulier le mode de désignation du président et des deux vice-présidents. L’amendement vise ainsi à ce que les candidats se présentent selon un « ticket » de trois personnalités, soit un président et deux vice-présidents. Cette proposition avait été formulée par le Sénat puis relayée ici par Christophe Premat, qui était rapporteur en première lecture.

Permettez-moi à cet égard d’établir brièvement un parallèle. Lorsqu’elle a procédé au toilettage d’un certain nombre de textes relatifs aux collectivités territoriales, l’actuelle majorité a retenu cette formule du « ticket », notamment pour les communes associées : les candidats à la fonction de maire délégué d’une commune associée se présentent désormais explicitement en ticket avec le candidat à la mairie de la commune principale. Le raisonnement de la majorité est donc à géométrie variable : les arguments qui ont prévalu pour plaider les mérites d’un mode d’organisation – la majorité avait très clairement affirmé que ce mode d’organisation permettrait d’éviter les conflits potentiels –, qui étaient considérés comme pertinents pour les communes associées, ne vaudraient plus pour l’enseignement supérieur. Je ne m’explique pas ce changement de position.

J’appelle donc simplement l’actuelle majorité à faire preuve de cohérence, et j’espère qu’elle retrouvera rapidement la raison pour voter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n2.

Mme Isabelle Attard. À l’instar des auteurs de l’amendement qui vient d’être défendu, nous proposons de revenir à un ticket à trois.

Notre collègue Jean-Philippe Nilor l’a très bien dit : nous devons tout faire pour assainir la situation. Nous ne sommes pas ici pour juger qui que ce soit…

M. Serge Letchimy. Si, vous jugez !

Mme Isabelle Attard. …ni ce qui s’est passé aux Antilles ou ce qui s’y passera. Nous sommes ici pour assurer l’avenir d’une université, pour limiter au maximum les risques de blocage. Tel est l’objectif de cette formule du « ticket », qui permet à trois personnes mues par un projet global de s’associer et de défendre un projet pédagogique, tout simplement. Vous parliez de diversité, monsieur Lurel, mais la diversité pourra tout aussi bien s’exprimer avec des projets divers et des tickets multiples, si par exemple trois personnes s’opposent à trois autres, chacun défendant son propre projet. Il est en effet question de projet pédagogique… À moins qu’on ne parle d’autres dossiers qui n’ont rien à voir avec ce débat.

Nous sommes ici en tant que membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ; nous avons débattu ensemble de la loi pour la refondation de l’école de la République, de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous ne débattons aujourd’hui que de l’avenir de l’université des Antilles, et nous comptons bien sur le ticket à trois, sur le projet pédagogique global pour en assurer la stabilité. Cette solution sera simplement un garde-fou, appelons-la ainsi, contre d’éventuelles tentations centrifuges de la part des deux pôles régionaux.

C’est en ce sens que je vous demande, chers collègues, de revenir à la première rédaction que nous avions votée en commission et qui a été retenue au Sénat, qui est une excellente idée pour prévenir les problèmes de blocage qui ne manqueront pas de se reproduire si nous laissons le texte en l’état et permettons que des individus s’opposent en défendant chacun leur chapelle au lieu de s’unir dans un projet global. Ainsi que je l’ai souligné, cet immobilisme sera dommageable en premier lieu aux étudiants de l’université.

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Durand, rapporteur. L’avis est évidemment défavorable,…

M. Patrick Hetzel. C’est bien regrettable !

M. Yves Durand, rapporteur. …et je vais vous expliquer pourquoi en quelques instants.

J’aimerais tout d’abord m’adresser à M. Hetzel, dont le raisonnement est juste, mais qui est, comme à son habitude, parti d’un exemple faux. Il a voulu prendre l’exemple des communes associées, que j’ai évoqué en commission, mais probablement à un moment où il a été distrait. Je connais bien le sujet, puisque j’ai été maire d’une commune qui a été associée à celle de Lille. En cas d’association, la commune associée conserve un conseil communal et un maire élus de manière totalement indépendante de la commune à laquelle elle s’associe, et ce statut fonctionne très bien.

M. Patrick Hetzel et M. Frédéric Reiss. Mais cela n’existe plus !

M. Yves Durand, rapporteur. Ainsi, la diversité, la particularité de chaque commune est préservée dans le cadre général de l’association des communes. C’est sans doute pour cela que vous avez repris cet exemple, monsieur Hetzel, en le dévoyant légèrement, cependant.

M. Frédéric Reiss. En fait, c’est un mauvais exemple !

M. Guy Geoffroy. Il faut actualiser vos connaissances, monsieur le rapporteur !

M. Yves Durand, rapporteur. Plus sérieusement, notre préoccupation, aux uns et aux autres – je crois pouvoir dire que nous sommes unanimes sur ce point et que nous ne devrions pas nous opposer – est la réussite de l’université des Antilles. Ainsi que je le rappelais dans mon propos liminaire, sur le plan intellectuel, si nous voulions respecter stricto sensu l’esprit de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, nous aurions matière à tiquer. Cependant, il y a des particularités, sur lesquelles la majorité des élus de la Guadeloupe et de la Martinique se sont exprimés. Si celles-ci ne sont pas reconnues, il peut y avoir un risque d’éclatement.

Cette unité absolument nécessaire et pour laquelle tous nous militons, cette unité que nous voulons tous unanimement construire, repose sur la reconnaissance de ces deux particularités. C’est d’ailleurs pour cela qu’il y a eu un accord entre les élus, d’une part, et, d’autre part, entre le Gouvernement et les élus, pour la reconnaissance de ces particularités, afin de construire une unité véritable qui soit non seulement institutionnelle, mais aussi pédagogique, une unité de gestion et d’intérêt pour créer la grande université des Antilles dont ces territoires ont besoin.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Sans répéter ce qu’a dit le rapporteur, je souhaite répondre à M. Hetzel et à Mme Attard. Je pense que nous sommes tous d’accord pour qu’il y ait à la fois une unité et une autonomie des deux pôles. La question est de savoir comment y parvenir au mieux.

Quel mode d’élection, notamment, est le plus à même de garantir l’unité de l’université ? Je ne crois pas du tout que le ticket présidentiel proposé dans les amendements permette d’y parvenir : en cas de désaccord entre l’équipe présidentielle et l’un des deux pôles, on assisterait à une désunion, à de graves difficultés, voire à une scission, c’est-à-dire précisément à ce que nous voulons éviter. Au contraire, l’organisation fédérale proposée dans le texte garantit que les décisions seront prises dans le dialogue et la concertation, tout en laissant une nécessaire et large autonomie à chacun des pôles.

Permettez-moi d’y insister : la particularité de cette université par rapport à toutes les autres est qu’elle s’étend sur plusieurs régions. Il faut s’y adapter. C’est pourquoi la communauté universitaire et les élus locaux ont réussi à trouver un accord soutenu aujourd’hui par le Gouvernement. Nous souhaitons donc maintenir ce mode d’élection et rendons un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Je ne suis d’accord ni avec le raisonnement du rapporteur ni avec celui de la ministre.

S’agissant des communes associées, monsieur le rapporteur, le maire délégué doit désormais figurer sur la liste du maire élu dans la commune centre.

M. Yves Durand, rapporteur. Mais non !

M. Frédéric Reiss. Je vous assure que si ! C’est le dispositif ancien que vous décrivez. Il n’a plus cours depuis la réforme.

J’en reviens au texte proprement dit. L’université des Antilles doit bien entendu proposer des formations en fonction des potentiels propres à la Guadeloupe et à la Martinique. Le projet doit permettre une offre universitaire attractive, ce qui suppose un fonctionnement harmonieux et une gouvernance claire. Il faudra donc une politique volontariste de coopération entre la Martinique et la Guadeloupe, mais aussi avec l’université de Guyane, qui, depuis 2014, est une université de plein exercice.

Alors que l’on prône la mutualisation des moyens et que l’on invoque la « taille critique » des universités dans l’ensemble des projets que nous examinons, nous pensons que ce ticket à trois, avec un président et deux vice-présidents, est à même de fédérer et non de diviser. En effet, ce dispositif s’appuiera forcément sur un projet global d’établissement et une stratégie de développement mûrement réfléchie.

Nous voterons donc ces amendements.

M. Patrick Hetzel et M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Serge Letchimy. Je demande la parole.

M. Jean-Philippe Nilor. Je la demande également.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous sommes en nouvelle lecture. Il me semble suffisant, conformément à notre règlement, d’entendre un orateur favorable aux amendements et un orateur défavorable. La parole est donc à M. Serge Letchimy, après quoi nous passerons au vote car chacun a déjà pu largement s’exprimer.

M. Serge Letchimy. Je respecte le point de vue des auteurs des amendements, mais je veux souligner que chaque région a l’obligation de réaliser pour elle-même un schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Nous avons engagé le nôtre, la Guadeloupe également. Nous avons du reste ménagé une passerelle entre les deux, puisqu’un membre de chacune des collectivités siège dans le comité de pilotage de l’autre collectivité.

Il y a donc deux schémas pour une université, qui fera par ailleurs l’objet d’un programme de développement pluriannuel. La question est de traduire cela sur le terrain. À cet égard, je puis vous assurer que les deux dynamiques de développement peuvent se rejoindre. On ne saurait cantonner l’université à la question de la formation, quand toutes nos politiques visent à établir un lien entre aménagement du territoire, développement économique, innovation, recherche et université.

Si nous ne nous dirigeons pas rapidement vers une autonomie exprimée, il est fortement à craindre que n’émergent très vite une université de la Martinique et une université de la Guadeloupe. C’est pourquoi je demande que l’on vote ce texte tout de suite afin de rassurer les 11 000 jeunes de la Martinique et de la Guadeloupe. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

(Les amendements identiques nos 1 et 2 ne sont pas adoptés.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix le projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Transition énergétique

Nouvelle lecture (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (nos 2611, 2736).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de trois heures dix-neuf minutes pour le groupe SRC, dont 269 amendements restent en discussion, quatre heures trente-neuf minutes pour le groupe UMP, dont 267 amendements restent en discussion, une heure quinze minutes pour le groupe UDI, dont 42 amendements restent en discussion, trente-cinq minutes pour le groupe RRDP, dont 36 amendements restent en discussion, trente-quatre minutes pour le groupe écologiste, dont 136 amendements sont en discussion, trente et une minutes pour le groupe GDR, dont 25 amendements sont en discussion, et quatre minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement n809 à l’article 1er bis.

Article 1er bis

M. le président. La commission a supprimé cet article.

Je suis saisi de trois amendements, nos 809, 597 et 417, tendant à le rétablir et pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n809.

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Il s’agit d’un amendement d’appel, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Il y a quelques semaines l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME – a rendu public un rapport montrant qu’il est possible d’atteindre les 100 % d’électricité renouvelable en 2050, à un coût inférieur à ce que représenterait le maintien du nucléaire. Il a été demandé à l’ADEME de prolonger son analyse afin qu’elle soit plus crédible encore qu’elle ne l’est aujourd’hui. Notre amendement vise à garantir que ce travail démontrant la faisabilité des 100 % en 2050 sera bien effectué et que le Gouvernement le rendra public.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n597.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement tend également à demander au Gouvernement un rapport, même si nous sommes très dubitatifs quant au respect des objectifs que se donne ce projet de loi. Très clairement, nous n’y croyons pas !

Nous l’avons largement démontré hier : tous les indicateurs dans le domaine du développement durable en France sont au rouge ; plus rien ne se fait en matière d’investissement dans les transports collectifs ; alors que l’objectif de rénovation de logements est de 500 000 par an, on est retombé à 200 000 à peine ; les résultats en matière d’énergies renouvelables sont très en dessous des objectifs que la précédente majorité avait fixés pour 2020 ; même chose pour la réduction de la consommation énergétique ; bref, tous les drapeaux sont en berne et nous ne croyons pas une seule seconde que l’on atteindra l’objectif complètement fantaisiste de ramener la part d’électricité d’origine nucléaire à 50 % en 2025.

Puisque la majorité et l’opposition réclament toutes deux un rapport, je pense que l’on va s’amuser lorsqu’on disposera d’une vraie étude d’impact ! Encore faudra-t-il, monsieur le rapporteur, que ce rapport soit réalisé par une autorité véritablement indépendante. Cela nous rassurerait quant à la tenue de ces objectifs !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n417.

M. Julien Aubert. Le groupe UMP ne demande pas exactement le même rapport.

Selon celui de l’ADEME, auquel M. Baupin faisait allusion, on pourrait passer à un modèle de production d’électricité 100 % renouvelable, avec 0 % de nucléaire. Notre amendement, au contraire, reprend l’analyse qui prévaut dans le projet de loi. Il est bien beau de vouloir fermer vingt-quatre réacteurs nucléaires, mais combien cela coûtera-t-il ? Les Français se plaignent déjà du montant des taxes et de l’augmentation continue de la contribution au service public de l’électricité – CSPE – depuis plus de dix ans. Nous disposons déjà de l’excellente étude réalisée par notre collègue Hervé Mariton sur le coût de la fermeture de la centrale de Fessenheim. Si on multiplie ce coût par vingt-quatre, on atteint la centaine de milliards d’euros, à quoi il faudra ajouter l’impact du remplacement de la production par des énergies renouvelables.

J’en profite d’ailleurs, puisque l’occasion m’en est donnée, pour témoigner ma stupéfaction devant le fait que l’ADEME, qui relève de l’autorité de l’État, mobilise des moyens pour calculer un scénario à 0 % de nucléaire, alors que la volonté politique officielle n’est pas de tuer le nucléaire mais de le réduire et de diversifier le panier énergétique. De deux choses l’une : soit cette option n’est aucunement envisagée, auquel cas c’est du gaspillage d’argent public – le Gouvernement demandant des rapports en sachant qu’ils ne seront jamais utilisés alors qu’il en refuse un très grand nombre au Parlement, des rapports qui, comme celui dont il est question dans cet amendement, seraient, eux, intéressants ; soit, et c’est encore plus grave, le Gouvernement, tout en faisant discuter et voter le Parlement sur l’option des 50 %, prépare une deuxième étape, la destruction totale de la filière nucléaire, ce qui ne peut qu’enchanter M. Baupin.

Qu’il s’agisse d’un gaspillage de deniers publics ou d’une hypocrisie, d’un double visage à la Janus du Gouvernement, cela mérite une petite explication sur la façon dont ce type de rapport est commandé, d’autant que M. Baupin l’utilise ensuite dans ses argumentaires. Mais pour s’en tenir à l’arithmétique, monsieur Baupin, j’aimerais savoir si le surcoût a été calculé. En effet, cela m’étonnerait que l’on puisse détruire à jeu égal une filière qui emploie 200 000 personnes dans un pays !

M. Denis Baupin, rapporteur. Cela rapporterait de l’argent ! Lisez le rapport, il est public !

M. Julien Aubert. Un enfant de six ans arriverait à le comprendre : en détruisant de la valeur, on en crée rarement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale. Monsieur Baupin, je suis défavorable à votre demande de rapport sur les modalités techniques et financières d’une production énergétique à 100 % renouvelable à l’horizon 2050. En effet, s’agissant de l’évolution du mix énergétique, le projet de loi privilégie des objectifs de moyen terme, soit 2030, qui est un horizon d’investissement. Cela n’empêche pas l’ADEME de travailler sur des échéances plus lointaines si elle le souhaite, mais il faut bien distinguer les deux démarches.

Monsieur Aubert, vous souhaitez la remise d’un rapport qui précise d’une part les conséquences de l’objectif de réduction de la part du nucléaire sur les charges publiques et d’autre part le nombre de réacteurs nucléaires à fermer. Mon avis est également défavorable. En effet, le rapport demandé est redondant avec le contenu de la programmation pluriannuelle de l’énergie – PPE – prévue à l’article 49 du projet de loi et celui du plan stratégique que l’exploitant EDF sera tenu de réaliser en application de l’article 55. Ces deux documents déclineront concrètement les moyens nécessaires pour réaliser l’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix électrique d’ici à 2025.

Il est également inscrit à l’article 49 que la PPE définit l’enveloppe maximale indicative des ressources publiques de l’État et de ses établissements publics mobilisés pour atteindre les objectifs de politique énergétique et qu’elle contient une étude d’impact socio-économique qui en mesure l’effet sur la soutenabilité des finances publiques.

M. Julien Aubert. C’est un peu tard !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Qui plus est, EDF, qui assure plus du tiers de la production nationale d’électricité, est tenue d’élaborer un plan stratégique qui propose, si besoin est, les évolutions des installations de production d’électricité, en particulier d’origine nucléaire, nécessaires pour atteindre les objectifs de la première période de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Votre demande, monsieur Aubert, me semble donc entièrement satisfaite.

S’agissant de votre amendement, monsieur Pancher, l’argumentaire est le même. Quant au coût d’une éventuelle indemnisation, il est compris dans l’enveloppe maximale indicative des ressources de l’État. Avis défavorable également.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Baupin, vous avez vous-même qualifié votre proposition d’amendement d’appel. Sachez qu’il a été entendu ! Et donc, qu’il vous appartient de le retirer…

M. Denis Baupin, rapporteur. Mais quelle est la réponse ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. À moins que les mots n’aient changé, un amendement d’appel vise à provoquer un débat. Vous savez parfaitement d’ailleurs, pour avoir fait la question et la réponse, que l’ADEME travaille sur le sujet. Je vous précise que le rapport sera rendu public.

M. Denis Baupin, rapporteur. Très bien !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je vous demande donc de retirer votre amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

En ce qui concerne les deux autres amendements, qui sont d’une autre nature comme l’a dit avec raison M. Aubert, je pense que chacun ici est parfaitement informé de la situation et de la réponse que fait le Gouvernement concernant la programmation pluriannuelle de l’énergie. Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur Aubert, que seul le rapport de l’ADEME concourrait à cette réflexion, puisqu’il existe un groupe de travail dont vous êtes un membre éminent. Vous savez parfaitement que nous travaillons aujourd’hui sur plusieurs hypothèses afin de préparer la programmation pluriannuelle de l’énergie qui sera établie pour la fin de l’année 2015. Le rapport de l’ADEME n’est pas le seul scénario sur la base duquel le Gouvernement réfléchit. Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Le Gouvernement, monsieur le ministre, est un peu pris la main dans le sac puisque vous refusez des amendements qui permettraient de démontrer s’il y a eu une vraie analyse d’impact ou non. Je ne vois pas pourquoi vous refusez notre amendement si vous êtes aussi sûr que l’objectif est facilement atteignable. Vous nous dites que des analyses et un plan pluriannuel seront présentés à la fin de l’année. Mais je n’ai jamais vu, monsieur le ministre, qu’on réalise des analyses d’impact après qu’on a voté un texte de loi ! Vous nous dites de vous faire confiance, de ne pas nous inquiéter, que les chiffres vont démontrer que tout va bien. Nous ne le croyons pas et nous maintenons notre amendement de bon sens, en espérant que la majorité s’y ralliera.

M. le président. Sur l’amendement n417, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Monsieur le ministre, j’ai l’impression que le Gouvernement a été pris la main dans le pot de Nutella ! (Sourires.)

M. Thierry Benoit. C’est encore pire ! Surtout pour le régime !

M. Julien Aubert. Il va falloir m’expliquer : vous réunissez le Parlement pendant de longues semaines pour débattre d’une trajectoire permettant de faire passer la part du nucléaire dans l’électricité de 75 à 50 % ; mais, dans un deuxième temps, vous indiquez que dans les hypothèses qui sont aujourd’hui étudiées par les services de l’État, autrement dit l’ADEME, il y en a une à 0 %.

M. Denis Baupin, rapporteur. Ce n’est pas à la même date !

M. Julien Aubert. Je pose une question très simple. Soit c’est une hypothèse crédible – mais pourquoi nous faire débattre à longueur de journée sur une hypothèse de 50 %, si le véritable objectif est 0 % ? Auquel cas d’ailleurs, il va falloir avertir les employés du nucléaire ! Soit ce n’est pas une hypothèse crédible et à aucun moment le Gouvernement ne l’a imaginée – ce qui va beaucoup décevoir M. Baupin, qui à force d’appels ira en cassation (Sourires) – mais il faut alors nous expliquer pourquoi vous dépensez de l’argent public pour des études qui ne riment à rien alors que vous nous en refusez une très simple.

Bertrand Pancher a très bien expliqué les choses : une étude d’impact, une analyse des charges publiques, ça se fait en amont ! Il ne s’agit pas de voter la réduction de la part du nucléaire en se disant que si, dans neuf mois – d’ici là, dormez braves gens ! – on s’aperçoit que cela coûte 80, 200 ou 300 milliards d’euros, on verra bien, qu’on retombera sur nos pattes ! Ce n’est pas comme cela que l’État fonctionne !

Je vous pose une question très simple. Je répète, pour que tout le monde comprenne bien : oui ou non le Gouvernement travaille-t-il sur une option à 0 % de nucléaire ? Les employés d’Areva, d’EDF et de toute la filière nucléaire ont besoin de le savoir.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. À question claire, réponse claire : non. Le Gouvernement ne travaille pas sur cette hypothèse. Le travail effectué par l’ADEME n’est pas une commande du Gouvernement. Les statuts de l’ADEME lui permettent de s’autosaisir. Ce travail alimente le débat, mais ce n’est pas une commande. Deuxièmement, vous savez parfaitement que ce travail est fait à horizon 2050, alors que celui qui sera à faire à partir des différents scenarii que nous allons retenir dans le cadre de la PPE sera pour 2030. Nous ferons ensuite les études d’impact sur ce qui sera retenu. Les choses ne peuvent pas être plus claires.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Monsieur Pancher, vous vous souvenez que Mme Jouanno était responsable de l’ADEME à une époque : ce n’est pas sous le seul gouvernement actuel que l’ADEME prend l’initiative de mener des réflexions sur un certain nombre de sujets. Je pense d’ailleurs qu’il est bon d’avoir dans le paysage de nos institutions des espaces de réflexion qui ne travaillent pas que sur l’ordre et la commande du Gouvernement. Cela permet d’alimenter le débat. Il ne doit donc pas y avoir de confusion.

M. Julien Aubert. Les études ne portaient pas sur le 0 % de nucléaire !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous avez dit, monsieur Aubert, que le texte définissait une « trajectoire ». Justement non : il pose un cadre. Il expose l’ensemble des leviers sur lesquels nous pouvons agir pour modifier la donne en matière de transition énergétique. La trajectoire, pour reprendre votre mot, c’est bien la PPE qui va la dessiner, c’est elle qui dira – un vrai travail d’épicerie fine ! – comment il faudra faire les choses. Le texte donne des objectifs, des leviers, un cadre général d’action, et la PPE posera la trajectoire. Ce texte n’est donc pas celui qui porte la trajectoire. Comme vous êtes très attaché aux mots, qui ont tous un sens, et que vous savez généralement très bien les utiliser, je voulais vous donner cette précision sémantique.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin, rapporteur. Mon appel ayant été entendu, et ayant eu confirmation du ministre que le rapport serait rendu public, je retire mon amendement. Et je précise à M. Aubert que c’est lorsque M. François Loos était président de l’ADEME que l’étude concernée a été lancée.

(L’amendement n809 est retiré.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous êtes tombé sur un Loos, monsieur Aubert ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. L’ADEME travaille bien lentement ! Il faudrait peut-être envoyer la Cour des comptes pour voir pourquoi c’est si lent…

Une trajectoire, monsieur le président Brottes, cela vous fait aller d’un point A vers un point B. Or, il est écrit dans votre loi qu’en 2015, on est à 75 % de nucléaire et qu’en 2025, on sera à 50 %. Il y a donc une pente qui mène de 75 à 50 %. Si ce n’est pas une trajectoire pour vous, dans mon vocabulaire, cela y ressemble furieusement ! Par ailleurs, j’aimerais savoir si un jour vous ferez des études sur 100 % de nucléaire.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est impossible !

M. Julien Aubert. J’ai en effet l’impression que les études sont toujours faites dans le même sens. Quand vous m’expliquez que cette loi va jusqu’en 2030 et que, peut-être, vous avez un plan secret pour une deuxième étape allant jusqu’en 2050, je me dis que les employés du secteur nucléaire sont rassurés au moins jusqu’en 2030…

(L’amendement n597 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n417.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants31
Nombre de suffrages exprimés30
Majorité absolue16
Pour l’adoption9
contre21

(L’amendement n417 n’est pas adopté et l’article demeure supprimé.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, sur l’article.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, je voudrais d’abord dire que vous présidez très bien. Tout à l’heure, vous avez dû prendre une décision difficile et vous l’avez fait. (Sourires et « Oui ! » sur divers bancs.)

M. le président. Deux Béarnais qui le disent devant un Landais ! Ce sera inscrit au compte rendu ! (Sourires.)

M. Jean Lassalle. C’était vraiment remarquable, monsieur le président ! Vous avez le doigté, et tout ce qu’il faut… Cela étant, s’agissant de cet article 2 qui concerne les politiques publiques en matière d’environnement, je voulais m’attacher, pour les secondes qui me restent, à ses aspects réglementaires.

Hier, j’ai eu l’occasion de dire ce que je pensais que la France pouvait imaginer pour ce grand projet d’avenir que peut être la reconversion énergétique, à condition que nous la conduisions bien. Ce pourrait être un projet dans lequel nous pourrions assumer à nouveau un certain leadership national. Mais j’ai précisé à Mme la ministre qu’il fallait alors un appui fort de la population, en particulier de ceux qui sont aujourd’hui les plus touchés par des mesures agro-environnementales qui n’ont, il faut bien le dire, ni queue ni tête.

Je pense notamment aux fameux SDAGE, schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux. Nos cours d’eau font l’objet d’un suivi millimétré de la part de personnes certainement très qualifiées mais qui ont complètement mis de côté ceux qui avaient l’habitude de s’en occuper depuis quelques décennies, dans l’esprit d’une tradition vieille parfois de plusieurs siècles. Résultat des courses : nos cours d’eau sont tellement plein de cailloux et de vase qu’ils arrivent quasiment au niveau des routes et des maisons avoisinantes. Quel débit peut-on avoir dans un cours d’eau archiplein ?

En outre, il n’y a plus aucun entretien des berges. En effet, il est absolument interdit, bien entendu, de couper une branche d’arbre ou même d’ôter une feuille. Par conséquent, nous avons un réseau hydraulique en très mauvais état, du sommet des montagnes jusqu’à la mer en passant par les villes, et chaque fois qu’il y a des intempéries, comme encore tout récemment, cela cause des catastrophes absolues dans les villes traversées par ces cours d’eau.

Il n’y a plus de paysans pour entretenir les campagnes. Maire, je les voyais encore il y a quelques années : dès qu’un arbre tombait, tous les voisins se précipitaient aussitôt. C’était même à celui qui en prenait possession le premier pour se chauffer ! Maintenant, il n’y a plus personne. Tout s’accumule, tout s’amoncelle, il y a des embâcles, et lorsque cela se passe à Oloron-Sainte-Marie ou à Pau, cela cause des désastres absolus qui coûtent très cher. Il y a même des territoires qui sont encore plus touchés, et notamment le Pays basque, dont j’ai l’honneur d’être le député. Si les cours d’eau avaient été entretenus, nous aurions pu réviser au moins de moitié la facture des inondations de l’an dernier dans cette région.

Je tenais à en parler car même si cela paraît relever du simple bon sens, force est de constater que ce n’est plus le cas aujourd’hui. Sans compter que nous sommes zonés de toutes parts. Bien sûr, pas dans les Landes, monsieur le secrétaire d’État, parce que vous avez été assez subtil, avec M. Emmanuelli, pour passer à côté de l’écueil, nous laissant à nous, Basques et Béarnais, le soin d’accueillir toutes les réglementions d’Europe et du monde…. Nous avons des ZNIEFF – zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique – des ZICO – zones importantes pour la conservation des oiseaux – et autres zones Natura 2000, plus sympathiques les unes que les autres…

On ne peut dans ces conditions plus rien entreprendre. Sans parler bien entendu des parcs nationaux : on aurait pu faire de chouettes choses, depuis leur création en 1960, si on n’avait pas adopté le système américain ! Mais forcément, là-bas, ils peuvent se permettre d’exploiter une mine à ciel ouvert de nickel ou un puits de pétrole tout en disposant, trois kilomètres plus loin, d’un million d’hectares pour faire un parc national, géré par trois acteurs d’opérette, l’un habillé en chasseur, l’autre en trappeur et le troisième en garde-moniteur ! La France, bien qu’étant un pays vaste, est tout de même plus restreinte que les États-Unis.

M. le président. Monsieur l’orateur…

M. Michel Piron. Mais ça a du charme, monsieur le président !

M. Jean Lassalle. Vous présidez très bien, monsieur le président…

Je conclurai simplement en disant à M. le secrétaire d’État que si nous voulons disposer d’un large appui pour un nouvel élan de notre conversion énergétique…

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Mais il n’a plus de temps de parole !

M. Jean Lassalle. …il faut aller le chercher dans les campagnes. Je ne vous dis pas dans quel état elles sont. Vous ne l’ignorez pas, monsieur le secrétaire d’État. La réglementation à tout-va ne convient pas à ce beau pays de France.

Je vous remercie, monsieur le président, et vous prie de m’excuser pour les quarante-cinq secondes que je vous ai tapées, mais c’était pour dire du bien de vous.

M. le président. Une minute trente, monsieur l’orateur. J’étais tiraillé…

M. Michel Piron. Il y avait tout de même une poétique ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 2, qui évoque les grandes orientations de la politique énergétique, est, comme l’article 1er, un ensemble de vœux pieux dont on peut certes partager les objectifs : soutien à la croissance verte, maîtrise de la consommation d’énergie, information sur l’impact environnemental des biens ou des services… Mais comment pouvez-vous affirmer à l’alinéa 5 que les politiques publiques « concourent au renforcement de la compétitivité de l’économie française et à l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages » alors que la politique menée par le Gouvernement aboutit au contraire ?

L’article 1er, que l’Assemblée a voté hier, fixe des objectifs vertueux mais que notre situation économique ne nous permettra pas de réaliser. Vous imposez à notre pays des engagements pour 2020, 2025, voire 2050, mais sans lui donner les moyens de les réaliser. C’est devenu du reste la méthode de travail du Gouvernement. Sans étude d’impact, comment avancer ?

Ainsi, comment allons-nous financer la fermeture des réacteurs nucléaires, ou encore le développement des énergies renouvelables ? L’exemple de nos voisins allemands devrait vous alerter, monsieur le secrétaire d’État : ce pays a lui aussi décidé un virage énergétique dont les conséquences écologiques sont dramatiques, avec l’ouverture de centrales à gaz et à charbon. Quant aux conséquences économiques, elles le sont aussi : estimé il y a deux ans à 30 milliards d’euros annuels sur huit ans, soit 2 000 euros par an et par foyer, le coût total de la transition énergétique allemande est maintenu revu à 1 200 milliards d’euros… Sans compter que notre situation budgétaire est tout de même moins favorable que celle de nos voisins. Quel impact aura donc la transition énergétique française ? Quelles en seront les conséquences pour les consommateurs, sachant que le prix de l’électricité est en Allemagne 88 % plus élevé que le tarif français ?

Bref, ce texte, dont le but est de fédérer votre majorité défaillante, est inadapté à notre situation.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n598.

M. Thierry Benoit. Nous pensons, à l’UDI, que la transition énergétique suppose de mobiliser un certain nombre d’acteurs, notamment ceux du secteur du bâtiment et de la filière bois. Ils constituent des leviers. Ils ont besoin d’être soutenus. Je pense que cela n’altérerait pas la loi que de l’inscrire dans le texte. Nous affirmerions ainsi notre volonté de concilier les enjeux écologiques, les enjeux de transition énergétique et les enjeux de développement économique et de création d’emplois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Cet amendement fait spécifiquement référence au secteur du bâtiment et à la filière bois, secteurs d’activité auxquels nous sommes comme vous, mon cher collègue, très attachés – vous connaissez l’engagement du président Brottes pour la filière bois. Mais on ne peut pas citer que deux secteurs dans le texte alors que beaucoup d’autres sont concernés par l’économie circulaire ! Et si on voulait les énumérer tous, on en oublierait probablement. En outre, le texte évoque l’ensemble des secteurs de l’économie, et couvre donc bien évidemment ceux que vous évoquez. Avis donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même si je suis très attaché à la filière bois, même avis que la rapporteure.

(L’amendement n598 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement n369.

M. Patrice Carvalho. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Les signataires de cet amendement caricaturent le rôle que ce projet de loi assigne à l’État. En effet, préserver la compétitivité des entreprises n’est qu’un de ses objectifs parmi d’autres, puisqu’il s’agit aussi de réduire la pollution et les émissions de gaz à effet de serre – dont vous avez vous-même rappelé l’importance hier, monsieur Carvalho – de garantir un accès à une énergie bon marché pour tous les ménages – sujet auquel vous êtes très attaché – et de sécuriser l’approvisionnement énergétique du pays. En poursuivant ces missions, l’État est bien le garant de l’intérêt public et collectif. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n369 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement n370.

M. Patrice Carvalho. Nous souscrivons pleinement à la philosophie de cet article qui vise à améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Une politique de transition énergétique doit en effet prendre en compte cette dimension afin que les évolutions en matière de consommation ne se traduisent pas par une dégradation des conditions de vie des ménages.

Cet amendement vise seulement à rappeler que nos politiques d’efficacité énergétique doivent être tournées en premier lieu vers les plus précaires. Loin d’être marginales, les situations de précarité énergétique concernent aujourd’hui un Français sur cinq, soit onze millions de personnes qui éprouvent des difficultés à se chauffer et à s’éclairer. Quelque quatre millions de foyers, soit environ huit millions de personnes, consacrent plus de 10 % de leurs ressources à leurs dépenses en énergie pour leur logement. En matière de politiques énergétiques, il nous semble que nous ne pourrons considérer nos objectifs comme atteints que lorsque nous serons parvenus à répondre aux défis économiques et environnementaux de notre temps tout en apportant des réponses pérennes aux défis sociaux auxquels nous avons à faire face. Nous vous proposons d’intégrer cette exigence dans le texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. La préservation du pouvoir d’achat concerne bien évidemment en premier lieu les ménages les plus précaires. En conséquence, avis favorable.

M. Patrice Carvalho. Ah !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n370 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement n519.

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. Cet amendement vise à compléter l’article 2 relatif à la déclinaison des objectifs de la politique énergétique au sein de l’ensemble des politiques publiques en rappelant la nécessité d’encourager l’autoconsommation d’énergie électrique. Elle est plus économe, évite les déperditions et les investissements. Elle joue donc un rôle moteur dans le développement de la filière des énergies renouvelables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Vous avez raison, monsieur Plisson : l’autoconsommation électrique doit être encouragée et nous avons besoin d’un cadre pour la favoriser. Avis favorable.

(L’amendement n519, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n810.

M. Denis Baupin, rapporteur. Cet amendement appelle le Gouvernement à oeuvrer non seulement bien sûr à l’adoption de ce projet de loi, que nous souhaitons la plus rapide possible, mais aussi à faire en sorte que les entreprises publiques de transport, d’énergie, de construction automobile dont l’État est actionnaire soient des leviers de la transition énergétique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. S’il revient à l’État actionnaire de définir ses orientations dans le cadre du contrôle qu’il effectue sur les entreprises dans lesquelles il a une participation, il ne me semble en revanche pas nécessaire que la loi le prévoie. Cela poserait notamment problème dans les entreprises dans lesquelles il est minoritaire : comment pourrait-il leur imposer une feuille de route ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Sur cet amendement, il faut distinguer la discussion formelle de l’objectif de fond, c’est-à-dire de la discussion politique.

D’un point de vue formel, cet amendement ne peut être voté en l’état puisqu’il vise les entreprises dans lesquelles l’État est actionnaire, ce qui soulève deux objections : la première, c’est qu’il peut être actionnaire minoritaire ; la seconde, c’est qu’il n’est parfois pas actionnaire mais propriétaire. Il faudrait donc le réécrire.

Sur le fond, l’objectif me paraît juste et rejoint ceux du Gouvernement. Mais il est logique que celui-ci n’ait qu’un discours, qu’il soit en première ligne pour appliquer les orientations qu’il a lui-même fixées dans ce texte et que la majorité soutient. Nul besoin de les lui rappeler.

Par conséquent, un amendement de cette nature et ainsi rédigé n’a pas sa place dans ce projet de loi. Je rappelle qu’il existe déjà des contrats de service public. Toutefois, le Gouvernement est sensible à l’idée que nous aurons probablement besoin, lorsque le projet de loi aura été adopté, d’une réflexion globale, sous une forme à déterminer mais sur laquelle nous travaillons déjà, portant sur une grille de lecture commune de l’application du texte – ce qui va dans le sens que vous souhaitez. Au bénéfice de ces explications et tout en partageant son objectif, je vous demande donc de le retirer.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour cette réponse très concrète. Je vais retirer mon amendement à la suite de l’engagement dont vous venez de nous faire part, mais en attirant votre attention sur le fait que si l’État est chez lui à la RATP ou à la SNCF, il y a aussi des constructeurs automobiles dont l’État est actionnaire : nous comptons beaucoup sur lui pour qu’il favorise la construction de véhicules plus sobres et plus propres.

(L’amendement n810 est retiré.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 3 AA

(L’article 3 AA est adopté.)

Article 3 A

(L’article 3 A est adopté.)

Article 3 B

M. le président. La parole est à M. Fernand Siré, pour soutenir l’amendement n326.

M. Fernand Siré. Je propose la suppression de cet article, qui oblige à la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels disposant d’une étiquette F ou G, c’est-à-dire dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures, qu’ils soient en propriété ou en location, avant 2025.

Cette mesure inquiète beaucoup les propriétaires, qui estiment qu’elle sera impossible à mettre en œuvre dans des délais aussi courts, pour des raisons techniques et surtout financières. Il est à craindre dans ces conditions que ne sortent du parc locatif privé un nombre important de logements qui ne répondraient plus aux nouveaux critères de décence. En pleine de crise du logement, ce serait difficilement concevable !

M. le président. La parole est à Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission spéciale. La date butoir avait été initialement fixée en 2030, puis en 2020, avant que la commission n’opte pour 2025. Un consensus a donc été trouvé et il me semble que l’équilibre est relativement satisfaisant, d’autant que les logements sociaux les plus énergivores font d’ores et déjà l’objet d’une obligation de rénovation, en application de la loi Grenelle I. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Avis défavorable.

(L’amendement n326 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 324 et 587.

La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n324.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 3 B prévoit une obligation de rénovation énergétique des bâtiments résidentiels avant 2025. L’amendement n324 propose, compte tenu des remontées du terrain et des inquiétudes des propriétaires, de revenir à la version adoptée en première lecture par l’Assemblée, avec une échéance en 2030. La rédaction actuelle risquerait d’aggraver la situation du parc locatif français dans une période de crise du logement ; elle ne paraît pas adaptée au contexte.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement n587.

M. Jacques Krabal. Au-delà des arguments qui viennent d’être développés, nous ne comprendrions pas que l’on n’en revienne pas au texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale. L’application de cette mesure serait compliquée ! Nous préférerions une perspective plus cohérente. Tel est l’objet de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis.

(Les amendements identiques nos 324 et 587 ne sont pas adoptés.)

(L’article 3 B est adopté.)

Article 3 C

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 328 et 589, tendant à supprimer l’article.

La parole est à M. Fernand Siré, pour soutenir l’amendement n328.

M. Fernand Siré. L’article 3 C prévoit une obligation de rénovation énergétique en cas de mutation de certains biens immobiliers. Les foyers les plus modestes ne pourront pas répondre à cette obligation. Il est certes indiqué qu’elle s’appliquera « sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats », mais qu’est-ce que cela veut dire ? Rien n’est véritablement précisé. L’État ne fournira pas de solutions individuelles aux personnes dans le besoin.

En la matière, il vaut mieux proposer des mesures incitatives qu’instaurer de nouvelles obligations qui mettraient de nombreuses personnes actuellement dans le besoin encore plus en difficulté.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement n589.

M. Jacques Krabal. L’argumentaire est le même : nous pensons que ce n’est pas une bonne idée, dans le contexte actuel, que de vouloir imposer à compter de 2030 une telle contrainte en cas de mutation. Cela va peser sur les prix. En outre, cette mesure ne nous semble guère réaliste compte tenu des difficultés sociales, techniques et juridiques qu’elle soulèverait.

Je précise qu’il s’agit d’un amendement auquel tient fortement mon collègue Joël Giraud.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Il est un argument qui n’a pas été développé, mais sur lequel je m’appuierai pour donner un avis favorable à ces amendements : c’est le fait qu’on puisse avoir un doute sur la conformité de l’article aux règles constitutionnelles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. La rédaction actuelle de l’article 3 C prévoit que l’obligation s’appliquera à partir de 2030, « sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats » : le principe a été fixé, reste à conduire la réflexion sur les conditions de sa mise en œuvre. Le Gouvernement estime qu’une telle rédaction ne comporte aucune prise de risque puisqu’elle ne répond pas à une volonté normative : il s’agit plutôt de donner une orientation. Mais compte tenu de la position de la commission, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale – peut-être pour demander une suspension de séance ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Non, pour intervenir dans le débat, monsieur le président.

Selon la formule consacrée, la loi est un commandement – n’est-ce pas, monsieur le secrétaire d’État ? Mais quand la loi prévoit qu’il faudra faire quelque chose sous réserve que des dispositions complémentaires auront été prises, cela devient compliqué, car la loi ne peut pas commander tant que l’on ne dispose pas de tous les éléments. On peut comprendre la gêne que cela provoque.

Il est évident que si l’on ne fait aucune recommandation, il n’y aura jamais de mise à niveau du parc. D’un autre côté, une injonction à faire assortie d’une réserve dont on ne connaît pas la teneur, voilà qui peut justifier des amendements de suppression ! Je peux donc comprendre le point de vue de Mme la rapporteure.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Le sujet est effectivement délicat, et l’on pourra difficilement le trancher en disant noir ou blanc. Il existe des propriétaires impécunieux, on le sait, et cette disposition soulève des enjeux financiers aussi bien qu’énergétiques. Une injonction brutale risquerait de donner des résultats inverses, pouvant aller jusqu’au blocage des transactions, voire, dans certains cas, jusqu’à un effondrement du patrimoine. D’ailleurs, cela se vérifie aussi en matière de restauration des bâtiments anciens : entre le désir de perfection d’un côté et des moyens nécessairement limités de l’autre, on aboutit parfois à des résultats qui sont l’inverse de ceux recherchés. L’enfer est parfois pavé de bonnes intentions ! Mais d’un autre côté, cela me gênerait de ne pas donner de signal. Je suis donc très partagé.

À mon avis, il s’agit plutôt d’un problème de rédaction, soit d’ordre législatif, soit d’ordre réglementaire. Il faudrait fixer un cadre incitatif, mais dont l’application ne serait pas d’une rigidité telle qu’elle bloquerait un certain nombre de mutations, voire provoquerait l’abandon d’une partie du patrimoine que l’on essaie de restaurer ou de préserver. Je le répète : la question n’est pas si simple qu’on puisse la traiter à la serpe !

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je dois avouer que je suis stupéfait : ce débat n’a pas eu lieu en commission ! Personne n’avait proposé la suppression de l’article, bien qu’il ait été ajouté par le Sénat. La majorité sénatoriale avait en effet estimé qu’il s’agissait d’un signal important à donner.

Ce serait pour le coup un très mauvais signal si l’Assemblée nationale rayait d’un trait de plume une incitation aussi forte. L’échéance a été fixée relativement loin, en 2030, afin d’envoyer un signal à l’ensemble des propriétaires, de sorte que les choses puissent se mettre en place progressivement. La réflexion menée dans le cadre du plan Bâtiment du Grenelle de l’environnement avait abouti à cette idée qu’il faudrait à terme fixer une obligation, mais à une échéance suffisamment éloignée pour que les gens aient le temps de s’organiser. C’est précisément ce qui est prévu par l’article. Il serait vraiment dommage de le supprimer.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je veux saluer l’argument d’autorité utilisé par M. Baupin, qui suit aveuglément le Sénat : voilà qui est nouveau, et qui mérite considération ! (Sourires.)

M. Bertrand Pancher. Vous allez voir : il va finir par y entrer !

M. Michel Piron. Mais si l’on n’en reste pas aux arguments d’autorité, comme le conseillait saint Thomas d’Aquin, il faudrait, je le répète, faire un travail afin de distinguer ce qui relève du champ législatif et ce qui relève du champ réglementaire, c’est-à-dire du décret. Une disposition législative qui resterait d’ordre indicatif mais permettait au domaine réglementaire d’aller plus loin dans les possibilités d’interprétation serait peut-être une piste à suivre. Mais peut-être le ministre pourrait-il nous en proposer, des pistes… d’atterrissage ?

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Appartenant au même groupe que Michel Piron, je ne peux que suivre son avis, d’autant qu’il est un spécialiste des questions de logement.

Je pense que le décret en Conseil d’État pourrait préciser non seulement, comme l’indique l’alinéa 2, le calendrier progressif d’application de l’obligation, mais aussi les modalités de sa mise en œuvre. Je suis pour ma part attaché, et je souscris en cela à la réflexion de Denis Baupin, à ce que des obligations précises en matière de rénovation soient fixées. Cela étant, cela a un coût élevé.

Il en est de même pour des domaines comme l’assainissement des logements individuels : on ne vend bien que si la maison est assainie ; si cela n’a pas été fait, cela provoque une décote… Mais tout cela ne peut être déconnecté des incitations financières et des moyens mis à disposition des populations en difficulté.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je demande une suspension de séance. Mais auparavant, je voudrais dire quelques mots.

Nous avons prévu dans le texte des mécanismes de tiers financement afin de favoriser la réhabilitation des bâtiments privés.

M. Michel Piron. C’est vrai !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous avons notamment conçu un système de prêt Avance Mutation, suivant lequel un tiers qui financerait la totalité des travaux se rémunérerait sur la mutation du bien. Cela prendra du temps, mais c’est en train de se mettre en place. Voilà un exemple qui montre que des outils financiers sont d’ores et déjà en train d’apparaître. L’avenir nous montrera, me semble-t-il, que les biens qui n’auront pas accompli cette mutation sortiront du marché, car ils ne trouveront sûrement pas preneur.

Cependant, si une famille pas forcément aisée hérite d’un bien familial dans un état déplorable et qu’il faut lui annoncer qu’elle hérite, mais que ça va d’abord coûter parce qu’après les frais de succession, il faudra encore payer la rénovation, on risque de déclencher des situations extrêmement difficiles.

L’affaire n’est donc pas simple, et c’est pourquoi la rapporteure a donné un avis favorable aux amendements de suppression : la rédaction actuelle ne nous donne pas un terrain d’atterrissage compatible avec la réalité de la vie quotidienne et des situations familiales d’un certain nombre de nos concitoyens. Cela ne veut pas pour autant dire, monsieur Baupin, que l’objectif est abandonné : je vous rappelle que les mécanismes de tiers financement en direction du privé visent à apporter des réponses dans un temps compatible avec l’échéance retenue, et que le marché, dans sa brutalité, fera le tri entre les logements qui – passez-moi l’expression – ne seront plus achetables et ceux qui auront accompli cette mutation indispensable.

Cela étant dit, je vous confirme, monsieur le président, ma demande de suspension de séance.

M. le président. Si vous le voulez bien, monsieur le président de la commission spéciale, et pour la clarté de nos débats, je propose que M. le secrétaire d’État s’exprime avant la suspension.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. S’agissant de l’existence d’un problème de constitutionnalité, puisque c’est l’argument qui a conduit Mme la rapporteure à donner un avis favorable à ces amendements de suppression, le Gouvernement ne partage pas cette analyse juridique. La question de constitutionnalité qui a pu être soulevée était liée à l’éventualité d’une atteinte à la propriété privée. C’est justement pour l’écarter que le Sénat a ajouté « sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats » : ainsi, le texte ne porte plus en lui-même atteinte à la propriété privée. Cette formulation a été élaborée par le Sénat à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. L’argument ne paraît donc pas déterminant au Gouvernement.

La question qui se pose n’est pas tant celle de l’objectif, qui paraît bien normal et en cohérence avec l’objet du projet de loi, que celle de l’application du principe aux réalités de la vie. Le président Brottes a donné l’exemple d’un certain nombre de situations auxquelles naturellement, demain, les gouvernants seront confrontés. J’en évoquerai d’autres : quand une personne âgée qui part en maison de retraite vend son bien afin de payer son hébergement, c’est bien une mutation au sens de la loi, mais faut-il la soumettre à la contrainte de l’article 3 C ? Je ne pense pas que ce soit l’objectif du législateur. De même, séparations et liquidations de régimes de communauté en cas de divorce entraînent des mutations, mais ce sont en quelque sorte des mutations forcées. Il me semble que l’esprit du texte vise plutôt les mutations volontaires, les ventes réalisées en vue de l’acquisition d’un autre bien, non les ventes qui résultent des contraintes de la vie.

Je le dis clairement : le Gouvernement entend évidemment prendre en compte l’ensemble de ces situations dans ses textes réglementaires. Les outils financiers auxquels il est fait référence dans le texte sont là pour ça. Je tenais à vous le dire avant la suspension de séance. Il ne s’agit pas d’outils financiers au sens large, mais des outils financiers qui répondent aux situations particulières qui sont soulevées, des outils qu’il nous faudra inventer.

Le Gouvernement s’en est donc remis à la sagesse de l’Assemblée nationale. Nous pourrons reprendre utilement le débat après la suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Sabine Buis, rapporteure.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je me suis tout à l’heure appuyée sur un point précis pour donner un avis favorable aux amendements soumis à notre examen, mais j’ai été largement rassurée par les explications complémentaires que M. le secrétaire d’État a bien voulu nous donner. Cette difficulté ayant été levée, je vous propose donc maintenant de rejeter, chers collègues, ces amendements. Cependant, il faudra être extrêmement vigilants quant à la rédaction du décret qui listera l’ensemble des cas. Les travaux de rénovation doivent être perçus comme une mesure non pas punitive mais qui permette d’aller de l’avant.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. J’ai bien noté que les cas particuliers de vente forcée ou de cession non souhaitée évoqués par M. le secrétaire d’État, qui résultent d’accidents de la vie, seront pris en compte. Je voudrais simplement souligner qu’on voit ici les limites d’une politique du logement jacobine et uniforme, malheureusement, sur l’ensemble du territoire.

Dans un État un peu plus décentralisé, un État véritablement décentralisé, comme le dit la Constitution et comme la France l’est en réalité si peu, un champ d’adaptation réglementaire pourrait être dévolu aux régions. Et, pardon, les réponses ne seraient certainement pas les mêmes en Champagne-Ardenne et en Île-de-France ou, pour le dire autrement, dans les zones tendues, où l’on est assuré que les logements se vendent, et dans les zones qui ne le sont pas, où cette disposition risque au contraire d’accroître le nombre de logements vacants. Il est incontestable qu’entre le Limousin, la Champagne-Ardenne et certains endroits particulièrement tendus de la région Rhône-Alpes ou d’Île-de-France, les réponses ne devraient pas être les mêmes. Nous pourrions imaginer de nous baser sur la cartographie déjà existante des zones tendues pour peut-être commencer une expérimentation, avec toutes les réserves indiquées, avant de nous lancer dans quelque aventure assez hasardeuse pour l’avenir même du patrimoine bâti.

M. le président. Je dois demander aux auteurs des amendements si, compte tenu des explications qui ont été données, ils les maintiennent.

La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. J’ai bien entendu l’explication de Mme la rapporteure. Je veux bien admettre que la constitutionnalité du texte ne pose pas problème mais, de mon point de vue, cela ne résout pas les problèmes de fond : comment pourra-t-on contraindre à ces travaux quelqu’un qui vend son bien à la suite d’un divorce ou d’un départ en maison de retraite ?

En outre, le dispositif n’est pas rationnel : les travaux effectués par le vendeur ne correspondront pas forcément aux souhaits de l’acquéreur ! S’il doit y avoir obligation, et cet objectif m’apparaît plus que louable, et même nécessaire, ce n’est pas le vendeur qu’il faudrait obliger à réaliser des travaux de rénovation énergétique, mais bien évidemment le futur occupant du logement.

En adoptant l’article 3 C, nous ne faciliterons pas la vente des logements et certaines maisons vont devenir taudis. Je ne pense pas que cela soit une bonne chose.

M. le président. Dois-je en déduire que vous maintenez votre amendement, monsieur Krabal ?

M. Jacques Krabal. Oui, monsieur le président.

M. le président. Sur l’amendement n328, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. J’en déduis qu’il est maintenu…

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le débat a été utile : tout en partageant le même objectif, nous avons évoqué les questions soulevées par cette mesure tant en matière juridique, et notamment de constitutionnalité, que s’agissant de ses conditions pratiques de mise en œuvre.

Monsieur Piron, parmi les paramètres qui figureront dans le décret, outre ceux portant sur ces « outils financiers adéquats » relatifs aux situations individuelles dont un certain nombre d’exemples ont été donnés, nous pourrons évidemment réfléchir à un paramètre de nature différente, qui prendrait en compte la situation du marché immobilier. Nous pourrons effectivement prévoir une démarche plus restrictive pour les marchés tendus, où l’on sait que les mutations poursuivent parfois un objectif surtout spéculatif.

Les débats à l’Assemblée nationale font l’objet d’un compte rendu. Nos discussions permettront donc à ceux qui auraient une lecture abrupte de ce texte et pourraient s’interroger sur sa portée d’être éclairés en lisant le compte rendu des débats d’aujourd’hui. C’est pourquoi le Gouvernement rejoint la position de la rapporteure.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. De mon point de vue, il reste une difficulté juridique. Pour imposer une obligation en fonction de la performance énergétique d’un logement, il faut se référer au diagnostic de performance énergétique – DPE, lequel n’est pas juridiquement opposable. Les résultats de ce diagnostic sont même parfois très aléatoires ! Or je ne vois pas comment on pourrait obliger quelqu’un à réaliser des travaux sur la base d’un document qui n’est pas juridiquement opposable.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin, rapporteur. Pour répondre à cette objection, monsieur Bricout, le DPE a vocation à évoluer. Le décret en Conseil d’État devra préciser les choses. Il est clair que ce diagnostic ne suffit pas, mais nous parlons d’une disposition qui ne s’appliquera qu’à partir de 2030.

Mme Michèle Bonneton. Et dont la mise en œuvre s’étalera même jusqu’en 2050 !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 328 et 589.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants40
Nombre de suffrages exprimés36
Majorité absolue19
Pour l’adoption10
contre26

(Les amendements identiques nos 328 et 589 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Sabine Buis, pour soutenir l’amendement n173.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Il est rédactionnel.

(L’amendement n173, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n777.

Mme Michèle Bonneton. Les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement – CAUE – existent sur l’ensemble du territoire. Ils connaissent bien le contexte local et ont une expertise incontestée. L’amendement n777 vise à préciser qu’il est souhaitable de faire appel à leurs compétences, leur rôle devant être fixé par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, institués par la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, ont, par définition, un rôle de conseil qu’il n’est pas nécessaire de réaffirmer, me semble-t-il, dans le présent projet de loi.

M. Michel Piron. Cela tombe sous le sens !

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je propose donc à Mme Bonneton de retirer son amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. À défaut d’un retrait, avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. De même que la rapporteure, je pense qu’il n’est pas nécessaire de répéter plusieurs fois la même chose. En revanche, je tiens à souligner à mon tour l’intérêt et la qualité du travail de ces CAUE, sans lesquels beaucoup de bêtises auraient été faites dans nos départements. Quand ils sont impliqués, ils réalisent un travail considérable. Ils font partie des organismes qui ont souvent aidé les élus à s’inscrire dans une logique de développement durable, beaucoup plus que ne l’aurait fait n’importe quel autre conseil. Demander le retrait de cet amendement, ce n’est pas dénigrer le travail des CAUE.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Merci, monsieur le président Brottes, pour ces paroles concernant les CAUE. Cependant, je ne retirerai pas mon amendement car il faut vraiment insister pour donner à ces conseils une reconnaissance officielle.

(L’amendement n777 n’est pas adopté.)

(L’article 3 C, amendé, est adopté.)

Article 3

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 520 et 599.

La parole est à M. Philippe Bies, pour soutenir l’amendement n520.

M. Philippe Bies. Cet amendement vise à rétablir la version de l’article 3 adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

Lors de l’examen de cet article en commission spéciale au Sénat a été introduite la notion de dérogation motivée, ce qui restreint assez fortement la portée de l’article et limite son caractère opérationnel. Au nom de la simplification et du bon sens, nous proposons donc de revenir à la rédaction initiale de l’article 3.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n599.

M. Michel Piron. Le Sénat a inversé la logique de l’article 3, ce qui risque non seulement d’en restreindre la portée, mais également de le neutraliser définitivement, il faut bien le dire. En l’état actuel, l’interdit serait la règle et une décision motivée de la commune serait nécessaire pour y déroger. Très franchement, j’ai du mal à comprendre la logique qui a présidé à la réflexion du Sénat, par ailleurs habituellement assez longue, sinon profonde. Je préfère donc revenir à la version adoptée par l’Assemblée nationale.

M. Denis Baupin, rapporteur. Nous sommes d’accord !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable au maintien de la rédaction du Sénat : il est donc défavorable à ces amendements qui visent à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale.

La rédaction du Sénat nous semble préférable afin d’assurer un bon équilibre entre la facilité ouverte aux travaux d’isolation, qui permet d’accélérer la rénovation énergétique des bâtiments, et le respect de la qualité architecturale et de l’insertion paysagère des constructions concernées. Elle permet de promouvoir les isolations par l’extérieur en dérogeant aux règles du plan local d’urbanisme tout en préservant la capacité d’appréciation de l’autorité compétente en matière d’urbanisme.

Le débat sur cet article au Sénat a permis de lever l’ambiguïté de la rédaction initiale, selon laquelle le permis de construire ou d’aménager « ne peut s’opposer » à la mise en œuvre de travaux d’isolation, alors que c’est bien l’autorité administrative qui autorise.

Par ailleurs, la question de la hauteur différenciée selon les procédés constructifs doit logiquement être traitée à l’article L. 127-1 du code de l’urbanisme relatif au bonus de constructibilité en fonction des performances environnementales. C’est pourquoi cette disposition a été déplacée à l’article 4 du présent projet de loi.

En conséquence, le Gouvernement souhaite le maintien de la rédaction issue des travaux du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

M. le président. Sa durée sera décomptée du temps de parole du groupe SRC.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. La suspension a été très fructueuse. Pour nous conforter dans notre décision vraisemblable de retirer notre amendement, je voudrais simplement que le ministre nous précise que la motivation prévue par l’article n’est pas une motivation spécifique générant une procédure ad hoc qui nuirait complètement à l’effectivité de la dérogation.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à la rédaction issue des travaux du Sénat. Votre question est, bien entendu, légitime. Dans la rédaction du Sénat, la motivation doit être comprise au sens des règles générales de la motivation des actes administratif. C’est l’inverse qui ne serait pas possible. Je vous confirme qu’il ne s’agit pas d’une motivation spécifique qui viendrait complexifier la démarche. Au bénéfice de ces observations, je pense que ces amendements pourraient être retirés.

M. le président. Monsieur Caullet, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Yves Caullet. Il est retiré.

(L’amendement n520 est retiré.)

M. le président. Monsieur Piron ?

M. Michel Piron. Je le retire, avec beaucoup de perplexité.

(L’amendement n599 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement n305.

M. Jean-Marie Tetart. Après un certain suspens autour de ces amendements, nous en restons à la rédaction du Sénat. Mon amendement vise à compléter l’alinéa 3, car il n’est pas imaginable que l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire puisse déroger aux règles lorsqu’il s’agit de monuments historiques ou de zones sensibles d’un point de vue patrimonial. M. le président de la commission a rappelé le rôle que peuvent jouer les CAUE dans la prise de décision. Les autorités ne doivent pas pouvoir accorder des dérogations lorsqu’il s’agit de tels monuments ou zones.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est ce qui est prévu par l’alinéa 8 !

M. Jean-Marie Tetart. Compléter l’alinéa 8 sera l’objet d’un amendement à venir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Avis défavorable. Il n’est pas approprié d’exclure automatiquement toutes les zones sensibles dans leur globalité. Il pourra être possible, par exemple, d’isoler des façades sur cour qui ne sont visibles ni depuis la rue ni depuis un monument situé à proximité.

(L’amendement n305, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 41, 451 et 585.

La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement n41.

M. Jean-Marie Tetart. Il s’inscrit dans la continuité du précédent. Le président de la commission considère que l’alinéa 8 nous apporte toute sécurité à ce sujet, mais cet alinéa se limite à préciser que la capacité dérogatoire ne peut s’exercer pour des édifices ou parties d’édifices construits en matériaux traditionnels. Cela comprend la façade dont vous parliez à l’instant, madame la rapporteure ! Tout cela se fera donc au cas par cas, édifice – ou partie d’édifice – par édifice.

En outre, qu’est-ce que des matériaux traditionnels ? On ouvre la porte à la plus grande incertitude. Par un amendement à venir, je demanderai qu’on ait la sagesse de réaliser des études et des diagnostics sur la manière de mener à bien la transition énergétique et la rénovation dans un secteur sauvegardé en préservant la cohérence d’ensemble, plutôt que d’agir au coup par coup, édifice par édifice, matériau par matériau, méthode qui nous conduira à la catastrophe.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n451.

M. Julien Aubert. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n585.

M. Joël Giraud. L’argumentaire est le même. La capacité dérogatoire ne pourra être exercée convenablement, car la notion d’édifices construits en matériaux traditionnels n’a juridiquement aucun sens. En outre, l’isolation par l’extérieur peut être dans certains cas une bonne solution. Cela doit être évalué au cas par cas. Certains PLU autorisent du reste des isolations par l’extérieur.

Bref, l’alinéa 8 reviendrait à exclure systématiquement de toute dérogation quelque chose qui n’est pas défini juridiquement et pourrait en outre s’avérer tout à fait inefficace sur le plan de l’isolation du bâtiment. Nous ferions donc œuvre utile en le supprimant.

(Les amendements identiques nos 41, 451 et 585, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés et les amendements nos 442, 42, 778 et 849 tombent.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n964.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Dans sa rédaction actuelle, le II de l’article 4 prévoit que les bâtiments publics contiennent « un minimum de matériaux issus de ressources renouvelables ou recyclées, définis par décret en Conseil d’État. » Cette disposition s’inscrit pleinement dans l’esprit du projet de loi mais la rédaction présente certaines difficultés. En effet, un matériau issu de ressources renouvelables ou recyclées n’est pas systématiquement écologique, comme un matériau recyclé mais qui aura demandé une grande quantité d’énergie pour être transformé, ou encore une maison construite avec du bois ayant parcouru de grandes distances jusqu’au chantier. En outre, la rédaction introduit une obligation de moyen et non de résultat. Or des exigences de résultat laissent plus de liberté aux concepteurs et aux industriels et sont moins susceptibles de faire l’objet d’un recours.

C’est pourquoi le Gouvernement propose un amendement qui vise à conserver l’esprit de la mesure en la consolidant sur le plan juridique et en la rendant encore plus ambitieuse. Il est donc proposé : d’ouvrir le champ des possibles en supprimant l’exigence de moyens prévue dans la rédaction actuelle ; d’élargir le périmètre de la mesure à toutes les constructions, publiques comme privées ; d’affirmer l’importance des bâtiments à faible empreinte carbone par la rédaction d’un nouvel alinéa, qui souligne également l’importance de la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre tout au long du cycle de vie des bâtiments ; de compléter la réglementation par l’encadrement de l’empreinte carbone d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie en modifiant le troisième alinéa de l’article L. 111-9 du code de la construction et de l’habitation.

Le bois et les matériaux recyclés, qui, sous réserve des cas cités ci-dessus, présentent le plus souvent d’excellentes performances dans le cadre d’une analyse en cycle de vie, seront ainsi favorisés dans la construction grâce à leurs performances.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Nous partageons cette analyse. Avis favorable.

(L’amendement n964 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 698, 600, 230, 291, 371 et 452, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 230, 291, 371 et 452 sont identiques.

La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n698.

M. Joël Giraud. Cet amendement vise à préciser la notion d’exemplarité environnementale des bâtiments tout au long de leur cycle de vie. Il assure également une bonne coordination avec les objectifs de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n600.

M. Thierry Benoit. L’adoption de l’amendement n964 du Gouvernement modifie quelque peu le contenu de l’alinéa 2. Le groupe UDI souhaite apporter une précision, en insérant l’alinéa suivant : « Sont réputées faire preuve d’exemplarité environnementale les constructions privilégiant les matériaux issus de ressources renouvelables ou recyclées. » Qui peut le plus peut le moins, en somme ! Il s’agit d’encourager l’écoconstruction en respectant la logique du Gouvernement, mais sans imposer de contraintes à la sphère publique, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités territoriales.

Bref, nous avons souhaité rétablir la rédaction issue de la commission. En effet, l’adoption de l’amendement du Gouvernement fait tomber des dispositions introduites par l’UDI par amendement en commission. Il s’agit là d’un compromis permettant d’aller dans le sens du Gouvernement sans imposer trop de contraintes et en restant dans le cadre strict de la loi. Surtout, c’est conforme à ce que souhaiterait le Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement n230.

M. Jean-Yves Caullet. L’objectif est le même, mais la rédaction de cet amendement permettrait d’intégrer la notion d’exemplarité sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. En outre, elle permettrait que soit la performance des matériaux, plutôt que leur nature, qui soit sujette à recours. Cet amendement me semble cohérent avec ce qu’a dit le secrétaire d’État lors de la présentation de l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement n291.

M. Michel Heinrich. Il a été suffisamment expliqué. Il s’inscrit dans le droit fil de l’amendement proposé par le Gouvernement et que nous avons adopté.

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement n371.

M. Patrice Carvalho. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n452.

M. Alain Leboeuf. Je crois qu’il est important de parler non seulement de performance énergétique mais aussi de performance environnementale : tel est l’objet de cet amendement. Je rappelle, en outre, que, dans le cadre d’une bonne coordination avec les objectifs de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, cet alinéa est indispensable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’amendement n698 de M. Giraud a été rejeté en commission. Personne n’est aujourd’hui capable de calculer les coûts imputés aux externalités environnementales qu’il souhaite ériger en critères d’exemplarité. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable, mais je précise, monsieur Giraud, que tout comme vous, j’ai hâte que nous soyons en mesure de le faire.

S’agissant de l’amendement n600 de M. Benoit, l’alinéa 2 tel qu’il a été adopté en commission impose que toutes les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage publique doivent contenir un minimum de matériaux issus de ressources renouvelables ou recyclées, définis par décret en Conseil d’État. Cette obligation permet de satisfaire votre préoccupation, monsieur Benoit, et c’est la raison pour laquelle je vous propose de le retirer.

S’agissant des amendements identiques, la discussion a déjà eu lieu en première lecture, puis de nouveau en commission en nouvelle lecture. Ils ont été rejetés par la commission. Les analyses en termes de cycle de vie sont intéressantes et prometteuses, et je les partage, puisqu’elles tentent de quantifier les flux de matière et d’énergie entrants et sortants à chaque étape du cycle de vie d’un produit et également d’évaluer leur impact environnemental en termes de consommation d’énergie, d’émission de gaz à effet de serre, d’épuisement des ressources naturelles et de volume de déchets générés. Mais il faut néanmoins admettre qu’il s’agit d’approches qui, en termes de concepts, de méthodes ou de référentiels, ne sont pas encore pleinement matures. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il n’y a pas de discussion de fond sur ce sujet, mais un débat d’opportunité sur ce qu’il faut inscrire ou non dans la loi. L’amendement qui vient d’être adopté à la demande du Gouvernement répond pour l’essentiel aux aspirations qu’ont exprimées les auteurs de ce ces amendements. En effet, la performance environnementale des bâtiments est intimement liée à leur performance énergétique : elle apporte aux bâtiments une dimension bas carbone qui répond aux objectifs de la loi et aux exigences de la lutte contre le dérèglement climatique.

Cette performance, vous avez raison, doit se mesurer sur l’ensemble du cycle de vie : on sait en effet que les bâtiments neufs construits aujourd’hui ont un impact environnemental au moins aussi important lors de la phase de construction qu’au cours des phases ultérieures. C’est pourquoi l’amendement que l’Assemblée a adopté permet d’aller vers le bâtiment à faible empreinte carbone en prenant en compte l’ensemble de son cycle de vie. Cette performance environnementale s’applique à toutes les constructions, et pas uniquement aux bâtiments publics.

Il me semble que, compte tenu de l’adoption de cet amendement, les objectifs recherchés par les uns et par les autres sont atteints. Par conséquent, je souhaite que tous ces amendements puissent être retirés.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je souhaite obtenir un éclaircissement complémentaire concernant la portée juridique de cet exemplarité environnementale, qui serait liée à l’affichage des coûts imputés aux externalités. Non seulement ces coûts sont incertains, mais en quoi le fait de les afficher rendrait-il les constructions exemplaires d’un point de vue environnemental ? On peut imaginer que ces coûts soient très élevés : en quoi seraient-ils exemplaires ? Est-ce véritablement sur ce petit socle des coûts que la notion d’exemplarité environnementale doit reposer ? J’avoue que je m’interroge quelque peu, y compris au regard de la portée juridique que l’on pourrait ensuite attribuer à un tel socle.

M. le président. Monsieur Giraud, maintenez-vous l’amendement n698 ?

M. Joël Giraud. Je le maintiens.

M. le président. Monsieur Benoit ?

M. Thierry Benoit. Il faut être tenace : monsieur le secrétaire d’État, l’adoption, tout à l’heure, de l’amendement du Gouvernement a eu pour conséquence de supprimer totalement les notions d’exemplarité environnementale et de constructions privilégiant les matériaux issus de ressources renouvelables ou recyclées. C’est ainsi que je le comprends.

J’ai été attentif aux réponses de Mme la rapporteure et de M. le secrétaire d’État et je suis convaincu de la bonne volonté de chacun, mais je m’interroge sur le fait que ces notions, qui avaient été précisées par amendement en commission, aient été supprimées.

C’est par précaution que le groupe UDI avait déposé cet amendement n600 qui précise, en restant fidèle à l’état d’esprit du Gouvernement : « Sont réputées faire preuve d’exemplarité environnementale les constructions privilégiant les matériaux issus de ressources renouvelables ou recyclées. » Je vous pose la question, monsieur le secrétaire d’État.

M. le président. Monsieur Caullet, maintenez-vous l’amendement n230 ?

M. Jean-Yves Caullet. Compte tenu des explications de M. le secrétaire d’État, et du fait que le décret prendra en compte la totalité du cycle de vie des bâtiments, je le retire.

(L’amendement n230 est retiré.)

M. le président. Monsieur Heinrich, maintenez-vous l’amendement n291 ?

M. Michel Heinrich. Je le maintiens, car à mon sens il complète l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Monsieur Leboeuf, maintenez-vous l’amendement n452 ?

M. Alain Leboeuf. Oui.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Thierry Benoit. Monsieur le secrétaire d’État, notre amendement est acceptable !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je vais vous répondre, monsieur Benoit. L’adoption de l’amendement n964 du Gouvernement a simplement eu pour conséquence de déplacer, et non de supprimer l’objectif. En réalité, il insère bien au troisième alinéa de l’article L. 111-9 du code de la construction et de l’habitation les mots « sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment ». On retrouve donc là ce que vous pensiez avoir été supprimé. Ce déplacement renforce d’ailleurs probablement la portée de la disposition puisqu’il en fait une obligation de résultat alors que la rédaction précédente revenait à une obligation de moyens.

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le secrétaire d’État, vous m’avez convaincu, et pour vous être agréable, nous retirons l’amendement n600. Voyez comme nous sommes attentifs et constructifs !

M. Michel Piron. Exemplaires.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Durablement. (Sourires.)

(L’amendement n600 est retiré.)

M. le président. Nous allons donc procéder au vote. Je rappelle que les amendements nos 698, 600 et 230 ont été retirés. Le vote portera donc sur les trois amendements identiques qui ont été maintenus.

(Les amendements identiques nos 291, 371 et 452 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n601.

M. Thierry Benoit. Monsieur le secrétaire d’État, je suis certain que vous serez cette fois attentif à ma proposition ! L’alinéa 4 prévoit que les collectivités territoriales peuvent bonifier leurs aides financières ou octroyer prioritairement ces aides aux bâtiments à énergie positive ou qui font preuve d’exemplarité énergétique et environnementale. Nous proposons, dans la ligne de notre débat de tout à l’heure, que ces mêmes bonifications et ces mêmes aides puissent également bénéficier aux bâtiments intégrant des matériaux issus de ressources renouvelables ou recyclées. Je suis certain, madame la rapporteure, monsieur le secrétaire d’État, que cet amendement est recevable.

M. le président. Madame la rapporteure, donnerez-vous satisfaction à M. Benoit ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Je pense, tout comme vous, monsieur Benoit, que cet amendement est recevable..

M. Thierry Benoit. Ah !

Mme Sabine Buis, rapporteure. …mais je vais vous expliquer pour quelle bonne et simple raison je vous demande de le retirer.

M. Thierry Benoit. Oh !

Mme Sabine Buis, rapporteure. L’utilisation de matériaux issus de ressources renouvelables ou recyclées peut bien sûr aller dans le sens de l’exemplarité environnementale. Pour autant, force est de constater que ce n’est pas toujours le cas, notamment dans le cas de matériaux recyclés qui auraient nécessité de grandes quantités d’énergie afin d’être transformés, ou de volumes de bois transportés sur de longues distances. Ces procédés ne sont pas écologiquement vertueux. C’est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis : retrait ou défavorable.

M. le président. Monsieur Benoit ?

M. Thierry Benoit. Retiré.

(L’amendement n601 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n453.

M. Julien Aubert. Il n’existe aucune définition de ce qu’on appelle la haute performance environnementale. Par conséquent, comme la démarche est ambitieuse et complexe et qu’il faut aller vers la complexité avec des idées simples, nous proposons qu’un décret vienne définir les exigences auxquelles devront satisfaire ces bâtiments. Cela permettra d’en préciser, dans la mise en application de cette loi, le détail, mais aussi de définir les bâtiments à énergie positive ainsi que ce que l’on appelle la haute performance environnementale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. Favorable.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. La démarche est légitime, mais je m’interroge, monsieur Aubert, sur la rédaction de votre amendement. Nous pourrions, peut-être, substituer le mot « performance » au mot « qualité », puisque le terme de haute performance environnementale est plus utilisé et qu’il montre mieux l’ambition d’excellence attendue. L’objectif est le même, mais cette substitution nous placerait en cohérence avec des termes que l’on retrouve par ailleurs dans la loi. Sous la réserve de cette précision, et en partageant votre objectif, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Monsieur Aubert, acceptez-vous cette rectification ?

M. Julien Aubert. Je m’incline devant la qualité du ministre, de manière à ce que la performance soit collective ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Loin de moi l’idée d’allonger nos débats pour une question de vocabulaire, mais je fais bien humblement remarquer à M. le secrétaire d’État que la notion de bâtiment à haute qualité environnementale existe bel et bien, et ce depuis de nombreuses années. Elle est identifiée, reconnue et labellisée et il ne me semble pas scandaleux de faire référence dans la loi à quelque chose qui existe et qui est reconnu.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Pour répondre à M. Geoffroy, car je connais son souci de la précision juridique, le mot « qualité » est effectivement utilisé dans la définition de certains labels, et celui de « performance » figure dans les textes réglementaires. Dans la mesure où nous faisons ici du droit positif, c’est ce terme que nous avons préféré utiliser.

M. Guy Geoffroy. Très bien.

M. le président. Je vais donc mettre aux voix l’amendement n453, rectifié par son auteur sur proposition du Gouvernement.

(L’amendement n453 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 2, 579 et 826.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n2.

M. Julien Aubert. Je sens que nous sommes dans une bonne séquence ! (Sourires.) Cet amendement vise à faire plus de place, dans les expérimentations et dans les innovations en matière d’économies d’énergie, aux partenariats avec nos universités, qui initient parfois des démarches ou des campagnes, comme notamment les Campus verts. La rédaction adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale rendait possibles ces partenariats. Or le Sénat a supprimé cette disposition.

Nous pensons qu’en matière de transition énergétique, le processus doit débuter très en amont, et notamment dans le domaine éducatif. Il ne s’agit pas forcément d’éducation stricto sensu, mais on voit bien que si cette démarche a lieu dans des lieux de savoir, on joint alors l’utile à l’agréable, en réalisant l’expérimentation à l’endroit précis où l’on forme les futurs cadres de la nation. Par conséquent, nous vous proposons, par cet amendement proposé par Mme Vautrin, de rétablir la rédaction de l’alinéa 6.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement n579.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je partage globalement les arguments qui viennent d’être avancés. Nous avions d’ailleurs voté cet alinéa à l’unanimité en première lecture et je ne sais pas pour quelles raisons le Sénat a souhaité le supprimer.

Les universités représentent aujourd’hui 18 millions de mètres carrés, 6 000 hectares de terrain. Il est important de conclure avec elles des partenariats, car cela permet d’en faire des terrains d’expérimentation et d’innovation favorables aux entreprises locales, à la recherche, à la formation des étudiants. Dans un certain nombre de pays, on voit que dans les universités, lieux de formation des étudiants, on expérimente un certain nombre de techniques dans ce domaine.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n826.

Mme Michèle Bonneton. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. La nécessité de donner un fondement législatif formel à ce type de conventions n’est pas avérée, loin de là, et, dans la mesure du possible, nous évitons d’alourdir la loi quand ce n’est pas utile.

Cela étant, il n’y a vraiment pas de débat sur le fond et nous partageons ce souhait. La commission a rejeté ces amendements mais, à titre personnel, j’y suis plutôt favorable. Je m’en remettrai volontiers à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il n’y a pas de débat sur le fond. La seule question, c’est de savoir s’il faut inscrire ou pas cette possibilité dans la loi. Cela l’alourdit, mais c’est tout de même une orientation intéressante. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée. En réalité, il est même plutôt favorable à l’adoption de ces amendements.

(Les amendements identiques nos 2, 579 et 826 sont adoptés.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly