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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 17 mai 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Journée mondiale de lutte contre l’homophobie

Mme Véronique Massonneau

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Troubles à l’ordre public

M. Thierry Benoit

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Violences durant les manifestations

Mme Nathalie Appéré

M. Manuel Valls, Premier ministre

Concert du rappeur Black M à Verdun

M. Hervé Mariton

M. Manuel Valls, Premier ministre

Ratification de l’accord de Paris

M. Philippe Plisson

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Politique éducative du Gouvernement

Mme Sophie Rohfritsch

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche

Temps de repos de sécurité des internes en médecine

Mme Dominique Orliac

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Déclaration du Président de la République

M. Dominique Le Mèner

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Prime d’activité

M. Renaud Gauquelin

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Avenir d’un site industriel du groupe Flowserve

M. André Chassaigne

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Difficultés des collectivités territoriales

M. Jacques Lamblin

M. Manuel Valls, Premier ministre

Projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle

Mme Françoise Descamps-Crosnier

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Nomination du président-directeur général de l’INRA

M. Patrick Hetzel

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche

Soutien aux entreprises de taille intermédiaire

M. Pierre-Yves Le Borgn’

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. Christophe Priou

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Suspension et reprise de la séance

2. Ratification de l’accord de Paris

Présentation

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur de la commission des affaires étrangères

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

Discussion générale

M. Bernard Deflesselles

M. Jacques Krabal

M. Noël Mamère

M. Patrice Carvalho

Présidence de M. Marc Le Fur

M. Philippe Baumel

M. Gérard Menuel

M. François de Rugy

M. Jean Launay

M. Serge Grouard

Mme Marion Maréchal-Le Pen

Mme Barbara Romagnan

M. Bertrand Pancher

M. Philippe Plisson

Mme Martine Lignières-Cassou

Mme Ségolène Royal, ministre

Discussion des articles

Article unique

M. Jean Lassalle

Vote sur l’article unique

Mme Ségolène Royal, ministre

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe écologiste.

Journée mondiale de lutte contre l’homophobie

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le garde des sceaux, aujourd’hui a lieu la journée mondiale de lutte contre l’homophobie. Je souhaite vous interroger sur un phénomène qui nous concerne car il contribue à répandre la haine au-delà des frontières : l’absence de régulation effective de certains réseaux sociaux sur lesquels des messages dégradants, des appels à la violence et au meurtre sont diffusés sans que leurs gestionnaires ne réagissent efficacement.

Il s’agit là d’un des principaux vecteurs de la parole homophobe, mais pas seulement : le racisme et l’antisémitisme, tout autant que le sexisme, y trouvent également un canal de diffusion trop souvent complaisant.

Des associations ont d’ailleurs récemment saisi la justice pour rappeler les gestionnaires de sites à leurs responsabilités, mais cela sera-t-il suffisant ?

Quand plus des trois quarts des signalements sur Twitter sont classés sans suite, quand des messages insupportables et contraires à nos lois ainsi qu’à toute valeur humaniste sont considérés par Facebook comme non contraires à sa politique de modération, quand des montages dégradants mettant en scène des femmes politiques signalés à Twitter se voient simplement requalifiés d’« images risquant de heurter » tout en demeurant accessibles, comment peut-on prétendre lutter avec efficacité contre l’homophobie, le racisme et le sexisme ?

Pouvez-vous donc non seulement nous rappeler les dispositifs nationaux permettant de poursuivre les auteurs de ces messages sur les réseaux sociaux, mais également nous indiquer quelles initiatives sont ou seront prises pour rappeler les gestionnaires à leurs responsabilités, quelle que soit la protection que leur apporte leur domiciliation à l’étranger ?

La liberté indéniable apportée par les réseaux sociaux, par ailleurs sources de profits pour leurs propriétaires, serait un leurre si elle ne s’accompagnait pas de la responsabilité des gestionnaires face à la diffusion sans discernement d’incitations à la haine et à la violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, vous avez malheureusement raison : vous savez qu’existe la Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, dite PHAROS, qui permet le signalement de contenus illicites en matière de discrimination.

Or, depuis deux ans, le nombre de signalements reçus par cette plateforme a augmenté de plus 41 %. Il faut donc évidemment agir ; c’est ce que le Gouvernement a fait, fait et va faire, notamment à travers deux projets de loi.

En premier lieu, le projet de loi « Égalité et citoyenneté », que Patrick Kanner défendra devant l’Assemblée nationale, nous permettra de simplifier encore davantage les règles de poursuite et de jugement réprimant les infractions constituées par ces discours de haine. Le même projet de loi nous permettra de faire du racisme une circonstance aggravante générale.

En second lieu, le projet de loi de modernisation pour la justice du XXIsiècle rendra possibles les actions de groupe en matière de discrimination.

Vous m’interrogez également sur les responsabilités. Tout d’abord, celle de l’auteur est totale. Ensuite, celle du fournisseur d’accès – ou de l’hébergeur – peut également être mise en cause s’il a eu connaissance d’activités ou de propos illicites, ou s’il n’a pas promptement réagi afin de les rectifier ou de les rendre inaccessibles. En effet, vous savez sans doute que la loi fait obligation à tous les fournisseurs d’accès de mettre en place un dispositif accessible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données.

Il leur faut donc, lorsque des activités illicites sont constatées, en informer les autorités publiques au moyen de signalements. S’en abstenir est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Conserver les données constitue, par ailleurs, une obligation s’imposant aux fournisseurs d’accès : cela permet en effet à l’autorité judiciaire d’identifier ceux qui pratiquent ce type de discriminations. Ces mêmes fournisseurs risquent un an d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende s’ils ne le font pas.

Enfin, nous avons, comme vous le savez, créé une infraction spécifique visant à punir ceux qui n’ont pas déféré aux autorités judiciaires : les peines qu’ils encourent sont tout à fait conséquentes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Troubles à l’ordre public

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Monsieur le Premier ministre, « ça va mieux », le Président de la République l’a redit sans ambages ce matin.

Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen. C’est vrai !

M. Thierry Benoit. Cet optimisme bon teint ne convaincra personne car, pendant que le chef de l’État repart en campagne, un climat quasi insurrectionnel s’est installé dans de nombreuses villes de France. Affrontements physiques, dégradations de lieux publics et de commerces, utilisation de projectiles, voire d’explosifs, des villes comme Rennes et Nantes sont devenues le théâtre de violences urbaines incontrôlées.

Pris en otage, les habitants sont épuisés par ce désordre. Les commerçants ne peuvent plus exercer leur métier tandis que les forces de l’ordre sont prises à partie par des bandes d’extrême-gauche aux méthodes ultra-violentes.

Six mois après les attentats et alors que le pays est toujours en état d’urgence, ce mépris affiché à l’égard des forces de l’ordre est insupportable.

Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs semaines, nous vous alertons sur cette situation délétère et les mesures d’urgence qu’elle impose. Pourtant, la chienlit s’installe. L’heure est non plus à la communication, mais à l’action.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Thierry Benoit. Il est temps pour l’État de sortir de ses atermoiements et de réaffirmer clairement son autorité, en condamnant publiquement les débordements ainsi que toute atteinte à l’ordre public, à la liberté et à la sécurité des personnes,…

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Et l’état d’urgence ?

M. Thierry Benoit. …en donnant des instructions précises et sans ambiguïté aux forces de l’ordre, et en interpellant systématiquement les casseurs qui dissimulent leur visage, comme la loi l’autorise.

Monsieur le Premier ministre, les Français sont inquiets et attendent des réponses fortes. Ma question est simple, mais précise : comment entendez-vous agir face à cette escalade des violences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Sur ces sujets, monsieur le député, il faut toujours, et je sais que c’est votre préoccupation d’élu breton, s’attacher à dire rigoureusement la vérité. Je vais reprendre chacun des points de votre question.

Vous dites qu’il faut des instructions claires.

M. Sylvain Berrios. L’état d’urgence, c’est clair !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’ai donné aux préfets, pour chaque manifestation, des instructions qui se résument en trois points.

Premièrement, il est impératif, lorsque des actes de violence sont commis par des casseurs face auxquels il faut faire preuve de la plus grande fermeté, de procéder à la judiciarisation des cas. Y a-t-il eu des interpellations depuis le début de ces manifestions ?

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Non !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il y a eu 1 300 interpellations, 819 gardes à vue, 51 comparutions immédiates et condamnations et, ce matin, des individus s’étant comportés de façon violente pendant des manifestations, nous avons interpellé 47 personnes munies d’armes par destination, d’acide, de projectiles, afin que la fermeté que vous appelez de vos vœux soit la règle. La fermeté, c’est la politique du Gouvernement.

En Bretagne, pour que cela soit le cas, nous avons mobilisé énormément de forces pendant le week-end alors qu’il y avait eu des violences à Rennes. Vous parlez d’autorité de l’État. Je vous rappelle que, dans le cadre d’une relation étroite avec la maire de Rennes, qui a été en première ligne de façon formidable pendant cette période, nous avons mobilisé six unités de forces mobiles, une section d’intervention, et que, samedi, grâce à la très forte présence des forces de sécurité intérieure, nous avons réussi à protéger le centre-ville. Nous continuerons de le faire, à Nantes comme à Rennes.

Par ailleurs, grâce aux efforts réalisés en matière de création d’emplois, nous avons commencé à reconstituer une grande partie des treize unités de forces mobiles qui avaient été supprimées pendant le quinquennat précédent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Violences durant les manifestations

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Nathalie Appéré. Ma question s’adresse à M. Premier ministre.

Dans la nuit de vendredi à samedi, le centre-ville de Rennes a été la proie d’un nouveau déferlement intolérable de vandalisme. Quelques jours auparavant, c’est à Nantes, comme dans d’autres grandes villes, qu’un nouveau cap avait été franchi dans la violence.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Ça va mieux !

Mme Nathalie Appéré. Les auteurs de ces actes s’abritent derrière la contestation sociale, mais ils n’ont qu’un seul objectif : détruire. Ils n’ont qu’une seule cause : la haine contre la République, contre ses valeurs et contre notre État de droit.

M. Alain Chrétien. On vous dit que ça va mieux !

Mme Nathalie Appéré. Le droit de manifester est constitutionnellement garanti dans notre pays. Nous n’accepterons jamais que cette liberté soit dévoyée et fragilisée par des activistes ultra-radicaux.

Samedi, à Rennes, la mobilisation exceptionnelle et le professionnalisme des forces de l’ordre ont permis d’éviter de nouveaux heurts. Nous restons en grande vigilance pour aujourd’hui et les jours à venir, en lien permanent avec le ministre de l’intérieur.

Je sais, pour la partager à vos côtés, que la détermination du Gouvernement est entière pour que les casseurs répondent de leurs actes. Nous attendons maintenant qu’ils soient au plus vite identifiés, appréhendés et déférés à la justice pour être condamnés.

M. le ministre de l’intérieur était à Rennes dimanche. Le Gouvernement l’a pleinement mesuré, les habitants, les commerçants, les salariés de notre ville attendent des actes forts de l’État, des actes de fermeté contre les violences qui meurtrissent notre ville depuis de trop longues semaines, des actes de solidarité aussi, pour compenser les préjudices subis.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous confirmer le renforcement des effectifs de police à Rennes et la réalité de l’indemnisation évoquée en faveur des acteurs économiques du centre-ville de Rennes ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le ministre de l’intérieur le rappelait il y a un instant, madame la députée, l’autorité de l’État repose sur deux piliers indissociables : le respect du droit et l’esprit de responsabilité.

Le respect du droit signifie que nous ne confondons pas l’état d’urgence avec la suspension des droits fondamentaux. Manifester est un droit fondamental et je ne veux pas confondre les militants politiques, syndicaux qui s’expriment dans la rue, comme ils en ont le droit, et la minorité violente de casseurs, qui cherchent l’affrontement et mettent en cause les principes mêmes de la République. Entretenir cette confusion, c’est nier la liberté syndicale, la liberté d’exprimer un désaccord et une opposition.

Mais l’autorité de l’État, c’est aussi l’esprit de responsabilité, et la responsabilité n’est pas un principe à géométrie variable, cela vaut pour tous.

Cela vaut bien sûr pour les organisateurs des manifestations, qui doivent conserver la maîtrise d’un cortège et mettre en place un service d’ordre adapté.

Cela vaut aussi dans les expressions publiques. Je le dis une nouvelle fois clairement : je n’accepte pas, nous n’acceptons pas que l’on puisse accuser les forces de l’ordre de faire de la provocation et d’être à l’origine des violences. Policiers et gendarmes assurent depuis des mois, et particulièrement ces dernières semaines, une mission difficile. Leur engagement est sans équivalent dans un passé récent, et je veux, avec le ministre de l’intérieur et vous tous, je n’en doute pas un seul instant, leur exprimer notre reconnaissance, notre gratitude et notre confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Plusieurs policiers et gendarmes ont été blessés au cours des dernières semaines, certains grièvement, et je sais combien leur tâche est délicate. Je comprends leur incompréhension et leur indignation face à ceux qui les dénigrent, caricaturent leur action et ne recherchent qu’une seule chose : l’affrontement violent.

Je sais également que le ministre de l’intérieur veille à ce que les forces de l’ordre accomplissent leur tâche dans le respect des règles de déontologie et de juste proportion.

Madame la maire, vous avez décrit la situation que vous avez connue à Rennes. Je veux saluer l’action et l’engagement de Bernard Cazeneuve, présent dans votre ville dimanche matin. Cette présence était utile pour conforter les forces de l’ordre, vous apporter appui et solidarité…

M. Bernard Accoyer. Interdisez les manifestations !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …car, dans de telles situations, ce sont les maires qui sont face à cette violence, et pour soutenir évidemment les commerçants de votre ville – il y aura des indemnisations. Quatre-vingt-huit policiers supplémentaires seront présents dans les prochaines semaines sur la ville de Rennes pour appuyer les forces de l’ordre qui sont déjà engagées.

Je voudrais terminer par un dernier message.

M. Yves Nicolin. Et les casseurs ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Alors que certains mots sont prononcés – j’ai même entendu parler, il y a un instant, de chienlit –, alors que s’expriment de la violence et de la radicalité dans notre société, chacun a sa part de responsabilité. Dans les mots parfois utilisés contre le texte de loi défendu par Myriam El Khomri, dans les tracts contre les forces de l’ordre, dans cette volonté de faire reculer le Gouvernement sur ce texte qui nous paraît indispensable, utile pour les entreprises comme pour les salariés, je veux appeler chacun à la responsabilité.

Tout mot, tout acte, tout écrit qui remet en cause les principes mêmes de la République, y compris un article de la Constitution, et l’action du Gouvernement peut faire déraper le pays, et j’en appelle donc chacun et chacune à la responsabilité.

M. Sylvain Berrios. Le 49.3, c’est vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous avez vu ce que pouvait être la violence à Rennes et ce n’est pas la première fois. Nous l’avons constaté encore une fois ce matin à Nantes. Face à des individus cagoulés, casqués, lâches, sur lesquels on ne peut pas toujours mettre un nom et qu’on ne peut pas toujours relier à une organisation politique, chaque mot, chaque acte doit trouver une réponse claire, nette de l’État, de la République, de la police et de la justice.

À Rennes comme ailleurs, vous pouvez compter sur la pleine détermination du Gouvernement non seulement pour respecter et faire respecter l’ordre républicain, mais aussi, et je le dis à chacun, pour aller jusqu’au bout des réformes. La loi sur le travail ira jusqu’au bout, que chacun le comprenne bien. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Concert du rappeur Black M à Verdun

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe Les Républicains.

M. Hervé Mariton. Madame Azoulay, comment osez-vous justifier le concert de Black M à Verdun ? Il est le pilier d’un groupe aux textes homophobes, antisémites et antifrançais. Sait-il chanter ? Peut-être. Sans doute… Le talent n’excuse pas tout.

Madame Azoulay,…

Mme Marie-George Buffet et Mme Huguette Bello. Madame la ministre !

M. Hervé Mariton. …le Gouvernement sait-il honorer la mémoire, l’histoire et la nation ? La réponse, hélas, est non.

Vous osez, madame Azoulay,… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la gauche démocrate et républicaine. Madame la ministre !

M. Hervé Mariton. …dénoncer les Républicains qui condamnent ici ce concert. Quelle inversion des valeurs !

Madame Azoulay, vous manquez de respect à nos soldats d’aujourd’hui (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains – Exclamations et huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine; vous manquez de respect aux anciens combattants de toutes générations. Vous manquez de respect à ceux de Verdun, à ceux de 14-18.

Vous manquez de respect, madame Azoulay,…

Mme Huguette Bello. C’est vous qui lui manquez de respect !

M. Hervé Mariton. …à mon grand-père, Chalom Benkemoune, croix de guerre, médaillé militaire, tirailleur algérien, qui n’aurait pas imaginé que vous acceptiez qu’on le traite de youpin. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Vous manquez de respect à la mémoire de Verdun, qui a forgé cette unité de la France que vous ne devez pas abîmer par une telle provocation et dont nous devons, tous ici, faire la preuve.

M. Jean Glavany. C’est honteux ! La campagne de la primaire à droite ne permet pas tout !

M. Hervé Mariton. Vous manquez également de respect, madame la ministre, à l’égard de l’État, quand François Hollande veut mobiliser des moyens pour financer ce concert et en assurer la sécurité, alors que le Gouvernement est incapable d’assurer la sécurité des Français, à Rennes et au-delà. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Vives protestations et huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Madame le ministre, pour l’unité, pour l’honneur de la France et…

M. le président. Merci, monsieur Mariton.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous vous adressiez il y a un instant à Mme la ministre de la culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Votre question est une bonne illustration de ce que j’ai rappelé il y a un instant sur la violence des mots (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) et leur utilisation pour créer de la tension dans le pays.

Ce n’est pas parce que l’on est candidat à la primaire de la droite que l’on peut s’autoriser ces mots, ces mises en cause et ces accusations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. Philippe Gosselin. Là n’est pas le problème !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous aurez du mal à faire croire, dans cet hémicycle, que le Premier ministre de la France et la ministre de la culture puissent, un seul instant, être pris en défaut dans leur lutte contre l’antisémitisme, d’où qu’il vienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. Hervé Mariton. Alors, pourquoi défendre ce concert ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Si quelqu’un, ne connaissant pas notre pays, assistait pour la première fois à cette séance de questions au Gouvernement, quelle image aurait-il de notre démocratie, du Parlement et de l’opposition, en entendant de telles mises en cause ? (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Des décisions ont été prises concernant cette malheureuse affaire, qui est derrière nous. Mais, monsieur Mariton, le poids de l’histoire, la présence de députés alsaciens au premier rang, ce que nous savons tous de la France, tout cela ne vous autorise pas à faire ces mises en cause et à expliquer, dans cet hémicycle, que le Président de la République, le Gouvernement, la ministre de la culture et le secrétaire d’État chargé des anciens combattants nient l’histoire et mettent en cause ce que nous sommes.

M. Hervé Mariton. Reconnaissez la faute !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Au contraire, dans ces moments-là, vous devriez être capable de faire preuve de bon sens et de favoriser, pour une fois, la cohésion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste. – Exclamations et huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Répondez ! C’est scandaleux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, il y en a assez de cette violence verbale, de ces mises en cause ! Je vous le dis clairement, les yeux dans les yeux : nous, nous tiendrons ! Une grande partie de la droite ne cesse de tenir ce discours consistant à remettre en cause la légitimité de l’action du Gouvernement. Nous avons tenu et nous tiendrons jusqu’au bout ! Et nous irons, projet contre projet, pour vous dire que nous n’acceptons pas cette violence, ni cette manière de se comporter et de mettre en cause l’action de l’État. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste. – « Zéro ! Lamentable ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Ratification de l’accord de Paris

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Plisson. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, présidente de la COP21, et elle sera un peu plus consensuelle…

C’est peu dire que tous ceux qui se sont engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique se sont réjouis de l’accord de Paris, qui sera soumis au vote tout à l’heure. Après les échecs de Copenhague et de Varsovie, Paris était certainement le rendez-vous de la dernière chance, et ce rendez-vous a été tenu et honoré.

Il est de bon ton de se flageller, mais quand la France joue un rôle décisif dans une démarche historique, on ne peut que s’en féliciter et rendre hommage à ceux qui ont été les acteurs de ce succès : le Président de la République, François Hollande, qui a proposé la candidature de Paris et s’est investi pour la réussite ; Laurent Fabius, président de la COP21 qui n’a pas ménagé sa peine ; Ségolène Royal, ministre de l’environnement, inlassable cheville ouvrière qui lui a succédé ; Laurence Tubiana, ambassadrice pour le climat ; Nicolas Hulot et beaucoup d’autres.

Le 22 avril, à New York, 175 parties ont paraphé le texte et se sont engagées concrètement à faire baisser leurs émissions de gaz à effet de serre. La France, qui a été le moteur de cet accord, a mis en œuvre sur son territoire les principes qu’elle exigeait des autres. La loi relative à la transition énergétique, qui a posé les bases d’une transformation radicale de nos comportements dans tous les domaines, la loi pour la reconquête de la biodiversité, qui conforte la pérennité du vivant, mais aussi la loi d’avenir pour l’agriculture, qui engage la transition agro-écologique, ont marqué un virage décisif dans notre perception de la croissance.

Signe des temps, j’ai pu apprécier la prise de position du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, dont le président a annoncé la fin des pesticides dans ce vignoble prestigieux, à déguster désormais sans arrière-pensée.

Il faut maintenant que cet accord de Paris ne soit pas qu’une bulle médiatique, aussi vite emportée par la vigueur des gaz à effet de serre. Madame la ministre, comment voyez-vous la suite, en ce qui concerne la gouvernance à long terme pour assurer le suivi et garantir la mise en œuvre de ces engagements déterminants pour les générations futures ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Monsieur le député, le monde est à un tournant de son histoire. Pour la première fois, enfin, dans l’histoire de l’humanité, la communauté internationale reconnaît que la nature n’est pas au service des activités humaines, que l’homme ne peut construire son équilibre sans la respecter – même lorsque celui-ci imagine qu’il a pu se développer contre la nature, celle-ci se retourne contre lui, d’une certaine façon.

La communauté internationale a accompli un acte majeur lors de la conférence de Paris sur le climat, puis lors d’une seconde étape, qui n’allait pas de soi, quand 175 pays sont venus signer à New York, au mois d’avril, cet accord de Paris. Cet après-midi, c’est une grande première et c’est l’honneur de la France et du Parlement français, la France sera le premier pays de l’Union européenne et le premier pays industrialisé à ratifier l’accord de Paris. C’est un moment extrêmement important. La communauté internationale nous regarde, car c’est la France qui a accueilli la conférence sur le climat.

Vous m’avez interrogée sur nos actions. Elles ont déjà commencé, de manière opérationnelle, avec les grandes coalitions sur l’énergie solaire, sur les énergies renouvelables en Afrique, sur l’innovation, sur la géothermie, sur le bâtiment ou sur le prix du carbone, qui est un élément clé pour lequel la France veut être à l’offensive. Ensuite, elles prennent la forme des financements privés, mais également des grandes organisations internationales. La dernière action relève de la citoyenneté. C’est quand tous les citoyens bougeront, ainsi que leurs territoires, que nous aurons des résultats.

Pour le dire en un mot, il faut agir vite, agir juste et avec efficacité. Nous devons saisir toutes les chances qui se présentent en faveur de la croissance verte, qui peut créer des emplois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Politique éducative du Gouvernement

M. le président. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour le groupe Les Républicains.

Mme Sophie Rohfritsch. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ; je m’exprimerai malgré son absence. La semaine dernière, mon collègue Alain Suguenot l’a interrogée de façon détaillée sur son bilan. Que dire de sa réponse si ce n’est qu’elle a été plus qu’évasive et surtout méprisante à l’égard de la représentation nationale, et à travers elle, à l’égard des enseignants, des parents et des élèves ! Je vais réitérer la question ; comme Mme la ministre n’est pas là, je ne crains pas son courroux.

Monsieur le Premier ministre, avez-vous enfin retrouvé l’évaluation – que vous deviez rendre publique – relative à la réforme des rythmes scolaires, mise en place il y a bientôt deux ans ? Vous la devez aux enseignants, aux maires des communes contraints de la mettre en place, aux parents et surtout aux 7 millions d’écoliers. Le silence que vous observez délibérément masque en fait les effets néfastes de cette réforme sur les finances des collectivités, sur l’apprentissage des écoliers, sur la réorganisation du temps scolaire, et enfin et surtout sur l’équité entre les élèves. En effet, les offres varient réellement en fonction des territoires, et surtout en fonction des capacités contributives des parents. Si l’on ajoute à cela le dénuement dramatique dans lequel se trouvent nos lycées sur le plan pédagogique, la situation des universités, grandes oubliées de votre Gouvernement, ou bien la récente réforme du collège – totalement incohérente –, on mesure l’angoisse que la communauté éducative et les parents partagent de la maternelle au supérieur !

Vous ne faites aucune confiance aux enseignants, vous les maintenez sous une pression insupportable et vous refusez le dialogue, préférant les grands shows à la cannoise, comme celui des 2 et 3 mai derniers, dont le coût aurait facilement trouvé meilleure utilisation ! Madame la ministre, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin faire connaître les résultats de vos décisions et de celles de vos prédécesseurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, vos questions concernent à la fois le bilan d’évaluation de la réforme des rythmes scolaires et, d’une manière plus générale, la politique menée par le Gouvernement dans ce domaine. Pour ce qui est du premier point, Mme la ministre a déjà fourni un certain nombre d’éléments factuels, que je rappelle car ils illustrent le travail systématique que nous menons pour évaluer l’application de cette réforme importante. Parmi ces éléments, citons le rapport de la Caisse nationale des allocations familiales, CNAF, publié avec l’Association des maires de France, en novembre dernier, qui confirmait la stabilité des coûts pour les communes et le fait que grâce à l’investissement des élus locaux, cette réforme avait été appliquée de manière généralisée.

M. Sylvain Berrios. Ce n’est pas grâce au Gouvernement !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Citons également le rapport préparé par la sénatrice Françoise Cartron, en octobre dernier, sur les activités périscolaires et les améliorations à apporter pour les communes rurales, et enfin l’évaluation du ministère, en cours, dont les résultats seront prêts début 2017 (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), conformément au calendrier prévu.

S’agissant de la seconde partie de votre question, il est exact que la priorité du Gouvernement a été de redonner à l’éducation nationale les moyens que, pendant cinq années, vous lui avez systématiquement enlevés. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Vous avez supprimé 80 000 postes, et si j’en crois les programmes de vos différents candidats aux primaires, c’est plus de 100 000 postes que vous vous préparez encore à supprimer. Il est donc bien normal que nous ayons fait un effort budgétaire sans précédent pour remettre l’éducation nationale à niveau. Je parie que les résultats de cette politique se verront dans les prochains classements dans ce domaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Temps de repos de sécurité des internes en médecine

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, le décret du 26 février 2015 relatif au temps de travail des internes en médecine fixe le droit au repos de sécurité à onze heures consécutives après vingt-quatre heures de garde. Pourtant, plus d’un an après ce décret, des services ne respectent pas cette législation, et dans certains cas, les semaines de travail peuvent atteindre quatre-vingt-cinq heures – il s’agit vraiment de quatre-vingt-cinq heures de travail intensif !

Les internes subissent la double peine car le seul moyen dont ils disposent actuellement, c’est la demande de retrait de l’agrément du service, qui de toute façon ne pourrait être effective que pour les stages des internes suivants. Ils n’ont donc aucun intérêt à dénoncer ces manquements car cela pourrait même nuire, et on peut le comprendre, à leur propre cursus. En plus d’engendrer une précarisation importante des internes en médecine, particulièrement en chirurgie, et alors que les internes jouent un rôle essentiel dans l’activité des hôpitaux publics, le non-respect du repos de sécurité après une garde menace la vie à la fois du soignant et du soigné, comme le démontre l’étude sur les gardes, les astreintes et le temps de travail réalisée par l’Inter-syndicat national des internes.

Le non-respect de ces heures de repos de sécurité résulte du manque de sanctions effectives en cas de manquement à la législation. Dès lors, madame la ministre, ayant connaissance des abus constatés dans certains services, quelles mesures envisagez-vous pour y mettre un terme ? Cette situation ne constitue-t-elle pas une infraction pénale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, je veux tout d’abord m’associer à vous pour saluer le rôle et l’engagement des internes dans nos hôpitaux.

M. Nicolas Dhuicq. Il serait temps !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous savons tous que ces internes font pour beaucoup tourner les hôpitaux au quotidien. C’est pour cela que je me réjouis de leur engagement et, au-delà, de celui de l’ensemble des associations et des syndicats de jeunes pour la modernisation de notre système de santé.

Vous avez raison, nous devons accompagner les internes dans les hôpitaux car leur travail est source de stress et d’une charge émotionnelle très forte. C’est la raison pour laquelle j’ai pris les dispositions que vous avez rappelées et qui – avant de voir ce qui ne fonctionne pas, voyons ce qui fonctionne ! – commencent à être bien respectées. Aujourd’hui même, le syndicat des internes de Marseille salue le rôle de la direction du CHU de Marseille pour faire appliquer ces dispositions.

Il y a quelques jours, Thierry Mandon et moi avons signé une instruction rappelant les règles à respecter, qui sera publiée immédiatement. L’instruction précise que ces règles ne peuvent souffrir d’aucune exception, sous peine de sanctions. Celles-ci sont prises d’abord au sein des hôpitaux dont les directions représentent des recours quotidiens possibles pour les internes, qui peuvent les saisir. Ensuite, d’autres sanctions peuvent intervenir et je peux vous dire, madame la députée, que pour les services, savoir qu’ils ne disposeront plus de l’agrément pour recevoir des internes en formation est fortement dissuasif. Tout est donc mis en place pour que ces règles soient appliquées.

Déclaration du Président de la République

M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour le groupe Les Républicains.

M. Dominique Le Mèner. Monsieur le Premier ministre, ce matin, le Président de la République déclarait à nouveau : « Ça va mieux. » Comme pour s’en convaincre, il ajoutait : « C’est une réalité, pas un propos de campagne. » Les Français croient rêver !

M. Bernard Debré. Eh oui !

M. Dominique Le Mèner. Nos concitoyens doivent rêver lorsqu’ils entendent « Ça va mieux » alors que le nombre de chômeurs a augmenté de près de 750 000 depuis le début du quinquennat.

M. Michel Ménard. Il a augmenté d’un million sous Sarkozy !

M. Dominique Le Mèner. Le taux de chômage en France – 10,2 % – est supérieur de plus de 1,3 point à la moyenne européenne. Ça, c’est une réalité pour plus de 5,2 millions de chômeurs qui ne pensent pas que ça va mieux !

Depuis le début du quinquennat, six lois sur le travail ont été votées. Il serait temps d’admettre que la politique économique du Gouvernement est un échec. En revanche, tous nos voisins qui ont conduit des réformes structurelles ont vu leur courbe du chômage s’inverser : le taux est de 4,5 % en Allemagne, 5,2 % au Royaume-Uni. Ce n’est pas le dernier projet de loi en date, le projet El Khomri, qui risque de changer les choses !

On croit rêver encore lorsque l’on entend que le Président n’est pas en campagne. Nous avons fait les comptes : depuis le début de l’année 2016, plus de 5 milliards d’euros ont été distribués, comme autant de promesses non financées pour satisfaire de nombreux mécontents.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Eh oui !

M. Dominique Le Mèner. Chaque promesse est séduisante. Mais sans financement, cela revient à tromper les Français.

Finalement, la seule raison de penser que ça va mieux, c’est que l’alternance approche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Alors, monsieur le Premier ministre, qu’allez-vous faire pour que cette dernière année de mandat ne soit pas encore une année perdue ? Monsieur le Premier ministre, y a-t-il encore un pilote dans l’avion ? (« Non ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Vous le savez, monsieur le député, les derniers chiffres que nous avons annoncés en matière de chômage ont montré une forte baisse – la meilleure baisse, d’ailleurs…

M. Yves Fromion. Comme c’est bizarre !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Sur les trois derniers mois, le nombre de demandeurs d’emploi a baissé de près de 50 000 en catégorie A.

M. Bernard Deflesselles et M. Yves Fromion. Et dans les autres catégories ?

M. François Rochebloine. Et sur les quatre dernières années ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. C’est cette catégorie-là qui nous intéresse particulièrement. Nous n’avons jamais connu une telle baisse depuis cinq ans, c’est-à-dire depuis 2011.

C’est particulièrement le cas en matière de chômage des jeunes. Alors même qu’il avait augmenté de près de 30 % durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il diminue maintenant depuis quinze mois,…

M. Christian Jacob. Et les 700 000 chômeurs supplémentaires depuis 2012 ?

M. Philippe Cochet. C’est comme les impôts ! Ils diminuent, eux aussi !

Mme Myriam El Khomri, ministre. …et vous devriez vous en réjouir. Près de 30 000 jeunes sont sortis du chômage : je pense que c’est une chose essentielle.

Vous faites des comparaisons à l’échelle européenne, mais je vous invite aussi à regarder les chiffres du Bureau international du travail. Selon le BIT, le chômage a baissé en 2015 dans notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Aujourd’hui, près de 40 % des personnes inscrites en catégorie C travaillent à temps plein mais cherchent un autre emploi. Si vous voulez faire des comparaisons européennes, regardez les chiffres du BIT : vous verrez bien que le chômage a baissé en 2015.

M. Bernard Accoyer. Après le 49.3, la prestidigitation !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous disons que cela va mieux. Concrètement, regardons quelques indicateurs économiques. Nous avons bien sûr conscience que, pour de nombreux Français, notamment pour ceux qui se trouvent dans une spirale du chômage de longue durée…

Mme Catherine Vautrin. Pour eux, ça ne va pas mieux !

Mme Myriam El Khomri, ministre. …ou qui collectionnent des contrats particulièrement courts et des périodes de chômage, cela ne va pas mieux, ni pour eux, ni pour leurs enfants. Justement, nous faisons tout pour les sortir de cette précarité. Mais regardez, concrètement, certains indicateurs : les déclarations d’embauche sont en hausse, les embauches en CDI sont en hausse, et les créations nettes d’emplois sont en hausse, encore au premier trimestre.

M. Claude Goasguen. Ça va mieux !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur le député, nous nous battons non pas seulement pour que cela aille mieux, mais pour que cela aille bien ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Marie-Louise Fort. Applaudissements nourris !

Prime d’activité

M. le président. La parole est à M. Renaud Gauquelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Renaud Gauquelin. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, sur l’initiative du Président de la République, le Gouvernement a créé, en janvier 2016, la prime d’activité. Voilà des choses concrètes !

Le but de cette prime est, clairement, d’encourager l’activité, le travail, et d’accroître le pouvoir d’achat des nombreux salariés gagnant moins de 1 500 euros par mois. Dans certains cas, les étudiants et les apprentis peuvent également y avoir droit.

Cette prime se déclenche dès le premier euro. Elle concerne chacune et chacun d’entre nous à partir de l’âge de 18 ans.

M. Bernard Accoyer. Quelle est la question ?

M. Renaud Gauquelin. Elle s’adresse à notre jeunesse, puisqu’elle concerne près d’un million de jeunes gens, alors que le RSA jeune actif ne bénéficiait qu’à quelques milliers d’entre eux.

Madame la ministre, fin avril 2016, cette prime d’activité bénéficiait à 2,3 millions de foyers français, soit 4 millions de nos compatriotes. L’estimation initiale, qui s’élevait à 2 millions de ménages, est donc largement dépassée. Plus de la moitié des bénéficiaires ne percevaient pas le RSA activité.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Allô ! Allô !

M. Renaud Gauquelin. Il s’agit également d’un véritable succès, dont chacun doit évidemment se réjouir, pour nos jeunes qui entrent dans le monde du travail. En effet, 400 000 d’entre eux bénéficient de cette prime. L’estimation initiale était basée sur 200 000 allocataires : nous l’avons doublée.

M. Bernard Accoyer. Est-ce une question ?

M. Renaud Gauquelin. Cela vient d’être dit, madame la ministre : l’emploi commence à se porter un peu mieux en France, et il faut que cela continue. (Exclamations et « Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Cette prime d’activité est également un encouragement venant après d’autres mesures fortes. Je pense par exemple à la juste revalorisation du métier d’enseignant, ou aux baisses d’impôts dont bénéficieront 12 millions de foyers modestes et des classes moyennes.

Madame la ministre, comment comptez-vous pérenniser le succès de cette prime d’activité ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, je veux d’abord saluer votre première question dans cet hémicycle, que vous avez rejoint il y a quelques semaines, après l’entrée de Mme Geoffroy au Gouvernement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Vous saluez à juste titre le succès que connaît la prime d’activité. Ce succès est quantitatif : vous avez cité les données qui montrent que près de 4 millions de Français, parmi lesquels 400 000 jeunes, ont accès à cette prime. Nous avons donné à ces 400 000 jeunes un nouvel espoir et nous leur avons adressé un signe de confiance, puisqu’ils n’avaient droit, jusque-là, à aucune prestation, à aucun accompagnement.

Comment peut-on expliquer le grand succès que rencontre la prime d’activité ? D’abord, elle s’adresse à des millions de personnes aux revenus modestes, dont nous saluons et reconnaissons le travail et l’engagement au travail. Pour ces salariés modestes, elle représente du pouvoir d’achat supplémentaire : c’est une avancée sociale considérable.

Ensuite, cette prime est un succès parce que nous avons su mettre en place un système simple,…

M. Sylvain Berrios. Baratin !

Mme Marisol Touraine, ministre. …qui permet de s’inscrire par internet de manière extrêmement aisée. Je profite de cette intervention pour rappeler à tous ceux et à toutes celles qui bénéficient de la prime d’activité qu’ils doivent la demander par internet tous les trois mois, en actualisant leurs revenus. Qu’ils n’oublient donc pas de mettre à jour leur dossier !

Nous allons poursuivre ce travail en direction des salariés modestes, en adaptant la prime d’activité, lorsque c’est nécessaire, pour qu’elle cible toujours mieux les salariés qui en ont le plus besoin. C’est cela, notre engagement ; c’est cela, notre volonté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Avenir d’un site industriel du groupe Flowserve

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, je vous ai informé, il y a plusieurs semaines, de la fermeture, d’une extrême brutalité et totalement inattendue, d’un site industriel du bassin de Thiers : les quatre-vingt-cinq salariés de cette entreprise de fabrication de vannes de haute technologie, reconnus internationalement pour leur savoir-faire et la qualité de leur production, sont sacrifiés par le groupe américain Flowserve, dont le siège est à Dallas. Or cette usine conçoit, fabrique et assure la maintenance de vannes équipant des bâtiments de la marine nationale. Comment pourrait-on accepter que ces pièces soient fabriquées hors de notre territoire ?

À l’heure où nous avons tenté de débattre et de rejeter un texte facilitant les licenciements, nous avons ici l’exemple concret que les grands groupes n’ont pas besoin de cet outil supplémentaire que serait la « loi travail ». C’est au contraire d’une loi interdisant les licenciements boursiers et les suppressions d’emploi abusives que les salariés du pays ont besoin ! Les députés du Front de gauche avaient déjà déposé une telle proposition de loi en 2013… avant qu’elle ne soit rejetée.

Je souhaite aujourd’hui vous interroger plus particulièrement sur la méthode employée par ce groupe : il a délégué la mise en œuvre de la fermeture du site à des interlocuteurs sans pouvoir de décision ; il instaure à distance un véritable chantage en voulant imposer un plan de sauvegarde de l’emploi au rabais pour financer les obligations de la loi Florange ;…

Un député du groupe socialiste, radical et citoyen. C’est un scandale !

M. André Chassaigne. … il impose aux éventuels repreneurs l’abandon de productions d’intérêt national pour les délocaliser sur des sites étrangers.

Par ma voix, les salariés attendent de l’État un engagement concret à leur côté contre le mépris de financiers sans scrupules, fossoyeurs de leur outil de travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la gauche républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, vous accepterez que je ne partage pas la totalité de votre captatio benevolentiae en ce qui concerne le raisonnement même qui a présidé à vos conclusions et qui ne vous a pas conduit à suivre le texte que vous évoquez. En l’espèce, vous l’avez vous-même souligné, le cas de Flowserve montre qu’avant cette loi, il était déjà tout à fait possible de licencier, parfois d’ailleurs de manière abusive ou sans bonnes explications.

S’agissant de l’entreprise que vous évoquez, que sommes-nous en train de faire, en partenariat avec les collectivités territoriales concernées et vous-même ? Il faut au préalable s’assurer que la loi que vous avez voulue, celle qui, suite à l’épisode Florange, impose une reprise, soit bien appliquée. C’est une priorité parce que le site de Thiers est un bon site industriel dont les savoir-faire sont reconnus, et les salariés concernés doivent pouvoir continuer à travailler dans ce secteur absolument critique qu’est celui des vannes. Nous allons donc travailler à une reprise du site. Depuis que vous m’avez saisi de ce dossier et que mon ministère travaille avec l’entreprise et les représentants des salariés, nous avons identifié 167 repreneurs possibles. Aujourd’hui, trois projets de reprise très sérieux sont déjà envisageables, et nous avons obtenu du groupe Flowserve une prolongation jusqu’à l’été pour que nous puissions travailler sur une reprise de ce site industriel. C’est à mes yeux la priorité. Les services de l’État sont pleinement mobilisés et je continuerai à vous tenir pleinement informé.

Ensuite, s’agissant des salariés, tous ceux qui ne seraient pas concernés par la reprise doivent pouvoir faire l’objet d’un reclassement dans le groupe. Il y en a aujourd’hui de possibles sur d’autres sites. Nous voulons donc imposer au groupe qu’ils soient reclassés. C’est notre seconde priorité, ce à quoi nous allons employer notre énergie dans les prochaines semaines, et je vous tiendrai également informé de l’évolution de la situation sur ce point. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Difficultés des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour le groupe Les Républicains.

M. Jacques Lamblin. Monsieur le Premier ministre, depuis quatre ans, cette majorité a pris un certain nombre de funestes décisions.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

M. Jacques Lamblin. Par exemple, sourd aux conseils de bon sens, vous avez décidé de chasser les maires de l’Assemblée nationale. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) En effet, en 2017, dans moins de 400 jours, ne pourront pas être candidats aux législatives ceux qui sont déchus de leurs droits civiques, c’est-à-dire les assassins, les violeurs, les escrocs… et les 36 000 maires de France ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Autre exemple : là aussi, sourds aux mises en garde, le Président de la République et le Gouvernement ont diminué les dotations dues par l’État aux communes dans des proportions extravagantes. Le résultat ne s’est pas fait attendre : mis au pied du mur, les maires n’ont pas eu le choix et les investissements de leur commune, pourtant indispensables, ont régressé, mettant en difficulté toutes les entreprises de travaux publics.

Mme Marie-Louise Fort. Eh oui !

M. Jacques Lamblin. Dans quelques jours, le Président de la République va se rendre au Salon des maires. D’ici là pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, lui dire que, lui président, doit absolument annoncer aux maires qu’il recule et qu’il renonce à ponctionner, une fois encore, les finances communales ? Il a fait fausse route, soit, mais il est encore temps pour lui de faire amende honorable.

Chacun ici connaît le célèbre précepte latin : Peccare idem bis, haud viri sapientis est. Ce n’est pas celui que vous attendiez, semble-t-il, je vous le traduis : « Commettre deux fois la même faute n’est pas le fait d’un homme sage. » Dites-le bien à Mme la ministre de l’éducation nationale : le latin, cela peut servir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, nous avons apprécié la modération de vos mots.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas le sujet !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais si, monsieur Jacob, et je réponds toujours aux députés de votre groupe avec immensément de plaisir. Ma réponse sera courte.

Premièrement, mettez-vous d’abord d’accord avec les candidats aux primaires de votre formation politique concernant les collectivités territoriales (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) et expliquez au Congrès des maires comment vous ferez si les vôtres arrivent au pouvoir – au passage, soyez respectueux du choix du peuple français, d’autant plus que tous les pronostics, un an avant une élection présidentielle, ont fait fausse route, et que c’est respecter le peuple français que d’attendre son choix avant de tirer des plans sur la comète. Vous allez devoir expliquer, lors du Congrès des maires, la cohérence entre la question qui vient d’être posée et l’objectif de faire 100 milliards d’économies alors que nous savons que celles-ci vont concerner l’éducation nationale, la police, la gendarmerie, l’hôpital et les collectivités territoriales. (« Eh oui ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Comme ces dernières pourront-elles fonctionner alors que des candidats de votre formation politique expliquent qu’il faut des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires en moins, notamment dans la fonction publique territoriale, et que vous proposez vous-mêmes 10 milliards à 15 milliards supplémentaires de ponction sur les collectivités territoriales ? Puisque vous voulez de l’éthique, de la responsabilité et de la vérité face aux Français, mettez-vous d’accord d’abord avec vos candidats avant de critiquer le Gouvernement sur cette question. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Deuxièmement : oui, nous assumons, et c’était un engagement pris devant les Français, d’avoir fait voter le non-cumul des mandats. C’était une décision attendue par nos concitoyens. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) L’un de vos candidats ment aux Français quand il explique qu’il va revenir sur cette réforme qui interdira, à partir de 2017, le cumul entre un mandat d’exécutif local et un mandat parlementaire. C’est une réforme importante. Il ne sert à rien de la combattre, c’est rétrograde car la modernité va aujourd’hui dans ce sens. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Projet de loi de modernisation de la justice du XXIsiècle

M. le président. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Monsieur le garde des sceaux, cet après-midi, notre assemblée commencera l’examen de deux projets de loi d’ampleur – l’un organique, l’autre ordinaire – réformant notre justice.

Depuis 2012, la justice fait partie des priorités de notre majorité, comme le démontrent les efforts budgétaires consentis dans le contexte de redressement des comptes publics que chacun connaît. Mais, vous l’avez dit, monsieur le ministre, la justice mérite mieux, la justice mérite plus. C’est pour cela qu’au-delà des efforts financiers et humains et qu’après la loi du 15 août 2014, les deux textes dont nous commencerons l’examen aujourd’hui engagent une réforme structurelle d’ampleur.

Cette réforme vise à placer le justiciable au centre de notre système judiciaire. Un fonctionnement plus efficace est nécessaire, qui doit bénéficier avant tout aux usagers de ce service public essentiel. Mais un meilleur fonctionnement bénéficiera aussi aux personnels, auxquels je veux rendre hommage pour leur dévouement quotidien au service de la justice.

Pour faire mieux fonctionner la justice, il faut simplifier : la réforme du divorce par consentement mutuel que vous proposez, monsieur le ministre, ou l’enregistrement des pactes civils de solidarité en mairie vont dans ce sens, de même que le développement de la forfaitisation des délits sur des questions très limitées mais lourdes en termes de fonctionnement pour les tribunaux.

Avec ces projets de loi, nous poursuivons aussi notre effort pour une plus grande transparence de la vie publique et pour le développement des pratiques déontologiques – aspect que je tiens particulièrement à saluer. Avec ces projets de loi, nous fortifions notre État de droit et créons des avancées fortes, comme l’instauration d’un socle procédural commun pour l’action de groupe, que nous déclinons en matière de discrimination.

Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen. Bravo !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Nous consolidons le juge des libertés et de la détention dont le rôle est devenu central dans notre organisation. Nous supprimons les tribunaux correctionnels pour les mineurs, créés pour des raisons idéologiques par la majorité précédente et qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.

M. Éric Straumann. Est-ce une question ou bien une réponse ?

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Monsieur le ministre, pouvez-vous exposer votre vision de ces deux projets de loi, qui doivent permettre de réformer la justice au service de nos concitoyens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Christian Jacob. Qui avait bien écrit la question !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, pour 95 % de nos concitoyens, la justice est trop complexe. Pour 88 % d’entre eux, elle est trop lente. Il faut donc tout simplement la simplifier, sans détruire la qualité du service qui est rendu.

J’aurai tout à l’heure le privilège de défendre devant l’Assemblée nationale un texte de loi pour la modernisation de la justice du XXIsiècle, qui a été largement amélioré par les travaux de la commission des lois.

Vous me permettrez, madame la députée, de remercier les rapporteurs qui ont contribué à l’amélioration de ces textes, Cécile Untermaier, Jean-Yves Le Bouillonnec et Jean-Michel Clément.

L’essentiel a déjà été fait par les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls : des postes ont été créés. Si les engagements du Président de la République avaient été strictement tenus, nous aurions créé 2 500 postes dans le secteur de la justice entre 2012 et 2017. Entre 2012 et 2016, nous en avons créé 4 500 : nous avons donc fait beaucoup plus que ce que le Président de la République avait annoncé. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Il reste à donner des moyens. J’ai obtenu du Premier ministre et du ministre de l’économie et des finances des dégels de crédits : dès à présent, 107 millions d’euros seront affectés dans les juridictions, afin qu’elles puissent mieux fonctionner.

Enfin, ce texte permettra de simplifier les procédures. Le métier du juge consiste simplement à trancher des désaccords. Partout où il n’y a pas de désaccord, il n’est nul besoin d’un juge. C’est notamment le cas pour les divorces par consentement mutuel, lorsque les deux parties sont d’accord. Le juge doit se concentrer sur les divorces où il y a du contentieux.

Un député du groupe Les Républicains. Le mariage n’est pas un contrat !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Madame la députée, aujourd’hui, les divorces par contentieux peuvent durer trois ans. C’est une punition pour ceux qui les subissent. Permettons donc aux juges de se concentrer ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Nomination du président-directeur général de l’INRA

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe Les Républicains.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le Premier ministre, j’aurais pu vous interroger au sujet de la nomination de la belle-fille de Jean-Pierre Jouyet. Mais je vous interrogerai plutôt sur la nomination prochaine du président-directeur général de l’Institut national de la recherche agronomique.

En effet, l’INRA est une très belle institution de recherche…

M. Bernard Accoyer. Magnifique !

M. Patrick Hetzel. …qui jouit d’une reconnaissance scientifique internationale. Pour notre pays, notre science et notre agriculture, les enjeux économiques et sociaux d’une recherche agronomique de très haut niveau sont essentiels.

Jusqu’à présent, celles et ceux qui ont dirigé cette noble institution avaient la particularité d’être eux-mêmes des chercheurs reconnus et incontestés. Ils étaient des managers mais aussi des chercheurs exemplaires.

M. Bernard Accoyer. Heureusement !

M. Patrick Hetzel. Or il semblerait que vous cherchiez à nommer quelqu’un qui n’a pas du tout ce profil, en l’occurrence le directeur de cabinet de M. Le Foll (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), quelqu’un qui est un apparatchik et non pas un scientifique. Quel mépris pour la science et la recherche !

Je m’adresse donc aujourd’hui à vous, monsieur le Premier ministre, pour vous demander l’exemplarité du processus de nomination du futur président directeur général de l’INRA.

M. Bernard Accoyer. La République irréprochable !

M. Patrick Hetzel. Il est essentiel que tous les candidats, dont l’actuel P-DG, puissent présenter leurs qualifications, leurs motivations et leur vision pour la recherche agronomique future devant un comité de sélection impartial.

La science française mérite bien mieux que vos petites combines ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, depuis la loi de mars 2013, les procédures qui président à la nomination d’un candidat à des fonctions importantes sont encadrées par la loi, précisément pour garantir la qualité des candidatures ainsi que leur objectivité.

M. Christian Jacob. Là, ce n’est pas le cas !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Ce processus n’avait que trop tardé à entrer en droit positif : il est désormais en cours. L’appel à candidatures, qui a été publié au Journal officiel, sera clos à la mi-juin 2016. Puis, il reviendra à un jury, composé par la Direction générale de la recherche et de l’innovation, d’étudier les candidatures et de formuler un avis.

M. Christian Jacob. Ses responsables ont été nommés par le directeur de cabinet du ministre !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Enfin, le candidat proposé par le Gouvernement viendra devant les commissions compétentes des deux assemblées parlementaires, qui se prononceront par un vote, à l’issue duquel le conseil des ministres prendra une décision.

Ayez donc confiance dans le droit, dans les règles qui ont été votées par cette assemblée. La décision qui sera prise sera forcément la bonne puisqu’elle sera le reflet de l’avis – et de la compétence – de la représentation nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Soutien aux entreprises de taille intermédiaire

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Ma question s’adresse au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Monsieur le ministre, j’ai eu l’occasion, le mois passé, de vous accueillir à Hanovre, dans ma circonscription, où se tenait le plus grand salon de technologie industrielle au monde. Nous y avons rencontré notamment des représentants d’entreprises allemandes de taille intermédiaire – le fameux Mittelstand – intéressées par des investissements sur le marché français ou bien déjà présentes dans notre pays.

Je connais bien ces entreprises, souvent familiales, transmises sur plusieurs générations, qui font la force de l’industrie allemande, la qualité de ses produits et une large part de son succès à l’exportation. Ces entreprises portent une vision à long terme. Elles irriguent les territoires où elles ont été créées et jouent un rôle majeur pour la croissance et pour l’emploi. Malheureusement, en France, il n’existe pas l’équivalent du Mittelstand ; notre pays ne compte que 4 600 entreprises de taille intermédiaire, contre 12 000 en Allemagne. C’est une faiblesse de notre tissu industriel, à laquelle il convient que nous nous attaquions.

Je souhaite appeler votre attention sur les questions de transmission et de financement. La poursuite du développement d’une entreprise dépend éminemment de la réussite de sa transmission. Or le taux de transmission en France est faible, notamment pour des raisons fiscales. Que faire pour réduire la fiscalité sur la transmission de parts d’entreprise et en améliorer la lisibilité ? Ne faudrait-il pas aller vers une exonération en retour de la détention à long terme de titres sociaux, comme cela se pratique non seulement en Allemagne, mais aussi en Grande-Bretagne et en Italie ?

Quant au financement, qu’est-il possible de faire pour alléger les charges frappant le cycle de production afin de soutenir la capacité d’investissement ? Quel cadre juridique et réglementaire imaginer qui encourage en France l’investissement à long terme dans les entreprises de taille intermédiaire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, vous avez fort bien décrit la situation et ce qui sépare la France et l’Allemagne. Si l’on compare les deux pays, nous n’avons en France qu’un tiers environ des entreprises de taille intermédiaire – ETI – que nous devrions avoir. Pourquoi ? Comment agir ?

La première réponse est de reconstituer les marges des entreprises : quand les entreprises n’ont pas de marges, elles ne peuvent pas investir, embaucher et croître. Ce fut l’objectif du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – le CICE – et du pacte de responsabilité et de solidarité. Grâce à eux, nous avons rattrapé les deux tiers de notre retard historique.

La deuxième réponse est de se positionner sur les marchés de moyen et haut de gamme, qui permettent de créer de la valeur ajoutée et de croître – car c’est cela, avant tout, la force du modèle allemand. Cet objectif est au cœur de la « Nouvelle France industrielle » et, en particulier, de l’« Industrie du futur ». Pour l’atteindre, nous avons donné la priorité à l’investissement productif, en concentrant les moyens de la Banque publique d’investissement et nos interventions sur une montée en gamme dans des secteurs prioritaires : 2 000 PME, TPE et ETI seront accompagnées d’ici à la fin de l’année, au-delà du soutien au financement ; plus de 2 milliards de crédits de la Banque publique d’investissement seront concentrés sur la Nouvelle France industrielle afin de réussir cette transformation. C’est aussi ce qui a présidé à la décision, en avril 2015, de mettre en œuvre un suramortissement fiscal qui permette, comme vous le proposez, d’amortir 140 % de l’investissement réalisé et, ce faisant, de réduire de près de 14 points l’impôt sur les sociétés payé en cas d’investissement productif. Le Premier ministre l’a annoncé il y a quelques semaines : il a décidé de proroger cette mesure pour un an, jusqu’en avril 2016.

Enfin, il faut permettre aux investisseurs de réinvestir dans leur propre entreprise. C’est ce que nous avons décidé l’année dernière et que nous consoliderons cette année dans le cadre des suites de la mission Dombre Coste. Nous avons tenu une réunion sur le sujet ce matin encore...

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour le groupe Les Républicains.

M. Christophe Priou. Le 26 juin prochain, les électrices et électeurs de Loire-Atlantique auront à se prononcer sur l’avenir du projet d’aéroport du Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Cette consultation, décidée par le Président de la République, aura lieu alors même que la question a déjà été tranchée par la démocratie représentative et par la justice et que la ZAD, zone de non-droit à quelques dizaines de kilomètres de Nantes et Rennes – ces deux villes étant actuellement victimes de violences urbaines inadmissibles –, n’a jamais été évacuée, bafouant ainsi l’autorité républicaine.

Il y a un mois, un rapport commandé par la ministre de l’environnement, Mme Ségolène Royal, validait la pertinence du transfert, tout en remettant en cause les deux pistes prévues, ce qui sème une fois de plus le doute.

En effet, un scénario à une piste entraînerait le lancement d’une nouvelle et longue procédure en vue d’une déclaration d’utilité publique, avec des recours multiples. Le projet n’y survivrait sans doute pas et l’aéroport du Grand Ouest compléterait alors la litanie des projets bloqués ou enterrés par la ministre de l’environnement, en particulier dans la région Pays-de-la-Loire. Dire oui au transfert reviendrait alors à dire non à l’aéroport.

Les électeurs qui auront à s’exprimer dans quelques semaines doivent avoir une connaissance claire des conséquences de leur vote sur l’avenir de l’aéroport. C’est pourquoi seul le projet à deux pistes, validé par la justice et contribuant à réduire les nuisances sonores, peut être soumis à la consultation.

Monsieur le Premier ministre, le scénario à deux pistes sera-t-il clairement évoqué dans le document de la Commission nationale du débat public ? Il vous appartient d’affirmer que la consultation du 26 juin portera sur le transfert d’un aéroport à deux pistes à Notre-Dame-des-Landes et que si le oui l’emporte, c’est bien ce projet qui sera lancé par le Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Effectivement, monsieur le député, une ordonnance a été publiée à la suite de la promulgation de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et, surtout, de l’important travail réalisé par la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique. Ce texte constitue une innovation démocratique, puisqu’il crée un nouveau dispositif de consultation locale. Une première application en sera faite avec la consultation sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes Atlantique vers le site de Notre-Dame-des-Landes.

Comme vous l’avez rappelé, un décret de convocation des électeurs a été publié le 25 avril ; le vote aura lieu le 26 juin. Il concernera les électeurs du département de Loire-Atlantique, qui correspond au territoire couvert par l’enquête publique dont le projet a fait l’objet. Comme le Premier ministre l’a spécifié au président de la Commission nationale du débat public dans un courrier publié la semaine dernière, les électeurs seront appelés à se prononcer par oui ou par non sur le projet qui avait été déclaré d’utilité publique en 2008.

L’ordonnance prévoit aussi qu’un dossier d’information sera établi par la Commission nationale du débat public : il s’agit là d’un gage important sur l’impartialité et la qualité de l’information. Ce dossier présentera de façon claire et objective les motifs et les caractéristiques du projet, l’état d’avancement des procédures, ainsi que l’impact sur l’environnement et les autres effets attendus.

En conclusion, monsieur le député, nous invitons l’ensemble des forces démocratiques du pays à se mobiliser pour la consultation du 26 juin, qui sera un moment de vérité sur le projet de transfert. Telle est la volonté du Gouvernement, afin de sortir par le haut d’une situation de blocage qui n’a que trop duré !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Remarquable !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Ratification de l’accord de Paris

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 (nos 3719, 3743, 3733).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le président et rapporteur pour avis de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le monde est à un tournant de son histoire. L’homme et la planète sont inséparables – ce savoir est ancestral, et l’idée que la nature est au service de l’homme doit laisser la place à la reconnaissance que ce dernier ne peut exister sans elle ; et même lorsqu’il cherche à exister contre elle, il déclenche toute une série de drames, de souffrances, de désespoirs, le dérèglement climatique.

Il faut donc faire des choix courageux pour rétablir un équilibre dangereusement rompu entre les activités humaines et le milieu naturel : c’est ce que la communauté internationale a fait, en décembre dernier, à Paris. Les choix que nous ferons en tant qu’individus, territoires, entreprises, nations et communauté internationale déterminent la rapidité de l’application de cet accord. Un geste simple, indéfiniment répété par des milliards de personnes à travers la planète, a le pouvoir de changer le cours de l’histoire : c’est le message que Gandhi avait adressé au monde entier ; et le combat pour la justice climatique est, de fait, un combat pour la paix entre les peuples. C’est donc l’honneur de la France d’être le premier pays industrialisé à ratifier l’accord de Paris, et le premier pays d’Europe à donner cet exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Universel et ambitieux, équitable et dynamique, l’accord de Paris représente un point de bascule vers un développement sobre en carbone et résilient aux effets du dérèglement climatique. Il fixe pour objectif de contenir la hausse des températures bien en deçà de 2 degrés, et de s’efforcer de la limiter à 1,5 degrés. Pour cela, il appelle à ce que le pic des émissions de gaz à effet de serre ait lieu le plus tôt possible et à la neutralité des émissions dans la seconde moitié du siècle.

Il prévoit aussi que chaque pays mette à jour, tous les cinq ans, et de façon toujours plus ambitieuse, sa contribution nationale. À ce jour, 190 pays ont déposé leur contribution nationale ; la quasi-totalité des émissions est donc couverte. Un bilan collectif aura également lieu tous les cinq ans afin de faire le point sur les engagements des pays ; le premier bilan aura lieu en 2023.

La décision qui accompagne l’accord prévoit, par ailleurs, que les États se rencontrent une première fois en 2018 pour évaluer leurs progrès – 2018, c’est demain ; c’est dire la rapidité avec laquelle nous devons engager l’action. Sur ce point aussi la France s’honore d’être le premier pays au monde à avoir transcrit dans sa législation, grâce à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, que vous avez votée, et qui constitue son engagement, pris avant la conférence de Paris sur le climat.

L’accord ouvre donc la voie à un renforcement progressif des engagements d’atténuation et d’adaptation pour tous les pays, grâce à des mécanismes de coopération en matière de financement, de transfert de technologies et de renforcement des capacités.

S’agissant du premier point, l’accord met en œuvre une obligation pour les pays développés de fournir et de mobiliser des financements qui devront progressivement augmenter.

La décision qui accompagne l’accord maintient jusqu’en 2025 l’engagement d’un financement de 100 milliards de dollars par an, qui servira de base à une cible financière plus ambitieuse. La nécessité de rééquilibrer les financements – notamment publics, mais aussi sous forme de dons – pour l’adaptation est affirmée.

S’agissant de la transparence, un cadre renforcé est mis en place. Il permettra de construire la confiance entre les pays et de s’assurer de l’efficacité de l’accord. Ce cadre s’appliquera à tous, en tenant compte de la capacité de chacun des pays. Un mécanisme de contrôle de la mise en œuvre et de la conformité de l’accord est établi. Ses règles de procédure seront définies afin qu’il puisse être mis en œuvre avant la date d’application de l’accord.

L’accord a été ouvert à la signature au siège de l’Organisation des Nations unies le 22 avril 2016, jour de la Journée internationale de la Terre. Très attachée à ce que ce texte, fruit d’un consensus historique, soit signé dès cette date par le plus grand nombre, la présidence française s’est engagée afin d’encourager les États à être représentés à haut niveau à cette occasion et témoigner ainsi que l’engagement politique fort pris à Paris se confirmait. De fait, la mobilisation a été exceptionnelle : 175 parties ont signé l’accord le même jour – le 22 avril –, ce qui ne s’était jamais vu s’agissant de la signature d’un accord de ce niveau.

Il convient à présent de ratifier cet accord, ce qui est précisément l’objet de notre débat. Cette étape est indispensable car c’est la ratification qui va permettre l’entrée en vigueur de l’accord aux niveaux international, national, régional et local. L’accord entrera en vigueur après le dépôt des instruments de ratification d’au moins 55 parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, représentant au moins 55 % des émissions totales de gaz à effet de serre.

À ce jour, 16 États l’ont déjà ratifié, notamment – il faut le souligner – les petites îles, c’est-à-dire les États les plus menacés dans leur existence même par le réchauffement climatique. D’autres pays majeurs ont annoncé leur intention de les rejoindre dès cette année, notamment l’Australie, l’Argentine, le Canada, la Chine, les États-Unis, le Mexique, les Philippines, ainsi que des États du continent africain – le Cameroun et le Mali –, continent qui souffre aussi du dérèglement climatique sans pourtant en être à l’origine.

La mobilisation est donc en marche car, à côté de cet accord, bien évidemment, nous devons agir d’ici à 2020. Les diverses initiatives se renforcent : les actions opérationnelles renforcent l’accord et le rendent crédible, et l’accord lui-même, au stade de la préparation de son application, donne une impulsion aux différentes actions.

Ainsi, notre objectif, notre devoir, est de rendre ce mouvement irréversible, en faisant en sorte que tous les acteurs s’engagent, ce qui est le cas : d’abord, les États, qui ont la responsabilité de la ratification et des contributions nationales ; les entreprises et les investisseurs, qui travaillent à la réalisation de la transition énergétique et à la finance verte, grande nouveauté de la COP21 ; les ONG et les citoyens, pour s’assurer que la parole donnée à Paris est respectée, mais aussi pour contribuer à l’élaboration des actions opérationnelles et à la connaissance des dégâts causés par le dérèglement climatique ; les territoires et les grandes villes, avec les coalitions qui se sont exprimées lors de la COP21 – rappelons que les vingt plus grandes mégalopoles du monde sont directement menacées par la montée des océans. Enfin, je voudrais évoquer la démocratie locale, qui s’exerce aussi au niveau de chaque citoyen. Je rappelle que 70 % des actions efficaces contre le dérèglement climatique sont menées à l’échelle locale. C’est la raison pour laquelle, vous le savez, j’ai pris soin, en accompagnement de la loi relative à la transition énergétique, que vous avez votée, d’assurer la mise en œuvre de ce texte sans tarder dans les territoires, avec la création des 400 territoires à énergie positive.

M. Guillaume Garot. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Un grand apport de la COP21 est d’avoir associé aux États tous les acteurs qui comptent pour donner une impulsion à une transition majeure de notre modèle de développement. Ainsi, le plan d’action « Lima-Paris » a-t-il créé une dynamique qui rassemble plus de 10 000 villes, régions, entreprises, investisseurs et associations dans 180 pays, autour de 70 coalitions.

Pour avoir participé à plus d’une centaine d’événements pendant les dix jours de la COP21, et pour avoir la responsabilité, en tant que présidente de la COP, de suivre la montée en puissance des coalitions, je puis témoigner auprès de vous du mouvement irréversible ainsi créé. Les 70 coalitions fondées à Paris, dont 15 sur l’initiative de la France, offrent ainsi un nouveau cadre pour fédérer les États, les entreprises, les salariés, les associations, les ONG, les citoyens autour des principaux enjeux du changement climatique. Depuis la COP21, la France s’emploie à consolider ces différentes initiatives, par exemple l’Alliance solaire internationale, que j’ai eu l’occasion de présider à New York en marge de la cérémonie de signature, et qui a vu le lancement des premiers programmes de travail. Citons aussi le lancement de l’initiative contre l’érosion des côtes, notamment ouest-africaines, la coalition pour les énergies renouvelables en Afrique, la coalition autour du prix du carbone, la coalition autour de l’innovation et de la recherche, les coalitions autour des énergies renouvelables, de l’efficacité des bâtiments, autour des questions de la forêt, de l’eau, de l’océan, de l’agriculture durable et de l’économie circulaire, ainsi que sur tous les sujets liés à la résilience.

M. Guillaume Garot. Quel travail !

Mme Ségolène Royal, ministre. S’il fallait insister sur un sujet qui devient aujourd’hui urgent, je mentionnerais la coalition relative au prix du carbone et le développement de la finance verte. Les banques multinationales ont pris la mesure des efforts à fournir en la matière : plus de 40 milliards de dollars d’obligations vertes ont été émis l’an dernier, ce qui représente plus du double des montants de l’année précédente. La France se place en tête des pays d’origine des émetteurs d’obligations vertes. L’État a d’ailleurs décidé d’émettre des bons du Trésor : le prochain projet de loi de finances vous saisira des sujets de la finance verte et de la fixation d’un prix du carbone qui pourrait servir de modèle à l’ensemble des pays de l’Union européenne, et bien au-delà.

Beaucoup a été fait aussi, en peu de temps, par la finance privée, comme l’atteste la coalition pour la décarbonation des portefeuilles, qui a réuni 600 milliards de dollars d’actifs, dépassant largement l’objectif initial des 100 milliards de dollars. Je suis actuellement en train de mobiliser les 500 plus gros investisseurs qui ne prennent pas encore en compte le climat dans leurs choix d’investissement.

Je souhaite aussi que l’on prenne la mesure des opportunités que présentent la croissance verte et l’économie bleue, en développant ce que nous avons fait dans la loi relative à la transition énergétique, et qui est, là aussi, unique au regard des différentes législations existant dans le monde : vous avez en effet voté le fameux article 173 de ce texte, qui sert de référence à la finance mondiale. Nous sommes le seul pays à avoir développé l’obligation pour les investisseurs de définir, dans leur rapport aux actionnaires, la dimension climatique de leurs investissements.

Mme Catherine Quéré. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. En ce qui concerne la tarification du carbone, une grande coalition d’États et d’entreprises s’est constituée. L’objectif, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors des réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI à Washington, est de mettre en place un prix suffisamment élevé pour changer les comportements, suffisamment stable et prévisible pour donner de la visibilité aux acteurs économiques et financiers, et coordonné pour qu’il soit un instrument non de concurrence mais, au contraire, de cohésion. J’ai ouvert le premier panel de la coalition des leaders pour un prix du carbone à la Banque mondiale. Le Québec, la Californie et l’Ontario – notamment – ont déjà lancé un marché du carbone. À l’heure actuelle, une quarantaine de pays, vingt-trois villes, des États et des provinces tarifient le carbone. Lors du prochain Conseil européen, la France va proposer aux autres États membres de s’aligner en matière de tarification du carbone, avec la création d’un « corridor carbone », pour que soit prise en considération la diversité des modèles énergétiques d’un pays à l’autre.

Pour la réussite de cet accord, mon message est simple : nous devons agir vite, de manière juste et ensemble. De fait, l’accord de Paris a été un grand moment de rassemblement de la communauté internationale, à l’heure où nous connaissons tant de conflits, de dissensions et de violences à l’échelle planétaire. C’est donc un moment de réconciliation très fort qui a été organisé par la communauté internationale.

M. Guillaume Garot. Absolument !

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est un trésor de rassemblement, de valeurs et de civilisation dont nous sommes dépositaires. Nous avons donc devoir de mettre en œuvre cet accord. Relever ce défi et faire reculer tous les drames liés au dérèglement climatique, cela représente une chance extraordinaire. On voit bien, en effet, toutes les potentialités que ce domaine recèle en termes de développement économique, de création d’emplois, d’innovation et d’intelligence : il peut à la fois permettre aux pays les plus pauvres de sortir de la pauvreté en accédant à l’électricité à partir des énergies renouvelables, et aux pays qui subissent des ralentissements de croissance de donner un nouveau souffle à la croissance dans ces filières d’activité, propices au développement économique et à la création.

Ces enjeux sont donc à portée de main, même s’ils nécessitent du courage et s’ils supposent de faire des choix. Le courage, je sais que vous n’en manquez pas ; les choix, vous les avez déjà faits. Soyez donc remerciés de participer ainsi tout à la fois à la mise en avant de notre pays et à la protection de notre planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, chère Ségolène Royal, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission du développement durable, chers collègues, « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » : chacun se souvient de cette phrase du Président Jacques Chirac en ouverture de son discours au quatrième sommet de la Terre, à Johannesburg, en 2002.

M. Serge Grouard. Absolument !

M. Bernard Deflesselles. J’y étais !

M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur. Elle faisait référence à l’urgence du danger pour la nature des dérèglements climatiques et à l’indifférence, regrettable, des opinions. C’était il y a près de quinze ans. Le temps a passé et les choses, peu à peu, ont changé. Certes, la maison brûle toujours, chaque année plus gravement, d’ailleurs, mais la société civile, les entreprises, la finance et les acteurs de la vie diplomatique se sont engagés à la recherche des solutions.

Dans l’histoire du sauvetage de notre planète, je veux croire qu’un événement, la conférence de Paris de 2015, et un texte, l’accord qui en résulte, feront date. L’accord donne au monde les bases d’une maîtrise effective des émissions de gaz à effet de serre, lesquelles sont directement à l’origine des dérèglements climatiques qui menacent à terme l’habitabilité de la Terre. Le sommet de Paris était notre dernière chance. Renoncer face à la difficulté, renoncer face aux coûts, renoncer parce que trop d’intérêts auraient été en jeu n’était pas une option. Je veux citer ici également Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, qui, au printemps 2015, appelait à l’action et nous rappelait que, face à la crise climatique, « il n’existe pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B ».

À Paris, le 12 décembre 2015, 195 États ont décidé d’agir ensemble. À New York, le 22 avril 2016, 175 d’entre eux sont venus apposer leur signature au bas de l’accord, et 15 ont déposé, le même jour, leur instrument de ratification. Car l’urgence est là, manifestée par l’élévation inexorable des températures, par la fonte des glaciers et de la banquise, par la montée des océans, par des tempêtes à la violence inédite, par les premières migrations dramatiques dues au changement climatique.

Chacun, où qu’il vive sur la planète, comprend désormais dans son quotidien que quelque chose se passe, qu’il convient de combattre de toutes nos forces. Les comportements changent. Je pense à la transition énergétique, encouragée par plusieurs États et régions du monde. Je pense à l’évaluation des risques climatiques et des contenus en carbone des investissements. Tous les États, même les États pétroliers, s’engagent vers des mutations profondes de leur économie.

Ce mouvement est, me semble-t-il, désormais irréversible, et l’accord de Paris le conforte. Je salue le succès de la diplomatie française qui y a conduit, la dream team du Bourget : Laurent Fabius, dont l’action, mais aussi l’émotion, le 12 décembre au matin, resteront, notre ambassadrice et championne du climat, Laurence Tubiana, négociatrice inlassable à qui nous devons tant, et vous-même, madame la ministre, qui avez repris en février, avec fougue et passion, le flambeau de la présidence de la COP21.

L’accord de Paris, ce sont 29 articles, soigneusement négociés, écrits, soupesés, et une décision de 140 paragraphes. C’est un accord qui pose comme objectif de contenir l’élévation des températures terrestres au-dessous des 2 degrés Celsius par rapport à l’ère préindustrielle et même, si possible, à moins de 1,5 degré.

C’est un accord qui préconise le franchissement du pic des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais et qui vise la neutralité des émissions pour la seconde moitié du siècle. C’est un accord qui prévoit des transferts solidaires au profit des pays en développement, a fortiori de ceux que les dérèglements climatiques menacent le plus. C’est un accord universel qui renvoie à des responsabilités communes, mais différenciées en fonction des moyens et des contraintes de chacun. C’est un accord contraignant, autant qu’il est possible, pour garantir les ratifications nécessaires et permettre ainsi l’entrée en vigueur rapide des dispositions arrêtées ensemble. Ce sera le cas lorsque 55 parties représentant 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre auront déposé leurs instruments de ratification. C’est enfin un accord dynamique, qui requiert une révision obligatoire tous les cinq ans des contributions nationales exclusivement à la hausse précédée par un bilan mondial des engagements de chacun, une revue par les pairs sous le regard exigeant de l’opinion publique mondiale.

Tel est le cœur de l’accord de Paris. La volonté est là, les instruments sont là. Il faut maintenant agir, et beaucoup reste à faire d’ici à l’année 2020. Les États-Unis et la Chine, les deux principaux émetteurs de gaz à effet de serre, ont indiqué vouloir ratifier dès 2016. Cela oblige l’Union européenne à suivre le mouvement si elle veut préserver son leadership, et chacun de ses vingt-huit États membres à ratifier l’accord dès cette année également. Une ratification par la Chine, les États-Unis et les Vingt-Huit, qui représentent la moitié des émissions mondiales, ainsi que par quelques autres États parties, ferait que la clause des 55 pays représentant 55 % des émissions serait rapidement satisfaite.

Agir, c’est aussi se pencher sans attendre sur le volet financier. Il y va de la confiance que nous ont accordée les pays du Sud, notamment par les pays d’Afrique. C’est sur le niveau, la composition et l’affectation des financements qu’il faut travailler. Le Fonds vert pour le climat n’est qu’une partie de l’enveloppe des 100 milliards de dollars par an attendue pour 2020 – et qui doit ensuite s’accroître. Sur la répartition entre financements publics et financements privés, entre dons et prêts, entre atténuation et adaptation, bien du travail est encore nécessaire. Cette période de l’avant-2020 est décisive pour franchir au plus vite le pic des émissions de gaz à effet de serre. Le seul maintien à leur niveau actuel des émissions nous conduirait à épuiser avant 2040 les quantités de gaz à effet de serre que l’on peut encore rejeter dans l’atmosphère tout en restant dans la limite des 2 degrés Celsius.

M. Serge Grouard. C’est exact !

M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur. C’est pourquoi je veux souligner l’urgence d’une révision dès 2018 des 190 contributions nationales sur le climat déposées pour la COP21 afin que celles qui sont à venir pour l’année 2020 à l’entrée en vigueur de l’accord de Paris soient infiniment plus ambitieuses. L’enjeu essentiel est de parvenir à relever le prix du carbone, malheureusement bien trop faible à ce jour, pour qu’il constitue l’élément de traction de la transition énergétique. Or, actuellement, seules 12 % des émissions mondiales sont couvertes par un mécanisme de prix du carbone, taxation ou mécanisme de marché avec échange de quotas comme le système européen ETS – Emission Trading Scheme. Un prix élevé du carbone garantirait la rentabilité sans subvention des équipements de production d’énergies renouvelables.

Je salue à cet égard la proposition faite récemment par le Président de la République d’instaurer en France un mécanisme de marché avec un prix plancher, modelé suivant l’exemple britannique, notamment. Je connais le monde de l’industrie et de l’économie verte parce que j’en viens. J’ai vécu la chute spectaculaire des coûts de fabrication des installations photovoltaïques. Des ruptures technologiques sont nécessaires en matière de stockage de l’énergie et de captage et de séquestration du CO2. Nous n’en sommes peut-être pas si loin ; il faut investir résolument dans la recherche et l’innovation, et rien ne vaut pour cela le caractère incitatif de la généralisation d’un signal prix sur le carbone.

Sauver la planète du risque climatique, c’est changer de paradigme. C’est créer de la richesse, c’est créer des emplois par millions. Je me souviens du slogan que nous avions adopté en Allemagne dans mon entreprise de panneaux solaires : « Klimaschutz beschäftigt uns », « La protection du climat nous emploie ». Ce qui était vrai il y a une dizaine d’années entre Mayence et Francfort-sur-l’Oder le sera tellement plus demain pour l’ensemble du monde. Ce doit être la cause de plusieurs générations : opposer l’inventivité, le marché et la volonté au péril qui nous menace pour vaincre ce dernier.

Pour que la température terrestre reste au-dessous de 2 degrés Celsius, il faudrait réduire de 40 % à 70 % les émissions d’ici au milieu du siècle et atteindre la neutralité carbone, voire même des émissions négatives avant la fin du siècle. C’est possible économiquement et technologiquement, à condition d’investir massivement, maintenant, dans l’efficacité énergétique et de porter à 60 % en 2050 la part des énergies non carbonées ou faiblement carbonées dans le bouquet énergétique global. Voilà tout l’enjeu. L’accord de Paris a lancé une dynamique qu’il faut désormais faire vivre par la preuve, en intensifiant l’effort et en l’étendant aussi à deux secteurs non encore couverts par des obligations de réduction : les transports maritimes et aériens.

Je voudrais conclure avec une citation qui appartient à un autre temps, lorsque la menace n’était pas encore le dérèglement du climat, mais l’apocalypse nucléaire. Ces quelques phrases du président John F. Kennedy n’ont pourtant pas pris une ride ; elles sont même furieusement actuelles. Je vous les cite dans sa langue : « […] our most basic common link is that we all inhabit this planet. We all breathe the same air. We all cherish our children’s future. And we are all mortal. » « [N]otre lien commun fondamental, c’est le fait que nous habitons tous sur cette planète. Nous respirons tous le même air. Nous chérissons tous l’avenir de nos enfants. Et nous sommes tous mortels. » Puisse cette citation nous inspirer au moment de regarder devant, au moment d’agir et au moment d’approuver ici, à l’Assemblée nationale, le plus largement possible, la ratification de l’accord de Paris. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur pour avis et président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, afin que la France, qui a permis à la communauté internationale de s’entendre, soit le premier pays développé à s’engager et montre ainsi qu’elle est un acteur majeur, au niveau mondial, de la lutte pour le climat.

Je souhaite tout d’abord saluer cet accord, le meilleur qu’il était possible d’obtenir. Il définit notre ambition collective de maintenir l’élévation de la température moyenne de la planète au-dessous des 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, avec l’objectif de limiter cette élévation à 1,5 degré. Il s’agit ensuite pour la première fois d’un accord universel, et le rythme de dépôt des instruments de ratification laisse penser que le double seuil nécessaire à son entrée en vigueur – au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre – pourrait être atteint dès 2017.

Ce succès obtenu est bien celui de la France, en particulier de ceux qui ont conduit les négociations sous la responsabilité du Président de la République : Laurent Fabius, bien sûr, vous-même, madame la ministre, et Laurence Tubiana. S’il est incontestable, ce succès diplomatique n’est cependant qu’un commencement, celui de la transition vers une autre société, décarbonée, vers une autre façon pour l’humanité d’habiter notre planète. Je souhaite donc insister devant vous sur l’urgence à agir rapidement dans quatre domaines.

En premier lieu, il faut bien prendre conscience que les résultats que nous pouvons attendre des contributions nationales sont insuffisants. La croissance des émissions qu’elles entraîneraient devrait se traduire par une hausse des températures de l’ordre de 2,7 degrés.

Aujourd’hui, le réchauffement climatique crée des conditions qui amplifient et démultiplient les catastrophes naturelles. Les rapports du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, affirment clairement que tout retard pris sur des trajectoires dites « optimales » engendre un surcoût considérable, de telle sorte que les êtres humains risquent de ne plus avoir de prise sur un monde largement marqué par l’instabilité et la violence, qui affectent en premier lieu les régions les plus déshéritées et provoquent des exodes de population et des conflits pour l’appropriation des territoires, de l’eau et de la nourriture. Ces nouvelles inégalités viendraient s’ajouter à celles qui déstructurent déjà notre monde, dans lequel 1 % de la population possède autant que les 99 % restant. C’est la raison pour laquelle il est absolument nécessaire de revoir en profondeur les engagements de façon très anticipée et de conduire un maximum de pays à réévaluer fortement leurs contributions avant 2020, afin de revenir à un scénario soutenable.

En deuxième lieu, nous devons parvenir à fixer un prix du carbone. Il s’agit d’un outil très puissant pour lutter contre les changements climatiques et réorienter massivement les choix économiques.

Aujourd’hui, comme cela a été dit, seulement 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont couvertes par des systèmes de quotas, des taxes ou des normes d’émission. Dans mon rapport d’information sur le passage à un monde décarboné, j’avais souligné le caractère urgent de cette mesure. La résolution adoptée par l’Assemblée nationale le 25 novembre dernier nous a permis de la confirmer. Nous devons entraîner nos partenaires européens sur cette voie et articuler l’accord de Paris avec ceux qui doivent être négociés par l’OACI, l’Organisation de l’aviation civile, d’une part, et, d’autre part, l’OMI, l’Organisation maritime internationale, dans les domaines des transports aérien et maritime. Et comment, en cet instant, ne pas dénoncer les deux accords de libéralisation du commerce, le premier déjà négocié par l’Union européenne avec le Canada – le CETA, en français accord économique et commercial global –, le second toujours en négociation avec les États-Unis – le TAFTA, le Traité de libre-échange transatlantique –, qui, en totale contradiction avec la philosophie de l’accord de Paris, prévoient l’affaiblissement de la puissance publique en matière de souveraineté environnementale ?

Il faut, en troisième lieu, pérenniser et consolider la dynamique de l’agenda des solutions porté par le plan d’actions Lima-Paris. Ce programme vise à associer l’ensemble des acteurs de la société civile prenant des engagements opérationnels pour le climat. Une première série d’initiatives coopératives a été lancée lors du sommet de New York en septembre 2014 et cet élan a connu une très forte montée en puissance durant la préparation de la COP21. Cette démarche de mobilisation conjointe des acteurs étatiques et non étatiques est particulièrement judicieuse : les États seuls ne pourront pas tout et l’implication de tous est nécessaire. C’est pourquoi je souhaite voir émerger une gouvernance de ce plan qui soit pragmatique et permette d’en conserver la spécificité, car les villes, les territoires, les entreprises constituent autant d’espaces concrets où doivent s’inventer un urbanisme résilient, de nouvelles formes de l’économie – circulaire, fonctionnelle, sociale et solidaire –, ou encore une agriculture résiliente au changement climatique et favorable à la biodiversité.

Nous devons, en quatrième et dernier lieu, rappeler la nécessité d’impliquer l’ensemble des citoyens. Nous vivons avec le risque d’un emballement climatique qui menace notre planète, notre avenir et celui des générations futures. Demain, il nous faudra trouver d’autres façons de produire, de consommer, de travailler, de circuler et d’échanger. C’est dire si cette transition sera celle des citoyens, que l’on aura su convaincre de l’efficacité des mesures prises, et qui permettront le changement grâce à leur participation active, déjà à l’œuvre dans de nombreux territoires. Les initiatives les plus robustes et les plus résilientes devront être repérées, diffusées et encouragées par une gouvernance internationale, garante de la réorientation des grands flux financiers.

En conclusion, je voudrais rappeler solennellement que la lutte contre le changement climatique s’impose non seulement pour sauver l’espèce humaine, en préservant ce qu’on appelle les biens communs au sein de l’espace géographique qu’est la planète et au sein de l’espace temporel que constitue l’ensemble des générations, mais également pour bâtir un monde plus juste et plus solidaire. Ce sont les raisons pour lesquelles je vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur pour avis et président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’accord de Paris sur le climat du 12 décembre dernier a été unanimement salué dans le monde. Il faut se féliciter de ce succès de notre pays et de la diplomatie française en particulier.

Lorsque la conférence de Paris s’est ouverte le 30 novembre dernier, le succès n’était pas acquis. Sur l’initiative de Laurent Fabius, qui a su imposer une méthode ambitieuse, les chefs d’État et de Gouvernement sont venus donner l’impulsion dès le départ de la COP, à la différence de ce qui s’était produit à Copenhague en 2009. L’ONU et son secrétaire général, M. Ban Ki-moon, ont également beaucoup contribué à la prise de conscience de l’urgence climatique et à la nécessité d’aboutir à un accord à Paris. Quant à vous, madame la ministre, vous avez déployé une énergie de chaque instant à la tête de la délégation française – et l’on sait à quel point c’était prenant. L’agenda des solutions a mobilisé la société civile, les collectivités territoriales et les entreprises. Et, tout au long de ces treize jours de réunions, nous avons tous pu mesurer la difficulté des négociations, la minutie avec laquelle il a fallu peser et arbitrer jusqu’aux derniers ajustements, jusqu’au matin du 12 décembre.

Il faut ici rendre hommage au talent de Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères et président de la COP, ainsi qu’à votre engagement, madame la ministre, je le répète, vous qui occupiez le siège de la France. Il faut saluer et remercier l’ensemble de ceux qui, diplomates ou non, ont su, grâce à leurs capacités d’écoute et de dialogue, convaincre, à Paris comme dans nos représentations à l’étranger, tous les pays, sans exception, de l’urgence d’un consensus à la hauteur de l’enjeu.

Je veux aussi féliciter Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, qui est pour beaucoup dans le succès français et continue à agir cette année en tant que championne pour le climat. Je regrette moi aussi qu’elle n’ait pu succéder à Christiana Figueres au poste de secrétaire exécutive de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, mais on sait à quel point ces postes sont convoités ! En tant que parlementaires, nous sommes heureux de ce succès pour lequel nous avons exceptionnellement créé un groupe de travail commun aux trois commissions concernées – la commission des affaires étrangères, la commission du développement durable et la commission des affaires européennes.

Sur le fond, l’accord de Paris va au-delà de ce qui était espéré. Il réaffirme l’ambition de contenir l’élévation des températures terrestres nettement au-dessous de 2 degrés et même à 1,5 degré à long terme. Il oblige tous les pays à déposer une contribution sur le climat qui devra être révisée régulièrement et prévoit en outre un mécanisme d’examen par les pairs. Il prévoit les financements et les outils nécessaires à la transition énergétique du Sud.

J’insisterai sur l’enjeu géopolitique, qui est immense. Il s’agit d’éviter que les populations des tropiques et des îles ne soient contraintes de fuir leurs pays dans des proportions que nous n’avons jamais connues. Il s’agit de sauver l’agriculture, et donc l’alimentation, de plusieurs grandes régions du monde. Il s’agit de ne pas entretenir davantage les guerres liées au climat et les migrations de masse. Ce qui est en jeu, c’est donc tout simplement la stabilité de notre monde futur.

M. Jean Launay. C’est vrai !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. L’étape que nous avons franchie est fondatrice, mais il reste encore beaucoup à faire – à commencer, vous l’avez dit, par la ratification de l’accord. Pour ce faire, la France doit mobiliser ses partenaires européens. L’Union européenne doit demeurer une force motrice en la matière. Le protocole de Kyoto puis l’amendement de Doha montrent qu’elle est la seule – ou presque – à s’être engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre et à le faire. L’arithmétique du budget carbone est implacable : maintenir les quantités actuelles de rejet de CO2 dans l’atmosphère équivaut à nous faire franchir la barre des 2 degrés dans moins de 25 ans.

Il faut aussi sortir de manière rationnelle et ordonnée de notre dépendance mondiale aux énergies fossiles. Enfin, il faut consentir un effort massif en matière de recherche. De ce point de vue là aussi l’Union européenne a un rôle à jouer, afin de trouver enfin, pour ne citer que l’exemple du stockage de l’électricité, la solution techniquement satisfaisante et économiquement abordable permettant de mener à l’échelle mondiale une nouvelle révolution énergétique qui fera de l’énergie renouvelable une ressource de base et non plus d’appoint. La prochaine COP, qui se tiendra au Maroc en novembre prochain, sera elle aussi essentielle. Je salue l’effort de la future présidence marocaine, que je rencontre souvent et qui fait le nécessaire, en lien avec vous, madame la ministre, pour prolonger le succès de Paris.

C’est dans cette perspective, car il est urgent d’agir avant même 2020, que nous souhaitons que la ratification de l’accord de Paris soit très rapide et qu’elle ait lieu immédiatement après le vote des quinze pays dont les institutions permettent de signer l’accord et de déposer simultanément les instruments de ratification. La France continuera de jouer un rôle d’impulsion essentiel face à ce défi majeur auquel le monde est confronté. J’ai eu l’occasion de m’en entretenir jeudi dernier avec le chef du gouvernement marocain, M. Benkirane, qui m’a assuré que son pays fera le nécessaire pour ratifier l’accord dans les meilleurs délais.

Tel est le sens de l’adoption à l’unanimité de l’accord de Paris par la commission des affaires étrangères, et j’appelle aujourd’hui tous nos collègues à un vote en séance publique qui soit également unanime. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe écologiste.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Deflesselles.

M. Bernard Deflesselles. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur pour avis et président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’article 53 de la Constitution a des vertus, dont celle de prévoir que nous ratifions toutes les conventions internationales. Tel est l’objet de notre débat : nous devons ratifier aujourd’hui l’accord de Paris du 12 décembre dernier. Le groupe des Républicains votera bien sûr la ratification. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur pour avis. C’est une bonne nouvelle !

M. Bernard Deflesselles. En effet, soutenir la lutte de la communauté internationale contre le réchauffement climatique constitue une exigence.

S’agit-il, comme on l’a beaucoup dit, d’un accord historique ? Je n’irai pas si loin. C’est un accord – et c’est déjà bien. Cet accord est, à mes yeux, le meilleur qu’il était possible d’obtenir, car nous venons de loin. Procédons ici à un bref rappel historique : la lutte contre le réchauffement climatique, notamment sous la forme des COP, représente 25 ans d’efforts de la communauté internationale, mais aussi et surtout des scientifiques.

M. Serge Grouard. C’est vrai !

M. Bernard Deflesselles. En effet, les rapports du GIEC ont éclairé la communauté mondiale sur la problématique du réchauffement climatique. Le dernier, paru il y a 18 mois, rappelle des choses simples : si nous ne faisons rien, la température moyenne pourrait augmenter de 4,5 degrés voire 4,8 degrés d’ici à la fin du siècle et le niveau des mers d’un mètre, ce qui affecterait 95 % de l’activité humaine. Ces données devraient emporter la conviction des climato-sceptiques – tout au moins nous l’espérons tous.

L’accord de Paris devait atteindre des objectifs forts. D’abord, il fallait parvenir, autant que faire se peut, à un accord juridiquement contraignant et à une application en 2020. Il fallait ensuite maintenir, autant que faire se peut, l’élévation de la température moyenne au-dessous de 2 degrés, voire 1,5 degré.

Il fallait par ailleurs prendre le relais du protocole de Kyoto, qui date de 1997, a été appliqué en 2005 et s’est achevé en 2015. L’accord de Paris était donc absolument nécessaire. Il fallait aussi mobiliser un nombre maximum de pays dans cette aventure, les y embarquer, si je puis dire, afin que la communauté internationale soit à la hauteur des défis. Il fallait également développer et dégager enfin des moyens financiers considérables pour relever le défi du dérèglement climatique et assurer les transferts de technologie.

L’accord comporte des points positifs – et même très positifs – et d’autres qui le sont un peu moins. Mettons-les en balance. Premier point positif : cet accord met fin à presque quinze ans d’immobilisme de la communauté internationale. Tout a commencé à Rio en 1992. Après Kyoto, en 1997, nous avons connu une période pleine d’allant au cours de laquelle la communauté internationale était assez mobilisée. Mais de février 2001 à 2015, nous avons eu affaire, pendant pratiquement quinze ans, à un faux plat à la suite du refus des États-Unis de ratifier le protocole de Kyoto, qui a jeté un froid sur nos relations et sur les espoirs de la communauté internationale. Peu après, comme un château de cartes qui s’écroule, le Japon, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et la Russie se sont fait tirer les oreilles, et même le Canada, sorti du protocole juste avant sa ratification.

L’Union européenne s’en est trouvée un peu isolée alors que nous étions en pointe sur ce sujet après l’adoption de la fameuse règle des « trois fois vingt », que chacun ici connaît. Enfin, nous avons vécu l’échec de Copenhague en 2009 : le désappointement a été à la hauteur des espérances suscitées.

Mais les points positifs sont bien là. D’abord, il fallait emporter l’adhésion de la quasi-totalité des États de la planète, ce qui fut le cas. Ensuite, la signature de l’accord à New York le 22 avril dernier a rassemblé 175 pays sur les 195 que compte la communauté internationale, ce qui n’est pas rien.

Signalons aussi un important changement de méthode consistant à passer, selon les termes anglais, du top down au bottom up. Auparavant, on demandait aux pays de se conformer à des desiderata déjà formulés. Dorénavant, au contraire, on part de la base et les pays font remonter leurs desiderata sous la forme des fameuses INDC – Intended Nationally Determined Contributions –, selon le jargon onusien, les feuilles de route remplies par 187 pays, ce qui constitue une avancée majeure.

Enfin, l’accord comporte une clause de revoyure tous les cinq ans dans le cadre de la procédure dite de l’escalier : tous les cinq ans, les pays signataires devront non seulement ne pas redescendre une marche, mais au contraire consentir un effort supplémentaire.

Signalons aussi, au titre des points positifs, le crédit de l’ONU, souvent qualifié de « machin » et vu comme une organisation ayant fait son temps, incapable de mobiliser. Pour ma part, je ne serai pas aussi sévère. Le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, a consenti des efforts considérables pour emporter l’adhésion de la communauté internationale.

Par ailleurs, je reconnais très librement l’effort de la France, notamment en matière de pilotage de la COP21, grâce à un important travail des ministères des affaires étrangères et de l’environnement, caractérisé par un professionnalisme, une écoute et une humilité qui étaient impératives pour emporter l’adhésion des pays ne croyant plus en la parole des pays développés. Il en est résulté une prise de conscience planétaire grâce à la mobilisation de la quasi-totalité des États.

D’autres points sont moins positifs ou non résolus, et il faut aussi les mentionner.

Premièrement, l’accord n’est pas juridiquement contraignant et le prétendre est un abus de langage. Il est tout au plus politiquement contraignant, ce qui n’est déjà pas si mal, mais il n’existe aucun dispositif de contrôle ni de sanction en cas de non-respect des engagements pris, ce qui constitue à nos yeux un vrai problème. Prenons l’exemple du protocole de Kyoto, signé en 1997, mis en œuvre à partir de 2005 et achevé en 2015. L’objectif était modeste : il s’agissait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de tous les pays signataires de 5 % de 2008 à 2012. Résultat : elles ont augmenté de 34 %, en dépit de l’existence d’un traité international, faute de possibilité de contrôle et de sanction. Il y a là une faiblesse de l’accord, qui tient à sa nature.

Deuxièmement, l’objectif d’une réduction de 2 degrés ou de 1,5 degré de la température peut-il être atteint ? Les engagements pris dans les différentes feuilles de route et collationnés par les Nations unies aboutissent selon les scientifiques non à 2 degrés ou 1,5 degré mais plutôt à 3 voire 3,5 degrés. Il s’agit en effet d’engagements volontaires, comme chaque pays le souhaitait. Les pays ne sont donc pas contraints de respecter leur feuille de route à la virgule près. Cela pose à nos yeux un problème clair : en cas de réchauffement climatique de 3,5 degrés et en l’absence de nouvelles dispositions au mitan du siècle, nous connaîtrons de graves désagréments à la fin du siècle.

Troisièmement, un accord me reste en travers de la gorge – passez-moi l’expression –, celui qu’ont signé les États-Unis et la Chine, qualifié d’« historique » par un grand journal du soir. Je l’ai étudié de près : les États-Unis s’y engagent à réduire leurs émissions de CO2 de 26 % à 28 % d’ici à 2025. Je rappelle que l’Union européenne a retenu une baisse de 40 % par rapport aux chiffres de 1990, tandis que les États-Unis se fondent sur ceux de 2005, ce qui n’est pas tout à fait pareil. Traduit en langage européen, on obtient une baisse d’environ 10 % contre 40 % pour l’Union européenne. L’engagement des États-Unis est donc un peu faiblard, si je puis me permettre. Quant à la Chine, elle promet de stabiliser ses émissions de CO2 en 2030 et s’autorise donc à les augmenter de 2015 à 2030. Or l’année dernière, 21 millions de véhicules ont été vendus en Chine, contre 14 millions dans l’Union européenne ou aux États-Unis. Qui plus est, la Chine ouvre une centrale à charbon chaque semaine ou presque.

Cet accord est donc un premier pas, une main tendue permettant d’emporter l’adhésion de la Chine et des États-Unis qui représentent plus de 40 % des émissions de CO2 mondiales – contre environ 11 % pour l’Europe, ce qui veut dire que, seuls, nous n’y arriverons pas. Mais cet accord demeure modeste par rapport à l’engagement européen.

En matière de transfert de technologies, nous n’avançons guère. Les Nations unies ont mis en place un groupe de haut niveau il y a quelques années, mais nous sommes en butte à des difficultés en matière de brevets et de transfert de technologies qui privent de succès les pays qui en ont besoin.

S’agissant du financement, on a beaucoup évoqué le Fonds vert, doté de 100 milliards de dollars, mais les engagements fermes ne s’élèvent qu’à environ 10 milliards de dollars. Il y a bien eu un rapport de l’OCDE évoquant une somme totale de 62 milliards de dollars, mais il est très contesté car il recycle beaucoup de crédits qui ne sont pas destinés à l’environnement.

Quant aux huit projets retenus en décembre 2015 – au bénéfice des zones humides au Pérou, de l’utilisation des informations climatiques au Malawi ou encore des infrastructures résilientes au Bangladesh, vous les connaissez –, seul celui concernant la restauration des bases productives des terres salinisées, au Sénégal, est mis en œuvre de façon concrète. Là aussi, nous avons besoin de renforcer notre crédibilité vis-à-vis des pays en voie de développement.

Après quinze ans d’atermoiements, parfois de quasi-immobilisme, la communauté internationale semble avoir pris la mesure du défi planétaire du XXIsiècle. La France n’y est pas pour rien, nous pouvons nous en féliciter ; notre pays est en mouvement, c’est très positif.

Nous devons être attentifs à la période de ratification. La France montre l’exemple, c’est très bien. Quant à l’Union européenne, elle doit accélérer le pas. Pour certains pays, c’est un peu plus compliqué. L’accord n’entrera en vigueur que lorsque cinquante-cinq pays responsables d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre l’auront ratifié, ce qui pourrait être fait fin 2017 ou début 2018.

Il ne nous reste donc qu’à faire, ce qui n’est pas le moins exaltant, vous en conviendrez. Le rapporteur a cité J. F. K. Chacun a ses sources – qui ne sont d’ailleurs pas exhaustives – et, pour ma part, je citerai André Malraux : « Dans un univers passablement absurde, il y a quelque chose qui n’est pas absurde, c’est ce que l’on peut faire pour les autres. » Dont acte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le président et rapporteur pour avis de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, disons-le sans gêne, le 12 décembre 2015 fut une journée historique, non seulement pour la France mais aussi pour la communauté internationale.

Au-delà de quelques postures partisanes, comme nous avons pu le constater lors de certaines auditions en commission du développement durable, nous devrions être fiers, sur tous ces bancs, collectivement, de la réussite de notre pays : celle du Président de la République, celle de Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères, la vôtre, madame la ministre, mais aussi celle de la diplomatie française.

Nous nous rappelons notre émotion lorsque le président de la COP21 marqua le consensus, d’un coup de marteau : ce geste fort a acté un horizon plus ambitieux que celui qui pouvait être envisagé, voire espéré, quelques jours auparavant. Souvenons-nous du contexte dramatique d’après-attentats. Et n’oublions pas non plus que, compte tenu des échecs antérieurs, les doutes et le scepticisme dominaient.

Qui pouvait croire que la France parviendrait à entraîner 187 pays dans la mise en œuvre du plan climat ? Ce succès diplomatique et politique a été salué avec force dans la presse internationale mais aussi par la grande majorité des États du monde entier. Ici seulement, chez nous, certains médias sont restés sur la réserve, adoptant des postures partisanes incompréhensibles.

Mais voici la réalité : comme l’a dit le Président de la République, « une espérance s’est levée ». Elle nous oblige tous à tout faire pour que ces engagements et déclarations deviennent des réalités, simplement parce que l’urgence climatique est toujours là, avec la destruction des écosystèmes, la montée des eaux menaçant nos populations et les déserts qui gagnent. Il n’y a plus de temps à perdre et cette ratification, quelques semaines après la signature de l’accord de Paris, montre que la France est toujours à l’offensive. Notre pays doit être le moteur.

Cela a déjà été rappelé, la ratification par l’Union européenne est complexe : chaque pays doit effectuer sa propre procédure ; le Conseil et le Parlement européens doivent approuver la ratification à la majorité qualifiée. Or certains pays membres, dont la Pologne, ne prendront pas position tant que la répartition entre États membres de la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 n’aura pas été arrêtée. La ratification par l’Union européenne risque donc de prendre du retard, ce qui porterait préjudice à l’accord. Madame la ministre, quand peut-on espérer cette ratification ?

Être à l’offensive, concrétiser la COP21, c’est aussi l’action indéfectible de la commission du développement durable, présidée par Jean-Paul Chanteguet. Comme il s’y était engagé dans cet hémicycle, celui-ci organise inlassablement et avec pugnacité le suivi de cet accord – deux réunions avec les ONG, les collectivités et les entreprises –, préparant ainsi la COP22 à Marrakech. Je veux saluer cette démarche : la discussion, les débats, les propositions et la ratification font partie de la politique, mais c’est aussi le cas du suivi, de l’analyse, de la mise en œuvre et des évaluations. La démarche politique des parlementaires est souvent, et parfois à juste titre, critiquée, brocardée ; en l’occurrence, je veux saluer le travail en profondeur effectué par la commission et ses membres.

Certes, comme vous, je sais que rien n’est gagné et que beaucoup reste à faire. Mais nous devons être résolument optimistes. Nous n’avons d’ailleurs pas d’autre solution, Pierre Radanne l’a rappelé lors de son audition : l’optimisme, c’est la volonté et l’envie, quand le pessimisme n’est que la critique et la défaite. Pour l’accord de Paris, nous avons choisi notre camp. Nous n’avons pas le droit de renoncer, pour la planète, pour la vie et surtout pour les millions d’hommes, de femmes et d’enfants victimes de l’exode climatique, fuyant leur terre en passe d’être inondée ou transformée en désert.

Récemment, cinq des îles Salomon ont disparu sous les eaux. Le mois d’avril 2016 fut le plus chaud jamais enregistré, avec une hausse de 1,1 degré, allant même jusqu’à 2,5 degrés au Sahel, en Sibérie, en Amérique du Nord et au Proche-Orient. Oui, les pays concernés, souvent émergents ou en voie de développement, s’engagent maintenant avec responsabilité. Mais ils attendent aussi beaucoup des pays développés et nous demandent d’accélérer le mouvement contre ces dérèglements climatiques qui menacent leur vie.

L’accord de Paris permettra, à l’échelle globale, la maîtrise puis la réduction attendue des émissions de gaz à effet de serre, afin que la planète revienne sur des trajectoires d’émissions compatibles avec le plafond des 2 degrés et que les impacts du dérèglement climatique soient ainsi limités. Le ralentissement progressif de la hausse des émissions facilitera l’adaptation des écosystèmes, qui, sans accord universel, donc sans action forte et concertée à l’échelle mondiale, seraient exposés à des perturbations insoutenables.

Par ailleurs, le préambule de l’accord de Paris stipule que les parties doivent tenir compte des impératifs d’une transition juste pour la population active et de la création d’emplois décents et de qualité. Il s’agit d’un signal important envers le monde du travail, fortement mobilisé pour la COP21. L’accord reconnaît ainsi que le dérèglement climatique, mais aussi la transition économique, notamment la transformation industrielle, ont un impact sur l’emploi. Dans les pays en développement, les travailleurs figurent parmi les premières victimes du dérèglement climatique, qui va parfois jusqu’à causer la destruction de leur outil ou de leur lieu de travail. Dans les pays développés, il s’agit plutôt d’anticiper la mutation vers une économie sobre en carbone et son impact sur le marché du travail. Cela implique la formation à de nouveaux métiers, la création de nouvelles filières, souvent plus qualitatives, et de nouvelles compétences.

L’adoption de l’accord ouvre aussi la voie à une réorientation des flux financiers vers des investissements d’avenir, permettant notamment d’améliorer la qualité de l’habitat et de favoriser la santé. Ainsi, une plus grande isolation des bâtiments assurera une meilleure protection des personnes vulnérables lors d’épisodes de fortes chaleurs. La rénovation des logements permettra en outre de progresser en matière de qualité de l’air intérieur. Le développement des transports propres, quant à lui, rendra possible de réduire les nuisances sonores et atmosphériques.

Je veux rappeler que l’accord de Paris engage également les parties à promouvoir et à prendre en considération leurs obligations en matière d’égalité des sexes dans le cadre de leurs actions sur le climat. En particulier, l’article 7 reconnaît que chaque pays doit impulser « une démarche […] sensible à l’égalité des sexes » et l’article 11 dispose que « le renforcement des capacités [doit] représenter un processus efficace, itératif, participatif, transversal et sensible à l’égalité des sexes ». Au terme « égalité », l’accord préfère celui d’ « équilibre » et s’inscrit dans une volonté de parité.

Enfin, si la question d’un accord juridiquement contraignant reste posée, le texte adopté à Paris est politiquement contraignant : quitter la communauté de destin de l’humanité ne peut demeurer impuni. Il reste donc à affirmer la nature politiquement contraignante de cet accord. Quelle est votre position sur ce point, madame la ministre ?

De par sa forme juridique – un protocole additionnel à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques –, cet accord a valeur de traité international. Cela contraint les parties à l’exécuter « de bonne foi », comme le prévoit la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Cela a été rappelé, chaque État a l’obligation d’établir une contribution nationale, contenant ses engagements précis de réduction d’émissions, de la mettre en œuvre et surtout de la réviser à la hausse tous les cinq ans.

La France, soucieuse de rester parmi les États les plus avancés de l’Union européenne et du monde, dans la dynamique conjointe de réduction des émissions de gaz à effet de serre, a décidé d’aller encore plus loin : révision au plus tard en 2020 des engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre ; révision de la contribution financière en faveur de l’adaptation des pays les plus vulnérables ; formation d’une coalition pour aboutir à un prix du carbone.

En ratifiant cet accord à l’unanimité – je l’espère –, nous manifesterons tous notre volonté d’amplifier la mobilisation contre le réchauffement climatique sur tous nos territoires. Dans le sud de l’Aisne, aux Portes de la Champagne, nous avons lancé un appel à projets dans le cadre de la deuxième tranche du programme « Territoires à énergie positive pour la croissance verte ». Nous devons aussi renforcer nos efforts de communication, d’information et de pédagogie auprès des populations, car l’accord de Paris se révèle souvent illisible. Dans un souci évident de démocratie, il faut le transcrire en termes clairs. Oui, l’action locale doit s’amplifier encore. Madame la ministre, vous pouvez compter sur nous. Nous en ferons un enjeu local, dans une perspective globale, pour garder espoir et permettre aux générations nouvelles de retrouver confiance en l’humanité et en l’avenir.

Je ne citerai pas John Fitzgerald Kennedy ou André Malraux mais Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry (« Ah ! » sur divers bancs), qui conclut ainsi la fable L’Hirondelle et les petits Oiseaux : « Nous […] ne croyons le mal que quand il est venu. » Le mal est aujourd’hui à nos portes ; c’est pourquoi nous devons agir avec détermination. Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient totalement la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe écologiste votera évidemment la ratification de l’accord de Paris consécutif à la COP21. Toutefois, dans ce concert de louanges, je me permettrai d’apporter quelques notes divergentes.

Comme vient de le dire Jacques Krabal, l’accord n’est pas contraignant. Il s’agit d’engagements volontaires de la part des États pour lutter contre le réchauffement climatique. Or, dans ce domaine, nous savons qu’il est difficile de croire à la sincérité de certains États. Et, faute d’accord contraignant, nous ne pourrons sans doute pas limiter l’augmentation des températures à 1,5 degré ; nous atteindrons vraisemblablement la barre des 2 degrés, seuil au-delà duquel on ne sait pas très bien ce qui pourra se passer, tous les experts s’accordent à le dire.

En revanche, on connaît déjà les conséquences du réchauffement climatique dans un certain nombre de pays. Ceux-ci sont victimes d’une double peine, en quelque sorte : ils subissent l’extraction de leurs ressources et de leurs matières premières, une exploitation qui constitue une nouvelle forme de colonisation ; ils souffrent aussi du réchauffement climatique, qui entraînera bientôt le départ de réfugiés climatiques. Et ceux-ci seront bien plus nombreux que ceux que nous ne voulons pas accueillir en Europe aujourd’hui et certains d’entre eux n’auront plus de pays.

Le deuxième défaut de l’accord de Paris est qu’il est silencieux sur les énergies fossiles. Certaines parties, évidemment, refusaient que l’on évoque cette question : je pense à nos nouveaux amis, ceux que le Gouvernement fréquente assidûment pour leur vendre des armes, à l’Arabie Saoudite en particulier.

Et puisque nous parlons d’énergies fossiles, il faut savoir que, le 7 avril dernier, la société Total a accueilli dans son site historique de Pau les grandes entreprises œuvrant dans l’extraction du gaz et du pétrole. Celles-ci ne se contentent désormais plus de rechercher dans les lieux traditionnels mais prospectent dans ce que l’on appelle « le offshore en grande profondeur », au-delà de 6 000 mètres. La convention de Montego Bay de 1982 ayant permis d’élargir les zones économiques exclusives de 24 à 200 milles marins – soit environ 370 kilomètres –, après avoir assisté à l’accaparement des terres, nous assisterons bientôt, hélas, à celui des mers. La nouvelle forme de colonisation dans cet espace n’a malheureusement pas été étudiée du tout par la COP21, puisque les océans en ont été les grands absents.

Autre grand absent, le prix du carbone. Il y a quelques jours, le Président de la République expliquait qu’il fallait fixer un prix plancher en France. Mais nous savons très bien que la France ne peut agir seule dans ce domaine. Et, tant qu’il n’existera pas de prix du carbone, il sera très difficile, surtout dans un contexte de baisse du prix du baril de pétrole, de lutter contre la perpétuation de cette « oléo-dépendance » et de la dépendance aux énergies fossiles en général.

On voit par exemple ce qui se passe avec les gaz de schiste et les sables bitumineux. Alors que le territoire de Fort McMurray, au Canada, n’était qu’un petit poste dans la forêt boréale, la taïga, il est devenu la capitale des sables bitumineux. L’étendue et la violence des incendies qui l’affectent ne résultent pas d’un phénomène naturel mais sont imputables à l’exploitation de ces sables.

Je veux vous dire aussi, madame la ministre, que la limitation de la programmation pluriannuelle de l’énergie aux seules énergies renouvelables transforme la loi relative à la transition énergétique en véritable chiffon de papier. En effet, vous reportez à 2019 l’engagement du Président de la République de faire passer de 75 à 50 % la part du nucléaire dans notre alimentation électrique. Or nous savons que, pour parvenir à ce résultat, ce n’est pas seulement la centrale nucléaire de Fessenheim qu’il faut fermer, mais entre dix et dix-sept réacteurs sur les cinquante-huit que compte notre pays. Pour éviter les tracas, vous avez repoussé la question à 2019, passant, si je puis dire, la patate chaude à ceux qui vous succéderont. En tout état de cause, on ne peut se fier à cette loi relative à la transition énergétique.

Enfin, le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur ne cesse de répéter qu’arrêter les discussions relatives au TAFTA, le Transatlantic Free Trade Agreement, c’est bien, et que le CETA, le Comprehensive Economic and Trade Agreement – c’est-à-dire l’accord avec le Canada –, c’est encore mieux. Eh bien non ! Cet accord est dangereux ! Il est même pire que le TAFTA puisque son préambule ne fait ni référence à la lutte contre le réchauffement climatique ni à l’accord de Paris issu de la COP21. Nous devons être vigilants et éviter de nous laisser « enfumer » – pardonnez-moi cette expression triviale – par un discours qui se veut rassurant sur un accord en réalité dangereux.

Bien sûr, nous voterons la ratification de l’accord de Paris, bien sûr, nous voterons pour la COP21, mais nous le ferons sans illusions. La France se présente comme le pays de l’excellence écologique mais nous savons bien qu’elle ne l’est pas. Il y a loin de la coupe aux lèvres : il suffit, pour s’en convaincre, de voir notre place, par rapport à d’autres pays, dans le développement des énergies renouvelables. Nous voterons pour, donc, tout en sachant très exactement ce qu’il en est et tout en étant très inquiets pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord me réjouir, au nom de mon groupe, de la décision de la France de ratifier rapidement l’accord de Paris. C’est en effet en France, au Bourget, voici quatre mois, lors de la COP21, que 195 pays ont adopté, à l’unanimité, un accord de lutte contre le réchauffement climatique. À l’évidence, il s’agit d’un événement historique survenant après les déconvenues des précédents sommets. Il est donc salutaire pour la suite que notre pays soit pionnier dans la ratification de cet accord.

Pour que ce dernier entre en vigueur en 2020, il faut, je le rappelle, qu’au moins 55 % des États représentant 50 % des émissions de gaz à effet de serre le ratifient. D’ores et déjà, 175 parties l’ont signé lors du récent sommet de New York. Les États-Unis et la Chine, qui représentent à eux seuls entre 35 % et 40 % des émissions mondiales, ont annoncé leur intention de le ratifier.

L’issue positive ne fait donc pas de doute. Néanmoins, s’il faut constater une avancée internationale dans la prise de conscience de l’urgence d’agir, il faut aussi rester lucide sur le chemin qui reste à parcourir.

Au chapitre des avancées, des mouvements se sont amorcés vers une transition énergétique. Le recours aux énergies renouvelables a connu une croissance record dans le monde en 2015 : les capacités installées ont augmenté de 8,30 %, soit la plus forte hausse jamais enregistrée, alors que le faible coût du pétrole et du gaz était de nature à ralentir cette évolution. Relevons également la chute de la part du charbon, passée de 41 à 30 % dans le mix énergétique mondial, ce qui reste malgré tout considérable.

Sur le socle de l’accord de Paris, restent à présent les travaux pratiques et la mise en œuvre concrète des objectifs. Nous connaissons les engagements pris par 189 États. Si l’accord de Paris fixe pour objectif de contenir le réchauffement climatique à 2 degrés, voire, mieux encore, à 1,5 degré d’ici à 2100, les engagements pris par les États mettent actuellement le curseur à 3 degrés. C’est dire s’il reste beaucoup à faire.

Concrètement, si nous voulons tenir l’objectif de 2 degrés, il faudrait que les émissions mondiales baissent de 40 à 70 % d’ici à 2050 par rapport au niveau de 2010 pour atteindre une économie pratiquement neutre en carbone durant la deuxième partie du XXIsiècle. Or les émissions mondiales continuent d’augmenter de 2 % par an depuis 2010.

Certes, une prise de conscience s’est opérée, mais sa traduction concrète n’est pas au niveau. Les raisons en sont identifiables : nous vivons dans une économie mondialisée, dont le ressort est une concurrence féroce entre les États ; la recherche permanente de la réduction des coûts encourage le dumping social et environnemental.

Car, bien sûr, ce n’est pas le coût du capital qui est visé ; celui-là est à la hausse, il est même le moteur des choix économiques. Les variables d’ajustement, ce sont la rémunération du travail et le recours aux énergies les moins coûteuses et les plus accessibles immédiatement, quand bien même elles sont les plus polluantes.

C’est ainsi que le charbon continue d’occuper une place prépondérante, de même que les énergies carbonées, catastrophiques pour la planète. Les pays en développement en revendiquent d’autant plus l’utilisation qu’elle a assuré l’essor des pays développés, lesquels leur en contestent aujourd’hui l’usage.

L’accord de Paris n’étant pas contraignant mais reposant sur l’engagement de chacun, il revêt un caractère aléatoire, même si la clause de révision tous les cinq ans permet de faire le point et de s’ajuster.

De ce point de vue, la question du Fonds vert pour le climat est essentielle. Celui-ci doit permettre d’aider les pays en développement dans leur adaptation au changement climatique. L’objectif est d’atteindre 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Si nous n’y parvenons pas, nous serons confrontés demain, comme l’a dit le précédent orateur, non plus à des migrants fuyant la barbarie et la guerre sur leur territoire, mais à des migrants climatiques fuyant les conséquences du réchauffement, c’est-à-dire la montée des eaux, la sécheresse, les cyclones.

En 2013, le nombre de ces réfugiés climatiques s’est élevé à 22 millions, soit l’équivalent de la population de la Côte d’Ivoire. Si nous ne faisons rien, ils seront 200 millions en 2050, selon les estimations de nombreux organismes, notamment les Nations unies. Il s’agit donc d’accompagner ces pays dans leur développement, à partir d’énergies non carbonées.

Du niveau mondial, descendons maintenant au niveau européen, d’abord pour noter que le processus de ratification de l’accord de Paris risque d’être long. Il s’agit en effet d’obtenir que vingt-huit parlements se prononcent alors qu’ils affichent des engagements très inégaux en matière de transition énergétique. Nombre de pays européens, engagés dans des logiques de développement productiviste à énergies hyper-carbonées, ont le sentiment que ce qui leur est demandé nuit à leurs perspectives de développement.

Force est de constater qu’il n’existe pas, à ce jour, de plan de répartition des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre les pays de l’Union européenne. D’où ce savoureux paradoxe : alors que l’Union européenne, via la Commission de Bruxelles, sait sanctionner les États lorsqu’ils ne respectent pas les règles de l’austérité, de la concurrence libre et non faussée, elle se montre beaucoup moins exigeante lorsqu’il s’agit du respect de l’environnement et des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Il serait pourtant ô combien nécessaire et urgent de régler les échanges à l’intérieur de l’Union selon le respect des bonnes pratiques environnementales, notamment en imposant un prix carbone aux produits issus du dumping environnemental.

Il existe, par ailleurs, de grands oubliés de l’accord de Paris, comme le secteur des transports, qui représente 34 % des émissions de CO2. Plus particulièrement, la part du transport aérien est estimée à 3,3 %, mais elle est en réalité supérieure, et celle du transport maritime atteint 2,2 %.

Dans ce secteur, relevons un autre paradoxe, qui concerne la France. Nous voyons se déployer à grande échelle, sur le territoire national, les « bus Macron », mis en place après le vote par le Parlement de la loi relative à la transition énergétique. Le ministre de l’économie a dénommé son mouvement politique « En marche ! ». « En route ! » ou « En bus ! » auraient été mieux adaptés… Toujours est-il que ce sont là de nouvelles sources d’émissions de CO2, au détriment du transport ferroviaire.

Le transport aérien bénéficie pour sa part d’une rente de situation puisque le kérosène est complètement détaxé. Cela représente un manque à gagner pour l’État de 1,6 milliard d’euros. Surtout, cette absence de taxes augmente les émissions de CO2 de 20 à 27 % pour les vols intérieurs – d’ailleurs, les offres de vol à 40 euros se multiplient.

S’agissant enfin des engagements de la France, il importe de mettre en place des plans d’action coordonnés pour la réduction des émissions de CO2, associant l’État, les collectivités territoriales et les entreprises. De même, un volet relatif à l’engagement des citoyens est absolument nécessaire.

Sous réserve de ces remarques, nous voterons la ratification de l’accord de Paris. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur pour avis. Très bien !

(M. Marc Le Fur remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La parole est à M. Philippe Baumel.

M. Philippe Baumel. Monsieur le président, madame la ministre, madame la président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 12 décembre dernier fut, à n’en pas douter, une date essentielle, tous les orateurs l’ont souligné à cette tribune. L’accord adopté à l’issue de la conférence de Paris représente un moment historique, il faut employer cet adjectif sans hésiter. Rares sont les accords internationaux rassemblant autant de pays, autant de chefs d’État, autant de signatures. Vraiment, il s’agit d’un moment majeur pour l’histoire de l’humanité.

L’accord est également historique en ce qu’il concerne, selon le GIEC, 200 millions de personnes vivant notamment dans les métropoles côtières, exposées au risque de montée des eaux, sans oublier, évidemment, les 26 millions de réfugiés environnementaux, qui subissent déjà cette dégradation.

C’est aussi – j’y reviendrai – un réel succès pour la diplomatie française.

Nous mesurons tous l’urgence de répondre aux multiples dérèglements causés par le réchauffement climatique : vagues de chaleur, sécheresses, montée du niveau des mers, sans oublier les guerres du climat et de l’eau qui ne manqueront pas de survenir. Face à cette urgence, l’accord de Paris pose les bases d’une réelle maîtrise des émissions de gaz à effet de serre à l’origine des dérèglements climatiques les plus graves. C’était nécessaire, c’était même indispensable, pour éviter que l’habitabilité de la planète, tout simplement, ne soit menacée de manière irréversible.

Cet accord, j’y reviens et j’insiste, constitue aussi un réel succès de la diplomatie française, du ministre des affaires étrangères d’alors, Laurent Fabius, et de vous-même, madame Royal : avec vos équipes du ministère de l’environnement, vous avez fait preuve de détermination, de volontarisme et d’une exigence sans faille, ce qui nous a permis d’aboutir à un succès total. Je voudrais aussi saluer le travail de Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations climatiques. Ce succès démontre, pour ceux qui cultivent le doute, l’influence de la diplomatie française sur la scène internationale. Il fallait aussi le rappeler car trop de nos concitoyens n’en sont pas suffisamment conscients.

Sur le fond, l’accord de Paris, me semble-t-il, prévoit l’essentiel.

Tout d’abord, l’objectif est de contenir la hausse des températures bien en deçà de 2 degrés et même de s’efforcer de la limiter à 1,5 degré, l’ambition, à terme, étant d’atteindre la neutralité des émissions dans la deuxième moitié du siècle. Le respect de ce plafond de 2 degrés Celsius est identifié depuis longtemps par les scientifiques comme indispensable pour éviter que les dérèglements climatiques ne menacent irréversiblement l’habitabilité de la terre.

Ensuite, l’accord prévoit un mécanisme financier clé : l’ajustement de la contribution climat de chaque pays tous les cinq ans, de façon toujours plus ambitieuse, ainsi qu’un bilan collectif au niveau mondial tous les cinq ans afin de faire un point global sur les engagements des pays. Le premier bilan aura lieu en 2023. Auparavant, aux termes de la décision qui accompagne l’accord, les États se rencontreront une première fois en 2018 pour évaluer leurs avancées.

Par ailleurs, l’accord prévoit des financements pour la transition énergétique comme pour l’adaptation aux conséquences des dérèglements climatiques. Il incombe aux pays développés de fournir et de mobiliser des financements, qui devront progressivement augmenter. Les fonds publics doivent constituer une part significative des financements consacrés au climat. La décision qui accompagne l’accord maintient jusqu’en 2025 l’engagement d’un financement de 100 milliards de dollars par an, rien de moins. La nécessité de rééquilibrer les financements, notamment publics et sous forme de dons, en faveur de l’adaptation est affirmée. L’accord mentionne aussi que certains pays en développement pourront, sur la base du volontariat, devenir des donateurs afin d’aider les pays les plus pauvres. C’est là une façon d’agir juste.

Le ministre des affaires étrangères l’indiquait clairement en amont de l’accord de Paris : « un accord climatique mondial, ce n’est pas une exigence que les pays développés imposeraient aux pays en développement ; c’est une exigence universelle à laquelle nous devons répondre ensemble. La solidarité climatique doit encore progresser ; la mobilisation des financements et des technologies en faveur des pays du Sud également. L’accord de Paris doit être aussi un pacte pour la justice et contre les inégalités. » Telle est la dimension politique de l’accord.

Il reste beaucoup à faire mais cet accord donne le sentiment que le mouvement est irréversible. Hier, les représentants des pays qui ont participé à la COP21 se retrouvaient à Bonn, en Allemagne, pour finaliser l’accord obtenu à Paris ; cette réunion au siège de la Convention des Nations unies intervient cinq mois après le sommet organisé par la France. Les délégués des 195 pays sont ainsi rassemblés : après la phase de négociation vient le temps de la collaboration et de la mise en œuvre concrète.

Dans ce contexte, je le dis sincèrement, notre assemblée ne peut, dans un unanimisme rare et donc historique, qu’autoriser la ratification de cet accord de Paris. Il nous faudra ensuite, avec beaucoup de vigilance et d’opiniâtreté, le traduire collectivement dans le réel. C’est le défi de notre génération et notre responsabilité politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Menuel.

M. Gérard Menuel. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela fait six mois exactement que Laurent Fabius, par un coup de marteau, actait devant le monde les accords de Paris concernant les changements climatiques.

Les intentions exprimées avec les 195 délégations venues de toute la planète peuvent-elles être considérées comme un succès ? Au-delà de la communication qui a accompagné cet événement, certainement. Néanmoins, en considérant le fond et les enjeux, il reste, convenons-en, quelques doutes à lever.

Objectivement, avoir sensibilisé et mobilisé 195 pays de la planète constitue déjà une réussite.

C’est une réussite aussi d’avoir fait participer et fédéré autant d’acteurs économiques de l’industrie, du commerce, de la production énergétique ou encore du secteur bancaire, dont on connaît les comportements toujours exemplaires…

C’est une réussite parce que, dans la transparence, les enjeux climatiques et les conséquences tragiques du réchauffement de la planète, à échéance de la fin de ce siècle, ont été clairement analysés, après un diagnostic précis et une bonne identification des causes du phénomène.

Mais sur le fond, cet accord a également ses limites. Pour commencer, nous sommes loin des préconisations du GIEC, qui, pour 1,5 degré de réchauffement, annonce des catastrophes en chaîne, en particulier dans les zones et les pays les plus vulnérables.

Même strictement appliqué quant à ses objectifs, en sachant que l’accord de Paris s’en est tenu à des principes généraux et que les modalités d’application à définir seront essentielles, à combien de degrés le réchauffement s’élèvera-t-il ? À 2,5 degrés pour les optimistes, 3 degrés pour les pessimistes, voire davantage…

À de tels niveaux, il est difficile de prévoir les conséquences mais il est clair qu’elles seraient catastrophiques. Sur une planète où vivront quelque 9 milliards d’habitants, elles pourraient remettre en cause l’ordre mondial et provoquer des déplacements massifs de populations.

Cet accord peut être considéré, c’est vrai, comme une réussite diplomatique, mais il ne s’agit pas d’une fin en soi, loin s’en faut. Il appelle à un changement de comportement de tous les dirigeants de la planète et à une mobilisation de tous ses habitants.

Autre faiblesse : cet accord n’est pas contraignant. Mais pouvait-il en être autrement ? On se souvient trop bien des accords ayant eu peu de lendemains – celui de Kyoto par exemple – et du manque de volonté manifesté par les grands pays émetteurs. Il faudra que cela change.

Les États-Unis, la Chine et l’Inde ont relégué cette préoccupation environnementale bien loin derrière leur développement et leurs intérêts économiques, privilégiant une vision à court terme et feignant d’ignorer les conséquences de leurs choix à échéance plus lointaine.

En Europe même, on peut douter que l’esprit COP21 soit chevillé à l’action et aux décisions quotidiennes des pays membres de l’Union européenne. Là aussi, il faudra que leur comportement change.

En Allemagne, comme en France, les enjeux du réchauffement sont connus depuis de nombreuses années. Cela n’a pas empêché nos voisins de faire le choix de l’énergie fossile pour ses centrales électriques ; ce n’est pas, pour le moins, leur décision la plus vertueuse pour l’environnement.

C’est dire que très souvent, trop souvent, en l’absence de contraintes fortes, il y a loin des intentions aux actes. L’esprit et la lettre de la COP21 doivent alors s’imposer.

Et que dire du comportement de l’Union européenne, évoqué tout à l’heure par le président Chanteguet, dans les négociations transatlantiques à propos du TAFTA ? À lire les quelques éléments sortis de cette discussion commerciale avec les États-Unis, on peut douter de la volonté des négociateurs de prendre en compte l’esprit insufflé pas l’accord de Paris.

Après une longue période de doute, il convient maintenant d’entrer dans le dur du chemin ouvert à Paris. Ce sont des murs qui se lèvent sur ce chemin, avec les problématiques de financement, de crédits d’études, d’assurance, de droit. Je me souviens de nos débats en commission à propos des notions « légalement contraignant » et « juridiquement contraignant » – il y a plus qu’une différence –, mais aussi de la problématique du carbone et de sa fiscalité. C’est une évidence, le réchauffement climatique est bel et bien le premier défi du siècle présent.

L’accord de Paris, dans ce contexte, a ses vertus. La première est d’avoir cassé la spirale négative et pessimiste des précédents textes. Autre point essentiel, il a rassemblé l’ensemble des acteurs mondiaux autour du bien commun. Il nous faut Il convient maintenant passer à l’action collective à l’échelle mondiale.

Offrons à ce texte un vote positif pour saluer le travail collectif réalisé ici, à Paris, et la mobilisation générale. Nous accompagnerons ainsi un acte fondateur dont il faudra suivre le cheminement jour après jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord de Paris sur le climat, adopté le 12 décembre 2015 en conclusion de la conférence mondiale dite « COP21 », a été salué partout dans le monde. Après plusieurs conférences qui s’étaient soldées par des échecs, cet accord est plus qu’une déclaration incantatoire : il implique des procédures concrètes de mise en application pour lutter contre le changement climatique. Il prévoit des transferts financiers et engage les États comme chacune et chacun d’entre nous.

Sa ratification par le Parlement est donc un moment particulièrement important. Il est bon que la France continue d’être à la pointe en la matière et soit parmi les premiers pays à le ratifier.

Cet accord n’est cependant pas une fin en soi mais une étape. En tant qu’écologiste, je voudrais évidemment que la communauté internationale, Union européenne et France incluses, sachent aller plus loin, car les dégâts du réchauffement climatique sont là.

Je souhaiterais que l’objectif de long terme soit encore plus ambitieux, qu’il soit fixé à des baisses allant de 40 à 70 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

Je souhaiterais que le financement de cette transition soit actée par des objectifs chiffrés, acceptés et mis en œuvre par tous. La France a montré la voie et le Président de la République s’y était engagé dès avant la conférence.

Je souhaiterais que les États les plus industrialisés puissent pleinement compenser les préjudices subis par les pays en voie de développement.

Je souhaiterais enfin que la question du prix du carbone soit traitée de front et qu’un prix plancher soit fixé au sein d’un marché européen et mondial de quotas. C’est ce que tout écologiste souhaiterait, mais également tout citoyen du monde entendant relever le défi du climat.

Nous sommes lucides quant aux obstacles qui se dressent sur le chemin de l’action. On pense souvent au poids des lobbies, montrés du doigt à juste titre ; ils sont très puissants, ne soyons pas naïfs. On connaît le poids des grandes compagnies pétrolières et des grands groupes énergétiques, partout dans le monde, mais on connaît aussi le poids de l’inertie politique et de l’inertie du système au sein de chaque État.

Il est de notre responsabilité de voir le chemin parcouru autant que celui qui reste à parcourir. Car si cet accord comporte encore quelques manquements et faiblesses, il met en place des mécanismes enclenchant une dynamique collective efficace de lutte contre le dérèglement climatique.

J’aimerais le rappeler à ceux qui l’ont oublié, dans le domaine du climat ou plus généralement de l’environnement, il n’existe pas d’institution internationale disposant d’un pouvoir supranational, voire simplement d’un pouvoir de sanction, à l’instar de l’Organisation mondiale du commerce. Obtenir un accord passe donc par une négociation et un engagement volontaire de nombreux acteurs. Cette négociation est évidemment très complexe et conduit nécessairement à des compromis.

De l’aboutissement de l’accord de Paris, nous pouvons être fiers. Et je veux à nouveau saluer l’engagement de la diplomatie française, à commencer par celui du Président de la République, François Hollande, mais aussi celui de Laurent Fabius et le vôtre, madame la ministre.

Nous avons passé le premier cap. Nous avons acté que l’urgence climatique est avérée et nous ne manquons pas de preuves. Nous avons aussi acté un certain nombre de points très importants cruciaux pour passer à l’action, que je voudrais rappeler.

Premièrement, l’objectif des 2 degrés. En réalité, si l’accord prévoit de maintenir le réchauffement « nettement en dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels », il vise aussi à poursuivre « l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5° C », ce qui constitue un objectif plus ambitieux, alors que les engagements publiés par les États avant le début de la conférence nous menaient à plus 2,8 degrés.

Deuxièmement, la différenciation. L’accord rappelle le principe des « responsabilités communes mais différenciées ».

Troisièmement, le financement. Les discussions sur ce point ont été très complexes, mais l’accord final laisse entrevoir une issue favorable en faisant des 100 milliards promis à Copenhague un plancher.

Quatrièmement, la transparence. L’accord prévoit un cadre « afin de renforcer la confiance mutuelle et de promouvoir une mise en œuvre efficace », s’agissant notamment des contributions nationales.

Cinquièmement, la révision des engagements, c’est un point essentiel. L’accord prévoit un mécanisme de révision, une clause de revoyure, sans possibilité d’abaisser les objectifs, tous les cinq ans à partir de 2025.

Les écologistes ratifieront évidemment cet accord mais appellent à l’action, à tous les niveaux : chacun doit y prendre sa part, ici et maintenant, dans tous les domaines, qu’il s’agisse, bien sûr, de l’énergie, comme cela a été amorcé avec la loi relative à transition énergétique, mais aussi de ceux des transports ou de l’agriculture, tout aussi importants. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, doit être ratifié car il confirme l’objectif de contenir la hausse des températures en deçà de 2 degrés Celsius, plafond identifié depuis longtemps par les scientifiques comme indispensable pour éviter l’emballement des dérèglements climatiques.

Atténuation – c’est-à-dire, concrètement, réduction des gaz à effets de serre – et adaptation deviennent, dès lors, les deux mots-clés de nos comportements individuels et collectifs, avec la nécessité impérieuse de prévoir les financements nécessaires pour leur mise en œuvre. L’adaptation au changement climatique est donc centrale dans l’accord de Paris sur le climat adopté à l’issue de la COP21.

Aujourd’hui, la grande majorité des projets d’adaptation concernent l’eau : ils représentent en effet plus de 90 % des engagements volontaires des États. Nous sommes donc, madame la ministre, dans une situation paradoxale : alors que l’eau est un enjeu fondamental, alors que la communauté internationale a reconnu l’eau comme une priorité stratégique, l’attention qui lui est portée ne me semble pas suffisante.

Je m’explique. L’eau est un enjeu fondamental. La croissance démographique, l’urbanisation, les évolutions des modes de vie et de consommation, le changement climatique lui-même constituent d’importantes pressions sur les ressources en eau mondiales qui remettent en cause la gestion durable de celles-ci et notre capacité à assurer les besoins humains fondamentaux – je pense à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, à la sécurité alimentaire, à l’énergie et à la santé publique.

L’eau est une priorité stratégique, maintenant reconnue par la communauté internationale. En effet, les Nations unies ont décidé d’en faire, en septembre 2015, le sixième des dix-sept objectifs de développement durable. Deux autres accords internationaux lui donnent une place centrale : le cadre de Sendai, fixé en 2015, au Japon, lors de la troisième conférence mondiale des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophe, notamment consacré aux sécheresses et aux inondations, que je qualifie souvent d’« excès du grand cycle de l’eau » ; la programme d’action d’Addis Abeba, adopté en Éthiopie en juillet 2015, qui porte sur le financement du développement de l’après-2015.

Il convient toutefois, à mon sens, d’aller plus loin. Il ne vous étonnera pas, madame la ministre, qu’avec ma double casquette de président du Comité national de l’eau et du Partenariat français pour l’eau, je dise que la France gagnerait à se positionner de manière encore plus volontariste à l’international, pour défendre les positions qui lui sont chères.

Elle doit d’abord replacer au-devant de la scène son modèle de gestion : la gestion décentralisée par bassin versant, la concertation, l’approche sociale, l’innovation. Je sais que vous avez incité les agences de l’eau de nos grands bassins hydrographiques à nouer des coopérations avec les grands fleuves d’Afrique. Cette coopération décentralisée mérite en effet d’être relancée.

Je suggère même d’y ajouter le Maroc avec la problématique particulière des aquifères profonds. Victime de phénomènes de sécheresse récurrents, le Maroc, organisateur de la COP22, est en première ligne pour ressentir les effets du changement climatique sur l’eau. Une conférence de haut niveau « Eau et climat », préparatoire à la COP22, qui se tiendra les 11 et 12 juillet prochains à Rabat, réunira les acteurs de l’eau comme du climat, avec un focus sur le continent africain, et préparera notamment les contributions de la communauté internationale de l’eau pour la COP22.

Nous devons aussi travailler à la mise en place d’une gouvernance spécifique au niveau mondial, en ouvrant, en France, le chantier de la mise en œuvre opérationnelle et du suivi des dimensions eau de l’Agenda 2030.

Par ailleurs, atteindre le sixième objectif de développement durable, consacré à l’eau, impose que notre pays participe activement au core group pour le suivi et la révision des cibles eaux desdits objectifs, qui s’appuiera sur l’agence des Nations unies pour l’eau.

Madame la ministre, même si la COP21 a été l’occasion, pour les acteurs de l’eau français et internationaux, regroupés autour de la campagne de plaidoyer « Le climat c’est l’eau » – #ClimateIsWater –, de se mobiliser fortement pour une prise en compte des enjeux de l’eau dans les négociations et décisions sur le climat, celle-ci n’est pas mentionnée directement dans l’accord de Paris. Cela ne nous empêchera pas de voter la ratification, mais en souhaitant que la France plaide demain, comme elle le fait, par votre voix, pour les océans, en faveur d’une véritable prise en compte de l’eau dans les négociations sur le climat et les conditions de mise en œuvre de l’accord de Paris. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela a été dit tout au long du débat : l’accord de Paris est sans doute le meilleur accord possible ; en cela, il a été pour la diplomatie française un succès dont nous nous réjouissons.

Constitue-t-il pour autant, au fond, un réel succès pour la planète ? Tel est l’enjeu qui nous préoccupe. Pour tenter de répondre à cette question, mes chers collègues, je vous soumettrai un problème, rassurez-vous, très simple : sachant que l’accord de Paris fixe pour objectif un réchauffement maximum de la planète de 2 degrés, de combien faut-il réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour y parvenir ? C’est là tout le problème de l’accord de Paris, qui dit ce qu’il faut faire mais pas comment y parvenir. Je vais tenter de vous fournir quelques éléments d’information.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. Serge Grouard. Pour que le réchauffement n’excède pas 2 degrés, il faudrait, selon les scientifiques, n’émettre pas plus de 14 milliards de tonnes de gaz à effet de serre par an, alors que les émissions de CO2 atteignent actuellement, à elles seules, 37 milliards de tonnes par an. Ces ordres de grandeur signifient qu’il faut donc diviser par deux, voire par trois, nos émissions actuelles.. Or que faisons-nous, à l’échelle de la planète tout entière ? Exactement l’inverse.

Comment évolue la consommation d’énergie ? Entre les années soixante-dix et 2030, selon une projection étayée par des informations assez sûres, elle sera multipliée par 3 : de 5,5 milliards de tonnes équivalent pétrole en 1970, elle est passée à 12 milliards de tonnes en 2010 et pourrait atteindre 16 milliards de tonnes en 2030. C’est le premier problème à résoudre.

Le second est celui du bouquet énergétique mondial, aujourd’hui composé pour plus de la moitié d’hydrocarbures – gaz et pétrole –, pour un tiers de charbon, le reste, à savoir le nucléaire et les énergies renouvelables, ne représentant qu’une très faible quantité. Ce bouquet énergétique est terrible car, d’une part, la quantité de gaz et de pétrole va stagner puis diminuer et, d’autre part, on va recourir massivement au charbon, pour lequel les réserves sont importantes. Actuellement, la consommation de charbon augmente de 4 % par an. Comment faire avec un bouquet énergétique qui n’est pas viable ?

Un troisième problème, la cerise sur le gâteau, est la déforestation, dont nous avons peu parlé. Celle-ci se poursuit de manière absurde, parce qu’elle ne produit pas de richesses. Les chiffres d cette destruction, là encore, sont difficiles à appréhender, mais elle représente de l’ordre de 6 milliards de tonnes équivalent CO2 par an.

Voilà l’équation infernale que nous devons résoudre.

L’accord de Paris est bon car il faut bien commencer par quelque chose. Comme l’a justement souligné Bernard Deflesselles, il a fallu vingt-cinq ans, depuis le sommet de Rio, en 1992, pour parvenir à un accord universel ; tant mieux, mais son contenu demeure très limité, ce dont la responsabilité n’incombe pas à la France.

Nous savons pourtant ce qu’il faut faire, c’est ce qui est terrible. De ce point de vue, notre responsabilité vis-à-vis des générations suivantes est immense. Nous savons et nous pouvons. Ce qu’il faut faire est aussi simple à dire que terriblement compliqué à réaliser.

Il faut d’abord que toutes les politiques, au moins publiques et, si possible, privées, convergent vers les économies d’énergie. La France, qui fait beaucoup d’efforts dans ce domaine, mériterait d’être suivie par d’autres pays.

Ensuite, il faut aller – j’ose le dire parce que c’est, je crois, la seule solution à moyen terme – vers l’économie mondiale décarbonée, c’est-à-dire substituer au tandem infernal pétrole-gaz plus charbon, le tandem énergie nucléaire-énergies renouvelables. C’est ça, la véritable équation.

Enfin, il faut arrêter la déforestation, qui entraîne le massacre de la biodiversité. Au début des années 2000, on détruisait encore chaque année l’équivalent de la forêt française.

L’enjeu est immense. Le rappeler est faire œuvre non de pessimisme mais de réalisme : nous devons mesurer l’ampleur de cet enjeu. Encore une fois, la France a posé la première pierre de l’édifice, nous pourrons le rappeler plus tard. Pour l’heure, il faut construire la maison tout entière, car vous avez raison, monsieur le rapporteur : la maison brûle, elle continue de brûler et il va maintenant falloir la reconstruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, derrière l’effervescence médiatique, force est de constater que l’accord de Paris souffre malheureusement d’un programme pour le moins hypothétique.

Observons les accords passés : le protocole de Kyoto, signé en 1997, et les autres grands raouts internationaux sur l’écologie n’ont pas permis d’améliorer la situation, bien au contraire, puisque, depuis 1997, les émissions de CO2 ont augmenté de 50 %.

Pour être valide, l’accord de Paris doit être ratifié par au moins cinquante-cinq pays responsables d’au moins 55 % du volume total des émissions de gaz à effet de serre. Nul doute qu’il entrera en vigueur, d’autant qu’il n’expose pas ses signataires à un mécanisme coercitif en cas de non-respect des engagements, à la différence de l’accord de Kyoto, qui instituait un mécanisme de sanction rebutant bon nombre de pays. L’accord de Paris a au moins l’intelligence de ne pas réitérer l’erreur de l’écologie punitive.

Mais sa portée s’obscurcit, alors même que débute le processus de ratification par les États. Le Japon a abandonné son opposition à la construction de nouvelles centrales électriques au charbon. Les objectifs des États-Unis, second pollueur au monde, sont en deçà de ceux de l’Europe ; par ailleurs, le rejet par la Cour suprême américaine du plan de lutte contre le réchauffement climatique, visant à réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2030, montre la fragilité de l’engagement américain sur le long terme.

L’Europe, quant à elle, a promis à réduire de 40 % ses émissions d’ici à 2030. Cet effort, non réparti entre les États membres, crée un système injuste : la Pologne, qui dépend de ses ressources charbonnières, ne pourra pas atteindre l’objectif fixé. L’Allemagne joue un double jeu en invoquant des objectifs plus qu’ambitieux tout en possédant les centrales de charbon les plus polluantes du continent.

L’Arabie Saoudite, pour sa part, n’a toujours pas signé un accord demandant en substance de mettre fin aux énergies fossiles d’ici à 2050. Pourtant, sa rédaction épargne l’ego des pétromonarchies : pas une fois, les mots « énergies fossiles » ne sont mentionnés dans le texte final, ce qui n’empêche pas de faire du pétrole, du charbon, du gaz et des autres énergies fossiles les premiers responsables du réchauffement climatique. Imaginez : pour ne pas aggraver le taux d’émission de gaz à effet de serre, il faudrait que 80 % de ces énergies polluantes restent sous terre.

L’accord vise une augmentation du réchauffement de la planète bien inférieure à 2 degrés. Pour cela, les émissions mondiales devraient être réduites de 40 à 70 % d’ici à 2050. Cela implique que les combustibles fossiles, à partir de la seconde moitié du siècle, ne soient plus utilisés. Pour atteindre l’objectif minimal de 40 %, il faudrait revenir au volume d’émissions de gaz à effet de serre des années quatre-vingt. Autant dire qu’il s’agit malheureusement d’une chimère.

En outre, l’accord de Paris oublie que la transition énergétique passe aussi par la transition démographique : aucune ligne de l’accord n’aborde cette thématique. Selon les estimations de l’ONU, la population mondiale s’élèvera à 9,7 milliards en 2050 et à 11,2 milliards en 2100. Plus de 70 % des hommes vivront dans des zones urbaines. Les programmes d’énergie des pays riches ne sont qu’une goutte d’oxygène dans cet air de plus en plus oxydé par une consommation mondiale galopante.

Alors il y a urgence à agir en Asie, qui comptera un demi-milliard d’habitants supplémentaires en 2100, mais surtout en Afrique, où la population passera à 4 milliards d’habitants. S’ajoutera alors une considérable proportion de gaz à effet de serre incompressible, c’est-à-dire d’émissions de CO2 associées à une consommation minimale d’énergie journalière essentielle pour l’individu. En 2015, les émissions de gaz à effet de serre vitaux s’élevaient à 9,6 gigatonnes équivalent CO; en 2100, elles s’élèveraient ainsi à 14,6 gigatonnes équivalent CO2. Ce seront d’autant moins de réserve pour maintenir le réchauffement climatique sous le plafond de 2 degrés d’ici la fin du siècle.

Parallèlement, l’accroissement de la population aggravera la déforestation, alors que les forêts, captant le carbone, sont essentielles à l’équilibre atmosphérique. Je donnerai un seul exemple : le second poumon de la planète, situé au Congo, recule de 4 millions d’hectares par an, sans qu’aucune grande politique ne soit menée pour y remédier.

Soyons donc lucides et reconnaissons que les prévisions des populations pour le siècle sont incompatibles avec les objectifs de réduction du réchauffement climatique. Le problème de la démographie est d’autant plus grave que les pays en développement souhaitent – c’est légitime de leur part – parvenir au même niveau de développement que les pays riches, dont la France fait partie.

C’est pourquoi la question démographique doit devenir la pierre angulaire des aides allouées aux pays émergents. Ainsi, les 100 milliards prévus pour soutenir leur transition énergétique devraient être prioritairement affectés aux programmes d’accès à l’éducation et à la santé. Adapter les aides sanitaires aux causes de mortalité contribuerait à la nécessaire transition démographique.

De son côté, la France peut apporter sa pierre à l’édifice en concentrant son aide sur le canal bilatéral et en la réservant aux pays prioritaires d’Afrique francophone, pour plus d’efficacité et moins de dilution.

Face aux grand-messes internationales, servant surtout à la communication, le retour aux souverainetés est la solution véritable pour faire face aux défis énergétiques. À quoi sert-il de mobiliser le monde quand l’Union européenne nous interdit de donner la priorité aux produits nationaux, aux circuits courts, respectueux des rythmes de la nature et beaucoup moins énergivores, quand les choix économiques de l’Union européenne poussent à toujours plus de mondialisme, de libre-échange, de concurrence frontale et déloyale, au détriment de la production locale ?

Pourquoi être aussi ambitieux au niveau mondial, alors que nous ne sommes même pas capables d’exiger, à notre échelle, que les produits pénétrant notre marché respectent les normes environnementales que nous exigeons de nos chefs d’entreprise et de nos agriculteurs ? Parce que nous préférons une mondialisation tirée par le haut à une écologie médiatique et hors-sol, nous nous abstiendrons sur ce texte.

M. Gilbert Collard. Très bien !

M. Bertrand Pancher. C’est un peu court…

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord de Paris représente une grande avancée, qu’il convient de saluer, ce qui a déjà amplement été fait.

Par son existence même tout d’abord. Il s’agit d’un moment inédit, dans lequel tous les États s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, car ils reconnaissent que seule l’action de tous peut permettre de freiner les dérèglements du climat et que cette question est universelle, à la fois dans sa dimension géographique et dans sa dimension temporelle : ce que nous faisons ou pas dans notre coin de la planète a un impact partout sur la terre ; ce que nous faisons ou pas maintenant aura un impact sur la vie de ceux et celles qui vont nous succéder.

Il nous faut ensuite saluer le fait que, par cet accord, l’écologie n’est plus considérée comme une question secondaire. Dans le discours des dirigeants du monde, la pollution sans frein de l’atmosphère, des sols, des rivières et des océans ne va plus de soi. On sait bien que les discours ne sauraient suffire, mais cette reconnaissance officielle offre une légitimité et un point d’appui nouveau, important, pour les militants et les acteurs de la transition énergétique.

Plus précisément, l’accord inscrit le plafond de 2 degrés et mentionne celui de 1,5 degré. Il prévoit des mécanismes de révision et reconnaît l’action des acteurs non étatiques.

Mais on peut saluer les avancées de cet accord par rapport à la situation antérieure, son caractère universel et ses objectifs ambitieux tout en s’inquiétant de l’écart constaté entre la situation actuelle et les moyens que l’on se donne pour atteindre ces objectifs. Il y a lieu d’être vigilant, au vu, d’une part, de ce qui n’est pas présent dans l’accord et, de l’autre, de l’écart constaté entre les discours des États et les actes nécessaires pour maintenir la température de la planète à un niveau supportable.

En effet, l’accord ne contient rien sur les énergies fossiles, alors même qu’il y a urgence à les abandonner. Il ne contient rien non plus sur le commerce international et l’incompatibilité entre les exigences de la limitation du réchauffement climatique et les conséquences de la signature éventuelle du TAFTA. Il ne contient rien de contraignant non plus sur les émissions du transport aérien et maritime, pourtant responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre.

Cet écart entre le discours et les actes s’illustre également par le fait que l’accord affirme la nécessité de rester sous les 2 degrés mais n’oblige pas les États à réduire suffisamment leurs émissions de gaz à effet de serre pour garantir cet objectif. Mises bout à bout, les contributions nationales conduisent d’ailleurs à un réchauffement climatique global avoisinant les 3 degrés, bien au-delà de l’objectif fixé par l’accord et surtout de la limite recommandée par les scientifiques, ce qui équivaut à franchir des seuils incontrôlables et irréversibles d’emballement climatique.

De même, il faut bien reconnaître que, si l’accord nous engage, en son alinéa 137, sur la voie de la neutralité carbone, en spécifiant qu’« il importe de fournir des incitations aux activités de réduction des émissions de gaz à effet de serre s’agissant notamment d’outils tels que les politiques nationales et la tarification carbone », il n’est pas parvenu à fixer cette tarification du carbone, alors que cette étape est indispensable à la traduction dans les faits de cet engagement.

Je tenais à insister sur ce point, car fixer une tarification au carbone, c’est permettre de donner aux énergies fossiles leur vrai coût social et environnemental. Les énergies carbonées ne sont économiquement compétitives que parce que nous différons leur véritable coût, qui est assumé non pas par les émetteurs de CO2 mais par la société et l’environnement. Pour donner leurs véritables chances aux énergies renouvelables, il est temps de corriger cet avantage.

À cet effet, il faut prendre en compte tout d’abord le prix – il évolue actuellement entre 5 et 10 euros, ce qui est très insuffisant – et ensuite la géographie. Tant que nous n’aurons pas instauré un corridor carbone tenant compte des niveaux de développement des différents pays, les entreprises pourront décider de délocaliser leurs activités dans les zones où les tarifs sont les plus avantageux.

Nous voulons un accord ambitieux dans ses objectifs et son universalité tout en étant contraignant. Mais sans doute un accord entre des États ne pouvait-il être les deux en même temps. Si le niveau de contrainte avait été plus élevé, nous aurions probablement perdu en ambition et en universalité. Nous avons un accord universel et ambitieux, donc – ou parce que – le niveau de contrainte est faible. Les États sont souverains, qu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse.

Sans arbitre international, le droit international tient largement du symbole. Dans les négociations climatiques, la vraie contrainte n’est pas le texte de l’accord mais le jugement que l’opinion publique portera sur celui-ci et la mobilisation de la société civile. Notre signature est une étape indispensable, qui sera aussi nécessaire à la mobilisation des acteurs de la société, afin de mettre la pression sur les États à chaque cycle de révision. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord de Paris restera certes l’un des grands moments diplomatiques de ces dernières années, tant les négociations furent difficiles à mener entre les différents États du monde. La COP21 a permis de franchir un pas en mettant autour de la table des pays aux visions contradictoires, aux politiques parfois antagonistes et en les faisant s’engager, c’est une réalité.

Cet accord est apparu comme le grand moment d’éveil des consciences sur ce que nous considérons, sur beaucoup de ces bancs, et bien évidemment sur ceux du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, comme l’un, voire le plus grand défi de notre siècle : la lutte contre le dérèglement climatique.

L’accord de Paris fut donc un succès diplomatique, mais, paradoxalement, une déception climatique car nous avons malheureusement échoué à bâtir l’accord « différencié, universel et contraignant » annoncé par François Hollande au début des négociations. L’euphorie médiatique de décembre a laissé place à la triste réalité : cet accord, foisonnant d’engagements individuels et d’objectifs communs, ne donne finalement que peu d’espoir d’aboutir à un équilibre entre activités humaines et préservation de nos ressources naturelles.

Or, il est déjà bien tard, sans doute trop tard, pour éviter la catastrophe annoncée. Les conclusions de nombreux experts sont sans équivoque : même si le champ des prévisions à l’horizon 2100 reste incertain, nous ne sommes pas en capacité d’éviter une augmentation de la température inférieure à 2 degrés par rapport à l’époque préindustrielle.

Le résultat sera au minimum moins d’1 degré, au maximum près de 5. Quelle catastrophe !

Le GIEC juge donc nécessaire de réduire de 40 à 70 % les émissions mondiales d’ici à 2050. Or il y a fort à craindre que l’accord de Paris ne permette guère d’endiguer la hausse spectaculaire des températures. En effet, la somme des engagements individuels issus de la COP21, s’ils sont tenus – et qui nous le garantit ? – entraînerait un réchauffement climatique compris entre 2,7 et 3 degrés.

Aucun secteur de notre planète – faut-il le rappeler ? – n’est pourtant épargné par le dérèglement climatique : précocité des périodes de floraison, récurrence d’incendies géants, intensification des inondations, acidification accrue des océans, extension des déserts, etc. Une récente étude américaine dévoile un chiffre particulièrement éloquent : le niveau des mers pourrait monter d’un mètre d’ici à 2100.

M. Bernard Deflesselles. Absolument !

M. Bertrand Pancher. Faut-il rappeler les conséquences humaines dramatiques du dérèglement climatique, qui pourrait entraîner, d’ici à 2050, le déplacement de 200 millions à 1 milliard d’individus, contraints de quitter leur lieu de vie, sans que cela suscite une seule larme chez certains, que je préfère ne pas citer ? Faut-il rappeler que de nombreux conflits sont issus, directement, des catastrophes naturelles ?

Dans un tel contexte, il faut se rendre à l’évidence : l’objectif de l’accord de Paris relève plus d’un compromis politique que d’une réelle ambition pour notre planète.

Que dire, en effet, d’un accord qui n’est pas contraignant au sens juridique du terme ? Quand on connaît le poids de l’économie informelle dans nombre de pays de la planète, quand on sait le nombre de pays qui trichent ou ne donnent que des informations partielles – souvenons-nous de la Chine, l’an passé, revoyant ses déclarations d’émissions de gaz à effet de serre à la hausse, alors que les chiffres qui remontaient au niveau central étaient très complaisants –, quand on voit la difficulté qu’ont les parlements à ratifier les accords signés en grande pompe par leurs chefs d’État, on se rend compte qu’il y a loin de la coupe aux lèvres…

Quid également de l’engagement des États-Unis si le candidat républicain, qui clame que le réchauffement climatique n’est qu’une invention de la Chine, est élu en fin d’année ?

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. Bertrand Pancher. Peut-on vraiment espérer que tous les États joueront le jeu et prendront la réelle mesure des attentes de la société civile ? Rien n’est moins sûr. Certes, la question de la transparence sera au cœur des prochains travaux des États parties, car chacun d’entre eux devra rendre des comptes sur ses engagements, mais tout le monde s’accorde à penser que cela ne sera sans doute pas suffisant : sans mécanisme de sanction ou de régulation, sans aide ni contrainte, il est à craindre, une fois de plus, que cet accord reste à l’état de déclaration.

Que dire, encore, d’un texte qui élude la question du financement ? Car si le Fonds vert doit permettre d’aider les pays du Sud à amorcer leur transition énergétique, aucun outil n’a été prévu pour le long terme. Or, nous le savons tous, de nombreux pays dits « développés » ont montré une certaine réticence à consacrer des moyens financiers importants en faveur des pays vulnérables. La coopération est pourtant l’une des principales clés de la lutte contre le changement climatique.

Je souhaite évoquer maintenant nos territoires ultramarins, qui concentrent l’essentiel de notre biodiversité et ne doivent pas être mis de côté dans ce long processus de transition écologique. La Nouvelle-Calédonie pourrait d’ailleurs être soumise à cet accord, ce qui n’avait pas été le cas lors pour le Protocole de Kyoto, en 1997. C’est une étape nécessaire lorsque l’on sait que les îles du Pacifique sont les premières victimes du changement climatique.

Que dire, enfin, d’un accord qui n’a pas permis de déterminer un prix du carbone, pourtant très attendu, notamment par les acteurs non étatiques – dont l’engagement est au demeurant une bonne nouvelle –, et qui, pour parfaire le tout, a fait l’impasse sur les énergies renouvelables ?

Ce manque flagrant d’ambitions réelles de l’accord de Paris nous met finalement face à deux réalités : d’abord, l’Europe s’obstine à ne pas prendre le leadership mondial, ce qui se traduit notamment par son incapacité à instaurer un véritable marché du carbone ; pire, elle émet des contre-signaux à une politique d’ampleur pour le climat. Ainsi, la récente communication de la Commission européenne intitulée « La voie après Paris » fixe une trajectoire peu ambitieuse, demandant aux États membres de se cantonner aux objectifs du paquet énergie-climat 2030. Comment se résoudre à voir l’Europe, première économie mondiale, baisser ainsi les bras ? C’est inconcevable !

Ce manque d’ambition dénote aussi l’incapacité de la France à prendre le leadership européen. Et pour cause : notre pays n’a cessé, ces cinq dernières années, de prendre un retard considérable dans la transition énergétique, et ce n’est pas la pseudo « grande loi de transition énergétique » qui y changera grand-chose. Je pense bien sûr aux trois piliers d’une transition réussie : le logement et la rénovation de logements, en berne ; les transports, n’en parlons pas ; les énergies renouvelables, dont le développement a été délaissé. Je pense aussi à la version édulcorée de la programmation pluriannuelle de l’énergie que vous avez présentée, madame la ministre. Pourquoi avoir attendu la fin du quinquennat pour commencer à mettre en place des actions précises, qui n’entreront pas en vigueur tout de suite ? Pourquoi avoir osé si timidement quelques faibles avancées, notamment en matière d’instauration de mécanismes de régulation de marché ?

Et que dire des engagements du Gouvernement, relégués au placard, en matière d’aide au développement ? Après avoir promis d’aboutir à 0,7 % du revenu national consacré à l’aide au développement, nous n’en sommes finalement qu’à la moitié et les timides avancées de la taxe sur les transactions financières ne servent finalement qu’à combler le trou sans fond de l’État.

M. Guillaume Chevrollier. Absolument !

M. Bertrand Pancher. Entre positions idéologiques et renoncements, nous avons décidément bien du mal à suivre.

Vous pourriez, madame la ministre, me rétorquer que la critique est facile.

M. Daniel Vaillant. Ça oui !

M. Bertrand Pancher. Si je tire le signal d’alarme aujourd’hui, ce n’est pas par posture politique mais plutôt par souci d’avancer concrètement, tant l’heure est à l’urgence. Si j’émets autant de réserves, même si nous voterons évidemment en faveur de la ratification de l’accord (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), c’est parce que je suis inquiet de tous les retards pris, que nous aurons tant de difficulté à combler.

Bien sûr, les députés du groupe UDI soutiendront ce projet de loi (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), qui représente, malgré tout, un pas en avant. Néanmoins, en parallèle de notre soutien, je tiens à réaffirmer la nécessité d’agir effectivement et vite. L’heure n’est plus aux balbutiements, elle est à l’action.

La COP22 devrait permettre l’application concrète des grands principes de la COP21. Pour ce faire, il faut que notre pays prenne sans plus attendre le leadership en Europe, en accompagnant l’instauration de mesures fortes et ambitieuses,…

M. Michel Ménard. C’est ce qu’il fait !

M. Bertrand Pancher. …comme il l’avait fait, en 2008, lors de l’adoption du paquet climat-énergie.

M. Serge Grouard. Eh oui !

M. Bertrand Pancher. La France doit ainsi prôner une régulation du marché carbone au niveau mondial, permettre à des projets ambitieux, tels le plan électricité et lumière pour tous porté par Jean-Louis Borloo, d’émerger davantage, ne pas laisser retomber comme un soufflé l’engouement du monde de la finance, prêt à jouer le jeu pour le changement climatique, et respecter ses engagements en matière d’aide publique au développement.

Avançons vite, plus vite, car il est déjà bien tard : la France, qui a su construire l’Europe, doit l’entraîner. L’Europe reste en capacité de modeler le monde mais pour combien de temps encore ? Elle doit le faire à travers une régulation des échanges, en introduisant dans ceux-ci les coûts environnementaux, notamment celui de l’émission du CO2.

M. Michel Ménard. Il va falloir l’expliquer à Sarkozy !

M. Bertrand Pancher. Quand comprendrons-nous que, si nous ne changeons pas en profondeur nos modes de production et de consommation, nous transmettrons à nos enfants un monde hideux, alors qu’il est encore si beau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Noël Mamère. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pourquoi cacher sa joie et modérer sa satisfaction ? (Applaudissements et « Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Dans la hiérarchie des conférences climatiques tumultueuses, alors que celles de Copenhague et de Varsovie ont été des échecs, celles de Rio et de Kyoto constituaient les dernières références positives en matière d’affichage de bonnes intentions, mais elles furent bien loin de déboucher sur des engagements volontaristes et concrets.

L’accord de Paris, qui engage 195 parties de tous les continents, est de loin celui qui restera dans l’histoire, en ce qu’il constitue, cette fois-ci, un texte universel portant des engagements concrets, pour la plupart signés et paraphés. C’est à l’honneur de la France et de son Président, François Hollande, d’avoir accueilli la COP21 mais plus encore d’avoir été, avec Laurent Fabius, Ségolène Royal, Laurence Tubiana, Nicolas Hulot et beaucoup d’autres, les moteurs de la démarche et les chevilles ouvrières de cette laborieuse mais si précieuse signature.

Il était temps car le compte à rebours a commencé et, faute de cette prise de conscience, c’est l’avenir même de la présence humaine dans certains endroits de la planète qui était en péril.

Tous ceux qui, depuis des décennies, prêchaient dans le désert, contestés et attaqués par certains négationnistes du climat, dont l’arrogance obscurantiste et partisane s’est enfin tue, se réjouissent de cette belle unanimité.

Certes, pour certains pays, cette prise de conscience tardive est moins due à la volonté de solidarité avec les peuples menacés de submersion et à l’intérêt qu’ils portent aux générations futures qu’à leur propre état de pollution, qui rend leur air de plus en plus irrespirable.

M. Bernard Deflesselles. C’est vrai !

M. Philippe Plisson. Quoi qu’il en soit, seul le résultat compte et c’est ce rendez-vous que l’histoire retiendra. La France, qui l’a rendu possible, ne s’est pas contentée de souhaits ou d’incantations, je l’ai rappelé tout à l’heure. Elle s’est au contraire engagée avec volontarisme dans la mise en œuvre des principes qu’elle a édictés au travers des différentes lois votées par notre parlement.

En effet, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ainsi que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, ont marqué un virage décisif de notre perception de l’économie comme de la croissance.

La crédibilité de la France auprès des États du monde ne peut que se trouver confortée par la légitimité de son action nationale. Dans cette logique, les 195 pays qui ont ratifié l’accord de Paris se sont engagés concrètement à faire baisser leurs émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’un changement déterminant, qui consiste aussi à abandonner les énergies fossiles les plus polluantes pour atteindre cet objectif et si possible à aller plus loin et plus vite.

En effet, l’évaluation de l’ONU montre que, malgré cette mobilisation sans précédent des États, le réchauffement de la planète, à la fin du siècle, se situerait encore aux alentours des 3 degrés, soit largement au-dessus du plafond de 2 degrés fixé par le GIEC.

Cet accord est aussi celui de la nécessaire solidarité entre les États, puisque les pays les plus riches ont l’obligation de financer les plus pauvres et les plus menacés pour répondre à cet enjeu commun.

Le 22 avril dernier, à New York, 175 parties ont paraphé le texte et concrétisé cette démarche, qui restera dans l’histoire. Il reste à mettre le modèle de développement de la planète en harmonie avec cet engagement.

Mais, tandis qu’on privilégie ici les critères environnementaux qui s’imposent aux autres, la frénésie de la productivité et la jungle de la concurrence au service du profit ne doivent pas demeurer ailleurs les critères de référence.

Le président Chanteguet en a parlé tout à l’heure : quand on considère les négociations sur le projet de grand marché transatlantique – TAFTA ou TTIP, Transatlantic Trade and Investment Partnership –, on peut se demander si certains États ne sont pas schizophrènes, dans la mesure où ils défendent et exigent des dispositions allant à l’opposé, sur de nombreux sujets, des principes de l’accord de Paris.

On ne peut exalter ici la sobriété climatique et encourager là les pratiques culturales intensives, niant les circuits courts et les labels et utilisant à profusion des pesticides particulièrement néfastes, et pas davantage continuer à tolérer, voire à encourager, les paradis fiscaux favorisant les gains exorbitants d’une minorité prédatrice. Dans cette logique, la France doit aussi être en pointe pour aboutir à la conclusion de l’accord européen relatif à la taxe sur les transactions financières – TTF.

Le profit et la rentabilité à tout crin demeurent en effet, dans l’esprit de beaucoup, des critères cardinaux. Il faudra donc beaucoup de volonté, de vigilance, de suivi, de contrôle, de pédagogie et d’exigence pour que prévale et s’applique l’accord de Paris, afin que l’avenir de la planète et la santé de ses habitants soient les objectifs globaux définitifs poursuivis par les États de ce monde.

Le Gouvernement nous proposera tout à l’heure la ratification de cet accord. Je me réjouis que notre assemblée trouve ici l’occasion de se rassembler en un vote unanime : elle adressera ainsi un message aux États du monde ainsi qu’un signal fort aux générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Rémi Pauvros. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission du développement durable, mes chers collègues, j’interviens en mon nom mais également au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou. Oui, l’accord de Paris est un succès, nous pouvons en être fiers. Il a créé une dynamique, tant au niveau des États qu’à celui de la société civile. Je voudrais rassurer certains de nos collègues : il nous faudra compter avec cette dernière pour rappeler leurs engagements aux différents gouvernements.

Cet accord a suscité de très fortes attentes, d’abord dans les pays du Sud, premières victimes du dérèglement climatique. Et, en leur sein, ce sont les populations les plus pauvres et les plus vulnérables qui sont les premières affectées. Or les femmes constituent 70 % des populations pauvres et leur vulnérabilité est supérieure à celle des hommes, en raison du statut social inférieur dans lequel elles sont confinées. Oui, les femmes sont les premières touchées par le dérèglement climatique.

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou. Les femmes et les jeunes filles, pour faire vivre leurs familles, doivent par exemple parcourir des kilomètres pour aller chercher de l’eau, du bois ou du fourrage. Ces contraintes provoquent une surcharge de travail et notamment la déscolarisation des jeunes filles.

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

Mme Martine Lignières-Cassou. Selon l’ONU, en cas de catastrophe naturelle – on l’a vu, en Thaïlande, lors du tsunami de 2004 –, les femmes courent quatorze fois plus de risques de mourir que les hommes, parce qu’elles ne sont pas ciblées en priorité dans les programmes d’alerte, qu’elles ne savent pas nager ou qu’elles se préoccupent d’abord de mettre leur famille à l’abri. En outre, nous savons que, dans les zones sinistrées, l’accès aux soins et à la contraception est des plus difficiles.

L’accord de Paris dispose d’abord, dans son préambule, que les pays signataires devraient, lorsqu’ils adoptent des mesures pour lutter contre le changement climatique, prendre en considération leurs obligations au regard de« l’égalité des sexes » et de « l’autonomisation des femmes ». Puis l’article 7 reconnaît que « l’action pour l’adaptation devrait suivre une démarche […] sensible à l’égalité des sexes ». Enfin, l’article 11 préconise que le renforcement des capacités soit « un processus efficace, itératif, participatif, transversal et sensible à l’égalité des sexes ».

Dans l’étude d’impact du projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, vos services analysent cet accord comme étant de nature à favoriser la parité car l’expression utilisée est l’« égalité des sexes » et non plus, comme cela fut longtemps le cas, l’« équilibre entre les sexes ».

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou. Nous savons combien les négociateurs – au premier chef les négociateurs français – ont dû ferrailler pour que la dimension du genre soit intégrée à l’accord. Pourtant, si les femmes avaient accès aux mêmes moyens de travail que les hommes, la production agricole augmenterait, selon les Nations unies, de plus de 20 %, ce qui permettrait de nourrir immédiatement au moins 150 millions de personnes supplémentaires.

Madame la ministre, en avril dernier, en tant que présidente de la COP21, vous avez participé au forum de l’Union africaine consacré au climat. Vous y avez déclaré que les « femmes sont l’essentiel de la solution » et annoncé six types actions : intégrer dans toutes les contributions nationales la dimension femmes, alors que seulement 36 % d’entre elles le font aujourd’hui ; consacrer à des projets construits par des groupes de femmes la moitié des ressources dédiées aux productions décentralisées d’énergie ; créer des écoles agricoles intégrant les énergies renouvelables ; soutenir un programme massif d’équipement en appareils de cuisson fonctionnant au biogaz ou en fours solaires ; établir la parité dans le financement des dispositifs d’alerte ; enfin, reconnaître le rôle des femmes en créant un prix « Femmes d’Afrique et climat », portant le nom de la première femme africaine prix Nobel de la paix, Wangari Muta Maathai, qui fut une écologiste et une féministe.

Madame la ministre, alors qu’a commencé hier, à Bonn, le seul round préparatoire de la conférence de Marrakech, peut-on espérer que les femmes soient pleinement reconnues, dès la COP22, comme actrices du changement climatique et parties prenantes des instances de gouvernance ? Peut-on espérer que les programmes que vous avez annoncés seront effectivement financés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe écologiste.)

Mme Catherine Coutelle. Bravo !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Je serai très brève, monsieur le président. Je voudrais vraiment remercier les uns et les autres pour la qualité de leurs interventions et pour l’engagement qu’elles traduisent. En effet, au-delà de cet hémicycle, c’est bien évidemment l’ensemble des parties à l’accord de Paris sur le climat qui observent ce que fait la France, et la qualité de ce débat ne passera pas inaperçue.

Je remercie, pour leurs travaux préparatoires, les deux commissions saisies au fond et pour avis : la commission des affaires étrangères, présidée par Élisabeth Guigou – sans oublier le rapporteur –, et la commission du développement durable, présidée par Jean-Paul Chanteguet.

J’adresse également mes remerciements à tous les groupes politiques, quels que soient les clivages et les sensibilités politiques. En définitive, l’accord conclu à Paris a aussi su rassembler les pays : quels que soient leurs préoccupations, leurs conflits, leurs problèmes et leurs tensions, ils ont su se dépasser pour converger et aboutir à un rapport protégeant les relations entre l’homme et la planète.

Cet esprit de Paris se ressentait également dans vos interventions. À cette heure, le vote ne fait pas de doute. Je m’exprimerai donc également à l’issue de celui-ci, qui aura lieu dans quelques instants.

J’ajoute que ce vote donnera manifestement à la France un atout supplémentaire pour entraîner les autres pays, notamment les États membres de l’Union européenne. J’ai bien entendu ce que vous avez, les uns et les autres, dit à ce sujet : l’Europe n’a pas le droit d’abandonner son leadership, qu’elle a assumé au moment du dépôt des contributions nationales. L’Europe, qui a alors été très ambitieuse, qui a su entraîner les autres continents industrialisés, doit continuer de montrer le chemin. C’est pourquoi il était si important de voir aujourd’hui converger vos positions.

Vous avez également envoyé des signaux d’alerte, auxquels je suis particulièrement sensible, car, au-delà des votes, au-delà des textes, ce sont les actions opérationnelles pour la mise en place de l’accord de Paris qui comptent. Il faut distinguer la période précédant 2020 et celle qui viendra ensuite, le dispositif qui vaudra alors dépendant évidemment de qui se passe aujourd’hui et même de ce qui s’est passé, ces derniers mois, dans le cadre de l’engagement des coalitions opérationnelles.

Soyez donc infiniment remerciés pour la qualité de ce débat, qui nous permettra de franchir une à une les étapes suivantes : la mobilisation des pays de l’Union européenne, la ratification par chacun des pays européens et au niveau de l’Union européenne, pour que les instruments de ratification soient rapidement déposés, si possible avant la COP22. C’est, pour le moins, l’un des défis que nous devons relever car à quoi cela ressemblerait-il si l’Union européenne se présentait comme continent observateur et si l’accord de Paris commençait à s’appliquer sans elle ?

Je forme donc aussi le vœu que, dans les associations dont vous faites partie, les différentes commissions auxquelles vous participez, lors des contacts que vous avez avec vos collègues de l’Union européenne, les groupes d’amitié auxquels vous adhérez, vous puissiez relayer votre engagement, afin que tous les parlements de l’Union européenne se sentent particulièrement motivés.

Je vais d’ailleurs adresser un courrier au président de l’Assemblée nationale et à celui du Sénat pour leur demander de rassembler les présidents de l’ensemble des parlements de l’Union européenne afin de mobiliser la représentation démocratique pour la ratification de l’accord mais aussi pour la transposition en droit positif, dans chacun des États membres, comme nous l’avons fait en France, des engagements, ou INDC, puisqu’il est convenu de les appeler de la sorte. Il y aura ainsi une politique par la preuve et une démonstration par l’engagement des représentations nationales que le moment de l’action est venu. Merci pour votre engagement. La mobilisation, en tout cas, continue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant l’article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article.

M. Jean Lassalle. Permettez-moi d’abord, madame la ministre, de saluer à mon tour votre constance dans le combat que vous avez engagé, depuis quelque temps déjà – quelque temps seulement car vous êtes très jeune encore. Vous n’avez jamais dévié, pas plus que Noël Mamère, d’ailleurs, que je ne cite pas souvent, même si nous avons eu, à de nombreuses reprises, l’occasion de nous taper dessus. Si la conférence de Paris a eu ce succès, vous y êtes vraiment pour quelque chose, madame la ministre.

Au-delà même de ces avancées, les rencontres entre les hommes des divers continents, engagés depuis des années,…

Mme Martine Lignières-Cassou. Et les femmes !

M. Jean Lassalle. Bien sûr, les femmes aussi ! Ces rencontres, je crois, porteront bientôt leurs fruits.

Pour le reste, il faudra malheureusement attendre encore longtemps, à moins que la France ne prenne une grande initiative. Mais, pour cela, il ne faut pas avoir peur de contourner le lobby pétrolier – j’ignore comment il faudrait procéder –, aujourd’hui maître de tout, à commencer par la finance, de même que le lobby nucléaire, car ce sont eux qui bloquent tout. On sait aujourd’hui que le soleil et le mouvement des marées pourraient très facilement faire basculer totalement notre pays et le monde entier, qui nous suivrait, dans de nouvelles formes d’énergies renouvelables.

En attendant cet accord n’entrera en vigueur que lorsque cinquante-cinq pays représentant au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre auront signé de concert.

Et n’oublions pas ce fameux TAFTA, qui entraînera, par les transports qu’il occasionnera, 8 % d’émissions mondiales supplémentaires.

Heureusement, Nicolas Hulot, largement financé par les pires pollueurs du CAC 40 et du monde entier, fera bientôt son apparition dans la campagne présidentielle pour venir mettre la barre tellement haut que cela effraiera, pour une bonne décennie, tous ceux qui étaient animés des meilleures intentions.

Mais cela n’enlève rien à votre mérite, madame la ministre. Si nous voulons vraiment faire quelque chose, c’est la France qui, une fois de plus, doit prendre l’initiative et s’y mettre. Nous pouvons, par exemple, agir tout de suite avec le continent africain.

Vote sur l’article unique

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune explication de vote.

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Je voudrais seulement partager avec vous cette belle parole de Nelson Mandela : « Aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès car, seul, on peut aller vite mais, ensemble, on peut aller loin et même très loin. » Il ajoutait : « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse. »

Aujourd’hui, l’Assemblée nationale française l’a fait et va donner aux autres l’envie de le faire. Soyez-en remerciés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion du projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature ;

Discussion du projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly