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Projet de loi de finances pour 2017
Texte du projet de loi – n° 4061
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2017 –
CRÉDITS ET DÉCOUVERTS
Il est ouvert aux ministres, pour 2017, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 445 753 188 110 € et de 427 353 472 700 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
ÉTAT B
(Article 29 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits du budget général
Budget général
(en euros) | ||
Mission/Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Sécurités |
19 692 202 404 |
19 390 306 218 |
Police nationale |
10 419 784 815 |
10 285 662 723 |
dont titre 2 |
9 185 586 032 |
9 185 586 032 |
Gendarmerie nationale |
8 795 070 677 |
8 589 242 435 |
dont titre 2 |
7 270 996 181 |
7 270 996 181 |
Sécurité et éducation routières |
39 025 452 |
39 025 452 |
Sécurité civile |
438 321 460 |
476 375 608 |
dont titre 2 |
178 417 183 |
178 417 183 |
Amendement n° 298 présenté par le Gouvernement.
Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Police nationale |
2 387 200 |
0 |
Dont titre 2 |
2 387 200 |
0 |
Gendarmerie nationale |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Sécurité et éducation routières |
0 |
0 |
Sécurité civile |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
TOTAUX |
2 387 200 |
0 |
SOLDE |
2 387 200 |
Amendement n° 262 rectifié présenté par M. Laurent et M. Hutin.
Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Police nationale |
30 000 000 |
0 |
Dont titre 2 |
30 000 000 |
0 |
Gendarmerie nationale |
30 000 000 |
0 |
Dont titre 2 |
30 000 000 |
0 |
Sécurité et éducation routières |
0 |
0 |
Sécurité civile |
0 |
60 000 000 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
TOTAUX |
60 000 000 |
60 000 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 263 présenté par M. Laurent et M. Hutin.
Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Police nationale |
10 000 000 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Gendarmerie nationale |
11 000 000 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Sécurité et éducation routières |
0 |
21 000 000 |
Sécurité civile |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
TOTAUX |
21 000 000 |
21 000 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 264 présenté par M. Laurent et M. Hutin.
Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Police nationale |
10 000 000 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Gendarmerie nationale |
11 000 000 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Sécurité et éducation routières |
0 |
21 000 000 |
Sécurité civile |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
TOTAUX |
21 000 000 |
21 000 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 299 présenté par le Gouvernement.
Après l’article 62, insérer l’article suivant :
Les fonctionnaires relevant de l’un des corps et emplois de la filière technique et scientifique de la police nationale, admis à faire valoir leurs droits à la retraite à compter du 1er janvier 2017 et titulaires d’une pension en application du code des pensions civiles et militaires de retraite, ayant perçu, au cours de leur carrière, une indemnité de sujétion spécifique de la police technique et scientifique de la police nationale, ont droit à ce titre à un complément de pension de retraite qui s’ajoute à la pension liquidée, en application des dispositions du même code.
Les conditions de jouissance et de réversion de ce complément sont identiques à celles de la pension elle-même.
L’indemnité de sujétion spécifique de la police technique et scientifique de la police nationale est soumise à cotisation. Seules les années de service accomplies par ces personnels en position d’activité ou détachés dans les corps et emplois de la filière technique et scientifique, dans les services centraux et déconcentrés, services à compétence nationale et établissements publics du ministère de l’intérieur, entrent en ligne de compte pour le calcul du complément de pension de retraite, dans des conditions qui diffèrent selon qu’elles ont été cotisées ou non au titre de l’indemnité de sujétion spécifique.
Un décret fixe les conditions d’application du présent article.
ÉTAT D
(Article 31 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers
I. – COMPTES D’AFFECTATION SPÉCIALE
(en euros) | ||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers |
1 378 766 349 |
1 378 766 349 |
Structures et dispositifs de sécurité routière |
249 000 000 |
249 000 000 |
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
26 200 000 |
26 200 000 |
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
664 790 165 |
664 790 165 |
Désendettement de l’État |
438 776 184 |
438 776 184 |
Amendement n° 201 présenté par M. Marlin, M. Abad, M. Aubert, M. Balkany, M. Berrios, M. Brochand, M. Christ, M. Courtial, M. Dassault, M. de La Verpillière, M. de Mazières, M. Degauchy, M. Delatte, M. Favennec, M. Francina, M. Fromion, M. Gaymard, M. Gérard, M. Gosselin, M. Meyer Habib, M. Le Mèner, M. Maurice Leroy, M. Luca, M. Mariani, M. Mathis, M. Moreau, M. Morel-A-L’Huissier, Mme Pernod Beaudon, M. Perrut, M. Quentin, M. Reiss, M. Reitzer, M. Rochebloine, M. Sermier, M. Santini, M. Straumann, M. Suguenot, M. Tardy, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Vitel, M. Voisin et Mme Zimmermann.
Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Structures et dispositifs de sécurité routière |
0 |
17 250 000 |
Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers |
0 |
0 |
Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières |
17 250 000 |
0 |
Désendettement de l’État |
0 |
0 |
TOTAUX |
17 250 000 |
17 250 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 300 présenté par le Gouvernement.
Après l’article 64, insérer l’article suivant :
Le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport précisant pour l’exercice budgétaire précédent, l’exercice en cours d’exécution et l’exercice suivant, l’utilisation par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France et par les collectivités territoriales, du produit des recettes qui leur est versé par le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Cette annexe générale est déposée sur le bureau des assemblées parlementaires et distribuée au moins cinq jours francs avant l’examen, par l’Assemblée nationale, en première lecture, de l’article d’équilibre du projet de loi de finances de l’année.
TITRE PREMIER
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2017 –
CRÉDITS ET DÉCOUVERTS
I. – CRÉDITS DES MISSIONS
Il est ouvert aux ministres, pour 2017, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 445 753 188 110 € et de 427 353 472 700 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
ÉTAT B
(Article 29 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme, des crédits du budget général
Budget général
(en euros) | ||
Mission/Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Immigration, asile et intégration |
1 182 922 130 |
1 056 121 357 |
Immigration et asile |
935 082 130 |
808 221 357 |
Intégration et accès à la nationalité française |
247 840 000 |
247 900 000 |
Amendement n° 167 présenté par Mme Maréchal-Le Pen et M. Collard.
Après l’article 55, insérer l’article suivant :
Le Gouvernement remet annuellement au Parlement, au plus tard au moment du dépôt du projet de loi de finances, un rapport sur le coût de l’immigration pour les finances publiques.
Compte rendu de la commission élargie du vendredi 28 octobre 2016
(Application de l’article 120 du règlement)
Sécurités
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente sous la présidence de Mme Marie-Christine Dalloz, secrétaire de la commission des finances, de M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois, et de M. Philippe Nauche, vice-président de la commission de la défense.
Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Monsieur le ministre de l’intérieur, je suis heureuse de vous accueillir, en compagnie de Dominique Raimbourg, président de la commission des lois, et de Philippe Nauche, vice-président de la commission de la défense, pour vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Sécurités ».
La Conférence des présidents a reconduit les modalités d’organisation de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances.
Je rappelle les règles qui président à nos débats en commission élargie : je donnerai d’abord la parole aux rapporteurs des commissions, qui interviendront pendant cinq minutes ; après la réponse du ministre, les porte-parole des groupes s’exprimeront pendant cinq minutes ; puis ce sera au tour de tous les députés qui le souhaiteront, pendant deux minutes.
M. Philippe Nauche, président. Nous avons auditionné, le 18 octobre dernier, le général Richard Lizurey, nouveau directeur général de la gendarmerie nationale. Notre commission étant très attachée au statut militaire des gendarmes, elle s’est saisie pour avis des crédits de la gendarmerie nationale et a souhaité, à ce titre, participer aux débats sur la mission « Sécurités ».
M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances pour la police, la gendarmerie, la sécurité routière, le contrôle de la circulation et du stationnement routiers. La mission « Sécurités » engage des moyens considérables pour faire face à la menace terroriste qui, depuis 2015, a causé la mort de 237 victimes dans notre pays.
Quelque 1,1 milliard d’euros ont été ajoutés en deux ans aux budgets des deux forces de sécurité. Le budget pour 2017 prévoit, en crédits de paiement, 335 millions d’euros de plus pour la police nationale, et 293 millions d’euros de plus pour la gendarmerie, soit 3,5 % de plus que l’an dernier. Ces moyens prolongent un effort budgétaire continu depuis le début de la législature.
Le constat est sans appel pour les recrutements : 8 900 emplois créés depuis 2013 pour les deux forces, après la destruction de 13 000 emplois entre 2007 et 2012. Les entrées massives dans les écoles en attestent : pour la police, 5 300 élèves gardiens de la paix incorporés cette année, contre seulement 500 en 2012. En deux années, plus de 28 000 policiers et gendarmes sont arrivés sur le terrain pour compenser tous les départs à la retraite et augmenter les effectifs.
Les créations de postes appuient une organisation et une stratégie profondément renouvelées en matière de renseignement et de déploiement des forces d’interventions.
Le plan de lutte antiterroriste et le pacte de sécurité ont apporté plus de 700 millions d’euros pour acquérir de nouveaux équipements et moderniser les infrastructures.
Depuis deux ans, les personnels ont été mobilisés sur tous les fronts : la menace terroriste, les conséquences de la crise migratoire, le maintien de l’ordre public dans un contexte particulièrement tendu, la lutte contre les formes violentes de la délinquance...
Ce budget traduit dans les faits la reconnaissance de la nation envers ses policiers et ses gendarmes. Il finance les engagements sans précédent des protocoles sociaux du 11 avril 2016. L’effort, sur la durée, atteint 865 millions d’euros pour améliorer les carrières et mieux rémunérer les sujétions des personnels. En 2017, ce sont 77 millions d’euros de plus pour les policiers et 70 millions pour les gendarmes.
Mais des attentes immenses restent à satisfaire.
Les personnels font face à des niveaux élevés d’engagement et s’exposent à des risques croissants, l’odieuse attaque de Viry-Châtillon vient une nouvelle fois de le montrer. Pour autant, le quotidien d’un grand nombre d’entre eux ne s’améliore pas assez vite. Ils subissent les effets de nombreuses années de sous-investissement et de mauvais entretien de leurs lieux et outils de travail.
Même si les deux forces peuvent désormais acquérir, chaque année, un tiers de véhicules de plus que par le passé, les contraintes restent fortes sur les budgets de fonctionnement courant.
Monsieur le ministre, vous avez répondu à la colère exprimée par de nombreux policiers. Vous avez engagé une concertation de grande ampleur et présenté, sans attendre, un plan de sécurité publique. Il doit accélérer le déploiement de nouveaux équipements et permettre aux personnels actifs d’être libérés de tâches qui les détournent aujourd’hui encore de leurs missions premières. Pouvez-vous préciser quel sera le financement de ce plan de sécurité publique ? Quelle part proviendra des hausses conséquentes de crédits déjà inscrites au budget ? Envisagez-vous des apports de crédits supplémentaires par amendements ?
Je terminerai par deux questions sur des points précis du budget 2017.
Il s’agit d’abord de l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT), qui indemnise les déplacements des forces mobiles de la police et de la gendarmerie. À sa création, dans les années soixante, cette indemnité n’a, comme il se doit, pas été fiscalisée, mais sans base juridique. J’avais appelé votre attention, il y a quelques semaines, sur le risque d’une fiscalisation pour les revenus des CRS et des gendarmes mobiles. La semaine dernière, l’Assemblée nationale a adopté un amendement au projet de loi de finances, qui affranchit de l’impôt ce revenu, ce qui est un grand soulagement. Je vous alerte cependant sur le fait qu’il faut encore prévoir l’exonération des prélèvements sociaux. Il est essentiel qu’une exonération ou une compensation permettent de maintenir intégralement les rémunérations dès janvier 2017. Pouvez-vous confirmer que ce sera bien le cas ? Je rappelle que l’IJAT fait l’objet d’un plan de revalorisation significative depuis deux ans.
Ma dernière question a trait au financement de la nouvelle garde nationale. En 2017, le ministère de l’intérieur devra déployer 4 000 réservistes par jour, issus de la gendarmerie comme de la police.
Ces objectifs sont ambitieux, mais à notre portée. La police nationale peut d’ailleurs compter sur une nouvelle voie d’accès à la réserve civile, pour les anciens adjoints de sécurité, créée par la dernière loi prorogeant l’état d’urgence. Cependant, des surcoûts de plusieurs dizaines de millions d’euros ne semblent pas couverts, à ce stade, par le projet de budget, pour rémunérer les nouveaux réservistes et pour les équiper.
La garde nationale doit rapprocher encore la population, et particulièrement la jeunesse, des forces de sécurité. Si les crédits ne sont pas suffisants, la gendarmerie et la police nationales risquent de devoir refuser des candidatures en cours d’année 2017. Nous ne pouvons pas courir ce risque. L’État doit être pleinement au rendez-vous. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter toutes les garanties à cet égard ?
M. Michel Lefait, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité civile. J’ai l’honneur de rapporter devant vous les propositions de crédits affectés à la sécurité civile pour 2017, crédits qui sont inscrits, depuis le budget 2014, dans la mission d’ensemble « Sécurités ».
Le projet de loi de finances propose de faire passer les autorisations d’engagement de 414,29 millions d’euros en 2016 à 438,32 millions d’euros en 2017. Les crédits de paiement connaissent le même mouvement puisque le projet de loi de finances prévoit de les porter de 448,61 millions d’euros en 2016 à 467,37 millions d’euros en 2017.
Cette évolution positive doit être particulièrement soulignée, car nous savons tous l’importance qu’ont les actions de l’État dans le domaine essentiel de la sécurité civile et l’obligation qui nous est faite de consacrer des moyens significatifs à la protection des populations au quotidien ou lors de catastrophes majeures, qu’elles soient naturelles ou technologiques.
Tout d’abord, monsieur le ministre, je voudrais saluer l’action ferme et courageuse que vous avez su conduire en des circonstances dramatiques, et l’efficacité et la générosité dont font preuve, chaque, jour, les nombreux intervenants de la sécurité civile.
J’en viens à mes questions.
Premièrement, le problème majeur que connaît aujourd’hui notre pays est incontestablement celui de la lutte contre le terrorisme. Nous savons la part décisive qu’ont eue dans les événements récents de 2015 et 2016 les intervenants habituels de la sécurité civile : services de secours, agents de prévention des risques nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques et explosifs, agents du déminage, associations. Pouvez-vous nous donner des précisions sur la politique suivie par le Gouvernement dans cette matière essentielle ? Quels progrès, selon vous, restent à réaliser ?
Deuxièmement, la question des moyens aériens affectés par l’État à la lutte contre les feux de forêt est essentielle, et emblématique de notre politique de sécurité civile. Comment va s’opérer le transfert de la base de Marignane vers Nîmes, prévu, en principe, en mars 2017 ? Pouvez-vous nous rappeler, par ailleurs, les conditions de remplacement, à l’horizon 2022, des bombardiers d’eau Tracker ? Quelles réflexions sont menées à plus long terme sur le remplacement des autres bombardiers d’eau, les Canadair et les Dash ?
Troisièmement, quelles remarques pouvez-vous faire sur une autre composante très importante de la sécurité civile de notre pays, les hélicoptères, dont nous avons tous pu mesurer la réactivité permanente et les capacités « multimissions » ?
Quatrièmement, nos concitoyens saluent régulièrement le courage et la compétence de nos sapeurs-pompiers. Notre pays connaît pourtant, depuis le début des années 2000, une érosion du volontariat, préjudiciable à la pérennité même de notre système de secours, qui doit pouvoir continuer à être le premier service public en France et à nous protéger des risques à un coût raisonnable.
Une loi importante a été votée en 2011. Des engagements solides ont été pris ensuite pour encourager le volontariat sapeur-pompier en 2013. Où en sommes-nous précisément ? Après une reprise en 2014, il semble que le nombre de sapeurs-pompiers volontaires stagne à nouveau. Comment expliquer plus largement, selon vous, cette légère désaffection pour le volontariat ? A-t-on mené des études suffisamment précises sur cette question ?
Cinquièmement, plusieurs grands programmes d’investissement ont connu un développement important au cours des dernières années, qu’il s’agisse du programme ANTARES, qui vise à l’interopérabilité des réseaux de communication des intervenants publics en matière de sécurité civile, du nouveau système d’alerte et d’information des populations (SAIP), ou de ces instances que sont le Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux risques nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive (NRBC-E) ou le Centre d’alerte aux tsunamis. Quel est aujourd’hui l’état de concrétisation de ces programmes, dont le contexte actuel montre bien tout l’intérêt ?
Sixièmement, nos outre-mer sont exposés à toutes sortes de difficultés naturelles : cyclones, éruptions volcaniques, feux de forêts, séismes, tsunamis. Comment celles-ci sont-elles prises en compte ?
Enfin, les événements dramatiques que nous avons vécus ont rappelé l’importance d’une association forte des Françaises et des Français à la politique de sécurité. Quelle politique conduire, selon vous, en direction des associations et du public, des jeunes en particulier ? Je demande, dans mon rapport, que soit accentuée, dans notre pays, dès le début du cursus scolaire, la formation aux gestes de premiers secours et, en particulier, à l’usage des défibrillateurs, qui se sont révélés très utiles pour sauver des vies.
M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la gendarmerie nationale. Je ne dirai que quelques mots du budget prévu pour 2017, pour me concentrer sur mes questions et remarques.
Il s’agit d’un bon budget, avec des crédits de paiement en augmentation de 3,5 %. Il s’agit surtout d’un budget nécessaire et mérité, compte tenu de l’intensité opérationnelle et de l’engagement que les pouvoirs publics et les Français exigent de nos gendarmes.
Ma première question, monsieur le ministre, porte sur la fin de gestion 2016. Je crois savoir que 100 millions d’euros environ sont encore gelés. Au regard du contexte sécuritaire et de la mobilisation sans faille qui est demandée aux forces de l’ordre, je pense qu’il faudrait dispenser du gel l’ensemble des programmes qui participent à la sécurité des Français. Ils disposeraient alors de l’ensemble de leurs ressources dès le début de l’année, ce qui me semble la moindre des choses. Y êtes-vous favorable ?
À plus long terme, je m’interroge sérieusement sur une modification de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il faut permettre au Gouvernement d’appliquer des taux de mise en réserve différents, en fonction des contraintes pesant sur les différentes administrations, mais aussi, et surtout, en fonction des priorités décidées par le politique. Je suis sûr que l’ancien ministre chargé du budget sera sensible à une telle suggestion...
Ma deuxième question concerne la directive européenne sur le temps de travail, dont la transposition aux forces de l’ordre et aux forces armées constitue un sujet de préoccupation majeur.
Ses dispositions relatives aux périodes minimales de repos sont totalement incompatibles avec l’exigence de disponibilité inhérente au statut militaire et avec la réalité opérationnelle. Est ainsi prévu un repos quotidien de onze heures toutes les vingt-quatre heures. Autre exemple, la durée maximale hebdomadaire de travail ne doit pas excéder quarante-huit heures, heures supplémentaires comprises.
Je comprends l’objectif de protection minimale qu’il s’agit de garantir à l’ensemble des travailleurs européens. Je ne veux évidemment pas nier tout droit social aux acteurs de la sécurité publique et de la défense. Mais concrètement, de telles dispositions sont inapplicables dans ces deux domaines. Les opérationnels sont d’ailleurs les premiers à le souligner.
Une exemption de principe avait été prévue pour les forces de sécurité et les forces armées. Mais, en 2006, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) lui a pratiquement ôté toute portée en interprétant les textes de manière trop restrictive. La transposition pourrait avoir un impact de l’ordre de 3 % à 5 % des effectifs totaux de la gendarmerie, sans compter les difficultés en termes d’organisation du travail.
Ma suggestion est la suivante : les États membres ne pourraient-ils pas s’accorder entre eux et avec la Commission européenne pour suspendre le processus de transposition ? Je rappelle que la saisine de la Cour de justice pour manquement n’est qu’une possibilité, pas une obligation. Les États pourraient ensuite renégocier certaines dispositions du texte, cette fois, de manière suffisamment précise. Cela éviterait qu’une interprétation de la Cour de justice vienne fragiliser un régime spécifique qu’il est indispensable de maintenir pour les forces de l’ordre et les forces armées.
Le contexte sécuritaire global auquel font face l’ensemble des pays européens, et notamment la France, plaide en ce sens. Notre pays pourrait prendre la responsabilité d’une telle initiative. Cette fois, c’est peut-être l’ancien ministre chargé des affaires européennes qui sera sensible à cette suggestion !
Je ferai au passage deux courtes observations, très pratiques, sur lesquelles je souhaiterais avoir votre sentiment. Il me semble que les zones de compétence des forces de l’ordre doivent dépasser les limites administratives et s’adapter à la réalité des bassins de vie, et donc, de délinquance. Je pense notamment aux pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) en zone rurale. Cela nécessiterait une coordination avec la Chancellerie pour adapter la compétence territoriale des tribunaux. Une telle souplesse opérationnelle me paraît indispensable et urgente.
Pour finir, un mot sur les polices municipales. Elles montent en puissance et sont sans doute amenées à jouer un rôle plus important à l’avenir. Il faudrait approfondir leurs relations avec la gendarmerie nationale, notamment au niveau de la formation. Certaines initiatives existent, mais je pense qu’il faudrait développer les protocoles d’accord entre la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). La gendarmerie pourrait alors assurer tout ou partie de la formation des effectifs de police municipale travaillant en zone rurale.
Enfin, je veux saluer les derniers engagements du Gouvernement, qui sont dans le prolongement et l’amplification d’une politique résolue pour la sécurité de nos concitoyens.
M. Yves Goasdoué, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité. Je me suis particulièrement intéressé aux questions de formation initiale et continue, tant pour ce qui concerne la gendarmerie que pour ce qui concerne les forces de police. Les recrutements sans précédent que vous avez initiés, monsieur le ministre, justifient pleinement ce choix.
De nombreux déplacements et de nombreuses auditions me conduisent à vous poser des questions précises. Auparavant, je tiens à dire qu’il est patent que le Gouvernement et la majorité parlementaire consentent, depuis le début du quinquennat, des efforts considérables pour renforcer les effectifs de la police et de la gendarmerie.
Vous avez annoncé, avant-hier, un plan de sécurité publique, prolongeant et amplifiant la politique conduite par le Gouvernement et votée par le Parlement. Il s’agit de l’affectation prioritaire des nouveaux effectifs sortant des écoles de police à la sécurité publique, du rehaussement de l’équipement des compagnies départementales d’intervention et des compagnies de sécurisation et d’intervention, du renforcement de l’équipement des véhicules, du passage de deux à trois fonctionnaires pour les patrouilles à risque.
Dans ce cadre, l’effort consenti est majeur. Il autorisera, l’an prochain encore, la création de 2 031 emplois pour la police nationale et de 402 emplois pour la gendarmerie nationale. Il permettra, entre autres, de financer le remplacement de près de 4 000 véhicules dans les deux forces.
L’aspect exceptionnel de ces mesures a nécessité de nombreux aménagements, s’agissant notamment de la durée de certaines formations initiales et du cadencement de la scolarité.
Je voudrais vous poser plusieurs questions en lien avec la formation.
Monsieur le ministre, il me semble essentiel de prendre une décision stratégique, s’agissant du site de Cannes-Écluse. Ce site, qui accueille en formation initiale les officiers de l’École nationale supérieure de la police (ENSP), nécessite des travaux pour le remettre à niveau. Ses élèves n’ont pas toujours de l’eau chaude, par exemple, et, lorsqu’ils en ont, elle est souvent d’une couleur un peu particulière…
Puisque l’ENSP est désormais un seul et unique établissement public pour les commissaires et les officiers, ne serait-il pas opportun de rassembler ces élèves sur le même site, par exemple à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, sans fusionner les corps, et de dédier entièrement Cannes-Écluse, site francilien qui offre des possibilités d’accueil exceptionnelles puisqu’il compte plus de 500 couchages, à la formation continue ?
Cela me conduit à ma deuxième question. Comment s’assurer que la formation continue ne soit pas le parent pauvre, au regard de l’effort formidable consenti depuis trois ans en faveur de la formation ? Les élèves sortant de l’École sont aujourd’hui dix fois plus nombreux qu’en 2012.
Si les nombreux déplacements que j’ai effectués m’ont persuadé que les élèves gendarmes et policiers s’entraînaient suffisamment au tir, les auditions que j’ai menées me laissent perplexe sur la formation continue en la matière. Monsieur le ministre, comment allez-vous intégrer le renforcement des exercices de tir, qui paraît indispensable dans le cadre du nouveau schéma national d’intervention ? On m’a parlé de nombreuses annulations de séances pour nécessités de service. Enfin, le ministère dispose-t-il de suffisamment de stands de tir adaptés au fusil d’assaut HK G36 ? Tous les stands, en effet, ne le sont pas.
Par ailleurs, pouvez-vous nous assurer que le dispositif des cadets de la République retrouvera, dès 2017, un niveau de 900 élèves ? Garder ce dispositif, qui a fait ses preuves, au niveau de 300 élèves, comme en 2016, c’est courir le risque de décourager l’éducation nationale.
Ensuite, est-il envisagé de réformer de manière durable la durée des formations des policiers et des gendarmes, au-delà de la période extraordinaire que nous connaissons ?
Enfin, monsieur le ministre, vous avez annoncé, le 2 juin 2016, une importante réforme de la formation de la police nationale, pour mieux préparer les policiers aux évolutions de la société, des techniques, du droit et des phénomènes criminels. Pouvez-vous nous préciser le calendrier de mise en œuvre de cette réforme ? Ce mouvement de balancier – une telle direction ayant déjà existé par le passé et jusqu’en 2010 – était-il nécessaire pour assurer pilotage et cohérence de la formation, en lien avec la gestion prévisionnelle des emplois et des carrières ?
M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile. Le programme « Sécurité civile » nous permet, cette année encore, de rendre hommage aux sapeurs-pompiers, qui risquent leur vie au service de la communauté et font preuve, au quotidien, d’un dévouement, d’un altruisme et d’un courage éminemment admirables. En 2015, les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ont réalisé près de 4,5 millions d’interventions et traité près de 4 400 départs de feux.
Les crédits du programme « Sécurité civile » sont en hausse de près de 7,9 % dans le projet de loi, s’établissant à 476 millions d’euros. Toutefois, en excluant les nouvelles dépenses liées à la mise en œuvre du pacte de sécurité, ces crédits sont, en réalité, en baisse de 1,3 %.
Le modèle français de sécurité civile repose sur le volontariat et le maillage territorial de ses centres d’incendie et de secours. Mais ces deux piliers paraissent aujourd’hui s’éroder considérablement. Force est de constater que de nombreux centres d’incendie et de secours ont fermé au cours de la dernière décennie : 121 centres ont encore disparu au cours de l’année 2015. Entre 2002 et 2015, ce sont 1 700 centres qui ont fermé.
Aucune modification du maillage territorial de ces centres ne devrait être décidée brutalement, sur la seule base des économies budgétaires qu’elle est supposée dégager. Il est ici question de garantir à tous, et notamment aux populations rurales, un service de proximité pour les soins urgents. Je propose que soit obligatoirement recueilli l’avis de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNIS) avant une fermeture décidée conjointement par le préfet et le président du conseil départemental.
Force est de constater également que les effectifs de sapeurs-pompiers volontaires ont fortement diminué au cours de la dernière décennie et qu’ils ont stagné en 2015, malgré toutes les actions entreprises – je rappelle la loi de 2011, dont j’ai été l’initiateur –, dans le cadre de l’Engagement national pour le volontariat, que j’ai moi-même signé au nom de l’Association des maires de France (AMF).
L’objectif de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires en 2017, annoncé par le Président de la République, est aujourd’hui inatteignable. Est-il nécessaire de rappeler que les sapeurs-pompiers volontaires représentent plus de 80 % des effectifs de sapeurs-pompiers français, qu’ils réalisent près de 70 % des interventions, mais qu’ils représentent seulement 15 % de la masse salariale ?
Quelles mesures prendrez-vous, monsieur le ministre, pour permettre une meilleure reconnaissance matérielle des pompiers volontaires, au-delà de la réforme du financement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) et de la simplification de la procédure de revalorisation annuelle de l’indemnité horaire ?
Par ailleurs, de nombreux volontaires éprouvent des difficultés à concilier leur mission avec les impératifs de leur vie professionnelle. Ces contraintes sont souvent mises en avant pour expliquer le non-renouvellement d’un engagement. De plus, les employeurs considèrent trop souvent encore les pompiers volontaires comme une charge financière.
Quelles mesures incitatives entendez-vous prendre, monsieur le ministre, en faveur des employeurs, notamment lorsqu’il s’agit de petites communes, de petites entreprises ou d’artisans ? La loi relative au mécénat n’est pas suffisante. Elle est complexe, et Bercy est incapable de dire quels sont les crédits d’impôt dégagés au niveau des employeurs pour les aider à laisser partir des jeunes en mission.
En outre, les dépenses d’investissement des SDIS ont régulièrement diminué au cours des dernières années. C’est notamment le cas en Lozère, où le département refuse de financer le remplacement urgent de véhicules vétustes. La faiblesse des investissements dans les équipements menace l’efficacité des secours et met en danger la vie des citoyens et celle des pompiers.
Si j’en crois ce qu’il s’est passé dans l’Hérault, on s’interroge aujourd’hui sur la vétusté des camions. Le décès d’un homme et les trois blessés graves interpellent fortement sur le renouvellement des flottes.
La loi de départementalisation a vingt ans : il devient indispensable de financer le renouvellement des équipements des SDIS.
Sur les 30 millions d’euros économisés grâce à la réforme de la PFR, 20 millions serviront au financement de nouveaux investissements des SDIS. Ces 20 millions seront consacrés à de grands projets structurants, notamment au système national de gestion opérationnelle, qui paraît prioritaire et qui est mené par le préfet Lambert. Mais rien n’est prévu, s’agissant des investissements dans des équipements de proximité, comme le renouvellement des véhicules de sapeurs-pompiers.
Les 10 millions d’euros restants pourront-ils être réaffectés au titre du Fonds d’aide à l’investissement (FAI), afin de permettre le renouvellement de l’équipement des centres d’incendie et de secours ?
Par ailleurs, l’utilisation de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) pour le renouvellement des véhicules vous paraît-elle envisageable dans les zones rurales ? J’en ai fait la demande expresse au préfet de mon département, mais, pour l’instant, je n’ai pas de réponse. Je souhaiterais avoir la position du ministre sur ce sujet.
Plus généralement, s’agissant du financement des services départementaux d’incendie et de secours, envisagez-vous, monsieur le ministre, de leur verser directement, et non plus par l’intermédiaire des départements, la contribution de l’État issue de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA), afin que l’intégralité de cette dotation leur revienne ?
J’en arrive à la concurrence entre les flottes héliportées des établissements de santé et de la sécurité civile. Quelles mesures allez-vous prendre, monsieur le ministre, pour mieux encadrer et coordonner les implantations et les activités des hélicoptères de la sécurité civile et des établissements de santé ? Là aussi, cela pose problème. Le ministère des affaires sociales et de la santé a interrogé les agences régionales de santé (ARS), lesquelles interrogent à leur tour les établissements de santé. Un peu de coordination serait nécessaire.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Il y a dans ces interventions, toutes extrêmement riches, des interpellations concernant la cohérence globale du budget et des questions précises. Si vous le permettez, je répondrai d’abord sur les orientations et les équilibres du budget que je présente à votre délibération exigeante, et je répondrais ensuite plus précisément aux questions des rapporteurs.
Ce budget montre que, dans un contexte budgétaire contraint, la sécurité des Français demeure une priorité du Gouvernement. Pour la mission « Sécurités », les autorisations d’engagement sont en hausse de 838 millions d’euros et s’élèvent à 19,692 milliards d’euros ; les crédits de paiement progressent de 657 millions d’euros pour atteindre 19,390 milliards d’euros. Sur ces sommes globales, qui augmentent fortement par rapport à l’année précédente, 16,635 milliards d’d’euros représentent des crédits de titre 2 (T2), ce qui montre que nous poursuivons les créations d’emploi conformément aux engagements pris par le Gouvernement.
Entre 2013 et 2017, près de 9 000 créations nettes d’emplois auront été effectuées dans la gendarmerie et la police nationale ; entre 2007 et 2012, 12 519 emplois avaient été détruits dans les forces de sécurité. En 2017, la gendarmerie bénéficiera de 255 créations d’effectifs, après 2 443 créations en 2016 ; dans la police nationale, les créations nettes vont atteindre 2 031, dont 1 731 au titre du plan antiterroriste et du pacte de sécurité.
Après les événements tragiques du 14 juillet, le Président de la République et le Gouvernement ont aussi décidé d’accélérer la montée en puissance de la réserve civile de la police et de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, en créant une véritable garde nationale. Le nombre de réservistes mobilisés dans ce cadre sera de 38 700 en 2017 et de 44 700 en 2018. Les moyens de cette garde nationale seront inscrits dans le budget 2017 au cours de la discussion parlementaire, de manière à ce qu’il n’y ait pas de problème de financement.
Ce budget est aussi un plan sans précédent de revalorisation pluriannuel, dans le cadre de la feuille de route sociale que j’ai signée le 11 avril et qui a été présentée au Président de la République le 12 avril. Cette feuille de route sociale prévoit des mesures indiciaires – un gain moyen de 15,4 points contre 13,2 points pour la fonction publique. Elle contient aussi des mesures statutaires et catégorielles : une augmentation de 80 % de la prime d’officier de police judiciaire ; une revalorisation de deux points en quatre ans de l’indemnité spécifique de sujétions particulières (ISSP) ; une augmentation, cher monsieur le rapporteur Galut, de 30 % l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT) qui n’avait pas été augmentée depuis près de quinze ans. Elle comporte enfin des mesures visant à améliorer le quotidien et les conditions de travail.
Au total, les mesures catégorielles sur la période 2012-2020 représentent un effort de 865 millions d’euros. Il y a pu y avoir des efforts d’un montant comparable par le passé, mais ils étaient financés par des suppressions d’emplois. Nous créons des emplois et nous finançons des mesures de revalorisation catégorielles pour un montant significatif.
Le budget 2017 conforte également une hausse importante des crédits hors titre 2 (HT2). Alors que le budget de fonctionnement et d’investissement de la police nationale avait diminué de 16 % entre 2007 et 2012, il aura été renforcé de 15 % entre 2012 et 2017. Quant au budget de fonctionnement et d’investissement de la gendarmerie nationale, qui avait diminué de 18 % entre 2007 et 2012, il aura été renforcé de 10,5 % entre 2012 et 2017.
Ces moyens ont permis de relancer l’investissement pour consolider, développer et moderniser les capacités opérationnelles des unités. Les plans ont permis d’adapter l’équipement des personnels en protections individuelles et en armement. Ils ont permis d’atteindre les cibles d’achat de véhicules : 1 800 véhicules ont été commandés, 100 sont en attente de dégel de crédits et 3 000 ont été livrés dans la police nationale ; 3 000 véhicules ont été commandés et 1 200 ont été livrés dans la gendarmerie nationale.
Ces crédits supplémentaires permettront de poursuivre l’adaptation des capacités opérationnelles à la lutte contre le terrorisme tout comme à la lutte contre la délinquance du quotidien. Pour être précis, les crédits HT2, qui s’établissent à 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et à 2,755 milliards d’euros de crédits de paiement, progressent respectivement de 196 millions d’euros et de 15 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2016.
Le renforcement des crédits HT2 depuis 2012 a permis d’amorcer une indispensable remise à niveau des équipements qui avaient été laissés en déshérence pendant des années pour ne pas dire des décennies. Dans le contexte de menace terroriste extrêmement élevé auquel notre pays est confronté, il était normal de privilégier la reconstruction de notre renseignement intérieur – près de 2 000 postes ont été créés dans le cadre de plusieurs plans antiterroristes – et l’équipement des primo-intervenants. Les brigades anti-criminalité (BAC) et les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG), dont une bonne partie a été transformée en « PSIG-Sabre », sont des unités particulièrement exposées lors d’attaques terroristes. La modernisation de ces unités sera poursuivie jusqu’à leur rééquipement complet, à travers le plan pour la sécurité publique qui les concerne plus particulièrement. Ce plan, que j’ai annoncé avant-hier aux organisations syndicales, représente une enveloppe globale de 250 millions d’euros, qui sera financée grâce aux décisions budgétaires prises par le Gouvernement, notamment dans le cadre de la loi de finances pour 2017.
Depuis plusieurs semaines, les policiers expriment leurs inquiétudes et leurs attentes. Le Gouvernement – et plus particulièrement le ministre de l’intérieur dont c’est le rôle – les entend et les comprend. Il s’emploie à leur répondre depuis quatre ans à travers les décisions que je viens de rappeler, en tenant compte des défis auxquels les forces de l’ordre sont confrontées. Un effort supplémentaire est nécessaire en vue de poursuivre la modernisation de nos forces. Ce plan n’est pas né des circonstances puisque le budget a été élaboré bien avant la survenue des événements récents. Il est le prolongement, l’amplification de la politique globale et résolue en faveur de la sécurité des Français, qui a été menée par ce gouvernement depuis 2012.
Dès que possible, je vous proposerai un amendement visant à demander, au titre des mesures immédiates sur la mission « Sécurités », l’ouverture de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour abonder en HT2 l’enveloppe de crédits supplémentaires déjà prévue au titre du PLF. Ces moyens HT2 supplémentaires sont répartis de la manière suivante : 80 millions d’euros sont destinés à renforcer les équipements et protections des effectifs de sécurité publique ; 20 millions d’euros serviront à assurer l’entretien du parc immobilier et les travaux de maintenance les plus urgents dans les commissariats de police et les casernes de gendarmerie.
Le premier volet de ce plan de sécurité publique répond à l’exigence de mesures concrètes exprimée par les forces de l’ordre. Il prévoit un rehaussement de leurs équipements : casque balistique, gilet pare-balles, gilet porte-plaques, fusil d’assaut HK G36 et bouclier balistique souple. Il tend à améliorer leurs protections en équipant les véhicules de vitrages renforcés, d’extincteurs et de couvertures anti-feu, et en leur fournissant des tenues résistantes au feu. J’ai donné des instructions aux chefs de service pour que, dans les zones particulièrement difficiles, des patrouilles à trois fonctionnaires soient immédiatement et systématiquement mises en place. Ce volet prévoit aussi de consacrer des moyens au renouvellement du parc automobile : 6 380 véhicules neufs seront livrés à la police nationale et la gendarmerie en 2017.
Le deuxième volet permet de recentrer les missions des forces de l’ordre sur leur cœur de métier en les débarrassant enfin de nombreuses tâches indues.
Enfin, le troisième volet du plan vise à répondre à l’exigence de respect à l’égard des policiers. Les conditions d’évolution de la légitime défense vont être étudiées au sein d’un groupe de travail dont j’ai confié la présidence à la magistrate Hélène Cazaux-Charles qui dirige l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) après avoir été conseillère de Manuel Valls au ministère de l’intérieur puis à Matignon. Je veux que l’on revoie le régime juridique de l’outrage envers les agents dépositaires de l’autorité publique pour l’aligner sur celui de l’outrage à magistrat. Je souhaite également que l’on prenne des mesures législatives permettant l’anonymisation des policiers. Nous leur devons cette protection, compte tenu des événements récents.
Ce plan de sécurité publique est donc extrêmement précis. J’aurai l’occasion de revenir devant votre commission des lois, si son président m’y autorise, afin de vous en donner les détails une fois qu’ils seront définitivement arrêtés, c’est-à-dire dans dix jours. J’ai donné des instructions pour que les mesures de ce plan soient mises en œuvre immédiatement. Certaines concernent la substitution de gardes dynamiques à des gardes statiques, d’autres le passage de conventions avec la médecine de ville, destinées à décharger les policiers du transfert vers les hôpitaux des gardés à vue en situation d’ivresse manifeste. Au vu des rapports des inspections générales, j’ai aussi demandé à accélérer le rythme de la réforme sur le transfèrement de détenus, afin que le ministère de la justice prenne plus rapidement le relais du ministère de l’intérieur. Pour résumer, nous menons à marche forcée une action très volontariste.
J’éprouve à l’égard des policiers – et ils le savent – un profond respect, une immense considération et beaucoup de gratitude. Je n’ignore pas ce qu’a été l’engagement des policiers, des gendarmes et des sapeurs-pompiers lors des événements récents. Au cours de la concertation que j’ai engagée depuis lundi, tous les policiers, du sommet de la hiérarchie dans les départements jusqu’à la base, pourront exprimer leurs attentes. D’ici à six semaines, je rassemblerai tous les fruits de cette concertation et je rendrai des arbitrages supplémentaires.
Pour autant, comme ministre de l’intérieur, je ne peux pas accepter que des policiers en service utilisent des véhicules sérigraphiés pour manifester leur mécontentement. De même, avec beaucoup de calme mais aussi de fermeté, j’indique que je ne peux pas accepter certains propos qui circulent sur les réseaux sociaux et dont le contenu est très éloigné de la retenue et du respect qui doivent prévaloir dans la République. Je dis cela parce que, précisément, je souhaite que le respect soit le principe. Dans le contexte actuel, la police est d’autant plus forte que chacun de ses mots renvoie à l’essentiel, c’est-à-dire au respect des valeurs de la République. Aussi longtemps que je serai ministre de l’intérieur, je rappellerai cela dans tous mes déplacements, à chaque policier, avec l’empathie, le respect et la fermeté qui s’attachent à ma mission. C’est mon honneur de le faire. Si nous ne sommes pas capables de rappeler ces principes-là, alors il n’y a plus de République, il n’y a plus d’État.
Si je souhaite discuter avec les représentants des organisations syndicales, dont c’est le rôle, et si je souhaite que le dialogue s’engage avec tous les policiers dans les commissariats à l’occasion de cette concertation, c’est parce que j’estime qu’il n’appartient pas à des leaders autoproclamés, qui ne sont pas ou plus dans la police, de porter la parole des policiers. Sur ce sujet, je veux être extrêmement clair et net. Ne pas le dire serait manquer de respect à ceux qui souhaitent exprimer leurs revendications en conformité avec les règles et principes qui doivent régir les forces de sécurité dans notre pays.
S’agissant de la sécurité civile, je tiens à préciser que l’action du Gouvernement ne se résume pas aux seules mesures intégrées aux crédits budgétaires qui vous sont soumis aujourd’hui. Je pense notamment au confortement du volontariat et au développement des synergies opérationnelles entre les services d’incendie et de secours et les autres services publics. Je pense aussi à une réforme statutaire emblématique que vous n’avez pas évoquée, messieurs les rapporteurs : la création d’une catégorie « A+ » de sapeurs-pompiers professionnels, qui va donner de nouvelles perspectives de carrière à l’encadrement supérieur des services d’incendie et de secours. Les pompiers avaient manifesté une très forte volonté de réforme des emplois supérieurs de direction. Cette réforme appelait la mise en œuvre de mesures fonctionnelles et statutaires, certaines nécessitant des modifications législatives. C’est ce gouvernement qui les aura prises et, si nous partageons un minimum de bonne foi, nous devons tous reconnaître que ce qui reste en discussion ne peut pas occulter tout ce qui a été fait.
En ce qui concerne les crédits budgétaires du programme « Sécurité civile », j’ai tenu à ce que les moyens de fonctionnement et d’investissement soient accrus pour faire face aux risques et menaces dans les meilleures conditions. Ainsi, les crédits augmentent de 28 millions d’euros par rapport à l’année dernière, c’est-à-dire de 6 %.
Pour 2017, les principales priorités du programme portent sur la poursuite ou l’achèvement de plusieurs chantiers importants de modernisation des moyens nationaux. Citons d’abord le transfert de la base avions de la sécurité civile de Marignane vers Nîmes, lequel sera effectif en mars 2017, et l’acquisition d’un nouvel avion multirôles, pour 25 millions d’euros. Citons aussi la modernisation du service du déminage – le plan « Déminage 2020 » – grâce au renforcement des centres en moyens humains et matériels, à l’évolution de la formation et à l’amélioration de la coopération avec les autres forces de sécurité intérieure. Citons enfin la modernisation des matériels majeurs, notamment l’équipement des avions en moyens radio. Par ailleurs, l’État accompagnera les services d’incendie et de secours dans la mise en œuvre de projets structurants d’intérêt national par le biais de la création d’une nouvelle dotation d’investissement, abondée à hauteur de 20 millions d’euros.
Enfin, je veux dire un mot de la sécurité routière, en rappelant que la violence routière tue plus de 3 000 de nos concitoyens chaque année. Pour faire face à ce fléau, le Gouvernement a pris des mesures fortes relevant de la prévention, du contrôle et de la répression. Elles ont été élaborées dans le cadre du plan de mobilisation en faveur de la sécurité routière de janvier 2015 et du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) qui s’est tenu il y a un an sous la présidence du Premier ministre.
Les vingt-six mesures que j’avais décidées en janvier 2015 sont entrées en application et commencent à produire leurs effets. Mentionnons l’abaissement du seuil de consommation d’alcool pour les conducteurs novices ou l’interdiction du port de tout dispositif émettant du son à l’oreille en conduisant. Sur les cinquante-cinq mesures décidées par le CISR, quatorze sont déjà en vigueur. Les onze mesures prévues dans la loi pour la modernisation de la justice du XXIe siècle seront, quant à elles, appliquées dès la promulgation prochaine du texte. Dans quinze jours, nous publierons les statistiques d’octobre, ce qui nous permettra d’avoir une idée de la manière dont les choses se présentent pour l’ensemble de l’année.
M. Galut m’a posé diverses questions et notamment l’une sur l’IJAT. En cette période où beaucoup de contrevérités circulent et où des acteurs s’emploient à jeter de l’huile sur le feu, je redis ici solennellement que, premièrement, nous avons augmenté l’IJAT de 30 %, deuxièmement, nous l’avons totalement défiscalisée, et, troisièmement, nous avons procédé à une hausse supplémentaire en la faisant passer de 39 euros à 42,50 euros pour que les cotisations sociales soient intégralement compensées.
M. Lefait m’a interrogé sur la préparation des acteurs du secours aux nouvelles menaces. Un effort important de formation, d’équipement et d’investissement a été réalisé par l’État et les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) pour adapter la réponse des secours aux nouvelles réalités de la menace. La stratégie d’adaptation des secours aux nouvelles menaces terroristes repose sur la planification, l’achat de matériels spécifiques et la formation des acteurs.
En ce qui concerne la planification, de nombreuses mesures ont été prises et je vous propose de vous en envoyer la liste précise. Je vais en évoquer quelques-unes : intégration d’un volet « attentat » dans les plans « Organisation de la réponse de sécurité civile » (ORSEC), destinés à porter secours à de nombreuses victimes, au terme des retours d’expérience (RETEX) qui ont été élaborés ; politique soutenue d’exercices antiterroristes dans lesquels sont mobilisées fortement les forces de sécurité civile ; diffusion par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crises, en juin 2016, d’une doctrine opérationnelle d’intervention en cas de tuerie de masse ; rédaction d’un vademecum pour préciser le positionnement des bénévoles des associations agréées.
L’effort d’investissement dans les équipements de détection, d’intervention et de protection est massif. Il y a l’équipement de détection et d’intervention nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC). Il faut savoir que les SDIS arment quotidiennement 114 cellules mobiles d’intervention face aux risques chimiques et cinquante-quatre cellules mobiles d’intervention face aux risques radiologiques. L’État met à la disposition des SDIS des matériels spécifiques pour couvrir l’ensemble du territoire : des véhicules de laboratoire, de détection et d’identification des engins NRBC, 64 chaînes de décontamination. Au total, l’État aura consacré 2 millions d’euros à l’achat de ces équipements NRBC en 2016, et il prévoit une enveloppe complémentaire de 1,4 million d’euros en 2017. Des casques et des gilets pare-balles ont été achetés pour les secouristes intervenant sur les lieux d’attaques terroristes. Des moyens sont aussi prévus pour former les acteurs du secours à leur nouvel environnement d’intervention. Tout cela est mis en œuvre de façon extrêmement méticuleuse.
Qu’en est-il des Tracker ? Ces avions ont en moyenne cinquante-huit ans, c’est-à-dire cinq ans de plus que moi. Il faut donc procéder à leur renouvellement, ce qui n’est pas encore tout à fait mon cas. (Sourires.) Nous avons besoin de six appareils multirôles. Le renouvellement du premier Tracker est déjà programmé : l’avis d’appel public à la concurrence a été publié le 16 juillet 2016 ; la notification du marché interviendra en 2017 et la livraison de l’appareil aura lieu dix mois plus tard. Les autres appareils seront programmés par tranches, en fonction des autorisations d’engagement. Nous prévoyons 25 millions d’euros dans le budget de 2017. Les douze Canadair et les deux Dash de sécurité civile n’ont pas besoin d’être changés pour le moment. La priorité est le renouvellement des neuf Tracker.
À Nîmes, nous avons un groupement d’hélicoptères : 300 agents, 218 pilotes et mécaniciens opérateurs de bord, un échelon de commandement, un centre de maintenance. Il y a 35 hélicoptères, déployés sur 23 bases – 20 en métropole et trois outre-mer. À ces bases s’ajoutent sept détachements saisonniers dans les régions montagneuses. C’est ainsi que 20 appareils sont déployés en permanence en base opérationnelle, et ce nombre peut monter jusqu’à 29 en fonction des périodes d’activation et de détachement. Le reliquat est réparti entre le centre de formation et le centre de maintenance de Nîmes.
M. Lefait et M. Morel-à-l’Huissier m’ont interrogé sur le volontariat chez les sapeurs-pompiers. Soyons précis. Le nombre de volontaires a baissé de manière continuelle pendant dix ans : entre 2004 à 2014, nous avons perdu 10 000 sapeurs-pompiers volontaires. À Chambéry, en 2013, nous avons signé un plan d’action de 25 mesures en faveur du volontariat. L’année suivante, nous avions 1 500 sapeurs-pompiers volontaires de plus. Quand j’entends dire parfois que le Gouvernement ne fait rien dans ce domaine, alors que 24 des 25 mesures prévues à Chambéry sont d’ores et déjà en application et que nous avons inversé la courbe du recrutement de volontaires pour la première fois depuis dix ans, je me dis que certains ont des progrès à faire en matière de bonne foi. En 2015, le chiffre est resté stable autour de 194 000 et nous voulons poursuivre les efforts pour atteindre le nombre de 120 000.
Les mesures prises à Chambéry visent à faciliter le volontariat par divers moyens : la signature avec de grands employeurs de conventions nationales qui rendent compatible l’activité professionnelle avec l’engagement volontaire ; la présence d’un officier de sapeurs-pompiers volontaires dans les équipes de direction des SDIS ; des campagnes de communication. Notre objectif est d’élargir le vivier pour recruter davantage de femmes – qui ne représentent que 17 % des volontaires – et de jeunes. De nombreuses initiatives ont été lancées à cet effet, telles que la généralisation des classes des cadets de la sécurité civile et l’extension des missions de sécurité civile aux SDIS. Et les travaux doivent se poursuivre.
S’agissant de la garde nationale, notre objectif est de faire en sorte que le Parlement, dans le cadre de la discussion pour 2017 ou en loi de finances rectificative, soit amené à voter les budgets nécessaires pour compléter son financement : l’idée est de doubler le montant de 62 millions d’euros initialement prévu, pour que sa montée en puissance ne se fasse pas grâce à des redéploiements.
Les outre-mer bénéficient de dispositifs particuliers de sécurité civile, qui s’ajoutent à toutes les politiques nationales en la matière. Lorsque je me suis rendu dans les outre-mer il y a trois semaines, j’ai pu vérifier les conditions dans lesquelles les plans étaient mobilisés, notamment le plan « séisme » dans les Antilles, qui fait l’objet d’un copilotage entre le ministère de l’intérieur et le ministère des outre-mer. Le préfet de la zone étudie les modalités d’alerte – adaptées aux risques de l’urbanisme – des populations. Un effort est porté sur la culture du risque particulier. À La Réunion, un Dash est pré-positionné pendant la saison des feux. En Nouvelle-Calédonie, des projets de sécurité civile vont bénéficier d’un financement de 5 millions d’euros en 2017.
Monsieur Lefait, vous avez évoqué l’adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours (ANTARES). Ce système d’alerte couvre désormais 95 % du territoire national ; 71 SDIS y seront raccordés entre 2013 et 2017 ; 24,8 millions d’euros de travaux sont programmés pour achever la couverture du territoire.
Je me suis exprimé sur les jeunes et la sécurité civile. J’aurais beaucoup de choses à rajouter et je vous propose de vous les transmettre par écrit pour que mon propos ne soit pas trop long.
Monsieur Boisserie, vous m’avez interrogé sur la mise en réserve de la révision de la LOLF. La mise en réserve concernant les forces de sécurité fait l’objet d’une négociation annuelle en fin de gestion. Durant cette négociation extrêmement dure, les policiers et les gendarmes exercent sur moi les pressions qui vont bien, de façon à obtenir les meilleurs résultats. Cela fait partie du jeu. Même lorsque j’étais ministre du budget, je recevais le directeur général de la gendarmerie nationale dans mon bureau, venu ajouter sa propre pression à celle de son ministre. C’est au ministère du budget que j’ai découvert ce qu’étaient les contraintes, difficultés et spécificités de la gendarmerie. Sachant bien comment un ministre du budget gèle les crédits de la gendarmerie, je sais parfaitement comment il peut les dégeler… Nous obtenons donc un niveau exceptionnel de dégel des crédits de la gendarmerie : les deux tiers. Notre objectif est de faire en sorte que ce niveau de performance ne soit pas démenti. Je suis sûr que les membres de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui ne manquent pas de témoigner de leur reconnaissance aux forces de l’ordre, m’aideront dans cette tâche, avec l’engagement, la détermination et la bienveillance qui les caractérisent. Je me souviens que vous saviez faire mouvement sur les sujets essentiels, lorsque j’étais ministre des finances. Je vous sens déjà en mouvement. (Sourires.)
J’en viens à la transposition aux forces armées de la directive sur le temps de travail. La France respectera ses engagements. L’objectif du Gouvernement est clair : il s’agit de se mettre en conformité avec le droit communautaire, tout en préservant la capacité opérationnelle de nos forces armées et, pour ce qui me concerne, de la gendarmerie. Nous travaillons actuellement avec le directeur général de la gendarmerie nationale. Nous avons prévu une série de réunions destinées à organiser cette compatibilité, ce qui me conduira d’ailleurs, compte tenu des conséquences de cette directive sur le plan opérationnel, à revoir un certain nombre d’organisations territoriales envisagées. Il s’agit de faire en sorte que la directive sur le temps de travail ne se traduise pas par une diminution du nombre de gendarmes sur le territoire. Ils doivent rester au moins aussi nombreux, si ce n’est plus. Dans quelques semaines, je rendrai publiques les modifications que j’aurai apportées aux organisations territoriales afin d’atteindre les objectifs.
La gendarmerie est en effet impliquée dans la formation des polices municipales, monsieur Boisserie. Elle se charge de la formation d’unités motocyclistes et équestres, et elle assure la formation des moniteurs au maniement des armes. Depuis juin 2016, des travaux de révision des protocoles liant la gendarmerie aux polices municipales sont en cours, sous la direction des services compétents.
En ce qui concerne l’école de Cannes-Écluse, c’est plus compliqué qu’il n’y paraît. Quand on multiplie par dix le nombre d’élèves dans les écoles, il est difficile d’en fermer. Notre objectif est d’adapter la capacité des écoles à l’augmentation très significative du flux d’élèves, ce qui ne nous prive pas d’engager des réflexions prospectives sur l’organisation globale du maillage des écoles, en y intégrant la création de la direction centrale de la formation qui répond à la nécessité d’avoir des policiers bien formés – et en continu – compte tenu des défis nouveaux auxquels ils sont confrontés. La direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) a fait un remarquable travail. Je salue sa directrice, Mme la préfète Michèle Kirry, à laquelle on doit beaucoup, notamment le protocole de 850 millions d’euros de mesures catégorielles que j’ai précédemment évoqué. Avec Mme Kirry et le directeur général de la police nationale, nous avons décidé de créer cette direction centrale de la formation, qui est en cours de préfiguration, parce que la formation est pour moi une priorité. Pour augmenter les capacités et améliorer la qualité, il faut avoir une réflexion prospective. Au début de l’année 2017, la direction centrale de la formation aura pour mission de proposer les orientations adéquates concernant les sujets sur lesquels vous avez appelé mon attention.
En matière d’exercices de tir, la formation initiale est convenable mais il faut permettre aux gendarmes et aux policiers de s’entraîner en continu. La demande est forte et nous allons y répondre dans le cadre des dispositifs relatifs à la formation que je viens d’évoquer et grâce à des investissements dans des stands de tir.
Je souhaite répondre aux questions précises de M. Morel-à-l’Huissier. Je l’ai déjà fait en ce qui concerne le volontariat. S’agissant de l’abondement grâce aux économies de la prime de fonctions et de résultats (PFR), j’entends dire que nous profiterions de cette réforme pour mettre de l’argent de côté : cela ne correspond pas à la réalité. L’État a décidé de réinvestir dans le système de sécurité civile l’intégralité des économies réalisées sur la PFR au profit des SDIS, avec la création d’une nouvelle dotation d’investissement structurant de 20 millions d’euros. Il est prévu que la somme de 32 millions d’euros correspondant à la dotation de l’État soit redistribuée dans le cadre du PLF 2017 de la façon suivante : 20 millions pour la nouvelle dotation aux investissements structurants dont je viens de vous parler, 5 millions destinés au financement des projets de sécurité civile en Nouvelle-Calédonie, et le reste, soit 7 millions, au financement de la part prise en charge par l’État de la PFR II en 2017 ainsi qu’au financement des réserves de sécurité civile. Dès lors, toutes les économies réalisées sur la PFR sont bien réutilisées en faveur de la sécurité civile – à l’euro près. Vous pouvez informer ceux qui vous ont dit autre chose qu’ils se trompent.
L’utilisation de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) pour l’achat de matériel pour les SDIS est aussi un sujet régulièrement évoqué. La dotation d’équipement des territoires ruraux est destinée à cofinancer les investissements structurants des collectivités locales. Elle peut donc servir au financement de la modernisation des emprises immobilières. Il y a d’ailleurs des endroits, notamment en outre-mer, où nous utilisons la DETR, les « systèmes Barnier », pour abonder les efforts de financement des collectivités locales. En revanche, on ne peut faire l’achat de matériel roulant ni d’équipement courant pour les SDIS parce qu’ils n’entrent pas dans les cadres légaux d’utilisation de ces fonds. Ce matériel et cet équipement doivent par conséquent continuer à relever des SDIS. Si on réutilise une partie de la PFR – 20 millions d’euros – à destination des SDIS, c’est pour leur permettre de répondre à la préoccupation que vous exprimiez à l’instant.
Vous m’avez parlé de la TSCA. Les présidents de conseil départemental considèrent la TSCA non pas comme un fléchage vers les départements de fonds de l’État destinés à financer les SDIS, mais comme une compensation générale au bénéfice des départements, résultant de la départementalisation. Ce n’est pas du tout mon approche : la TSCA a été mise en place dans le cadre de la départementalisation pour financer des investissements de sécurité civile. Au titre du versement de cette TSCA, l’État peut légitimement affirmer ses prérogatives en matière de sécurité civile aux côtés des départements. Nous devons absolument créer les conditions d’un nouvel équilibre sur ce sujet. J’y suis absolument favorable, je l’ai dit dès mon arrivée au ministère de l’intérieur. Nous devons continuer, dans les années qui viennent, à renforcer considérablement la présence de l’État dans la définition des enjeux de sécurité civile. La question de la transparence dans l’utilisation de la TSCA est pour moi un sujet fondamental et l’État n’a pas à considérer qu’en matière de sécurité civile, il n’a rien à dire ni rien à faire. Il doit au contraire profiter du fait que près d’un milliard est fléché vers les départements pour assurer la direction des questions de sécurité civile, autant que les départements.
Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Dans la suite logique de vos réponses, j’aurai trois questions à vous poser, avant de donner la parole aux représentants des groupes.
Vous avez annoncé, dans le cadre du nouveau plan, 250 millions d’euros en faveur de la sécurité, parmi lesquels 20 millions seront fléchés vers l’entretien du parc immobilier…
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Pour la seule année 2016. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi je souhaite procéder ainsi. Il y a depuis des années des petits travaux qui ne sont pas faits dans les commissariats, ce qui empoisonne la vie des policiers. Je veux les engager tout de suite. Je propose donc que sur les 250 millions, une disposition soit prise pour la fin de l’année 2016 afin d’affecter immédiatement, de façon déconcentrée, des sommes aux DDSP.
Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Je voulais réagir à cette annonce : 20 millions, c’est un premier pas, mais la nécessité est immense car aucune majorité, quelle qu’elle soit, n’a accordé la priorité aux locaux de nos fonctionnaires de sécurité. La dégradation de ces locaux s’est donc amplifiée avec le temps. Je note cet effort de 20 millions mais j’imagine que vos services ont déjà calculé ce qu’il faudrait investir dans les prochaines, années pour remettre à niveau l’ensemble du parc immobilier.
S’agissant ensuite des SDIS, vous avez évoqué le montant de 20 millions d’euros de dotations d’investissements structurants en 2017. Il y a quelques temps, on se réunissait une fois par an au sein d’une commission de sécurité, en présence du préfet de région, au sujet des dotations des programmes d’investissements structurants des SDIS. Avez-vous l’intention de flécher ces 20 millions d’euros soit pour la fin d’ANTARES, soit pour de gros équipements structurants pour des feux de forêt ?
Enfin, les départements sont aujourd’hui dans une difficulté financière colossale au quotidien, liée à plusieurs facteurs : la contribution au redressement des finances publiques, mais aussi la progression des dépenses d’action sociale font que nous aurons, dans les années à venir, de vraies difficultés à maintenir à niveau nos investissements au profit des SDIS. Or, il va bien falloir accompagner nos sapeurs-pompiers.
M. Pascal Popelin. Nous sommes appelés, pour la dernière fois de cette législature, à examiner les crédits que le Gouvernement propose de consacrer à la protection de nos compatriotes pour l’année à venir.
C’est l’occasion, dans un contexte difficile pour nos forces de l’ordre, de remettre en perspective les orientations mises en œuvre par le Gouvernement et sa majorité depuis 2012. L’examen des décisions et des chiffres est en effet la seule réponse qui vaille à certaines caricatures indécentes. L’autorité de l’État, la sécurité, les moyens dédiés à nos forces ne sont pas des fonds de commerce électoraux. Ces sujets devraient nous rassembler dans la dignité, avec le souci de la vérité, si chacun voulait bien considérer leur gravité.
En vérité, jamais aucun gouvernement n’avait eu, au moins durant les trois dernières décennies, à affronter un contexte de menace terroriste d’une telle intensité et d’une telle violence. Le Parlement y a répondu avec fermeté et responsabilité. Trois lois renforçant nos dispositifs de lutte contre le crime organisé et le terrorisme ont été adoptées depuis le début de la législature. Un cadre juridique moderne, démocratique et adapté a été donné à l’action de nos services de renseignement. L’état d’urgence, avec les mesures spécifiques qu’il autorise, est en vigueur. Toutes ces décisions ont trouvé une traduction budgétaire concrète, et le projet de loi de finances pour 2017 en est une nouvelle fois la démonstration puisque les efforts mobilisés y sont encore amplifiés. Jamais une majorité n’aura dû autant agir pour réparer un service public de la sécurité fragilisé par des décisions antérieures malheureuses, qu’il s’agisse de questions d’effectifs, de moyens ou d’organisation.
Au-delà du renforcement des outils de lutte contre le terrorisme, il fallait aussi agir pour faire reculer la délinquance du quotidien, celle qui empoisonne la vie de nombre de nos compatriotes dans les quartiers populaires comme dans les zones rurales. Voilà pourquoi ont été créées dès 2012 les zones de sécurité prioritaires (ZSP). Voilà pourquoi a été déployé en 2013 le plan de lutte anti-cambriolages.
Ponctionnés de plus de 13 000 postes durant le précédent quinquennat, les effectifs ont été augmentés de 9 000, ce projet de loi de finances consacrant la montée en charge que rend nécessaire le temps de formation des nouveaux policiers et gendarmes. Le renseignement de proximité, décapité en 2009, reprend progressivement forme sur le terrain. Le retard, accumulé durant dix ans en matière de renouvellement des véhicules et de dotation de matériels se comble progressivement depuis quatre ans. Nous savons qu’il reste beaucoup à faire. Ce projet de loi de finances s’y attache une fois de plus. Les annonces de mercredi soir amplifieront les possibilités de répondre à cette nécessité. Depuis le début de cette législature, les crédits affectés à la sécurité ont augmenté de manière continue pour atteindre aujourd’hui une progression de 15 % pour la police et de 10 % pour la gendarmerie, quand ils avaient diminué d’autant durant le précédent quinquennat.
Ne nous voilons cependant pas la face. Le retard était tel que ces efforts ne sont pas encore ressentis partout sur le terrain. Parce qu’il a fallu investir dans de nouveaux champs pour répondre à la menace terroriste, la sécurité de voie publique en particulier continue de souffrir. Et, il est vrai – je vous l’ai récemment écrit, monsieur le ministre – que nous peinons à voir la traduction des effectifs supplémentaires dont nous votons la création, dans la politique d’affectation pour les commissariats de nos circonscriptions.
Il me semble que, pour relever les défis qui demeurent devant nous, rien de sert de gesticuler, de verser tout à la fois dans l’amnésie du passé et dans l’outrance d’un futur illusoire. La constance des actes, l’écoute et la recherche des meilleures voies réalistes d’amélioration me semblent être bien davantage les preuves souhaitables de la considération et du soutien que nous désirons témoigner à l’égard de toutes celles et tous ceux qui exposent leur intégrité pour protéger la nôtre, celle de nos enfants et de nos familles.
Avant de conclure, je veux aussi saluer, au nom de mes collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain, votre détermination jamais départie de calme et de sens de l’État, monsieur le ministre de l’intérieur. Elle fait honneur à l’idée que je me fais de ce que ne devrait jamais cesser d’être notre République. Nous voterons donc naturellement ce budget de progression avec la conviction de bien agir pour la France et les Français. Avec la conviction, aussi, que ces efforts devront continuer d’être durablement amplifiés au cours des prochaines années.
M. Daniel Gibbes. Je tiens tout d’abord à excuser mon collègue Éric Ciotti qui n’a malheureusement pu se libérer pour intervenir au sein de cette commission élargie.
Confrontés à une insécurité nouvelle, les effectifs de police et de gendarmerie sont plus que jamais sollicités sur l’ensemble du territoire de la République. L’année 2016 aura été une année terrible pour les forces de l’ordre avec l’intensification de la menace terroriste, le déchaînement des violences contre les policiers et gendarmes, la difficile gestion d’une pression migratoire en forte augmentation ou encore la multiplication des mouvements sociaux incarnés par l’opposition à la loi sur le travail et le mouvement Nuit debout. Alors que la sécurité des Français est notre priorité, la sécurité de ceux qui nous protègent n’a jamais été aussi menacée. Ces violences ont atteint leur paroxysme avec le drame de Viry-Châtillon. Je profite de cette intervention pour saluer le travail des policiers et des gendarmes, leur professionnalisme et leur importance dans le cadre des missions qu’ils exercent, parfois au péril de leur vie.
L’examen des crédits alloués à la mission « Sécurités » s’inscrit donc dans un contexte de vives tensions renforcées par les manifestations actuelles des policiers. Pour l’année 2017, le Gouvernement annonce une hausse de 3,5 % des crédits de paiement de cette mission. Par ailleurs, vous venez d’annoncer, monsieur le ministre, une enveloppe supplémentaire de 250 millions d’euros dédiée à la police et à la gendarmerie pour financer de nouveaux équipements. Nous ne pouvons que saluer cet effort budgétaire tant l’augmentation des effectifs, la hausse des moyens et l’amélioration des conditions de travail des forces de sécurité est indispensable.
Toutefois, lorsqu’on analyse le budget que vous nous présentez, certaines questions restent encore en suspens. Le Président de la République s’y était engagé : son quinquennat devait être marqué par la création de 9 000 postes de policiers et gendarmes. Un chiffre loin de la réalité puisque, selon les calculs de la Cour des comptes – et plus précisément selon un rapport d’exécution budgétaire publié en juin 2016 –, seuls 390 emplois ont été créés au cours de la période 2012-2015. Non seulement les effectifs ont quasiment stagné, mais la Cour des comptes révèle que les plafonds d’emplois pour 2015, c’est-à-dire les emplois inscrits au budget qui étaient de 242 412, se sont soldés in fine par 2 865 emplois de moins que prévu.
Par ailleurs, le budget présente selon nous plusieurs imprécisions s’agissant des réponses concrètement apportées au malaise des forces de l’ordre. Pourtant, les chiffres sont criants. Entre 2010 et 2015, le nombre de policiers blessés pendant leurs missions a augmenté de 25 %. Ces violences progressent, hélas, de manière encore plus spectaculaire en 2016. Sur les six premiers mois de l’année, 3 267 fonctionnaires étaient concernés par des agressions ou blessures pendant leur service. Ces chiffres rendent compte d’une augmentation de 14 % des violences contre les policiers par rapport au premier semestre de l’année 2015. Quand bien même ces chiffres souffriraient d’une certaine approximation, comment le Gouvernement entend-il répondre à cette réalité préoccupante des violences commises sur les forces de l’ordre ?
Au-delà de la question des moyens, il nous faut donner plus de prérogatives aux policiers pour assurer leur sécurité. Nous ne pouvons regretter que la proposition de notre groupe, de permettre aux policiers de tirer après deux sommations, dans certaines situations, ait été balayée d’un revers de main par la majorité gouvernementale C’est pourtant une disposition de bon sens, indispensable pour permettre aux policiers en situation de légitime défense de faire plus facilement usage de leur arme à feu.
Je ferai quelques remarques concernant le programme « sécurité routière ». Les chiffres de la mortalité routière repartent à la hausse depuis 2014, d’une façon qui nous inquiète tout particulièrement, et ne semblent pas s’infléchir en 2016. Le nombre de morts sur les routes françaises a augmenté de façon spectaculaire : ils sont en hausse de 30,4 % en septembre 2016 par rapport à la même période, l’année précédente. Monsieur le ministre, vous avez tenté de prendre des mesures afin d’inverser cette tendance, en ayant notamment recours aux radars, aux leurres et aux éthylotests antidémarrage. Or, malgré le spectre d’une troisième année d’affilée d’augmentation des chiffres de la mortalité routière, non seulement vos mesures paraissent trop inefficaces mais de surcroît, les crédits alloués à cette mission sont en baisse pour la troisième année consécutive. Comment le justifiez-vous ?
Enfin, pouvez-vous nous apporter un éclairage particulier sur la sécurité dans nos territoires ultramarins ? Le Gouvernement a mis sur pied un plan « sécurité outre-mer », mesure plus que nécessaire au regard des situations de délinquance et de criminalité sur des territoires comme la Guadeloupe ou Saint-Martin. Un plan spécifique pour Mayotte a également vu le jour : le territoire a été le théâtre d’émeutes ces derniers mois. Pouvez-vous faire le point sur la situation actuelle de Mayotte et nous dire si des moyens supplémentaires vont être mobilisés pour les outre-mer ?
M. Gabriel Serville. Vous connaissez aussi bien que moi le contexte particulier de la région Guyane en matière d’insécurité et de délinquance. Vous ne m’en voudrez donc pas de cantonner mon intervention à ce territoire que j’ai l’honneur de représenter, en ayant une pensée particulière pour les policiers et gendarmes de Guyane, qui doivent faire face à une criminalité toujours plus violente. Je souhaite ici leur témoigner toute ma sympathie et mon soutien sans faille.
Monsieur le ministre, depuis mon arrivée à l’Assemblée en 2012, je n’ai cessé de lancer des appels afin que notre Gouvernement se penche sur ce territoire qui sombrait chaque jour un peu plus dans un climat de délinquance, désormais banalisé. L’absence d’un véritable électrochoc d’initiative gouvernementale nous laissait perplexes tandis que la moindre attaque à main armé à Marseille ou ailleurs faisait l’objet de toutes les attentions. Quatre ans plus tard, et par votre biais, monsieur le ministre, la représentation nationale commence à prendre conscience de l’ampleur des événements qui se trament sur cette partie du territoire de la République.
Mais la situation n’a cessé de se dégrader. Ainsi, en un an, on aura noté une augmentation des atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes, avec un pic de +13 % au cours des six derniers mois. Les violences physiques et crapuleuses ont aussi augmenté de 22 %. Concernant les homicides, les chiffres sont tout aussi négatifs puisque, depuis le début de l’année, 36 personnes ont été tuées par arme à feu ou arme blanche, dont cinq au cours du seul mois août. Je rappelle que la Guyane est peuplée d’à peine 280 000 habitants, ce qui signifie que le taux d’homicides y dépasse allégrement 10 pour 1 000. Les atteintes aux biens ne sont pas en reste : +4,5 %. Bref, comme on dit : ça urge !
Toutefois, je dois reconnaitre les efforts qui sont réalisés par nos forces de police et de gendarmerie en vue de sécuriser le territoire. Votre déplacement d’il y a quelques jours témoigne de la prise de conscience du Gouvernement ainsi que de votre détermination à endiguer ces phénomènes de violence. En effet, pour inverser la tendance observée depuis des mois, vous avez promis l’arrivée de soixante policiers à très court terme, auxquels viendront s’ajouter une centaine d’autres d’ici à juin 2017. Ainsi, trois postes de fonctionnaires en police technique et scientifique doivent être ouverts afin de remettre à niveau cette branche de la police en Guyane et permettre d’agir contre les cambriolages, les homicides et les vols avec violence.
Il s’agit aussi de mieux lutter contre les réseaux liés au trafic de stupéfiants puisque, depuis quelques temps, l’aéroport de Cayenne s’est transformé en véritable plaque tournante de la drogue entre les producteurs sud-américains et les consommateurs européens. C’est dans le cadre de la lutte contre ce fléau que vous avez également annoncé la création sur place d’une antenne de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS). Outre des effectifs renforcés, vous avez également décidé la création d’une zone de sécurité prioritaire à Saint-Laurent-du-Maroni et l’arrivée de nouveaux matériels – armes, casques et véhicules – à disposition des forces de l’ordre. Autant d’annonces qui ont été accueillies favorablement par la population.
Pourtant, je dois vous avouer mon inquiétude à la lecture du budget que vous nous présentez aujourd’hui qui, s’il a le mérite d’être en légère hausse d’un peu moins de 2 % par rapport à l’année dernière, pourrait difficilement traduire les annonces ambitieuses faites à Cayenne. Et pour cause : le programme 176 « police nationale » augmente d’un peu plus de 3 millions d’euros mais on voit mal comment cette somme permettra de couvrir non seulement l’arrivée des soixante policiers prévus mais également le renforcement matériel annoncé. Le programme 152 « gendarmerie » accuse, quant à lui, une baisse de ses crédits alors que les effectifs des brigades mobiles sont annoncés à la hausse avec l’arrivée de dix-sept gendarmes supplémentaires en 2017 à Macouria, Saint-Laurent-du-Maroni et Kourou, portant à 1 000 leur nombre sur le territoire guyanais.
Monsieur le ministre, vous le savez, la polémique gronde depuis les révélations d’un média local selon lequel trente-deux gendarmes affectés sur le Haut-Maroni ont été réaffectés en Guadeloupe pour faire face à la violence qui règne également dans ce département d’outre-mer. Les Guyanais sont aujourd’hui d’une extrême méfiance en raison des annonces et promesses gouvernementales dont les concrétisations se font attendre, discréditant en cela la parole publique que nous portons collectivement. Depuis quelques temps les appels à la création de milices privées, pour se faire justice soi-même, pullulent sur les réseaux sociaux, accompagnant pêle-mêle des incitations à la haine raciale et xénophobe – autant de pratiques que je condamne avec la plus grande fermeté.
Aussi, monsieur le ministre, sans jamais mettre en doute votre détermination à régler définitivement ces problèmes – qui traduisent par ailleurs d’autres difficultés ne pouvant être imputées à votre ministère –, je vous demande solennellement de bien vouloir rasséréner les potentielles victimes, et me rassurer quant à la budgétisation, dès l’année 2017, de toutes les mesures annoncées en faveur de la lutte contre l’insécurité en Guyane. La solidarité de mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine pourrait alors s’exprimer par le biais d’un vote pleinement significatif de satisfaction ou de déception.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je commencerai par répondre à M. Gabriel Serville. Je me suis rendu dans les départements et territoires d’outre-mer il y a trois semaines et j’y ai fait plusieurs annonces. Je n’ai pas pour habitude de ne pas tenir les engagements que je prends. C’est un sujet trop grave pour qu’on dise des choses approximatives. Le budget que je présente ne comporte absolument pas les chiffres que vous venez de citer. Il est en augmentation, en ce qui concerne les forces de sécurité, de près de 830 millions d’euros – j’ignore donc d’où viennent vos chiffres – et j’ai indiqué tout à l’heure, dans mon propos introductif, les augmentations de crédits dont bénéficieraient la police et la gendarmerie, tant au sein du titre 2 qu’en dehors de celui-ci. J’ai notamment précisé le nombre de créations d’emplois qui interviendraient sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les départements et territoires d’outre-mer, pour la gendarmerie et la police. Ces chiffres sont significatifs. En 2017, 402 emplois seront créés dans la gendarmerie et 3 216 dans la police, soit, au total, 3 618 emplois créés. C’est sur ces chiffres issus des documents budgétaires qu’il faut appuyer le raisonnement et sur rien d’autre.
Ensuite, j’ai annoncé, lors de ma venue en Guyane des effectifs précis pour la police comme pour la gendarmerie : 60 personnels en gendarmerie territorialisée – en substitution des gardes mobiles – et dix personnels dans la police judiciaire dont quatre affectés à l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) et cinq à la ZSP de Saint-Laurent-du-Maroni. À ces effectifs de gendarmerie s’ajoutent les effectifs de police que j’ai annoncés. Vous me dites que la colère gronde parce que trente-deux gendarmes mobiles sont partis. Mais je vous rappelle que les gendarmes mobiles, comme leur nom l’indique, ont vocation à se mobiliser là où il y a des crises et à repartir ensuite, une fois que les crises ont cessé. J’ai annoncé, parmi mes propositions, la substitution à ces gendarmes mobiles de gendarmes qui seront définitivement affectés en Guyane de manière à ce que vous n’ayez pas à subir constamment ces allers-retours de gendarmes mobiles. J’ai fait des annonces précises. Je me suis déplacé pour cela. J’ai pris des engagements. Je sais qu’au moment où je me trouvais en Guyane, certains médias guyanais ont essayé de lancer des polémiques sur ce sujet. C’est leur affaire mais je suis un responsable gouvernemental qui tient les engagements pris. Nous sommes dans une période où la rationalité du raisonnement doit l’emporter sur le vacarme de ceux qui parlent sans savoir. Je ne parle pas de vous, monsieur le député, avec qui j’ai des relations de confiance, mais de médias que vous connaissez parfaitement.
Monsieur Gibbes, je souhaiterais clarifier deux points.
Tout d’abord, vous contestez la création des effectifs par le Gouvernement, vous appuyant sur un rapport de la Cour des comptes qui nous est constamment opposé. Je serai donc clair et précis. On ne peut, parce qu’il y a une élection primaire, faire dire aux documents budgétaires absolument n’importe quoi. Je vous en communiquerai le contenu de manière à ce qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Ces documents traduisent ce qu’a été l’évolution du plafond d’emplois voté par le Parlement dans la police et la gendarmerie entre 2007 et 2017 : ce plafond était de 149 965 en 2007, de 148 563 en 2008, de 146 180 en 2009, de 144 790 en 2010, de 145 434 en 2011 et de 143 689 en 2012. Cela signifie que ce plafond a été réduit respectivement, dans la gendarmerie et la police : de 967 et de 1 402 emplois en 2007, de 1 625 et de 2 383 emplois en 2008, de 1 354 et de 1 390 emplois en 2009, de 1 087 et de 644 emplois en 2010-2011, de 1 210 et de 1 745 emplois en 2011-2012. Ainsi, au cours de la période allant de 2007 à 2012, les emplois ont diminué de 6 243 dans la gendarmerie et de 6 276 dans la police nationale.
Voici maintenant les plafonds d’emplois dans la police nationale depuis 2013 : 142 317 en 2013, 143 606 en 2014, 145 197 en 2015, 145 863 en 2016, 149 079 en 2017. Ainsi, entre 2012 et 2017, ont été créés 4 334 emplois dans la gendarmerie nationale et 5 390 dans la police nationale.
À l’instar d’un ancien Président de la République apparemment à court d’arguments, vous ressortez en permanence un rapport de la Cour des comptes pour essayer de masquer ces 13 000 emplois supprimés et ces 9 000 emplois créés. Je vais donc tenter de clore une fois pour toutes ce débat.
M. Philippe Goujon. Vous aurez du mal !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. À contrecarrer votre mauvaise foi, sans doute, car elle est incommensurable,…
M. Philippe Goujon. Vous êtes trop aimable !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. …mais à rétablir la vérité, pas du tout.
M. Vachia, qui a rédigé ledit rapport de la Cour des comptes, a été entendu le 1er juin dernier par la commission compétente dans le cadre d’une audition dont le compte rendu est public. M. Marleix, qui voulait faire la démonstration que vous venez de tenter, l’a alors interrogé à propos du nombre d’emplois créés. Voici très exactement sa réponse : « Vous évoquez le chiffre de 9 000 créations d’emplois. Page 137 du rapport général sur l’exécution du budget, nous nous sommes interrogés sur l’accumulation des créations d’emplois en loi de finances initiale puis en loi de finances rectificative et en cours d’année à la faveur des PLAT 1 et 2. Elle a abouti à ce qu’il y ait plus de créations d’emplois que prévu, toutes choses égales par ailleurs. Si vous faites la somme entre 2015 et 2017 des emplois dont la création a été prévue en loi de finances, des recrutements visés dans les PLAT 1 et 2 et de ceux qui prennent place dans le cadre du plan “migrants”, on aboutit à 8 132 emplois, un total qui s’approche du chiffre que vous citiez. » Le solde des créations d’emplois permettant d’atteindre l’objectif de 9 000 concerne les services de préfecture en charge de la lutte contre la radicalisation, le contrôle des armes, la lutte contre la fraude aux documents d’identité. En dépit de la réponse qui lui a été apportée, M. Marleix continue de tenir les mêmes propos que vous.
M. Daniel Gibbes. Ce n’est pas la réponse qu’a donnée M. Migaud.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Vous disposez par ailleurs de documents budgétaires qui montrent le nombre d’emplois créés en fonction des plafonds d’emplois annuels.
Je ne me fais aucune illusion : vous allez continuer à dire ce que vous dites aujourd’hui, puisque ce qui compte, ce n’est pas la réalité, mais votre incapacité à assumer un bilan qui inclut la suppression de 13 000 emplois dans la police et la gendarmerie, comme à reconnaître nos propres efforts. En matière de sécurité, vous pensez que les discours litaniques sur votre capacité et l’incapacité des autres à agir vous permettront d’obtenir de bons résultats lors de votre primaire ; nous verrons bien ce qu’il adviendra.
Je n’en tenais pas moins à vous dire très nettement ce qu’il en est, parce qu’à un moment donné, quand les contre-vérités sont égrenées quotidiennement, y compris par des acteurs politiques qui ont exercé les plus grandes responsabilités au ministère de l’intérieur et dans l’appareil d’État, il faut dire : stop ! Sur des questions aussi difficiles, on est en droit d’attendre des débats de qualité, fondés sur des faits.
En ce qui concerne la délinquance, j’ai là un document qui vient du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), piloté par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)…
M. Philippe Goujon. C’est un service du ministère de l’intérieur !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Non. On ne peut pas proférer des mensonges sur tous les sujets, monsieur Goujon. Nous avons mis en place un service statistique ministériel piloté selon les méthodes de l’INSEE, parce qu’il fut un temps où l’on arrêtait de recueillir les statistiques de la délinquance le 15 du mois lorsqu’elles atteignaient un niveau comparable à celui du mois précédent ! Avec le Premier ministre, nous y avons mis bon ordre et nous avons eu raison de le faire.
En ce qui concerne les cambriolages de logements, on observe une stabilisation après cinq années consécutives de hausse entre 2009 et 2013 ; en ce qui concerne les vols liés à l’automobile, une tendance à la baisse, qui se poursuit, sauf pour les vols à la roulotte ; le nombre de vols avec violences contre les personnes est en baisse ; les homicides sont stables, hors impact des attentats.
Ces statistiques incontestables disent l’exact contraire de ce que vous affirmez à chaque question au Gouvernement, laissant penser qu’en matière de lutte contre l’insécurité les résultats se seraient dégradés, ce qui est faux. Je tiens à profiter de la discussion budgétaire sur ces sujets pour remettre les pendules à l’heure, car je crois qu’en politique la vérité compte, et que face à des entreprises de dissimulation, ici particulièrement grossières, il faut la rétablir.
Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent intervenir, en commençant par M. Goujon.
M. Philippe Goujon. Malgré les primaires, je vais peut-être avoir maintenant l’autorisation de parler…
L’intervention du ministre de l’intérieur frisait – le mot est faible – l’autosatisfaction. Nous y sommes habitués.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Cela s’appelle le rétablissement de la vérité, monsieur Goujon. Il n’y a là aucune autosatisfaction.
M. Philippe Goujon. Vous pouvez toujours m’interrompre, mais j’aimerais pouvoir m’exprimer. C’est déjà assez difficile quand on ne dispose que de deux minutes, alors que vous avez parlé trois quarts d’heure. Je reprends ; merci de décompter mon temps de parole à partir de maintenant, madame la présidente.
Votre intervention, monsieur le ministre, frisait l’arrogance, si vous préférez. Mais les policiers sont dans la rue : c’est donc que tout ne va pas pour le mieux dans votre ministère, contrairement à vos affirmations péremptoires, assorties de leçons de morale permanentes. (Protestations sur les bancs de la majorité.) Je revendique mes propos, même s’ils ne vous plaisent pas, mes chers collègues ! Nous avons bien eu droit, pendant de longues minutes, à des leçons de morale et de vertu. Pour notre part, nous laissons cela au ministre de l’intérieur.
M. le ministre ne l’a pas dit, mais lorsque nous avons quitté le pouvoir en 2012, il y avait le même nombre de policiers qu’en 2007 car, entretemps – cela n’a pas été davantage dit –, plus de 13 000 policiers ont été recrutés pour compenser l’effet dévastateur des trente-cinq heures dans la police. Cela vous dira peut-être quelque chose, mes chers collègues, même si cela semble être sorti de votre mémoire ! Entre 2007 et 2012, l’insécurité a reculé de 16 %. Quant aux recrutements qui ont eu lieu par la suite, nous en prenons acte, bien sûr, quelles que soient les contestations – le président Migaud est revenu sur les propos du rapporteur de la Cour des comptes que vous avez cités. Mais ils étaient dus à l’état d’urgence, à l’état de guerre, au terrorisme qui n’existaient pas au cours du précédent mandat, et dans lesquels vous n’êtes évidemment pour rien.
En ce qui concerne les charges indues, vous évoquez la suppression de gardes statiques, qui est une bonne chose. J’ai notamment entendu parler de 21 gardes statiques supprimées dans les préfectures et les tribunaux de grande instance (TGI). Mais le garde des sceaux nous a dit hier que le futur TGI de Paris, aux Batignolles, nécessiterait 389 policiers pour sa surveillance. Elle était jusqu’à présent assurée par la gendarmerie et la garde républicaine sur l’île de la Cité, où des locaux devront continuer d’être gardés par ces mêmes agents. Ces policiers seront donc prélevés sur les effectifs de la préfecture de police ; à moins que vous n’ayez une autre solution et, si oui, laquelle ?
Vous avez évoqué rapidement les transfèrements de détenus ; pourriez-vous être un peu plus précis sur ce point ? Le garde des sceaux nous a dit des choses qui n’allaient pas dans le même sens.
Mme Françoise Descamps-Crosnier. Je tiens tout d’abord à saluer l’importante augmentation des crédits de cette mission budgétaire essentielle à plus d’un titre, ainsi que la poursuite des efforts en matière de lutte contre le terrorisme.
J’ai été membre de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, dont notre collègue Patrick Mennucci était rapporteur et qui a rendu son rapport en juin 2015. Je vous avais interrogé l’an dernier, monsieur le ministre, sur les suites données à ses préconisations ; vous aviez souligné que plusieurs d’entre elles étaient déjà prises en considération, en cours de réalisation ou sur le point d’être réalisées. Où en est-on plus d’un an après la remise du rapport ? Je songe notamment à l’appui aux cellules départementales de prévention de la radicalisation et, de manière générale, aux outils de proximité dans ce domaine particulier de politique publique qui nous incombe désormais.
Ma deuxième question, également ancrée dans la réalité territoriale, concerne les zones de sécurité prioritaire (ZSP). Le projet annuel de performances de la mission budgétaire mentionne les bons résultats obtenus dans ces zones et précise que, pour y faire reculer efficacement et durablement la délinquance, l’accent restera mis sur la lutte contre l’économie souterraine – vols, recels, infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment et non-justification des ressources. On apprend notamment à sa lecture que le montant des saisies patrimoniales en ZSP s’élevait à plus de 22 millions d’euros en 2015 et à 20 millions en 2014, dont la moitié en biens mobiliers. Disposez-vous d’autres données dans ce domaine ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous souhaitez donner la priorité à ce volet dans les temps à venir ?
Enfin, où en sommes-nous quant à la possibilité, ouverte par la loi du 3 juin 2016, d’expérimentation des « caméras-piétons » pour les policiers municipaux ? Elle est subordonnée à l’existence d’une convention de coordination, au fait que la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) soit volontaire, mais aussi à un décret qui n’a, à ma connaissance, pas encore paru. Savez-vous à quelle date il sera publié ?
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le ministre, vous avez parlé de « bonne foi » à propos du nombre de sapeurs-pompiers volontaires (SPV), soit 193 756. Nous ne contestons pas l’augmentation de l’année dernière, mais le Président de la République en avait promis 200 000. Le problème est aujourd’hui de faire évoluer ce nombre.
Vous m’avez répondu s’agissant de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR). La fédération nationale des sapeurs-pompiers ne m’avait pas donné cette information et la direction de la sécurité civile m’avait indiqué que le financement du système de gestion opérationnelle était prévu, mais que l’affectation aux SDIS n’était pas possible.
En ce qui concerne la TSCA, j’ai pris note de votre volonté de transparence s’agissant du milliard d’euros.
En ce qui concerne la DETR, je regrette un peu votre réponse.
S’agissant de la sécurité, je note avec réserve et retenue l’existence de manifestations spontanées récurrentes et d’attentes. Concernant la police municipale, j’aimerais une position claire sur l’armement, sur les gilets pare-balles et sur le statut, peu valorisant. Quant aux agents de surveillance de la voie publique (ASVP), ils n’ont malheureusement pas de véritable statut.
M. Daniel Boisserie. Monsieur le ministre, votre réponse concernant le dégel des crédits va dans le bon sens. Les crédits gelés concernant surtout les loyers, comment va-t-on faire pour en verser la totalité aux communes et aux bailleurs ?
J’aimerais également vous interroger sur les PSIG interdépartementaux. Je souhaite vraiment une évolution en ce sens.
Enfin, je me permets de le dire dans la mesure où cela fait vingt ans que je siège dans cette Assemblée, j’ai du mal à supporter l’arrogance ; nous sommes collègues, même si nous n’avons pas nécessairement les mêmes idées, et nous pouvons agir dans le calme et la sérénité. Tout ce qui est excessif est dérisoire.
M. Yves Goasdoué. Monsieur le ministre, j’aimerais vous interroger sur l’évolution des emplois du service du déminage. Au rôle classique de désamorçage, de mise en sécurité et de destruction de munitions historiques, l’actualité du terrorisme ajoute des missions nouvelles de prévention, de surveillance et de neutralisation d’objets laissés à l’abandon, mais aussi d’intervention. Comment pensez-vous réorganiser ce service en conséquence ?
J’aimerais ensuite revenir sur les sapeurs-pompiers volontaires (SPV), en particulier sur la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR). Je crois comprendre que c’est à tort que l’on lie sa réforme aux 20 millions d’euros d’investissements prévus, mais qu’il s’agit d’une profonde réforme qui fait passer d’un régime de capitalisation à un régime de mutualisation. Pouvez-vous nous la décrire ? Aura-t-elle un effet sur les cotisations des SPV, sur la prestation elle-même, sur les contributions qui seront demandées aux départements ?
M. Patrick Lebreton. Alors que nous examinons le dernier projet de loi de finances de la législature, je ne crois pas inutile de dresser un bilan partiel concernant la sécurité civile dans les outre-mer, même si le sujet a été effleuré.
Je salue l’action du Gouvernement en vue de remettre à niveau la sécurité civile dans nos territoires. J’en veux pour preuve le prépositionnement permanent, depuis 2012, du Dash 8 à La Réunion dès la fin de la saison des feux dans l’Hexagone et son début dans l’océan Indien. Nous nous rappelons les dramatiques incendies du Maïdo, en 2011, et le mépris et le désintérêt dont nous avions alors fait l’objet.
Au-delà de cet engagement majeur, on observe une véritable prise de conscience des réalités et des risques spécifiques à nos territoires ; c’est pour moi une avancée importante.
Bien entendu, il reste beaucoup à faire. Comme rapporteur spécial, je milite en particulier, depuis plusieurs années, pour que l’on accroisse significativement les moyens de secours héliportés, notoirement insuffisants dans nos territoires, singulièrement à La Réunion. Pour pallier le manque tout en adoptant une approche budgétaire raisonnable, la mutualisation de ces moyens entre la sécurité civile, la gendarmerie et le service d’aide médicale urgente (SAMU) est expérimentée en Guyane depuis 2014 ; il s’agit des fameux hélicoptères « bleu-blanc-rouge ». Monsieur le ministre, pouvez-vous nous présenter un retour d’expérience à ce sujet ? Où en est le travail en cours avec le ministère de la santé sur la mutualisation des moyens héliportés, qui seraient alors « blanc-rouge » ? Quels outils de coordination entre les différents services sont envisagés ? Une généralisation est-elle possible à moyen terme ?
Enfin, pouvez-vous nous indiquer quand le réseau ANTARES sera pleinement opérationnel en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, où son déploiement s’est poursuivi en 2015 et 2016 ?
M. Ibrahim Aboubacar. Le 29 octobre 2015, dans cette même salle, lors du même exercice à propos du projet de loi de finances pour 2016, j’appelais l’attention de la commission élargie sur la situation sécuritaire dans le département de Mayotte.
Depuis, les événements qui s’y sont produits ont eu un retentissement que nul n’ignore et qui marqueront durablement les relations humaines sur l’île. Le territoire a traversé un premier semestre 2016 difficile, avec des épisodes dramatiques pour beaucoup de personnes. Heureusement, le Gouvernement a réagi fortement pour redresser la situation. Un « plan sécurité Mayotte » global, a été arrêté par vous-même, monsieur le ministre, et par votre collègue ministre de l’outre-mer le 2 juin dernier. Il comporte 25 mesures dans plusieurs domaines, de nature à renforcer la sécurité au sein de la société mahoraise. Certaines ont été immédiatement mises en œuvre, tandis que diverses missions venaient sur place évaluer la situation. Celle-ci s’est stabilisée, d’une certaine façon apaisée, mais demeure tendue et fragile.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur la mise en œuvre de ce plan et sur la manière dont il se traduit le cas échéant dans la présente mission budgétaire ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur Goujon, nous parlons de sujets graves et, lorsque quelque chose de faux circule, il est de mon devoir de rétablir la vérité. Connaissant l’état de notre société, il me semble important de rappeler la réalité des faits, avec un objectif : apaiser. Si j’étais aujourd’hui dans l’opposition, par esprit de responsabilité, je chercherais à apaiser.
S’agissant des emplois créés, la lecture des documents budgétaires apporte des réponses sur la réalité des efforts que nous consentons en crédits hors titre 2. Quand je constate qu’un décalage existe entre certains propos et les décisions que nous prenons, je me contente de rétablir les faits, sans arrogance, dans un souci de vérité et de précision.
Vous avez affirmé que 13 000 emplois avaient été créés lors du quinquennat précédent : où puis-je les trouver ? L’ensemble des documents budgétaires dont nous disposons nous montrent, au contraire, que 13 000 emplois ont été supprimés. S’il en existe d’autres qui « ressuscitent » ces emplois perdus, n’hésitez pas à me les montrer !
M. Philippe Goujon. Je parlais du quinquennat antérieur à celui que vous évoquez !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Si la politique de la précédente majorité a consisté à créer 13 000 emplois dans un premier quinquennat pour les supprimer dans un second, il faudra m’en expliquer la cohérence et l’intérêt !
Pour notre part, nous en créons 9 000, et notre objectif est de continuer d’en créer, sans jamais en supprimer, car nous considérons que l’état du pays, les formes de violence auxquelles nous sommes confrontés, et la lutte contre le terrorisme le justifie.
Vos questions portaient sur les charges indues qui incombent aux services. Les tâches concernées sont de plusieurs types.
Les gardes statiques ont vocation à sécuriser les locaux de certaines organisations et institutions. Nous voulons leur substituer des gardes dynamiques. Ces dernières sont d’abord beaucoup plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme et en termes de protection policière, car le terroriste peut craindre à chaque instant de tomber sur une patrouille, alors qu’il sait où sont postées les gardes fixes. Elles permettent ensuite de dégager 220 équivalents temps plein afin de renforcer le dispositif de présence sur le terrain. J’ai d’ores et déjà donné des instructions pour que, devant certains édifices publics comme les préfectures, la substitution entre garde statique et garde dynamique s’effectue dès la semaine prochaine.
Aujourd’hui, les forces de sécurité sont aussi dans l’obligation d’assurer le transfèrement vers les hôpitaux des gardés à vue en cas d’ivresse manifeste. J’ai dégagé un crédit qui permettra de passer une convention avec la médecine de ville et avec SOS Médecins afin que les médecins se déplacent dans les commissariats. Je souhaite que ce dispositif conventionnel se mette en place dans les meilleurs délais. J’ai donné hier des consignes aux préfets et aux directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP) pour qu’ils prennent contact avec la médecine de ville dès le début de la semaine prochaine afin que nous puissions dégager des ressources rapidement.
Par ailleurs, chaque semaine, en France, on compte quelque 300 hospitalisations de détenus. Chacune d’entre elles mobilise deux policiers. Sur ce point, l’évolution ne peut pas être aussi rapide que sur les deux précédents, mais un travail de plus long terme doit être mené avec le ministère de la santé pour que les dispositifs de soins dans les locaux des hôpitaux soient moins mobilisateurs de forces de l’ordre. Nous pourrons progresser sur ce sujet en 2017.
Concernant les transfèrements, un dispositif conventionnel a été mis en place avec le ministère de la justice. Il porte sur un total de 1 200 équivalents temps plein, et traite du cadencement du transfert et de la capacité du ministère de la justice à ne plus faire appel à celui de l’intérieur. Une inspection générale commune aux deux ministères a été commandée sur le sujet. Le garde des sceaux a réaffirmé, devant les organisations syndicales de la police et devant l’instance de dialogue de la gendarmerie, que nous étions favorables à l’accélération de la mise en œuvre de l’accord passé entre nos deux ministères sur ce sujet.
Un accord existe également concernant le nouveau palais de justice de Paris. On sait que trois cent soixante policiers et gendarmes seront mobilisés pour assurer sa sécurité, alors que l’ancien palais conservera une partie importante de son activité – celle des assises sera même amenée à augmenter. Cela nécessitera le maintien des deux tiers des effectifs chargés de la surveillance du site de l’île de la Cité. J’ai demandé un audit à l’Inspection générale de l’administration (IGA) sur le transfert du Palais de justice : je considère que le volume d’effectifs nécessaire pour assurer la sécurité des deux palais n’est pas supportable par le ministère de l’intérieur, compte tenu de ma préoccupation relative aux charges indues. J’ai en conséquence demandé un complément d’étude à l’IGA sur les conditions dans lesquelles nous pourrions avoir recours à de la sécurité privée de manière à maintenir la disponibilité des effectifs de police à Paris pour des missions qui relèvent de nos priorités, comme la lutte contre le terrorisme.
Madame Descamps-Crosnier, nous avions mis en place en avril 2014, avec la garde des sceaux de l’époque, un dispositif de lutte contre la radicalisation. Depuis cette date, la plateforme de signalement, adossée à une plateforme téléphonique gérée par l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), qui se trouve au ministère de l’intérieur, a enregistré 5 600 signalements. Le nombre de signalements effectués par ailleurs par les services de renseignement intérieur ou par le renseignement territorial à partir des enquêtes qu’il diligente sur les territoires est légèrement supérieur. Au total, nous avons donc « en portefeuille » un peu plus de 10 000 cas de personnes radicalisées.
Le dispositif en place consiste, dès le signalement, à transmettre les identités des personnes concernées au procureur de la République et au préfet du département de résidence des individus radicalisées. Un comité se réunit autour du préfet et du procureur de la République mobilisant l’ensemble des acteurs ministériels et locaux en vue d’engager des actions de déradicalisation. Jusqu’à présent, elles ont été mises en œuvre pour 2 000 personnes.
Nous avons décidé de mettre en place des équipes mobiles qui se déplaceront sur le territoire pour assurer la formation des agents des collectivités ou des associations qui œuvrent à la déradicalisation, ce qui augmentera le nombre de dossiers traités. Dans le cadre des prochains contrats de ville, nous avons aussi souhaité qu’un volet « déradicalisation » permette de financer l’action des associations ou des acteurs de santé mentale qui peuvent accompagner l’État dans le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme, présenté par le Premier ministre au mois de mai dernier.
Madame la députée, des dispositions relatives à l’expérimentation de l’usage des « caméras piétons » ont été adoptées dans la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Nous avons saisi la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ainsi que le Conseil d’État du décret en préparation sur ce sujet. J’ai rencontré hier le nouveau président de la section de l’intérieur du Conseil d’État de manière à ce que nous ne perdions pas de temps dans l’avancement de ce dossier.
Vous m’interrogez enfin sur les données dont nous disposons dans la lutte contre l’économie souterraine dans les zones de sécurité prioritaire (ZSP). Nous mobilisons dans ce combat l’ensemble des services de chaque direction départementale de la sécurité publique (DDSP), comme les comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF). En 2015, les services ont été très sollicités pour lutter contre les trafics de stupéfiants, avec des résultats très positifs puisque 1 516 interpellations ont eu lieu cette année-là, au lieu de 1 400 en 2014. Les saisies de drogue, en particulier de cocaïne, ont fortement augmenté, ainsi que celles d’avoirs criminels, en hausse de 16,67 %. Les premières remontées relatives à l’année 2016 prouvent que l’effort se poursuit, et qu’il s’inscrit dans la durée avec des résultats toujours très positifs. La lutte contre la délinquance dans les quartiers doit reposer sur la coopération très étroite entre l’ensemble des services du ministère de l’intérieur, notamment la police judiciaire, la sécurité publique, et le renseignement. Nous tentons aussi de faire en sorte que les délégués à la cohésion police-population, qui sont répartis dans les ZSP, soient bien présents. La communication entre la police et la population constitue un élément essentiel de la lutte contre ces trafics et contre l’économie souterraine qui en résulte.
Monsieur Morel-à-l’Huissier, la réponse que j’ai apporté à votre question relative à la DETR vous déçoit, mais elle est conforme à ce que prévoient les textes. Malgré mon immense désir de vous être agréable, je ne peux pas vous dire que je ferai ce que les textes m’interdisent. Je ne peux pas vous donner satisfaction sans les modifier, ce qui serait très lourd pour atteindre un objectif qui peut l’être autrement. Le financement pourrait, par exemple, provenir des 20 millions d’euros de la PFR. Les textes ne me permettent pas de vous faire une autre réponse que celle-là.
Je vous ai indiqué les mesures que nous avons prises pour parvenir à un effectif total de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires. Il faut que nous continuions à travailler sur les divers viviers de recrutement. Nous devons notamment progresser du côté des femmes qui ne représentent aujourd’hui que 17 % des sapeurs-pompiers volontaires. Des outils, comme les cadets de la République, doivent aussi permettre de faire en sorte qu’à terme, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires soit plus élevé. Nous y travaillons, et les campagnes de communication apportent aussi une aide en la matière.
Vous m’avez interrogé, ainsi que Mme Dalloz, sur la dotation d’investissement aux services départementaux d’incendie et de secours, d’un montant de 20 millions d’euros. Ces fonds sont destinés à des projets structurants d’équipement qui permettront aux SDIS, confrontés à des risques majeurs, de renouveler leurs matériels. L’État prendra sa part dans le débat qui aura lieu à ce sujet, car il souhaite que ces 20 millions ne fassent pas l’objet d’un saupoudrage, mais qu’ils aillent bien au renouvellement d’équipements dont les SDIS ont besoin pour remplir au mieux leur mission de sécurité publique. Parce que les départements rencontrent des problèmes financiers, il est essentiel que nous parvenions à flécher les sommes que nous mobilisons pour les aider à remplir leurs missions, afin qu’elles soient utilisées dans des conditions optimales.
Monsieur Goasdoué, dans le cadre de la mise en œuvre du « pacte de sécurité », le bureau de déminage voit ses effectifs augmenter de 36 personnes sur deux ans, soit 30 démineurs et six renforts administratifs. Les recrutements prévus pour 2016 ont été effectués. Des crédits sont aussi mis à la disposition des services de déminage pour la sécurisation de leurs propres sites. Nous sécurisons également le système d’information opérationnel destiné à assurer l’intégrité des communications des démineurs. J’ai par ailleurs demandé une réorganisation des implantations des centres de déminage. Cette décision qui a parfois fait l’objet de débats, vise à ce que l’octroi d’effectifs supplémentaires s’accompagne d’une organisation du service permettant une intervention plus efficace, compte tenu du nombre de sollicitations.
Monsieur Lebreton, vous m’interrogez sur la mutualisation de la maintenance des hélicoptères de la gendarmerie nationale, de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), et du ministère de la santé. Nous avons pris des dispositions avec la ministre des affaires sociales et de la santé visant à réarticuler l’intervention de ceux que l’on appelle les « rouges » et les « blancs », afin d’éviter les conflits entre intervenants. Je suis convaincu que des progrès considérables peuvent encore être accomplis. La mutualisation de la gestion des flottes d’hélicoptères constitue une source d’économies significative alors que l’éparpillement des centres de maintenance est une perte en termes d’efficience.
En matière de secours en montagne, je tiens également à ce qu’une bonne coordination soit assurée afin que les acteurs de la sécurité civile, notamment les sapeurs-pompiers, ne soient pas éloignés des secours en montagne là où se trouvent des forces de sécurité intérieure. Une articulation efficace doit permettre que personne ne soit écarté.
Monsieur Aboubacar, nous avons engagé, comme vous l’avez rappelé, une action très volontariste à Mayotte. Vous avez appelé de façon extrêmement forte l’attention du Gouvernement à plusieurs reprises sur la nécessité d’une hausse des moyens dont dispose l’archipel. Nous vous avons entendu, et, dans le cadre de l’élaboration d’un dispositif de sécurité global concernant Mayotte et associant les collectivités territoriales, de nouveaux effectifs viendront rejoindre ceux ont déjà été renforcés. Entre juin et septembre 2016, 76 policiers et 26 adjoints de sécurité sont arrivés à Mayotte. Cela aboutira, au sein de la DDSP, à la création d’un groupe de sécurité de proximité, et la compagnie départementale d’intervention recevra le renfort de cinq policiers. Une brigade canine sera également créée en 2017, et une étude technique relative à la construction d’un nouvel hôtel de police à Mamoudzou sera lancée. Je tiens beaucoup à ce projet, et j’aimerais que les fondements en soient posés avant la fin du quinquennat.
En termes d’effectifs, les engagements que j’avais pris ont été tenus, et même dépassés. J’avais annoncé 102 arrivées ; on en compte 106. Ces efforts seront poursuivis afin que la totalité du plan que j’ai présenté avec la ministre des outre-mer, qui s’est rendue à Mayotte le mois dernier pour confirmer ces engagements, soit scrupuleusement appliquée. Je n’exclus pas de me rendre moi-même de nouveau à Mayotte, avant la fin de la législature, non seulement pour examiner les conditions dans lesquelles ces engagements sont tenus, mais aussi pour constater comment nous avons modernisé l’administration et les moyens de la politique d’accueil et de traitement des étrangers sur ce territoire.
Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Monsieur le ministre, je vous remercie.
La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures quarante.
Compte rendu de la commission élargie du mardi 25 octobre 2016
(Application de l’article 120 du règlement)
Immigration, asile et intégration
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente sous la présidence de M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de M. Paul Giacobbi, vice-président de la commission des affaires étrangères, et de M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois
M. le président Gilles Carrez. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois, Paul Giacobbi, vice-président de la commission des affaires étrangères, et moi-même sommes très heureux d’accueillir le ministre de l’intérieur pour l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». Je vous remercie, monsieur le ministre de l’intérieur, de votre présence en ce jour particulièrement marquant.
Je rappelle que la Conférence des présidents a reconduit les modalités d’organisation de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF). Cette réunion de commission élargie est donc la première d’une série de 26 réunions, que je serai amené à présider avec mes collègues des commissions permanentes concernées, et qui nous permettront d’examiner, d’ici au 9 novembre prochain, les 32 missions budgétaires et les 126 programmes du PLF pour 2017, sans compter les budgets annexes et les comptes spéciaux. Je donnerai d’abord la parole au rapporteur spécial de la commission des finances, puis aux trois rapporteurs pour avis, de la commission des affaires étrangères et de la commission des lois, pour cinq minutes chacun.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Jamais discussion budgétaire ne sera autant entrée en collision avec l’actualité la plus brûlante : je veux parler, bien sûr, du démantèlement de la « jungle » de Calais, annoncé au début de septembre par le Gouvernement et qui est entré, hier, dans sa phase de mise en œuvre effective. Le Gouvernement a pris la bonne décision en la matière, et je sais, monsieur le ministre, que l’État a préparé cette opération délicate avec sérieux et humanité. Je vous avais d’ailleurs interpellé l’année dernière sur les conditions de vie dans la jungle de Calais. Vous avez répondu, je crois, à l’attente des citoyens, des associations et de tous les acteurs qui agissent sur le terrain.
La semaine dernière, le dernier obstacle juridique a été levé avec la décision du tribunal administratif de Lille. Pourtant, certaines associations ont fait part de certaines inquiétudes et continuent à le faire. Je ne sais pas si elles sont toutes fondées mais, dans la mesure où ces associations ont mené à Calais une action que l’on peut qualifier d’admirable, il est indispensable de les entendre et de leur répondre.
Les inquiétudes exprimées sont connues. Elles portent sur le sort des mineurs isolés qui ont une famille au Royaume-Uni, sur le nombre de places ouvertes en centre d’accueil et d’orientation (CAO) et sur le traitement des migrants qui continueront à ne pas vouloir déposer une demande d’asile dans notre pays. Monsieur le ministre, où en sont vos discussions avec le gouvernement britannique sur la question des mineurs isolés ?
Le Gouvernement annonce que le nombre de places en CAO est suffisant pour accueillir les migrants qui viendront de Calais. Pouvez-vous nous le confirmer ? N’avez-vous aucune inquiétude à ce sujet, notamment dans la mesure où l’on constate, ici ou là, de la part de nos compatriotes, mais aussi, parfois, malheureusement, de la part de hauts responsables politiques, de leur propre initiative, des interrogations, voire des manifestations d’hostilité inquiétantes ? Comme le disait si bien Jean Jaurès, il faut savoir lutter contre « la loi du mensonge triomphant qui passe » et rétablir la vérité face à un certain nombre d’extrémismes qui s’expriment dans notre pays.
S’agissant des CAO, je dois vous faire part de l’inquiétude que suscite chez les associations la précipitation dont a parfois fait preuve le Gouvernement dans la création de ces centres, même s’il est bien sûr nécessaire de répondre à une urgence. La multiplication des différents types d’hébergement des demandeurs d’asile nuit à la clarté de l’ensemble du système et contribue à la mise en concurrence des publics vulnérables. Ce mode d’hébergement, prévu comme une mise à l’abri, ne doit pas devenir le modèle d’accueil généralisé. Je rappelle que la loi du 29 juillet 2015 fait des centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) le principal mode d’hébergement pérenne des demandeurs d’asile. Il faut d’ailleurs saluer les efforts budgétaires consentis en la matière par le Gouvernement depuis 2012.
Par ailleurs, je m’interroge sur le recours à la procédure de marché public, qui conduit des associations à assurer un rôle non plus de partenaires, mais de prestataires, et risque d’exclure les associations de petite taille au profit de sociétés commerciales dépourvues de réelle expertise dans l’accompagnement social.
Enfin, pour revenir sur la jungle de Calais, je ne peux éluder la question qui est sur toutes les lèvres : une fois le démantèlement terminé, comment résoudre le problème, sachant que les flux migratoires sont ce qu’ils sont et que le Royaume-Uni reste attractif pour les migrants ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire devant la commission le point des mesures que vous avez mises en place à cet égard ?
Les chiffres attestent de l’effort qui est fait dans le cadre de ce PLF. Les crédits de la mission dans son ensemble auront progressé de plus de 30 % entre le budget réalisé en 2012 et le budget prévu pour 2017. Les effectifs de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) auront, au cours de la même période, été accrus de 340 personnes, soit une augmentation de 76 %. Je veux en profiter pour saluer l’action remarquable de son directeur général, qui a su redynamiser ses équipes et faire de l’OFPRA un outil dont nous pouvons légitimement être fiers. Les effectifs de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) auront également, au cours de la même période, été accrus de 200 personnes, soit une augmentation de 25 %. Enfin, plus de 10 000 places supplémentaires en CADA ont été ouvertes depuis 2012, soit une augmentation de moitié en cinq ans. Je pourrais multiplier les exemples des efforts qu’a accomplis cette majorité depuis 2012. Ils étaient indispensables du point de vue humanitaire.
La politique menée par le Gouvernement en matière d’immigration ne s’est pas limitée à des mesures quantitatives d’augmentation des moyens budgétaires : la loi du 29 juillet 2015 a profondément modifié notre politique en matière d’asile et la loi du 7 mars 2016 a réformé le droit des étrangers en France.
Tous ces efforts incontestables, toutes ces mesures indispensables s’inscrivent dans un contexte migratoire que chacun a à l’esprit. La crise migratoire majeure qui frappe l’ensemble de notre continent est là pour plusieurs années. Comment faire, monsieur le ministre, pour que cette crise ne vienne pas contrarier, sinon réduire à néant, ces efforts, conformes aux objectifs que nous poursuivons tous ?
Je rappelle que le PLF 2017 a été bâti sur une hypothèse d’augmentation des demandes d’asile dans notre pays comprise entre 15 % et 20 % en 2016 et 2017. J’ignore si cette hypothèse tient compte des engagements que la France a pris à l’égard de ses partenaires européens en matière de réinstallation et de relocalisation des migrants. En effet, notre pays s’est engagé à accueillir 37 000 migrants d’ici à la fin de l’année 2017. À la mi-septembre, il avait accueilli moins de 2 000 personnes au titre du programme européen de relocalisation, moins de 700 au titre du schéma européen de réinstallation, et 228 au titre de l’accord avec la Turquie. À cet égard, la France ne fait guère plus mal que les autres ; elle est même à la première place pour ce qui est du programme européen de relocalisation.
En ce qui concerne les aides, les associations nous signalent beaucoup de difficultés à solliciter les fonds européens et, hélas, plus encore à faire appel aux dispositifs nationaux, qui ont été complexifiés au cours du temps, bien avant que l’actuel gouvernement soit en place.
Enfin, pouvez-vous faire un point sur la gestion de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), compte tenu des difficultés budgétaires rencontrées sur ce point ?
M. Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je suis heureux d’être le rapporteur pour avis de ce budget au nom de la commission des affaires étrangères, car la politique de l’asile est l’une des politiques les plus essentielles pour la France, le droit d’asile étant, au fond, le droit de chacun à vivre quel que soit son pays de naissance.
Ce budget porte une double marque : celle de la réforme structurelle de l’asile, engagée d’ailleurs avant la crise, ce qui a permis d’y faire face, et celle d’une crise migratoire conjoncturelle, néanmoins peut-être appelée à durer.
Mon collègue Laurent Grandguillaume a déjà évoqué la réforme de l’asile : c’est l’honneur de la France d’avoir voulu, au-delà même des difficultés que nous avons rencontrées récemment, améliorer la qualité de l’accueil des demandeurs d’asile sur notre territoire, en accélérant les procédures et en développant les capacités d’hébergement. La réduction du délai d’instruction des demandes d’asile à trois mois constitue un objectif fort de la réforme. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur cette question ?
La crise migratoire trouve son origine dans un double chaos : le chaos irako-syrien, avec des femmes et des hommes qui fuient notamment les guerres civiles, et le chaos libyen, qui a fait en quelque sorte disparaître la frontière maritime entre l’Europe et l’Afrique. Cette disparition de la frontière s’est conjuguée à un phénomène structurel : des femmes et des hommes qui fuient les difficultés politiques ou autres en Afrique. Ceux-ci empruntent, dès lors, la voie de la Méditerranée centrale.
D’après l’analyse que nous avons pu faire dans le cadre de la mission d’information sur la situation migratoire en Europe, dont je suis le rapporteur, la question des migrations liées à la demande d’asile est assez circonscrite, dans la mesure où il y a principalement dix pays d’origine, au Moyen-Orient – notamment la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan –, dans la Corne de l’Afrique et au Sahel, et un nombre de pays de destination lui aussi limité, avec, au premier rang, l’Allemagne, l’Autriche et la Suède.
Pour construire votre budget, vous avez retenu l’hypothèse d’une poursuite de l’augmentation du nombre de demandes d’asile à un rythme compris entre 15 % et 20 % en 2017. Selon moi, il est raisonnable de prévoir ainsi des crédits qui permettent de poursuivre l’effort engagé en 2016. En effet, nous devrions assister à une baisse très importante des flux passant par la Méditerranée orientale, en raison de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, et à un maintien des flux passant par la Méditerranée centrale – soit environ 150 000 entrées en Europe par an. En revanche, il faut sans doute s’attendre à des mouvements secondaires en provenance d’autres pays européens.
Même si elles ont pu donner, malheureusement, l’image d’un grand désordre, l’Union européenne et la France sont en train de prendre le problème par tous les bouts, et c’est ce qu’il faut le faire.
C’est d’abord la question de l’action à la source, qui est sans doute la plus difficile, avec la paix en Syrie et les opérations qui sont actuellement engagées à Mossoul.
C’est aussi la question de l’aide aux pays de premier accueil. Je pense en particulier au Liban, à la Jordanie et au Kurdistan irakien. Seule la Turquie dispose peut-être de moyens financiers suffisants pour faire face à l’accueil des réfugiés. Cette question ne relève pas de votre budget, monsieur le ministre, mais je la mentionne car elle est essentielle de mon point de vue. C’est probablement un des points faibles du dispositif.
C’est, en outre, la question du contrôle des frontières, avec le renforcement de l’agence Frontex, qui se fait désormais correctement.
C’est également la question de la sécurisation des routes, avec la politique de réinstallation. Quelles sont les perspectives en la matière, monsieur le ministre ? Allons-nous remplir notre engagement ? Lors de mes différents déplacements, j’ai pu constater que la France était en pointe par rapport aux autres pays européens, mais nous sommes encore en deçà des objectifs.
C’est encore la question des relocalisations internes en Europe, puis de la répartition nationale, laquelle doit se faire en fonction de la situation démographique et économique des différentes régions.
C’est, enfin, la question du retour et de la coopération avec les pays d’origine.
Pour compléter la question de Laurent Grandguillaume, la France accueille-t-elle des mineurs isolés ? Y a-t-il des demandes en ce sens, notamment de la part de l’Italie ? Comment cela se passe-t-il ? En particulier, comment la relation avec les départements se passe-t-elle ?
Désormais, la principale problématique qui se trouve devant nous est celle de la modification du règlement de Dublin. Les règles actuelles font peser une charge excessive sur les pays de premier accueil lorsqu’il y a un afflux important de migrants. En l’absence de mécanisme de relocalisation interne, cela crée des situations difficiles telles que celle que nous avons connue à Calais : des femmes et des hommes sont en attente ou développent des stratégies au regard des règles de Dublin ; la situation perdure et des bidonvilles se forment.
M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’immigration, l’intégration et l’accès à la nationalité française. Je m’éloignerai un peu de l’actualité abordée par mes collègues pour évoquer le contrat d’intégration républicaine.
Avec la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, dont notre collègue Erwann Binet a été le rapporteur, notre pays s’est doté d’un texte équilibré, à la fois conforme à notre tradition d’accueil et ferme en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Il sécurise le parcours des migrants en créant un nouveau titre de séjour pluriannuel, tout en renforçant le parcours d’intégration.
Le PLF pour 2017 traduit la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre les réformes que nécessite l’adoption de cette loi : les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent de 30 % en autorisations d’engagement (AE) à périmètre courant et de 15 % en crédits de paiement (CP), pour s’établir, respectivement, à plus d’un milliard d’euros et à 923 millions d’euros. Les crédits dédiés à la lutte contre l’immigration irrégulière, en particulier, s’accroissent de 16 %, pour s’établir à plus de 92 millions d’euros, dont près de 60 millions sont affectés au fonctionnement des centres de rétention administrative et 33 millions aux frais d’éloignement, ce dernier montant connaissant, il faut le noter, une hausse sérieuse. Les crédits de l’OFII augmentent également, pour s’établir à 171 millions d’euros, les effectifs de l’office étant par ailleurs portés à 1 014 équivalents temps plein.
La loi du 7 mars 2016 précitée a été l’aboutissement d’une réflexion engagée par vos services à partir de 2013, à la suite notamment d’un rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale des affaires sociales. Elle a créé un nouveau parcours d’intégration, entré en vigueur le 1er juillet 2016. Le contrat d’intégration républicaine (CIR) s’est ainsi substitué au contrat d’accueil et d’intégration (CAI). Mis en œuvre par l’OFII avec le concours d’un certain nombre de prestataires extérieurs, ce dernier avait représenté une dépense de 52 millions d’euros en 2015.
Le CIR est à la fois plus ambitieux et plus exigeant que le CAI. La formation civique a été renforcée et s’étale désormais sur deux jours, contre un seul précédemment. C’est indispensable pour que les nouveaux arrivants s’approprient plus rapidement les valeurs de la République, dont nous connaissons toute l’importance dans leur parcours. La formation linguistique a également été « musclée » : le niveau d’exigence a été relevé au standard A1, conformément à la pratique constatée dans la plupart des autres pays européens. La maîtrise de la langue est fondamentale pour réussir une intégration et accéder à l’emploi ; le niveau requis précédemment s’avérait bien trop rudimentaire.
Selon moi, l’accueil et l’intégration doivent se faire au cours de la première ou des deux premières années après l’arrivée. Au-delà, les étrangers doivent basculer vers les dispositifs de droit commun, car ils risquent, à défaut, d’être enfermés définitivement dans leur condition d’étranger.
Dernier point, fondamental : l’assiduité aux formations civiques et l’acquisition d’un niveau minimum de maîtrise de la langue française sont des conditions d’obtention de la nouvelle carte pluriannuelle de séjour, après un an de présence en France. En outre, le niveau A2 de maîtrise de la langue sera désormais exigé pour obtenir, ensuite, une carte de résident.
La question qui se pose désormais est celle de la mise en œuvre du CIR. J’aimerais à cet égard vous interroger sur trois points, monsieur le ministre.
D’abord, pouvez-vous nous indiquer les moyens supplémentaires qui seront mis à la disposition de l’OFII pour qu’il puisse assurer au mieux cette mission et effectuer un suivi plus individualisé des étrangers primo-arrivants, que l’on sait fondamental dans les premiers mois, compte tenu de la diversité des profils que nous accueillons ?
Ensuite, pouvez-vous nous préciser les mesures qui seront prises pour mettre en place, en remplacement du bilan de compétences professionnelles, un véritable dispositif structuré d’accompagnement des primo-arrivants vers l’emploi, sachant que leur taux de chômage est quatre fois supérieur à la moyenne nationale ? Quel nouveau partenariat sera conclu à cette fin entre l’OFII et Pôle Emploi ?
Enfin, pouvez-vous expliquer comment vos services procéderont, à l’avenir, à l’évaluation de cette politique d’intégration ? Quels seront les outils à leur disposition ? Comment assureront-ils le suivi individuel des demandeurs, notamment au moment de la demande de carte de séjour ?
M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’asile. Ce budget s’inscrit dans un contexte très particulier, marqué notamment par une crise migratoire inédite. J’en résumerai le cadre de manière assez simple : les moyens augmentent, mais les problèmes continuent à s’aggraver.
Le constat est sans appel, monsieur le ministre : les crédits de paiement inscrits au titre de la politique de l’asile augmentent de 14,8 %, mais ceux-ci ne permettront en rien – je dis bien : en rien – de répondre aux véritables défis que notre pays doit surmonter. Le nombre de demandes d’asile, qui a été de 80 000 en 2015, dépassera en effet probablement 90 000 cette année et 100 000 l’année prochaine. Nous considérons que vous refusez de prendre la mesure de cette réalité et de son aggravation.
Ainsi, le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile, arrêté le 21 décembre dernier, est déjà caduc : 60 000 places ont été programmées pour la fin de l’année 2017, alors que le besoin dépasse largement les 100 000 places. De même, votre ambition une nouvelle fois proclamée de réduire le délai de traitement des demandes par l’OFPRA à 90 jours a fait long feu. En 2016, il sera encore de 140 jours au minimum, selon les analyses les plus optimistes. En France, le parcours d’un demandeur d’asile, notamment d’un débouté, est encore trop souvent de cinq ans, avec très peu d’éloignements à l’issue de ce parcours.
Pourtant, réduire ce délai est indispensable, nous le savons, pour empêcher que de futurs déboutés du droit d’asile ne tentent de créer, à la faveur d’interminables procédures, les conditions d’un séjour pérenne en France, phénomène qui a été malheureusement renforcé par les termes de la loi que vous avez fait voter.
J’insiste également sur votre gestion du campement de Calais. Depuis plus de deux ans, vous avez laissé la situation se dégrader, créant un véritable appel d’air pour toute l’immigration irrégulière et transformant cet espace en zone de non-droit et de violence, avec un coût difficilement supportable pour la communauté nationale : autour de 200 millions d’euros pour les années 2015 et 2016, d’après le chiffrage que j’ai fait figurer dans mon rapport. Monsieur le ministre, quelles mesures allez-vous prendre pour sécuriser définitivement la zone de Calais et empêcher qu’un nouveau campement ne s’y constitue dans les prochains jours ou les prochaines semaines ?
Vous avez lancé hier le démantèlement de la jungle. Nous y voyons naturellement un motif de satisfaction, mais nous considérons que les conditions de la réussite de cette opération ne sont pas réunies, compte tenu notamment de l’absence de tout accord avec nos partenaires britanniques. Où en sont les discussions avec le Royaume-Uni sur la gestion des flux migratoires ?
En outre, pouvez-vous expliquer de manière plus détaillée le fonctionnement et le coût des CAO que vous êtes en train de créer sur l’ensemble du territoire national ? Ce coût est estimé à environ 20 millions d’euros pour deux mois. Quel sera-t-il, d’après vos prévisions, pour l’ensemble de l’année 2017 ?
J’en viens à une question importante, monsieur le ministre : compte tenu de certains propos qui se diffusent, je vous demande solennellement si vous avez engagé une opération de régularisation massive des personnes qui sont déplacées depuis Calais. (Murmures sur les bancs de la majorité.) Pour être clair, fait-on, en contrepartie de ce déplacement, une promesse de régularisation quasi systématique ? Je vous alerte sur le danger de tels messages, qui créeraient un véritable appel d’air : si tous ceux qui se trouvent à Calais ont l’assurance de voir leur situation régularisée, alors qu’elle est souvent illégale, ce sera une incitation à la reconstitution de la jungle. Au vu de leur nationalité, les personnes présentes à Calais ne peuvent pas toutes bénéficier du statut de réfugié, ainsi que vous l’avez vous-même relevé.
Pour finir, monsieur le ministre, je vous pose trois questions plus globales.
L’année dernière, en nous appuyant sur une évaluation de la Cour des comptes, nous avions chiffré le coût total de notre politique d’asile à 2 milliards d’euros. Compte tenu de l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile, ce coût risque d’atteindre 2,5 milliards d’euros en 2017. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?
Pourquoi ne sommes-nous pas capables d’appliquer le règlement de Dublin ? En 2015, le taux de transfert depuis la France vers un autre pays de l’Union européenne a été dérisoire dans ce cadre : 6,7 % à peine.
Qu’en est-il de l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ? Les éloignements des déboutés du droit d’asile sont toujours, eux aussi, ridiculement faibles, pour ne pas dire proches du néant : 6,8 % en 2014 ; 7,6 % en 2015. Quelles mesures concrètes avez-vous décidées pour remédier à cette situation particulièrement préoccupante ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je vous remercie de m’offrir l’occasion d’exposer l’action du Gouvernement en matière de politique de l’asile. Je remercie l’ensemble des rapporteurs qui, avec beaucoup de conviction et un esprit de nuance et d’exactitude, cependant inégal (Sourires), ont appelé mon attention sur un certain nombre de points, sur lesquels il m’appartient d’apporter les réponses, pour le coup, les plus précises possibles. La traçabilité des propos du ministre est toujours plus grande que celle des propos de ceux qui mettent en cause sa politique avec, parfois, quelques approximations.
D’abord, le PLF pour 2017 traduit l’engagement du Gouvernement en faveur des missions du ministère de l’intérieur, qui est soumis à des contraintes extrêmement fortes depuis deux ans. Nous devons faire face à de nombreux problèmes, tous extrêmement lourds : la menace terroriste, la crise migratoire, mais aussi des formes de radicalité violentes, qui mobilisent fortement les forces de sécurité intérieure et les exposent à des risques inadmissibles. Nous essayons de les traiter tous, avec la plus grande rigueur, sachant que les forces de sécurité intérieure ont perdu 13 000 emplois au cours d’une période qui n’est pas si lointaine, et ont vu leurs crédits de fonctionnement, hors personnel, diminuer de 15 % durant la même période. Nous les augmentons d’autant depuis plusieurs années, de manière à remettre notre appareil sécuritaire en mesure de remplir les missions qui sont les siennes.
Pour faire face à la crise migratoire, le ministère a ainsi été doté de moyens budgétaires significatifs. La mission « Immigration, asile et intégration » connaît une augmentation de ses crédits de près de 15 % à périmètre constant, qui doit lui permettre de mettre pleinement en œuvre les objectifs de la loi sur la réforme du droit d’asile du 29 juillet 2015 et celle relative au droit des étrangers du 7 mars 2016. C’est une augmentation particulièrement significative, justifiée par le contexte migratoire inédit auquel nous sommes confrontés.
Les crédits de la mission qui sont soumis à votre approbation aujourd’hui en traduisent les priorités.
En premier lieu, le projet de loi pour 2017 poursuit l’effort de renforcement des services et des opérateurs qui concourent aux missions d’accueil des ressortissants étrangers et de traitement de leurs demandes d’asile. Il est ainsi proposé d’élever le plafond d’emploi de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) à 1 014 équivalents temps plein (ETP), traduisant une progression de 213 emplois en deux ans, dont 78 par rapport à 2016, afin notamment de faire face à l’accroissement des activités de l’établissement dans le domaine de l’asile, qu’il s’agisse de l’enregistrement des demandes dans les « guichets uniques », de la gestion du parc d’hébergement ou de l’allocation pour demandeur d’asile. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) bénéficiera quant à lui de 140 emplois supplémentaires par rapport à 2016 ; il aura ainsi été doté de 310 emplois supplémentaires depuis le début de l’année 2015. Ces moyens permettront à l’opérateur de prendre en charge, dans les meilleures conditions, une demande d’asile en forte accélération sans pour autant dégrader les délais de traitement des dossiers.
Les services du ministère – hors OFPRA et OFII – bénéficient également depuis deux ans de renforcements d’effectifs, avec, notamment, 36 ETP supplémentaires en préfecture pour armer et organiser les guichets uniques. Dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération », qui permet de dégager près de 2 000 ETP grâce à la création de plateformes de délivrance des titres mutualisées, je dégagerai des moyens supplémentaires qui pourront être affectés pour partie à la politique de l’accueil des étrangers en France, de manière à tenir les objectifs fixés par la loi.
Ce PLF traduit ainsi la poursuite de l’effort visant à donner à notre politique de l’asile, profondément réformée avec l’adoption de la loi du 29 juillet 2015, des moyens à la hauteur des défis auxquels nous devons faire face.
Ces moyens progressent de 15 %. Ils vont permettre, en premier lieu, de poursuivre l’extension du parc d’hébergement des demandeurs d’asile en finançant notamment 40 350 places en CADA, dont 2 000 places nouvelles en 2017, soit un doublement du parc sur le quinquennat.
Je rappelle à ceux qui expriment quelques inquiétudes sur la politique que nous menons qu’ils n’en ont créé que 2 000, là où nous en avons créé 20 000. On pourra m’objecter qu’il n’y a pas de sens à comparer ces chiffres sans les rapporter à l’évolution du nombre de demandes d’asile : précisément, au cours du quinquennat précédent, le nombre de demandeurs d’asile a progressé de façon très significative, passant de 30 000 en 2007 à 65 000 en 2012, alors que le pays n’avait pas à affronter une crise migratoire comparable à celle que connaît l’Europe aujourd’hui, puisque nous avons accueilli en l’espace de vingt-quatre mois sur le territoire européen deux millions de personnes, qu’elles soient en mesure ou non de se voir accorder l’asile politique. Dans ce contexte, le nombre de demandes d’asile est passé de 65 000 à 90 000, alors que, dans une période où la politique migratoire était maîtrisée nous dit-on, et alors que la pression migratoire était inexistante, ce nombre a progressé dans d’égales proportions – cherchez l’erreur… Je rappelle par ailleurs qu’aucun poste n’a été créé à l’OFPRA sous le précédent quinquennat et que seules 2 000 places ont été ouvertes en CADA, alors que nous en aurons, je le répète, ouvert 20 000, et créé parallèlement 600 postes au sein de l’OFII et de l’OFPRA.
Nous aurons également créé 21 000 places d’hébergement d’urgence, au titre desquelles plus de 5 000 nouvelles places en 2017, dans le cadre, pour la première fois, d’une procédure de commande publique lancée au niveau national. Ainsi, le parc de places de CADA aura quasiment doublé en cinq ans, et plus de 6 000 places d’hébergement d’urgence dédiées auront-elles été créées au plan national.
Parallèlement, les crédits consacrés à l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) progressent de 71 millions d’euros pour faire face aux besoins générés par l’augmentation du nombre de demandeurs. Cette augmentation notable s’accompagne d’une volonté réaffirmée de maîtrise des coûts, rendue possible par les dispositifs prévus par la loi relative à la réforme de l’asile, tels que l’orientation directive dans l’hébergement et la substitution de places d’hébergement pérennes aux nuitées d’hôtel.
Le PLF 2017 soutient également l’action en faveur de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, qui constitue un axe majeur de la politique d’immigration. Il est ainsi proposé de maintenir les crédits dédiés à l’éloignement en 2017 après l’augmentation de 55 % dont ces crédits avaient fait l’objet en 2016 par rapport à 2015.
Enfin, la politique d’intégration bénéficie d’un renforcement de ses moyens pour la mise en œuvre d’une politique rénovée et ambitieuse, prévue dans la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers.
Ainsi, les crédits consacrés à l’accompagnement des primo-arrivants et des réfugiés connaissent dans le PLF 2017 une nouvelle hausse de 20 %, après celle intervenue en 2016. Il s’agit de financer l’extension du contrat d’intégration républicaine, qui constitue un outil essentiel de cette ambition. Il instaure une exigence accrue en matière de maîtrise de la langue française et d’adhésion aux valeurs de la République, facteurs essentiels de l’intégration, qui conditionnent désormais l’obtention d’une carte de résident.
Je souhaite à présent vous apporter quelques éléments d’information concernant la situation et les opérations menées à Calais. J’espère répondre ainsi aux questions légitimes qui m’ont été posées et qui appellent des réponses extrêmement précises.
Je l’ai dit, deux millions de migrants sont arrivés sur le territoire européen en l’espace de vingt-quatre mois. Entre 800 000 et un million de ces migrants se trouvent aujourd’hui en Allemagne ; une autre partie se trouve en Italie, le reste se répartissant dans le reste de l’Union européenne. C’est à ce chiffre de deux millions qu’il faut rapporter le nombre de demandes d’asile adressées à la France, passées – je le rappelle – de 65 000 à 90 000, soit une augmentation identique à celle que nous avons connue entre 2007 et 2012, sans pression migratoire.
Nous avons, dans ce contexte, augmenté considérablement les capacités d’accueil et, contrairement à ce que j’entends, fortement renforcé les moyens en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, grâce notamment aux augmentations budgétaires que je viens d’indiquer, mais également par la création d’emplois dans la police aux frontières (PAF), laquelle avait été très durement affectée par la révision générale des politiques publiques (RGPP). On peut toujours, en effet, verser des larmes de crocodile sur les difficultés que rencontrent nos services pour lutter contre l’immigration irrégulière, mais, si l’on veut éviter ces difficultés, il convient de ne pas les désarmer en leur supprimant des emplois en nombre.
Aura-t-on obtenu des résultats ? Je vais, là encore, répondre avec précisions aux inexactitudes que j’entends, car, y compris dans cette période politique particulière, nos débats nécessitent de la rigueur. Au cours des deux années écoulées, le nombre de filières d’immigration irrégulière démantelées par la police aux frontières – qui a accompli ici un travail considérable dont je tiens à la remercier – a progressé chaque année de 20 %. Pour ce qui concerne Calais, la réussite est encore plus importante, puisque le nombre de filières démantelées a augmenté de près de 30 %.
Il est donc absolument faux, qu’il s’agisse des moyens alloués aux services ou de leurs résultats, d’indiquer devant la représentation nationale ou devant les micros, que le Gouvernement ferait preuve de laisser-aller ou de laxisme en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Pour être très précis, je vous rappelle que, à partir de Calais, plus de 1 700 migrants ont été reconduits à la frontière ou vers leur pays d’origine, parce qu’ils ne remplissaient pas les conditions pour être réfugiés en France. Ceux qui en revanche sont conduits vers les centres d’accueil et d’orientation, monsieur Ciotti, sont bel et bien éligibles à l’asile. Maintenant, si vous pensez qu’il faudrait reconduire dans leur pays des Erythréens qui subissent les persécutions du régime de M. Issayas Afewerki, dites-le ; si vous pensez qu’il faut reconduire dans leur pays les Soudanais persécutés au Darfour, dites-le ; si vous pensez qu’il faut reconduire en Syrie ou en Irak les chrétiens d’Orient et les Yézidis, dites-le : nous saurons au moins à quoi nous en tenir sur vos intentions. En tout cas, tant que je serai ministre de l’intérieur, ce ne sera pas le cas, parce que la France est le pays du droit d’asile et que 85 % des migrants qui se trouvent aujourd’hui à Calais appartiennent à l’un de ces trois groupes de personnes.
Par ailleurs, pour que les choses soient parfaitement claires, j’indique que, alors que la demande d’asile n’a pas explosé en France malgré la pression migratoire, nous connaissons un afflux de réfugiés à Calais. C’est un problème auquel nous sommes confrontés depuis vingt ans et auquel les gouvernements précédents ont apporté les réponses que l’on sait : ce n’est pas moi qui ai procédé à l’évacuation de Sangatte, en jetant les réfugiés dans les rues des villes de notre façade septentrionale – il en est arrivé 300 à Cherbourg du jour au lendemain, sans que nous ayons aucune solution de relogement ! Si vous considérez que c’est là une bonne politique, vous pouvez toujours proposer de la poursuivre, mais ce n’est pas la nôtre.
Par ailleurs, un accord parfaitement léonin a été conclu à Sangatte avec le Royaume-Uni, puisqu’il établissait la frontière sur le territoire français, sans aucune contribution britannique ni sur le plan financier ni en termes de prise en charge des mineurs isolés. Et ce sont ceux qui ont signé cet accord qui nous expliquent que nous avons tort de le subir… Il y a quelques limites au cynisme politique, surtout lorsqu’il s’agit de questions humanitaires graves, et je me dois de rappeler que c’est moi qui ai renégocié les accords du Touquet dans des termes que je tiens à préciser ici : le Royaume-Uni a été amené à financer une partie de l’accueil des migrants de Calais à hauteur de 140 millions d’euros. Ils avaient dans un premier temps apporté 100 millions d’euros, puis ont injecté 40 millions supplémentaires, au terme des négociations que j’ai menées ces dernières semaines, afin de sécuriser les infrastructures à Calais. Si l’on veut en effet éviter tout appel d’air, il faut faire en sorte que les passeurs ne puissent plus se livrer à leur abject trafic. C’est le minimum de cohérence requis pour agir à long terme.
En second lieu, les mineurs isolés qui n’étaient pas pris en charge par les Britanniques le sont désormais, aux termes des accords d’Amiens, et 200 d’entre eux ont quitté la France cette semaine.
Enfin, avant d’appeler à la renégociation des accords du Touquet, mieux vaudrait savoir ce qu’ils contiennent, si l’on ne veut pas se retrouver piégé. En effet, dénoncer les accords du Touquet entraînerait deux ans de statu quo, ce qui reviendrait à envoyer le signal que, pendant deux ans, la frontière redeviendra poreuse, sans que rien ait changé par ailleurs. En d’autres termes, vous installeriez un aspirateur à Calais, et les passeurs pourraient continuer de soutirer aux migrants, et notamment aux mineurs isolés, des sommes considérables contre la promesse d’une hypothétique traversée vers la Grande-Bretagne, traversée qui a déjà fait quatorze morts depuis le début de l’année. Nous proposons donc d’être extrêmement fermes avec les Britanniques, de faire en sorte que la frontière soit étanchéifiée pour que les passeurs arrêtent leurs trafics et que nous puissions, dans le cadre d’une politique constante dans la durée, obtenir des résultats.
À Calais, nous avons démantelé des filières, nous avons reconduits ceux qui ne relevaient pas de l’asile à la frontière, nous avons rééquilibré les accords du Touquet de manière à ce que les Britanniques prennent leurs responsabilités. Notre politique obéit à des convictions humanitaires et à l’idée que les demandeurs d’asile en Europe et en France ne peuvent être maintenus dans la boue, le froid, la précarité, à la merci des passeurs.
C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place des centres d’accueil et d’orientation, qui permettent de mettre à l’abri une population qui, pour 85 %, peut prétendre à l’asile. Si vous avez d’autres solutions que celle-ci, je suis preneur, mais, à moins que la France décide de renvoyer les migrants dans des pays où ils sont persécutés, je ne vois pas d’autre solution politique que celle que nous mettons en œuvre. Il est important que nous l’expliquions pour que notre pays, où perdure une culture de l’accueil, puisse maintenir dignement cette tradition.
Enfin, l’opération de Calais est une opération extrêmement difficile. La mobilisation extraordinaire des services de l’État et de la préfecture, sous l’autorité de la préfète, ainsi que des associations, mérite des remerciements, que j’exprime ici. Néanmoins, tant qu’elle n’est pas terminée, cette opération présente des risques pour des êtres humains en situation de grande vulnérabilité, et nous avons donc le devoir de l’accompagner par des paroles qui lui permettent d’aboutir au lieu de la compliquer.
Pour ce qui concerne les coûts, le coût de l’humanisation de la lande a été de 35,8 millions d’euros, celui des CAO de 23 millions en 2016. Quant à la présence des forces de l’ordre, elle est importante à Calais, puisque nous y avons augmenté de 2 000 agents les effectifs de police et que quatorze unités de forces mobiles y sont stationnées en permanence.
Enfin, le nombre de reconduites à la frontière est plus important qu’il ne l’était en 2011 ou 2012. En effet, nous ne comptabilisons pas dans les reconduites à la frontière les reconduites financées à hauteur de 1 000 euros par personne pour les ressortissants bulgares et roumains qui percevaient les 1 000 euros avant d’aller passer les vacances de Noël dans leur pays, puis revenaient entre Noël et le jour de l’An, pour repartir à Pâques en ayant touché de nouveau 1 000 euros. Nous considérons en effet que ces éloignements, qui étaient comptabilisés par le passé, sont des éloignements budgétivores, qui ne témoignent aucunement de la fermeté d’une politique migratoire.
Nous ne comptabilisons pas non plus les obligations de quitter le territoire français (OQTF) dites flash, c’est-à-dire que nous ne considérons pas que les immigrés irréguliers qui choisissent d’eux-mêmes de quitter le territoire et à qui l’on remet à l’aéroport une OQTF flash doivent venir gonfler les statistiques. C’est une pratique à laquelle il avait massivement été fait recours dans le passé, et qui permettait d’afficher des performances avantageuses.
Quant à la durée de traitement des dossiers de demande d’asile, elle est passée de vingt-quatre mois au moment de la réforme à quatorze mois aujourd’hui, notre objectif étant de la ramener à neuf mois. Si nous sommes ainsi parvenus à réduire les délais c’est qu’en dépit de la pression migratoire des postes ont été créés à l’OFII et à l’OFPRA et que nous avons ouvert des postes en CADA.
Enfin, la diminution, dont la presse s’est faite l’écho, du nombre d’éloignements en 2016 par rapport à la même époque en 2015, est une donnée exacte, mais qui s’explique par le fait que nous avons rétabli le contrôle aux frontières en novembre 2015 et que nous avons appliqué la procédure de réadmission à 40 000 migrants illégaux, qui ne sont en conséquence pas entrés sur le territoire. Il est donc assez logique que le nombre de reconduites à la frontière diminue, et il est indispensable de le mentionner si l’on veut être rigoureux et transparent.
Monsieur Grandguillaume, en ce qui concerne les crédits de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), la réduction des délais de traitement des demandes doit permettre en 2017 une diminution de la dépense. En cas de besoin, un abondement sera opéré en cours d’année. Il faut relever en tout état de cause la progression de près de 50 % des crédits consacrés à l’ADA, progression sans précédent, qui permet, selon le principe de sincérité budgétaire, de rapprocher les crédits disponibles de l’exécution, sachant que nous étions jusqu’à présent en situation de sous-budgétisation chronique.
S’agissant de la procédure de marchés publics pour les CAO, elle est imposée par les règles issues du droit européen en matière de commande publique. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, l’idée n’est pas d’exclure les acteurs associatifs, mais de faire en sorte que les marchés soient répartis en lots qui permettent précisément à l’ensemble des acteurs de participer à ces opérations.
En ce qui concerne le versement tardif des fonds, la difficulté vient du caractère annuel des programmes. Néanmoins, le solde des projets relevant des programmes 2008 à 2012 a été intégralement payé, et l’objectif est de verser le solde des derniers projets du programme 2013 d’ici la fin de l’année 2016.
Monsieur Mennucci, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers réforme le dispositif d’accueil et d’intégration en mettant en place le contrat d’intégration républicaine, dont vous avez eu raison de souligner qu’il était beaucoup plus exigeant que les dispositifs précédents ; il devrait concerner environ 110 000 personnes par an. La formation linguistique est notablement renforcée, tout comme l’apprentissage des principes de la République. Nous devons donc augmenter les crédits pour pouvoir installer dans les offices concernés des personnels qui mettent en œuvre ce contrat.
L’OFII bénéficie pour cette raison, dans le PLF pour 2017, de ressources d’un montant de 181,9 millions d’euros, ce qui représente une progression de près de 21 % par rapport à la loi de finances pour 2015. Le plafond d’emplois de l’Office s’établit à 1 014 ETP pour 2017, soit une augmentation de 78 ETP par rapport à la loi de finances pour 2016, et de 215 depuis 2015.
Monsieur Germain, nous nous étions engagés sur 30 600 relocalisations et avions proposé d’ouvrir d’emblée 3 800 places ; 1 997 ont été réalisées, ce qui fait de la France le premier pays de l’Union européenne en matière de relocalisation. Nous avons accueilli 40 % des relocalisés depuis la Grèce et 25 % depuis l’Italie. Les efforts se poursuivent puisque nous offrons 450 places chaque mois dans le cadre de la relocalisation.
Pour ce qui concerne la réinstallation, nous nous étions engagés sur 10 375 places, soit 2 375 auxquelles s’ajoutent 6 000 places au titre des accords UE-Turquie et les 2 000 places relevant des engagements pris par le Président de la République en 2016. Au 1er octobre 2016, 1 510 accords de réinstallation avaient été conclus par la France dans le cadre de ses engagements, 274 à partir du Liban, 670 à partir de la Jordanie, 476 à partir de la Turquie. Les personnes concernées sont accueillies après avoir été sélectionnées par le HCR et auditionnées par l’OFPRA. Elles arrivent en France avec le statut de réfugié et bénéficient donc de l’accueil réservés aux réfugiés. Ces accueils sont financés grâce au Fonds asile migration intégration (FAMI) de l’Union européenne, qui accorde 6 000 euros par personne accueillie, 10 000 euros pour les personnes particulièrement vulnérables en provenance de certains pays comme la Syrie.
Monsieur Ciotti, le coût d’une place en CAO est de 25 euros par jour et par personne. Il intègre le coût du bâti, trois repas par jour et l’accompagnement social et gestionnaire. Il y a 167 CAO, répartis dans 80 départements, ce qui représente 6 millions en 2015 et 23 millions en 2016. 48 millions sont programmés pour 2017, puisque nous sommes en train de procéder au démantèlement de la jungle de Calais.
M. le président Gilles Carrez. Nous allons à présent entendre les orateurs des groupes.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Malgré quelques propos regrettables qui peuvent être tenus, chacun sait ici que le socle républicain qui nous unit et qui s’est construit patiemment à travers l’Histoire ne peut s’affaiblir irrémédiablement en quelques mois ou quelques semaines.
Deux lois structurantes ont été votées pour aborder intelligemment la question des étrangers qui arrivent sur notre sol : la loi du 29 juillet 2015, qui réforme le droit d’asile, et la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers. Le budget qui nous est présenté vient au soutien de la mise en œuvre de ces réformes, avec notamment deux objectifs : d’une part, la réduction des délais d’examen des demandes d’asile et, d’autre part, un effort sans précédent en matière d’hébergement et de mise à l’abri des demandeurs d’asile. Car ce Gouvernement, quand il décide de mettre en œuvre une politique, s’en donne les moyens : nous sommes loin des annonces de certains gouvernements, jamais suivies d’effets, car jamais budgétisées.
Il faut ainsi souligner l’augmentation des moyens de l’OFPRA, car la réduction des délais implique nécessairement d’accroître les effectifs de l’Office – des fonctionnaires, qui ont toute leur place dans la République. Par ailleurs, comme Patrick Mennucci l’a souligné, la maîtrise de la langue française fait également l’objet d’un investissement particulier. Nous nous réjouissons donc d’un effort budgétaire qui témoigne de la volonté du Gouvernement d’agir de manière responsable, loin de toute démagogie, en s’efforçant de concilier le possible et le souhaitable, pour conjuguer droits et obligations des étrangers.
J’étais hier à Calais en compagnie d’Erwann Binet. Nous avons pu constater une organisation exemplaire, efficace et humaine, ce dont témoignait le soulagement qui se lisait sur le visage des migrants : n’oublions jamais, en effet, que, derrière les statistiques, se tiennent des hommes, des femmes et des enfants.
Si je devais résumer en trois mots l’action du Gouvernement, je parlerais d’abord de courage. Il fallait en effet démanteler Calais, chacun le reconnaît, mais pas n’importe comment. En proposant à chacun une solution d’accueil en CAO, vous avez, monsieur le ministre, redonné ses lettres de noblesse à notre tradition humanitaire. Nous pouvons en être fiers, et je tiens à vous en remercier ici. Je rappelle que le nombre de places d’accueil a doublé entre 2012 et 2017, passant de 20 000 à 42 000, alors que la pression migratoire augmentait.
Deuxième caractéristique de la politique du Gouvernement, la responsabilité. Gouvernement et élus locaux ont su, la plupart du temps, travailler en intelligence, même si nous avons vu des élus locaux s’opposer à l’accueil d’hommes et de femmes qui ont fui des villes comme Alep. Je ne comprends pas comment il est possible de refuser de tendre la main à ces personnes. Ceux qui ne désirent pas accueillir ces réfugiés auront peut-être des remords, et proposeront peut-être un jour que leur commune accueille un CAO ?
Humanité enfin : n’oublions jamais que celles et ceux qui prennent la route ou la mer avec femmes et enfants risquent leur vie. Nous l’avons dit : 70 % d’entre eux seront éligibles à l’asile.
Il nous faut aussi faire preuve d’humilité, car il reste à faire et à convaincre. Avec mon collègue Erwann Binet, nous avons rencontré des personnes qui se faisaient encore une image mirifique de l’Angleterre, alors qu’ils n’y ont aucun avenir. Il faut aussi travailler pour que les mineurs isolés, ou les femmes qui désirent rejoindre de la famille ou un conjoint, soient acceptés en Angleterre.
Il me reste à vous interroger, monsieur le ministre, sur les mineurs étrangers isolés. Que vont devenir ceux qui sont à Calais, comment seront-ils accueillis dans les structures de l’aide sociale à l’enfance ?
S’agissant de la relocalisation, nous avons pu voir lors d’un déplacement en Grèce des mineurs étrangers isolés attendant dans les camps leur relocalisation chez nous. Comment est-il possible de traiter ce problème en bonne intelligence avec les départements ? Il est de notre devoir de les accueillir et de leur faire une place, au même titre que les autres relocalisés. Il s’agit véritablement d’un devoir d’humanité envers les plus vulnérables.
Notre déplacement à Calais, nous a permis de constater le respect des règles politiques et juridiques propres à la complexité d’une telle situation. Notre Gouvernement peut revendiquer son courage politique de faire face à la complexité de la tâche. Vous avez souligné l’engagement des services de l’État : OFPRA et OFII. Je voudrais leur adresser nos compliments. Ce budget est une évidente et récurrente démonstration que l’on peut allier efficacité et humanité.
M. Arnaud Richard. Nous examinons un budget primordial, qui doit répondre aux enjeux majeurs de la pression migratoire accrue et de l’accueil des réfugiés.
Plus de 80 000 demandes d’asile ont été présentées en France en 2015, soit une hausse annuelle de 23,6 %. Cette hausse se poursuit en 2016, avec plus de 54 000 demandes présentées de janvier à août.
Ce budget doit être à la hauteur de ce qui constitue, pour la France et l’Europe, une urgence humanitaire et un devoir moral : accueillir sur la période 2015-2017, dans le cadre de nos engagements européens et internationaux, plus de 30 000 demandeurs d’asile et réfugiés issus des zones de conflit. Ce chiffre de 30 000 est à rapprocher du million de réfugiés accueillis en Allemagne.
Avec près de 1,1 milliard d’euros de crédits demandés pour 2017, le budget consacré à l’immigration, à l’asile et à l’intégration affiche une hausse de 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 ; c’est une bonne chose.
La réduction des délais de traitement des dossiers et le respect des règles de sortie des CADA pour les personnes déboutées et les bénéficiaires d’une protection internationale sont évidemment nécessaires pour améliorer la fluidité du dispositif d’hébergement.
Les outils créés par la loi du 29 juillet 2015, tels que l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), ont permis d’améliorer la gestion de l’afflux des demandes d’asile. Nous notons à ce titre la hausse du budget consacré à l’ADA, de 138 millions à 220 millions d’euros. Pour autant, l’OFII sera-t-il en mesure de remplir la nouvelle mission consistant à détecter la vulnérabilité des demandeurs d’asile ? Je pense qu’il y a un trou dans la raquette à ce sujet.
L’augmentation de près de 12 millions d’euros de la subvention pour charges de service public versée à l’OFPRA par rapport à la LFI 2016, et la création de quarante équivalents temps-plein sont à saluer. En effet, le respect des délais prévus par la loi impose d’allouer des moyens supplémentaires, dans le contexte d’un flux de demandes qui ne tarit pas.
Pour autant, d’année en année, l’objectif de réduction du délai moyen de traitement d’un dossier par l’OFPRA, de même que l’objectif d’augmentation du nombre de décisions rendues, semblent très optimistes. L’an dernier, l’objectif était de réduire le délai moyen de traitement d’un dossier par l’OFPRA, actuellement de 200 jours, à 140 en 2016 puis à 90 en 2017. Or, le document budgétaire précise qu’en 2015, le délai moyen de traitement d’un dossier était de 216 jours.
Dans le rapport d’information que Mme Jeanine Dubié et moi-même avons présenté, nous indiquons par ailleurs que l’objectif d’un délai moyen de jugement de cinq mois et cinq semaines devant la Commission nationale du droit d’asile (CNDA) ne pourrait être atteint à l’horizon 2017 sans moyens supplémentaires.
En dépit des efforts réalisés pour accélérer la création de places en CADA et des crédits supplémentaires alloués pour créer des hébergements d’urgence, l’afflux des migrants et la mise en œuvre d’engagements européens successifs pèsent sur le dispositif d’hébergement, même si la hausse de crédits de 118 millions d’euros en 2017 est à saluer. Cette augmentation de places – certes importante – couvrira-t-elle pour autant tous les besoins en termes d’hébergement ? Une meilleure prévision à moyen terme des besoins en places d’accueil et d’orientation est nécessaire, afin d’éviter les surcoûts liés à l’équipement en urgence de locaux non adaptés – pour ne pas dire plus. En effet, les programmes budgétaires 303 et 177 sont régulièrement sous-dotés, nous le disons chaque année sans que rien ne change.
En matière de lutte contre l’immigration irrégulière, après une baisse constante des crédits consacrés à cet objectif, les crédits de paiement devraient augmenter cette année de 13 millions d’euros. Nous ne pouvons que nous féliciter.
Néanmoins, ce budget est aussi destiné à permettre la mise en œuvre de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Or nous craignons notamment les conséquences d’un assouplissement excessif des conditions de délivrance de la carte de séjour pluriannuelle, ou encore celles de l’élargissement de l’accès à la procédure de séjour pour les étrangers malades et de l’autorisation de séjour de plein droit pour le parent d’un enfant malade.
Pour terminer, je souhaite appeler votre attention sur la différence d’appréciation de la situation des Afghans entre la France et l’Allemagne. Les Allemands les considèrent comme des migrants économiques alors que nous les considérons comme des demandeurs d’asile. Nous nous interrogeons fortement à ce sujet.
M. Philippe Goujon. Chers collègues, j’interviens en lieu et place de l’orateur de notre groupe, Thierry Mariani, empêché.
Le contexte est toujours marqué par une crise migratoire sans précédent, et par le démantèlement de la jungle de Calais, que vous avez laissée se dégrader pendant cinq ans. D’ailleurs, vous ne la démantelez pas réellement : vous répartissez environ 11 000 migrants sur tout le territoire, sorte de régularisation de fait pour de nombreux étrangers en situation irrégulière : 5 % d’entre eux peut-être seront éligibles à l’asile. Vous n’avez d’ailleurs pas répondu à notre collègue Éric Ciotti lorsqu’il vous demandait s’il y aurait une régularisation de ces personnes.
L’augmentation de 15 % du budget de la mission s’explique d’ailleurs par la hausse des crédits consacrés à l’accueil des étrangers primo-arrivants. La hausse de 160 % des crédits du programme « Intégration et accès à la nationalité française » trouve sa source dans l’augmentation du budget de l’OFII, multiplié par quatre. Au regard de cette augmentation considérable, il est vraiment indispensable d’être particulièrement exigeants sur son efficacité, notamment sur les nouveaux parcours d’intégration républicaine concernant l’intégration des étrangers en France.
Nous sommes plus que perplexes face à certaines orientations du programme « Immigration et asile ».
Tout d’abord, le budget consacré à l’accueil des demandeurs d’asile est difficilement prévisible, puisque personne n’est en mesure de définir précisément le nombre de demandeurs d’asile que nous accueillerons l’an prochain sur notre territoire. Depuis le début de l’année, plus de 300 000 personnes ont traversé la Méditerranée pour rejoindre le continent, il est probable que de nouveaux contingents de demandeurs seront accueillis en France, au-delà des 30 000 que la France s’est d’ores et déjà engagée à recevoir.
Mais votre Gouvernement refuse de s’attaquer au dévoiement de l’asile, et aux liens entre filières d’immigration et certaines demandes qui ne relèvent absolument pas de l’asile. La Cour des comptes – qui conteste par ailleurs votre présentation un peu optimiste des recrutements dans la police – écrivait en 2015 : « La politique d’asile est devenue la principale source d’arrivée d’immigrants clandestins en France. » Ce constat date de 2015 ; je crois qu’il est toujours valable aujourd’hui.
La question centrale est donc celle de la gestion des demandeurs d’asile déboutés, qui provoquent une embolie. Tant que la question de leur retour systématique et rapide ne sera pas réglée, le système ne pourra pas fonctionner correctement. L’objectif affiché d’un délai moyen de trois mois pour le traitement des demandes est encore loin d’être respecté : il était de 140 jours en 2016.
Cette situation nuit d’abord à tous ceux qui ont un réel besoin de protection, que nous ne nions pas du tout, mais aussi aux finances publiques et à la crédibilité de l’État, qui n’est pas en mesure de rationaliser un dispositif à la dérive depuis plusieurs dizaines d’années.
Il est tout aussi grave que le nombre de mesures de reconduite à la frontière exécutées ait baissé entre 2014 et 2015, alors que la pression migratoire s’est fortement accrue, et vos explications ne nous ont pas convaincus. On peut s’étonner que la hausse du nombre de reconduites aux frontières ne soit pas mécanique, d’autant que les budgets afférents sont en hausse.
Nous ne portons pas non plus la même appréciation sur les mesures d’obligation à quitter le territoire français (OQTF), qui ont quasiment disparu aujourd’hui alors qu’elles étaient utiles et opportunes dans certains cas.
Dans le projet de loi de finances, 14 millions d’euros sont consacrés à la prise en charge des migrants de Calais à Dunkerque afin de financer le fonctionnement des camps : Jules-Ferry, centres d’accueil provisoire, Calais, Grande-Synthe... Alors que le démantèlement de la jungle de Calais a débuté, nous nous interrogeons sur la façon dont cette enveloppe sera réallouée.
M. Joël Giraud. Vous êtes confronté, monsieur le ministre, à l’un des plus importants défis migratoires qu’il ait été donné à notre pays de connaître depuis la Seconde guerre mondiale. D’ici à la fin de l’année, la France devra accueillir 30 700 migrants fuyant entre autres la Syrie, l’Irak et l’Érythrée, dans le cadre des mécanismes européens provisoires de relocalisation. Ce nombre correspond à un plafond global de 160 000 réfugiés, alors que nous savons que le nombre total d’exilés ayant franchi la Méditerranée avoisine ou dépasse le million. Cependant, et même si le dispositif de réadmission des demandeurs vers l’État membre responsable doit être revu, la mise en place d’un mécanisme européen permanent de relocalisation n’est pas possible tant que nous ne serons pas capables de maîtriser les flux migratoires.
Comme vous l’aviez fait vous-même en présentant les crédits de cette mission l’année dernière, je rappelle que dès l’été 2014, la France avait pris la mesure de la situation en formulant des propositions claires. Non seulement en proposant un mécanisme de répartition des demandeurs d’asile à l’échelle de l’Union européenne, mais également en proposant de remplacer l’opération Mare nostrum – la situation au large des côtes italiennes étant intenable – par un contrôle effectif des frontières extérieures de l’Union européenne conduit par Frontex. Ce rappel me permettra de vous poser une première question, monsieur le ministre : pouvez-vous nous renseigner sur l’évolution des effectifs et des moyens dévolus à Frontex ?
Indépendamment de cette pression migratoire, la France a la particularité d’avoir été depuis longtemps un hot spot : Calais, après Sangatte, dont vous avez rappelé les conditions de démantèlement. Nous en connaissons tous l’origine et les causes : l’exclusion volontaire de la Grande-Bretagne de l’espace Schengen. Hier, lundi 25 octobre, à 8 heures 35, le premier car a quitté la jungle de Calais avec, à son bord cinquante Soudanais qui, une fois arrivés en Bourgogne au centre d’accueil et d’orientation, pourront déposer une demande d’asile. Lundi, il y a eu 60 départs par car, aujourd’hui 45, et demain 40. En tout, 150 cars auront acheminé 7 000 migrants vers les 450 centres d’accueil ouverts partout en France, dont 280 nouveaux ouverts ces derniers mois.
Je tiens ici à saluer, au nom de mon groupe, l’action de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), de l’OFPRA, de la préfecture du Pas-de-Calais et en particulier de la préfète Fabienne Buccio qui est toujours en première ligne, des agents des forces de l’ordre, des membres des associations et des ONG, mais aussi des agents du Foreign Office, que l’on oublie souvent, pour la délicate admission des mineurs isolés souhaitant gagner le sol britannique. Plus de 200 d’entre eux sont déjà partis rejoindre leurs proches susceptibles de les accueillir.
La France fait face, et comme l’année dernière, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont en sensible augmentation. Cette évolution accompagne les progrès qui résultent de la loi relative à la réforme du droit d’asile du 29 juillet 2015, loi que nous avions pleinement approuvée et qui faisait suite au rapport d’information sur la politique d’accueil des demandeurs d’asile que nos collègues Jeanine Dubié et Arnaud Richard avaient présenté le 10 avril 2014.
Même si la France n’est pas encore confrontée à une augmentation massive de la demande d’asile, la hausse quasi continue de la demande depuis 2008 rend difficile la diminution des délais de traitement des dossiers de demande d’asile, ce qui accroît la pression sur leur hébergement, comme le confirme l’indicateur 1.1 de l’objectif n° l du programme 303.
La réduction des délais d’instruction des demandes d’asiles par l’OFPRA – l’objectif est de trois mois – et de ceux de la CNDA – cinq mois en procédure normale – doit permettre la réduction des durées de séjour dans les structures dédiées. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dresser la situation quant à l’évolution des délais de traitement des demandes d’asile ? La mise en place des guichets uniques des préfectures pour réduire la durée de traitement des demandes s’effectue-t-elle correctement ? Le système d’orientation directive des demandeurs d’asile a-t-il permis une augmentation des places disponibles dans les hébergements dédiés ?
Enfin, je voudrais évoquer la mise en place, depuis le 1er novembre dernier, de l’ADA, allocation unique créée par la loi du 29 juillet 2015 et versée aux demandeurs d’asile pendant la durée de l’instruction de leur demande, dont le barème est le même pour tous, quel que soit le mode d’hébergement, et qui est familialisée. Les 220 millions d’euros qui figurent en crédits de paiement pour 2017 devraient correspondre au versement d’une allocation à 70 000 personnes sur une période de douze mois. Cela signifie-t-il qu’en 2017, un nombre équivalent de demandeurs pourra être hébergé en CADA et en hébergement d’urgence ?
M. Marc Dolez. Ma première série de questions, monsieur le ministre, concerne le démantèlement en cours de la jungle de Calais. Vous avez répondu par avance à beaucoup d’entre elles, mais j’ai deux précisions à vous demander. Quel dispositif est prévu pour les migrants qui ne veulent pas aller en CAO ? Iront-ils dans les centres de rétention, qui sont déjà saturés ? Les associations sur le terrain craignent que beaucoup d’entre eux disparaissent dans la nature pour ne pas trop s’éloigner des lieux de passage vers la Grande-Bretagne.
La seconde précision que je souhaite obtenir concerne les mineurs isolés à Calais. Si l’on en croit les chiffres de France Terre d’Asile, sur les 1 300 mineurs isolés, environ 500 peuvent prétendre au regroupement familial en Grande Bretagne.
Quant aux autres, la difficulté pour l’État est que ces mineurs relèvent de la protection de l’enfance, compétence départementale, qu’ils ne peuvent être envoyés ni en centre d’accueil et d’orientation ni en rétention administrative, et qu’un placement requiert l’intervention d’un juge pour enfants. Quelles sont les garanties apportées aux mineurs isolés ? Quels dispositifs sont prévus pour leur prise en charge, sachant que selon les responsables de l’Auberge des migrants, lors du démantèlement de février, 128 enfants avaient été « perdus » ?
Ma deuxième série de questions concerne les enfants en centres de rétention. Cinq ans après l’arrêt du 19 janvier 2012 « Popov contre France », condamnant notre pays pour rétention de mineurs accompagnés, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a une nouvelle fois condamné la France pour mauvais traitements dans sept dossiers différents, le 12 juillet 2016. Cinq d’entre eux concernent le placement d’enfants dans des centres de rétention administrative.
Rappelons que, en 2015, 105 enfants ont été placés avec leurs parents en centre de rétention administrative (CRA), soit plus du double des 45 recensés en 2014. Sur les premiers mois de 2016, 67 enfants ont déjà connu le même sort. Monsieur le ministre, je renouvelle la question que je pose tous les ans lors de la discussion budgétaire, en appelant votre attention sur l’insuffisance de la circulaire du 6 juillet 2012 qui ne prohibe pas la rétention des enfants mais la limite à certains cas. Allez-vous interdire définitivement la rétention des enfants mineurs ?
Ma dernière série de questions porte sur le rapport relatif aux droits des étrangers, en date du 9 mai 2016, et dans lequel le Défenseur des droits pointe l’ensemble des obstacles qui entravent l’accès des étrangers aux droits fondamentaux. Je voudrais avoir votre position sur deux points particulièrement mis en évidence : la délivrance des attestations d’accueil et la situation des conjoints de français.
S’agissant de la délivrance des attestations d’accueil par les mairies, le Défenseur des droits a constaté que certaines d’entre elles avaient développé des pratiques illégales, subordonnant la délivrance de cette attestation à des exigences non prévues par les textes.
S’agissant des conjoints de Français, ils se trouvent dans une situation moins favorable que les conjoints de ressortissants européens établis en France pour leur demande de titre de séjour.
Dans son rapport, le Défenseur des droits avance un certain nombre de recommandations ; je voulais connaître la suite que vous entendez leur réserver.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Beaucoup d’intervenants ont à nouveau évoqué Calais, je veux apporter toutes les réponses qui doivent l’être pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïtés.
Les mineurs isolés, comme l’ensemble de ceux qui sont aujourd’hui à Calais, se trouvent dans la plus grande précarité. Ils sont dans le froid et dans la boue, sans recevoir l’accompagnement qui devrait leur être offert. Par ailleurs, si nous cherchons à mettre en œuvre immédiatement à Calais certaines dispositions extrêmement précises concernant les mineurs isolés, nous ne pourrons pas leur offrir la mise à l’abri qui permettrait d’appliquer le droit commun dans des conditions de protection. Voilà notre problème.
La stratégie de l’État sur les mineurs isolés est donc très claire : faire en sorte que tous ceux qui ont une attache en Grande-Bretagne, ou qui y seraient mieux selon les critères de l’amendement Dubs voté par le Parlement britannique, puissent rejoindre la Grande-Bretagne.
C’est l’objet des discussions que j’ai engagées depuis de nombreux mois, et qui se sont accélérés lorsque la décision du démantèlement de Calais a été prise. Elles donnent de premiers résultats positifs, puisqu’en une semaine les Britanniques ont procédé à l’accueil de 200 mineurs isolés qui ont quitté la lande. Les autres dossiers sont actuellement étudiés, alors qu’en un an seuls 73 dossiers avaient trouvé une issue positive au terme de leur examen. La négociation exigeante menée avec les Britanniques dans le cadre du démantèlement a porté ses fruits, puisque nous avons permis à trois fois plus de mineurs isolés de sortir de Calais en une semaine qu’en dix mois. Cela doit se poursuivre. Je suis engagé dans cette discussion exigeante et partenariale avec les Britanniques.
Pour ceux qui n’iront pas en Grande-Bretagne, notre objectif est de les placer sous protection dans les centres d’accueil provisoires pour que leurs dossiers puissent être traités par nous et les Britanniques, ou dans des centres d’accueil pour mineurs isolés, qu’il faudra cependant « armer » un minimum pour que les dispositifs de droit commun puissent ensuite s’appliquer.
Nous sommes donc particulièrement mobilisés sur la question des mineurs isolés. Nous essayons de bien faire dans ce contexte, alors que tous les sujets que nous traitons sont extraordinairement difficiles sur le plan humain et émotionnel. Mais chacun conviendra de bonne foi que mettre à l’abri des mineurs isolés pour permettre l’application du droit commun est préférable à les laisser dans la boue et le froid. Voilà la réponse que je voulais apporter sur ce point.
Les propos tenus concernant les 128 enfants qui auraient été « perdus » dans le cadre du démantèlement de la zone sud n’ont jamais été corroborés par quoi que ce soit de tangible. Chaque fois que nous avons travaillé sur la question du démantèlement, nous l’avons fait sur la base des principes que je viens d’évoquer.
J’ai été interrogé sur les centres de rétention. Les enfants isolés ne sont jamais placés en centre de rétention, nous ne le voulons pas, et des instructions très claires ont été données en ce sens. Seuls y sont placés les enfants accompagnant leurs parents, surtout pour des placements la veille du départ concernant des familles manifestant un risque de fuite alors qu’ils relèvent d’une OQTF. Les quelque 60 cas que vous mentionnez répondaient tous à ces critères très restrictifs, et je tiens à ce que nous n’en sortions pas.
Quant à l’arrêt Popov, il n’interdit pas la présence d’enfants en rétention administrative, mais exige que cet accueil se fasse dans des conditions adaptées. C’est le cas, nous y veillons particulièrement.
Monsieur Giraud, nous avons été très en pointe pour faire monter en puissance les moyens de Frontex ; 350 millions d’euros et 1 700 personnes – garde-côtes et garde-frontières – y sont alloués ; pour exercer un contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne qui n’existait pas jusqu’à présent. Il va s’effectuer dans le cadre d’une réforme du code Schengen que la France a obtenue.
Il est souvent demandé de réformer le code Schengen, mais c’est déjà chose faite, puisque l’article 7-2 a été modifié afin de permettre des contrôles au moment de l’entrée sur le territoire de l’Union européenne, y compris de nos propres ressortissants. Frontex n’existait pas il y a quelques années, et les corps des garde-côtes et des garde-frontières n’étaient pas encore montés en puissance, puisque c’est nous qui en avons fait la demande, avec les Allemands. Nous fournissons 10 % des effectifs de Frontex, ce qui est considérable. Le contrôle aux frontières de l’Union européenne, dont on réclame absolument la mise en œuvre, est désormais doté d’un outil, et nous avons demandé, mon collègue Thomas de Maizière et moi, que soient réalisés des exercices grandeur nature pour réussir ces opérations de contrôle.
Monsieur Richard, vous avez réalisé un travail remarquable sur la loi relative à l’asile, dans un cadre qui dépassait les clivages politiques traditionnels. J’ai déjà répondu à bon nombre de vos questions.
S’agissant des problèmes de détection de la vulnérabilité des demandeurs d’asile par l’OFII, nous y sommes sensibles, et notre volonté d’augmenter les moyens de l’OFII répond à cette préoccupation. Je suis tout à fait désireux, si vous en êtes d’accord, pour qu’il y ait une rencontre entre vous, mon cabinet et le directeur de l’OFII sur ce point. Ainsi, au moment du débat en séance, nous pourrons consolider la réponse budgétaire.
Il n’y a pas de politique différente en Allemagne et en France à l’égard des Afghans. Le taux de protection des Afghans est relativement important, de l’ordre de 70 % dans les deux pays, pour des raisons qui tiennent à la situation de l’Afghanistan. Les Allemands ont instauré l’organisation de retours volontaires, dans le cadre d’un accompagnement financier négocié avec le gouvernement afghan, et nous souhaitons le mettre en place avec eux au niveau européen. J’ai rencontré l’ambassadeur d’Afghanistan pour que nous puissions mettre en place cette politique de façon volontariste.
Bien entendu, nous la mettrons en place pour ceux qui n’ont pas fui pour des raisons qui tiennent aux persécutions dont ils font l’objet et qui n’ont pas de raisons de rester en France. Mais les Allemands reconnaissent qu’il faut énormément de mobilisation administrative pour mener ce travail de conviction. Nous le menons comme eux, mais, compte tenu de la situation en Afghanistan, qui n’est pas un pays d’origine sûr, et compte tenu des règles de l’asile, nous sommes dans cet équilibre et il est très difficile d’en sortir.
Monsieur Goujon, si vous appelez régularisation de migrants irréguliers l’octroi du statut de réfugié à ceux qui relèvent de l’asile, je pense que nous aurons du mal à tomber d’accord. Je ne considère pas que l’octroi du statut de réfugié à ceux qui relèvent de l’asile soit une régularisation de migrants irréguliers. Je vous rappelle que 85 % de ceux qui sont à Calais relèvent du statut de réfugié en France. Ce statut de réfugié leur est octroyé en application des règles votées par le souverain – dont vous faites partie – qui définissent les modalités d’intervention de l’OFPRA dans l’octroi du statut de réfugié.
Je vous rappelle également que nous avons reconduit, depuis Calais, 1 700 personnes qui ne relevaient pas du statut de réfugié, mais de l’immigration économique irrégulière.
Au vu des éléments extrêmement précis que je viens de vous livrer, pouvez-vous m’expliquer le raisonnement qui vous permet d’affirmer que nous procédons à la régularisation de migrants en situation irrégulière ? Il s’agirait – la volonté de rupture parfois peut conduire jusque-là – d’un changement total de la politique de la France depuis 1790, que même le Front national ne demande pas. Dois-je comprendre que vous considérez l’octroi du statut de réfugié à ceux qui relèvent de la protection de la France comme une régularisation ? Si tel est le cas, nous avons un désaccord de fond. Je l’assume totalement devant vous. Je rappelle encore une fois pour la clarté du débat que nous avons reconduit, à partir de Calais, plus de 1 700 personnes qui étaient en situation irrégulière. Nous ne procédons à aucune régularisation.
Vous dites que les OQTF n’existent plus. Puis-je me permettre, monsieur Goujon, de vous poser une question : combien d’OQTF ont été délivrées en France en 2016, et combien en 2011 ? Je parle bien sûr des reconduites forcées exécutées. Je sais que la période autorise toutes les outrances – sur les sujets dont j’ai la charge, elles sont quotidiennes. J’essaie de faire preuve d’une certaine philosophie mais notre échange de ce matin me donne l’occasion d’apporter des réponses un peu précises. Combien d’OQTF ont été exécutées en 2011 et combien en 2016 ?
M. Philippe Goujon. Il me semble qu’aujourd’hui, c’est nous qui vous posons des questions et vous qui êtes ici pour y répondre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Très bien. Je constate que vos questions sont fondées sur des chiffres qui n’existent pas et vos affirmations unilatérales sur des faits que vous n’établissez pas. Je vais donc vous apporter les réponses aux questions que je viens de poser pour rectifier vos contre-vérités.
Depuis le début de l’année 2016, l’exécution des OQTF a donné lieu à 15 000 reconduites forcées. Lorsque vous dites que les OQTF ont disparu en France, c’est donc un mensonge, d’autant plus grossier que le nombre d’OQTF exécutées aujourd’hui est supérieur à celui de 2011. À cette date, il était de 13 000, en comptabilisant ce que j’ai appelé les OQTF flash, c’est-à-dire les OQTF délivrées le jour de leur départ à des migrants quittant le territoire de leur plein gré.
Je souhaite que nous débattions de ces sujets. Je trouve même tout à fait normales les confrontations. Mais j’aimerais que la rigueur intellectuelle puisse être de temps en temps convoquée sur un sujet sur lesquels les approximations et les mensonges ne peuvent pas servir de support au débat.
M. le président Gilles Carrez. Nous en venons aux questions de nos collègues, pour une durée de deux minutes par question.
M. Erwann Binet. Je veux saluer à mon tour, puisque j’en ai été témoin hier avec Marie-Anne Chapdelaine, l’énorme travail accompli à Calais par vos services et l’ensemble de services de l’État – l’OFII, l’OFPRA, la sécurité civile, les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).
En réponse à Laurent Grandguillaume, je souligne que toutes les associations que nous avons sollicitées sont fortement impliquées dans l’opération de démantèlement de la jungle de Calais et coopèrent efficacement. L’organisation est millimétrée ; rien n’est improvisé ; toutes les difficultés sont anticipées. Les associations nous ont rappelé les conditions dans lesquelles elles tentaient d’œuvrer au début des années 2000 – des réfugiés menottés avec des bracelets en plastique et des gardes à vue pour les membres des associations qui essayaient de leur venir en aide. Les conditions sont bien différentes aujourd’hui. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette opération.
Ma question porte sur l’application de la loi du 7 mars 2016. À partir du 1er novembre, la plupart des dispositions relatives aux titres pluriannuels entrent en application. Pouvez-vous faire le point sur la publication des décrets d’application et sur l’évolution de l’organisation de vos services, notamment des préfectures dont le travail va notoirement changer, en particulier avec le contrôle a posteriori de la situation des bénéficiaires.
Mme Marietta Karamanli. Dans le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », dont les crédits augmentent de plus de 20 %, l’action n° 12 « actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière » assure l’accompagnement des étrangers vers le niveau de langue A2, qui constituera désormais une condition de délivrance de la carte de résident. Elle soutient également les projets territoriaux structurants et les actions conduites par les acteurs locaux pour déployer les parcours d’accueil et d’intégration sur les territoires et soutenir les mesures d’accès aux droits.
Quelle évaluation faites-vous de ces mesures ? Plusieurs expériences montrent l’efficacité d’un accompagnement soutenu et durable qui s’appuie sur la langue, l’insertion et la culture.
Concernant le programme « Immigration et asile », dont les crédits sont en hausse de plus de 16 % – ce dont je tenais à vous remercier –, peut-on estimer les moyens budgétaires, hors contribution de notre pays aux ressources propres de l’Union européen, correspondant à l’effort de chacun des États membres de l’Union européenne pour financer le corps de gardes-frontières européen dont dispose désormais Frontex ?
M. Joaquim Pueyo. La répartition des migrants est une décision de bon sens, monsieur le ministre, et je voudrais vous en féliciter. Elle permet d’éviter les concentrations qui peuvent conduire à des situations alarmantes comme on le voit actuellement à Calais ou dans certains quartiers de Paris.
Je déplore l’attitude des responsables politiques de notre République qui rejettent et diabolisent les migrants et les réfugiés. Afin de les inciter à prendre conscience de la complexité de la situation, je cite quelques chiffres : hier, 2 200 migrants ont été sauvés par l’opération Sophia ; en une semaine, plus de 10 000 ; en un an, 153 000. Avant de critiquer les dispositifs mis en place par le Gouvernement, il faut avoir ces chiffres à l’esprit.
Ma question porte sur les relations entre l’État et les collectivités territoriales. Il est prévu que l’État accorde aux communes 1 000 euros pour chaque migrant qu’elles accueilleront. Des aides pourraient également être apportées par d’autres collectivités, comme les régions, afin de s’assurer que les communes ne refusent pas pour des motifs financiers.
Le Gouvernement avait annoncé que 279 millions d’euros seraient mobilisés pour l’accueil, l’hébergement et le recrutement des personnels destinés à l’OFII et l’OFPRA. Ces moyens doivent permettre de recevoir les étrangers dans des conditions dignes et d’intégrer dans notre société ceux qui ont vocation à rester sur le territoire – je pense à ceux qui seront accueillis dans les CADA. Je m’interroge sur la place faite dans ce budget à l’aide financière aux collectivités qui de fait devront mettre en place des politiques publiques pour accompagner socialement ces personnes à la sortie des centres. Je souhaite que celles qui font des efforts pour prendre en charge ces populations puissent être davantage aidées.
Mme Sandrine Mazetier. À mon tour, je souhaite rendre hommage à tous les agents du ministère, en particulier à ceux de la direction générale des étrangers, et à tous les agents de l’OFPRA et de l’OFII pour ce qui se passe à Calais en ce moment même mais aussi pour avoir réussi à absorber deux réformes simultanées alors même que nous traversons une crise humanitaire d’ampleur. Bravo à elles et à eux.
Je tiens également à saluer, dans ce contexte de crise et d’urgence humanitaire, la performance que représente la réduction de 20 % des délais de traitement de la demande d’asile alors même que cette demande augmentait de plus de 35 %.
Malgré l’émotion qui nous étreint à l’évocation de la situation de ces personnes qui fuient le Darfour ou l’Erythrée et pas seulement la zone irako-syrienne, je ne voudrais pas qu’on oublie que la France met également en œuvre une politique migratoire, parallèlement à la réponse à l’urgence et au devoir d’humanité qui nous incombe. Cette politique doit prendre en compte, aussi étonnant que cela puisse paraître, une compétition internationale qui fait rage pour attirer les élites des pays en voie de développement ou des pays émergents, afin qu’elles soient formées en France et soient francophiles demain.
Dans ce budget, qui, encore une fois, est stupéfiant de réponse à l’urgence mais aussi d’anticipation des tendances lourdes auxquelles notre pays sera confronté dans les années qui viennent, quelle place occupe la stratégie d’influence et la politique de rayonnement de la France dans une compétition internationale qui n’a pas cessé ?
M. Patrick Lebreton. Vous me permettrez de sortir du cadre hexagonal pour attirer l’attention sur la situation de Mayotte.
Je suis certes député de La Réunion, mais la situation de notre département cousin ne peut nous laisser indifférents compte tenu de la forte diaspora mahoraise et comorienne présente sur notre sol.
Au printemps dernier, les médias nationaux découvraient une situation que nous connaissons depuis de très nombreuses années. La population mahoraise, sous forte tension, a par endroits littéralement craqué, menant une véritable chasse aux clandestins venus des Comores. Rien ne peut justifier ces exactions.
Néanmoins, l’immigration clandestine pose à Mayotte un véritable problème dont les conséquences sont immenses sur l’éducation, la santé et la sécurité sans doute, sans oublier bien évidemment le cas des mineurs isolés.
Le Gouvernement s’est impliqué. Un plan intitulé « Mayotte sécurité pour tous » a ainsi été adopté cette année, dans lequel des moyens supplémentaires de lutte contre l’immigration clandestine sont annoncés.
Êtes-vous en mesure de nous préciser, monsieur le ministre, les moyens affectés au travers de cette mission à la mise en œuvre de ce plan ?
Mme Marie-Françoise Bechtel. À mon tour, je voudrais saluer la fermeté et l’humanité de l’opération menée à Calais, malgré mes doutes sur l’appétence de l’ensemble des associations.
Il est sans doute difficile, monsieur le ministre, de s’extraire de cette actualité, sur laquelle vous vous êtes longuement et justement expliqué, mais je souhaite vous interroger sur le traitement global de l’immigration dont votre ministère a la charge, car, d’une certaine manière, l’arbre ne peut cacher la forêt.
Le pilotage des politiques publiques en matière d’immigration relève de services différents de votre ministère : accueil et intégration, gestion des titres de séjour, reconduites, sans oublier le démantèlement des filières. Ces problèmes sont distincts, même s’ils s’interpénètrent. On peut se demander si, en amont du pilotage, une connaissance plus fine de l’ensemble des aspects de l’immigration ne serait pas aujourd’hui nécessaire – peut-être estimez-vous en avoir déjà les moyens.
Plutôt que de politique de l’immigration, je parlerai plutôt de politique des immigrations : l’origine géographique, la motivation, parfois la catégorie socioprofessionnelle, l’immigration tournante dans certains territoires – le Mali –, la tradition migratoire d’autres pays – le Maghreb –, les pics de migration – dans certaines régions chinoises – ou encore le sujet très justement soulevé par ma collègue Sandrine Mazetier de l’attraction des élites sont des questions extrêmement différentes. Votre ministère dispose à ma connaissance de bonnes bases statistiques. Au-delà, la connaissance du phénomène migratoire est-elle suffisante ? Un observatoire, que j’appelle depuis longtemps de mes vœux, ne devrait-il pas regrouper un jour dans votre ministère les moyens nécessaires, pour partie existants, à une étude précise des migrations, sans préjudice de l’apport éventuel du Parlement ?
M. Lionel Tardy. En matière d’asile, le programme comporte une nouvelle dépense, l’aide aux communes qui représente 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Cette aide est destinée à soutenir les collectivités territoriales qui créent des places d’hébergement pour les demandeurs d’asile – elle sera de 1 000 euros par place créée.
Si mes calculs sont bons, vous attendez la création de 4 000 places. Or, selon la presse, le Gouvernement tablait sur 12 000 places en CAO d’ici la fin de l’année. J’en conclus, et c’est là ma question, que sur les 12 000 migrants en CAO, seuls 4 000 feraient l’objet d’une demande d’asile. Ce chiffre paraît faible. Pouvez-vous préciser ce point ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je commencerai par la question de M. Tardy. Les créations de place en centre d’accueil et d’orientation (CAO), qui ont déjà permis d’accueillir 6 000 personnes au cours de l’année écoulée et qui doivent permettre d’en accueillir entre 7 000 et 8 000 après l’opération de démantèlement, sont financées à 100 % par l’État. Les CAO ne font l’objet d’aucune contribution des collectivités locales. On ne peut donc pas rapporter le chiffre que vous venez d’indiquer aux CAO.
Nous avons également indiqué dans le cadre d’une discussion avec l’Association des départements de France (ADF) que la prise en charge des mineurs isolés de Calais ferait l’objet d’un financement de l’État pour faire en sorte que celle-ci ne pèse pas sur les finances des départements.
Vous faites référence à un autre dispositif, qui concerne l’accueil dans des villes, dans des logements relevant du droit commun, de personnes ayant déjà le statut de réfugié. Un certain nombre de collectivités, notamment rurales, ont souhaité pouvoir accueillir des familles afin d’augmenter leur population et, éventuellement, de repeupler leurs écoles. C’est dans ce cadre-là que sont attribués, en fonction du nombre de migrants localisés dans les villes, ces 1 000 euros. La somme correspondante est inscrite au budget du ministère : 15 millions d’euros en 2015, 19 millions en 2017. Les choses sont donc très claires : il faut distinguer les CAO, que l’État finance à 100 %, de l’accueil des réfugiés dans les communes, qui donne lieu à cette aide pour permettre la sortie des CAO de ceux qui ont obtenu le statut de réfugié. Je redis en effet ce que j’ai dit aux membres de votre groupe : 85 % à 90 % de ceux qui sont à Calais relèvent du statut de réfugié, et 90 % de ceux qui vont en CAO accèdent à l’asile.
Je pense avoir ainsi répondu également à la question de M. Pueyo.
Madame Mazetier, nous menons naturellement une politique de rayonnement dans le cadre de la politique migratoire. Tout ce que nous faisons, y compris à travers l’opération que nous essayons de réussir à Calais, est de nature à montrer ce qu’est notre pays ; les dispositifs prévus expriment les valeurs auxquelles notre pays est attaché. En outre, nous avons mis en place des politiques d’accueil des talents internationaux et des étudiants étrangers. La loi du 7 mars 2016 a modifié les règles : création d’un titre de séjour pluriannuel, généralisation du titre de séjour pluriannuel pour les étudiants, suivi sanitaire préventif. Des lignes sont prévues dans ce budget pour permettre de mettre cette politique en œuvre. Nous avons revu la circulaire prise par Claude Guéant sur l’accueil des étudiants. La meilleure manière d’obtenir des étudiants, une fois qu’ils ont quitté notre pays, qu’ils contribuent à donner une image positive de la France, n’est pas de leur fermer la porte, mais de leur permettre de faire des études et de développer ensuite des relations économiques et culturelles. Un pays qui se ferme aux étudiants étrangers est un pays qui se coupe de tous les échanges culturels, de toutes les opportunités de développement économique et de la promotion de sa langue, ce qui est fondamental pour assurer sa puissance.
Madame Karamanli, la loi du 7 mars 2016 concentre l’effort sur les primo-arrivants, tirant ainsi les conséquences que constat que vous avez fait et que nous partageons.
L’efficacité de la politique d’accompagnement est mesurée par les préfets, qui sont au plus près du terrain. Ils transmettent au ministre l’ensemble des éléments dont ils disposent pour lui permettre d’adapter constamment les moyens aux objectifs que nous poursuivons.
L’immigration irrégulière à Mayotte est un sujet absolument fondamental pour moi, monsieur Lebreton, pour des raisons qui tiennent aux conséquences de cette immigration sur la société mahoraise, avec toutes les difficultés qui peuvent s’y attacher et qui peuvent poser des problèmes d’ordre public très sérieux. La réponse de l’État prend plusieurs formes : d’abord, l’augmentation du nombre des interpellations, sur la base desquelles nous procédons à des reconduites : 17 400 interpellations d’étrangers en situation irrégulière ont eu lieu à Mayotte en 2015, et 13 982 mesures de reconduite ont été exécutées. Nous essayons également d’augmenter les moyens de nos services – un nouveau centre de rétention, une consolidation des moyens de la police aux frontières – parallèlement à des négociations avec l’Union des Comores. Enfin, la loi du 7 mars 2016 a modifié sur plusieurs points la procédure contentieuse applicable outre-mer aux décisions portant obligation de quitter le territoire, notamment : a notamment été modifié le séquençage des interventions respectives du juge des libertés et de la détention et du juge administratif pour faciliter les reconduites.
M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie, monsieur le ministre.
La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures vingt-cinq.