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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 29 juin 2015

SOMMAIRE

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales

Présentation

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville

Mme Elisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

M. Michel Piron

Mme Jeanine Dubié

M. Pascal Popelin

M. Guy Geoffroy

M. Thierry Mariani

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

2. Nouvelle organisation territoriale de la République

Présentation

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Motion de rejet préalable

Mme Annie Genevard

Mme Marylise Lebranchu, ministre

M. Marc Dolez

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Patrick Ollier

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Suspension et reprise de la séance

Motion de renvoi en commission

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Olivier Dussopt, rapporteur

Mme Marylise Lebranchu, ministre

M. Pascal Popelin

M. Patrick Hetzel

Suspension et reprise de la séance

Discussion générale

M. Michel Piron

Mme Jeanine Dubié

M. Marc Dolez

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Hervé Gaymard

M. Paul Molac

M. Alain Rousset

M. Serge Grouard

M. Alain Calmette

M. Xavier Bertrand

Mme Marylise Lebranchu, ministre

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales

Nouvelle lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux et de Mme Elisabeth Pochon, tendant à faciliter l’inscription sur les listes électorales (nos 2798, 2888).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, pour commencer, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, en déplacement pour marquer le soutien de la France après les attentats de vendredi en Tunisie.

Vous êtes à nouveau appelés à examiner la proposition de loi visant à permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015. Il s’agit de revenir, de façon exceptionnelle, sur le principe de révision annuelle des listes électorales prévu par l’article L. 16 du code électoral. Comme le ministre de l’intérieur l’avait indiqué en première lecture, cette proposition de loi s’inscrit naturellement dans le prolongement des travaux du Parlement : dans le prolongement, premièrement, du vote de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, qui a reporté les élections régionales au mois de décembre prochain ; dans celui, deuxièmement, des travaux de la mission d’information menée par les députés Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, que je veux ici devant vous à nouveau remercier.

Leur rapport conjoint, remis en décembre 2014, formulait vingt-trois préconisations et rappelait la nécessité de lutter contre l’éloignement de certains électeurs potentiels de l’institution électorale, estimant à 3 millions le nombre de non-inscrits et à 6,5 millions celui des mal-inscrits. Toutes les élections récentes, y compris les départementales de mars dernier, ont démontré combien il y avait urgence à faire face au fléau de l’abstention. Cette abstention mine notre démocratie, et nous devons soutenir toutes les initiatives visant à l’endiguer. Dans la perspective des élections régionales de la fin de l’année, vous avez donc jugé, madame la députée Elisabeth Pochon, qu’il était urgent d’agir. Le Gouvernement vous soutient, d’autant plus que c’est la première fois depuis 1965 qu’un scrutin aura lieu en fin d’année.

Ce n’est ni le lieu, ni le jour de refaire la réforme territoriale, qui a été adoptée. Mais je rappelle que la date de ce scrutin permettra aux nouveaux conseils régionaux fusionnés de se mettre en place au 1er janvier, seule date permettant de tenir compte des contraintes budgétaires et fiscales qui pèsent sur les collectivités. C’est une contrainte technique à laquelle tout le monde peut souscrire.

Afin de tenir compte du caractère exceptionnel de la date de ce scrutin, il fallait donc une mesure exceptionnelle. On ne peut pas s’indigner, le soir de chaque élection, de la faiblesse du taux de participation et ne rien faire pour lutter contre ce fléau. Elisabeth Pochon a pris l’initiative de déposer cette proposition de loi, et je l’en remercie, au nom du Gouvernement. En effet, sans ce texte, les élections de décembre 2015 se feraient sur la base des demandes d’inscription déposées près d’un an avant, au 31 décembre 2014, ce qui créerait un décalage flagrant auquel nous avons le devoir d’y remédier.

Certes, le code électoral, avec son article L. 30, prévoit déjà des dérogations permettant une inscription en dehors des périodes de révision annuelle des listes, notamment pour les électeurs déménageant pour motifs professionnels. Ce dispositif, néanmoins, ne saurait être généralisé. En effet, parce qu’il évince l’INSEE des échanges, il contribue aux doubles inscriptions, qui fragilisent la sincérité du corps électoral. Pour permettre aux Français qui auront déménagé entre le 31 décembre 2014 et l’été 2015 pour des motifs non professionnels – et ils seront nombreux – à s’inscrire dans le courant du mois de septembre 2015, il convient par conséquent d’adopter la réforme telle que votée par votre assemblée en première lecture.

Ainsi, le rapprochement entre la date butoir d’inscription sur les listes électorales et le moment où se déroule le scrutin permettra d’obtenir un corps électoral plus sincère, basé sur des listes électorales plus représentatives. Les communes attendent les instructions des préfectures sur les mesures à mettre en œuvre pour préparer cette révision exceptionnelle. Le Gouvernement est prêt à prendre le décret d’application visé par l’article 2 de la proposition de loi et à transmettre les instructions adéquates aux préfets, qui les relaieront aux communes peu avant les congés estivaux.

Il nous faut donc faire vite, tout en préservant dans le dispositif un délai de deux mois, entre début octobre et fin novembre, pour que les commissions communales puissent procéder aux inscriptions et radiations. C’est un minimum incompressible, qui va déjà exiger beaucoup de l’INSEE et des communes. Si nous voulons réduire ce délai, nous devons changer le système. Telle est d’ailleurs bien la volonté du Gouvernement, et je le redis ici sans ambiguïté : c’est une réforme plus structurante que le Gouvernement appelle de ses vœux. Nous devons d’ores et déjà envisager de franchir une étape supplémentaire, et le Gouvernement souhaite que nous le fassions ensemble.

Mesdames et messieurs les députés, le Président de la République s’est en effet clairement exprimé en faveur d’une modernisation de l’accès au scrutin, avec l’ambition que, en 2017, nos concitoyens puissent s’inscrire dans un délai d’un mois précédant l’échéance électorale, et non plus seulement l’année précédant le scrutin. Le rapport Pochon-Warsmann partage cette ambition et a formulé en ce sens des propositions très concrètes. Nous avons d’ores et déjà, avec ces deux députés, comme le ministre de l’intérieur s’y était engagé devant vous le 30 mars dernier, commencé à travailler depuis quelques semaines à une telle réforme. C’est là un enjeu républicain, qui doit nous rassembler par-delà nos différences.

Mesdames et messieurs les députés, vous l’aurez compris, le Gouvernement apporte un soutien sans réserve au texte de votre commission, dans les termes votés en première lecture. Ce texte permet de prendre la mesure de l’échéance qui nous attend au mois de décembre, une échéance électorale pour chacune de nos formations politiques, mais également une échéance républicaine face au risque de l’abstention. Il ne s’agit pas d’un solde de tout compte : franchissons cette première étape et préparons la suivante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Elisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Mme Elisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, à la suite de l’échec, le 10 juin dernier, de la commission mixte paritaire, nous examinons, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales.

Le texte adopté par le Sénat diverge à plusieurs égards de celui que nous avions adopté ici même en mars dernier. Mais, si la solution retenue par la seconde chambre diffère de celle à laquelle nous avions abouti, je me félicite que les deux assemblées partagent un objectif commun : adapter notre procédure d’inscription au report des élections régionales de mars à décembre prochain, et faciliter ainsi la participation du plus grand nombre à ce scrutin. Qui comprendrait en effet que notre démocratie organise des élections sur la base d’un corps électoral figé une année avant sa convocation ?

En première lecture, nous avions décidé de la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015, afin de permettre à toutes les personnes qui s’inscriraient jusqu’au 30 septembre prochain de pouvoir participer aux élections régionales de décembre. À défaut, les listes servant à ces élections seraient celles établies le 1er mars 2015, issues des demandes d’inscription déposées avant le 31 décembre 2014. Vous savez tous que seuls quelques électeurs pourraient à titre exceptionnel s’inscrire après cette date, et au plus tard dix jours avant la date du premier tour du scrutin, en application de l’article L. 30 du code électoral.

Sont visés par cette inscription « hors période » : les agents publics et les militaires dont la situation professionnelle est modifiée en cours d’année ; les personnes qui changent de domicile pour un motif professionnel ; les jeunes Français n’ayant pas bénéficié de la procédure d’inscription d’office ; les personnes acquérant la nationalité française et naturalisées en cours d’année ; enfin, les Français recouvrant l’exercice du droit de vote dont ils avaient été privés par l’effet d’une décision de justice.

Le Sénat n’a pas retenu notre dispositif. Il a préféré assouplir les conditions d’inscription « hors période » et l’étendre à toutes les personnes qui déménagent, quel que soit le motif du déménagement et non plus seulement pour des raisons professionnelles conformément à l’article L. 30 actuel. À mon initiative, la commission des lois a rétabli la rédaction que nous avions adoptée en première lecture, prenant acte des insuffisances et des difficultés soulevées par le dispositif voté par le Sénat.

En voici les principales illustrations. Tout d’abord, la solution retenue par le Sénat est insatisfaisante en raison du périmètre des personnes qui pourront demander à être ajoutées sur les listes électorales. En généralisant les conditions d’inscription « hors période » à tous les motifs de déménagement, qu’ils soient professionnels ou personnels, la solution proposée par le Sénat ne règle qu’une partie du problème lié au report des prochaines élections régionales de mars à décembre. En effet, elle ne permet pas aux personnes qui auraient simplement oublié de s’inscrire à temps sur les listes de participer à ce scrutin. Elle fige donc la situation électorale des personnes qui ne remplissent aucune des conditions d’inscription « hors période », pratiquement un an avant le scrutin.

Par ailleurs, la disposition adoptée par le Sénat soulève de nombreuses difficultés opérationnelles liées aux modalités actuelles de révision des listes électorales. En période normale de révision, deux mois entiers sont laissés aux commissions administratives de révision, à l’INSEE et, le cas échéant, au juge, pour procéder aux inscriptions et aux radiations nécessaires, afin de vérifier la capacité électorale de la personne et de la radier, le cas échéant, de l’ancienne liste électorale. Hors période de révision, les délais pour réaliser ces opérations sont beaucoup plus contraints. Les demandes d’inscription déposées en application de l’article L. 30 doivent être déposées au plus tard dix jours avant le scrutin et sont examinées par les commissions administratives au plus tard cinq jours avant celui-ci, afin que puisse être publié le tableau de rectification dit « des cinq jours ».

Dans ces conditions, il n’est pas possible pour les commissions administratives d’échanger de façon satisfaisante avec l’INSEE à propos des inscriptions et des radiations ; elles ne peuvent qu’informer les communes des radiations afin qu’elles modifient en conséquence leur liste électorale. L’absence de coordination à l’échelle nationale concernant ces inscriptions et ces radiations est d’ailleurs à la source de discordances importantes entre le fichier général des électeurs détenu par l’INSEE et les listes communales, ce qui explique le nombre élevé de doubles inscriptions.

Ces dysfonctionnements, déjà réels aujourd’hui, se trouveraient amplifiés et aggravés si nous acceptions de généraliser les possibilités de s’inscrire hors période à toutes les personnes qui changent de commune, sans réserver le bénéfice de cette inscription à certains motifs précis. Nous porterions alors préjudice à la sécurité de la procédure de révision des listes électorales pour l’année 2015 et, en définitive, à la sincérité du processus électoral dans son ensemble.

En outre, le dispositif sénatorial ne manquerait pas de semer la confusion chez les électeurs qui ont changé ou vont changer de commune au cours de l’année 2015, en instaurant entre eux une distinction injustifiée en fonction du moment auquel ils auront déposé leur demande d’inscription. Les personnes ayant sollicité leur inscription après l’entrée en vigueur de cette mesure pourraient être inscrites hors période et voter aux élections régionales. En revanche, celles qui auront effectué cette démarche entre le 1er janvier 2015 et la date d’entrée en vigueur de cette disposition, ignorant par définition qu’elles pouvaient demander leur inscription « hors période », devront être inscrites sur les listes entrant en vigueur le 1er mars 2016, ou devront redemander leur inscription « hors période » pour pouvoir bénéficier de ce nouveau dispositif.

Enfin, la rédaction choisie par le Sénat conduit à pérenniser et à élargir les possibilités d’inscription « hors période », à rebours de l’évolution souhaitable des modalités d’inscription sur les listes électorales. Or, la mission d’information que j’ai conduite avec M. Jean-Luc Warsmann a conclu à la nécessité de renoncer au concept même de période de révision des listes électorales et d’imaginer une nouvelle procédure d’inscription adaptée au rythme démocratique, c’est-à-dire au calendrier et à la fréquence des scrutins, ainsi qu’à la mobilité résidentielle et professionnelle des électeurs. Pour ce faire, elle a proposé d’instaurer une révision permanente des listes et de rapprocher le plus possible le moment où les listes électorales sont considérées comme définitivement mises à jour et la date du scrutin.

Dans le même esprit, le Président de la République lui-même a formulé en octobre 2014 le souhait que les électeurs puissent s’inscrire sur les listes jusqu’à un mois avant la date du scrutin auquel ils souhaitent voter. C’est en ce sens que M. Jean-Luc Warsmann et moi-même travaillons, afin que ces propositions puissent être rapidement traduites dans notre droit électoral.

En conclusion, la rédaction adoptée par notre commission en nouvelle lecture me paraît constituer le meilleur équilibre entre, d’une part, l’exigence démocratique de participation du plus grand nombre aux élections et, d’autre part, l’impératif de sécurité juridique du processus électoral. Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, l’abstention – le renoncement à l’exercice de l’un de nos droits les plus fondamentaux – est un mal grandissant de notre démocratie. Si elle est bien souvent le signe d’un désintérêt, voire d’un rejet de la politique, entretenu il est vrai par les postures, les caricatures et les extrêmes, l’abstention peut aussi s’expliquer parfois par de simples raisons techniques. Mal informés, ignorant les démarches administratives à effectuer, certains de nos concitoyens n’exercent pas leur droit de vote parce qu’ils sont mal ou non-inscrits.

Le rapport sur les modalités d’inscription sur les listes électorales, co-écrit par la rapporteure Elisabeth Pochon et par Jean-Luc Warsmann, avait bien identifié ce phénomène de mal et de non-inscrits. En 2012, on comptait ainsi 3 millions de non inscrits, un chiffre en progression continue depuis 2007. Quant aux personnes mal inscrites, c’est-à-dire inscrites dans un bureau de vote qui ne correspond plus à leur lieu de résidence effectif, elles auraient été quelque 6,5 millions en 2012.

Il va de soi qu’ayant changé de région, même la personne la plus désireuse d’exercer son droit de vote aura peu de chances de retourner dans son ancien lieu de résidence dans le seul but de voter. En légiférant, nous pouvons faire en sorte que ces personnes ne soient pas des abstentionnistes supplémentaires.

Le rapport de nos collègues a également révélé le phénomène de déconnexion du calendrier d’inscription avec le rythme démocratique. L’arrêt, dans la majorité des cas, des demandes d’inscription au 31 décembre de l’année précédente ne correspond pas aux dates auxquelles ont traditionnellement lieu les élections. Depuis 1959, en effet, la majeure partie des élections se tient après le mois de mars, date à laquelle l’inscription déposée l’année précédente prend effet.

Par conséquent, le calendrier d’inscription est propice à l’exclusion du processus de nombreux électeurs potentiels. Il ne permet pas à ceux qui sont les moins sensibilisés à la politique et les moins susceptibles d’être mobilisés pendant les campagnes électorales de s’inscrire à temps pour voter lors d’élections que plusieurs mois séparent parfois de la date limite d’inscription. Cette déconnexion sera d’autant plus flagrante cette année que les élections régionales auront lieu en décembre.

Certes, la loi prévoit aujourd’hui quelques dérogations, en cas d’acquisition de la nationalité entre-temps ou de déménagement pour raisons professionnelles par exemple. Néanmoins, ces dérogations sont marginales et ne prennent pas en compte la mobilité croissante de nos concitoyens, en particulier celle des jeunes majeurs.

En outre, l’inscription automatique à dix-huit ans a certes permis de réduire considérablement la non-inscription depuis sa mise en place en 1997, mais nous pouvons aller plus loin.

Face à ces constats, nous avons désormais la possibilité d’agir concrètement pour limiter ces phénomènes en assouplissant les délais. La présente proposition de loi prévoit d’adapter la procédure de révision des listes électorales au report de mars à décembre 2015 des élections des conseillers régionaux. La date limite de dépôt des demandes d’inscription serait donc exceptionnellement fixée au dernier jour du mois de septembre 2015, soit au plus tard deux mois avant la date d’entrée en vigueur des listes électorales.

En outre, les jeunes qui atteindront l’âge de dix-huit ans au plus tard la veille du scrutin de décembre pourront s’inscrire s’ils n’ont pas bénéficié de la procédure d’inscription d’office. Il en ira de même des personnes qui bénéficieront de la nationalité française ou recouvreront l’exercice du droit de vote à cette même date.

Comment pourrions-nous nous y opposer ?

M. Pascal Popelin. Très bien !

M. Michel Piron. Si nous ne procédons pas à cette modification de notre droit, seuls les électeurs inscrits au plus tard le 31 décembre 2014 pourront participer aux élections. Nous exclurions ainsi un certain nombre, et un même un nombre certain d’électeurs potentiels.

Le Sénat a adopté une version radicalement différente de cette proposition de loi, puisqu’il a remplacé le dispositif initial par une disposition élargissant la faculté aujourd’hui reconnue aux personnes qui ont déménagé en cours d’année de s’inscrire en dehors de la période de révision des listes électorales.

D’une part, ce dispositif nous semble inadapté : il imposerait un délai trop court dans la procédure de révision des listes, ni les commissions administratives de révision, ni l’INSEE, ni les communes ne disposant du temps nécessaire à des vérifications effectives. Ainsi que l’a indiqué Mme la rapporteure, nous multiplierions les risques de doubles inscriptions – ce qui, venant du Sénat, ne laisserait pas d’étonner.

D’autre part, cette proposition exclut du mécanisme les personnes qui auraient omis de demander leur inscription avant le 31 décembre 2014.

Face à un mal aussi sérieux que l’abstention, nous ne pouvons pas nous opposer à un texte qui, même si son effet est limité, permettra d’améliorer un tant soit peu la situation. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la proposition de loi telle qu’elle a été rédigée initialement.

M. Pascal Popelin. Très bien !

M. Michel Piron. Pour autant, nous n’oublions pas que si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est pour régler un problème que la majorité a elle-même contribué à créer. En modifiant les règles d’organisation de l’ensemble des élections, elle est loin d’avoir contribué à réduire le taux d’abstentionnisme. Qu’il s’agisse des dates des élections, des modes de scrutin ou de la réforme de l’organisation territoriale dans son ensemble, on ne compte plus en effet les hésitations et revirements du Gouvernement. Nous en débattrons encore tout à l’heure lors de l’examen du projet de loi dit NOTRe.

Ces nombreux bouleversements rendent les modes d’élection encore plus complexes aux yeux de nos concitoyens. En outre, bien que l’objet de cette proposition de loi se justifie particulièrement cette année par la tenue des élections en décembre, on peut regretter le caractère spécifique de ce texte, qui ne s’appliquera qu’en 2015.

Au-delà de ces quelques remarques, le rapport d’Elisabeth Pochon et de Jean-Luc Warsmann contient un certain nombre de propositions : accompagner les démarches d’inscription, rénover les conditions d’attache avec la commune d’inscription ou encore réformer la procédure d’examen et de contrôle des inscriptions. Il est regrettable que ces propositions n’aient pas été davantage prises en considération dans ce texte.

Sur la forme, nous regrettons également que cette proposition de loi n’ait pu être déposée à l’initiative des deux auteurs du rapport de la mission d’information dans un esprit de co-construction avec l’opposition – que je préfère appeler minorité, car elle n’a pas vocation à s’opposer systématiquement. Sur un sujet aussi important, les postures partisanes n’ont pas leur place. Au moment où les menaces qui pèsent sur la cohésion de notre société sont multiples, toute initiative qui pourra encourager nos concitoyens à aller voter et qui facilitera les conditions d’exercice du vote doit être soutenue et valorisée.

Pour autant, le problème majeur et le plus préoccupant reste bien évidemment celui de la démobilisation de l’électorat. En tant qu’élus, nous devons entendre l’abstentionnisme comme le signe d’un rejet croissant. Nous devons donc trouver les moyens de revaloriser l’engagement civique, car le droit de vote n’est peut-être que le contrepoint du premier des devoirs démocratiques : celui de voter.

Vous l’aurez compris, chers collègues : comme en première lecture, le groupe de l’Union des démocrates et des indépendants votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est constructif !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen de la proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales.

Le principe actuellement en vigueur est le suivant : l’article L. 16 du code électoral impose aux électeurs qui ne seraient pas inscrits sur une liste électorale de s’y inscrire avant le 31 décembre pour pouvoir participer aux élections de l’année suivante. Les listes électorales révisées entrent en vigueur au 1er mars et sont valables pour toutes les élections organisées entre cette date et le dernier jour du mois de février de l’année suivante.

La présente proposition de loi vise à tenir compte des conséquences de la tenue des élections régionales en décembre 2015, fixée dans la loi du 16 janvier 2015. Elle a donc pour objet la réouverture exceptionnelle de la procédure d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015. Elle prévoit que seront prises en compte, pour cette révision, les demandes d’inscription sur les listes électorales déposées jusqu’au 30 septembre 2015 et donnera ainsi la possibilité au plus grand nombre d’électeurs d’exercer ce droit fondamental qu’est le droit de vote.

Ce texte a donc vocation à ouvrir la possibilité de voter aux mineurs ayant atteint l’âge de dix-huit ans au plus tard la veille de l’élection, s’ils n’ont pas été inscrits d’office sur les listes électorales. Il concerne aussi les personnes ayant recouvré le droit de vote après le 31 décembre 2014.

Nous considérons que cette mesure est bonne. Elle permettra d’une part de donner la possibilité au plus grand nombre de citoyens de participer aux élections régionales de 2015, mais aussi de laisser un délai de deux mois aux commissions pour effectuer les opérations de radiation et d’inscription en vue de l’établissement définitif des listes électorales pour ces élections.

Clôturer les listes électorales plus d’une année avant l’ouverture des élections semble peu adapté alors que près de 5 millions de Français déménagent chaque année.

Dans son article 2, le texte prévoit la publication d’un décret en Conseil d’État qui précisera les règles et procédures applicables à cette révision.

Certes, il existe des dérogations prévues à l’article L. 30 du code électoral permettant à certaines catégories de personnes de s’inscrire sur les listes en dehors des périodes de révision. Il s’agit notamment des personnes ayant dû déménager pour des raisons professionnelles et de leur famille.

Si une mutation professionnelle, un changement ou une perte d’emploi sont autant de motifs pouvant conduire une personne à changer de lieu de résidence, il n’en existe pas moins diverses autres raisons : un mariage ou un divorce, l’arrivée d’un enfant, l’entrée en maison de retraite ou d’autres raisons liées à la vie personnelle.

C’est à ce problème que prétend répondre la présente proposition de loi. Bien que l’objectif ne soit pas de répondre à la crise de l’abstention, comme l’a rappelé Mme la rapporteure, dans un contexte où les citoyens s’éloignent de plus en plus des urnes, il nous semble que cette mesure facilitant la procédure d’inscription est un encouragement.

Certes, il est ici question d’un dispositif exceptionnel, qui doit répondre aux retombées de la loi sur le redécoupage des régions. Nous aurions préféré que ces mesures soient applicables à l’ensemble des élections et qu’elles s’inscrivent dans une réforme générale du mode d’inscription sur les listes électorales.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

Mme Jeanine Dubié. En effet, dans le cadre d’une mission d’information sur les modalités d’inscription sur les listes électorales, menée par Mme la rapporteure Elisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann, la commission des lois de l’Assemblée nationale en est venue à la conclusion qu’il était nécessaire d’envisager une modernisation de la procédure d’inscription afin de la rendre plus attractive pour nos concitoyens.

Le rapport issu de la mission d’information conduite par nos deux collègues recommandait déjà de tenir compte de la mobilité des électeurs en adaptant les listes électorales et en procédant à une révision trimestrielle ou semestrielle des listes.

Il y était suggéré, entre autres, de procéder à un assouplissement du calendrier d’inscription. En effet, ce dernier ne correspond plus à l’organisation concrète des scrutins actuels, ce qui joue indéniablement un rôle déterminant dans l’éloignement des Français des urnes. Sans parler du phénomène d’abstention, nous comptons aujourd’hui parmi nos concitoyens 3 millions de personnes non-inscrites et 6,5 millions de personnes mal-inscrites.

Nous sommes conscients des obstacles techniques que rencontre l’administration au cours de la révision des listes électorales. Une vérification est effectivement nécessaire, menée par les mairies et l’INSEE, afin d’éviter les doubles inscriptions. Il est donc impératif de laisser à l’administration un délai suffisant pour opérer ces vérifications au nom de la démocratie, garantir un scrutin sincère et offrir à tous les Français un bon exercice du droit de vote.

Toutefois, nous pouvons nous interroger sur la nature trop contraignante du délai qui est prévu actuellement dans le code électoral. En effet, à l’heure de la mutualisation et de l’informatisation du traitement des données par les services administratifs, il pourrait raisonnablement être envisagé de réduire le temps qui leur est accordé pour vérifier la conformité des listes électorales.

Nous aurions souhaité une réforme plus globale, de fond, qui aurait permis d’adapter de façon permanente les modalités d’inscription sur les listes électorales, en réponse à l’évolution de la société et du mode de vie des électeurs. Un projet de réforme entraînant des modifications pérennes aurait été dans le même sens que l’intention du Président de la République, qu’il a exprimée le 30 octobre dernier à propos du choc de simplification destiné à simplifier la vie des Français : permettre l’inscription sur les listes électorales jusqu’à un mois avant un scrutin. Je le cite : « J’ai demandé au ministre de l’intérieur de conduire ce chantier avec les maires, pour qu’aucun Français ne soit privé de son droit de vote à cause de la rigidité des règles » ; « On doit pouvoir s’inscrire sur les listes électorales un mois avant le scrutin et je pense que nous devons aller là-dessus jusqu’au bout ».

Nous étions donc favorables à la rédaction issue des travaux du Sénat, qui prévoyait une réouverture des délais pour toutes les élections intervenant au second semestre. Ce n’est pas le choix qui a été fait par la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui a préféré une proposition valable seulement pour les prochaines élections régionales de décembre 2015.

Nous regrettons ce choix d’une seule élection alors que nombre d’arguments plaident pour une réforme en profondeur des conditions d’inscription sur les listes électorales, réforme rendue possible par un meilleur usage de l’informatisation des données.

Malgré tout, vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Les modalités d’inscription sur les listes électorales, qui donnent aux citoyens l’accès à ce droit si précieux, même si beaucoup oublient d’en apprécier le prix, qu’est le fait de choisir librement leurs représentants par leur vote, demeurent trop lourdes dans notre pays.

Malgré de significatives réformes menées par le passé – je pense en particulier à la loi du 10 novembre 1997 relative à l’inscription d’office des personnes âgées de dix-huit ans, votée à l’initiative du gouvernement de Lionel Jospin – le nombre de nos compatriotes qui ne sont pas inscrits, ont été radiés à leur insu ou doivent être considérés comme mal-inscrits demeure beaucoup trop important.

Environ 6,5 millions d’électeurs seraient touchés par le phénomène de la « mal- inscription » qui, si elle peut certes découler d’une forme de négligence, tient aussi à la rigidité des règles liées à l’établissement des listes électorales en France. Et 6,5 millions de Françaises et de Français, cela représente environ 15 % du corps électoral, principalement parmi les populations les plus mobiles, en particulier les jeunes, dont les études estiment qu’ils constitueraient plus de la moitié des mal-inscrits de notre pays.

Malgré tous les efforts déployés par l’immense majorité des maires, sur instructions légitimes des préfectures, pour tenir à jour leurs listes électorales, on sait le nombre de paquets de cartes d’électeurs et autres qui s’empilent dans les bureaux des élections de nos hôtels de ville après avoir été retournés par La Poste, ornés de la mention « Destinataire inconnu à l’adresse indiquée », à l’approche de chaque scrutin !

Même si elle n’est pas la plus commentée, la mal-inscription est l’une des premières causes de l’abstention, qu’elle soit épisodique ou durable. Ainsi, durant l’année 2012, qui vit l’organisation des deux tours de l’élection présidentielle puis des deux tours des élections législatives, moins de 10 % seulement des bien-inscrits n’ont participé à aucun de ces quatre tours de scrutin, mais cette proportion dépasse les 28 % s’agissant des mal-inscrits.

La commission des lois de notre assemblée a décidé, le 17 septembre dernier, de se préoccuper de ce sujet qui revêt une importance certaine dans une démocratie que l’on dit essoufflée, ce qui est sans doute excessif, mais qui n’en a pas moins grand besoin de faire de multiples efforts pour susciter de nouveau l’appétence des Français.

Ainsi fut créée la mission d’information sur les modalités d’inscription sur les listes électorales, dont l’animation a été confiée à nos collègues Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann. Leur rapport, publié trois mois plus tard, le 17 décembre 2014, formulait vingt-trois propositions d’ampleur et de nature juridique différente dans le but d’opérer une profonde réforme de notre système d’inscription sur les listes électorales, qui n’est plus adapté à la société du XXIsiècle, à l’heure où la stabilité résidentielle tout au long de la vie n’est plus la norme générale et dans un monde de plus en plus connecté qui s’accommode de plus en plus mal des files d’attente à un guichet et de l’obligation d’anticiper les démarches.

Parmi ces vingt-trois propositions, la première suggérait de tenir compte, dans les opérations de révision et d’établissement des listes électorales de l’année 2015, du report de mars à décembre 2015 des élections des conseillers régionaux, report qui était déjà envisagé et qui a été confirmé par l’adoption de la loi du 16 janvier 2015 relative à la nouvelle délimitation des régions. Le rapport recommandait en conséquence de prévoir, à titre exceptionnel, une seconde révision des listes électorales au cours de l’année 2015.

Traduire dans notre droit cette préconisation en prévoyant un calendrier compatible avec la date du prochain scrutin régional était la finalité de la proposition de loi du groupe socialiste, républicain et citoyen adoptée par notre assemblée en première lecture le 30 mars dernier. Une adoption conforme de ce texte eût été un geste utile au succès de cette entreprise relativement modeste. À défaut, un accord au sein de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 10 juin dernier aurait assurément fait l’affaire. Il n’en fut rien et je le regrette.

En décidant de restreindre la réouverture des inscriptions sur les listes électorales aux personnes ayant déménagé en cours d’année, le Sénat avait amoindri la portée de la proposition initiale. En privilégiant et en pérennisant des dispositifs d’ajustement des listes hors période de révision, il allait en outre à rebours de l’évolution souhaitable des conditions d’inscription sur les listes électorales. Au lieu d’assouplir les conditions d’inscription « hors période », nous pensons qu’il conviendra dans l’avenir de renoncer à la dichotomie actuelle entre inscription « en période » et inscription « hors période » en instaurant la possibilité d’une révision permanente des listes électorales, qui ne doivent être figées que le plus tard possible avant la date d’un scrutin. Rapprocher la date de clôture des inscriptions de celle du scrutin, c’est accroître la garantie de fiabilité des listes et s’adapter au nouveau rythme démocratique que souhaitent nos concitoyens.

Je me réjouis donc que nous ayons rétabli en commission, la semaine dernière, les dispositions initiales de cette proposition de loi.

En refusant de s’accorder lors de la CMP, peut-être nos collègues sénateurs ont-ils aussi souhaité jouer la montre, imaginant que le calendrier chargé de cette fin de session ordinaire et de la session extraordinaire qui va s’ouvrir mercredi ne supporterait pas le poids d’une deuxième lecture dans chacune des deux chambres et d’une lecture définitive par notre assemblée, ce qui rendrait la proposition caduque par la force du temps…

Et pourtant, permettre au plus grand nombre possible d’électeurs de prendre part aux élections régionales qui se tiendront en décembre prochain est un objectif qui aurait pu, qui aurait dû et qui peut encore nous rassembler. C’est en tout cas un objectif démocratique louable qui ne devrait effrayer aucun d’entre nous. À ce titre, je salue les propos que vient de tenir Michel Piron au nom du groupe UDI.

En proposant la réouverture exceptionnelle, en 2015, des délais d’inscription sur les listes électorales jusqu’au 30 septembre, nous n’avons qu’une préoccupation : faciliter la vie citoyenne des Français, dans le contexte particulier cette année d’un scrutin qui aura lieu, pour les raisons que l’on sait, au mois de décembre, selon un calendrier inédit dans notre histoire démocratique récente.

Je vous l’avoue, je trouve quelque peu préoccupant que cette légitime préoccupation préoccupe à ce point certains de nos collègues ! (Sourires.) D’autant que certains arguments employés mercredi dernier en commission ne demeureront assurément pas dans les bonnes feuilles des annales de la dialectique parlementaire… Mais attendons la suite.

Le moment me semble donc venu d’en revenir à la juste réalité des choses. Tout comme la proposition de loi de l’UDI qui nous a conduits, l’année dernière, à reconnaître le vote blanc, ce texte ne prétend pas régler, à lui seul, le problème de l’abstention. Les causes en sont si diverses, et sans doute si profondes, qu’aucune disposition législative ne saurait isolément en venir à bout. Cette situation, préoccupante pour la démocratie, nous dispense d’autant moins d’œuvrer à tout ce qui peut rendre l’expression du suffrage plus aisée.

Cette proposition de loi ne prétend pas davantage régler seule la question de la modernisation de l’établissement de nos listes électorales. Je l’ai dit en commission, je souhaite que l’excellent rapport d’Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann n’ait pas pour avenir de caler une armoire dans un ministère.

Mais si du temps est assurément nécessaire pour traduire nombre des propositions qu’énonce ce rapport dans notre droit et nos pratiques – et sur ce point vous avez, madame la secrétaire d’État, donné des assurances encourageantes – ce même temps commence à manquer pour concrétiser la première d’entre elles, ce que nous pouvons faire tout de suite. Alors adoptons rapidement cette proposition de loi, qui sera un premier pas utile ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je voudrais, pour commencer, procéder à deux rectifications, portant la première sur l’intervention de Mme la secrétaire d’État et la seconde sur les propos de notre collègue Pascal Popelin.

Vous avez indiqué, madame la secrétaire d’État, que depuis 1965 aucune élection n’avait eu lieu en fin d’année. Or en 1967 les élections cantonales se sont déroulées le 24 septembre pour le premier tour et le 1er octobre pour le deuxième tour, et en 1988 les élections cantonales ont eu lieu le 25 septembre et le 2 octobre.

J’ai évoqué la chose en commission et me suis entendu répondre par l’un de nos collègues qui ne nous a pas fait l’honneur de sa présence aujourd’hui que 1988, cela remonte à loin. Certes, tout remonte à loin, ou non selon ce que l’on veut démontrer ! En l’occurrence, vous n’avez pas démontré grand-chose, madame la secrétaire d’État.

Quant à ce qu’affirme Pascal Popelin à propos de la commission mixte paritaire, je n’ai pas le même sentiment. J’y étais, je me souviens très bien de ce qu’a dit le président de la commission des lois du Sénat, qui la présidait, et je ne suis pas certain que la commission ne pouvait pas aboutir à un accord. Elle le pouvait, mais sur la base du texte du Sénat. Le président de la CMP a dit assez intelligemment, comme le font souvent nos collègues sénateurs, que si la CMP aboutissait à un accord, c’est-à-dire à un texte voté par la CMP mais qui ne correspondait pas à ce que souhaitaient le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée, le sort de cette version serait scellé et l’Assemblée nationale ferait ce qu’elle aurait à faire. Par conséquent, dire que les sénateurs ont fait en sorte que la CMP n’aboutisse pas est contraire à la réalité.

M. Pascal Popelin. C’était tout simplement une autre loi !

M. Guy Geoffroy. Il importe de le dire car, de contrevérités en contrevérités, le texte chemine dans des conditions qui posent problème.

Il faut toujours se méfier des lois d’exception. Celle-ci ne porte pas trop à conséquence mais n’en est pas moins une loi d’exception, qui d’ailleurs se revendique comme telle. Elle prétend régler un seul problème, et d’un seul coup – un problème qui ne se reproduira pas sur ces bases-là. Elle n’a qu’un objectif : la réouverture des listes électorales en vue des élections régionales de la fin de cette année, dans des conditions déjà rappelées.

Je répète ici le plus posément du monde, après l’avoir dit à plusieurs reprises en commission, combien il est dommage que l’on use et abuse ainsi de l’excellent travail réalisé par notre rapporteure, s’agissant tant du texte que nous étudions aujourd’hui que de la mission menée avec Jean-Luc Warsmann. Celui-ci a eu l’occasion de dire qu’il est un peu exagéré de s’appuyer ainsi sur sa contribution à ce travail. Il me l’a redit récemment et le répétera en toute occasion. Il est vraiment dommage de ne retenir qu’une seule des vingt-trois propositions, en outre édulcorée, transformée et dédiée à une opération politicienne prévue pour la fin de l’année 2015.

Vous prétendez, chers collègues de la majorité, certes de moins en moins fort mais tout de même, que la proposition de loi a pour objectif de lutter contre l’abstention, qui devient en effet un véritable fléau pour la démocratie. Certes, son existence favorisera éventuellement l’inscription de certains de nos concitoyens sur leur nouvelle liste électorale afin de participer au scrutin des régionales, mais vous conviendrez que ceux qui iront s’inscrire sont généralement suffisamment mobilisés pour avoir accompli ce geste citoyen dans le cadre de leur ancienne liste électorale. Ils ne font donc pas partie des abstentionnistes et l’argument avancé n’est pas bon.

L’abstention, récente en particulier, n’est-elle pas due à autre chose ? N’est-elle pas due en particulier à ce que symbolise la présence ici aujourd’hui de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et de Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville ? Cela fait trois mois que les conseils départementaux sont installés et la loi arrêtant définitivement leurs attributions n’est toujours pas votée : elle est encore en pleine navette, ce dont la présence de Mme Lebranchu dans cet hémicycle est la démonstration !

N’y a-t-il pas là l’une des raisons majeures de la désaffection de nos concitoyens pour des élections dont ils ne comprennent plus le sens ? Tous les élus de terrain que nous sommes ont entendu, en février et en mars, pendant la campagne des élections départementales, nos concitoyens s’interroger sur ces nouveaux conseils départementaux qu’on appelait hier conseils généraux, se demandant quelles seront leurs compétences. Nous leur avons tous répondu que nous ne le savions pas encore car la loi chargée de répartir les compétences n’a pas encore été votée et le sera probablement courant 2015 !

Le Gouvernement prétend que cette proposition de loi est nécessaire en raison du calendrier prévu par la loi du 16 janvier 2015, qui retient la fin de l’année 2015 pour les élections régionales. Mais comme je l’ai dit à plusieurs reprises, en commission et lors de la première lecture, il ne faut pas trop se moquer du monde ! Je vous invite à relire un bref paragraphe de la déclaration de politique générale de M. le Premier ministre, prononcée le 16 septembre dernier ici-même, à la place que j’occupe aujourd’hui devant vous : selon lui, le calendrier était clairement déterminé et il n’y avait plus de raison d’envisager la tenue concomitante des élections départementales et régionales, qui auraient lieu respectivement en mars et en décembre 2015. C’était décidé ! Et la loi NOTRe, étudiée au Parlement avant la fin de l’année 2014, est venue confirmer ces dates.

Et l’on nous dit à présent que c’est parce que la loi fixant le nouveau périmètre des régions et le calendrier électoral date de janvier 2015 qu’il faut envisager maintenant la réouverture des listes électorales ? Mais pourquoi M. le Premier ministre n’a-t-il pas pensé dès le mois de septembre dernier, avec le soutien de sa majorité, à prévoir de telles dispositions ? Elles auraient été, par exemple, inscrites justement dans cette loi de janvier 2015 : la réouverture exceptionnelle des inscriptions sur les listes électorales pour les élections de décembre 2015 en aurait été la conséquence naturelle.

J’ai une petite idée de ce qui a pu se produire. Tous en effet, nous avons entendu parler de cette hypothèse qui était encore dans l’air à l’époque, qui aurait voulu que les élections régionales se déroulassent en mars 2016, ce qui permettait de s’en tenir à l’inscription ordinaire sur les listes électorales, sans nul besoin de modifier le calendrier. Mais du côté du Conseil constitutionnel, on faisait savoir, après un report de mars 2014 à mars 2015, puis à décembre 2015, que mars 2016, cela commençait à faire beaucoup ! Très sagement et très prudemment, vous avez donc décidé de vous en tenir à décembre 2015.

Tout ce que prévoit la présente proposition de loi est malheureux et malencontreux. Elle ne peut que laisser le sentiment que derrière chacune de vos actions et de vos propositions, il y a un loup qui sommeille. Ce n’est pas de très bon aloi.

Signalons pour conclure que la quatorzième législature donnera certainement à de nombreux étudiants en droit parlementaire l’occasion de gloser sur le thème « De l’usage de la procédure accélérée ». Le Gouvernement n’a pas manqué une occasion d’y recourir, depuis le début de la législature – ce texte en est un exemple supplémentaire – et dans des conditions qui font échouer la CMP trois fois sur quatre. Pour une procédure accélérée, c’est plutôt raté : la plupart du temps, vous avez abouti à un allongement des délais d’examen du Parlement ! Là aussi, vous commettez une erreur, sans parler du ridicule.

Bref, nous aurions pu nous entendre sur des dispositions ne prêtant pas à suspicion. Le texte du Sénat le permettait, car il s’inscrivait dans l’esprit du travail de la mission évoquée précédemment. Mais vous n’avez rien fait pour dissiper la suspicion. C’est la raison pour laquelle, à l’issue de cette lecture comme des précédentes, le groupe Les Républicains votera délibérément et tranquillement contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Notre assemblée examine aujourd’hui, après l’échec de la CMP, la proposition de loi présentée par le groupe socialiste visant à rouvrir les délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015. En l’état actuel du droit, les listes électorales sont révisées annuellement. Les demandes d’inscription des électeurs doivent donc parvenir aux mairies au plus tard le dernier jour ouvrable du mois de décembre. Le caractère annuel de la révision des listes électorales et la fixation au 31 décembre de l’année de la date limite d’inscription s’expliquent par des considérations pratiques tenant aux modalités de constitution des listes électorales en France, confiée à des commissions administratives instituées dans chaque commune. Il faut prévoir des délais suffisants pour réaliser les opérations administratives d’instruction des demandes d’inscription et de mise à jour des listes.

Par dérogation, des inscriptions après le 31 décembre sont prévues par le code électoral dans certaines conditions limitativement énumérées. Le présent texte consiste à prévoir une révision exceptionnelle des listes électorales en 2015 afin que l’on puisse s’y inscrire jusqu’au 30 septembre 2015. Ainsi formulée, cette proposition ne fait que répondre de manière ponctuelle à des circonstances assez exceptionnelles : bien que les élections régionales se déroulent habituellement en mars, le Gouvernement a procédé, pour éviter une nouvelle défaite du parti socialiste, à ce que l’on peut véritablement qualifier de tripatouillage électoral en reportant le scrutin des régionales au mois de décembre 2015, après avoir même envisagé mars 2016.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Thierry Mariani. Le texte aurait au moins pu reprendre les conclusions de la mission d’information transpartisane de la commission des lois relative aux modalités d’inscription sur les listes électorales menée par Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann.

M. Pascal Popelin. Qu’il est difficile de sortir des éléments de langage…

M. Thierry Mariani. Je suis surpris de constater qu’une seule des vingt-trois propositions a été retenue. Une réforme globale aurait présenté l’intérêt de lutter contre l’absentéisme électoral.

M. Pascal Popelin. Elle arrive !

M. Thierry Mariani. Hélas, vous vous contentez d’une loi d’exception limitée aux élections régionales de 2015, chers collègues de la majorité. À mon avis, et je le dis avec le sourire, vous n’avez pas tout anticipé. De report en report, cette élection risque maintenant de brouiller la campagne de communication consacrée au fameux sommet COP21, dont nous savons tous l’importance pour la planète, et j’ajoute l’importance en termes de communication pour un gouvernement quelque peu à la dérive. Bref, les élections régionales risquent de polluer sérieusement le message de cette période !

Je ne vois pas d’autre explication à la tentative de report au mois de mars 2016. Vous vous êtes rendu compte, mais un peu tard, que reporter les élections au mois de décembre vous poserait un véritable problème de communication. Dès lors, une conférence essentielle à la fois pour la France et la planète sera polluée dans les médias par un probable nouvel échec du parti socialiste.

Bref, vous vous êtes contentés d’une loi d’exception, limitée aux élections régionales de 2015. En réalité, seul le report de ces élections à décembre, que vous avez décidé vous-mêmes, justifie cette révision exceptionnelle. Ainsi, nous ne pouvons que constater une fois encore l’impréparation et le manque d’anticipation du Gouvernement.

Il est d’ailleurs fallacieux de faire croire que le texte vise à lutter contre l’abstention électorale, généralement élevée aux élections régionales. La réouverture des listes électorales spécialement pour le scrutin suscitera-t-elle un engouement plus fort ? Je voudrais le croire mais j’en doute. Un tel texte ne constituera en aucun cas un rempart contre l’abstention aux élections régionales. Pour atteindre cet objectif, nous attendons davantage des conclusions du groupe de travail du ministère de l’intérieur auquel participent Mme Pochon et M. Warsmann, qui réfléchit actuellement à une solution applicable à toutes les élections. J’espère que ces réflexions seront l’occasion d’évoquer les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français de l’étranger.

En attendant, la majorité continue de légiférer en matière électorale d’une façon pour le moins instable et dans l’urgence, ce qui entache l’image de notre démocratie. Je voterai donc contre ce texte, comme l’ensemble du groupe les Républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

(L’article 2 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Nouvelle organisation territoriale de la République

Deuxième lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (nos 2830, 2872).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, il y a un an, j’entamais un tour de France pour aller à la rencontre des acteurs de terrain, élus locaux et agents publics, qui sont les moteurs de l’action publique territoriale. Il y a une semaine, j’ai achevé ce tour de France qui m’a conduite dans des métropoles, des petites villes rurales, des régions amenées à fusionner, dans des intercommunalités qui se développeront sur notre littoral ou encore dans nos montagnes.

En un an, j’ai pu avoir des échanges riches avec tous ceux qui font vivre nos territoires ; j’ai pu appréhender en détail les difficultés qui sont parfois les leurs. Mais j’ai aussi acquis une conviction : les territoires ne vont pas aussi mal qu’on peut parfois le dire au sein des assemblées de notre République, même si les inégalités restent lourdes.

Comme vous, j’ai vu des entreprises innovantes, des agents publics engagés, des associations créatrices de lien social, des formes nouvelles de solidarité se développer. J’ai vu des élus qui s’investissent sans relâche pour apporter les meilleurs services publics possibles à nos concitoyens et pour répondre aux besoins de leurs territoires.

Dans le Nord Pas-de-Calais, j’ai pu voir tout le potentiel qu’offrait la décentralisation des fonds européens en matière de coopération et de recherche sur les transports multimodaux, du fleuve à la mer, du rail à la route. En Normandie, j’ai mesuré l’importance donnée au nouveau rôle des régions en matière de formation professionnelle pour anticiper, par exemple, les besoins dans le domaine de l’énergie. À Dijon, Besançon et Dole, j’ai pu voir comment la seule perspective des rapprochements entre régions est déjà porteuse de dynamiques. À Bordeaux, Limoges et Angoulême, j’ai visité deux pôles d’innovation particulièrement actifs dans des secteurs d’avenir, deux pôles qui ont tout à gagner d’une clarification des actions de la puissance publique en matière de développement économique. En Auvergne, j’ai vu, au travers de la stratégie régionale 2030, ce qu’apporterait une planification renforcée dans le domaine de l’aménagement du territoire. En Bretagne, j’ai constaté l’importance du rôle que jouent et que pourront encore davantage jouer les régions dans la construction d’un équilibre ville-campagne.

À Nantes, j’ai vu, déjà, le potentiel qu’offrira une articulation concertée entre régions et métropoles. Je vous recommande à ce sujet le rapport de Pierre Cohen, ancien maire de Toulouse. À Blois, j’ai vu très concrètement les effets positifs de la mutualisation sur la qualité des services publics et l’efficacité de l’action sociale. À Mirepoix, j’ai pu constater que nombre de petites communes ont de grands projets pour leur territoire, mais ne peuvent les réaliser faute d’une ingénierie suffisante. À Lusignan, le maire m’a dit que pour cette même raison, le seuil de 20 000 habitants était l’ambition minimale pour donner aux plus petites communes la capacité de se développer. À Chambéry, j’ai pu rappeler aux élus la volonté qui était celle du Gouvernement d’adapter l’organisation territoriale à la diversité des territoires et de prendre en compte les spécificités de la montagne, dont nous avons ici d’éminents représentants. À Istres et à Marseille, j’ai vu une grande métropole euro-méditerranéenne en devenir, mais j’ai vu également les difficultés qui se sont accumulées faute de coopération entre les acteurs du territoire.

À Lyon, j’ai vu la mise en œuvre d’une nouvelle collectivité territoriale qui permet de simplifier le paysage institutionnel et de créer de nouvelles synergies dans des domaines tels que le logement, le handicap ou la petite enfance. En Île-de-France, j’ai vu des territoires très riches à côté de territoires très pauvres qui ont besoin de se parler davantage et de se parler mieux. En Corse, enfin, j’ai vu la conviction chez les élus de tous bords de la nécessité d’une collectivité unique pour répondre aux problèmes d’emploi, de développement et d’aménagement.

La liste n’est pas exhaustive : à Annonay, nous avons depuis longtemps constaté que la mutualisation des services est une innovation qui nous vient des petites villes de France. Mais je m’arrêterai là. Mon propos était simplement de montrer que la France est diverse, et que c’est cela qui fait sa force.

Nos territoires regorgent d’atouts et de vitalité. Mais nous avons eu trop tendance à les enfermer dans des strates : les petites villes face aux grandes villes, les communes rurales contre les territoires urbains, la commune face à la menace de l’intercommunalité, les départements se défendant contre les régions ou, plus récemment, des maires ruraux se plaignant d’autres maires ruraux – et sans doute l’appréciation portée sur la loi par M. Pélissard n’est-elle pas à la hauteur des enjeux. Faisons-nous fausse route depuis vingt ans ? Peut-être, car ces oppositions grèvent les capacités d’action de nos élus locaux et entravent le potentiel de nos territoires. C’est pourquoi nous avons le devoir, par un travail commun, de garantir la coopération de toutes ces institutions, de faciliter leur collaboration pour assurer collectivement le développement harmonieux de nos territoires.

Chacun a sa place. Notre projet de loi la précise en respectant chaque collectivité de France. Car nous savons tous que sans cette armature territoriale, ce sont tous les services au public qui se trouveraient menacés. Notre ambition, c’est de donner aux élus des territoires la capacité de construire ensemble une vision d’avenir du territoire à trente ou cinquante ans. C’est ainsi que nous pourrons conduire une action publique au service de la vie quotidienne de l’ensemble de nos concitoyens.

Aux régions, nous donnons la capacité de porter le progrès et l’anticipation. Garantes de l’avenir de nos concitoyens et de nos territoires, elles permettront une meilleure répartition de l’activité ainsi qu’un développement plus équilibré et plus durable. Vendredi, à Rouen, j’ai pu évoquer au congrès de l’Association des régions de France – en dépit de la grande tristesse du moment où j’ai pris la parole, après des actes de barbarie qui nous ont réunis dans une même communauté de solidarité – les futures missions qui seront celles de nos régions : faire en sorte que ne se constituent pas en leur sein des isolats de prospérité et des territoires abandonnés ; accompagner nos entreprises, PME, ETI ou coopératives ; assurer l’avenir de notre jeunesse et accompagner les salariés ; garantir notre indépendance alimentaire et énergétique – grand enjeu du XXIsiècle – par une action renforcée des établissements publics fonciers régionaux, par exemple.

Les départements, eux, au travers de la création de la compétence d’ingénierie et de solidarité territoriale, apporteront assistance et soutien aux citoyens et aux territoires.

Nous avons fait le choix de conserver nos 36 000 communes, monsieur le président Pélissard. Ainsi, le bloc communal sera conforté par la montée en puissance des intercommunalités. Il pourra offrir de meilleurs services à l’ensemble des citoyens, et ce à l’échelle des bassins de vie, même si plusieurs opinions se confrontent et parfois s’affrontent au sein de l’Association des maires de France – n’est-ce-pas, monsieur le rapporteur ?

Cette nouvelle organisation territoriale, plus claire et davantage adaptée à la diversité des territoires de France, doit nous permettre de conduire une action publique territoriale qui réponde mieux aux besoins de l’ensemble de nos concitoyens, une action publique qui donne à tous un égal accès aux services publics essentiels et qui accompagne chacun dans son quotidien et dans ses projets de vie, de création ou d’emploi.

Pour conduire cette action publique renouvelée dans nos territoires, nous avons également besoin de nos élus locaux. Je souhaite aujourd’hui devant vous leur rendre hommage. Nous avons aussi besoin de nos agents publics, des agents publics engagés, qui servent chaque jour l’intérêt général, qui œuvrent pour nous tous au quotidien et qui se sentent parfois un peu méprisés par l’opinion publique, ou plutôt l’opinion médiatique dominante. Nos élus et nos fonctionnaires territoriaux ont vraiment besoin du soutien de cette assemblée.

C’est aussi la raison pour laquelle la mise en œuvre de la réforme doit reposer sur l’exemplarité de la puissance publique dans la conduite du changement et l’accompagnement de ses agents, la raison pour laquelle le projet de loi apporte des garanties quant à la situation personnelle de ceux pour qui la nouvelle organisation territoriale emporterait des conséquences – conservation de leurs emplois, de leurs niveaux de rémunération, de leur protection sociale complémentaire – et la raison pour laquelle il nous faudra aussi réaffirmer le sens de leur mission.

Avons-nous un accord avec le Sénat ? Je tiens d’abord, monsieur Dussopt, à saluer le remarquable travail conduit par les rapporteurs. Sur l’ensemble de ces points, nous travaillons depuis la première lecture à la « convergence heureuse » des points de vue. Ce travail doit se poursuivre. Cette lecture doit être l’occasion de mieux définir encore une organisation territoriale efficace, simple, mais ambitieuse et sans arrière-pensée.

Pour ce faire, il nous faut bien garder en tête les objectifs qui sont les nôtres : clarification, coopération, rationalisation ; et il nous faut les garder en tête sur un certain nombre de points essentiels dont nous allons débattre.

En matière de développement économique, par exemple, il est important de maintenir le caractère prescriptif du schéma régional de développement économique, qui permettra une véritable simplification et plus de coopération entre nos élus sur l’ensemble du territoire régional. C’est le cas y compris pour les aides à l’immobilier d’entreprise, qui sont certes des compétences des intercommunalités, mais qui doivent faire l’objet d’une réflexion partagée. Le but n’est pas de favoriser les délocalisations ou le déplacement d’activités, bien au contraire. D’ailleurs, contrairement à ce que certains prétendent, la prescription n’exclut pas le contrat quand il s’agit de concrétiser les actions sur le terrain.

Pour notre capitale nationale et métropole européenne, nous ne pouvons davantage reporter les choses, même s’il est possible d’organiser la progressivité de la montée en compétences. Cela fait trop longtemps que les habitants du Grand Paris attendent une organisation plus solidaire pour répondre à leurs besoins.

Notre métropole méditerranéenne, quant à elle, est d’ores et déjà « une métropole qui stimule, qui bouscule, qui ouvre des horizons ; une métropole […] qui tire son énergie du brassage des savoirs, des cultures ». C’est le Premier ministre, Manuel Valls, qui l’a souligné à l’issue du comité interministériel réuni à Marseille le 29 mai dernier. Sur ce territoire, l’économiste Christian Saint-Étienne – peu suspect de partialité sur un projet qui peut diviser élus et acteurs socio-économiques – rappelle, dans une étude qu’il vient juste de conduire, les enjeux pour la réussite économique du territoire d’Aix-Marseille-Provence. C’est par la modernisation des infrastructures de transport de l’aire métropolitaine et les investissements que nous pourrons rendre cette métropole attractive, nationalement comme internationalement. J’étais ce matin aux assises de la coopération décentralisée : nous avons beaucoup à faire avec le Sud.

Je sais que le développement des intercommunalités est parfois un sujet de crispation. Pourtant, c’est le sujet fondamental. J’en ai encore parlé, la semaine dernière, avec plus d’une centaine de maires ruraux : leurs doutes sont des marques de défiance, de méfiance. Pourtant, l’intercommunalité est la grande chance de nos communes ; c’est ce qui permet aux communes associées de faire plus, de faire mieux. Pour les plus petites communes, cela permet de disposer de plus grandes capacités financières et d’une meilleure ingénierie pour réaliser des projets au service des habitants.

L’intercommunalité permet de diffuser les services au public, de ne pas les réserver aux habitants des communes centres ou des communes riches. Et si nous confortons cet échelon, tout a été fait – notamment grâce aux travaux de l’Assemblée – pour reconnaître les efforts que viennent de fournir de nombreux élus ces dernières années, pour laisser du temps à l’harmonisation, et pour prendre en compte les spécificités territoriales. De ce point de vue, le travail de votre rapporteur et de la commission des lois a été remarquable.

Enfin, nous souhaitons rationaliser les syndicats, qui gèrent aujourd’hui des services essentiels pour le quotidien des citoyens. Le but n’est pas uniquement de rendre les périmètres pertinents du point de vue technique : il n’est plus possible que les communes appartiennent, en moyenne, à quatre syndicats ! Il faut regrouper les fonctions supports. N’oublions pas, à ce titre, que la rationalisation de la carte de 2010 a abouti à une baisse de seulement 9 % du nombre de syndicats : 13 400 syndicats de communes subsistent à jour, dont 5 081 ont un périmètre d’action inférieur au périmètre de l’intercommunalité couvrant leur territoire.

Si nous souhaitons encourager l’exercice de certaines compétences à une échelle minimale intercommunale, c’est que cela permettra bien souvent de donner davantage de moyens pour les exercer. Ces compétences pourront ainsi être exercées à un niveau qui permet davantage d’économies d’échelle, et les structures qui en ont la responsabilité disposeront des ressources financières et des compétences techniques nécessaires pour assumer les investissements significatifs à réaliser dans les prochaines années.

Dans le cas du transfert des compétences relatives à l’eau et à l’assainissement aux établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – rien ne nous oblige à revoir les modes de gestion actuels, ce qui suscite, comme vous le savez, beaucoup de craintes. La seule obligation du transfert conduit à harmoniser les prix. L’EPCI se tournera ainsi vers le mode de gestion optimal, le plus intéressant pour le citoyen. Dans ce contexte, les régies, bien souvent moins onéreuses que les services délégués, devraient en profiter mais je sais que cette question sera longuement débattue.

Mesdames et messieurs les députés, nous avons déjà eu sur ce texte de longues heures de débat, et nous allons cette semaine en avoir encore davantage. Ces débats sont souvent techniques, et se prolongent souvent tard dans la nuit : je salue, à cet égard, votre grande implication. Cependant, cette technicité ne doit pas nous détourner de notre objectif commun : rendre l’organisation de la vie quotidienne plus facile dans tous les territoires de France, sans devoir y revenir, législature après législature, avec de nouvelles lois. Il faut éviter les procès d’intention, j’en parlais tout à l’heure avec l’un d’entre vous.

Il s’agit, en somme, de faire en sorte que les Français vivent mieux, de faire en sorte que plus aucun d’entre eux ne se sente abandonné, et que tous retrouvent la fierté de leur pays. C’est notre obligation à nous, c’est celle de l’État, c’est votre obligation quotidienne à vous tous. Je vous remercie d’y accorder autant de temps et d’importance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes saisis en deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, que nous avons examiné en première lecture en février et mars derniers. En deuxième lecture, le Sénat a adopté trente-cinq articles conformes, et confirmé la suppression de douze autres. Il reste en discussion les soixante-dix-neuf articles adoptés avec des modifications par le Sénat et les vingt et un articles qu’il a supprimés. Le débat reste donc ouvert entre nos deux chambres : plusieurs points font consensus, mais sur d’autres, nous divergeons largement.

Plusieurs articles sont désormais acquis dans leur principe et ne suscitent de discussion que sur leurs modalités. Il en est ainsi de la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements, ou encore de la création du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation – SRDEII – et du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires – SRADDET – dont le périmètre est lui aussi globalement acquis. Il ne reste à voir que les procédures d’élaboration. Notre commission a d’ailleurs simplifié celle du SRDEII, en rétablissant plusieurs dispositions votées par l’Assemblée nationale en première lecture.

En ce qui concerne le contenu et la procédure d’élaboration du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, plusieurs associations représentatives d’élus locaux ont travaillé ensemble à concevoir des amendements à l’article 6, que la commission des lois a adoptés. Je les salue pour leur travail. Cette nouvelle rédaction devrait nous permettre de trouver une voie de compromis, y compris avec les associations qui n’ont pas participé, à ce stade, à ces travaux.

En revanche, pour les articles 3 bis et 3 ter relatifs au service public de l’emploi, le Sénat est revenu à la rédaction qu’il avait adoptée en première lecture, en prévoyant une décentralisation aux régions, alors que nous avions recherché un plus juste équilibre à travers une délégation de compétence, sans vouloir déstabiliser le fonctionnement de Pôle emploi. C’est pourquoi la commission a rétabli la version du texte que nous avions adoptée en première lecture, en rappelant aussi son souci de maintenir le paritarisme au sein des instances concernées.

De la même manière, en ce qui concerne le plan régional de prévention et de gestion des déchets, sur proposition conjointe de nos collègues Paul Molac, Michel Piron, Alain Rousset, du Gouvernement et de moi-même, la commission des lois a supprimé l’obligation de consultation des conseils départementaux et rétabli la possibilité, à une majorité des représentants du bloc communal exerçant cette compétence, de s’opposer au projet régional.

En ce qui concerne les compétences départementales et régionales, le Sénat s’est opposé à de nombreux transferts de compétences départementales vers les régions, transferts que nous avions pourtant approuvés en première lecture. Le Sénat est ainsi revenu sur le transfert aux régions ou aux intercommunalités des compétences des départements en matière de transports routiers à la demande, de transports scolaires, de ports maritimes et fluviaux et de lignes ferroviaires dites « capillaires » consacrées au fret. Naturellement, notre commission a rétabli leur transfert aux régions.

À l’inverse, le Sénat a réintroduit le principe, que nous avions supprimé en première lecture, d’une approbation de la carte des formations supérieures et de la recherche par les conseils régionaux. Là aussi, la commission des lois a dit sa préférence pour la rédaction que nous avions initialement adoptée.

Le Sénat a en revanche utilement complété l’article créant, à partir du 1er janvier 2018, la collectivité unique de Corse, sujet qui fait désormais l’objet d’une large convergence entre nos deux assemblées, ce qui nous laisse espérer une adoption conforme. En ce qui concerne la redevance de mouillage des navires dans les aires marines protégées gérées par les collectivités territoriales, dont notamment la Corse, le Sénat a soulevé plusieurs questions liées à l’interprétation de ce dispositif qu’il avait lui-même adopté en première lecture. Ces interrogations l’ont conduit à le supprimer en deuxième lecture.

J’en viens à un sujet plus épineux. À propos de la refonte de la carte intercommunale, la divergence est en effet plus marquée, puisque le Sénat est revenu à sa position de première lecture, en maintenant un plancher unique de 5 000 habitants. Il a de nouveau décalé le calendrier d’un an, prévoyant l’achèvement de la refonte de la carte intercommunale en décembre 2017.

M. Patrick Ollier. Cela paraît logique !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Notre commission, quant à elle, a rétabli le principe d’un relèvement du seuil minimal de constitution des EPCI à 20 000 habitants. Sans pouvoir être inférieur à 5 000 habitants, ce seuil pourra être adapté en fonction des réalités locales, selon des critères liés à la densité démographique de l’EPCI, à sa situation insulaire ou en zone de montagne, ou encore au fait qu’il regroupe un EPCI issu d’une fusion prononcée depuis 2012. Notre commission a également prévu le calendrier nécessaire pour que les nouveaux EPCI puissent commencer à exercer leurs compétences le 1er janvier 2017. Pour ma part, je reste persuadé, je l’ai répété souvent, qu’un seuil à 20 000 habitants pouvant être adapté est plus à même de répondre aux réalités de nos territoires qu’un seuil de 10 000 ou 15 000 habitants appliqué strictement.

En ce qui concerne les compétences des EPCI à fiscalité propre, le Sénat a rétabli son dispositif, faisant du tourisme, des bâtiments nécessaires au service public, de l’eau et de l’assainissement des compétences optionnelles pour les communautés de communes et communautés d’agglomérations. Il a aussi rétabli la soumission de l’exercice de la compétence en matière de développement économique à un intérêt communautaire. Il faut noter qu’il s’est rallié à la position de l’Assemblée en faisant du traitement et de la gestion des déchets une compétence obligatoire de ces EPCI.

Sur cette question des compétences, notre commission a rétabli l’esprit du texte adopté en première lecture. Par coordination avec le calendrier de refonte des EPCI, nous avons maintenu la date limite d’acquisition des nouvelles compétences au 1er janvier 2017, comme le propose le Sénat. Par ailleurs, à l’initiative conjointe de Mme Grelier et de M. Piron, le délai laissé aux EPCI issus d’une fusion pour déterminer leurs compétences obligatoires et optionnelles a été étendu par notre commission à deux ans.

Sans que cela soit une surprise, le Sénat n’a pas jugé utile de prévoir l’élection au suffrage universel direct, dans le cadre intercommunal, des conseillers communautaires, ni d’assouplir certaines dispositions relatives à la gouvernance de ces EPCI. Il faut cependant noter, là aussi, le vote conforme du Sénat de l’article 22 quater A qui prévoit l’unification des impôts directs communaux au sein des EPCI, ou en tout cas l’assouplissement des conditions d’unification fiscale par le recours à une majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité.

La création de la métropole du Grand Paris pose, en deuxième lecture, les mêmes questions qu’en première, sur le périmètre de la métropole, et en particulier l’intégration de certaines communes de la grande couronne, sur la répartition des compétences entre la métropole, les établissements publics territoriaux et les communes membres, et enfin sur les flux financiers entre ces acteurs.

M. Patrick Ollier. On ne peut pas dire que ces questions soient réglées !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. En outre, deux questions nouvelles sont apparues : celle de la date de création de la métropole du Grand Paris, que le Sénat a repoussée d’un an, au 1er janvier 2017, et celle de la composition du conseil de la métropole et des conseils de territoire.

Mme Annie Genevard. Voilà une vraie question !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Notre commission a rétabli la date d’entrée en vigueur de la métropole au 1er janvier 2016 et supprimé l’intégration d’office d’une liste de communes de la grande couronne, au profit d’un système optionnel ouvert aux seules communes membres d’un EPCI à fiscalité propre sur le périmètre duquel se situent des infrastructures aéroportuaires comprenant moins de trois aérogares. Elle n’a en revanche pas souhaité modifier la composition des conseils sans que le Gouvernement soit à même de défendre sa position devant nous. Par coordination, la commission a rétabli le calendrier de refonte de la carte intercommunale en grande couronne francilienne, afin qu’il aboutisse au plus tard le 31 décembre prochain.

S’agissant des solidarités territoriales, exception faite de la question des réseaux de communications électroniques, le Sénat a globalement confirmé les dispositions adoptées par notre assemblée en première lecture, notamment sur les schémas d’amélioration de l’accessibilité des services au public et sur les maisons de services au public.

Pour les compétences locales, en particulier départementales, le Sénat a rétabli les articles qu’il avait introduits afin d’anticiper ou de restreindre la suppression de la clause de compétence générale. Il a parallèlement supprimé certaines avancées voulues par l’Assemblée, telles que la prise en compte de la scolarisation des enfants en langues régionales et l’amélioration des modalités de financement des services départementaux d’incendie et de secours. Enfin, la liste des compétences partagées a connu une nouvelle évolution.

Notre commission est revenue sur ces dispositions, en revenant à celles adoptées par notre assemblée en première lecture. Nous avons également introduit, à l’initiative du Gouvernement et de Mme Appéré, l’exigence de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes par les collectivités territoriales dans le cadre de la mise en œuvre de leurs compétences.

À l’initiative du Gouvernement, la commission a aussi rétabli le mécanisme d’action récursoire de l’État contre les collectivités territoriales en cas de condamnation pour manquement par la Cour de Justice de l’Union européenne, dispositif qui avait été supprimé par le Sénat. Elle a prévu, dans le même temps, la double possibilité d’un étalement dans le temps du recouvrement des sommes dues ou d’un abandon total ou partiel des créances en cas de situation financière particulièrement dégradée des collectivités concernées.

Il nous revient désormais de prendre position sur les questions qui restent en débat. Pour certaines dispositions, les évolutions permises par la navette devraient nous permettre d’adopter conformes un nombre non négligeable d’articles, limitant d’autant le champ d’examen d’une future commission mixte paritaire. Je pense, par exemple, à l’article 13, ou encore à l’article 24 relatif aux compétences départementales, qui me paraît avoir atteint un point d’équilibre à préserver.

Comme vous le voyez, le débat a progressé au cours de la navette. Sur certains points, la commission a cependant dû procéder au rétablissement de dispositions du projet initial qui me semblaient essentielles. Je pense notamment à la refonte et à l’approfondissement des compétences des EPCI à fiscalité propre.

Sur d’autres sujets, certaines propositions visant une intégration très poussée en matière d’intercommunalité pourraient conduire à multiplier les points d’achoppement sur le chemin d’un accord avec le Sénat. À cet égard, j’ai préconisé, mais sans succès, que notre commission s’abstienne de revenir sur la suppression de l’article relatif à la création du Haut conseil des territoires ou sur les conditions d’acquisition par les EPCI à fiscalité propre de la compétence en matière de documents d’urbanisme.

Sur d’autres articles supprimés par le Sénat et non rétablis par la commission des lois, j’apporterai à nouveau des avis défavorables à tout ce qui pourrait être assimilé à un casus belli inutile avec le Sénat. Je reste ainsi fidèle à une ligne présentée lors de la première lecture et encouragée par les déclarations du Premier ministre et, à l’instant, de Mme la ministre, celle de la recherche d’un accord avec le Sénat.

Au total, le texte adopté par la commission des lois et soumis à votre examen me paraît être un texte d’équilibre, même si des ajustements doivent encore intervenir. Je me félicite d’ailleurs que le Gouvernement ait déposé des amendements allant dans le sens de la recherche d’un compromis, notamment sur le contenu des compétences et le calendrier de mise en place, afin que les collectivités territoriales concernées disposent du temps nécessaire pour procéder aux adaptations et aux mises en œuvre dans les faits.

Il me semble donc que nous pouvons ici adopter un texte de réforme de l’organisation territoriale qui soit propice à la concorde, et je vous proposerai à cette fin de faire un pas de plus vers le Sénat, afin que les modifications apportées nous permettent de rechercher le compromis juste et utile avec les sénateurs qui, je le crois, en sont demandeurs. C’est en tout cas le sens des propos qu’a tenus le président du Sénat vendredi dernier devant l’assemblée générale des maires ruraux de l’Ardèche : il a souhaité que les points de discorde soient surmontés afin que soit adoptée une réforme ambitieuse, acceptable par tous et qui permette la stabilité du cadre législatif applicable aux collectivités pendant de nombreuses années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, au commencement même de sa deuxième lecture, ce projet de loi NOTRe nous laisse déjà un goût un peu amer.

Voilà six mois que ce texte de loi est examiné alternativement dans nos deux assemblées, des mois au cours desquels des discussions, un travail approfondi ont été conduits non seulement par les parlementaires mais aussi par les collectivités et leurs associations, ainsi que par la société civile dans ses nombreuses composantes, notamment associatives – tant cette loi affecte de très nombreux secteurs.

Le Sénat a profondément remanié le texte, avec sa légitimité de chambre représentant les territoires. N’y avait-il donc rien à reprendre de ses travaux ? Rien à apprendre des heures de débat que vous avez eues avec votre opposition ? Rien à reprendre des centaines d’amendements que nous avions déposés ? Vous devriez écouter le conseil de votre Premier ministre, qui s’est souvent exprimé en faveur d’un accord entre les deux chambres sur une réforme territoriale dont il a fait un marqueur de son action dès son discours de politique générale. Le chef de l’État lui-même, dans sa dernière conférence de presse, faisait de cette réforme l’exemple du dépassement des clivages politiques. C’est mal parti.

Cela ne me semble pas de bonne politique, mais, au fond, c’est assez conforme à des méthodes qui font votre marque depuis votre arrivée aux responsabilités. N’avez-vous rien eu de plus urgent que de balayer ce que vos prédécesseurs avaient pourtant élaboré en réponse aux mêmes préoccupations que les vôtres, à savoir la simplification de notre organisation territoriale ?

Du reste, beaucoup d’entre vous le disent à bas bruit : le conseiller territorial, ce n’était pas si mal. De quoi s’agissait-il ? Pas d’un big bang territorial, mais d’une claire répartition entre, d’un côté, le bloc local, commune et intercommunalité, et de l’autre le département et la région. La stratégie de l’essuie-glace – on efface d’abord, on réfléchit ensuite – a prévalu. C’est regrettable.

Après l’abrogation du conseiller territorial, le choix de renforcer les échelons régional et intercommunal était au fond la seule alternative pour vous qui étiez obsédés par l’idée de faire table rase du quinquennat précédent. C’est aussi un choix qui vous convient mieux idéologiquement.

Prenons la région, par exemple : c’est l’échelon de la prospective, de l’aménagement du territoire, celui où l’on peut disserter à l’infini sur des schémas qui figurent l’avenir à l’horizon de 5 ans, 10 ans et parfois au-delà – des schémas réalisés par des cabinets plus ou moins talentueux qui éclairent très inégalement les choix des élus, qui prennent un temps fou et qui consomment des budgets déraisonnables. À peine sont-ils élaborés, tout juste mis en œuvre, qu’il faut les réviser ! J’ai encore en mémoire le concept d’« industrititude », imaginé par un cabinet chargé de réfléchir au devenir d’une des régions de France les plus industrialisées. Ce serait risible si ce n’était pas aussi grave.

Le schéma, c’est l’outil privilégié de la procrastination,…

M. Hervé Gaymard. Très bien !

Mme Annie Genevard. …ce qui permet de différer la décision, ce qui fait que l’on préfère le mot à la chose, l’idée à l’action, le concept à la réalité alors que nous avons tant besoin d’une action publique résolue, réactive et efficace, laquelle, naturellement, n’exclut pas la réflexion.

Voici un exemple de la dictature du schéma : dans ma région, aucune subvention ne sera possible en matière de crédits territorialisés si l’on ne réalise pas un plan climat énergie territorial ; dont acte. Cependant, lorsque je demande à la présidente de ma région d’augmenter la capacité des TER, qui ne peuvent absorber qu’un tiers des voyageurs prêts à préférer le transport collectif à la voiture, c’est impossible, faute de place et de budget – de budget qui y soit consacré. Il y aurait pourtant matière à mettre en œuvre concrètement ce plan climat.

Nous caressions l’espoir que cette loi allège cette boulimie de schémas, mais ces derniers ont été regroupés sans être allégés. Vous avez introduit la notion d’égalité des territoires dans le SRADDET. Voilà un impératif dont il sera intéressant de suivre la mise en œuvre. En effet, vous affaiblissez dans cette loi les échelons de la proximité, alors que l’égalité des territoires ne saurait s’affranchir de l’impératif de proximité.

L’égalité des territoires consiste en premier lieu à prendre en considération l’avis de chaque territoire de manière égale, en acceptant par exemple la co-élaboration des politiques d’avenir que sont censés dessiner de tels schémas. Mais vous avez la plus grande méfiance à l’égard des territoires. Vous qui aimez tant la démocratie participative, pourquoi refusez-vous le principe de la participation des territoires ?

L’aspect le plus condamnable de cette réforme, cependant, celui qui fâche, qui désespère ou qui révolte, c’est le sort fait aux communes. Madame la ministre, nous avons assisté cette semaine à une scène inouïe, inimaginable et qui devrait vous faire réfléchir tant elle est à mes yeux emblématique des sentiments engendrés par ce projet de loi dont la dénomination suscite de plus en plus une ironie amère – une loi « NOTRe » dont les principes sont si peu partagés. C’est le vôtre, seulement le vôtre : il ne peut être le nôtre, ce projet de loi qui change radicalement l’équilibre patiemment construit au sein du bloc local entre communes et intercommunalités, qui supprime la notion d’intérêt communautaire, qui retranche autoritairement des compétences, qui agrandit déraisonnablement la taille des intercommunalités.

Cette scène inimaginable est celle qui a vu des maires ruraux s’opposer aux forces de l’ordre. Quel affreux symbole que ces CRS s’opposant aux représentants et aux garants de l’ordre public que sont les maires, par ailleurs officiers de police judiciaires !

M. Patrick Ollier. C’est vrai !

M. Marc Dolez. Tout à fait vrai !

Mme Annie Genevard. Que sont-ils venus vous dire, ces maires ?

M. Patrick Ollier. Et ce, de façon tout à fait pacifique !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’étais là aussi !

Mme Annie Genevard. Qu’ils ne veulent pas de cette loi, qu’ils se sentent méprisés par un pouvoir qui ne les écoute pas, qu’ils ne peuvent plus gérer leur commune avec des budgets amputés, que leur mandat, qui exige tant d’eux, et dont on dit pourtant qu’il est le plus beau de tous, est ainsi déconsidéré par le retrait unilatéral de compétences qu’ils exercent pourtant avec soin et beaucoup de sens pratique. Ils vous disent qu’ils n’auront plus leur place dans une intercommunalité à 20 000 habitants dont la gouvernance deviendra ingérable en raison du nombre de communes qui la composera.

Vous affaiblissez la commune, mais vous ne renforcez pas pour autant l’intercommunalité. Trop grande, sans consentement suffisant, celle-ci ne sera pas plus efficace qu’avant. Malgré les économies attendues, à supposer qu’elles soient effectives, ce sera un trop lourd tribut payé par la démocratie locale. Je rappelle ici la position officielle de l’Association des maires de France – AMF – qui s’est prononcée résolument contre toute définition normée de l’intercommunalité et qui attend de la loi qu’elle conforte la libre appréciation des futurs périmètres intercommunaux.

Vous voyez dans cette défense des communes la marque d’un passéisme un peu ridicule. C’est le dernier membre d’une trilogie d’un autre âge qu’il faut reléguer : après le curé – il y en a de moins en moins – et l’instituteur – qui ne jouit plus, tant s’en faut, de la position sociale et du respect d’autrefois – voilà le maire, dont la charge et la responsabilité face aux exigences des administrés ont augmenté à mesure que les compétences de la commune s’affaiblissaient.

Il y a dans ce projet de loi trois chiffons rouges : l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel, le seuil de 20 000 habitants, qui sera la taille réglementaire des intercommunalités, et le transfert forcé de certaines compétences.

De la première disposition, vous dites un peu vite, madame la ministre, que le sujet est derrière nous. Ce n’est pas aussi clair que cela, car dans vos rangs certains sont plus déterminés à soumettre l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Dans vos rangs aussi !

Mme Annie Genevard. …et je suis convaincue que le débat reviendra sur cette question. Pour notre part, nous n’en voulons pas.

M. Marc Dolez. Nous non plus !

Mme Annie Genevard. Quant à l’élargissement du périmètre, c’est la ruralité qui en paiera le plus lourd tribut alors même que se concentre sur elle un certain nombre de difficultés. Le slogan des maires ruraux est de ce point de vue tout à fait symptomatique. Leur motion s’intitule « motion pour la sauvegarde des libertés locales », liberté de se choisir et liberté d’exercer seul ou en commun certaines compétences. Vous avez supprimé la notion d’intérêt communautaire en transférant autoritairement l’eau, l’assainissement, le traitement des ordures ménagères, le tourisme. C’est contraire à la liberté locale.

Les maires sont efficaces et pragmatiques. Quand ils ont intérêt à se regrouper, croyez-moi, ils le font. En attendant, ces six mois de discussions parlementaires ont bloqué tous les investissements en matière de travaux d’adduction d’eau et d’assainissement, un attentisme qui n’était pas spécialement opportun compte tenu des effets que la baisse calamiteuse des dotations a déjà produits sur l’investissement. Ces dispositions étaient d’ailleurs un peu improvisées puisque, par exemple, c’est en séance, en première lecture, par un amendement gouvernemental, qu’a été introduit le transfert de la compétence eau.

Pour terminer ce propos, je voudrais vous citer les mots admirables de Maurice Agulhon, tirés de l’article « La Mairie » publié dans un ouvrage collectif dirigé par Pierre Nora, Les Lieux de mémoire. Ces extraits résument mieux que je ne saurais le faire l’attachement des élus et des Français à la commune. En touchant à ses compétences, à ses moyens, au droit des élus de choisir les modalités de son regroupement, vous altérez ce modèle de démocratie locale qui a fait ses preuves et auquel les Français, qui y ont recours dans les grands et les petits moments de la vie, sont profondément attachés. Il a son poids de symbole, ce modèle communal auquel vous prétendez imposer une rationalisation forcée dont il n’est d’ailleurs pas démontré qu’elle aboutira à une meilleure organisation.

Commençons par les premières lignes de cet article : « Nous sommes à la fin du XIXsiècle. Par familles entières, des juifs chassés d’Europe orientale par les pogroms arrivent en France. L’un d’eux raconte :

« …et puis un jour ils franchissaient une dernière frontière. Alors le ciel s’éclairait et la cohorte découvrait une jolie plaine sous un soleil tiède, il y avait des chants d’oiseaux, des champs de blé, des arbres, et un village tout clair, aux toits rouges, avec un clocher, des vieilles à chignon sur des chaises, toutes gentilles.

« Sur la maison la plus grande, il y a avait une inscription : Liberté, Égalité, Fraternité. Alors tous les fuyards posaient le baluchon ou lâchaient la charrette, et la peur quittait leurs yeux, car ils savaient qu’ils étaient arrivés.

« La France. »

Maurice Agulhon commente : « Le mérite que nous trouvons à cette page de roman est bien d’évoquer, par cet enjolivement même, le stéréotype de la Mairie française par quoi il nous paraît juste de commencer cet article. Siège d’institution, lieu de pouvoir, la mairie est aussi un lieu symbolique. Comment ne le serait-elle pas puisqu’on organise en ses murs la vie commune des habitants et que l’on en conserve les traces ? […]

« La mairie est républicaine par définition, puisque la France elle-même l’est depuis le 4 septembre 1870, et que les mairies sont les sièges les plus nombreux de fonctionnement de nos institutions. Elles en forment les lieux les plus proches des citoyens et les plus universellement présents.

« Mais la mairie est républicaine plus essentiellement encore, puisque c’est précisément à la République que l’on doit l’universalité de sa présence.

« Certes, il existe dans notre histoire nationale une mémoire propre de l’hôtel de ville ou – mieux encore – de la " commune " : on y exalte une vie locale et un pouvoir local, qui se sont affirmés depuis le Moyen Âge, et qui ont pu traverser les siècles. […]

« De la mairie, il faudrait faire l’histoire vivante, celle des activités publiques dont elle est le lieu, l’objet et le cadre : les activités du maire, celles du conseil, les opérations de la conscription, les mariages, les consultations électorales, les fêtes nationales… Tout cela a donné lieu en France, depuis cent ans et plus, non seulement à des procédures bien réglementées mais encore à des coutumes qui peuvent, elles, être très diverses. La vie municipale a son Code, mais elle a aussi son folklore, et pour l’historien celui-ci est aussi peu négligeable que celui-là. Mais à la différence de la loi, qui est partout la même et consultable dans des manuels partout répandus, le folklore est moins connu parce qu’il est variable et multiple et qu’il ne s’observe que sur le terrain. […]

« Regardons le buste de "Marianne", celui qui est à l’intérieur, celui qui est donc quasi universel et à peu près banalisé. N’est-il pas devenu le symbole même de l’activité municipale et des fonctions qui lui sont liées ? Les réalisateurs de nos émissions de télévision ne s’y trompent pas : quand ils font apparaître sur le "petit écran" un buste de femme à bonnet phrygien, ce n’est certes pas pour annoncer la nouvelle qu’un peuple quelque part se révolte pour la Liberté ! C’est tout bonnement pour ouvrir la séquence de la campagne électorale du moment. "Marianne" ne déclenche plus dans l’esprit du Français moyen la chanson grave de "La Liberté guide nos pas" mais la formule souriante de "Bonjour, Monsieur le Maire !". Elle est moins la déesse de l’esprit démocratique que la déesse familière de ses procédures.

« La popularité profonde acquise en quelque cent ans par la démocratie locale a donc changé jusqu’au vocabulaire symbolique de la culture française. Ce simple constat légitimerait, s’il en était besoin, la place que le présent recueil sur la mémoire de la République a consacrée à la mairie, envisagée pour une fois sous la catégorie du symbole, qui en est indissociable. »

Madame la ministre, c’est peut-être pour avoir négligé la dimension symbolique de la commune, de la mairie et de la fonction municipale que vous avez suscité un tel rejet de la part des maires, en particulier des maires ruraux. Ne sous-estimez pas leur réaction.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

Mme Annie Genevard. L’Association des maires de France vous l’a exprimé à plusieurs reprises, l’ensemble des maires, ruraux ou non, rejette un grand nombre d’aspects de cette loi,…

M. Jacques Pélissard. Tout à fait !

Mme Annie Genevard. …non par esprit partisan mais parce qu’ils heurtent profondément ce qui fait le fondement de la démocratie locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne reprendrai pas tous les arguments de Mme Genevard, car nous avons eu souvent cette discussion. Permettez-moi cependant de formuler quelques remarques.

Nous accuser de rejeter la dimension symbolique des communes, c’est tout simplement ne pas avoir suivi notre histoire commune dans cette enceinte.

Nos communes, je le rappelle, ne sont pas égales. Vous avez raison de dire qu’elles sont le lieu de la démocratie et de la représentation de la République, mais ce n’est pas le lieu qui fait égalité. Vous avez aujourd’hui des communes extrêmement riches et des communes extrêmement pauvres.

Mme Chantal Guittet. Exactement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous n’avons pas le droit de faire comme s’il suffisait de conserver les communes en l’état en prétendant que tout ira bien. Non, tout ne va pas bien dans les territoires de France ! Il existe des poches de pauvreté et des poches de prospérité. Aujourd’hui, les personnes qui arrivent, chassées par la guerre ou par la torture, ne trouvent pas forcément accueil dans le village que vous évoquiez tout à l’heure, madame Genevard. Certaines communes en ont les moyens et les accueillent formidablement, d’autres ne le peuvent pas. Si cela a pu être le cas à un moment donné de notre histoire, cela ne l’est plus aujourd’hui.

Vous affirmez que les maires ruraux rejettent ce texte. Or, j’en parlais tout à l’heure avec un de vos collègues, l’Association des maires ruraux de France n’épouse pas exactement les positions des maires ruraux de l’AMF. J’ai reçu les représentants des deux et je n’ai pas entendu le même discours. En particulier, l’Association des maires ruraux de France s’est beaucoup élevée contre la création des communes nouvelles. J’ai dû expliquer longuement que cette possibilité résultait d’une proposition de loi déposée par M. Pélissard et de Mme Pires Beaune et non d’un projet de loi du Gouvernement, mais que j’avais soutenu cette initiative que je trouvais très intéressante. On ne peut dire que M. Pélissard et Mme Pires Beaune soient de ceux qui attaquent frontalement toutes les communes de France ! Pourtant, ces représentants m’ont dit et répété que, si l’on créait des communes nouvelles, c’était pour tuer les communes en général. Je ne pense pas que c’était l’idée des auteurs de la proposition de loi et je continuerai à défendre leur initiative.

Mme Annie Genevard. Ce n’est pas le sujet !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est une chose que nous devons rediscuter tous ensemble. La France compte 29 000 communes de moins de 1 000 habitants. Toutes ne sont pas dans la même situation : on y trouve des communes rurales dans lesquelles il y a des services, où la pression fiscale est très basse et qui ont quelques ressources, et d’autres, dans des zones suburbaines, qui rencontrent de grandes difficultés. Nous devons y prendre garde : il n’y a pas un archétype de commune rurale ou de petite commune en France, il y a plusieurs types.

Vous avez également rappelé l’opposition des maires au suffrage universel direct dans les EPCI. Nous savons bien qu’il n’y a pas de majorité pour instaurer ce système dans tous les EPCI, y compris les plus petits. C’est une vraie question de démocratie, que nous posent d’ailleurs – vous faisiez référence à la société civile – plusieurs de nos concitoyens. Mais je n’imagine pas que, pour les petites communautés de communes de 5 000 habitants en montagne ou en zone rurale, vous soyez tous très enthousiastes pour passer au suffrage universel direct. La question se posera un jour – quand, je l’ignore. Elle se pose d’ores et déjà pour les métropoles et les grandes communautés. Comme je l’ai rappelé à l’Association des maires ruraux de France, je revendique d’avoir déposé un texte en 2011, lorsque j’étais simple députée de l’opposition, pour soulever ce sujet à partir de 50 000 ou 100 000 habitants.

Enfin, vous ne pouvez ignorer que les inégalités sont fortes puisque c’est vous, lorsque vous étiez majoritaires, qui avez eu l’idée de créer le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC. C’était une très bonne idée, mais nous n’avons pas encore atteint le niveau fixé en 2010 sous l’autorité de M. Carrez.

M. Michel Piron. C’est exact.

Mme Annie Genevard. Parce que vous avez changé les critères !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Qu’il y ait des inégalités, c’est une évidence – au moins depuis 2010 !

Pour le reste, vos arguments n’ont pas varié depuis le début. Vous n’avez pas changé d’avis. Pour ma part, j’ai essayé de donner droit le plus possible aux réflexions des sénateurs et des associations. Quand on reçoit, comme je l’ai fait, toutes les associations par « strates » – petites, moyennes, grandes et très grandes villes, métropoles, départements, régions, territoires littoraux, ruraux, historiques, touristiques, vingt-six associations en tout… – on ne peut s’empêcher de penser qu’un élément fait défaut : le raisonnement par territoires, car tous les territoires de France ne se ressemblent pas.

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Comme en première lecture, notre groupe votera la motion de rejet préalable, tant il est opposé à la philosophie et au dispositif de ce texte, troisième volet d’une réforme territoriale que, pour sa part, il conteste et combat depuis le début. Les raisons de le faire sont nombreuses et j’y reviendrai dans la discussion générale et dans la discussion des articles. Permettez-moi d’insister ici sur deux points.

D’abord, il nous semble que votre texte, quoi que vous en disiez, porte atteinte à la Constitution, dont l’article 72 garantit la libre administration des collectivités territoriales.

Mme Annie Genevard et M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Marc Dolez. Que restera-t-il de la libre administration des communes et des départements, collectivités dont les compétences sont rognées et transférées et que la réduction des leurs moyens mène à l’asphyxie financière ?

Ensuite, nous pensons que cette réforme territoriale remet gravement en cause le principe de l’égalité républicaine, puisqu’elle aura pour conséquence la mise en concurrence toujours plus aiguë des territoires.

Nous voterons donc cette motion de rejet.

M. Patrick Hetzel. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une brève observation sur cette motion de rejet préalable que notre groupe va rejeter pour sa part. Nous arrivons au terme d’un débat copieux et divers.

M. André Schneider. Copieux et indigeste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous en sommes à la deuxième lecture et nous avons entendu tous les arguments – et leur contraire. Je rappelle qu’un choix a été fait, il y a quelques années, auquel, en définitive, nous avons tous adhéré : celui de conserver l’entité communale.

Mme Annie Genevard. Vous la videz de sa substance !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le choix aurait pu être différent – n’est-ce pas, monsieur Piron ? – mais il a été fait, et les communes restent.

M. Marc Dolez. Dans quel état !

Mme Annie Genevard. Sans moyens, sans compétences !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est évidemment nécessaire de faire évoluer cette réalité en fonction des difficultés rencontrées et des données démographiques. Cela s’impose à nous ! Il faut faire avancer tout le monde dans le respect des réalités particulières.

On parle des difficultés des communes rurales. Je les comprends et je les mesure bien ! On parle de l’inégalité entre les territoires. Mais les collègues ici présents qui siègent dans des collectivités urbaines peuvent eux aussi en témoigner ! Ils pourront vous dire, par exemple, qu’une commune urbaine d’Île-de-France qui perçoit la dotation de solidarité urbaine et bénéficie du dispositif de péréquation de la région peut malgré tout contribuer à la coopération intercommunale pour le reste de la France.

Mme Annie Genevard. Ce n’est pas le sujet du texte !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Figurez-vous que c’est le cas, et que les dotations de solidarité en sont affectées à plus de 40 %.

M. Patrick Hetzel. Vous essayez de faire diversion !

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je termine, madame la présidente. Nous sommes donc confrontés à des réalités complexes. Ce que je peux dire, c’est que la réalité des communes sera portée par les élus, de même que les communes nouvelles. Ce sont les élus qui feront la réalité de ces territoires. Je ne comprends donc pas pourquoi l’on craint je ne sais quelle mainmise de je ne sais quelle autorité autre que celle que les élus vont assumer.

M. Patrick Hetzel. C’est faible, comme argumentation !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous voterons contre cette motion de rejet et nous souhaitons voir ce texte aboutir. Quant aux grandes invocations constitutionnelles…

Mme la présidente. Je vous remercie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Laissez- moi terminer ma phrase, madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier, pour le groupe Les Républicains.

M. Patrick Ollier. Ce texte aurait dû être l’occasion d’un grand rendez-vous de la démocratie, madame la ministre. Nous le souhaitions. L’organisation du territoire, quelle belle ambition ! Or, loin de créer la confiance, on se retrouve avec de la défiance. Je ne cherche pas à en faire porter la responsabilité à tel ou tel, je le constate ! Au lieu d’aller vers la simplification, le texte semble ajouter de la complexité. Il aurait fallu supprimer un échelon – Mme Genevard rappelait tout à l’heure les avantages de la formule du conseiller territorial – mais rien ne bouge.

J’étais au Gouvernement lors de la création du FPIC et j’ai contribué à le faire voter.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je vous en félicite !

M. Patrick Ollier. Je suis pour la solidarité, mais pas lorsqu’elle devient une punition. Le problème du FPIC est que vous en avez changé les critères, ce qui a fait augmenter de manière inacceptable la contribution des communes qui l’alimentent, à tel point que ce sont elles, aujourd’hui, qui sont en difficulté.

Le Sénat vous a proposé un grand nombre de changements constructifs. En commission des lois, vous les avez tous rejetés. Vous avez beau parler de démocratie et de rapprochement avec l’opposition, la quasi-totalité de nos amendements ont aussi été rejetés. Où est le rapprochement, où est le consensus sur l’organisation du territoire ?

Mais la cerise sur le gâteau, ce sont les dispositions relatives à la métropole du Grand Paris. Rien de ce que nous avons proposé n’a été accepté. La résolution votée par 94 % des élus est rejetée. Un délai de quatre ans nous est gentiment concédé, ce qui nous mène à ce que nous ne souhaitons pas, à savoir une métropole totalement intégrée. Et voilà que, par un nouvel amendement, on repousse à 2017 l’exercice des compétences stratégiques par la métropole ! Ce n’est pas acceptable !

Je vous le dis franchement, madame la ministre, on a l’impression que vos positions tiennent à des raisons d’opportunité politicienne liées aux élections régionales. Est-il concevable de subordonner un texte d’intérêt général à une stratégie d’ambition régionale ?

C’est pourquoi nous voterons pour cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je demande une suspension de séance, madame la présidente.

M. Patrick Hetzel. Vous n’arrivez même pas à mobiliser vos collègues pour le vote ! C’est lamentable !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Les explications de vote ayant eu lieu, je mets aux voix la motion de rejet préalable.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous ne saurions reprocher au Gouvernement de vouloir simplifier notre organisation territoriale. On trouvait la même volonté dans le rapport Balladur en 2009, celle-là même qui avait présidé à la réforme du conseiller territorial, que nous avons portée lors du quinquennat précédent, comme l’a rappelé à l’instant Annie Genevard. Non, vraiment, on ne saurait reprocher au Gouvernement de chercher à simplifier. Sauf que sa loi ne ressemble à rien de tel : elle ne simplifie pas.

Le mouvement de la réforme territoriale, depuis le début de ce quinquennat, est une danse étrange. On avance et on recule. Un jour, le Gouvernement fait des annonces tonitruantes ; le lendemain il module puis renonce, sous la force des choses. Un jour, le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, promet la suppression des départements ; quelques mois plus tard, le Président de la République, à la faveur d’une de ces négociations internes à sa majorité dont il a le secret, abandonne ce projet.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Il n’en a pas l’exclusivité !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Pour réformer, il faut un cap et une volonté. Depuis trois ans, vous nous démontrez que vous n’avez de cap que votre intérêt à court terme, et de volonté que celle de durer. Aussi le mouvement de la réforme territoriale est-il celui du va-et-vient.

La loi de modernisation de l’affirmation publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, tout d’abord, a défait la loi de réforme des collectivités territoriales. Vous pourriez reconnaître aujourd’hui que vous l’avez supprimée par pur esprit de contradiction, ce qui n’est pas le ressort de l’âme le plus noble. La suppression du conseiller territorial, le rétablissement de la clause de compétence générale étaient évidemment des erreurs.

Sur ce, le projet de loi NOTRe chamboule un peu plus, si besoin était, l’ensemble de l’édifice territorial : vous avez prévu de supprimer la clause de compétence générale et de réécrire complètement les dispositions relatives à la métropole du Grand Paris et de Marseille, qui n’étaient même pas encore entrées en vigueur !

Le projet de loi NOTRe a prétendu faire s’évaporer les départements après la déclaration de politique générale définitive du Premier ministre sur le sujet, avant de maintenir leurs compétences, en matière de collèges et de voirie notamment. Il procède au regroupement brutal des intercommunalités, trois ans seulement après l’échéance du précédent schéma départemental de coopération intercommunale – SDCI – et à des tailles dont on peut se demander, malgré les exceptions introduites, si elles sont raisonnables.

Entre-temps est intervenue la loi de délimitation des régions, dont on peine à comprendre en quoi elle était prioritaire. On annonçait des économies d’échelle importantes, mais finalement, les anciennes capitales régionales conserveront une partie des services préfectoraux ou du conseil régional. Cherchez la logique !

On peine, dans ces volte-face permanentes, à trouver de l’unité. Sauf peut-être un goût pour les dispositions molles. Elles sont partout.

La loi MAPTAM avait déjà créé les conférences territoriales de l’action publique, dont on attend avec impatience le bilan concret en termes de rationalisation de l’action publique !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Demandez donc à Jean-Jacques Hyest !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Le projet de loi NOTRe, une fois les articles qui visaient à supprimer les conseils départementaux supprimés, est un texte relativement mineur, avec des dispositions de peu d’effet juridique. C’est le règne des conseils, des schémas et des conventions de coordination. Nous avons donc un Haut conseil des territoires, dont les sénateurs jugent avec raison qu’il doublonne avec le Sénat. On peut se demander ce dont il sera saisi, puisque perdurent le comité des finances locales et un conseil national pour l’évaluation des normes.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Vous avez mal lu !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la ministre, vous proposiez dans votre discours au Sénat de mettre fin à la schématologie. Nous avions apprécié, l’appétence pour la schématologie étant souvent le symptôme de l’absence de choix clair entre les différentes collectivités. Mais dans ce texte, la schématologie se porte bien. Les schémas, les conventions programmatives en tous genres prolifèrent ou sont confortés : le schéma régional du développement économique, d’innovation et d’internationalisation…

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Il existe déjà !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …le plan régional de prévention et de gestion des déchets, le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, la convention pluriannuelle de coordination de l’emploi, de l’orientation et de la formation…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vos propres mots !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il aurait été opportun d’évaluer l’impact effectif de la génération précédente de schémas, dont nous portons sans doute tous la responsabilité, avant de songer à renforcer ces dispositifs.

Comme on ne peut décentraliser l’emploi, on en reste à des formulations molles, qui ne répondent pas aux enjeux : on affirme que « la région participe à la coordination des acteurs du service public de l’emploi », mais en même temps que « les départements, les communes et leurs groupements peuvent concourir au service public de l’emploi ». Outre le fait que tout cela n’a aucune portée normative, tout le monde s’y perd.

M. Bernard Deflesselles. Exactement !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Chers collègues, le projet de loi NOTRe ne clarifie rien, ne simplifie rien. En revanche, ces réformes incessantes et peu efficaces nuisent à l’investissement local, dont les dernières statistiques montrent qu’il plonge, alimentant encore plus le chômage.

Comment se projeter dans l’avenir quand le cadre réglementaire évolue sans cesse et quand une intercommunalité ne sait pas quel sera son périmètre dans un an ni quelles seront ses compétences et ses ressources ? Comment se projeter dans l’avenir quand son personnel est ballotté au gré des changements de structures et de compétences ?

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette question ne peut pas être dissociée de celle de l’avenir de nos communes rurales dont les maires, bien souvent largement bénévoles, œuvrent dans des conditions particulièrement difficiles et dans un contexte de plus en plus défavorable, quitte à prendre parfois des risques sur un plan pénal pour mener à bien leurs missions.

Qui fera le lien avec les populations quand les communes rurales qu’ils représentent auront été diluées dans l’intercommunalité ? Annie Genevard a évoqué tout à l’heure cette question et je souscris à l’ensemble de ses propos. En matière d’intercommunalité, il faut mettre un terme à l’instabilité actuelle qui conduit à ce que leurs compétences changent tous les deux ou trois ans.

Avant d’en fixer une taille minimale, encore faudrait-il savoir où l’on va. Les intercommunalités sont-elles appelées à prendre le relais des départements ? Sont-elles appelées à devenir des communes nouvelles ? Dans cette affaire, on avance à tâtons et on se demande d’où sort ce seuil, à quoi il correspond.

Mes chers collègues, je terminerai en évoquant la métropole du Grand Paris qui est en l’occurrence emblématique…

M. Bernard Deflesselles. Très bel exemple !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. … des contradictions, dans le temps et entre les différents acteurs de la majorité.

Car cette danse étrange dont je parlais tout à l’heure, ce va-et-vient de la réforme territoriale qui donne mal au cœur à quiconque croit en l’intérêt général et à sa primauté sur les intérêts partisans, quels qu’ils soient, oui, cette danse étrange a un rythme : celui des élections.

Mes chers collègues, la gauche perd les élections et ne s’y résout pas. Alors, elle cherche dans la modification sans fin des textes l’antidote au rejet populaire.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Voilà deux ans, deux lois et quatre lectures dans les assemblées – dont un dernier texte pour lequel la procédure accélérée a été déclarée mais pas appliquée – que ce dossier est sur la table ! Nous en sommes à la troisième mouture, chacune étant radicalement différente des autres – syndicat, intercommunalité unique, intercommunalité double, etc.

Certes, il est vrai que les élus locaux ont du mal à se mettre d’accord mais vient le moment où il relève aussi de la responsabilité du Gouvernement de mettre sur la table des solutions claires et fonctionnelles.

Or, nous sommes passés d’une centralisation extrême des compétences de proximité avec la métropole du Grand Paris version loi MAPTAM à une métropole quasiment dépourvue de compétences, faute que le Gouvernement ait osé interroger l’articulation avec la région et l’État.

Finalement, le seul point commun des différentes versions de métropoles aura été l’absence d’ambition et de compétence stratégique pour la métropole.

La schématologie gagne là aussi du terrain : SCOT, PMHH, PCET… À défaut de construire des logements ou des bâtiments dédiés au développement économique, la métropole construira des rapports et des schémas, et il y en aura beaucoup !

M. Bernard Deflesselles. Absolument !

Mme Annie Genevard. Elle sait faire !

M. Patrick Hetzel. C’est une spécialité !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Le Gouvernement ne semble pas en être conscient puisqu’au lieu d’essayer de renforcer la métropole, il continue à la déshabiller – cela devient même un peu obscène : elle est presque nue.

Ainsi, le Gouvernement et la commission lui ont-ils retiré compétence tourisme, qui lui avait été dévolue au Sénat. Pis, le Gouvernement propose par voie d’amendement de ne donner aucune compétence à la métropole du Grand Paris la première année ! Cela, c’est tout de même énorme ! Mes chers collègues, comment comprendre ?

M. Philippe Goujon. Irréaliste et surréaliste !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Las, c’est tristement simple. La majorité à la métropole du Grand Paris n’est pas tout à fait celle espérée depuis les dernières élections municipales et la vision métropolitaine du Gouvernement rétrécit en exacte proportion de son score aux élections.

M. Philippe Goujon. Absolument !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle pourrait même tomber à néant si Claude Bartolone, à Dieu ne plaise, gagnait la région Île-de-France. On ne nous le cache même plus : dans ce cas, la région pourrait manger la métropole. Miam !

On a même inventé un système étonnant : le Gouvernement dépose un amendement pour maintenir la création de la métropole au 1er janvier 2016 mais repousser tout transfert de compétences au 1er janvier 2017. Une première date croupion pour faire semblant d’avoir tenu la promesse et un an pour voir et avoir le temps de se retourner en fonction du résultat des élections !

Un député du groupe Les Républicains. Quelle pantalonnade !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Les ambitions métropolitaines du Gouvernement sont modulées en fonction résultats électoraux, comme d’autres le sont en fonction de considérations saisonnières ! Et la muraille de Chine promise par le président de l’Assemblée nationale entre ses activités ici et sa candidature à la région n’a pas l’épaisseur d’une feuille à cigarette.

Mes chers collègues, cette obscénité serait fascinante s’il n’était pas question du bien commun mais, en l’espèce, elle est navrante et même révoltante.

Sur une pâtisserie aussi indigeste…

M. Philippe Goujon. Et écœurante !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …il fallait bien une cerise.

Je finis donc par la gouvernance et j’en appelle à vous tous car on atteint ici le summum de la tambouille politicienne.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est le mot !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Sur la demande pressante de Mme Hidalgo, le Gouvernement a mis au point une usine à gaz merveilleuse puisqu’elle a deux effets en un : d’une part, donner à la gauche parisienne deux tiers des sièges…

Mme Annie Genevard. C’est honteux !

Mme Colette Capdevielle. La gauche parisienne a gagné !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …alors qu’elle a obtenu à peine plus de 50 % des voix aux dernières municipales et, d’autre part, m’évincer personnellement – excusez-moi ! – du futur conseil métropolitain. Du grand art !

M. Patrick Hetzel. C’est vraiment de la tambouille !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. L’amendement en question prévoit que la Ville de Paris bénéficie d’un siège pour le Conseil de Paris mais que les autres sièges sont répartis entre les arrondissements de la commune de Paris en fonction de leur population, à la représentation proportionnelle, etc., je passe.

La question de l’arrondissement n’est en réalité qu’un prétexte car le Gouvernement ne prévoit pas que les conseillers d’arrondissement puissent participer au vote. Non !

En revanche, les simulations que nous avons été obligés de faire de notre côté, le Gouvernement n’ayant pas communiqué d’étude d’impact – on se demande bien pourquoi ! – sont sans appel : dans un tel système, la gauche récupère une quarantaine des soixante sièges alors qu’elle n’a pas obtenu plus de la moitié des voix et je me retrouve, quant à moi, évincée alors que je dirige l’opposition à Paris.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Comme par hasard !

Mme Annie Genevard. C’est une honte !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je vous prie de m’excuser de parler de moi mais, tout de même, lorsque l’on fait des lois ad hominem, quelques réponses s’imposent !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous serez élevée au rang de martyr !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle est belle la République que nous propose le Gouvernement, madame la ministre !

Dans les différentes versions de son amendement, qui a été rejeté au Sénat et même par la commission des lois de l’Assemblée nationale, le Gouvernement a tout d’abord prétendu au Sénat qu’il s’agissait « d’aligner la composition du conseil métropolitain de la métropole du Grand Paris sur le droit commun »…

M. Philippe Goujon. Il y a de quoi rire !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …puis, à l’Assemblée nationale, de tenir compte « de la situation particulière de la commune de Paris et de son organisation en arrondissements ». Devant chaque assemblée, le Gouvernement cherche ses arguments à tâtons pour justifier l’injustifiable. Aucun des deux ne tient.

Un alignement de Paris sur le droit commun ? C’est faux : si la situation de Paris devait être comparée, elle devrait l’être aux deux métropoles de Lyon ou Marseille.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Précisément, c’est le même dispositif.

M. Philippe Goujon. Non !

M. Patrick Hetzel. C’est le modèle chinois ! (Sourires)

Mme Elisabeth Pochon. Paris, Paris, Paris ! Décidément, vous n’en avez que pour Paris !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Or, curieusement, le régime alambiqué imaginé pour Paris par M. Valls et Mme Hidalgo dans l’amendement du Gouvernement n’est pas envisagé pour Marseille et, dans le système lyonnais, c’est encore un autre dispositif qui a été imaginé. Bref, c’est du sur-mesure, à la tête du client, c’est-à-dire en l’occurrence, un peu, de la cliente, reconnaissez-le.

S’agit-il de tenir compte de l’organisation de Paris en arrondissements ? Là encore, c’est faux : sans nier l’importance des arrondissements – je salue la présence de notre collègue député-maire du XVe arrondissement Philippe Goujon – c’est le Conseil de Paris qui est l’organe légitime, politiquement et juridiquement. C’est pourquoi dans l’organisation de la métropole, c’est bien la « commune de Paris », et non les vingt arrondissements, qui est citée comme participante. Bref, vous l’avez compris, on a inventé un système ad hoc et on s’en cache à peine.

Au même moment, le Gouvernement n’a pas peur d’affirmer qu’il veut introduire « un plus grand pluralisme au sein des conseils de territoire » ! Ben voyons !

Madame la ministre, pour vous simplifier la tâche et afin de soulager les agents de la direction des collectivités territoriales, vous auriez pu écrire plus simplement que je ne pouvais pas siéger au Conseil métropolitain !

M. Philippe Goujon. Ce qui est une honte !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vos propos, madame, ne sont pas à la hauteur du débat.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mes chers collègues, j’en appelle à vous, au-delà des appartenances partisanes. Si le Gouvernement se prêtait à nouveau à ce petit jeu et déposait encore cet amendement, montrez une fois de plus l’attachement de notre Assemblée à ses principes fondateurs et repoussez-le comme la commission des lois, inspirée par son président, l’a repoussé, à l’exception de M. le Bouillonnec ici présent !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce fut malgré moi !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous n’avons pas besoin d’une loi bavarde et molle qui crée plus de problèmes qu’elle n’en résout, sauf peut-être pour le président de notre Assemblée. C’est la raison pour laquelle nous demandons le renvoi du texte en commission, seul à même d’empêcher que l’intérêt de quelques-uns ne passe avant l’intérêt général.

La commission a récemment montré qu’elle savait être la gardienne des principes qui nous tiennent tous à cœur. Le temps des petits arrangements doit prendre fin et celui de la défense de l’avenir de nos territoires doit commencer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Quelques mots pour répondre à la motion de renvoi en commission présentée par Mme Kosciusko-Morizet, qui a souhaité faire une parenthèse en évoquant peu le texte mais bien plutôt une situation dont elle considère qu’elle la concerne directement.

M. Patrick Hetzel. Oui !

M. Philippe Goujon. C’est une réalité.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Madame Kosciusko-Morizet, vous auriez pu emprunter le même chemin en disant la vérité, par exemple s’agissant des schémas.

Nous ferions de la schématologie, dites-vous, et vous semblez découvrir l’existence de schémas tels que le SRADT ou le SRDII qui existaient avant même que vous et moi ne siégions sur ces bancs.

M. Hervé Gaymard. Ces acronymes sont des aveux !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. En revanche, nous travaillons à leur rationalisation. Si vous aviez lu attentivement les articles concernant les schémas, vous auriez vu que le nouveau SRADDET fusionne sept schémas antérieurs et permet, ainsi, d’en diminuer le nombre.

Vous dites aussi que nous travaillons à faire une loi molle. Or, ce texte vise à clarifier et spécialiser les compétences des départements et des régions.

À ce propos, je me dois de vous dire et peut-être de vous apprendre que le Sénat a rejoint notre position, d’abord en actant la suppression de la clause de compétence générale, ensuite, en actant les dispositions que nous avons adoptées s’agissant des compétences du département.

Comme je l’ai dit en commission la semaine dernière et répété tout à l’heure : les modifications apportées par le Sénat à l’article 24 constituent un point d’équilibre qui nous amène à espérer un vote conforme sur ces dispositions. Convenez que si le Sénat a adopté cette position, peut-être une partie de votre groupe pourrait-elle s’y retrouver.

Vous dites également que nous nous apprêtons à priver la métropole du Grand Paris de compétences et que nous ne voulons pas qu’elle en ait – vous avez cité le tourisme. Mais, dans ce cas, pourquoi ne vous opposez-vous pas aux collègues qui, sur vos bancs, refusent que la métropole exerce des compétences en matière d’électricité, de gaz ou de réseaux de chaleur ?

Vous dites aussi que notre conception de la métropole du Grand Paris est problématique s’agissant de l’articulation de cette dernière avec la région. Mais pourquoi ne vous opposez-vous pas aux amendements de Mme Pécresse tendant toujours à créer une métropole régionale sans nous dire d’ailleurs comment elle fonctionnerait avec 1 200 communes ?

Enfin, masquant peut-être un manque d’arguments pour ce renvoi en commission, vous affirmez que nos propositions nuiraient à la stabilité des règles de fonctionnement des collectivités locales. Or, c’est précisément une telle stabilité que nous vous proposons quand vous proposez, vous, de renvoyer le texte en commission et de retarder encore le moment de disposer enfin d’un cadre définitivement posé.

Pour toutes ces raisons, nous appelons à rejeter cette motion !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Améliorons le texte !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je partage ces arguments.

Je vous le dis avec beaucoup de respect mais la référence aux fameux schémas est un peu lassante alors que nous en avons ramené le nombre de dix à deux.

Nous avons essayé de reprendre l’ensemble des schémas, qui prenaient beaucoup de temps « cadres » et dont les résultats, souvent, n’étaient pas ceux escomptés faute d’être opposables. Nous savons comment tout cela finissait ! On ne peut donc pas toujours dire en même temps : c’est « blanc », « noir » et « gris » !

Votre attaque de la conférence territoriale de l’action publique – la CTAP – que vous rejetez avec une certaine forme de brutalité, m’a étonnée.

Jean-Jacques Hyest, rapporteur du texte au Sénat, disait lors de l’examen en première lecture qu’il s’agissait de la bonne idée pour ne pas avoir à refaire une loi tous les trois, quatre ou cinq ans. La CTAP permet en effet à l’ensemble des exécutifs de discuter sur un territoire cohérent afin d’adapter la délégation de compétences à la diversité des territoires. Elle est le lieu où essayer de trouver un langage commun.

Cela nous évitera, disais-je, de refaire une loi tous les quatre ou cinq ans, comme c’est le cas depuis trop longtemps. C’est d’autant plus vrai, par exemple, dans le domaine du numérique, où nous avons eu les plus grandes difficultés à nous adapter faute d’avoir prévu au départ ce type de compétences. Je l’ai dit en souriant : l’arrivée des enfants en hélicoptères électriques dans les écoles soulèvera bientôt d’autres problèmes ! C’était une boutade pour expliquer la nécessité d’une telle organisation, territoire par territoire, en cohérence, afin que chaque strate d’élus discute en confiance – ce qui sans doute fait le plus défaut – en matière de délégations de compétences infrarégionales. Cela est possible grâce au texte créant les CTAP, dont je suis persuadée qu’elles seront largement utilisées à cette fin par les élus.

En ce qui concerne la procédure accélérée, vous savez très bien qu’une discussion a eu lieu avec la nouvelle majorité du Sénat et qu’il était respectueux de la part du Gouvernement d’entendre la demande visant à ce qu’elle ne soit pas effectivement appliquée. Vous le regrettez, mais tel est l’accord que nous avons trouvé avec la nouvelle majorité sénatoriale.

Enfin, vous avez consacré beaucoup de temps à la métropole du Grand Paris. Un élu battu sur son territoire ne se présente pas pour être responsable d’un syndicat intercommunal, d’un EPCI ou d’une métropole. Nous le savons tous ! Il est donc inutile d’utiliser ce sujet pour se livrer à une forme de victimisation. C’est fini, c’est derrière nous !

Dans l’exposé des motifs, nous avons indiqué que, pour les conseillers métropolitains, il fallait affirmer le droit commun – cela a été fait au Sénat comme à l’Assemblée nationale – et prendre en compte les territoires. Relisez les comptes rendus des débats concernant les arrondissements. Un certain nombre d’entre vous, dans votre famille politique, pensaient que les arrondissements devaient être considérés comme des territoires afin que leur soit délégué l’exercice de compétences et que, comme à Lyon, les territoires constituent le socle à partir duquel organiser les élections. On pourrait discuter pendant des heures. On verra ce qu’il en sera du vote.

Retourner en commission aujourd’hui, après quasiment deux ans de débats avec l’ensemble des associations d’élus, ne serait pas une bonne idée. Vous avez fustigé le Haut conseil du territoire. C’est vrai, le Sénat n’en a pas voulu et nous avons dû trouver une autre formule. Tout cela tient à ce que nos débats s’éternisent. Il serait plus raisonnable de nous arrêter là et de passer à l’examen des articles. Je vous remercie néanmoins des efforts que vous avez faits pour trouver des arguments. (Sourires.)

M. Philippe Goujon. Vous, en revanche, vous n’en avez pas fait beaucoup !

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Popelin. Je vous avoue que je suis toujours admiratif des affirmations péremptoires de certains de nos contradicteurs, en l’espèce certaine d’entre elles. Ainsi donc, à entendre notre collègue qui vient de défendre la motion de renvoi en commission, il y aurait d’un côté une opposition rassemblée et au clair avec elle-même quant à la réforme qu’il conviendrait d’appliquer à nos territoires. (« Oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Excellente remarque !

M. Pascal Popelin. Réforme qu’elle n’a, toutefois, pas su mener en son temps. Et de l’autre, une majorité hésitante qui, pourtant, elle, avance.

M. Philippe Goujon. En zigzag pour le moins !

M. Pascal Popelin. C’est faire preuve d’une grande mauvaise foi que de ne pas admettre qu’en matière d’organisation territoriale, chaque groupe compte souvent autant de visions que de personnalités et de territoires.

Notre collègue s’est également essayée à nous convaincre que le précédent gouvernement, auquel elle appartenait, avait réussi à réformer utilement les collectivités territoriales.

M. Hervé Gaymard. Il l’avait fait.

M. Pascal Popelin. C’est une vision bien oublieuse du passé…

M. Philippe Goujon. Vous avez tout cassé.

M. Pascal Popelin. …et de l’état d’esprit dans lequel se trouvaient les élus locaux au terme du précédent quinquennat pour un bien piètre résultat. Il n’y a eu que la perte de l’autonomie fiscale suite notamment à la suppression de la taxe professionnelle.

M. Hervé Gaymard. S’ils avaient su ce qui les attendait après !

M. Pascal Popelin. Quant aux arguments relatifs à la métropole que vous avez tenté d’avancer, ils tendent, là encore, à réécrire l’histoire. Qui a sollicité à cor et à cri la remise en cause de l’article 12 de la loi MAPTAM, sinon les élus de votre groupe ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Pascal Popelin. Qui a menacé de boycotter la mission de préfiguration si on ne reprenait pas la discussion sur cet article 12 ?

On ne peut pas réclamer à cor et à cri d’être écouté et gloser ensuite sur les inflexions que le Gouvernement accepte d’apporter pour tenir compte des demandes de l’opposition – parfois trop au goût de certains d’entre nous, permettez-moi de vous le dire.

Il y a un temps pour l’échange, la discussion, la recherche d’un point d’équilibre. Le Gouvernement s’y est beaucoup employé, parfois trop aux yeux de certains d’entre nous, je le redis. Mais il y a aussi un temps pour la décision, dans cet hémicycle. Ce temps est venu et rien ne justifie le renvoi en commission. Nous nous opposerons par conséquent à cette énième tentative de ralentissement.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe Les Républicains.

M. Patrick Hetzel. Notre collègue socialiste dénonce le ton péremptoire que nous aurions employé mais nous pouvons lui retourner le compliment. Qu’il vous ait fallu tout à l’heure demander une suspension de séance montre bien la forte mobilisation de votre groupe pour soutenir ce texte ! C’est sans doute la raison pour laquelle M. Urvoas a, avec enthousiasme, pu réunir un certain nombre de collègues afin de battre, de justesse, notre groupe.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Personne ne l’avait jamais fait avant nous ! Arrêtez, cela fait des années que l’on fonctionne ainsi !

M. Patrick Hetzel. Je vois bien, cher ami, que vous êtes très gêné, mais votre réaction est assez intéressante. Vous n’avez pas de leçon à nous donner en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est précisément ce que je viens de dire !

Mme la présidente. Seul M. Hetzel a la parole.

M. Patrick Hetzel. La gêne de notre collègue est évidente.

Nous demandons aujourd’hui le renvoi en commission pour une raison très simple, qui est avant tout politique. En effet, trois ministres, trois discours, trois visions ! Il y a de quoi surprendre !

M. Philippe Goujon. Et le président de l’Assemblée nationale en a une quatrième !

M. Patrick Hetzel. Mme Lebranchu, au banc aujourd’hui, dit une chose. Le ministre de l’intérieur en dit une autre et le Premier ministre, sur le même texte, a encore une position différente.

Nous nous retrouvons aujourd’hui face à une situation incroyable puisque votre majorité – cette fois-ci je parle simplement de la partie gouvernementale – n’a pas de vision unique sur ce texte. C’est un premier vice qui entache l’ensemble du processus. Les zigzags de votre majorité tiennent au fait qu’il n’y a plus de pilote dans l’avion au Gouvernement.

Par ailleurs, vos formulations sont aussi molles que floues. Le texte, sans vision, ne dégage pas de choix clair. Lorsque l’on pose les vraies questions, ayant trait aux compétences et aux ressources, on n’obtient pas de réponse. Pour toutes ces raisons, il est urgent de renvoyer ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je demande une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Hetzel. Quel aveu !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Les explications de vote ayant eu lieu, je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Piron, premier orateur inscrit.

M. Michel Piron. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de l’examen de votre texte en première lecture, le 17 février dernier, je concluais mon intervention par cette interrogation plus large – excusez-moi de me citer : « Quand j’entends ce que j’entends dans les villes moyennes et les territoires ruraux ; quand je vois ce que je vois dans les banlieues des métropoles ; quand je mesure l’exaspération que les élus de tous les partis voient monter, notamment en province, je me demande si nous ne sommes pas au bout d’un système usé, crispé sur la production de règles incapables d’épouser la diversité du réel. Que le fossé se creuse entre le pouvoir central et les territoires, on peut déjà le constater ici, quand on entend ce qui se dit dans les couloirs et les bureaux de la représentation nationale. Or il ne me semble pas que ce soit le signe de l’affaiblissement d’un gouvernement quel qu’il soit, mais de quelque chose de bien plus grave : l’impuissance de notre système centralisé, le dernier et le seul en Europe démocratique, à se réformer comme à réformer. Faute de le voir, faute de l’entendre, madame la ministre, le Gouvernement nous propose un ersatz bien éloigné de la réforme institutionnelle qu’appelle, qu’exige ce temps de gouvernance aussi fragile qu’incertain. »

Qu’est-ce qui, depuis notre première lecture, a changé ? Où sont les clarifications ?

La carte des régions était alors fixée, mal, mais fixée. Celle des communautés, liée au seuil uniforme de 20 000 habitants, reste aussi incertaine que grevée d’exceptions. Les départements demeurent – fluctuat nec mergitur. Voilà pour les contenants. Quant au contenu, où sont encore les clarifications ? Quelles compétences ont été véritablement circonscrites entre régions et départements ? Un peu plus « d’économie » aux régions, un peu moins aux départements, mais les routes ? Les collèges ? Quelle répartition entre les métropoles et les régions, entre les intercommunalités et les communes – l’urbanisme, peut-être –, entre, enfin, l’État et les collectivités ?

Dans l’enchevêtrement des schémas et des compétences, de la gestion de l’eau à la protection des personnes et des biens, où sont les clarifications ? Parce que vous avez renoncé à réorganiser l’architecture des pouvoirs publics, vous n’allez qu’ajouter du désordre à la confusion dans laquelle s’enlise depuis trop longtemps notre pays.

Dans ce débat qui interroge la Nation et l’État – chez nous, plus peut-être qu’ailleurs où d’autres l’ont tranché –, je me demande si vous n’avez pas confondu « administrer » et « gouverner », si vous n’avez pas confondu l’art de gouverner, qui rassemble autour d’un projet, et l’art d’administrer qui en instruit les conditions et en permet la réalisation.

Où naissent en effet les projets, sinon sur des territoires gouvernables par les élus ? Avec quels moyens techniques, juridiques, sinon ceux fournis par des administrations ? Or les périmètres de bonne gouvernance des élus, qui savent de qui ils parlent, ne sont pas nécessairement ceux de bonne administration des fonctionnaires, qui savent de quoi ils parlent. Quelles articulations, quelles coordinations avez-vous revisitées, renouées pour ce faire entre les services de l’État et les collectivités ? Où sont les perspectives qu’un certain discours de Dijon semblait ouvrir ? On chercherait en vain une réponse.

Ballotté entre des courants et des vents contraires, le « projet » – faut-il encore l’appeler ainsi ? – du Gouvernement tient finalement en ces quelques mots : pas de vagues ! En relisant votre texte, madame la ministre, je songeais à Lampedusa : « Il faut que tout change pour que rien ne bouge ». Nous y sommes, hélas, comme alors. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ils vous applaudissent alors que ce que vous dénoncez est de leur faute !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission des lois, chers collègues, nous abordons la deuxième lecture de ce projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République avec une certaine appréhension, tant le Gouvernement n’a pas fait preuve d’une très grande stabilité quant à ses choix en matière d’organisation territoriale ces derniers mois.

Je ne reviendrai pas sur le dépôt successif de trois textes sans articulation, et parfois contradictoires ; sur le calendrier d’élaboration de ce projet de loi à quelques mois des élections départementales et régionales ; ni sur le manque total de concertation préalable avec les territoires.

Je rappellerai néanmoins qu’à la fin de la première lecture de ce texte à l’Assemblée nationale, le groupe RRDP auquel j’appartiens a tenu compte des débats et de tout le travail accompli en séance, qui avait permis d’aboutir à un compromis raisonnable. L’accord trouvé permettait d’équilibrer la répartition des compétences entre les différents échelons territoriaux au regard de l’extension des régions, tout en ne perdant pas de vue les objectifs de clarification des compétences et d’efficacité de l’action publique.

La spécificité montagne avait été reconnue, et de nombreux amendements avaient été adoptés. Les élus de la montagne regrettent le retour en arrière engagé en commission, qui fait que la montagne n’a plus de visibilité dans ce texte.

La montagne occupe près d’un quart du territoire national métropolitain, se répartit sur six massifs, douze régions, quarante-huit départements, 596 intercommunalités et 6 249 communes, pour une population de 5 millions d’habitants permanents. C’est pourquoi, au nom même de la spécificité montagne que nous revendiquons, nous considérons que le droit à la différence et à l’adaptation normative est plus que jamais d’actualité.

Mme Annie Genevard. Tout à fait d’accord !

Mme Jeanine Dubié. Le remodelage de la carte intercommunale ne peut conduire à éloigner la montagne des centres de décision par manque de relais légitimes ou de moyens, sauf à accepter la constitution de véritables friches territoriales dans les zones en marge.

La loi du nombre joue mécaniquement contre les zones de montagne, caractérisées par des territoires étendus à faible densité de population. Le risque, demain, est que la montagne ne soit plus prise en compte au sein des futures régions et des intercommunalités élargies.

Parmi les treize futures régions, sept auront au moins une partie de massif de montagnes sur leur territoire. Inscrire dans la loi l’obligation, pour les régions comprenant des zones de montagne, d’intégrer, dans leur schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, un volet montagne avec des crédits dédiés et le fléchage d’une délégation ou d’une vice-présidence à la montagne garantirait que la spécificité des territoires de montagne sera prise en compte.

Le volet spécifique montagne, ainsi que la consultation du comité de massif dans l’élaboration du futur SRADDET constituaient deux avancées obtenues lors de la navette parlementaire, mais elles ont été supprimées. Ce n’est pas acceptable. Plusieurs amendements identiques visant à réintroduire ces deux avancées dans le texte seront défendus avec opiniâtreté en séance par des députés de la montagne de toutes sensibilités politiques et de tous les massifs.

S’agissant de la détermination du juste seuil en matière d’intercommunalité, la bonne méthode consiste à faire confiance à l’intelligence territoriale des élus en prévoyant des dérogations liées non seulement à la densité démographique, mais aussi à la spécificité des territoires : relief, altitude, climat.

Or, la loi NOTRe va conduire à des intercommunalités tentaculaires indifférentes aux réalités de la montagne, et rompre le lien de proximité entre les élus et les territoires. La rédaction actuelle de l’article 14 reconnaît l’adaptation montagne en dessous du seuil de droit commun de 20 000 habitants uniquement pour les futurs EPCI composés exclusivement de communes de montagne. Cette définition, très limitative, revient à exclure du bénéfice de l’exception montagne les EPCI qui incluent au moins une commune de plaine, et réduit d’emblée de plus de moitié les bénéficiaires théoriques.

Après le redécoupage des cantons, désastreux pour la représentation de la montagne, c’est l’avenir de la commune qui est en jeu. La vitalité des territoires ruraux est une chance pour la nation tout entière, et nous nous insurgeons contre l’approche technocratique de la réforme territoriale fondée exclusivement sur le modèle urbain et métropolitain. Nous refusons toute dilution de la montagne et des territoires ruraux dans une organisation de la République hors-sol.

Nous serons donc particulièrement mobilisés pour faire évoluer le texte de loi en assouplissant les dérogations au seuil de 20 000 habitants, car il est vital que la montagne puisse avoir une représentation propre, avec des élus clairement identifiés aux yeux de la population et des pouvoirs publics.

Le transfert obligatoire aux intercommunalités de la compétence tourisme, tout de même très spécifique, pose problème, du fait de son caractère transversal et de la difficulté pratique à mettre en œuvre une politique touristique au niveau communautaire dans certains territoires. Il faut laisser aux communes la liberté de coopérer ou non avec l’intercommunalité dont elles dépendent en fonction du contexte local. L’intercommunalité s’est construite en France sur le principe du libre choix de regroupement, et sur des décisions individuelles et collectives clairement exprimées quant aux périmètres des regroupements et aux compétences transférées aux EPCI. Imposer aujourd’hui le transfert obligatoire de la compétence tourisme des communes aux intercommunalités revient à remettre en cause ce principe.

Plus que jamais, compte tenu du nouveau contexte institutionnel en évolution constante, les élus de la montagne considèrent que les principes hérités des années quatre-vingts, inscrits dans les lois de décentralisation et dans la loi montagne, doivent être respectés, sauf à assumer une véritable régression. Parmi les principaux acquis, le droit à la différence et son corollaire, le droit d’adaptation, est prévu à l’article 8 de la loi montagne : « Les dispositions de portée générale sont adaptées, en tant que de besoin, à la spécificité de la montagne. Les dispositions relatives au développement économique, social et culturel et à la protection de la montagne sont en outre adaptées à la situation particulière de chaque massif ou partie de massif. ». Grâce à cet article, la montagne doit pouvoir faire jouer son droit à la différence et à 1’adaptation normative.

En ce qui concerne les départements, vous le savez, les radicaux de gauche sont fortement mobilisés pour préserver leur existence. Nous avons été entendus par le Gouvernement, même si nous savons évidemment qu’en créant arbitrairement treize grandes régions, nous allons bouleverser les équilibres territoriaux. Une étude réalisée par France Stratégie sur la réforme territoriale et la cohérence économique met d’ailleurs en évidence que certains départements, en particulier celui que j’ai l’honneur de représenter, seront fortement déstabilisés par la réforme des régions. Dès lors, l’existence de l’échelon départemental sera d’autant plus nécessaire, en particulier dans les territoires ruraux et de montagne.

À l’ouverture de ces débats, nous resterons vigilants et attentifs afin que la place de cet échelon ne soit pas revue à la baisse. Nous entamons donc l’examen des quelque 1 500 amendements déposés en deuxième lecture avec l’intention de défendre cette démocratie de proximité, qui est incarnée quotidiennement par ces départements.

Nous vous proposerons de supprimer le Haut conseil des territoires. Nous rejoignons ici nos collègues sénateurs, considérant que cet outil ne viendrait que concurrencer inutilement le Sénat, déjà chargé de faire le lien entre l’État et les territoires.

Par ailleurs, l’affirmation de la vocation économique de la région ne doit pas conduire à la mise sous tutelle des autres collectivités territoriales. Nous vous proposerons d’autres amendements pour associer les départements à la détermination des schémas régionaux, qu’il s’agisse du schéma de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ou du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. De même, nous souhaitons renforcer les possibilités d’adaptation offertes aux départements dans le cadre de la mise en œuvre de ces schémas. Enfin, pour des raisons logistiques, nous vous proposerons de réintroduire les dates limites d’élaboration de ces schémas introduites par le Sénat.

Pour ce qui concerne les transports, nous demanderons que la gestion des transports à la demande ainsi que des transports scolaires reste de compétence départementale.

Nous souhaitons que les compétences relatives à l’économie sociale et solidaire ainsi qu’à la vie associative soient partagées entre les différents échelons.

De même, la fin de la clause générale de compétence au profit des départements doit prendre effet après un certain temps délai, afin de permettre aux départements de prendre en compte les mesures. Nous proposons donc le report de la mise en œuvre de cette suppression au 1er janvier 2017.

Concernant le débat relatif au seuil des EPCI, les adaptations de l’article 14 au seuil des 20 000 habitants doivent être maintenues. De plus, nous pensons qu’il est judicieux de reporter le calendrier de révision de la carte intercommunale au 31 décembre 2016 au lieu du 31 mars 2016 ; et la date de création des nouveaux EPCI du 31 décembre 2016 au 31 décembre 2017.

Enfin, nous avons déposé plusieurs amendements relatifs à la collectivité territoriale de Corse afin d’adapter les dispositions à la création d’une collectivité unique, regroupant les compétences des départements et de la région. Nous souhaitons également réaffirmer notre volonté de mettre en place une taxe mouillage, applicable aux bateaux de plus de vingt-quatre mètres, afin que ces embarcations participent à la conservation durable des espaces marins protégés et à la réparation des dommages environnementaux résultant de leur mouillage.

Vous l’avez compris, les députés du groupe RRDP attendent beaucoup du débat en séance publique car, en l’état, ce texte n’est pas acceptable.

Mme Annie Genevard et M. Paul Molac. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État à la réforme territoriale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que nous entamons la deuxième lecture de ce projet de loi, le mécontentement des élus locaux ne cesse de croître.

Mercredi dernier, devant l’Assemblée nationale, l’Association des maires ruraux a rassemblé plus de cinq cent de ces derniers, venus de toute la France, pour manifester leur opposition à « l’anéantissement du niveau de proximité préféré des Français, la commune. »

De leur côté, l’Association des maires de France et de nombreuses autres associations d’élus ont exprimé clairement l’incompréhension, l’inquiétude, voire la colère des élus locaux devant la baisse injuste et insoutenable des dotations de l’État, le retrait de celui-ci dans les territoires ruraux et la disparition des services publics.

Exaspération et résignation dont, pour ma part, j’ai constaté l’ampleur lors du récent congrès des maires du Nord. Non, madame la ministre, nous ne pouvons pas partager l’appréciation presque idyllique, pour ne pas dire surréaliste, que vous rapportez de votre tour de France.

À vrai dire, votre réforme ne trompe personne. Le bouleversement des institutions locales et l’assèchement de leurs ressources financières ne portent aucunement l’ambition d’améliorer l’action publique au service des citoyens. Ce chambardement n’a en réalité qu’un objectif : réduire l’action publique locale dans la perspective de dégager des économies comptables. Mais là aussi, personne n’est dupe. Comme le démontrent plusieurs études, les économies promises sont irréalistes et ne peuvent que se traduire par des restrictions budgétaires sur les services à la population.

Nous le disons depuis le début, le bouleversement sans précédent qui se dessine conduira inévitablement à l’élargissement de la fracture territoriale, à l’augmentation des inégalités et à la remise en cause des principes constitutionnels d’unité et d’indivisibilité de la République.

Nous avions souligné, il y a quelques mois, l’incohérence qui consistait à déterminer l’espace des régions sans avoir examiné, au préalable, leurs fonctions et compétences. Il nous paraît aujourd’hui tout aussi incohérent de définir la réorganisation des compétences des collectivités territoriales sans se préoccuper des ressources dont elles disposeront, d’autant que les collectivités subissent une restriction drastique de leurs dotations.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que le Gouvernement se refuse à en prendre l’exacte mesure, alors que selon l’AMF, près de 2 000 communes sont déjà dans le rouge et en cessation de paiement et que l’investissement public, porté à 70 % par les collectivités territoriales, s’effondre, ayant diminué de 9 milliards d’euros entre 2013 et 2015.

Autant le dire tout de suite, notre opposition à votre projet de loi est tout aussi déterminée qu’en première lecture. Elle s’est même renforcée devant l’inflexibilité dont la majorité a fait preuve en commission pour refuser les quelques amendements du Sénat qui permettaient de préserver un peu mieux la place de la commune et du département dans l’architecture territoriale.

Chacun l’a maintenant bien compris, presque sur tous nos bancs, la réforme conduira inéluctablement à leur disparition à plus ou moins long terme. Comment interpréter autrement le rétablissement, à l’article 15 ter B, de l’exigence d’une majorité qualifiée des communes membres d’un EPCI pour renoncer à l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, et ce contre l’avis du rapporteur, dont il faut saluer la sagesse sur ce point ?

Comment interpréter autrement, à l’article 14, le rétablissement à 20 000 habitants du seuil minimal de constitution d’un EPCI ? Ce seuil est irréaliste et arbitraire : cette aberration, critiquée de toutes parts, est une mesure déconnectée des réalités du terrain.

Avant d’aborder la discussion des différents articles de ce projet de loi, je ne ferai ici que rappeler les principales raisons de notre opposition à ce texte et à l’ensemble de la réforme territoriale en cours.

D’abord, nous contestons absolument la suppression de la clause de compétence générale, alors qu’elle avait été rétablie par la loi MAPTAM de 2014. Cette suppression pose une question de fond touchant à la nature même de notre démocratie locale. Il est en effet significatif que la compétence générale ait été accordée aux communes dès la loi municipale fondatrice de 1884, et qu’elle ait été accordée aux départements et régions par la loi, elle aussi fondatrice, de 1982. La première conséquence de ce projet de loi est bien de détricoter ces deux grandes lois de la République.

Pour reprendre l’analyse du sénateur Pierre-Yves Collombat, c’est la preuve que la réforme proposée n’a « rien à voir avec le processus de décentralisation mais tout avec l’idéologie managériale qui assimile les collectivités à des sortes d’entreprises pourvoyeuses de services et refuse de voir en elles des entités politiques, des centres de décisions collectives et des lieux de participation civique. Pour cette idéologie, la régression démocratique est au contraire un gage d’efficacité gestionnaire. »

Les mots sont durs, mais tellement justes s’agissant d’une réforme qui s’inscrit dans la lignée de celle de 2010 et programme la disparition des collectivités territoriales de proximité. En effet, ce projet de loi poursuit la concentration des pouvoirs locaux aux niveaux régional et intercommunal, réduit les compétences des départements et les place de fait sous la tutelle des régions dans un grand nombre de domaines.

Se dessine ainsi, progressivement, une République quasi fédérale intégrée à une Europe supranationale, avec un État recentré sur ses seules missions régaliennes, avec des départements écartelés entre les métropoles et les régions, et avec des communes qui s’effacent au profit des intercommunalités, transformées peu à peu en collectivités de plein exercice et dont l’élection au suffrage universel direct serait, hélas, le couronnement. Que restera-t-il alors des départements et des communes, dont la libre administration est garantie par la Constitution ? Des coquilles vides, sans pouvoirs ni moyens financiers.

Enfin, nous sommes particulièrement inquiets des conséquences de la réforme sur l’organisation et les conditions de travail des fonctionnaires et agents publics territoriaux, car la mobilité et la flexibilité à grande échelle des personnels territoriaux se trouvent ici confortées, en dehors de tout processus de négociation réel.

Pour conclure, les dispositions de ce texte sont l’expression d’orientations profondément libérales visant à accroître sans cesse la concurrence entre les territoires et que, pour notre part, nous récusons totalement. Notre vision de l’avenir est celle d’une France disposant de milliers de foyers démocratiques, ancrée dans tous ses territoires et enracinée dans son histoire. Nous voulons une République au plus près des citoyens, en milieu rural comme en milieu urbain, pour développer les services publics locaux, améliorer les conditions de vie de chacun et favoriser le vivre ensemble.

Pour toutes ces raisons, et parce qu’ils ne se résigneront jamais à la mise à mal des libertés locales, les députés du Front de gauche voteront, une nouvelle fois, résolument contre ce projet de loi.

Mme Annie Genevard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous achevons l’examen du projet de loi NOTRe, qui constitue le troisième volet de la réforme territoriale, laquelle s’inscrit dans l’élan général de modernisation de notre République. Le premier volet correspondait à la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, le deuxième volet correspondait à la loi relative à la délimitation des régions, et le troisième porte donc sur la répartition des compétences entre chacune de ces collectivités. On pourra difficilement contester la logique du dispositif initié par le Gouvernement.

En première lecture, le projet de loi NOTRe a obtenu un nombre de voix suffisant pour être adopté par notre assemblée. En deuxième lecture au Sénat, trente-cinq articles ont été votés conformes, tandis que la suppression de douze articles a été confirmée.

Alain Rousset et Alain Calmette reviendront tout à l’heure sur le dispositif de ce projet de loi. Quant à moi, je souhaite simplement souligner mon questionnement et prolonger, d’une certaine manière, l’observation que j’ai faite lors de l’examen de la loi MAPTAM et de celle relative à la délimitation des régions.

J’ai senti que les élus éprouvaient une vraie difficulté à s’inscrire dans une démarche faisant fi des réalités propres à leur territoire, dans une démarche commune reposant sur une cohérence nationale. Il m’a semblé que beaucoup d’arguments échangés ne tenaient pas suffisamment compte du fait que nous avions la responsabilité de dessiner le modèle institutionnel, la répartition des compétences et la dynamique de l’action publique pour les décennies à venir. Je suis un peu déçu de constater qu’il nous est difficile de nous extraire suffisamment des réalités locales.

Vous comprendrez que je veuille évoquer quelques instants le dispositif relatif au Grand Paris. Certains propos que j’ai entendus, y compris dans la bouche de notre collègue Kosciusko-Morizet, qui a défendu tout à l’heure une motion de renvoi en commission – je regrette qu’elle ne soit pas là pour m’entendre –, relèvent quand même d’une belle supercherie ! Souvenons-nous que le dispositif que nous examinons aujourd’hui a été voulu et élaboré par une majorité d’élus de droite, qui ont remis en cause l’article 12 de la loi MAPTAM !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet article avait été adopté et validé par le Conseil constitutionnel. Si le Gouvernement n’avait pas décidé, en responsabilité, de revenir sur ces dispositions, elles auraient été mises en œuvre dans quelques mois !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Quel regret !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le dispositif a donc été revu, à la demande d’une majorité de collègues au sein de la mission de préfiguration, successivement présidée par Daniel Guiraud et Patrick Devedjian. Il ne faut pas oublier cette réalité ! Le Gouvernement a choisi d’engager un travail de concertation, et il doit en être remercié. J’espère qu’on ne le lui reprochera jamais et que ceux qui envisageaient, comme moi, une vraie grande métropole de Paris intégrée ne regretteront pas d’avoir accompagné le Gouvernement dans sa tentative d’engager une démarche la plus cohérente et consensuelle possible.

Qu’avons-nous fait dans le cadre de cette mission de préfiguration ? Nous avons fait remonter des contradictions, des conflits d’intérêts, et nous avons, d’une certaine manière, revu notre copie, non dans le sens souhaité par ceux qui portaient la métropole, mais pour satisfaire ceux qui n’en voulaient manifestement pas beaucoup. Madame la ministre, je me félicite que la date du 1er janvier 2016 soit maintenue. C’est une exigence ! Si j’ai bien compris, madame la ministre, c’est le départ, ou le départ d’un départ, ou même le départ d’un départ d’un départ ! (Sourires.) Cela, je le regrette.

Depuis seize ou dix-sept ans, nous portons cet enjeu métropolitain, parce que c’est la seule réponse que nous pourrons apporter aux fractures que connaît ce grand territoire francilien – fractures urbaines, fractures relatives à l’accès au logement, fractures relatives à la mobilité – et qui provoquent peu à peu une véritable ségrégation. Il s’agit aussi, bien entendu, de réparer les séquelles causées par des processus institutionnels hérités des décennies antérieures et qui ont empêché les élus de ce territoire de mettre en commun leur avenir. En matière d’intercommunalité, en effet, le territoire francilien a été le moins actif.

Nous allons bientôt examiner le texte article par article, amendement par amendement. Mais je le dis sincèrement : si nos échanges sont éloignés des préoccupations des habitants de nos territoires, la situation ne fera qu’empirer, à notre grand regret.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que dire de plus, au début de cette deuxième lecture, que la tristesse qui nous étreint devant tant d’occasions manquées, devant tant d’énergie gâchée, devant tant de déficiences de l’action gouvernementale, devant tant de mauvaises législations ? Tout le monde, dans cet hémicycle, a un goût amer dans la bouche, tant les députés de l’opposition que ceux de la majorité. L’un d’entre eux disait d’ailleurs, il y a quelques jours, qu’à tout prendre, il aurait mieux valu que le Gouvernement utilise l’article 49, alinéa 3 de la Constitution…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Voilà !

M. Hervé Gaymard. …pour faire passer ce pâté indigeste qu’est devenu le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Car le Gouvernement s’est ingénié à conjuguer toutes les erreurs.

Il y a d’abord la faute initiale : l’abrogation du conseiller territorial.

Mme Annie Genevard. Très juste !

M. Michel Piron. C’est vrai !

M. Hervé Gaymard. Dans une logique idéologique, il fallait supprimer tout ce que le gouvernement précédent avait fait. Cette réforme aurait dû entrer en application en mars 2014 : elle aurait enfin permis de mettre de la cohérence entre les échelons régional et départemental, réduisant au passage de moitié le nombre d’élus territoriaux que chacun sait trop nombreux.

Vous avez ensuite mis la charrue avant les bœufs. Vous procédez arbitrairement au redécoupage des régions avant de déterminer quelles seront leurs compétences. Vous nous soumettez ensuite un projet de loi sur la répartition des compétences, sans que nous n’ayons aucune information sur le soubassement financier et fiscal de leur transfert, ce qui est une première dans la législation des collectivités territoriales.

Vous avez enfin été totalement illogiques et erratiques. Illogiques, car la création de grandes régions suppose le maintien d’un échelon entre l’intercommunalité et ces nouveaux périmètres ayant souvent la taille d’États européens – ce ne peut être que le département. Erratiques car, sur la pérennité du département, dont le Premier ministre avait annoncé la suppression par un grand mouvement du menton, autant que sur la répartition des compétences, vous avez appliqué la célèbre maxime du Cardinal de Retz : « Tel est le sort de l’irrésolution : elle n’a jamais plus d’incertitude que dans la conclusion. »

Que dire, alors, du texte mal fagoté soumis à notre examen ? Nous prenons acte du maintien de l’échelon départemental. Nous nous étonnons toutefois de certaines incohérences, comme le maintien de la gestion des collèges parmi les compétences du département alors que les transports scolaires sont transférés à la région. Nous soupirons devant votre intérêt renouvelé pour la schématologie plus ou moins prescriptive – tous ces schémas dont les acronymes sont des aveux… Nous nous interrogeons sur votre propension à prévoir de multiples mécanismes de délégations entre collectivités sans que soient précisées leurs contreparties budgétaires et fiscales. Enfin, nous souhaiterions, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que cette deuxième lecture soit utile, c’est-à-dire qu’elle permette d’améliorer le texte sur un certain nombre de points.

S’agissant tout d’abord de la compétence économique, les régions doivent tenir compte de l’existant, car les territoires ne les ont pas attendues pour mettre en œuvre des outils souvent efficaces depuis trente ans.

Par ailleurs, l’intercommunalisation de la compétence « eau » doit être compatible avec les bassins hydrographiques, qui ne correspondent pas toujours au périmètre des intercommunalités.

M. Jacques Pélissard. Exactement !

Mme Annie Genevard. C’est du bon sens !

M. Hervé Gaymard. Les dérogations au seuil de l’intercommunalité en zones rurales et de montagne doivent être appréciées dans le cadre des commissions départementales de coopération intercommunale, et ne pas résulter de l’application d’une formule mathématique absconse que ne comprennent que les fonctionnaires qui l’ont élaborée – et encore !

Le transfert de la compétence « tourisme » aux intercommunalités doit être facultatif. Cette disposition est totalement inadaptée aux stations du littoral et de la montagne.

Permettez-moi au passage, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, de vous remercier pour votre amendement adopté en commission des lois qui règle la question des offices de tourisme pour les communes possédant plusieurs sites différents sur leur territoire. Il s’agissait d’une incongruité qui ne date d’ailleurs pas de la loi NOTRe, mais d’un texte voté sous une précédente majorité.

Je vous demanderai également du bon sens s’agissant de la question des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, créés seulement par la loi MAPTAM de 2014. Il serait extrêmement pénalisant que les communautés de communes adhérentes ne puissent y demeurer pour des raisons de seuil au-delà du 1er janvier 2017.

Pour conclure, et si j’en crois nos débats en commission des lois, vous n’avez, madame la ministre, pas renoncé à persuader les sénateurs. Vous pensez pouvoir aboutir en CMP, tel est également notre souhait. Nous souhaitons que dans cette dernière phase, chacun y mette du sien afin – en dépit de toutes les imperfections – d’aboutir à la meilleure loi possible au service de nos collectivités territoriales et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui l’examen en deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. L’idée directrice en était de donner davantage de pouvoir aux régions.

Force est de constater que cet objectif primordial d’avoir des régions fortes, légitimes et capables de promouvoir à la fois le développement économique et la justice territoriale, s’est étiolé au fil de l’examen des différents textes portant sur les compétences des collectivités locales. Le péché originel de ceux-ci est, à mon sens, que l’on est parti sur de mauvaises bases et que l’on a, finalement, commencé à l’envers.

De mauvaises bases, car nous avons commencé par les métropoles, alors que leur rôle est aujourd’hui remis en cause par de nombreux géographes aménageurs qui montrent que les calculs des « métropolistes » ont été biaisés.

Je ne crois pas au rôle d’entraînement et de dynamisation attribué aux métropoles. D’ailleurs, avaient-elles vraiment besoin de s’affirmer, elles qui concentrent déjà population, potentiel fiscal élevé et dont les dotations d’État par habitant sont les plus élevées ?

Non, les métropoles ne sont pas l’horizon indépassable du développement, bien au contraire. Une partie de leur valeur ajoutée provient des sièges sociaux et y est rapatriée artificiellement alors que la production, elle, a lieu dans les espaces ruraux dynamiques. Si cette dynamique s’épuise, c’est non seulement l’emploi en milieu rural qui est frappé, mais aussi la capacité des métropoles à capter cette plus-value.

Une telle vision n’est que le recyclage de la bonne vieille tradition centralisatrice du modèle pyramidal napoléonien adapté à l’aménagement du territoire ; d’une théorie repeinte de la couleur de l’intérêt général qui n’est que l’intérêt particulier bien compris des grandes agglomérations. Je regrette que par ces lois nous tournions le dos au modèle allemand, redistributeur, irriguant l’ensemble du territoire, en somme, fédéral et fédérant.

Mais revenons au texte qui nous occupe. Il vise à clarifier les compétences ainsi que la délégation de certaines compétences aux régions. Les réserves demeurent cependant nombreuses quant à cette clarification.

Plusieurs compétences sont transférées des départements aux régions, comme la gestion des transports non urbains, des aérodromes ou encore des ports. On peut se demander pourquoi tous les transports ne sont pas concernés puisque la région est en charge du ferroviaire et du transport intermodal. Les routes auraient pu faire partie du « paquet » transféré, mais cela aurait supposé de faire migrer certains impôts, puisqu’il aurait bien fallu assumer le coût de leur prise en charge. C’eût été une difficulté supplémentaire.

Pour ce qui est de la compétence des régions dans le domaine éducatif et de la formation, le projet prévoit désormais la mise en place de schémas régionaux de l’enseignement supérieur. Le Gouvernement lui-même a d’ailleurs fait adopter un amendement laissant aux régions un rôle dans la fixation des districts scolaires. On peut toutefois regretter – et cela a été rappelé – le recul concernant les collèges. Une complémentarité de gestion avec les lycées aurait pu être utile, surtout dans les cités scolaires.

Je note néanmoins une avancée substantielle obtenue par notre rapporteur, en lien avec le groupe socialiste, concernant les frais de scolarité entre communes dans le cas de classes bilingues français-langue régionale, sujet qui empoisonnait les rapports entre communes depuis dix ans. Cette modification permettra de débloquer de nombreuses situations sur le plan local.

Pour ce qui est du service public de l’emploi, la région sera l’autorité de coordination de ses différents acteurs sur son territoire. On regrettera que sa compétence ne soit pas élargie au-delà de la simple coordination et que Pôle Emploi ne soit toujours pas inclus dans son champ de compétences.

Cependant, nous sommes parfois obligés de ne pas choisir et la rationalisation devient complexe. L’exemple du tourisme en est l’illustration. Sa compétence se voit en effet partagée entre la région et le département qui élaboreront conjointement un schéma de développement touristique.

Le renforcement de la démocratie locale constituait l’un de nos objectifs au début de l’examen de ce texte. En effet, le pouvoir croissant des collectivités locales, en particulier des intercommunalités, ne doit pas faire perdre de vue l’exigence démocratique. Il nous faut adapter et élargir notre pratique de la démocratie. De manière générale, nous avons obtenu des avancées plutôt satisfaisantes sur cette question.

Ainsi, notre amendement contribuant à une meilleure reconnaissance des groupes d’opposition ou minoritaires au sein des conseils régionaux a-t-il été adopté, de même que celui renforçant les prérogatives des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux – les CESER. Nous sommes aussi satisfaits de l’adoption de notre amendement relatif à l’open data dans les collectivités locales, de nature à y renforcer la transparence, et, plus largement, de l’adoption d’amendements sur les pouvoirs des conseillers municipaux et la transparence dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants.

Nous regrettons tout de même que cette exigence de démocratie n’ait pas été poussée jusqu’au bout avec l’adoption du suffrage universel direct, ou tout au moins d’une part de suffrage universel direct pour les intercommunalités. Certes, le problème est complexe notamment au regard de notre Constitution, mais cela nous semblait être un point important, d’autant qu’un grand nombre de projets d’investissements sont aujourd’hui conduits au niveau des intercommunalités.

S’agissant des politiques d’environnement et de développement durable, que nous tenions à soutenir dans ce texte, des avancées encourageantes sont perceptibles. Le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire – SRADDT – est un élément important pour l’articulation de ces politiques. Il s’agira d’un schéma prescriptif comprenant le schéma régional climat-air-énergie – SRCAE –, un schéma de l’intermodalité, le schéma régional de cohérence écologique et le plan régional de prévention et de gestion des déchets, prescriptif à l’égard des documents d’urbanisme élaborés par les communes ou les EPCI.

M. Michel Piron. N’en jetez plus !

M. Paul Molac. Nous nous félicitons également que l’objectif de préservation de la biodiversité ait été rajouté au SRADDT en commission et que notre amendement visant à donner aux régions la compétence « action contre les eaux polluées » y ait été rétabli.

À première vue donc, ce projet de loi renforce le poids des régions et clarifie le partage des compétences entre les différentes collectivités territoriales. Cependant, on peut regretter qu’il n’aille pas assez loin dans le pouvoir accordé aux régions et que certains de ses aspects pratiques entrent en contradiction avec la ligne directrice originelle.

Comme l’avait déjà souligné François de Rugy lors de la première lecture, ce n’est pas un projet de décentralisation. Le pouvoir d’adaptation réglementaire par exemple, qui semblait être une avancée notable pour nos régions, s’avère de plus en plus illusoire au fur et à mesure de la navette parlementaire. En effet, l’accord nécessaire du pouvoir législatif et réglementaire pour user de ce pouvoir d’adaptation atténue déjà la puissance d’agir des régions.

Outre cette difficulté, l’obligation de réponse à laquelle était soumis le Gouvernement a disparu du texte. Ainsi, le cas de la Corse, qui a vu ses quarante-huit demandes d’adaptation locale se solder par deux refus réels et quarante-six absences de réponse de la part du Gouvernement, ne restera pas, je le crains, un cas isolé.

Pour éviter ce genre de situation, l’obligation de réponse est indispensable. Pourtant, le Sénat l’a, à notre grand regret, supprimée. Globalement, je déplore que la procédure permettant une possibilité d’adaptation réglementaire soit remise en cause. Je considère, pour ma part, que ces possibilités devraient être intégrées directement dans les lois, la Constitution ne s’y opposant pas. Malheureusement, ce n’est pas encore avec ce texte que l’on y parviendra.

L’avancée la plus notable de ce texte me paraît donc être l’affirmation de la région dans le domaine économique avec la création du schéma régional de développement économique. Les régions ont pu obtenir compétence exclusive pour la totalité des interventions économiques. Ainsi, au lieu de se limiter à l’aide directe aux entreprises, elles interviendront en direction des agences de développement et des clusters. C’est un signal très positif qui leur est là adressé.

En revanche, on ne peut que s’inquiéter du pouvoir désormais accordé aux métropoles de s’exonérer des schémas régionaux. Celles-ci peuvent en effet refuser ces schémas et proposer les leurs. Il convient à mon sens d’aller au-delà de la simple « prise en compte » prévue par le projet de loi pour se rapprocher d’une recherche de « compatibilité » entre le schéma proposé par une métropole et celui de la région.

M. Michel Piron. Mais oui !

M. Paul Molac. De même, le pouvoir des préfets en matière d’approbation des schémas ne doit pas être trop large, au risque que des divergences politiques entre une région et un gouvernement puissent bloquer tout le processus.

Le pouvoir accordé aux régions dans ce texte ne peut être effectif s’il devient dépendant d’une autre strate du millefeuille territorial, en l’espèce des métropoles. Le pouvoir accordé aux métropoles constitue à mes yeux le problème majeur, et je crains que la cote n’ait été mal taillée.

Je ne vois pas comment le schéma économique d’une métropole et celui d’une région pourraient diverger. Cette situation pour le moins incongrue aboutirait à une guerre de clochers qui se solderait par moins de pouvoir économique et moins d’emplois, pénalisant ainsi les citoyens. Il convient donc de réfléchir à une meilleure articulation.

Pour conclure, je dirais qu’il est regrettable que ce texte, qui prévoyait de donner davantage de pouvoir aux régions et les faire passer à la maturité, ait finalement perdu de sa force. En effet, les régions restent dépendantes, à la fois du pouvoir central pour les politiques d’adaptation réglementaire et en partie des métropoles pour ce qui est du schéma économique.

S’il va timidement dans le bon sens, j’ai bien peur que ce texte ne permette pas d’avancer suffisamment vers la véritable régionalisation que nous appelons de nos vœux, et qu’il faille continuer à légiférer dans les prochaines années alors que nous avions ici une occasion d’avancer pour de bon.

M. Michel Piron. Il y avait des choses intéressantes dans cette intervention.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, quelques mots dans les cinq brèves minutes qui me sont imparties. Force est de reconnaître que la situation est paradoxale. On peut difficilement accuser le Gouvernement de ne pas aller suffisamment loin lorsque notre assemblée elle-même tient des discours contradictoires.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Très juste !

M. Alain Rousset. Certes, il y a d’un côté la gauche et, de l’autre, la droite. Mais je me demande si le clivage ne se situe pas davantage entre centralisateurs et décentralisateurs.

M. Michel Piron. Tout à fait.

M. Alain Rousset. Après les débats qui ont eu lieu en première lecture, qu’il s’agisse du tourisme, de la gestion des espaces naturels sensibles, du développement économique ou des schémas régionaux, on se dit que nous aussi devrions avoir une ligne claire. Le Gouvernement propose, le Parlement décide.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Très bien !

M. Alain Rousset. Permettez-moi de vous livrer quelques réflexions. D’abord, il est évident que les contraintes budgétaires nous conduiront immanquablement, les uns et les autres, à nous recentrer sur le cœur de nos métiers.

Mme Annie Genevard. Ça, c’est juste.

M. Alain Rousset. Nous ne pouvons plus tout faire, quelle que soit l’idée que nous ayons de la qualité et de l’efficience, et cela vaut aussi pour le Gouvernement et l’État.

Ensuite, compte tenu du niveau très élevé de l’abstention, la démocratie exige que l’on explique au citoyen qui fait quoi, y compris pour ce qui a trait aux schémas régionaux. Je ne comprends pas le discours de certains de nos collègues à cet égard. Les schémas régionaux, nécessaires pour assurer la coordination des politiques, sont parfaitement démocratiques, quelle que soit la sensibilité politique de ceux qui sont à la tête des régions.

Le schéma régional d’internationalisation des entreprises a constitué un progrès considérable que l’on doit à notre collègue Frédéric Lefebvre lorsqu’il était secrétaire d’État, dont l’initiative a été poursuivie par Nicole Bricq et, aujourd’hui, par Matthias Fekl.

Enfin, l’expérience européenne montre que le fait régional est essentiel pour la réindustrialisation et l’inversion des courbes du chômage. On peut certes prétendre que tout le monde peut tout faire, y compris en matière de développement économique, mais il faut aussi qu’il y ait une structure d’ingénierie compétente et que les entreprises ne soient pas des nomades – comme, du reste, les chômeurs – entre les différentes strates, y compris celles de l’État.

Les régions, quant à elles, ne cherchent pas à avoir toutes les compétences, mais leur cœur de métier, qui va de la formation au développement économique, en passant par la recherche, leur donne des obligations. Il en donne également à notre assemblée, au vu des expériences européennes dont on voit la réussite – au Danemark, elles ont même permis de réduire les risques de mortalité et le coût des dépenses de santé. Pourquoi en irait-il autrement en France ? Ne serions-nous pas capables, à l’échelle des régions, de penser une telle organisation ?

Ce texte, s’il ne satisfait pas pleinement mes attentes, réalise au moins certaines avancées. Reconnaître le rôle des régions en matière d’aide directe aux entreprises est essentiel – pour Bruxelles, mais aussi pour nos entreprises.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un travail considérable, je dis bien considérable, de simplification de l’organisation de l’État reste cependant à faire. Des centaines de millions d’euros sont destinés à des appels à projets, tandis que les régions consacrent 700 millions d’euros à l’accompagnement ciblé des PME qui bougent. De fait, les PME souffrent aujourd’hui d’un manque d’accompagnement – toutes choses égales par ailleurs, en effet, une PME allemande est cinq fois plus accompagnée qu’une PME française. Comment redresser l’industrie, qui s’appuie sur les PME, les ETI et les start-ups, sans que ces moyens soient conférés aux régions ?

M. Paul Molac. Très juste !

M. Alain Rousset. Madame la ministre, devant le Congrès des régions de France, vous avez fait à cet égard un pas qui a été particulièrement apprécié.

Il en va de même pour la formation et pour le service public de l’emploi. Dans une région comme la Bretagne ou dans ma propre région, on dénombre dans ce domaine jusqu’à 170 organismes. Comment un chômeur ou une entreprise peuvent-ils s’y retrouver ?

Le numérique est actuellement en train de bouleverser tous les services publics de l’emploi. Si nous n’y prenons pas garde, comme l’a dit tout à l’heure l’un de nos collègues, dans un an, le service public de l’emploi sera « uberisé ».

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.

M. Alain Rousset. Je termine d’un mot.

Le rôle de mise en cohérence des CTAP, envers lesquelles j’ai longtemps eu des réticences, me semble être, je le reconnais, une nouvelle marque de confiance du Gouvernement à l’égard des régions. Il faut cependant, madame la ministre, qu’il s’exerce sous la présidence des régions, avec une forme d’autorité réglementaire sur les schémas et sur les décisions prises dans l’ensemble du dispositif, faute de quoi nous n’aurons pas atteint l’objectif que vous vous fixez.

M. Paul Molac et M. Michel Piron. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le dispositif des métropoles présente une contradiction qui, me semble-t-il, n’a pas été véritablement perçue jusqu’à présent. Actuellement, en effet, se déroulent deux processus parallèles. Le premier est l’augmentation du nombre de métropoles, qui devrait atteindre onze en France métropolitaine. Le deuxième est celui de la réorganisation des régions et de leur regroupement, par fusion de certaines d’entre elles, pour atteindre le nombre de treize. Nous aurons donc onze métropoles pour treize régions.

Par conséquent – et c’est là que me semble résider la contradiction – deux régions de l’Hexagone seront privées de la possibilité de bénéficier d’une ville-métropole : les régions Centre-Val-de-Loire et Bourgogne-Franche-Comté. Ce dispositif crée donc une disparité de traitement entre les régions et leurs futures capitales régionales.

À ce stade, je comprends que l’on ne puisse lever entièrement cette contradiction, car toutes les capitales de région ne sont pas encore identifiées. Il convient donc préalablement qu’elles le soient – non pas pour les régions conservant leur périmètre actuel, dont les capitales n’auront pas lieu de changer, comme Orléans dans la région Centre-Val-de-Loire, mais pour celles où une fusion pose ce problème, comme ce sera peut-être le cas pour la région Bourgogne-Franche-Comté.

On peut donc admettre qu’il faille attendre la définition des villes sièges de région pour traiter de la contradiction initiale mais, lorsque les capitales de région seront officiellement connues, la contradiction apparaîtra pleinement. De fait, nous n’en sommes encore qu’à la discussion, à la théorie, mais sa concrétisation fera apparaître la disparité de traitement pour deux régions de la France métropolitaine.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je ne reviens pas, à ce stade, sur le fait qu’il me semblerait logique de pouvoir, à la faveur de la deuxième lecture de la loi NOTRe, étendre le statut de métropole, mais je souhaiterais connaître vos intentions pour la suite, lorsque les capitales de région seront définies, à court ou moyen terme. Comment pourriez-vous envisager de remédier à cette contradiction bien réelle qui prive, je le répète, deux régions de la possibilité d’avoir une ville métropole ?

En outre, par malchance, ce que j’appelle le « Grand Centre » français – qui se compose des deux régions que j’ai citées et de leur Sud – se caractérise par un grand désert métropolitain. En effet, la carte de France fait apparaître que les métropoles sont plutôt disposées sur le pourtour du territoire français : il y aura donc un grand vide, évidemment préjudiciable – comme je ne doute pas que chacun en convienne – à un développement harmonieux de nos territoires et, tout simplement, à l’équité de traitement entre les collectivités, qu’il s’agisse des villes ou des régions.

Je souhaiterais donc que vous nous éclairiez. En vingt ans, en effet, nous avons déjà travaillé à vingt reprises sur cette question du statut de nos collectivités et de l’aménagement du territoire. Après vingt textes de loi en vingt ans, ne pourrait-on voir l’an prochain, pour la vingt et unième année, un vingt et unième texte qui mettrait fin à la contradiction que je viens d’exposer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je concentrerai mon intervention sur le débat relatif aux ruralités, eu égard aux réactions parfois vives des maires ruraux, mais aussi à l’inquiétude souvent légitime des habitants de ces territoires où le sentiment d’abandon, voire de relégation, est réel. Je le ferai en tant qu’élu directement concerné par ces sujets, car issu d’un département rural entièrement situé en zone de montagne.

En premier lieu, je rappelle que ce ressenti d’une France rurale déclassée ne date pas de ces derniers mois, ni même de 2012 : il est la conséquence de la métropolisation de notre pays, qui concentre dans et autour de ses pôles métropolitains l’essentiel des richesses, des capacités de production et de l’emploi.

C’est de ce constat que le Gouvernement a pris, je crois, pleine conscience en organisant, voilà trois mois, un comité interministériel aux ruralités. Il reste à mettre en œuvre les mesures annoncées – c’est, bien sûr, la condition de la crédibilité gouvernementale en la matière.

En deuxième lieu, si, comme le disent ceux qui agitent peurs et angoisses à propos de la loi NOTRe, l’organisation territoriale de la République constitue la clef essentielle du développement rural, on ne peut pas dire que l’organisation actuelle soit performante en la matière.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

M. Alain Calmette. La clause de compétence générale des régions et des départements n’a pas permis d’échapper au sentiment d’abandon que j’évoquais. Si les 36 000 communes, les 100 départements et les 22 régions, dans leur organisation actuelle, avaient sauvé la ruralité, cela se saurait. Il faut donc agir.

En troisième lieu, j’ai la conviction que le renforcement de l’intercommunalité est une chance pour la ruralité, et non pas sa perte, comme je l’entends dire.

Mme Annie Genevard. Encore faut-il qu’elle soit choisie !

M. Alain Calmette. Dire qu’il s’agit d’une loi « ruralicide », comme se plaît à le crier la droite, n’est ni raisonnable, ni responsable. Cette droite surfe ainsi sur les réticences au changement. (« Ce n’est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Elle défend, au mieux, un statu quo et, au pire, une nostalgie de la ruralité du siècle dernier, dont elle sait pourtant qu’on ne la retrouvera jamais.

L’intercommunalité, c’est l’avenir de la commune, et non pas sa tombe. Quels investissements peut-on faire dans une commune de moins de 200 habitants, voire de moins de 100, et même parfois de moins de 30, comme il en existe dans mon département ? Quels services efficaces peut-on rendre à la population ? Quelle perspective de destin peut-on entretenir ?

Il ne s’agit pas de supprimer les petites communes rurales, mais de leur donner des perspectives et du sens. Le seuil minimum de 20 000 habitants semble, à cet égard, être le bon, même si on peut toujours le discuter. Assorti de dérogations qui permettent de le réduire à 5 000 habitants, il est de nature à modifier sensiblement le paysage de l’intercommunalité, de lui permettre de mieux épouser les bassins de vie et de renforcer, en qualité et en efficacité, les services rendus à la population.

Ces intercommunalités plus grandes, avec des compétences approfondies, deviendront des interlocuteurs crédibles des régions, qui doivent avoir un rôle éminent en matière d’équilibre des territoires – j’insiste sur ce point.

Ces intercommunalités renforcées auront besoin d’une politique d’aménagement du territoire infrarégionale forte et ambitieuse de la part de la région. Cette attention portée aux intercommunalités rurales les plus fragiles doit être renforcée dans la loi à travers le SRADDET, si l’on veut que ce nouvel acronyme corresponde à une réalité.

Je conclurai en soulignant que cette majorité met progressivement en place des outils institutionnels d’organisation des territoires ruraux qui se complètent dans leur cohérence. Les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux – les PETR –, créés par la loi MAPTAM de janvier 2014, permettent de donner un horizon à moyen terme pour une intercommunalité aboutie, souvent organisée autour des SCOT, échelle pertinente pour des projets de territoire intégrés et partagés.

Nous avons également voté la loi sur les communes nouvelles, qui semble donner un élan considérable aux fusions de communes qui participent de ce même mouvement de coopération et de mutualisation.

Loi NOTRe, PETR, communes nouvelles : voilà les outils dont nous, élus ruraux, devons nous saisir pour envisager l’adaptation de nos territoires au monde d’aujourd’hui. Je l’ai dit, ce ne sont ni le statu quo, ni la nostalgie, qui sauveront la ruralité.

Les ruralités ont besoin d’une aide spécifique de l’État pour leur redonner espoir et, surtout, pour retrouver le sentiment que l’équité des territoires et l’égalité républicaine pour tous les habitants de ce pays, où qu’ils résident, sont une réalité. Mais les ruralités doivent aussi se prendre en main et ne pas avoir peur de l’avenir, ni du changement. La loi NOTRe contribue à le leur permettre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Bravo ! Courage !

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui devait et pouvait changer radicalement la façon dont fonctionne notre pays. Or, avant que ne s’engage cette discussion finale, il n’en prend pas le chemin.

En effet, alors que de grandes ambitions avaient été exprimées, à cette tribune même, par le Premier ministre Manuel Valls, le texte présenté était très en retrait et, en définitive, la discussion en première lecture a tout simplement confirmé ces craintes. J’en prendrai un exemple : celui des régions et de leur première compétence – l’économie, l’emploi et le travail.

La première compétente en matière d’économie, c’est la région ; la première compétence de la région, c’est l’économie : les choses sont plutôt claires. Pourquoi, dans ces conditions, avoir fait ce choix sans aller jusqu’au bout de la logique ? Pourquoi ne pas donner aux nouveaux conseils régionaux la possibilité d’expérimenter ? Nous avons déjà eu cette discussion en première lecture.

La majorité qui s’est dessinée sur les différents bancs, parmi ceux qui croient au fait régional, n’était pas partisane. Dans un cadre républicain, dans un cadre national, la possibilité de mener cette expérimentation existe, prévue par la loi constitutionnelle de 2003, pour plus d’efficacité, pour obtenir des résultats, pour ne pas s’enfermer dans un carcan administratif insupportable, et qui l’est davantage encore sur le terrain : voilà l’erreur qui nous empêche d’obtenir des résultats suffisants en matière économique.

Je crois bien sûr à la macroéconomie au niveau international, européen et national, mais nous savons aujourd’hui que les plus forts leviers se trouvent aujourd’hui sur le terrain.

Je déposerai un autre amendement – j’ai bien entendu le propos d’Alain Rousset tout à l’heure – touchant à la question de l’emploi. Si vous voulez être efficace en matière d’emploi, les décisions ne peuvent pas être prises seulement à Paris ou dans les seules capitales régionales, que la région ait été fusionnée ou non : elles doivent l’être sur le terrain, bassin d’emploi par bassin d’emploi.

C’est de cette façon qu’entre 2010 et 2012, nous avons réussi à éviter l’explosion du chômage, comme cela s’est produit dans d’autres pays, tout simplement parce que nous avions réussi, bassin d’emploi par bassin d’emploi, à rapprocher les offres et les demandes. Ajoutez à cela le pouvoir d’intervention de la région sur les formations, vous aurez ainsi la possibilité, en période de crise, de freiner les mauvais résultats et surtout, en sortie de crise, de reprendre, plus rapidement et plus facilement, le chemin de la prospérité économique.

Voilà ce dont nous avons besoin, pas seulement dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, qui connaît les chiffres du chômage les plus terribles, mais dans toute la France.

Cette expérimentation exige, pour éviter l’« uberisation » dont parlait tout à l’heure Alain Rousset, d’accéder aux bases de données de Pôle Emploi : dans ces conditions, un conseil régional qui en aurait vraiment les moyens pourrait, bassin d’emploi par bassin d’emploi, rapprocher les offres, les demandes et les formations et être tout simplement – je le revendique – efficace. Voilà ce qu’on nous demande aujourd’hui : de l’efficacité et des résultats.

Les propositions que je suis en train de faire ne me semblent pas idéologiques : je pense au contraire qu’elles permettent, à partir du terrain, de bien voir ce dont nous avons besoin aujourd’hui sur le territoire. Dans le domaine de l’économie et de l’emploi, cet amendement ainsi que l’amendement sur l’expérimentation nous donneraient les moyens d’être jugés non plus sur nos déclarations, mais sur nos résultats.

Je souhaite aborder enfin la question de l’organisation des services publics. Un an après le vote du premier texte relatif à la délimitation des régions et procédant à certaines fusions de régions, nous n’y voyons toujours pas clair sur l’organisation de l’État.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si !

M. Xavier Bertrand. Non ! J’étais à Amiens avec Bernard Cazeneuve, qui a tenu des propos francs et directs avant de remettre au travail un certain nombre d’administrations régionales. Si vous me dites l’inverse, il faudra alors m’expliquer pourquoi les courriers que j’ai adressés à M. le Premier ministre sont restés pour l’instant sans réponse ! Nous savons bien que vous avancez au fur et à mesure, sans avoir de vision claire.

Faut-il déconcentrer ? Évidemment ! Cette nouvelle étape de la décentralisation ne peut pas s’envisager sans une déconcentration très forte. Il faut aller bien au-delà de ce qui était prévu, ou alors jouer cartes sur table et nous dire quelles sont exactement vos prévisions et vos propositions.

Vous ne pouvez pas casser les reins des capitales régionales d’hier sans leur donner de véritables perspectives en termes de centre de décision, de transfert d’administrations déconcentrées et de maintien de l’emploi public. Nous savons bien que l’enjeu sera avant tout celui de l’emploi privé – je l’ai dit en introduction –, mais vous ne pouvez pas rester sans donner des indications très claires sur ce que sera l’avenir des capitales régionales d’hier et aussi des chefs-lieux de canton.

Nous avons reçu le message des élections départementales, porté non seulement par la ruralité mais aussi par nombre de territoires qui veulent en finir avec le déclin et surtout ne pas s’y enfoncer davantage du fait de décisions gouvernementales. J’aurai l’occasion d’intervenir sur ces différents sujets, mais je vous demande instamment de vous placer dans une logique pragmatique afin d’obtenir un maximum de résultats pour nos concitoyens et pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je constate que les positions se rejoignent. Je ne disais pas « non », monsieur Bertrand, mais « oui » pour ce qui est de l’organisation de l’État et de la déconcentration. Il reste un certain nombre de décisions à prendre : nous ne sommes pas au bout du chemin, loin de là ! J’étais moi-même à Amiens récemment : des décisions sont effectivement attendues, qui seront prises pour le mois de juillet.

Mais les bonnes questions sont posées : elles rejoignent d’ailleurs celles d’Alain Rousset, avec qui j’en ai en parlé vendredi dernier, lors du congrès de l’Association des régions de France. Ainsi, on ne peut plus décrire les missions des DIRRECTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, comme auparavant, dès lors que la compétence économique est attribuée aux régions. L’État devra donc retrouver la culture du contrôle : je me suis rendue hier dans une région où les élus se plaignaient de l’absence de contrôles de l’État pourtant nécessaires à certaines activités économiques. Vous avez donc raison : ce travail n’est pas terminé.

J’ajoute que, compte tenu de ce qui est proposé dans ce projet de loi – s’il est voté, car ce n’est encore qu’un projet –, nous avons aussi à nous interroger sur la présence de l’État dans les départements. Le sentiment d’abandon, dont on parle souvent, s’est manifesté à la fin des missions ATESAT – assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire –, en raison du nombre de fonctionnaires à l’appui desquels les collectivités ont dû renoncer. En bref, beaucoup de ces questions sont justes.

Concernant l’expérimentation, nous faisons face à une grande difficulté : si une région réussit une expérimentation, la Constitution, telle qu’elle est rédigée, nous oblige à en étendre le résultat, s’il est positif, à l’ensemble des régions de France. Telle est, depuis le début, notre difficulté. Si nous avons à la fois créé la CTAP et mis en place la délégation de compétences, c’est pour répondre à cette difficulté : oui, une région peut se voir déléguer une compétence par l’État sans que les autres régions, si cette délégation réussit, ne soient obligées de prendre cette compétence.

C’est toute la différence entre la délégation de compétences et l’expérimentation : ainsi, même si nous n’avions pas les moyens de réviser la Constitution, nous répondons positivement à votre interrogation. La délégation de compétences est possible ; à ce jour, une seule est officiellement déposée, une deuxième étant en cours de réécriture avec les régions, avec la prudence qui s’impose dans cette période concernant l’emploi – sur ce point, nous pourrons donner des réponses intéressantes. Ainsi, les questions posées sur les régions sont les bonnes questions ; nous devrons avancer sur ce point.

Je salue également M. Calmette pour son courage concernant les communes rurales. En effet, la situation actuelle n’est pas imputable à la loi NOTRe, celle-ci n’étant pas encore votée. Je constate avec vous d’extrêmes inégalités entre nos collectivités, tant en milieu rural qu’en milieu urbain.

Notre grand défi aujourd’hui tient à la profonde inégalité entre les territoires. Notre objectif, avec André Vallini, à l’issue du vote de ce projet de loi, est d’apporter des corrections aux dotations de l’État existant aujourd’hui, qui génèrent de nouvelles inégalités au lieu de les réduire. Une vraie question se pose ainsi : le rapport de la mission parlementaire montre que, à population égale et à catégories socio-professionnelles égales, les dotations de l’État vont de un à sept ! Nous avons donc un vrai défi à relever : il ne faut pas attendre, attendre et attendre encore – nous devons bien cela aux collectivités !

J’irai vite, monsieur Grouard, sur le débat sur les 400 000 ou 500 000 habitants dans les bassins d’emploi et les métropoles, débat que nous n’allons pas rouvrir ici. Vous savez très bien que notre idée initiale était « un peu moins de métropoles ». Pour tout un tas de raisons, d’ailleurs bonnes, nous en avons finalement augmenté le nombre. Désormais, nous devons trouver un équilibre région-métropole.

En outre, nous devons arrêter de laisser croire – je l’ai dit à Amiens récemment – que le nom institutionnel d’un lieu, tel que « capitale », fait sa force. Quand on s’installe à Amiens, on ne s’installe pas dans la « capitale régionale » : on va « à Amiens » ! On crée son entreprise « à Amiens », on fait ses études « à Amiens » ! On ne va pas faire ses études à Amiens parce qu’elle est capitale régionale. Nous devons faire attention à ne pas créer d’inégalités potentielles avec les noms de nos institutions – attention à ce que nous faisons réellement ! Nous parlons bien de l’organisation territoriale de la République et non de la création de strates qui seraient supérieures, ou supérieurement intéressantes pour les populations.

Je répondrai vite également à l’intervention de M. Molac, qui n’a en rien changé : c’est un régionaliste convaincu, et nous apprécions la façon dont il défend sa position.

M. Gaymard, qui n’est plus parmi nous, parlait de perte de temps et d’énergie : comme Alain Calmette et d’autres l’ont dit, si des accords avaient pu être obtenus avec les associations d’élus et si nos débats n’avaient pas été aussi complexes, nous aurions fini depuis longtemps ! Le Parlement a voulu que cela soit plus long, plus complexe et plus difficile, même si nous devons beaucoup au rapporteur, qui a proposé des solutions pour tenter d’avancer avec la Haute assemblée. Ce n’est pas nous qui sommes responsables de cette « perte de temps » !

Je remercie M. Le Bouillonnec pour ses propos sur la métropole du Grand Paris. Nous aurions pu nous arrêter là, c’était voté ; mais nous avons fait droit à une revendication majoritaire des élus – nous n’avons peut-être pas eu raison, mais nous l’avons fait. Or, quand on entend les commentaires que cela a ensuite suscités, on se dit qu’au fond, on aurait pu s’en tenir à l’article 12 et ne pas le modifier ! Rouvrir la discussion à la demande des élus n’est peut-être pas toujours une bonne idée ! Quoi qu’il en soit, nous l’avons fait à la demande des élus : il serait de bon ton qu’ils reconnaissent que c’est à leur demande que nous avons rouvert l’article 12 ; cela me semble important.

Monsieur Dolez, j’ai reçu les maires ruraux avec André Vallini – ils étaient 117 – et nous avons eu une bonne discussion avec eux. L’une des revendications fortes que nous avons entendues portait sur la fin des communes nouvelles. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les communes nouvelles sont une initiative, non pas du projet de loi NOTRe, mais de membres de l’Association des maires de France. Il faudrait donc que les maires ruraux de l’Association des maires de France et l’Association des maires ruraux de France se mettent quelque peu d’accord sur ces objectifs : ils sont en effet aujourd’hui partagés.

Leur deuxième revendication porte sur l’absence d’intercommunalité imposée ; nous verrons que nombre d’adaptations ont été proposées pour les communes rurales. Je pense que leur sentiment d’abandon tient à la fermeture des services publics – ce en quoi ils ont raison –, d’où l’intérêt pour nous de revenir à une rationalisation des services de l’État au niveau des régions, avec des services de l’État plus proches des communautés de communes rurales. Celles-ci ont en effet un défaut majeur, qu’elles reconnaissent et qu’elles ne pourront jamais surmonter : elles ne disposent pas de l’ingénierie suffisante pour porter les projets. Là réside leur plus grande difficulté.

Mme Dubié a évoqué plus spécifiquement les territoires de montagne, souhaitant que les comités de massif soient consultés : je pense qu’on pourra trouver un accord au cours de la discussion et avancer sur ce point. Alain Rousset en est d’ores et déjà d’accord ; je constate que chacun opine : nous allons donc parvenir à une avancée. Monsieur le rapporteur, vous qui me proposiez d’être positive, vous serez apparemment suivi par vos collègues !

M. Piron, qui est parti, aurait voulu pouvoir nous suivre ; mais, franchement, c’est nous qui aurions voulu pouvoir le suivre car son propos correspondait au premier texte de loi, dont peu de parlementaires à l’époque voulaient voir discutés les tenants et les aboutissants. Jean-Pierre Raffarin a dit récemment au Sénat qu’un texte de loi entré régionaliste au Parlement en sortait toujours départementaliste : est-ce une fatalité ? Selon lui, en 2004, ce n’était pas une fatalité : c’est parce que les socialistes avaient gagné les élections ! Il l’a dit au banc du Gouvernement ; c’est une parole publique. J’espère que l’on tirera les leçons de tout cela ! Je vous remercie pour cette discussion générale.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly