SOMMAIRE
M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 134
Amendements nos 1, 138 , 89 , 133 , 14, 139 rectifié, 74 , 75
Amendements nos 132 , 2 , 136 , 137
Amendement no 90
Amendements nos 97 , 24, 25 , 91 , 26 , 92
Amendements nos 15 , 27 , 28 , 29 , 30 , 3 , 31 , 131 , 130 , 32 , 129 , 114 , 144 , 33 , 145 , 98 , 128 , 34 , 5 rectifié , 6 , 127 , 100 , 17
Amendement no 115
Amendements nos 36 , 117 , 37 , 146 , 101 , 147, 148 , 124 , 102 , 107
Amendements nos 122 , 121 , 8 rectifié , 140
Amendements nos 38 , 9 , 19 , 88
Amendement no 20
Amendements nos 119 , 106 , 120 , 118 , 96 , 39 , 105 , 10 , 11 , 40 , 21 , 12 , 41 , 135
Amendement no 13
Amendement no 23
Amendement no 22
Amendement no 141
Amendement no 142
Amendement no 143
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile (nos 2807, 2883).
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.
M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d’abord à excuser le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, en déplacement loin de Paris et qui regrette beaucoup de ne pouvoir être devant l’Assemblée nationale cet après-midi pour examiner ce texte important.
Au moment de commencer la nouvelle lecture de ce projet de loi, je souhaite souligner combien il s’inscrit dans l’actualité brûlante de ces dernières semaines, que vous connaissez. L’Europe est confrontée à un afflux migratoire sans précédent, qui a conduit, depuis début 2015, plus de 100 000 personnes à entrer clandestinement dans l’espace Schengen. Plus de 2 000 migrants ont perdu la vie alors qu’ils tentaient de traverser la Méditerranée. Si ces migrants ne relèvent pas tous de l’asile, c’est à l’évidence le cas de plusieurs d’entre eux, notamment de nombreux Syriens, des Érythréens et des Irakiens.
Face à ce défi, l’ensemble des États de l’Union européenne ont un devoir commun : mettre en place à nos frontières extérieures des dispositifs efficaces d’identification des migrants, de relocalisation de ceux qui sont en besoin manifeste de protection, et de retour de ceux qui relèvent non du droit d’asile, mais de l’immigration irrégulière. Cette identification doit être effectuée dès le pays de première entrée dans l’espace Schengen. En contrepartie, une solidarité européenne renforcée est nécessaire, notamment grâce à une meilleure répartition de la demande d’asile. De plus, pour agir sur les causes des mouvements migratoires et faire diminuer les flux irréguliers, une coopération renforcée avec les pays d’origine et de transit des migrants est nécessaire. C’est la position commune que la France et l’Allemagne défendent en ce moment même au Conseil européen.
Mais, il ne suffit pas de défendre des positions communes au plan européen. Il faut, pour que la France soit à la hauteur de son histoire, qu’elle dispose de procédures d’asile qui soient efficaces, réactives et conformes aux standards européens. Tel est l’objet du projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui.
Avant d’entrer dans le détail du texte, je veux insister sur l’esprit dans lequel il a été rédigé. Je sais que la volonté de réformer notre système d’asile rassemble tous les républicains, quelle que soit la formation politique à laquelle ils appartiennent, pour une raison simple et forte à la fois : le droit d’asile, c’est la République française. Voilà pourquoi le projet de loi déposé par le Gouvernement est d’abord un texte de rassemblement, fruit d’une réflexion et d’une mobilisation de longue haleine, initiées dès 2013 par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, avec la concertation nationale sur le droit d’asile, qui a rassemblé l’ensemble des acteurs concernés : l’État, bien sûr, les collectivités locales, les associations, le Haut Commissariat aux réfugiés – HCR –, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides – OFPRA –, la Cour nationale du droit d’asile – CNDA – et l’Office français de l’immigration et de l’intégration – OFII. Votre collègue Jean-Louis Touraine, ainsi que la sénatrice Valérie Létard, ont coordonné ces travaux et leur travail remarquable doit être salué.
M. François Rochebloine. Absolument !
M. André Vallini, secrétaire d’État. C’est sur ces bases, enrichies en outre des amendements que vous aviez adoptés, notamment à l’initiative de votre rapporteure, Sandrine Mazetier, dont je tiens à souligner l’engagement et l’apport essentiel à l’élaboration de ce texte, que le projet a recueilli en première lecture à l’Assemblée nationale une majorité large, à l’issue d’un débat de qualité, éloigné des postures partisanes.
S’il y a eu un consensus fort à l’Assemblée nationale en première lecture, c’est parce que nous avions pris le temps du diagnostic. Celui-ci est désormais clairement établi et partagé par tous ceux qui se sont penchés sérieusement sur la question. Alors que la demande d’asile a presque doublé entre 2007 et 2012, passant de 35 000 demandes à 62 000, aucune mesure n’a été prise pour gérer cette augmentation. La demande a continué à augmenter en 2013, avant un léger retournement de tendance en 2014 : selon les données collectées par l’OFPRA, plus de 64 536 demandes ont ainsi été déposées l’année dernière.
Les délais de traitement des demandes à l’OFPRA et à la CNDA se sont ainsi allongés considérablement, jusqu’à atteindre deux ans. Les dispositifs d’hébergement sont insuffisants et les inégalités de traitement entre demandeurs se sont creusées. Les droits minimaux qui sont dus à ces derniers, au titre des règles européennes, n’ont plus été garantis. Le coût budgétaire de l’ensemble du dispositif a cessé d’être maîtrisé et la gestion locale de la demande d’asile en a été rendue plus difficile puisque deux tiers des demandeurs sont concentrés dans deux régions, l’Île-de-France et Rhône-Alpes.
C’est à ces dysfonctionnements incontestables et inacceptables que ce projet de loi entend répondre. Celui-ci poursuit, en effet, trois objectifs simples : premièrement, réduire drastiquement les délais d’examen d’une demande d’asile ; deuxièmement, améliorer les conditions d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile ; troisièmement, garantir les droits des demandeurs d’asile en transposant exactement les directives européennes applicables.
S’agissant de l’objectif de réduction des délais d’examen d’une demande d’asile, nous entendons tout d’abord réduire à neuf mois en moyenne la durée totale de l’examen d’une demande. À l’heure actuelle, cette durée peut facilement excéder deux ans, contre moins d’un an en moyenne chez tous nos voisins européens. Or, les procédures trop longues freinent l’accès au statut de réfugié pour les demandeurs qui sont fondés à l’obtenir, mais rendent également notre dispositif plus vulnérable aux tentatives de détournement du dispositif à des fins d’immigration irrégulière. La priorité est donc de réduire les délais à toutes les étapes de la procédure.
Voilà pourquoi l’OFPRA et la CNDA, juridiction spécialisée que le projet renforce, seront dotés en 2015 d’importants moyens humains supplémentaires : 55 équivalents temps plein supplémentaires ont d’ores et déjà été attribués et recrutés par l’OFPRA – c’est un effort exceptionnel sans précédent qu’a consenti le Gouvernement et qui a été encore amplifié par le récent plan présenté par Bernard Cazeneuve et Sylvia Pinel – et de nouveaux recrutements seront lancés, sans attendre la fin de l’année. Ces renforts permettront à l’OFPRA, dès 2016, d’accélérer ses procédures afin de limiter à trois mois la durée moyenne d’examen d’une demande d’asile. La CNDA, quant à elle, bénéficiera d’un renfort de magistrats et de rapporteurs afin de pouvoir examiner en moins de cinq semaines les demandes en procédure accélérée et en moins de cinq mois les demandes en procédure normale.
Nous devons également simplifier nos procédures d’asile en amont. Les délais d’enregistrement des demandes par les préfectures sont beaucoup trop longs : ils devront être ramenés à trois jours grâce à la création de guichets uniques de l’accueil du demandeur d’asile, qui regrouperont sur un même site les agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration et ceux des préfectures.
Enfin, nous devons savoir distinguer entre les demandes d’asile qui méritent un examen approfondi et celles pour lesquelles la réponse semble évidente, et qui donc peuvent être traitées plus rapidement. C’est aussi de cette façon que nous réduirons les délais de procédure : l’OFPRA sait traiter rapidement des demandes qui sont manifestement fondées, telles celles aujourd’hui des Syriens ou des chrétiens d’Irak. À l’inverse, d’autres demandes ne requièrent pas un examen approfondi dans la mesure où elles ne reposent sur aucun motif sérieux. Pour cette raison, le texte réforme les placements en procédure prioritaire, celle-ci devenant la procédure accélérée. Sur ce point, le projet permettra deux avancées essentielles : d’abord, il confie à l’OFPRA, qui seul a accès au contenu de la demande, le soin de dire en dernière instance si un dossier doit faire l’objet ou non d’un placement en procédure accélérée ; ensuite, il garantit au demandeur d’asile en procédure accélérée les mêmes droits – à un hébergement, à une allocation, à un recours suspensif – qu’à un demandeur en procédure normale. Sa demande est examinée plus vite, mais ses droits sont respectés.
Notre deuxième objectif consiste à améliorer l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile. Actuellement, notre système est trop inégalitaire. Certains demandeurs sont hébergés en Centre d’accueil pour demandeurs d’asile – CADA – et bénéficient d’un accompagnement administratif, social et juridique dont chacun reconnaît la qualité. Ce n’est en revanche pas le cas des deux tiers d’entre eux, qui sont soit pris en charge dans des structures d’hébergement d’urgence, soit sont tout simplement livrés à eux-mêmes, survivant tant bien que mal dans des campements de fortune. Cette différence de traitement n’est pas tolérable.
D’ici à 2017, l’hébergement en CADA doit donc devenir la norme et l’hébergement d’urgence, l’exception. Nous allons pour ce faire augmenter le nombre de places en CADA. Nous en avons déjà créé 4 000 de plus en deux ans et nous avons l’ambition d’en ouvrir encore 8 200 d’ici à l’année prochaine : 4 200 dans le cadre d’un appel à projet lancé par le ministère de l’intérieur il y a un mois et 4 000 dans le cadre du plan présenté par Bernard Cazeneuve et Sylvia Pinel la semaine dernière. L’effort de l’État, mesdames, messieurs les députés, n’a jamais été aussi fort pour garantir un accueil digne des demandeurs d’asile. Cela représente une augmentation de 50 % du parc par rapport à la situation qui prévalait en 2012.
Nous devons ensuite en finir avec les allocations éclatées dont bénéficient les demandeurs d’asile. L’allocation temporaire d’attente et l’allocation mensuelle de subsistance seront fondues en une allocation unique qui prendra en compte la situation familiale de chaque demandeur.
Enfin, nous allons mettre en place un véritable hébergement directif. Comme vous le savez, l’accueil des demandeurs d’asile peut être difficile à gérer sur le terrain lorsqu’un trop grand nombre d’entre eux convergent en même temps vers un même point du territoire. Aujourd’hui, deux territoires, la région parisienne et la région lyonnaise, concentrent plus de la moitié des demandes. L’Île-de-France concentre à elle seule 42 % des demandeurs. Et je n’ignore pas non plus les difficultés rencontrées dans d’autres régions. Or, c’est la République française qui offre l’asile à ceux qui en ont besoin, et non tel ou tel de ses territoires. Par conséquent, afin de mieux répartir l’effort, nous prévoyons de mettre en place une orientation directive des demandeurs. Mieux orienter leur accueil permettra également de mieux les accompagner et de leur offrir de meilleures conditions d’hébergement.
Concrètement, le versement d’une allocation dépendra de la sollicitation, puis de l’acceptation d’un hébergement. Si un demandeur ne souhaite pas bénéficier des conditions d’accueil prévues par la République, ou s’il ne souhaite pas aller là où une place est disponible pour le recevoir, il aura naturellement droit à un examen de sa demande d’asile. En revanche, il ne pourra pas bénéficier de l’hébergement, ni des allocations prévues. J’y insiste car il s’agit là d’un point crucial qui conditionne le succès de la réforme.
Enfin, le troisième objectif de cette réforme consiste à renforcer les droits des demandeurs d’asile, dans un souci d’égalité et de juste transposition des normes européennes. Ainsi, le demandeur d’asile pourra désormais bénéficier, à l’OFPRA, d’un conseil de son choix.
Les demandeurs d’asile en situation de vulnérabilité pourront également bénéficier d’un examen et d’une prise en charge adaptés à leur situation. Je pense bien sûr aux mineurs, mais aussi aux femmes victimes, en tant que femmes, des pires atrocités : pensons notamment aux viols de guerre qui, depuis le début de la guerre civile en Syrie, ont détruit la vie de nombreuses femmes, et par là même brisé des familles, voire des communautés entières. Enfin, la loi permettra à tous les demandeurs d’asile de bénéficier, pendant l’examen de leur demande, d’un droit au maintien sur le territoire leur garantissant l’accès à l’ensemble des droits qui, aujourd’hui, ne sont reconnus qu’aux demandeurs en procédure normale.
Nous ne pouvons aborder la question de l’asile sans penser à l’outre-mer, et notamment à Mayotte et à la Guyane. Ces départements sont confrontés à une pression migratoire exceptionnelle, dont nous savons à quel point elle peut être déstabilisante. La demande d’asile peut y être perçue, en raison de l’éloignement géographique et de la longueur des procédures, comme une difficulté supplémentaire. Je veux vous garantir que le Gouvernement veillera scrupuleusement à ce que la mise en œuvre de ce projet de loi apporte également des solutions concrètes dans nos territoires ultramarins.
Mesdames, messieurs les députés, le Sénat a mené un examen approfondi de ce texte et les débats y ont été aussi de très bonne qualité. Je ne puis toutefois que regretter que les sénateurs aient tenu à inclure dans le texte, contre l’avis du Gouvernement, quelques dispositions qui portaient spécifiquement sur les déboutés de l’asile et qui se sont révélées, à l’examen, inefficaces ou bien inconstitutionnelles. Je veux dire les choses très simplement pour lever toute ambiguïté : un débouté de l’asile est un étranger en situation irrégulière, sauf s’il bénéficie d’un droit au séjour pour un autre motif. Il doit donc quitter le territoire et regagner son pays d’origine, comme tout étranger en situation irrégulière. Et je rappelle que la lutte contre l’immigration irrégulière est une priorité du Gouvernement. Nous avons ainsi réalisé plus de démantèlements de filières et plus d’éloignements contraints que cela n’avait été le cas pendant toute la législature précédente.
Intégrer les réfugiés politiques, héberger les demandeurs d’asile et éloigner les étrangers en situation irrégulière : c’est précisément l’ambition que poursuit le plan « migrants » arrêté par Bernard Cazeneuve et Sylvia Pinel la semaine dernière. C’est de cette façon que nous pourrons rendre au droit d’asile le rôle fondamental qui est le sien, conformément à la vocation historique de notre pays.
L’examen en commission des lois a permis de revenir à l’équilibre du texte voté en première lecture à l’Assemblée nationale. Le projet de loi se retrouve ainsi débarrassé de dispositions qui, à l’évidence, servaient davantage de marqueurs politiques que de véritables propositions opérationnelles.
Nous aurons, de toute manière, dans les prochaines semaines, l’occasion de débattre de façon approfondie du droit au séjour et des procédures d’éloignement à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif au droit des étrangers en France.
Aujourd’hui, notre objectif est de réformer le droit d’asile. En raison de l’ampleur des problèmes que j’ai rappelés, cette réforme est urgente et indispensable si la France veut se montrer capable de participer efficacement à la gestion des flux migratoires auxquels l’Europe est confrontée et si elle veut, au fond, tout simplement, tenir son rang de grande puissance qui rayonne dans le monde pour la défense des valeurs humanistes.
Au début des années 60, Germaine Tillion remarquait que « les lois sont parfois en conflit avec les impératifs de la vieille morale humaine, notamment en ce qui concerne une très vénérable et quasi universelle institution qui s’appelle l’hospitalité ». Notre ambition, aujourd’hui, est de faire en sorte que la loi coïncide enfin pleinement avec cette noble exigence de l’hospitalité que l’on doit, en France plus qu’ailleurs, à tous les persécutés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes donc saisis, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire réunie au Sénat le 10 juin dernier. Malgré la bonne volonté réciproque et les efforts déployés par mon homologue au Sénat ainsi que par moi-même, des divergences de fond entre les deux assemblées ont rendu tout compromis impossible.
Je pense notamment à la composition du conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Les sénateurs considèrent non seulement que les parlementaires n’y ont pas leur place mais qu’ils n’ont en outre pas d’avis à avoir sur la représentation de l’exécutif en son sein.
S’agissant de l’asile et du respect des droits dont le préambule de notre Constitution proclame le caractère inaliénable et sacré, nous pensons, au contraire, que les représentants du peuple français doivent y être attentifs, comme nos échanges et nos amendements lors de l’examen du projet de loi en première lecture l’ont montré.
Je pense également à la compétence liée de l’OFPRA : nous souhaitons au contraire consacrer son indépendance fonctionnelle et préserver sa marge d’appréciation. Notre démarche est la même concernant le transfert du contentieux des refus d’entrée sur le territoire à la Cour nationale du droit d’asile ou les conséquences du rejet définitif de la demande d’asile, puisque le Sénat a souhaité interdire à tout débouté le maintien sur le territoire à un autre titre, au mépris de rien de moins que la Convention européenne des droits de l’homme.
Je pourrais aussi citer l’article 19 bis A, qui ramenait le délai pour le retour volontaire de trente à sept jours, ou l’article 19 quater, qui restreignait l’accès des déboutés en situation de détresse à l’hébergement d’urgence, deux autres sujets de désaccords importants entre nos deux assemblées.
Sur d’autres points, le Sénat a apporté au texte des améliorations que nous avons conservées. Pour l’essentiel, la commission est revenue au texte de l’Assemblée, avec parfois quelques modifications. Des amendements ont été adoptés en commission lorsqu’ils amélioraient le texte, notamment sur des aspects nouveaux, ou lorsqu’ils remédiaient à des imperfections.
Ils ont au contraire été rejetés dès lors qu’ils se contentaient de rouvrir des débats déjà amplement menés en première lecture, tant en commission qu’en séance publique. C’est dans cet esprit que la commission a écarté, aux articles 2 et 3, toute compétence liée de l’OFPRA en matière de retrait ou de refus du statut de réfugié ou de protection subsidiaire.
À l’article 5 bis, elle a modifié la composition du conseil d’administration de l’OFPRA pour y rétablir la présence de six parlementaires et y assurer la parité, ainsi que pour préciser, dans la loi, qui doit y siéger au titre de l’exécutif.
À l’article 7, la commission a supprimé la clôture de l’examen d’une demande d’asile en cas d’abandon du lieu d’hébergement, qui avait été rétablie par le Sénat.
À l’article 8, elle a supprimé le transfert à la Cour nationale du droit d’asile du contentieux de l’asile à la frontière.
À l’article 9, nous avons confirmé la simplification du droit au recours effectif ouvert au demandeur d’asile en rétention en l’améliorant pour la rendre compatible avec l’article 46 de la directive « Procédures » et le droit à un recours effectif.
À l’article 13, nous avons rétabli le délai de recours contre la décision de transfert vers un autre État membre à quinze jours, alors que le Sénat avait ramené ce délai à sept jours.
À l’article 14, nous avons aussi rétabli, de façon explicite, la mention selon laquelle l’attestation de demande d’asile vaut autorisation provisoire de séjour. Nous avons supprimé la disposition selon laquelle la décision définitive de rejet de la demande d’asile vaut obligation de quitter le territoire français – OQTF – et l’interdiction pour un débouté du droit d’asile de se maintenir sur le territoire français à un autre titre que l’asile. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez rappelé à quel point ces dispositions étaient inconstitutionnelles et à tout le moins contre-performantes au regard de l’objectif affiché par leurs promoteurs.
Ces ajouts témoignaient au mieux de la grande confusion qui règne dans les esprits de la majorité sénatoriale, et plus certainement de la volonté d’alimenter amalgames et stigmatisations au mépris du respect de la dignité humaine et, encore une fois, des droits inaliénables que la République reconnaît à tout individu.
La Commission a également supprimé l’article 14 bis qui était inutile et ne comportait que des dispositions de nature réglementaire.
À l’article 15, comme pour l’OFPRA, la commission a écarté la compétence liée pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Nous considérons en effet que, compte tenu de leurs conséquences, les décisions de retrait, de suspension ou de limitation des conditions matérielles d’accueil prises par l’OFII doivent toujours faire l’objet d’une appréciation au cas par cas par l’administration et tenir compte de la situation individuelle du demandeur et des circonstances.
À l’article 17, la commission a complété la composition du conseil d’administration de l’OFII en y ajoutant deux parlementaires.
Elle a, par ailleurs, supprimé l’article 19 bis A relatif à la réduction du délai de retour volontaire de trente à sept jours et l’article 19 quater qui restreignait l’accès des demandeurs d’asile déboutés en situation de détresse à l’hébergement d’urgence.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui en nouvelle lecture a donc été très fortement enrichi par les débats parlementaires et par presque tous les groupes. Le projet de loi comprenait vingt-trois articles lors de son dépôt, il en compte aujourd’hui trente-quatre, dont trente restent en navette. Le texte est encore susceptible d’être amélioré sur différents points : j’ai moi-même déposé un certain nombre d’amendements à cette fin. Je souhaite que nos discussions permettent ces améliorations et ne s’épuisent pas dans la répétition à l’identique des débats que nous avons déjà eus.
J’ajouterai que le travail législatif est une chose, et que les moyens financiers et humains à l’appui des dispositions législatives que nous votons en sont une autre. Cette réforme de l’asile n’atteindra son objectif – mieux protéger en protégeant plus vite – que si elle s’accompagne de moyens suffisants. Je tiens à saluer, de ce point de vue, le plan présenté par les ministres de l’intérieur et du logement le 17 juin dernier. Il traduit en effet un effort significatif pour répondre à la crise humanitaire que traverse une partie de l’Europe et dont une autre partie se désintéresse : le sujet est évoqué aujourd’hui même par les chefs d’État européens.
Sur le plan procédural tout d’abord, je tiens à souligner les efforts du Gouvernement pour augmenter les recrutements à l’OFPRA, en complétant par de nouveaux moyens les cinquante-cinq emplois d’ores et déjà prévus au titre de l’exercice 2015. Un renforcement des moyens de l’OFII et des préfectures est également prévu pour parvenir le plus tôt possible à l’objectif fixé par le Gouvernement de neuf mois de délai moyen d’instruction complète d’une demande d’asile. Voilà la garantie qu’aller plus vite ne signifie pas, bien au contraire, bâcler les procédures.
Je me félicite également de la poursuite et de l’intensification de l’augmentation des capacités d’hébergement des demandeurs d’asile, avec la création de 4 000 places supplémentaires d’ici à fin 2016. Au total, avec les 4 200 places dont la création était déjà programmée, ce sont 8 200 places qui seront créées cette année.
Je salue également la création de 5 000 places dédiées au logement autonome des réfugiés, dont 500 en centres provisoires d’hébergement, car elle répond à une de nos préoccupations : ne pas traiter uniquement l’amont de la demande et suivre le sort des réfugiés une fois le statut obtenu. Le demandeur d’asile est en effet fragile, du fait des épouvantables épreuves qu’il a traversées. Il le reste une fois la protection accordée : il est donc essentiel de l’accueillir et de l’accompagner dans son intégration dans la société française.
Je salue la détermination de l’exécutif à réformer, dans le dialogue et la concertation, un système à bout de souffle qui perpétue la maltraitance à l’égard d’enfants, de femmes et d’hommes. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, je vous invite à adopter le présent projet de loi, qui répond à la nécessité et à l’urgence d’une réforme que nous appelons tous, ou presque, de nos vœux pour traiter, dans le respect, l’humanité et la dignité, des femmes et des hommes que nous ne considérons pas comme des fuites d’eau mais bien comme nos égaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Brigitte Allain.
Mme Brigitte Allain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, je veux d’abord excuser mon collègue Sergio Coronado, chef de file du groupe écologiste sur ce projet de loi, que mes convictions permettront, je l’espère, de suppléer.
L’asile est un des piliers de notre tradition républicaine et la France est perçue, dans nombre de pays – et surtout par les militants pour la liberté – comme une terre d’asile.
Nous étudions aujourd’hui ce projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile dans un contexte grave. En raison de conflits armés dramatiques aux portes de l’Europe, des milliers de personnes fuient leur pays, dans des situations affreuses : 3 419 migrants sont morts en mer l’an dernier.
Sur l’asile comme sur l’immigration, il nous faut combattre les idées reçues et les discours démagogiques, et rappeler que la France est au huitième rang des pays européens les plus condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme pour manquement à ses obligations en la matière.
Il faut rappeler que la France est, parmi les cinq pays d’Europe rendant le plus grand nombre de décisions par an, celui qui accède le moins facilement aux demandes d’asile. Celles-ci ont reçu dans notre pays 17 % de réponses positives en 2013, contre 26 % en Allemagne, 38 % au Royaume-Uni et 53 % en Suède.
Notre système d’hébergement d’accueil est sous-doté. Au ler janvier 2014, 45 319 personnes étaient en attente d’une place en CADA. Les demandeurs d’asile sont plus nombreux dans les hébergements qui ne leur sont pas destinés que dans ceux qui leur sont réservés. À ce sujet, nous saluons le plan présenté il y a quinze jours par le Gouvernement.
Il est difficile de croire que le pays des droits de l’homme attire si peu les vrais réfugiés politiques, et en tous cas moins que le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Suède.
Le projet de loi vise à transposer de nouvelles directives européennes, adoptées en juin 2013. Il s’agit, notamment, de pouvoir statuer rapidement sur les demandes d’asile en parvenant à un délai moyen d’examen de neuf mois et de renforcer les garanties des personnes ayant besoin d’une protection.
Le texte permet d’incontestables progrès pour les demandeurs d’asile et les bénéficiaires de ce statut. Tout d’abord, il facilite l’enregistrement des demandes qui devra être fait dans les trois jours. Il ouvre un droit d’assistance pendant l’entretien à l’OFPRA, en prévoyant la présence d’un avocat ou d’un représentant d’une association, dispositif qui a déjà été expérimenté.
Il modifie la composition du conseil d’administration de l’OFPRA et permettra une saisine parlementaire et associative de la liste des pays sûrs. Notre groupe conteste cette notion de pays sûr qui dépend parfois plus du nombre de ressortissants qui demandent l’asile dans notre pays que de la sûreté réelle du pays d’origine. Mais cette saisine permettra un meilleur suivi de cette liste.
Ce texte facilite également le regroupement familial des réfugiés et améliore la gestion de leurs titres. À l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, le statut des apatrides a été inscrit dans la loi.
Il offre par ailleurs aux demandeurs d’asile en rétention ainsi qu’à ceux soumis au régime du règlement européen dit de Dublin la possibilité de former un recours suspensif. Nous regrettons cependant que ce droit soit si limité.
Le projet de loi ouvre également le droit à la formation et au travail pour les demandeurs d’asile lorsque, au terme d’un délai de neuf mois, l’OFPRA n’a pas statué sur leur sort. Nous regrettons, là aussi, une transposition a minima de la directive. L’idée que l’octroi du droit de travailler aux demandeurs d’asile agit comme un facteur d’attraction supplémentaire est contestable.
C’est en effet l’Allemagne qui enregistre le plus grand nombre de demandeurs d’asile aujourd’hui, mais ce sont la Finlande, l’Espagne et la Suède qui autorisent les demandeurs d’asile à travailler avant la fin du délai de neuf mois.
Le travail est un vecteur fort d’intégration, de dignité et d’autonomie. C’est pourquoi nous proposons un amendement visant à assouplir les conditions d’accès.
Ce texte fait également l’objet de vives préoccupations, qui ont été relayées tant par les associations que par le Défenseur des droits ou la Commission nationale consultative des droits de l’homme.
Ce projet de loi est censé permettre d’écarter rapidement les demandes infondées au profit des personnes qui ont réellement besoin de protection. En différenciant les bons et les mauvais demandeurs, on introduit l’idée fausse que le détournement de la procédure d’asile serait aujourd’hui la règle. Nous ne partageons pas cette conviction, cela ne correspond pas à la réalité. L’augmentation des demandes d’asile s’explique pour l’essentiel par la multiplication des conflits armés visant des populations civiles et des guerres.
Je voudrais également mettre l’accent sur l’accélération des procédures. Il faut assurer la difficile conciliation entre la volonté de statuer rapidement, dans un délai moyen de neuf mois, sur les demandes d’asile et l’impératif du respect des droits.
Le texte multiplie les hypothèses dans lesquelles les procédures peuvent être accélérées et renforce le rôle joué par le préfet dans le déclenchement d’une procédure de rejet. Le fait d’être ressortissant d’un pays considéré comme sûr, d’avoir déposé une demande tardive, d’avoir brûlé ses empreintes aura pour conséquence la mise en œuvre de la procédure accélérée, pour une obligation de quitter le territoire.
Sur cette procédure accélérée, la réforme se ferme à la collégialité de la Cour nationale du droit d’asile, pourtant indispensable pour juger des situations diverses et complexes. La collégialité est essentielle en matière d’asile. Ainsi, l’assesseur nommé par le Haut commissariat aux réfugiés apporte une connaissance fine du terrain, des conflits et des situations géopolitiques.
Le texte prévoit aussi le maintien en zone d’attente des mineurs non accompagnés, à titre exceptionnel. Nous sommes opposés à cette exception, et nous le rappellerons en séance. Il prévoit même la possibilité que des mineurs isolés soient jugés en procédure accélérée, alors que, pour nous, un mineur doit être spécialement protégé, soutenu et pris en charge.
Nous contestons aussi l’hébergement directif, faisant d’un réfugié un prisonnier plutôt qu’un étranger reçu dans notre pays. En cas de refus de l’hébergement proposé, le demandeur perdra en effet son droit aux allocations et, en cas d’absence injustifiée, sa demande sera examinée en procédure accélérée. Le caractère contraignant de ce dispositif ne fait pas honneur à un pays d’accueil.
Ces points d’opposition sont connus. Nous les avons déjà soulignés en première lecture, au Sénat et en commission.
En première lecture nous avions noté les avancées apportées par notre assemblée à ce projet de loi, à l’initiative notamment de la rapporteure, dont je salue le travail. Néanmoins, compte tenu des nombreux problèmes posés par le texte en termes de procédure, nous nous étions abstenus.
Le Sénat a considérablement durci le texte,…
M. François Rochebloine. Pas durci, amélioré !
Mme Brigitte Allain. …en proposant des mesures graves sur lesquelles notre assemblée est heureusement revenue lors de l’examen en commission, je vous remercie de l’avoir rappelé, madame la rapporteure.
Le texte ne relevant pas notre pays au rang d’un vrai pays d’accueil, solidaire, au regard du nombre de réfugiés qui sont ainsi rejetés, nous devrions maintenir la position d’abstention adoptée en première lecture.
M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, honorer notre tradition d’asile, c’est être fidèle aux valeurs qui fondent notre République et qui continuent à la faire vivre, c’est respecter cette longue tradition républicaine, inscrite dans notre Constitution, qui veut que tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ait droit d’asile sur les territoires de la République.
Le droit d’asile est consubstantiel à la République, c’est notre bien commun le plus précieux, censé tous nous unir. II exige de nous que nous adoptions une démarche responsable et constructive.
La première lecture de ce projet de loi nous a permis de décrire l’état actuel de notre système d’asile. Nous avons tous bien conscience des défauts qui nuisent aujourd’hui à l’efficacité de ce système – de nombreux rapports en ont décrit les failles. Je pense au rapport sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile, publié en avril 2014, coécrit par Jeanine Dubié que je salue, et Arnaud Richard, porte-parole du groupe UDI sur ce texte, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence cet après-midi. Je pense au rapport de novembre 2013 de la sénatrice Valérie Létard et de Jean-Louis Touraine. Je pense encore au rapport de Philippe Vigier, le président du groupe UDI, sur la mission « Conseil et contrôle de l’État » du PLF 2015, qui dénonçait notamment l’explosion d’un contentieux de masse en matière d’asile, particulièrement devant la Cour nationale du droit d’asile.
Les études sur le sujet dépeignent toutes un système entaché de carences manifestes, dont résulte une difficulté flagrante à faire face à une hausse constante de la demande. À l’évidence, notre dispositif d’accueil traverse une crise caractérisée par un allongement inquiétant des délais et des coûts budgétaires croissants. Cette situation nuit d’abord aux victimes, qui ont un réel besoin de protection. Elle met aussi à rude épreuve les personnels des préfectures, les travailleurs sociaux des plates-formes d’accueil et les responsables des structures d’hébergement.
Devant ce constat particulièrement inquiétant, nous plaidons pour une réforme d’ensemble de la politique d’accueil des demandeurs d’asile, alliant respect des droits et performance de l’action publique, une réforme d’autant plus nécessaire que nous avons à transposer le « paquet asile », afin de mettre notre législation en conformité avec le droit européen. À l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe où un certain nombre d’entre nous étaient présents hier, notamment Thierry Mariani et Pascale Crozon, il y a d’ailleurs aujourd’hui un débat sur le droit d’asile.
Le groupe UDI attend d’une telle réforme qu’elle redonne son sens au droit d’asile, qu’elle mette fin aux instrumentalisations et aux dérives dont il fait trop souvent l’objet.
En premier lieu, je tiens à évoquer les dispositions qui constituent selon nous les principaux apports de ce texte.
Il y a d’abord la réorganisation du premier accueil. Une telle réorganisation est indispensable afin que ce soit plus lisible et plus simple pour le demandeur, afin d’accélérer les premières étapes pour lui permettre de déposer plus rapidement la demande et de la rendre plus fluide.
Il y a ensuite l’application des procédures accélérées, même si, nous le regrettons, elle a été quelque peu limitée par notre assemblée. La garantie d’un hébergement et d’un accompagnement adaptés des demandeurs d’asile, notamment avec l’instauration d’un schéma national d’hébergement, est une avancée, ainsi que la familialisation de l’allocation temporaire d’attente et la généralisation du caractère suspensif du recours devant la CNDA.
Tout au long des débats, le groupe UDI, par la voix de mon collègue et ami Arnaud Richard, a veillé à ce que l’équilibre du projet de loi initial ne soit pas rompu dans un sens qui aurait pu nuire à l’accueil des demandeurs d’asile ou, au contraire, qui aurait encouragé le détournement et l’instrumentalisation de la procédure d’asile, au risque de voir un système déjà à bout de souffle s’effondrer totalement.
Notre exigence était également que le texte ne s’éloigne pas à l’excès du droit européen. À ce titre, nous regrettons certaines des modifications apportées au projet de loi gouvernemental par notre assemblée.
Sur plusieurs points, le Sénat avait amélioré le texte, en rétablissant le délai, excessivement allongé par notre assemblée, à l’expiration duquel l’autorité administrative peut estimer qu’une demande d’asile est tardive, ou encore en prévoyant l’obligation pour l’Office français de protection des réfugiés et apatrides de mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié l’octroi de cette protection ont cessé d’exister ou ont connu un changement significatif.
Nous nous félicitons de l’adoption de deux amendements de notre groupe en commission lors de l’examen de ce texte en nouvelle lecture. Le premier permet d’équilibrer la charge de la preuve en prévoyant qu’il appartient au bénéficiaire de la protection subsidiaire de fournir la preuve qu’il peut encore en bénéficier. Le second rétablit le texte du Gouvernement afin de permettre, dans certains cas spécifiques, d’appliquer la procédure accélérée aux fins d’examen de demande d’asile des mineurs isolés.
Cependant, d’autres propositions de mon collègue et ami Arnaud Richard, comme la création d’un système d’information rassemblant les indications utiles au suivi des demandeurs d’asile, auraient pu être davantage écoutées.
En outre, la question de la procédure d’asile à la frontière est primordiale. La procédure actuelle est très théorique et ne correspond pas à la réalité de la pratique constatée sur le terrain, puisqu’un grand nombre de personnes ayant présenté des demandes considérées comme manifestement infondées par l’OFPRA sont néanmoins libérées. Nous devons remédier à cette situation qui affaiblit considérablement la procédure, et je ne doute pas que le président de la commission des lois partage ce sentiment.
À ce titre, il serait judicieux d’inscrire dans la loi le fait que le juge des libertés et de la détention ne peut en aucun cas ordonner la libération d’un étranger en zone d’attente sur le seul fondement de l’existence de garanties de représentation. On constate, en effet, que près de 22 % des étrangers placés en zone d’attente ont été libérés pour ce motif en 2013.
Par ailleurs, s’agissant de l’hébergement, nous devons faire des centres d’accueil des demandeurs d’asile le dispositif central de l’hébergement, car une grande partie des demandeurs sont aujourd’hui accueillis dans les structures d’hébergement d’urgence. Il faut pour ce faire clarifier le statut en garantissant une orientation prioritaire en CADA et en rattachant ces lieux d’hébergement d’urgence aux missions d’urgence telles que les définit le code de l’action sociale et des familles.
Enfin, nous ne devons pas non plus négliger « l’après asile ». Notre processus d’asile ne doit pas s’interrompre aux portes de l’acceptation ou du rejet de la demande d’asile. Nous devons réfléchir aux moyens de favoriser l’intégration des personnes protégées, tant en matière d’hébergement qu’en matière d’accès aux droits sanitaires et sociaux, de travail ou encore de formation professionnelle.
Mes chers collègues, ainsi que l’avait indiqué Arnaud Richard, la formule utilisée par Michel Rocard, si elle est citée dans sa totalité, résume l’enjeu d’un tel projet de loi : « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit y prendre sa juste part. » En adoptant ce projet de loi, nous pourrons, je l’espère, monsieur le secrétaire d’État, faire en sorte que la France prenne ainsi sa juste part. Nous améliorerons un système dont nous savons qu’il ne peut demeurer en l’état, dans notre intérêt comme dans celui des demandeurs d’asile.
En dépit de quelques réserves, comme en décembre dernier, les députés du groupe UDI voteront ce projet de loi.
Cela dit, monsieur le président, et j’aimerais que vous en fassiez part à la conférence des présidents, je regrette qu’un sujet aussi sensible soit débattu un jeudi après-midi, alors que nous ne sommes qu’une vingtaine de parlementaires dans l’hémicycle, ce qui ne donne pas une très bonne image de notre assemblée, il faut bien le reconnaître. Un tel débat méritait beaucoup mieux. Je dois moi-même d’ailleurs repartir assez rapidement dans ma circonscription, comme d’autres.
M. Sébastien Denaja. Le jeudi après-midi, c’est le week-end !
M. François Rochebloine. Ce n’est pas du tout ce que j’ai voulu dire. Nous avons simplement des avions ou des trains à prendre. De tels débats pourraient être organisés en soirée un mardi ou un mercredi.
M. Thierry Mariani. Absolument !
M. François Rochebloine. Tel est en tout cas mon souhait.
M. le président. C’est noté, monsieur Rochebloine.
La parole est à M. Gabriel Serville.
M. Gabriel Serville. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, l’examen du projet de loi qui nous revient aujourd’hui est symptomatique des intérêts contradictoires qui peuvent exister entre la France hexagonale et nos territoires d’outre-mer. Ce constat, qui n’est plus à faire pour la plupart des cadres réglementaires existants, est encore plus marqué sur un sujet aussi sensible que le droit d’asile, qui renvoie à des réalités sans communes mesures selon la région où l’on se place sur le vaste territoire de la République.
Vous comprendrez donc la difficulté de l’exercice pour un parlementaire de gauche, viscéralement humaniste, mais représentant un territoire où le droit d’asile français est depuis longtemps vicié et utilisé à des fins contraires à sa philosophie première. Nonobstant les réalités du territoire que je représente dans cet hémicycle, nul ne pourra ignorer le contexte, tant national qu’européen, qui demeure très préoccupant pour les migrants. En effet, depuis le début de l’année, plus de 100 000 migrants sont arrivés en Europe et près de 1 800 hommes, femmes et enfants sont morts ou ont disparu en tentant la traversée de la Méditerranée.
Face à la multiplication de ces drames, et en respect du caractère fondamental du droit d’asile, il semble nécessaire d’assurer le respect des droits des personnes et d’appliquer les conventions de Genève sur l’accueil des réfugiés et le droit d’asile. En somme, le respect des droits fondamentaux doit être notre objectif inaliénable et prioritaire.
En France, l’actualité de ces dernières semaines a tristement confirmé l’urgence qu’il y a à revoir profondément notre droit d’asile afin de lui redonner sa vocation première et d’assurer aux demandeurs des conditions décentes de séjour dans le strict respect de l’ensemble de leurs droits. Permettez-moi de vous dire ici toute l’aversion que j’ai ressentie lors des démonstrations de force des pouvoirs publics dont la France a été témoin. Ce fut vraiment un triste spectacle pour le pays des droits de l’homme. Les évacuations brutales, les placements en centre de rétention, y compris de très jeunes enfants, sont des réponses inadaptées et, disons-le franchement, indignes qui violent le droit d’asile de certains migrants.
Il serait temps d’enlever nos œillères, car des guerres se sont durablement installées aux portes de l’Europe. Les migrants arrivent en France hexagonale après des mois, voire des années, de périples, fuyant les conflits, les persécutions et les violences. Nous devons comprendre que ces mouvements migratoires ne vont pas se tarir de sitôt et garder à l’esprit que les États occidentaux ont leur part de responsabilité dans le chaos qui frappe certaines régions du monde. Je pense en particulier à la Libye, dont la situation désastreuse résulte directement d’une intervention militaire dont les conséquences n’avaient pas été correctement mesurées. Gardons également à l’esprit que la France n’est pas la seule en Europe à faire face à cette forte demande d’asile.
Aussi, si le texte que nous examinons aujourd’hui répond avant tout aux condamnations de la France sur la scène européenne et à la nécessité pour notre pays de transposer d’ici au mois de juillet plusieurs directives du « paquet asile » qui ont pour objectif de créer un véritable régime d’asile européen commun, il laisse un goût amer et un sentiment d’inachevé à mes collègues députés de la gauche démocrate et républicaine. Entendons-nous bien ! L’ensemble du groupe de la Gauche démocrate et républicaine se félicite des avancées indubitables, soulignées en première lecture et après la commission mixte paritaire, dans le but de renforcer les garanties procédurales au bénéfice des demandeurs.
Nous saluons ainsi d’une seule voix la consécration d’un droit au maintien sur le territoire français, au profit de tous les demandeurs d’asile, tout comme la généralisation du recours suspensif devant la CNDA. Il en va de même pour la mise en place systématique de l’entretien individuel avec le demandeur d’asile et la possibilité pour celui-ci d’être assisté d’un tiers à cette occasion. De même, le renforcement de la protection des personnes vulnérables et du droit à la réunification familiale, ainsi que la reconnaissance d’un droit à l’hébergement pour tous les demandeurs d’asile constituent de réelles avancées. À cet égard, il convient cependant d’insister sur la nécessité d’augmenter massivement le nombre de places en CADA. Aujourd’hui, seule la moitié des demandeurs sont pris en charge et l’on comptait 45 319 personnes en attente d’une place en CADA au 1er janvier 2014.
Pour autant, les députés de la gauche démocrate et républicaine regrettent que certaines dispositions du texte correspondent à une transposition a minima des directives européennes, alors même que celles-ci offrent aux États la possibilité d’adopter des dispositions nettement plus favorables. Sur ce point précis, il aurait été judicieux que ce projet de loi prenne en compte les réalités et contextes migratoires des territoires ultramarins. En effet, en tant que député de Guyane, je ne peux qu’accueillir favorablement les mesures visant à lutter contre l’aliénation du droit d’asile. Il faut dire que le nombre de fraudes y a atteint un tel niveau que le droit d’asile est proche de l’asphyxie.
Permettez-moi de reconnaître ici, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, la difficulté de la tâche qui a été la vôtre, tant la frontière entre politique de l’immigration et droit d’asile semble s’être fragilisée, au point de rendre désormais les deux sujets indissociables. La Guyane se démarque du reste du territoire français en ce que, contrairement au territoire hexagonal, elle est insérée dans un bassin géographique qui se singularise autant par sa stabilité politique que par les difficultés économiques traversées par les pays qui le composent. C’est ainsi que, depuis fort longtemps, notre département a compris que les questions liées à l’asile et à l’immigration ne sont pas taboues et surtout qu’elles ne doivent pas être réservées aux partis de droite, voire d’extrême droite, au risque de faire le jeu d’idéologies purement incompatibles avec cette région en devenir.
Les derniers chiffres montrent ainsi qu’en Guyane la demande d’asile est utilisée comme obstacle aux éventuelles mesures d’éloignement et comme ouverture à l’allocation temporaire d’attente par près de 96 % des candidats au statut de réfugié. Aussi, reconnaître qu’en Guyane notre système de droit d’asile est gangrené par les abus, ce n’est pas remettre en cause la place des populations immigrées légalement installées. Il est donc fort dommage que ce texte n’ait pas pris en compte les différents contextes migratoires des territoires. Cela aurait sûrement permis de ne pas commettre à nouveau les erreurs du passé qui ont conduit à la situation que l’on connaît aujourd’hui.
Nonobstant la volonté affichée de redonner du sens au droit d’asile, pour en faire une véritable incarnation de l’éthique de notre nation, tout en apportant les garanties nécessaires pour éviter d’alourdir les charges de certaines collectivités, les députés de la gauche démocrate et républicaine se joignent à moi pour exprimer de fortes réserves et inquiétudes quant aux moyens qui seront réellement – réellement, j’y insiste – mis en œuvre pour rendre véritablement effectives les garanties prévues dans ce texte, notamment en ce qui concerne l’augmentation des places en CADA. En conséquence, comme en première lecture, les députés de la gauche démocrate et républicaine maintiennent leur abstention sur cette réforme qu’ils n’estiment pas suffisamment conforme à notre tradition républicaine d’accueil et de protection des personnes en danger. Sur ce point très particulier de la situation des territoires d’outre-mer, nous serons là encore suffisamment attentifs pour voir comment évolueront les applications faites sur le terrain, notamment en Guyane et à Mayotte.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, la discussion en nouvelle lecture du projet de loi portant réforme du droit d’asile intervient dans un contexte qui, s’il n’est pas nouveau, témoigne malgré tout d’une prise de conscience, à savoir que l’immense majorité des migrants qui franchissent aujourd’hui la Méditerranée au péril de leur vie relèvent de la protection internationale. La prise de conscience, c’est aussi que la logique « dublinienne », selon laquelle c’est le pays d’arrivée qui doit instruire les demandes d’asile, conduit à l’explosion du système et à des conditions d’accueil indignes de l’Europe, comme on a pu le voir en Grèce et comme nous sommes proches de le vivre en Italie.
Le Plan Junker, même s’il fait débat en France, y compris au sein de notre majorité, a au moins le mérite de donner enfin corps à l’idée, maintes fois répétée sur l’ensemble de nos bancs, que la question de l’asile mérite d’être traitée au niveau européen. Il repose d’ailleurs sur la même philosophie que celle qui guide le texte dont nous discutons aujourd’hui : l’affectation directive des demandeurs d’asile comme condition de leur accueil digne et adapté aux besoins. Nous saluons la volonté du Gouvernement d’y prendre toute sa part avec l’annonce, le 17 juin dernier, de la construction de 11 000 places supplémentaires pour les demandeurs, mais aussi pour les réfugiés. C’est, nous le savons tous, une condition de la réussite de cette réforme du droit d’asile.
Dans ce contexte, et alors que l’Europe dans son ensemble doit faire face à un afflux de demandes en provenance de Syrie, d’Irak, de Libye ou d’Erythrée, l’obsession de la droite à agiter une confusion permanente entre asile et immigration économique, à considérer, comme M. Ciotti dans son tweet, que « l’asile est une procédure légale pour l’immigration illégale », n’est pas, pour le dire poliment mais avec gravité, à la hauteur de l’histoire. Nous sommes face à l’un de ces moments où, comme nous avons su le faire pour les républicains espagnols, pour les réfugiés vietnamiens et cambodgiens, pour les Européens de l’Est qui franchissaient le rideau de fer, la tradition française de l’asile doit engager l’ensemble des républicains, y compris ceux qui se croient fondés à en privatiser le nom.
Le groupe socialiste considère, pour sa part, que l’adoption de ce texte en est un préalable urgent, et nous n’avons d’ailleurs déposé aucun amendement supplémentaire, considérant que les équilibres que nous avions obtenus en première lecture, ainsi que les quelques précisions utiles du Sénat concernant notamment la question de l’asile en rétention, nous permettent aujourd’hui d’avancer pour remplir les objectifs que nous nous sommes fixés.
C’est accueillir le maximum de demandeurs d’asile en CADA et assurer l’accompagnement social et juridique de tous les autres, en prenant en compte leurs vulnérabilités particulières dans les propositions d’affectation qui leur seront faites.
C’est améliorer la qualité de décision de l’OFPRA, avec une clarification des règles de l’entretien, la présence d’un conseil et une sensibilisation aux situations particulières que représentent, par exemple, les violences faites aux femmes, particulièrement pour les jeunes filles menacées d’excision.
C’est affirmer aussi l’indépendance fonctionnelle de l’OFPRA, avec un conseil d’administration diversifié pour fixer de façon plus objective la liste des pays d’origine sûrs et une liberté d’appréciation de chaque situation pour fixer des critères de priorité ou pour mettre en œuvre des procédures accélérées.
C’est également confirmer la CNDA dans son rôle de juge de l’asile, un juge spécialisé et qui fait, avec cette réforme, un pas de plus vers sa professionnalisation.
Notre objectif est clair. C’est mieux accueillir et offrir à tout demandeur d’asile les meilleures conditions pour faire valoir son droit à la protection internationale, pour protéger plus vite, réduire le taux de recours contre les décisions de l’OFPRA, mais aussi, lorsque les décisions définitives sont négatives, éviter une installation durable sur le sol français qui entame la crédibilité de notre système.
Nous assumons pour cela un texte qui parle de l’asile et uniquement de l’asile, qui réforme en profondeur l’ensemble des droits et procédures qui sont mis en œuvre, du dépôt de la demande d’asile à la délivrance ou au refus d’un statut de réfugié, mais qui ne fait pas la confusion entre débouté de l’asile et débouté du séjour, parce que nous ne considérons pas, pour notre part, que l’asile soit un sous-produit de la politique migratoire.
C’est un droit fondamental, un droit constitutionnel, qui mériterait que l’opposition aussi s’y attarde quelques instants plutôt que de fuir un débat qui contrarie ses ambitions électorales pour lui préférer celui de l’immigration, qu’elle juge certainement plus porteur mais sur lequel nous assumerons nos responsabilités dans quelques semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, depuis plus de deux siècles, la France accueille les personnes persécutées dans leur pays d’origine. Ainsi, la Constitution de 1793 proclamait déjà que « le peuple français est l’ami et l’allié naturel des peuples libres » et qu’il « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté ». En 1946, cinq ans avant la signature de la convention de Genève, la Chambre des députés a inscrit dans le préambule de la Constitution que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».
Le droit d’asile est donc profondément ancré dans notre histoire, dans notre culture, dans notre civilisation – quelles que soient nos idées politiques et notre position dans cet hémicycle, madame Crozon. Fidèle aux valeurs qui fondent notre République, la France a toujours su accueillir les personnes persécutées dans leur pays d’origine. Aujourd’hui, c’est l’honneur de notre pays d’accueillir les chrétiens d’Orient, irakiens ou syriens, victimes de la barbarie de l’État islamique. L’exercice du droit d’asile est donc un principe fondamental à valeur constitutionnelle, une tradition en vertu de laquelle notre République accueille sur son sol tous ceux et celles qui, dans leur pays d’origine, sont victimes de violences. De surcroît obligation juridique liée au droit communautaire et aux engagements internationaux de la France, le droit d’asile n’a absolument pas vocation à être remis en cause. Nous sommes tous viscéralement attachés à ce principe et nous souhaitons tous en assurer la pérennité.
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, qu’une réforme du droit d’asile est indispensable si l’on veut rendre à celui-ci le rôle fondamental qui est le sien. Je souscris à votre appel. Une réforme est en effet nécessaire, mais je suis désolé de devoir ajouter : pas celle-ci ! Certes, notre système d’asile est à la dérive et s’est transformé en ticket d’entrée en France pour les clandestins. Mais le plan annoncé mercredi dernier, prévoyant la création de 10 500 places d’hébergement, est une nouvelle illustration de l’absence de volonté de réformer en profondeur le droit d’asile.
Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés a chiffré à plus de 100 000 le nombre de migrants et réfugiés arrivés en Europe via la Méditerranée depuis le début de l’année, et plus de 1 800 hommes, femmes et enfants sont morts ou ont disparu en tentant cette traversée. L’afflux massif de migrants à nos frontières et les situations humaines dramatiques qui en découlent doivent amener le Gouvernement à réfléchir à une réforme structurelle et non à procéder à des rapiéçages. La création de ces nouvelles places d’hébergement va créer un nouvel appel d’air à destination des passeurs alors même qu’il faudrait leur envoyer un message de fermeté, et à mon avis cela doit se faire au niveau de l’Europe. Je le dis d’autant plus que j’étais ces trois derniers jours au Conseil de l’Europe en tant que président, depuis un an et demi, de la commission chargée des migrations, des apatrides et des réfugiés, et que la plupart des pays rencontrent le même problème que la France en ce qui concerne les réfugiés politiques – je pense aux pays qui s’efforcent de respecter des principes auxquels nous sommes tous attachés.
Nous nous retrouvons donc aujourd’hui pour débattre en nouvelle lecture de ce texte, et je ne peux que constater l’aveuglement idéologique de votre majorité. Les solutions proposées ne permettront pas de sauver durablement notre politique d’accueil des demandeurs d’asile. Je crains qu’une fois de plus, nous ne nous retrouvions, dans quelques années, pour débattre du même sujet. J’ai souvenir d’avoir déjà discuté avec M. le président de la commission des lois ou avec Mme la rapporteure de plusieurs textes semblables à celui-ci dans cet hémicycle. Je crains donc que celui-ci ne soit pas le dernier.
Le texte adopté par le Sénat reprenait, contre l’avis du Gouvernement, un grand nombre de nos propositions et aurait permis d’atteindre un juste équilibre. Du fait de l’obstination des partis de gauche à ne pas vouloir renforcer les mesures d’éloignement des 40 000 déboutés du droit d’asile, la commission mixte paritaire n’a pas pu, hélas, aboutir. La semaine passée, la commission des lois de notre assemblée a détricoté, une à une, les avancées sénatoriales. En conséquence, le projet de loi soumis aujourd’hui à notre examen passe totalement à côté des véritables réformes et risque d’aggraver les dysfonctionnements existants.
Je dois vous dire, monsieur le secrétaire d’État, l’immense inquiétude que la politique du Gouvernement nous inspire. Aucune mise en garde ne vous a malheureusement fait prendre la mesure de la gravité de la situation : ni celle de la Cour des comptes qui, dans son relevé d’observation de février dernier, indique clairement que la politique actuelle est au bord de l’embolie ; ni celle des trois corps d’inspection qui, dans un rapport d’avril 2013, pointaient avec force les dysfonctionnements existants ; ni celle des parlementaires alors qu’Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la mission « Asile, immigration et intégration » depuis trois ans, tire la sonnette d’alarme sur l’insoutenabilité financière de cette politique ; ni celle du comité d’évaluation et de contrôle ; ni même celle des Français, qui souhaitent que le droit d’asile retrouve sa véritable vocation et qu’il soit mis réellement fin aux abus.
Tout au long des débats à l’Assemblée nationale puis au Sénat, le ministre a rappelé que le système était à bout de souffle et qu’une réforme s’imposait. Nous partageons ce constat, mais nous regrettons que celui-ci ne s’accompagne d’aucune mesure concrète pour remédier au problème de manière durable.
Nous connaissons tous les causes de cette dérive. Le système implose tout d’abord sous l’effet de l’augmentation constante des demandes : en 2014, 65 000 demandes d’asile ont été enregistrées dans l’hexagone, soit une augmentation de 82 % depuis 2007. Cette hausse s’explique surtout par un détournement de la procédure de l’asile de la part d’étrangers qui y voient un moyen comme un autre de se maintenir clandestinement en France, sans droit ni titre. En effet, force est de reconnaître que le droit d’asile est aujourd’hui détourné : certains immigrés l’invoquent alors qu’ils sont en réalité poussés à migrer pour des raisons économiques. En conséquence, les délais d’examen augmentent : le chiffre officiel est de seize mois en moyenne, mais en réalité, si l’on prend en compte les délais cachés, la durée moyenne est estimée à dix-neuf mois et demi, selon le rapport de la mission conjointe des inspections générales. Le stock de dossiers en attente d’examen s’élève, quant à lui, à plus de 30 000.
La longueur des délais conduit incontestablement à un détournement de la procédure à des fins d’immigration. Le cercle vicieux se met en place : en renforçant l’attractivité de notre système d’asile, et donc son engorgement, l’allongement des délais s’auto-entretient. Il est vrai que ce cercle vicieux ne date pas de votre gouvernement : je me souviens très bien de la réforme faite sous Dominique de Villepin, alors ministre de l’intérieur, où le constat était déjà quasiment le même. À chaque fois, on dénonce dans les lois successives les délais qui s’allongent et l’on fait globalement le même constat, et je crains que cela ne continue. Loin de régler le problème, votre projet de loi va avoir pour effet de rallonger les délais de traitement. Un exemple parmi d’autres : votre majorité a allongé le délai à l’issue duquel le demandeur d’asile doit présenter sa demande après son arrivée, le portant à 120 jours au lieu des 90 prévus initialement.
La Cour des comptes évalue le coût des demandeurs d’asile à près de 1 milliard d’euros en 2013, soit une hausse de presque 60 % en cinq ans. Puisque chacun est au moins d’accord sur le diagnostic, à savoir que les procédures sont trop longues, pourquoi ajouter 30 jours ? Pourquoi quelqu’un qui n’aurait toujours pas présenté de demande d’asile au bout de 90 jours le ferait-il dans les 30 jours suivants ? Tous ceux qui sont de bonne foi dans cet hémicycle savent bien que, très souvent, les dossiers sont déposés plus près du quatre-vingt-dixième jour que du premier.
Plus grave encore, la Cour des comptes évalue le coût induit par les personnes déboutées du droit d’asile à 1 milliard d’euros ! Autrement dit, le montant dépensé pour les déboutés est équivalent à celui consacré aux demandeurs d’asile. Pourtant, il s’agit de personnes en situation irrégulière qui se maintiennent illégalement sur le territoire. Je le dis avec force : les déboutés du droit d’asile doivent, après rejet de leur demande, retourner dans leur pays d’origine. C’est la règle républicaine, une règle qui devrait nous rassembler tous.
Je regrette que la commission des lois soit revenue sur l’ensemble des dispositions adoptées au Sénat qui visaient à faciliter l’éloignement des personnes s’étant vu définitivement refuser l’asile, disposition proposée en première lecture par mon collègue Éric Ciotti. Il existe actuellement de réelles difficultés pour exécuter les OQTF des demandeurs d’asile déboutés : seulement 1 % d’entre eux quitte effectivement à ce titre le territoire, la grande majorité des autres restant en France. Ce n’est pas tolérable ! Dans son tweet, Éric Ciotti dit, hélas, la vérité : la procédure des demandeurs d’asile est, depuis un certain nombre d’années, la principale fabrique de sans-papiers, parce qu’elle présente des failles.
Vous avez repoussé avec une certaine arrogance notre proposition que la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA ou la CNDA vaille obligation de quitter le territoire français. Cette obstination est regrettable car cela aurait permis de simplifier les procédures, d’accélérer les délais de traitement et d’alléger un peu le travail de la justice. Rien ne dissuadera donc les migrants qui arrivent sur notre territoire, pas même l’obligation de le quitter en cas de rejet de leur demande puisque, dans la grande majorité des cas, l’OQTF n’est pas effective.
Des dizaines de milliers de candidats à l’immigration clandestine, qui ne sont pas de vrais réfugiés politiques, détournent ainsi les procédures pour se maintenir illégalement en France, ce qui suscite l’écoeurement de la part de nos concitoyens, à juste titre !
Au final, le texte que nous examinons est totalement silencieux sur la question de l’éloignement des demandeurs d’asile déboutés. Pourtant, tant que la question de l’organisation systématique et rapide de leur retour ne sera pas réglée, le système ne pourra pas fonctionner correctement et fera le jeu des filières.
Par ailleurs, faut-il rappeler l’explosion des coûts de la politique publique d’asile en termes d’hébergement ? En effet, les centres d’accueil des demandeurs d’asile étant pleins à craquer, ceux-ci sont admis dans des structures d’hébergement d’urgence. Il s’agit en principe – comme son nom l’indique – d’un dispositif d’urgence, mais dans les faits, on le sait tous, c’est devenu la norme. Par conséquent, les dépenses consacrées à l’hébergement d’urgence sous la forme de nuitées hôtelières se sont accrues. L’une des solutions aurait été de résoudre la question de la présence indue des déboutés dans les centres : dans certains départements, on compte 34 % de déboutés en présence indue en CADA. Le Sénat avait prévu une restriction de l’accès à l’hébergement pour les étrangers déboutés de leur demande d’asile. Hélas, la commission des lois est revenue également sur cette mesure !
De toute évidence, rien n’est fait pour lutter contre l’immigration illégale, laquelle nuit à l’exercice effectif du droit d’asile. Pour continuer à accueillir dignement les demandeurs d’asile, nous devons nous prémunir de ces abus et surtout des demandes frauduleuses. Sans une politique ferme en matière d’asile, votre majorité continue d’adresser un signal d’encouragement aux filières clandestines.
Ce projet de loi aurait pu être l’occasion d’aborder toutes ces questions pour assurer la pérennité d’une tradition républicaine qu’est le droit d’asile sur notre territoire. Hélas, je le répète, ce texte n’est pas au rendez-vous ! Il n’atteindra pas ses objectifs, contrarié par la recherche permanente du compromis politique interne à votre majorité. Ce compromis bancal conduira au final à aggraver les dysfonctionnements existants. C’est la raison laquelle le groupe Les Républicains s’opposera à ce texte.
J’ajouterai un mot plus personnel tenant à mon expérience de la présidence de la commission des migrations, des réfugiés et des apatrides au Conseil de l’Europe qui rassemble quarante-sept pays, dont la Turquie. J’avoue être extrêmement inquiet au vu de l’évolution des chiffres, et j’ai pu mesurer quel était l’effort engagé par la Turquie pour accueillir en première ligne les réfugiés politiques, ce qu’elle fait plutôt bien avec très peu d’aides de l’Union européenne, ou celui accompli par le Liban. Nous sommes tous d’accord pour condamner les massacres perpétrés par des extrémistes sur des innocents et pour considérer qu’il faut protéger ces derniers, quelle que soit leur religion, mais ce qui me révolte, c’est que la procédure soit aujourd’hui totalement détournée. Nos démocraties se retrouvent complètement submergées parce qu’elles n’arrivent pas à faire la différence entre les vrais demandeurs d’asile, ceux qui sont réellement persécutés, et ceux qui fuient la pauvreté et cherchent une meilleure vie, ce que l’on peut comprendre d’ailleurs – c’était le cas de mon père. Si nous n’arrivons pas à faire rapidement ce tri, c’est toute la vocation de notre pays en matière d’asile qui sera remise en cause et nous encouragerons la montée de l’intolérance.
Je pense que ces mesures devraient être prises à l’échelon européen. Aujourd’hui, l’Europe est totalement défaillante ; elle a baissé les bras. Plutôt que de chercher à répartir des quotas de migrants, il faudrait aborder le vrai problème, à savoir comment mettre fin à l’afflux de réfugiés et traiter réellement la demande.
Je le dis avec sincérité et regret : ce projet de loi nous permettra de gagner du temps, mais je suis persuadé que dans deux ou trois ans, ceux qui seront encore présents dans cet hémicycle feront les mêmes constats, et la situation se sera malheureusement encore dégradée dans l’opinion publique.
M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, en octobre 2013, au large de Lampedusa, près de 400 personnes perdaient la vie lors du naufrage de leur embarcation. Elles venaient de traverser la Méditerranée et tentaient de rejoindre l’Union européenne. Cet accident, malheureusement suivi de nombreux autres, est venu nous rappeler que, tous les jours, des hommes, des femmes et des enfants risquent leur vie pour atteindre l’Union européenne, en quête d’une vie meilleure. Ce drame a également mis en lumière les limites du système de l’asile, non seulement en France, mais aussi au plan européen.
Deux ans plus tard, nous ne pouvons plus le contester – les chiffres sont parlants et les images choquantes : notre système de l’asile est à bout de souffle ; il est devenu urgent de le réformer pour lui redonner tout son sens. Nous devons rendre la procédure de demande d’asile à la fois plus efficace et plus respectueuse des droits des demandeurs. C’est cet objectif qui nous a guidés tout au long de l’examen du présent projet de loi, et c’est celui que nous continuons de viser.
Vous le savez, le groupe des radicaux de gauche est très attaché au droit d’asile, principe fondateur de notre République, reconnu par notre Constitution dès 1793. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons rester « France terre d’asile », sans nous départir d’un examen lucide de la situation.
Dans ce contexte, je tiens à dire que notre groupe regrette l’instrumentalisation de ce projet de loi à des fins que l’on pourrait définir comme uniquement politiciennes.
Mme Pascale Crozon. Très bien !
Mme Jeanine Dubié. Si nous avions été satisfaits du texte adopté à l’issue de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale, force est de constater que celui adopté par nos collègues sénateurs a été considérablement durci. Non seulement il ne répond plus aux engagements internationaux de la France, mais il crée une véritable confusion, d’une part entre les prétendants au statut de réfugié et les migrants économiques, d’autre part entre les demandeurs d’asile et les déboutés du statut du droit d’asile. Trop souvent le débat a été réduit par certains membres de l’opposition à la seule question des déboutés. Nous avions pourtant été clairs, et le Gouvernement aussi : ces derniers, une fois que tous les recours ont été épuisés, sont des étrangers en situation irrégulière sur le territoire, et relèvent donc, non plus du texte que nous examinons cet après-midi, mais de celui relatif au droit des étrangers que nous examinerons dans les prochains mois. Je le répète : cet amalgame n’est pas tolérable ; il n’a pas sa place dans cet hémicycle.
Le travail effectué en commission nous a permis de revenir au texte de compromis, équilibré et pragmatique, que nous avions adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Je tiens à saluer le travail constructif de notre rapporteure, Mme Sandrine Mazetier, qui a su conserver les indéniables améliorations apportées par nos collègues sénateurs, tout en tenant le cap fixé en première lecture. Je salue également son écoute et son attention envers le groupe RRDP, qui est une composante de la majorité gouvernementale – je le souligne, car ce n’est pas toujours le cas.
Parmi les points qui nous tenaient particulièrement à cœur, je reviendrai en premier lieu sur les délais de traitement de la demande d’asile. De l’avis de tous, ces délais sont excessivement longs, oscillant entre dix-neuf et vingt-six mois. Ils fragilisent la situation des demandeurs d’asile et rendent difficile l’exécution des obligations de quitter le territoire français signifiées aux déboutés. Ils affectent aussi le budget de la politique de l’asile, dont les coûts augmentent avec la prise en compte de l’hébergement d’urgence et de l’allocation temporaire d’attente. Il était donc urgent de remédier à ces excès. Sur ce point, nous sommes satisfaits d’avoir pu confirmer le compromis trouvé en première lecture, qui répondait non seulement aux exigences des directives européennes, mais aussi à l’indispensable respect des droits des demandeurs d’asile. Pour réduire les délais, le Gouvernement a accepté d’augmenter le budget de l’OFPRA, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Il faudra sûrement poursuivre l’effort pour atteindre les objectifs fixés par le projet de loi.
Nous accueillons favorablement la confirmation de la suppression de la domiciliation préalable actuellement demandée aux demandeurs d’asile pour l’ouverture de leurs droits. Trop contraignante et chronophage, cette disposition ne pouvait perdurer.
La mise en place d’un recours suspensif pour les demandeurs d’asile et le renforcement de leurs droits est une très bonne mesure, que nous souhaitons voir confirmée.
En commission des lois, nous avons participé à la réécriture du texte en adoptant plusieurs amendements. Je retiendrai notamment la suppression du transfert du contentieux de l’asile à la frontière à la Cour nationale du droit d’asile à compter du 1er janvier 2017, dispositif qui avait été introduit par le Sénat, ou encore la suppression de l’article 19 bis A relatif à la réduction de trente à sept jours du délai de retour volontaire.
Concernant l’examen des demandes d’asile par l’OFPRA, nous sommes satisfaits d’avoir pu supprimer la disposition qui permettait à l’OFPRA de clore les dossiers de demande d’asile en cas d’abandon du lieu d’hébergement. Ce dispositif sanctionnait inutilement un demandeur d’asile en raison du seul changement de domicile et revenait à l’assigner à résidence. Une telle attitude était inenvisageable.
Enfin, je voudrais revenir sur la question de l’accès des demandeurs d’asile à l’emploi et à la formation professionnelle. Vous le savez, les radicaux de gauche que je représente sont très attachés à l’émancipation de l’individu par le travail et à la reconnaissance pour celui-ci de la possibilité de subvenir à ses besoins : il y va de sa capacité à s’insérer dans notre société et de sa dignité. Nous avions déposé un amendement visant à permettre au demandeur d’asile d’accéder au marché du travail dès le dépôt de sa demande d’asile ; nous regrettons de ne pas avoir pu vous convaincre, madame la rapporteure, du bien-fondé de cette demande. Nous prenons néanmoins acte de la décision d’ouvrir le droit au travail aux demandeurs d’asile présents sur le territoire français depuis plus de neuf mois, ce qui n’est rien d’autre que la transposition dans le droit français de la directive européenne. Dommage que nous n’ayons pas eu l’audace d’aller plus loin ! Autoriser l’accès au marché du travail aux demandeurs d’asile aurait constitué un véritable progrès, en permettant à ces derniers de vivre plus dignement en France, dans l’attente de leur statut définitif.
Au final, nous sommes quand même satisfaits du travail effectué en commission des lois et des réponses qui nous ont été apportées par Mme la rapporteure. Comme nous ne sommes pas des adeptes de l’inflation législative, nous avons pris le parti de ne déposer en séance plénière que quatre amendements, auxquels nous tenons particulièrement.
Nous proposerons ainsi de systématiser l’intervention du juge des libertés et de la détention dans les quarante-huit heures après le placement en rétention du demandeur d’asile.
En vue de la professionnalisation de la Cour nationale du droit d’asile, nous maintiendrons notre proposition d’intégrer le rapporteur à la formation de jugement, à la place d’une personnalité qualifiée, ce qui permettrait de renforcer la cohérence de la jurisprudence et de simplifier la gestion logistique des audiences. Cette intégration des rapporteurs s’inscrirait en outre dans la continuité des réformes entreprises ces dernières années afin de rapprocher le fonctionnement de la CNDA de celui des juridictions de droit commun en matière d’étrangers. Dans ces dernières, les rapporteurs sont en effet soit des fonctionnaires, soit des agents contractuels du Conseil d’État et bénéficient des garanties d’indépendance attachées à la juridiction. Celles-ci seraient réaffirmées et renforcées par la nomination du rapporteur par le vice-président du Conseil d’État, sur proposition du président de la juridiction.
Autre sujet qui nous tient à cœur : la communication de la transcription de l’entretien personnel au demandeur d’asile ; nous considérons qu’elle doit être systématisée. Nous vous avions demandé de rendre systématique cette communication pour tous les demandeurs d’asile avant qu’une décision soit prise sur la demande. Vous n’avez pas retenu notre proposition : nous en prenons acte. Néanmoins, nous vous proposerons de systématiser la communication de cette pièce lors de la notification de la décision dans le cadre d’une demande accélérée.
Enfin, un dernier amendement portera sur la possibilité pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté d’accéder aux centres de rétention.
Tous ces amendements vont dans le même sens : celui d’une meilleure protection des demandeurs d’asile, tout en gardant en vue l’exigence de performance de notre action publique.
Mes chers collègues, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste n’est pas naïf. Nous savons que le présent projet de loi ne saurait résoudre l’immense problème des migrations auquel nous sommes aujourd’hui confrontés. Il n’est certes qu’un maillon d’une politique qui doit être plus globale et plus intégrée, mais les dispositions qu’il contient vont dans le bon sens et dynamiseront, j’en suis sûre, nos capacités de réponse à cet enjeu majeur.
Il serait contre-productif de mener ce combat de manière isolée, alors que sur ces questions, les analyses sont partagées. Cessons de nous voiler la face, et interrogeons-nous sur l’évident manque de solidarité dont font preuve certains pays européens à l’égard de l’Italie et des pays ayant des frontières extérieures exposées à l’arrivée de nombreux migrants. Il est urgent de mettre en œuvre à l’échelon européen une réponse plus intégrée et solidaire. C’est un impératif que la gouvernance européenne ne peut ignorer, sous peine, une fois encore, d’entretenir l’idée que l’Europe ne sert à rien et que la détresse humaine ne l’intéresse pas, tant elle est empêtrée dans des sujets purement financiers.
Nous rejoignons le Gouvernement sur la nécessité de se poser également la question des politiques d’aide au développement international, car la première réponse que nous devons apporter concerne l’Afrique. Il nous faut nous attaquer aux causes des migrations. Notre responsabilité est de participer à la résorption des conflits en Afrique et au Moyen-Orient, et de permettre à ces pays de se développer afin d’assurer à leurs concitoyens, souvent très jeunes, des perspectives d’emplois et de progrès. Ne perdons pas de vue que la plupart de ceux que l’on appelle les migrants économiques sont originaires de pays confrontés aux effets du dérèglement climatique, source de pauvreté et de misère.
Enfin, la réponse se trouve ici, en France : il est de notre responsabilité de nous adapter à l’augmentation du nombre d’arrivées.
M. le président. Chère collègue, il faut conclure !
Mme Jeanine Dubié. Je salue l’initiative du ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve, qui a annoncé la création de 11 000 places d’hébergement pour les migrants ; il reprend ainsi les préconisations du rapport que nous avions rendu, mon collègue Arnaud Richard et moi-même, sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile.
Voilà, chers collègues, l’état d’esprit dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui. C’est empreints de gravité face à la multiplication des situations tragiques que nous vous disons qu’il est temps d’adopter ce texte rapidement, afin d’apporter une réponse adaptée à l’ampleur de la crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.
Mme Chantal Guittet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, j’avais, en première lecture, salué ce projet de loi qui a le mérite de réformer notre système d’asile. Je ne ferai pas de même s’agissant des modifications apportées par le Sénat. Celles-ci sont, pour la majorité d’entre elles, tout bonnement inacceptables ; le texte en sort dénaturé et vidé de sa substance. Au diapason de la précédente majorité, le Sénat nous renvoie un texte affublé de dispositions caricaturales qui ne corrigent pas les défauts de notre système d’asile. Dans ces conditions, la commission mixte paritaire a logiquement échoué.
Les conditions matérielles de l’exercice du droit d’asile ne nous permettent plus d’accueillir, comme nous le souhaiterions, celles et ceux qui ont un réel besoin de protection. Attention : ces dysfonctionnements ne doivent pas être imputés aux demandeurs d’asile ; c’est notre système qui est inadapté, et il faut le réformer.
Les événements tragiques qui se sont déroulés ces derniers mois, et en particulier ces dernières semaines, où l’on a assisté à la mort de milliers de migrants lors de traversées décidées au mépris de toute sécurité, ont démontré qu’il était nécessaire de faire également avancer l’harmonisation des législations et des pratiques européennes dans un domaine où chacun sait que la solution ne peut être strictement nationale.
Nous devons éviter tout amalgame. Il ne faut pas confondre politique d’asile et politique d’immigration : ce sont deux champs bien distincts de l’action publique. Ceux qui s’aventurent sur ce terrain le font souvent dans un but politicien, tendant à faire croire que la France accueille « toute la misère du monde ». Or, si le nombre des demandeurs d’asile en France a presque doublé entre 2007 et 2013, pour s’élever à près de 65 000, ils sont 173 000 en Allemagne ! Nous sommes donc loin de crouler sous le poids des demandes d’asile, comme on voudrait nous le faire croire. Je vous rappelle, chers collègues, que la France n’est que le neuvième pays d’accueil. Sans pastiche aucun, il va de soi qu’aucun demandeur d’asile ne recourt à cette procédure « de gaieté de cœur ».
Cette procédure fait suite au départ, souvent précipité mais toujours nécessaire, d’une personne contrainte de fuir sa terre natale, de quitter un pays dans lequel sa vie même est en danger, et de le faire dans des conditions souvent risquées. La réduction des délais de traitement des demandes pour redonner un vrai sens au droit d’asile et l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs d’asile sont des promesses faites par François Hollande au cours de sa campagne présidentielle. Aussi la gauche entend-elle réformer efficacement et avec humanité un système d’asile en crise.
Alors, quand le Sénat s’attache à réduire tous les délais – délai de recours, de validité de la carte de séjour temporaire, délai pour la qualification de demandes tardives –, il aggrave de manière significative la précarité de la situation des demandeurs. La réduction des délais de procédure ne va-t-elle pas à l’encontre même du droit d’asile ? Celui-ci a pour objet de protéger des personnes en leur proposant une sécurité, une pérennité sur le territoire. C’est bien là la vocation de la France, terre d’accueil. Face à cette détérioration inconcevable, il s’agit bien sûr de retrouver l’équilibre qui avait été adopté en première lecture dans cet hémicycle.
Quand enfin, le Sénat annule les dispositions relatives à l’identification et à la prise en compte des vulnérabilités, la disposition sur la possibilité d’accéder au marché du travail au bout de neuf mois si l’OFPRA n’a pas statué ou encore une disposition sur la révision régulière des pays d’origine sûrs, cela traduit une méconnaissance de ce que doit être le droit d’asile. Confondre rejet d’une demande d’asile et obligation de quitter le territoire français revient à confondre une nouvelle fois asile et immigration.
Alors, le Gouvernement propose aujourd’hui une réforme globale du système, conçue à partir d’une large concertation qui associe tous les acteurs – administrations, associations, usagers – et toutes les parties prenant part au traitement des demandes d’asile.
Pour ma part, je trouve que cette réforme est conforme à l’idée d’une France ouverte, juste et humaine. C’est pourquoi je vous invite tous à voter pour ce projet républicain, qui est fidèle à notre héritage révolutionnaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.
M. Jean-Louis Touraine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, les événements de ces derniers mois le confirment : il y a urgence à réformer en profondeur notre système d’asile. Depuis le début de l’année, plus de 100 000 personnes sont entrées dans l’espace Schengen. Certaines, originaires de pays ravagés par les conflits et la pauvreté, n’hésitent pas à traverser la mer sur des embarcations de fortune, parfois au péril de leur vie. D’autres s’entassent dans des campements précaires présentant des risques sanitaires et sécuritaires élevés. L’Union européenne doit faire face à une crise humanitaire historique, qui nécessite une refondation de notre politique migratoire et de notre droit d’asile, à l’échelle française et européenne. Le projet de loi relatif à la réforme de l’asile que nous nous apprêtons à examiner en seconde lecture revêt, dans ce contexte, une dimension capitale. Nous n’avons plus le droit à l’erreur. La préservation de notre tradition en matière d’asile et la dignité de dizaines de milliers de personnes en dépendent.
À travers ce projet de loi, nous devons apporter des solutions à trois dysfonctionnements majeurs qui affaiblissent notre système : la lenteur de l’examen des demandes d’asile, un système d’hébergement inefficace et inéquitable, des droits trop souvent bafoués pour les demandeurs d’asile.
En ce qui concerne la procédure d’examen des demandes, tous s’accordent sur le fait que les délais d’examen doivent être réduits. Certains sont animés par l’ambition utopique de réduire ces délais à trois mois. Ce n’est pas tenable. En revanche, comme Valérie Létard et moi-même l’avions préconisé dans notre rapport sur le droit d’asile, faire en sorte que la durée totale de l’examen de la demande passe de deux ans à neuf mois en moyenne me semble un objectif atteignable. Dans cette perspective, nous devons agir à toutes les étapes du processus : de l’enregistrement des demandes par les préfectures aux délais d’examen devant l’OFPRA et la CNDA. C’est ce à quoi tend ce projet de loi, et je m’en réjouis.
La lutte contre la lenteur de notre système est la condition indispensable pour une amélioration de la situation des demandeurs d’asile, comme des déboutés. Comment exiger un retour des déboutés dans leur pays d’origine lorsqu’ils vivent dans notre pays depuis plusieurs années ? Lorsque nous aurons réduit la durée de la procédure, alors nous serons en capacité de mettre en œuvre une politique d’éloignement plus efficace. Le Gouvernement prend le problème à bras-le-corps comme le prouve son plan d’amélioration de la prise en charge des migrants, qui prévoit une vague de recrutements à l’OFPRA, à l’OFII et en préfecture pour atteindre l’objectif de diminution des délais d’instruction.
Agir dans l’intérêt des demandeurs d’asile, c’est aussi leur offrir à tous des conditions d’hébergement dignes. L’amélioration de celles-ci passe par une généralisation progressive de l’hébergement en CADA et une marginalisation des nuitées d’hôtel, mais, sans augmentation de la capacité de ces centres, rien n’est possible. C’est pourquoi je salue encore une fois l’action du Gouvernement qui, la semaine dernière encore, a annoncé la création de 4 000 places supplémentaires, en plus des 4 200 qui sont déjà en cours de réalisation. Pour être plus efficace, notre système d’hébergement doit également être plus directif. Actuellement, les demandeurs d’asile sont essentiellement concentrés dans les régions parisienne et lyonnaise. Leur meilleure répartition sur le territoire permettra une prise en charge plus équitable et plus immédiate. De plus, cela leur permettra, en cas de réponse positive, d’avoir plus de chances de s’insérer au mieux dans notre société.
Enfin, ce projet de loi renforce les droits des demandeurs d’asile. C’est une bonne chose. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, je suis particulièrement heureux des dispositions adoptées en première lecture relatives à la vulnérabilité des demandeurs. Comme chacun le sait, la détection de la vulnérabilité est une opération délicate. Félicitons-nous du fait que le projet de loi prévoit une adaptation de la procédure en fonction des besoins spécifiques des personnes les plus fragiles, comme les mineurs isolés ou encore les femmes victimes de violences.
Ce projet de loi représente une réelle avancée. Il accorde de nouvelles garanties aux demandeurs d’asile, notamment dans le déroulement de la procédure devant l’OFPRA, au cours de laquelle ils seront accompagnés et assistés par une personne-ressource. Des délais d’instruction plus brefs permettront aux réfugiés de s’organiser pour leur nouvelle vie, notamment en ayant la possibilité d’accéder à un emploi au bout de neuf mois. La durée d’hébergement en CADA sera aussi plus courte, ce qui permettra de satisfaire davantage de demandeurs.
Cette réforme de l’asile est ambitieuse. Néanmoins, elle ne saurait se suffire à elle-même. Pour répondre à l’urgence humanitaire, nous avons besoin d’une véritable politique européenne et d’une action volontariste des pouvoirs publics. Le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé plusieurs décisions allant dans le sens d’une meilleure gestion des flux migratoires et d’une amélioration de la prise en charge des demandeurs d’asile et des réfugiés : capacités d’hébergement supplémentaires, recrutement de personnel supplémentaire à l’OFII, à l’OFPRA et en préfecture, abondement des aides au retour pour les déboutés en sont des exemples. Devant cette mobilisation importante de l’État pour relever les défis posés par ces mouvements migratoires exceptionnels, nous sommes désormais dans l’attente d’une réponse européenne. L’Union européenne pourra accueillir dignement les opprimés lorsqu’elle se sera dotée des moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une politique migratoire globale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je voudrais tout d’abord remercier Mme Allain. Je comprends, et regrette, qu’elle confirme que le groupe écologiste s’abstiendra sur ce texte, et je réaffirme ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire : la procédure accélérée n’est en aucun cas une sous-procédure. Elle offre absolument les mêmes garanties d’entretien individuel, en présence d’une tierce personne qui peut être soit un avocat soit un représentant d’association de défense des droits de l’homme, des droits des femmes ou des droits des enfants. Il y a donc une confusion, et je regrette que l’on n’ait pas réussi à la lever, en particulier en ce qui concerne les mineurs. Un mineur peut avoir besoin d’être protégé de manière extrêmement rapide et la procédure accélérée peut offrir une protection supplémentaire par rapport à une procédure normale qui dure trois mois.
Pour répondre à M. Rochebloine, je dirai que nous n’avons pas excessivement allongé le délai à l’expiration duquel le dépôt d’une demande d’asile est considéré comme tardif : 120 jours au lieu de 90 jours, ce n’est guère qu’un mois de plus. Je tiens à souligner le caractère uchronique des propos de M. Rochebloine qui a évoqué le rapport du président Vigier pointant l’inflation du contentieux. En effet, cette réforme vise précisément à régler une forme d’inflation et à rétablir des délais compatibles avec le respect du droit et des droits des personnes.
Monsieur Serville, vous avez exprimé la position du groupe auquel vous appartenez. Je vous remercie d’avoir salué les avancées très réelles et très concrètes qui caractérisent ce texte, même si, encore une fois, je regrette que le groupe GDR s’en tienne à la position qu’il avait déjà exprimée. Je voudrais néanmoins vous rassurer sur la prise en compte par ce projet de loi des situations particulières, en particulier celle de la Guyane. Simplement, nous y avons veillé en première lecture, et les dispositions concernées ne figurent plus parmi celles soumises à notre examen en nouvelle lecture. Je vous invite cependant à prendre connaissance des alinéas 4, 5 et 6 de l’article 20, qui n’est plus en discussion. Votre rapporteure a en effet souhaité que soit créé un observatoire de l’asile en outre-mer, précisément parce que l’outre-mer se caractérise par une situation spécifique, un éloignement, aussi, qui font que les délais sont encore plus longs qu’ailleurs, et cette situation est parfois mal prise en compte ou, en tout cas, méconnue par les responsables politiques de l’hexagone. Votre préoccupation est donc d’ores et déjà satisfaite et j’ose espérer que cette attention particulière vous permettra, à titre personnel, d’exprimer un vote différent de celui du groupe auquel vous appartenez.
Je veux remercier les deux oratrices et l’orateur du groupe socialiste, qui ont rappelé les fortes convictions du groupe socialiste sur cette réforme, sur les moyens nécessaires à son succès et sur l’urgence de l’adopter – c’est ce qu’a fait tout particulièrement Mme Crozon.
M. Mariani est un connaisseur, parce qu’il a été lui-même rapporteur, et pas seulement : il a aussi été porte-parole de son groupe sur le sujet au cours d’autres législatures. C’est pourquoi je trouve abusif, de sa part, de dire que la France a toujours su accueillir les persécutés. Ce n’est malheureusement pas le cas. Sous la majorité à laquelle vous apparteniez, cher collègue, le système d’accueil était déjà totalement saturé. Les rapporteurs budgétaires l’indiquaient budget après budget, comme la Cour des comptes. Les lois de règlement le relevaient également à chaque exercice budgétaire, et vous n’avez rien fait, vos ministres n’ont rien fait. Ils ont même organisé l’embolie du système. Vous avez dit que la Cour des comptes estimait, dans son rapport, qu’elle a elle-même qualifié de partiel et partial, que nous étions au bord de l’embolie. Nous ne sommes pas « au bord » de l’embolie, nous y sommes totalement, et, avec cette réforme, nous allons sortir de cette situation, monsieur Mariani ! Alors que de 2007 à 2012, à peine 2 000 places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile ont été créés, il est dommage que vous ne souligniez pas que ce gouvernement en aura réalisé deux fois plus avant même l’année 2015, sans parler des annonces du 17 juin dernier.
Loin de ne présenter aucune solution à l’allongement des délais, ce texte répond précisément à leur dérive continue. Je vous rappelle en outre que la majorité à laquelle vous apparteniez a elle-même ajouté un verrou supplémentaire au système, en conditionnant le dépôt d’une demande d’asile à une domiciliation tout en refusant par ailleurs de reconnaître des associations pour réaliser ces domiciliations. Cela a conduit à l’embolie en amont de tout le système : c’est ce que nous corrigeons.
Cela n’a pas été dit, aussi je tiens à le rappeler : avec ce projet de loi, précisément, le dépôt d’une demande d’asile ne sera plus subordonné à une domiciliation. De ce seul fait, le délai moyen de vingt-quatre mois pour l’instruction des demandes d’asile – lequel ne tient même pas compte des délais préalables de dépôt et d’enregistrement de la demande – sera considérablement réduit.
Vous avez par ailleurs expliqué que le Gouvernement a rejeté avec « une certaine arrogance » votre proposition que le rejet de la demande d’asile vaille obligation de quitter le territoire français. Mais, de même qu’il n’y avait aucune arrogance dans les propos tenus par Mme Létard au Sénat, il n’y en avait pas à constater que les dispositions que vous proposiez étaient inadaptées sur le plan juridique et inefficaces sur le plan pratique. Les objectifs que vous visiez à travers elles n’auraient pu être atteints : je tenais à le préciser.
Vous avez également appelé à une politique « ferme » en matière d’asile. Je ne connais qu’une politique de fermeté en ce domaine : c’est de respecter la convention de Genève, la convention européenne des droits de l’homme et les règles de l’État de droit. C’est cela, la fermeté en matière d’asile, monsieur Mariani.
Enfin, vous avez parlé d’une Europe « défaillante ». Je vous remercie d’avoir évoqué le cas de la Turquie, mais on pourrait évoquer beaucoup d’autres pays qui accueillent des centaines de milliers de personnes fuyant Daech ou d’autres groupes terroristes, ou des régimes tortionnaires et dictatoriaux. Oui, l’Europe reçoit beaucoup moins de demandeurs d’asile et de personnes fuyant les persécutions que le reste du monde. Il est bon que nous en ayons conscience, dans cet hémicycle : c’est pourquoi je vous remercie de ce rappel.
Je voudrais, en votre nom à tous et à toutes, rendre hommage à l’OFPRA, qui accomplit un travail vraiment remarquable, particulièrement en ce moment, et à toutes celles et ceux qui, au ministère de l’intérieur ou à l’OFII, aident à gérer l’urgence humanitaire à laquelle nous sommes confrontés. Je remercie celles et ceux qui ne sont pas présents aujourd’hui dans l’hémicycle, pour de nombreuses raisons liées à l’actualité, notamment la grève des chauffeurs de taxi en protestation contre Uber, et qui ont pourtant contribué à nos débats et ont enrichi le texte : je rends hommage au remarquable travail effectué par Jeanine Dubié et Arnaud Richard – qui n’a pu être là ce soir –, ainsi qu’à tous les membres du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre Assemblée, devant lequel a été déposé le célèbre rapport Dubié-Richard sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile.
Je salue également Sergio Coronado, qui aurait sans doute aimé être présent – mais Brigitte Allain porte cet après-midi avec talent la voix du groupe écologiste. Enfin, je rends hommage aux collaborateurs de nos différents groupes, qui travaillent beaucoup sur ces questions, notamment la collaboratrice du groupe SRC. C’est le dernier texte sur lequel elle aura travaillé ici, puisque, heureusement pour elle, malheureusement pour nous, elle nous quitte pour une belle nouvelle vie professionnelle, laquelle d’ailleurs ne l’éloignera pas tant que cela de l’Assemblée nationale, puisqu’elle va rejoindre un cabinet ministériel : je veux parler de Camille Pérez, que je tiens à remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Je sollicite une suspension de séance de cinq minutes.
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-sept.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
(L’article 1erbis est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 134.
M. Denys Robiliard. Cet amendement, qui me semble être de précision, vise à coller davantage à la lettre de la convention de Genève, plus précisément son article 1er D. En effet, si le mandat d’une autre organisation des Nations unies que le Haut-commissariat aux réfugiés cesse, alors les personnes peuvent se prévaloir de plein droit de la convention de Genève. Il s’agit uniquement de préciser cela.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement a été repoussé par la commission, parce que la rapporteure estime qu’il est déjà satisfait. Elle l’a déjà expliqué en première lecture : l’alinéa 8 de l’article 2 prévoit déjà que « Le statut de réfugié n’est pas accordé à une personne qui relève de l’une des clauses d’exclusion prévues aux sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève […] ». Lorsqu’une personne ne relève plus de l’une de ces clauses d’exclusion, alors le statut de réfugié peut lui être accordé. Preuve en est que s’agissant des réfugiés palestiniens, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et celle du Conseil d’État prennent en compte cette problématique.
L’alinéa que cet amendement tend à insérer à l’article 2 n’apporte rien de plus, et rendrait même plus complexe la rédaction du texte. C’est pourquoi, conformément à l’avis de la rapporteure, la commission l’a repoussé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis, monsieur le président.
(L’amendement no 134 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Thierry Mariani. Il s’agit de préciser que l’OFPRA a l’obligation, et non la faculté, ce qui change tout, de mettre fin au statut de réfugié ou de saisir la Cour nationale du droit d’asile ou le Conseil d’État, dès lors que la personne concernée relève de l’une des clauses de cessation ou d’exclusion prévues par la convention de Genève et la directive « Qualification » no 2011/95/UE, qui concerne notamment les crimes contre l’humanité et les agissements contraires aux buts et principes des Nations unies.
Il faut en effet distinguer la qualification des faits, d’une part, pour laquelle toute latitude est accordée à l’OFPRA, sous la vigilance du juge, et les conséquences de cette qualification, d’autre part. Ainsi, dès lors que l’OFPRA a, conformément à la convention de Genève, des éléments justifiant la mise en œuvre de l’une des clauses de cessation, il doit mettre fin au statut de réfugié.
Si l’on veut vraiment réduire la durée de traitement des dossiers, il convient selon moi que cette procédure soit automatique, dès lors que le dossier appartient manifestement à cette catégorie.
Cette argumentation vaut également pour l’amendement no 138, que vous voudrez bien considérer, monsieur le président, que j’ai défendu par la même occasion.
M. le président. Je vous en prie.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. J’ai déjà indiqué, lors de mon intervention liminaire, que j’étais opposée à toute introduction d’une compétence liée pour l’OFPRA. J’ai également rappelé que, à titre personnel, et cet avis est partagé par le groupe écologiste, représenté en commission par Sergio Coronado, je souhaite rétablir le pouvoir d’appréciation de l’OFPRA. En effet, c’est précisément l’un des buts de ce projet de loi que de consacrer l’indépendance fonctionnelle de l’Office. Or l’adoption des amendements du groupe Les Républicains serait contraire à cet objectif. L’avis de la commission est donc défavorable aux deux amendements que M. Mariani vient de défendre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Je comprends votre remarque au sujet de la compétence liée, madame la rapporteure, mais il me semble qu’on a là l’exemple-type du dispositif qui ira à l’encontre de l’objectif que l’on se fixe, à savoir, en l’occurrence, une réduction des délais. J’espère me tromper, mais je suis persuadé que, dans deux ou trois ans, nous nous retrouverons dans ce même hémicycle, pour faire le même constat.
(Les amendements nos 1 et 138, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 89.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination.
(L’amendement no 89, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 133.
M. Denys Robiliard. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 16 à 18 de l’article 2, pour des raisons exclusivement juridiques. Il me semble en effet que ces alinéas ne sont pas conformes à la convention de Genève, et pas même à la directive du 29 avril 2004.
S’agissant de la conformité avec la convention de Genève, d’abord, en indiquant que le statut de réfugié peut être refusé ou qu’il peut y être mis fin, ces alinéas instaurent, sans nécessairement les qualifier comme telles, une clause de cessation, lorsqu’il y est mis fin, et une clause d’exclusion, lorsqu’il est refusé, au statut de réfugié. Ces clauses, tant de cessation, que d’exclusion, sont définies aux paragraphes C et F de l’article 1er de la convention de Genève. Or les raisons qui sont invoquées aux alinéas 17 et 18 de l’article 2 du présent projet de loi ne correspondent pas à cette définition. Par conséquent, en ajoutant une clause d’exclusion qui va au-delà de ce qu’a prévu la convention internationale, il me semble qu’on est en contradiction avec elle.
Par ailleurs, nous sommes à mon sens en contradiction avec l’article 14 de la directive qu’il s’agit de transposer. L’alinéa 4 de cet article dispose en effet que les États membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié. Mais il faut aller au bout de la lecture ! Si on révoque le statut octroyé à un réfugié, on ne lui refuse pas pour autant la qualité de réfugié. Autrement dit, ce que l’on révoque, c’est le droit au séjour et ce qui lui est attaché, mais pas la qualité de réfugié, sur laquelle on ne revient pas. La preuve de ce que j’avance se trouve à l’alinéa 6 du même article, qui dispose que « les personnes auxquelles les paragraphes 4 et 5 s’appliquent ont le droit de jouir des droits prévus aux articles 3, 4, 16, 22, 31, 32 et 33 de la convention de Genève », c’est-à-dire de ce qui constitue le cœur de cette convention, puisque l’article 33 énonce notamment le principe de non-refoulement.
M. le président. Merci de conclure, cher collègue.
M. Denys Robiliard. J’ajouterai, pour finir, que la convention de Genève est réaliste. Lorsqu’un réfugié, qui reste réfugié, représente un danger pour le pays qui l’accueille, il peut néanmoins être refoulé : c’est ce que prévoit l’alinéa 2 de l’article 33.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Comme je veux répondre précisément sur ce point, je serai peut-être un peu longue, monsieur le président.
M. le président. Je vous en prie, madame la rapporteure.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Votre amendement, monsieur Robiliard, vise à supprimer purement et simplement les cas de refus ou de retrait du statut prévus à l’article L. 711-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Je remarque tout d’abord que votre exposé sommaire fait référence au texte du Sénat. Or des modifications sont intervenues lors de l’examen du texte en commission. À l’alinéa 17, la commission des lois de notre assemblée a modifié la rédaction issue du Sénat, qui mentionnait une « menace pour la sécurité publique ou la sécurité de l’État », en préférant l’expression suivante : « menace grave pour la sûreté de l’État ». Il n’est donc plus question de menace pour la sécurité publique. Par ailleurs, à l’alinéa 18, il a été précisé que la condamnation devait avoir été prononcée en France. Cumulativement, la présence de la personne doit constituer une menace grave pour la société.
Cela étant dit, l’article L. 711-6 reprend largement, contrairement à ce que vous avancez, les stipulations de la convention de Genève et les dispositions de la directive « Qualification ». La possibilité de retrait du statut de réfugié apparaît donc conforme à la convention de Genève, puisque son article 33 prévoit que le principe de non-refoulement ne pourra être invoqué « par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ». Des dispositions analogues figurent à l’article 14 de la directive.
S’il est un cas où la conformité à la convention peut éventuellement se poser, c’est lorsque le statut de réfugié est refusé dès le départ, pour ces motifs. En tout état de cause, je ne suis pas favorable à votre amendement, qui tend à supprimer purement et simplement les alinéas 16 à 18, parce qu’il se trouve aujourd’hui dans notre pays des personnes condamnées pour des faits graves de terrorisme, auxquelles on ne peut pas, en l’état actuel du droit, retirer le statut de réfugié. Or cela semble difficilement compréhensible, en particulier dans le contexte issu des événements de janvier dernier.
Si toutefois la rédaction de l’article L. 711-6 appelle des retouches, s’agissant notamment de l’exclusion du statut de réfugié, c’est-à-dire du refus initial de l’octroyer, j’invite le Gouvernement à apporter les précisions nécessaires et, le cas échéant, à procéder à ces retouches par la voie d’un amendement déposé au Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Monsieur le député, votre amendement tend à supprimer une disposition introduite par le Sénat, puis modifiée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui permet de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié lorsque la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’État, ou lorsque cette personne a été condamnée en dernier ressort en France pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ou pour tout autre crime ou délit puni d’au moins dix ans d’emprisonnement, et que sa présence constitue une menace pour la société.
Je sais que cette disposition a suscité des interrogations. Je veux dire très clairement que le Gouvernement considère évidemment que le droit d’asile ne doit pas servir à protéger des personnes qui se rendraient, par les actions qu’elles commettent sur notre territoire, indignes de la protection que la France leur aurait reconnue. C’est pourquoi le Gouvernement a, sur ce point, accueilli tout à fait favorablement la disposition introduite par le Sénat, et il souhaite qu’elle soit maintenue.
Je veux par ailleurs apporter une réponse précise aux objections d’ordre juridique que vous soulevez. La possibilité de refuser ou de retirer la qualité de réfugié trouve son origine, vous l’avez dit, dans l’article 14 de la directive « Qualification » de 2011, dont le présent projet de loi procède à la transposition. L’article 14 de la directive nous semble parfaitement compatible avec les stipulations et l’esprit de la convention de Genève. Celle-ci prévoit en particulier, à son article 33, alinéa 2, une exception au principe de non-refoulement pour l’individu « qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ». J’insiste bien sur le fait qu’il est question de crime « ou de délit ».
Je tiens à souligner que plusieurs de nos partenaires européens ont intégré, dans leur législation nationale, ces règles très spécifiques de refus ou de retrait, pour des cas extrêmement graves, et que, à notre connaissance, aucune incompatibilité n’est apparue, à ce stade, avec la convention de Genève. Je veux enfin ajouter que ce nouvel article L. 711-6, dont l’application est strictement encadrée, sera mis en œuvre à l’issue d’un examen individualisé et approfondi par l’OFPRA, assorti de toutes les garanties procédurales, et sous le contrôle de la CNDA. À la faveur de l’examen mené en commission des lois de l’Assemblée nationale, la mise en œuvre de ces dispositions a également été davantage, et opportunément, encadrée. La rédaction issue des travaux de la commission des lois nous semble ainsi réaliser un équilibre entre les exigences de protection des réfugiés et les intérêts fondamentaux de notre pays. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Notre désaccord ne porte pas sur les fins poursuivies, même s’il faudrait peut-être s’entendre sur la notion de « menace ». Il porte sur l’analyse juridique du texte.
Encore une fois, madame la rapporteure, l’article 33, alinéa 2 de la convention de Genève s’applique à un réfugié, c’est-à-dire une personne correspondant à la définition figurant à l’article 1er de cette convention. Par conséquent, dire que l’alinéa 2 introduit une dérogation au principe de non-refoulement posé à l’alinéa 1 de l’article 33 ne revient pas à dire que l’on peut retirer le statut de réfugié. C’est encore à un réfugié que s’applique cet article – l’un des rares articles de la convention à lui être défavorable.
Il me semble qu’il y a là un malentendu. Ce qui est possible, c’est de retirer le droit au séjour et d’expulser un réfugié, y compris vers son pays d’origine, même s’il risque d’y être persécuté quand il représente un danger pour la communauté nationale. Ce qui est en revanche impossible, en application de la convention de Genève, c’est de lui retirer la qualité de réfugié. Celle-ci ne se retire pas et ne se confère pas.
Par ailleurs, je répète que l’article 14, aliéna 6 de la convention maintient bien la protection du réfugié, y compris quand on a révoqué le statut octroyé. Le statut octroyé, ce n’est pas la reconnaissance de la qualité de réfugié ; ce sont les droits qui l’accompagnent, et qui sont spécifiques au pays.
Enfin, je tiens à souligner que la Cour de justice de l’Union européenne a rendu hier un arrêt qui me semble appliquer ces principes tels que je les lis, et non tel que les lisent le Gouvernement et la rapporteure.
(L’amendement no 133 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 14, 139 rectifié et 74, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour les soutenir.
M. Thierry Mariani. Le présent amendement vise à rétablir la rédaction sénatoriale. En effet, la commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté un amendement du rapporteur restreignant le champ de cette disposition, pourtant indispensable.
Cet amendement transpose l’article 14. 4. A) de la directive « Qualification » du 13 décembre 2011, afin d’exclure du statut de réfugié – ou de le leur retirer – les personnes pour lesquelles il y a une raison sérieuse de considérer que leur présence en France constitue une menace pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État. Vous avez rappelé à juste titre, madame la rapporteure, que nos concitoyens ne comprennent pas que l’on garde sur notre territoire des gens qui semblent représenter une menace évidente. Le texte s’applique également aux personnes qui ont été condamnées en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, actes de terrorisme compris, et dont la présence sur le territoire constitue une menace pour la société.
Il complète les clauses d’exclusion et de cessation prévues par le présent article 2 en permettant l’exclusion ou la cessation du statut de réfugié pour des actes d’une particulière gravité comme les actes terroristes, y compris ceux commis sur le territoire national. Il reprend la logique d’une des clauses d’exclusion de la protection subsidiaire, celle de « menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État », définie à l’article L. 712-2 du CESEDA, qui a été jugée conforme à la Constitution par la décision no 2003-485 DC du Conseil constitutionnel, en date du 4 novembre 2003.
En outre, cet amendement respecte la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne – CJUE, 9 novembre 2010, Allemagne / B. et Allemagne / D., no C 57/09 et C 101/09 –, car l’OFPRA aura recours à la procédure de cessation prévue au nouvel article 7 bis du présent projet de loi. Il procédera donc à une « appréciation au cas par cas » à partir de faits démontrant qu’il y a une « raison sérieuse » de considérer que la présence en France de l’individu constitue une menace pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
Lorsqu’un individu représente une menace sérieuse pour la sécurité publique, il convient que le statut de réfugié lui soit refusé – et non qu’il puisse le lui être.
Si l’un de ces individus commettait un acte de terrorisme, madame la rapporteure, je n’ose imaginer quelles seraient la réaction des médias et celle de l’opinion publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable. M’étant déjà expliquée sur la notion de compétence liée, je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles la commission est défavorable aux amendements nos 14 et 139 rectifié.
L’amendement no 74, quant à lui, vise à rétablir la rédaction sénatoriale de l’article L. 711-6 du CESEDA. Nous avons au contraire considéré que cette rédaction était trop large et qu’elle aurait conduit à refuser à tort le statut de réfugié à une personne ayant par exemple participé à une manifestation autorisée sur la voie publique qui aurait dégénéré, sans que cela lui soit imputable. Nous avons donc souhaité encadrer davantage les cas prévus par cet article.
De même, la rédaction proposée par le Sénat aurait pu conduire à refuser ou à retirer le statut de réfugié à une personne kurde qui aurait été condamnée en Turquie. C’est pourquoi nous avons voulu préciser que la mesure pouvait s’appliquer à toute personne « condamnée en dernier ressort en France ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Il va de soi, madame la rapporteure, que la rédaction que nous proposons ne vise en aucun cas les personnes qui participent pacifiquement à une manifestation sur la voie publique. S’agissant d’une personne qui aurait été condamnée en Turquie pour des actes terroristes, tout dépend de l’appréciation des actes en question, mais convenez que nous sommes également signataires de certains accords avec tel ou tel pays.
Il me semble que la responsabilité prise ici est très importante : j’espère qu’aucun des individus visés par cet alinéa ne commettra jamais d’acte terroriste sur notre sol, car l’opinion publique ne le comprendrait pas.
(Les amendements nos 14, 139 rectifié et 74, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 75.
M. Thierry Mariani. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. La commission a naturellement émis un avis défavorable à cet amendement, mais je ne voudrais pas que les propos de M. Mariani laissent accroire que ce texte empêche de retirer son statut de réfugié à une personne condamnée pour terrorisme en France. Que les choses soient claires : c’est précisément ce que prévoit le texte, au contraire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 75 n’est pas adopté.)
(L’article 2, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 132.
M. Denys Robiliard. Il s’agit d’un amendement de nature quasi rédactionnelle qui vise à supprimer les mots « et avérés » à l’alinéa 4 de l’article. En effet, je ne vois pas en quoi ils précisent les motifs sérieux de risque d’une des atteintes graves listées à l’article L. 712-1.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable. Cette rédaction reprend exactement celle de la directive « Qualification ». En outre, d’après le dictionnaire Larousse, le terme « avéré » signifie « vrai, authentique, exact ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 132 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Thierry Mariani. Cet amendement porte une fois de plus sur la notion de compétence liée que nous prônons, mais qui ne correspond pas à la politique choisie par le Gouvernement. D’autre part, j’ai bien compris, madame la rapporteure, que l’expulsion demeure possible ; l’opposition, quant à elle, en demande l’automaticité en cas de risque de terrorisme.
(L’amendement no 2, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 136.
M. Thierry Mariani. Il est défendu.
(L’amendement no 136, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 137.
M. Thierry Mariani. Même argumentation : il s’agit toujours de la compétence liée. Je le répète : si l’on avait vraiment voulu raccourcir les délais, voici une nouvelle occasion manquée !
(L’amendement no 137, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 3 est adopté.)
(L’article 4 est adopté.)
(L’article 4 bis est adopté.)
(L’article 5 est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 90.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Cet amendement vise à rétablir les précisions que la commission des lois de l’Assemblée nationale avait souhaité apporter à la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, concernant les représentants de l’exécutif en particulier.
Nous avons tout d’abord souhaité préciser que les deux personnalités nommées par le Premier ministre sont un homme et une femme. Ensuite, nous avons souhaité préciser la liste des autres représentants de l’exécutif : un représentant du ministère de l’intérieur, un représentant du ministère chargé de l’asile, le secrétaire général du ministère des affaires étrangères, le directeur des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice, un représentant du ministère chargé des affaires sociales, un représentant du ministère chargé des droits des femmes, un représentant – je me tourne vers M. Serville – du ministère chargé des outre-mer, et enfin le directeur du budget au ministère chargé du budget.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
(L’amendement no 90 est adopté.)
(L’article 5 bis, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 97.
Mme Fanélie Carrey-Conte. Cet amendement revient sur la notion – problématique à mon sens – de pays d’origine sûr. Même si le projet de loi prévoit un réexamen régulier de cette liste établie par le conseil d’administration de l’OFPRA et même s’il est possible pour des associations ou des présidents de commissions de l’Assemblée de saisir ce conseil d’administration afin d’y inscrire ou désinscrire des pays, il me semble que cette notion de pays d’origine sûr continue de poser problème.
D’une part, je crois qu’elle déroge à la convention de Genève, laquelle doit être appliquée sans discrimination quant au pays d’origine. D’autre part, il n’a jamais existé dans l’Union européenne de liste commune et partagée des pays d’origine dits sûrs : au contraire, les listes varient selon les pays et sont parfois même contradictoires. Enfin, l’inscription de certains pays a, ces dernières années, donné lieu à de nombreux débats et contentieux.
Pour l’ensemble de ces raisons, il me semble nécessaire de supprimer cette notion, et donc l’article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable. Je vous remercie, madame la députée, d’avoir rappelé que nous avons considérablement aménagé l’article 6 en y ajoutant de nouvelles garanties.
Vous n’avez pas mentionné le fait que, sur proposition du groupe socialiste, républicain et citoyen et de la délégation aux droits des femmes, nous avons ajouté la mention selon laquelle les pays d’origine sûrs doivent l’être pour les femmes comme pour les hommes : c’est une précision nouvelle.
La notion de violence a été éclaircie de sorte qu’elle puisse s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et sans qu’elle soit nécessairement généralisée.
L’obligation a été faite au conseil d’administration de l’OFPRA d’examiner régulièrement la situation qui prévaut dans les pays considérés comme des pays d’origine sûrs. Cela signifie que l’on pourra régulièrement retirer des pays de la liste.
Vous avez évoqué la faculté de saisine du conseil d’administration comme s’il était naturel d’en doter des présidents des commissions parlementaires et des associations en vue d’inscrire ou de radier certains États. En réalité, c’est l’Assemblée qui a décidé de cette possibilité, et c’est une bonne chose.
Vous avez omis de rappeler que les personnalités qualifiées ont voix délibérative pour ce qui est des inscriptions et des radiations. J’ajoute que l’enrichissement de la composition du conseil d’administration de l’OFPRA – notamment la désignation de six parlementaires et la présence de représentants des ministères des droits des femmes, des affaires sociales et des outre-mer – constitue une garantie supplémentaire.
Toutes ces améliorations et ces garanties ayant été apportées, il ne me paraît pas opportun de décider de la suppression pure et simple de cette liste, qui pourra contribuer à la réduction des délais d’examen des demandes.
Je me permets de répéter une nouvelle fois que l’examen en procédure accélérée des demandes de personnes provenant d’un pays d’origine sûr ne s’assimile pas à un sous-examen par l’OFPRA. Un demandeur venant d’un pays d’origine sûr aura droit à un entretien particulier et à la présence et l’accompagnement d’un tiers dans les mêmes conditions que lors d’une procédure normale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 97 n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 24 et 25, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour les soutenir.
Mme Brigitte Allain. L’amendement no 24 vise à supprimer les mots « pour les hommes comme pour les femmes », parce que cette distinction surprenante n’a pas lieu d’être en droit français. Nous ne la comprenons pas, car elle est sans objet.
L’amendement no 25 porte sur la liste des pays sûrs. Notre groupe a déjà indiqué combien il la juge critiquable. Aucune procédure n’encadre l’inscription ou le retrait d’un pays de cette liste, décisions qui semblent dépendre davantage du nombre de demandes d’asile que du caractère sûr ou non d’un pays. Il n’existe aucune liste commune des « pays d’origine sûrs ». Cette méthode nous paraît donc très contestable, comme l’illustre la récente décision par le Conseil d’État de retirer le Kosovo de la liste des pays sûrs.
M. Thierry Mariani. Décision justifiée !
Mme Brigitte Allain. Enfin, je me permets de vous présenter par anticipation l’amendement no 26, qui vise à réintégrer les présidents des commissions des affaires européennes des deux assemblées parmi les personnes qui peuvent saisir l’OFPRA s’agissant de la liste des pays sûrs.
En effet, de nombreux pays dits « sûrs » sont européens. Or, le droit d’asile est souvent le résultat de la transposition de directives européennes. Dès lors, il semble logique que les commissions des affaires européennes puissent suivre l’évolution de la liste des pays sûrs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. La commission émet un avis défavorable à l’amendement no 24. Nous avons ajouté l’expression « pour les hommes comme pour les femmes » en première lecture car un pays peut être sûr pour les hommes et ne pas l’être du tout pour les femmes. Ainsi, ce fut autrefois le cas du Mali qui par le passé, avant le déclenchement de la guerre, figurait sur la liste des pays d’origine sûrs : ce pouvait en effet être le cas pour les Maliens mais aucunement pour les Maliennes, l’excision étant pratiquée dans ce pays.
Hélas, nombreux sont les pays qui ne sont pas sûrs pour les femmes. Avec la délégation aux droits des femmes, nous avons tout fait pour que ce texte portant réforme de l’asile tienne précisément compte des persécutions spécifiques dont sont victimes les femmes, auxquelles M. le secrétaire d’État a fait allusion dans son intervention liminaire.
L’amendement no 25, qui vise à ce que la liste des pays d’origine sûrs soit fixée par décret en Conseil d’État, nous paraît offrir beaucoup moins de garanties pour le demandeur que si cette liste est fixée par le conseil d’administration de l’OFPRA, dans lequel nous avons voulu que siègent des parlementaires et des personnalités qualifiées.
Pour ce qui est de l’amendement no 26, la mention des commissions des affaires européennes ne se justifie pas. Tout d’abord, ni à l’Assemblée ni au Sénat, il ne s’agit de commissions permanentes au sens de l’article 43 de la Constitution, contrairement aux commissions des lois et aux commissions des affaires étrangères, lesquelles, compte tenu de leurs compétences traditionnelles, sont tout à fait adaptées pour saisir le conseil d’administration de l’OFPRA et lui demander de réviser la liste.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.
Mme Brigitte Allain. La réponse que Mme la rapporteure a faite concernant la distinction entre hommes et femmes ne me paraît pas satisfaisante. En effet, vous savez très bien que dans un certain nombre de pays où la sécurité n’est pas assurée pour les femmes, elle ne l’est pas non plus pour les personnes homosexuelles, par exemple. Il m’est arrivé d’adresser une demande au préfet pour des cas de ce type. Il m’a été répondu que le pays d’origine était sûr ; or, ce n’était pas le cas.
La distinction que vous opérez prête donc à confusion, d’autant que les préfets, hélas, font une interprétation parfois très rigide des textes.
(Les amendements nos 24 et 25, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 91.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination.
(L’amendement no 91, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 26.
Mme Brigitte Allain. Je l’ai déjà défendu.
(L’amendement no 26, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 92.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. C’est un amendement rédactionnel.
(L’amendement no 92, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 6, amendé, est adopté.)
(L’article 6 bis est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 15.
M. Thierry Mariani. Cet amendement vise à rétablir la disposition adoptée par le Sénat et supprimée une fois de plus par la commission des lois de l’Assemblée nationale, afin d’introduire dans la loi le délai de trois mois imparti à l’OFPRA pour statuer sur une demande d’asile en procédure normale. En réalité, cette mesure reprend le délai cible qui avait été annoncé par le Gouvernement, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Cet amendement visant à imposer un délai de trois mois à l’instruction des demandes par l’OFPRA a été repoussé par la commission au motif que l’éventuel non-respect dudit délai n’entraînerait aucune sanction. Il est donc inutile de le fixer dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Je profite de la présentation de cet amendement pour saluer la présence dans les tribunes de deux parlementaires kirghizes qui se trouvaient avec nous, hier, au Conseil de l’Europe. Je rappelle que le Kirghizistan est la seule démocratie d’Asie centrale reconnue par le Conseil de l’Europe. (Applaudissements sur tous les bancs.) Il y a quelques semaines s’est tenue dans leur pays une conférence sur les problèmes liés à l’immigration en Asie centrale, ce qui montre que certains sujets, hélas, sont internationaux.
(L’amendement no 15 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 27.
Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à ne pas prévoir de procédure accélérée automatique. En effet, celle-ci est attentatoire aux droits des demandeurs concernés, notamment lors d’un appel éventuel devant la CNDA. Elle est déjà utilisée dans la plupart des procédures, ce qui se fait au détriment des autres, traitées dans des délais plus longs.
Actuellement, l’OFPRA peut seulement sortir un dossier de la procédure accélérée alors qu’il devrait être à l’initiative de cette procédure et décider seul d’y recourir ou non.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure à Mme Allain, la procédure accélérée n’est pas une sous-procédure : elle vise seulement à réduire les délais. La personne se présente toujours devant l’OFPRA, accompagnée, si elle le souhaite, de son avocat ou du représentant d’une association.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Une procédure accélérée n’est pas une procédure expéditive. Même avis que Mme la rapporteure.
(L’amendement no 27 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 28.
Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à ne pas rendre automatique le recours à la procédure accélérée en cas de demande de l’autorité administrative. L’OFPRA doit pouvoir rester seul juge de la nécessité du recours à cette procédure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable, mais cela me permet de rappeler à Mme Allain qu’à tout moment, s’il apparaît une difficulté particulière ou si l’officier de protection le juge utile, l’OFPRA peut décider de reclasser en procédure normale un dossier qui devait être traité en procédure accélérée. Nous avons veillé à préserver les marges d’appréciation de l’OFPRA.
(L’amendement no 28, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 29.
Mme Brigitte Allain. Lors de la discussion générale, j’ai rappelé que malheureusement les procédures dites accélérées sont souvent accélérées… vers une obligation de quitter le territoire. Nous connaissons le cas de personnes qui, pour diverses raisons, ne peuvent produire leurs empreintes. Or, on se sert de cet argument pour leur demander de quitter le territoire, et de façon très accélérée.
Nous aimerions que la procédure accélérée ne vise pas à exclure. Il faut pour cela que dans son esprit, la loi reconnaisse vraiment le statut de réfugié et rappelle que notre pays est une terre d’accueil. Voilà ce qui ne transparaît pas dans des procédures trop administratives.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable. Je vous signale, madame Allain, que le taux de reconnaissance du statut de réfugié dès le stade d’examen de la demande par l’OFPRA a augmenté depuis 2012 – ce qui n’est pas un hasard. Par ailleurs, si nous adoptions votre amendement, nous inciterions encore davantage les personnes à faire disparaître leurs empreintes.
M. Thierry Mariani. Absolument ! Ce n’est pas neutre.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Or cela ne garantit en rien un meilleur traitement, au contraire. Il ne faut pas inciter les demandeurs d’asile à effacer leurs empreintes, comme les y incitent les filières, par exemple en se brûlant les doigts à l’acide.
Je rappelle aussi que le fait de ne pas avoir décliné son identité n’empêche en rien l’octroi du statut de réfugié. Un entretien individuel à l’OFPRA en présence d’un officier de protection est de toute façon toujours la règle, même en procédure accélérée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 29 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 30.
Mme Brigitte Allain. Le recours à la procédure accélérée en cas d’entrée illégale du demandeur sur le territoire apparaît contraire à la convention de Genève, qui pose le principe qu’il ne peut être reproché à un demandeur de pénétrer irrégulièrement sur le territoire d’un État. Nous le voyons tous les jours, beaucoup de prétendants à l’asile entrent dans notre pays de façon illégale. C’est pour cela que nous proposons de supprimer l’alinéa 18.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer le recours à la procédure accélérée en cas de demande tardive.
Nous avons porté le délai de ce qui sera considéré comme une demande tardive à cent vingt jours, au lieu de quatre-vingt dix, tout en prévoyant qu’il peut exister un motif légitime à une demande tardive. Mais en l’absence d’un tel motif, nous maintenons qu’il peut exister des cas de demandes exagérément tardives. Avis défavorable.
(L’amendement no 30, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Thierry Mariani. Il s’agit de revenir au délai prévu dans le projet de loi initial, le demandeur d’asile devant présenter sa demande au maximum quatre-vingt dix jours après son arrivée, sauf raison valable. À l’issue de ce délai, sa demande est examinée en procédure accélérée.
On rappellera pour mémoire que le rapport sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile, remis en avril 2013 par les Inspections générales, recommandait d’instaurer un délai de trois mois en pareil cas.
Si on est vraiment demandeur d’asile, trois mois suffisent pour prendre une décision. Il résulterait en outre de l’adoption de l’amendement une diminution des coûts pour le contribuable. Je souhaite par ailleurs vous poser une question dont je n’ai pas la réponse, madame la rapporteure, mais dont je me souviens qu’elle a été posée lors des débats précédents. Je crois me souvenir que la majorité des dossiers sont déposés au plus près de la date-butoir. J’aimerais donc savoir quel est, à ce jour, le délai moyen de dépôt des dossiers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je n’ai pas de réponse très précise à cette question. Ce que je puis vous dire, c’est qu’il faut être domicilié avant même de déposer un dossier. Il s’agit d’une disposition mise en place par le gouvernement que vous souteniez dans la précédente majorité, monsieur Mariani. Le délai moyen d’instruction est de vingt-quatre mois sans compter les mois passés par le demandeur à errer sans pouvoir déposer sa demande faute de trouver une association acceptant de le domicilier. Dans ces conditions, les demandes d’asile sont en effet extraordinairement tardives et des personnes victimes de persécutions, qui ont vécu des choses épouvantables, dorment dans la rue, ce à quoi le projet de loi de réforme du droit d’asile se propose de remédier.
Quant à votre amendement selon lequel il n’y aurait pas besoin de 120 jours pour comprendre comment on dépose une demande d’asile, le premier signataire en est Éric Ciotti, parlementaire chevronné qui, bien que vivant en France depuis environ 18 250 jours et étant législateur depuis environ 2 920 jours, se trompe pourtant au sujet des délais dans un autre amendement à cet article. Par conséquent, demander qu’un étranger ayant traversé des mers et des continents pour rejoindre le territoire français dispose de 120 jours pour comprendre où aller et comment se faire accompagner pour demander une protection n’a rien d’excessif. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 3 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 31.
Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à revenir à la version du texte adoptée par le Sénat et l’Assemblée au sujet des mineurs isolés. Même si la procédure accélérée est selon vous une procédure de protection pour les mineurs, madame la rapporteure, ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Leur situation spécifique et leur vulnérabilité justifient donc que leur demande d’asile soit systématiquement et par principe étudiée selon la procédure normale. L’Assemblée et le Sénat ont prévu une exception pour les demandes d’asile à la frontière mais un mineur non accompagné doit avant tout être protégé et l’OFPRA peut d’ailleurs, si nécessaire, examiner prioritairement sa demande d’asile comme le prévoit l’article L. 723-3 du CESEDA issu de l’article 7 du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. L’avis est défavorable par cohérence avec le travail réalisé en commission. Je comprends néanmoins l’esprit de l’amendement et n’y suis donc pas farouchement défavorable ! (Sourires) Quoi qu’il en soit, un mineur isolé se voit immédiatement confié à une autorité responsable et n’est donc jamais confronté seul aux procédures de demande d’asile. Vous avez raison, chère collègue, l’urgence face à un mineur isolé, c’est de le protéger. Par conséquent, interdire la procédure accélérée alors même que l’OFPRA peut à tout moment décider de revenir à la procédure normale équivaut à s’interdire la possibilité de placer le dossier en haut de la pile afin d’accorder une protection à ce mineur, ce qui est un peu contradictoire. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à l’amendement tout en en comprenant l’esprit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 31 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 131.
M. Denys Robiliard. Je propose de supprimer un recours potentiel portant sur le choix de la procédure par l’OFPRA en supprimant les mots « devant les juridictions administratives de droit commun » dont je déduis a contrario la possibilité d’un recours spécifique sur le choix de la procédure devant la CNDA. En matière de choix de procédure et comme nous cherchons à l’accélérer, il faut que les moyens de forme correspondent aux moyens de fond et que la CNDA statue sur la procédure et la décision de fond par une seule et même décision. J’ajoute que la CNDA statue comme juge du plein contentieux, c’est-à-dire que sa décision se substitue à celle de l’OFPRA. Elle s’est par ailleurs donné la possibilité, reprise ici, de statuer en certaines matières comme un juge de l’excès de pouvoir, c’est-à-dire en renvoyant la procédure devant l’autorité administrative. Afin de ne pas multiplier les recours, il me semble préférable que la forme et le fond soient jugés en une seule et même fois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. L’avis est défavorable. La rédaction actuelle de l’alinéa ne comporte aucune ambiguïté mais en comporterait une si nous adoptions la rédaction que vous proposez, cher collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 131 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 130.
M. Denys Robiliard. Il concerne la personne assistant l’étranger au cours de l’entretien avec l’officier de protection à l’OFPRA, qu’il s’agisse d’un avocat ou du représentant d’une association. L’alinéa 52 précise que cette personne ne peut pas poser de questions au cours de l’entretien, ce qui est très négatif. Alors qu’il s’agit d’un entretien en principe moins formel et moins lourd de conséquences qu’une audition devant un juge d’instruction, même si on peut en discuter, la personne chargé d’assister le demandeur d’asile a moins de possibilités que l’avocat assistant devant le juge d’instruction une personne mise en examen ou ayant le statut de témoin assisté. Bien entendu, il n’est pas question que la personne chargée d’assister l’étranger dirige l’entretien, ce qui incombe à l’officier de protection. Je propose donc qu’elle puisse poser des questions, avec l’accord de l’officier de protection évidemment. L’interdiction prévue par le texte constitue pour le demandeur un signal très négatif, lui faisant sentir qu’on le soutient parce que la directive l’exige mais pas davantage. Il serait possible de faire preuve d’un peu plus de souplesse sur ce point afin que l’assistance lors de l’entretien soit fructueuse, y compris pour l’officier de protection.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. L’avis est défavorable pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il n’est pas impossible que la personne auprès du demandeur d’asile intervienne pendant l’entretien mais il est compliqué de l’écrire dans la loi et d’en faire un principe. Ensuite, lors de l’entretien avec l’officier de protection, le demandeur d’asile n’est pas dans le bureau d’un magistrat. L’entretien avec un officier de protection ne doit pas être considéré comme une convocation par un juge. Un peu de souplesse ! Enfin, il est prévu que la personne chargé d’assister lors de l’entretien puisse présenter des observations en fin d’entretien. Je vous invite donc à retirer votre amendement, cher collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Il ne s’agit pas en effet d’une procédure juridictionnelle, comme l’a indiqué Mme la rapporteure. Que l’intervenant puisse présenter des observations à la fin de l’entretien constitue selon nous une garantie suffisante.
(L’amendement no 130 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 32.
Mme Brigitte Allain. Cet amendement précise que le conseil pourra formuler des observations tant sous forme écrite qu’orale. En effet, l’écrit laisse davantage de temps pour mettre en forme les éventuelles remarques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. L’avis est défavorable. Il importe de maintenir le caractère oral des observations, même si tout entretien laisse une trace. Ce que propose l’amendement allongerait excessivement la procédure et procède d’une judiciarisation de l’entretien à l’OFPRA que nous ne souhaitons pas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 32 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 129.
M. Denys Robiliard. Il est retiré.
(L’amendement no 129 est retiré.)
M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 114.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement a pour objet de rendre systématique la communication de la transcription de l’entretien personnel au demandeur d’asile dans le cadre de la procédure accélérée. Il nous semble en effet que le demandeur d’asile doit avoir le moyen de contrôler le contenu de la transcription sur laquelle le juge s’est appuyé pour délibérer afin de mieux préparer son éventuel recours. Il s’agit selon nous d’une mesure de protection des droits et des libertés des demandeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. J’invite au retrait de l’amendement car il me semble résulter d’une compréhension erronée des alinéas 59 et 60. L’alinéa 59 dispose que « la transcription est communiquée, à leur demande, à l’intéressé ou à son avocat ou au représentant de l’association avant qu’une décision soit prise sur la demande » et l’alinéa 60 précise que « dans le cas où il est fait application de la procédure accélérée prévue à l’article L. 723-2, cette communication peut être faite lors de la notification de la décision ». Il ne s’agit que d’une simple possibilité, la communication peut avoir lieu avant. Votre amendement aurait pour effet de retarder systématiquement la transmission, chère collègue, et je vous invite donc à le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. L’amendement propose de remplacer « peut être » par « est ».
(L’amendement no 114 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 144.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Il vise à compléter l’alinéa 61 et précise les conditions dans lesquelles un demandeur d’asile peut accéder à l’enregistrement de l’entretien qu’il a eu avec un officier de protection dans le cadre d’une procédure d’asile à la frontière. En vertu de l’article 43 de la directive « Procédures », le régime de l’asile à la frontière doit respecter les mêmes garanties de procédure que les demandes d’asile présentées après l’entrée sur le territoire. Votre assemblée a d’ailleurs précisé en première lecture, mesdames et messieurs les députés, que le demandeur d’asile à la frontière peut être assisté du conseil de son choix lors de son entretien avec un officier de protection.
L’accès à l’éventuel enregistrement de l’entretien constitue l’une des garanties que la directive oblige à prévoir afin que le demandeur ayant fait l’objet d’un refus prépare utilement sa défense devant la juridiction compétente. Or l’alinéa 61 du projet de loi précisant les modalités d’accès à l’enregistrement ne prend pas en compte la situation particulière de l’asile à la frontière. Selon la rédaction actuelle du projet de loi, l’accès à l’enregistrement doit être sollicité auprès de la CNDA alors même qu’en matière d’asile à la frontière les recours contre les décisions de refus d’entrée sont présentés devant le tribunal administratif. Le présent amendement propose donc, à des fins de cohérence et de simplification, qu’un accès à l’enregistrement soit également possible auprès du tribunal administratif saisi du dossier.
(L’amendement no 144, accepté par la commission, est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 33.
Mme Brigitte Allain. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. J’avais invité le groupe écologiste à redéposer cet amendement en séance précisément pour que le Gouvernement puisse lever toute ambiguïté. Il me semble que vous pouvez le retirer, madame Allain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. Retirez-vous l’amendement, madame Allain ?
Mme Brigitte Allain. Oui, monsieur le président.
(L’amendement no 33 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 145.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les amendements no 146, 147 et 148 que le Gouvernement a déposés à l’article 10 pour préciser le régime de communication des informations confidentielles détenues par l’OFPRA dans le cadre d’un recours devant la CNDA. Néanmoins, il peut être examiné de manière autonome. Il vise en effet à préciser l’alinéa 66 de l’article 7, qui pose le principe selon lequel « ne sont pas communicables par l’office les informations versées au dossier du demandeur ou relatives à leurs sources dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité des personnes physiques ou morales ayant fourni ces informations ou à celle des personnes auxquelles elles se rapportent ou serait préjudiciable à la collecte d’informations nécessaires à l’examen d’une demande d’asile. » Nous avons vu en première lecture que cette disposition était utile pour garantir l’accès de l’OFPRA à certaines informations nécessaires à l’application des clauses d’exclusion. L’amendement précise donc que ce principe s’applique sans préjudice des dispositions prévues à l’article 10, qui précise les conditions dans lesquelles les informations dont il est question sont versées au débat contradictoire dans le cadre de l’examen d’un recours contre la décision de refus d’asile devant la CNDA.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Favorable.
(L’amendement no 145 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 98 et 128.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 98.
Mme Fanélie Carrey-Conte. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement identique no 128.
M. Denys Robiliard. Permettez-moi d’abord de rectifier le texte de l’amendement. Les alinéas concernés ne sont pas les alinéas 77 à 88, mais les alinéas 79 à 90 – le glissement qui s’est opéré en commission n’avait pas été noté. Par ailleurs, j’indique dès à présent que je retirerai les amendements no 127 et 100.
Pourquoi défendons-nous à nouveau ces amendements ? Il s’agit de la procédure de clôture, qui est nouvelle dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile, ou plus exactement d’une demande de reconnaissance du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Aux termes de la directive, cette procédure de clôture est possible, mais non obligatoire. Je ne souhaite donc pas qu’elle soit maintenue : lorsqu’on cherche à accélérer un processus, on a intérêt à ne pas multiplier les possibilités procédurales. La rusticité même de la procédure est garante de son efficacité, laquelle permettra d’accélérer les flux. Ce n’est pas en multipliant les motifs d’irrecevabilité et les clôtures que l’on parviendra à raccourcir les délais. En termes de méthode, une procédure identique dans tous les cas ou presque – même s’il peut y avoir des exceptions –, bref, une procédure rustique me paraît donc meilleure.
M. le président. Le texte des deux amendements est donc rectifié dans le sens que vous avez indiqué, monsieur Robiliard.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il est défavorable, monsieur le président. Nous avons limité les cas de clôture, mais celle-ci reste justifiée dans certains cas.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(Les amendements identiques nos 98 et 128 ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 34.
Mme Brigitte Allain. Même si cet amendement ne porte pas sur les mêmes alinéas que ceux qui viennent d’être défendus par nos collègues du groupe SRC, son objet est le même : supprimer la possibilité de clôture ouverte par le projet de loi.
En effet, cette décision de clôture aura des conséquences importantes pour le demandeur d’asile puisqu’elle aboutira à ce que sa demande ne soit pas examinée. Elle pourra intervenir dans des cas très divers : demande introduite hors délai, non-présentation à une convocation, non-respect des obligations de présentation et de communication aux autorités. Le demandeur faisant l’objet d’une telle décision ne pourra obtenir la réouverture de son dossier qu’une seule fois, dans un délai inférieur à neuf mois suivant cette décision. Les conséquences d’une décision de clôture sont trop lourdes. Il nous semble donc malvenu et inutile d’introduire cette possibilité, et c’est la raison pour laquelle nous proposons sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il est défavorable. Si une personne qui a déposé et fait enregistrer une demande d’asile ne nourrit pas cette demande, et que celle-ci n’est pas confirmée dans les neuf mois suivant la signification de la décision de clôture, elle peut déposer une nouvelle demande, mais celle-ci sera considérée comme une demande de réexamen.
Il est nécessaire de prévoir des cas de clôture de l’examen de la demande. On ne peut accepter que des demandes d’asile soient déposées à l’infini sans justification des raisons pour lesquelles elles ne sont pas nourries. L’absence de réponse à une convocation à un entretien, par exemple, peut parfaitement être justifiée. S’il existe un motif légitime, il n’y aura pas de clôture. En tout état de cause, si la décision est prise, le délai de neuf mois ménagé pour la contester nous paraît constituer une garantie suffisante. Au terme de ces neuf mois, la demande d’asile sera considérée comme une demande de réexamen. Même si nous en avons éliminé certains cas de clôture, nous tenons à qu’elle soit possible dans d’autres.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 34 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 5 rectifié.
M. Thierry Mariani. Il s’agit par cet amendement de ne pas renvoyer à décret, mais de fixer dans la loi le délai à l’issue duquel l’OFPRA, sans nouvelle du demandeur d’asile depuis la remise de son attestation, peut clore l’examen d’une demande.
Entre les objectifs affichés, qui consistent à raccourcir les délais, auxquels nous pouvons souscrire, et les mesures concrètes prises dans le texte, il y a tout de même un fossé. Nous vous proposons pour notre part une mesure à la fois efficace et logique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable. Comme j’ai eu l’occasion de l’évoquer tout à l’heure, c’est dans cet amendement que son premier signataire, M. Ciotti, confond tous les délais. Il fait une confusion entre le délai de la demande considérée comme tardive – cent vingt jours – et le délai de clôture par l’OFPRA lorsqu’il n’a pas reçu de dossier alors même qu’une demande a été enregistrée. Je ne saurais trop vous conseiller de retirer cet amendement, monsieur Mariani. À défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis. J’appelle l’attention de M. Mariani sur le fait que ce délai est actuellement de vingt et un jours. Le porter à cent vingt jours ne peut donc être regardé – du moins aux yeux du Gouvernement – comme une mesure de simplification ou de réduction des délais. Je vous invite donc moi aussi à retirer cet amendement, monsieur Mariani. (Sourires)
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je n’ai pas voulu être cruelle…
(L’amendement no 5 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Thierry Mariani. Pour ne pas m’exposer aux mêmes remarques, je me contenterai de dire qu’il est défendu. (Sourires)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Cet amendement vise à rétablir un cas de clôture que nous avons écarté. Comme dans l’amendement précédent, il y a confusion entre examen de la demande d’asile par les spécialistes que sont les officiers de protection de l’OFPRA ou les magistrats de la CNDA et des conditions d’hébergement. L’abandon du lieu d’hébergement ne peut en aucun cas justifier la clôture de l’examen de la demande. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
M. le président. Confirmez-vous le retrait de l’amendement no 127, monsieur Robiliard ?
M. Denys Robiliard. Oui, monsieur le président.
(L’amendement no 127 est retiré.)
M. le président. Même chose pour l’amendement no 100 ?
M. Denys Robiliard. Tout à fait, monsieur le président.
(L’amendement no 100 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Thierry Mariani. L’article 7 prévoit que si dans un délai inférieur à neuf mois suivant la décision de clôture, le demandeur sollicite la réouverture de son dossier ou présente une nouvelle demande, l’office rouvre le dossier et reprend l’examen de la demande au stade auquel il avait été interrompu. Passé le délai de neuf mois, la décision de clôture est définitive et la nouvelle demande est considérée comme une demande de réexamen.
Ce délai de neuf mois nous apparaît trop long, et le présent amendement propose de le ramener à six mois. Cela sera de nature à réduire les délais de traitement des demandes d’asile tout en laissant suffisamment de temps au demandeur pour solliciter la réouverture de son dossier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il est défavorable. Cet amendement est contraire à l’article 28, alinéa 2 de la directive « Procédure ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 17 n’est pas adopté.)
(L’article 7, amendé, est adopté.)
(L’article 7 bis est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 126 et 35, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 126.
M. Denys Robiliard. Il concerne la situation particulière des mineurs en zone d’attente. J’estime qu’ils ne devraient pas avoir à y être maintenus. C’est une position de principe, qui se fonde sur la Convention internationale des droits de l’enfant et sur des délibérations de son comité d’application, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 35.
Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à rendre impossible le maintien en zone d’attente d’un mineur non accompagné. En effet, un tel maintien est incompatible avec le devoir de protection que la France a vis-à-vis des enfants. Par ailleurs, les motifs de maintien restent extrêmement larges et flous, malgré les modifications apportées en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Avis défavorable sur les deux amendements. Comme vient de le rappeler Mme Allain, nous avons encadré et rendu exceptionnelle la possibilité de maintien en zone d’attente d’un mineur isolé. Il convient néanmoins de la conserver. Il ressort des auditions que nous avons conduites que sa suppression totale pourrait avoir un effet négatif sur les mineurs. Or vous souhaitez, comme nous tous, assurer la protection des mineurs isolés. Dans certains cas, les maintenir brièvement en zone d’attente peut être plus protecteur que les en faire sortir à tout prix.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(Les amendements nos 126 et 35, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’article 8 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 115.
M. Stéphane Claireaux. Cet amendement propose d’élargir l’accès au centre de rétention à d’autres acteurs de la protection des droits fondamentaux, comme le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Votre amendement est satisfait, monsieur Claireaux. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut se rendre partout où il le souhaite, dans les centres de rétention comme dans les prisons ou en zone d’attente. Je vous invite donc à retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 115 est retiré.)
(L’article 9 B est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 125.
M. Denys Robiliard. Cet amendement a pour objet de préciser les conditions de placement en rétention d’un étranger qui présente une demande d’asile. L’esprit de cet amendement est de transcrire dans la loi ce qui me paraît être la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État, à savoir que la rétention d’un demandeur d’asile, même lorsque la demande est formulée après que celui-ci a fait l’objet d’une mesure d’éloignement, n’est possible que s’il est démontré que la demande est présentée dans le seul but de faire obstacle à l’éloignement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Comme j’aurais pu l’indiquer à Mme Dubié, le recours au juge des libertés et de la détention en rétention pourrait être renforcé, mais ce débat devra être conduit dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif au droit des étrangers, qui sera examiné très prochainement. Dans le cas présent, j’observe que le contentieux de la rétention est d’ores et déjà confié au juge administratif de droit commun et que la France n’a pas été condamnée sur ce point précis par la Cour européenne des droits de l’homme ni par la Cour de justice de l’Union européenne. Cela n’empêchera pas de corriger les délais d’intervention du juge des libertés et de la détention et du juge administratif dans le prochain texte, sans réserver cette inversion des interventions aux seuls demandeurs d’asile mais, me semble-t-il, à toute personne placée en rétention. Je vous propose donc de retirer cet amendement et de le redéposer ultérieurement.
M. le président. Monsieur Robiliard, retirez-vous votre amendement ?
M. Denys Robiliard. Oui, monsieur le président.
(L’amendement no 125 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 116.
M. Stéphane Claireaux. Cet amendement vise à systématiser l’intervention du juge des libertés et de la détention dans les quarante-huit heures du placement en rétention. Ces dispositions n’ont pas pour objet d’alourdir la procédure mais de mieux accompagner le demandeur d’asile placé en rétention, en facilitant ses démarches, que son placement en rétention administrative rend plus complexes.
(L’amendement no 116, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 9 est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 36.
Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à revenir sur la possibilité offerte à la CNDA de statuer par juge unique ou de supprimer le recours à deux assesseurs. Ceux-ci apportent une expertise technique précieuse sur les dossiers d’asile, qui sont souvent extrêmement complexes, à la fois juridiquement, géopolitiquement et humainement. Cette innovation du juge unique ne permettra ni une économie budgétaire ni un redéploiement d’effectifs, dès lors que les formations de jugement collégiales actuelles ne comptent en leur sein qu’un juge professionnel. En conséquence, le passage d’une formation collégiale à une formation de jugement en juge unique aurait pour seul but d’éliminer de la formation de jugement les rapporteurs et les représentants du HCR.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Le juge unique sera un magistrat professionnel, président de chambre, possédant une longue expérience en qualité de juge, notamment de juge unique au tribunal administratif, puisque cette procédure existe déjà. À l’initiative de votre rapporteure, l’Assemblée a ajouté qu’il pourra également être un magistrat professionnel non permanent, dès lors qu’il aura exercé au moins six mois en formation collégiale à la CNDA. Il ne sera donc pas possible de se retrouver juge unique sans rien connaître aux problématiques de l’asile. L’Assemblée nationale a également veillé à ce qu’il statue toujours après présentation du rapport par un rapporteur, ce qui n’était pas prévu, initialement, dans le projet de loi. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. Madame Allain, retirez-vous votre amendement ?
Mme Brigitte Allain. Le premier signataire de cet amendement étant mon collègue Sergio Coronado, vous comprendrez que je ne me permette pas de le retirer.
(L’amendement no 36 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 117.
M. Stéphane Claireaux. Il est défendu.
(L’amendement no 117, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 37.
Mme Brigitte Allain. La CNDA ne devrait pas pouvoir statuer par ordonnance, donc sans audience, sur les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision d’irrecevabilité ou de rejet du directeur général de l’Office. Le principe de l’oralité est en effet central dans la procédure de demande d’asile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour la CNDA de statuer par ordonnance, sans audience. Or, la possibilité de traiter une affaire par ordonnance apparaît toujours utile, même avec l’introduction d’une procédure accélérée devant la Cour, en cas de tardiveté du recours, d’incompétence, de non-lieu ou de désistement du requérant, si le recours ne contient pas d’élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l’OFPRA. En 2013, 21,5 % des recours ont été traités par voie d’ordonnance. Retirer cette possibilité à la Cour reviendrait à rallonger les délais de jugement pour des affaires qui ne le méritent pas.
(L’amendement no 37, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 146.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Si vous le permettez, je présenterai les amendements nos 146, 147 et 148, qui ont le même objet. Ces amendements visent en effet à rectifier les dispositions du projet de loi relatives au régime de communication devant la CNDA des informations confidentielles prises en compte par l’OFPRA lors de l’instruction du dossier.
L’amendement no 101 de M. Robiliard a en effet permis d’identifier les fragilités du dispositif issu du Sénat. En première lecture, votre assemblée a souhaité sécuriser l’accès de l’OFPRA à certaines informations sensibles, utiles dans l’instruction de certains dossiers, notamment ceux dans lesquels est susceptible de se poser la question de l’application des clauses d’exclusion. Vous aviez prévu que soit conservée la confidentialité de celles de ces informations dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité des sources de l’OFPRA.
Le Sénat a souhaité préciser le régime de communication de ces informations en cas de recours devant la CNDA ; le dispositif qu’il a introduit, au demeurant intéressant, opère une distinction entre l’appréciation de la confidentialité des sources par le président de la Cour et l’appréciation de la demande d’asile par la formation de jugement. Aux termes de ces dispositions, les demandes de l’OFPRA tendant à ce que des éléments du dossier soient maintenus confidentiels seraient présentées devant le président de la CNDA ou un magistrat délégué, qui examinerait le bien-fondé de la demande. Si la demande était jugée justifiée, les informations ne seraient transmises ni au requérant, ni à la formation de jugement et au rapporteur, pour garantir qu’elles n’exercent pas d’influence sur le sens de la décision finale.
Ce faisant, le dispositif peut soulever une double difficulté. Premièrement, son application peut conduire à ce que la formation de jugement chargée de statuer sur un recours ne dispose pas de toutes les informations qui ont constitué le fondement de la décision attaquée, ce qui soulèverait une difficulté au regard de l’office du juge. Deuxièmement, le mécanisme pourrait se révéler favorable au requérant concerné par l’une des clauses d’exclusion, la Cour, faute d’avoir accès aux informations qui ont justifié l’exclusion, n’ayant, le cas échéant, d’autre issue que d’annuler la décision et de reconnaître la protection.
Pour résoudre ces deux difficultés, les amendements nos 146, 147 et 148 visent à ce que, dans tous les cas de figure, l’OFPRA produise un résumé des informations dont le contenu n’est pas de nature à compromettre la sécurité des personnes les ayant fournies ou auxquelles ces informations se rapportent, et qu’il soit communiqué au rapporteur, à la formation de jugement et au requérant. Nous pourrions ainsi aboutir à un dispositif équilibré, conciliant les exigences de protection de certaines sources ou informations de l’OFPRA et le respect des droits de la défense devant la CNDA.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Favorable à ces trois amendements. En conséquence, je demande à M. Robiliard de retirer le sien, non sans l’avoir remercié du caractère extrêmement stimulant de ses contributions. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais, ses initiatives produisent leurs effets.
(L’amendement no 146 est adopté.)
M. le président. Monsieur Robiliard, retirez-vous votre amendement no 101 ?
M. Denys Robiliard. Oui, monsieur le président.
(L’amendement no 101 est retiré.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements nos 147 et 148, qui ont déjà été défendus par M. le secrétaire d’État et qui ont reçu un avis favorable de Mme la rapporteure.
(Les amendements nos 147 et 148 sont successivement adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 124.
M. Denys Robiliard. Il est retiré.
(L’amendement no 124 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 102.
M. Denys Robiliard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Cet amendement est contraire aux choix de la commission. En effet, si elle a proposé de mieux encadrer les délais de procédure liés à la demande d’aide juridictionnelle pour éviter les manœuvres dilatoires, le bénéfice de l’aide juridictionnelle de plein droit n’est en aucun cas remis en cause par les dispositions du texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Robiliard ?
M. Denys Robiliard. Oui, monsieur le président.
(L’amendement no 102 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 107.
M. Denys Robiliard. Cet amendement vise simplement à apporter une précision. En effet, deux délais coexisteront – l’un relatif à l’introduction d’un recours, le second déterminant le dépôt de la demande d’aide juridictionnelle. Aussi me paraît-il important que ce second délai soit précisé, afin d’éviter tout risque d’erreur. Encore une fois – je ne reviens pas sur l’exemple éloquent pris tout à l’heure par Mme la rapporteure avec M. Ciotti, que l’immense expérience n’a pas empêché de confondre deux délais ! – un demandeur d’asile, qui n’est là, en principe, que depuis peu de temps sur le sol français, peut se tromper sur les délais, surtout lorsque l’un est enchâssé dans l’autre – cela peut arriver à l’avocat le plus averti. Par conséquent, je souhaite que, lors de la notification de la décision de l’OFPRA, il soit précisé le délai dans lequel l’aide juridictionnelle peut être sollicitée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Favorable. C’est un amendement très utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 107 est adopté.)
(L’article 10, amendé, est adopté.)
M. le président. La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 10 bis.
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 108.
M. Denys Robiliard. Cet amendement a trait à une question importante. On sait qu’actuellement, certaines pratiques, dans certaines préfectures, peuvent allonger de façon assez importante les délais de saisine de l’OFPRA. Dans la mécanique gouvernementale – qui me paraît bonne – tout est pensé pour accélérer les choses, mais que se passerait-il si le délai de dix jours ouvrés, prévu par le texte, n’était pas respecté ? Je souhaite que, dans cette hypothèse, le demandeur d’asile puisse saisir directement l’OFPRA, bien que l’enregistrement ne soit pas intervenu, alors que cela aurait dû être le cas. Si le non-respect du délai légal n’est pas sanctionné, qu’est-ce qui empêchera que se poursuivent les pratiques qui ont actuellement cours ? Il me semble donc nécessaire que, dans la loi même, on tire les conséquences de ce que nous souhaitons, à savoir l’accélération des procédures, et que, par suite, un demandeur d’asile puisse saisir directement l’OFPRA s’il a déposé son dossier mais que celui-ci n’a toujours pas été enregistré au terme du délai que nous avons prévu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je demande à M. Robiliard de retirer les amendements nos 108 et 123 ; à défaut, j’y émettrai un avis défavorable. En effet, ces dispositions inciteraient précisément l’autorité administrative à ne pas respecter les délais impératifs que la directive et ce projet de loi fixent, à savoir l’enregistrement dans les trois jours d’une demande d’asile. Si l’on vous suivait, les préfectures pourraient continuer à considérer qu’elles peuvent mettre x mois à enregistrer une demande d’asile. L’adoption de ces amendements me paraîtrait donc dangereuse vis-à-vis des demandeurs d’asile, dont nous souhaitons absolument que la demande soit traitée le plus vite possible.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis, pour les mêmes raisons : si cet amendement était adopté, il pourrait aller à l’encontre de ce que souhaite M. Robiliard et de ce que nous souhaitons tous.
M. le président. Monsieur Robiliard, retirez-vous votre amendement ?
M. Denys Robiliard. L’expérience montre que les délais ont tout de même moins de chance d’être observés s’ils ne sont pas assortis de sanction. Si cela complique le travail de l’OFPRA, ce qui n’est pas le but, l’Office s’en ouvrira à son ministère de tutelle, qui transmettra l’information à la préfecture concernée. Cela créera donc un mécanisme d’alerte. À défaut, on restera dans la situation actuelle : l’irrespect de l’injonction légale ne sera pas sanctionné. Je souhaite par conséquent maintenir mon amendement.
(L’amendement no 108 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 123.
M. Denys Robiliard. Il est défendu.
(L’amendement no 123, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 12 est adopté.)
M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 13.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 122.
M. Denys Robiliard. Je le retire, monsieur le président.
(L’amendement no 122 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 121.
M. Denys Robiliard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Le transfert vers le pays dont relève la demande d’un demandeur d’asile – on parle dans ce cas de « dubliné » – peut malheureusement prendre un peu de temps. Le renouvellement de l’assignation à résidence est donc une mesure encore nécessaire, provisoirement je l’espère, à la bonne application du règlement Dublin III.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. J’ai quelque difficulté à comprendre. Le délai est, dans un cas comme dans l’autre, de six mois ; comment, si la procédure Dublin doit tenir dans un délai de six mois, peut-on avoir besoin de renouveler un autre délai de six mois ? Comment peut-on renouveler, pour cause de règlement Dublin III, une procédure qui doit légalement être achevée ? Il me semble que ce règlement, un règlement européen, ne permet pas un tel dépassement. C’est pourquoi il me semblait que, mécaniquement, mon amendement avait des chances d’être accepté.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il existe aussi une possibilité de suspendre le transfert en cas de défaillance générale du système d’asile du pays normalement responsable. Et il me semble qu’en ce moment, il vaut mieux ne pas souhaiter que les personnes concernées par la procédure Dublin soient transférées dans les six mois, je suis sûre que vous comprenez pourquoi, monsieur Robiliard.
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Je retire mon amendement, monsieur le président.
(L’amendement no 121 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 8 rectifié.
M. Thierry Mariani. Il est défendu.
(L’amendement no 8 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 140.
M. Thierry Mariani. Il est défendu.
(L’amendement no 140, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 13 est adopté.)
M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 14.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 38.
Mme Brigitte Allain. Je retire cet amendement, monsieur le président.
(L’amendement no 38 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Thierry Mariani. Cet amendement est important pour le groupe Les Républicains. Comme je l’ai déjà dit, par principe, sauf circonstance particulière, les demandeurs d’asile déboutés doivent quitter le territoire. La prise d’une décision de rejet par l’OFPRA, en l’absence de recours, ou par la CNDA, en cas de recours, doit entraîner la notification par la préfecture compétente d’une obligation de quitter le territoire français.
À tous ceux qui dénoncent l’inanité juridique prétendue de ce dispositif, je rappellerai qu’il est recommandé par deux rapports. D’abord, le rapport d’avril 2013 de la mission commune des inspections générales des finances, des affaires sociales et de l’administration sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile fait état de « la complexité relative de la procédure aujourd’hui suivie, alors qu’il pourrait être plus naturel et efficace de prévoir que la décision de la CNDA déboutant le demandeur d’asile vaille automatiquement OQTF ». Et Pierre Mazeaud, qui fut président de la commission des lois de notre assemblée, propose la même solution dans son rapport « Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire » de juillet 2008, où il précise : « S’agissant des déboutés du droit d’asile, il est en effet anormal que le préfet soit obligé, après le rejet d’une demande d’asile par l’OFPRA et la CNDA, de prendre explicitement un refus de séjour assorti d’une OQTF : […] le rejet de [l]a demande d’asile devrait valoir éloignement ».
Cette disposition permettrait donc à la fois d’alléger la charge de la justice administrative et d’éviter que tous ceux qui ont été déboutés ne s’installent de manière prolongée sur notre territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Nous sommes là au cœur de la bataille, au cœur de ce qui oppose la gauche et la droite, ou du moins une partie de la droite puisqu’au Sénat, Mme Létard s’est opposée à cette disposition…
M. Thierry Mariani. Elle est centriste !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. …en rappelant à quel point elle était juridiquement contestable en plus d’être inapplicable. Même l’UDI ne souscrit pas à votre proposition !
L’avis est donc bien sûr défavorable. Une confusion est souvent créée, soit par ignorance, mais je ne pense pas que ce soit le cas de M. Mariani, soit par volonté d’entretenir un amalgame et de stigmatiser les demandeurs d’asile en faisant croire qu’ils n’ont rien à faire sur notre territoire : c’est la confusion entre les autorités en charge de l’examen d’une demande de protection d’une part, c’est-à-dire l’OFPRA ou la Cour nationale du droit d’asile, et d’autre part l’autorité administrative qui peut avoir à délivrer une obligation de quitter le territoire français ainsi que les tribunaux compétents pour examiner les recours contre cette décision, qui sont les tribunaux administratifs.
En admettant que l’on puisse établir, comme vous le souhaitez, qu’un refus d’asile vaut OQTF, ce qui suppose de fermer les yeux sur le fait que cela violerait par exemple l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,…
M. Thierry Mariani. L’article 8 concerne la protection de la vie privée et familiale !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. …on ne voit pas très bien qui délivrerait cette OQTF, car ni l’OFPRA ni la CNDA n’en ont la compétence, ni vers quelle instance les déboutés pourraient se tourner pour la contester. Même si donc ce dispositif pouvait être considéré conforme à notre Constitution et à nos obligations conventionnelles et européennes, il ne serait pas du tout pratique à mettre en œuvre.
Surtout, vous souhaitez toujours tout mélanger. Quelqu’un qui a demandé l’asile mais ne l’a pas obtenu peut avoir droit au séjour au titre d’autres dispositions du CESEDA. Nous avons, avec le ministre de l’intérieur, visité un centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Une demandeuse d’asile, mère d’un enfant français, avait reçu le matin même notification du refus de sa demande par l’OFPRA. Or cette femme a probablement droit au séjour du fait qu’elle a un enfant français !
Cette disposition, je le répète, est donc juridiquement contestable et inapplicable en pratique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. J’irai dans le même sens que notre rapporteure. Monsieur Mariani, notre débat mérite mieux que des amendements d’affichage qui n’ont d’autre objectif, ainsi que je l’ai déjà dit, que de semer une confusion permanente entre ce qui relève de l’asile et ce qui relève de l’immigration. Vous semblez persuadé que c’est le même sujet et que l’un n’est que le détournement de l’autre.
Les cinq premiers pays d’origine des demandeurs d’asile en France sont la République démocratique du Congo, la Russie, le Bangladesh, la Syrie et la Chine. J’aimerais savoir lequel de ces pays vous jugez suffisamment sûr pour soupçonner ceux qui les fuient d’être des fraudeurs.
J’ajoute enfin que, curieusement, le présent amendement rejoint celui qui a été déposé par les députés du Front national à l’article 4.
Mme Brigitte Allain. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Que le Front national tienne par moment les mêmes propos que moi ne me gêne pas : si le Front national affirme qu’il pleut et qu’il pleut, je ne dirai pas le contraire ! Je fais partie de ceux qui ont toujours dit qu’il fallait préserver le droit d’asile, et Mme la rapporteure me fera la grâce d’en attester, puisque nous débattons ensemble de ces sujets depuis plus de dix ans. Je maintiens cependant que le droit d’asile aujourd’hui fabrique des sans-papiers, parce qu’il est dévoyé par un certain nombre de personnes.
Mme Pascale Crozon. Ce n’est pas vrai !
M. Thierry Mariani. En réalité, ceux qui dévoient cette procédure la gâchent.
Permettez-moi de faire quelques remarques. Madame la rapporteure, je ne stigmatise personne. Notre amendement propose que la décision de rejet par la CNDA vaille automatiquement OQTF, mais à ce titre, elle peut bien sûr faire l’objet d’une contestation devant la juridiction administrative de droit commun. Il y a donc bien une possibilité de recours.
Je ne cherche pas à rallonger inutilement le débat, mais il s’agit d’un des points cruciaux de ce texte. Monsieur le secrétaire d’État, l’ambition que vous affichez, et nous ne pouvons qu’y souscrire, est de raccourcir les délais. Mais c’est ce que l’on entend dans cet hémicycle depuis vingt ans ! Je ne vois pas comment on y parviendra si vous écartez ce dispositif, qui me paraissait être une bonne solution. M. Mazeaud, dont les propositions faisaient à une époque l’unanimité sur ces bancs, et qui me semble pouvoir être considéré comme un grand juriste, avait retenu cette idée, reprise par la suite dans le rapport conjoint de l’IGF, de l’IGAS et de l’IGA.
Vous êtes tout à fait libres de ne pas retenir cette solution, mais ne prétendez pas que vous souhaitez raccourcir les délais ! Dans votre dispositif, la personne déboutée par la CNDA doit d’abord attendre la notification de l’OQTF, puis déposer un recours. Cela lui laisse tout le temps de s’installer !
(L’amendement no 9 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Thierry Mariani. Le présent amendement propose de revenir à la rédaction du Sénat afin de prévoir que le demandeur d’asile débouté de sa demande ne peut solliciter un titre de séjour à un autre titre et doit quitter le territoire français.
Cet amendement répond à la recommandation no 8 faite par la Cour des comptes dans son rapport de février dernier sur l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile. L’objectif est simple : il s’agit une fois de plus d’éviter que des étrangers se maintiennent sur notre territoire par tous les moyens. Soit on est éligible à l’asile, soit on ne l’est pas. Un étranger qui ne peut bénéficier d’une telle protection ne doit pas ensuite épuiser toutes les procédures, une à une, pour tenter d’obtenir un titre de séjour car, comme vous le savez, après deux années de présence sur notre territoire, les étrangers ne peuvent pour ainsi dire plus être expulsés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je répète que dans certains cas, une personne déboutée peut avoir droit au séjour à un autre titre que celui de l’asile. Vous le niez. Vous êtes dans un déni de réalité assez spectaculaire.
Par ailleurs, M. le secrétaire d’État l’a rappelé, l’actuel gouvernement, en trois ans, a éloigné davantage de personnes en situation irrégulière que le précédent. Il n’y a donc pas de droit absolu au séjour pour ceux qui entrent irrégulièrement sur le territoire français.
En revanche, les principes de l’État de droit s’appliquent, et les droits de chaque individu doivent être respectés. Il semblerait que cela n’a aucune existence à vos yeux.
Avis donc naturellement défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 19 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 88.
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination.
(L’amendement no 88, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 14, amendé, est adopté.)
M. le président. La commission a supprimé l’article 14 bis. Je suis saisi de l’amendement no 20, tendant à le rétablir.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.
M. Thierry Mariani. Il s’agit en effet de rétablir la disposition sénatoriale, supprimée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui précise le statut des centres ou lieux d’hébergement dédiés aux personnes déboutées de leur demande d’asile, afin d’y préparer leur retour : elles pourront y être assignées à résidence, en application de l’article L. 561-2 du CESEDA, et se voir proposer le dispositif d’aide au retour prévue à l’article L. 512-5 du même code.
En pratique, il existe de réelles difficultés pour exécuter les OQTF des demandeurs d’asile déboutés. Je rappelle que selon la Cour des comptes, seuls 1 % des déboutés de la demande d’asile quittent effectivement le territoire. Il y a quand même un problème ! Les commissions se trompent-elles de façon à ce point systématique que 99 % des déboutés ne quittent pas le territoire ?
Il est indispensable que les déboutés du droit d’asile retournent dans leur pays d’origine après le rejet de leur demande. Ce maintien sur le territoire jette le discrédit sur l’autorité des décisions administratives et juridictionnelles et fait peser un coût significatif sur les finances publiques.
Aussi le présent amendement prévoit-il d’assigner à résidence les demandeurs d’asile déboutés dans les centres ou lieux d’hébergement qui leur sont dédiés, dans l’objectif de préparer leur retour.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. La commission avait supprimé cet article qui est de nature réglementaire. Rien n’empêche actuellement le Gouvernement de prévoir des centres de préparation au retour. Du reste, si j’en crois L’Express, toujours très renseigné sur ce que fait le Gouvernement, une expérimentation est en cours.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable, comme chacun dans cet hémicycle, à un meilleur accompagnement des personnes déboutées de leur demande d’asile. Le plan intitulé « Répondre au défi des migrations : respecter les droits, faire respecter le droit », présenté en conseil des ministres le 17 juin dernier par Bernard Cazeneuve, fait référence à l’expérimentation de dispositifs de ce type qui est en cours, madame la rapporteure.
L’expérimentation et la mise en œuvre de ces centres, monsieur Mariani, n’ont pas besoin de figurer dans la loi. Leur inscription serait purement déclarative. La portée normative de votre amendement est donc nulle.
Pour ces motifs, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée. Peut-être estimera-t-elle que, symboliquement, il faut inscrire ce point dans la loi, mais cela n’apporte rien et, je le répète, une expérience est déjà en cours.
M. Thierry Mariani. Vous aurez donc retenu au moins un amendement de l’opposition !
M. André Vallini, secrétaire d’État. Juste un avis de sagesse, monsieur Mariani…
(L’amendement no 20 n’est pas adopté et l’article 14 bis demeure supprimé.)
(L’article 14 ter est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 119.
M. Denys Robiliard. Il s’agit de préciser que l’accompagnement dont font l’objet les demandeurs d’asile ne doit pas être simplement administratif, mais aussi juridique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Je suggère le retrait de cet amendement. L’accompagnement des demandeurs d’asile en centre d’accueil est dit administratif en ce sens qu’il apporte l’accès au droit. Votre préoccupation est donc satisfaite par la rédaction actuelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.
M. Denys Robiliard. Compte tenu de la précision apportée par Mme la rapporteure, je retire mon amendement. Il ne faudrait pas qu’un éventuel rejet tue le bénéfice de sa déclaration ! (Sourires.)
(L’amendement no 119 est retiré.)
M. le président. Vous conservez la parole pour soutenir l’amendement no 106, mon cher collègue.
M. Denys Robiliard. Il est proposé que les organismes représentatifs des gestionnaires des structures d’accueil soient formellement consultés lors de l’élaboration du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile. Le sujet est suffisamment important pour que l’on prenne le temps de cette consultation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Nous avons déjà eu cet échange en première lecture. Autant nous sommes attachés à ce que les collectivités soient consultées lors de l’élaboration du schéma régional, autant cette consultation des « organismes représentatifs des gestionnaires des structures d’accueil » – dont on discerne mal, d’ailleurs, ce qu’ils peuvent bien être – compliquera la procédure. L’avis sera également défavorable sur l’amendement no 120 qui vient juste après.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 106 n’est pas adopté.)
M. le président. Nous en arrivons à votre amendement no 120, monsieur Robiliard, qui vient de recevoir un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
M. Denys Robiliard. Il est défendu.
(L’amendement no 120, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Vous avez de nouveau la parole pour soutenir l’amendement no 118.
M. Denys Robiliard. Je le retire.
(L’amendement no 118 est retiré.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 96.
Mme Brigitte Allain. En première lecture, la commission avait supprimé la possibilité d’expulser en urgence une personne d’un lieu d’hébergement sans que la condition d’urgence soit requise. Curieux concept que cette urgence non urgente ! Le Sénat a pourtant réintroduit cette disposition, que nous proposons à nouveau de supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. En cohérence avec la première lecture, elle a adopté cet amendement. Néanmoins, la suppression de la condition d’urgence opérée par le Sénat n’était pas totalement injustifiée : en soi, le besoin de places en CADA justifie l’urgence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Du point de vue du Gouvernement, la condition d’urgence sera par définition satisfaite, dans la mesure où le contexte de saturation du parc d’hébergement impose de pouvoir libérer sans délai toute place susceptible de l’être afin d’accueillir aussi rapidement que possible un demandeur non pris en charge.
La condition d’urgence est ici remplie, puisqu’il convient qu’une personne qui occupe indûment une place en CADA et refuse de la quitter malgré les injonctions qui lui sont adressées soit contrainte de le faire sous le contrôle du juge, pour permettre à un demandeur d’asile de bénéficier des droits qui lui sont reconnus. Dès lors, madame la députée, votre amendement ne paraît pas d’une grande portée normative et nous vous suggérons de le retirer. À défaut, le fait d’inscrire une condition d’urgence satisfaite par définition dans la loi ne peut avoir qu’une portée symbolique. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.
(L’amendement no 96 est adopté.)
M. le président. Vous avez de nouveau la parole pour soutenir l’amendement no 39, madame Allain.
Mme Brigitte Allain. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Très défavorable cette fois, puisque l’amendement supprime le caractère directif de l’hébergement. S’il était adopté, cela mettrait en cause le volet consacré à la répartition des demandeurs d’asile dans les territoires. Aujourd’hui, les demandeurs ne sont pas accueillis en CADA. Ils ne sont même plus accueillis en hébergement d’urgence. Dans l’agglomération parisienne comme dans la métropole lyonnaise, les centres sont totalement saturés. Le succès de la réforme tient aussi à l’orientation rapide des demandeurs d’asile vers des lieux qui leur sont dédiés et où ils seront accompagnés.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.
Mme Brigitte Allain. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 39 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 105.
M. Denys Robiliard. Dans le dispositif construit par le Gouvernement, la sanction de la personne qui n’accepte pas l’hébergement qui lui est proposé pose problème.
La personne se voit notamment refuser l’accès aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS. Or, pour les sans-abri, l’hébergement est un droit qui n’est pas conditionné. Je propose donc de substituer aux mots : « ne peut être hébergé », qui sont ceux du projet de loi, les mots : « peut se voir refuser l’hébergement », qui ne font qu’ouvrir une possibilité. Il s’agit de donner de la souplesse au dispositif afin de permettre l’appréciation, en fonction des circonstances, de la situation concrète du demandeur sans abri et des raisons pour lesquelles il a refusé l’hébergement proposé. Il ne faut pas fermer complètement la porte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Là encore, cette modification serait en totale contradiction avec l’absolue nécessité d’un hébergement directif. En première lecture, en commission et en séance publique, nous avons assorti notre dispositif de plusieurs précautions : prise en compte de la situation individuelle du demandeur d’asile, obligation d’un entretien individuel mené par des personnes formées à l’OFII pour identifier les vulnérabilités de la personne, la composition de la famille ou encore, par exemple, une éventuelle pathologie qui nécessiterait la proximité d’un hôpital… Bref, nous avons prévu beaucoup de précautions pour que l’hébergement directif soit adapté à la situation des demandeurs. Mais revenir sur l’orientation elle-même, dire aux personnes que, si elles refusent les propositions qui leur sont faites, ce n’est pas grave parce qu’elles auront accès aux CHRS…
M. Denys Robiliard. Mais non !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. C’est pourtant à cela que reviendrait le texte si l’on adoptait votre amendement, avec pour conséquence la perpétuation de la saturation que nous vivons actuellement. Je le répète, c’est en totale contradiction avec l’absolue nécessité de mettre les demandeurs d’asile à l’abri dans des CADA, et cela perpétuera une situation scandaleuse qui met en danger les personnes. Ce que l’on voit aujourd’hui est absolument indigne, et nous n’en sortirons pas si nous adoptons votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis.
(L’amendement no 105 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 10.
M. Thierry Mariani. Il s’agit, par cet amendement, de lier la compétence de l’OFII pour suspendre, retirer ou refuser le bénéfice des conditions matérielles d’accueil dès lors que les circonstances légales seront remplies.
Les nombreux rapports consacrés à l’asile dénoncent tous la dérive des coûts. Or je vois mal en quoi ce texte pourrait arriver à nous faire faire, même accessoirement, quelques économies. Cet amendement pourrait contribuer à y remédier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Nous ne souhaitons de compétence liée ni pour l’OFPRA ni pour l’OFII.
S’agissant de ce dernier organisme, le retrait ou la suspension du bénéfice des conditions matérielles d’accueil a des conséquences lourdes, puisque la personne perd à la fois son hébergement et l’allocation pour demandeur d’asile. Nous souhaitons donc que la décision soit prise au cas par cas, en tenant compte de la situation de la personne. Les collaborateurs de l’OFII doivent pouvoir procéder de manière sereine, et non prendre des décisions automatiques parce que nous aurions lié la compétence de l’Office dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Défavorable.
(L’amendement no 10 n’est pas adopté.)
M. le président. Nous en venons à l’amendement no 11. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.
M. Thierry Mariani. Il s’agit de fixer à quatre-vingt-dix jours après l’entrée sur le territoire le délai au terme duquel le versement de l’allocation, sauf exception, est refusé si la personne n’a pas déposé une demande d’asile. Permettez-moi de vous poser à nouveau la question, monsieur le secrétaire d’État et madame la rapporteure : cette loi contient-elle la moindre mesure d’économie, et en quoi corrigera-t-elle les effets de la dérive des coûts de l’asile dénoncée à de multiples reprises dans les rapports que nous connaissons tous ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Allonger de quelques jours le délai au-delà duquel on considère comme tardif le dépôt d’une demande n’entraîne pas de coûts insupportables. Les coûts insupportables, ils sont dus à l’absence de toute réforme lorsque vous étiez aux responsabilités !
Oui, le stock des personnes en attente à la Cour nationale du droit d’asile coûte cher. Oui, le fait d’avoir prévu que l’aide juridictionnelle à la CNDA dépendait des ressources du demandeur coûte cher. Oui, le fait de ne pas avoir créé de postes à l’OFPRA coûte cher. Oui, l’accumulation du stock et les délais, sur lesquels vous n’avez absolument pas agi, coûtent très cher.
S’il ne s’agissait que d’une question de coût, la situation serait encore supportable, même si les dépenses liées à cette politique sont exorbitantes pour nos finances publiques. Mais les coûts humains sont absolument scandaleux.
En résumé, nous allons à la fois faire des économies et nous montrer beaucoup plus respectueux des droits des personnes, les protéger plus vite et donc les protéger mieux.
(L’amendement no 11, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 40.
Mme Brigitte Allain. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Vous suggérez en effet de remplacer « a accepté les conditions matérielles d’accueil proposées en application de l’article L. 744-1 » par « n’a pas refusé l’orientation mentionnée à l’article L. 744-7 », c’est-à-dire l’hébergement proposé par l’OFII.
(L’amendement no 40, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 21.
M. Thierry Mariani. Pour répondre très brièvement et très cordialement à Mme la rapporteure sur les économies, je demande à voir ! Au cours des deux ans de mandat qui restent – n’y voyez aucune ironie – nous aurons à peine le temps d’évaluer le nouveau dispositif, mais, je le répète, je suis prêt à prendre rendez-vous au cours de la prochaine législature, en espérant que nous y siégerons, pour en dresser le bilan. Je suis persuadé que vos mesures n’entraîneront aucune économie.
L’objet de l’amendement no 21 est de supprimer le décret définissant le barème de la nouvelle allocation pour demandeur d’asile – ADA – afin d’obtenir du rapporteur ou du Gouvernement ledit projet de décret.
En effet, on nous promet une rationalisation du versement de l’ADA, mais il convient que les parlementaires soient pleinement informés et aient dès à présent accès au barème de cette nouvelle allocation, ainsi qu’à une estimation des conséquences financières dues à sa familialisation.
Si vous ne supprimez pas cet alinéa 57, au moins pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous donner une idée du barème de la future allocation ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement : la fixation du barème de l’ADA relève bien du domaine réglementaire. Mais l’avis défavorable de la commission ne m’empêche pas de partager, monsieur Mariani, votre curiosité relative à ce barème.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Madame la rapporteure, monsieur le député, je vous confirme que la détermination de ce barème, qui relève effectivement du domaine réglementaire, s’appuiera sur les travaux préparatoires conduits dans le cadre de la réforme de l’asile ainsi que sur le rapport conjoint de l’IGA, de l’IGF et de l’IGAS d’avril 2013 portant sur l’hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d’asile.
Les auteurs de ce rapport ont consacré une part importante de leurs travaux à l’allocation versée aux demandeurs d’asile. Le barème sera calculé de manière à être proche, pour ceux qui sont accueillis dans un hébergement dédié, de l’allocation mensuelle de subsistance actuellement versée pour les demandeurs d’asile accueillis dans un centre d’accueil de demandeurs d’asile.
Pour les demandeurs d’asile non hébergés, il sera majoré de manière à tenir compte, d’une part, de nos obligations européennes, et d’autre part de la nécessité d’inciter l’État à trouver rapidement des solutions d’hébergement appropriées. En revanche, comme je l’ai dit lors de mon intervention liminaire, les demandeurs d’asile qui refuseront l’hébergement proposé perdront le bénéfice de cette allocation. Monsieur le député, le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement.
(L’amendement no 21 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Thierry Mariani. Il s’agit, par cet amendement, de s’opposer à l’instauration au bénéfice du demandeur d’asile d’un droit d’accès au marché du travail et d’un droit à la formation professionnelle ouvert neuf mois seulement après la remise de l’attestation de demande d’asile, et avant l’éventuel octroi du statut de réfugié. Le législateur va créer vers la France un nouvel appel d’air de demandeurs d’asile en quête de formations et d’emplois.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, et même si cela n’a pas de rapport avec l’amendement, pouvez-vous nous donner une idée du délai dans lequel vous fixerez le barème de l’ADA ? Trois mois, six mois ? Ou le barème est-il déjà dans les tuyaux et nous sera-t-il bientôt communiqué ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Monsieur Mariani, les guerres, les dictatures à ciel ouvert comme celle de l’Érythrée, cela ne s’appelle pas des appels d’air, cela s’appelle des raisons de fuir pour sauver sa vie. L’essentiel des flux de demandeurs d’asile que nous connaissons est dû à ces phénomènes. Les printemps arabes avaient également provoqué un pic de demandes d’asile mais curieusement, vous n’aviez pas prévu de dispositions pour accueillir les personnes qui cherchaient protection à ce moment-là.
L’avis de la commission est défavorable, car cet amendement ne prévoit que la suppression d’une disposition de pure application de la directive. La question du travail nous a beaucoup occupés lors des débats en première lecture : certains auraient voulu accorder aux demandeurs d’asile un droit au travail dès le premier jour. La directive prévoit qu’au terme d’un délai de neuf mois, un demandeur d’asile a accès au marché du travail : c’est ce que prévoient les alinéas 60 à 63 que vous souhaitez supprimer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Il est défavorable. Pour répondre à M. Mariani, le barème devrait être publié en septembre.
(L’amendement no 12 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 41.
Mme Brigitte Allain. Il s’agit toujours de la question du droit au travail. L’amendement vise à transposer la directive Accueil sur ce point qui est, nous l’avons dit, essentiel pour l’autonomie et l’insertion des demandeurs. Toutefois, ce droit au travail est fortement limité par l’alinéa 60 qui transpose a minima la directive. C’est pour cette raison que l’amendement propose d’accorder le droit au travail le plus rapidement possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Nous avons effectivement prévu de transposer les dispositions de la directive en permettant l’accès au marché du travail à l’expiration d’un délai de neuf mois, sauf si des raisons expliquent le silence de l’OFPRA. Le demandeur peut, par exemple, ne pas lui avoir fourni les éléments nécessaires pour statuer sur son sort.
(L’amendement no 41 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l’amendement no 135.
M. Jean Lassalle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, assistant à ces débats depuis de longues heures, je suis quelque peu étonné de l’âpreté du discours tenu par notre rapporteure à l’encontre de notre collègue Thierry Mariani, par ailleurs ancien ministre. (« Oh, le pauvre ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il est tout seul sur ses bancs, il n’a pas d’amis ! (Sourires.)
M. Jean Lassalle. Madame la rapporteure, je ne sais pas si vous avez une dent contre lui mais alors qu’est-ce que vous lui mettez ! Mais bref, cela ne me regarde pas. En ce qui me concerne, je n’ai pas, contrairement à lui, gouverné. Et j’observe la hauteur de vues du secrétaire d’État, qui est calme, zen et qui mène cette discussion avec beaucoup de doigté. Votre attitude, madame la rapporteure, est un peu… différente. Mais ça va passer.
Ceci étant, je ne suis pas ici pour philosopher mais pour dire que, quels que soient les gouvernements qui se succèdent, on ne constate aucune amélioration s’agissant du droit d’asile. Les personnes que je reçois dans ma permanence sont aussi mal traitées aujourd’hui qu’auparavant, les préfets sont toujours aussi impitoyables aujourd’hui qu’ils l’étaient il y a cinq ou six ans. Souffrez donc mon amendement, dont je vais vous lire l’exposé sommaire afin que vous n’en perdiez pas une ligne.
Le récent rapport remis par la Cour des comptes a mis en exergue le coût du droit d’asile en France. En effet, le délai d’octroi de l’asile par l’administration peut laisser le demandeur d’asile sans réponse pendant près de deux ans – ça fait long, deux ans.
L’accès au travail – vaste programme, vous en conviendrez – constitue pourtant une opportunité pour le demandeur d’asile de sortir de la précarité pendant cette période d’attente. La durée actuelle d’octroi de l’autorisation d’accès au marché du travail de neuf mois semble excessive – c’est un doux euphémisme.
L’amendement vise à faciliter l’accès au travail des demandeurs d’asile en réduisant de moitié le délai d’octroi de l’autorisation par l’administration. Monsieur le secrétaire d’État, je vous fais confiance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Monsieur Lassalle, il s’agit d’un sujet dont nous avons longuement débattu en première lecture. Vous n’êtes d’ailleurs pas le seul à souhaiter que le délai d’accès au marché du travail soit beaucoup plus court : d’autres députés, de différents groupes, l’ont proposé. Nous sommes tombés d’accord sur l’application stricte de ce qui est prévu par la directive, mais il est vrai que ce point mérite d’être discuté.
Par ailleurs, je ne crois pas que M. Mariani soit victime d’une âpreté ou d’une acrimonie particulière de ma part. En revanche, la politique qu’il a soutenue lorsqu’il appartenait à la majorité, je la dénonce. Je l’ai combattue et aujourd’hui encore, j’en déplore les effets désastreux. (« Bravo » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. Le Gouvernement partage-t-il l’avis de la rapporteure ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Oui, il partage l’ensemble de son intervention. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Je remercie Jean Lassalle d’avoir pris ma défense, je me sentais effectivement un peu esseulé.
Mme Brigitte Allain. Où sont vos collègues, monsieur Mariani ?
M. Thierry Mariani. Grâce à lui, les effectifs de l’opposition ont augmenté d’un coup ! (Sourires.) Mais je voudrais le rassurer, j’ai l’habitude de passer de longues nuit avec Mme la rapporteure, dans cet hémicycle s’entend, à débattre ensemble sur les sujets qui nous occupent aujourd’hui.
Hélas, les constats se suivent et se ressemblent. Je ne sais pas si les gens sont mieux traités, mais la dérive des coûts se poursuit et les délais continuent de s’allonger. Puisque ce débat se déroule manière consensuelle, j’espère, madame la rapporteure, qu’il s’agit du dernier où nous constatons cette dérive et que vous réussirez là où d’autres, peut-être, ont échoué, mais j’en doute fortement.
(L’amendement no 135 n’est pas adopté.)
(L’article 15, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, sur l’article.
M. Jean Lassalle. Souffrez deux mots, monsieur le président, parce que le sujet est d’importance. Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, je vous remercie de vos propos si indulgents et si compréhensifs à mon égard, qui m’ont placé sur une ligne pleinement cohérente avec un grand nombre de mes collègues.
Monsieur le président, merci donc de me donner la parole.
M. le président. Pour deux minutes.
M. Jean Lassalle. Il en reste une et demie.
M. le président. Exactement. (Sourires.)
M. Jean Lassalle. Vous voyez que je sais où j’en suis ! Monsieur le président, je vous connais et vous apprécie. Vous êtes un très grand président. Que le ciel vous protège ! (Rires.)
Je suis président de l’Association des populations des montagnes du monde, qui regroupe soixante-dix huit pays sur tous les continents. Je vois les lieux – parfois des territoires situées à 3 ou 4 000 mètres d’altitude – où s’opère le décrochage, peut-être pas le plus massif mais en tous cas le plus spectaculaire. Soudain, c’est comme si un torrent ravageait tout sur son passage : des cohortes entières de jeunes, que nous aurions pu maintenir sur leurs territoires grâce à un zeste de programme d’éco-développement, sont emportées.
Au lieu de rester vivre au pays, nous les retrouvons naviguant sur des rafiots, aux mains de proxénètes et de voyous de toute espèce. Et indépendamment de ceux qui gouvernent et de ceux qui ne gouvernent pas, et au nom d’une certaine idée française des droits de l’homme, je trouve cela un peu indigne.
J’espère que, lorsque la crise terrifiante que nous sommes en train de vivre commencera à s’éloigner, l’une de nos priorités sera enfin, au lieu de continuer bêtement à vendre des Rafale à des pays qui risquent de nous tirer dessus à un moment ou l’autre, d’engager un vrai projet, dont la France devrait être à l’origine – cela renforcerait son caractère universaliste : aider, sans essayer de les évangéliser ou de les coloniser, ces jeunes gens et filles à rester sur la terre de leurs pères, où ils seraient si heureux d’apporter eux aussi leurs bienfaits à l’humanité tout entière.
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Monsieur le secrétaire d’État, comme M. Lassalle vient de faire référence aux marchés d’armement, je tiens à aborder brièvement le sujet des Mistral. Vous allez me demander le rapport, mais bien que tout le monde l’oublie, le Mistral est non seulement un porte-hélicoptères mais aussi un bateau logistique. Il peut servir, entre autres, de navire-hôpital.
Par solidarité vis-à-vis de l’Europe, nous ne vendons pas ces bateaux aux Russes. Je le regrette, mais ce n’est pas l’objet du débat. Dans le même temps, Frontex et l’Europe se plaignent en permanence d’être dépourvus de moyens logistiques pour secourir les migrants qui traversent la Méditerranée. Je réitère donc ma proposition, même si cela vous fait sourire, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi la France ne prend-elle pas l’Union européenne au mot ? Nous nous sommes montrés solidaires dans le dossier des sanctions, l’Union pourrait l’être aussi s’agissant des pénalités que nous encourons ! Pourquoi donc l’Union européenne ne nous rachèterait-elle pas ces bateaux, qui pourraient être fort utiles pour secourir des migrants dans la mer Méditerranée ?
Je ne vous demande pas une réponse immédiate mais il s’agit d’une demande sérieuse, qui est loin d’être une plaisanterie. Pour en avoir déjà discuté, je pense que cette option n’est pas stupide. En outre, cela prouverait que la France peut fournir des armes, mais aussi sauver des vies avec les instruments qu’elle fabrique.
M. Jean Lassalle. Très bien !
(L’article 16 est adopté.)
(L’article 16 ter est adopté.)
(L’article 17 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Thierry Mariani. Le projet de loi prévoit, à l’article 18, que la carte de séjour temporaire est de droit pour le partenaire marié ou pacsé de l’étranger qui a obtenu la protection subsidiaire, mais aussi pour ses enfants, jusqu’à leurs 19 ans. Le projet de loi initial posait la condition restrictive, pour les enfants de moins de 19 ans, que ces enfants soient non mariés, conformément à la directive Qualification. Il s’agit de rétablir cette condition, d’autant que l’alinéa 14 de l’article 19 prévoit la condition de non-mariage pour faire bénéficier l’enfant de moins de 19 ans de la réunification familiale. À défaut, des regroupements en cascade seraient à craindre. Cet amendement est donc en cohérence avec l’article 19.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. Monsieur Mariani, sans évoquer le sujet du Mistral, la participation à des opérations extérieures peut effectivement permettre à des personnes de rester vivre dans leur pays. Si la France n’était pas intervenue au Mali,…
M. Thierry Mariani. Nous avons soutenu cette opération !
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. …ce pays n’aurait plus d’État souverain et il y aurait eu beaucoup de Maliens fuyant le terrorisme sur les bateaux qui sombrent en Méditerranée.
M. Thierry Mariani. Nous sommes d’accord !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Avis défavorable. Monsieur Mariani, j’ai trouvé votre proposition très intéressante. Si je souriais, c’est parce que les collaborateurs de M. Cazeneuve, assis derrière moi, étaient terrorisés à l’idée que je puisse vous répondre sur le fond ! (Sourires.) Cela dépasse largement mon très modeste domaine de compétences, la réforme territoriale, et touche à des sujets totalement étrangers à notre débat.
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. J’essayais simplement de vous soumettre une proposition constructive. De toute façon, nous aurons des pénalités à payer, de l’ordre de 800 millions à 1,2 milliard d’euros. Si l’Europe avait acheté ces bateaux, cela aurait non seulement soulagé la France mais aussi répondu à un besoin humanitaire. J’ai lu dans Le Monde que la solution la moins coûteuse serait peut-être de les couler. Ce serait quand même une aberration ! Je préférerais quand même qu’ils servent à autre chose.
(L’amendement no 13 n’est pas adopté.)
(L’article 18 est adopté.)
(L’article 19 est adopté.)
M. le président. La commission a supprimé l’article 19 bis A. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 23, tendant à rétablir l’article.
M. Thierry Mariani. C’est le dernier amendement que je défendrai. Il propose de rétablir le dispositif adopté par le Sénat et supprimé à nouveau par la commission des lois de l’Assemblée. L’objectif est de ramener à sept jours le délai de départ volontaire qui peut être fixé à l’étranger à l’égard duquel une obligation de quitter le territoire français a été prise, comme le permet l’article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive Retour.
En France, le délai de départ volontaire est de trente jours : une fois de plus, nous allons bien au-delà de ce qu’impose la directive et ces délais permettent à la personne de s’installer. Par cohérence, cet amendement propose de ramener également ce délai de trente à sept jours lorsque l’administration peut obliger un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille, à quitter le territoire français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sandrine Mazetier, rapporteure. Défavorable. C’est l’exemple même du « coup de menton » qui coûte de l’argent. Il est beaucoup moins cher de proposer à quelqu’un de partir volontairement, et donc de lui laisser un temps décent pour déménager, que de procéder à un éloignement forcé. Mais une politique de fermeté d’affichage coûte très cher et est totalement inefficace.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même avis. J’ajoute que cet amendement s’inscrit dans le cadre du futur débat sur le séjour des étrangers en France, non dans celui sur le droit d’asile.
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Je conviens tout à fait qu’un départ volontaire coûte beaucoup moins cher, comme l’a dit Mme la rapporteure. J’ajoute que c’est beaucoup moins traumatisant que de partir entre des policiers qui font leur travail. Sauf que nous savons très bien que ce n’est pas le cas ! Nous le rappelons à chaque fois : seules 1 % des OQTF sont satisfaites. Nous ne vivons pas dans un monde merveilleux où les gens vont spontanément sauter dans le train pour partir.
(L’amendement no 23 n’est pas adopté et l’article demeure supprimé.)
(L’article 19 bis est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon, sur l’article.
Mme Pascale Crozon. Je souscris aux propos de la rapporteure et du secrétaire d’État. Un départ à l’étranger ne se fait pas si facilement : il faut acheter des billets d’avion, préparer un déménagement, déscolariser les enfants, prendre ou non la décision de faire un recours, en supposant qu’un interprète et un avocat ne soient pas nécessaires pour comprendre la portée du courrier qu’on a reçu. Et tout cela en sept jours ! La plupart des êtres humains, qui n’ont pas votre habileté, monsieur Mariani, en sont incapables.
Le retour volontaire, ce n’est pas rien : c’est près de 8 000 procédures prises en charge par l’OFII en 2013, à un coût très inférieur à celui du retour contentieux. Monsieur Mariani, vous qui êtes si soucieux des deniers publics lorsqu’il s’agit de réduire l’accès des étrangers à la santé ou aux avocats, vous devriez l’être tout autant s’agissant du coût de notre politique d’éloignement.
(L’article 19 ter est adopté.)
M. le président. La commission a supprimé l’article 19 quater. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement no 22, tendant à le rétablir.
M. Thierry Mariani. Il est défendu.
(L’amendement no 22, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté et l’article demeure supprimé.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 141.
M. André Vallini, secrétaire d’État. C’est un amendement de coordination pour l’outre-mer.
(L’amendement no 141, accepté par la commission, est adopté.)
(L’article 20, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 142.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Même objet que le précédent : coordination pour l’outre-mer.
(L’amendement no 142, accepté par la commission, est adopté.)
(L’article 21, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 143.
M. André Vallini, secrétaire d’État. Il porte sur les modalités d’entrée en vigueur du texte.
(L’amendement no 143, accepté par la commission, est adopté.)
(L’article 23, amendé, est adopté.)
M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, c’est conscient de l’urgence que le groupe socialiste votera ce projet de loi. L’asile n’est ni un droit abstrait, ni un droit désuet, ni la simple survivance d’une vieille tradition républicaine. C’est un droit qui a aujourd’hui le visage des hommes, des femmes, des enfants qui fuient le totalitarisme syrien ou la barbarie des fondamentalistes de Daech. Nos concitoyens le comprennent et refusent les amalgames encore aujourd’hui agités par la droite et l’extrême droite. Ils nous appellent à assumer pleinement notre part de responsabilité.
Ce projet de loi est une étape essentielle nous permettant d’être au rendez-vous de cette responsabilité. Il vient à la fois parachever la réforme de l’OFPRA et inscrire la France dans une nouvelle politique européenne de l’asile. Il vise à mieux accueillir, à mieux accompagner, à décider plus vite mais aussi de façon plus juste. Les préoccupations du groupe socialiste, qu’il s’agisse d’un meilleur encadrement de la liste des pays d’origine sûre, de la prise en compte des situations de vulnérabilité particulière, de la garantie d’un accompagnement individuel et non simplement d’un hébergement, ou de l’adaptation de notre doctrine aux nouvelles menaces qui frappent en particulier les femmes, les enfants et l’orientation sexuelle, ont été prises en compte en première lecture et sont aujourd’hui confirmées.
Je voulais une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d’État, vous remercier de votre écoute et remercier plus particulièrement notre rapporteure, Sandrine Mazetier, et notre collègue Pascale Crozon pour la qualité de nos échanges et la constance de leur engagement. Ce texte est le résultat d’un travail fructueux entre le Gouvernement et le Parlement. Il permet d’envisager avec confiance l’avenir d’un système d’asile que tout le monde disait à bout de souffle. C’est un grand texte, qui allie humanité et efficacité. Le groupe socialiste le votera.
M. Philippe Duron. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe Les Républicains.
M. Thierry Mariani. Dans cet hémicycle, personne n’a le monopole des sentiments humains ou de l’attachement au droit d’asile. Le groupe Les Républicains et le groupe UDI y sont tout autant attachés que le parti socialiste. Mais nous ne voulons pas que ce droit soit dévoyé par d’éventuels abus, d’où nos remarques pendant le débat. Notre groupe votera contre ce texte puisque, s’agissant des délais et de la dérive financière, vous êtes revenus sur les dispositions positives introduites notamment par le Sénat. Les problèmes soulevés à plusieurs reprises ne nous semblent en aucun cas être résolus. Je vous donne rendez-vous dans deux ou trois ans pour le même débat : le constat sera le même car ce texte ne résout rien.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.
Mme Brigitte Allain. À l’issue de cette nouvelle lecture, le groupe écologiste maintiendra vraisemblablement sa position en faveur de l’abstention, comme je l’ai dit lors de la discussion générale. Nous reconnaissons les avancées permises par ce texte dans le sens d’un meilleur encadrement du droit d’asile, mais notre pays ne prend pas suffisamment sa part de responsabilité au regard des autres pays européens.
Je retiens la proposition de M. Mariani qui permettrait, pour une fois, de transformer des armes en outils d’accueil. Cette proposition est peut-être opportuniste mais, de fait, elle est intelligente. (Sourires.) Je le dis clairement !
M. Thierry Mariani. Cela m’arrive tellement rarement ! (Sourires.)
Mme Brigitte Allain. Nous ne prenons pas notre part de responsabilité à l’égard de nos voisins, et pas non plus à l’égard de pays comme le Liban, la Turquie, l’Irak, qui sont particulièrement concernés parce que proches des zones où des conflits armés font fuir les civils. Leur population se trouve, de fait, presque multipliée par deux – c’est le cas du Liban. Leur situation est explosive et ils se retourneront un jour contre nos pays qui n’auront pas su assurer la solidarité au bon moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Gabriel Serville. Il est des régions qui font partie intégrante de la République mais dont on se demande parfois s’il ne faudrait pas radicalement changer la norme, le type de relations politico-administratives qui les unissent à Paris. C’est le cas de la Guyane et de Mayotte, dont les habitants se posent beaucoup de questions quant à la manière dont leurs territoires respectifs sont gouvernés.
Lors de la discussion générale, j’ai évoqué cette dichotomie, cette forte contradiction qui existe entre les réalités de la France hexagonale et celles de nos régions d’outre-mer. En l’occurrence, on peut s’interroger quant aux conséquences que l’application de cette loi pourrait avoir sur la stabilité sociale en Guyane et à Mayotte.
La Guyane, vous le savez, s’est construite sur la base de migrations successives, si bien que l’on peut considérer que 70 % de ses habitants sont aujourd’hui originaires d’un pays étranger. La capacité à vivre ensemble dont nous avons fait preuve jusqu’ici risque d’être ébranlée par un afflux de personnes qui ne viennent pas d’Amérique du Sud et qui transitent par le Brésil.
C’est la raison pour laquelle je me suis montré très sceptique et ne vous ai pas caché l’analyse quelque peu mitigée que je portais sur ce texte. Mais Mme la rapporteure a assuré que l’observatoire de l’asile permettrait de porter un regard différent sur ces départements d’outre-mer, qui souffrent par moments de difficultés dont la représentation nationale n’a pas conscience.
À titre personnel donc, je voterai ce projet de loi, tout en demeurant vigilant sur la suite qui sera donnée à ces mesures. Les autres députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’abstiendront. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de loi relative à la manutention dans les ports maritimes.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly