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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 29 octobre 2015

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de finances pour 2016

Seconde partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 (nos 3096, 3110).

Immigration, asile et intégration

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’immigration, à l’asile et à l’intégration (n3110, annexe 30, n3113, tome VII, n3117, tomes IV et V).

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances pour 2016 traduit le soutien exceptionnel du Gouvernement aux missions conduites par le ministère de l’intérieur, dans un contexte marqué par le redressement de nos finances publiques. Je tiens à souligner à quel point le ministère de l’intérieur, bien qu’étant un ministère prioritaire, participe à cet effort.

S’agissant de la mission « Immigration, asile, intégration », le budget qui vous est présenté manifeste la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre une réforme ambitieuse de l’asile, tout en préparant la France à la crise migratoire que rencontre l’Union Européenne.

Plus encore que l’an dernier, le projet de loi de finances pour 2016 traduit le caractère absolument impérieux des défis que nous avons à relever. C’est particulièrement le cas pour la mission dont il est question aujourd’hui.

Sur ce sujet, il est important de réarmer nos dispositifs et, en même temps, d’être extrêmement précis quant aux moyens supplémentaires que nous allouons.

Je commencerai donc par souligner l’effort particulièrement important qui est consenti en termes d’effectifs. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit ainsi la création d’effectifs significatifs tant pour l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, que pour l’Office Français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII.

En effet, pour tenir compte des décisions prises par le Conseil européen de septembre – au cours duquel la France s’est engagée à relocaliser 30 700 réfugiés – visant à relocaliser 160 000 personnes d’ici 2017, le Gouvernement vous propose un renfort supplémentaire pour ces deux opérateurs, ainsi que pour les préfectures et les services centraux de la direction générale des étrangers en France, renfort qui augmentera en 2016 les effectifs dédiés à cette mission de 220 agents.

Au total, en intégrant les effets de l’amendement qui est présenté par le Gouvernement, l’’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration – l’OFII – et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides – l’OFPRA – bénéficieront respectivement de 126 et de 100 personnels supplémentaires.

Il conviendra, par ailleurs, d’armer rapidement les hot spots qui seront mis en place en Italie et en Grèce pour permettre la relocalisation des réfugiés, dès que les modalités de fonctionnement de ces structures auront été parfaitement stabilisées.

La France entend en effet pleinement contribuer au fonctionnement de ces centres d’accueil et d’orientation des demandeurs d’asile, tant en Italie qu’en Grèce, par la mise à disposition de dix-huit personnes au total sur deux ans pour le Bureau européen d’appui à l’asile et de soixante pour Frontex.

Pour permettre aux effectifs supplémentaires de remplir leur mission, j’ai également obtenu un renforcement des moyens qui leur sont alloués.

C’est essentiel pour mettre en œuvre la réforme de l’asile dans le cadre de la loi du 29 juillet 2015. Cette loi prévoit une réduction des délais de traitement des demandes ainsi qu’un dispositif national d’accueil et une répartition équilibrée des demandeurs d’asile sur le territoire national. Son équilibre repose sur la poursuite des créations de places d’hébergement de demandeurs d’asile.

Au total, ce seront 23 100 places d’hébergement destinées aux demandeurs d’asile qui seront créées d’ici la fin de l’année 2017.

Pour mettre en œuvre cette réforme importante, les crédits de la mission « Immigration, asile, intégration » sont accrus dans des proportions très significatives : 7,8 % en crédits de paiement et 9,62 % en autorisations d’engagement.

Par ailleurs, en sus de ces crédits déjà inscrits au budget, le Gouvernement propose, au travers de l’amendement qui vous est soumis, de renforcer les crédits nécessaires à l’ensemble des acteurs pour traiter cet afflux de demandes d’asile et pour apporter une aide aux communes qui s’engagent dans une démarche de relocalisation.

Tout en assumant la plénitude de ses compétences, l’État a décidé d’apporter un soutien exceptionnel aux communes. Comme je l’ai annoncé devant les maires que j’ai réunis le 12 septembre, ces aides prendront la forme suivante : un soutien exceptionnel aux communes volontaires de 1 000 euros par place d’hébergement ou de logement créée, à hauteur de 15 millions d’euros ; des primes complémentaires dans le cadre des dispositifs d’amélioration de l’habitat et de garantie de loyer, à hauteur de 1 000 euros par logement ; enfin, un fonds de 50 millions d’euros de soutien à l’investissement local pour contribuer à la réalisation d’hébergements et d’équipements publics, qui sera à la main des préfets de régions.

Ce renforcement des crédits de l’asile et l’aide exceptionnelle apportée aux communes font l’objet de l’amendement du Gouvernement qui vous est soumis. Je crois que vous en avez débattu en commission.

Le projet de loi de finances pour 2016 reflète également la volonté du Gouvernement de renforcer le budget de l’intégration, avec une hausse de 20 % des crédits du programme « Accueil et intégration » et une augmentation de 40 % de la subvention pour charge de service public de l’OFII, notamment pour renforcer l’apprentissage de la langue française.

Je tiens à terminer mon propos en vous rappelant la mobilisation du Gouvernement pour faire face à la situation à Calais où j’ai eu l’occasion de me rendre à plusieurs reprises. J’ai déjà eu à en parler à l’occasion de nos débats en commission.

Sans entrer dans les détails, car le temps nous est compté, je rappelle quelques chiffres qui démontrent la mobilisation de ce Gouvernement, notamment celle des ministères de l’intérieur et du logement : 31 millions d’euros ont été mobilisés pour financer une importante opération à caractère humanitaire, qui se décomposent en 13 millions d’euros d’investissements pour l’amélioration des conditions sanitaires et de vie au centre Jules Ferry, et 18 millions d’euros pour les aménagements de la lande, c’est-à-dire la mise en place d’abris et d’hébergement pour les migrants ; en outre, 13 millions d’euros, dont 5 millions apportés par les Britanniques, sont mobilisés pour financer 2 000 places en centre d’accueil de demandeurs d’asile – CADA – destinées et à accueillir ceux qui, sur place, demandent l’asile.

En effet, vous le savez, l’OFPRA et l’OFII sont en permanence à Calais pour permettre à ceux qui aspirent au statut de réfugié de demander l’asile en France, donc d’alléger la charge qui pèse sur la ville. Enfin, 45 millions d’euros ont été financés par les Britanniques – grâce aux échanges permanents que nous avons avec les autorités de ce pays – pour sécuriser les infrastructures, ce qui est un élément essentiel pour dissuader les filières de rechercher un point de chute à Calais.

Mesdames et messieurs les députés, je souhaitais apporter ces précisions qui démontrent l’ampleur de l’engagement du Gouvernement, dans un contexte migratoire particulier.

Dans ces conditions, j’appelle bien entendu la représentation nationale à approuver les crédits de cette mission qui traduisent les objectifs du Gouvernement que vous avez eu notamment l’occasion d’approuver à l’occasion de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile et du projet de loi relatif au droit des étrangers en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jacques Myard. Étonnant !

Mme la présidente. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le droit d’asile et le droit des étrangers ont été récemment réformés par le Gouvernement, à intervalles très rapprochés. Parallèlement, loin de faire face à un afflux de demandes supplémentaires, la France doit relever le défi de la grave crise humanitaire à laquelle l’Europe est confrontée avec l’arrivée, cette année, de plus 710 000 réfugiés.

Dans ce contexte, il est essentiel que des efforts soient consentis, dans le cadre de cette mission budgétaire, pour renforcer nos politiques d’asile et d’immigration d’une manière significative. C’est le cas : l’augmentation globale notable de 52 millions euros de crédits de paiement des budgets de cette même mission est une bonne chose. En effet, les crédits du programme « Immigration et asile» s’élèvent, pour 2016, à 632 millions d’euros, soit une hausse de 7 % par rapport à 2015.

En outre, l’amendement n74 déposé par le Gouvernement permettra également de financer la relocalisation de plus de 30 000 demandeurs d’asile en France entre 2015 et 2017. Les moyens alloués à l’immigration et à l’asile seront ainsi abondés de 72,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, dont 57,4 millions d’euros seront consacrés à la prise en charge des demandeurs d’asile, et 15 millions d’euros financeront les aides aux communes pour l’hébergement et le logement des personnes réfugiées prises en charge sur leur territoire.

En outre, je ne puis que saluer les efforts engagés dans la création des places dans les CADA. Les 16 millions supplémentaires sont donc bienvenus, tout comme l’annonce de 4 200 places en 2015, puis 3 500 en 2016 : ils bénéficieront à un dispositif saturé depuis très longtemps. En revanche, les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence, qui accusent une baisse de près de 12 % par rapport à 2015, suscitent des inquiétudes.

À ce titre, je demeure préoccupé par le fait que des mineurs isolés se voient refuser l’accès à l’hébergement d’urgence. Il est inadmissible que l’âge allégué ou supposé d’un jeune soit avancé tantôt pour motiver un refus de prise en charge par les services de l’aide sociale, et tantôt pour justifier la non-application du code de l’action sociale et des familles.

Les crédits inscrits au titre de cette mission couvrent également la lutte contre l’immigration irrégulière. Avec une augmentation importante, puisqu’ils passent de 21 millions à 30 millions d’euros, dont 4 millions supplémentaires pour le fonctionnement des Centres de rétention administrative, les frais d’éloignement connaissent une augmentation importante.

Au risque de me répéter puisque je l’ai déjà fait en commission, je souligne que, le taux d’occupation des CRA étant de 50 %, il faudrait sérieusement s’interroger sur la fermeture éventuelle de certains d’entre eux.

Enfin, monsieur le ministre, je souhaite relayer des craintes partagées par un nombre important d’associations qui s’inquiètent de l’opération menée à Calais en vue de déplacer des Syriens, des Irakiens, des Érythréens et des Soudanais afin de les orienter vers neuf centres d’orientation répartis aux quatre coins de la France.

Je rappelle que la justice a annulé de nombreuses décisions préfectorales, et que ces personnes ont été relâchées à des centaines de kilomètres de Calais, sans moyens de transport ni hébergement, dans une précarité presque totale.

S’il s’agissait de mettre les personnes concernées à l’abri sur le territoire national, on pourrait comprendre l’opération : or il n’en est rien.

Pour conclure, je souhaite également relayer une inquiétude qui s’est exprimée à quelques semaines de la COP21. Durant un mois, la libre-circulation des citoyens de l’Union européenne sera suspendue en raison de mesures d’exception, alors même que la société civile mondiale est mobilisée en faveur de la lutte contre le changement climatique. Or cette société civile sera la première victime de ces mêmes mesures.

Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur quelques décisions déjà prises par vos services : le président d’ATTAC-Togo s’est par exemple vu refuser son visa pour assister à la conférence sur le climat.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Sergio Coronado. D’après les autorités, son déplacement ne serait pas motivé.

Quant à Mouhad Gasmi, figure de proue de la lutte contre les gaz de schiste en Algérie, il a obtenu un rendez-vous au consulat le 5 janvier 2016, soit un mois après la fin de la COP21 qui aura lieu à Paris au début du mois de décembre.

Je crois, monsieur le ministre, qu’il ne saurait y avoir de réussite de la COP21 sans la participation active de la société civile. Les mesures qui l’affectent aujourd’hui sont déplorables.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, cette année les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » appellent de notre part les observations suivantes.

L’action « Garantie du droit d’asile » est certes en nette progression par rapport à 2015, mais, depuis plusieurs années, elle est aussi sous-dotée et nécessite, chaque année, d’importantes rallonges budgétaires.

Pour 2016, les dotations prévues sont hypothéquées en raison des conséquences, difficiles à prévoir, de la crise migratoire et des programmes de relocalisation dans le cadre desquels la France accueillera des demandeurs d’asile supplémentaires. J’ai ici pris acte de l’amendement déposé par le Gouvernement.

S’agissant de l’hébergement, nous nous félicitons de la poursuite du développement du nombre de places en CADA : 3 500 nouvelles places seront ainsi créées en 2016 et 2 000 en 2017.

Mais, avec 33 000 places en CADA et un nombre de demandeurs d’asile estimés à 70 000 et une durée moyenne de traitement des demandes par l’OFPRA de 200 jours, le dispositif national d’accueil restera insuffisant pour garantir un hébergement à tous ceux qui en ont besoin.

Les crédits de l’action « Lutte contre l’immigration irrégulière », quant à eux, se caractérisent par une hausse significative des crédits dédiés aux frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière.

À cet égard, nous déplorons, dans le cadre du projet de loi relatif au droit des étrangers, le choix d’accélérer le traitement des mesures d’éloignement aux dépens du droit à un recours effectif pour les personnes en situation irrégulière.

S’agissant de la rétention, si le projet de loi prévoit la priorité à l’assignation à résidence, plutôt qu’au placement en rétention, conformément à la directive « retour » du 16 décembre 2008, nous nous inquiétons cependant de la volonté du Gouvernement, annoncée en juin 2015 dans le cadre du plan migrants, d’optimiser l’utilisation des places existantes en CADA.

Nous refusons pour notre part la banalisation des restrictions à la liberté individuelle induites par le caractère interchangeable de l’assignation à résidence et de la rétention administrative.

Monsieur le ministre, je vous ai interrogé en commission élargie sur le principe plus spécifique de l’interdiction de la rétention des enfants : vous avez bien voulu indiquer que la circulaire du 6 juillet 2012 ne prohibe pas la rétention des enfants mais qu’elle la limite à certains cas très précisément énumérés.

Je me permets cependant de rappeler que l’engagement du candidat François Hollande en 2012 était non pas de limiter la rétention des enfants et des familles mais bien d’y mettre fin. C’est pourquoi nous souhaitons vivement que cet engagement soit tenu en 2016.

Le programme « Intégration et accès à la nationalité française » connaît pour la première fois depuis plusieurs années, et nous nous en félicitons, une hausse de 20 % mais, sur le fond, nous regrettons que les procédures d’accès à la nationalité française n’aient pas rompu avec le dispositif mis en place précédemment.

Le projet de loi relatif au droit des étrangers ne change pas fondamentalement la logique du contrat d’accueil et d’intégration. Celui-ci, rebaptisé « contrat d’intégration républicaine », demeure avant tout destiné à la maîtrise des flux migratoires. Nous déplorons surtout que ce contrat conditionne la délivrance d’une carte pluriannuelle de séjour. Pour notre part, nous considérons au contraire que c’est d’abord la grande stabilité du séjour qui permet de faciliter l’insertion de l’étranger.

En conclusion, et pour l’ensemble des raisons indiquées, les députés du Front de gauche s’abstiendront sur les crédits pour 2016 de cette mission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les questions d’asile, d’immigration et d’intégration sont par nature sensibles tout autant que complexes.

Elles sont complexes car elles se confrontent aux réalités cruelles et dramatiques de notre monde moderne, à ses aléas, à sa quête de sens qu’aucune autorité internationale ne parvient vraiment à satisfaire.

Elles sont sensibles car, à force d’amalgames, de propos démagogiques, trop de responsables politiques en ont pollué la compréhension et, sur ce point, la précédente majorité a une responsabilité lourde, dont le temps ne fera qu’accroître l’évidence. Lorsque les étudiants et les chercheurs se pencheront sur l’approche politique des questions migratoires, ils mettront à coup sûr en évidence que les années Sarkozy auront été celles de la facilité, de la démagogie et du flirt permanent avec le péril de l’extrême droite. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. André Schneider. Rien que ça !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Vous, monsieur le ministre, continuez à faire le pari de la détermination et de la clarté. Nous tenons à saluer le courage politique qui est le vôtre.

Le travail de notre mission s’est effectué dans un contexte de réforme qui s’inscrit dans cet objectif que nous saluons. La réforme du droit d’asile – et je tiens à en saluer la rapporteure, actuellement au perchoir, pour l’excellent travail qu’elle a réalisé – et le projet de loi sur le droit des étrangers contribuent activement à adapter l’immigration régulière à la réalité économique et sociale du pays, à renforcer notre attractivité, à veiller au respect de la législation en matière d’entrée et de séjour des étrangers mais aussi à lutter contre l’immigration irrégulière.

Le budget que vous nous présentez vient soutenir la mise en œuvre de ces réformes. Vous traduisez en actes budgétaires concrets des objectifs politiques précis. Vous êtes connu pour votre ténacité, voici bien un budget qui n’y fera pas défaut.

En effet, par rapport à la loi de finances de 2015, le budget total de la mission est en nette augmentation pour 2016. En comparant les autorisations d’engagement ouvertes en 2015 et celles demandées pour 2016, nous nous satisfaisons de constater une augmentation de plus de 9 %. Notre satisfaction est la même en ce qui concerne les crédits de paiement puisque ceux qui sont demandés pour 2016 sont en augmentation de plus de 7 % par rapport aux crédits ouverts en 2015.

Votre budget traduit notamment deux efforts budgétaires particulièrement significatifs en matière d’asile et immigration ainsi que pour l’accès à la nationalité.

Pour ce qui a trait à l’immigration et à l’asile, l’accent est mis sur les filières d’immigration clandestine. Trois objectifs sont assignés : optimiser la prise en charge des demandeurs d’asile, réduire les délais de traitement de la demande d’asile, améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière. Les crédits de paiement demandés pour 2016 sont en augmentation.

En ce qui concerne l’intégration et l’accès à la nationalité, votre ambition est invariable, et il en est très bien ainsi puisqu’il s’agit de stabiliser un parcours d’intégration républicaine, avec un contrat d’intégration caractérisé par un relèvement du niveau d’exigence linguistique en lien avec la délivrance des titres de séjour. Vos objectifs sont également très clairs : améliorer les conditions d’accueil et d’intégration des étrangers et améliorer l’efficacité du traitement des dossiers de naturalisation.

Avant de conclure, il me tient à cœur de mettre en avant deux points clefs de ce projet de loi de finances, les efforts budgétaires mobilisés pour l’OFII et l’OFPRA, dont on sait à quel point la qualité de l’action conditionne la réussite de nos politiques.

L’enjeu pour l’OFPRA porte sur la réduction du stock de demandes en cours d’instruction et des délais de procédure. La réponse que vous nous apportez permettra d’y parvenir, un pilotage de l’OFPRA pour améliorer l’efficacité dans l’instruction d’une part, et une augmentation de la subvention pour charge de service public de plus d’un million d’euros, soit vingt équivalents temps plein, d’autre part.

La réduction des délais de traitement est également un enjeu pour l’OFII. L’augmentation de plus de 4 millions d’euros que vous proposez permettra le recrutement de quarante équivalents temps plein.

Vous choisissez donc de faire de nouveaux efforts budgétaires. Les années précédentes, les efforts consentis ont permis d’améliorer une situation chaque année plus complexe. La même amélioration se constatera assurément avec ces nouvelles mesures, d’autant plus que l’amendement présenté par le Gouvernement en commission élargie a déjà permis d’augmenter les crédits et, notamment, de soutenir les collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, notre nation a une histoire, faite de rigueur, de droits et d’obligations. Vous vous inscrivez dans cette ligne, avec rigueur et détermination, sans fausse promesse, en refusant de vous soumettre aux solutions faciles qui ne mènent nulle part. Sans réserve, le groupe SRC votera ce budget. Nous nous félicitons de ses chiffres et de son esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe Les Républicains.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Immigration, asile et intégration » s’inscrit dans un contexte très particulier, marqué par une crise migratoire inédite. Je rappellerai simplement que, depuis le début de l’année, plus de 600 000 personnes ont tenté de rejoindre le continent européen.

Ce projet de budget pour 2016 est donc hypothéqué par les conséquences, difficiles à prévoir à ce jour, de la crise migratoire que connaît l’Union européenne et des programmes de relocalisation, dans le cadre desquels la France accueillera des demandeurs d’asile supplémentaires.

Le bleu budgétaire prévoit une hausse de près de 8 % des crédits de la mission, avant adoption de l’amendement n74 présenté par le Gouvernement, lequel portera la hausse à 23,5 %. Pourtant, en dépit de cette hausse, les crédits ouverts seront vraisemblablement insuffisants. Cette augmentation paraît, en tout cas aux yeux des députés du groupe Les Républicains, sans rapport avec les enjeux auxquels la France se trouve réellement confrontée en raison de la dégradation de la situation internationale, en particulier au Proche-Orient.

M. Jacques Myard. C’est évident !

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous ne sommes pas dans une période normale, nous en convenons tous, mais nous n’avons pas la même manière de compter.

Vous tablez sur le fait que, dans le cadre des accords européens, nous allons soulager le fardeau de la Grèce et de l’Italie en accueillant 30 000 réfugiés. Selon votre estimation, en tout cas celle du Premier ministre le 16 septembre dernier, cela nous coûtera 279 millions d’euros supplémentaires. Pourtant, si l’on retient le chiffre avancé par la Cour des comptes de 13 724 euros par demandeur d’asile, j’en arrive, moi, à plus de 411 millions d’euros, sans compter qu’il est plus que probable que de nouveaux contingents de demandeurs d’asile seront accueillis en France au-delà des 30 000 que la France s’est d’ores et déjà engagée à recevoir.

Autre estimation budgétaire discutable, celle de la nouvelle allocation pour demandeurs d’asile.

Vous le savez, jusqu’au 1er novembre de cette année, les demandeurs d’asile bénéficient, en fonction de leur situation, de deux allocations différentes : l’allocation mensuelle de subsistance, l’AMS, versée par les centres d’accueil des demandeurs d’asile lorsqu’ils sont hébergés en CADA, et l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, versée par Pôle Emploi lorsqu’ils sont en hébergement d’urgence.

La loi portant réforme de l’asile de 2015 a fusionné ces deux allocations en une seule, l’allocation pour demandeurs d’asile, l’ADA, qui sera désormais gérée par l’Office français d’immigration et d’intégration. Or l’évaluation de la nouvelle allocation est particulièrement délicate.

Tout d’abord, son barème a été « familialisé », si bien que le montant journalier moyen ne peut être à ce stade qu’une estimation. Le Gouvernement s’est fondé sur un montant moyen de 8,40 euros par personne et par jour, soit significativement moins que l’ATA, dont le montant était de 11,50 euros par personne et par jour.

Ensuite, le nombre des bénéficiaires est susceptible d’évoluer en fonction des conséquences de la mise en œuvre du nouveau dispositif d’orientation directive des demandeurs d’asile, puisqu’un un refus d’hébergement proposé par l’OFII entraînera la perte des droits à l’allocation, ce qui pourrait faire diminuer le nombre d’allocataires.

Enfin, l’ATA était caractérisée par une forte proportion d’indus, de l’ordre de 20 % en 2013 d’après les estimations de Pôle Emploi. La dépense d’ADA dépendra donc aussi de l’efficacité de la gestion de l’allocation par l’OFII et de la capacité de cet organisme à maîtriser les indus.

Vous prévoyez plus 15 millions d’euros au profit des communes volontaires, à raison de 1 000 euros par réfugié accueilli. Est-il bien sérieux aujourd’hui, après les baisses de dotations que vous avez fait supporter à l’ensemble des communes de France,…

M. Jacques Myard. Eh oui !

Mme Marie-Christine Dalloz. …de leur octroyer 1 000 euros par immigré ?

M. Patrick Mennucci. Et vos 150 milliards, où les prenez-vous ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela fait à mon avis beaucoup trop d’incertitudes, même à périmètre constant.

En conclusion, même si ce budget souffre depuis plusieurs années d’une sous-budgétisation chronique, je vous le concède, cette forme d’insincérité est particulièrement préjudiciable dans le contexte que nous connaissons, celui d’une crise sans précédent et amenée à durer dans le temps. Vous n’affichez pas de chiffres suffisamment réalistes. Cette forme d’insincérité budgétaire donne en réalité du grain à moudre à ceux qui prétendent que l’on veut cacher le coût des demandeurs d’asile, des réfugiés et des étrangers en général.

Pour toutes ces raisons, les députés de mon groupe ne voteront pas ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Claireaux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat porte aujourd’hui sur la mission « Immigration, asile et intégration », qui dispose pour l’année 2016 d’une enveloppe globale en augmentation : 704 millions en autorisations d’engagement, soit une hausse de 7,5 % par rapport à l’année 2015, et 703 millions en crédits de paiement, soit une hausse de 5,5 %.

Le programme 303 « Immigration et asile » est celui qui connaît la plus forte augmentation, soit plus 49,5 millions d’euros environ en autorisations d’engagement, afin de faire face à l’afflux des demandeurs d’asile en France.

En effet, en raison de la pression migratoire et dans le cadre de la politique d’accueil des réfugiés syriens, le Gouvernement s’était engagé à lever des fonds supplémentaires pour permettre l’accueil des demandeurs d’asile pendant la durée de l’instruction de leurs demandes. Ce sont donc les crédits des actions « Garanties de l’exercice du droit d’asile » et « Lutte contre l’immigration irrégulière » qui sont les plus abondés afin de faire face à l’arrivée en grand nombre des demandeurs et, ainsi, de pouvoir répondre à leurs besoins. En revanche, l’action « Circulation des étrangers et politique des visas » a diminué de 60 % par rapport à 2015.

Le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » augmente, quant à lui, de 12 millions d’euros en autorisations d’engagement, ce qui représente une hausse de 21 % par rapport à 2015, ce qui est à relativiser vu la baisse de 3 % que les crédits de cette action avaient connue entre 2014 et 2015. Il est par ailleurs créé une action « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants », d’un montant de plus de 9 millions d’euros.

Je tiens à rappeler notre attachement à la mise en œuvre d’une politique de l’asile efficace et respectueuse de nos obligations et de notre pacte républicain, conformément aux dispositions que nous avons votées en juillet dernier à l’occasion de la réforme du droit d’asile.

Si l’exercice d’aujourd’hui repose par nature sur des chiffres et des données statistiques, nous devons garder en mémoire que, derrière ces dossiers, se joue le destin d’hommes et de femmes contraints de s’exiler, en quête de sécurité et d’une vie meilleure. Dans un contexte budgétaire contraint, il est de notre responsabilité de députés de rappeler les principes qui fondent notre République et de réaffirmer notre attachement aux valeurs de solidarité et d’humanisme et notre volonté de justement apprécier les risques encourus par le demandeur d’asile dans son pays d’origine.

L’augmentation du budget de la mission « Asile, intégration, immigration » répond au problème que nous avions à de nombreuses reprises relevé de la longueur des procédures. La réduction des délais de traitement des demandes a pour but de permettre à terme de rendre plus efficace les demandes et, ainsi, d’avoir des effets positifs sur le budget.

Dans cette perspective, nous devons souligner le renforcement du budget de l’OFPRA, chargé de traiter les demandes d’asile. Si son budget est fixé à 47,4 millions d’euros, soit une augmentation limitée, il est à noter qu’il avait connu une très forte augmentation entre 2014 et 2015. Espérons que ces efforts lui permettront d’atteindre l’objectif de quatre-vingt-dix jours de délai de traitement en 2017 prévu par le projet de loi de juillet 2015.

Il est également essentiel d’assurer aux demandeurs d’asile un hébergement et un accompagnement adaptés. Le projet de loi de finances prévoit d’allouer 236,4 millions d’euros pour 2016, soit une augmentation de 16 millions par rapport à 2015, permettant la création de plus de 4 000 places en centres d’accueil de demandeurs d’asile.

Dans le même temps, l’hébergement d’urgence est passé de 132,5 millions à 111,5 millions d’euros, soit une baisse de 21 millions, répondant à l’objectif fixé par la loi de réforme du droit d’asile visant à orienter les demandeurs vers des structures d’hébergement pérennes et non vers de l’hébergement d’urgence, lequel coûte très cher et n’assure pas la même qualité d’accompagnement.

Enfin, l’allocation pour demandeur d’asile, gérée par l’OFII, est dotée d’un montant de 137,5 millions d’euros. Selon le mode de paiement prévu par le projet de loi de finances, l’ADA devrait être versée à quelque 44 800 bénéficiaires, sur une période de douze mois, avec un montant moyen d’allocation journalière fixé à 8,39 euros par personne, ce montant étant fonction de la situation familiale du demandeur.

Monsieur le ministre, nous notons les efforts consentis pour permettre l’augmentation de ce budget. Nous espérons que son montant global demeurera suffisant pour permettre l’accueil de l’ensemble des demandeurs d’asile, pour rendre efficaces et applicables les objectifs fixés par la réforme de l’asile et pour permettre de répondre aux engagements de la France en matière d’accueil.

Enfin, nous avons entendu les efforts consentis par le Gouvernement et les services de l’OFPRA dans la jungle de Calais afin de permettre aux réfugiés d’effectuer les démarches dans les plus brefs délais, de disposer d’hébergements et de sanitaires, et afin de porter secours aux personnes vulnérables.

Aussi, pour toutes ces raisons et parce qu’il témoigne de la volonté de redonner du sens au droit d’asile, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce budget.

Mme la présidente. Notre collègue porte-parole du groupe de l’Union des démocrates et indépendants ne nous ayant pas rejoints à temps, nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que leur durée, ainsi que celles des réponses, est fixée à deux minutes.

La parole est à M. Patrick Mennucci, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Patrick Mennucci. Monsieur le ministre, vous avez déclaré ce matin que vous considériez que, depuis quelques jours, plus aucune intrusion n’avait eu lieu sur le site du tunnel à Calais. C’est en effet en bloquant totalement la possibilité de passer que nous pourrons limiter dans cette ville les regroupements des migrants souhaitant passer en Grande-Bretagne.

La situation que vous évoquiez tout à l’heure nécessite un effort intense de la part de l’État et de vos services. Pourriez-vous, monsieur le ministre, détailler à la représentation nationale tant les moyens de contrôle que les moyens humanitaires que vous avez mis en œuvre à Calais pour résoudre cette situation ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Très bonne question !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, la conviction qui est la mienne est que la résolution de la situation à Calais, dans un contexte extraordinairement difficile, implique de la persévérance, de l’opiniâtreté, de la constance et de la maîtrise. C’est ce que nous essayons de faire à travers une politique qui, depuis des mois, dans un contexte migratoire extraordinairement difficile, comme en témoigne la situation dans un certain nombre de pays comme l’Autriche ou l’Allemagne, nous conduit à agir.

Quelle est cette politique ? Tout d’abord, sur un plan humanitaire, deux stratégies sont possibles. La première stratégie consiste à considérer que Calais est l’objectif et qu’il faut laisser tous les migrants dans l’impasse que constitue Calais – dès lors qu’ils ne peuvent pas passer en Grande-Bretagne –, dans une situation de précarité extrême : ce n’est pas la politique du Gouvernement.

La politique du Gouvernement consiste, et c’est la deuxième stratégie, à offrir l’asile à Calais à ceux qui relèvent de l’asile en créant des places en CADA supplémentaires ; à la fin du quinquennat, nous aurons créé 27 000 places en CADA.

Le nombre de demandeurs d’asile et d’octrois du statut de réfugié à Calais n’a cessé d’augmenter. Nous souhaitons, dans l’attente du transfert en CADA de ces demandeurs d’asile, les mettre à l’abri en dehors de Calais, dans des conditions humanitaires qui n’ont rien à voir avec celles qui prévalent à Calais, de manière à pouvoir procéder à leur protection.

C’est ce que nous avons fait lundi, en offrant 300 places à l’extérieur de Calais à ceux qui relèvent de l’asile en France, qui sont donc des personnes persécutées dans leur pays et qui ont vocation à rester en France. C’est ce que nous ferons de nouveau demain en offrant plusieurs centaines de places à l’extérieur de Calais à ceux qui relèvent de l’asile à Calais. C’est ainsi que nous parviendrons à apporter la meilleure solution humanitaire.

Nous sommes en train également, en liaison avec des acteurs associatifs, que nous financerons, de mettre en place des dispositifs d’installation de latrines et de nettoyage au camp de la lande. Nous avons mis 13 millions d’euros sur l’accueil de jour avec la possibilité d’accéder à un repas. Nous avons protégé 400 femmes et enfants ; les tentes de la sécurité civile ont été installées ce week-end. Je continuerai cette action humanitaire de façon méthodique et résolue.

Sur le plan de la sécurisation de la frontière, nous avons déployé près de 1 100 personnes dans les unités de forces mobiles. Cela a divisé par trois le nombre d’intrusions et plus un seul migrant n’est passé en Angleterre depuis que nous avons mis en place ce dispositif. Nous intensifions la lutte contre les filières de l’immigration irrégulière, à Dunkerque comme à Calais. Voilà l’action que nous conduisons, dans un contexte extraordinairement difficile. Selon moi, il faut de la fermeté et de l’humanité.

Je voudrais conclure sur l’affaire des éloignements parce que j’entends sur cette affaire des choses totalement incongrues. Je veux, devant la représentation nationale, dire les instructions que j’ai données à la police de l’air et des frontières.

Certains migrants procèdent à des intrusions – il y en a moins, mais il y en a toujours. Ils sont en situation irrégulière : lorsqu’on peut les mettre en centres de rétention administrative à Coquelles, nous le faisons. Lorsque nous ne le faisons pas et que leur identité et leur nationalité ne peuvent pas être établies, puisque tout le monde se déclare Syrien désormais, il est procédé à leur éloignement dans un autre centre de rétention administrative.

Cela vaut non pas pour ceux dont la nationalité irakienne ou syrienne est établie, mais pour ceux pour lesquels existe un doute : lorsqu’ils peuvent être éloignés, ils le sont, et lorsqu’ils ne peuvent pas être éloignés,…

M. Jacques Myard. Ils ne le sont pas !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …nous leur offrons bien entendu l’asile à la sortie du centre de rétention administrative.

Je réponds ainsi à M. Coronado : si nous ne faisons pas cela, il n’y a plus d’éloignement en France de ceux qui sont en situation irrégulière. Et cela, je ne peux pas l’admettre parce que si nous voulons offrir l’asile à ceux qui en relèvent, nous devons pouvoir éloigner avec fermeté ceux qui sont en situation irrégulière : voilà la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Immigration, asile et intégration » (état B)

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », inscrits à l’état B.

Sur ces crédits, je suis saisie de plusieurs amendements. Mme Marion Maréchal-Le Pen et M. Gilbert Collard ne sont pas présents pour soutenir l’amendement n63.

M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Quand il faut bosser, ils ne sont jamais là !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ils ne sont pas là pour défendre leur propre amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n74.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le ministère de l’intérieur est chargé de mettre en œuvre dans son domaine de compétence les décisions du Conseil européen de septembre 2015 visant à la relocalisation de 160 000 demandeurs d’asile d’ici 2017. Elles conduisent la France à accueillir, selon la clé de répartition adoptée, 30 784 demandeurs d’asile entre 2015 et 2017, dont a priori 1 000 en 2015, 14 392 en 2016 et 15 392 en 2017. Cette répartition est bien entendu indicative.

En complément, le Gouvernement s’est engagé à soutenir financièrement les collectivités locales dans le cadre que j’ai rappelé tout à l’heure, à hauteur de 15 millions d’euros. Au sein de la mission « Immigration, asile et intégration », il convient tout d’abord d’abonder, au titre de la relocalisation des 30 784 demandeurs d’asile, le programme 303 « Immigration et asile » de 72,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, dont 57,4 millions d’euros au titre des activités de prise en charge des demandeurs d’asile et 15 millions d’euros au titre de l’aide aux communes créant des places d’hébergement.

Il est ensuite nécessaire d’abonder le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » de 26,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement afin de financer l’accueil des demandeurs sur le territoire. Ce programme supporte notamment la subvention pour charges de service public de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

Au total, les crédits supplémentaires nécessaires sur la mission s’élèvent à 98,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Avis favorable de la commission. Je voudrais, à propos de cet amendement, citer Jaurès : « Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. » Le courage, c’est aussi de dire la vérité et de lutter contre la loi du mensonge triomphant qui passe.

Monsieur le ministre, à travers les crédits que vous proposez avec cet amendement, vous faites preuve de courage car vous ne cédez pas aux sirènes de celles et de ceux qui clonent l’extrême droite européenne et nous invitent au repli sur nous-mêmes. Non ! Au travers de cet amendement, nous assumons nos responsabilités et nous faisons en sorte de bien accueillir les réfugiés dans le cadre de la solidarité internationale.

Ceux-là mêmes qui tentent de cloner les nationalistes qui progressent en Europe se trompent de combat. Selon Jaurès lui-même, un peu d’internationalisme éloigne de la patrie mais beaucoup d’internationalisme y ramène. Avec cet amendement, nous assumons des choix, nous assumons nos responsabilités. Il va dans le bon sens, raison pour laquelle il faut le soutenir, l’approuver et le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Avec votre permission, madame la présidente, étant donné que j’ai eu un petit retard à l’allumage, ce dont je vous prie de m’excuser, je vais m’exprimer à la fois sur l’amendement et, de manière plus générale, sur les crédits de la mission.

L’accueil des réfugiés aura nécessairement un impact important sur le budget consacré cette année à l’immigration, à l’asile et à l’intégration. Il devra être à la hauteur de ce qui constitue, pour la France et pour l’Europe, une urgence humanitaire et un devoir moral.

Avec près de 703 millions d’euros de crédits demandés pour 2016, le budget consacré à l’immigration, à l’asile et à l’intégration affiche une hausse de plus de 8 % de ses crédits de paiement. L’augmentation, certes importante, des crédits consacrés à la nouvelle allocation pour demandeurs d’asile – plus 25 % – nous semble insuffisante étant donné l’afflux des nouveaux demandeurs, quand bien même le traitement de leur demande se révélerait particulièrement rapide.

De même, les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence subissent une baisse de presque 12 % par rapport à 2015, qui serait justifiée, nous dit-on, par la création de places en CADA. Or, cette augmentation de places dans ce type de structure ne permettra pas de couvrir tous les besoins en termes d’hébergement. Il sera donc nécessaire d’orienter les demandeurs d’asile vers l’hébergement d’urgence, qui se révélera insuffisamment doté. De ce fait, nous rejoignons le constat du rapporteur spécial, selon lequel une véritable dérive budgétaire en cours d’exécution est à craindre.

En ce qui concerne l’immigration irrégulière, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants prône une application rigoureuse des objectifs de lutte contre l’immigration clandestine et de maîtrise des flux migratoires, adaptée au contexte économique de notre pays. Dans le contexte de pression migratoire accru au niveau européen, les moyens budgétaires dédiés à la lutte contre l’immigration irrégulière doivent être consolidés.

Par ailleurs, on ne peut que regretter la baisse des crédits de près de 6 millions d’euros sur le programme d’accompagnement des étrangers en situation régulière. Ce choix nous semble peu conforme à notre idéal républicain, celui du meilleur accompagnement de ceux que nous avons décidé d’accueillir.

L’immigration doit aller de pair avec l’intégration. Le défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui nous impose de repenser totalement notre système d’intégration. Au-delà de la question des places d’hébergement, des aides et de la mobilisation des collectivités territoriales, il appartient à l’État de définir une ligne directrice ferme pour que les réfugiés s’intègrent dans de bonnes conditions, qu’ils apprennent la langue française, les droits et les devoirs de la République.

D’ici à la fin de l’année 2016, la France doit accueillir 30 700 migrants. Le budget alloué à la mission ne répond pas aux enjeux en matière d’immigration, d’asile et d’intégration. Le groupe UDI votera donc contre les crédits de cette mission et contre l’amendement qui nous a été présenté.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, comme je vous l’ai déjà dit en commission élargie, nous avons manifestement suivi l’Allemagne dans cette affaire d’accueil des migrants, ce que je regrette un peu parce que je crains fort que nous n’ayons créé les conditions de l’appel. Je vous ai concédé que nous sommes au début d’un flux de migrants et non à la fin et que l’avenir ne s’annonce pas très facile.

Je m’interroge néanmoins sur cet amendement : le Gouvernement affirme qu’il va ajouter 72,4 millions d’euros aux crédits de l’immigration et de l’asile, ce que je peux comprendre compte tenu des décisions du Conseil européen et de l’engagement du Gouvernement à accueillir quelque 30 000 migrants.

En revanche, vous proposez immédiatement d’ajouter dès cette année 26,25 millions d’euros pour l’intégration et l’accès à la nationalité française. Est-ce que, dans votre esprit, ces 30 000 migrants resteront en France et accéderont à la nationalité française, ce qui serait un peu prématuré compte tenu des règles d’attribution de notre nationalité ? Je m’étonne que vous puissiez…

M. Sergio Coronado. Cela concerne aussi les réfugiés !

M. Jacques Myard. Non, les réfugiés, c’est autre chose ! En l’occurrence, nous parlons des 72,4 millions d’euros consacrés à l’immigration et à l’asile.

Et puis il y a 26 250 000 euros de plus pour le programme « Intégration et accès à la nationalité française ». Je comprends les 72 millions, mais pas les 26 millions. Je vous remercie de m’expliquer, monsieur le ministre.

M. Sergio Coronado. Ils ont le droit de devenir français !

M. Jacques Myard. On ne distribue pas la nationalité française !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Bien évidemment, le groupe socialiste radical et citoyen votera ces crédits. Je rappelle qu’ils ont déjà été adoptés en commission élargie.

M. Jacques Myard. C’est ici que ça se décide !

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis. Ils traduisent la politique menée par le Gouvernement et que le ministre vient de définir, à savoir la fermeté mais aussi l’humanité.

Pour ce qui est des chiffres, monsieur Myard, il faut savoir que les quelque 30 000 migrants que vous évoquez, ce sera sur deux ans alors que le budget est voté annuellement. On ne peut donc pas doubler la mise du jour au lendemain. Je rappelle aussi que ces crédits n’ont pas seulement pour objet de financer le traitement des demandeurs d’asile mais également de pourvoir à l’aide aux communes qui s’engagent à les recevoir.

C’est la traduction budgétaire simple et limpide des engagements du Gouvernement que nous partageons.

M. Jacques Myard. Ce n’était pas la peine de le dire !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tout d’abord, concernant les moyens mobilisés par le Gouvernement pour faire face à la situation migratoire, je veux tout de même rappeler, et sans aucun esprit polémique, que le nombre de postes équivalents temps plein créés au sein de l’OFII, de l’OFPRA et des préfectures pour traiter les demandes d’asile qui doublaient durant le quinquennat précédent – ce qui n’est plus le cas – était quasi nul.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je demande aussi qu’on se souvienne quel était à l’époque le nombre de places créées en centres d’accueil pour demandeurs d’asile… Vous verrez alors que, si nous nous sommes retrouvés dans une situation de non-mise en conformité de notre législation sur l’asile et d’aporie complète des moyens en la matière, c’est pour des raisons qui tiennent à des choix politiques qui ne sont pas les nôtres et que nous corrigeons.

Quand nous sommes arrivés aux responsabilités, plusieurs rapports parlementaires bipartisans – je pense à celui de Mme Létard et de M. Touraine, ou encore à celui de Mme Dubié et de M. Richard – rendaient des conclusions sans appel quant à la situation de l’asile en France. Nous prenons des décisions très simples : premièrement, si nous voulons ramener de vingt-quatre à neuf mois la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile, il faut créer des postes au sein de l’OFPRA, de l’OFII et de la Cour nationale du droit d’asile.

M. Jacques Myard. C’est évident !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Et nous en créons à un niveau significatif.

Et puis il faut créer des places en CADA. J’ai une position très claire et je regrette d’ailleurs qu’il y ait beaucoup de confusion sur ce sujet : j’ai vu au Liban des femmes, des enfants et des hommes, et d’autres, réfugiés à Calais, qui m’ont fait le récit des persécutions qu’ils ont subies de la part de DAESH en Syrie ou en Irak, et j’estime que la France, conformément à sa tradition, leur doit protection. C’est une position politique forte que j’assume totalement devant la représentation nationale.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si nous ne le faisons pas, nous ne serons plus la France. Quand je vois une certaine formation politique représentée à l’Assemblée nationale, dont aucun député n’est présent aujourd’hui, préconiser de renvoyer hors du territoire national ces femmes, ces enfants, ces hommes persécutés,…

M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis. Pour qu’ils soient tués !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …je veux qu’elle m’indique précisément où on les renverrait, par quels moyens, et si la France resterait la France après avoir fait cela.

À la fin du quinquennat, nous aurons créé, monsieur Myard, 27 000 places en CADA, outre des emplois équivalents temps plein au sein de l’OFII et de l’OFPRA.

M. Jacques Myard. Il y a des centres qui vont fermer !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quant à la baisse des crédits consacrés à l’hébergement d’urgence, c’est pour une raison très simple qui tient à notre politique : il y a aujourd’hui dans ce type d’hébergement des personnes qui ont déjà le statut de réfugiés et, compte tenu du nombre de places créées en CADA, je pense que nous pouvons réserver l’hébergement d’urgence à ceux qui en relèvent. Je rappelle qu’au mois de juin, j’ai présenté avec ma collègue Sylvia Pinel un plan de création de 1 500 places en hébergement d’urgence et de 4 000 places en accueil temporaire service de l’asile – l’ATSA, une structure transitoire vers l’asile – ainsi que de 5 000 logements de droit commun en zone non tendue pour ceux qui relèvent du droit d’asile et qui ont le statut de réfugiés.

Par conséquent, non seulement il n’y a pas de désengagement budgétaire, mais le Gouvernement fournit tous les efforts que je viens de vous énumérer, alors que la période précédente était celle que j’ai rappelée. L’opposition aurait donc toutes les raisons de voter cette mission. Je le redis solennellement devant l’Assemblée : il y a sur la question des étrangers en France trop de mensonges, trop d’amalgame, trop d’instrumentalisation,…

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis et M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis. Très juste !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …qui ont une seule et unique conséquence, et elle est grave : ramener le centre de gravité de notre pays vers la droite extrême et l’extrême droite. Et je continuerai à le combattre résolument parce que ce n’est pas responsable. Je vais prendre un exemple : aller expliquer, quand on est responsable d’une formation politique de l’opposition qui a gouverné pendant dix ans d’affilée, que nous avons décidé de procéder à la location de jets privés pour transporter des migrants est irresponsable et mensonger.

M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis. Ciotti !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est d’abord mensonger parce que le contrat d’affrètement d’un avion a été passé en 2006 par un de mes illustres prédécesseurs – dont je n’ai pas besoin de rappeler le nom –, et ce contrat a été constamment renouvelé parce que le ministère de l’intérieur a besoin de moyens aériens pour éloigner les étrangers en situation irrégulière après les avoir placés en centre de rétention administrative. J’ajoute que le coût par migrant éloigné a diminué depuis 2012 – j’ai communiqué tous les chiffres ce matin à la commission. Laisser à penser le contraire dans le contexte politique qui prévaut dans notre pays est irresponsable, dangereux et a pour seule conséquence de réveiller les bas instincts et les haines. Je le dis aussi à tous ceux qui usent de cet argument pour le placer dans l’espace médiatique et public sans en mesurer les conséquences alors que c’est un mensonge éhonté.

Monsieur Myard, vous m’avez interrogé sur les 26 millions d’euros supplémentaires alloués au programme « Intégration et accès à la nationalité française ». Mais il faut savoir ce que l’on veut : les étrangers qui sont en France pour des raisons qui tiennent aux persécutions immondes qu’ils ont subies et qui relèvent à ce titre du statut de réfugiés, faut-il ou non les intégrer dans la société française ? La réponse est oui, et je le dis aussi au représentant de l’UDI. Cela passe bien sûr par le rehaussement du niveau de pratique de la langue française qu’on leur demande de maîtriser et par la mise en place de dispositifs d’accompagnement social et d’intégration. C’est parce que nous voulons y parvenir que nous y consacrons 26 millions d’euros de plus. Je répète qu’il faut savoir ce que l’on veut : soit on veut que ceux que nous accueillons sur le territoire national soient intégrés dans les meilleures conditions, et nous donnons en ce cas les moyens nécessaires à l’OFII, et c’est ma politique parce qu’il n’y a pas de possibilité d’accueil sans ambition d’intégration, soit on ne met pas ces 26 millions d’euros. J’ai entendu souvent des représentants de votre groupe souhaiter l’intégration, et voilà que nous prévoyons les crédits pour la faire et que cela ne vous convient pas non plus. Dites-moi donc, si cela est toutefois possible, ce qu’il conviendrait de faire pour vous être agréable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jacques Myard. Vous m’êtes toujours agréable, monsieur le ministre !

(L’amendement n74 est adopté.)

(Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », modifiés, sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, lundi 2 novembre, à seize heures :

Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 :

Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ;

Compte spécial « Développement agricole et rural ».

La séance est levée.

(La séance est levée à quinze heures cinquante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly