Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 09 novembre 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis

M. Philippe Vitel

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis

Mme Élisabeth Guigou

M. Manuel Valls, Premier ministre

Soutien aux buralistes

M. Francis Hillmeyer

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics

Lutte contre le terrorisme

M. Malek Boutih

M. Manuel Valls, Premier ministre

Moyens de la police

M. Élie Aboud

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Fichier des titres électroniques sécurisés

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Situation en Turquie

M. Gaby Charroux

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Financement des associations d’anciens combattants

Mme Marianne Dubois

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire

Aide aux victimes des attentats

Mme Nathalie Nieson

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes

Difficultés du secteur du tourisme

M. Olivier Dassault

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie

Situation à i-Télé

M. Patrick Bloche

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Vente de Renault Trucks Défense

M. Yves Fromion

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire

Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Budget de l’éducation nationale pour 2017

M. Pascal Demarthe

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Agression au centre hospitalier de Tourcoing

M. Vincent Ledoux

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis

M. Paul Giacobbi

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. David Habib

2. Élection de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République

Suspension et reprise de la séance

3. Projet de loi de finances pour 2017

Seconde partie (suite)

Travail et emploi

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

M. Michel Liebgott

M. Francis Vercamer

M. Gérard Cherpion

Mme Dominique Orliac

M. Patrice Carvalho

M. Michel Issindou

M. Jean-Patrick Gille

Mme Myriam El Khomri, ministre

M. Michel Liebgott

Mme Myriam El Khomri, ministre

Mme Véronique Louwagie

Mme Myriam El Khomri, ministre

Mme Véronique Louwagie

Mme Myriam El Khomri, ministre

4. Élection de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République (suite)

5. Projet de loi de finances pour 2017

Seconde partie

Travail et emploi (suite)

Mission « Travail et emploi » (état B)

Amendement no 351

M. Gilles Lurton, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 370 , 454

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

Amendements nos 358 , 371 , 455 , 372 , 453 , 422 , 373 , 449 , 412

Compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » (état D)

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, après une longue et âpre campagne électorale, le peuple américain a fait son choix et nous le respectons. Donald Trump a été élu quarante-cinquième président des États-Unis : le groupe parlementaire Les Républicains lui présente ses sincères félicitations et ses vœux de succès dans la grande et difficile mission qui sera la sienne au service de son pays. La Chambre des représentants et le Sénat conservent une majorité républicaine sur laquelle pourra s’appuyer le nouvel occupant de la Maison Blanche.

Mais cette élection ne sera pas sans conséquence sur l’équilibre géopolitique mondial. Durant sa campagne, Donald Trump a souvent évoqué sa vision de la future politique étrangère américaine. Il ambitionne tout d’abord un rapprochement avec la Russie de Poutine, afin de pouvoir mieux combattre Daech et le terrorisme.

Ensuite, sa position sur le devenir de l’Alliance atlantique devra être précisée, en particulier concernant l’obligation de solidarité qu’impose à ses membres l’article 5. Donald Trump exhorte en effet ses alliés de l’OTAN, au premier rang desquels les Européens, à supporter davantage le coût de leur défense et à mieux prendre en compte leur propre sécurité, en désignant d’ailleurs au passage l’Allemagne comme tutrice et gardienne du continent.

Pour lui, la reconstruction des États-Unis doit primer sur tout, y compris sur les traités de libre-échange. Il prône la nucléarisation du Japon et remet en question l’accord historique conclu sur le nucléaire iranien. Il évoque aussi une éventuelle renégociation de l’Accord de Paris sur le climat.

Monsieur le Premier ministre, comment le président de la France et son gouvernement comptent-ils établir un dialogue constructif avec la nouvelle administration de cette grande puissance qui, de tout temps, a été notre amie et notre alliée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, vous avez rappelé la décision du peuple américain après une campagne intense, âpre et qui, parfois, a pu nous surprendre. Mais la démocratie américaine a désigné Donald Trump président des États-Unis : nous respectons bien sûr ce choix.

M. Jacques Myard. J’espère bien !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Le Président de la République lui a adressé ses félicitations, rappelant la volonté de la France de demeurer un partenaire des États-Unis. Nous sommes le plus vieil allié des États-Unis et nous entendons le rester : tel est le message que nous adressons au peuple américain.

Cela étant, il est vrai que ce nouveau président arrive avec des engagements, dont certains nécessitent une clarification. À l’évidence, l’administration américaine sera profondément transformée – 4 000 personnes changeront de poste : c’est le spoil system américain – et le président prendra ses fonctions le 20 janvier prochain.

M. Claude Goasguen. Nous le savons !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Je ne fais que le rappeler. Même si cela nous laisse un peu de temps, nous n’avons pas attendu l’élection pour prendre contact avec les équipes tant d’Hillary Clinton que de Donald Trump afin de tenter de comprendre la stratégie des candidats et, s’ils étaient élus, leur politique.

Nous voulons clarifier certaines questions, notamment celles que vous avez évoquées. Donald Trump a affirmé qu’il voulait dénoncer l’Accord de Paris – un accord historique – ainsi que l’accord avec l’Iran sur le nucléaire – un accord de paix multilatéral – : cela n’est pas sans conséquences.

Vous avez rappelé également ses déclarations sur l’OTAN et sur les traités de libre-échange : quelles seront les conséquences économiques de tout cela ? Il faut donc parler avec le président Trump pour obtenir des clarifications.

M. Sylvain Berrios. Qu’allez-vous faire ?

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Mais la France veut rester elle-même, avec ses principes, avec ses valeurs, avec sa stratégie, avec son indépendance ; elle veut continuer sa mission de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et demeurer un membre actif de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le Premier ministre, les citoyens américains ont élu cette nuit leur quarante-cinquième président.

M. Franck Marlin. Ne vous en déplaise.

Mme Élisabeth Guigou. Nous prenons acte de ce vote, nous respectons le peuple américain et gardons notre confiance dans ce grand pays qui a toujours été notre allié. Nous devons cependant comprendre les conséquences de cette élection qui constitue un choc mondial (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), sur le plan économique et financier, on le voit déjà, mais surtout sur le plan politique.

M. Jacques Myard. C’est l’apocalypse !

Mme Élisabeth Guigou. Des conséquences d’abord pour les États-Unis, où les fractures vont s’aggraver.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas votre affaire !

Mme Élisabeth Guigou. Ensuite, pour nous-mêmes, Français et Européens. Une fois de plus, dans une démocratie, les citoyens ont écouté ceux qui leur proposent de rompre avec le système. Une fois de plus, les laissés-pour-compte de l’économie, les oubliés de la mondialisation, les victimes de l’ultralibéralisme – d’ailleurs hérité d’un autre président américain, Reagan – celles et ceux qui ont peur de l’évolution du monde et des sociétés ont rejeté les élites, qu’elles soient démocrates ou républicaines.

Enfin cette élection fait craindre un monde plus dangereux ; des tensions avec l’Amérique du Sud et en particulier le Mexique ; plus de complaisance envers la Russie ; moins de coopération avec la Chine ; plus d’insécurité en mer de Chine et en Asie ; la remise en cause de l’accord nucléaire avec l’Iran ainsi que de l’accord de Paris sur le climat, ce qui serait évidemment gravissime.

Nous allons devoir traiter avec une Amérique encore moins disposée à s’engager pour la sécurité de l’Europe et celle de ses proches voisins.

Monsieur le Premier ministre, ce qui arrive aux États-Unis peut-il arriver en France ? Pensez-vous que l’Europe aura le ressort suffisant pour prendre en main son destin et affronter le défi de sa propre sécurité ? Quelles conclusions tirez-vous aujourd’hui de cette élection, pour la France, pour l’Europe et pour le monde ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, Donald Trump a été élu – des félicitations lui ont été adressées par le Président de la République – et c’est une décision souveraine du peuple américain.

Jean-Marc Ayrault vient de le rappeler, depuis plus de deux siècles les États-Unis sont des alliés de la France et à de multiples reprises, nous nous sommes retrouvés côte à côte pour défendre la liberté. Le général de Gaulle et ses successeurs ont installé cette relation dans l’indépendance de notre diplomatie et de nos forces armées, y compris dans le cadre de l’Alliance atlantique, dans l’affirmation de nos valeurs et de notre identité.

Face à cette nouvelle donne mondiale, où le temps des deux blocs et de l’après Yalta, et même le temps de l’après-guerre, est totalement révolu, avec des bouleversements y compris pour les familles politiques – c’est vrai outre Atlantique mais c’est vrai aussi en Europe et en France – l’enjeu déterminant est de préserver et de renforcer la relation transatlantique, une relation qui nous permet d’aborder, dans le respect de notre indépendance, les défis majeurs de nos sociétés respectives.

L’Europe dans son ensemble doit répondre à ces enjeux : le défi terroriste et celui du changement climatique et de la protection de l’environnement – de ce point de vue, le respect de l’accord de Paris est évidemment essentiel ; les crises qui menacent la paix et la sécurité, en particulier au Moyen-Orient ; l’impératif d’une régulation de la globalisation, notamment dans le domaine du commerce international, sans jamais perdre de vue, vous l’avez rappelé, la défense des intérêts français car la mondialisation n’est ni heureuse ni naïve.

Sur tous ces sujets, nous souhaitons bien sûr établir très vite avec Donald Trump et sa future administration une relation forte, franche et fondée sur la confiance.

Dans ce monde si troublé, puisque vous m’invitez à tirer si vite les leçons de cette élection, que nous dit, même si chacun bien sûr a son analyse, la démocratie américaine ? Le besoin de frontières ; le besoin de réguler l’immigration ; la nécessité bien sûr – et nous sommes en première ligne – de combattre le terrorisme et de nommer le totalitarisme islamique ; le besoin aussi, vous l’avez souligné, de mieux redistribuer les richesses ; le besoin de protection pour les couches populaires et les classes moyennes qui vivent ce sentiment de déclassement.

Oui, le monde, vous le savez parfaitement, est plein de défis, de troubles et de peur. Dans le concert des nations, alors même que les États-Unis semblent revenir sur leur volonté de s’impliquer dans les affaires du monde, la force de la France, permettez-moi de vous le dire, est de tenir son rang, de faire entendre son rayonnement et ses valeurs : une conception démocratique et équilibrée des relations internationales – et nous devons être attentifs aux sujets que vous avez évoqués : la relation avec le Mexique ou le traité avec l’Iran, pour ne citer que ces exemples ; une vision humaniste de la société, qui ne peut pas accepter le racisme et le rejet de l’autre et qui affirme le respect de la femme et l’égalité entre la femme et l’homme ; une certaine idée du modèle social ; une place déterminante donnée à la culture ; une vision mondiale du défi climatique.

La force de la France dans ces moments où chacun s’interroge, où chacun est sans doute troublé, c’est de faire en sorte que l’Europe se prenne en main, qu’elle construise son autonomie stratégique en se donnant les moyens d’agir collectivement à l’extérieur de nos frontières. Avec le retour des grandes nations – l’Iran, la Turquie, l’Inde, la Chine, la Russie bien sûr – c’est la réponse européenne qui s’impose ; c’est faire que l’Europe réponde aux exigences des peuples.

Pour conclure je veux dire trois choses, peut-être plus personnelles.

Je ne crois pas au triomphe de la peur, mais au triomphe de la lucidité. Il faut toujours nommer les problèmes, parce que c’est le seul moyen de les transcender, mais pour y apporter des solutions conformes à nos principes et à nos valeurs.

Je ne crois pas au triomphe du simplisme ou de la démagogie, je crois au triomphe de l’intelligence des peuples. Il faut toujours respecter leurs choix, mais il faut les éclairer, il faut leur indiquer une voie, il faut donner du sens. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Enfin je ne crois pas à la fatalité car la fatalité triomphe dès lors que l’on croit en elle – et ce risque existe : nous l’avons vu en Grande-Bretagne et nous savons, madame la présidente, que la France n’est pas à l’abri de ce risque.

Rien n’est jamais écrit d’avance et notre responsabilité, car j’ai ma part à y prendre, est de travailler sans relâche au service des Français pour leur redonner de la fierté et l’espoir d’y croire – parce que plus que jamais, je crois que les Français attendent de l’espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Soutien aux buralistes

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Hillmeyer. Monsieur le Premier ministre, la lutte contre le tabagisme est une priorité absolue de notre politique de santé publique. Chacun le sait, le tabac tue encore 73 000 personnes par an en France.

En dépit de nos efforts, d’ailleurs communs, la proportion de fumeurs est la même en 1999 et en 2014, malgré les hausses successives du prix du tabac. Malheureusement, nous ne pouvons pas nous réjouir du bilan des quinze dernières années de notre lutte antitabac, aux résultats contradictoires. En effet, d’un côté on a toujours autant de fumeurs et de l’autre il y a de moins en moins de buralistes. Bref, notre pays perd sur les deux tableaux !

Car oui, la disparition des buralistes est une calamité pour nos territoires ! Chacun sait sur ces bancs qu’ils constituent un lien essentiel de vie et de sociabilité partout en France. Beaucoup d’entre eux assurent aussi une mission de service public en participant, entre autres, à la diffusion de la presse.

Et pourtant, malgré leur quasi-monopole sur la vente de tabac, les buralistes luttent pour survivre. D’où vient ce paradoxe ? Tout simplement de l’essor sans précédent du marché parallèle, où se vend une cigarette sur trois fumées en France. Ce marché est alimenté non seulement par la contrebande mais aussi et surtout par la hausse constante des importations légales de tabac. Celles-ci sont particulièrement sensibles en zone frontalière, en Alsace, en Lorraine, dans le Nord, dans les Alpes-Maritimes ou dans les Pyrénées. Dans la seule Alsace, vingt-deux buralistes ont baissé le rideau depuis le début de l’année.

Monsieur le Premier ministre, alors que le Gouvernement vient de passer un accord avec les buralistes, il est désormais plus qu’urgent que la France défende une politique d’harmonisation des prix du tabac au niveau européen, seule solution à même d’enrayer la concurrence déloyale subie par nos buralistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le député, ainsi que je l’ai indiqué ici même la semaine dernière je crois, le Gouvernement a travaillé avec la Confédération des buralistes pour concilier ce qui paraît parfois inconciliable, c’est-à-dire la priorité donnée à la lutte contre les addictions, notamment le tabagisme, et le maintien d’un réseau qui mérite le respect et qui assume d’autres fonctions.

Nous avons abouti à un accord que j’ai présenté devant le congrès des buralistes il y a une semaine, et qui repose sur des éléments que je voudrais rappeler.

Le premier est le rappel du monopole de la vente du tabac dans le réseau des buralistes. C’est une question essentielle. Le deuxième est un contrat étalé sur cinq ans, qui permette certes un travail sur leur rémunération – cela a été largement évoqué – mais en outre d’éviter les effets d’aubaine suscités par le contrat précédent qui a été fortement critiqué, notamment par la Cour des comptes.

Il permet aussi de mieux cibler les aides vers les secteurs les plus fragiles. Il y en a de deux types : les secteurs ruraux, parfois en voie de désertification, mais aussi les secteurs frontaliers que vous avez évoqués. Dans ce domaine, le Gouvernement lutte contre la fraude. Je vous rappelle qu’il est le premier à avoir limité les quantités autorisées à l’importation, que ce soit d’Allemagne, du Luxembourg ou d’autres pays. Nous avons le sentiment que ce travail porte ses fruits.

Il faut aussi mettre à contribution les fabricants parce qu’il est anormal que des profits extraordinaires, pour ne pas dire extravagants, soient réalisés à l’étranger et qu’aucun impôt ne soit payé. C’est l’objet de l’accord qui a été passé avec les buralistes. Au niveau européen, Marisol Touraine, Michel Sapin et moi-même œuvrons pour la convergence fiscale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Merci monsieur le secrétaire d’État.

Lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Malek Boutih, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Malek Boutih. Monsieur le Premier ministre, je ne m’adresse pas à vous comme dirigeant de la majorité mais comme Premier ministre de tous les Français.

Les attentats du 13 novembre ont tout changé. D’abord pour les familles des victimes, bien sûr, et les blessés. Pour chaque Français, le 13 novembre c’est le jour où l’on prend conscience, violemment, que la guerre est venue chez nous et peut frapper n’importe lequel d’entre nous.

La France a changé sous les coups qui la frappent aveuglément et injustement. Oui, injustement, parce que rien n’est plus insupportable que d’entendre les explications fallacieuses de ceux qui, au bout du compte, finissent par justifier le terrorisme. Nous ne comprenons pas, nous ne voulons pas comprendre ce qui pourrait expliquer la mort d’un gosse un soir de feu d’artifice.

La France a le droit, a le devoir de se défendre, de se protéger et de poursuivre tous les protagonistes, de la petite main lâche qui fournit les armes aux cerveaux pervers qui planifient l’horreur.

Nos forces de police et de gendarmerie, nos magistrats, nos soldats mènent un combat depuis des mois, jour et nuit, sans relâche. Je voudrais leur dire merci et courage. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Face à nos ennemis, la République française a démontré sa force. La plupart des tueurs de ces attaques ont été arrêtés ou mis hors d’état de nuire. L’État islamique, qui veut semer la terreur, est désormais en sursis et assiégé. Son sort n’est plus qu’une question de temps. Enfin et surtout, notre pays, les Français, ont fait preuve d’un courage exemplaire en ne cédant jamais à la panique ou à la peur. Loin de nous mettre à genoux, nos ennemis ont soudé notre pays, ils nous ont rappelé que ce qui nous différencie n’est rien face à ce qui nous unit.

Oui, quand je vois la dignité, la solidarité, la force de notre peuple, je suis tellement fier d’être Français ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

Comme vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, ce combat est loin d’être fini : d’autres batailles nous attendent, à l’extérieur de nos frontières comme au cœur de notre territoire. La France doit être au premier rang. Elle ne se venge pas, ne défend pas simplement son territoire. Ce dont il s’agit, c’est de toute l’histoire de la République, du combat pour la liberté, pour la démocratie.

Oui, monsieur le Premier ministre, vous qui êtes en pointe dans ce combat, la France doit vaincre la bête immonde islamiste. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député Malek Boutih, vous l’avez rappelé, dans quelques jours nous allons saluer la mémoire des victimes du 13 novembre 2015.

Il y a un an, notre pays était frappé par le terrorisme, par la barbarie, par le djihadisme, par l’islamisme radical. Ce jour-là, c’est la France qui a été visée pour ce qu’elle représente aux yeux du monde.

Je pense comme vous aux victimes, aux blessés, à leur famille et à leurs proches. Nous les rencontrons souvent – le Président de la République, le ministre de l’intérieur, la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, vous tous, souvent, dans vos circonscriptions. C’est toujours un moment douloureux parce que nous savons qu’eux vivent et vivront toujours avec ces blessures physiques et morales.

Comme vous, j’ai aussi une pensée pour tous ceux, agents de l’État, des collectivités, ou simples citoyens, qui sont venus en aide à ces victimes.

Cette pensée, nous devons l’avoir pour toutes les victimes du terrorisme, car celui-ci a frappé avant le 13 novembre ; il a aussi frappé ensuite et vous avez raison de rappeler que nous vivons, et nous vivrons, avec cette menace constante, permanente. Elle fait partie, d’ailleurs, de la nouvelle donne mondiale que j’évoquais il y a un instant. Nous devons la regarder en face. Nous voyons bien que le monde a changé et que nous devons mener cette guerre que le terrorisme lui-même mène contre nous sur notre sol.

Depuis plusieurs années, nous avons fait beaucoup pour adapter notre pays à cette menace et il faudra poursuivre, avec l’état d’urgence bien sûr, le renforcement de l’arsenal législatif en matière de lutte contre le terrorisme et l’engagement de nos soldats au Levant et au Sahel. Nous savons que cet effort devra être poursuivi pendant plusieurs années, car c’est l’affaire d’une génération.

Mais lutter contre le terrorisme et plus généralement faire face à l’histoire qui est en train de s’écrire, c’est mobiliser toute la société et tous nos citoyens. Nous le savons, la douleur profonde qui a suivi le 13 novembre, la sidération qui nous a frappés après l’attentat de Nice, rien de cela ne s’est estompé, mais attention : nous sommes sortis d’une période d’insouciance et il est normal que les responsables publics, tout comme le peuple, aient envie de tourner cette page – de fermer cette parenthèse dramatique et sanglante.

Attention aussi aux peurs qui s’enracinent, qui prennent le dessus, qui divisent : c’est un poison pour la société française. Et je veux dire ma détermination, notre détermination, ici sur tous les bancs, à lutter contre ce poison. Nous ne laisserons pas et nous ne devons pas laisser le terrorisme diviser notre pays. Nous ne devons pas laisser le terrorisme fragiliser notre société. Nous ne devons pas laisser le terrorisme fissurer notre démocratie et notre République. Et nous devons tous mener ce combat de front, en défendant sans cesse nos valeurs, en tenant un discours de responsabilité et de courage quelles que soient les circonstances.

Monsieur le député, vous avez raison de nommer les choses : cette jeunesse qui, dans certains de nos quartiers populaires, est à la dérive ; cette confusion entre la délinquance et le terrorisme ; cet islamisme, cet islam politique qu’on a laissé prospérer. Nous devons le dire avec d’autant plus de force que nous devons aider et protéger nos compatriotes musulmans qui sont une part de notre identité nationale. Nous devons tout faire pour assurer la sécurité des Français.

Alors, oui, soyons fiers et dignes de nos valeurs, de nos principes fondamentaux, de ce qui est au cœur de la République.

J’ai une conviction que je partage avec vous tous : la société française, malgré les doutes, malgré les peurs, a en son sein tous les atouts pour sortir victorieuse de cette épreuve ; tous les atouts pour vaincre les menaces de la période qui s’ouvre ; tous les atouts aussi pour en saisir les opportunités.

Parmi ces opportunités, il y a le dialogue, la jeunesse, le métissage d’une partie de notre société, nos quartiers populaires, la culture, nos intellectuels, notre modèle républicain, la laïcité, l’égalité entre les femmes et les hommes : il y a tout simplement la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Forts de ces atouts, étant capables de nous rassembler et d’élever le débat public, oui, nous serons capables de surmonter les épreuves et de vaincre la bête immonde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Moyens de la police

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud, pour le groupe Les Républicains.

M. Élie Aboud. Monsieur le ministre de l’intérieur, non, les policiers biterrois, ni les autres d’ailleurs, ne réclament pas plus d’argent : ils veulent juste être respectés.

Après l’attaque, lâche, de quatre policiers le 8 octobre dernier à Viry-Châtillon, ayant brûlé gravement deux d’entre eux, c’est toute la France républicaine qui a été profondément choquée et meurtrie. D’ailleurs, à Lyon, à Dijon, nos policiers ont subi à peu près le même sort.

Jusqu’à présent, la France souffrait, doutait, mais les Français s’en remettaient traditionnellement à la solidité de nos forces de l’ordre. Or, les Français découvrent avec peine que les policiers n’ont pas suffisamment de moyens pour remplir leurs missions. Depuis maintenant plusieurs semaines, ces derniers défilent et interpellent les pouvoirs publics à ce sujet. Ce week-end, plus de 500 policiers et citoyens se sont rassemblées devant le commissariat de Béziers. Sur fond de Marseillaise, ils ont ensemble réclamé le respect.

Monsieur le ministre, quand la République est attaquée, il faut lui donner les moyens de se défendre. Je voudrais dire ici – et certainement au nom de beaucoup de mes collègues sur nos bancs et sur les bancs d’en face – à nos policiers, à nos gendarmes, tout notre respect, toute notre reconnaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

À Béziers, par exemple, les policiers manquent de tout, monsieur le ministre : véhicules anciens, matériel obsolète, locaux vétustes et particulièrement inadaptés à leurs nouvelles missions. Être trois dans un bureau pour interroger une victime ou un malfaiteur, c’est inadmissible. On le sait, vous le savez, le commissariat est quasi insalubre. Vous en avez promis l’extension d’ici à la fin de 2016. Il nous reste quelques semaines, monsieur le ministre. À Béziers comme ailleurs, qu’allez-vous faire pour notre police ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, merci pour votre question concernant la situation de la police nationale et de la gendarmerie. Je souhaite que nous puissions aborder cette question, comme l’ensemble de celles qui touchent à la sécurité, avec la volonté de rassurer et de donner des gages à ceux qui sont en première ligne pour assurer la sécurité des Français, dans un esprit aussi rigoureux que possible.

Si la situation est telle que vous la décrivez, c’est parce que pendant de nombreuses années, il n’y a pas eu assez d’investissements dans l’immobilier et le matériel des forces de police, et que beaucoup de questions sont restées en suspens.

Mme Bérengère Poletti. Ce n’est pas vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Que faisons-nous concrètement ? D’abord, sur les questions qui touchent au respect de la police nationale comme aux moyens juridiques dont elle dispose, nous avons pris des engagements et nous les tiendrons. D’ici à la fin du mois de novembre, des dispositions législatives seront présentées, concernant la légitime défense. Un groupe de travail se réunit actuellement, ce qui permettra d’aller au bout de ce que nous avons déjà engagé. Je rappelle en effet que nous avons, nous, modifié le régime de la légitime défense en juin. Des compléments sont demandés et nous en tenons compte : sur l’anonymat, qui garantit que les forces de l’ordre pourront être protégées lorsqu’elles interviennent dans des quartiers sensibles, et sur l’outrage à agent des forces de l’ordre, délit qui sera aligné sur l’outrage à magistrat.

Il faut bien entendu rehausser les moyens. Nous avons augmenté de 15 % les crédits d’investissement de la police et de la gendarmerie. C’est ce qui a permis l’an dernier, par exemple, de livrer 7 000 véhicules et je souhaite que nous puissions en urgence, compte tenu d’une violence qui monte, donner à la police et à la gendarmerie les moyens de compléter les matériels dont elles ont besoin ; c’est pourquoi nous avons mis en place un plan de 250 millions d’euros. J’irai réceptionner les premiers matériels à Creil dans quelques jours et je préciserai le calendrier de livraison aux forces de la sécurité publique de l’ensemble des matériels dont elle a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Fichier des titres électroniques sécurisés

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre de l’intérieur, le 28 octobre dernier, un décret a été publié autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité. Nous savons que cette création s’inscrit dans la démarche engagée depuis 2012 tendant à la simplification des formalités administratives pour rendre plus rapides et plus faciles les démarches de nos concitoyens. Rationaliser, simplifier et moderniser le traitement des données, notamment personnelles, participe effectivement de tels objectifs, chacun peut le concevoir.

Néanmoins, nous comprenons et partageons aussi les fortes inquiétudes que ce dispositif suscite quant aux risques de détournement et d’exploitation contraires à sa finalité. Cette création doit se faire dans un respect scrupuleux des règles de notre État de droit et, donc, des prescriptions fixées par les plus hautes instances de notre pays pour en préserver l’effectivité. Ce fichier ne doit en aucun cas représenter un quelconque danger collectif ou individuel.

Nous devons impérativement avoir des garanties quant au traitement, à l’utilisation et à la sécurisation de ces données. Durant la précédente législature, nous nous étions opposés à la carte d’identité numérique. Le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires socialistes, avait censuré cette disposition en 2012, faute de garanties suffisantes.

Monsieur le ministre, nous le savons très bien : les chemins empruntés par les États démocratiques, par les États de droit, sont étroits s’ils veulent préserver scrupuleusement les principes fondamentaux qui les inspirent tout en assurant à chacun de leurs concitoyens la sécurité qui leur est due.

Si nous partageons pleinement les objectifs de simplification et d’efficacité que vous poursuivez, nous devons en revanche veiller à ce que l’évolution du traitement des données personnelles se fasse en toute sécurité. Pouvez-vous nous l’assurer ? Quelles mesures peuvent être encore envisagées pour renforcer ces garanties et en contrôler l’efficacité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je tiens à répondre très précisément à la question que vous venez de poser.

Premier point sur lequel je souhaite insister : je me tiens à l’entière disposition du Parlement pour venir répondre aussi souvent et aussi longtemps que nécessaire aux questions que les parlementaires se posent. Je l’ai fait systématiquement sur tous les sujets dont la responsabilité m’a été confiée et je le ferai bien volontiers sur cette question, comme je viens de le faire devant la commission des lois.

Deuxième point : à quoi sert ce fichier ? Il s’agit de faciliter le renouvellement des titres dans le cadre de procédures modernes – la télé-procédure – afin de faciliter le rapprochement de l’administré et de l’administration et d’améliorer le service rendu par cette dernière, et il s’agit de le faire en renforçant, précisément, la protection des données. Que faisons-nous pour atteindre cet objectif ?

D’abord, nous tenons compte intégralement, absolument et méticuleusement de toutes les conclusions rendues par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2012. Cela signifie que nous inscrivons dans le décret lui-même l’interdiction de procéder à l’identification d’une personne à partir de ses données biométriques. Ce que le Conseil constitutionnel a censuré pour des raisons d’inconstitutionnalité est donc interdit dans le décret que nous avons élaboré.

Ensuite, nous souhaitons absolument que toute garantie soit apportée quant à l’impossibilité d’accès à cette bande de données biométriques de la part de tous ceux qui voudraient s’en emparer par hacking. Une interrogation existe. J’ai indiqué tout à l’heure devant la commission des lois que je suis tout à fait disposé à ce que les agents et les acteurs spécialisés puissent procéder à toutes les expertises afin que cette garantie soit donnée.

Enfin, troisième point très important sur lequel je souhaite insister : avec cette disposition, nous garantissons la gratuité des titres, ce qui était pour moi indispensable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

Situation en Turquie

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question concerne la situation en Turquie et l’arrestation inacceptable de députés kurdes du HDP. Mais permettez-moi toutefois auparavant de m’interroger sur les résultats de l’élection américaine, que je respecte, dont je m’inquiète et que je tente d’analyser.

À force de rétrécir la démocratie, de mettre en place une étouffante bipolarisation de la vie politique…

M. Jacques Myard. Parle pour toi !

M. Gaby Charroux. …de ne pas répondre aux attentes des peuples, le populisme extrémiste triomphe dans le plus grand pays du monde. Quels enseignements en tireront tous ceux qui jouent aux apprentis sorciers, avec des perspectives électorales à courte vue, contribuant à mettre sous l’éteignoir nos valeurs fondamentales et la morale en politique ? N’est-ce pas aussi un avertissement sur la conduite de politiques de l’offre qui multiplient le nombre de chômeurs et de pauvres en ne s’attaquant pas aux inégalités, notamment à la question du partage des richesses ?

D’un autre côté, en Turquie, pays membre du Conseil de l’Europe, une dictature est en train de se mettre en place. Des écoles, des hôpitaux, des chaînes de radio et de télévisions sont fermés, des milliers d’arrestations de journalistes, professeurs, dirigeants politiques ont lieu… Une véritable purge s’effectue sous nos yeux !

Onze députés kurdes du HDP, le Parti démocratique des peuples, ont été arrêtés alors qu’un mandat d’arrêt international est requis contre deux autres, dont Faysal Sariyildiz, que j’ai reçu à Martigues, chez moi, il y a dix jours.

L’indignation ne suffit pas. Invoquer la fatalité non plus, d’ailleurs. Populisme extrémiste d’un côté, totalitarisme de l’autre : la France doit quant à elle affirmer sa fermeté et ses valeurs sur la scène internationale et imposer à la Turquie, avec l’Union européenne et l’OTAN, le respect des libertés fondamentales.

Monsieur le ministre, comment la France compte-t-elle agir en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs de l’ensemble des groupes.)

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, vous m’avez posé deux questions mais je ne répondrai qu’à une : celle concernant la situation en Turquie. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer hier mais je réponds bien volontiers à votre interrogation.

À midi, je me suis entretenu avec le ministre des affaires étrangères turc. Nous avons abordé tous les sujets, en toute franchise, y compris la situation en Syrie, la protection de la frontière syrienne mais aussi les difficultés avec les Kurdes syriens et, bien entendu, la situation intérieure de la Turquie.

Vous avez rappelé à juste titre que ce pays est membre du Conseil de l’Europe, ce qui implique des devoirs, des obligations…

M. Claude Goasguen. Ils n’en ont rien à faire !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. …et l’attachement à un certain nombre de principes, tout comme pour la France.

Je l’ai dit en toute sincérité à mon homologue turc : la Turquie est victime du terrorisme, c’est un fait, que ce soit à travers les actions de Daech ou du PKK, considéré comme un mouvement terroriste non seulement par la France, mais également par l’Union européenne. Mais on ne peut le combattre qu’en respectant l’État de droit.

Vous avez évoqué un certain nombre de situations : arrestations de députés, kurdes notamment, du parti HDP, mais aussi de journalistes. Cette situation nous inquiète.

Concernant la question kurde, nous souhaitons qu’un dialogue ait lieu. Ce fut le cas dans le passé mais il a été interrompu. Il faut donc le reprendre – en tout cas, c’est ce que nous souhaitons. Il faut un dialogue avec la société civile, les partis politiques, les syndicats…

M. François Rochebloine. Bla ! Bla ! Bla !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. …et, bien entendu, avec le groupe parlementaire des 50 députés visés. Telle est la position de la France, que nous avons exprimée avec franchise et sincérité, en respectant nos engagements et les valeurs de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Financement des associations d’anciens combattants

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe Les Républicains.

Mme Marianne Dubois. Monsieur le Premier ministre, alors que nous nous apprêtons à commémorer la fin des combats de la Première guerre mondiale, je voudrais appeler votre attention sur les difficultés financières que rencontrent aujourd’hui nos associations d’anciens combattants.

En supprimant la clause de compétence générale, la loi NOTRe est venue limiter le financement de ces associations par les départements, ce qui compromet sensiblement leur équilibre. L’article 104 de la loi énumère par ailleurs les compétences qui peuvent être partagées, mais le soutien aux associations d’anciens combattants ne figure pas parmi les domaines concernés. Perpétuer une aide annuelle en fonctionnement purement administratif aux associations d’anciens combattants ne paraît donc plus légalement possible.

Ici, nous avons affaire à un antagonisme entre le légal et le légitime. D’un côté, une loi qui interdit une subvention annuelle de fonctionnement au profit d’associations d’anciens combattants, à qui nous devons notre liberté ; de l’autre, la légitimité d’une reconnaissance éternelle à nos soldats morts pour la France. D’un côté, le risque d’attribuer de manière hétérogène une aide illégale ; de l’autre, le devoir de mémoire, au moment même où nous commémorons le centenaire de la guerre de 1914-1918.

Il est inconcevable que les départements soient contraints à de réelles contorsions avec le droit pour financer leurs associations d’anciens combattants, comme le rattachement au titre de l’éducation populaire, par exemple. Il est tout aussi inconcevable que l’on utilise des arguties juridiques pour leur expliquer que la loi NOTRe est malheureusement responsable de leur extinction.

Ainsi, monsieur le Premier ministre, confirmez-vous votre volonté, exprimée à travers la loi NOTRe, d’interdire aux départements d’entretenir le devoir de mémoire par leur soutien aux associations d’anciens combattants ? (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Madame la députée, vous m’interrogez sur le financement des associations d’anciens combattants, après l’entrée en vigueur de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, qui supprime la clause de compétence générale des régions et des départements, si bien qu’il ne concernera plus désormais que les communes.

J’ai conscience de l’inquiétude qui pourrait naître dans le monde associatif combattant. Néanmoins, faut-il polémiquer sur un sujet comme celui-là ? (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Furst. Nous sommes désolés de poser des questions !

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. À ce jour, mon ministère n’a pas été sollicité directement sur ce sujet. En ce qui concerne l’action que je mène au sein de ce ministère, je souhaite vous rassurer et rassurer l’ensemble du monde combattant, lequel, pour le moment, ne semble pas s’affoler. Nous continuerons à financer les associations dans les mêmes termes que par le passé. L’ensemble des opérateurs et les services de l’État sont mobilisés, à travers la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et la Mission du centenaire, au plus près des territoires.

Mme Bérengère Poletti. Vous ne répondez pas à la question !

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Nous soutiendrons, comme nous l’avons toujours fait, les projets associatifs qui concernent les actions mémorielles ou l’action sociale au profit des anciens combattants, et notamment les plus démunis. (Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Éric Straumann. Ce n’est pas la question !

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Vous savez combien la transmission des valeurs républicaines et de toutes les mémoires vers les plus jeunes citoyens de demain est importante.

M. Marc Le Fur et M. Éric Straumann. La question !

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Nous avons fait de la transmission un enjeu essentiel de notre action.

M. Laurent Furst. Et les départements ? Vous ne répondez pas à la question !

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Je voudrais vous signaler que le ministère de la défense finance tous les projets pédagogiques qui lui sont soumis.

M. Éric Straumann. La question ! C’est oui ou c’est non ?

M. le président. S’il vous plaît ! On écoute la réponse.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. À titre d’exemple, en 2015, le ministère de la défense a versé près de 4 millions d’euros pour financer le fonctionnement des associations. En tout cas, le Gouvernement est attentif au monde combattant, à qui nous devons nos libertés, comme vous l’avez dit très justement. Et je suis sûre que les associations d’anciens combattants continueront à jouer leur rôle, malgré le changement intervenu dans leur mode de financement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Laurent Furst. Vous noyez le poisson !

Aide aux victimes des attentats

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Nieson, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Nathalie Nieson. Madame la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, il y a un an, le 13 novembre 2015, la France était frappée de plein fouet par des attaques terroristes sans précédent. Ce dimanche, nos pensées iront vers toutes les victimes des attentats qui ont secoué notre pays, de Charlie Hebdo jusqu’à Saint-Étienne-du-Rouvray, dernier attentat en date.

Face à ces agressions qui ont fait des centaines de victimes, je salue la création de votre secrétariat d’État, qui a remis l’accompagnement et la prise en charge des victimes à leur juste place. En 2013, sur demande du Premier ministre, je remettais déjà un rapport sur le financement des associations d’aide aux victimes. Je tiens à rappeler en toute transparence que ces associations ont durement souffert de baisses budgétaires successives sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy et François Fillon. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Arrêtez !

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Nathalie Nieson. Depuis 2012, de nombreuses avancées ont eu lieu. Nous avons voté le dispositif de sur-amende, qui apporte des financements supplémentaires aux associations d’aide aux victimes, et les bureaux d’aide aux victimes ont été généralisés sur l’ensemble du territoire. Vous-même avez été particulièrement active pour accompagner les victimes sur le plan psychologique, administratif, juridique et financier. Aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, les conséquences tragiques des attentats font, plus que jamais, de l’aide aux victimes une priorité.

Nous devons inscrire notre considération dans le temps. Nous devons pouvoir aider ces personnes, où qu’elles soient, sur l’ensemble de notre territoire. Madame la secrétaire d’État, quelle sera votre action pour atteindre cet objectif, bien légitime ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes.

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes. Madame la députée, je tiens d’abord à vous remercier pour vos travaux parlementaires, qui nous inspirent quotidiennement. Je veux rappeler ici, alors que nous allons, dans quelques jours, commémorer les tragiques attentats de novembre 2015, qu’il s’agit aujourd’hui de la mémoire de 130 personnes décédées, et que nous dénombrons 1 644 victimes, blessées physiquement et psychologiquement, et plus de 1 000 victimes parmi les proches.

L’action du secrétariat d’État, madame la députée, se déploie dans trois directions.

Premièrement, nous devons répondre à un besoin de solidarité et de protection à l’égard des victimes. Cette solidarité s’exprime d’abord par une égalité de traitement : nous mettons en place, sur tout le territoire, des comités locaux de suivi des victimes, pour que, quel que soit le lieu d’habitation d’une victime d’attentat, elle ait accès à un service public de l’aide aux victimes de qualité. Je veux souligner aussi la création, dans chaque département, d’espaces d’information, pour que chacun ait accès à la même information et dans les mêmes conditions.

Deuxièmement, nous sommes en train, comme vous l’avez rappelé, de réformer le processus d’indemnisation, en le personnalisant, en l’humanisant et en le rendant plus transparent. Au jour d’aujourd’hui, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions – FGTI – a ouvert plus de 2 781 dossiers d’indemnisation ; 90 % d’entre eux ont reçu une réponse et donné lieu à une première indemnisation, pour un montant de 44 millions d’euros.

Troisièmement, nous avons décidé avec le garde des sceaux, Jean-Jacques Urvoas, de prendre en considération le préjudice d’angoisse de mort imminente et le préjudice d’attente, qui sont à l’origine de troubles profonds. On sait combien le fait d’avoir vu la mort en face peut créer des troubles psycho-traumatiques qui méritent d’être pris en charge.

Avec ce service public de l’aide aux victimes, la République veillera toujours au soutien des victimes. C’est un message de protection et de solidarité à l’égard de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Difficultés du secteur du tourisme

M. le président. La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe Les Républicains.

M. Olivier Dassault. Monsieur le Premier ministre, en 2014, votre ministre des affaires étrangères promettait d’accueillir 100 millions de touristes étrangers en France. Votre gouvernement manie avec enthousiasme les effets d’annonces mais, dans les faits, qu’en reste-t-il ? C’est la chute ! Trop de touristes manquent à l’appel cette année. Bien sûr, les attentats participent au sentiment d’insécurité, mais comment expliquez-vous que le premier pays visité au monde soit seulement au cinquante-troisième rang des dépenses moyennes par voyageur ?

Les premières victimes sont l’hôtellerie et la restauration : ce sont eux, qui paient l’addition ! Paris ferait recette si les agressions et les vols n’étaient pas en nette augmentation, si l’amoncellement des ordures n’égratignait pas la carte postale – quelle féerie…

Lundi, vous avez annoncé de nouvelles propositions pour sécuriser les sites les plus visités. Comptez-vous renforcer les peines à l’égard des délinquants agissant dans ces zones ? Où allez-vous trouver les 43 millions d’euros promis ? Dans les 50 milliards supplémentaires prélevés sur les ménages et les entreprises ?

M. Bruno Le Roux. On n’a qu’à arrêter le programme Rafale !

M. Olivier Dassault. Et puis, la grande oubliée, c’est la France, « le plus beau royaume après celui du ciel », disait Grotius. Le grand ignoré, c’est le patrimoine vivant de nos villes et de nos villages. Beauvais, par exemple, mérite qu’on s’y arrête pour découvrir son horloge astronomique et sa galerie nationale de la tapisserie ! Les 10 millions supplémentaires dégagés pour la promotion de la carte de France sont loin d’être suffisants. À elle seule, la Catalogne dépense quatre fois plus pour attirer les touristes, et même stimuler les baigneurs !

La France est belle lorsqu’elle déroule ses atouts, son histoire, ses talents, sa culture. Soutenons sa destination, nous y serons tous gagnants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie. Monsieur le député, la baisse de fréquentation internationale enregistrée cette année par le secteur du tourisme est, en effet, importante. Elle tient à plusieurs facteurs, au premier rang desquels le terrorisme, vous l’avez dit. Les médias et les réseaux sociaux ont aussi abondamment relayé des actes de délinquance qui visaient des touristes étrangers, notamment asiatiques, et cela a nui à notre attractivité dans ces pays.

M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas la faute des médias, mais de l’insécurité !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Face à ce problème, le Gouvernement agit, bien sûr, contre la délinquance et pour la sécurité, avec Bernard Cazeneuve et Jean-Jacques Urvoas, et il est fortement mobilisé sur la question du tourisme, comme le montrent les annonces intervenues le 7 novembre dernier à l’issue du comité interministériel du tourisme. Un paquet de 43 millions d’euros a été annoncé, dont plus de 15 millions pour la sécurité des touristes dans les lieux touristiques, les salles de spectacles et les transports publics. Ces sommes vont permettre d’abonder le fonds interministériel de prévention de la délinquance, afin de renforcer la vidéosurveillance. Elles vont permettre aussi d’abonder le fonds d’urgence pour le spectacle vivant.

J’ajoute que des structures de coordination « sécurité tourisme » vont être mises en place dans chaque département, sous l’autorité des préfets, en lien avec les professionnels du tourisme. L’enjeu est de conserver à la France sa place de première destination mondiale et d’accroître les recettes touristiques. C’est pourquoi Jean-Marc Ayrault et Matthias Fekl réuniront le 17 novembre prochain les professionnels et tous les acteurs des territoires, lors de la deuxième conférence annuelle du tourisme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Situation à i-Télé

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Patrick Bloche. Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, nous venons de vivre une nuit américaine sans Laurence Haïm. C’est la traduction la plus visible et la plus immédiate de la grève qui touche i-Télé depuis maintenant quatre longues semaines. Les gens d’i-Télé « en ce moment, comme moi, souffrent atrocement. C’est terrible d’être journaliste et de ne pas pouvoir travailler. On est dans une détresse morale et psychologique » : c’est ainsi que Laurence Haïm exprimait hier son désarroi, qui est celui de tous les salariés d’i-Télé mobilisés pour que ne soit pas dénaturé le projet éditorial de la deuxième chaîne d’information en continu et, plus largement, pour que vive dans notre pays l’expression pluraliste des idées et des opinions.

En ayant à l’esprit la prise de position particulièrement sévère du CSA, nous sommes nombreux à avoir exprimé notre soutien et notre solidarité à celles et ceux qui font i-Télé au quotidien, y compris, au sein même de cet hémicycle, le 6 octobre dernier, en votant définitivement une loi visant à protéger les journalistes et leurs rédactions des intérêts de leurs actionnaires.

Le Gouvernement s’est exprimé à plusieurs reprises, notamment par la voix de Mme la ministre de la culture et de la communication, qui a dénoncé – sombre présage en cette journée particulière – un risque de « trumpisation de l’information ».

M. Marc Le Fur. Bien vu !

M. Patrick Bloche. Vous avez souhaité, madame la ministre du travail, être vous-même à l’initiative, dans le cadre des compétences qui sont les vôtres, lorsqu’un conflit social s’inscrit dans la durée. Or cette durée est d’ores et déjà exceptionnelle. Aussi, pouvez-vous nous dire quelle est l’actualité de la demande de médiation formulée par les salariés d’i-Télé et leurs représentants, que vous avez rencontrés fort opportunément avant-hier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, quand une grève a lieu au sein d’une chaîne de télévision, qui plus est une grande chaîne d’information, c’est bien évidemment le débat démocratique, le droit d’informer et la discussion nationale qui se trouvent amputés. Je vous sais, monsieur le président Bloche, particulièrement mobilisé sur ces questions, comme l’illustre d’ailleurs la loi sur l’indépendance des médias que vous avez défendue fort opportunément.

Le 2 novembre dernier, dans un courrier, les organisations syndicales d’i-Télé ont demandé qu’une médiation sociale puisse être engagée. Dès lundi, je les ai reçues au ministère du travail. Cette rencontre leur a permis de m’exposer leur lecture de la situation sociale au sein de l’entreprise et leurs revendications, afin de sortir de la crise. À cette occasion, je leur ai exprimé ma préoccupation face à un conflit inédit dans une entreprise de presse privée. Je leur ai également dit que, bien évidemment, le droit du travail devait s’appliquer rigoureusement dans cette entreprise comme dans toutes les entreprises.

C’est pour cela qu’une inspectrice du travail s’est rendue dès le 24 octobre dernier sur place. Elle y a détecté une situation préoccupante en matière de conditions de travail. C’est pour cette raison qu’avec Audrey Azoulay, nous avons demandé à rencontrer, dès lundi soir, la direction de l’entreprise, pour évoquer non seulement la situation de cette dernière mais également les perspectives d’une médiation sociale. Nous souhaitons que cette réunion se tienne le plus rapidement possible. Pour qu’il y ait une médiation, il faut un accord des deux parties et une volonté de partager une solution. Nous considérons qu’il faut trouver très vite une issue à ce conflit. Nous pèserons donc de tout notre poids pour que le dialogue social reprenne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Vente de Renault Trucks Défense

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe Les Républicains.

M. Yves Fromion. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense.

Notre assemblée a rendu un hommage solennel au maréchal des logis-chef Fabien Jacq, mort pour la France au Mali dans l’explosion de son engin blindé. Ce drame me conduit de fait à une double interrogation.

Vous engagez-vous, monsieur le ministre, à examiner sérieusement, comme je vous l’ai déjà demandé, la perspective d’une accélération significative du programme Scorpion, destiné à équiper notre armée de terre d’engins modernes et convenablement protégés, en remplacement du parc vétuste dont elle dispose ? Je souligne qu’au rythme actuel de la programmation Scorpion, nos soldats utiliseront encore en 2030 des engins blindés de plus de cinquante ans d’âge, du modèle de celui dans lequel Fabien Jacq a trouvé la mort. Il y a là matière à se remettre en cause.

Je veux également vous interroger sur la mise en vente de la société Renault Trucks Défense – RTD –, appartenant au groupe Volvo, à laquelle vous avez confié une part importante de l’industrialisation du programme Scorpion, que je viens d’évoquer. Nous savons que des groupes financiers se sont déclarés intéressés, de même que des groupes industriels, notamment étrangers. Il est impensable que l’État français ne se mobilise pas pour prendre la main sur ce dossier. En effet, RTD assure 90 % de la mobilité de notre armée de terre et 100 % de celle de nos forces engagées au Mali.

Nous ne fabriquons plus d’armement de petit calibre depuis une décision du gouvernement Jospin. Vous-même, monsieur le ministre, avez engagé Nexter dans une alliance pour le moins incertaine avec le groupe allemand KMW. En conséquence de quoi nous avons perdu toute autonomie industrielle dans l’armement terrestre.

M. Pierre Lellouche. Exactement !

M. Yves Fromion. Nous sommes le seul pays européen à l’avoir fait. Notre indépendance est de fait mise en cause.

C’est pourquoi Les Républicains exigent que le Parlement soit associé aux initiatives qu’il vous est demandé de prendre pour que la cession de RTD, si vous deviez la confirmer, soit conforme aux intérêts majeurs de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le député, je constate que notre pays aime toujours la polémique, et vous particulièrement. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Mais dans la période actuelle, elle me semble infondée s’agissant de l’industrie de défense. Vous savez que le ministre de la défense est allé récemment en Inde signer un troisième contrat Rafale en dix-huit mois, et cela, après la victoire de DCNS en Australie pour le plus gros programme export de l’histoire de France, tous secteurs confondus.

M. Yves Fromion. Ce n’est pas la question !

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Nous vivons des années record en matière d’export.

M. Guy Geoffroy. Vous ne lisez pas la bonne fiche !

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. En 2012, le secteur de la défense que nous avons trouvé exportait pour 4,7 milliards. L’année dernière, en 2015, il a exporté pour plus de 17 milliards, soit quatre fois plus.

M. Éric Straumann. Vous vous êtes trompé de fiche !

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Des dizaines de milliers d’emplois sont ainsi créées dans le secteur français des industries de défense, dont le ministère de la défense veille à l’excellence technologique.

M. Yves Fromion. Ce n’est pas le sujet !

M. Guy Geoffroy. Vous ne répondez pas à question !

M. le président. Monsieur Geoffroy, laissez M. le secrétaire d’État s’exprimer.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Vous comprendrez donc que nous ne sommes pas disposés à recevoir des leçons de patriotisme. Jean-Yves Le Drian a eu l’occasion à maintes reprises d’expliquer la situation concernant le successeur du Famas. Il a déjà répondu deux fois dans cette assemblée sur Morpho et Airbus. Vous évoquez la vente de RTD, annoncée le 4 novembre par le groupe Volvo, qui concerne 1 300 emplois, situés majoritairement en France. Renault Trucks Défense et, à travers lui, les marques Panhard et Acmat, acquises ces dernières années, constituent l’actif le plus important dans cette activité. RTD, vous l’avez souligné, joue notamment un rôle essentiel dans le projet Scorpion de modernisation et de renouvellement des véhicules blindés de l’armée de terre française ou dans la fabrication des véhicules. C’est pour cette raison que nous tenons à vous rassurer.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Eh bien, nous ne sommes pas rassurés !

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Nous serons particulièrement attentifs à la façon dont sera conduit ce processus de cession.

M. Yves Fromion. Qu’allez-vous faire ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. Rassurez-vous, monsieur Fromion : l’industrie de défense est une chance pour la France,…

M. Yves Fromion. Nous le savons !

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État. …et nous la défendons.

M. Yves Fromion. Lamentable !

Budget de l’éducation nationale pour 2017

M. le président. La parole est à M. Pascal Demarthe, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Pascal Demarthe. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous le savons : c’est grâce à l’éducation nationale que les enfants de France deviennent égaux et préparent leur avenir. C’est pourquoi la priorité de ce quinquennat a été de mettre l’enseignement scolaire au premier rang : c’est le premier budget de l’État.

Nous examinons ce soir le budget de l’éducation nationale pour 2017. Ce budget est la base de toute notre politique pour les élèves et le monde enseignant. Il est en cela essentiel. La hausse historique de plus de 2 milliards d’euros de ce budget permettra de mener à bien les réformes engagées, qui se traduisent par le renforcement du corps enseignant et l’accompagnement de chaque élève.

L’une des réformes que nous portons me tient particulièrement à cœur : c’est celle de la revalorisation des carrières des enseignants. Contrairement aux propositions des candidats de la primaire de la droite, qui annoncent tous des suppressions massives de postes d’enseignants, la gauche a compris l’intérêt de notre nation à encourager ce métier. Plus que jamais, notre pays a besoin de professeurs bien formés et bien payés, alors que la droite les avait laissés tomber.

Dès 2013, nous avons rétabli la formation initiale des enseignants, Nous aurons créé en cinq ans 60 000 postes pour rétablir ce que la droite avait détruit. Enfin, nous reconnaissons le mérite de ceux qui vouent leur vie à l’enseignement en revalorisant leur salaire, en récompensant le mérite et en refondant les outils d’évaluation.

Madame la ministre, ce budget pour 2017 est la concrétisation de tous nos engagements : accompagnement des élèves, renforcement des effectifs de remplaçants et revalorisation du métier d’enseignant. Pouvez-vous nous dire comment il s’appliquera ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, un grand nombre des questions qui ont été évoquées depuis le début de cette séance de questions au Gouvernement trouvent une partie de leur réponse dans l’éducation, parce que « c’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal », disait Hannah Arendt. C’est l’éducation qui élargit les horizons personnels, professionnels et sociaux et qui permet de sortir du fatalisme. Elle est aussi le premier et parfois le seul bouclier contre le repli sur soi et la fragmentation de nos sociétés.

Oui, de l’éducation, il faut faire évidemment une priorité. Nous l’avons fait durant ce quinquennat. Il faudra poursuivre et même aller plus loin. Nous l’avons fait notamment en remettant le budget de l’éducation tout en haut de la pile des budgets. Pour 2017, vous l’avez dit, 2,1 milliards supplémentaires y seront inscrits. C’est inédit, historique.

À quoi sert cet argent ? Tout simplement à créer des postes. Nous en créons encore plus de 10 000 cette année pour finaliser notre objectif de création de 60 000 postes dans l’éducation. Cet argent sert également à mieux rémunérer les enseignants,…

M. Yves Censi. Vous avez bloqué leurs salaires.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …parce qu’il faut reconnaître la difficulté de leur tâche. C’est ce que nous faisons avec l’indemnité annuelle des enseignants du premier degré, qui est passée de 400 à 1 200 euros à la rentrée, ainsi qu’avec le protocole PPCR – parcours professionnels, carrières et rémunérations dans son ensemble.

Ce budget sert également à créer une école plus inclusive. Faut-il le rappeler ici ? Les moyens alloués à l’accompagnement des élèves en situation de handicap auront augmenté de 70 % durant ce quinquennat. Les bourses et les aides sociales auront, elles aussi, augmenté dans ce seul budget de 735 millions d’euros, en hausse 12 % par rapport à l’an dernier.

Monsieur le député, je vous remercie du soutien sans faille que vous apportez à ce budget qui est une belle et noble ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Agression au centre hospitalier de Tourcoing

M. le président. La parole est à M. Vincent Ledoux, pour le groupe Les Républicains.

M. Vincent Ledoux. Monsieur le garde des sceaux, on apprend aux étudiants en droit que Thémis, la célèbre déesse grecque aux yeux bandés, symbolise l’impartialité de la justice. Je crains que ce récit ne doive être actualisé, car Mme Taubira en a fait une déesse aveuglée par excès de laxisme et de précaution. (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Nous sommes aux urgences de Tourcoing, dans la nuit du 15 au 16 octobre, quand des médecins et des infirmiers sont brutalement agressés par une famille de quinze personnes. Menaces et insultes se poursuivront jusque dans le tribunal, où les agresseurs paraissent en comparution immédiate. Ils obtiennent le renvoi de leur affaire. Merci, madame Taubira ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Yann Galut. Vos propos sont lamentables !

M. Vincent Ledoux. Ce 7 novembre, stupéfaction : le tribunal estime que cette affaire ne peut être jugée en l’état et demande un complément d’enquête. Le format de la comparution immédiate n’était-il pourtant pas suffisant pour établir la matérialité de faits avérés, comme l’a estimé le parquet ?

Qu’apprendrons-nous d’autre des victimes que la peur au ventre qui les taraude depuis cette nuit sauvage ? Aujourd’hui, la parole de médecins vaut-elle moins que celle de voyous bien connus ? Le soignant ne devrait-il pas, au contraire, bénéficier d’une présomption quand on vient l’agresser au cœur même de son sanctuaire professionnel ? Qu’apprendrons-nous de nouveau des agresseurs réfugiés dans une victimisation lâche et indigne ? Il faut être sérieux, tout de même : doutons-nous du fait que les soignants sont les victimes dans cette affaire ? Cette reconnaissance devait être immédiate, quand cette prolongation du temps judiciaire vient semer un doute intolérable.

Entendez-vous, monsieur le garde des sceaux, l’incompréhension et la souffrance de nos urgentistes tourquennois ? Entendez-vous la colère de nos concitoyens, qui peinent à croire en cette justice quand les délinquants, exonérés de tout contrôle judiciaire, sont libres de tout mouvement au sein même du quartier hospitalier ? Entendez-vous la colère de nos policiers, qui se sentent dévalorisés quand on doute de leur travail ?

La procédure va être longue, très longue – certainement plusieurs mois. Je vous demande donc, monsieur le garde des sceaux, de tout mettre en œuvre pour diligenter cette affaire qui n’a que trop duré…

M. Marc Le Fur. En effet !

M. Vincent Ledoux. …et surtout respecter la promesse de Mme Touraine, qui réclamait ici même des sanctions exemplaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je vous remercie de vous faire le relais de l’émoi des personnels devant les faits inqualifiables intervenus à l’hôpital de Tourcoing. Ce n’est pas parce que l’hôpital public est un lieu ouvert que la violence doit y être acceptée.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La sanction pénale sera naturellement à la hauteur des faits que vous avez dénoncés à juste titre.

Je ne commente pas les décisions de justice, ni les affaires en cours, monsieur le député. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Je suis au regret de vous dire que les faits que vous avez évoqués sont factuellement justes et qu’ils respectent la procédure. Mme Taubira n’a rien à voir avec le fait que le report d’un dossier présenté en comparution immédiate est accordé de droit lorsqu’un avocat le demande.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Cette règle n’est pas en vigueur depuis trois ans, mais depuis que la procédure existe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) L’avocat des prévenus a donc formulé cette demande.

Les faits sont extrêmement graves : deux internes et un médecin hospitalier ont été agressés dans une enceinte hospitalière. Ce n’est pas tolérable. Au regard de la gravité de ces faits et du parcours pénal des individus interpellés par les services de police, lesquels ont été requis immédiatement – et je les remercie pour leur efficacité – le parquet a réclamé des peines extrêmement fermes : douze mois d’emprisonnement ferme, tant pour l’individu identifié comme le porteur des coups que pour les deux autres prévenus. Le juge a estimé qu’au regard de la complexité de l’affaire, un complément d’enquête était nécessaire – encore une fois, je ne commente pas les décisions de justice.

Le parquet a ouvert aujourd’hui une information judiciaire. Les prévenus ont été placés sous contrôle judiciaire. Ils comparaîtront donc devant la juridiction une fois que les faits auront été établis, que les témoins auront été entendus et que les preuves seront avérées. Je ne doute pas un instant – et vous non plus, monsieur le député, puisque vous avez eu le plaisir d’évoquer cette affaire au téléphone avec le procureur par intérim – que les sanctions prononcées seront à la hauteur des faits commis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, le Gouvernement est en train de nous jouer la symphonie des adieux – est-ce une anticipation ? Je ne sais donc pas à qui m’adresser parmi les ministres qui restent…

Après une campagne électorale longue, âpre et parfois amère, les États-Unis ont choisi leur prochain président. Le peuple a parlé dans le cadre d’un processus démocratique exemplaire. Les outrances ne sont plus de mise.

Ce peuple nous a donné, dès 1776, le concept et l’expression de droits de l’homme. Le principe de notre VRépublique – « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » – est mot pour mot celui qu’a défini Abraham Lincoln en 1863 à Gettysburg.

La France était l’alliée des États-Unis au temps où elle n’était pas encore une République et où les rebelles américains ne s’étaient pas encore constitués en État. C’est peu de dire que nous avons bénéficié de cette alliance lors des deux guerres mondiales. Les désaccords qui peuvent exister avec tel ou tel dirigeant ne doivent pas remettre en cause une telle alliance.

Nous serons confrontés, en revanche, à une double et fondamentale évolution des États-Unis d’Amérique vers le protectionnisme et un certain isolationnisme. L’affirmation d’une Amérique plus centrée sur elle-même, moins soucieuse de son rôle de protecteur international sur le plan diplomatique et militaire, et les nouvelles réticences envers la globalisation vont placer l’Europe, en particulier la France, devant de nouvelles responsabilités et de nouveaux défis. N’est-ce pas d’ailleurs ce que nous voulions, puisque nous ne cessons, ici et ailleurs, de critiquer l’impérialisme américain et le libre-échange ?

Monsieur le Premier ministre, le 20 janvier prochain, Donald Trump prêtera serment pour prendre ses nouvelles fonctions. L’orientation de sa politique sur le plan international est connue : elle appelle pour notre pays une adaptation diplomatique et stratégique. Comment envisagez-vous cette adaptation fondamentale et dans quelle mesure comptez-vous y associer la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie. Vous l’avez dit, monsieur le député : la France et les États-Unis sont depuis toujours des alliés, et même des amis. Depuis La Fayette qui partit combattre aux côtés de George Washington jusqu’aux soldats américains tombés sur les plages de Normandie, notre relation est ancienne et solide. La France est le seul grand pays européen à n’avoir jamais été en guerre contre les États-Unis – le seul.

L’amitié, surtout quand elle est ancienne, exige de la franchise. Cette franchise nous conduit aujourd’hui à dire que nous avons des interrogations nombreuses, qui portent sur l’engagement des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme, notamment au Moyen-Orient, sur l’application de l’accord avec l’Iran sur le nucléaire, sur la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat, et sur les relations économiques des États-Unis avec le reste du monde.

Ainsi, des incertitudes existent et les interrogations sont nombreuses. Nous allons engager un dialogue, que nous espérons constructif, avec la nouvelle administration américaine, pour la convaincre que les États-Unis ont tout à gagner à une économie et à une société ouvertes sur le monde. Il reviendra aussi à l’Union européenne de jouer tout son rôle dans ce dialogue exigeant que nous devrons avoir avec nos amis américains. Le Parlement sera bien sûr associé à ce dialogue, dans le respect de la séparation des pouvoirs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. David Habib.)

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

Élection de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à l’élection, par scrutin dans les salles voisines de la salle des séances, de deux juges suppléants de la Cour de Justice de la République.

Je rappelle que le scrutin est secret. Des bulletins imprimés sont à votre disposition. Pour que le vote soit valable, le bulletin déposé dans l’urne ne doit pas comporter plus de deux noms. Enfin, les délégations de vote ne sont pas admises. J’ouvre le scrutin qui est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale et sera clos à seize heures quarante-cinq.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Projet de loi de finances pour 2017

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 (n4061, 4125).

Travail et emploi

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs au travail et à l’emploi (n4125, annexe 47 ; n4129, tomes V, VI et VII).

La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, ce budget s’inscrit dans le cadre de l’action menée depuis quatre ans, en ciblant plusieurs priorités : la modernisation, la formation et la cohésion sociale.

La modernisation, c’est par exemple la politique que nous menons en faveur des TPE et des PME, qui comprend notamment les mesures prévues par la loi travail : la création d’un service d’information sur le droit du travail, la possibilité de moduler le temps de travail en fonction de l’activité et la définition d’accords types au niveau de la branche, directement applicables dans les petites entreprises.

Le budget pour 2017 accompagne cette politique en allouant 1,85 milliard d’euros supplémentaires aux dispositifs d’aides « Embauche PME » et « TPE première embauche ». Je rappelle qu’à ce jour, l’aide « Embauche PME » a fait l’objet de plus de 825 000 demandes, dont 66 % pour des contrats à durée indéterminée et près de 40 % pour des jeunes de moins de vingt-six ans. Pour beaucoup de salariés et d’employeurs, cette aide a permis de transformer des contrats courts en CDI.

Le deuxième pilier de notre politique est la formation professionnelle, qui est l’une des grandes réponses aux défis que rencontre le monde du travail. Nous considérons, avec Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage, et avec l’appui des partenaires sociaux et des régions, que le Plan 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d’emploi est un tournant décisif. Depuis le 1er  janvier 2016, 760 000 personnes sont entrées ou se sont inscrites en formation, avec un rythme hebdomadaire d’inscriptions doublé par rapport à la même période en 2015. Conformément aux objectifs fixés, ce sont les publics les plus éloignés de l’emploi qui ont bénéficié en premier lieu du dispositif. Notre volonté n’est pas de « faire du chiffre », mais bien de former plus et mieux ceux qui en ont le plus besoin. Parce que ce plan fonctionne, nous proposons d’allouer, dans le budget 2017, 196 millions d’euros supplémentaires au financement des conventions 2016.

Une enveloppe budgétaire nouvelle servira également à financer le lancement du compte personnel d’activité créé par la loi travail et destiné à ancrer définitivement la logique de sécurisation des parcours professionnels dans notre modèle social.

En matière de formation, ce budget prévoit également 80 millions d’euros pour améliorer la rémunération des apprentis. Cette mesure vient renforcer le plan de relance engagé en 2014, qui a permis d’accorder de nouveaux droits aux apprentis, de mieux orienter les jeunes, de recruter 10 000 apprentis dans la fonction publique en 2017, d’ouvrir les titres professionnels du ministère du travail et de renforcer l’aide aux petites entreprises avec l’aide « TPE jeunes apprentis », à l’origine de plus de 76 000 recrutements depuis juin 2015. Entre 2013 et 2017, l’effort financier de l’État aura été porté de 2,75 milliards à 2,84 milliards d’euros, permettant une reprise de l’apprentissage marquée par 4 % d’entrées supplémentaires pour la campagne 2015-2016.

J’en viens enfin au troisième pilier de notre action concernant le monde du travail : la cohésion sociale. Notre politique n’aurait pas de sens si elle n’avait pour objectif de permettre à tous, en particulier aux personnes les plus éloignées de l’emploi, de trouver une place dans le monde du travail.

Le budget pour 2017 nous permet de continuer à avancer dans ce sens, tout d’abord en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes. Avec 747 millions d’euros alloués à ce programme, soit 176 millions de plus qu’en 2016, l’emploi des jeunes reste une grande priorité de ce quinquennat.

Le budget de cette mission financera la généralisation de la garantie jeunes, ainsi que deux nouvelles structures de l’EPIDE – l’établissement public pour l’insertion dans l’emploi – et une augmentation de 15 millions d’euros des moyens des missions locales. C’est un engagement fort.

Les dernières évaluations révèlent que le taux d’accès à l’emploi des jeunes qui bénéficient de la garantie jeunes, mise en place par les missions locales, est 25 % plus élevé que celui des jeunes qui, quoique éligibles, n’en bénéficient pas. Bien entendu, cette garantie s’inscrit dans le cadre d’une politique plus large en faveur de l’emploi des jeunes : revalorisation des stages et des bourses, renforcement du soutien aux jeunes décrocheurs et aux entrepreneurs, avec le compte personnel d’activité, relance de l’apprentissage…

Agir pour la cohésion sociale, c’est aussi soutenir l’expérimentation « territoires zéro chômeurs de longue durée » : par ce budget, 15 millions d’euros sont alloués au lancement de cette expérimentation dans dix territoires. Nous confortons par ailleurs le service public de l’emploi en maintenant la subvention à Pôle Emploi à 1,5 milliard d’euros, en finançant les maisons de l’emploi à hauteur de 21 millions d’euros et en prévoyant 110 millions d’euros de subvention en faveur de l’EPIC qui remplacera l’AFPA – l’Association pour la formation professionnelle des adultes – le 1er  janvier prochain.

Agir pour la cohésion sociale, c’est également consolider les budgets destinés à l’insertion par l’activité économique et aux travailleurs handicapés : le budget 2017 prévoit 1,18 milliard d’euros pour le financement de 88 500 aides au poste. Avec une progression de 7,8 millions d’euros, le budget 2017 prolonge l’effort continûment accompli depuis 2012. Depuis le début du quinquennat, les dépenses des politiques de l’emploi destinées aux personnes handicapées ont augmenté de 35 %.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Excellente nouvelle !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Des préoccupations légitimes ont été exprimées, au sujet de l’insertion par l’activité économique, par la FNARS, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, et les associations du secteur, relayées par de nombreux parlementaires. Pour y répondre, je souhaite créer, en mobilisant les contrats aidés, 5 000 nouvelles aides au poste dans ce secteur : cet effort correspond exactement à la demande des parlementaires et des associations, qui, à juste titre, se sont manifestés à ce sujet. Nous en avons débattu la semaine dernière, lors de l’examen de cette mission en commission élargie, et j’y reviendrai lors de la phase de questions.

Agir pour la cohésion sociale, enfin, c’est sanctuariser les financements dédiés aux contrats aidés à hauteur de 2,4 milliards d’euros comme en 2016, pour un total de 280 000 nouveaux contrats en 2017. Certains d’entre vous ont certainement pris connaissance de la tribune, signée entre autres par la FNARS, la CFDT, Force ouvrière, Terra Nova et Emmaüs France, en faveur des contrats aidés. Ces acteurs dénoncent les nombreuses voix qui rabaissent ces contrats « au rang de charges financières inutiles plombant notre économie ». Ils ont raison. Ceux qui souhaitent supprimer les contrats aidés s’en remettent à la seule logique du marché et refusent de soutenir les publics les plus éloignés de l’emploi.

M. Gérard Cherpion. Allons, allons !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous, au contraire, nous refusons de les laisser tomber.

Mesdames et messieurs les députés, voilà donc les grandes lignes du budget de la mission « Travail et emploi » pour l’année 2017. C’est un budget de combat en faveur de l’emploi, qui soutient la modernisation, la formation et la cohésion sociale au sein du monde du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, madame et messieurs les rapporteurs pour avis de la commission des affaires sociales, il n’y aura jamais de bons chiffres du chômage tant qu’il restera des chômeurs.

Nous devons cependant concourir à diminuer leur nombre de manière substantielle et durable, par les politiques que nous menons. Nous obtenons des résultats positifs et encourageants en la matière : le chômage a baissé en un an, passant de 10,3 % de la population active à 9,9 % à la fin du deuxième trimestre 2016 – niveau qui s’établit légèrement en deçà de la moyenne européenne. Cela fait cinq trimestres consécutifs que la France crée des emplois : 185 000 exactement.

Le moral des employeurs repart à la hausse, soutenu par la montée en charge des dispositifs d’aide à la première embauche pour les PME. Les entreprises retrouvent les marges de manœuvre dont elles disposaient avant la crise, et la prévision de croissance pour 2016 reste stable, entre 1,3 % et 1,5 %.

Avec 1,8 milliard d’euros, ce budget ne relâche pas pour autant les moyens du Gouvernement, qui depuis cinq ans mène avec constance des politiques de soutien de l’emploi. J’ai parlé de « politiques » au pluriel, car les publics visés sont divers ; les solutions doivent donc être adaptées à chacun. Les contrats aidés, l’apprentissage, l’insertion par l’activité économique : tous ont leur utilité.

Je tenais à le rappeler à nos collègues de l’opposition, qui n’ont cessé d’opposer ces dispositifs les uns aux autres, quand ils ne proposent pas purement et simplement de les supprimer. Je ne m’attarderai pas sur les autres mesures qu’ils préconisent : le contrat unique à droits régressifs – qu’ils appellent, eux, contrat à droits progressifs –, la semaine de trente-neuf heures payée comme une semaine de trente-cinq heures, la suppression du monopole syndical, la réduction des allocations-chômage, et d’autres dispositions du même genre.

Au contraire, plusieurs mesures prévues par ce budget vont dans le bon sens. Pour soutenir l’emploi, les crédits des emplois aidés sont stabilisés en volume : vous venez de le rappeler, madame la ministre. 464 000 contrats aidés ont débuté en 2015. Cette stabilité contraste avec la politique de stop and go menée par la droite au cours des années précédentes, qui n’était acceptable ni pour les collectivités territoriales, ni pour les personnes concernées. De plus, la durée de ces contrats a eu tendance à s’allonger, permettant aux bénéficiaires de se former. Pour ne citer que les emplois d’avenir, c’est le cas de trois jeunes sur quatre.

Les dispositifs en faveur de l’insertion des jeunes sont accrus : c’est le cas de la garantie jeunes, destinée aux jeunes sans emploi ni formation ni diplôme, et qui connaît une progression constante. Elle est déjà mise en œuvre par 80 % du réseau des missions locales, dans 91 départements ; elle sera bientôt appliquée dans la totalité de ces collectivités. Les crédits consacrés à cette garantie pour l’année 2017 augmentent, afin de couvrir les besoins de ses 150 000 bénéficiaires. Je sais, madame la ministre, et je l’ai dit en commission élargie, que vous vous battez auprès de la Commission européenne pour pérenniser ces crédits européens.

Les moyens des opérateurs – Pôle emploi, les missions locales – sont stabilisés, voire augmentés pour les missions locales. Le taux de satisfaction des entreprises quant au service rendu par Pôle emploi est bon : 70 %, même s’il reste des efforts à accomplir pour répondre aux milliers d’offres d’emploi non encore pourvues. Ceux d’entre nous qui œuvrent dans des collectivités locales – je suis moi-même maire et président d’une communauté d’agglomération – le savent bien, car ils rencontrent quelquefois des difficultés à recruter un menuisier, un sidérurgiste, faute de formations idoines.

Dans le prolongement du CICE, relevé d’un point dans ce projet de loi de finances, et du plan d’urgence pour l’emploi, les entreprises obtiennent de nouveaux allégements, auxquels on peut imputer une part important de la hausse du budget. Plus de 600 000 aides à l’embauche dans les PME, dont 66 % en CDI, ont été sollicitées à la fin du mois d’octobre dernier. L’aide à l’apprentissage reste soutenue ; 80 millions d’euros sont destinés à améliorer le pouvoir d’achat des apprentis.

Pour lutter contre les effets du chômage, le Gouvernement et notre majorité ont mis l’accent sur l’accompagnement des chômeurs et leur formation, par le plan visant à donner 500 000 formations supplémentaires aux personnes qui recherchent un emploi. Je suis très sensible à cette mesure ; le président de la région Grand Est, où je suis élu, a lui-même reconnu la pertinence de ce projet.

La France comble ainsi son retard par rapport à ses voisins, notamment l’Allemagne, où près de 40 % des chômeurs bénéficient d’une formation, contre un sur dix en France. Je remarque également un recours plus important à l’activité partielle depuis la réforme menée au moyen de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui a rendu cette solution plus attractive. Près de 140 000 salariés y ont eu recours depuis 2016, dans plus de 17 000 entreprises. Ce n’est pas une idée nouvelle, mais nous progressons dans sa mise en œuvre – étant bien entendu que les salariés concernés doivent retrouver un emploi à temps complet.

Je me félicite enfin que nous ayons adopté en commission un amendement représentant 7,5 millions d’euros, tendant à attribuer 1 000 aides au poste supplémentaires aux entreprises adaptées. Je rappelle que ce dispositif permet de lutter contre le chômage des personnes en situation de handicap, qui s’établit à 22 %.

Vous avez annoncé il y a quelques instants, madame la ministre, des mesures visant à répondre aux demandes que nous avions formulées en commission élargie : je vous en sais gré. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement n’a pas su relever le défi de l’emploi ; il n’a pas été à la hauteur de l’ambition qu’il faisait sienne il y a quatre ans, à savoir mener une politique dynamique propre à inverser la courbe du chômage sur le long terme. Ces derniers mois, en effet, les chiffres de l’emploi oscillent fortement ; personne ainsi ne peut se satisfaire d’un quelconque résultat.

En septembre 2016, le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues – A, B, C, D et E – s’élevait à 6 573 100 pour la France entière. Entre juin 2012 et septembre dernier, 550 000 demandeurs d’emploi supplémentaires de catégorie A ont grossi les rangs de ceux qui pointent à Pôle emploi, tandis que le taux de chômage des jeunes atteint près de 25 %.

Notre groupe est lucide quant à la difficulté du défi que pose le chômage. Malgré cela, nous sommes peu satisfaits par les orientations budgétaires de la mission « Travail et emploi » pour l’année 2017. En effet, la politique de l’emploi dont témoigne ce budget se caractérise par la volonté de réduire à marche forcée, et souvent de façon trompeuse, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi. Cette stratégie repose sur la multiplication des emplois aidés qui – chacun le sait – ne sont pas pérennes.

La Cour des comptes a d’ailleurs mis en relief dans un récent rapport les écueils de cette politique, qui entraîne des effets d’aubaine, n’est pas suffisamment ciblée sur les personnes les plus éloignées de l’emploi, et n’a permis d’engager effectivement que peu de formations.

Notre groupe a toujours affirmé qu’il n’était pas opposé à une politique de contrats aidés : nous l’affirmons à nouveau. Mais on ne peut fonder durablement la politique de l’emploi sur de telles mesures ; or c’est la voie que le Gouvernement a choisie, avec les résultats que l’on sait.

M. Gérard Cherpion. Tout à fait !

M. Francis Vercamer. Vous avez choisi, dans l’urgence, de financer des formations destinées aux chômeurs. Sur le principe, nous sommes plutôt favorables au développement des stages et à l’amélioration de la qualification des demandeurs d’emploi ; cependant nous doutons que certaines de ces formations débouchent, in fine, sur des emplois réels… Nous sommes d’autant plus circonspects face aux annonces du Gouvernement, qui entend former 500 000 demandeurs d’emploi en quelques mois.

Dans ce contexte, nous donnons la priorité à la qualité de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Nous souhaitons donc vivement qu’à l’avenir, la subvention annuelle à Pôle emploi ne soit pas, comme cet été, amputée de près 30 millions d’euros !

Par ailleurs, le rejet suscité par la loi Travail a souligné, s’il le fallait encore, qu’une approche globale, fondée sur le rapprochement des offres des entreprises avec la demande d’emploi, la qualification, l’apprentissage, la formation professionnelle et la maîtrise du coût du travail sur le long terme, est nécessaire. Malheureusement, nous ne trouvons toujours pas de trace de cette vision d’ensemble dans ce projet de loi de finances. Nous reconnaissons cependant que certaines mesures, comme celles qui visent à développer l’apprentissage dans les TPE, peuvent avoir leur intérêt.

Les conclusions du rapport Sirugue concernant l’allocation temporaire d’attente – qui doit être supprimée – et la prime forfaitaire mensuelle d’intéressement à la reprise d’activité seront mises en œuvre d’ici le 1erseptembre 2017. C’est une initiative louable, qui répond à un souci de simplification auquel nous ne pouvons que souscrire. Toutefois, la réforme globale des minima sociaux reste à accomplir, de façon à rendre ces dispositifs de solidarité à la fois mieux lisibles et plus sûrs pour leurs bénéficiaires.

Le budget de cette mission pour l’année 2017 prévoit également, au sein du programme 102 « Accès et retour à l’emploi », une participation au Fonds national d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée. Nous serons cependant très vigilants à ce que les transferts de crédits liés à la réorientation des coûts de la privation d’emploi soient opérés correctement, de façon à ne pas alourdir les dépenses des collectivités concernées.

Enfin, en dépit d’une légère augmentation de leur dotation pour l’année à venir, l’État continue à étrangler les maisons de l’emploi comme avec un nœud coulant, en les privant de leurs moyens budgétaires. Du projet de loi de finances pour 2013 au projet de loi de finances pour 2017, le montant consacré aux maisons de l’emploi, en crédits de paiement, est passé de 59 à 21 millions d’euros seulement. Elles sont pourtant un outil de coordination territoriale des politiques de l’emploi ; elles ont le mérite de remettre les élus – notamment les maires – au cœur de la politique de développement de l’emploi dans les territoires.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe UDI voteront contre les crédits de cette mission.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales et M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Quelle déception ! Et quelle surprise ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe Les Républicains.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’Assemblée nationale est appelée à voter, pour la dernière fois de cette législature, les crédits consacrés au travail, à l’emploi et à l’apprentissage.

Le budget de cette mission est en hausse, mais ce qui est regrettable, c’est que cette hausse ne se produise que dans le dernier budget du quinquennat. On peut dire que vous avez ouvert les vannes, charge à la prochaine majorité de se débrouiller avec votre héritage !

La première partie de ce projet de loi de finances a concrétisé les promesses électoralistes de François Hollande, pour 15 milliards d’euros. Le budget de cette mission poursuit cette politique. Il démontre, en outre, l’échec du Gouvernement en matière d’emploi : vous répétez qu’en tendance, le chômage baisse, que la courbe s’est inversée ; je vous invite à expliquer cela aux électeurs dans mon territoire, madame la ministre !

La réalité, c’est que depuis 2012, en quatre années de gestion socialiste, il y a 650 000 demandeurs d’emploi sans aucune activité – c’est-à-dire les chômeurs de catégorie A – et 1,2 million de chômeurs toutes catégories confondues de plus.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Vous pourriez aussi remonter jusqu’à 2007 !

M. Gérard Cherpion. Si vous voulez, monsieur Castaner !

C’est d’autant plus incompréhensible que cette législature s’est déroulée dans un contexte de reprise mondiale, alors que les prix du pétrole sont historiquement bas, les taux des banques centrales quasiment nuls et les taux d’emprunts de la France négatifs.

Mais avec tous ces astres favorablement alignés, vous n’avez réussi, au mieux, qu’à stabiliser le chômage, et ce à quel coût pour les finances publiques ! Les contrats aidés ont été tant utilisés que vous venez d’être obligée, madame la ministre, de donner l’instruction de ne plus conclure de contrats d’avenirs car l’enveloppe budgétaire est vide ; vous avez consommé une année budgétaire en moins de dix mois… Pour quel résultat ?

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Ça ne vaut pas le record de 2012 !

M. Gérard Cherpion. Madame la ministre, combien les emplois d’avenir ont-ils déjà coûté en 2016 ? Quel écart avec la loi de finances initiale de l’année dernière ? Quelle sera la facture supplémentaire pour la prochaine majorité ? À cela s’ajoute le coût des emplois d’avenir : sur la totalité du quinquennat, cela représentera plus de 5 milliards d’euros. Combien de places d’apprentissage aurait-on pu créer avec une telle enveloppe ? Je le rappelle à chaque occasion : l’apprentissage est une voie de formation, de réussite et d’excellence pour les jeunes ; sept sur dix sont en emploi six mois après leur sortie ! Dans ce triste tableau, je dois reconnaître que vous avez tenté de corriger les erreurs grossières de vos prédécesseurs en la matière, mais les premières années de ce quinquennat ont été les fossoyeuses de l’apprentissage.

M. Michel Issindou. Monsieur Cherpion !

M. Gérard Cherpion. Nous avons eu en effet des réformes sans ligne directrice, prises sans concertation, au détour d’un amendement, et des suppressions d’aides. L’apprentissage a souffert. Je ne peux qu’être satisfait qu’il reprenne quelque peu des couleurs, mais cela reste encore trop peu. Si vous vous réjouissez de l’augmentation du nombre d’apprentis employés dans la fonction publique, il faut rappeler qu’il reste encore dérisoire par rapport au nombre total des emplois et que si l’on devait appliquer les mêmes règles que dans le privé, les cotisations seraient un peu fortes pour l’État et les collectivités.

De façon générale, la politique en faveur des jeunes est un échec, hormis la Garantie jeunes – financée d’ailleurs en grande partie par l’Europe –, et malgré une légère tendance à la baisse du chômage dans cette tranche d’âge, celui-ci reste bien au-dessus de la moyenne européenne. La Cour des comptes elle-même dénonce les dispositifs onéreux du Gouvernement au vu de leur si peu d’efficacité. Je rappelle que le chômage des jeunes en France est trois fois supérieur à ce qu’il est en Allemagne.

Votre tango politique – un pas en avant, deux pas en arrière – s’applique aussi à la politique de décentralisation vers les régions. Ainsi, je pense à la création d’entreprises, et au transfert de NACRE – le nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d’entreprise – pour lequel on n’a toujours pas réussi à trouver une solution. Certes, le transfert est valable à l’euro près, mais celui des personnels est loin d’être résolu.

Enfin, s’agissant de l’AFPA, j’ai déjà dit que toutes les régions ont approuvé son changement de statut en établissement public industriel et commercial, mais votre façon de faire s’est soldée par un rejet du projet d’ordonnance à la fois par le Conseil d’État et par l’Europe. Vous avez présenté à la hâte ce matin en conseil des ministres un nouveau projet d’ordonnance, sans consultation ni concertation nouvelles… Avez-vous vraiment la volonté, madame la ministre, de préserver cet outil de formation et d’accompagner son évolution absolument nécessaire ? Permettez-moi d’en douter. Et je le regrette.

Ce budget en trompe-l’œil laissera à vos successeurs une situation catastrophique, en particulier pour les six millions de demandeurs d’emploi que vous avez abandonnés.

M. Michel Issindou. C’est faux !

M. Jean-Frédéric Poisson. Si, il a raison !

M. Gérard Cherpion. En conclusion, je confirme que le groupe Les Républicains votera contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget total de la mission « Travail et emploi », qui s’établit à 15,3 milliards d’euros, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2016, est significatif de la volonté qu’a cette majorité d’engager de réelles ressources financières afin de mettre en œuvre une politique de l’emploi et du travail ambitieuse. Madame la ministre, vous avez évoqué « un budget de combat ». Nous ne pouvons que louer la volonté du Gouvernement de tabler sur la jeunesse, la formation et l’apprentissage. En effet, le chômage des jeunes inquiète en cette période budgétaire difficile qu’est la nôtre, et la réforme globale de l’apprentissage qui a été lancée en 2013 ainsi que la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ont permis de rénover le dispositif.

Dès lors, l’objectif du Gouvernement de créer plus de 500 000 places d’apprentissage d’ici 2017 est louable et répond à une volonté et à une continuité de mises en place de politiques publiques axées sur l’emploi, sur le travail et sur la jeunesse. Nous ne pouvons que nous en féliciter car, en effet, l’investissement de ressources budgétaires afin de créer des bases solides apportant une bonne formation a souvent été délaissé par les précédentes majorités. De plus, la Garantie jeunes, les contrats aidés ou encore le dispositif « Embauche PME » sont également des outils très importants dans le but de faire sortir le plus de personnes du chômage, notamment les jeunes.

À ce titre, je m’attarderai un peu plus longuement sur l’apprentissage. Les 350 millions d’euros abondant les crédits de l’action 2 « Amélioration de l’insertion dans l’emploi par l’adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences » du programme 103 sont d’ailleurs vraiment réjouissants. Mais à côté des questions budgétaires, il y a également des actions à mener. Certes, nous pouvons regarder ce qui se fait notamment en Allemagne, mais pour la mise en place d’outils performants et, plus globalement, pour mettre en œuvre ces politiques publiques, penchons-nous sur ce qui se fait dans d’autres pays proches de nous, par exemple en Suisse où les chiffres sont extrêmement parlants puisque plus de 70 % des jeunes passent par l’apprentissage, et 95 % d’entre eux trouvent un travail à la fin de ce cursus.

Madame la ministre, les chiffres de ce voisin doivent nous interpeller : alors que la proportion de jeunes optant pour l’apprentissage est singulièrement plus élevée qu’ici et que celui-ci n’est absolument pas pensé ni vu comme une voie de garage, il est intéressant de noter que le taux de chômage des jeunes dans ce pays est l’un des plus faible d’Europe. Les chiffres du chômage sont à la baisse chez nous et il en est de même en Suisse. Mais le taux de chômage des jeunes était de 3,4 % chez eux à la fin du mois d’octobre 2016 ! Les résultats de leurs politiques d’apprentissage et de formation sont incomparables avec les nôtres puisque nous sommes environ à 24 % de taux de chômage chez nos jeunes. Bref, c’est de paradigme qu’il faut changer : les professeurs suisses recommandent aux jeunes de faire une formation, expliquant qu’ils seront ainsi l’élite de leur pays, il est intéressant de constater que ce petit pays de huit millions d’habitants dépense environ 5 milliards d’euros par an pour la formation. Cela devrait singulièrement nous interpeller et nous serions forts gagnants à nous en inspirer.

En outre, je saisis l’occasion qui m’est donnée d’évoquer brièvement dans le temps qui m’est imparti le chômage chez les personnes en situation de handicap. Vous l’avez entendu hier, l’Association des paralysés de France a dressé un sombre bilan de la situation de l’emploi pour les personnes handicapées. Pour cette catégorie de la population, le taux de chômage atteint 21 % ! S’il est indéniable que cette majorité a beaucoup fait pour les personnes en situation de handicap, là encore, il faut que les chances de trouver un emploi soient possibles tout au long du parcours de vie. Certes, nos écoles sont plus inclusives qu’auparavant, mais il faut que les résultats se concrétisent par la suite. Ainsi, l’ambition du programme 102 se trouve renforcée cette année par l’adoption de la loi du 29 février 2016 qui permettra de favoriser l’accès ou le retour à l’emploi, notamment pour les demandeurs d’emploi de longue durée ou pour ceux qui rencontrent des difficultés spécifiques sur le marché du travail, tels les travailleurs handicapés. Notre groupe espère dès lors que les crédits de cette mission permettront enfin d’inverser cette courbe du chômage des personnes en situation de handicap. De plus, il faudrait également favoriser la création d’emplois dans les territoires ruraux, leur redonner de l’attractivité avec des possibilités de transports adaptés et une couverture numérique irréprochable.

Pour terminer, sachez, madame la ministre, que vous pouvez compter sur le soutien des députés du groupe des radicaux de gauche et apparentés. Nous voterons bien évidemment les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, les derniers chiffres du chômage auraient pu nous satisfaire puisque le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité diminue en septembre, mais nous ne saurions passer sous silence le nombre d’inscrits à Pôle emploi toutes catégories confondues qui, avec six millions cinq cent mille personnes inscrites, n’a jamais été aussi haut. Voilà les vrais chiffres.

C’est donc dans ce contexte très préoccupant que nous examinons aujourd’hui le budget de la mission « Travail et emploi ». Alors que, depuis trois ans, les moyens alloués à la politique du travail et de l’emploi n’avaient cessé de diminuer, les crédits sont revalorisés en 2017 pour atteindre 15,3 milliards d’euros contre 13,5 milliards d’euros l’année dernière. Cette hausse est la bienvenue puisqu’elle permet de financer une nouvelle aide à l’embauche dans les TPE-PME, un soutien utile à l’emploi dans nos petites entreprises à hauteur de 1,9 milliard d’euros, mais qui d’ailleurs absorbe à lui seul la majeure partie des nouvelles dépenses.

Pour le reste, le budget qui nous est présenté prolonge les orientations mises en œuvre depuis 2012. Après plusieurs années de disette pour le service public de l’emploi du fait d’un recentrage des priorités sur les publics les plus en difficulté, nous notons avec un certain soulagement que les moyens de Pôle emploi sont préservés cette année, tout comme ceux des Maisons de l’emploi. De même, les crédits accordés aux missions locales sont revalorisés : elles disposeront de 15 millions d’euros supplémentaires en 2017, revalorisation des moyens indispensables tant leurs missions ont été élargies ces dernières années, notamment pour lutter contre le chômage des jeunes. Elles seront ainsi en première ligne pour mettre en œuvre la généralisation de la Garantie jeunes, dispositif dont les premiers résultats sont encourageants en termes d’insertion des jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. Nous sommes également satisfaits de voir que les efforts financiers en matière d’apprentissage sont poursuivis et amplifiés cette année afin d’atteindre l’objectif, certes ambitieux, de 500 000 apprentis en 2017.

Pour autant, ces mesures positives ne sauraient compenser nos motifs d’insatisfaction, qui restent nombreux. Ainsi, nous regrettons, comme l’année dernière, la baisse des dotations destinées aux dispositifs d’accompagnement des mutations économiques. C’est le cas de l’aide à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, dont l’enveloppe recule de 26 millions d’euros en 2016 à 14 millions d’euros pour 2017, ou encore du dispositif d’appui-conseil en ressources humaines aux petites entreprises qui n’est doté que de 9 millions d’euros. Autant de dispositifs qui devraient au contraire être confortés à l’heure où tout le monde s’accorde pour dire que la révolution numérique en cours risque de détruire plus d’emplois qu’elle ne va en créer. De même, au nom de la fameuse « modernisation de l’action publique », vous poursuivez les coupes budgétaires dans les moyens de fonctionnement du ministère et des DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Elles se traduisent cette année par la suppression de 178 postes, qui s’ajoutent aux 192 suppressions de l’année précédente. Cette situation n’est pas acceptable tant elle aggrave les conditions de travail des personnels qui ne peuvent, dès lors, correctement exercer leurs missions au service du public.

Plus largement et surtout, nous ne pouvons que déplorer les orientations politiques prises depuis le début du quinquennat en matière sociale et qui n’ont fait qu’aggraver la situation de l’emploi dans notre pays.

M. Jean-Frédéric Poisson. Là, on est d’accord !

M. Patrice Carvalho. La première d’entre elles, c’est bien sûr la politique de l’offre. Les dernières études sur le CICE pointent son inefficacité et son coût exorbitant par emploi créé – entre 287 000 et 574 000 euros ! –, témoignant de la faillite de votre politique de réduction du coût du travail. La seconde orientation, c’est votre acharnement à flexibiliser les dispositions du code du travail, ou plus exactement les salariés, au prétexte de créer de l’emploi alors que n’a jamais été démontré le lien entre flexibilité et création d’emplois.

M. Gérard Cherpion. Ce n’est pas faux.

M. Patrice Carvalho. D’autres politiques ; comme la réduction du temps de travail, ont pourtant montré leur efficacité pour faire baisser le chômage comme en témoigne un récent rapport de l’IGAS, dont les conclusions ont été étouffées avant même sa publication. Et pour cause, car ce n’est pas la voie que vous avez retenue avec votre loi Travail, repoussée par une majorité de nos concitoyens et imposée autoritairement.

Pour ces raisons, les députés du Front de gauche voteront contre ce budget.

M. Jean-Patrick Gille. C’est dommage !

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée pour chacune d’entre elles à deux minutes.

La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Madame la ministre, alors que le chômage des jeunes remonte partout dans le monde, la situation continue de s’améliorer en France : plus de 35 000 jeunes ont retrouvé un emploi depuis un an. Cette baisse n’est pas le fruit du hasard mais le résultat de la politique volontariste que nous mettons en œuvre depuis 2012.

M. Jean-Frédéric Poisson. Laquelle ? !

M. Michel Issindou. Je la détaille, mon cher collègue : contrats aidés, emplois d’avenir, relance de l’apprentissage, Garantie jeunes, etc.

Autant de dispositifs qui permettent de lutter efficacement contre ce fléau qu’est le chômage des jeunes.

Je veux aussi saluer la généralisation de la Garantie jeunes : comprenant un accompagnement collectif, des contacts réguliers avec le monde de l’entreprise et une aide financière de 460 euros par mois, elle a été pensée pour répondre efficacement à cette réalité qui touche une partie de notre jeunesse. Le Gouvernement a généralisé ce dispositif de formation destiné aux jeunes en situation de grande vulnérabilité sur le marché du travail afin d’accompagner leur insertion dans le monde du travail. Le projet de loi de finances dont nous débattons aujourd’hui dote ainsi le dispositif de 420 millions d’euros.

Le combat européen que le Gouvernement mène depuis 2012 a également rendu possible la Garantie jeunes, la France œuvrant pour lancer l’initiative européenne pour l’emploi des jeunes – IEJ –, qui est aujourd’hui un succès parce que les jeunes comprennent ce que cette initiative change vraiment dans leur quotidien. Il existe toutefois une incertitude quant à sa suite. Pour que ce succès perdure, il est indispensable que les crédits européens soient reconduits dans les années à venir.

Madame la ministre, pleinement investie dans ce combat, vous avez demandé, avec plusieurs de vos homologues européens, que ce programme soit reconduit. La France a de nombreux atouts à faire valoir pour négocier cette reconduction. Aussi, pouvez-vous nous indiquer l’état de ces négociations au niveau européen ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur le député, vous avez entièrement raison de dire que l’Europe sociale ne se décrétera pas seule : il faut des actions fortes. Nous avons eu l’occasion d’évoquer ici la lutte contre la révision de la directive concernant le détachement de travailleurs ou l’ouverture du programme Erasmus aux apprentis, avec la mise en place d’une expérimentation franco-allemande. La lutte contre le chômage des jeunes participe naturellement de ces actions.

J’ai en effet soutenu l’initiative pour l’emploi des jeunes. Après avoir rencontré la commissaire européenne Marianne Thyssen en septembre, je me suis réjouie de la proposition de la Commission de prolonger ce dispositif, qui devra néanmoins être doté de moyens suffisants. Tel n’est pas le cas à ce stade. Une étude récente de la Commission a cependant montré que, depuis 2013, ces dispositifs ont touché près de 9 millions de jeunes Européens et permis à 1,4 million d’entre eux de n’être plus enregistrés comme chômeurs.

Au niveau national, environ 200 000 jeunes ont bénéficié de différents dispositifs, dont la Garantie jeunes. Aujourd’hui, si un jeune Français sur deux est soit en emploi, soit en formation, c’est grâce aux fonds communautaires : près de 730 millions d’euros ont été mobilisés pour le service militaire adapté, les plateformes de lutte contre le décrochage scolaire, la formation aux emplois d’avenir ou la Garantie jeunes. Pour ce seul dispositif, le taux d’emploi de ses bénéficiaires, quatre mois après leur sortie, est de 10 points supérieur à celui des jeunes qui n’en ont pas bénéficié. Or ces jeunes accèdent presque exclusivement à un emploi durable dans le secteur marchand – contrat de plus de six mois ou contrat à durée indéterminée.

La Garantie jeunes est possible grâce à l’Europe : telle est la réalité, sur laquelle il faut communiquer, afin de forger une véritable identité européenne.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je salue tout d’abord ce projet de loi de finances, marqué par un fort engagement pour les dispositifs d’insertion en faveur des jeunes. Ma question porte cependant sur un dispositif plus classique d’insertion, l’apprentissage.

M. Gérard Cherpion. Ce n’est pas un dispositif d’insertion !

M. Jean-Patrick Gille. Je refuse d’ailleurs d’opposer la Garantie jeunes ou les emplois d’avenir à l’apprentissage car il faut faire feu de tout bois.

L’apprentissage étant un contrat de travail, ma question porte sur la rémunération des apprentis, définie aujourd’hui par une fraction du SMIC – de 25 % à 78 %, en fonction de l’âge de l’apprenti et de son année d’études. On peut s’interroger sur ces ratios – 25 % semblant un peu faible – car augmenter cette rémunération contribuerait vraisemblablement à relancer l’apprentissage, un mouvement qui est d’ores et déjà engagé.

Dès janvier, le Président de la République a souhaité que les très petites entreprises engageant des apprentis mineurs bénéficient d’une aide forfaitaire pour permettre une formation à coût zéro. Disposez-vous déjà, madame la ministre, d’une évaluation de ce dispositif, qui coûte 165 millions d’euros ? Cette mesure ne risque-t-elle pas de créer un effet de rotation ?

Par ailleurs, le projet de loi de finances que nous examinons prévoit une dotation supplémentaire de 80 millions d’euros pour améliorer le pouvoir d’achat des apprentis. Pouvez-vous apporter des précisions sur la manière dont cette mesure sera mise en œuvre ?

Enfin, le Premier ministre a annoncé en avril une refonte de la grille de rémunération des apprentis. Comme j’ai pu le proposer avec M. Lurton ou M. Cherpion, il est par exemple envisageable de neutraliser les effets d’âge, pour tenir davantage compte du niveau de diplôme visé. Avec quelle méthode de réflexion et de concertation souhaitez-vous travailler sur cette question, madame la ministre ? Qu’en est-il du calendrier, alors que le Premier ministre avait indiqué que la refonte pourrait intervenir au début de 2017 ? L’État s’engage-t-il à prendre en charge le surcoût que cette mesure crée pour les employeurs ?

M. Gérard Cherpion. Très bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur le député, je partage tout à fait la préoccupation que vous exprimez dans ces questions particulièrement précises.

Dans le rapport sur la mise en application de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, que vous aviez rédigé avec Gérard Cherpion, vous aviez formulé plusieurs propositions non seulement pour faire évoluer la grille de rémunération des apprentis, mais aussi pour lisser les effets de seuil dans l’obtention de certaines aides ou neutraliser le facteur d’âge afin de favoriser l’entrée en apprentissage de jeunes adultes.

Ces propositions montrent bien que, si la question du pouvoir d’achat des apprentis se pose, la rémunération n’est pas seule en cause. Celle-ci doit prendre en compte plusieurs éléments, telles que la prime d’activité, que nous avons élargie aux apprentis, ou les aides matérielles dont ils peuvent bénéficier. Le Gouvernement doit aussi examiner le coût de ces mesures pour les employeurs afin qu’ils soient toujours incités à recruter des apprentis, quel que soit leur âge.

Par ailleurs, 76 000 entreprises ont bénéficié de l’aide TPE jeunes apprentis depuis juin 2015, permettant d’augmenter le niveau des qualifications de 3 % en 2015 ainsi que la durée des contrats.

Les partenaires sociaux, réunis en juin, ont abordé la question du pouvoir d’achat lors de la réunion de lancement de la grande concertation entre les organisations de jeunesse et les partenaires sociaux. Il faut conduire une réflexion plus large, pour rendre le dispositif plus cohérent. C’est pourquoi je souhaite qu’une mission soit confiée aux parlementaires, afin de réfléchir à un dispositif, accepté par les partenaires sociaux, qui fasse sens.

Comme vous l’indiquiez, monsieur le député, le Premier ministre a annoncé le 11 avril une mesure favorisant le pouvoir d’achat des jeunes apprentis de moins de 21 ans. L’État la prendra en charge à hauteur de 80 millions d’euros. Selon les hypothèses, que nous continuons d’affiner, une aide au pouvoir d’achat comprise entre 250 et 350 euros sera versée aux apprentis âgés de moins de 21 ans. Un projet de décret, discuté au sein du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles – CNEFOP –, sera publié d’ici la fin de l’année, avant d’être appliqué au début de 2017.

M. Michel Issindou. Très bonne mesure !

M. Jean-Patrick Gille. C’est une bonne nouvelle !

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Nous sommes nombreux à nous intéresser à l’insertion par l’activité économique – IAE –, qui, je le rappelle, permet à 130 000 personnes en voie d’exclusion d’être non seulement employées mais aussi accompagnés et formées dans la perspective de retrouver plus tard un emploi sur le marché du travail classique. Près de 4 000 structures d’insertion par l’activité économique s’investissent chaque jour pour redonner à ces personnes fragilisées une perspective professionnelle et sociale, en créant des emplois qui satisfont de nouveaux besoins – services à la personne, recyclage des déchets, notamment. Il reste néanmoins beaucoup à faire puisque, selon le Conseil d’orientation pour l’emploi, l’IAE pourrait concerner près de 2 millions de personnes.

En 2014, le Gouvernement et la majorité ont engagé une réforme du financement des structures de l’IAE, le simplifiant et le rendant plus lisible, notamment avec la création de l’aide au poste. De l’avis de tous, la réforme a permis de redynamiser le secteur dont les crédits atteignent 815 millions d’euros en 2017. Nous avons pu constater ici cette progression, chaque année, avec satisfaction.

Il subsiste toutefois quelques sujets d’inquiétude, que les rapporteurs Chaynesse Khirouni et Christophe Castaner ont exprimés en commission. De nombreux conseils départementaux semblent en effet se désengager de l’IAE. De plus, le coût du travail dans les petites structures paraît fragiliser le réseau.

Madame la ministre, comment entendez-vous répondre à ces préoccupations que nous sommes nombreux à partager dans cet hémicycle et corriger, le cas échéant, les mesures qui ne sont plus prises dans les départements ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. L’utilité cruciale de l’IAE n’est pas discutable. Nous rencontrons tous sur le terrain des acteurs qui s’investissent chaque jour, de façon remarquable, pour accompagner les salariés, et pouvons constater l’impact de l’IAE en matière d’emploi pour les personnes en voie d’exclusion.

C’est pourquoi le Gouvernement avait dégagé des crédits supplémentaires de près de 25 millions d’euros dès les lois de finances pour 2013 et 2014. Le nombre de personnes en insertion au sein des structures d’IAE n’a cessé de progressé.

Une réforme importante de l’IAE, conçue en 2014 en lien étroit avec ses acteurs, a été pleinement déployée en 2015. Elle représente une étape structurante pour consolider l’équilibre des structures de l’IAE. Les associations l’apprécient car elle répond à leurs attentes, celles de pouvoir mieux former les salariés en insertion et de leur proposer des CDI plutôt que des contrats d’un an.

La loi Travail a aussi permis des avancées pour l’IAE, en ouvrant la possibilité de suivre les salariés en insertion les plus en difficulté jusqu’à cinq ans, au sein des ateliers et des chantiers d’insertion. Après avoir réformé ce secteur, après lui avoir donné de la stabilité, l’État doit accompagner son développement.

À ce moment précis, je ne souhaite pas constater des désengagements, notamment des conseils départementaux. Comme je l’ai dit dans mon intervention, je suis prête à ouvrir au sein des structures de l’IAE 5 000 postes supplémentaires, pour un montant de 20 millions d’euros, en mobilisant l’enveloppe des contrats aidés – la fongibilité que j’avais permise entre ces deux lignes en 2016 ne sera plus possible en 2017. Je m’y engage cependant, car ces fonds permettront d’apporter une solution pérenne aux besoins de développement exprimés par les associations, besoins que vous relayez à juste titre, monsieur le député.

En soutenant ces structures, en développant la clause sociale, je suis persuadée que nous détenons la solution pour lutter beaucoup plus efficacement contre l’exclusion et briser la spirale, particulièrement désespérante, du chômage de longue durée.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Les chiffres de l’apprentissage ne sont guère éloquents : les entrées en apprentissage ont baissé de 8 % entre 2012 et 2013, et de 3,2 %, entre 2013 et 2014. En 2014, 264 580 contrats ont été signés, loin du pic de 300 000 contrats signés en 2008. Il semble que cette courbe de baisse ininterrompue s’inverse depuis 2015.

Madame la ministre, si vos actions visant à promouvoir l’apprentissage ont probablement contribué à l’inversion de cette courbe – vos réponses aux questions de mes collègues s’orientent en ce sens –, elles n’effaceront cependant pas les années de baisse. À ce rythme, atteindre le cap de 500 000 contrats signés au 31 décembre 2017 sera difficile, voire impossible.

En parallèle, le chômage des jeunes atteint le taux élevé de 25 %. Entre mai 2012 et mars 2015, le nombre des jeunes de moins de 25 ans inscrits à Pôle emploi a augmenté de plus de 10 %. Des marges de progrès existent. Pour mémoire, la France compte trois fois moins d’apprentis qu’en Allemagne et le taux de chômage des jeunes y est trois fois supérieur à celui de ce pays.

Par ailleurs, le taux de rupture des contrats d’apprentissage avoisine 20 %. Ces ruptures concernent donc un apprenti sur cinq, ce qui est beaucoup. Or, elles laissent trois acteurs en difficulté : l’apprenti, l’entreprise et le centre de formation, qui voit son effectif diminuer. Elle abîme également l’image de l’apprentissage.

Cela m’amène à vous poser deux questions, madame la ministre.

Premièrement, je souhaiterais savoir si vous avez engagé, ou si vous comptez engager, des actions pour diminuer le taux de rupture des contrats d’apprentissage.

Deuxièmement, si l’on considère que ces taux de rupture des contrats d’apprentissage résultent en partie d’une orientation insuffisamment maîtrisée, il pourrait être intéressant, voire pertinent, de réduire l’imperméabilité existant entre le monde de l’entreprise et celui de l’éducation. Cela pourrait avoir un impact sur le taux de rupture des contrats d’apprentissage. Avez-vous, seule ou avec votre collègue ministre de l’éducation nationale, engagé une démarche en ce sens ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Madame la députée, je partage bien évidemment votre volonté de développer massivement l’apprentissage et je suis consciente, comme vous tous ici, que c’est une voie qui n’est pas assez valorisée dans notre pays. Mais lorsque l’on compare les chiffres relatifs à l’apprentissage en France et en Allemagne, on oublie de comptabiliser les 700 000 jeunes qui sont inscrits dans des lycées professionnels en France ; or ce système de lycées professionnels n’existe pas en Allemagne. Il faut donc comparer ce qui est comparable.

Néanmoins, il est vrai que les organisations patronales allemandes considèrent l’apprentissage comme un investissement ; je le sais pour les avoir rencontrées et être allée sur place visiter des centres d’apprentis. Dans notre pays, quand on va sur le terrain, on rencontre de nombreux jeunes qui peinent à trouver une entreprise qui accepte de les accueillir en apprentissage. Il y a là une difficulté ; c’est cette réalité qu’il nous faut chercher à améliorer.

À cet égard, le portail de l’alternance, que nous avions créé pour aider à la mobilité, permet une rencontre entre les différents publics et la mise en relation des offres d’emploi et des apprentis en recherche d’emploi. L’aide « TPE jeunes apprentis » a permis une amélioration de la situation dans les très petites entreprises. La reprise dans le secteur du bâtiment va aussi nous aider, car le secteur du bâtiment utilisait beaucoup d’apprentis.

Toutefois, une chose m’inquiète : c’est la situation des apprentis dans les grands groupes. Si leur nombre est en augmentation dans les petites entreprises, il est en effet en recul dans les grands groupes. Pour ne rien vous cacher, j’étais invitée hier soir à un dîner avec les membres de l’Association française des entreprises privées ; ce fut pour moi l’occasion de les interpeller et de leur rappeler leurs responsabilités en la matière.

Vous m’interrogez sur nos relations avec l’éducation nationale et sur les ruptures de contrats. Pour ma part, je considère qu’il n’est pas supportable de dire, au mois de décembre, à un jeune : « Attends septembre prochain pour explorer une nouvelle voie ». C’est pourquoi j’ai défendu, avec ma collègue ministre de l’éducation nationale et avec Clotilde Valter, le projet d’ouvrir à l’apprentissage les titres professionnels du ministère du travail.

M. Gérard Cherpion. Très bien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il s’agit d’une voie, non pas concurrente de l’éducation nationale, mais complémentaire, qui répondra à des besoins identifiés par les branches. J’ai donc commencé par écrire à la totalité des branches professionnelles, qui m’ont répondu qu’elles trouvaient un intérêt à quatre-vingt-cinq titres sur 200. Concrètement, cela veut dire qu’un jeune pourra préparer un certificat d’aptitude professionnelle de maçon en deux ans, ou un titre de maçon en 900 heures ; il y aurait ainsi en permanence des entrées en apprentissage. D’ores et déjà, six régions m’ont donné leur autorisation pour ouvrir dès la rentrée de septembre 2016 de nouvelles places dans les centres de formation d’apprentis – les CFA.

Enfin, il convient bien sûr de renforcer les liens entre l’entreprise et l’éducation nationale. Avec la ministre de l’éducation nationale, nous y travaillons ; nous souhaiterions qu’il y ait une plus grande mixité des publics entre lycées professionnels et CFA. Tout cela demande du temps et concerne l’ensemble de la société.

D’ailleurs, je vous demande d’être tous derrière l’équipe de France des métiers en décembre en Suède : ce sera l’occasion de valoriser l’apprentissage !

M. Jean-Patrick Gille. Bravo !

M. Gérard Cherpion. Si vous nous invitez, nous irons ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Merci, madame la ministre, pour votre réponse précise à ma première question.

La seconde porte sur la dégradation de l’emploi des personnes en situation de handicap. Selon le tout dernier bilan de l’Association des paralysés de France, le nombre de personnes handicapées au chômage s’est accru de 65 % entre 2011 et 2015 ! Ce chiffre déstabilise, tout en révélant une réalité cruelle. Le taux de chômage atteint 21 % pour cette catégorie de la population, soit deux fois plus que pour les valides. La période d’inactivité est également plus longue : 788 jours, contre 577 pour les valides. Si l’emploi des personnes handicapées connaît une progression dans les entreprises et les administrations en raison des mesures prises en application de la loi de février 2005, le secteur public ne compte que 4,9 % de travailleurs handicapés, et le secteur privé seulement 3,1 %.

Le 28 septembre dernier, présentant « un budget de combat au service de l’emploi pour 2017 », vous aviez, madame la ministre, tenu les propos suivants : « Les budgets à destination de l’insertion pour l’activité économique et des travailleurs handicapés sont sanctuarisés et même en légère hausse : avec 1,18 milliard d’euros, ils permettent de financer 88 500 aides au poste ».

La vingtième semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées se tiendra du 14 au 16 novembre ; au cours de cette semaine, des initiatives verront le jour dans toute la France.

Depuis le 1er  juillet, deux nouvelles dispositions législatives changent la prise en compte du handicap au travail. Une des dispositions de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques donne un coup de pouce aux travailleurs indépendants handicapés et aux stagiaires, majeurs et mineurs. Pouvez-vous nous dire quels sont les premiers retours de ces nouvelles mesures ?

Comment faire en sorte que l’intégration des personnes handicapées dans la vie active soit renforcée et qu’elle devienne pérenne – car il y a un vrai problème en la matière, vu le nombre de contrats d’une durée relativement courte ? Le chiffre que je vous indiquais en commençant est proprement inadmissible !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Tout comme vous, madame la députée, et tout comme de nombreux députés ici présents, je suis particulièrement sensible à cette question. Le chômage des personnes en situation de handicap ne cesse en effet d’augmenter, et ce depuis de très nombreuses années. Nul besoin de bagarre de chiffres entre nous :…

Mme Véronique Louwagie. Ce n’était pas mon propos !

Mme Myriam El Khomri, ministre. …il a encore augmenté, je le reconnais. Cette augmentation est toutefois aussi due à une meilleure reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé – il faut avoir tous ces éléments en tête.

Mon inquiétude est que le taux de qualification de ces personnes est bien en deçà de celui de la population en général : il y a là une vraie difficulté.

Autre préoccupation : la question de l’apprentissage – nous venons d’en parler. Je suis allée à Bordeaux inaugurer, avec le président Rousset, les Abilympics ; l’enjeu est notre capacité à lutter contre les préjugés de certaines familles, concernant notamment certains métiers, et contre ceux des chefs d’entreprise. C’est un combat que nous menons.

Nous avons énormément augmenté les budgets affectés aux dispositifs en faveur des personnes handicapées : plus 35 % depuis 2012. Nous avons créé 3 000 postes, ce qui a permis de passer de 19 536 à 22 536 emplois à temps plein, à raison d’une ouverture de 1 000 postes supplémentaires par an en 2012 et en 2013, et de 500 postes par an en 2015 et en 2016. Je soutiendrai tout à l’heure un amendement visant à financer l’ouverture de 500 postes supplémentaires. Ces nouveaux moyens ont permis de développer les entreprises adaptées là où elles étaient peu présentes.

S’agissant du plan de formation et des outils de la politique de l’emploi, la déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle, ici présente, peut en témoigner : tous les mois, je mobilise l’ensemble des préfets de région, et la part des emplois aidés occupés par des personnes handicapées est passée de 9 % en 2012 à près de 15 % aujourd’hui. C’est essentiel. Nous avons en outre demandé qu’une part importante du plan « 500 000 formations supplémentaires pour les personnes en recherche d’emploi » soit consacrée à renforcer la qualification de ce public-là. Cela aussi est essentiel.

Nous mettons donc en place tous les outils nécessaires. La loi « Travail », en consacrant la notion d’« emploi accompagné », permettra également d’améliorer les choses. C’est une dynamique collective, fondée sur une politique transversale et utilisant tous les leviers, que nous devons lancer. Reste la négociation collective sur le handicap et les missions handicap dans les entreprises : sur ces questions, j’attends encore des éléments de la part des acteurs concernés.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

4

Élection de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République (suite)

M. le président. Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection de deux juges suppléants de la Cour de Justice de la République :

Nombre de votants 129

Nombre de suffrages exprimés 127

Majorité absolue 64

Pour M. Alain Rodet 127

Pour Mme Colette Capdevielle 127

M. Alain Rodet et Mme Colette Capdevielle ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés, je les proclame juges suppléants à la Cour de justice de la République. La Conférence des présidents a fixé au mardi 15 novembre la date à laquelle aura lieu leur prestation de serment.

5

Projet de loi de finances pour 2017

Seconde partie

Travail et emploi (suite)

Mission « Travail et emploi » (état B)

M. le président. J’appelle maintenant les crédits de la mission « Travail et emploi », inscrits à l’état B.

Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.

La parole est à M. Gilles Lurton, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement n351.

M. Gilles Lurton, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, je vous confirme que l’aide « TPE jeunes apprentis » aux entreprises de moins de onze salariés a permis d’obtenir de meilleurs chiffres cette année : une stabilisation des courbes générales et un frémissement général de l’apprentissage. Je pense que cette mesure a aidé les petites entreprises, les entreprises artisanales, à recruter des apprentis.

Toutefois, elle est ciblée sur les entreprises de moins de onze salariés, c’est-à-dire, en général, des entreprises artisanales. Bien évidemment, je ne remets pas en cause l’apprentissage dans le secteur de l’artisanat, mais je pense que si nous voulons faire de l’apprentissage une voie d’excellence au service de l’emploi des jeunes, il faut le rendre attractif pour tous les types d’entreprise opérant dans tous les types de secteur. Le modèle allemand, souvent pris en exemple, privilégie ainsi ce type de formation pour l’ensemble des secteurs et ne le réserve pas aux seuls élèves en échec scolaire. Il me paraît donc nécessaire de l’étendre, notamment aux entreprises de taille intermédiaire innovantes.

En conséquence, le présent amendement propose une extension expérimentale de l’aide « TPE jeunes apprentis ». En contrepartie, les crédits de l’action 2, « Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail », du programme 102, « Accès et retour à l’emploi », seraient diminués de 30 millions d’euros. Cette diminution viserait plus particulièrement les contrats d’avenir. En effet, à la suite d’un rapport de la Cour des comptes au sujet duquel nous avons déjà eu l’occasion d’échanger, madame la ministre, je note que l’efficacité de ce dispositif est insuffisante. Je considère que l’apprentissage est la voie d’excellence pour l’insertion dans l’emploi, contrairement aux contrats d’avenir qui, malheureusement, ne permettent pas toujours de le faire.

J’ai pris bonne note, madame la ministre, de la mesure que vous avez proposée,…

M. le président. Merci, monsieur Lurton.

M. Gilles Lurton, rapporteur pour avis. …et je m’en réjouis. Mais il ne faudrait pas qu’elle accroisse l’effet de seuil constaté pour les plus de dix-huit ans.

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Quelques mots généraux avant de donner plus précisément mon avis sur l’amendement.

Dans la parole politique, il faut toujours s’appuyer sur l’exemplarité de ce que nous faisons. S’agissant de l’apprentissage, par exemple, il faut que l’État soit lui-même exemplaire. Et c’est pourquoi je veux féliciter Mme la ministre d’avoir fait en sorte qu’alors qu’il n’y avait, au cours de la législature précédente, que 700 apprentis qui étaient encadrés et accompagnés par les services de l’État, il y en ait aujourd’hui 4 500 et d’avoir fixé l’objectif à 10 000.

L’exemplarité est importante, y compris dans les propos politiques. Mme Louwagie évoquait tout à l’heure le chômage des jeunes en prenant une période de référence qui allait de 2002 jusqu’à mars 2015. D’abord, je pense qu’il faudrait aussi prendre en considération les derniers mois, qui sont plus favorables. Ensuite, j’aurai l’indélicatesse de lui rappeler que, sous le gouvernement de M. Fillon, le chômage des jeunes a augmenté de 30 %. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Lionel Tardy. Ah, ça faisait longtemps !

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Alors, vous avez raison : 10 % c’est beaucoup, mais 30 % c’est trois fois plus !

Je voudrais maintenant répondre à M. Lurton. Oui, monsieur Lurton, vous avez raison : les hésitations de la politique gouvernementale au début de cette législature ont eu des effets négatifs sur l’apprentissage. Il fallait corriger tout cela, cela a été fait, et aujourd’hui on voit bien que les choses vont mieux, avec une augmentation de 2,5 % en 2015 et de 3,7 % de juin 2015 à juin 2016. Il est nécessaire de poursuivre cette politique d’accompagnement ; c’est tout un panel de mesures – la ministre a rappelé celles qui concernent directement la jeunesse et il y a celles tendant à l’amélioration du pouvoir d’achat que le Premier ministre a proposées et qui seront mises en place cette année à hauteur de 80 millions –, c’est tout cela donc qui contribue à la relance du dispositif.

Votre amendement propose d’aller plus loin et d’étendre l’aide « TPE jeunes apprentis » au-delà des entreprises de moins de onze salariés. Personnellement, j’y serais favorable sur le principe, même si l’on viserait alors une autre cible que les petites entreprises : on sait bien que pour les grandes entreprises, le fait de favoriser l’apprentissage est lié rarement à des aspects financiers, mais plutôt à une organisation globale ; la ministre a donc bien fait de rappeler les grandes entreprises à leur devoir. Toutefois, malgré cet accord de principe, l’évaluation financière que vous avez faite ne donnerait nullement la possibilité d’élargir le dispositif : on se trouverait dans une situation où il faudrait choisir seulement 5 à 10 % des candidats pour entrer en apprentissage.

M. le président. Merci, monsieur le rapporteur spécial.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement : cela reviendrait à ouvrir un droit que les capacités budgétaires de l’État ne permettraient pas de mettre en œuvre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Comme M. le rapporteur spécial, je vous invite, monsieur Lurton, à retirer votre amendement ; faute de quoi l’avis serait défavorable.

Je comprends au demeurant le sens de cet amendement. Il est vrai que l’aide TPE aux jeunes apprentis a permis de relancer l’apprentissage, notamment dans les petites entreprises. Les entrées au niveau du CAP, d’ailleurs, ont également augmenté, ce qui était l’un des objectifs de l’aide.

Une extension à l’ensemble des entreprises ne peut faire l’économie d’une réflexion plus générale sur le sens à donner à notre cadre d’intervention financière. Le pacte de responsabilité et le CICE visent aussi, aux termes des accords signés par certaines branches, à développer l’apprentissage, ce qui réduit également le coût du travail. C’est donc l’ensemble des outils qu’il faut prendre en compte.

Comme je l’ai dit à M. Gille, la question du soutien financier aux entreprises doit aussi être examinée à l’aune de celle de la grille de rémunération et du pouvoir d’achat. Tel est le mandat que je souhaite confier aux parlementaires, de façon à trouver le juste équilibre tout en nous gardant de changer la règle, ce qui pourrait mettre en difficulté les chefs d’entreprise et faire chuter le nombre de contrats d’apprentissage.

Je suis ouverte aux expérimentations, la question n’est pas là. Nous avons d’ailleurs, dans le cadre de la plate-forme État-régions signée le 30 mars dernier, défini, avec ces dernières, deux grands domaines d’expérimentation, la gestion des fonds libres et l’augmentation de l’âge d’entrée en apprentissage. Ce sont ces deux expérimentations qu’il convient de mener en priorité.

M. le président. J’ai deux demandes de parole issues du même groupe, l’une de M. Cherpion et l’autre de M. Lurton. Comme vous êtes tous deux bavards, je vous invite à la concision. (Sourires.)

La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Merci de votre clémence, monsieur le président.

L’amendement de Gilles Lurton paraît intéressant. Peut-être pourrions-nous, à ce stade, le sous-amender afin de limiter l’expérimentation aux entreprises de moins de cinquante salariés, lesquelles, on le sait, accueillent 80 % des jeunes apprentis.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, rapporteur pour avis.

M. Gilles Lurton, rapporteur pour avis. Je souscris bien entendu à la proposition de M. Cherpion. L’expérimentation proposée aurait une durée limitée ; et je serais tout à fait favorable, monsieur le rapporteur spécial, au transfert d’une partie des fonds dédiés aux emplois d’avenir vers l’apprentissage, lequel, je le répète, me paraît être une voie d’excellence pour l’insertion dans l’emploi. De fait, nombre de jeunes apprentis trouvent un emploi à l’issue de leur contrat. C’est donc l’orientation que nous devons suivre.

(L’amendement n351 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 370 et 454.

La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n370.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. On l’a rappelé, le taux de chômage, parmi les personnes en situation de handicap, est toujours de près de 22 %. Grâce à l’engagement résolu du Gouvernement depuis 2012, le budget dédié aux entreprises adaptées a augmenté d’environ 24 %, ce qui représente un chiffre, relativement élevé, de 3 000 nouvelles aides au poste.

Toutefois, l’engagement a été pris par le Gouvernement, en 2014, de poursuivre cet effort croissant, avec la création de 500 postes par an pendant trois ans. Le présent amendement tend donc à majorer les crédits dédiés à ces aides de 7,5 millions d’euros, ce qui permettrait de créer 500 postes supplémentaires tout en assurant l’accompagnement des personnes concernées.

Chaque emploi trouvé par une personne handicapée dans une entreprise adaptée représente, je veux le rappeler, une économie réelle de 10 000 euros en moyenne pour la collectivité. En plus, un tel acte a un sens et une âme, d’autant qu’il permettrait, je le répète, l’accompagnement, que je crois nécessaire, des personnes en situation de handicap.

M. le président. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement n454.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. L’objet de cet amendement, qui fera consensus sur nos bancs, est le soutien à l’insertion professionnelle et à l’inclusion des personnes handicapées, auxquelles il est nécessaire de laisser toute leur place. Nous devons donc continuer à amplifier les politiques publiques menées en ce sens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, l’avis est bien évidemment favorable. S’agissant des 500 aides au poste ouvertes l’an dernier, on ne trouvait par exemple aucune entreprise adaptée en Guyane, où je me suis rendue la semaine dernière. Cet exemple illustre la nécessité de développer ce type d’initiative sur l’ensemble du territoire. Grâce aux 500 aides supplémentaires, une entreprise adaptée devrait être créée à Saint-Laurent-du-Maroni. Au-delà de son sens, que nous comprenons tous, le dispositif a donc une réelle efficacité.

M. le président. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Je remercie le Gouvernement pour ces 500 aides au poste, même si, comme Mme la ministre le sait, j’en aurais préféré 750 – j’avais d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.

Ce qui me chagrine un peu est que l’enveloppe prévue – 7,5 millions d’euros – devrait normalement intégrer, en plus de l’aide au poste, une partie de la subvention spécifique, ce qui n’est pas le cas.

Je me suis livré à un petit exercice de comptabilité. Selon une estimation globalement partagée, le montant requis d’une subvention spécifique est de 1 820 euros par poste ; or, bien que la majoration eût normalement dû être inférieure à 7,5 millions d’euros, le compte n’y est pas avec ces amendements, dès lors que l’on intègre les subventions spécifiques, pour lesquelles nous en serions à 833 euros ; d’où l’amendement que j’avais cosigné avec plusieurs collègues.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, rapporteur pour avis.

M. Gilles Lurton, rapporteur pour avis. Aucune aide au poste supplémentaire n’est prévue dans le dans le projet de loi en l’état : nous partons donc de rien. L’amendement que j’ai cosigné avec Mme Le Callennec et les députés du groupe Les Républicains ici présents tendait à ouvrir 1 000 aides au poste supplémentaires, conformément au vœu exprimé par l’Union nationale des entreprises adaptées, lesquelles font des efforts très importants pour l’emploi des personnes handicapées. Le taux de personnes handicapées en recherche d’emploi est considérable puisqu’il atteint, rappelons-le, 82,2 %.

Nous devons donc encourager toutes les entreprises qui consentent des efforts pour l’emploi de ces personnes. L’amendement qu’avait présenté Mme Rabin sur l’ouverture de 750 aides au poste aurait dû être adopté ; à défaut, nous voterons bien entendu ceux dont nous discutons, tout en soulignant leur insuffisance.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Je ne reviendrai pas sur le débat du nombre d’aides – 500 ou 750. Il va de soi que, si nous en avions la capacité financière, chacun serait favorable à l’ouverture de 250 aides supplémentaires, pour peu que l’on sache comment les financer.

C’est la politique globale qui importe : il convient de souligner l’effort, même si, Mme Rabin l’a rappelé à juste titre en commission élargie, il peut se révéler insuffisant. Sans être en désaccord avec elle sur la nécessité de l’accompagnement, mes propres calculs ne me conduisent pas au même résultat que les siens. Le chiffre de 7,5 millions d’euros est un arrondi à l’entier inférieur. L’aide au poste est de 14 127 euros, chiffre qui, multiplié par 500, donne 7,08 millions. Le delta, par rapport à la majoration de 7,5 millions, correspond précisément au coût de la subvention spécifique destinée à l’accompagnement, soit 465 000 euros. C’est ainsi que j’étais arrivé à 7,55 millions d’euros, chiffre arrondi, donc, à 7,5 millions.

L’accompagnement de l’aide au poste ne se fera pas a minima, le Gouvernement s’y est engagé et nous y serons très vigilants. Je suggère donc à Mme Rabin de retirer son amendement n412 qui, appelé ultérieurement – puisque l’ordonnancement de la séance l’a voulu ainsi –, peut être considéré comme examiné.

(Les amendements identiques nos 370 et 454 sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n358.

M. Lionel Tardy. Sauf erreur de ma part, la création du compte personnel d’activité – CPA – coûtera 25,6 millions d’euros, dont 5 millions pour la présente mission, et celle du compte personnel de formation – CPF –, 32,5 millions d’euros au total, dont 3 millions pour cette même mission. Or la loi « Travail » a intégré le CPF au CPA. Il me paraît essentiel que cela dégage au moins quelques économies.

L’enveloppe de 32,5 millions d’euros initialement dédiée au CPF devrait donc pouvoir être revue à la baisse avec cette mutualisation. C’est le sens du présent amendement, qui soustrait 3 millions d’euros à ces deux comptes pour réaffecter cette somme aux dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail.

Nous nous étions opposés à la création du CPA afin d’éviter la complexification et la multiplication des comptes. Si sa création ne dégage pas un minimum d’économies, cela ne fera que confirmer nos craintes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. L’idée de faire des économies est assurément bonne, meilleure en tout cas que la suggestion à 120 millions d’euros de M. Lurton, qui ne pouvait de surcroît être mise en œuvre.

Les deux comptes dont vous parlez, monsieur Tardy, ont été créés récemment : le premier en 2014, avec une entrée en vigueur au 1er  janvier 2015, et le second en 2016, avec une entrée en vigueur au 1er  janvier 2017. Il me semble donc prématuré de diminuer les ressources qui leur sont affectées alors même qu’ils n’ont pas encore été évalués.

Le coût du projet n’a pas été calculé tout à fait par hasard par le Gouvernement, auquel nous pouvons faire confiance. Ce projet implique de nombreux acteurs, non seulement la Caisse des dépôts, mais aussi les partenaires sociaux et l’État. Ce sont autant d’évaluations et de contrôles qui seront nécessaires de la part d’acteurs sérieux, et qu’il me semble un peu hasardeux de remettre en cause. Je vous invite donc, monsieur Tardy, à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Les deux systèmes d’information du CPF et du CPA, monsieur Tardy, sont complémentaires : celui du CPF est un système de gestion destiné à la tenue des comptes de tous les travailleurs. L’État, comme l’a rappelé M. le rapporteur spécial, a assuré son financement, à hauteur de 9 millions d’euros sur trois ans, de 2015 à 2017. Le reste, qui représente d’ailleurs la majeure partie des coûts, a été financé par les partenaires sociaux via le FPSPP, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Quant au CPA, je veux vous rassurer sur ce point, il prend entièrement appui sur le système de gestion des droits du CPF : nous n’avons donc pas créé, pour lui, un système de gestion supplémentaire. En revanche nous finançons de nouveaux services dans le cadre du CPA : le portail numérique – qui permettra de consulter le CPF, le compte pénibilité et le compte d’engagement citoyen sur seul site – et une plate-forme de services numériques utiles à la gestion des parcours professionnels. Le financement des coûts de développement associés sera entièrement assuré par le programme d’investissements d’avenir.

Il n’y a donc aucune redondance : les financements prévus, dans le projet de loi, pour le CPF et le CPA ne recouvrent pas les mêmes objets et ne sont donc pas substituables. Aussi je suggère le retrait de cet amendement, sur lequel j’émettrais, sinon, un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je retire l’amendement.

(L’amendement n358 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 371 et 455.

La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n371.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. La gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, la GPEC, est un dispositif souterrain, souvent peu visible puisqu’il n’agit que sur le long terme. Toutefois, il est aussi un outil nécessaire, qui facilite l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique de ressources humaines toujours adaptée.

On l’a dit, les budgets dédiés à la GPEC vont diminuant depuis plusieurs années. Tous les ans, l’Assemblée nationale monte donc au créneau, madame la ministre, pour la défendre. De fait, il convient de renforcer ses moyens ; c’est le sens de cet amendement, qui tend, non à compenser la baisse prévue, mais à en neutraliser une partie en mobilisant 2 millions d’euros. Nous le savons tous, les dispositifs d’accompagnement et d’anticipation doivent être défendus : c’est vrai pour la GPEC, mais aussi pour les contrats de sécurisation professionnelle ou la dotation globale de restructuration. Sur ces différents sujets, nous devons être mobilisés.

M. le président. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement n455.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Je soutiens, bien évidemment, les arguments que le rapporteur spécial vient de développer : il est en effet nécessaire de soutenir nos TPE qui ne sont précisément pas outillées en matière de ressources humaines.

Il est très important de les accompagner dans le domaine de la gestion des compétences et de la gestion prévisionnelle des emplois. Cet amendement de notre commission va dans ce sens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage les positions exprimées par les deux rapporteurs. Il est vrai que ces crédits ont, ces dernières années, fortement baissé. Cependant, en 2015, nous avions décidé d’un ciblage de ces dispositifs autour de deux enjeux prioritaires : l’impact sur la situation de l’emploi dans les TPE et dans les PME, et l’accompagnement des transitions numériques et écologiques.

Ce cadrage stratégique plus fort était nécessaire afin d’améliorer l’efficacité du dispositif. J’aurai par exemple le plaisir de signer dans quelques jours un engagement de développement des emplois et des compétences, un EDEC, avec les partenaires sociaux des secteurs du textile, du cuir et de la mode.

Cet engagement permettra justement l’accompagnement des effets emploi et ressources humaines de la transformation numérique et bénéficiera prioritairement aux TPE et aux PME. Dans le même temps, le Gouvernement a décidé de concentrer l’action sur l’appui aux PME avec la mise en place, cette année, de l’offre ressources humaines.

Même si les autorisations d’engagement sur ces lignes budgétaires sont stables par rapport à 2016, et que le budget pour 2017 permet donc le lancement du même volume d’actions, je comprends la préoccupation exprimée, car elle vise à disposer de marges de manœuvres suffisantes afin de donner plus d’ambitions aux accords actuellement en cours de préparation.

Je pense notamment aux filières de l’agro-alimentaire, du tourisme, et de la construction ferroviaire. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Concernant cette proposition d’augmenter les moyens alloués à la GPEC dans les petites entreprises, je regrette tout d’abord – question de méthodologie – que lorsqu’une augmentation est proposée, elle ne soit pas accompagnée d’une évaluation de la performance du dispositif.

En effet, l’exposé sommaire de l’amendement débute en évoquant un « dispositif souterrain et peu visible ». À partir du moment où il est visiblement peu connu, ce serait peut-être l’occasion de réfléchir aux moyens qui lui sont consacrés, ainsi qu’à sa pertinence.

Mon deuxième argument est le suivant : quand on regarde la loi de finances initiale pour 2014 et qu’on s’aperçoit qu’elle prévoyait 66 millions d’euros de crédits de paiement, on peut se demander si, même avec la petite rallonge octroyée aujourd’hui, on est à la hauteur des besoins.

Par conséquent, je suis partagé car si, sur le fond, je comprends bien l’intérêt de ladite augmentation, je m’interroge sur le fait de savoir si une telle augmentation de 2 millions d’euros des crédits concernés va véritablement changer les choses, surtout si on la compare à la marche qui caractérisait encore ce dispositif il y a deux ou trois ans.

J’en reviens à mon premier argument : si nous disposions de plus d’informations sur les performances du dispositif, ainsi que sur la manière dont il est appréhendé par les entreprises, peut-être que cette enveloppe de 2 millions d’euros se justifierait mieux.

Mais en l’espèce, compte tenu des argumentaires qui ont été développés, il me semble que nous manquons de visibilité sur le long terme quant à ce dispositif de GPEC.

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur spécial.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. M. Aubert est spécialiste de beaucoup de choses, mais peut-être pas suffisamment de celle qui nous intéresse. (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, je le remercie de nous avoir rejoint à l’instant et réponds à sa question : tous les EDEC font l’objet d’une évaluation tous les trois ans, et de façon systématique.

J’ai abordé avant que vous nous rejoigniez, et à plusieurs reprises, l’enjeu de l’évaluation : je partage par conséquent tout à fait votre préoccupation. Il y a donc très clairement, et systématiquement, une évaluation triennale de chaque EDEC : vous voilà donc, monsieur Aubert, rassuré.

En outre, s’agissant de la question des montants, j’ai très nettement souligné, dans mon propos liminaire, que nous assistions, depuis quelques années, à une baisse des crédits alloués au dispositif. Je ne doute donc pas que nous serons tous mobilisés l’année prochaine, lors de la préparation du budget, en vue de permettre leur augmentation.

(Les amendements identiques nos 371 et 455 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 372, 453 et 422, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 372 et 453 sont identiques.

La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n372.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Je laisse à Mme la rapporteure pour avis le soin de présenter l’amendement identique qu’elle a déposé, au nom de la commission des affaires sociales.

M. le président. La parole est donc à Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement n453.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Cet amendement propose un financement spécifique de 1,5 million d’euros, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, afin de permettre à des projets relevant du ministère du travail d’être éligibles à l’appel à projets lancé par le secrétariat d’État au commerce, à l’artisanat, à la consommation et à l’économie sociale et solidaire dans le domaine des contrats à impact social (CIS).

En effet, cet appel à projets consiste à sélectionner des programmes sociaux innovants menés par des opérateurs privés qui seront soumis à évaluation avant de faire l’objet d’un remboursement de la part de l’État.

Dans le champ de l’accès à l’emploi, plusieurs projets existants mériteraient d’être éligibles à cet appel à projets : ils concernent l’accès à la mobilité des personnes les plus éloignées de l’emploi ou la mise en œuvre d’actions de parrainage pour les jeunes décrocheurs.

Les sommes ainsi dégagées devraient permettre d’assurer, à compter de 2017, le financement d’environ trois à quatre projets.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n422 puis pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 372 et 453.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Comme vient de l’indiquer Mme la rapporteure pour avis, il s’agit d’un élément extrêmement important et d’une innovation. Je soutiens bien entendu l’initiative mise en œuvre notamment par Mme Martine Pinville, qui a introduit dans ces contrats une dimension innovante de soutien interministériel aux projets ayant des effets attendus dans les domaines du logement, de la santé, l’insertion ou l’emploi des personnes qui en sont les plus éloignées.

Je soutiens l’initiative portée par les rapporteurs : aussi leur proposé-je de retirer leur amendement au bénéfice de celui du Gouvernement. En effet, l’appel à projets portant sur les CIS prévoit, à l’issue de la réalisation des projets, un remboursement effectif par l’État en fonction de critères de performance prédéfinis.

Tout l’intérêt est de permettre à des partenaires privés de prendre de véritables risques. Ainsi, pour 2017, seuls des crédits en autorisations d’engagement seront nécessaires à l’appui des projets. Il n’est donc pas utile de modifier les crédits de paiement de la mission « Travail et emploi ».

L’amendement n422 vise donc, en reprenant l’initiative de la commission des affaires sociales, à ajuster les ouvertures de crédits en ce sens.

M. le président. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Je soutiens l’initiative lancée effectivement par Martine Pinville au mois de février. Le fait d’en parler au moment de l’examen du projet de loi de finances va enfin populariser une excellente mesure portée par le Gouvernement.

Trop souvent, on ne parle d’innovation que sous l’angle technologique ou numérique, mais très rarement sous l’angle social. Or l’innovation dont nous discutons jette des ponts entre l’économie et le secteur social et introduit une nouvelle culture du résultat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. J’irai dans le même sens que notre collègue : je me félicite de cette initiative innovante. Je pose simplement une question : cet appel à projets pourrait-il également être ouvert aux entreprises adaptées ?

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur spécial.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Je suis évidemment favorable à l’amendement n453 de la commission des affaires sociales, car il est identique à l’amendement n372 de la commission des finances, et également à l’amendement n422 du Gouvernement.

Celui-ci a en effet anticipé la proposition de M. Julien Aubert…

M. Julien Aubert. qui pourtant n’est pas spécialiste ! (Sourires.)

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. …puisque le remboursement n’intervient, très clairement, qu’après évaluation.

Ces mesures seront donc effectivement mises en œuvre en 2017, et remboursées par le Gouvernement en 2018. Il n’est par conséquent pas nécessaire d’ouvrir deux lignes de crédits : d’où la proposition du Gouvernement, qui nous convient.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je réponds à M. Dufau : bien évidemment, le dispositif est ouvert aux entreprises adaptées.

M. Jean-Pierre Dufau. Cela va mieux en le disant.

(Les amendements identiques nos 372 et 453 sont retirés.)

(L’amendement n422 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 373 et 449.

La parole est à M. Christophe Castaner, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n373.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Je laisse de la même façon Mme la rapporteure pour avis présenter l’amendement identique qu’elle a déposé, au nom de la commission des affaires sociales.

M. le président. La parole est donc à Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement identique n449.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Il propose de majorer de 1,125 millions d’euros, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, les moyens affectés aux missions locales afin de permettre, à partir de 2017, le déploiement de référents justice.

La majoration envisagée permettrait de créer environ cinquante postes de référents justice qui seraient ainsi répartis sur le territoire auprès de certaines missions locales. Pourquoi une telle création ? Parce qu’à compter de 2017, les missions locales vont devoir gérer un nouveau type de public : les jeunes anciens détenus.

Jusqu’à présent, ces derniers bénéficiaient de l’Allocation temporaire d’attente (ATA). Or l’article 49 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit, dans le cadre de la réforme des minima sociaux menée à la suite des conclusions du rapport de M. Christophe Sirugue, la suppression de l’ATA au 1er janvier 2017.

Cette suppression conduit à basculer les actuels bénéficiaires – je pense notamment aux étrangers ou aux personnes en attente de réinsertion, en particulier les anciens détenus – de cette allocation vers le RSA. Or celui-ci ne bénéficiant qu’aux personnes âgées de plus de vingt-cinq ans, il est prévu que les bénéficiaires de l’ATA n’ayant pas atteint cette limite d’âge soient réorientés vers le nouveau parcours d’accompagnement contractualisé vers l’emploi ainsi que vers la Garantie jeunes.

Or les missions locales ne sont pas outillées pour gérer ce nouveau type de publics. La mise en place de ces référents justice devrait donc leur permettre de faire face à ces nouvelles missions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage tout à fait l’avis de Mme la rapporteure pour avis. Je le partage d’autant plus que j’ai eu, lorsque j’étais adjointe de Bertrand Delanoë à la prévention et à la sécurité, l’occasion de mettre en œuvre, pour la mission locale de Paris, un dispositif expérimental en matière de référents justice à destination des 900 jeunes incarcérés.

Nous voyons bien, dans la lutte contre la récidive, à quel point il faut éviter les sorties sèches d’incarcération, tant de telles sorties ont un impact dans le suivi de ces jeunes majeurs incarcérés.

Il s’agit par conséquent d’une action extrêmement importante, qui demande évidemment une formation du public concerné, tout comme des visites au sein des établissements pénitentiaires qui permettent des contacts réguliers avec le public sous main de justice.

Nous serons particulièrement heureuses, avec la rapporteure pour avis, de porter ce type d’action, qu’il faut développer beaucoup plus largement, en lien naturellement avec l’administration pénitentiaire.

Tel est notre rôle et l’objet du travail que nous mènerons avec tous les acteurs des missions locales. Je suis donc tout à fait favorable aux deux amendements identiques, nos 373 et 449.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Autant j’entends l’intérêt d’une telle proposition, à laquelle je suis évidemment favorable, autant je ne sais pas très bien ce qu’est un référent justice. Pouvez-vous, madame et monsieur les rapporteurs, nous indiquer comment ils seront formés et recrutés, et quel sera leur quotidien, en interne comme en externe ? Rien de tout cela n’est en effet indiqué dans l’exposé sommaire de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Monsieur Castaner, je ne suis effectivement pas un spécialiste de ces questions, mais la discussion en séance publique, contrairement aux réunions de commission où l’on pratique souvent l’entre-soi, présente l’avantage de permettre aux généralistes – dont je suis – de pouvoir parler et d’apporter leur faible plus-value au débat.

Tout d’abord, quelques questions d’ordre général : pourquoi est-il prévu cinquante référents justice ? Les missions locales ne seraient-elle qu’au nombre de cinquante ? Je ne le pense pas : dans mon département par exemple, il en existe plusieurs.

Si un référent justice est prévu par département, dans ce cas le compte n’y est pas : il en faudrait en effet le double. Serait-ce que la question ne se pose pas dans certains départements ?

Ensuite, il a été dit que les missions locales n’étaient pas outillées, mais pour quelles raisons la solution consistant à former leur personnel à cette action particulière portant sur des publics nouveaux a-t-elle été écartée ? Une telle formation aurait en effet été possible.

Si à chaque fois qu’une activité nouvelle est ajoutée, on considère qu’il faut augmenter les fonctions support de telle ou telle structure administrative pour mettre en face de chaque public un personnel dédié, on s’écarte de toute logique de mutualisation des moyens. Pourquoi cette solution de formation du personnel des missions locales n’a-t-elle pas été retenue ?

Enfin, et cela a également été l’objet de la question de M. Sebaoun, qu’est-ce que cela fait, un référent justice ? Une telle fonction justifie-t-elle d’ailleurs à chaque fois un Équivalent temps plein, un ETP ? Compte tenu du nouveau flux, nous allons en effet avoir besoin d’ETP.

Peut-être allez-vous m’expliquer, madame et monsieur les rapporteurs, que les missions locales emploieront des fractions d’ETP ? Si tel était le cas, il nous faudra revenir à la définition de ces référents justice.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Pourquoi ces référents justice seront-ils au nombre de cinquante ? Tout simplement parce que les personnels concernés des missions locales, au lieu de recevoir les jeunes dans leurs locaux, se rendront dans les établissements pénitentiaires.

Concrètement, dans le dispositif que j’avais mis en place à Paris, la Ville de Paris avait financé deux postes, en lien avec le fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, ainsi qu’avec l’administration pénitentiaire.

Les emplois correspondants étaient répartis de la façon suivante : un mi-temps sur la maison d’arrêt de Fresnes, et un temps plein et demi sur celle de Fleury-Mérogis, celle de la Santé étant à cette époque fermée.

Concrètement, l’objectif est d’éviter les sorties sèches d’incarcération, donc de travailler sur un projet professionnel, soit de formation, soit d’emploi. Il s’agit également de faire le lien avec tous les autres dispositifs, et de le faire précisément au moment où les personnes concernées sont incarcérées, notamment parce qu’il arrive que certaines d’entre elles contractent des dettes en prison.

Tout l’enjeu est d’éviter, à la sortie, tout retour à la délinquance, et donc de préparer la sortie d’incarcération.

Nous n’avons malheureusement pas suffisamment de suivi de cohorte en matière de lutte contre la récidive mais on voit bien que, plus la sortie est préparée en amont, moins il y a de la récidive.

Ce sont donc des personnels des missions locales qui seront formés, en lien avec la PJJ et le SPIP, et cela doit bien sûr se préparer avec l’administration pénitentiaire parce qu’ils feront des permanences au sein des établissements pénitentiaires. Il s’agira aussi par exemple de préparer des dossiers pour une formation au sortir de l’établissement pénitentiaire ou de faire le lien avec la garantie jeunes.

Pourquoi prévoir cinquante référents justice ? Nous ciblons d’abord les zones de sécurité prioritaires et c’est une expérimentation même si certaines missions locales ont déjà investi dans ce domaine. Nous pensons que cela pourrait concerner environ 3 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans sortant de prison.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Si j’ai bien compris, madame la ministre, il n’est pas question de création. Il est écrit dans l’exposé sommaire qu’il serait souhaitable de créer environ cinquante postes de référents justice, ce qui, pour moi, signifie qu’il y aura du personnel supplémentaire, mais vous nous avez expliqué qu’on allait former des personnels des missions locales. À quoi serviront donc ces crédits ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il sera créé cinquante postes dans les missions locales. Un grand nombre d’entre elles auront donc des personnels supplémentaires qui seront référents justice dans les établissements pénitentiaires pour éviter à des jeunes majeurs incarcérés une sortie sèche.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Je comprends bien, madame la ministre, mais, avec la décentralisation, il y a aujourd’hui une responsabilisation des gens sous main de justice au niveau des régions. Les régions financent des formations pour les détenus, en particulier ceux qui vont sortir, et il y a des programmes de formation. Je ne comprends pas très bien comment vont s’articuler les deux systèmes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il s’agit bien de créer cinquante postes pour accompagner des personnes incarcérées. J’ai parlé de formation car il faut comprendre le milieu pénitentiaire et cela demande une formation particulière, mais cela n’a rien à voir avec la formation des personnes sortant de prison. J’imagine que les régions seront tout à fait ouvertes pour financer des formations destinées au public qui sort de l’incarcération.

L’enjeu, c’est d’accompagner des jeunes incarcérés pour préparer leur sortie, et il y aura vraisemblablement une articulation avec les formations financées par les régions. On ne prend pas l’argent des régions pour former ces référents.

(Les amendements identiques nos 373 et 449 sont adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Rabin, pour soutenir l’amendement n412.

Mme Monique Rabin. La subvention spécifique permet d’assurer le suivi social, l’accompagnement et la formation des salariés des entreprises adaptées. Je rappelle que, dans une entreprise adaptée, il y a 80 % de personnes handicapées.

J’ai refait mon petit calcul. La subvention spécifique versée annuellement, c’est 40,93 millions d’euros pour 22 536 postes, soit 1 816 euros par poste. Si on crée 500 postes supplémentaires, cela représente 908 000 euros, ce qui explique le montant que je propose par cet amendement.

Pour les entreprises adaptées, 500 postes supplémentaires, cela représente certes une belle avancée mais, par ailleurs, et il ne m’a pas été répondu sur ce point en commission, elles avaient droit, comme toutes les entreprises puisque ce sont des entreprises dites normales, avec les mêmes sujétions et les mêmes avantages, au dispositif embauche PME. Ce dispositif a été arrêté du jour au lendemain le 25 mars de cette année, moins de trois mois après avoir été lancé. C’est un préjudice important. Du coup, je pense que nous pourrions avoir un œil un tout petit plus ouvert.

Cela dit, 908 000, ce n’est pas 413 000, chiffre donné par notre rapporteur. C’est pourquoi je vous invite à voter mon amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial. Je vous présente mes excuses, madame Rabin, parce que nous n’avons pas pris le temps de travailler sur votre amendement.

Vous calculez que, si l’on a 40 millions pour 22 536 postes, cela fait 1 816 euros par poste, sauf que, dans les 40 millions, il y a deux éléments. Il y a l’aide au poste, qui est de 905 euros, et c’est ce montant que nous avons pris en compte pour calculer le coût de 500 emplois supplémentaires. Il y a ensuite une subvention spécifique du ministère, qui n’est pas liée au nombre d’emplois aidés mais qui finance un projet global.

Nous n’avons pas augmenté le financement du projet global, ce que nous aurions pu faire, au vu notamment de votre dernier argument, et nous avons pris en compte pour 500 postes supplémentaires les 905 euros d’aide au poste pour arriver à 7,5 millions.

Vous souhaitez au fond renforcer le financement. Très clairement, nous n’en avons pas assez discuté. Je vous propose de retirer votre amendement. Si nous avions fait une erreur de calcul, nous pourrions demander à notre rapporteure générale de proposer au Gouvernement une correction dans la lecture définitive mais je pense qu’avec l’amendement tel qu’il a été adopté tout à l’heure, il est possible de financer l’accompagnement des 500 postes sur la base de 905 euros. Il nous manque 40 000 euros sur les 7,5 millions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. En fait, c’est 950 euros par poste pour l’aide au poste, pas 905. Dans les 1 820 euros, il y a aussi la part de subvention spécifique. C’est ce montant de 950 euros que l’on a pris en compte pour calculer le coût supplémentaire de 500 postes dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. La subvention spécifique est là pour soutenir des projets et ne dépend pas du nombre d’aides au poste.

Il n’y a pas de cumul des aides de l’État et, en effet, vous avez raison, madame Rabin, le dispositif embauche PME ne s’applique pas aux entreprises adaptées.

Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Nous avons l’air d’accord pour aider les entreprises adaptées à la fois par une aide au poste et par des aides aux accompagnements. Nous sommes donc d’accord sur l’objectif et la spécificité des entreprises adaptées.

Il y a des divergences apparemment sur le mode de calcul. M. le rapporteur spécial souligne qu’il y a une différence entre l’aide au poste et l’aide particulière dans les entreprises adaptées et demande à Mme Rabin de retirer son amendement en lui expliquant qu’on pourra rectifier les choses en deuxième lecture. L’inverse est possible. On vote l’amendement et, s’il le fallait, on pourrait le modifier en deuxième lecture. C’est réversible comme raisonnement ! J’ai l’impression que cela ferait tellement plaisir à Mme Rabin et cela réunirait tout le monde.

M. le président. En béarnais et en landais, ce que vous proposez porte un nom, monsieur Dufau : nous comprenons tous les deux ce que signifie esclame.

Retirez-vous votre amendement, madame Rabin ?

Mme Monique Rabin. Nous n’allons pas bouder, nous allons nous revoir en deuxième lecture mais, je vous préviens, il va falloir que vous m’apportiez des calculs très précis parce qu’il y a tout de même quelque chose qui ne va pas. Comment se fait-il que, cette année, pour la première fois, ce n’est pas tout à fait le même calcul que d’habitude ?

Je pense que ne pas avoir voulu identifier la subvention spécifique de manière distincte par rapport à l’aide au poste a créé une confusion qui n’est pas normale. En commission, on m’a répondu qu’au niveau de la comptabilité, pas de souci, cela se retrouvait, mais le manque de lisibilité entretient la confusion.

Nous allons nous retrouver avec le cabinet de Mme la ministre et le rapporteur spécial. J’aurais bien voulu suivre la proposition de M. Dufau mais je retire cet amendement et nous en discuterons.

(L’amendement n412 est retiré.)

(Les crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés, sont adoptés.)

Compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » (état D)

M. le président. J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », inscrits à l’état D.

(Les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

6

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 : examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly