Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 11 octobre 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Attaque contre des policiers à Viry-Châtillon

M. Franck Marlin

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Attaque contre des policiers à Viry-Châtillon

M. Bruno Le Roux

M. Manuel Valls, Premier ministre

Emploi des jeunes

M. Laurent Degallaix

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Situation en Syrie et action de la France

Mme Élisabeth Guigou

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Salles de shoot

M. Philippe Goujon

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Crédit d’impôt pour les associations

M. Yves Blein

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Financement de la Sécurité sociale

Mme Claude Greff

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Accueil des migrants

M. Daniel Vaillant

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Cadre d’utilisation des produits phytosanitaires

M. Gérard Menuel

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Projet « Cap 100 000 tonnes de bananes » en Guadeloupe

M. Ary Chalus

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Agence française de l’adoption

Mme Dominique Nachury

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes

Chantiers navals STX

Mme Marie-Odile Bouillé

M. Manuel Valls, Premier ministre

Fret ferroviaire et gare de Somain

M. Jean-Jacques Candelier

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Opération Sentinelle

M. Olivier Audibert Troin

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Sécurité dans les bars de nuit

Mme Valérie Fourneyron

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

2. Égalité réelle outre-mer

Explications de vote

M. André Chassaigne

M. Ibrahim Aboubacar

M. Philippe Gosselin

Mme Maina Sage

M. Ary Chalus

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

3. Modernisation, développement et protection des territoires de montagne

Discussion des articles (suite)

Après l’article 8 (suite)

Amendements nos 3 , 103 rectifié , 460 deuxième rectification

Mme Annie Genevard, rapporteure de la commission des affaires économiques

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Article 8 bis

M. Jean Lassalle

Mme Isabelle Attard

Amendement no 321

Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires économiques

Après l’article 8 bis

Amendements nos 203 , 359

Article 8 ter

M. Martial Saddier

M. Jean Lassalle

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. André Chassaigne

Amendements nos 67 , 110 , 126 , 141 , 267 , 344 deuxième rectification

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques

Après l’article 8 ter

Amendements nos 170 , 204 , 205 , 206, 207 , 169

Article 8 quater

M. Jean Lassalle

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

Après l’article 8 quater

Amendements nos 38 , 231

Article 8 quinquies

M. Martial Saddier

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

Après l’article 8 quinquies

Amendements nos 301 , 474

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 107 , 128 , 138 , 153 , 262 , 400 deuxième rectification , 547 (sous-amendement) , 337 rectifié , 548 (sous-amendement) , 339 , 171 , 175 rectifié , 176 , 177 , 178 , 236 , 135 , 294 rectifié , 473 , 499 , 545 (sous-amendement) , 549 (sous-amendement)

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 23, 24 , 248 , 349 , 374

Article 9

M. Lionel Tardy

M. Martial Saddier

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Arnaud Viala

M. Jean-Pierre Vigier

M. Jean-Marie Sermier

M. Pascal Terrasse

M. Bernard Accoyer

M. André Chassaigne

M. Joël Giraud

Mme Karine Berger

M. Jean-Michel Baylet, ministre

Amendements nos 425 , 76 , 305 , 461 rectifié

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Les Républicains.

Attaque contre des policiers à Viry-Châtillon

M. le président. La parole est à M. Franck Marlin.

M. Franck Marlin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et concerne les événements dramatiques qui ont eu lieu le week-end dernier à Viry-Châtillon en Essonne.

Mes premières pensées, auxquelles je souhaite associer l’ensemble d’entre nous, vont aux policiers blessés, à ceux qui sont toujours hospitalisés – en particulier à celui qui, encore aujourd’hui, lutte contre la mort –, mais également à leurs familles et à toutes celles et tous ceux qui ont pour mission de faire respecter la loi.

Monsieur le ministre, ceux qui ont fait ça sont des assassins. Ils ont agi vraisemblablement avec préméditation et avec l’intention de tuer.

Nous attendons tous de la justice des sanctions exemplaires.

Depuis 2007, le nombre de policiers blessés en mission a progressé de 30 %. Devant ce bilan extrêmement préoccupant, comment comptez-vous agir ? Comment comptez-vous sécuriser les policiers dans leurs missions, en termes d’équipements, de matériels, de locaux mais également d’effectifs ?

Vous aurez raison de rappeler que la RGPP, la Révision générale des politiques publiques, initiée avant vous, a fait un mal considérable en matière de sécurité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Jean-Paul Bacquet. C’est bien vrai !

M. Franck Marlin. Devant nous, vous avez pris l’engagement de recruter des policiers. Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment comptez-vous les redéployer sur le territoire, et plus particulièrement en Essonne, où 300 policiers supplémentaires sont attendus ?

Vous l’avez compris, mes propos ne sont pas polémiques, bien au contraire. Nos concitoyens attendent autre chose. Nous avons tous une part de responsabilité à assumer. Ensemble, il faut faire évoluer la législation en matière de légitime défense appliquée aux policiers. Il faut également que nos concitoyens qui vivent dans ces cités, qui ont peur et ne peuvent aller ailleurs parce qu’ils n’en ont pas les moyens, soient convaincus de la fermeté de l’action publique.

Oui, monsieur le ministre, il y a assurément urgence à faire respecter l’État de droit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, l’attaque abjecte dont les deux policiers de l’Essonne ont fait l’objet est épouvantable. Ils ont été secourus par deux de leurs collègues également présents sur place, qui ont été blessés. L’un d’entre eux est un véritable héros puisqu’il a sauvé des flammes le policier qui lutte aujourd’hui contre la mort. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Je me suis rendu à l’hôpital samedi, j’ai vu l’émotion considérable des familles et de leurs collègues policiers, et je vous remercie du fond du cœur pour les propos que vous avez tenus et pour la question très digne que vous venez de me poser, qui appelle des réponses précises.

Pour ce qui concerne d’abord les effectifs, vous avez raison de souligner que leur diminution a des effets dans l’ensemble des départements. Il faut corriger cela. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de créer 9 000 emplois dans la police et la gendarmerie.

Comment cela se traduit-il dans les départements d’Île-de-France et plus particulièrement dans votre département ?

Nous aurons remis à l’effectif de référence le département de Seine-Saint-Denis, où j’ai annoncé il y a quelques semaines la création de 300 emplois. Depuis des années, on était à 400 emplois au-dessous de l’effectif de référence.

C’est le cas aussi dans l’Essonne, où il y aura dans le courant de l’année 2016 soixante et onze créations d’emplois. Quarante-cinq ont déjà eu lieu, vingt-six autres interviendront d’ici à la fin de l’année.

Mais il faut aller au-delà. Dans les départements où la délinquance est la plus difficile, il faudra d’abord poursuivre les créations d’emplois et, pour cela, continuer à créer des emplois dans la police et la gendarmerie. Il faudra ensuite, comme nous le faisons cette année de 15 %, continuer d’augmenter les crédits de la police et de la gendarmerie et, enfin, poursuivre le plan de modernisation des équipements des policiers et des gendarmes, comme nous l’avons fait avec le plan BAC-PSIG, qui a permis d’acquérir de nouveaux armements, de nouveaux véhicules, de nouveaux moyens de protection. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Attaque contre des policiers à Viry-Châtillon

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, partout les forces de l’ordre agissent et c’est parce qu’elles agissent que des voyous, des barbares, des réseaux entiers de délinquants, qui se sentent repérés, déstabilisés et menacés, ripostent avec une telle violence. Samedi dernier, des policiers ont été confrontés à des individus voulant sciemment les tuer. C’est une situation qui doit appeler la plus grande fermeté, de la dignité et de la lucidité.

Dignité et unanimité, pour rendre hommage et saluer le courage de ces hommes et de ces femmes qui servent le pays et le protègent. Nous pensons aux policiers et à l’adjoint de sécurité qui se bat aujourd’hui pour la vie, mais nous pensons également aux gendarmes et aux forces armées, à toutes celles et ceux qui, sur le territoire national et hors de nos frontières, risquent leur vie pour la sécurité de tous. Dignité et unanimité, pour demander la plus grande fermeté contre ces voyous, ces réseaux, ces barbares, qui s’attaquent avec une violence inouïe aux forces de l’ordre.

Dignité et lucidité aussi, pour reconnaître ensemble l’erreur qu’a été la suppression de 13 000 effectifs de police durant la précédente législature. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Dignité et lucidité, enfin, pour reconnaître que, face à la permanence de la menace terroriste et face au niveau de violence de notre société, la sécurité est et restera longtemps une priorité de la nation.

Monsieur le Premier ministre, la police du quotidien, celle qui est au plus près de nos concitoyens, est confrontée, tout comme les collectivités et toutes les institutions, à la recrudescence d’une violence inouïe qu’il faut traiter tous ensemble, dans un partenariat le plus fort possible. Vous qui avez créé les zones de sécurité prioritaires dans notre pays, pourriez-vous rappeler leur philosophie et préciser l’action du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Le Roux, hier matin, avec Bernard Cazeneuve, nous étions dans l’Essonne pour rencontrer des policiers, choqués, les élus qui sont engagés sur le terrain, mais nous sommes aussi allés, comme le ministre de l’intérieur l’avait fait dès samedi soir, à la rencontre des blessés et de ces policiers admirables de courage. L’un d’entre eux est un véritable héros. À mon tour, je veux rendre hommage à ces policiers du quotidien qui protègent nos compatriotes.

L’autorité de l’État ne faiblit pas et ne faiblira pas. Notre détermination – chacun doit le comprendre – est sans faille. Vous avez parlé de dignité – il faut rester dignes – et de lucidité par rapport à la violence à laquelle sont confrontés les policiers dans notre société. Mise en œuvre des zones de sécurité prioritaires, création de 9 000 postes supplémentaires, augmentation du budget de la police et de la gendarmerie : le Gouvernement est pleinement mobilisé depuis le premier jour. Nous comprenons ces policiers du quotidien, comme vous l’avez rappelé, qui hier, dans l’Essonne, nous ont demandé davantage de moyens encore et, surtout, plus de protection pour assurer leur mission.

Reconstruire ce qui a été détruit prend du temps, comme le ministre de l’intérieur vient de le rappeler. Il faut recruter les policiers et les gendarmes, les former et les équiper. Il faut donc poursuivre l’effort engagé. Après avoir consacré en priorité les moyens supplémentaires aux services en charge de la lutte contre le terrorisme, renforcé les brigades anti-criminalité – les BAC – et les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie – les PSIG –, l’effort continue d’être porté en direction, précisément, des policiers qui, au quotidien, assurent la sécurité de nos concitoyens.

Dans ce cadre, le ministre de l’intérieur m’a proposé de nouvelles mesures. Elles visent spécifiquement à sécuriser les véhicules et les équipages de patrouilles générales intervenant en zones sensibles. Concrètement, cela prendra la forme de films anti-caillassage sur les véhicules, voire de blindages dans certains cas. Un travail sur les tenues va également être mené rapidement, afin de veiller à ce que celles-ci soient intégralement ignifugées.

Une réflexion sera également engagée sur l’usage possible des caméras mobiles, non plus seulement a posteriori, mais aussi en temps réel. Cela permettra de visualiser à distance les circonstances d’une intervention et les moyens à déployer en renfort le cas échéant.

Enfin, parce que le retard pris dans ce domaine est considérable, un effort supplémentaire sera porté sur les crédits immobiliers qui vont augmenter de 15 % – cela était prévu dans la loi de finances –, afin de financer la construction ou la rénovation de commissariats. Je pense à Saint-Denis, à Corbeil-Essonnes et aussi à la Grande Borne, à Grigny.

Les policiers protègent les Français, et ils le font de manière admirable. L’État se doit aussi d’assurer la protection des policiers qui sont aux avant-postes de la République. C’est ce que ce gouvernement fait depuis 2012. Il faudra poursuivre ce travail dans les années qui viennent. J’en appelle non seulement à la lucidité et au courage, mais aussi à l’union nationale sur les moyens de la défense, de la justice – le garde des sceaux a dit des choses très claires à ce sujet dimanche dernier – et de la police.

Dans les années qui viennent, pour protéger les Français, pour moderniser nos forces de sécurité, il faudra poursuivre un effort conséquent, qui va bien sûr peser sur les finances publiques. Les policiers ont droit à notre protection. Ils font un travail admirable. Dans ces moments-là, la nation, et donc le Parlement, doivent être rassemblés autour des policiers qui demandent ces moyens supplémentaires que nous leur donnons et que nous allons continuer à leur donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Emploi des jeunes

M. le président. La parole est à M. Laurent Degallaix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Laurent Degallaix. Monsieur le Premier ministre, le 5 octobre dernier, la Cour des comptes rendait un rapport particulièrement sévère sur les moyens mis en œuvre pour favoriser l’accès à l’emploi des jeunes. Ce rapport a d’ailleurs pris une résonance toute particulière quelques jours plus tard, puisque l’OCDE tirait, elle aussi, la sonnette d’alarme sur le même sujet. Il y a de fait lieu de s’alarmer : 25 % des jeunes actifs sont au chômage ; 110 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans diplôme ; près de 2 millions de jeunes sont actuellement sans emploi et ne suivent aucun cours, aucune formation. Quel triste bilan pour ce gouvernement et pour le Président de la République qui, fort heureusement, avait placé au cœur du dispositif de son quinquennat les jeunes et l’emploi des jeunes.

Des solutions existent – et vous allez me dire que vous en avez appliqué un certain nombre que l’UDI a parfois votées –, comme le service civique ou le plan jeunesse, mais tout cela aurait dû aller dans le sens d’un véritable Plan Marshall en direction de la jeunesse. Favoriser un véritable parcours vers l’emploi, réussir à rationaliser les réseaux des missions locales, créer de véritables passerelles entre le monde de l’entreprise et celui de l’éducation sont autant de solutions ambitieuses que nous aurions pu proposer. Mais, au fond, il vous a manqué cette ambition et vous avez préféré une posture dogmatique à une posture réellement ambitieuse.

Résultat des courses : vous avez sacrifié toute une jeunesse sur l’autel d’un manque de volonté politique en direction de cette jeunesse qui souffre. Nous rencontrons tous les jours sur nos territoires, de plus en plus, des jeunes qui souffrent, des jeunes qui n’en peuvent plus, qui ne croient plus en l’avenir et qui, au fond, sont plongés dans un véritable désarroi et un terrible désespoir. Au-delà du désespoir, c’est l’habitude du désespoir qui est terrible. Mon propos n’est ni de droite ni de gauche car, sur chacun de nos territoires, dans nos communes, nous rencontrons, hélas, à cause de votre politique, de plus en plus de jeunes qui ont pris l’habitude du désespoir et le chemin du renoncement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, je me permets de vous répondre en citant également l’ensemble de mes collègues. En effet, cette politique en direction de la jeunesse, c’est aussi celle que nous menons à l’école en augmentant les bourses de l’enseignement supérieur, avec Najat Vallaud-Belkacem ; c’est celle que nous menons avec Marisol Touraine pour l’accès à la prime d’activité pour la complémentaire de santé ; c’est celle que nous menons également avec Patrick Kanner – dans le cadre du projet de loi égalité et citoyenneté, il y a des dispositions extrêmement importantes.

J’assume la politique que nous avons menée. Le rapport de la Cour des comptes du 5 octobre dernier dresse un tableau général de la politique en direction de la jeunesse menée de 2010 à 2015. Ce même jour était publiée une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – la DARES. Nous manquons dans notre pays de suivi de cohortes et d’évaluations des politiques publiques. On pouvait lire dans cette étude que trois jeunes sur quatre ont bénéficié d’une formation dans le cadre des emplois d’avenir. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’un contrat aidé sans formation c’est un frein pour accéder à l’emploi. Tous secteurs confondus, la moitié des jeunes avaient suivi une formation certifiante – 120 000 jeunes en emplois d’avenir. La Cour des comptes dit qu’il faut mieux cibler et mieux former, c’est ce que nous avons fait. L’analyse qualitative faite par la DARES pour les années 2015 et 2016 montre que nous avons tenu compte de ces préconisations.

Autre élément : la Garantie jeunes. Au Sénat, il n’existait aucune unanimité dans l’hémicycle pour défendre la généralisation de cette garantie dans la loi travail. C’est un dispositif patient que nous avons construit en l’expérimentant d’abord, puis en l’évaluant, avant de le généraliser. Il porte ses fruits, car 100 000 jeunes en bénéficient et le budget emploi prévoit 150 000 entrées supplémentaires. C’est un élément déterminant. Sous le quinquennat de Sarkozy, le chômage des jeunes avait, quant à lui, augmenté de 30 %…

Situation en Syrie et action de la France

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le président, chers collègues, monsieur le ministre des affaires étrangères, depuis le 19 septembre, la population civile d’Alep est bombardée jour et nuit non seulement par des barils d’explosifs, mais aussi par des bombes incendiaires et au phosphore, et par des bombes anti-bunker, qui tuent jusqu’aux femmes et aux enfants réfugiés dans les caves. Cette guerre abominable vise les écoles, les hôpitaux et les réserves d’eau potable. La famine est utilisée comme arme de combat contre les 275 000 personnes qui restent à Alep, alors que le peuple syrien déplore déjà 300 000 morts, 12 millions de personnes déplacées, sans oublier les tortures, les exécutions arbitraires et les disparitions.

Pour faire cesser cette horreur, vendredi dernier, le Président de la République a mis en question la visite du président Poutine à Paris.

M. Nicolas Dhuicq. N’importe quoi !

Mme Élisabeth Guigou. Le lendemain, au Conseil de sécurité de l’ONU, vous avez, monsieur le ministre, présenté une résolution demandant l’arrêt immédiat des bombardements. Cette résolution a été votée par une large majorité, mais malheureusement, la Russie a mis son veto. À votre retour à Paris, lundi matin, vous avez affirmé que le Président de la République ne recevrait le président russe que pour parler de la Syrie. Devant la fermeté de la France, le président Poutine a préféré reporter sa visite à Paris (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Myard. Oh, arrête !

Mme Élisabeth Guigou. …et suspendre ainsi un dialogue qui pourtant doit se poursuivre pour obtenir un cessez-le-feu durable, faire sortir le peuple syrien de ce cauchemar et espérer créer un jour les conditions de la paix.

Dans l’immédiat, chers collègues, nous devons continuer à soutenir les « casques blancs » qui, au prix de leur vie, portent secours aux populations civiles en Syrie. J’espère que nous pourrons les recevoir prochainement, à nouveau, dans notre assemblée. Monsieur le ministre, quelles initiatives prendra la France dans les prochains jours pour faire cesser le martyre d’Alep et renouer le dialogue sur la Syrie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la présidente, la France n’a qu’une priorité : mettre un terme au drame insoutenable qui se déroule sous nos yeux à Alep. Voilà la priorité de la France, qui devrait être partagée – je l’espère ! – par toute l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Michel Terrot. Non, non !

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas la priorité !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. La France a pris ses responsabilités. Nous avons proposé au Conseil de sécurité une résolution dont l’objectif était simple : la fin des bombardements et l’accès de l’aide humanitaire.

M. Pierre Lellouche. Et vous avez gagné quoi ?

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Nous avons négocié cette résolution de bonne foi. Je suis personnellement allé à Moscou pour en parler directement avec mon homologue, Sergueï Lavrov. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je suis allé à Washington, puis au Conseil de sécurité pour défendre cette résolution, qui a recueilli une large majorité. La Russie s’est trouvée isolée, un seul pays l’a soutenue : le Venezuela. (Mêmes mouvements.)

M. Nicolas Dhuicq. Et alors ?

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Tous les autres pays sont conscients qu’il faut mettre un terme à ce drame. Le choix de la Russie est désastreux car il protège Bachar el-Assad et le conforte dans sa logique meurtrière, et parce qu’il constitue un cadeau – insensé à nos yeux – aux terroristes.

M. Yves Fromion. Quel aveu !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. En effet, ce sont eux, et eux seuls, qui vont profiter de la radicalisation que provoquent ces bombardements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Danielle Auroi et Mme Michèle Bonneton. Bravo !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Vous posez la question de notre attitude vis-à-vis de la Russie, et vous avez raison. Je ne suis pas partisan d’une rupture avec Moscou (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), je suis partisan du dialogue avec Moscou, et je l’ai montré la semaine dernière. Mais il faut être deux pour dialoguer ! Nous allons poursuivre sur la même ligne : pas de rupture avec Moscou, parce que la rupture n’améliorerait pas les souffrances des habitants d’Alep. Ce que nous voulons, c’est défendre la liberté et la paix en Syrie.

M. Claude Goasguen. Défendre al-Qaïda, défendre les terroristes !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Je l’ai fait à Moscou. Le président Poutine a pris sa décision, et nous la respectons, mais le dialogue n’est pas rompu. La Russie a pris ses responsabilités : le choix inconditionnel de Bachar el-Assad. Nous avons fait celui de la paix, et j’aimerais bien, mesdames et messieurs de la droite, que vous le fassiez aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. - Exclamations et huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Salles de shoot

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Goujon. Monsieur le président, chers collègues, aujourd’hui, madame la ministre de la santé, vous avez inauguré, avec la maire de Paris, la seule salle de shoot de France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), rompant un consensus politique suivi par tous les gouvernements. C’est une fausse bonne idée : ces salles ne sont pas utiles ; pire, elles sont dangereuses.

Elles ne sont pas utiles car notre offre de réduction des risques est l’une des plus performantes au monde, avec deux tiers des usagers traités dans des centres spécialisés : overdoses divisées par cinq – il y en a cinq fois moins qu’en Allemagne, pays des salles de shoot –, contaminations par VIH divisées par quatre, mais aussi quatre fois moins d’héroïnomanes qu’en Suisse, quatre fois moins de cocaïnomanes qu’en Espagne, autres pays des salles de shoot.

Ces salles sont aussi dangereuses, d’abord parce que tout médecin sait bien que nulle intoxication ne peut être traitée par le produit qui l’a créée, d’où leur condamnation par nos académies de médecine, de pharmacie et par l’ordre des médecins ; mais aussi par les riverains qui redoutent ces zones de non-droit et d’implantation des trafics autour d’une salle ouverte uniquement aux heures de bureau. Surtout, elles brouillent le message de l’État, qui ne peut mener une politique de désintoxication tout en accompagnant la consommation, banalisant, voire légitimant la drogue par une dépénalisation de fait, alors qu’en la matière, les interdits sont essentiels.

M. Jacques Myard. L’État veut nous intoxiquer !

M. Philippe Goujon. Le pire, c’est que ces salles ne résoudront pas non plus les contaminations puisque les usagers problématiques de drogue sont, hélas, déjà porteurs de ces morbidités. Sortir les jeunes de la drogue, ce n’est certainement pas les aider à se droguer, soi-disant proprement, pour un résultat improbable. Alors, madame la ministre, dites-nous franchement : la prochaine étape, c’est la dépénalisation ? C’est la légalisation des drogues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, oui, ce matin, j’ai inauguré, avec votre collègue Seybah Dagoma, la première salle de consommation à moindre risque, qui ouvre ses portes en France.

Mme Danielle Auroi, Mme Michèle Bonneton, M. Sergio Coronado et Mme Véronique Massonneau. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans quelques jours, j’inaugurerai une deuxième salle à Strasbourg…

M. Laurent Furst. Rue de Solférino me paraît être un meilleur endroit !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et je souhaite que d’autres expérimentations soient possibles sur notre territoire. Cela fait trente ans que des expérimentations sont menées à travers le monde.

M. Yves Fromion. Avec quel résultat ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Dix pays sont déjà engagés dans cette politique, et les résultats sont extrêmement satisfaisants. Monsieur le député, ce n’est pas en niant la réalité qu’on y apporte des réponses. Ma volonté et celle du Gouvernement – car c’est la loi de modernisation de notre système de santé qui a permis cette expérimentation – est de ne pas exclure, de ne pas stigmatiser, mais au contraire de permettre l’accompagnement de tous.

Mme Seybah Dagoma. Très bien !

M. Philippe Goujon. Dans ce cas, allez jusqu’au bout de la démarche, et légalisez !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ces salles de consommation à moindre risque s’adressent à des femmes et à des hommes éloignés de tout, exclus des systèmes de santé. Nous avons des objectifs de santé publique : les overdoses sont diminuées, les risques de contamination, réduits. Nous avons des objectifs sociaux : faciliter la réinsertion. Et nous avons des objectifs de sécurité, car qui peut se satisfaire d’une situation où des enfants trouvent des seringues souillées dans des bacs à sable ou dans des cages d’escalier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Nous voulons l’éviter, et ce n’est pas en stigmatisant ou en dénonçant que l’on résout les problèmes. La volonté de ce Gouvernement est d’accompagner, de soigner et de soutenir ceux qui en ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. - (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Irresponsables !

Crédit d’impôt pour les associations

M. le président. La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Yves Blein. Monsieur le Premier ministre, les associations sont en France une force vive de la démocratie. Creuset de l’engagement, écoles de la démocratie, elles offrent à nos concitoyens la capacité de dire et de faire ensemble, et apportent des réponses sociales et économiques pertinentes aux grands sujets de société. Solidarité, action culturelle, sport, éducation, insertion, développement local : il est peu de domaines dans lesquels le monde associatif et ses 13 millions de bénévoles ne soient investis. Un Français sur deux est membre d’une association.

Mais le monde associatif est aussi un acteur économique majeur : avec 85 milliards d’euros de budget annuel, il représente 3,2 % du PIB et emploie 1,8 million de salariés. Un salarié sur dix dans notre pays est employé par une des 165 000 associations, lesquelles, prises dans leur ensemble, représentent 80 % des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Devant les représentants du monde associatif réunis à Matignon vendredi dernier, vous avez annoncé que le Gouvernement soutiendrait, à l’occasion des débats sur le projet de loi de finances pour l’année 2017, un amendement portant création d’un crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, équivalent attendu du CICE – le crédit d’impôt compétitivité emploi –, déjà décrit en 2014 par un rapport parlementaire que j’ai rédigé avec mes collègues Régis Juanico et Laurent Grandguillaume.

Cette mesure très attendue, que vous avez évaluée à 600 millions d’euros, permettrait de consolider et de développer l’emploi associatif. Confrontées de plus en plus souvent à la concurrence du secteur privé lucratif, tenues de faire preuve de leur compétitivité vis-à-vis du secteur public, les associations attendaient impatiemment une mesure qui les situe sur un pied d’égalité avec leur environnement concurrentiel.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous préciser le sens de votre déclaration, et nous en dire plus à propos du soutien que vous souhaitez apporter au monde associatif ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le député, vous avez raison de dire que le secteur associatif est essentiel à la vie collective de notre pays. Les associations participent à la solidarité, au dynamisme culturel et sportif de la France ; sans elles la République serait aride. L’État doit donc développer le secteur associatif, y compris par des mesures fiscales.

Vendredi dernier, le Premier ministre, s’exprimant devant le monde associatif réuni, a annoncé que le Gouvernement était favorable à la création d’un abattement de 4 % de la masse salariale, appliqué à la taxe sur les salaires, afin que l’ensemble du secteur associatif non lucratif puisse en bénéficier.

C’est un véritable crédit d’impôt que nous créerons avec votre concours. Je tiens à préciser qu’il s’ajoutera à l’abattement de 20 000 euros décidé en 2013, et qui concernait surtout – disons-le – les petites associations. Avec ce crédit d’impôt associatif, les grandes associations, celles qui emploient le plus de salariés, bénéficieront pleinement de cette incitation fiscale. Je vous remercie, monsieur Blein, ainsi que M. Le Roux et les autres députés qui œuvrent depuis plusieurs années en faveur de cette mesure, qui sera prise dans le cadre de la loi de finances pour 2017.

Cette mesure n’est pas isolée : elle prend place dans une logique cohérente. Nous avons institué la charte des engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales. Nous avons créé le compte engagement citoyen, et permis à 10 000 associations de bénéficier de la prime à l’embauche. Ce n’est pas terminé : dans quelques semaines, le projet de loi « Égalité et citoyenneté » sera de nouveau examiné à l’Assemblée nationale. Nous pourrons alors créer ensemble le congé d’engagement pour que les dirigeants bénévoles puissent se consacrer à leur association dans le cadre d’un congé de six jours fractionnable.

Je tiens à le préciser ici : la majorité sénatoriale a supprimé ce congé d’engagement. (Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Nous le rétablirons ici même, car la République a besoin de l’engagement de tous les siens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Antoine Herth. Voilà un beau cadeau électoral !

Financement de la Sécurité sociale

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe Les Républicains.

Mme Claude Greff. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, les Français le savent déjà : l’histoire du mandat de François Hollande n’a été que mensonge ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – « C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Et vous y avez pris toute votre part ! Comment pouvez-vous décemment dire que vous avez sauvé la Sécurité sociale ? Ce n’est pas un budget que vous présentez, c’est le maquillage séduisant d’une situation catastrophique.

Tout cela est intolérable ! Ce que vous dites est faux pour au moins trois raisons. D’abord, vos annonces irresponsables ne masquent pas les augmentations de la CSG et des cotisations sociales, non plus que la diminution de plusieurs remboursements, le reste à charge du contrat soi-disant responsable, la suppression du quotient familial, la mise sous conditions de ressources d’un grand nombre de prestations.

Votre second mensonge réside dans un tour de passe-passe comptable inacceptable. Vous vous autorisez à sortir de votre bilan le Fonds de solidarité vieillesse qui présente 4 milliards d’euros de déficit ! Concernant l’assurance-maladie, vous avez décidé de sortir de l’ONDAM – l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie – le coût des médicaments innovants. Ce ne sont là que deux exemples parmi tant d’autres !

Enfin, vous vous appropriez les réussites de la précédente majorité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) C’est bien la réforme des retraites de 2010, menée par Éric Woerth, qui a sauvé notre système, alors que la vôtre augmentera les dépenses de 3,2 milliards d’euros l’année prochaine.

S’agissant des déserts médicaux, vous n’avez pas hésité pas à mettre à votre actif les maisons médicales mises en place par la précédente législature.

M. Yves Fromion. Absolument !

Mme Claude Greff. La conclusion de tout cela, madame Touraine, c’est que l’addition sera bel et bien payée par les Français.

Les professionnels de santé, quant à eux, sont vent debout contre le tiers payant généralisé. Vous avez enclenché la déresponsabilisation individuelle en faisant croire que la santé était gratuite. Madame Touraine, notre santé n’a pas de prix, mais elle a un coût !

Les Français doivent savoir que sous le quinquennat de François Hollande, vous avez augmenté la dette sociale de 50 milliards d’euros. Avec vous, elle atteindra 156 milliards d’euros ! En êtes-vous satisfaite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Marc Le Fur. Et des salles de shoot !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, je reconnais votre sens de la mesure, et la finesse d’analyse qui vous caractérise. Mais les faits sont têtus, et les chiffres sont là.

M. Laurent Furst. Vous verrez bien si les électeurs sont là aussi !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le déficit du régime général de la Sécurité sociale sera ramené de 17,5 milliards d’euros en 2011 à 400 millions d’euros l’année prochaine. Cela, madame la députée, c’est un fait, appuyé par des chiffres, qui sont têtus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Pour le reste, je n’arrive pas à suivre votre raisonnement. Vous me dites : « Ce n’est pas vrai, mais c’est grâce à nous ! » Il faudrait savoir : ou ce n’est pas vrai, ou c’est grâce à vous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)



Vous me dites que c’est la réforme des retraites de 2010 qui a permis aux comptes de la Sécurité sociale de revenir à l’équilibre. Il est vrai que cette réforme a permis d’apporter 11 milliards d’euros au cours des années écoulées. Mais au total, par nos réformes, nous avons apporté 39 milliards. De plus, vous avez oublié de préciser que votre réforme a coûté de l’argent aux départements, puisque les dépenses liées au RSA, à l’invalidité, à l’allocation adultes handicapés ont augmenté simultanément : il ne faut pas oublier de porter cela à votre bilan.

Vous me dites aussi, madame la députée, que la dette a augmenté au cours de ce quinquennat. Revoyez donc vos chiffres : depuis l’année dernière, et pour la première fois, la dette sociale diminue. Elle était de 148 milliards d’euros en 2011 ; elle sera de 140 milliards d’euros. C’est une somme importante, mais c’est aussi votre dette.

Nous continuons, madame la députée, de manière responsable,…

M. Laurent Furst. Responsable et coupable !

Mme Marisol Touraine, ministre. …à œuvrer en faveur des droits sociaux. Au lieu de chercher toujours à annoncer de mauvaises nouvelles, vous devriez vous réjouir de la réduction du déficit de la Sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Accueil des migrants

M. le président. La parole est à M. Daniel Vaillant, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Daniel Vaillant. Monsieur le ministre de l’intérieur, Paris, et plus particulièrement les quartiers populaires du nord-est parisien, voient se constituer régulièrement des campements de rue, constitués de personnes réfugiées ou immigrées. Ces femmes, ces hommes et ces enfants ont fui l’horreur de la guerre et de la misère, et arrivent en nombre, ici ou ailleurs, en Europe.

Personne ne peut ignorer non plus l’influence des réseaux de passeurs et leurs trafics, qui s’apparentent à de la traite humaine. Les Xe, XVIIIet XIXarrondissements sont en première ligne pour faire face à cet afflux, comme c’est le cas actuellement avec le campement qui compte plusieurs centaines de migrants au milieu d’un quartier habité du secteur Flandre-Stalingrad-Villette.

Sur un plan humanitaire, comme sanitaire, cette situation est désastreuse et affecte aussi durement la vie sociale et commerciale du quartier.

Depuis de nombreux mois, sous l’égide des services de l’État, avec l’aide de ceux de la Ville de Paris, et le soutien précieux des associations humanitaires reconnues, ce sont vingt-huit opérations de mise à l’abri qui ont permis à près de 20 000 personnes de se voir proposer une solution d’hébergement, à Paris ou ailleurs.

L’ouverture prochaine d’un centre d’accueil humanitaire, à l’initiative de la Ville de Paris, soutenue financièrement par l’État, est une première réponse à l’urgence croissante à laquelle nous faisons face. Ce centre offrira aux réfugiés une véritable alternative à la rue durant une période courte, de quelques jours.

Par ailleurs, la création annoncée par le Gouvernement de 12 000 places dans des centres d’accueil et d’orientation sera une réponse plus durable.

Dans ce contexte et dans la perspective du démantèlement complet et définitif du camp de la Lande à Calais, pouvez-vous nous détailler les mesures qui seront prises pour veiller à la répartition des réfugiés sur l’ensemble du territoire ? Pouvez-vous confirmer la préparation d’une opération de mise à l’abri des réfugiés du campement Flandre-Stalingrad-Villette ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, votre question appelle plusieurs réponses.

D’abord, s’agissant de la lutte contre l’immigration irrégulière et des filières de passeurs, qui sont de véritables acteurs criminels de la traite des êtres humains, nous avons démantelé cette année 25 % de filières de plus que l’an dernier, soit 263 filières environ, représentant plusieurs milliers d’individus qui exploitent des femmes, des enfants, des familles, en prélevant sur des personnes qui n’ont rien des sommes considérables, pour les conduire vers des impasses. Je veux féliciter les services de la police de l’air et des frontières, qui dépendent du ministère de l’intérieur, pour l’excellence de leur travail, qui aboutit à la judiciarisation d’une grande partie de ces cas.

Ensuite, il faut assurer le contrôle aux frontières. Celui-ci a été rétabli depuis le mois de novembre dernier. Près de 63 millions de personnes ont été contrôlées, et 40 000 personnes en situation irrégulière ont été réadmises à partir des frontières, ce qui explique d’ailleurs la diminution constatée du nombre de reconduites, compte tenu de l’importance des réadmissions aux frontières.

Enfin, nous devons mettre en place un dispositif humanitaire, qui se traduit premièrement par un doublement du nombre de places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile – de 22 000 en 2012 à 40 000 en 2016.

Deuxièmement, nous avons créé des centres d’accueil et d’orientation, augmentant par-là les capacités d’accueil, y compris en hébergement d’urgence. Cela a permis de faire 28 000 opérations à Paris, qui ont conduit à la mise à l’abri de 18 000 personnes. Si nous voulons accueillir ceux qui doivent l’être, nous devons reconduire les autres.

Troisièmement, nous sommes en train de préparer le démantèlement des camps de Calais et de Paris, dans des conditions humanitaires que nous voulons exemplaires, et ce, je vous le confirme, dans les meilleurs délais.

Cadre d’utilisation des produits phytosanitaires

M. le président. La parole est à M. Gérard Menuel, pour le groupe Les Républicains.

M. Gérard Menuel. Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez pas l’ignorer, l’agriculture est en crise. Ce n’est pas l’actualité météorologique de l’année, à laquelle vous n’êtes pour rien, qui peut nettoyer un ciel bien sombre. La France agricole, plombée par ses charges, asphyxiée par une surtransposition des réglementations européennes, perd au fil des années de sa superbe, de sa compétitivité. Il y a quelques années encore, l’agriculture française était la deuxième au monde et la première en Europe, en particulier pour sa capacité exportatrice. Cette année, elle est au troisième rang européen, et ce n’est pas fini, à regarder ce que vous vous apprêtez à faire.

Je veux parler de la révision du cadre national pour l’utilisation des produits phytosanitaires. Monsieur le Premier ministre, je veux vous interroger aujourd’hui sur le nouvel arrêté que vous mettez en consultation, avec quatre de vos ministres. Les nouvelles modalités des zones non traitées, dites ZNT, que ce soit en arboriculture, en viticulture ou en culture basse, n’ont pas d’équivalent en Europe. Elles auront des conséquences économiques et sociales graves. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

De plus, admettez que c’est d’une complexité sans nom. Dans les faits, vous supprimez du jour au lendemain dix pour cent de la surface cultivée en France. Dans mon département, celui de l’Aube, ce sont 34 000 hectares qui seront ainsi impactés.

La question de l’utilisation des produits phytosanitaires en agriculture est certes complexe. La protection de l’environnement et de la santé doit être le fil conducteur de nos politiques publiques. Mais, dans votre approche concernant l’utilisation des produits phytosanitaires, allez-vous enfin porter un regard scientifique, pragmatique, plutôt que d’agir arbitrairement et sans mener d’étude d’impact ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez posé la question au Premier ministre, c’est le ministre de l’agriculture qui va vous répondre.

Premièrement, en ce qui concerne les baisses de charges que vous évoquez, je voudrais rappeler que, grâce aux décisions qui avaient été prises l’an dernier, une baisse de charges de 1,6 milliard d’euros sera comptabilisée pour l’agriculture, dont 400 millions imputés à son budget. Cela ne s’est jamais produit auparavant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Deuxièmement, vous dites, monsieur le député, que nous serions les champions de la surtransposition européenne. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai eu droit à un contentieux européen, commencé avant que je n’arrive, sur la directive Nitrates. Ce contentieux est aujourd’hui réglé grâce au plan d’action et à ce que nous avons fait, en concertation avec la profession agricole. Aujourd’hui, alors que la France en est sortie, je vous invite, monsieur le député, à regarder ce qui va se passer en Allemagne. Ce pays, est en effet en contentieux pour toute sa surface agricole. Chacun doit donc bien prendre la mesure de la situation.

Troisièmement, monsieur le député, vous évoquez cet arrêté sur les produits phytosanitaires. Je rappelle que c’est une association professionnelle qui a retoqué l’arrêté, en demandant plus de souplesse, ce qui a conduit le Conseil d’État, quelquefois contesté par certains, à nous demander d’y travailler à nouveau. Le nouveau texte intégrera ce qui existe déjà, en particulier les mesures tendant à prendre en compte la vitesse du vent ou la protection de l’eau lors de l’usage des produits.

M. Christian Jacob. Vous ne répondez absolument pas à la question ! C’est vraiment du baratin pour ne rien dire !

M. Marc Le Fur. Il y avait une question, rappelez-vous !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet arrêté sera négocié. Dans tous les cas, le préfet Bisch, auquel une mission sur la simplification a été confiée, rendra son rapport le 18 octobre. Nous avons parfaitement conscience de la nécessité de protéger les populations, parfois exposées aux produits phytosanitaires, tout en permettant aux agriculteurs de traiter leurs récoltes dans de bonnes conditions de protection. Tel est l’enjeu de cet arrêté.

Le 18 octobre, le préfet Bisch rendra son avis. Surtout, ne laissez pas dire, comme tout à l’heure, que dix pour cent de la surface sont concernés. Ce n’est pas vrai !

Projet « Cap 100 000 tonnes de bananes » en Guadeloupe

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, en décembre dernier, les Guadeloupéens ont émis le souhait d’aller vers un nouveau modèle économique, qui ferait de l’émergence de la croissance verte et bleue l’un des socles du développement économique de l’île. J’ai effectué une démarche en ce sens auprès de vous le 8 avril, du Premier ministre le 25 janvier, du Président de la République le 27 septembre.

Nous aurons à revenir sur la question de la flotte vieillissante de nos marins pêcheurs et de son financement au travers du plan de compensation des surcoûts de la filière pêche. J’évoquerai aujourd’hui devant vous un engagement qu’il conviendrait de tenir enfin : le projet visant à augmenter de 23 000 tonnes la production de bananes pour atteindre le cap de 100 000 tonnes, ce qui permettrait de créer 500 emplois directs permanents à temps plein, destinés en priorité aux jeunes sans qualification, et 350 emplois indirects, de conforter et d’améliorer les conditions de vie des planteurs des moyennes et petites exploitations, et de favoriser l’installation de quarante jeunes agriculteurs. Ce sont au total 890 emplois qui seraient ainsi créés. Ce projet, qui s’adresse prioritairement aux petits planteurs et jeunes agriculteurs, est complémentaire de notre volonté de tendre vers une diversification agricole.

La filière banane s’est profondément restructurée au fil des années et elle est devenue un exemple en matière de production durable. Ce projet, nous y croyons : la collectivité régionale est prête, le préfet de région a fait part de sa très bonne appréciation et Jean-Claude Juncker, rencontré le 29 avril, y est favorable. Pour le concrétiser, nous avons besoin de l’aide de l’État – de votre aide, monsieur le ministre. Le Gouvernement est-il prêt à s’engager concrètement pour la Guadeloupe, afin de nous permettre d’atteindre l’objectif de 100 000 tonnes de bananes et de créer 890 emplois ?

Les professionnels sont exaspérés. En plein vote sur l’égalité réelle, et alors qu’ils observent l’engagement concret de l’État auprès de leurs collègues de l’Hexagone, ils souhaitent que le principe d’égalité, qui fonde notre République, s’applique à eux autant qu’à Alstom : on a, dans ce dernier cas, dépensé 500 millions pour sauver 400 emplois ; pour nous, ce serait seulement 4 millions pour sauver 890 emplois. L’égalité réelle : voilà ce que nous demandons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez posé une question sur la banane.

D’abord, je veux rappeler que les efforts consentis par la filière, en particulier dans le cadre de ce que l’on a appelé le plan « Banane durable II », financé grâce à des fonds que la France a débloqués – je m’en souviens, car cela s’est fait sous ma responsabilité : 18 millions d’euros ont été investis –, font qu’aujourd’hui la banane de Guadeloupe et de Martinique non seulement a une identité, mais s’est engagée profondément dans la démarche d’agroécologie. Résultat : la production se développe et les marchés sont là ; nous devons être capables d’y répondre.

Vous le savez, monsieur le député, ces aides à la banane, qui représentent un certain nombre d’euros par hectare, sont basées sur des quotas qui avaient été définis il y a dix ou quinze ans entre la Martinique et la Guadeloupe. Aujourd’hui, la Guadeloupe va atteindre son quota, et elle souhaite le dépasser. Cela nécessiterait, comme vous l’avez souligné, l’octroi d’aides supplémentaires, si l’on veut rester dans le cadre de l’aide directe qui existe aujourd’hui et qui est liée aux quotas. Vous ne voulez pas, et moi non plus, toucher aux quotas de la Martinique ; il faut donc que nous ayons une discussion sur le sujet. Comme vous le savez, les crédits du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité – POSEI –, qui servent au financement du soutien à la banane, ont été renégociés par la France en même temps que le budget de l’agriculture, à un moment où certains, en Europe, voulaient les voir diminuer. Nous les avons préservés.

Je suis donc d’accord – car nous devons développer cette production, qui répond de surcroît à un marché –, pour que nous engagions sur le sujet une discussion de fond, en vue d’examiner comment favoriser l’installation et le développement de nouvelles exploitations, et faire en sorte que l’État puisse aider au développement de cette production et créer les emplois que vous souhaitez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Agence française de l’adoption

M. le président. La parole est à Mme Dominique Nachury.

Mme Dominique Nachury. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre ; j’y associe mon collègue Yves Nicolin.

Monsieur le Premier ministre, depuis quelque temps, votre gouvernement fait part de sa volonté de réformer l’Agence française de l’adoption – l’AFA. Une première tentative a été faite au Sénat, avec un amendement gouvernemental au projet de loi « Égalité et citoyenneté », amendement qui a été jugé irrecevable ; une seconde tentative aura probablement lieu via un amendement « cavalier » au projet de loi de finances pour 2017.

Fusionner l’AFA et le groupement d’intérêt public « Enfance en danger » – le GIPED – afin de mieux répondre aux besoins des enfants, mieux accompagner et informer les postulants et dynamiser le fonctionnement de l’AFA, pourrait être positif. Toutefois, à ce jour, votre gouvernement n’a, semble-t-il, pas envisagé les conséquences qu’entraînerait la disparition juridique de l’Agence dans la trentaine de pays dans lesquels elle est accréditée. Toutes les procédures d’adoption internationale auxquelles l’AFA est partie seront suspendues, voire annulées, quel que soit leur état d’avancement, personne ne pouvant actuellement préjuger de la réaction souveraine de chacun des pays. Certains États pourraient profiter de la situation pour renégocier les conditions d’attribution de leurs agréments avec la France, voire choisir de ne pas accréditer le nouveau groupement d’intérêt public.

Monsieur le Premier ministre, reconnaissez la potentielle menace pour les nombreux parents qui ont reçu un sésame temporaire d’adoption, ainsi que la plus longue attente pour les enfants dont les procédures sont d’ores et déjà déclenchées ! Des centaines d’enfants vont rester des semaines, des mois ou des années supplémentaires dans des institutions, alors qu’ils ont été préparés, pour certains d’entre eux, à l’adoption.

Votre ministère de la famille, de l’enfance et des droits de la femme et votre ministère des affaires étrangères se renvoient la responsabilité de la transition. À ce jour, aucune solution n’a été trouvée, aucun éclaircissement sur les dossiers n’a été donné aux familles. De plus, nous ne trouvons aucune ligne budgétaire attribuée à l’AFA dans le projet de loi de finances pour 2017.

Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous cette absence ? Pouvez-vous nous apporter des éléments concrets, afin de rassurer les familles concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme Isabelle Attard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes. Madame la députée, je voudrais d’abord profiter de votre question pour expliquer pourquoi nous avons envisagé de procéder au regroupement des deux groupements d’intérêt public AFA et « Enfance en danger », puis rassurer les familles qui s’inquiètent.

La réforme s’inscrit dans un contexte de diminution constante du nombre des adoptions internationales : en 2009, il y avait 3 271 enfants adoptés à l’international, il n’y en avait plus que 815 en 2015. Plus grave encore, du point de vue de l’AFA, en 2015 seules 200 adoptions ont été traitées par l’AFA, les autres ayant été le fait d’organismes privés agréés. Je crois donc que nous ne contesterons ni les uns ni les autres la nécessité de faire évoluer les missions de l’AFA et de procéder au regroupement des deux groupements d’intérêt public.

Pour autant, dans le cadre de ce regroupement, aucune des missions de l’AFA ne sera modifiée : l’Agence se verra confier toujours les mêmes missions.

Le problème, vous l’avez dit, ce sont les procédures en cours.

Mme Dominique Nachury. Eh oui !

Mme Laurence Rossignol, ministre. Je voudrais à cet égard apporter une petite précision par rapport à ce que vous avez dit. Certains pays n’ont nul besoin du regroupement du GIPED et de l’AFA pour rediscuter les agréments donnés ! Vous savez bien que les adoptions internationales sont en permanence des sujets de diplomatie…

Conscients de cela, nous ne ferons rien qui pourrait inquiéter davantage les familles et remettre en question les procédures en cours. De toute façon, pour être très claire, nous n’avons pas de véhicule législatif qui nous permettrait, dans un temps rapproché, de procéder à la fusion entre les deux organismes.

Pour autant, ce ne serait pas un service à rendre à l’adoption internationale que de laisser les choses en l’état et de ne pas procéder à ce regroupement. Demain ou après-demain, il faudra le faire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Chantiers navals STX

M. le président. La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Marie-Odile Bouillé. Monsieur le Premier ministre, nul n’ignore aujourd’hui que les chantiers navals STX de Saint-Nazaire construisent les plus grands paquebots du monde.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vrai !

Mme Marie-Odile Bouillé. Grâce à un carnet de commandes de quatorze navires, les chantiers ont une visibilité à dix ans, ce qui représente des millions d’heures de travail pour les 6 000 personnes sur le site, dont les sous-traitants. C’est là le fruit d’un partenariat industriel durable entre STX France et les principaux armateurs de paquebots, qui s’appuie sur un tissu de PME locales innovantes et un savoir-faire unanimement reconnu.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

Mme Marie-Odile Bouillé. Les chantiers de Saint-Nazaire, fleuron de l’industrie nationale, jouent également un rôle stratégique dans la défense française. Mais nul n’ignore que le chantier nazairien vit un moment clef de son histoire en raison des difficultés du groupe sud-coréen STX, lequel détient environ 67 % de son capital depuis 2008. Ce groupe a été placé le 9 juin dernier sous administration judiciaire, et dispose d’un délai de trois mois pour présenter un plan de redressement. La vente séparée de STX France devrait aboutir d’ici à la fin du mois de novembre. En sa qualité d’actionnaire à hauteur de 33,34 % de STX France, l’État français détient une minorité de blocage qui peut se révéler précieuse dans les négociations.

Alors, conscient des enjeux, le Gouvernement, en étroite relation avec les parlementaires et les élus locaux, n’est pas resté inactif. Disons-le, une solution associant un repreneur européen semblait rassurante. Hélas, ce scénario vient d’être chamboulé par l’annonce d’une vente en bloc de tout le groupe STX. Nous pouvons craindre, dès lors, le rachat du groupe par un repreneur intéressé par le seul savoir-faire technologique, sans vision d’avenir pour le développement de la filière navale en France.

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : quelles sont les actions concrètes que vous avez engagées pour permettre la reprise de STX France par un actionnariat stable et pérenne, qui garantisse l’avenir de cette filière industrielle en France ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous remercie, madame la députée, de votre question qui me donne l’occasion de répondre à un certain nombre de fausses informations et à une forme d’emballement médiatique. En effet, l’actionnariat des chantiers navals STX de Saint-Nazaire évoluera prochainement, les parts détenues par le groupe coréen, en redressement judiciaire depuis le mois de septembre, faisant l’objet d’un processus de cession.

Le Gouvernement, et tout particulièrement Christophe Sirugue, est mobilisé pour accompagner l’évolution d’un acteur industriel majeur, vous l’avez rappelé, de la construction navale. Nous avons d’ailleurs anticipé cette évolution en engageant des discussions préliminaires avec plusieurs repreneurs industriels dans ce sens, comme vous le savez. Il s’agit bien – le projet est là – de recomposer, pour les chantiers navals de Saint-Nazaire, un actionnariat industriel stable et capable d’accompagner le développement de l’entreprise sur le long terme.

Vous avez eu raison de rappeler également que les carnets de commandes sont pleins, ce qui permettra à des milliers de salariés, à travers des emplois directs ou indirects, de travailler des millions d’heures. Les chantiers navals de Saint-Nazaire emploient en effet aujourd’hui 2 600 personnes. Ce sont des hommes et des femmes spécialisés dans la construction des unités les plus complexes, et ils font rayonner, à travers le monde, un savoir-faire industriel français qu’il faut préserver.

Parce que nous sommes particulièrement attentifs à la préservation de l’emploi et de l’activité industrielle en France, et parce que la construction navale est une activité importante pour notre pays – j’ai encore eu l’occasion de le dire il y a quelques jours en Bretagne avec Jean-Yves Le Drian et Alain Vidalies –, nous veillerons à ce que les nouveaux actionnaires puissent fournir les investissements nécessaires, non seulement à la préservation de l’emploi, mais d’abord au développement des chantiers. L’État dispose de plusieurs moyens pour peser dans le choix du repreneur, qui relève à ce stade, in fine, du tribunal de commerce de Séoul : une minorité de blocage du fait de sa position au capital de STX France, les droits qui lui sont conférés par le pacte d’actionnaires en vigueur et, enfin, la réglementation, que nous pouvons actionner à tout moment, relative aux investissements étrangers en France.

Nous ne sommes qu’au début du processus, qui durera plusieurs mois. Dans ce dossier comme dans d’autres, je veux vous assurer que l’État actionnaire jouera pleinement son rôle ; il jouera, pour STX, son rôle de stratège, comme il l’a fait pour Alstom.

M. Luc Chatel. On a vu ce que ça a donné ! Ce n’est pas de très bon augure !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous anticipons les évolutions et veillons à préserver nos intérêts industriels et nos emplois. Je ne sais pas qui m’a interrompu à l’instant dans les rangs de l’opposition, mais je lui suggère de se rendre à Belfort ou dans un autre site d’Alstom expliquer que nous n’aurions pas sauvé l’emploi, Alstom et son développement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Nous ferons de même pour STX, car je crois aux usines en France, je crois à la recherche et au développement dans notre pays, je crois au crédit d’impôt recherche, et je crois au rôle de l’État actionnaire et stratège. (Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Luc Chatel. Vous avez acheté des trains dont on n’a pas besoin !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est ce rôle-là, madame la députée, qui permettra à STX de continuer à se développer dans votre belle ville de Saint-Nazaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Bernard Accoyer. Faire circuler des TGV sur des lignes omnibus, c’est de la stratégie ?

Fret ferroviaire et gare de Somain

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Ma question, qui s’adresse à M. Vidalies, secrétaire d’État aux transports, concerne le fret ferroviaire français, dont la situation est catastrophique.

La semaine dernière, monsieur le secrétaire d’État, vous annonciez un plan d’urgence pour Alstom Belfort, plan qui résume l’absence de vision stratégique en matière ferroviaire.

M. Antoine Herth. Ah !

M. Michel Sordi. C’est vous-même qui le dites !

M. Jean-Jacques Candelier. Alors que la part modale du rail dans le transport de marchandise était de 17 % en 2000, elle peine aujourd’hui à rester au-dessus des 10 %. Les plans d’urgence s’enchaînent sans résultat. La COP21 a, pour sa part, passé sous silence l’enjeu des transports de marchandises malgré les bienfaits écologiques du fret ferroviaire, notamment face à son concurrent routier.

Je veux insister sur la situation de la gare de triage de Somain dans ma circonscription du Nord. Cette gare était l’une des plus importantes de France et employait plusieurs centaines de cheminots. En novembre 2015, reçus par vos collaborateurs, les élus et les syndicats vous ont remis un projet de redynamisation élaboré par toutes les parties concernées, projet que vous qualifiiez, le 28 décembre 2015, d’« emblématique ».

Au début du mois de février 2016, la direction de la SNCF annonçait, à votre insu, le transfert du triage de Somain. Face à la mobilisation générale, le 10 mars, vous imposiez un moratoire qui, à ce jour, ne me semble pas être respecté. Un nouveau coup de rabot vient en effet d’être annoncé par la direction, qui désire restructurer les tâches administratives en les délocalisant à Lille. Vingt postes seraient ainsi supprimés. Comment continuer à croire en la parole gouvernementale ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Furst. Très bonne question, en effet !

M. Philippe Gosselin. Nous nous la posons aussi !

M. Jean-Jacques Candelier. Malgré vos déclarations, le temps passe, les multiples demandes de rendez-vous restent lettres mortes, aucun financement n’est prévu et l’hémorragie continue au niveau de l’emploi sur le site.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles décisions allez-vous prendre en faveur du fret ferroviaire dans notre pays, et pour Somain en particulier, où le projet de redynamisation de la gare est attendu par toute la population ? Les voies de la SNCF sont-elles impénétrables ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Claude Goasguen. Allez, rame !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Je vous remercie, monsieur le député, de cette question qui me permet de faire le point sur la question du fret ferroviaire, avant de revenir sur la situation de Somain.

Il y a quelques jours, j’ai réuni la conférence pour la relance du fret ferroviaire. Comme vous le savez, le fret a été ouvert à la concurrence en 2004 ; depuis, la part du ferroviaire dans le transport de marchandises a diminué de moitié, passant de 20 à 10 % de l’ensemble de l’activité.

Nous avons mis en œuvre un plan dont j’ai annoncé la poursuite, et, en 2015, pour la première fois depuis longtemps, le fret ferroviaire a progressé de 5 % pendant que les autres modes, eux, diminuaient. On ne retrouve pas les mêmes chiffres pour le début de l’année 2016, mais la situation conjoncturelle était celle que vous savez.

J’ai formulé, lors de la conférence pour la relance du fret ferroviaire, les engagements du Gouvernement sur la prolongation de trois ans de l’aide d’État pour le réseau capillaire à hauteur de 30 millions d’euros, afin d’accompagner les régions – ce qui donne déjà de bons résultats –, sur la prolongation de l’aide « à la pince » jusqu’en 2018 pour le transport combiné, sur le versement de 90 millions d’euros par l’État et SNCF Réseau au titre de la compensation induite par le prix du fret ferroviaire en France, inférieur à ce qu’il est dans l’ensemble des autres pays européens, et enfin sur une dépense nouvelle de 20 millions d’euros pour traiter la question majeure du bruit.

S’agissant de la gare de Somain, je vous confirme que la décision que j’ai prise au mois de mars sur le maintien de l’activité de triage dans cette gare reste d’actualité. La difficulté actuellement constatée ne concerne que les fonctions support. Le CHSCT – comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – se réunira demain pour évoquer cette question, qui ne concerne que vingt postes dédiés, je le répète, à l’activité de support. L’engagement sur la pérennisation de Somain comme gare de triage a été pris en mars, et je le réitère aujourd’hui devant vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Opération Sentinelle

M. le président. La parole est à M. Olivier Audibert Troin, pour le groupe Les Républicains.

M. Olivier Audibert Troin. Qu’il me soit tout d’abord permis de rendre hommage au lieutenant-colonel Patrick Vallot, tué accidentellement en mission en Guinée, ainsi qu’aux huit militaires blessés en Irak et au Nord-Mali ces dernières heures. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Monsieur le Premier ministre, plus de 70 000 soldats ont été déployés sur le territoire national en 2015 au titre de l’opération Sentinelle. Si, de tout temps, nos forces armées sont intervenues sur le territoire national, jamais elles ne l’ont fait de façon aussi importante et durable, faisant peser de lourdes contraintes sur nos soldats : usure physique et morale ; enchaînement opérations extérieures et opérations intérieures, entraînant jusqu’à 220 jours d’absence de leur foyer ; ralentissement de la préparation opérationnelle-métier ; renoncement à certaines formations ; non-participation à des exercices internationaux.

Par ailleurs, nos concitoyens découvrent que nos soldats, chargés d’assurer leur sécurité, ne sont pas dotés des mêmes prérogatives que nos forces de sécurité intérieure : palpations de sécurité, fouilles des bagages des véhicules, contrôles d’identité leur sont toujours proscrits.

Après l’engouement suscité par ce déploiement dès janvier 2015, divers incidents tels qu’insultes, menaces, agressions physiques à rencontre de nos soldats n’ont pu nous laisser indifférents.

Le déroulé de la sombre soirée du Bataclan a rappelé à tous que nos armées ne peuvent agir avec les mêmes moyens que la police et la gendarmerie, et le recours en justice d’un avocat des familles des victimes sonne comme une alerte.

Avant que le piège ne se referme définitivement sur nos armées et que ce lien si particulier entre elles et les Français ne soit durablement écorné, comment envisagez-vous, monsieur le Premier ministre, un retrait progressif de nos forces armées au profit des forces de sécurité intérieure dont le rôle et les moyens semblent plus adaptés à cette lutte sur le territoire national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, je tiens d’abord à m’associer à l’hommage que vous avez rendu à nos forces spéciales : là où elles sont, là où elles combattent, elles le font avec courage et avec un grand professionnalisme.

S’agissant de l’opération Sentinelle, vous avez vous-même dit à l’instant que la mission de nos forces armées pour la protection de nos concitoyens sur le territoire national n’était pas une nouveauté. Il fut un temps où cela s’appelait la défense opérationnelle du territoire.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas la même chose !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Et cela fait même partie des missions essentielles de nos forces armées que de sécuriser nos concitoyens ! Le Livre blanc pour la défense de 2008 l’avait d’ailleurs déjà anticipé et, en 2013, nous l’avons concrétisé sous la forme d’un contrat opérationnel qui aujourd’hui, en raison de la menace, mobilise au plus haut niveau 10 000 personnels en permanence pour assurer notre sécurité et les trois missions que sont la protection, la dissuasion et la réassurance des Français, en cohérence avec les forces de sécurité intérieure. Tant que la menace durera à ce niveau, Sentinelle sera déployée au même niveau. Cela fait partie de notre arsenal de protection, que les Français apprécient. À chaque fois que j’ai eu l’occasion de parler avec nos concitoyens, j’ai constaté qu’ils trouvaient que la présence de nos forces armées rassure.

M. Guy Teissier. Les militaires apprécient beaucoup moins !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il est vrai qu’il y a eu quelques difficultés au départ en termes de personnels, d’effectifs, de mobilité ou d’hébergement, mais les moyens mis en œuvre par mon ministère ont permis de les régler, d’autant plus que la force opérationnelle terrestre va être renforcée de 66 000 à 77 000 militaires.

Monsieur le député, je tiens à mon tour à rendre hommage aux forces de Sentinelle parce qu’il faut à ces hommes et à ces femmes beaucoup de sang-froid, beaucoup de vigilance et beaucoup d’expérience pour assurer la sécurité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Sécurité dans les bars de nuit

M. le président. La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Valérie Fourneyron. Monsieur le ministre de l’intérieur, Rouen et sa métropole viennent de traverser un été particulièrement douloureux. Quelques semaines après l’ignoble attentat qui a frappé le père Jacques Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray, un dramatique incendie a coûté la vie à quatorze jeunes dans l’établissement « Le Cuba Libre » dans la nuit du 5 au 6 août derniers. Les deux gérants du bar ont depuis été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire.

Au-delà des responsabilités individuelles, cette tragédie nous interroge sur l’adéquation entre la réglementation applicable à ce type d’établissement et les usages qui en sont faits. La réglementation actuelle s’applique indifféremment à tous les établissements recevant du public dits de cinquième catégorie – cafés, bars, débits de boissons, petites brasseries – dont l’effectif maximal doit être inférieur à 200 personnes sur l’ensemble des niveaux. En clair, elle ne fait pas de distinguo entre votre petit bar de quartier, ouvert en journée, et un bar de nuit qui passe de la musique, où les jeunes viennent danser, qui accueille des DJ, comme c’était le cas du Cuba Libre : aucune obligation de commission communale de sécurité avant ouverture au public ou après travaux ; aucune obligation de diagnostic de sécurité en cas de revente de l’exploitation.

Or les modes de vie et les lieux de loisirs ont évolué depuis les années 80 ; les règles doivent, elles aussi, s’adapter. J’ai souhaité vous faire des propositions allant dans ce sens, monsieur le ministre, préconisant des prescriptions et des contrôles renforcés pour ces établissements de nuit. Il s’agit aussi d’imposer un diagnostic sécurité à la vente, la tenue obligatoire d’un registre sur la maintenance des dispositifs sécurité, et de mener un travail de fond avec les syndicats professionnels pour mieux préparer les exploitants aux obligations qui leur incomberont. Nous ne pourrions comprendre que la réglementation en vigueur ne soit pas revisitée à l’aune de ce drame qui restera à jamais marqué dans nos mémoires collectives.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer les obligations de sécurité dans les bars de nuit ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. François Rochebloine. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la députée, vous venez d’évoquer le drame qu’a connu la ville de Rouen cet été. Quatorze jeunes sont décédés à l’occasion d’une soirée à laquelle ils s’étaient rendus pour retrouver leurs amis et fêter un anniversaire. Je veux exprimer aux familles toute ma compassion et toute la solidarité du Gouvernement, et adresser des vœux de prompt rétablissement aux six jeunes qui ont été blessés.

Vous appelez mon attention sur les mesures à prendre et vous avez vous-même formulé plusieurs propositions que je tiens à reprendre les unes derrière les autres.

Tout d’abord, oui, il faut faire des contrôles de sécurité plus importants, mais comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire personnellement, il y a 200 000 établissements de cinquième catégorie accueillant du public, et nous ne pouvons pas procéder à tous les contrôles à la fois. Nous avons donc adressé une circulaire aux maires, par l’intermédiaire des préfets, leur demandant d’indiquer quels sont les établissements susceptibles de poser problème de manière à ce que nous puissions déclencher les contrôles et organiser un planning à cet effet.

Deuxièmement, vous proposez la mise en place d’un registre qui permettrait de disposer d’une liste précise des travaux à accomplir selon les caractéristiques propres à chaque établissement et qui obligerait chaque détenteur dudit établissement à rendre compte de ce qu’il a fait à ce sujet. Je suis tout à fait favorable à cette mesure. Elle existe déjà pour les établissements de sommeil et pourrait être étendue par voie réglementaire à l’ensemble des établissements concernés.

Vous proposez également que le diagnostic sécurité soit rendu obligatoire au moment de la vente : j’y suis très favorable parce que cela permettrait d’avoir une traçabilité pour chaque établissement recevant du public.

Enfin, vous proposez la mise en place d’un label. Il faut que nous y travaillions avec les professionnels. Il pourrait être, pour les établissements de nuit, une garantie supplémentaire assurant aux usagers qu’ils viennent dans des établissements parfaitement aux normes.

Je souscris donc à une très grande partie des propositions tout à fait judicieuses que vous venez de formuler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Égalité réelle outre-mer

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (nos 4000, 4064, 4054, 4055).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre des outre-mer, mes chers collègues, les cinq départements et les autres collectivités d’outre-mer cumulent deux à trois fois plus de chômeurs que la France hexagonale, jusqu’à six fois plus d’allocataires des minima sociaux, des prix des denrées de première nécessité insupportables, une pauvreté massive, un échec scolaire bien supérieur à la réalité hexagonale, une jeunesse sévèrement frappée par l’insuffisance de débouchés en matière d’emploi.

C’est dire l’urgence d’une remise en cause profonde du mode de développement des outre-mer comme du dépassement de la situation de dépendance dans laquelle ils ont été placés, qualifiée par les progressistes de « colonisation de consommation ».

Si nous partageons la volonté de ce projet de loi de réduire les écarts de développement supportés par les populations d’outre-mer au sein du peuple français, nous sommes pour le moins perplexes quant aux effets concrets de ses dispositions.

En effet, ses principales mesures restent trop souvent d’ordre purement symbolique et arrivent un peu tardivement. Pourquoi avoir attendu la fin de la législature, alors que, depuis cinq ans, les inégalités n’ont cessé de croître, en particulier dans les outre-mer, où de nouvelles inégalités s’ajoutent aux anciennes ? Cette question peut paraître naïve mais est d’importance.

Le texte initial, avouons-le, était bien maigre : seulement quinze articles pour un sujet aussi vaste. Au sortir de sa discussion en commission et en séance, il en compte désormais plus de cent. Nous sommes donc passés de quinze à cent articles.

Il faut reconnaître que des avancées ont été adoptées. Je pense en particulier à l’alignement du complément familial et de l’allocation vieillesse des personnes au foyer sur les montants pratiqués dans l’Hexagone. Je pense aussi à la suppression de la condition injustifiable, pour les artisans et les travailleurs indépendants, d’être à jour des cotisations familiales pour percevoir les prestations familiales.

Pour autant, nous regrettons l’absence d’engagements financiers de l’État sur les principales mesures du projet de loi, lesquels auraient permis la mise en œuvre effective de ces dernières. Nous regrettons également que l’avenir de ce texte soit incertain, même très incertain, en raison du calendrier électoral.

En dépit de nos réserves, nous voterons finalement en faveur de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ibrahim Aboubacar, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Ibrahim Aboubacar. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur de la commission des lois, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, chers collègues, le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, sur lequel nous allons nous prononcer dans quelques instants, issu de nos travaux en séance de la semaine dernière, est un texte équilibré.

Il l’est en raison de sa vision claire de l’objectif d’égalité réelle à atteindre dans les outre-mer, des outils qu’il définit pour mettre en œuvre cet objectif – notamment les plans et les contrats de convergence – et des principaux chantiers à mener dans le cadre de cette égalité réelle, objet des treize titres du projet de loi.

Cette vision de long terme n’a pas occulté les réponses immédiates qu’il convenait d’apporter en vue d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens outre-mer, de parachever l’égalité sociale dans les départements d’outre-mer, soixante-dix ans après la loi de 1946, de poser les fondements de l’égalité sociale dans le département de Mayotte et de prendre en compte les questions spécifiques posées dans certaines collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution.

Car, et c’est une première dans l’approche de nos outre-mer, ce projet de loi propose également aux collectivités d’outre-mer intéressées et ne relevant pas de l’article 73 de notre Constitution de s’engager dans ce processus d’égalité réelle, selon des modalités propres à chacune d’entre elles. Au total, ce sont bel et bien toutes les collectivités de l’outre-mer de notre pays qui sont invitées à une nouvelle étape de leur développement économique, social, environnemental et culturel, pour les générations futures.

Le travail accompli par l’ensemble des parlementaires, en lien étroit avec le Gouvernement, dans une volonté partagée de co-construction législative assumée par la ministre des outre-mer Ericka Bareigts – que je remercie ici pour son écoute et son ouverture tout au long des débats –, a permis des avancées significatives sur de nombreux points qui faisaient débat ces dernières années.

Je pense particulièrement, dans le domaine social, aux réponses aux problèmes des publics fragiles dans les départements d’outre-mer, mais aussi aux avancées sociales à Mayotte, qui en avait bien besoin.

Je pense également aux avancées dans le domaine économique et de la lutte contre la vie chère – combat qui doit être constamment mené – ainsi que dans les domaines de l’éducation et de la formation, notamment à l’élargissement général des dispositifs de formation et aux dispositifs de l’accord sur l’avenir de Mayotte.

Dans le domaine fiscal, des mesures diverses et variées inciteront à l’investissement.

D’autres mesures concrètes visent à favoriser l’insertion de nos territoires dans leur environnement régional.

Dans les domaines juridique et judiciaire, je pense aux mesures relatives à l’ordre public en Nouvelle-Calédonie ou à la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane.

Tout au long de nos travaux, nous nous sommes attachés à la crédibilité du processus que nous mettons en place. C’est pourquoi nous avons accordé une grande importance à la continuité des outils fiscaux sur lesquels repose aujourd’hui le soutien à l’économie, en demandant leur prolongation de deux ans, laps de temps au cours duquel de nouveaux outils, éventuellement différenciés, devront être définis pour prendre leur relais.

Cette crédibilité se jugera sur notre capacité à mettre sur pied les outils de pilotage et de suivi : là encore, nos travaux se sont attachés à lever les obstacles existants, notamment en matière de production statistique dans nos départements et collectivités d’outre-mer.

La construction de l’égalité réelle par les acteurs locaux, en lien avec l’État, nécessitera, chacun le pressent, imagination et inventivité. C’est pourquoi, sur un certain nombre de sujets, il est demandé que des expertises évaluent ce qui a été accompli jusqu’ici, aux fins de faire évoluer les dispositifs ou d’en proposer de nouveaux. Ceux-ci pourront du reste être expérimentaux afin d’essayer, ici et là, des solutions audacieuses et novatrices.

Il reste assurément des points à traiter, notamment sur le foncier ; ils feront l’objet des travaux du Sénat, puis éventuellement durant la navette. De même, certains points débattus ces derniers jours seront à préciser, notamment s’agissant des outils d’orientation et de planification, et de leur articulation – mais, d’ores et déjà, en la matière, les choses sont largement déblayées.

Je sais que nous pouvons compter sur nos rapporteurs pour avis, Serge Letchimy et Monique Orphé, qui n’ont pas ménagé leur peine pour enrichir ce projet de loi, et sur le rapporteur au fond, Victorin Lurel, qui le porte depuis le début. Nous pourrons également toujours compter, madame la ministre, sur votre disponibilité et votre volonté d’œuvrer dans une grande intelligence, avec l’appui de tout le gouvernement et du chef de l’État, initiateur de ce processus bienvenu. Enfin, je voudrais saluer tous nos collègues de l’Hexagone qui ont participé activement à nos travaux ; ils sont encore aujourd’hui nombreux dans l’hémicycle pour voter sur ce texte.

Vous l’aurez compris, le groupe socialiste, écologiste et républicain approuvera ce projet de loi, avec enthousiasme et foi dans la capacité de nos outre-mer à relever les défis de leur développement futur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, mon enthousiasme sera un peu plus tempéré que celui de notre collègue Ibrahim Aboubacar, mais pas à propos de l’idée d’égalité réelle entre les territoires et entre les populations, sur laquelle nous nous retrouvons tous ici : il ne saurait y avoir de citoyens de seconde zone ; la République se doit de s’intéresser à tous ses enfants et de se préoccuper de chacun d’entre eux. C’est l’occasion de rappeler que les outre-mer sont la France et qu’il ne saurait y avoir de territoire français sans cette diversité.

Pour autant, je rejoins ce qu’a dit M. Chassaigne : le Gouvernement a quand même mis beaucoup de temps à prendre la mesure de ce qui était nécessaire. On a entendu beaucoup de critiques à l’endroit de la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer, qui a pourtant produit un certain nombre d’effets très positifs.

La méthode me paraît également plutôt contestable. Le texte était, si vous me passez l’expression, plutôt « maigrichon » à l’origine, avec une quinzaine d’articles seulement. Il a été considérablement enrichi depuis. Si je salue cette forme de coproduction ou de co-construction, elle n’en présente pas moins un inconvénient : nous avons des textes qui ont tendance à partir dans tous les sens. Il est assez logique, m’objecterez-vous, que ce soit le cas de celui-ci, tant sont divers les territoires, les populations et sans doute les attentes.

Cela étant, nous avons là une sorte de mille-feuille, manquant un peu d’une ligne directrice, d’un cap clair, d’une vision unifiée. Cet agrégat ne porte pas tous les fruits que nous pourrions attendre. Si certaines mesures semblent intéressantes, par exemple les contrats de convergence et les dispositions relatives à l’analyse et au développement économiques, de vraies insuffisances demeurent. L’égalité réelle dans les outre-mer passe avant tout par une dynamique économique. Or ce texte ne donne pas suffisamment de place à cette partie, que nous appelons de nos vœux.

Nous avons aussi l’impression que les différentes collectivités ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Il faudra sans doute y revenir, c’est tout l’intérêt de la navette parlementaire.

Dans ces conditions, vous me trouverez peut-être en contradiction avec ce qui a été dit précédemment. Oui, il y a des progrès, oui, il y a des aspects positifs, oui, du travail a été fait ; néanmoins, pour le moment, tout cela ressemble encore à un méli-mélo et doit être remis dans le bon sens. Laissons le Sénat travailler et y mettre sa patte. Pour le moment, le vote du groupe Les Républicains sera négatif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Pour autant, un certain nombre d’entre nous ne feront que s’abstenir. C’est le cas de mon collègue Daniel Gibbes, retenu aujourd’hui dans sa circonscription, à quelques milliers de kilomètres d’ici, mais qui a beaucoup travaillé et que je voulais saluer. À titre personnel, avec d’autres collègues, je m’abstiendrai également.

C’est donc, si j’ose dire, un vote négatif d’encouragement (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain), une incitation à vous perfectionner. Qui aime bien châtie bien, vous le savez ! Moyennant ces encouragements, qui ne vous ont pas échappé, nous arriverons concrètement et très sérieusement, dans l’intérêt de la République, à assurer une égalité réelle, celle de la République et de ses enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Maina Sage, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Mme Maina Sage. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, ce projet de loi nous rappelle que la France n’est pas qu’hexagonale. C’est un territoire maritime mondial qui s’étend bien au-delà des frontières continentales de l’Europe : il est océanien, amazonien, caribéen ou encore indien. La France, finalement, est un archipel mondial ; les territoires d’outre-mer en sont une part entière, ils la synthétisent et l’enrichissent.

Pourtant, cette France, la nôtre, s’est oubliée en partie : elle a laissé une part d’elle-même à la traîne, elle l’a laissée prendre un retard considérable sur l’ensemble. Dans le diagnostic qu’il a livré, le rapporteur Victorin Lurel a eu le courage et l’honnêteté de révéler des écarts de PIB par habitant allant de 15 à 75 % selon les territoires. Certes, nous avons conscience qu’il existe aussi des disparités au sein de l’Hexagone, mais elles sont sans commune mesure avec les écarts que vivent les territoires d’outre-mer. Le PIB moyen par habitant est de 36 000 euros au niveau national ; il est de 18 000 euros en outre-mer. Et je ne parle pas du taux de mortalité, de l’espérance de vie et d’autres indicateurs probants démontrant à quel point ces écarts sont criants.

C’est pour tenter de répondre à ce constat accablant que le Gouvernement soumet aujourd’hui à notre vote le présent projet de loi. À son arrivée à l’Assemblée – et je rejoins ici les critiques de mon collègue du groupe Les Républicains –, le texte était bien maigre par rapport aux attentes. La majorité a alors argué de la volonté d’une co-construction. Soyons honnêtes, si l’idée est intéressante, la méthode a clairement prouvé ses limite : au bout du compte, le texte prévoit la remise de plus d’une quarantaine de rapports sur des sujets divers et variés.

Malgré tout, au regard de ces constats et de l’opportunité qu’offrait ce texte pour nos territoires, le groupe UDI a fait le choix de relever le défi en partageant ses réflexions très en amont avec les rapporteurs, puis en commission et en séance publique, afin de donner du corps au projet initial. Nous remercions le Gouvernement et les rapporteurs de s’y être montré sensibles. Ils ont en effet accepté de renforcer considérablement l’article fondateur qu’est l’article 1er.

Hier soir, en écoutant les débats en séance sur le texte relatif aux territoires de montagne, j’ai trouvé qu’il existait beaucoup de similitudes. Je lance donc un appel à tous nos collègues issus de ces territoires ruraux, de ces territoires enclavés, de ces territoires de montagne, à nos collègues de la Corse, qui a été reconnue aujourd’hui « île montagne », mais aussi à nos collègues élus dans des zones plus urbaines, pour qu’ils comprennent cette différence. Ils ne doivent pas craindre que ces adaptations ne fragilisent la République. Bien au contraire, elles permettront de la renforcer, en prenant en compte la diversité des cultures mais aussi des territoires.

Pour notre part, nous nous sommes employés à renforcer l’article 1er, afin que cette dimension géographique y soit prise en compte. Je ne le rappellerai jamais assez, la Polynésie représente une surface maritime grande comme l’Europe, avec 1 % de terres émergées pour 99 % d’eau. Nos réalités et nos contraintes sont donc à l’exact opposé de ce que la majorité des Français vivent ailleurs. Le présent projet de loi reconnaît de cette réalité.

Certes, je ne vous le cache pas, nous éprouvons aussi des frustrations et des déceptions, dont nous avons fait état en commission et en séance publique : dans le domaine social et dans le domaine économique, ce texte doit à l’évidence être enrichi. Je pense néanmoins qu’il s’agit d’une première pierre innovante, intéressante, pour revoir le partenariat entre l’État et les collectivités. Car nous devons tous contribuer à réduire ces écarts, qui, je le répète, sont accablants, indignes de la République en 2016.

Malgré ses faiblesses de fond et de forme, au regard des constats et des urgences mais aussi de la proposition de plans de convergence innovants se traduisant pas des contrats, le groupe UDI a choisi, une fois n’est pas coutume, de voter en faveur de ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Je vous invite tous à faire de même, quitte à ce qu’il soit renforcé lors de l’examen au Sénat et au fil de la navette parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai en citant l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. » Tout y est ! Et pourtant l’égalité réelle outre-mer reste un objectif à atteindre, tant les différences avec l’Hexagone sont grandes.

Comme vous l’avez dit, madame la ministre, nous entamons une « marche vers l’égalité » afin de combler les écarts et inégalités existant entre nos territoires et l’Hexagone. Des caractéristiques évidentes, comme l’éloignement avec l’Hexagone et l’insularité, sont à l’origine des nombreuses difficultés qui touchent les citoyens résidant outre-mer : la vie chère, le coût des produits de première nécessité, la gestion des frontières, un environnement économique difficile corrélé à un taux de chômage important, etc.

Mon collègue Stéphane Claireaux le sait bien, chaque territoire est spécifique, à l’image de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui évolue dans un bassin économique riche, avec le Canada et les États-Unis comme voisins, ou de Mayotte, qui, bien que cumulant des retards par rapport aux standards métropolitains, apparaît comme un îlot de prospérité au sein de l’archipel de Comores. C’est une des limites de ce texte, qui entend enfermer dans un cadre unique une stratégie et une politique en faveur de l’égalité réelle pour l’outre-mer.

Sur le fond, la proposition fondamentale du texte consiste à instituer des plans de convergence avec les collectivités locales, pour cibler des objectifs de rattrapage sur dix à vingt ans. Selon le texte, la République reconnaît aux populations d’outre-mer « le droit d’adopter un modèle propre de développement durable pour parvenir à l’égalité dans le respect de l’unité nationale ».

Cependant, le vieux réflexe jacobin reprend le dessus et l’État entend rester au centre de la programmation : les politiques publiques et les objectifs mentionnés à l’article 1er du projet de loi seront définis en concertation par l’État, les acteurs économiques et sociaux, les collectivités territoriales. Cela dénote une conception pour le moins ambiguë de la décentralisation. Il ne faut pas confondre consultation et concertation. La consultation formelle ne remplacera jamais la coproduction avec les collectivités territoriales, qui seules seront à même d’appliquer efficacement les mesures sur le terrain.

Plus encore, il est difficile de différencier ou de qualifier les avantages de ces nouveaux plans de convergence, avec d’une part les grands schémas directeurs actuels, à l’instar des SRDEII, les schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, et d’autre part les missions récemment confiées aux EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale. Cette superposition de schémas et de plans semble contradictoire avec le choc de simplification voulu par le Président de la République.

Le projet de loi propose aussi des mesures sociales qui reprennent beaucoup de revendications récurrentes, c’est probablement là son principal mérite. À ce titre, je salue l’insertion dans le texte, à l’initiative de notre collègue Thierry Robert, de la fixation d’orientations fondamentales en matière d’accès à la mobilité et de lutte contre l’illettrisme, problèmes prégnants dans nos outre-mer. Je note aussi qu’un rapport devra faire le point sur l’effectivité des droits des ultramarins par rapport aux « hexagonaux » dans le domaine des transports et des déplacements. Nous sommes également satisfaits de l’ajout, à l’initiative de notre groupe, d’une définition de la continuité territoriale, celle-ci s’entendant comme un renforcement de la cohésion entre les différents territoires d’un même État, notamment les territoires d’outre-mer, avec la mise en place ou le maintien d’une offre de transports continus et réguliers entre les territoires.

Outre les dispositions sociales, parmi les nombreux autres apports, on relèvera des dispositions relatives au désenclavement numérique, en faveur de l’école et de la formation professionnelle. Pour autant, toutes les demandes que nous avions formulées n’ont pu être entendues. J’espère que l’esprit d’écoute de la ministre des outre-mer continuera d’être positif au cours de la navette parlementaire. Je déplore le rejet de mon amendement tendant à implanter en Guadeloupe un centre relevant de l’Établissement public d’insertion de la défense, et je réitère ma demande. Cette possibilité d’expérimentation, d’adaptation et d’habilitation est, à mes yeux, fondamentale.

Au total, l’impact de ce texte se mesurera par la réduction, à moyen terme, de l’écart avec les standards nationaux en matière de droits sociaux. Dans sa grande majorité, le groupe RRDP le votera. Pour ma part, je m’abstiendrai car il est très en deçà de l’attente de nos concitoyens résidant dans les outre-mer. Alors que certains ont préféré leur carrière à l’avenir des ultramarins, je crois pour ma part aux principes fondateurs de la République : la liberté et l’égalité. Ce qui serait à revoir, ce n’est pas la loi, mais la garantie de son application pleine et entière sur tous les territoires de la République, qu’ils soient excentrés géographiquement ou situés au cœur même de la France continentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de programmation.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants483
Nombre de suffrages exprimés454
Majorité absolue228
Pour l’adoption314
contre140

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Modernisation, développement et protection

des territoires de montagne

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (nos 4034, 4067, 4056).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n3 portant article additionnel après l’article 8.

Après l’article 8 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 3, 103 rectifié et 460 deuxième rectification, portant article additionnel après l’article 8, qui peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n3.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, mes chers collègues, nous avons terminé nos travaux hier soir sur les CDCI – les commissions départementales de coopération intercommunale – et nous les reprenons aujourd’hui avec un amendement extrêmement important concernant ces structures.

Lors de la discussion de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », nous nous étions tous battus, parlementaires des zones de montagne de droite, de gauche ou du centre, pour obtenir une dérogation portant sur le seuil de création des EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – de montagne. Ce point a suscité de nombreuses discussions et nous a beaucoup occupés : pour faire court, nous avons, les uns et les autres, retiré nos amendements après avoir obtenu l’engagement des deux ministres de l’époque, Mme Lebranchu et…

M. Joël Giraud. M. Vallini !

M. Martial Saddier. En effet, merci mon cher collègue : Mme Lebranchu et M. Vallini se sont engagés à ce que le texte, suite à un amendement du Gouvernement, accorde une dérogation de droit aux EPCI de montagne. Or, vous le savez, beaucoup d’exemples l’ont montré, les préfets ont interprété le texte différemment, considérant qu’ils avaient le choix d’accorder ou non cette dérogation.

J’ai cosigné l’amendement n3 avec mon collègue Lionel Tardy car, en Haute-Savoie, la Communauté de communes de la rive gauche du lac d’Annecy, composée en totalité de communes soumises à la loi relative au développement et à la protection de la montagne, s’est vue refuser cette dérogation par le préfet. Mon amendement vise donc à préciser, de manière à éviter toute interprétation de la loi NOTRe, que cette dérogation est automatique et de plein droit pour les EPCI de montagne.

Mme la présidente. Les amendements nos 103 rectifié et 460 deuxième rectification sont identiques.

La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n103 rectifié.

M. François Pupponi. Je ne peux que le confirmer, le texte a pu prêter à confusion. Le législateur a été clair dans ses intentions et le Gouvernement s’est engagé tout aussi clairement. On constate pourtant bien que, d’un endroit à l’autre, il existe différentes interprétations. Je défends le même amendement afin que les choses soient claires. Il n’est pas question de remettre en cause la loi ; quand tout se passe bien, tant mieux, mais il s’agit de bien préciser les choses, afin de rectifier la situation dans le sens que nous souhaitons, pour les cas où subsisteraient des confusions.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour soutenir l’amendement identique n460 deuxième rectification.

M. Charles-Ange Ginesy. Mon argumentation va dans le même sens. Cet amendement vise à consacrer dans la loi le seuil minimum dérogatoire de 5 000 habitants pour les intercommunalités de montagne.

Selon la loi NOTRe, la démographie est l’une des conditions nécessaires pour constituer un EPCI, l’intercommunalité devant regrouper au moins 15 000 habitants. Cependant – nous en avions débattu lors de l’élaboration de la loi et Martial Saddier l’a rappelé –, ce seuil ne saurait être appliqué aux territoires de montagne, où la répartition de la population est très spécifique. Aujourd’hui, alors que la loi NOTRe consacre un seuil dérogatoire de 5 000 habitants pour les zones de montagne, les préfets l’appréhendent, pour les EPCI situés en zone de montagne, comme une simple possibilité d’adaptation.

Il en résulte que certains représentants de l’État ont mis en échec plusieurs projets de création ou de fusion d’EPCI, au motif qu’ils ne répondaient pas au critère des 15 000 habitants, alors même qu’il s’agit d’EPCI relevant de territoires de montagne. Cette distorsion est notamment mise en lumière dans un rapport d’information de l’Assemblée du 23 mars 2016, soulignant que l’application de ce seuil dérogatoire est écartée par certains représentants de l’État.

Le présent projet de loi doit être l’occasion de faire de ce seuil dérogatoire une véritable exception, acquise de plein droit par les EPCI de montagne.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements.

Mme Annie Genevard, rapporteure de la commission des affaires économiques. Pour avoir participé largement aux débats relatifs à la loi NOTRe, je peux témoigner que la dérogation alors obtenue fut le fruit de longues discussions et d’argumentations serrées, et je crois pouvoir dire que nous en étions alors satisfaits car elle permet de prendre en compte à la fois la dispersion de l’habitat et la dilatation de l’espace montagnard.

Vos amendements, mes chers collègues, visent à passer d’une dérogation à une adaptation de plein droit, et nous voyons là les limites de l’exercice auquel nous nous sommes astreint : deux co-rapporteures de sensibilités différentes pour arbitrer des questions relatives à la montagne. Vous vous saisissez de ce texte pour rouvrir les débats que nous avons eus pendant l’élaboration de la loi NOTRe. M. le ministre a bordé la démarche en expliquant que les débats de la loi NOTRe ne seraient pas rouverts – et il en sera encore question tout à l’heure, à propos du transfert de la compétence sur l’eau. Or je me souviens très bien, monsieur Saddier – nous siégions déjà sur les mêmes bancs et avions adopté la même position lors des débats sur la loi NOTRe – que nous étions alors hostiles au transfert automatique de la compétence sur l’eau à l’intercommunalité.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est vrai.

Mme Annie Genevard, rapporteure. Aujourd’hui nous débattons de la loi montagne et il a été décidé de ne pas reprendre le débat sur la loi NOTRe, parce que les dispositions que nous adopterions, par exemple celles portant sur l’eau, vaudraient pour l’ensemble du territoire national. Or c’est bien de la loi montagne dont nous parlons.

C’est pourquoi la commission est défavorable à ces amendements.

M. Jean-Pierre Vigier. Oh !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Je l’ai dit hier et je le répète, nous ne rouvrirons pas le débat sur la loi NOTRe à l’occasion de la discussion du projet de loi montagne. L’élaboration de la loi NOTRe, comme vient de l’indiquer excellemment Mme la rapporteure Genevard, n’a pas été un long fleuve tranquille, mais nous sommes finalement parvenus à un équilibre à peu près convenable, en tout cas acceptable par les uns et les autres, puisque le texte a été adopté.

Dans la loi NOTRe, je vous rappelle que le seuil concernant les intercommunalités avait à l’origine été fixé à 25 000 habitants, avant d’être ramené à 20 000 habitants. Toujours dans un souci de consensus, le Gouvernement avait accepté de l’abaisser à 15 000 habitants pour le régime général et par surcroît, pour certaines zones, rurales ou de montagne, de descendre jusqu’à 5 000 habitants. C’est la loi telle qu’elle existe et il n’est pas question de revenir sur ce point.

Au-delà, je voudrais vous préciser que les CDCI sont composées d’élus : ce sont donc les élus qui votent et ont le dernier mot au sein de ces commissions.

M. Lionel Tardy. Ils occupent les deux tiers des sièges !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. En effet, les deux tiers, ce qui représente une majorité qualifiée. Cela figure dans la loi NOTRe comme dans d’autres lois adoptées sous la majorité précédente. C’est une procédure que nous connaissons bien, qui se pratique dans certains congrès et ailleurs : celle de la majorité qualifiée. Je vous rappelle, monsieur Tardy, que ce principe de la majorité qualifiée des deux tiers a été voté par le Parlement, que ce sont les parlementaires qui l’ont inscrit dans la loi.

M. Lionel Tardy. Je m’en souviens.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. La loi existe. Elle a fixé des seuils, qui sont respectés. Elle a prévu des procédures, qui sont appliquées. Selon ces procédures, contrairement à la réforme de 2010, ce sont les élus qui proposent et qui décident puisque ce sont eux qui votent, pour les deux tiers, dans les CDCI. Je ne pense pas qu’il soit opportun de rouvrir ce débat, surtout à quelques semaines à peine de la clôture des schémas. Les derniers conseils municipaux sont en train de délibérer et 85 % des intercommunalités sont déjà approuvées, ce qui leur donne une existence tacite avant qu’elles ne deviennent légales, le 1er janvier prochain. Ne rouvrons pas, pour quelques cas un peu compliqués, souvent liés à des mésententes entre élus – je peux en témoigner car je suis cela de très près –, un débat qui a suffisamment enflammé le Parlement. Nous avons la loi, elle est appliquée, 85 % des intercommunalités ont déjà été votées et toutes verront le jour le 1er janvier prochain. C’est important car j’attends que ces intercommunalités soient mises en place pour prendre un certain nombre de dispositions, en particulier, monsieur Vigier, concernant les zones de revitalisation rurale.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est très bien !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il ne serait ni convenable, ni cohérent, ni utile de revenir sur la loi NOTRe. J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. En dehors de la question de savoir si la loi montagne doit être l’instrument de détricotage de la loi NOTRe, je considère que ces amendements ne sont pas recevables, dans la mesure où ils vont à l’encontre de l’esprit qui nous avait animés lors de l’élaboration de ce texte.

Au moment où l’on construit de grandes régions, où l’on donne plus de compétences aux intercommunalités pour qu’elles aient plus de poids sur le plan financier, de la population et en matière d’ingénierie, pour qu’elles puissent mettre au point des projets de recherche et développement structurants, le seuil de 15 000 habitants me paraît être bon.

Il avait certes été admis que, dans certains cas, en montagne, lorsqu’un territoire administratif ne correspond pas à la géographie, c’est-à-dire, par exemple, lorsqu’il faut franchir des cols ou lorsqu’une zone trop vaste ne correspond pas au vécu des habitants, il serait possible de descendre ce seuil à 5 000 habitants. Mais, dans le cas général, il convient d’essayer de mettre en place des bassins de vie de 15 000 habitants au moins, adaptés aux projets structurants que j’ai évoqués. Il arrive que cela ne soit pas possible, d’où ce seuil de 5 000 habitants. Mais en faire une règle pratiquement générale dans les zones de montagne et non plus une dérogation, me semblerait aller à l’encontre de l’esprit initial de la loi NOTRe. Le principe de la dérogation est tout à fait conforme à ce que nous souhaitions au départ.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, alors que nous démarrons calmement l’examen de ce texte, évitons de nous énerver.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne suis pas énervé.

M. Martial Saddier. Cela fait deux fois que vous vous énervez ; la première, c’était en commission. Je note au demeurant que, pour seule défense, comme en commission, vous nous lancez au visage des prétendus désaccords entre élus. Je ne vois pas en quoi des désaccords potentiels entre élus à l’intérieur d’une CDCI pourraient avoir une influence sur l’interprétation de la loi.

Encore une fois, ces amendements, issus de tous les bancs, ne remettent pas en cause la loi NOTRe. À l’époque, dans cet hémicycle, nous avons tous obtenu, de la part de vos collègues ministres, l’engagement qu’il y aurait une dérogation pour les EPCI de montagne. Nous avions tous déposé des amendements, à gauche, au centre et à droite, et nous les avons tous retirés au profit de la loi NOTRe telle qu’elle est écrite aujourd’hui.

Trouvez-vous normal, monsieur le ministre, que, dans certains départements, la dérogation concernant les EPCI de montagne ait été appliquée à 100 %, tandis que, dans d’autres départements, elle a été appliquée à la carte, parce que les préfets ont décidé que certains EPCI avaient droit à la dérogation et d’autres pas, quand bien même ils présentaient exactement les mêmes caractéristiques ? Cette interprétation par les préfets de la République est une sorte de droit de vie et de mort. Ce n’est pas ma conception de l’interprétation de la loi, et je ne suis manifestement pas le seul.

Effectivement, la règle des deux tiers ne date pas de la loi NOTRe ; même si ce texte l’a confortée et confirmée, elle existait déjà auparavant. Mais, monsieur le ministre, il faut comprendre la manipulation : lorsqu’un préfet intègre un petit EPCI de montagne dans un autre EPCI, c’est à l’EPCI de montagne de se débrouiller pour obtenir les deux tiers de la CDCI. Pour avoir été rapporteur d’une CDCI, je vous assure que c’est pratiquement impossible.

Enfin, pour être tout à fait précis, monsieur le ministre, le Gouvernement et la majorité, dans la loi NOTRe, ont procédé à une autre petite manipulation passée inaperçue. Au départ, après le vote des amendements, le schéma devait être soumis au vote ; or vous avez supprimé ce vote définitif du schéma à la majorité simple, ce qui donne encore plus de pouvoir au préfet, parce qu’il est devenu impossible de retoquer le schéma au final. C’est un vrai problème, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir si cet amendement n’est pas adopté.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je rappelle à notre ami Saddier que je n’ai pas voté la loi NOTRe : elle n’est pas la mienne et, en l’état, même si je vivais mille ans, elle ne le serait pas.

Je veux lui dire aussi que je vais voter son amendement avec passion, pour une simple et bonne raison : voilà où nous conduit la loi NOTRe alors qu’elle n’est même pas mise en place. Monsieur le ministre, je vous souhaite bon courage ; vous espérez que les choses vont aller vite, mais ce ne sera pas du tout le cas. Comment parler de proximité lorsqu’il faut réunir 5 000 habitants sur un territoire de 100 000 hectares ? Comment voulez-vous que cela fonctionne ?

Cette loi est peut-être arrivée dix ans trop tôt : s’il n’y avait plus âme qui vive dans nos campagnes, elle aurait pu passer. Malheureusement, il reste encore un peu de monde, notamment quelques enfants, qui ne l’accepteront jamais.

Je suis tout à fait d’accord avec M. Saddier et je pense qu’il faut voter cet amendement. Puisque nous avons l’occasion d’éteindre le premier incendie provoqué par ce texte, faisons-le !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Il ne faudrait pas revenir sur des débats que nous avons déjà eus dans cet hémicycle, mais cette loi NOTRe est votre loi, et nombre de nos concitoyens et d’élus des secteurs de montagne ne s’y retrouvent pas.

Je citerai un exemple. Je préside une petite intercommunalité de 3 200 habitants, qui présentait le taux d’intégration le plus important du département, les charges de fonctionnement les moins lourdes et un taux d’investissement parmi les plus élevés, et cela fonctionnait. Or la loi nous oblige à faire fusionner – M. le ministre connaît très bien la géographie de la région Midi-Pyrénées, notamment du Tarn – un territoire qui s’étend de la périphérie de Castres aux confins de l’Aveyron. Les habitants d’une partie du territoire de l’intercommunalité, établie selon ce nouveau schéma, ne seront jamais allés dans l’autre : on sort du cadre de la proximité et des bassins de vie quotidienne et c’est dommage.

M. Jean Lassalle. Très juste !

M. Martial Saddier. Voilà !

M. Philippe Folliot. À un moment où un autre, notre pays devra quitter la logique selon laquelle plus une entité est grosse, plus elle est merveilleuse. C’est faux : certains cadres et éléments de proximité fonctionnent bien.

Ces amendements auraient permis de réintroduire de la raison dans une méthode et un cadre adaptés aux secteurs à forte densité de population, mais totalement inopérants dans les secteurs ruraux de montagne, à faible densité.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. J’ai entendu votre demande, monsieur le ministre, et je suis prêt à retirer mon amendement. Cependant, le problème est réel. Le cas de certains départements, que nous connaissons tous plus ou moins, justifierait peut-être l’organisation d’une réunion de travail avec vous-mêmes ou des membres de votre cabinet. Nous sommes encore dans une phase où il est possible de rectifier des situations. Les cas litigieux sont relativement rares mais ils existent : certains préfets ont parfois agi dans un sens qui n’était conforme à la philosophie de la loi. Voyons-nous peut-être pour trouver une solution factuelle et adaptée à telle ou telle situation.

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. Monsieur le député, dois-je comprendre que vous retirez l’amendement n103 rectifié ?

M. François Pupponi. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n103 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur Saddier, je ne m’énerve pas, mais je parle avec passion quand je débats avec des parlementaires. J’aime la chose publique, et tout le monde n’est pas obligé de parler comme au confessionnal ! (Rires.)

M. Joël Giraud. Excellent !

M. Jean-Pierre Vigier. Il ne doit pas y aller souvent !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Pour ma part, j’aime qu’on m’entende !

Monsieur Pupponi, j’imagine que vous faites allusion aux intercommunalités de Corse – ces problèmes ne se posent guère à Sarcelles… Je suis, sinon au jour le jour, du moins semaine après semaine, les problèmes de l’intercommunalité en Corse : nous en avons déjà réglé beaucoup et nous sommes en train de solutionner les deux problèmes qui restent.

J’en profite pour dire à la représentation nationale que mon cabinet, dirigé par le préfet Sudry, et moi-même, sommes en contact avec tous les préfets des départements où subsistent des problèmes. Chaque fois, nous essayons de mettre de l’huile dans les rouages et de créer les conditions d’un consensus pour les schémas. Reste qu’à un moment, la loi de la République s’applique et il faut trancher.

(L’amendement n3 n’est pas adopté.)

M. Jean Lassalle. Quelle erreur !

(L’amendement n460 deuxième rectification n’est pas adopté.)

Article 8 bis

Mme la présidente. Deux orateurs sont inscrits sur l’article 8 bis.

La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je ne pensais pas revenir sur le sujet mais celui-ci illustre un point important. Au fond, la loi NOTRE aurait été bien adaptée à Hong Kong, à l’État de New York et peut-être même à la principauté de Monaco, c’est-à-dire à des entités où un grand nombre d’habitants vivent sur très peu de kilomètres carrés, si vous voyez ce que je veux dire. Mais, on le voit bien, elle ne convient pas du tout à un territoire qui est le troisième d’Europe, après la Russie et l’Ukraine.

Les ministres, si brillants soient-ils – et Dieu sait que c’est le cas du ministre présent aujourd’hui – ont beau s’engager, à l’intérieur du confessionnal et au dehors, rien ne résiste aux préfets ; dans la situation de déliquescence actuelle, où il n’y a plus d’État et où les préfets, les tribunaux, la jurisprudence interprètent nos textes et le flou vient s’abattre sur nous.

Puisqu’il me reste un peu de temps, encore un mot : dans les territoires montagnards, nous sommes terriblement contraints par toutes les directives, par toutes les lois qui ont été votées, comme pour donner conscience à ceux qui polluaient à tour de bras dans les grandes métropoles et avaient besoin d’un blanc-seing. Ils l’ont trouvé chez nous : ils ont réussi à faire reverdir, voire à blanchir leur conscience, en créant des ONG extrêmement puissantes, sur lesquelles j’aurai l’occasion de revenir tout à l’heure. Nous le payons au prix fort.

Tout est pipé d’avance. Voilà pourquoi nous ne pouvons rien faire, malgré la bonne volonté de nos co-rapporteures, du ministre, du président et de la secrétaire générale de l’ANEM, l’Association nationale des élus de la montagne.

Sur les articles suivants, je serai plus court.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Ma question s’adresse à Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Le Président de la République a dit vouloir un Gouvernement exemplaire et affirmé que « la lutte contre la violence faite aux femmes est une exigence ». Et pourtant, le 11 février 2002, monsieur le ministre, vous étiez encore sénateur du Tarn-et-Garonne quand votre collaboratrice parlementaire a porté plainte contre vous à la gendarmerie de Toulouse. Voici ce qu’elle a déclaré : elle était à votre domicile lorsque vous l’avez frappée au visage à plusieurs reprises ; vous l’avez enfermée chez vous et l’avez contrainte, sous la menace de nouveaux coups, à rédiger une lettre de démission, après quoi vous l’avez chassée de chez vous, en pleine nuit, entièrement dévêtue et pieds nus. Ces faits ont été rapportés le 10 mars 2016 par les journalistes Marie Kirschen et David Perrotin…

Mme la présidente. Madame Attard, je vous prie de revenir au sujet de l’article 8 bis, s’il vous plaît.

Mme Isabelle Attard. Vous pouvez me couper le micro, je parlerai sans micro, ce n’est pas grave.

Mme la présidente. Vous avez la parole non pour poser une question mais pour intervenir sur l’article, ma chère collègue.

Mme Isabelle Attard. D’autres députés avant moi se sont permis des hors-sujet. Je continuerai à interpeller M. le ministre.

Ces journalistes, Marie Kirschen et David Perrotin, vous ont contacté avant et après la parution. Étant patron de presse, vous connaissiez le délai de trois mois pour les attaquer en diffamation. Or vous avez choisi le silence. Face à ces informations qui dérangent, aucun innocent n’aurait choisi de se taire. Par votre silence, vous reconnaissez être l’auteur de violences graves commises sur votre collaboratrice, monsieur le ministre. (Protestations sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Certes, vous ne serez jamais condamné puisque vous avez acheté le silence de votre victime.

Mme Jeanine Dubié. Cette interpellation est honteuse !

M. Joël Giraud. Et l’immunité parlementaire ?

Mme Isabelle Attard. Je rappelle, pour finir, les mots du Président de la République lui-même : « la lutte contre les violences faites aux femmes est une exigence » et « je veux une République exemplaire »…

Mme la présidente. Puisque vous sortez du sujet de l’article 8 bis, nous en resterons là.

La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement n321.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires économiques. Cet amendement est à la fois rédactionnel et de précision. Il vise à préciser l’article L. 5222-2 du code général des collectivités territoriales, en disposant que les conclusions de baux d’une durée excédant dix-huit ans sont prises à la majorité des deux tiers au moins des conseils des communes intéressées.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je suis favorable à l’amendement.

Madame la présidente, puisque vous avez considéré que Mme Attard pouvait s’exprimer sur ces sujets, je veux lui rappeler qu’on peut tout romancer mais qu’une instruction judiciaire a été diligentée dans cette affaire, laquelle a été classée sans suite.

Mme Isabelle Attard. Pas du tout !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Cela prouve que les choses ne se sont pas passées comme elle le raconte.

Mme Isabelle Attard. C’est faux, monsieur le ministre !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le procureur de la République n’aurait pas prononcé le classement si elles étaient telles qu’elle les a présentées.

Mme Isabelle Attard. Absolument pas !

(L’amendement n321 est adopté.)

(L’article 8 bis, amendé, est adopté.)

Après l’article 8 bis

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n203.

M. André Chassaigne. Il s’agit du premier amendement concernant le transfert de compétences aux communautés de communes en matière d’eau et d’assainissement.

Pour revenir sur le débat précédent, énormément d’efforts ont été consentis, sur certains territoires, pour constituer des communautés de communes pertinentes, en essayant de partager des projets, quelquefois dans la douleur, puisque plusieurs communautés de communes ont disparu.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

M. André Chassaigne. Dans des communautés de communes relevant de plusieurs bassins-versants, des syndicats intercommunaux avaient fait un travail très important pour prendre en compte les spécificités de l’alimentation en eau. Or une dérogation permettant de maintenir ces syndicats intercommunaux ne peut être attribuée qu’aux syndicats desservant trois communautés de communes, ce qui est exceptionnel, précisément parce qu’on a choisi le regroupement et la disparition des petites communautés de communes au profit de grandes intercommunalités. L’une d’elle, dans le secteur que je connais bien, couvre ainsi cinquante-huit communes !

Si l’on veut maintenir cette compétence, il faut qu’en territoire de montagne, la dérogation puisse s’appliquer aux syndicats intercommunaux rayonnant non sur trois mais sur deux communautés de communes.

J’appelle d’ailleurs votre attention sur la difficulté de gérer l’alimentation en eau dans les grandes intercommunalités, quand il existe des spécificités, quand les interconnexions sont impossibles et quand les prix de l’eau, souvent liés à l’héritage local, sont extrêmement différents.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie Genevard, rapporteure. Nonobstant ce que j’ai dit en préambule sur le transfert de l’eau, la dérogation applicable au maintien d’un syndicat exerçant une compétence en matière d’eau et d’assainissement doit demeurer exceptionnelle, dans la logique des décisions adoptées dans la loi. Par conséquent, nous ne sommes pas favorables à un abaissement du seuil pour les communes issues de deux établissements publics de coopération intercommunale.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même commentaire, même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Pour ma part, je soutiendrai l’amendement. Les territoires ruraux ou de montagne se sont organisés en syndicats. Un transfert obligatoire de la compétence d’assainissement aux communautés de communes est une bêtise : on risque de casser le maillage territorial qui s’est mis en place et a permis une formidable mutualisation de l’eau et de l’assainissement.

M. Jean Lassalle. Exactement !

M. Jean-Pierre Vigier. Par eux-mêmes, les élus ont su s’organiser…

M. Jean Lassalle. Voilà !

M. Jean-Pierre Vigier. …parfois sur deux ou trois intercommunalités, voire trois et demie ou quatre, et cela marche formidablement.

M. Jean Lassalle. Du feu de Dieu !

M. Jean-Pierre Vigier. Je le dis clairement : imposer le transfert est une bêtise. Sur les territoires de montagne, on s’apprête à faire une sacrée marche arrière.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Excellent !

(L’amendement n203 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n359.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’article 8 bis vise à renforcer le rôle des préfets dans le cadre de la coordination des évolutions des services publics dans les départements, en leur attribuant un pouvoir d’alerte qui leur permettra d’obtenir un arbitrage interministériel, s’ils estiment que les évolutions envisagées localement sont susceptibles d’avoir des conséquences négatives sur l’accès au service public. Il reprend, à ce titre, une instruction ministérielle du 3 août 2016, en sécurisant ce dispositif dans la présente loi.

Monsieur le ministre, lors de votre visite en Lozère, vous avez mentionné pour la première fois ce droit d’alerte, qui n’a pas été utilisé aujourd’hui dans ce département, malgré la fermeture de trois perceptions, celles du Bleymard, de Meyrueis et de Villefort, de deux gendarmeries, à Saint-Alban et Saint-Germain-du-Teil, et du service des douanes. À l’appui de cet amendement, je souhaite savoir si l’on peut donner une base juridique définitive au droit d’alerte du préfet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Nous comprenons la préoccupation que vous exprimez par cet amendement, mon cher collègue. Toutefois, les dispositions que vous proposez relèvent du fonctionnement interne de l’État, c’est-à-dire des directives que le ministre – par exemple chargé de l’aménagement du territoire ou de l’éducation nationale – adresse aux services chargés de leur application. Elles ne relèvent pas du domaine législatif. Nous émettons donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Avis défavorable également. La mesure, qui ne relève pas de la loi, a fait l’objet d’une circulaire du Premier ministre auprès de tous les préfets. Je rappelle en outre qu’une des décisions des comités interministériels aux ruralité a été de faire élaborer conjointement par le préfet et le président du conseil départemental un schéma d’accessibilité aux services publics. Pendant la période d’élaboration de ce schéma, le préfet dispose désormais d’un droit d’alerte au Premier ministre ou à moi-même s’il considère que des projets de fermeture de services publics entrent en contradiction avec le document.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je retire l’amendement.

(L’amendement n359 est retiré.)

Article 8 ter

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 8 ter.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. C’est un article important car il a trait à l’éducation nationale. Là encore, de tout temps, les élus de la montagne se sont accordés sur le fait que l’on ne pouvait pas ouvrir et fermer des classes, encore moins des écoles, en fonction des critères applicables aux zones de plaine, et même aux zones rurales.

M. Jean Lassalle et M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

M. Martial Saddier. Il ne s’agit pas d’obtenir un passe-droit mais de tenir compte du fait que les distances ne sont pas les mêmes, que deux villages partageant une école peuvent être raccordés par un col susceptible d’être fermé, pour des raisons de viabilité, pendant les six mois de la période hivernale, que des routes desservies par les transports collectifs l’été peuvent ne pas l’être l’hiver, là encore pour des raisons de dangerosité. J’ajouterai à cela les temps de déplacement.

En 2011, avec des députés de toutes sensibilités politiques, nous avions obtenu collectivement, auprès de Luc Chatel, alors ministre de l’éducation nationale, une circulaire demandant aux directeurs académiques des services de l’éducation nationale, les DASEN, de se montrer très vigilants et de tenir compte de critères particuliers pour décider des ouvertures et des fermetures de classes en zone de montagne.

L’esprit de cette circulaire est repris dans le projet de loi, monsieur le ministre, c’est un pas important. J’espère que l’examen des amendements et le débat à venir conforteront la prise en compte de la très forte spécificité des écoles de montagne.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Décidément, j’abonde à nouveau dans le même sens que M. Saddier. Il est vrai que, pendant des décennies, nous avons tous défendu la même ligne, à l’échelle nationale d’ailleurs. On a commencé par déjouer dans les banlieues : on a vu ce qui s’était produit. On déjoue aujourd’hui totalement dans les campagnes. Je ne sais combien d’écoles ont été fermées.

Les inspecteurs d’académie – on les appelle autrement aujourd’hui – se sont appuyés sur des dispositions de la loi NOTRe pour faire disparaître certains postes et conduire à des regroupements pédagogiques qui ne peuvent absolument pas tenir la route. L’un de ces regroupements, qui est actuellement proposé, contraindrait des gamins de deux ou trois ans à effectuer trois quarts d’heure de transport matin et soir, après avoir franchi deux cols majeurs, pour rejoindre l’école, puis leur domicile. Même il y a 150 ans, M. Ferry et M. Grévy n’auraient pas imaginé cela ; ils se seraient été effondrés en voyant le sort de la République des hussards noirs.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. La discussion s’ouvre sur le chapitre III, intitulé « Prendre en compte les spécificités des territoires de montagne lors de la mise en œuvre des services publics ». Si je dois saluer l’effort accompli par la commission, qui a pensé à intégrer la notion de « services publics » dans le texte, je reste largement sur ma faim concernant les dispositions qui nous sont proposées : deux petits articles sur le milieu scolaire et un article pour le moins timide sur le milieu médical en zone de montagne. C’est dérisoire, comparé au déficit grave de services publics auquel sont confrontés les territoires montagnards. Dans ce domaine, tout reste à faire, et j’ai déposé de nombreux amendements, dont je ne peux que regretter qu’ils aient été rejetés sans discussion préalable, au titre de l’article 40 de la Constitution.

Je veux notamment parler de ma proposition de faire instituer par le ministère en charge de l’aménagement du territoire une charte du service public de proximité en milieu de montagne, qui fixerait les normes d’accès maximales au service public que toutes les administrations doivent respecter, et imposerait la présence d’au moins un relais de service public dans chaque siège d’un EPCI, comme cela existe au niveau postal. Cette charte, qui aurait force contraignante, est absolument essentielle pour assurer un bon maillage territorial des services publics dans les zones montagneuses. Il paraît en effet raisonnable que chaque citoyen français, résidant ou non en zone de montagne, puisse avoir accès aux principaux services publics en environ trente minutes au maximum.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ces amendements en discussion commune étant extrêmement consensuels, l’un d’eux devrait en toute logique être adopté. C’est une bonne chose car cet amendement de synthèse a été correctement travaillé : il permettra d’avoir un regard différent sur les écoles et les réseaux d’écoles en zone de montagne. De ce fait, mon amendement n208 devrait tomber.

Mme la présidente. Monsieur le président Chassaigne, je vous rappelle que vous êtes censé intervenir sur l’article.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, j’aurai ainsi présenté par anticipation mon amendement n208, qui, disais-je, devrait tomber à la suite de l’adoption de l’un des amendements en discussion commune, sans doute consensuel, tendant à supprimer l’alinéa 3 de l’article.

J’appelle l’attention sur le fait qu’il y est question des « conditions d’accès par les transports scolaires ». J’espère que les rapporteures et les auteurs de ces amendements préciseront que ces « conditions d’accès » englobent également le temps d’accès, notamment en période hivernale.

Mme Annie Genevard, rapporteure. C’est le cas.

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements, nos 67, 110, 126, 141, 267 et 344 deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 67, 110, 126, 141 et 267 sont identiques.

La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n67.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement a pour objet de donner une assise, dans la loi, à l’élaboration de la carte scolaire, notamment en zone de montagne. Il s’agit d’intégrer dans la loi des indicateurs, tels l’isolement de la commune, la durée de transport scolaire ou la prise en compte de la géographie, qui figuraient dans une circulaire du 30 décembre 2011. Cela permettra à ces écoles de montagne de déroger au fameux ratio P/E, dénombrant le nombre d’élèves par professeur, qui nous est souvent opposé pour justifier la fermeture de classes sur des territoires où l’on a besoin de conserver l’école, pour que les enfants n’aient pas à faire plus d’une demi-heure ou de trois quarts d’heure de transport matin et soir.

Ainsi, nous réaffirmerons que les écoles de montagne doivent être traitées de façon différente et que la spécificité de leur implantation doit être prise en compte. Tous les enfants, quel que soit leur lieu d’habitation, ont droit à une scolarité sereine, n’engendrant pas un surplus de fatigue. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement identique n110.

M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le ministre, sur les territoires ruraux et de montagne, l’école, c’est la vie.

M. Dino Cinieri et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Jean-Pierre Vigier. Il faut maintenir nos écoles chaque fois que c’est possible, en tenant compte des spécificités de nos territoires.

Je voudrais revenir sur la question des seuils. Pour ces écoles, il convient vraiment d’assouplir ces seuils, notamment ceux de fermeture. On sait très bien que le départ d’une famille de trois enfants peut faire passer sous le seuil en question et entraîner la fermeture d’une classe, qui n’ouvrira plus. Il est important d’analyser ce problème au cas par cas et, surtout, de maintenir nos écoles en territoires de montagne car, j’insiste, c’est la vie en leur sein qui en dépend. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement identique n126.

M. Lionel Tardy. L’article 8 ter fait partie des avancées obtenues en commission. Il prévoit l’inscription dans la loi de l’identification par le directeur académique des écoles situées en zone de montagne et pour lesquelles des modalités spécifiques d’organisation pourront s’appliquer, concernant notamment les seuils d’ouverture et de fermeture de classes, ou encore en termes d’accès aux transports scolaires.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Lionel Tardy. Mon amendement, à l’instar de ceux de mes collègues, a pour objet d’asseoir davantage le dispositif en prévoyant que la carte scolaire soit élaborée en fonction de ce diagnostic.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement identique n141.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement a pour objet d’introduire dans la loi des dispositions permettant d’adapter et de mettre en œuvre la carte scolaire, en identifiant les écoles et les réseaux d’écoles qui justifient l’application de modalités spécifiques d’organisation scolaire. J’insiste sur les réseaux d’écoles, notamment les EMALA, les équipes mobiles académiques de liaison et d’animation, qui, quoiqu’assez peu nombreuses en France, permettent des regroupements des petites écoles de montagne ; les enfants peuvent ainsi travailler et avoir des activités au sein de groupes plus nombreux. Cela justifie une organisation scolaire spécifique, notamment en termes de seuils d’ouverture et, surtout, de fermeture. Comme cela a été dit précédemment, en montagne, quand on ferme une classe, on ferme souvent une école.

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme Marie-Noëlle Battistel. Et quand on ferme une école, il est évidemment très difficile de la rouvrir. Le Gouvernement a créé de nombreux postes au cours de la mandature. Il ne s’agit pas que, demain, ces postes soient retirés des petites écoles de montagne.

Mme Sophie Errante. Absolument !

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’action menée a permis de conserver beaucoup d’écoles sur nos territoires pendant ces trois dernières années. Nous souhaitons évidemment que cela continue.

Mme Jeanine Dubié. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement identique n267.

M. Dino Cinieri. Cet amendement a pour objet de rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 de l’article 8 ter : « les mesures de carte scolaire permettent l’identification des écoles ou des réseaux d’écoles qui justifient l’application de modalités spécifiques d’organisation scolaire, notamment en termes de seuil d’ouverture et de fermeture de classe, au regard de leurs caractéristiques montagnardes, de la démographie scolaire, de l’isolement et des conditions d’accès par les transports scolaires ».

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure, pour soutenir l’amendement n344 deuxième rectification et donner l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 67, 110, 126, 141 et 267.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Ce sujet a fait l’objet d’échanges nombreux et nourris en commission. Lors des auditions que nous avons menées dans le cadre de la préparation de notre rapport, Mme Genevard et moi, nous avons constaté les disparités existant à l’échelle nationale quant à l’application de la circulaire de 2011, dont chacun a reconnu l’utilité. Nous avions pris l’engagement de réécrire quelque peu l’amendement adopté en commission, afin qu’il soit le plus clair possible et rédigé au mieux du point de vue juridique.

L’amendement que je vous présente s’efforce de synthétiser tout ce que vous avez pu dire, mes chers collègues, tout en tenant compte de quelques remarques qui nous ont été faites préalablement. Nous vous suggérons d’employer le terme « seuils » au pluriel, comme le fait la circulaire, afin de bien prendre en compte le seuil d’ouverture, qui diffère du seuil de fermeture. Nous préconisons également d’ajouter l’adjectif « publiques », qui figure dans toute la section relative à ces questions dans le code de l’éducation. De même, nous vous suggérons de retirer la référence au décret, puisqu’elle n’est pas requise : cet article, si nous l’adoptons, sera immédiatement applicable ; chacun souhaite qu’il soit applicable sur tout le territoire le plus rapidement possible. Il est donc inutile de renvoyer à un décret, dont l’élaboration prendrait du temps et qui devrait être validé par les différents ministres, alors que nous avons leur accord, qu’il s’agisse du ministre de l’éducation nationale, que je remercie, ainsi que ses services, ou du ministre de l’aménagement du territoire.

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. C’est ce qui s’appelle la simplification ! Bravo !

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Simplification, effectivement, complément juridique et surtout, chacun l’a bien compris, défense de nos territoires de montagne.

Monsieur le président Chassaigne, il est bien clair que, lorsque nous parlons d’organisation, nous prenons en compte non seulement la carte scolaire mais aussi, plus largement, la question des transports. Cet amendement vient donc compléter l’article, de même que votre amendement n201, qui tendait à prendre en compte le temps de parcours des élèves et des patients, avait utilement complété l’article 1er.

M. André Chassaigne. Merci, madame la rapporteure !

Mme la présidente. Et donc, sur les amendements identiques, quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Si nos collègues en étaient d’accord, je leur suggérerais le retrait de leurs amendements identiques pour se rallier à l’amendement n344 deuxième rectification, qui a l’avantage, me semble-t-il, d’être directement applicable. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les six amendements en discussion commune ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est vrai qu’à l’occasion du travail en commission, vous aviez souhaité que nous allions plus au fond, dans les conversations avec le ministère de l’éducation nationale, pour que les préoccupations évoquées à l’instant par l’ensemble des intervenants soient pleinement prises en compte et qu’au-delà de la loi, les pratiques de carte scolaire changent dans les zones de montagne.

Je note avec satisfaction que l’amendement déposé par les rapporteures rejoint nombre de ces préoccupations et marque même une évolution, à laquelle la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche est elle-même très attachée. Il permet en tout cas d’introduire dans la loi la nécessaire prise en compte des spécificités des territoires de montagne dans le cadre de l’élaboration de la carte scolaire, et s’inscrit dans la continuité des circulaires de décembre 2011 et juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République.

La circulaire de 2011 relative aux écoles de montagne est ainsi prise en compte dans le cadre de la politique de conventionnement conduite dans les territoires entre les élus et les services. Beaucoup de conventions ont déjà été signées, notamment chez vous, madame la députée Jeanine Dubié, dans les Hautes-Pyrénées, ou chez vous, madame la présidente de la commission Frédérique Massat, dans l’Ariège. D’autres sont en cours de discussion. Une instruction concertée avec les associations d’élus permettra de décliner très concrètement l’amendement qui vient d’être défendu, auquel je suis tout à fait favorable, car il marque un changement durable et justifie à lui seul l’intérêt de cette seconde loi montagne.

L’avis du Gouvernement est donc favorable sur l’amendement présenté par les co-rapporteures, et je m’associe à leur demande de retrait s’agissant des autres amendements en discussion commune, qui sont tous identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Tout d’abord, il est important pour nous que les conventions déjà signées avec les départements puissent être renouvelées. Une instruction relative à la déclinaison de cet amendement serait en phase d’achèvement, et son importance tient à ce qu’elle concerne à la fois l’école de montagne et l’école rurale. On ne peut pas en effet laisser de côté l’école rurale : si nous avons des difficultés parce qu’il neige, d’autres doivent composer avec des difficultés comparables, par exemple un habitat disséminé ou du verglas sur toutes les routes.

Ces amendements en discussion commune sont identiques, à l’exception de celui des co-rapporteures, qui a été légèrement modifié au dernier moment. Nous acceptons donc de retirer notre amendement, sous réserve que mesdames les co-rapporteures acceptent la cosignature de l’ensemble des auteurs des amendements identiques, de façon à marquer l’œuvre de coproduction.

Mme Sylvia Pinel. Très bien !

(L’amendement n67 est retiré.)

Mme la présidente. Monsieur Saddier, souhaitez-vous maintenir votre amendement ?

M. Martial Saddier. Je formule la même proposition, madame la présidente : nous retirerons notre amendement à condition d’apparaître comme cosignataires de l’amendement des co-rapporteures.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

(L’amendement n110 est retiré.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il n’est pas possible de modifier les signataires ; le compte rendu fera néanmoins état du fait que vos amendements étaient presque identiques.

M. Tardy ayant quitté l’hémicycle,…

M. Martial Saddier. Il pense comme nous !

Mme la présidente. …je donne la parole à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je retire mon amendement, selon les conditions qui ont été énoncées précédemment.

(L’amendement n141 est retiré.)

Mme la présidente. Acceptez-vous de retirer votre amendement, monsieur Cinieri ?

M. Dino Cinieri. Je le retire, selon les mêmes conditions.

(L’amendement n267 est retiré.)

Mme la présidente. Je répète qu’il ne saurait y avoir de condition au retrait d’un amendement, chers collègues.

M. Dino Cinieri. Mais nous, nous décidons d’en poser une ! (Sourires.)

Mme la présidente. Le compte rendu des débats éclairera cependant les lecteurs sur vos décisions.

L’amendement de M. Tardy n’ayant pu, en l’absence de son auteur, être retiré, je vais le mettre aux voix.

(L’amendement n126 n’est pas adopté.)

(L’amendement n344 deuxième rectification est adopté ; en conséquence, les amendements nos 39 rectifié et 208 tombent.)

(L’article 8 ter, amendé, est adopté.)

Après l’article 8 ter

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 8 ter.

La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n170.

M. Philippe Folliot. Je m’associe bien entendu aux propos qui ont été tenus sur l’importance de l’article 8 ter, d’autant plus que, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, c’est dans le département du Tarn, plus particulièrement dans le secteur des monts de Lacaune, qu’avaient été lancées les premières expérimentations en matière de protocole montagne. À la plus grande satisfaction de tous, cela fonctionne depuis plus de dix ans.

L’objet de mon amendement est de transposer aux collèges ce qui fonctionne pour les écoles primaires, c’est-à-dire de prévoir que le conseil départemental de l’éducation nationale prenne en compte les spécificités des territoires sur lesquels se trouvent les collèges de montagne. Je ne doute point que cet amendement, qui me semble bon, recueille votre assentiment, monsieur le ministre, car il est complémentaire et cohérent avec le reste du texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie Genevard, rapporteure. En vertu du parallélisme des formes et compte tenu de l’amendement très important que nous venons d’adopter, nous pouvons donner un avis favorable sur votre amendement, mon cher collègue. La question scolaire sera ainsi consacrée dans ce texte de loi sur la montagne. En effet, nous le savons, la scolarisation, la santé et le numérique sont trois des sujets majeurs qui touchent à la vie quotidienne des habitants de ces territoires.

M. Charles-Ange Ginesy. Tout à fait !

Mme Annie Genevard, rapporteure. Nous traitons ici l’une d’entre elles, qui est importante, avant d’aborder le numérique, qui ne l’est pas moins.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Au nom du Gouvernement, je me félicite de l’esprit de consensus qui continue de régner dans ce débat. Une nouvelle démonstration vient d’en être faite avec le retrait de plusieurs amendements au profit de celui des rapporteures. Dans le même état d’esprit, conformément à ce que vient de dire Mme Genevard, le Gouvernement donne un avis favorable à votre amendement, monsieur Folliot.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. J’aimerais avoir quelques éclaircissements.

L’amendement qui vient d’être adopté, n344 deuxième rectification de Mmes les rapporteures, ouvrait largement le spectre des exceptions possibles, pour tenir compte des « caractéristiques montagnardes, de la démographie scolaire, de l’isolement et des conditions d’accès par les transports scolaires ». Les exceptions ne désignent donc pas uniquement la montagne ; si je fais erreur, je vous saurais gré de me le dire.

Or, dans l’amendement que proposent M. Folliot et ses alliés politiques, les exceptions à la mise en œuvre de la carte scolaire pour les collèges ne se justifieraient qu’au regard de « leurs caractéristiques montagnardes ». Cette restriction me laisse dubitative car certaines zones rurales rencontrent également des difficultés pour envoyer les enfants au collège.

(L’amendement n170 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n204.

M. André Chassaigne. Si vous êtes d’accord, madame la présidente, je présenterai également l’amendement n205. Je peux même aller jusqu’au 206…

Mme la présidente. Je vous propose, pour plus de cohérence, de commencer par les deux premiers, monsieur Chassaigne. Vous soutiendrez ensuite conjointement les amendements nos 206 et 207.

M. André Chassaigne. Je souhaite revenir sur un débat qui nous a occupés longuement en commission. Je pensais d’ailleurs que les rapporteures déposeraient un amendement pour revenir sur la question du transfert de la compétence sur l’eau des communes aux communautés de communes.

Je m’adresse ici aux collègues qui connaissent les difficultés rencontrées sur les territoires, qui savent que, depuis des décennies, l’alimentation en eau s’est construite à l’échelle communale, au plus près des besoins des populations, en tenant compte des spécificités des communes.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

M. André Chassaigne. Le premier amendement, le n204, considère qu’une commune peut conserver la compétence sur l’eau par délibération. Il s’agit donc de revenir sur une décision prise dans le cadre de la loi NOTRe, mais en s’appuyant sur les spécificités des communes de montagne, où la gestion des bassins-versants et l’impossibilité de connexion des différents réseaux justifient un traitement particulier.

M. Jean-Pierre Vigier. Bien sûr !

M. André Chassaigne. Le deuxième amendement, le n205, prévoit le non-transfert quand la régie directe est assurée à l’échelle communale.

Je le dis et le répète, ces propositions s’appuient sur des demandes insistantes émanant de nos communes, par la voix de leurs conseils municipaux. On ne mesure pas quelles seront les conséquences de ce transfert de compétences, mais j’affirme aujourd’hui que ce sera impraticable sur le terrain, que les situations seront inextricables : alors que les réseaux d’alimentation fonctionnent très bien à l’heure actuelle, ils rencontreront les pires difficultés de fonctionnement s’ils sont gérés dans le cadre de très grandes intercommunalités.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Nous nous sommes exprimés de manière générale voilà quelques instants sur les raisons pour lesquelles nous ne souhaitions pas rouvrir les débats qui ont eu lieu dans le cadre de l’examen de la loi NOTRe. Nous émettrons donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, pour les motifs explicitées par ma collègue Annie Genevard et pour ceux avancées par M. le ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le député Chassaigne, comme vient de le rappeler Mme la rapporteure, nous n’allons pas, sur chaque sujet, rouvrir les débats traités dans le cadre de la loi NOTRe, qui a permis de poser des principes, d’adopter un certain nombre de positions et de fixer des délais. Et nous le ferons d’autant moins dans le présent texte de loi que ces sujets ne concernent pas les seules zones de montagne ; comme vous venez d’en faire le rappel dans votre brillante péroraison, ils existent dans l’ensemble des territoires ruraux.

M. Jean Lassalle. C’est exact !

M. Jean-Pierre Vigier. En effet !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Cela dit, je vous confirme qu’une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités peut recourir à plusieurs modes de gestion distincts pour un même service public : délégation de service public, régie ou syndicat. À Bordeaux Métropole, par exemple, le service a été concédé dans vingt-trois des vingt-huit communes, tandis que cinq autres le prennent en charge en régie.

Quant à la différenciation des tarifs au sein d’un même EPCI, elle est possible dès lors qu’il existe des différences de situation appréciables entre usagers ou une nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation du service.

Le droit en vigueur permet donc une certaine souplesse et il n’est pas possible de revenir sur le principe de fond.

Le Gouvernement, comme la commission, émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. La question soulevée par notre collègue André Chassaigne concerne les territoires de montagne un peu plus que les autres : pour une intercommunalité composée d’une ville dans la plaine et de territoires de montagne très isolés, avec des caractéristiques particulières en termes de gestion des ressources, la personne en charge du service, souvent employée par plusieurs collectivités, est la seule à pouvoir faire correctement son travail sur des réseaux extrêmement complexes.

Sur le fond, ces collectivités craignent d’être absorbées dans une privatisation décidée par la collectivité prépondérante de l’intercommunalité. Les collectivités s’inquiètent de savoir si plusieurs modes de gestion peuvent coexister sur un même territoire ; or le ministre vient de nous répondre par l’affirmative. Elles feront donc valoir ce droit à partir des textes et de la jurisprudence que M. le ministre voudra bien nous transmettre.

L’autre inquiétude, qui porte sur la tarification, a également été évoquée par le ministre : une différenciation peut être établie entre les communes faisant appel à un opérateur privé et celles qui resteront en régie.

Les éléments qui viennent d’être portés au débat sont de nature à rassurer les collectivités, notamment de montagne, qui craignent l’absorption, par le biais de leur intercommunalité, dans le cadre d’une délégation de service public contraire à leur volonté.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Le maillage actuel de réseaux territoriaux et le service de proximité fonctionnent très bien. À vous entendre, des usines à gaz seront montées, avec pour conséquences un éloignement du terrain et la fixation de prix différents d’un territoire à l’autre. Au final, l’abonné perdra la qualité du service et verra les prix s’envoler. Ce transfert cassera un service et un maillage territorial qui marchent très bien. Je soutiens donc les amendements de mon collègue Chassaigne.

M. Jean Lassalle. Moi aussi !

(Les amendements nos 204 et 205, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Sur l’amendement n207, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vous invite maintenant, monsieur Chassaigne, à présenter conjointement les amendements nos 206 et 207.

M. André Chassaigne. L’amendement n206 vise à donner à la commune la possibilité de solliciter de plein droit le maintien dans son champ de compétence de la gestion du service de l’eau.

L’amendement n207, sur lequel j’ai demandé un scrutin public, est peut-être satisfait, mais je demande des explications à M. le ministre – que je remercie d’ailleurs pour la précision de sa réponse précédente. Il propose qu’une commune puisse solliciter de la communauté de communes, par délibération, le bénéfice d’une convention de gestion déléguée. Ce serait donc la communauté de communes qui déciderait d’accorder ou non une telle gestion déléguée.

M. Joël Giraud. Eh oui !

M. André Chassaigne. Elle en a actuellement la possibilité, mais dans le cadre de compétences optionnelles. De nombreuses intercommunalités – la communauté d’agglomération de Saint-Etienne par exemple, m’a-t-on dit – délèguent de telles compétences à certaines communes, sur leur demande. J’aimerais savoir si la communauté de communes dispose d’une telle possibilité dans le cadre d’une compétence obligatoire. Bien évidemment, si votre réponse est positive, monsieur le ministre, je retirerai cet amendement, car le problème sera réglé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, comme sur les deux précédents.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’intercommunalité ne peut déléguer une compétence à la commune. En revanche, elle peut l’exercer sur son territoire, dans le cadre d’une régie. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur les deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je soutiens l’amendement de « Dédé le rouge », qui est le dernier et, je l’espère, restera longtemps parmi nous. (Rires.) Cet amendement est en effet le bon sens même, c’est la France. Si une commune a la capacité de faire librement ce qu’elle est en droit de faire, il faut qu’elle puisse le faire ; cela s’appelle la subsidiarité. Malheureusement, je crains que les intercommunalités gloutonnes ne les laissent pas toujours faire. Adopter cet amendement faciliterait les choses.

Je profite par ailleurs de l’occasion pour porter un coup supplémentaire à la loi NOTRe. J’ai en effet préparé un petit caveau portant l’épitaphe : « Ci-gît la loi NOTRe ». Il faudra bien un jour avoir sa peau !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Quel langage !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Monsieur le ministre, auriez-vous l’obligeance de préciser votre réponse ? La question soulevée par André Chassaigne est très importante. Les communautés de communes vont écoper de la compétence de gestion de l’eau potable. Il risque d’en résulter, dans un grand nombre de cas, la coexistence, sur le territoire intercommunal, de communes ayant confié cette compétence à un syndicat, auquel la communauté de communes transférera immédiatement la compétence récemment acquise, et de quelques communes exerçant cette compétence en régie directe. Si, dans ce dernier cas, la communauté de communes doit l’exercer, il en résultera de nombreux problèmes, au premier rang desquels celui du transfert des charges.

M. Jean-Pierre Vigier. Très juste !

M. Arnaud Viala. Celui-ci sera en effet très inégalitaire selon que les communes continueront de confier leur compétence au syndicat ou bien qu’elles la conserveront et verront la communauté de communes l’exercer pour elles.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Arnaud Viala. Nous butons actuellement sur ce problème, résultant de la mise en œuvre du texte que Jean Lassalle a prévu d’incinérer.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je demande à nouveau des précisions car je n’ai pas très bien compris. Il me semble, à moins que j’aie mal interprété les dispositions appliquées, qu’une communauté de communes, dans l’état actuel du droit, peut confier à une commune l’exercice d’une compétence, sous tel ou tel habillage.

M. Martial Saddier. Pas s’il s’agit d’une compétence obligatoire !

M. André Chassaigne. J’ai bien précisé tout à l’heure qu’un tel transfert ne concerne que les compétences optionnelles. J’aimerais donc savoir si ce qui actuellement faisable dans le cadre d’une compétence optionnelle l’est aussi dans le cadre d’une compétence obligatoire.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Lorsque, dans la loi NOTRe, la compétence transport a été généralisée et confiée aux régions, il a clairement été dit, sur le banc du Gouvernement – et cela me semble une très bonne chose –, qu’une convention de gestion pourrait être conclue entre la région et les départements afin d’assurer les transports scolaires de proximité. De même, je comprends bien qu’une intercommunalité ne puisse « redéléguer » une compétence qui lui a été déléguée. Mais une convention de gestion n’est pas une délégation de compétence ; c’est simplement une convention prévoyant qu’une collectivité de rang inférieur, si j’ose dire, assure un service, pour des raisons de proximité.

Je ne vois pas pourquoi ce qui est possible de région à département en matière de transport scolaire pour des raisons de proximité ne l’est pas, en matière d’eau, de communauté de communes à commune membre de cet EPCI. Au demeurant, un tel transfert d’une compétence obligatoire a lieu assez souvent, afin d’éviter de faire enfler les effectifs des communautés de communes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Il me semble que notre collègue Chassaigne ne propose pas de transférer à la commune cette compétence, qui demeure bien dans le champ de l’intercommunalité.

M. Joël Giraud. Absolument !

Mme Jeanine Dubié. En revanche, celle-ci peut tout à fait en confier la gestion à la commune par convention.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’exemple des transports, cité par M. Giraud, concernant deux niveaux de collectivités – région et département –, il est en effet possible de conventionner. Intercommunalité et commune faisant partie du bloc communal, il n’est donc pas possible de déléguer.

M. Joël Giraud. Il faut donc que la loi le prévoie !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. En revanche, l’intercommunalité peut déléguer une compétence qui lui est propre, sur le territoire de telle ou telle commune, par délégation de service public, par régie ou par syndicat, selon son choix.

M. André Chassaigne. Cela ne règle pas le problème !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne vous dis pas que cela règle le problème, monsieur Chassaigne. Vous m’avez demandé le détail de la loi, aussi je vous le donne, à la lumière des conseils avisés de mes collaborateurs.

M. André Chassaigne. Nous allons donc changer la loi !

Mme la présidente. Nous allons donc passer au vote.

(L’amendement n206 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n207.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants37
Nombre de suffrages exprimés37
Majorité absolue19
Pour l’adoption15
contre22

(L’amendement n207 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n169.

M. Philippe Folliot. Cet amendement porte également sur l’éducation. Le Gouvernement serait chargé de remettre au Parlement un rapport de réflexion voire d’expérimentation sur la mise en place de « pôles de services enfance jeunesse » dans les territoires de montagne. Ceux-ci pourraient s’inscrire dans des schémas de mutualisation, autour d’une école, de tout ce qui relève de la crèche et de l’accueil de la petite enfance, et comporter des centres de loisirs sans hébergement assurant l’accueil avant et après l’école. Il s’agit d’élaborer, pour les zones rurales, des schémas adaptant tout ce qui fonctionne en ville.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie Genevard, rapporteure. Vous proposez, cher collègue, que le Gouvernement remette un rapport sur la mise en place de « pôles de services enfance jeunesse » au Parlement six mois après la promulgation de la loi. Le sujet préoccupe beaucoup les élus locaux, notamment en montagne, puisqu’il a trait à la question plus globale des services en montagne. Si la question soulevée est légitime, nous sommes néanmoins défavorables à cet amendement car la notion de « pôle de service enfance jeunesse » n’est pas définie juridiquement. La remise d’un rapport sur ce sujet ne semble donc pas pertinente. Il incombe aux collectivités locales d’évaluer l’opportunité de créer de tels pôles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je répète ici ce que j’ai déjà dit en commission : je ne suis pas favorable à la sidérante multiplication des rapports,…

Mme Sylvia Pinel. Et vous avez raison !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. …sauf dans des cas précis, et nous n’y sommes pas. Je vous rappelle également, monsieur Folliot, que le Premier ministre a justement confié une mission, visant à dynamiser et améliorer l’offre scolaire et plus largement éducative dans les départements ruraux et de montagne, au sénateur Duran,...

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Sénateur de l’Ariège !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. …sénateur de l’Ariège en effet, comme le fait excellemment remarquer Mme la présidente Frédérique Massat, très attachée à ce département, qui l’a vu naître. (Sourires.) Il a rendu ses conclusions au printemps dernier. Nous n’allons donc pas prévoir, à peine un rapport rendu, un rapport du même ordre. Je vous encourage par conséquent, monsieur Folliot, à retirer votre amendement.

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Et à lire le rapport Duran !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. J’ai bien entendu M. le ministre. Je retire cet amendement.

(L’amendement n169 est retiré.)

Article 8 quater

Mme la présidente. Deux orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Ayant à faire, je m’absenterai après cette intervention, en espérant que vous ne me regretterez pas trop, mais je reviendrai ce soir.

Il me semble que le titre II du texte est presque inutile, car soutenir l’emploi et le dynamisme économique en montagne est impossible, malgré les travaux qui fondent ce texte et malgré tout ce que nous avons imaginé. C’est impossible – et je ne parle même pas du déploiement des réseaux numériques et mobiles, à propos duquel j’aurais tellement à dire, laissant ce soin à mes collègues, qui en parleront très bien – car, dans une très grande partie de la montagne, tout est figé.

J’ai déjà eu l’occasion de dénoncer ces textes, ces directives, qui empêchent de prendre toute mesure. Le problème est bien plus grave qu’il n’y paraît. De véritables lobbies se sont emparés de notre territoire, par l’entremise d’ONG extrêmement puissantes. Je pense notamment au WWF, créé il y a cinquante-deux ans par le patron des cigarettes Dunhill, le plus grand cigarettier du monde, humaniste reconnu. D’origine hollandaise, il avait réussi à adjoindre une substance au goudron et à la nicotine de ses cigarettes pour rendre à jamais dépendants ceux qui les fumaient. Il s’est beaucoup illustré en faveur d’une autre cause humaniste : la défense de l’apartheid en Afrique du Sud. Il a enfin créé le WWF pour réintroduire des ours, des loups et des lynx dans les montagnes, afin de réveiller la sensiblerie des zones urbaines, coupées de la montagne et des vastes territoires de campagnes, les faisant ainsi un peu plus mourir.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je souhaite profiter de l’examen de l’article 8 quater, relatif aux services publics en zone de montagne, pour tirer la sonnette d’alarme et appeler votre attention sur la désertification des commerces de première nécessité, qui représentent une forme de service public, puisqu’ils permettent aux habitants de zones plus enclavées de faire leurs courses quotidiennement, et contribuent ainsi à renforcer les liens sociaux.

Or ces commerces ferment les uns après les autres sur nos territoires de montage, où la densité de population est très faible, et la rentabilité aussi, par conséquent. Les bars, boulangeries, boucheries ou épiceries sont confrontés à de graves difficultés et doivent assumer d’importants frais quotidiens, qui peuvent s’avérer insurmontables, notamment le chauffage, l’entretien des locaux et les charges. Ceux-ci peuvent mettre en péril les commerces. Leur disparition porte un sérieux préjudice aux habitants des petites communes.

J’ai proposé deux mesures afin de les aider à se maintenir et de garantir ainsi la vitalité des territoires montagnards. Je ne pourrai malheureusement pas défendre mes deux amendements, rejetés au titre de l’article 40.

La première mesure consistait à créer une prime, comme il en existe déjà en faveur des buralistes, pour les commerces de première nécessité situés dans les territoires de montagne en difficulté économique, en échange d’une activité de service public.

La deuxième mesure consistait à porter le FISAC – fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce – à 50 % pour toutes les mesures d’aménagement et d’adaptation de ces commerces.

(L’article 8 quater est adopté.)

Après l’article 8 quater

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 8 quater.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n38.

M. Dino Cinieri. Cet amendement de M. Abad tend à permettre aux régies dotées de la personnalité juridique et de l’autonomie financière d’être rattachées à plusieurs collectivités territoriales, afin de répondre aux besoins nés des nouveaux enjeux territoriaux et d’assurer une gestion opérationnelle et économiquement opportune. De surcroît, les perspectives économiques que dégagerait la mutualisation des moyens ne sont pas négligeables.

De nombreuses collectivités territoriales ont choisi un opérateur interne pour gérer leurs services publics locaux. Cette tendance se confirme, dépassant les clivages politiques. Ce mode de gestion convainc les élus locaux pour plusieurs raisons. La gestion directe permet de mieux maîtriser le service, du fait de la relation particulière entre l’opérateur et sa collectivité de rattachement. La maîtrise des coûts, les économies générées par la mutualisation ainsi que l’efficacité de la réponse permise par la proximité entre la collectivité et l’opérateur sont autant d’arguments démontrant la pertinence de cet outil.

En outre, la création de ce type d’opérateurs dynamise la concurrence dans des secteurs parfois peu concurrentiels, marqués par la présence de quelques grands groupes. Les entreprises publiques permettent aux élus de conserver leur pouvoir de décision sur la gestion de leurs services publics.

À la suite de l’adoption de la loi NOTRe, les transferts de compétences en matière de transports publics posent des difficultés aux autorités organisatrices de transports qui disposent d’un opérateur interne prenant la forme d’une régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, c’est-à-dire un établissement public industriel et commercial. En effet, la loi NOTRe n’organise pas le transfert de ces entreprises de transports, ce qui pose des problèmes, s’agissant notamment des biens et du personnel, puisqu’aucune disposition ne traite de leur devenir dans le cadre du transfert de compétences du département vers la région.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Avis défavorable car les dispositions de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale répondent au problème soulevé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Mêmes commentaires, même avis.

(L’amendement n38 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n231.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie Genevard, rapporteure. La commission est favorable à cet amendement. S’il est adopté, il modifiera les règles d’accessibilité au réseau de La Poste, qui devront désormais prendre en compte le classement en zone de montagne.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement aussi est favorable à l’amendement de M. Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ma démonstration vous a donc convaincu !

(L’amendement n231 est adopté.)

Article 8 quinquies

Mme la présidente. Deux orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je voudrais dire quelques mots de ce sujet si important qu’est la santé. Comme vous, monsieur le ministre, je ne suis pas friand des rapports, mais certains sujets, de par leur complexité et la persistance, reconnue par tous, de difficultés, méritent de l’attention – vous l’avez d’ailleurs reconnu.

Nous savons tous que les grands enjeux et les grands arbitrages interviennent au niveau des ARS, les agences régionale de santé, et désormais, probablement pour un certain temps, au niveau des GHT, les groupements hospitaliers de territoire, qui viennent d’être mis en place.

Obtenir des périmètres de GHT qui correspondent aux bassins de vie ne fut pas simple partout car l’esprit et la genèse de ces structures est bien d’organiser la santé et l’offre de soins pour nos compatriotes à l’échelle des bassins de vie. À présent que ces GHT, relativement grands, sont installés, il devient impératif d’obtenir une lisibilité du coût spécifique de l’offre médicale et des actes médicaux dans les zones de montagne. Tel est l’objet de l’article 8 quinquies.

Il est indispensable que le Parlement et le Gouvernement poursuivent leur travail pour offrir aux zones de montagne une reconnaissance dans le cadre des ARS et des GHT, et, au-delà, un fléchage budgétaire, afin que les habitants des zones de montagne mais aussi les nombreux touristes qui s’y rendent, puissent bénéficier d’un service public médical de la même qualité que ceux des autres territoires de notre République. J’ai déposé un amendement en ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’article 8 quinquies aborde l’important sujet du milieu médical en milieu montagnard mais ne fait que l’effleurer alors que la désertification médicale atteint des sommets dans ces zones et que la situation est particulièrement préoccupante. Malgré leur importance – bourses nationales et départementales, maisons de santé, très onéreuses et requérant un projet de santé, exonérations totales d’impôts sur le revenu pendant cinq ans puis dégressives pendant quatre ans, je crois, dans les zones de revitalisation rurale, fiscalité locale avantageuse, parfois exonération de loyers –, les aides demeurent insuffisantes pour faire venir des médecins en milieu rural ou inciter ceux qui y sont à y rester.

Les zones de montagne, à l’instar des zones rurales, se caractérisent, à mon sens, par une pénibilité accrue de l’exercice de la profession de médecin, du fait, d’une part, de l’insuffisance de l’offre de soins, qui fait peser une pression trop lourde sur le praticien et, de l’autre, de la faible densité de population, qui l’oblige à de nombreux déplacements, sur des terrains montagneux difficilement praticables.

En résumé, la désertification médicale accroît la pénibilité du travail, laquelle est à l’origine de la désertification médicale. Il est nécessaire de mettre fin à ce cercle vicieux, en encourageant les médecins à s’installer en zone de montagne, grâce à un dispositif de reconnaissance de la pénibilité de leur travail, dans le calcul de leur retraite. Des jeunes pourraient ainsi avoir envie de s’y installer et ceux qui y sont déjà, d’y rester.

(L’article 8 quinquies est adopté.)

Après l’article 8 quinquies

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 8 quinquies.

Les amendements nos 301 et 474 sont identiques.

La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n301.

M. Joël Giraud. Nous avons déjà évoqué en commission la question du statut juridique des secours sur pistes. Selon le code général des collectivités territoriales, vous savez que le maire peut, dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative, confier à un prestataire privé l’exécution de ces prestations de secours. Celles-ci ne disposent actuellement pas d’un statut juridique, ce que nous vous proposons d’établir dans ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour soutenir l’amendement identique n474.

M. Charles-Ange Ginesy. Cet amendement vise à rationaliser le transport des blessés à la suite d’un accident sur les pistes de ski. Aujourd’hui, pour des raisons de responsabilité, les blessés sont presque toujours évacués vers un centre hospitalier. Pourtant, dans la majorité des cas, compte tenu de la nature des blessures, l’acheminement vers un hôpital n’est pas nécessaire. Ce processus n’est donc pas rationnel et participe à l’encombrement des services d’urgence des hôpitaux.

Par conséquent, il est proposé de déterminer la destination d’évacuation du blessé en fonction de sa pathologie, celle-ci étant analysée par le pisteur secouriste lors de la prise en charge de la personne ou par le médecin qui se trouve sur place. Le blessé sera alors évacué vers un centre médical approprié. Bien évidemment, en cas d’urgence médicale, il sera acheminé dans un centre hospitalier.

Cette proposition a été élaborée en concertation avec l’ensemble des acteurs de la médecine de montagne et des professionnels de la montagne intervenant dans l’organisation des secours : l’association Médecins de montagne, le SAMU de France, le conseil départemental de l’ordre des médecins de la Savoie, l’agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que Domaines skiables de France et l’Association nationale des directeurs de services des pistes.

J’ajoute que les services départementaux d’incendie et de secours sont souvent surchargés parce qu’ils doivent mobiliser des véhicules de secours et d’assistance aux blessés pour assurer ces évacuations.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Nous nous sommes engagés en commission à travailler, avec le ministère des affaires sociales et de la santé, à une rédaction susceptible de satisfaire nos collègues. Nous proposons deux amendements pour répondre aux différentes problématiques : l’amendement 400 rectifié et un second, relatif à l’évacuation des blessés depuis le domaine skiable, qui répond plus spécifiquement au problème soulevé par M. Ginesy.

Je vous invite par conséquent à vous rallier à nos propositions des rapporteures et à retirer vos amendements. Sinon, l’avis de la commission sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même avis. Comme elles s’y étaient engagées en commission, les rapporteures ont travaillé avec le ministère des affaires sociales et de la santé, et déposé des amendements que le Gouvernement soutiendra.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Je vous demande de suspendre la séance pendant cinq minutes, madame la présidente, pour que nous puissions examiner les amendements en question et prendre une décision.

M. Dino Cinieri. Ce sera utile !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Je retire l’amendement n301 au profit d’un amendement qui sera appelé tout à l’heure et sous-amendé.

Mme la présidente. Maintenez-vous l’amendement n474, monsieur Ginesy ?

M. Charles-Ange Ginesy. Je le retire également.

(Les amendements identiques nos 301 et 474 sont retirés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 107, 128, 138, 153 et 262.

La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n107.

M. Martial Saddier. Je pense qu’il sera satisfait par l’amendement que nous avons décidé de sous-amender lors de la suspension de séance – laquelle s’en trouve ainsi rentabilisée ! Si les rapporteures me le confirment, je le retirerai.

Mme la présidente. Madame Laclais ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Je le confirme.

Mme la présidente. Retirez-vous également l’amendement n128, monsieur Tardy ?

M. Lionel Tardy. Oui.

Mme la présidente. L’amendement n138 également, madame Battistel ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Oui, au profit de l’écriture collégiale que nous allons proposer.

Mme la présidente. Qu’en est-il de l’amendement n153, monsieur Giraud ?

M. Joël Giraud. Je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n262 également, monsieur Folliot ?

M. Philippe Folliot. Oui.

(Les amendements identiques nos 107, 128, 138, 153 et 262 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement n400 deuxième rectification, qui fait l’objet d’un sous-amendement n547.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Après discussion en commission et avec le ministère chargé de la santé, nous proposons de compléter l’article L. 1434-3 du code de la santé publique afin de prévoir qu’un volet du schéma régional de santé soit consacré aux besoins de santé spécifiques des populations de montagne – résidents permanents comme touristes de passage –, notamment en termes d’accès aux soins urgents et d’évacuation de blessés sur les pistes. Nous répondons ainsi, me semble-t-il, au souci exprimé par nos collègues.

La suspension de séance a permis de tomber d’accord sur l’exigence de rendre ce volet systématique et non pas simplement facultatif, ce qui ne pose pas de difficultés aux rapporteurs – j’anticipe ici ma réponse favorable à la proposition de sous-amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir le sous-amendement n547, cosigné par les auteurs des amendements qui viennent d’être retirés.

M. Martial Saddier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Favorable au sous-amendement et à l’amendement.

(Le sous-amendement n547 est adopté.)

(L’amendement n400 deuxième rectification, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n337 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement n548.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement.

Mme Annie Genevard, rapporteure. Cet amendement vise à compléter la composition du conseil territorial de santé pour y inclure un membre du comité de massif concerné. Le sous-amendement, auquel la commission est favorable, vise à supprimer les mots : « le cas échéant ».

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir le sous-amendement n548.

M. Joël Giraud. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Favorable au sous-amendement et à l’amendement.

(Le sous-amendement n548 est adopté.)

(L’amendement n337 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 339 et 171, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n339.

Mme Annie Genevard, rapporteure. Comme cela a été dit précédemment, la santé constitue avec l’école l’un des sujets majeurs de ce projet de loi et l’une des préoccupations souvent exprimée par les élus en matière d’insuffisance d’offre, d’accessibilité, de coordination et de continuité des services sanitaires. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que soient mentionnés les mots : « aux zones de montagne », à la dernière phrase du premier alinéa du III de l’article L. 1434-10 du code de la santé publique, après le mot « ville », afin de renforcer leur prise en compte dans les diagnostics territoriaux de santé.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n171.

M. Philippe Folliot. Cet amendement va dans le même sens que celui des rapporteures,…

Mme Annie Genevard, rapporteure. Il est satisfait !

M. Philippe Folliot. …mais il est peut-être un petit peu mieux placé, puisqu’il ne pas fait référence à la ville, mais propose de remplacer, à la fin de la dernière phrase du premier alinéa du III de l’article L. 1434-10 du code de la santé publique, les mots : « et aux zones de revitalisation rurale » par les mots : « aux zones de revitalisation rurale et aux territoires situés en zone de montagne. » En effet, tous les territoires de montagne ne sont pas forcément en zone de revitalisation rurale. En revanche, la situation de la santé dans les territoires de montagne est très spécifique. Comme cela a été fort justement dit par Mme la rapporteure, la dimension sanitaire est particulièrement importante dans ce projet de loi, parce que c’est une préoccupation qui touche l’ensemble de nos concitoyens en zone de montagne.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie Genevard, rapporteure. Monsieur le député, nous considérons que votre préoccupation est satisfaite par notre amendement. Je vous suggère donc de le retirer. À défaut, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Ces deux amendements sont similaires. Je comprends les préoccupations de M. Folliot, qui connaît bien ces situations et les vit dans son département du Tarn. Je ne demande qu’à être favorable à votre amendement, monsieur le député, mais comme les rapporteures en ont déposé un très proche, je pense que vous pourriez le retirer au profit de celui-là, qui deviendrait, de facto, votre amendement commun.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Comme nous travaillons selon un schéma très constructif, je vais m’inscrire dans ce cadre positif et retirer mon amendement… pour mieux défendre les prochains. (Sourires.)

(L’amendement n171 est retiré.)

(L’amendement n339 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n175 rectifié.

M. Philippe Folliot. Cet amendement fait référence à une situation spécifique de nombre de communes de montagne que l’on retrouve également dans quelques communes insulaires : les propharmacies. C’est la possibilité donnée à un médecin dans un secteur isolé de délivrer des médicaments de façon contrôlée. Cela est fort utile aux populations des zones de montagne. L’objectif de cet amendement, qui s’apparente à un amendement d’appel, est de rappeler qu’une propharmacie ne pourrait être installée à moins de dix kilomètres d’une pharmacie d’officine. Cet amendement vise à donner un cadre juridique plus pérenne à la jurisprudence existante.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Défavorable. Le seuil de dix kilomètres nous paraît trop peu élevé, au risque que la désertification s’étende également aux pharmacies. En outre, nous n’avons pas pu avoir de concertation sur cette disposition. Par ailleurs, le Gouvernement travaille, en application de la loi de modernisation de notre système de santé, à une ordonnance en rapport avec cette problématique de la pharmacie.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même commentaire et même avis que la rapporteure.

(L’amendement n175 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n176.

M. Philippe Folliot. Cet amendement vise à faciliter le renouvellement des propharmacies. Quatre-vingts communes sont concernées par cette question. Si cela ne paraît pas important, en comparaison des milliers de généralistes et de pharmacies que compte notre pays, cela est essentiel dans les communes concernées. Le « privilège », entre guillemets, de la propharmacie est attaché à un lieu et à une personne. Nous voudrions simplifier les procédures pour prolonger ce service, lors de l’installation d’un nouveau médecin. Les ARS, d’une région à l’autre, font en effet preuve d’une souplesse plus ou moins grande ; or l’équité voudrait qu’une règle soit établie au niveau national.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Également défavorable. Nous souhaitons que le directeur général de l’ARS continue d’autoriser les médecins établis dans une commune dépourvue d’officine de pharmacie à exercer la propharmacie. Il est en effet le plus à même de connaître le contexte local et, partant, la pertinence de la délivrance d’une telle autorisation.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Le Gouvernement se range à l’avis des rapporteures pour les mêmes raisons. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je voudrais venir appuyer les demandes de mon collègue Folliot. Dans les zones de montagne, comme chez moi en Lozère, et en particulier dans les secteurs où l’application des quotas ne permet pas l’ouverture d’une officine, ce dispositif très dérogatoire permet à certains médecins généralistes de délivrer des médicaments. L’idée n’est pas de développer ce système à l’envi, mais il est important de conserver cette possibilité.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

(L’amendement n176 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n177.

M. Philippe Folliot. Cet amendement de bon sens a encore trait au sujet éminemment symbolique des propharmacies. Quand un médecin propharmacien part en congé, le médecin qui le remplace ne peut pas délivrer de médicaments, puisque l’autorisation d’exercer la propharmacie est attachée au médecin titulaire. Ainsi, en l’absence de leur médecin habituel, les patients sont obligés de parcourir quinze ou vingt kilomètres pour acheter leurs médicaments. Cela représente une véritable gêne, plus particulièrement pour les personnes âgées, d’autant que nous parlons de secteurs généralement dépourvus de réseaux de transports publics. Il convient donc de simplifier les choses.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Favorable.

M. Jean-Pierre Vigier. Eh bien, bravo !

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Vous voyez, tout n’est pas désespéré ! Je ne sais pas quel sera l’avis du Gouvernement. Nous sommes favorables à cet amendement qui permet au médecin remplaçant de bénéficier de l’autorisation d’exercer la propharmacie dont dispose le médecin remplacé. Cela nous semble pertinent et logique.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est du bon sens !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Également favorable. Dans l’intérêt de la santé publique et des patients de ces zones isolées, il semble cohérent de faire bénéficier le remplaçant de l’autorisation d’exercer la propharmacie, à l’instar du médecin qu’il remplace.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je voudrais saluer la position du ministre car dans certains secteurs de montagne, il s’agit de la réponse de proximité. C’est un enjeu important, et je tiens à vous remercier pour cet avis favorable.

(L’amendement n177 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n178.

M. Philippe Folliot. Je voulais m’associer aux propos qui viennent d’être tenus, pour remercier Mme la rapporteure, M. le ministre et l’ensemble des collègues pour l’adoption de cette mesure. L’amendement n178 est un amendement de cohérence, qui complète le précédent. Il s’agit, quand un médecin s’installe dans le même cabinet qu’un confrère qui exerce la propharmacie, de lui permettre de bénéficier, lui aussi, de la possibilité de délivrer des médicaments. Cela paraît logique car aujourd’hui, quand les patients vont voir un médecin, on leur délivre des médicaments ; quand ils s’adressent à l’autre, non. Cette disposition concernera très peu de cas : vu la densité de la population médicale dans les territoires, sur les quatre-vingt généralistes qui exercent la propharmacie au niveau national, très peu travaillent avec un confrère. Mais dans les quelques cas où cela se produit, la cohérence exige de l’autoriser.

Je rappelle un élément important : les médecins propharmaciens sont parmi ceux qui prescrivent le plus souvent les génériques – dans plus de 90 % des cas. Donc les craintes relatives aux abus éventuels du système sont tout à fait infondées. Les médecins propharmaciens sont particulièrement responsables dans ce domaine, et cela mérite d’être souligné. Je ne doute pas que par cohérence avec l’amendement n177, cette mesure bénéficiera du même consensus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Favorable, en cohérence avec l’avis donné à l’amendement précédent.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même cohérence, même avis.

(L’amendement n178 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n236.

M. Philippe Folliot. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Là, en revanche, nous émettrons un avis défavorable. Cette disposition nous semble contraire au principe de libre concurrence. Je pense que vous-même en êtes convaincu, et l’amendement devait avant tout susciter le débat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Avis défavorable, car cet amendement est excessivement contraignant pour les sociétés mutualistes.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. L’amendement est retiré.

(L’amendement n236 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n135.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie Genevard, rapporteure. Monsieur le député, par cet amendement, vous proposez de créer un statut nouveau, celui d’hôpital de montagne. Nous savons que les hôpitaux de proximité sont particulièrement utiles en montagne ; sur le fond, on ne peut donc que souscrire à votre idée. Pour autant, nous ne sommes pas favorables à la création d’un nouveau statut car le statut d’établissement isolé, qui existe déjà, recoupe celui d’hôpital de montagne. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même commentaire, même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je retire l’amendement.

(L’amendement n135 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 294 rectifié, 473 et 499, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 294 rectifié et 473 sont identiques, et l’amendement n499 fait l’objet de deux sous-amendements, nos 545 et 549.

La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n294 rectifié.

M. Joël Giraud. Il s’agit toujours des secours sur pistes et de leur statut juridique. Dans la mesure où les rapporteures ont déposé un amendement n499, et que nous avons tous ensemble rédigé un sous-amendement n549, je retire mon amendement au profit de cet amendement sous-amendé.

(L’amendement n294 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour soutenir l’amendement n473.

M. Charles-Ange Ginesy. Il est défendu.

Mme la présidente. Toujours dans le cadre de la discussion commune, la parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure, pour soutenir l’amendement n499 qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 545 et 549.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Cet amendement vise à trouver une position qui satisfasse l’ensemble de nos collègues. Je donne par avance un avis favorable au sous-amendement qui a été négocié en référence à l’article R. 122-8 du code de l’urbanisme, qui permet de clore le débat.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour soutenir le sous-amendement n545.

M. Charles-Ange Ginesy. Je le retire.

(Le sous-amendement n545 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour soutenir le sous-amendement n549.

M. Charles-Ange Ginesy. Il est défendu. J’ai cosigné ce sous-amendement avec mes collègues Saddier, Battistel, Giraud, Tardy et Dubié, qui ont tous ensemble trouvé la solution : remplacer « le domaine skiable » par cette définition des pistes de ski. Je remercie les rapporteures et le ministre pour leur accord, sans lequel nous aurions fait face à une difficulté majeure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Comme je l’ai indiqué, favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne voudrais pas briser ce consensus ! L’avis du Gouvernement est favorable, dans l’allégresse de la bonne entente, tant à l’amendement n499 qu’au sous-amendement n549.

(Le sous-amendement n549 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je rappelle que le sous-amendement n549, portant sur l’amendement n499 de Mme Laclais, a été adopté. Je vais mettre à présent aux voix l’amendement n499 lui-même.

(L’amendement n499 est adopté et l’amendement n473 tombe.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 23 et 24, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour les soutenir.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Pour prendre en compte les spécificités de la montagne et renforcer la solidarité nationale en faveur des médecins, il est nécessaire de répondre efficacement au phénomène de désertification médicale, particulièrement préoccupant au sein de ces territoires.

Il me semble que les mesures annoncées par Mme la ministre de la santé ne suffiront pas à inverser la tendance. L’amendement n° 23 vise donc à mettre en place, de façon expérimentale, un abattement total sur le bénéfice imposable des médecins généralistes qui s’installent en montagne, dans des zones définies par arrêté ministériel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie Genevard, rapporteure. Concernant ces deux amendements, la commission voudrait apporter des précisions. Tout d’abord, l’article 8 quinquies de ce projet de loi prévoit déjà la remise au Parlement d’un rapport « sur la juste compensation des surcoûts associés à la pratique des actes médicaux et paramédicaux en zone de montagne ». Il semble donc plus judicieux d’attendre les conclusions de ce rapport. Surtout, il faut attendre que les dispositifs mis en place pour encourager l’activité de nouveaux médecins dans les territoires qui manquent de professionnels de santé portent leurs fruits.

Par ailleurs, monsieur le député, je vous rappelle que le dispositif du contrat de praticien territorial de médecine générale permet d’ores et déjà une garantie de revenus, une protection sociale améliorée, en sécurisant les deux premières années d’exercice après l’installation. Les bénéficiaires de ce dispositif perçoivent en outre un complément de rémunération, dans l’hypothèse où la rémunération de leur activité ne serait pas suffisante. En contrepartie, ils s’engagent à exercer dans un territoire manquant de professionnels de santé.

On peut donc considérer que ces dispositifs répondent déjà à votre préoccupation – ô combien légitime. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. J’ai déjà dit combien est grande mon affection pour les demandes de rapport. (Sourires.) En outre, monsieur le député, les mesures que vous proposez relèvent du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. De mon point de vue ce n’est pas le rapport le plus important, mais la mesure fiscale. J’ai bien noté ce que vous m’avez dit, madame la rapporteure, mais vous ne faites là que soutenir la politique du Gouvernement, qui ne me paraît pas suffisante en matière de démographie médicale.

(Les amendements nos 23 et 24, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n248.

M. Joël Giraud. J’avais déposé cet amendement afin qu’il fût discuté en commission des affaires économiques, mais le couperet de l’article 40 de la Constitution ne lui en a pas laissé la chance. Je l’ai donc modifié afin de le présenter en séance.

Il s’agit, pour les projets régionaux de santé – les PRS – de garantir aux populations un accès par voie terrestre à un service de médecine générale, à un service d’urgence médicale et à une maternité, dans des délais raisonnables. L’amendement ne fixe pas de manière précise ces délais, mais ils ne doivent pas mettre en danger l’intégrité du patient.

Tirant les conséquences du refus, au titre de l’article 40, de la rédaction originelle de mon amendement, je propose que l’État autorise cela de façon expérimentale, pour une durée de trois ans. Nous pourrons ainsi, au cours des trois années à venir, mettre en œuvre via les PRS une politique de ce type, ce qui est à mon avis fondamental pour les régions de montagne.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Je suis un peu ennuyée pour répondre à votre amendement, monsieur Giraud. Nous comprenons très bien quel en est l’objectif. Toutefois, comme vous l’avez dit vous-même, il est rédigé de manière à contourner l’obstacle de la recevabilité financière prévue par l’article 40. Le mécanisme de l’expérimentation, notamment, fait naître quelques interrogations. En effet, s’agissant des interventions urgentes, on ne saurait s’inscrire dans une expérimentation. Et s’il n’y a pas d’urgence, alors pourquoi faire une expérimentation ?

Cela dit, vous avez eu la sagesse de rédiger votre amendement de la manière suivante : « L’État peut autoriser… » L’État sera donc libre de donner suite ou de ne pas donner suite. Compte tenu de cela, la commission ne donne pas d’avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission, madame la rapporteure ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Pas défavorable, donc favorable, madame la présidente !

Mme la présidente. Il y a d’autres possibilités encore, madame la rapporteure.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Avis pas défavorable. (Sourires.)

Mme la présidente. Je sais être obstinée, monsieur le ministre, sur ces questions-là. Je vous le demande à nouveau : quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n248 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n349.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cet amendement est important. Dans les zones de montagne, qui sont des territoires particulièrement enclavés, la couverture médicale est souvent incomplète : de ce fait, certains malades sont parfois obligés de se faire soigner dans des centres hospitaliers éloignés de leur domicile et hors de leur secteur de couverture d’assurance maladie.

Prenons l’exemple d’un patient qui se ferait opérer dans un CHU dont ne dépend pas sa caisse primaire d’assurance maladie. Lorsque l’intervention le nécessite, il est déjà prévu que le remboursement de ses frais de santé est assuré dans les mêmes conditions que s’il s’agissait d’un établissement relevant de son secteur. Mais ce n’est pas le cas pour le suivi post-opératoire.

Le patient est alors bien souvent orienté vers un médecin de son secteur. Celui-ci assure le suivi, alors qu’il n’a pas pratiqué l’intervention. Cette situation pose des difficultés, tant du point de vue médical que pour le confort du patient. Afin d’y remédier, le présent amendement vise à permettre, pour un nombre de cas – pathologies graves ou spécifiques – limitativement énoncés par décret, un remboursement dans les mêmes conditions, que le patient soit suivi dans son secteur de résidence ou hors de ce dernier.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Nous sommes tous conscients des difficultés qui se posent pour l’accès aux soins en zone de montagne. Par l’amendement n400 deuxième rectification, que nous avons adopté il y a quelques instants, nous avons complété les dispositions de l’article 8 quinquies par un volet consacré aux « besoins de santé spécifiques des populations des zones de montagne ». Je répète qu’il s’agit là aussi bien des populations permanentes que celles qui viennent pendant la saison touristique.

Ce que vous proposez ne nous semble pas possible. La Sécurité sociale ne rembourse pas différemment les patients selon qu’ils choisissent le centre hospitalier universitaire de leur lieu de résidence ou un autre ! Les tarifs peuvent varier entre les établissements, certes, mais c’est le cas partout. Permettre au patient de se faire rembourser de la même manière que s’il avait choisi le CHU de son lieu de résidence lui ferait gagner de l’argent – ou en perdre, selon les cas – de façon injustifiée.

Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à l’amendement n349.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je n’ai pas dû être assez clair. Prenons le cas d’un patient de la Lozère qui s’est fait opérer d’une pathologie cancéreuse à Montpellier – opération difficile. À l’heure actuelle, le suivi post-opératoire de ce patient ne peut être assuré dans cette ville : la Sécurité sociale lui refuse le déplacement entre Mende et Montpellier, et lui impose un suivi post-opératoire en Lozère.

Je considère que cela ne résulte pas d’un libre choix du patient. Il s’agit là d’une discrimination très grave : alors qu’il n’y a pas de CHU dans notre département, le patient ne peut être remboursé pour être suivi par le professeur de médecine qui l’a opéré !

(L’amendement n349 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n374.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Les zones de montagne connaissent de grandes difficultés à cause de la désertification médicale. La cartographie actuelle des déserts médicaux ne reflète pas de manière exacte la réalité du terrain, dans la mesure où elle se base sur des données statistiques peu représentatives et non sur des études menées sur les territoires concernés. J’en veux pour preuve les cartes informatiques dressées par les ARS, ou même, à l’époque, les ARH – Agences régionales de l’hospitalisation – avec les URCAM – Unions régionales des caisses d’assurance maladie –, qui ne correspondaient pas à la réalité.

Afin de mettre en cohérence la cartographie des déserts médicaux avec la réalité de la désertification en milieu montagnard, le présent article impose aux agences régionales de santé de mener des consultations sur place auprès des professionnels de santé, pour servir de base à une nouvelle cartographie, objective cette fois.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie Genevard, rapporteure. Nous aborderons aussi la question de la cartographie avec l’article 9, consacré aux questions numériques. C’est une suggestion tout à fait pertinente : c’est pourquoi nous donnons un avis favorable à votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement est intéressant non seulement pour les zones qui, telles la Lozère, sont touchées par la désertification médicale, mais aussi pour les stations de sports d’hiver. En effet la médecine de station de sports d’hiver est très spécifique. Il faut entrer en contact avec les autorités sanitaires, les ARS, pour trouver les moyens de faire perdurer cette médecine, qui fonctionne de manière très irrégulière au cours de l’année. Il s’agit de prendre en charge les traumatismes liés à la pratique des sports d’hiver, mais aussi les populations qui résident toute l’année dans les stations. La concertation demandée par cet amendement est donc particulièrement bienvenue.

(L’amendement n374 est adopté.)

Article 9

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, inscrit sur l’article.

M. Lionel Tardy. Nous arrivons aux articles visant à favoriser le déploiement du numérique et de la téléphonie mobile dans les zones de montagne. C’est une question importante. Ce projet de loi est l’occasion de donner un nouveau coup d’accélérateur à la couverture mobile en montagne.

Je me réjouis de l’adoption, en commission, de l’amendement présenté par Martial Saddier, Virginie Duby-Muller et moi-même, prévoyant que le Gouvernement et l’ARCEP – l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes – devront prendre en compte les contraintes du milieu montagnard pour les investissements publics, mais aussi dans les conventions conclues avec les opérateurs de communications électroniques. Il faut saluer l’implication de ces opérateurs des télécoms.

Mais il faut, par ce texte, aller plus loin. Nous savons tous que les « zones blanches » se transforment un peu trop souvent en « zones grises », où l’antenne, avec un seul opérateur, ne permet pas de capter en tout point du centre bourg, mais par exemple, seulement sur le pas de la porte. Nous connaissons tous de tels cas dans nos circonscriptions.

Différents amendements que nous avons déposés ont pour but de répondre à cette problématique et d’anticiper l’étape qui va suivre : la primo-couverture des zones blanches.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Pour compléter l’intervention de mon collègue Lionel Tardy, je suis moi aussi très heureux que notre amendement ait été adopté en commission. L’article 9 justifie, peut-être encore plus que les autres, cette loi reconnaissant les spécificités des zones de montagne. Je le dis aux collègues qui parfois nous regardent en se disant, parce qu’ils ne sont pas de la montagne : « Mais ils défendent sans cesse des spécificités. »

Prenons l’exemple de l’après-guerre et de la reconstruction de notre pays : la République a décidé à l’époque, pour distribuer l’électricité sur l’ensemble du territoire, de créer un opérateur unique en nationalisant et en instituant un fonds de péréquation pour que les zones aisément accessibles, où il était facile et rentable de développer rapidement un réseau électrique, compensent le surcoût pour celles bien moins accessibles et où c’était beaucoup plus difficile et onéreux. Mais il faut bien reconnaître que nous avons échoué collectivement à faire de même avec la téléphonie mobile. Ce n’est pas une attaque contre la majorité actuelle puisque la majorité précédente aussi n’a pas toujours été attentive à recréer les conditions que les hommes et les femmes de l’époque avaient su mettre en place – dans un contexte certes complètement différent, celui de la reconstruction de notre pays suite à la Seconde guerre mondiale.

Aujourd’hui, Laurent Wauquiez l’a rappelé hier soir, que se passe-t-il ? Dans les zones urbaines concentrées, on voit depuis longtemps se développer la téléphonie mobile et de plus en plus le très haut débit, accessible gratuitement par l’intermédiaire d’opérateurs privés. Alors que pour ce qui est des zones plus défavorisées, c’est-à-dire des zones rurales, et bien évidemment aussi de montagne, on se tourne vers les collectivités territoriales, donc vers la puissance publique, vers l’impôt et donc vers les usagers pour que ceux-ci payent le droit à l’accès au très haut débit. Cet article incarne à cet égard un enjeu fondamental pour les gens qui y habitent, pour ceux qui viennent y vivre, pour l’activité économique. C’est la raison pour laquelle j’ai cosigné plusieurs amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. L’article 9 aborde l’épineuse question du numérique en zone de montagne. Il y a deux problèmes principaux : d’une part, la couverture en téléphonie mobile, inexistante ou insuffisante, ce qui exaspère les habitants car ils se sentent mis au ban du progrès – j’en fais l’amère expérience tous les jours dans mon département de la Lozère, particulièrement touché, et j’affirme à nouveau la nécessité de disposer d’un vrai fonds de compensation ou de péréquation, alimenté par les opérateurs, qui permettrait de couvrir les zones rurales et d’éviter que certaines collectivités soient mises à contribution – ; d’autre part, le retard significatif de la couverture numérique en comparaison avec les zones urbaines, la fibre optique y étant déjà largement présente alors que les zones de montagne peinent encore à recevoir une connexion numérique et téléphonique opérationnelle.

Afin de généraliser au plus vite la fibre optique, je propose d’imposer aux collectivités territoriales qui réalisent les travaux d’enfouissement des lignes électriques et téléphoniques ou sur les réseaux d’assainissement d’insérer dans les tranchées des fourreaux d’attente destinées à recevoir la fibre optique. Ce n’est pas encore une obligation aujourd’hui.

Par ailleurs, je tiens à évoquer un point important concernant les lignes fixes France Télécom-Orange : pas une semaine ne se passe sans que je ne reçoive – et je ne suis pas le seul député dans ce cas – des plaintes d’habitants, particuliers, professionnels ou élus, à propos de dérangements ou de coupures de leur ligne. J’ai alerté à de nombreuses reprises Stéphane Richard, le PDG d’Orange, de manière parfois un peu virile,…

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. …mais ce dernier s’est retranché derrière, selon ses propres termes, « le million de kilomètres d’artères de câble, soit l’équivalent de vingt-cinq fois le tour de la terre, les quinze millions de poteaux et les 16 000 nœuds de raccordement » pour justifier ces défaillances et n’a depuis lors toujours pas pris ses responsabilités. C’est au législateur de prendre des dispositions pour que cette situation cesse.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Cet article fait évidemment partie des points centraux du projet de loi, tout d’abord parce qu’en montagne, les attentes sont fortes en matière de desserte numérique et en téléphonie mobile, mais également du fait que différents textes ont souvent suscité, chez les habitants de ces zones, des envies et des espoirs qui n’ont jamais trouvé de concrétisation. Je tiens à dire que le texte dans sa rédaction actuelle m’inquiète beaucoup et que nous devrons dans les heures qui viennent l’enrichir considérablement pour qu’il parvienne à répondre aux attentes.

S’agissant du numérique, les opérateurs offrent une qualité de service inférieur : ils ne vont pas jusqu’au bout des travaux, voire n’acceptent pas d’équiper les territoires difficiles de par leur relief au motif que ceux-ci ne sont pas rentables et, surtout, proposent des technologies alternatives qui ne remplissent pas du tout les mêmes fonctions et ne permettent aucunement les mêmes évolutions vers ce que nous souhaitons, à savoir la fibre optique. J’ai très peur que l’État ne leur emboîte le pas en proposant, lui aussi, des solutions qui ne soient pas des solutions pérennes et d’avenir. Il faut absolument équiper de fibre optique ces territoires.

S’agissant de la téléphonie mobile, la question centrale est celle du critère retenu pour l’appréciation de la couverture. En effet, si on prend comme critère le fait de desservir 98 % d’une population sur un territoire très vaste, les territoires de montagne passent bien sûr à travers les mailles du filet. Je souhaiterais que nous réfléchissions aux possibilités d’ouvrir des perspectives concernant la question des fréquences et de la puissance de diffusion des émetteurs parce qu’on est aujourd’hui très en deçà des normes européennes pour des raisons de précaution et qu’évidemment, lorsque le relief est difficile, à moins de mettre un pylône tous les trois kilomètres, il est dès lors impossible de couvrir ces territoires.

Cette discussion porte vraiment sur des enjeux lourds pour le futur.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le ministre, vous êtes un bon ministre de la ruralité et des territoires de montagne, mais le compte n’y est pas s’agissant de la couverture numérique. On le voit bien, qu’il s’agisse d’internet ou de la téléphonie mobile : plus on avance dans le temps, plus les problèmes s’accumulent. Comment voulez-vous développer économiquement un territoire sans internet ni la téléphonie mobile ? Juste un exemple : dans ma circonscription il y a un restaurant qui a une étoile au guide Michelin, mais où la téléphonie mobile ne passe pas.

M. Martial Saddier. C’est impensable !

M. Jean-Pierre Vigier. Malgré les programmes nationaux, régionaux et départementaux, malgré l’argent public dépensé, les opérateurs ne jouent pas le jeu et ne viennent pas. Si l’on veut développer ces territoires ruraux, y compris en montagne, il faut leur imposer d’y être présents. J’espère que cet article amendé aboutira à des mesures concrètes et précises, et surtout, cela a été dit, qu’il nous permettra de disposer des moyens financiers adéquats. Sinon, on va prendre beaucoup de retard et la fracture territoriale perdurera.

Il y a deux piliers pour développer les territoires de montagne : les infrastructures routières et la couverture numérique. Il faut vraiment agir dès maintenant car tout retard sera irrémédiable !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le ministre, seul le déploiement numérique est capable de parvenir à ce que les territoires de montagne et l’ensemble des territoires ruraux soient au même niveau que les citadins. Aujourd’hui, quand une famille veut s’installer dans une commune de montagne, la première chose qu’elle demande n’est plus, comme auparavant, s’il y a une école, mais s’il y a du numérique, si elle pourra ainsi télécharger et travailler. C’est un défi majeur pour l’aménagement du territoire.

Dès lors cet article me fait peur à deux titres. Tout d’abord, il insiste sur l’expérimentation, qu’il s’agisse du hertzien, du numérique ou encore de la fibre. Je suis convaincue que celle-ci est la technologie de demain, ce que confirment des spécialistes : faisons donc attention à ce que l’expérimentation tous azimuts ne conduise pas à retarder l’arrivée du très haut débit dans certains territoires. Et puis il faudra que cet article fasse l’objet de vraies traductions budgétaires dès la loi de finances de cette année pour permettre aux territoires concernés de progresser.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Nous sommes de nombreux élus à partager l’idée qu’il faut que la couverture numérique se déploie un peu partout, d’autant plus qu’il y a une forte appétence des services de l’État à dématérialiser leurs prestations – je pense notamment aux déclarations d’impôt sur le revenu.

M. Martial Saddier. Exact !

M. Pascal Terrasse. C’est vrai aussi en matière sanitaire, songeons à l’imagerie médicale transférable. On voit bien que se mettent en place dans notre pays, comme partout ailleurs en Europe, des techniques qui permettent de rapprocher du monde rural les services publics ou les organismes assurant des missions d’intérêt général, à condition évidemment que lesdites techniques bénéficient des réseaux de fibre optique nécessaires. C’est le cas dans mon département où j’avais engagé depuis plusieurs années une procédure visant à fibrer l’ensemble du territoire puisque nous avions pu profiter à l’époque d’engagements financiers européens très importants.

À ce sujet, monsieur le ministre, je sais que vous êtes en train de préparer le prochain programme d’investissements d’avenir, le PIA III : il ne serait tout de même pas inutile que l’État, à l’instar de l’Union européenne, dont j’ai vu à quel point elle était engagée dans ce pilier numérique, puisse accompagner ainsi les collectivités.

J’ajoute, pour faire suite à l’intervention de mon collègue Martial Saddier, qu’il faut faire attention à ne pas demander aux ruraux de payer deux fois, c’est-à-dire en tant qu’usagers et en tant que contribuables, parce qu’il y a alors inégalité entre les citoyens. Les collectivités, qu’il s’agisse de la région, du département ou des communautés de communes, accompagnent très souvent le développement du numérique en territoire rural, mais l’usager, qui le finance déjà par l’impôt, paie le même tarif qu’ailleurs en France. J’insiste donc tout particulièrement sur le respect du principe de l’égalité entre tous les citoyens. À cet égard, faire référence à l’électrification est une très bonne idée. Il faudrait établir des fonds de péréquation permettant aux 80 % du territoire aujourd’hui non encore câblés de le devenir dans les années qui viennent.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet article renvoie à des droits fondamentaux pour ceux et celles qui vivent en montagne ou qui le souhaitent puisqu’il porte sur l’accès au numérique, avec les conséquences vitales que cela emporte aujourd’hui, qu’il s’agisse de la téléphonie mobile, du haut débit, du très haut débit, de l’accès à l’information, du travail à domicile ou encore de la télémédecine – demain, on pourra même parler de télésanté. Il s’agit bien d’un droit absolument fondamental. Aussi, monsieur le ministre, je vous invite à créer un groupe de travail spécifiquement consacré à l’accès à un droit fondamental qu’est celui de la connexion des populations qui vivent en montagne pour en examiner tous les problèmes, les conséquences de la situation actuelle mais également les solutions technologiques parce que certaines, notamment dans le domaine satellitaire, peuvent être mises en œuvre dans certains cas, au-delà de la fibre optique, et puis bien entendu le financement et les mécanismes de solidarité territoriale qui doivent s’imposer au plan national.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Comme cela a été souligné notamment par notre collègue Pierre Morel-À-L’Huissier, il y a de réels problèmes s’agissant du téléphone fixe. C’est récurrent : pas une semaine ne passe sans que nous ne soyons alertés dans nos permanences par l’existence de coupures qui affectent non seulement des particuliers mais aussi des entreprises. Les quotidiens régionaux y consacrent d’ailleurs des pages entières, monsieur le ministre. Je rappelle que j’avais déposé l’an dernier une proposition de loi sur l’entretien des lignes téléphonique, le défaut d’entretien étant bien souvent la cause des problèmes que je viens d’évoquer. Les dispositions de cette proposition de loi ont depuis été intégrées dans la loi sur la République numérique et sont donc désormais en vigueur, la publication au Journal officiel datant du 8 octobre dernier. L’usager a désormais la possibilité de se retourner contre l’opérateur chargé du service universel, actuellement Orange, quand il ne remplit pas ses obligations, et des sanctions par l’ARCEP sont prévues. Quant aux maires, ils peuvent dorénavant se saisir de cette question pour les mêmes motifs.

L’état de ce réseau est d’autant plus important qu’il conditionne l’accès à l’ADSL. Dès lors, ces problèmes techniques ont pour de nombreuses personnes – je pense en particulier à certains agriculteurs, artisans, commerçants ou à des personnes âgées souvent isolées – des conséquences sur le quotidien.

Par ailleurs, il est vrai que beaucoup est fait pour déployer la fibre optique, grâce à l’implication des collectivités territoriales – département, région. Pourtant, si l’on arrive progressivement à couvrir le territoire en fibre optique – cela se fera sur plusieurs années –, le problème des nœuds de raccordement pour les abonnés reste posé. Ainsi, dans des communes censées être raccordées à la fibre optique, de nombreux hameaux à l’écart du centre n’ont pas accès au numérique.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. J’ai bien écouté les propositions des différents orateurs, notamment en ce qui concerne la création d’un groupe de travail sur le numérique.

Dans la mesure où ce texte renforce certaines institutions, notamment le Conseil national de la montagne, il me semblerait judicieux, pour faire suite à la demande du président Accoyer, que la commission permanente de ce conseil puisse créer un groupe de travail qui associe à ses membres l’ensemble des parlementaires, de manière transpartisane, afin de discuter de ces questions.(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Bernard Accoyer. Très bien !

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Très bonne idée !

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Cet article très important rappelle la nécessité d’une politique spéciale de couverture de la montagne par l’ensemble des moyens de communication, notamment numériques. Je voudrais cependant réagir à certaines demandes formulées jusqu’à présent.

C’est une chose – indispensable – de mettre en place un réseau de fibre optique. Mais c’en est une autre que ce réseau soit exploité par des opérateurs. Aujourd’hui, dans de nombreux endroits de montagne, la mise en place d’un réseau numérique ne conduit pas nécessairement à une offre ADSL, du fait du trop faible nombre de personnes qui pourraient être connectées puisque, comme vous le savez, chers collègues, mettre en place un service, y compris lorsque la fibre est présente, coûte de l’argent à l’opérateur.

Il est donc très intéressant de faire des efforts – Dieu sait si toutes les collectivités de montagne s’y essaient – pour installer un réseau de fibre, qui n’apporte pas la fibre mais un ADSL « boosté ». Mais il est encore plus intéressant de contraindre les opérateurs qui proposent les services numériques à présenter des offres.

Il y a cent cinquante ans, nous avons réussi à installer le téléphone partout en France. Il serait un peu dommage que l’on ne parvienne pas à mettre en place l’internet partout en France.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. J’ai bien écouté les différents orateurs. Nous arrivons à un moment très sensible de ce projet de loi où nous évoquons les problèmes liés au numérique, qu’il s’agisse d’internet, de la téléphonie mobile ou même, comme l’indiquait le président Chassaigne, de la téléphonie fixe, qui connaît également des difficultés en cas d’incidents sur les lignes. J’imagine que nous aborderons longuement ce sujet au cours de la soirée. Mais, avant d’examiner les amendements, je souhaitais dire que le Gouvernement est extrêmement conscient de ces problématiques, et déterminé à trouver les bonnes solutions.

Il faut créer les conditions pour que les choses avancent, et nous savons que, pour cela, il faudra se montrer quelque peu directif. C’est ce dont nous parlerons dans la suite de ce débat.

En tant qu’élu de la ruralité, je sais que les problématiques sont les mêmes qu’en montagne. La téléphonie mobile ne passe pas dans certains gîtes ruraux, hôtels familiaux, petits restaurants de campagne…

Mme Sylvia Pinel. Chez les agriculteurs !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. …ou, tout simplement, chez les citoyens, qui, pour téléphoner, doivent recourir au fixe, lorsqu’il fonctionne, ou sortir de chez eux.

S’agissant d’internet et du numérique, la fracture est encore plus dramatique. En effet, s’il est condamnable, au XXIsiècle, de ne pas être capables de servir, de manière égale, la ville, la ruralité et la montagne en téléphonie mobile, il est du moins toujours possible de trouver un endroit où téléphoner. Mais qu’en est-il d’internet, alors qu’aujourd’hui, tout est dématérialisé ? Les agriculteurs, par exemple, en ont besoin pour obtenir leurs aides PAC. Il ne s’agit pas simplement d’écrire sur son « mur » ou de communiquer avec sa famille : la connexion devient indispensable à la vie quotidienne.

Il y a donc, là aussi, une fracture que ces territoires ont d’ailleurs déjà connue, il y a une soixantaine d’années, avec l’électrification et l’adduction d’eau. Nous restons dans la même problématique.

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Espérons, bien entendu, que le raccordement prendra un peu moins de temps que l’électrification, qui a duré quatre-vingts ans !

Aussi, dès le début de cette discussion, je souhaite dire que le Gouvernement est bien conscient de ces problèmes et de la nécessité de trouver les bonnes solutions.

C’est pourquoi fais mienne la suggestion de M. Accoyer et de M. Giraud de créer un groupe de travail sur ce sujet. Vous qui êtes des femmes et des hommes de terrain, qui vivez parmi les vôtres et connaissez ces problématiques, vous pouvez en effet devenir une force de proposition. Je suis donc tout à fait ouvert à cette hypothèse, et Mmes les rapporteurs, je l’imagine, également…

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Je le suis aussi !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. …ainsi que, j’allais y venir, la présidente de la commission des affaires économiques, Frédérique Massat.

Créer ce groupe de travail dans le cadre du Conseil national de la montagne, comme l’a évoqué Joël Giraud, me semble en outre une bonne idée, car c’est le lieu idoine.

Ces questions ne sont toutefois pas faciles ; de nombreux intérêts sont en jeu. Ainsi, si sur le plan financier la vente des fréquences s’est faite de la meilleure des manières, les cahiers des charges, à l’époque, ont été plutôt négligés. Aujourd’hui, nous sommes obligés de rattraper le temps perdu. Nous allons essayer de le faire ensemble, au meilleur rythme, compte tenu de toutes les obligations et de toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n425.

Mme Karine Berger. Pour revenir à un média plus classique, diffusé sur le réseau hertzien, la radio en l’occurrence, la loi de 1985 prévoyait la possibilité d’aménagements et d’exigences techniques spécifiques. Cet amendement vise à faire de cette possibilité une règle, pour que le Conseil supérieur de l’audiovisuel soit conduit, en zone de montagne, à prévoir des aménagements spécifiques pour l’ensemble des expressions radiophoniques.

J’en profite pour signaler que la ministre de la culture s’est récemment exprimée en faveur d’un renforcement du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, ce qui, dans les zones de montagne, signifie un peu plus d’argent pour nos radios.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie Genevard, rapporteure. Cet amendement, qui rend obligatoires les aménagements techniques numériques, concourt parfaitement à l’ambition qui est la nôtre. Comme vous le verrez, madame la députée, nous proposerons certains amendements qui satisferont, je le crois, bon nombre de nos préoccupations. Après la santé et l’éducation, le numérique est en effet l’un des trois services fondamentaux dont nous voulons voir l’amélioration en zone de montagne.

Toutefois, madame la députée, l’autorisation d’aménagements techniques relève du pouvoir discrétionnaire du régulateur, le CSA. Votre amendement, qui tend à remplacer les mots : « peuvent être » par : « sont », lui ôterait toute marge de manœuvre, puisqu’il contraindrait le CSA à répondre favorablement à toute demande d’aménagement. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même position, même avis.

(L’amendement n425 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n76.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement, que j’ai cosigné avec Sophie Dion et Marc Francina, vise à lever certaines des limites que le texte, dans sa rédaction actuelle, pourrait mettre au déploiement du numérique. L’alinéa 7 prévoit ainsi de prendre en compte les contraintes physiques, et seulement celles-ci.

Or il y a lieu de prendre en compte, outre les contraintes physiques, toutes les contraintes telles que l’éloignement ou l’isolement, donc de supprimer le terme « physiques » dans cet alinéa.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Cet amendement, dont on peut comprendre la logique, risque cependant d’élargir considérablement le périmètre visé, et de supprimer un critère objectif, celui qui caractérise les zones de montagne, dont nous avons largement fait valoir la spécificité. La commission est donc plutôt défavorable à l’amendement, considérant qu’il fragilise le dispositif. De plus, la suppression de cet adjectif, qui a son utilité, risque de rendre le dispositif inapplicable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Même commentaire, même avis.

(L’amendement n76 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 305 et 461 rectifié.

La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n305.

M. Joël Giraud. Cet amendement vise également à modifier l’alinéa 7 et précise que les dispositions relatives aux solutions innovantes, sur lesquelles nous avons déjà imprimé la marque des mix technologiques, doivent favoriser le déploiement du télétravail et la création de télécentres, conformément au plan piloté par le Commissariat général à l’égalité des territoires. En effet, les territoires de montagne ont déjà connu des expériences extrêmement intéressantes en la matière.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy, pour soutenir l’amendement n461 rectifié.

M. Charles-Ange Ginesy. Cet amendement vise, compte tenu des échecs technologiques du passé, à enfoncer le clou car je reste convaincu qu’il y a moyen de développer le télétravail dans nos zones de montagne. C’est même l’avenir de notre activité économique.

M. Jean-Pierre Vigier. Oui !

M. Charles-Ange Ginesy. Je suis donc très attaché à cette modification de l’alinéa 7.

Mme Sylvia Pinel. Moi aussi !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Mme Annie Genevard, rapporteure. Messieurs les députés, nous partageons votre souci d’encourager le télétravail, une innovation certainement appelée à connaître de beaux jours. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable à ces amendements.

M. Charles-Ange Ginesy. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Avis favorable. Dans la ruralité en général et dans la montagne en particulier, le télétravail représente une véritable force. De plus, compte tenu des distances, c’est un bon moyen d’occuper les citoyens sans qu’ils ne perdent de temps.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Je me réjouis de ces avis. Sur certains territoires, nous ne pourrons jamais installer des usines employant 500 salariés. En revanche, le télétravail permet d’y maintenir des familles, donc des services et des écoles – en un mot, de la vie. Aussi, madame la rapporteure, monsieur le ministre, je vous félicite et vous remercie de votre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je salue également les avis de Mme la rapporteure et M. le ministre. Toutefois, en tant qu’auteur de deux rapports sur le sujet, j’appelle les syndicats à évoluer sur la question des conditions d’exercice du télétravail, non seulement dans le secteur privé, mais aussi dans la fonction publique, où l’on attend toujours qu’un accord-cadre soit signé avec eux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Je suis d’accord avec cette proposition, en mettant toutefois un bémol en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes – c’est un sujet que nous avons étudié. Je comprends l’intérêt que le télétravail peut avoir pour ce qui est des distances, de la facilité du travail, etc., mais il ne faudrait pas qu’il conduise de nouveau à ce que les femmes soient à la maison et y fassent une double activité. Une des modalités du télétravail passe par l’organisation de télécentres, permettant de se regrouper. Au bout d’un moment, les femmes souhaitent aussi sortir : le travail est un facteur de socialisation ; il ne se limite pas à la rémunération.

Je me permets de le souligner car, je le répète, nous avons étudié le sujet. J’entends bien que le télétravail peut être une source d’amélioration, mais il faut être vigilant.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. En effet : il faut faire attention à l’isolement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, rapporteure.

Mme Annie Genevard, rapporteure. La question a été évoquée sur une station de radio du service public, cette semaine. Il se trouve que j’ai entendu ce reportage, qui vantait les mérites du télétravail. On y entendait le témoignage d’une femme qui expliquait que le télétravail, ce n’est pas nécessairement toute la semaine ; cela peut aussi n’occuper qu’une partie de la semaine. C’est le cas d’une de mes assistantes, qui a de jeunes enfants : je l’ai autorisée à télétravailler depuis son domicile, et je pense que c’est bénéfique.

D’autre part, le télétravail ne s’adresse pas qu’aux femmes !

M. Jean-Pierre Vigier. Exactement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvia Pinel.

Mme Sylvia Pinel. Je veux à mon tour apporter mon soutien à ces amendements, qui sont extrêmement importants, autant d’ailleurs pour les territoires de montagne que pour les territoires ruraux ou périurbains. Je crois que le développement du télétravail et des télécentres répond à une attente exprimée par nos populations, souvent pour éviter de longs trajets ; cela permet en outre de concilier vie professionnelle et vie familiale.

M. Jean-Pierre Vigier. Très juste !

Mme Sylvia Pinel. J’ai écouté attentivement notre collègue Catherine Coutelle. Lorsque nous avons organisé les Assises des ruralités, cette question a beaucoup occupé nos ateliers, au-delà de la question du numérique proprement dit ; de nombreuses femmes – comme de nombreux hommes – ont exprimé leur souhait de voir se développer les télécentres afin de permettre la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie familiale. D’ailleurs, dans les comités interministériels aux ruralités qui ont été tenus, beaucoup de choses concernaient précisément la situation des femmes dans les territoires ruraux, dans les territoires de montagne ; votre préoccupation, madame Coutelle, a bien entendu été examinée. Je partage un certain nombre de vos inquiétudes, mais lorsque, dans le cadre de nos responsabilités locales, notamment dans la région Occitanie, nous développons les télécentres, ceux-ci sont plébiscités par de nombreuses femmes. Cela répond à un besoin, à une attente, et renforce l’attractivité des territoires ruraux et des territoires de montagne. Je salue par conséquent la position des rapporteures et du Gouvernement sur les amendements : cela permettra d’avancer en la matière.

Je veux aussi apporter une précision à Pierre Morel-A-L’Huissier, s’agissant du télétravail dans les administrations. Lorsque j’étais membre du Gouvernement, j’ai lancé, avec les organisations syndicales, une convention visant à faciliter le télétravail des agents des directions départementales des territoires, afin qu’il se développe.

M. Dino Cinieri et M. Martial Saddier. C’est vrai !

Mme Sylvia Pinel. Il serait bon, monsieur le ministre, que d’autres administrations suivent !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. La problématique du télétravail ne concerne pas que la montagne. Le télétravail est d’abord exercé dans la périphérie de Paris, où il est très développé.

Je suis pour ma part assez sensible à ce qu’a dit notre collègue qui représente la délégation aux droits des femmes. Il faut faire attention à l’idée selon laquelle le télétravail serait la panacée pour les femmes, le moyen pour elles de rester à la maison, de s’occuper de leurs enfants et de vivre une vie exceptionnelle à domicile. Je suis plutôt favorable au principe qui a été évoqué tout à l’heure, à savoir le développement d’espaces de co-travail qui permettraient de travailler en partie de manière sociabilisée, en partie sur son lieu de travail et en partie, éventuellement, à son domicile. Il faut trouver le bon équilibre – je vous renvoie à ce sujet aux travaux menés par Myriam El Khomri dans le cadre de la réforme du droit du travail, et aux articles de loi qui précisent les conditions dans lesquelles le télétravail peut être organisé.

Je terminerai en rappelant que l’une des premières entreprises à avoir développé le télétravail de façon massive – excepté certains services publics qui se sont organisés à l’occasion du regroupement de directions régionales –, est Orange. Or une partie des personnes qui ont décidé de se suicider étaient des télétravailleurs. Il faut donc être prudent en matière de télétravail : il faut veiller à ce qu’il soit voulu, organisé, et qu’il ne soit pas subi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Le télétravail me semble faire partie de la révolution numérique que nous sommes en train de vivre et qui n’est pas terminée, loin de là. C’est très important, mais, comme cela vient d’être dit, il reste beaucoup à faire pour le mettre en pratique. C’est important non seulement pour les zones rurales, mais aussi pour les périphéries des villes. Si l’on instaurait, par exemple, un jour de télétravail pour tous par semaine, il n’y aurait plus dans les villes de problèmes d’embouteillages, d’urbanisme, d’infrastructures de transport etc. ! C’est une question à regarder de très près et à développer. Nous avons un travail législatif à faire sur le sujet.

(Les amendements identiques nos 305 et 461 rectifié sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Chers collègues, un point sur l’organisation de nos travaux.

Il nous reste 330 amendements à discuter, sur 460 : nous avons pris l’allure d’un escargot !

M. Martial Saddier. Ce genre de débat intervient une fois tous les trente ans, il faut le savourer !

M. Jean-Pierre Vigier. Et il est plaisant d’avoir un ministre qui discute bien !

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. À ce rythme, ce n’est pas mercredi soir que nous finirons, mais vendredi, voire lundi. Comme je sais que vous avez les uns et les autres des emplois du temps fort chargés, dans vos circonscriptions ou ailleurs, je vous invite à adopter, à la reprise de nos travaux, un rythme beaucoup plus efficace. Je sais que nous en sommes capables, car nous sommes de vrais… législateurs – et pas seulement des montagnards : il y a de tout sur ces bancs, et je remercie l’ensemble des parlementaires qui nous épaulent pour l’examen de ce texte.

Ce qui est sûr, c’est que nous avons besoin d’efficacité. Je compte sur vous à la reprise de nos travaux !

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly