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Projet de loi de finances pour 2017
Texte du projet de loi – n° 4061
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2017 –
CRÉDITS ET DÉCOUVERTS
Il est ouvert aux ministres, pour 2017, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement aux montants de 445 753 188 110 € et de 427 353 472 700 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
ÉTAT B
(Article 29 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme,
des crédits du budget général
Budget général
(en euros) | ||
Mission/Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Défense |
42 244 820 484 |
40 591 614 826 |
Environnement et prospective de la politique de défense |
1 531 765 442 |
1 335 942 898 |
Préparation et emploi des forces |
8 371 703 089 |
7 297 008 947 |
Soutien de la politique de la défense |
22 201 103 004 |
21 907 291 167 |
dont titre 2 |
19 761 933 938 |
19 761 933 938 |
Équipement des forces |
10 140 248 949 |
10 051 371 814 |
Amendement n° 423 présenté par M. Viala, M. Abad, M. Aboud, M. Hetzel, M. Warsmann, M. Reiss, M. Couve, M. Lazaro, M. Jean-Pierre Vigier, Mme Zimmermann, M. Teissier, M. Vitel, M. Morel-A-L'Huissier, M. Lurton, Mme Duby-Muller, M. Ledoux et M. Aubert.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense |
0 |
0 |
Préparation et emploi des forces |
200 000 000 |
0 |
Soutien de la politique de la défense |
0 |
900 000 000 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Équipement des forces |
700 000 000 |
0 |
TOTAUX |
900 000 000 |
900 000 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 424 présenté par M. de La Verpillière, M. Abad, Mme Marianne Dubois, Mme Genevard et M. Le Mèner.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense |
0 |
0 |
Préparation et emploi des forces |
0 |
200 000 000 |
Soutien de la politique de la défense |
200 000 000 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Équipement des forces |
0 |
0 |
TOTAUX |
200 000 000 |
200 000 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 425 présenté par M. Candelier, M. Asensi, M. Azerot, Mme Bello, M. Bocquet, Mme Buffet, M. Carvalho, M. Charroux, M. Chassaigne, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Marie-Jeanne, M. Nilor, M. Sansu et M. Serville.
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense |
72 000 000 |
0 |
Préparation et emploi des forces |
0 |
0 |
Soutien de la politique de la défense |
0 |
0 |
Dont titre 2 |
0 |
0 |
Équipement des forces |
0 |
72 000 000 |
TOTAUX |
72 000 000 |
72 000 000 |
SOLDE |
0 |
Amendement n° 426 présenté par M. Candelier, M. Asensi, M. Azerot, Mme Bello, M. Bocquet, Mme Buffet, M. Carvalho, M. Charroux, M. Chassaigne, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Marie-Jeanne, M. Nilor, M. Sansu et M. Serville.
Après l'article 55, insérer l'article suivant :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport à propos de l’opportunité de basculer une partie des crédits alloués à la dissuasion nucléaire pour les transférer sur l’acquisition de matériel neuf et en parfait état de fonctionnement, pour faire face à l’usure avancée du matériel actuel.
Amendement n° 427 présenté par M. Candelier, M. Asensi, M. Azerot, Mme Bello, M. Bocquet, Mme Buffet, M. Carvalho, M. Charroux, M. Chassaigne, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Marie-Jeanne, M. Nilor, M. Sansu, M. Serville et M. Falorni.
Après l'article 55, insérer l'article suivant :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport à propos de la nécessité de se doter d’un remorqueur de haute mer supplémentaire en retirant les crédits correspondants sur le budget de la dissuasion nucléaire.
Amendement n° 428 présenté par M. Candelier, M. Asensi, M. Azerot, Mme Bello, M. Bocquet, Mme Buffet, M. Carvalho, M. Charroux, M. Chassaigne, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Marie-Jeanne, M. Nilor, M. Sansu et M. Serville.
Après l'article 55, insérer l'article suivant :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport à propos de l'opportunité de basculer des fonds alloués à la dissuasion nucléaire pour permettre à la France d'acquérir des hélicoptères qui permettront de renforcer la surveillance de ses zones maritimes.
Amendement n° 429 présenté par M. Candelier, M. Asensi, M. Azerot, Mme Bello, M. Bocquet, Mme Buffet, M. Carvalho, M. Charroux, M. Chassaigne, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Marie-Jeanne, M. Nilor, M. Sansu et M. Serville.
Après l'article 55, insérer l'article suivant :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport à propos de la nécessité de transférer une partie du budget alloué au nucléaire pour que les montants correspondants servent à acquérir une nouvelle frégate, afin que la marine nationale puisse assurer l’ensemble de ses missions.
ÉTAT B
(Article 29 du projet de loi)
Répartition, par mission et programme,
des crédits du budget général
Budget général
(en euros) | ||
Mission/Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits |
Aide publique au développement |
3 840 318 848 |
2 639 303 414 |
Aide économique et financière au développement |
2 164 510 357 |
987 957 002 |
Solidarité à l’égard des pays en développement |
1 675 808 491 |
1 651 346 412 |
dont titre 2 |
184 499 624 |
184 499 624 |
Amendement n° 277 présenté par Mme Coutelle, Mme Lacuey, Mme Olivier, Mme Orphé, Mme Imbert, Mme Massonneau, Mme Gueugneau, Mme Battistel, Mme Lignières-Cassou, Mme Romagnan, M. Rouillard, Mme Martinel et Mme Le Dissez.
Après l'article 52, insérer l'article suivant :
Le I de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 est ainsi modifié :
1° Au c, après le mot : « secteurs », sont insérés les mots : « , par public atteint, en particulier les femmes » ;
2° Après le même c, est inséré un cbis ainsi rédigé :
« c bis) De l’effort français d’aide publique au développement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et de l’autonomisation des femmes, et de la prise en compte du genre, pour au moins 50 % des projets et programmes financés, à travers le marqueur genre du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques ; » ;
3° Au trente-deuxième alinéa, les mots : « et sectorielle », sont remplacés par les mots : « , sectorielle, et par public atteint, en particulier les femmes ».
Amendement n° 302 présenté par M. Tétart, Mme Duby-Muller, M. Hetzel, M. Myard, M. Dive, Mme Zimmermann, M. Ledoux, M. Aboud, M. Daubresse, M. Morel-A-L'Huissier, M. Vitel, M. Sermier, M. Reiss, M. Mariani, M. Philippe Armand Martin, M. Censi, M. Mathis, M. Gosselin, M. Abad, M. de Ganay et M. Bouchet.
Après l'article 52, insérer l'article suivant :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard cinq mois après la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur l’évolution de la composition du budget de l’Aide publique au développement, sa répartition et son utilisation.
Amendement n° 303 présenté par M. Tétart, Mme Duby-Muller, M. Hetzel, M. Myard, M. Dive, Mme Zimmermann, M. Ledoux, M. Aboud, M. Daubresse, M. Morel-A-L'Huissier, M. Vitel, M. Sermier, M. Reiss, M. Mariani, M. Philippe Armand Martin, M. Censi, M. Mathis, M. Gosselin, M. Abad, M. de Ganay et M. Bouchet.
Après l'article 52, insérer l'article suivant :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard cinq mois après la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur l’affectation et l’utilisation du fonds de solidarité pour le développement sur la période 2012-2016.
Amendement n° 456 présenté par M. Jacob, M. Tétart et M. Censi.
Après l'article 52, insérer l'article suivant :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard cinq mois après la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur l’évolution de la contribution de la France au budget d’Unitaid.
Compte rendu de la commission élargie du mercredi 2 novembre 2016
(Application de l’article 120 du Règlement)
Défense
La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures dix sous la présidence de M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale, et de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères.
M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre de la défense, nous sommes très heureux de vous accueillir, avec Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, et Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères.
Nous sommes réunis en commission élargie afin d’examiner les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Défense », qui, le fait est rare, sont en augmentation, tout comme ceux de l’éducation nationale.
Je rappelle les règles de nos commissions élargies.
Nous donnerons d’abord la parole aux neuf rapporteurs de nos trois commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes chacun. Vous pourrez alors intervenir, monsieur le ministre, pour leur répondre. Les orateurs des groupes s’exprimeront ensuite, pour cinq minutes chacun, suivis de tous ceux qui souhaiteront intervenir leur intervention étant limitée à deux minutes.
Mme la présidente Patricia Adam. Ce dernier budget de la législature est en augmentation et conforme aux engagements pris par le Gouvernement et le ministre de la défense, durant ces cinq années, en termes tant d’exécutions budgétaires que de respect de la loi de programmation militaire.
Les auditions auxquelles nous avons pu procéder de l’ensemble des décideurs et responsables du ministère de la défense ont montré l’utilité de l’augmentation de ce budget, compte tenu du dépassement très important des contrats opérationnels des armées, mais également, par voie de conséquence, de l’usure du matériel, sans oublier les moyens humains, tout cela ayant aussi des conséquences sur les hommes et les femmes du ministère de la défense et leurs familles.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Monsieur le ministre, je tiens moi aussi à souligner la hausse de votre budget, ce qui n’est pas si fréquent, et à vous remercier de l’assiduité dont vous faites preuve aux réunions de la commission des affaires étrangères.
Cet effort va-t-il être poursuivi dans les années à venir ? Lors de la dernière conférence des ambassadeurs, le Président de la République a proposé, compte tenu de la situation de nos comptes publics, encore préoccupante malgré nos efforts et les améliorations qui ont été apportées, la création d’un fonds européen de sécurité et de défense qui permettrait de mutualiser une partie des efforts de défense des pays de l’Union européenne.
Vous-même êtes intervenu à plusieurs reprises, monsieur le ministre, sur ce sujet. Pourrez-vous me dire tout à l’heure si la perspective de créer ce fonds à une échéance pas trop lointaine est sérieuse ou non ?
M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le programme « Préparation de l’avenir ». Monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a deux façons de regarder ce dernier budget de la défense du quinquennat.
La première en écrivant une belle histoire : on raconte alors que vous avez obtenu quelques beaux succès à l’export, que vous avez mis fin à l’incertitude des recettes exceptionnelles, que vous avez également stoppé la déflation des effectifs, enfin, que vous avez obtenu une nouvelle loi de programmation militaire (LPM) ambitieuse et conforté le budget avec 600 millions d’euros supplémentaires. Tout cela n’est pas faux, mais témoigne d’une version très édulcorée, voire hagiographique, de la réalité.
En effet, ce tableau ne tient que si l’on considère que l’essentiel de l’effort est passé, les difficultés gérées, voire maîtrisées, et que les armées sont désormais sur des rails solides.
Or il n’en est rien. Tout indique, au contraire, qu’un mur de difficultés est devant nous. Car si nous considérons votre budget, sans aucun catastrophisme, mais tel que l’avenir se présente à nous, une vision beaucoup plus préoccupante s’impose. L’urgence et la préparation de l’avenir demanderaient, en effet, la mobilisation de tous pour surmonter des fragilités grandissantes et, à ce jour, sans remède.
Pourtant, alors qu’il faudrait créer les conditions d’un débat responsable pour évaluer ces risques et envisager des solutions, votre ministère semble désormais placer toute son énergie à construire un bilan flatteur.
Quelle est la dure situation à laquelle nous sommes confrontés ?
Il est possible de résumer très simplement les choses : alors que l’objectif principal d’une loi de programmation militaire est de préserver, voire de renforcer les équipements, la dégradation dans ce domaine semble désormais s’accélérer à un rythme angoissant.
Je dois reconnaître que vous semblez vous-même prendre acte de cette situation puisque vous avez récemment dénoncé la faible performance du maintien en condition opérationnelle (MCO). Soit. Mais avouez que l’on est en droit d’attendre des décisions de la part d’un ministre en place depuis cinq ans… Et l’aimable invitation faite à votre successeur d’augmenter le budget n’est-elle pas un peu courte ?
Permettez-moi de souligner l’impasse actuelle en me limitant à quelques exemples.
En 2015, plus d’un tiers des équipements attendus n’ont pas été livrés. Il s’agit du taux de réalisation le plus faible depuis 2008, confirmant une baisse continue depuis 2012. En clair, les forces ne réceptionnent pas les nouveaux équipements pourtant promis pour remplacer des matériels à bout de souffle.
Ces matériels âgés, pour certains, de plusieurs décennies, sont arrivés à la fameuse rupture capacitaire annoncée depuis dix ans. Cela explique certainement pourquoi vos services n’ont pas voulu rendre publics les taux de disponibilité de certains matériels, pourtant publiés les années passées.
Dans ce contexte, les chefs d’état-major unanimes demandent l’accélération du renouvellement de leur matériel. La question est maintenant de savoir comment combler le retard accumulé et répondre à cette nouvelle demande pressante. Mais il est à craindre que nos fantassins continuent à user jusqu’à la corde les bons vieux véhicules de l’avant blindés (VAB), qui viennent de fêter leurs quarante ans.
En outre, lorsque les nouveaux équipements arrivent, ceux-ci montrent d’inquiétants signes de faiblesse. J’en veux pour preuve les hélicoptères Tigre, qui affichaient une disponibilité inférieure à 20 % en 2014. En 2015, le chiffre est subitement classifié…
Dois-je enfin évoquer l’A400M, sur lequel votre silence est assourdissant ? Peut-on encore se taire lorsqu’on sait qu’à l’heure actuelle, seul un appareil sur dix est en état de voler ? Depuis 2012, nous sommes dans un épais brouillard. Nous ne savons toujours pas quand l’avion volera à pleine capacité ni à quel coût.
Pour pallier cette rupture capacitaire, la Direction générale de l’armement (DGA) est contrainte d’acquérir des C-130 chez nos concurrents américains. Plus grave encore, dans l’urgence, nos armées en sont réduites à faire appel à des affréteurs russes ou ukrainiens. Chacun peut mesurer ici le degré de notre autonomie stratégique.
Au total, un énorme malentendu s’est installé. Sollicitées de toutes parts, les armées bénéficient à juste titre du soutien de l’opinion publique. Mais chacun pense que les militaires disposent dans la durée de tous les moyens humains, techniques et budgétaires nécessaires. Or, vous le savez, nous sommes bien loin du compte.
Pis encore, sans même tenir compte des sérieuses menaces qui pèsent sur la fin de gestion 2016, jamais la situation de la défense n’a été rendue aussi critique par l’effet conjugué de trois éléments : la dérive du titre II et du fonctionnement, la rupture des équipements et le défi du renouvellement nucléaire qui se profile.
En cette période électorale, on assiste à une fuite en avant à coups de promesses, mais également de crédits supplémentaires lâchés au plus juste. C’est très sympathique, mais cela n’engage pas à grand-chose. Ainsi, les rallonges budgétaires arrivent comme autrefois le rabot : au hasard et sans cap.
La vérité, c’est que nous sommes aujourd’hui engagés à pleine vitesse dans la même et dangereuse spirale que les Anglais après l’Irak. Ce qu’il nous faut, c’est un diagnostic et une stratégie pour gagner dans la durée la bataille budgétaire et capacitaire.
Monsieur le ministre, pourquoi esquivez-vous ce débat ?
M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le programme « Budget opérationnel de la défense ». Après avoir entendu ce propos introductif, je voudrais simplement rappeler que l’augmentation des moyens consacrés à notre défense, la croissance de nos succès à l’exportation, mais aussi nos réussites militaires sur le terrain, monsieur Cornut-Gentille, ne sont pas une « belle histoire », comme vous le dites : c’est l’histoire. Je rappelle que nous parlons, ce soir, après le tableau que vous venez de dresser, d’un budget en hausse. Si nous nous en tenions à l’écume de vos propos, nous pourrions nous inquiéter du sort réservé à la défense dans ce PLF 2017…
D’un montant total de 32,67 milliards d’euros, en augmentation de 600 millions d’euros par rapport à 2016, le budget de la défense pour 2017 se situe au-delà de la trajectoire financière prévue par la loi de programmation militaire actualisée.
Il prend acte de la décision du Président de la République, confirmée par le Conseil de défense d’avril 2016, de mettre fin aux déflations d’effectifs et de renforcer les capacités de nos armées, qui sont aujourd’hui engagées sur de multiples théâtres d’opération, extérieurs comme intérieurs. Ce sont ainsi près de 400 postes qui seront créés en 2017, en plus des 2 600 emplois effectifs sauvegardés.
Je voudrais souligner que cet effort sur les effectifs s’accompagne, cette année, d’un effort pour la revalorisation de la rémunération des militaires. Cet effort s’opère d’abord à travers des mesures catégorielles, telles que la création d’une indemnité d’absence cumulée, le doublement de l’indemnité pour sujétion d’alerte opérationnelle ou l’extension de cette indemnité aux militaires exerçant des missions intérieures de sécurité et de protection. Il passe également par des mesures générales, qui concernent l’ensemble de la fonction publique, comme la revalorisation du point d’indice. Au final, ce sont près de 305 millions d’euros qui seront consacrés en 2017 à l’amélioration de la condition des personnels du ministère de la défense. Il ne s’agit pas de cadeaux, mais d’une mobilisation parfaitement légitime au regard de l’engagement des femmes et des hommes de la défense.
Ces mesures sont, en outre, complétées par les dispositions visant à l’amélioration des conditions de vie des militaires, notamment grâce aux effets du plan d’urgence pour l’amélioration des infrastructures de vie, qui a d’ores et déjà atteint près de 80 % de ses objectifs.
Je voudrais toutefois insister sur la problématique du recrutement et de la fidélisation des personnels des microfilières techniques. Les besoins sont conséquents en matière de spécialistes, que ce soit pour la maintenance des hélicoptères ou du matériel aéronautique dans son ensemble, mais aussi plus largement pour certaines capacités opérationnelles telles que le recrutement d’analystes d’images satellitaires. Certains manques se font aujourd’hui sentir et risquent de s’aggraver, en raison notamment d’une forte concurrence avec le secteur privé.
À cet égard, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si le ministère de la défense dispose d’une stratégie pour faire face à ce défi des microfilières ? Pourriez-vous, en particulier, nous indiquer quels seront les axes de travail du prochain Conseil supérieur de la fonction militaire ? Quelles perspectives, en termes de valorisation, pourraient s’offrir au statut et aux métiers des ouvriers d’État ?
J’en viens maintenant à deux questions qui échappent au strict cadre budgétaire, mais qui ont un impact certain en matière de financement et d’emploi de nos forces armées.
La première porte sur la rupture des négociations par la Pologne, concernant la vente de cinquante hélicoptères de transport Caracal, fabriqués par Airbus Helicopters, pour un montant de plus de 3 milliards d’euros, alors même que cet appareil semblait convenir aux besoins des armées polonaises et que l’industriel avait offert de nombreuses contreparties en termes d’emploi et de transfert technologique. Ce n’est pas la première fois que la Pologne préfère s’en remettre à des industriels extracommunautaires. Dans ces conditions, il est difficile de construire une Europe de la défense fondée sur la coopération. Quelle sera l’attitude de la France face à la Pologne, suite à cette décision dont le caractère politique ne fait aucun doute ?
Je compléterai cette question par une considération plus générale, relative aux exportations d’armement. Celles-ci ont atteint un record en 2015 – là encore, ce n’est pas la belle histoire, mais l’histoire –, grâce à votre action résolue, monsieur le ministre, et nous nous en réjouissons. Cela permet à notre base industrielle et technologique, en matière de défense, de consolider son activité, son savoir-faire et ses emplois.
Toutefois, ces succès commerciaux impliquent un fort accompagnement de la part de nos forces armées. Pour l’armée de l’air, c’est près d’un huitième des effectifs des escadrons de chasse qui est mobilisé pour le soutien à l’exportation (SOUTEX). Dans ce contexte, comment les armées peuvent-elles être mieux préparées pour cette mission d’accompagnement, qui prend de l’ampleur ? Vous semblerait-il nécessaire d’étudier la mise en place d’un service spécifiquement dédié au SOUTEX ?
Je terminerai mon intervention en faisant le constat, largement partagé, du retour des États puissants sur la scène internationale. Il en est ainsi, par exemple, de la Russie, dont sous-marins et bombardiers multiplient les approches de nos espaces maritimes et aériens. L’activité militaire russe a notamment conduit la France à prendre, avec ses partenaires européens, des mesures de réassurance, notamment au profit de la Pologne – qui nous le rend bien ! – et des États baltes. Elle a également conduit au déploiement de quatre avions de chasse en Lituanie dans des missions de surveillance de l’espace aérien et au déploiement prochain d’une compagnie de 150 hommes.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur l’engagement de la France et de ses forces armées dans ce dispositif dit de réassurance face à l’Est, et nous préciser dans quelle mesure il pèse sur nos capacités opérationnelles ?
Mme Isabelle Bruneau, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le programme « Environnement et prospective de la politique de défense ». Le budget que j’ai le plaisir de vous présenter aujourd’hui est celui de l’environnement et de la prospective de la politique de défense, le programme 144. Ces concepts très généraux recouvrent trois actions, au poids budgétaire inégal : le renseignement, la prospective de défense, dont les études amont, et les relations internationales.
À l’aune du budget global de la défense, ce programme est tout petit puisqu’il représente 1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,3 milliard d’euros en crédits de paiement, respectivement en hausse de 18 et 3,5 % dans le projet de loi de finances 2017. Ce budget, dont le cœur est la préparation de l’avenir, est toutefois directement en prise avec le présent.
En effet, nous vivons une période troublée, dans laquelle la limite entre l’ennemi extérieur et l’ennemi intérieur est de plus en plus floue, comme en témoignent les terribles attentats qui se sont déroulés dans notre pays en 2015 et en 2016. C’est la raison pour laquelle des décisions majeures ont été prises en faveur du renseignement, notamment à la suite du Conseil de défense du 6 avril dernier, pour satisfaire de nouvelles exigences capacitaires.
La Direction générale de la sécurité extérieure et la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense, l’ancienne Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), voient toutes deux leurs crédits augmenter pour soutenir leur modernisation technologique. Les dépenses d’investissement, relevant du titre V, sont d’ailleurs celles qui connaissent le plus fort taux de progression du programme, soit une hausse de 45 % en autorisations d’engagement.
Pour ce qui relève de l’avenir à long terme, je tiens à saluer, monsieur le ministre, tout à la fois la clairvoyance et la constance dont vous avez fait preuve en maintenant les crédits d’études amont à la moyenne annuelle de 730 millions d’euros. Car grande est la tentation de chercher dans la préparation de l’avenir des rustines pour le présent, à destination de secteurs qui manquent aujourd’hui de moyens. Vous n’y avez pas cédé, monsieur le ministre ; les générations futures vous en sauront gré. Je crains toutefois qu’il ne faille aller, demain, encore plus loin et tendre vers le milliard d’euros.
Les récents succès français en matière d’exportation d’armement viennent conforter cette détermination, puisqu’ils sont le fruit de décisions prises des décennies auparavant et d’études au long cours. Cela me conduit à évoquer deux instituts de recherche de défense bénéficiaires de subventions issues de ce budget.
L’Institut de recherches franco-allemand de Saint-Louis, tout d’abord, est un institut binational qui se consacre à l’armement terrestre et aux équipements de sécurité. Je tiens à saluer les recherches effectuées dans ce secteur discret, dont les résultats sont moins visibles que dans l’aéronautique, mais qui participent tous les jours à l’efficacité opérationnelle et à la sécurité de nos soldats. Ainsi, les protections auditives mises au point par l’Institut Saint-Louis équipent de nombreuses armées de par le monde. L’Institut travaille également au canon électromagnétique, qui sera peut-être l’une des ruptures technologiques majeures de demain, au blindage léger, ou encore au laser de haute puissance à sécurité oculaire.
Or la subvention, versée à parité par la France et l’Allemagne, est stable depuis 2008. Pourriez-vous me dire, monsieur le ministre, ce que vous envisagez, avec votre homologue allemande, pour revaloriser cette subvention ?
Ma deuxième remarque a trait l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA). À la suite du travail que j’ai effectué l’année dernière sur cet office, j’ai souhaité faire un point d’étape sur sa situation.
D’abord, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir mis à disposition en urgence le financement de 20 millions d’euros indispensable pour sauver de l’effondrement la grande soufflerie stratégique de Modane.
L’ONERA a traversé une crise importante, mais se trouve aujourd’hui dans une dynamique positive, qu’il convient de soutenir. Mais les efforts demandés me semblent lourds, notamment en ce qui concerne les réductions de personnel, le montant de la subvention – qui est de 105 millions d’euros, alors qu’elle était de 123 millions en 2007 – et l’étendue des missions qui, elles, n’ont pas baissé. Une réorganisation interne va intervenir début 2017. Il est primordial qu’elle remporte l’adhésion du personnel.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, me rassurer quant au soutien qui sera apporté à l’ONERA sur le long terme, notamment pour les grandes opérations à venir que sont la mise à niveau du parc de souffleries et le regroupement des implantations franciliennes ?
Une autre de mes préoccupations concerne nos relations avec le Royaume-Uni, notre principal partenaire en matière de défense.
Cette année a vu la fin des études de faisabilité menées en coopération pour le futur drone de combat. Quelles assurances avez-vous, monsieur le ministre, quant à la poursuite de ce programme et quelles en sont les prochaines étapes ?
Par ailleurs, la contribution de la France au budget de l’Agence européenne de défense (AED) relève de ce programme. La sortie prochaine du Royaume-Uni de l’Union européenne devrait entraîner sa sortie de l’AED, à laquelle il pourrait toutefois rester associé en tant qu’État tiers, sans droit de vote, ce qui paraît assez peu vraisemblable. Le montant de la contribution des pays membres sera-t-il, à votre avis, réévalué en conséquence et dans quelle proportion ?
Enfin, pour ce programme, comme pour d’autres, le report de charges ne cesse de s’alourdir, année après année, risquant de compromettre les objectifs poursuivis, qui sont conditionnés au bon déroulement de l’exercice 2016. Si la réserve de précaution de 90 millions d’euros pesant sur les ressources de ce programme n’est pas levée, le report de charges atteindrait 268 millions d’euros en 2017. Que pouvez-vous faire, monsieur le ministre, afin d’éviter que ce report ne devienne insoutenable ?
M. Charles de La Verpillière, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le programme « Soutien et logistique interarmées ». Je voudrais mettre en évidence deux limites importantes de ce projet de budget 2017.
La première concerne la prise en charge interministérielle des surcoûts des opérations intérieures.
Le prolongement de l’opération Sentinelle suscite depuis 2015 des besoins de financement croissants. Ces besoins ne sont pas fidèlement pris en compte dans le budget, ce qui pose la question, d’une part, de la sincérité de l’autorisation que nous donnons, nous, parlementaires, et, d’autre part, des risques qui pèsent sur le financement des autres programmes sous votre responsabilité, monsieur le ministre.
Qu’on en juge : en 2015, les surcoûts liés à l’opération Sentinelle se sont élevés à 176,1 millions d’euros. En juillet 2016, avant même les événements tragiques de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray, vos services les ont évalués à 157 millions d’euros. Pourtant, en 2017, comme en 2016, la provision prévue en loi de finances au titre des opérations intérieures (OPINT) s’élève seulement à 26 millions d’euros.
Au cours des prochaines semaines, la prise en charge interministérielle des inévitables dépassements fera donc l’objet d’une négociation avant l’arbitrage du Premier ministre. Or cette négociation commence sur de très mauvaises bases, pour trois raisons.
Premièrement, contrairement à une pratique désormais admise pour les opérations extérieures (OPEX), la prise en charge interministérielle de ces surcoûts n’est pas garantie. Grâce à un amendement de nos collègues sénateurs, la loi de programmation militaire actualisée prévoit seulement que les surcoûts nets liés aux missions intérieures « peuvent faire l’objet d’un financement interministériel ».
Deuxièmement, si, dans le langage courant, les opérations intérieures tendent à désigner les missions ponctuelles de protection du territoire, que nous avons fortement amplifiées depuis 2015, il n’en existe aucune définition législative ou réglementaire qui permettrait de les distinguer des autres missions intérieures permanentes ou récurrentes.
Troisièmement, faute de définition, le périmètre des dépenses supplémentaires à prendre en charge fait débat entre votre ministère et Bercy. La direction du budget estime qu’une partie des surcoûts OPINT est déjà compensée par des redéploiements de crédits au sein de la mission « Défense » et que certaines dépenses auraient de toute façon dû être consenties, même en l’absence d’opérations intérieures. Une mission conjointe a été confiée, en mai 2016, à l’Inspection générale des finances et au Contrôle général des armées, pour élaborer une méthodologie partagée. Selon mes informations, son rapport était attendu pour le 20 octobre 2016.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer à combien vos services évaluent les surcoûts de l’opération Sentinelle pour 2016 ? Les travaux de l’Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées ont-ils abouti à une méthode de calcul partagée ? Les surcoûts seront-ils intégralement pris en charge au niveau interministériel ? Ce financement sera-t-il obtenu au détriment d’autres missions ou programmes ? Pourquoi n’avoir pas permis l’inscription dans la loi d’un principe de prise en charge systématique des surcoûts de certaines missions intérieures ? Enfin, pourquoi une provision si faible au titre des opérations intérieures dans le projet de loi de finances pour 2017 ?
J’en viens à la deuxième limite que je voudrais pointer : elle concerne les risques pesant sur les opérations d’infrastructures en 2017.
Certes, les crédits budgétaires en faveur des infrastructures sont en hausse dans votre projet de budget, ce qui mérite d’être salué. Mais leur financement – c’est le talon d’Achille – repose pour plus de 200 millions d’euros sur des recettes exceptionnelles. Il faudrait même réaliser 300 millions de recettes, d’après le Secrétariat général des armées, compte tenu des problèmes de trésorerie sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
D’où proviendront ces recettes ? D’après vos services, elles seront issues de la cession d’emprises parisiennes : l’îlot Saint-Germain et l’Hôtel de l’Artillerie, place Saint-Thomas-d’Aquin. Mais il faudrait impérativement les céder en 2017 et à un prix satisfaisant. Or plusieurs annonces récentes du Premier ministre nous permettent d’en douter. Il y a d’abord eu l’annonce de la préemption de 14 000 mètres carrés de l’Îlot Saint-Germain par la Ville de Paris pour la construction de logements sociaux. Il va y avoir inévitablement une décote de cette partie du terrain, mais aussi peut-être du reste du tènement. Quant à l’Hôtel de l’Artillerie, il est promis, nous dit-on, pour 87 millions d’euros à la Fondation nationale des sciences politiques, ce qui semble en deçà de l’évaluation réalisée par France Domaine.
En outre, ces cessions, si elles se réalisent, se feront au détriment de l’efficacité opérationnelle des militaires chargés des OPINT puisqu’ils seront désormais basés en dehors de Paris, ce qui allongera leur temps de déplacement.
Au vu de ces éléments, monsieur le ministre, est-il bien raisonnable, en tout cas pour 2017, de maintenir vos projets de cessions et de conserver un tel niveau de recettes exceptionnelles ? Si les produits des cessions escomptés n’étaient pas au rendez-vous, à quels travaux renonceriez-vous ?
M. François Lamy, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le programme « Préparation et emploi des Forces terrestres ». Les crédits de l’armée de terre pour 2017 sont conformes aux orientations de la programmation militaire. Ils ont été revus à la hausse en Conseil de défense, le 6 avril dernier, et répondent aux besoins actuels de l’armée de terre. Je ne vais donc pas entretenir un long suspense : je vous recommanderai, mes chers collègues, de les voter.
Si l’on analyse le budget opérationnel de l’armée de terre, plus les dépenses de personnel qui s’y rapportent, ces crédits sont en hausse de 10,2 %. Ce budget permet de financer l’accroissement des effectifs de la force opérationnelle terrestre, tel que nous l’avons voté, les effectifs supplémentaires ressortant des décisions du Conseil de défense, ainsi que des renforts dans les domaines du renseignement, de la protection des sites sensibles, des moyens de commandement et des capacités de maintenance.
Je note toutefois que les objectifs de préparation opérationnelle des soldats ne seront toujours pas atteints. Je vous le disais déjà l’an dernier, monsieur le ministre : la préparation opérationnelle aura été la variable d’ajustement de l’armée de terre, face à la suractivité liée à l’opération Sentinelle. Les choses, certes, s’améliorent un peu avec la hausse progressive des effectifs.
Elles pourraient encore s’améliorer si l’opération Sentinelle évoluait plus rapidement. Nous avons débattu d’une révision de la doctrine au printemps dernier, et il est vrai que la force est déployée de façon un peu moins statique qu’avant. Néanmoins, à mes yeux, on reste encore largement dans le schéma « Vigipirate puissance 10 ». Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous puissiez nous dire comment, et pour quand, vous imaginez le « Sentinelle de demain », c’est-à-dire un emploi des militaires qui permette de dégager des effectifs pour des missions moins permanentes et relevant davantage de leurs compétences, comme le contrôle de zone aux frontières, ou encore la sécurisation de grands événements.
J’ai aussi, mes chers collègues, consacré une large part de mes travaux à étudier nos capacités d’aérocombat. Comme le disent aujourd’hui nos états-majors, sans hélicoptères, on ne fait plus d’opérations. Mais ces capacités critiques sont très bridées aujourd’hui par le très faible taux de disponibilité opérationnelle de nos hélicoptères, en moyenne de 38 %. De façon contre-intuitive, d’ailleurs, ce sont les hélicoptères les plus modernes qui sont le plus souvent cloués au sol… Et ce, au point que l’aviation légère de l’armée de terre ne réussit que très difficilement à entraîner ses pilotes. C’est un cercle vicieux : faute de voler à l’entraînement, on ne peut pas les engager en OPEX, et, de ce fait, ils volent de moins en moins et sont de moins en moins aptes à leurs futures missions.
Pourquoi cette situation ? J’ai le sentiment, monsieur le ministre, que ces défaillances tiennent moins au financement de la maintenance des hélicoptères qu’à son organisation.
En théorie, les choses sont claires : la maîtrise d’ouvrage est assurée par la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD), qui passe des contrats avec des maîtres d’œuvre privés, ou public, à savoir le service industriel de l’aéronautique (SIAé).
Mais, en pratique, cette mécanique ne fonctionne pas. Un seul chiffre : pour un hélicoptère Tigre, une visite périodique devrait durer 183 jours, ce qui est déjà très long, alors qu’elle dure en moyenne 383 jours !
Lorsqu’on cherche à démêler les responsabilités dans ces retards, chacun des acteurs a de solides reproches à adresser aux autres : les armées, la DGA, la SIMMAD, Airbus, le SIAé… Un plan d’action « hélicoptères » a paré au plus urgent, c’est-à-dire les OPEX, mais la situation reste mauvaise dans l’hexagone.
Monsieur le ministre, quelle appréciation portez-vous sur ce problème récurrent, et quelles sont, selon vous, les solutions ? Fondamentalement, un système qui partage la tâche entre industriel privé et industriel public est-il viable ? Personnellement, j’ai l’intuition qu’il faut choisir un maître d’œuvre unique, véritable chef de file, porteur de la responsabilité pleine et entière.
Enfin, cette analyse doit nous conduire à une grande prudence dans la définition du marché de l’hélicoptère interarmées léger (HIL). Il s’agit de remplacer six flottes par un appareil unique, et Airbus propose, avec une certaine insistance, son H160. Où doit-on placer le curseur entre, d’une part, l’idée de simplifier la maintenance en uniformisant les flottes et, d’autre part, les besoins spécifiques des armées ? Peut-on vraiment remplacer six modèles, allant de deux à sept tonnes, par un seul appareil ? Ou, ce qui reviendrait à la situation actuelle, par un seul appareil ayant plusieurs versions ?
Par ailleurs, n’y a-t-il pas un risque que les considérations d’un industriel, pour lequel, certes, nous avons beaucoup de sympathie, ne pèsent trop lourd dans le choix d’un appareil qui doit répondre aux besoins de nos armées pendant quarante ans ? Vous trouverez dans mon rapport, monsieur le ministre, quelques-unes de mes réponses, qui compléteront certainement les vôtres.
M. Gwendal Rouillard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le programme « Préparation et l’emploi des forces : Marine ». À l’issue de mes déplacements à Cherbourg, à Toulon, à Brest, et en OPEX, je souhaite réaffirmer certaines priorités et préoccupations pour la marine nationale.
S’agissant tout d’abord des frégates de taille intermédiaire, je salue la signature par le ministre de la défense du programme de cinq frégates de taille intermédiaire de la classe dite « Belharra ». Il s’agit d’un programme majeur. Je rappelle qu’il poursuit un double objectif consistant à permettre à la marine nationale d’atteindre l’objectif des quinze frégates de premier rang, tout en favorisant les exportations.
Pour ce qui concerne ensuite le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques, des « tensions » – c’est un euphémisme – persistent depuis quelque temps. Sur les ATL2, le constat est préoccupant, comme je l’ai constaté à Cuers, malgré l’implication des acteurs et des personnels. Le nombre d’avions est plus faible à la base opérationnelle de Lann-Bihoué qu’à Cuers-Pierrefeu, siège de l’AIA, où sont entrepris leur MCO et leur rénovation. Sur un parc théorique de vingt-deux appareils, près de la moitié de la flotte est en effet immobilisée à Cuers. La durée moyenne de visite a doublé, passant de dix-huit à plus de trente-six mois pour les dernières visites. Certaines améliorations ont eu lieu, notamment le changement de prestataire logistique, mais des difficultés significatives demeurent.
La situation des hélicoptères NH90 est également préoccupante. La marine compte actuellement dix-sept appareils, dont dix sont en entretien. Le dix-septième, pourtant récent, puisqu’il a été livré cette année par l’industriel NHIndustrie, ne peut pas voler en raison de problèmes mécaniques. Cela est totalement inacceptable s’agissant d’une machine neuve. Je pense qu’il faut remettre à plat le fonctionnement du consortium NHI, afin que puissent être traitées en priorité les demandes qui émanent des armées des pays les plus engagés.
Le système d’entretien avec visites programmées se révèle contraignant pour la disponibilité de nos aéronefs. Soyons réalistes : nous avons aujourd’hui un système MCO calibré « temps de paix » alors qu’il nous faut bâtir un système MCO « temps de guerre ». Ne pourrait-on pas passer, comme pour le Rafale, à une maintenance en continue, en fonction de l’état réel des aéronefs ? Est-ce envisageable dans les meilleurs délais ?
Je m’interroge aussi sur la « trame patrouilleurs ». La réduction du format de la flotte était explicitement anticipée dans le cadre de la LPM, mais la situation opérationnelle a changé. Outre-mer, le vieillissement des patrouilleurs et le retrait du service actif de plusieurs bâtiments ont conduit à une réduction temporaire de capacités actuellement de 30 %, et qui atteindra 60 % en 2021, et ce jusqu’en 2024. Sauf anticipation de BATSIMAR, le retour à la normale n’aura lieu qu’en 2027. Je réitère donc mon souhait de voir le programme BATSIMAR devenir une priorité absolue. Il faut en avancer le calendrier, afin de garantir des livraisons dès les premières années de la prochaine programmation.
Enfin, je souhaite évoquer le contre-terrorisme maritime, que la marine n’a d’ailleurs jamais perdu de vue, comme en témoignent les exercices Armor et Estérel régulièrement organisés sur nos différentes façades maritimes. J’ai assisté à un exercice du commando Hubert sur BPC dans le cadre d’un scénario de type « Bataclan sur mer » : j’ai été particulièrement impressionné par la réponse que la marine est en mesure d’apporter face à ce type de menace, avec un faible préavis et dans une situation tactique très dégradée. Nous devons garantir la montée en puissance de la force des fusiliers marins dans ce domaine. Elle suppose la participation à des entraînements spécialisés pour l’acquisition de compétences, comme l’aérocordage ou la progression sur un bâtiment. Elle nécessite aussi le renforcement des certaines capacités – les gilets pare-balles, par exemple. Les ressources doivent être adaptées.
Ces remarques m’amènent à appeler votre attention, monsieur le ministre, sur l’indispensable fidélisation des personnels. Entre les contraintes opérationnelles et les nouvelles aspirations des jeunes générations, je constate, comme vous-même, je le sais, nos difficultés à convaincre de plus en plus de militaires de rester durablement au sein de l’institution. Merci de nous éclairer sur les réflexions sur le sujet en cours au sein de votre ministère !
J’ai effectué, en quelques mois, une quinzaine de déplacements aux côtés la marine nationale, en métropole et en OPEX. J’ai rencontré des femmes et des hommes remarquables d’efficacité et je tiens une nouvelle fois à saluer leur engagement au service de notre patrie et de nos valeurs.
M. Christophe Guilloteau, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le programme « Préparation et emploi des forces : Air ». Nous constatons que les crédits inscrits en projet de loi de finances pour 2017 sont en cohérence avec les prescriptions de la loi de programmation militaire. Toutefois, l’intensité de l’activité opérationnelle qu’illustre l’accroissement du nombre des sorties aériennes et des frappes en Irak et en Syrie, couplé au maintien des missions traditionnelles de l’armée de l’air, invitent à la plus grande vigilance au moment d’examiner les crédits dédiés à cette armée au sein du programme 178.
En effet, le dépassement des contrats opérationnels est plus que jamais une réalité. L’intensité du rythme des OPEX est connue et reconnue : depuis septembre 2014, le niveau d’engagement est très supérieur aux hypothèses initiales.
Le nombre important des sites de déploiement, la rudesse des opérations et les distances à couvrir sur les théâtres suscitent aussi des contraintes importantes : les matériels et les personnels s’usent plus vite, les besoins de maintenance sont de plus en plus importants, les flux logistiques plus tendus.
Au-delà des conséquences induites par un engagement particulièrement intense, la disponibilité des aéronefs est également mise à mal par la montée en puissance des activités de soutien à l’export, le SOUTEX, qui tend de plus en plus à prendre la forme d’une mission opérationnelle à part entière.
Cette situation emporte plusieurs conséquences néfastes. Alors que les perspectives pour l’année 2017 ne sont pas rassurantes, puisque l’activité devrait augmenter de 14 % par rapport à 2016, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous adresser quelques questions.
La situation de suractivité et de surintensité pourrait-elle non seulement fragiliser la régénération organique de l’armée de l’air, mais aussi obérer à court terme la poursuite de l’effort de remontée d’activité globale ?
Selon vous, les activités liées au SOUTEX ne sont-elles pas trop paralysantes pour l’armée de l’air ? Au-delà des heures qui y sont consacrées, nous prêtons des matériels, comme les pods, dont nous manquons cruellement.
Le cas des Mirage 2000 me semble nécessiter une attention particulière : ils sont limités à 7 500 heures de vol pour une durée de vie programmée sur trente ans, alors qu’ils ont volé quasiment 1 000 heures par an dans le cadre de l’opération Chammal. Comment gérer leur épuisement accéléré ? Je suis au fait de la bascule entre Mirage et Rafale du Levant à l’Afrique, mais n’a-t-on pas déjà tué l’outil ?
M. François Cornut-Gentille a déjà évoqué l’avion de transport A400M. Peut-on vraiment garantir qu’il volera un jour sans faille ?
S’agissant des ravitailleurs en vol, le constat est toujours le même : avec quatorze KC-135, nous n’en avons pas assez.
Concernant les hélicoptères, la diversité des nombreux modèles composant la flotte est trop importante, ce qui crée des difficultés en termes de MCO. Où en sommes-nous du plan hélicoptères ?
Où en sommes-nous également du programme de formation modernisée et entraînement différencié des équipages de chasse (FOMEDEC) ? La prise de décision ne cesse d’être retardée, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’armée de l’air.
J’en viens au sujet auquel j’ai consacré la seconde partie de mon rapport : les frappes aériennes en Irak et en Syrie dans le cadre de l’opération Chammal.
Je me suis rendu, en juillet dernier, sur la base aérienne 104 d’Al-Dhafra, aux Émirats Arabes Unis, et sur la base aérienne projetée en Jordanie. Je tiens à remercier les femmes et les hommes qui s’y trouvent, et à saluer l’incroyable performance de l’armée de l’air française, engagée de manière particulièrement intense puisqu’elle est la deuxième contributrice de la coalition internationale en termes de bombes larguées. Les hommes et les femmes déployés dans le cadre de cette opération sont d’un professionnalisme sans égal, et font preuve d’un courage devant lequel il convient de s’incliner.
Pour des raisons évidentes, je n’entrerai pas ici dans les détails de l’activité de nos bases aériennes, mais je vous interrogerai, monsieur le ministre, sur quelques points qui méritent selon moi une attention particulière.
Premièrement, il est indispensable de garantir les moyens d’action de nos forces sur place. Si les munitions ne manquent pas pour l’heure, nous utilisons de plus en plus des bombes guidées GPS excessivement coûteuses. Les pods dont dispose l’armée de l’air sont anciens, ils souffrent de la chaleur et présentent une qualité d’optique perfectible. Ils sont par ailleurs hétérogènes, ce qui complique les flux logistiques en cas de panne. La disponibilité actuelle en pods laser, de 55 %, est insuffisante pour couvrir les besoins opérationnels de l’armée de l’air comme les besoins organiques et l’entraînement des jeunes pilotes. Le déficit de pods de désignation est souligné depuis quasiment vingt ans. Pourquoi ne lance-t-on pas des commandes en grand nombre en plus de l’acquisition en cours des pods Talios, successeurs des pods Damoclès ?
Deuxièmement, il faut nous assurer d’être capables de tenir dans la durée. Cela implique une réflexion budgétaire : l’opération Chammal a vu ses surcoûts croître avec l’intensification de l’engagement français, et cette tendance s’est poursuivie tout au long de l’année 2016 avec l’accélération des opérations.
Je conclus en répétant que les hommes et les femmes qui servent notre pays sur des territoires extérieurs sont remarquables et qu’il convient de saluer leur engagement.
M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l’équipement des forces – dissuasion. Le budget que j’ai l’honneur de vous présenter concerne les crédits d’équipements et de dissuasion. Je ne peux que partager le constat de mes collègues : ils sont supérieurs à ce que prévoit la programmation militaire et, comme cela n’a pas toujours été le cas, on peut s’en féliciter.
Globalement, les crédits de paiement du programme 146 « Équipement des forces », sont en hausse de plus de 1 %, et dépassent les 10 milliards d’euros. Le montant des crédits est une chose, et leur nature en est une autre. À cet égard, il faut se féliciter de ce que ces crédits soient exclusivement des crédits budgétaires : c’en est fini, en tout cas pour ce programme, des ressources exceptionnelles et de l’aléa qu’elles faisaient peser sur les programmes d’armement.
Ces crédits permettront de poursuivre les grands programmes en cours, et 2017 sera marquée par d’importantes commandes : un Barracuda, 45 Mirage 2000D rénovés, 20 Jaguar et 319 Griffon, 243 véhicules adaptés aux forces spéciales, 12 000 fusils HK416, et j’en passe.
L’année 2017 est aussi importante du point de vue des livraisons de matériels, avec, notamment, une FREMM, trois Rafale, six Tigre, 5 340 fusils HK416, 50 postes de tir de missiles de moyenne portée et 150 missiles, trois A400M – qui voleront, mon cher Christophe Guilloteau –, un C-130, neuf Caïman, cinq Cougar rénovés, et 379 porteurs polyvalents terrestres.
Voilà qui marque un effort significatif et redoublé en faveur des équipements, inscrit dans un mouvement plus large de redressement de l’effort de défense. Ce redressement est un retournement : après les années des « dividendes de la paix », selon l’expression consacrée, vient le temps des « 2 % ». On voit en effet se former un consensus pour porter le budget de la défense à ce niveau du PIB, ce qui est d’ailleurs préconisé par l’OTAN depuis 2014. J’ai consacré une large part de mes travaux aux questions que cela pose.
Pour commencer, 2 %, ça fait combien ? La question du périmètre peut avoir l’air technique, il y a fort à parier que, dans les discussions interministérielles, certains auront tendance à « bourrer l’enveloppe », si j’ose dire. Aujourd’hui, dans l’agrégat présenté à l’OTAN, la France n’inclut plus ni la gendarmerie, ni la retraite du combattant, ni la recherche duale. À mes yeux, choisir d’emblée ce que l’on met dans le périmètre des 2 % est un préalable à toute réflexion plus poussée, et, par souci de clarté, je pense qu’il ne faut pas modifier le périmètre actuel. Le budget de la défense atteint aujourd’hui 1,78 % du PIB ; notre marge de progression est donc considérable.
Ensuite, 2 %, oui, mais quand ? Un programme d’armement ne se lance pas rapidement, et ne s’accélère pas facilement. Il y a des effets d’inertie dans tous les processus industriels. Ainsi, par exemple, il est certainement souhaitable d’accélérer SCORPION, mais qu’on ne se leurre pas : compte tenu des délais de test des matériels, la production de masse – et donc son accélération – n’interviendra pas avant 2020 ou 2021.
Dans l’attente, il y a des investissements immédiatement possibles, comme les achats sur étagère – par exemple de ravitailleurs –, et surtout la progression des études amont. Depuis le début de la LPM, monsieur le ministre, vous avez fixé le montant consacré à ces études à 730 millions d’euros. De l’avis de tous, il serait bon que nous y consacrions 1 milliard d’euros, tant sont vastes les champs technologiques dans lesquels nous avons encore beaucoup à faire pour conserver un avantage ou simplement rester au niveau de nos grands concurrents.
C’est toute la question : 2 %, pour quoi faire ? Après des décennies de restrictions budgétaires, les armées ont toutes des besoins nombreux, et même avec 2 % du PIB, on ne pourra pas tous les satisfaire. Il faudra donc y apporter une réponse cohérente, c’est-à-dire hiérarchiser les projets.
Pour moi, il faut avant toute chose résoudre les points faibles dans la soutenabilité de la programmation actuelle, c’est-à-dire réduire le report de charges et mieux prendre en compte l’impact des OPEX, notamment sur les matériels.
Ensuite, on ne peut pas faire l’économie d’un investissement dans les infrastructures ; durant trop longtemps, leur entretien a été repoussé. Or la procrastination a un coût : à reporter de menues dépenses d’entretien, on finit par devoir consentir de lourdes dépenses de rénovation.
Dans le même temps, il faudra réduire en priorité nos restrictions dites « temporaires » de capacités, par exemple en matière de ravitaillement en vol. Les contrats opérationnels sont déjà dépassés, et les moyens des armées pour y répondre présentent encore des lacunes. Commençons par les combler.
Enfin, il nous faut aussi financer l’inéluctable renouvellement des composantes de la dissuasion, qui créera un besoin de financement supplémentaire de 3 milliards d’euros par an à partir de 2020.
Mes chers collègues, telles sont les orientations à la hausse du budget pour 2017, et l’horizon dans lequel il s’inscrit. Je vous recommande de voter ces crédits. Le prochain exercice de programmation militaire devra permettre de poursuivre l’effort engagé dès à présent, et vu l’ampleur de la tâche, peut-être qu’une programmation décennale, et non plus quinquennale, sera plus adaptée.
Mme Nicole Ameline, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le ministre, faut-il rappeler devant vous l’évolution d’un contexte géostratégique qui a considérablement modifié notre perception collective de la sécurité ? Ce contexte, marqué par l’ampleur d’une menace globale, le terrorisme, qui affecte directement notre pays, mais aussi par des menaces plus inédites, comme la « cybermenace », nous oblige à opter pour une montée en puissance rapide, durable, et significative de nos capacités militaires. Ce constat s’appuie également sur un contexte de réarmement mondial, sur l’affirmation de nouvelles stratégies de puissance qui, de la Chine à la Russie, marquent un retour de la force au détriment du droit. Chacun comprend qu’il existe désormais un continuum entre sécurité intérieure et extérieure : nous devons aller chercher notre sécurité toujours plus loin.
Nous avons l’avantage de bénéficier dans notre pays d’un consensus politique à tous les niveaux pour répondre non seulement à l’urgence, mais aussi pour engager durablement l’effort qu’impose le maintien du spectre global de nos armées. Les Français sont derrière leurs armées qui ont su répondre de manière exemplaire et efficace aux sollicitations croissantes, avec un sens de l’adaptation et du dévouement qui fait notre admiration. Je tiens ici à leur rendre hommage et à rappeler que nos militaires sont engagés en ce moment même, en France, en Europe, en Afrique, au Levant, et dans tous les milieux : terre, air, mer, espace et cyber.
Votre budget s’inscrit-il dans cette exigence ? À court terme, oui. Il s’appuie sur la réactualisation de la loi de programmation militaire, effectuée en 2015, et il répond à l’urgence sécuritaire. Il confirme également l’arrêt de la décroissance des moyens et des effectifs, qui constitue désormais un acquis. Avec des crédits de 32,7 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 600 millions, l’effort est réel. L’affectation aux urgences opérationnelles, à la maintenance et au renouvellement des matériels, à la réaffirmation de notre composante nucléaire, mais aussi au renseignement et à la cyberdéfense, est positive. Mais mes interrogations sont ailleurs, dans les conditions de la réalité de l’exécution de ce budget. Chaque année, ces règles d’exécution ont été synonymes d’annulations de crédits et de reports de charges, de sous-estimations tangibles des OPEX – estimées à 450 millions d’euros alors, qu’à l’évidence, leur coût avoisine le milliard d’euros –, et de leur financement sur crédits de réserve ministérielle. J’insiste aussi sur le fait qu’aux dépenses des OPEX, nous avons au moins ajouté 183 millions d’euros liés aux opérations militaires menées sur notre propre territoire. Je subordonnerai donc un avis que je souhaiterais positif aux garantis d’exécution que vous apporterez sur ces points.
Ce budget d’ajustement positif apporte une réponse de court terme aux questions fondamentales posées sur la soutenabilité de l’effort que nous consentons, autrement dit, sur l’adaptabilité de notre modèle militaire au nouveau contexte stratégique. Nous sommes en fait encore dans l’ajustement, quand le contexte national et international appelle un changement de paradigme.
Monsieur le ministre, il est essentiel d’assumer la transition capacitaire qu’appelle la juxtaposition durable de menaces aussi diversifiées et intenses. L’engagement de porter à 2 % du PIB nos dépenses militaires mérite, sous réserve d’en redéfinir les critères, de figurer parmi nos objectifs de court terme. Cela suppose une redéfinition du périmètre de la dépense publique au profit du régalien et d’une diplomatie de puissance et d’influence. Cela suppose aussi la réaffirmation de nos missions de souveraineté dans le monde, et la recherche de nouveaux dispositifs financiers à l’échelle européenne. Cela suppose enfin que l’on engage au plus vite la réflexion sur la nouvelle loi de programmation militaire, en tenant compte de ces exigences. Je souhaite connaître votre approche de ce nécessaire changement de paradigme.
La France doit enfin renforcer ses stratégies d’alliance, et cela passe d’abord par le pilier européen de l’OTAN. Le cadre national ne peut plus répondre à l’ampleur des menaces ni fournir les moyens nécessaires pour cela. Je rends hommage à l’initiative franco-allemande que vous portez, monsieur le ministre. Elle devrait s’élargir à d’autres pays – dont, sans doute, la Pologne, dans une perspective d’après-crise –, mais aussi aux coopérations déjà engagées au niveau bilatéral avec le Royaume-Uni. La puissance des États européens est liée à leur capacité à aller plus loin dans la coopération, dans l’interopérabilité, et aussi dans la mutualisation. Cette stratégie doit également viser les partenariats extérieurs à l’Europe, notamment en Afrique et en Méditerranée, sachant que la stabilité de ces régions constitue un enjeu majeur. Le déploiement de nouvelles missions d’assistance, d’expertise et de formation, unissant l’Union européenne et l’OTAN, à l’image de l’opération Sophia, peut servir de référence. Monsieur le ministre, comment voyez-vous cette coordination toujours plus indispensable pour réussir l’approche globale ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Mesdames, messieurs les députés, je suis heureux de vous retrouver dans cette configuration pour l’examen du dernier budget du quinquennat afin de répondre à vos questions.
Avant de traiter celles des rapporteurs, permettez-moi de faire le point sur l’exécution des crédits pour le second semestre de l’année 2016. Cette présentation semestrielle constitue une obligation en application de l’article 8 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, disposition introduite par voie d’amendements d’origine parlementaire. J’ai eu l’occasion, le 5 juillet dernier, de faire un point devant la commission de la défense sur l’engagement des crédits pour le premier semestre de l’année. S’agissant du second semestre, un rapport vous a été communiqué dont je ne commenterai que trois aspects relatifs à la trajectoire en matière de ressources humaines, à la trajectoire capacitaire et industrielle, et à la trajectoire financière. Cela me permettra de répondre à une partie des questions qui m’ont été posées.
En matière de ressources humaines, la loi de finances initiale pour 2016 prévoyait une augmentation des effectifs du ministère de 2 300 emplois, qui résultait, d’une part, d’une augmentation de 6 800 postes pour répondre aux besoins prioritaires de la force opérationnelle terrestre, de la cyberdéfense, et du renseignement, et, d’autre part, de la suppression de 4 500 postes dans le cadre de la poursuite des efforts de rationalisation du ministère. Nous avions constaté un retard de 640 postes à la fin de l’année 2015, et les prévisions de réalisation des engagements pour 2016 accusent encore, au moment où je vous parle, un sous-effectif de 378 emplois. Ce retard, moindre que celui enregistré à la fin de l’année dernière, doit être relativisé compte tenu de la masse des recrutements. Il se résorbe, et les emplois concernés ne sont pas perdus : ils seront ajoutés au schéma d’emploi pour 2017.
Les rapporteurs n’ayant pas appelé l’attention sur ce point, il me semble utile de préciser que l’année 2016 est une année de recrutement historique, en particulier pour l’armée de terre – M. François Cornut-Gentille parlait d’« hagiographie » : pour ma part, ce qui m’intéresse, ce n’est pas la vie du ciel, mais bien ce qui se passe sur terre. Les objectifs de recrutement de l’armée de terre en 2016 sont deux fois plus élevés qu’en 2014, et une fois et demie plus élevés qu’en 2015. En 2016, sont ainsi prévus 15 000 recrutements de militaires du rang, et 4 000 recrutements de sous-officiers. Au point où nous en sommes, je peux donc dire que les cibles de recrutement seront réalisées à environ 99 %. Certains s’interrogeaient sur notre capacité à faire en la matière : la capacité à faire est au rendez-vous.
Je profite de ces considérations relatives au recrutement et aux effectifs pour faire quelques remarques sur les logiciels de solde Louvois et Source Solde. J’ai lu dans vos rapports des interrogations justifiées sur ce sujet. Nous cherchons à améliorer en permanence les procédures de détections des dysfonctionnements en amont du paiement effectif de la solde pour réduire les nouveaux indus versés. La prévision annuelle des indus versés en 2016 s’élève à 30 millions d’euros, en nette amélioration par rapport aux années précédentes. C’est encore de l’artisanat, du coup par coup, mais je vous rassure sur la mise en œuvre du nouveau dispositif Source Solde. Il sera mis en service à la fin de l’année 2017 pour la marine, avant de l’être progressivement pour les autres armes. Depuis le mois de mars, nous sommes en phase d’expérimentation avec des essais qualitatifs qui dureront un an et demi. Après le désastre que nous avons connu, je souhaite que nous mettions en place un dispositif extrêmement robuste, incontournable et incontestable. La mise en œuvre dans chacune des armées se fera avec un système de double commande pour éviter les gestions erratiques antérieures.
Pour ce qui est de la trajectoire capacitaire et industrielle, la réalisation des programmes d’armement se poursuit avec le lancement de programmes majeurs prévus par la LPM en 2016 – à ceux déjà cités j’ajouterai le programme d’entraînement des pilotes de chasse FOMEDEC, qui prend un peu de retard mais qui va être réalisé très rapidement ; sans oublier l’acquisition du C-130J et le remplacement du FAMAS. J’en profite pour signaler que, alors que l’acquisition de ravitailleurs était repoussée d’année en année, au point que ceux en service étaient considérablement vétustes – ce qui était d’autant plus ennuyeux que la force de dissuasion en était affectée –, j’en ai commandé douze nouveaux, le premier devant être livré en 2018. J’entends donc apaiser vos inquiétudes : ce dernier programme se réalise conformément aux engagements pris.
En outre, en plus des dispositions prévues par la loi de programmation militaire, nous avons commandé 500 véhicules légers tactiques polyvalents pour remplacer les véhicules P4, plus particulièrement à destination de l’opération Sentinelle, mais aussi des gilets pare-balles. Enfin, nous avons décidé d’acquérir un avion léger de surveillance et de reconnaissance et de remettre à niveau le stock des roquettes des LRU (lance-roquettes unitaires).
Tout cela fait partie du supplément capacitaire du second semestre 2016 par rapport aux engagements de la loi de programmation militaire actualisée l’année précédente.
En ce qui concerne la trajectoire financière, mes observations porteront sur deux points.
Je commencerai par relever la bonne disponibilité des crédits de la loi de finances. Le bilan semestriel qui vous a été remis mentionne 2,7 milliards d’euros de crédits réservés. Ce montant n’est pourtant plus à l’ordre du jour puisque j’ai obtenu, il y a quelques jours, un premier dégel de 770 millions d’euros. Mais, pour assurer la qualité de la trajectoire financière, il nous faudra obtenir le dégel de l’ensemble des crédits jusqu’à présent indisponibles, soit 1,9 milliard d’euros, afin que le report de charges reste au niveau initialement prévu par la loi de programmation militaire. Ces discussions sont en cours et je m’y emploie avec la détermination que vous me connaissez.
Certains d’entre vous se sont interrogés sur la couverture réelle du financement des surcoûts nets OPEX et OPINT, dont le montant qui approchera 830 millions d’euros pour l’année 2016. Je rappelle à cet égard qu’il y a deux écoles – qui d’ailleurs transcendent les clivages politiques, ce que j’ai également pu constater au Sénat.
Certains, en effet, voudraient qu’on évalue avec suffisamment de précision les OPEX afin que le chiffre de leur financement soit le plus cohérent possible ; ce chiffre, dès lors, ne correspondrait plus aux 450 millions d’euros inscrits dans le budget, mais, pour ce qui est de l’année 2016, serait de 1,2 milliard d’euros.
M. Jean-François Lamour. Et même de 1,3 milliard d’euros !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Reste que cette orientation n’est pas favorable pour l’heure au ministère parce que tout dépassement d’une provision pour OPEX par rapport au socle prévu par la loi de programmation militaire – comme cela s’était également pratiqué antérieurement, en 2010-2011, à ceci près que le chiffre était de 650 millions alors que les opérations étaient quasiment aussi nombreuses – ne serait plus partagé et seul le ministère de la défense devrait l’assumer sur ses différents chapitres et vraisemblablement au détriment de ses acquisitions et de sa trajectoire capacitaire. Bref, je ne crois pas qu’il s’agisse de la bonne méthode.
Celle prônée par la seconde école me paraît meilleure, sous réserve bien sûr, que les surcoûts soient entièrement identifiés et que leur couverture interministérielle soit totalement assurée. Cela a été jusqu’à présent le cas : l’ensemble des surcoûts liés aux OPEX a été pris en compte par un financement interministériel depuis 2012. Je partage néanmoins une observation de M. de La Verpillière : il faudrait mieux identifier les éléments qui font partie du surcoût OPINT, il peut sur le sujet exister une marge d’appréciation. Le surcoût est estimé cette année à 145 millions d’euros, vous l’avez rappelé, contre 176 millions en 2015 – en raison de coûts d’aménagement et d’installation significatifs. Vous avez fait état, monsieur de La Verpillière, de la mission de l’inspection générale des finances (IGF) et du contrôle général des armées (CGA) : elle livrera ses conclusions à la mi-décembre, conclusions dont j’ignore pour l’heure la teneur et que je suis prêt à diffuser en temps voulu afin que vous puissiez les commenter. Quoi qu’il en soit, le surcoût des OPEX devrait être de l’ordre de 830 millions d’euros en fin d’exercice et, jusqu’à présent, la couverture interministérielle ne m’a jamais manqué.
Je rappelle en outre que je m’étais engagé à ce que vous soyez pleinement informés des conséquences, pour la programmation militaire, de l’ensemble des décisions prises par le Président de la République depuis le 13 novembre 2015 et singulièrement depuis la réunion du conseil de défense du 6 avril 2016. J’avais proposé de remettre à la commission de la défense un rapport triennal décrivant toutes les conséquences physiques et financières pour la période 2017-2019, étant entendu que la loi de programmation militaire a été actualisée et que plusieurs inflexions y ont été apportées après les attentats les plus récents et les décisions du Président de la République. Le rapport en question trace les perspectives en matière d’effectifs, de besoins capacitaires et de conditions militaires. Il prend en considération l’effort nécessaire pour la fin de la période couverte par la loi de programmation militaire, de 2017 à 2019. Ce rapport est désormais sur la table, monsieur Cornut-Gentille : à vous d’apprécier la portée de la trajectoire proposée qui engage le Gouvernement et garantit la soutenabilité du budget de la défense à 1,8 % du PIB.
M. Bridey observait que tout le monde entend porter le budget de la défense à 2 % du PIB. Cet objectif figure dans la loi de programmation initiale et fait partie des engagements pris au sommet de l’OTAN de Newport en 2014 et renouvelés au sommet de Varsovie en 2016. Le seul problème est qu’aucune date butoir n’a été fixée. Il est indispensable en tout cas que nous nous inscrivions dans cette trajectoire, mais il n’est pas moins indispensable que nous mobilisions 20 % de nos budgets au volet capacitaire. Nous sommes, de ce point de vue, dans les clous – ce qui n’est peut-être pas le cas de l’ensemble des membres de l’OTAN. Reste qu’il ne suffit pas d’affirmer la volonté de porter le budget de la défense à 2 % du PIB ; encore faut-il établir un échéancier et intégrer la nécessité d’un effort singulier concernant le « paquet » dissuasion qui se trouve aujourd’hui en « creux » de financement puisque les programmes ont été engagés – et ce seul fait conduira mécaniquement à une progression des crédits de défense dans les années 2020-2022.
Je reviens au budget pour 2017 d’abord pour rappeler ce que j’ai évoqué devant la commission de la défense : le PLF pour 2017, concernant la défense, est en hausse de 600 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2016. Le besoin financier des armées et des services de la défense avait été évalué, pour 2017, à 775 millions d’euros supplémentaires par rapport aux prévisions de la LPM actualisée.
Je signale au passage, monsieur Cornut-Gentille, que si l’hagiographie est parfois le monde du rêve, le monde dans lequel j’évolue est celui de la dure réalité du sol : ce qui m’amène à vous rappeler que la LPM prévoyait un budget de 31,6 milliards d’euros pour 2017 alors qu’il sera de 32,7 milliards d’euros.
Je viens d’indiquer que les besoins financiers des armées et des services de la défense étaient de 775 millions d’euros. Nous les couvrons d’abord par 417 millions d’euros de crédits budgétaires et de recettes de cessions immobilières supplémentaires, crédits constitués de 317 millions d’euros de crédits budgétaires et de 100 millions d’euros de droits de tirage supplémentaire sur le compte d’affectation spéciale « Immobilier ». Le solde, soit 358 millions d’euros, est couvert par le redéploiement de marges de manœuvre internes au ministère, qui résultent de trois causes distinctes : 205 millions d’euros de nouveaux gains sur les coûts des facteurs ; 50 millions d’euros prélevés sur la trésorerie du compte de commerce des essences, fortement accrue du fait de l’évolution favorable du prix des carburants ; enfin, un peu plus de 100 millions d’euros qui proviennent de l’actualisation fine des échéanciers financiers des programmes d’armement.
Nous avons eu un débat, à mon avis très utile, sur le coût des facteurs. Lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire, en juillet 2015, je vous avais indiqué une augmentation des ressources supplémentaires de 3,8 milliards d’euros. Auparavant, nous avions quasiment gommé le recours aux ressources exceptionnelles, exception faite du CAS « Immobilier ». J’avais également indiqué que la LPM actualisée intégrait 1 milliard d’euros de gains sur les coûts des facteurs dont 275 millions d’euros en 2017, contre 210 millions d’euros en 2016. Le débat auquel je viens de faire allusion, et dans lequel M. Lamour s’était particulièrement impliqué, était de savoir comment identifier le coût des facteurs, à savoir la différence entre l’évaluation du contexte économique au moment du vote de la loi, à l’été 2013, et la situation de 2016 – soit 263 millions d’euros.
M. Jean-François Lamour. Si vous avez des diagrammes, nous sommes preneurs.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Le fait d’avoir une loi de programmation militaire permet, à condition de bénéficier d’un arbitrage favorable, de maintenir l’évolution des coûts des facteurs à l’intérieur du budget de la défense, compte tenu de l’évolution de l’inflation, des prix des matières premières, etc. Cela se traduit par des gains de pouvoir d’achat qui se sont accrus cette année encore de 250 millions d’euros issus des indices retenus en mai 2016. Cette trajectoire nous permettra en 2017 de tenir nos engagements.
En ce qui concerne les effectifs, tout le monde a bien pris note que nous allons sauvegarder 10 000 postes pour la période 2017-2019, qui s’ajoutent aux 18 750 postes déjà préservés lors de l’actualisation de la LPM de juillet 2015, soit un total de 28 750 postes supplémentaires par rapport aux prévisions initiales de la LPM – excusez-moi du peu. Et il s’agit de postes bien réels. Nous changeons d’époque : je rappelle qu’il était prévu, initialement, de supprimer 33 675 postes sur six ans, dont plus de 10 000 devaient résulter de déflations programmées antérieurement. Autrement dit, la défense disposera, en 2017, de 3 000 postes de plus que prévu par la LPM actualisée de juillet 2015 et de 7 800 postes de plus que prévu par la LPM de décembre 2013.
Cela ne signifie pas, et j’appelle votre attention sur ce point, que les programmes de réorganisation de l’ensemble des forces armées doivent être interrompus. Si le redéploiement de ces effectifs doit se faire au bénéfice de la cyberdéfense, du renseignement et de certaines unités opérationnelles – en particulier dans l’armée de terre –, les autres secteurs vont être amenés à évoluer. Je maintiens donc la nécessité de poursuivre le modèle « Au contact » de l’armée de terre, le plan stratégique « Horizon marine 2025 » pour la marine et le plan de transformation « Unis pour faire face » pour l’armée de l’air, afin que nous adoptions vraiment une culture de l’adaptation. Il est en effet frappant que nous soyons passés d’une culture de la déflation, ancienne, qui ne date ni de cette législature ni de la précédente, à une culture de l’adaptation aux nouvelles menaces, aux nouveaux besoins. Or cette nouvelle culture nécessite impérativement que nous puissions réorganiser, réorienter nos capacités, restructurer nos armées en fonction des objectifs fixés par les états-majors en application de la LPM et en application du Livre blanc.
M. Colas y a fait allusion : nous avons, dans le cadre de la fidélisation mais aussi de l’amélioration de la condition du personnel militaire et civil de la défense, pris un certain nombre de mesures en application des décisions du conseil de défense du 6 avril 2016. Je pense à l’indemnité d’absence cumulée (IAC) qui sera payée au premier semestre 2017 sur la base des jours d’absence constatés en 2016 – et ils furent nombreux puisque l’opération Sentinelle a mobilisé énormément à un moment où les recrutements de l’armée de terre étaient en cours. La situation s’est sur ce point améliorée en cette fin de second semestre et continuera de s’améliorer au cours de l’année 2017.
Il est vrai qu’au début de l’opération Sentinelle, face à une situation dramatique, nous avons dû aller vite : les modalités de logement, de fonctionnement, le contenu des missions ont dû être décidées très rapidement. Aujourd’hui, la quasi-totalité des opérations menées par les soldats du dispositif Sentinelle, en termes de mobilité, de réactivité, correspondent aux missions de nos forces armées. Tout ne s’est pas fait d’un seul coup, mais aujourd’hui, par exemple, les postures aux frontières ont remplacé les gardes statiques. Cette évolution a renforcé le moral des militaires, ainsi que vous avez pu le constater en visitant les unités stationnées près de chez vous : la perception de l’opération Sentinelle par les militaires a changé, singulièrement chez ceux de l’armée de terre. Cette opération a trouvé son bon mode d’action.
L’indemnité d’absence cumulée, pour en revenir à elle, est de 10 euros par jour pour tout jour dépassant 150 jours d’absence pour raison opérationnelle lissés sur l’année civile, et de 85 euros par jour pour tout jour dépassant 250 jours d’absence pour les mêmes raisons. Nous avons par ailleurs doublé le montant de l’indemnité pour sujétion spéciale d’alerte opérationnelle (AOPER), qui passe de 5 à 10 euros par jour. Enfin, les deux jours supplémentaires d’indemnité pour temps d’activité et d’obligation (ITAOPC) seront payés dès la fin de l’année 2016. Toutes ces mesures font partie du plan d’amélioration de la condition du personnel (PACP).
Par ailleurs, un plan catégoriel civil de 18 millions d’euros est prévu pour 2017, en nette augmentation par rapport au projet de loi de finances pour 2016. Il permettra, entre autres, aux personnels civils de bénéficier du parcours professionnel des carrières et rémunérations (PPCR).
M. Colas a évoqué les microfilières nécessitant des incitations spécifiques. Nous sommes en train de mettre au point un dispositif, à la demande du Président de la République, devant permettre une meilleure fidélisation d’un certain nombre de métiers. J’inclus d’ailleurs à vos préoccupations, monsieur Colas, la question des ouvriers d’État – vous y faites référence dans votre rapport. Je rappelle que, lorsque je suis arrivé au ministère de la défense, le recrutement des ouvriers d’État était interrompu depuis déjà un certain temps et qu’il était même envisagé de supprimer ce statut. J’ai pris la décision, parce qu’il y avait des spécialités critiques qui touchaient, entre autres, à l’entretien des matériels militaires, de recommencer à recruter des ouvriers d’État, d’abord modestement puis de façon beaucoup plus nette en 2017 puisque 418 postes de recrutement concerneront des compétences particulières liées à l’armement. Il s’agit donc bien plutôt de redéfinir le statut d’ouvrier d’État que de le supprimer, cela en fonction de carrières spécifiques, de métiers spécifiques, de compétences spécifiques que l’on ne peut trouver par ailleurs et qu’il est important que la défense conserve. Aussi une discussion est-elle en cours sur les implications de ce nouveau statut. Le moment y est particulièrement propice du fait de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique qui doit amener celle du traitement des ouvriers d’État qui n’y sont pas assujettis. Cette discussion devrait rapidement aboutir, permettant de renforcer l’attractivité de certains métiers, j’y insiste, indispensables au ministère de la défense et à l’efficacité de nos services.
Je reviens à présent sur certaines données capacitaires et commencerai par un sujet important : les hélicoptères. Je rappelle au préalable que le budget du ministère de la défense, en matière d’investissements, était en 2012 d’un peu moins de 16 milliards d’euros alors que le budget que je vous propose en la matière est de 17,3 milliards d’euros, soit un milliard supplémentaire. J’ai récemment évoqué, devant la commission de la défense, l’ensemble des programmes commandés et des livraisons effectuées au cours de l’année 2016 et de ce qui est prévu pour 2017. Reste un problème que je ne cache pas et qui provoque chez moi une irritation parfois mal contenue : l’entretien de l’aéromobilité.
L’armée de terre en particulier a fait le choix du renforcement de l’aéromobilité. Le général Bosser a raison d’en faire un élément extrêmement important de son projet ; je le soutiens totalement. J’ai ainsi décidé de relever les cibles de livraisons par rapport à la loi de programmation militaire initiale : de 60 à 67 appareils pour les Tigre, et de 90 à 101 appareils pour les NH-90 Caïman. L’aéromobilité est un outil considérable pour riposter aux nouvelles menaces. Il s’agit donc là d’une inflexion déterminante.
Vous exprimez la crainte, monsieur Lamy, que l’hélicoptère léger ne devienne un mouton à cinq pattes, ce qui n’est pas un gage de performances… Je suis très attentif à la question. Ce qui est certain, c’est qu’il faut préparer la suite. Quel modèle pour remplacer les générations Alouette, Gazelle, Lynx, etc. ? Pour l’instant, je n’ai pris aucune décision.
Certains d’entre vous, notamment MM. Cornut-Gentille et Lamy, ont soulevé, à juste titre, la question de la disponibilité. Les chiffres que vous donnez les uns et les autres, sont exacts, et cette situation est insupportable. Je souhaite qu’un certain nombre de mesures structurelles nous permettent d’aboutir à une disponibilité de 50 % à la fin de la loi de programmation militaire. Cette dégradation est insupportable. Nous disposons d’un parc neuf, de machines, mais notre dispositif d’entretien est pensé pour un temps de paix. Or c’est du MCO de temps d’intervention qu’il nous faut ! Il faut raccourcir les délais ; sans doute moins d’exigences, mais plus de performance. Cela vaut pour l’entreprise, sûrement, mais aussi pour les circuits de décision et l’organisation. Je vais d’ailleurs avoir des réunions d’une importance majeure à ce sujet, car c’est vraiment préoccupant.
Je voudrais que l’on fasse un exemple avec les Tigre, avec un contrat d’objectifs sur leur niveau de disponibilité, dans les plus brefs délais, avec une cohérence de mise en œuvre, dans le cadre d’une expérimentation qui pourrait ensuite être étendue aux autres programmes d’hélicoptères. Je ne veux pas en rester au stade des bonnes intentions et des déclarations de principe : je m’engage sur ce sujet, et le chef d’état-major des armées, qui partage mon courroux, est sur la même position. Je pense que nous serons amenés dans les prochains jours à prendre des décisions sur le Tigre, nous irons vérifier régulièrement leur mise en œuvre et je vous convierai éventuellement, mesdames, messieurs les députés, vous joindre à moi. Il s’agit de répondre aux exigences opérationnelles de demain ; il n’est pas possible de rester dans une situation aussi insupportable. Certains pourront, certes, nous reprocher de ne pas nous en être rendu compte plus tôt, mais peut-être les opérations n’étaient-elles auparavant pas assez nombreuses pour faire apparaître un tel taux d’usure et des retards aussi préoccupants. En tout cas, je m’engage vraiment très fermement sur ce point.
Monsieur Guilloteau, l’armée de l’air dispose de vingt et un pods Damoclès avec une disponibilité moyenne de 57 %, ce qui est à peu près convenable. Le problème est qu’il n’y en a que quatre Damoclès disponibles en métropole, ce qui n’est pas acceptable. C’est en fait votre rapport, monsieur le député, qui m’a alerté sur le manque de pods pour la formation des jeunes équipages. Croyez bien que je vais en tirer immédiatement les conséquences, même si nous avons besoin des pods Damoclès pour les opérations.
Vous avez également fait référence, monsieur Guilloteau, au contrat opérationnel de l’armée de l’air. D’un côté, oui, c’est une réalité, le contrat opérationnel est dépassé, puisqu’il prévoit douze avions de chasse en activité opérationnelle et qu’il y en a aujourd’hui vingt-six – douze avions sur l’opération Chammal, auquel il faut ajouter les avions basés à Niamey, à Djibouti et ailleurs. D’un autre côté, nous avons aujourd’hui 96 Rafale disponibles, dont douze déployés. Il nous faut donc entendre les observations de l’armée de l’air sur le contrat opérationnel mais aussi constater que nous avons une flotte significative de Rafale. Notre objectif de 225 avions de combat en 2025 sera atteint avec la livraison de la quatrième tranche Rafale et la modernisation des cinquante-cinq Mirage 2000D, qui assureront la transition avant la cinquième tranche des Rafale, qui interviendra un peu plus tard. Cela nous emmène à une époque où je ne serai plus ministre de la défense, mais la trajectoire est tout à fait maintenue.
J’en viens à l’A400M, autre souci, évoqué par plusieurs d’entre vous. Le problème, c’est l’entreprise. Aujourd’hui, les A400M livrés ne sont pas opérationnels – et le problème ne concerne pas seulement la France : c’est le cas partout. Cette réunion étant publique, peut-être mes propos seront-ils entendus chez M. Enders… Toujours est-il que j’ai avec les responsables d’Airbus une discussion… tonique. J’ai réclamé un plan de rattrapage, à la fois sur les capacités de l’appareil et sur le niveau des livraisons. Les retards ne sont pas admissibles et l’absence de capacités de largage, d’autoprotection et l’impossibilité de poser sur des terrains sommaires me préoccupe beaucoup. Nous avons passé un premier accord pour l’année 2016 ; j’espère qu’il sera tenu. En tout cas, nous avons un dialogue extrêmement serré avec l’entreprise.
En complément du plan de sauvegarde A400M, j’ai décidé, par sécurité, d’acheter sur étagère quatre C-130J pour répondre à une nécessité de transport tactique ; il fallait remédier au vieillissement de cette flotte et répondre à des engagements urgents. Ce n’était pas prévu du tout au départ.
J’en viens à la marine. En ce qui concerne les frégates de taille intermédiaire (FTI), la décision que j’ai prise il y a quelques jours sera appliquée, et les commandes seront passées au premier trimestre 2017. Ce calendrier est nécessaire. Nous avançons quasiment de deux ans l’ensemble du processus pour être à un niveau de quinze frégates de premier rang en permanence, dès la livraison de la première en 2023. Ces FTI seront des frégates d’un nouveau type, plus compact que les frégates multi-missions (FREMM), mais aussi performantes, des frégates complètement numérisées, « cyber », d’une certaine manière, et qui devraient séduire à l’exportation.
L’opération BATSIMAR, dans le cadre du programme « patrouilleur futur », n’est pas engagée dans le cadre de cette programmation-ci – il y avait eu des discussions au moment de la loi de programmation militaire. Effectivement, il faut attendre 2024 pour la livraison du premier bâtiment ; c’est un peu long. Cependant, d’ici à cette date, aideront quand même à l’action hauturière les quatre bâtiments multi-missions (B2M) dont j’ai décidé le lancement et dont le premier vient d’être livré, ainsi que quatre bâtiments de soutien et d’assistance (BSA), dont le premier sera livré en 2018. Je partage votre souhait d’avancer l’opération BATSIMAR, même si ce n’est pas possible avant la fin de cette loi de programmation militaire-ci. Il faut que nous commencions très vite à réfléchir sur le patrouilleur du futur pour être au rendez-vous.
C’est moi-même qui ai décidé, en 2013, la rénovation de vingt-deux Atlantique 2 ; j’en parle donc d’autant plus facilement, mais vous n’en avez pas moins raison, il y a eu un retard. Sans être identiques, les raisons ont quelques points communs de celles qui sont à l’origine du retard dans la maintenance des hélicoptères. J’ai donc décidé au mois de mars dernier de réorganiser complètement le programme. Mais d’ores et déjà, cette réorganisation se déroule normalement, et vos inquiétudes devraient normalement être dissipées. Les vols de qualification du radar, intervenus au premier semestre, se sont bien passés.
En ce qui concerne l’armée de terre, nous commanderons en 2017 vingt engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC Jaguar) et 319 véhicules blindés multirôles (VBMR Griffon), pour remplacer de vieux véhicules de l’avant blindés (VAB). Les premières livraisons auront lieu en 2018. C’est là l’application du programme Scorpion, décidé l’an dernier ; l’armée de terre l’attendait avec une certaine impatience, il se déroule normalement. Précisons que c’est également en 2017 que sera mis en service le missile de moyenne portée (MMP), remplaçant du Milan. C’est aussi une nouveauté significative pour l’armée de terre.
Madame la députée Bruneau, je sais que la situation de l’ONERA reste fragile, mais les axes sur lesquels les efforts pour la consolider doivent porter sont identifiés dans le contrat d’objectifs et de performance 2017-2021, COP en cours de finalisation, dont une première version a été présentée au comité central d’établissement au mois de juin dernier ; j’envisage la signature de cet accord à la fin de cette année. C’est un premier point très important, une première étape sur la voie de la revitalisation de l’ONERA.
Le plan de renforcement de la soufflerie de Modane-Avrieux est mis en œuvre. Je l’ai autorisé au mois de mars dernier et les crédits nécessaires aux opérations de consolidation de cette installation ont, pour partie, été engagés dès cette année. Cela étant, la vocation de l’ONERA dépasse de loin le seul ministère de la défense, puisque c’est vraiment, très largement, un ensemble dual. Le contrat d’objectifs et de performance prévoit une contribution sensiblement accrue des autres ministères concernés ; ils seront au rendez-vous. Nous n’avons plus à nous inquiéter pour l’avenir de l’ONERA. J’avais eu l’occasion de me rendre à Saint-Jean-de-Maurienne pour évoquer la question avec les élus du secteur.
Effectivement, madame la députée, sans doute faudrait-il augmenter le montant des crédits de recherche amont, actuellement de 720 millions d’euros ; mais j’ai déjà fait en sorte qu’ils ne servent plus de variable d’ajustement, et j’ai quelque peu sanctuarisé le montant de programmes qui nous amèneront à dix ou quinze ans d’ici. Soyons vigilants sur leur maintien. Et, si l’on peut toujours souhaiter qu’ils dépassent un jour 1 milliard d’euros, cet objectif devra être arbitré dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire.
J’ai noté vos observations sur l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis. Je vais examiner cela avec ma collègue allemande. Il faudrait aussi un accroissement des ressources nettes issues de contrats tiers et que cet organisme ne vive pas uniquement de financements étatiques – mais je sais que c’est l’une des préoccupations des responsables de l’Institut.
Puisque vous m’interrogez sur le programme Futur Combat Air System (FCAS), nos relations avec le Royaume-Uni et le projet de drone de combat, j’en profite pour répéter ce que j’ai déjà dit à la commission de la défense : le Brexit ne signifie pas la fin de notre relation stratégique avec le Royaume-Uni, Celle-ci repose, d’abord, sur une histoire et, ensuite, sur des engagements, des traités, notamment celui de Lancaster House. C’est dans le cadre de ces traités que nous avons convenu avec les Britanniques le lancement de deux prototypes de drone de combat pour 2019. Ce programme lancé en 2014 représente un montant de 150 millions d’euros, réparti paritairement entre les deux pays. Ensuite viendra la phase de démonstrateur, qui durera jusqu’en 2025. Enfin viendra la phase de la généralisation et de la mise en œuvre de capacités réelles. Le programme suit son cours sans perturbation particulière.
MM. Guilloteau et Colas m’ont interrogé sur le soutien aux exportations (SOUTEX), notamment sur la manière dont nous pouvions accompagner les exportations sans handicaper nos forces, singulièrement l’armée de l’air. Dans la loi de programmation militaire, nous avons prévu 90 millions d’euros pour l’ensemble du SOUTEX. Cela se traduit aussi par 400 équivalents temps plein sur la même durée. Sans doute cet effort en termes de financement et de postes devra-t-il être aménagé pour accompagner nos succès à l’exportation, bien réels. J’ai demandé à la DGA et aux armées de proposer un projet pour mieux structurer cet effort, notamment grâce à des financements conventionnés avec des entreprises concernées. La DGA et le chef d’état-major des armées remettront leurs conclusions au début de l’année prochaine ; je vous en ferai part.
Vous le savez, monsieur Colas, je déplore la rupture par la Pologne du contrat Caracal, d’autant plus surprenante que le niveau d’offset consenti par Airbus pour répondre aux attentes exprimées par la Pologne était exceptionnel : il couvrait la totalité du contrat. En outre, l’accord avait été signé en 2015 en toute transparence, après appel d’offres, après compétition. Cette rupture est un acte politique, qu’il faut prendre comme tel, qui pénalise la France, mais aussi l’Allemagne. Nous avions proposé que la Pologne devienne l’un des partenaires fondamentaux d’Airbus dans le cadre de ce contrat ; ce ne sera donc plus le cas. Avec mon homologue allemande, nous avons donc décidé des démarches communes auprès du gouvernement polonais pour souligner le mauvais coup porté à l’approche européenne de la défense. Cette décision perturbe aussi l’entreprise, notamment le site de Marignane, même si la commande de trente Caracal par le Koweït a permis un certain apaisement. Reste qu’une mauvaise manière nous a tout de même été faite, d’autant que deux jours après la rupture de cet accord, sans appel d’offres, une commande a été passée au concurrent d’Airbus…
En ce qui concerne le compte d’affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », il est prévu par la loi de programmation militaire que des crédits budgétaires soient mobilisés si nous n’avons pas les sommes suffisantes pour atteindre le montant inscrit. Il n’a cependant jamais été nécessaire de recourir à cette possibilité, introduite par voie d’amendement parlementaire – ajout pertinent à mes yeux. Par ailleurs, ce montant de 200 millions d’euros inscrit au CAS est un droit à consommer. Cela veut dire que des fonds peuvent être utilisés du fait de recettes antérieures.
L’ensemble Bellechasse a été vendu pour 137 millions d’euros, celui de la Pépinière pour un montant de 118 millions d’euros. Ces cessions nous ont donc procuré plus de 250 millions d’euros, alors que le montant inscrit au CAS de 2016 était de 200 millions d’euros.
Des discussions sont en cours, avec Sciences Po, en vue de la cession de l’Hôtel de l’Artillerie place Saint-Thomas-d’Aquin. L’opération devrait aboutir prochainement. Tel qu’il est configuré, ce site ne permet pas l’accueil des soldats dans le cadre de l’opération Sentinelle ; une discussion est en cours avec Sciences-Po, qui n’a pas encore pour l’heure abouti. L’îlot Saint-Germain est quant à lui concerné par deux opérations. Une fraction sera cédée à un bailleur social de la ville de Paris afin de réaliser des logements sociaux ; l’autre sera cédée conformément aux procédures en vigueur, sans contrainte de logement social. Cette aliénation devrait intervenir entre 2017 et 2018. Au Val-de-Grâce, la partie du site devenue inutile aux besoins du service de santé des armées est libérée depuis le 1er juillet dernier, et sa cession fait l’objet de discussions. Il s’agit, pour le ministère de la défense, de conserver la partie monument historique et de céder la parcelle de l’ancien hôpital des armées. Le projet est inscrit en programmation 2017, mais le prix de cession n’est pas encore connu.
Je ne suis donc guère inquiet quant à ma capacité à mobiliser 200 millions d’euros sur l’année 2017, même si nous n’avons pas encore engagé de discussions ni lancé d’appels d’offres à propos de l’îlot Saint-Germain et du Val-de-Grâce – l’un et l’autre servant aujourd’hui comme lieux d’hébergement pour l’opération Sentinelle. Nous avons par ailleurs engagé des travaux au fort de l’Est, au fort de Nogent et à Vincennes pour offrir aux soldats de Sentinelle des conditions d’hébergement et de vie collective dignes. Ce n’est que lorsque ces trois équipements seront achevés que nous pourrons libérer les deux emprises du Val-de-Grâce et de l’îlot Saint-Germain pour engranger les produits de cession – je me suis rendu récemment au fort de l’Est pour me rendre compte du déroulement des opérations.
Mme la présidente de la commission des affaires étrangères m’a interrogé sur la relance de l’Europe de la défense, en particulier sur le fonds européen. Ma collègue allemande et moi-même avons déposé un texte, auxquels se sont ralliés nos collègues italien et espagnol, qui propose des initiatives pragmatiques, opérationnelles, efficaces, concrètes, dans trois domaines. Tout d’abord, il s’agirait de viser une meilleure efficacité des opérations décidées dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), avec l’identification des capacités critiques, l’identification des unités à mobiliser, la révision du mécanisme Athena, un ensemble de dispositions que nous allons soumettre au Conseil formel des ministres de la défense le 15 novembre prochain. Deuxièmement, nous proposons des initiatives relatives au soutien de l’Union européenne aux pays africains, pour rendre plus flexibles les instruments européens existants, en particulier l’instrument contribuant à la paix et à la sécurité ; il s’agit aussi, à moyen terme, de disposer d’un instrument dédié en matière de renforcement des capacités non létales des armées africaines.
Enfin, nous avons des propositions très concrètes pour consolider la base industrielle et technologique de défense européenne ; le blocage du Royaume-Uni sur l’Agence européenne de défense pourra donc se faire moins fort. Cela nous permettra d’avancer plus vite dans ce domaine et aboutir à un accord. Très concrètement, l’Union européenne est en train de commencer à former l’armée centrafricaine qui en a vraiment bien besoin – je me suis rendu à Bangui ce week-end. Si nous formons l’armée centrafricaine sans qu’elle dispose d’un minimum d’équipements, ne serait-ce que d’uniformes, pour assurer tout à la fois sa reconnaissance et sa capacité d’action, notre action de formation n’aura servi à rien. Notre initiative vise précisément à renforcer la capacité des Africains à assurer eux-mêmes leur sécurité, à leur permettre de disposer d’armées structurées, ne dépendant pas de clans et capables d’assurer la sécurité de leur pays ; l’exemple de la Centrafrique est sans doute le plus spectaculaire et le plus évident pour l’instant. Je n’exclus pas non plus que, dans le cadre que je viens de présenter, soit donnée à l’Eurocorps une dimension opérationnelle qui, jusqu’à présent, lui manque.
M. le président Gilles Carrez. Nous passons aux orateurs des groupes, dont chacun dispose d’un temps de parole de cinq minutes.
Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Monsieur le ministre, mes chers collègues, les actes terroristes qui ont frappé notre pays en 2015 et 2016 l’ont profondément marqué et nous ont obligés à modifier notre politique de défense afin de garantir au mieux la sécurité des Français.
La loi de programmation militaire actualisée du 28 juillet 2015 et les décisions résultant du conseil de défense du 6 avril 2016 marquent un arrêt de la diminution des effectifs du ministère de la défense jusqu’en 2019, afin de permettre le redéploiement de 10 000 postes au profit du renforcement des unités opérationnelles, de leur soutien, de la cyberdéfense et du renseignement. C’est dans ce contexte que s’inscrit la mission « Défense » de ce projet de loi de finances pour l’année 2017. Il traduit les priorités ainsi fixées puisque les crédits de la défense progressent de 600 millions d’euros et que sont créés 464 emplois.
La menace terroriste qui pèse sur notre pays est très forte. Elle risque malheureusement d’être durable. L’augmentation des crédits de la défense va permettre de renforcer le « contrat protection » de nos armées engagées dans les opérations de contre-terrorisme en France et à l’étranger : 7 000 militaires pourront être déployés dans la durée, jusqu’à 10 000 hommes pendant un mois en cas de nécessité.
La protection des intérêts stratégiques de la France passe également par sa capacité de projection en dehors du territoire national. Afin de faire face à la menace, un effort significatif doit être fourni en faveur des équipements, notamment en poursuivant leur modernisation et leur entretien. Selon la loi de programmation militaire actualisée, les crédits d’équipement progressent pour atteindre une enveloppe significative de 17,3 milliards d’euros pour 2017. Le Président de la République a demandé aux armées d’intensifier leur effort de guerre, particulièrement au Levant et dans la bande sahélo- saharienne. Ce PLF pour 2017 marque ainsi un effort important en termes d’acquisition de munitions et de perfectionnement des capacités de ciblage et de navigation.
Mais cette montée en puissance des nouveaux équipements serait vaine si les armées ne disposaient plus de suffisamment de temps pour s’entraîner. Les crédits destinés à l’activité et à l’entraînement des miliaires sont donc maintenus à un niveau important : 3,4 milliards d’euros. L’entretien programmé des personnels bénéficie également d’une augmentation de 9 % pour équiper la force opérationnelle terrestre mais aussi les forces spéciales.
Avec ces importants efforts pour accroître nos moyens de défense, nous sommes bien conscients que le personnel militaire actuel, intensément engagé dans la lutte contre le terrorisme, doit obtenir des compensations. Le chef de l’État a annoncé lors de ses vœux aux armées des mesures pour améliorer de la condition des militaires, notamment l’application à ceux-ci du protocole relatif aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations des fonctionnaires. Afin de compenser les sujétions très élevées pesant sur les militaires ainsi que sur leurs familles, des mesures indemnitaires seront mises en place pour 90 millions d’euros supplémentaires.
Rappelons également que lors de l’examen de la première partie du PLF les membres et la présidente de la commission de la défense, manifestant ainsi leur reconnaissance et leur soutien aux militaires déployés dans ce contexte d’état d’urgence, ont soutenu un amendement, présenté par la rapporteure générale du budget, dont l’objet est d’exonérer d’impôt sur le revenu les indemnités reçues par les militaires engagés dans l’opération Sentinelle.
Dans cette situation difficile, la France doit se montrer unie. Les liens entre les armées et la nation doivent être renforcés. La création de la garde nationale répond à ces objectifs, et à une demande des citoyens. Le dispositif de la réserve opérationnelle va bénéficier d’une substantielle hausse de ses crédits, supérieurs de 30 % à ceux de l’année 2016. Près de 4 500 réservistes opérationnels supplémentaires seront recrutés en 2017 et le nombre de jours d’activité sera porté à trente par an.
Aussi, au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, j’invite l’ensemble de la représentation nationale à voter les crédits 2017 de la mission « Défense ». Ils permettent de maintenir un niveau d’engagement élevé et durable des armées françaises et de la défense nationale, confrontées à un niveau de menace inédit depuis la fin de la guerre froide.
M. Philippe Meunier. Nous sommes réunis ce soir en commission élargie pour examiner le dernier projet de budget de la défense de ce quinquennat.
Je tiens en premier lieu, au nom de mon groupe, à rendre hommage au courage et à l’abnégation de ces femmes et de ces hommes qui servent notre pays fidèlement, à l’heure où nos armées sont particulièrement sollicitées, engagées sur de nombreux théâtres d’opération : Mali, bande sahélo-saharienne, Centrafrique, Irak, Syrie et, depuis les attentats de 2015, sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle.
Ces engagements très au-delà des contrats opérationnels définis par le Livre blanc sont parfaitement illustrés par les vingt avions de combat projetés par l’armée de l’air en lieu et place des douze prévus. Ils génèrent des tensions extrêmes et des besoins que votre projet budgétaire, monsieur le ministre, ne saurait satisfaire. Je rappelle que le CEMA nous a indiqué en Commission que ce projet de budget « permet seulement d’éviter le décrochage des moyens par rapport aux missions et aux menaces » – un vrai langage de diplomate –, en attendant des jours meilleurs !
La disponibilité technique des matériels et des systèmes d’armes est notoirement insuffisante, pour ne pas dire dramatiquement inquiétante. La faiblesse des crédits de MCO ne permet pas le maintien en condition des matériels déployés en OPEX. La régénération des matériels terrestres revenant des théâtres d’opération est devenue tout simplement impossible, compte tenu de l’engagement de notre armée de terre. Les moyens aériens de l’armée de l’air sont depuis plus de deux ans suremployés en opérations, ce qui génère des surcoûts de maintenance très significatifs tout en réduisant leur durée de vie. La multiplication et la prolongation des déploiements du groupe aéronaval produisent les mêmes effets.
Par ailleurs, à l’heure où nos combattants sont très fortement sollicités, l’amélioration des conditions d’exercice du métier en garnison dans le fonctionnement quotidien au sein des casernes, des bases aériennes, des établissements industriels, des infrastructures opérationnelles devrait être une priorité, de même que les conditions de vie des familles. Or quelle ne fut notre stupéfaction d’apprendre du CEMAT que les primes Sentinelle, dont le Président avait annoncé la revalorisation en juillet, n’ont toujours pas été versées !
La présentation des crédits du bleu budgétaire indique un budget à 32,4 milliards d’euros, en hausse affichée de 600 millions, et une stabilisation de l’effort de défense à 1,77 % du PIB. En réalité, vous savez bien, monsieur le ministre, que vos 600 millions d’euros d’augmentation ne sont au final que 320 millions. En effet, seuls un peu moins de 320 millions d’argent frais supplémentaires sont alloués à ce budget, le reste étant constitué de crédits 2016 non consommés et reportés sur 2017, donc comptés deux fois ; à savoir, 100 millions de travaux d’infrastructure et 180 millions liés au coût des facteurs. Cette somme de 320 millions ne couvre d’ailleurs que les dépenses liées au personnel. Il n’y a donc en réalité aucun effort sur les équipements et le MCO.
La question du financement du surcoût des OPEX doit également être posée. Je rappelle à ce sujet notre hostilité à la participation du ministère de la défense à la réserve de précaution. La défense ne peut plus payer deux fois, compte tenu de son engagement au-delà de son contrat opérationnel.
Quant au report de charges et aux gels de crédits successifs – déjà plus de 3 milliards d’euros rien que sur le programme 146 –, l’ensemble des spécialistes s’accordent à dire que votre bilan sera à l’image de celui de Lionel Jospin, qui a laissé nos armées dans un état que nous aurions souhaité ne plus jamais connaître.
L’heure, monsieur le ministre, n’est certes pas encore au bilan, même si l’heure des comptes révélera bientôt que vous avez exigé l’impossible de nos armées, faute de budget en adéquation avec les missions demandées. Un audit en profondeur du ministère que nous appelons de nos vœux dès le printemps prochain permettra aux Français de mesurer réellement les conséquences désastreuses de votre action. Vos annonces successives et multiples, faites pour entretenir un flou, pour ne pas dire un brouillard, n’ont eu pour seul but que de dissimuler les carences de votre politique. Vous nous faites penser à ces mauvais élèves qui cachent leurs mauvaises notes à leurs parents et répètent à l’envi les bonnes pour leur faire croire que tout va bien.
À ce sujet, monsieur le ministre, vous avez osé répondre, lors de notre débat au sujet des OPEX, que nos forces armées n’étaient pas plus engagées en 2016 qu’en 2012. Nos armées apprécieront ces propos à leur juste mesure. Comment, en effet, oser comparer des théâtres d’opération qui n’ont strictement rien de comparable ? Comment oser tenir de tels propos devant la représentation nationale, quand les chiffres des kilomètres parcourus et le nombre de munitions délivrées au cours de ces deux périodes sont connus de tous et n’ont strictement rien d’identique, et pour cause ?
Si un certain consensus se dégage au sujet de la nécessaire augmentation du budget de la défense, pourquoi avoir attendu 2016 pour commencer à l’intégrer – si faiblement –, alors que, depuis l’opération Serval en 2013, nos armées n’ont jamais été autant sollicitées ?
Le groupe Les Républicains refuse de cautionner votre politique depuis votre LPM initiale, qui n’a pas su faire face aux nouveaux engagements de nos armées, puis votre LPM actualisée, qui, moins d’un an après la loi initiale, a reporté l’augmentation des crédits après les échéances électorales de 2017, ainsi que le règlement de vos annonces non financées.
Je le dis clairement : cette très faible augmentation de crédits en 2017 n’est rien comparativement à l’engagement de nos hommes et à l’état d’attrition de nos matériels. Votre majorité nous le confirme elle-même ce soir en déclarant, après tant d’OPEX, qu’il est nécessaire de calibrer notre système de MCO de temps de paix en MCO de temps de guerre. Les bras nous en tombent. Cela fait quatre ans que nous vous alertons à ce sujet : que de temps perdu !
Avec ce budget 2017 insincère, vous tentez donc une nouvelle fois de tromper les Français. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicaine votera contre.
M. Francis Hillmeyer. Le monde est dangereux, il est également instable et chaque jour nous sommes informés de nouvelles frappes, de nouveaux attentats. La France, engagée dans des opérations extérieures au Mali, en Centrafrique ainsi qu’en Irak, opère également des frappes en Syrie, depuis le 27 septembre 2015, afin de lutter contre Daech.
Au lendemain des attentats de janvier 2015, l’opération Sentinelle a été mise en place afin d’assurer la protection de nos concitoyens sur le territoire national. À travers cette mobilisation de 10 000 hommes, ramenés à 7 000, l’armée a montré qu’elle était la seule institution de la République capable de mobiliser autant de moyens en si peu de temps et avec une telle efficacité.
Cet engagement de nos troupes, c’est avant tout l’engagement de la France pour la défense de la démocratie et de la liberté, ainsi que pour la lutte contre le fondamentalisme. Les députés du groupe UDI ont soutenu ces opérations dès leur lancement, dans un esprit de responsabilité et d’union nationale, en saluant l’action exemplaire menée par l’ensemble des hommes et des femmes qui servent les armes de la France, leur professionnalisme, leur courage, leur détermination et leur volonté. Ils assument une mission essentielle, dans un contexte particulièrement difficile. Nous voulons également rendre hommage à nos hommes tombés au champ d’honneur.
Mais les actes barbares et sanguinaires qui frappent notre pays ont aussi été un révélateur de l’importance qu’il faut accorder à nos forces armées. Ce retour de la guerre sur notre sol nous impose de prendre des mesures essentielles et de voter des crédits suffisants pour nos armées, afin que la France puisse continuer de lutter pour la défense de la liberté et contre le terrorisme.
Les députés du groupe UDI se sont toujours élevés contre les coupes budgétaires et les baisses d’effectifs drastiques qui ont touché la défense. C’est la raison pour laquelle nous avions voté contre les budgets pour 2013, 2014 et 2015, mais aussi contre la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Ces textes prévoyaient en effet 23 500 suppressions de postes, qui venaient s’ajouter aux 54 000 postes supprimés dans la précédente LPM. Aucun autre ministère, aucune autre administration n’a autant contribué à la nécessaire résorption des déficits publics que la défense.
En outre, de fortes incertitudes pesaient sur les crédits : les recettes exceptionnelles étaient particulièrement élevées, à hauteur de 6,1 milliards d’euros, alors même qu’il était évident qu’elles ne pouvaient être réalisées.
Il est perturbant de constater que seul des événements tragiques comme ceux de janvier 2015 et le niveau particulièrement élevé de la menace terroriste ont conduit le Gouvernement à actualiser la LPM afin de renforcer les moyens de la défense. Nous avons soutenu cette actualisation de juillet 2015, qui a permis de réduire, sans pour autant les faire disparaître, les nombreux aléas qui pesaient sur la réalisation de la LPM. Le groupe UDI considérait que le budget pour 2016 constituait un progrès, dans un contexte que chacun sait contraint.
Toutefois, des questions demeurent et il nous faut aller plus loin. Nos armées sont actuellement sous tension, et cette situation joue malheureusement sur les temps de repos mais également sur la capacité de préparation opérationnelle de nos militaires.
À ce titre, nous saluons le renforcement de la réserve, avec la garde nationale. Ses contours doivent être à présent mieux définis, afin qu’elle soit pleinement efficace. De nombreuses disparités existent entre les armées, entre les réservistes, pour les uns salariés du privé et les autres issus du public.
En outre, l’état des équipements est particulièrement inquiétant alors même qu’il est essentiel de donner à nos hommes les moyens de combattre notre ennemi. Le MCO des hélicoptères est particulièrement préoccupant.
Alors que notre industrie de la défense est une des meilleures d’Europe, le Gouvernement a cependant choisi d’acheter à l’étranger le remplaçant du FAMAS. Nous refusons cet abandon de notre industrie de l’armement. Il en est de même pour les munitions de petit calibre : comment un pays qui s’enorgueillit d’une armée de métier de haute compétence peut-il être dépendant d’autres nations sur ce plan ?
Enfin, quid des crédits alloués à l’opération Sentinelle ? Vous annonciez, monsieur le ministre, qu’elle coûtait 1 million d’euros par jour ; dès lors, pourquoi ne budgétiser que 41 millions pour 2016 ?
Aussi, malgré des avancées, que le groupe UDI salue, les incertitudes financières et capacitaires ne nous permettront pas de voter ce budget.
M. Stéphane Saint-André. Le groupe RRDP votera les crédits de la mission « Défense » pour 2017 car, dans un environnement géopolitique instable et face à une menace terroriste à très haut niveau, il faut se féliciter de voir ces crédits augmenter de 600 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2016. Dans un contexte budgétaire contraint, on atteint en effet 32,7 milliards d’euros, même si c’est légèrement en deçà de ce qu’avait demandé le ministre lors de la préparation du budget ainsi que du seuil des 2 % du PIB espérés.
Il faut se réjouir également d’une augmentation de 775 millions d’euros par rapport à l’annuité prévue dans la LPM, qui avait été réactualisée en 2015, soit 417 millions de crédits supplémentaires et 358 millions d’économies. Enfin, la trajectoire financière de la LPM par rapport à la trajectoire initiale de 2013 est augmentée puisque le budget pour 2017 gagne plus de 1,1 milliard d’euros.
Par ailleurs, la hausse des crédits sera absorbée en grande partie par la hausse des effectifs de militaires. Alors qu’il était prévu de supprimer 2 600 emplois en 2017, le ministère prévoit d’en créer 400 l’année prochaine, c’est-à-dire un écart de 3 000 hommes par rapport aux prévisions. Soit, au total, 216 millions d’euros, dont 73 millions pour l’amélioration des infrastructures. En outre, ce budget prévoit 27 millions d’euros supplémentaires pour accompagner la montée en puissance de la réserve nationale, qui doit atteindre 40 000 militaires fin 2018. Les mesures d’amélioration de la condition du personnel militaire seront financées à hauteur de 280 millions d’euros ; il s’agit là de financer de nouvelles primes journalières. En effet, plus de 30 000 militaires sont quotidiennement en opération, un rythme inégalé depuis la guerre d’Algérie, et plus de 5 000 d’entre eux ont renoncé à prendre leurs congés pour patrouiller dans l’hexagone après l’attentat de Nice.
Enfin, les moyens capacitaires des soldats bénéficieront d’un financement de 270 millions d’euros, dont 80 millions serviront à rehausser les stocks de munitions, principalement missiles et bombes.
Nous nous interrogeons néanmoins sur les recettes exceptionnelles. En effet, cette mission sera financée à hauteur de 250 millions d’euros issus notamment de produits de cessions immobilières. Ces dernières supposent donc la vente d’emprises militaires. S’il survenait un problème sur ces cessions, existe-t-il une clause de sauvegarde qui permettrait de remplacer ces recettes exceptionnelles par des ressources budgétaires ?
M. Jean-Jacques Candelier. Le projet de loi de finances pour 2017 révèle un budget de la défense de 32,7 milliards, en progression depuis l’année dernière. La déflation des effectifs est enfin stoppée, conséquence de la période grave que notre pays traverse. Cette tendance doit durer dans le temps. Toutefois, nous nous interrogeons quant à l’utilité réelle de l’opération dite « Sentinelle », dont l’efficacité antiterroriste nous semble faible.
Je me dois de déplorer une nouvelle fois que la part belle du budget soit faite à la dissuasion nucléaire, qui à elle seule engloutit plus de 10 % des crédits. Pour 2017, 3,87 milliards d’euros y seront dédiés, soit 22,3 % de la part réservée à l’équipement. Ce montant, en augmentation par rapport à 2016, devrait grandir de manière exponentielle si l’on en croit les déclarations de certains responsables militaires et politiques qui proposent de le doubler. Pourtant, en l’état, la dissuasion nucléaire est déjà plus coûteuse que l’ensemble du budget dédié à l’agriculture, à l’outre-mer, aux sports ou encore à la culture. Quelle doit donc être notre priorité ?
En l’état actuel du monde, il n’existe pas de menace nucléaire pour notre pays. Représentant un coût quotidien de plus de 10 millions d’euros, ces armes servent une vision politique totalement dépassée. Paul Quilès, ancien ministre de la défense, nous alerte sur « une guerre nucléaire qui se prépare ». Plutôt que d’attiser les tensions en Europe centrale, je considère que la seule voie pour le Gouvernement français serait de prendre des initiatives diplomatiques pour un désarmement progressif multilatéral.
Totalement inopérantes pour juguler le terrorisme, les armes nucléaires lui empruntent le même mépris pour la vie humaine en menaçant d’anéantir des millions de personnes sans distinguer civils et militaires. L’humanité elle-même est en danger car une guerre nucléaire rendrait la terre invivable.
Dans le même temps, il nous faut prendre conscience que nos forces conventionnelles ne disposent pas des matériels modernes dont elles ont besoin. Les orientations de ce budget sont donc de mauvaises réponses aux vrais problèmes. Ne comptez pas sur nous pour défendre l’idée d’un budget à 2 % du PIB, comme l’OTAN et les États-Unis voudraient l’imposer aux gouvernements européens. Face à la situation catastrophique de notre industrie d’armement, le contribuable irait enrichir des entreprises étrangères, comme pour la fabrication de notre fusil ou de nos munitions de petit calibre. En l’occurrence, l’achat systématique sur étagère et la sous-traitance sont en train de démolir notre filière industrielle de l’armement.
La révélation d’une cartoucherie en Bretagne ne cachera pas le fait que, sous l’impulsion de la DGA, notre filière d’armement a été depuis dix ans systématiquement démembrée. Nos PME sont régulièrement dissuadées de participer aux marchés publics, particulièrement dans l’industrie des coques de bombe et du petit calibre, ce qui contribue à mettre en jeu la vie de nos soldats.
De lourds dangers planent également sur la navale. STX, installée à Saint-Nazaire, pourrait en effet tomber dans des mains hostiles, ce qui priverait notre pays de brevets et de savoir-faire cruciaux. Chers collègues, il faut faire cesser la vente de notre industrie stratégique à l’étranger.
Concernant DCNS, le plan de charge de l’arsenal de Lorient serait vide à partir de 2020. Il est donc urgent de réaliser des investissements industriels et des embauches pour garantir aux salariés les moyens de fabriquer et de produire, notamment des navires militaires de fort tonnage.
Pour l’armée de l’air, seulement 200 avions sont aujourd’hui mis en ligne. La démonstration est faite que la vente de matériel à l’étranger ne contribue pas au développement de notre armée. Les contrats mirobolants passés avec certains pays nous font oublier que les armes ne sont pas des marchandises comme les autres et qu’on ne peut les vendre à n’importe qui et à n’importe quelles conditions.
Aujourd’hui, l’urgence n’est pas de s’inscrire dans une guerre froide qui n’a pas le courage de dire son nom et qui permet aux lobbies militaro-industriels de relancer la course aux armements nucléaires. Nous avons besoin d’une armée conventionnelle, d’une marine, d’une aviation et d’une armée de terre qui permettent d’assurer réellement la sécurité et la souveraineté de notre pays, de ses abords et de sa zone économique exclusive.
Au quotidien, nos militaires manquent de tout et nos matériels ne sont que les fantômes de ce qu’ils furent. Il est temps que l’on s’en rende compte et que l’on y remédie. Je présenterai donc des amendements qui démontreront le bien-fondé de notre analyse en récupérant des moyens attribués au nucléaire au profit du conventionnel. Je ne m’inscris pas dans un discours partisan et j’espère qu’un consensus pourra se dégager pour donner à nos armées les moyens d’assurer la sécurité du pays.
M. le président Gilles Carrez. Nous en venons aux questions des députés inscrits.
M. Jean-David Ciot. Ce budget de la défense nationale, comme les précédents, engage un effort important de recherche technologique et de modernisation capacitaire afin de permettre à nos armées d’assurer la poursuite de leurs missions de protection et d’intervention. Il confirme aussi des investissements vitaux pour l’avenir de nos fleurons industriels, qui figurent parmi les plus compétitifs et innovants au monde.
Parmi ces grands groupes nationaux, la situation d’Airbus Helicopters doit faire l’objet d’une attention toute particulière, et je voudrais revenir sur la récente annulation unilatérale de l’achat de cinquante hélicoptères Caracal par l’État polonais. Cette décision inédite d’un pays européen reniant ses engagements en annulant pour des raisons politiques un contrat signé avec un autre pays européen suscite beaucoup d’inquiétude, en particulier pour les salariés d’Airbus Helicopters, qui se voient menacés d’un lourd plan social. Vous avez, monsieur le ministre, dénoncé cette situation, à juste titre, mais il nous faut désormais dégager de nouvelles perspectives pour ce consortium européen.
Au-delà des informations sur l’étendue du plan social dont vous pourriez disposer, par quels moyens l’État pourrait-il tenter de pallier une partie des difficultés que connaîtra l’entreprise dès 2017 ? Quels sont les marchés potentiels qui peuvent être déployés, notamment avec les disponibilités sur les Caracal ? Enfin, quelles sont les perspectives à plus long terme, notamment s’agissant du MCO, pour aider l’entreprise à conserver ses compétences humaines et technologiques ?
Mme Marianne Dubois. Vous connaissez, monsieur le ministre, mon implication au sujet de la garde nationale, dans le prolongement du rapport que j’ai rédigé avec Joachim Pueyo. Jusqu’ici considérées comme un sujet secondaire, les réserves opérationnelles de l’armée, de la police et de la gendarmerie vont connaître une montée en puissance sous le nouveau vocable « garde nationale », dont la création a été annoncée mercredi 12 octobre en Conseil des ministres.
Les réserves opérationnelles représentent aujourd’hui un vivier de 63 000 personnes, dont 5 500 sont depuis cet été déployées chaque jour. Ces effectifs doivent monter en puissance pour atteindre 72 000 personnes en 2017, puis 85 000 en 2018. À cette date, la gendarmerie, la police et l’armée devraient pouvoir mobiliser chaque jour 9 250 réservistes à l’entraînement, en opération ou en renfort de la sécurité quotidienne des Français.
Le budget doit être revu à la hausse en conséquence. Il devrait atteindre 311 millions d’euros en 2017, soit 100 millions de plus que celui qui était prévu pour les réserves opérationnelles dans le projet de loi de finances. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ces éléments budgétaires ainsi que sur la pérennité du financement ?
M. Jean-Michel Villaumé. En 2013, vous avez, monsieur le ministre, lancé le pacte Défense PME dans le but de faciliter l’accès des PME à l’industrie de la défense. Il s’agissait de soutenir le développement de PME et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) performantes et innovantes ayant choisi d’orienter leur offre vers le marché militaire. Dans le cadre de ce pacte, le ministère finance notamment un dispositif appelé « régime d’appui pour l’innovation duale », ou RAPID, consistant à soutenir les projets technologiques innovants des PME et ETI qui présentent des applications dans les domaines à la fois militaire et civil, l’idée étant que la DGA accompagne ces entreprises jusqu’à la commercialisation de leurs projets. Pourriez-vous dresser un rapide bilan de ce pacte Défense PME et plus particulièrement du dispositif RAPID ? Quels sont les dispositifs technologiques innovants que vous avez soutenus et qui ont donné lieu à des applications ? À quels besoins nouveaux des armées ces PME et ETI pourraient-elles encore répondre ?
M. Yves Fromion. Monsieur le ministre, ma collègue Marianne Dubois vent d’évoquer le financement de la future garde nationale. Je souhaiterais que vous nous en précisiez les financements, qui sont annoncés mais dont nous n’avons pas encore vu la traduction. Comment sera financée la montée en puissance de la garde nationale ? De même, comment allez-vous financer les mesures catégorielles dont le chef d’état-major des armées nous a parlé en Commission de la défense ?
Vous avez évoqué un avancement de phase pour certains équipements de la marine. Un effort n’aurait-il pas dû être entrepris pour SCORPION ? Selon le cadencement que vous avez décidé, nous aurons encore besoin en 2030 de mille VAB. En 2023, nous n’aurons qu’une seule brigade interarmes partiellement « scorpionisée ». Or, si nous avions simplement doublé les crédits affectés à SCORPION, nous aurions pu obtenir l’équivalent de trois brigades interarmes en 2025, à la hauteur des efforts demandés à nos soldats, qui vivent de plus en plus dans la précarité à cause de leurs matériels obsolètes. J’ai fait calculer par des spécialistes ce qu’aurait coûté le doublement du cadencement de SCORPION. Cela impliquerait d’inscrire 1,2 milliard sur la période 2018-2023, soit quelque 200 millions par an. Ce n’est pas considérable, au regard du volume du budget de la défense. Nous aurions alors une armée de terre dotée d’équipements performants et non plus une armée de Bourbaki totalement sous-équipée du fait de la paupérisation de ses équipements. Vous brûlez la chandelle par les deux bouts : d’un côté, vous ne mettez pas de nouveaux matériels à disposition et de l’autre vous usez jusqu’à la corde les matériels existants. On sait ce qui arrive quand on brûle la chandelle par les deux bouts…
M. Jean Launay. Je souhaite, monsieur le ministre, vous poser une question en qualité de président du groupe d’amitié France-Pologne, non pour revenir sur l’épisode des Caracal mais pour évoquer le dossier de la modernisation de la marine polonaise, qui a prévu d’y consacrer un budget conséquent d’ici à 2030, dossier dans lequel DCNS est en ligne. Comment voyez-vous la manœuvre diplomatique à mener pour ne pas complètement couper les ponts avec la Pologne, même s’il ne s’agit pas de justifier l’injustifiable avec ce qui s’est passé au sujet des Caracal ?
M. Philippe Folliot. La préparation opérationnelle de nos forces est un sujet d’inquiétude, eu égard aux questions relatives à la disponibilité et notamment aux contraintes imposées par l’opération Sentinelle, avec les conséquences qui en découlent sur le temps de préparation opérationnelle. Au-delà, se posent aussi les questions de disponibilité du matériel.
Je souhaite vous interroger sur une composante d’élite de l’armée de terre : les troupes de marine, et plus particulièrement l’infanterie parachutiste de marine regroupée au sein de la 11e brigade parachutiste. Nous nous heurtons à un manque cruel d’aéronefs pour qu’assurer à nos troupes des conditions d’entraînement à tout le moins normales, à défaut d’être optimales. Combien d’A400M en état de voler sont-ils aujourd’hui disponibles ? Qu’en est-il des éléments de spécification technique pour le largage, notamment s’agissant des portes latérales ? Existe-t-il d’autres perspectives ? On entend dire que nous pourrions acheter sur étagère des avions à l’étranger, par exemple des Hercules, pour faire face à ce trou capacitaire ; qu’en est-il au juste ? Pouvez-vous nous rassurer et garantir à ces unités, dont on connaît le niveau d’engagement et le professionnalisme, qu’elles pourront continuer à se préparer dans de bonnes conditions ?
M. Philippe Nauche. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur le caractère très positif de ce budget pour le moins conforme aux engagements qui ont été pris aussi bien dans la loi de programmation militaire et lors de la révision de celle-ci que dans le cadre des annonces faites par le Président de la République au printemps dernier.
Lors du Conseil des ministres du 12 octobre dernier, a été annoncée la création d’une Garde nationale. Établie sur la base des réserves opérationnelles des ministères de la défense et de l’intérieur, celle-ci a pour objet d’adapter la sécurité de la France aux menaces immédiates pesant sur le territoire national en constituant un vivier de 85 000 réservistes, dont près de 9 250 pourraient être mobilisés quotidiennement en cas de besoin.
Pour accompagner la montée en puissance de ces réserves opérationnelles, le Président de la République a approuvé un effort financier de 100 millions d’euros dès 2017, au-delà des budgets d’ores et déjà dédiés aux réserves. Or, cet effort supplémentaire ne figure pas, pour l’instant, parmi les mesures prévues dans le périmètre de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2017. Pouvez-vous nous préciser les modalités de financement de la montée en puissance de la réserve au format Garde nationale ?
Par ailleurs, vous étiez, le week-end dernier, en Centrafrique pour annoncer la fin de l’opération Sangaris. J’aimerais que vous puissiez nous éclairer sur le dispositif de l’après-Sangaris. Nos armées ont en effet accompli leur mission : les massacres interethniques de grande ampleur ont été évités, des élections ont pu se tenir, un embryon d’État est en cours de reconstitution et le relais a été passé à la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en Centrafrique – MINUSCA. La France restera néanmoins présente en Centrafrique, avez-vous annoncé. Dès lors, pouvez-vous nous éclairer sur le dispositif qui perdurera dans le cadre des OPEX pour assurer la suite ?
M. Philippe Vitel. Monsieur le ministre, votre distinction entre MCO de temps de paix et MCO de temps de guerre me laisse dubitatif. Lorsqu’on a l’ambition de disposer d’une défense globale, de pouvoir entrer en premier et de participer à des conflits de haute intensité, on doit avoir, dans ce domaine, un outil de grande capacité. Or, aujourd’hui, on constate que notre MCO de temps de paix nous sert en temps de guerre, au détriment de nos capacités opérationnelles.
Par ailleurs, je souscris au bilan que M. Rouillard a dressé de la situation de la Marine. J’apprécie du reste son courage : ses observations sont autant de raisons pour lesquelles nous nous prononcerons contre votre budget, et je me demande, dès lors, comment lui-même pourra le voter. (Sourires.) De fait, notre marine est en mauvaise santé et l’ensemble des retards accumulés, qu’ils concernent le BATSIMAR – Bâtiment de surveillance et d’intervention unique –, le report de la livraison du premier Barracuda ou le format de quinze frégates de premier rang, risquent de lui faire perdre son lustre.
Le 19 septembre dernier, notre porte-avions est parti de Toulon pour une mission d’un mois en Méditerranée orientale afin de contribuer aux frappes et au recueil du renseignement. Il participe ainsi, en Syrie et en Irak, aux attaques sur Mossoul et à l’isolement de Raqqa. Sa mission vient d’être prolongée d’un mois et demi. Cette décision aura-t-elle un impact sur le calendrier de l’IPER (indisponibilité périodique pour entretien et réparations) ? Je souhaiterais que vous rassuriez, sur ce point, notamment les entreprises sous-traitantes des grands donneurs d’ordres, car elles sont aujourd’hui très inquiètes de cette prolongation, laquelle démontre, s’il en était encore besoin, l’utilité d’un second porte-avions pour assurer la permanence à la mer du groupe aéronaval.
Enfin, je souhaiterais que vous nous apportiez quelques précisions à propos des Atlantique 2, car je constate, à ce sujet, une distorsion entre les propos que vous tenez aujourd’hui et ceux que vous avez tenus le 4 octobre dernier en commission. Alors que vous nous aviez dit votre mécontentement et votre volonté de vous rendre sur place pour le faire savoir : à vous entendre, on allait voir ce qu’on allait voir… Un mois plus tard, vous nous apprenez que cela va finalement beaucoup moins mal que vous ne le pensiez. Alors, qu’en est-il exactement ?
M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre, lors de votre audition, la présidente de la commission de la Défense et moi-même avions insisté pour connaître la dynamique des dépenses supplémentaires qui vont être imputées sur la loi de programmation pour les prochains exercices, en particulier ceux de 2018 et 2019. Nous avons bien entendu pris connaissance du document auquel vous aviez fait alors référence, mais celui-ci montre, si vous confirmez les chiffres mentionnés à la page 4, les grandes difficultés pour celui qui vous succédera en mai prochain à appliquer la loi de programmation militaire : il en ressort que le besoin supplémentaire de financement s’élèverait, pour l’exercice 2018, à près de 1 milliard d’euros – qui s’ajoutent aux 32,8 milliards prévus dans la LPM actualisée – et, pour l’exercice 2019, à 1,222 milliard d’euros, qui s’ajoutent aux 34 milliards prévus dans la même LPM actualisée. Autrement dit, non seulement vous faites porter l’effort principal sur les deux derniers exercices de la LPM, mais vous ajoutez quasiment 2,1 milliards supplémentaires. Si tel est le cas, je vous le dis très clairement, ce sera intenable pour votre successeur.
J’ajoute qu’à chaque fois que nous vous demandons comment vous financez ces dépenses supplémentaires, vous nous faites miroiter les coûts des facteurs. Aujourd’hui encore, vous nous annoncez, à la surprise générale, que vous avez trouvé 205 millions supplémentaires au titre des coûts de facteurs, qui s’ajoutent aux 275 millions que vous aviez déjà trouvés de la même façon… Ces 205 millions viennent-ils en réfaction de moyens budgétaires ou, une fois de plus, de ressources exceptionnelles ? En tout état de cause, si ces chiffres sont exacts, je crains que nous ayons beaucoup de mal à appliquer dans sa totalité la LPM actuelle.
M. Jean-David Ciot. Vous nous annoncez déjà une baisse !
M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le ministre, en dépit des très bons chiffres du budget de la Défense pour 2017, dont je me félicite, une question me semble devoir être abordée à nouveau ; je veux parler du programme 146 « Équipement des forces ». Je me souviens en effet que, lors de son audition par la commission de la Défense, le directeur général de l’armement, M. Laurent Collet-Billon, nous avait alertés sur l’impact du gel des crédits de ce programme à hauteur de 1,8 milliard d’euros, ce qui représentait 18 % du total des crédits du programme. Or celui-ci est d’une importance capitale puisque c’est sur ses crédits que sont passées les commandes et payées les factures de nos fusils, navires, avions, hélicoptères… Du montant des crédits dégelés dépendent le report de charges pour l’année suivante et donc le respect des engagements pris dans le cadre de la LPM.
Vous avez vous-même abordé cette question dans votre propos liminaire en nous indiquant que vous étiez mobilisé pour obtenir les arbitrages nécessaires. Ces gels de crédits provoquent une rupture de paiement que je qualifierais d’artificielle de la part du ministère à trois mois de la fin de l’année. Je souhaiterais donc que vous nous éclairiez sur les conséquences d’une telle décision, qui peut menacer l’ensemble de la filière de l’armement, c’est-à-dire non seulement les PME sous-traitantes mais aussi les grands groupes industriels. Quelles sont les dispositions concrètes prises par votre ministère en la matière ?
M. Alain Marty. Monsieur le ministre, la préparation des troupes de mêlée est essentielle lors des projections en OPEX. Or, le rythme d’emploi, entre OPEX et OPINT, a entraîné une importante diminution de cette préparation opérationnelle. Ainsi, en 2015, celle-ci a été, pour l’armée de terre, de 64 jours, contre 90 jours prévus dans la LPM, pour les pilotes de l’Aviation de l’armée de terre – ALAT –, de 156 heures au lieu de 180, pour les pilotes de chasse, de 150 heures au lieu de 180 et, pour les pilotes de transport de 260 heures au lieu de 400. La forte sollicitation de nos forces se fait au détriment de l’entraînement et de la préparation opérationnelle, si bien que le haut niveau opérationnel est en train d’être consommé. Cela vous paraît-il acceptable ? Quelles sont les actions que vous entendez mener pour restaurer cette capacité opérationnelle ?
Par ailleurs, l’indisponibilité des matériels demeure une préoccupation forte, moins en OPEX qu’en métropole. Le taux de disponibilité du matériel terrestre relevant du parc permanent pour assurer la préparation opérationnelle des régiments est compris entre 65 % et 70 % ; pour le matériel aéroterrestre, ce taux de disponibilité tombe à 40 %.
Nous savons que la remontée des jours de préparation opérationnelle nécessite un budget d’environ 10 millions d’euros par an sur la période 2015-2021. Pour le matériel terrestre, le besoin total non couvert en crédits d’entretien programmé des matériels est estimé à 509 millions, soit 84 millions par an. Pour disposer de forces bien préparées, nous avons encore de gros efforts à faire ; nous le devons aux femmes et aux hommes qui servent notre pays avec courage.
M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le ministre, l’EPMU – Établissement principal de munitions – de Salbris, dans le Loir-et-Cher, va fermer ses portes en 2018, alors que ce bassin d’emploi a déjà lourdement pâti de précédentes restructurations des industries de défense ; je pense notamment à GIAT et à MBDA. Le reclassement des 130 membres du personnel semble assuré dans des conditions décentes. Il reste quelques cas particuliers à régler, mais la principale inquiétude concerne la réutilisation de ce site pour compenser cette nouvelle perte d’activité qui touche gravement ce bassin d’emploi.
En effet, les collectivités territoriales ne pourront pas consacrer de moyens financiers à la reconversion de ce site, d’abord parce qu’elles ont à faire face à de lourdes difficultés budgétaires et ensuite parce que, supportant déjà un excédent de terrains de zones industrielles disponibles, elles ne financeront pas une opération aggravant ce déséquilibre. Seul, l’État peut donc accompagner financièrement la reconversion du site. Or, pour compenser véritablement la fermeture de l’EPMU, il faudra réussir une reconversion originale, c’est-à-dire ne pas concurrencer les offres existantes et jouer sur les atouts spécifiques du site en matière de sécurité et d’accessibilité. Seule une telle reconversion évitera à l’État de supporter durablement la charge d’un foncier inemployé qui se dégrade et nécessite des dépenses de gardiennage et d’entretien.
Mes questions sont donc les suivantes. Tout d’abord, l’État apportera-t-il les financements nécessaires aux études de reconversion ? Ensuite, le Gouvernement s’engage-t-il à tout mettre en œuvre pour que, dès qu’un projet civil sera susceptible d’être réalisé, la nouvelle autorisation nécessaire pour les activités civiles sur ce site soit accordée dans les délais les plus brefs ? Enfin, l’État accordera-t-il les moyens budgétaires nécessaires à la mise à niveau du point de vue de la sécurité et de la pollution de ce site, si cette mise à niveau est préalablement nécessaire à l’obtention de l’autorisation d’activités civiles ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je veux tout d’abord vous remercier, monsieur Lamour, de prendre acte de la publication du rapport triennal, à laquelle je m’étais engagé. Nous sommes là face à la réalité des chiffres : oui, ceux que vous avez cités sont justes. Cependant, lorsque je lis les propositions d’un certain nombre d’acteurs de l’opposition actuelle, je constate qu’ils se livrent à une sorte de course à l’échalote pour atteindre le plus vite possible l’objectif des 2 % du PIB. Or, l’effort budgétaire prévu pour 2019, qui s’inscrit dans la trajectoire définie cette année et qui comprend les augmentations que vous avez mentionnées, nous permettra de parvenir à 1,8 %, soit le même niveau qu’actuellement. Pour atteindre 2 %, il faudra donc faire davantage encore… Autrement dit, ce n’est pas si simple.
Monsieur Martin-Lalande, vous avez appelé mon attention sur l’établissement de munitions de Salbris, dont nous nous sommes déjà entretenus. Je sais que cette commune a connu, par le passé, d’autres restructurations des industries de défense…
M. Patrice Martin-Lalande. Très lourdes !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. …et que le conseil départemental du Loir-et-Cher a déjà consenti un effort financier important pour acquérir l’ex-site de GIAT. Je vous confirme donc que mon ministère est prêt à abonder, en complément des dispositifs existants, le volet territorial du Contrat de plan État-régions – CPER – de la région pour faciliter la reconversion de ce site. Je sais que vous prenez une part importante au comité de suivi constitué autour du sous-préfet de Romorantin, et nous veillerons à saisir toute opportunité qui pourrait se présenter. En ce qui concerne la dépollution du site, je mènerai les actions nécessaires pour vous permettre de garantir la disponibilité du terrain dans les meilleures conditions, compte tenu de tout ce qu’a déjà connu Salbris dans le passé. Je réitère ainsi, dans un cadre un peu plus solennel, les engagements que j’ai pris lorsque nous nous sommes rencontrés.
M. Patrice Martin-Lalande. Merci !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur Nauche, vous m’avez interrogé notamment sur l’opération Sangaris. L’OPEX est terminée, et il n’en est pas prévu de nouvelle. La mission Sangaris avait trois objectifs. Le premier était d’éviter les massacres de masse et d’enrayer ceux qui étaient en cours. Nos soldats y sont parvenus en faisant preuve de beaucoup de courage, car leur mission, qui a mobilisé jusqu’à 2 500 hommes, était très difficile. Certes, la sérénité n’est pas encore revenue en Centrafrique, mais nous ne sommes plus dans la situation, très grave, qui se préparait fin 2013. Le deuxième objectif de cette opération était de favoriser la mise en œuvre d’un processus démocratique : une élection présidentielle ainsi que des élections législatives ont eu lieu, et la Constitution a été réformée. Enfin, il s’agissait de faire en sorte que les missions internationales – celle des Nations unies, la MINUSCA, et celle de l’Union européenne, l’European union training mission, EUTM RCA – puissent se développer. Ces trois objectifs ayant été atteints, j’ai annoncé la fin de l’opération Sangaris.
Des éléments français participeront néanmoins à la MINUSCA. J’ai en effet décidé d’affecter à cette dernière une unité de drones du régiment de Chaumont, cette capacité manquant à la mission des Nations unies pour assurer le renseignement et la surveillance. Nous prendrons également notre part dans la mission EUTM RCA, qui est actuellement dirigée par un général français, en lui affectant des éléments de formation. J’ajoute que nous maintiendrons une petite unité sur l’aéroport M’Poko, pour assurer la sécurité du site sur la longue durée puisqu’il s’agit d’une implantation militaire française très ancienne. L’effectif des forces françaises en RCA s’élèvera ainsi à environ 250 hommes, affectés à ces nouvelles missions. Autrement dit, nous n’abandonnons pas la Centrafrique, mais c’est désormais aux Centrafricains eux-mêmes d’assurer leur sécurité future en reconstruisant, avec l’aide de la mission EUTM RCA, les Forces armées centrafricaines (FACA), la MINUSCA assurant par ailleurs une mission de sécurité sur l’ensemble du territoire. Nous leur passons en quelque sorte le relais ; c’est dans cette perspective qu’il faut inscrire la fin de l’opération Sangaris. En tout état de cause, je le répète, il ne s’agit plus d’une OPEX.
J’en viens au financement de la Garde nationale, sur lequel m’ont interrogé M. Nauche, Mme Dubois, qui est l’auteur d’un rapport parlementaire sur les questions de citoyenneté, et M. Fromion. L’objectif de ce dispositif est, pour les forces armées, de porter le nombre des réservistes de 28 000 l’an dernier à 40 000 fin 2018 ; il s’agit donc d’un objectif ambitieux. La réserve des forces de sécurité intérieure, dont la gendarmerie, devrait, quant à elle, compter 44 000 hommes fin 2018. Ainsi, l’ensemble des personnels de la Garde nationale devraient s’élever à 84 000.
Celle-ci sera dirigée par un secrétaire général, assisté d’une toute petite équipe composée de la quinzaine de personnes actuellement affectées au Conseil supérieur de la réserve militaire. Le secrétaire général de la Garde nationale devra mettre en œuvre la politique de recrutement ainsi que les mesures d’attractivité, qu’il s’agisse, par exemple, du financement d’une partie du permis de conduire pour les jeunes, de dispositions fiscales pour les entreprises employant des réservistes ou des dispositifs de fidélisation. Il sera, en outre, responsable de la communication et du partenariat avec les entreprises, notamment avec leurs organisations professionnelles au niveau territorial, voire national – j’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec le MEDEF. Cet ensemble donnera l’impulsion. Je précise que la réserve de nos forces armées et celle des forces intérieures intégreront la Garde nationale sous un commandement opérationnel autonome distinct.
Cette évolution se traduira, en ce qui concerne la Défense, par une augmentation des moyens budgétaires, qui passeront de 70 millions d’euros à 156 millions inscrits au titre II en 2017, à quoi s’ajoutent 21 millions d’euros hors titre II pour les équipements. Le budget de la Garde nationale s’élèvera, pour le ministère de la défense, à 220 millions d’euros en 2019. Cette progression se traduit, en 2017, par un effort supplémentaire de 100 millions d’euros partagés entre le ministère de la défense et celui de l’intérieur, et qui sera prolongé dans les années qui viennent.
L’effort est donc considérable, et il commence à porter ses fruits puisque l’effectif des réservistes est d’ores et déjà passé de 28 000 à 31 000.
Monsieur Fromion, vous m’avez également interrogé sur l’accélération du programme SCORPION. Tout d’abord, je ne ferais pas de la situation actuelle de l’armée de terre une description aussi catastrophique que la vôtre, même si je constate l’ampleur de l’usure des équipements en opération – et nous sommes en opération depuis longtemps. Pour résumer, il serait, me semble-t-il, intéressant d’accélérer la cadence de ce programme. Celui-ci est tout à fait performant, cohérent et global, et je crois donc que nous pouvons aujourd’hui réfléchir assez librement à cette question pour les années qui viennent. Je suis prêt, en tout cas, à avoir cette discussion.
M. Jean-François Lamour. Avec quels moyens budgétaires supplémentaires ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Il faudrait étudier la manière dont nous pourrions accélérer l’utilisation des 200 millions évoqués par M. Fromion. Il ne s’agit pas de vous aider à atteindre, le cas échéant, les 2 %. Comme je vous l’ai fait remarquer tout à l’heure, 2 %, c’est facile à dire, c’est plus difficile à faire, et, lorsqu’approchent les échéances, tout cela est à prendre en considération. Quoi qu’il en soit, je crois que nous pourrions avoir un intérêt technologique, voire budgétaire, à accélérer la cadence.
M. Yves Fromion. En retirant du matériel obsolète ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. C’est un sujet sur lequel j’ai déjà été alerté. Ce n’est pas une réponse démagogique que je vous fais là ; ce n’est pas mon genre.
Monsieur Launay, en ce qui concerne la Pologne, je suis, pour l’instant, très prudent. Franchement, nous sommes très fâchés, car ce ne sont pas des méthodes ! Puisque nos débats sont publics, je le dis indirectement à mon homologue polonais, qui a indiqué, devant le parlement de son pays, que les Bâtiments de projection et de commandement – BPC – que nous avons revendus à l’Égypte étaient cédés pour l’euro symbolique à la Russie. Qui plus est, il a fait cette déclaration le jour même où j’assistais, sur l’un de ces BPC, avec le ministre de la défense égyptien, à des manœuvres de ce bateau en baie d’Alexandrie. On en est là… La situation est donc un peu tendue, et je ne me vois pas prendre des initiatives pour l’instant.
Néanmoins, cela ne nous empêche pas de respecter nos obligations et d’appliquer les mesures de réassurance décidées dans le cadre de l’OTAN, y compris en envoyant des unités de blindés en Estonie en 2017 et en Lituanie en 2018. Nous sommes corrects en affaires, nous…
J’ai déjà répondu en partie à la question de M. Ciot relative à la situation économique d’Airbus Helicopters. Avant la décision polonaise que nous avons évoquée, il y avait eu, en avril dernier, le crash d’un hélicoptère H225 au large de la Norvège, qui a immobilisé l’ensemble de la flotte constituée de ces appareils, et porté de ce fait un coup dur à l’entreprise. Heureusement, l’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) a décidé, début octobre, d’autoriser à nouveau les H225 à voler – pour notre part, nous n’avions pas suspendu l’autorisation. Par ailleurs, la commande de trente Caracal passée par le Koweït au mois d’août a apporté une bouffée d’oxygène à Airbus Helicopters.
Puisqu’il a été beaucoup question d’hélicoptères au cours de cette soirée, je souhaite qu’une réflexion soit engagée avec l’entreprise au sujet du maintien en condition opérationnelle du Tigre. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il faut absolument qu’il soit procédé à une expérimentation sur cet appareil afin que nous sortions de la situation insupportable où nous nous trouvons au sujet des hélicoptères. Chiche, relevons ce défi ! Pour ma part, je suis tout à fait disposé à discuter avec les responsables de l’entreprise pour tenter cette expérimentation.
Monsieur Folliot, je comprends votre préoccupation au sujet de la disponibilité des A400M, et en particulier des difficultés auxquelles sont confrontés les parachutistes – et pas seulement ceux de votre ville – pour trouver des avions de transport équipés pour servir à leurs entraînements. L’A400M pose des problèmes en matière de largage, d’autoprotection et de poser. Nous avons fait connaître des exigences auprès de la direction générale d’Airbus, et ne sommes pas les seuls à l’avoir fait, puisque d’autres pays européens ont les mêmes difficultés que nous avec cet appareil – sept pays européens l’utilisent. En ce qui nous concerne, sur une cible de cinquante avions au total, quinze doivent être livrés d’ici à 2019 ; malheureusement, les onze appareils dont nous disposons d’ores et déjà ne fonctionnent pas, ou seulement de façon épisodique. L’engagement pris par Thomas Enders consiste à nous livrer deux appareils neufs et trois appareils retrofités avant la fin de l’année 2016, lesdits appareils étant conformes aux conditions nouvelles, intégrant notamment l’aérolargage. La livraison des appareils a commencé, et j’attends les résultats des essais pour apprécier la situation. L’A400M a une longue histoire, une histoire pénible, et nous nous retrouvons face à une situation très préoccupante.
M. Philippe Folliot. Combien d’avions sont en état de voler actuellement, monsieur le ministre ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Un ou deux, de manière épisodique, auxquels devraient s’ajouter les retrofits. Je précise que notre pays n’est pas le seul à se trouver dans cette situation, avec un appareil dont l’histoire a été jalonnée de problèmes depuis le départ. Je dois faire le point pour la fin de l’année 2016, et j’espère que ce ne sera pas pour dresser le constat d’une grave crise – si cela devait être le cas, il est évident que l’achat des quatre C-130J neufs auquel il a été procédé ne saurait suffire à nos besoins.
M. Marty m’a interrogé au sujet de la préparation opérationnelle – que j’ai toujours considérée comme un élément essentiel de la qualité de nos opérations. Le nombre de vols en hélicoptère pour l’armée de terre s’établira à environ 164 heures en 2017, contre 146 heures en 2015 et 159 heures en 2016. Quant aux journées de préparation opérationnelle, dont le volume avait beaucoup baissé en raison de l’opération Sentinelle, elles augmentent à nouveau progressivement grâce au renforcement des effectifs de la force opérationnelle terrestre. Alors qu’il n’y avait eu que 64 jours de JPO en 2015, nous allons remonter à 81 jours en 2017, et nous devrions prochainement rejoindre des chiffres proches des normes OTAN. Je précise que nous avons augmenté la préparation opérationnelle de 4,3 % par an en moyenne, et redressé ainsi un poste de défense qui se trouvait un peu délaissé. Il s’agit, à mes yeux, d’une nécessité impérative, et nous allons poursuivre nos efforts en ce sens à l’issue de la période d’adaptation un peu difficile que l’armée de terre a connue en 2015-2016.
Pour ce qui est du dispositif RAPID, je veux dire à M. Villaumé que ses résultats sont assez spectaculaires, puisque nous avons soutenu soixante projets en 2015, et que nous devrions atteindre le même niveau en 2016, avec 50 milliards d’euros de subventions. L’innovation duale nous a permis de soutenir un grand nombre d’applications, et le succès de ce dispositif ne peut que conforter le plan de soutien aux PME et PMI que j’avais annoncé en 2012, dont il constitue l’action la plus spectaculaire – il y en a d’autres, notamment l’accompagnement à l’exportation, le développement de forums et de journées spécialisées ou encore l’accompagnement des 400 PME critiques ou stratégiques, autant de dispositions de nature à irriguer les PME par le biais du budget de la défense dans le cadre de l’innovation duale.
Pour répondre à M. Vitel, l’actuelle prolongation d’activité du porte-avions Charles-de-Gaulle n’aura pas de conséquences sur son ATM. En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle des Atlantique 2, je vous confirme ma position : ayant été alerté, j’ai mis en place un dispositif, et je vais prochainement aller vérifier s’il fonctionne – vous serez invité à m’accompagner.
M. Philippe Vitel. Ce dispositif a-t-il été mis en place depuis votre audition du 4 octobre par la Commission de la défense, monsieur le ministre ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Oui, j’ai fait le point sur le dispositif après cette audition.
Pour ce qui est du gel des crédits du programme d’équipement des forces, évoqué par M. Laurent, j’ai indiqué tout à l’heure que nous avions obtenu une diminution du gel de 700 millions d’euros il y a quelques jours. En cette fin d’année, nous sommes toujours dans la période de négociation des équilibres de fin d’exercice – il est peut-être dommage que cela se fasse après l’examen du budget, mais c’est ainsi – qui donne traditionnellement lieu à une discussion un peu tonique avec le ministère de l’économie et des finances. Lors de cet exercice auquel nous sommes habitués, notre préoccupation est de faire en sorte que les programmes qui avaient été décidés antérieurement ne soient pas remis en cause faute de financement.
M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, nous vous remercions d’avoir répondu à toutes nos questions.
La réunion de la commission élargie s’achève à zéro heure dix.
Compte rendu de la commission élargie du mercredi 2 novembre 2016
(Application de l’article 120 du Règlement)
Aide publique au développement
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures cinq sous la présidence de M. Dominique Baert, vice-président de la commission des finances, et de Mme Chantal Guittet, vice-présidente de la commission des affaires étrangères, puis de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères.
M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, monsieur le secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie, nous sommes heureux de vous accueillir dans cette commission élargie. Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, retenue par la conférence des présidents, vous prie de l’excuser. Mme Chantal Guittet, vice-présidente de cette même commission, la remplacera jusqu’à son arrivée prochaine.
Nous sommes réunis afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2017 consacrés à la mission « Aide publique au développement ». La conférence des présidents ayant reconduit les modalités d’organisation de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, nous entendrons d’abord les rapporteurs des commissions, chacun disposant de cinq minutes. Après la réponse du ministre, les porte-parole des groupes s’exprimeront, également pour cinq minutes chacun. Puis, les députés qui le souhaitent pourront intervenir pendant deux minutes.
M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre, je vais tenir des propos peu agréables, mais qui ne vous concernent pas directement puisqu’il faut reconnaître que, pour la première fois, les crédits de la mission « Aide publique au développement » augmentent légèrement. En revanche, sur l’ensemble du quinquennat, c’est une catastrophe, car la comparaison des crédits affectés à cette mission en 2012 avec ceux prévus pour 2017 montre un écart de 646 millions d’euros, soit moins 20,8 %. Cet effondrement est d’ailleurs incompréhensible, car lorsque l’on considère l’ensemble des missions depuis 2012, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » mise à part, c’est la mission « Aide publique au développement » qui a le plus souffert des diminutions de crédits.
Certes, en apparence, une meilleure image est donnée, mais elle tient à la confusion qui est faite avec les deux taxes additionnelles, celle sur les billets d’avion et celle sur les transactions financières (TTF). Or l’une comme l’autre ont toujours été conçues et mises en œuvre pour constituer des taxes additionnelles, et non pas des taxes de substitution aux crédits budgétaires.
À une époque où l’inquiétude règne au sujet du devenir de l’Afrique, son explosion démographique et la misère qui s’installe dans un certain nombre de pays, les déclarations politiques très optimistes sur l’aide publique au développement (APD), notamment du Président de la République, ne sont suivies d’aucun effet concret en termes budgétaires. C’est la raison pour laquelle les députés, tous courants politiques confondus, ont pris l’initiative, dès 2016, d’augmenter les crédits dans des proportions importantes, et l’ont confirmée dans le budget pour 2017 en adoptant à l’unanimité un amendement en commission des finances. Cet amendement a ensuite été adopté lors de l’examen en séance publique de la première partie du projet de loi de finances.
Le Gouvernement est-il déterminé à maintenir jusqu’à la fin du débat budgétaire les 270 millions d’euros supplémentaires prélevés sur la TTF ainsi votés afin d’être versés à l’Agence française de développement (AFD) pour ses opérations de subventions et bilatérales ? C’est précisément dans ces deux domaines que nous sommes très déficients alors qu’ils concernent les pays les plus pauvres, les pays les moins avancés (PMA). Il me semble qu’il y a là beaucoup à faire, et l’AFD est tout à fait prête à agir. La réponse à cette question conditionnera la position que nous adopterons à l’issue du débat sur la loi de finances.
Êtes-vous prêt à confirmer qu’il n’y aura pas un accord du Gouvernement d’un côté, et, de l’autre côté, un rattrapage portant sur les crédits ainsi que cela s’est produit en 2016 ?
Par ailleurs, devant la conférence des ambassadeurs au mois d’août 2015, le Président de la République avait annoncé la fusion de l’AFD avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Or rien ne s’est produit, car des résistances très fortes se sont manifestées, et aujourd’hui ce projet est mort-né. En revanche, j’ai cru comprendre qu’un certain nombre de dispositions doivent être prises avant la fin de l’année afin de rapprocher partiellement la CDC et l’AFD. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?
Enfin, nous agissons beaucoup sur le plan militaire en Afrique. Dans quelle mesure existe-t-il des liens matériels, juridiques et fonctionnels entre nos actions militaires et l’aide publique au développement ?
M. Jean-Claude Guibal, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Le budget de l’aide au développement de la France a souffert, depuis 2013, d’une diminution régulière de ses crédits, qui n’a pris fin que grâce aux amendements adoptés lors de la discussion budgétaire de l’année dernière. Le projet de loi de finances que nous examinons aujourd’hui représente certes une amélioration par rapport à celui présenté l’année dernière, mais celle-ci demeure insuffisante pour que je donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.
L’augmentation d’environ 5 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » reste limitée et maintient le niveau de notre aide à près de 20 % en dessous de son niveau de 2012 – à moins que le parlement ne vienne une nouvelle fois rétablir la situation, comme il l’avait fait l’an dernier. Cette augmentation est surtout constituée d’efforts ponctuels et limités, comme celle d’environ 38 millions d’euros de l’aide bilatérale sous forme de dons, qui demeure insuffisante au regard des besoins actuels, ou encore l’aide de 50 millions d’euros accordée pour la deuxième année aux réfugiés de la zone syrienne, conformément aux engagements pris par la France.
L’économie générale du budget de l’aide au développement demeure cependant la même.
De fait, le budget qui nous est présenté n’indique aucune inversion du glissement de notre aide au développement du bilatéral vers le multilatéral, dont la part est passée de 35 % à 43 % entre 2012 et 2015. Il ne s’agit pas de remettre en cause l’utilité de l’aide multilatérale ni des efforts que fait la France pour préserver son influence auprès des principaux bailleurs, mais l’augmentation de la part du multilatéral a induit une dispersion de nos efforts vers des objectifs que nous ne maîtrisons pas suffisamment. Ainsi, les objectifs de développement durable adoptés l’année dernière reflètent certes les finalités de l’aide publique au développement pour 2030, mais ils ne peuvent constituer la seule définition de l’aide au développement de la France, qui doit aujourd’hui répondre à des urgences.
L’augmentation des crédits est bien sûr souhaitable, mais elle ne peut se résumer à une politique du chiffre visant à atteindre un jour le fameux objectif des 0,7 % du revenu national brut (RNB), un objectif certes louable, mais qui nous conduit à faire valider par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) un ensemble disparate de dépenses, dont la mission « Aide publique au développement » ne représente, du reste, qu’environ 30 %, plutôt qu’à nous doter des moyens adaptés à nos objectifs.
L’aide publique au développement ne peut être séparée de nos objectifs de politique étrangère, dont elle est une composante. Stabiliser les pays de la zone sahélienne, consolider les appareils administratifs et sécuritaires des États de la région, soutenir l’emploi et l’agriculture familiale dans les régions dont la croissance démographique est la plus forte et soutenir l’éducation dans ces pays, telles doivent être nos priorités. Notre politique étrangère comme notre politique de défense ont besoin de l’aide publique au développement : une intervention militaire ne suffit pas à elle seule à stabiliser un pays.
Quelle est la part de notre politique aujourd’hui consacrée à la stabilisation des pays du Sahel ? Avons-nous une stratégie d’aide au développement visant spécifiquement à la stabilisation de cette région ?
Par ailleurs, quel sort le Gouvernement entend-il donner au projet de création d’une facilité de lutte contre les vulnérabilités et de réponse aux crises proposé par l’AFD ? Est-il prévu de lui affecter un budget supérieur aux 100 millions d’euros qui seraient envisagés et qui ne paraissent guère suffisants au regard des besoins ?
Notre aide au développement, ne disposant que de moyens limités, doit d’autant plus être rationalisée et avant tout pilotée de façon cohérente. La réorganisation en cours de notre dispositif, actuellement éclaté entre deux ministères, serait ainsi utilement complétée par la création d’un ministère de plein exercice, réactif et capable de hiérarchiser les priorités. Est-il envisagé que la réorganisation en cours, avec la création d’Expertise-France et le rapprochement entre l’AFD et la Caisse des dépôts, aboutisse enfin à la mise en place d’un pilotage unifié de notre aide au développement ?
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Je me réjouis de commencer avec vous l’examen du budget de mon ministère par l’aide publique au développement, car j’y vois un symbole. En écoutant les rapporteurs, je vois aussi une ambition partagée. Il s’agit, en effet, monsieur Guibal, d’un aspect extrêmement important de notre politique étrangère.
Je ne vous décrirai pas tous les désordres du monde, vous les connaissez fort bien. Il est vrai que le ralentissement de la croissance dans les pays émergents à des conséquences sur les États les plus pauvres, notamment en Afrique, où des centaines de millions de personnes n’ont pas accès aux services de base comme la santé et l’éducation.
À cela, il faut ajouter le dérèglement climatique, ainsi que, vous l’avez tous deux évoqué, messieurs les rapporteurs, les désordres sécuritaires, notamment la menace du terrorisme et de la radicalisation, situation qui conduit la France à intervenir soit directement, soit dans le cadre d’opérations de maintien de la paix, contre Daech, AQMI au Sahel, Boko Haram en Afrique subsaharienne. Les populations sur place n’ont d’autre choix que de subir la barbarie au quotidien ou de fuir, ce qui pose la question de l’immigration en provenance de ces pays. Aussi aider tous ces pays constitue-t-il l’une des priorités de notre politique.
Il est vrai que nous intervenons militairement, mais il faut aussi s’attaquer aux racines du mal ; nous le constatons au Mali et en Centrafrique. Des modèles politiques doivent prendre la suite des opérations militaires, ce qui est le cas au Mali avec les accords pour la paix et la réconciliation ; c’est aussi vrai pour la République centrafricaine où le gouvernement légitime doit faire face à une exigence de réconciliation, mais aussi de l’installation d’un État, de la construction d’une administration, d’une police et d’une armée. La mise en œuvre de projets de développement est aussi nécessaire, ce qui rend indispensable une aide s’inscrivant dans la durée, mais ne se limitant pas à une action sécuritaire.
C’est la raison pour laquelle, en préparant ce budget pour 2017, j’ai souhaité que le budget de l’aide publique au développement connaisse une forte augmentation. Les moyens de l’APD augmenteront de très manière significative en 2017. C’est la traduction concrète des engagements du Président de la République : augmentation de plus 4 milliards d’euros de la capacité l’intervention de l’AFD et de près de 400 millions d’euros de dons à l’horizon 2020.
Les crédits budgétaires de la mission APD augmentent de 133 millions d’euros, dont 83 millions d’euros pour l’aide sous forme de dons sur le programme 209, ce qui constitue un changement significatif que Jean-François Mancel a souligné, 50 millions d’euros pour l’aide sous forme de prêt sur le programme 110, conjointement géré avec le ministère des finances.
L’aide publique au développement de la France doit être considérée de façon globale. Il convient donc aussi de prendre en compte les ressources extrabudgétaires affectées à partir d’une partie des recettes de la taxe sur les transactions financières et de la taxe sur les billets d’avion. Le niveau des recettes de la taxe sur les billets d’avion affecté à l’APD est reconduit en 2017 à son niveau de 2016, soit 210 millions d’euros. La taxe sur les transactions financières a fait l’objet de débats approfondis lors de l’examen de la première partie du PLF la semaine dernière.
Vous avez adopté trois amendements : deux amendements dits « fiscaux », à l’article 11 du PLF, l’un instituant le dispositif de TTF intra-journalière, l’autre augmentant le taux de la TTF de 0,2 % à 0,3 %. Cela veut dire qu’il y aura plus de recettes de TTF l’an prochain. Une partie de ces recettes additionnelles sera affectée à l’APD : c’est l’objet du troisième amendement, qui affecte plus de 270 millions d’euros à l’AFD. Avec ce dernier amendement, le niveau de TTF affecté à l’APD passera donc de 528 millions d’euros en 2016 à 798 millions d’euros en 2017.
Le total des taxes affectées à l’aide publique au développement, TTF plus taxe sur les billets d’avion, dépassera en 2017 le milliard d’euros, pour s’établir à 1,8 milliard d’euros. Au final, avec ces 270 millions d’euros de ressources extrabudgétaires additionnelles que vous avez votés, cumulées aux 133 millions d’euros supplémentaires prévus sur les crédits budgétaires de la mission, les crédits de notre APD augmenteront de 403 millions d’euros par rapport à 2016. Cela veut dire que le niveau d’APD en 2017 sera supérieur de 160 millions d’euros à son niveau de début de quinquennat.
Grâce à ces moyens additionnels, le pourcentage de notre revenu national brut consacré à l’APD augmentera très significativement puisque nous étions à 0,37 % du RNB en 2015, à 0,38 % en 2016 et que nous devrions, en 2017, dépasser très largement la barre des 0,40 %, et même approcher les 0,42 %. Nous ne sommes pas encore à 0,7 %, mais c’est ce vers quoi nous devons tendre. Parmi ceux de nos pays voisins qui sont très engagés en matière d’aide au développement, la Grande-Bretagne atteint presque ce taux et l’Allemagne se situe légèrement au-dessus de nous. J’admets que nous avions contracté un retard que nous devons rattraper, objectif qui s’inscrit dans la durée.
Nous nous rencontrons quotidiennement avec André Vallini, et considérons que, dans la répartition des moyens additionnels, la priorité doit être donnée à l’aide sous forme de dons. Les 270 millions d’euros de TTF que vous avez votés seront intégralement consacrés à l’aide sous forme de dons. Si l’on ajoute les 83 millions d’euros prévus pour le programme 209, les dons augmenteront de 353 millions d’euros. Cela veut dire que nous aurons réalisé en 2017 l’essentiel de la trajectoire fixée par le Président de la République dans ce domaine, soit une augmentation des dons de l’ordre de 400 millions d’euros à l’horizon 2020. Je ne peux donc que me féliciter du rôle que chacun a pu jouer, particulièrement du travail fourni par les parlementaires qui, depuis plusieurs années et singulièrement l’année dernière, ont pris des initiatives.
À côté des dons, les crédits du programme 110 pour l’aide sous forme de prêts augmenteront de 50 millions d’euros. Il y a donc bien un rééquilibrage de notre dispositif global en faveur des dons. Dans le même temps, l’augmentation de ce programme nous permet d’être en cohérence avec la trajectoire fixée par le Président de la République en matière de prêts avec l’augmentation de 4 milliards d’euros de la capacité d’intervention de l’AFD à l’horizon 2020.
Vous m’avez interrogé au sujet de la répartition des moyens additionnels pour les dons : elle devra se faire en fonction des grandes orientations qui seront décidées lors du prochain comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), qui ne s’est pas réuni depuis plusieurs années, et se tiendra sous peu sous la présidence du Premier ministre.
Il faut faire preuve de pragmatisme au sujet des canaux qui devront être activés pour mettre en œuvre ces ressources nouvelles. Il ne faut pas créer de rigidités supplémentaires par des considérations techniques, car, à chaque fois, il s’agit de revenir à nos choix politiques. Le pragmatisme impose d’être en mesure d’utiliser tous les canaux à notre disposition avec le maximum d’efficacité, qui dépend de la rapidité de la mise en œuvre des actions conduites.
L’essentiel de la ressource additionnelle pour 2017 a vocation à être affectée à notre aide bilatérale, notamment au profit de l’aide à projet mise en œuvre par notre opérateur pivot, l’Agence française de développement.
Je sais, par ailleurs, d’expérience que nous devons conserver une partie de la ressource pour nos outils de réponse aux crises, notamment en matière de stabilisation, d’aide humanitaire d’urgence, dont une partie très importante transite par les organisations non gouvernementales (ONG), et l’aide alimentaire. J’ai récemment lu un article de presse dont le ton était assez ironique et qui considérait, au sujet d’Haïti, que le plus clair de l’aide apportée à ce pays était le fait des ONG. C’est faux : il s’agit d’une aide que les ONG que nous considérons comme de bons opérateurs de terrain mettent en œuvre, mais qui est financée par l’État.
À chaque fois qu’une crise survient, nous travaillons avec les ONG les plus performantes et les mieux implantées, et nous les aidons. C’est pourquoi il faut augmenter les moyens du Centre de crise et de soutien dont vous connaissez tous le rôle. Au cours des arbitrages budgétaires, j’ai insisté pour que les moyens en personnels de cette structure soient renforcés, fut-ce de façon modeste. Car ce centre de crise a fait preuve de sa compétence dans bien des situations, par exemple à Nice où dix-neuf nationalités étaient concernées par le terrible attentat. Et j’ai pu le constater lors de la cérémonie à la mémoire des victimes, les équipes du Centre étaient présentes depuis une semaine pour accompagner les familles des victimes. Un travail à la fois très professionnel et très humain a été accompli, et je profite de cette occasion pour le saluer.
Par ailleurs, dans l’aide publique au développement, le canal européen ne doit pas être oublié. Il constitue un vrai levier pour mobiliser les ressources conjointes de l’ensemble des États membres pour un certain nombre de projets. Pratiquement à chaque réunion du Conseil des affaires étrangères (CAE), la question de l’aide publique au développement, en particulier à l’Afrique est à l’ordre du jour. Et le fonds européen de développement (FED), auquel la France contribue au niveau de 17,6 %, ce qui en fait le deuxième financeur, constitue un facteur de démultiplication des actions engagées. Notre contribution, versée à partir du programme 209, augmentera de 41 millions d’euros. La France pèse donc particulièrement sur les orientations de ce fonds, et elle veille à ce que les décisions prises au Conseil européen des affaires étrangères concernent prioritairement les régions les plus fragiles comme le Burkina Faso, la République démocratique du Congo, le Mali, le Niger – pays qui fait preuve de beaucoup de courage – et Madagascar, pays qui connaît de graves difficultés et où se tiendra le prochain sommet de la francophonie.
S’agissant des priorités thématiques, je n’oublie pas notre contribution au Fonds fiduciaire d’urgence pour les migrations. Vous avez en mémoire les décisions prises au sommet de La Valette ; les aides sont très attendues par les pays partenaires, particulièrement en Afrique. Il faut encore mentionner la facilité pour l’investissement pour l’Afrique, la facilité africaine pour la paix, le travail en cours pour fixer un objectif de 20 % des ressources du FED consacrées au climat. On ne parle pas assez, à mon avis, du volet européen de la politique publique de développement dans le débat français. Je tenais donc à le rappeler, car il est essentiel.
Par ailleurs, les canaux multilatéraux inscrivent notre action dans de grandes priorités transversales. Je souhaite évoquer en particulier notre contribution aux fonds santé, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), ainsi qu’aux grandes pandémies. La France est très présente, et personne au sein de l’Organisation des nations unies ne néglige son rôle. Cela est aussi vrai pour le climat, avec par exemple le Fonds vert, dont les dotations augmenteront en 2017.
Il s’agit de mobiliser des ressources, via les canaux multilatéraux, là où la situation sécuritaire est très dégradée. En Syrie et en Irak, nous nous préparons à disposer, à l’issue de la bataille de Mossoul, de fonds d’urgence très importants que nous utiliserons dans un cadre soit bilatéral, soit multilatéral. La France devra être présente, car des crises humanitaires ne manqueront pas de survenir après cette bataille, auxquelles il faudra faire face, et l’on voit déjà le nombre de réfugiés augmenter. Là encore, nous devrons collaborer étroitement avec les agences onusiennes.
Afin de répondre de façon précise à vos questions, je vous indique que le Fonds de solidarité et de développement (FSD) constitue le réceptacle naturel des taxes affectées à l’APD. En complément des outils du programme 209, il présente, en matière de dons, la souplesse de gestion permettant aussi bien de mettre en œuvre nos canaux bilatéraux que multilatéraux. Encore une fois, j’insiste sur la nécessité d’agir rapidement, surtout dans les situations de crise, et le FSD permet d’affecter les fonds de façon beaucoup plus dynamique.
Je rappelle quelles sont nos priorités thématiques. La première consiste à poursuivre notre effort visant à augmenter l’aide transitant par les ONG, ce qui est très attendu. La seconde réside dans la définition de nos priorités géographiques, en Afrique en particulier. La troisième est constituée par le renforcement de notre action en faveur des secteurs prioritaires que sont la santé, le climat et l’éducation. La quatrième est la réorganisation de l’AFD, qui travaille bien avec son nouveau directeur, Rémi Rioux, en tant qu’opérateur pivot de notre aide bilatérale.
Nous avons élargi les missions de l’AFD au secteur de la gouvernance, avec transfert des instruments financiers, mais également de l’ensemble de l’expertise technique dans ce domaine. Nous avons recommandé à Expertise-France de se rapprocher de l’AFD afin de se restructurer et être ainsi beaucoup plus efficace, ce que M. Mancel a préconisé avec raison.
Présidence de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères
M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Conformément à l’annonce faite en août 2015 par le Président de la République, le rapprochement entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations est en cours. Il ne s’agit pas nécessairement du rapprochement initialement prévu, mais je puis garantir que cette coopération étroite se traduira par une convention-cadre pluriannuelle qui sera signée au mois de décembre prochain. Cette convention permettra la mise en commun d’expertises sectorielles, le développement de la mobilité des personnels entre les deux institutions ainsi que la convergence des réseaux, car la Caisse des dépôts dispose d’un bon réseau, notamment sur le plan national, singulièrement auprès des acteurs du développement au sein des collectivités territoriales. À cet égard, la conférence des ambassadeurs a consacré une journée à la diplomatie des territoires. Enfin, un fonds d’investissement de 500 millions d’euros, commun à l’AFD et à la CDC, sera créé pour financer de grands projets d’infrastructures dans les pays en développement.
Une autre de nos priorités thématiques est le renforcement de nos instruments et de notre capacité d’action en matière de stabilisation et de réponse aux vulnérabilités dans les régions les plus fragiles ; vous connaissez ces régions, je pense à la région du Lac Tchad, la bande saharo-sahélienne.
Je prie la représentation nationale de m’excuser, mais je vais laisser André Vallini prendre le relais, car je dois me rendre au Conseil de défense, dont l’ordre du jour comporte des questions très délicates.
M. Dominique Baert, président. Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes, puis aux questions des députés.
M. Jean-René Marsac. Face aux multiples défis planétaires, il est de la responsabilité de la France de reprendre une trajectoire ascendante vers les objectifs qu’elle s’est fixés en matière d’aide publique au développement : consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’APD – nous en sommes à 0,37 % –, et augmenter de 4 milliards d’euros les capacités d’intervention, en particulier de l’AFD, en faveur du développement d’ici à 2020. Le budget dont nous débattons aujourd’hui constitue une première étape, avec une proposition de hausse de 133 millions d’euros par rapport à 2016, des crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Cette hausse de 5 % est la première depuis cinq ans ; elle est néanmoins insuffisante. Afin de dégager des recettes supplémentaires, nous avons adopté, en première partie du projet de loi de finances, une augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières de 0,2 % à 0,3 %, tout en étendant cette taxe aux transactions dites « intraday ». Ces amendements permettent d’allouer 270 millions d’euros supplémentaires à l’Agence française pour le développement, et de porter la recette de la taxe sur les transactions financières dédiée au développement à 800 millions d’euros. Nous serons attentifs à ce que ces moyens supplémentaires soient effectivement affectés à l’aide publique au développement. En outre, nous souhaitons que les recettes issues de la taxe sur les transactions financières soient utilisées de manière massive sous forme de dons et de subventions, comme nous le demandons depuis plusieurs années. Le recours de plus en plus important aux prêts conduit, en effet, à concentrer l’aide en direction des pays à revenu intermédiaire, c’est-à-dire vers des pays solvables. Nous réaffirmons qu’il faut réserver un sort particulier aux pays les moins avancés en leur consacrant véritablement 50 % de l’aide publique au développement, majoritairement sous forme de dons et de subventions.
Par ailleurs, nous regrettons le manque de lisibilité du Fonds de solidarité pour le développement, par lequel transitent les recettes de la taxe sur les transactions financières destinées au développement. Quelle est la part des ressources du FSD respectivement affectée sous forme de prêts et sous forme de dons ? Que propose le Gouvernement pour permettre un suivi, par la représentation nationale, plus simple et plus clair de l’utilisation de ces moyens financiers ?
Comment sera mise en œuvre l’augmentation des crédits affectés aux ONG, conformément à l’engagement pris par le Président de la République ?
Les députés du groupe Socialiste, écologiste et républicain voteront les crédits de la mission « Aide publique au développement ».
M. Michel Terrot. Certes, dans le projet de budget présenté initialement par le Gouvernement, les crédits de l’aide publique au développement augmentent, pour 2017, de 130 millions d’euros, mais, en pleine année électorale, cette augmentation ne doit pas faire oublier l’importante érosion subie depuis 2012.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. Depuis 2010 !
M. Michel Terrot. Regardez les données, madame la présidente, la véritable rupture intervient en 2012.
En tout cas, mes chiffres sont exacts : depuis 2012, le recul est supérieur à 20 %, soit plus de 600 millions d’euros. L’aide publique au développement est le budget qui a subi la plus forte baisse, après celui des anciens combattants. Pire, c’est le programme 209, qui concerne l’aide bilatérale aux pays les plus pauvres, pour la plupart francophones, qui absorbe la grande majorité des coupes : sur le quinquennat, il aura perdu 500 millions d’euros.
Après avoir été longtemps deuxième donateur, au milieu des années 1990, la France se place aujourd’hui derrière les États-Unis, le Royaume Uni, l’Allemagne et, depuis 2015, le Japon. Cette cinquième position n’est pas conforme au rang et aux traditions de notre pays en matière d’aide internationale. Les engagements pris par les autorités françaises, au G8 de 2005, de consacrer 0,7 % du revenu national brut en 2015 n’ont pas été tenus, et nous nous en sommes même fortement éloignés au cours de ce quinquennat.
Sur un autre sujet, je constate que, depuis de longues années, un nombre croissant de commissaires aux affaires étrangères demandent un rééquilibrage entre le multilatéral et le bilatéral au bénéfice de ce dernier. Ces parlementaires demandent avec la même insistance qu’au sein du bilatéral, la part du don ou de la subvention soit sensiblement augmentée par rapport à celle du prêt. Pourtant, depuis 2012, la part du don n’a cessé de décroître, à tel point qu’elle n’est devenue que résiduelle et qu’elle ne permet pas de venir en aide aux pays les plus pauvres qui en ont le plus besoin
S’agissant des financements innovants, une guerre de tranchées a opposé le Gouvernement et une partie de sa majorité. La taxe sur les transactions financières a fait l’objet de plusieurs amendements votés en première partie de la loi de finances. Cette question difficile est abordée de deux façons différentes : il y a ceux qui pensent que le moment était mal choisi en raison de la concurrence de Paris avec d’autres places financières à la suite du Brexit britannique, et il y a ceux qui considèrent que cet apport de financement nouveau est indispensable pour redonner un peu de consistance à l’aide bilatérale que la France doit mettre en place, notamment pour aider les pays africains avec lesquels elle entretient depuis longtemps des relations si particulières. En tout cas, si, comme je l’espère – et comme le ministre ne l’a pas dit en réponse à une question de M. Mancel –, ces recettes additionnelles survivent à la navette parlementaire, si elles constituent véritablement un surplus et ne viennent pas se substituer à d’autres, il sera bon de les affecter.
Il ne serait pas inutile de réfléchir aux propositions présentées le 19 octobre dernier, à la commission des affaires étrangères, par M. Serge Michailof, l’un des meilleurs spécialistes de l’aide au développement. Il suggère d’affecter les montants ainsi dégagés à un fonds fiduciaire ou à une facilité, pour reprendre une terminologie admise, à charge pour le Gouvernement d’intervenir auprès des bailleurs multilatéraux afin d’abonder fortement cette mise de départ. Ce n’est que de cette façon que nous pourrons disposer de ressources significatives pour conduire une vraie politique de développement, notamment au Sahel qui en a particulièrement besoin.
Le groupe Les Républicains votera contre ce projet de budget.
M. François Rochebloine. Depuis les années 1990, des progrès considérables ont été enregistrés dans la lutte contre l’extrême pauvreté. Ainsi, selon le dernier rapport de la Banque mondiale, la part des populations mondiales vivant sous le seuil de l’extrême pauvreté est passée de 35 % en 1990, à 10,7 % en 2013. Pourtant, les inégalités persistent. Les chiffres en attestent : en 2017, plus de 750 millions de personnes vivent encore sous le seuil de pauvreté. Dans ce contexte, l’aide publique au développement doit demeurer, plus que jamais, une véritable exigence pour un pays tel que le nôtre, soucieux de développement, de stabilité et de paix.
Trois rendez-vous historiques ont eu lieu en 2015 : la troisième conférence internationale sur le financement du développement, à Addis-Abeba, le sommet spécial sur le développement durable, à New York, et la conférence des parties sur le climat (COP21).
Les objectifs de développement durable (ODD), adoptés en 2015, établissent un programme plus ambitieux que celui prévu quinze ans plus tôt dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement. La France va donc devoir redoubler d’efforts pour les atteindre. Or, avec une baisse de 20 % des crédits alloués à la mission sur le quinquennat, l’aide publique au développement fait figure de budget sacrifié. Avec 0,36 % de son revenu national brut consacré à l’aide publique au développement, contre 0,45 % en 2011, nous voyons s’éloigner l’objectif de 0,7 % à l’horizon 2030. Une telle configuration fait de la France un cas isolé parmi les membres de l’OCDE.
L’an dernier, nous avions dénoncé l’écart entre les engagements du Président de la République – consistant à atteindre 4 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2020, dont 2 milliards consacrés à la lutte contre le changement climatique –, et les choix budgétaires du Gouvernement et ce, en dépit des amendements de rattrapage adoptés au cours des débats, inscrivant 150 millions supplémentaires au budget.
Cette année, la mission « Aide publique au développement » affiche une augmentation de 133 millions d’euros par rapport à 2016, soit une hausse de 4 %. C’est loin d’être suffisant au regard des enjeux et des engagements de la France. Certaines avancées obtenues dans la première partie du projet de loi de finances sont toutefois à souligner.
Il y a, tout d’abord, l’élargissement du champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions intraday. Un amendement en ce sens avait déjà été adopté dans le projet de loi de finances pour 2016, puis déclaré contraire à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) par le Conseil constitutionnel. Nous nous réjouissons de la réintroduction de cette mesure. Le taux de la TTF a ensuite été porté de 0,2 % à 0,3 %. Nous nous en félicitons également, même si une augmentation à 0,5 % aurait été préférable. Je précise que ce dernier taux appliqué en Grande-Bretagne permet à la taxe britannique de rapporter entre 3 et 4 milliards d’euros annuels. Enfin, nous saluons l’augmentation de 270 millions d’euros du montant de la taxe sur les transactions financières affecté à l’Agence française de développement. En revanche, je regrette la suppression de l’article 43 de la loi de finances pour 2016, qui permettait d’affecter une fraction de 25 % du produit de la TTF au budget de l’AFD.
Pour autant, ces quelques améliorations apportées au projet de loi de finances initial sont insuffisantes. Pour atteindre les objectifs fixés, il faudrait apporter 800 millions d’euros de crédits supplémentaires chaque année à l’aide publique au développement. Le groupe Union des démocrates et indépendants ne pourra donc voter les crédits de la mission « Aide publique au développement », car cette dernière ne permet pas de dégager les moyens nécessaires, alors que notre pays s’est engagé à contribuer à subvenir aux besoins des populations les plus pauvres et vulnérables de la planète.
M. Gérard Charasse. Nous sommes satisfaits de constater que les crédits de la mission « Aide publique au développement » augmentent de 5 % dans ce projet de loi de finances pour 2017…
M. François Rochebloine. 4 % !
M. Gérard Charasse. …et qu’ils atteignent 2,62 milliards d’euros, montant qui sera complété pour se fixer à 3,7 milliards d’euros.
Nous sommes aussi heureux que notre amendement visant à élargir l’assiette et le taux de la taxe sur les transactions financières, que d’autres groupes avaient déposé à l’identique, ait été adopté. Cette évolution permettra d’atteindre deux objectifs : dégager des recettes fiscales supplémentaires, notamment en vue d’augmenter les financements pour la solidarité internationale et la lutte contre le changement climatique ; limiter les transactions déstabilisatrices qui accentuent la volatilité du marché en en réduisant l’intérêt financier.
Le premier objectif est conforme aux engagements pris par le Président de la République concernant l’affectation de la taxe sur les transactions financières, et à sa volonté d’augmenter de 4 milliards d’euros l’APD d’ici à 2020. En outre, la taxation des transactions intra-journalières s’inscrit dans la dynamique des négociations européennes, puisque la directive proposée par la Commission européenne préconise cette mesure. Les onze États membres associés à la coopération renforcée visant à instaurer une taxe européenne sur les transactions financières, dont la France, ont décidé, en septembre dernier, de soutenir cette proposition. Ils doivent encore s’accorder sur le taux de la taxation. Quel est l’état de ces négociations ? Avancent-elles rapidement ?
Si ce n’était pas le cas, le dispositif prévu dans l’amendement que nous avons adopté risquerait de se heurter à la censure du Conseil constitutionnel. Or, sans l’application de cette taxe et l’abondement exceptionnel qu’elle permettrait, il sera difficile de répondre aux nombreux défis du développement : lutter contre les inégalités ; réduire la pauvreté ; garantir le respect des droits humains et l’accès aux services essentiels tels que la santé, l’éducation, l’eau et l’assainissement ; répondre aux nombreuses crises humanitaires ; promouvoir une agriculture durable ; lutter contre le dérèglement climatique et préserver les ressources de la planète pour les générations futures.
L’aide publique au développement constitue un rempart face aux dommages économiques et humains que subissent les pays les plus pauvres de la planète. Même si elle ne peut pas tout faire seule, la France a un rôle à jouer et elle est attendue sur ce terrain. C’est pourquoi le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste votera les crédits de la mission « Aide publique au développement » pour 2017.
M. François Asensi. L’année 2015 a été décisive pour l’avenir de notre planète, avec deux rendez-vous internationaux majeurs : le lancement des objectifs de développement durable, feuille de route ambitieuse pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, et la COP21. Pour répondre à ces enjeux, les besoins sont immenses. La France a longtemps été un acteur clé de la communauté internationale en matière d’aide au développement et de solidarité internationale. Malheureusement, depuis plusieurs années, le Gouvernement ne fait plus de la solidarité internationale un axe fort de sa politique extérieure.
Le projet de loi de finances pour 2017 doit permettre à la France de retrouver une trajectoire positive en la matière. Il prévoit une hausse de 5 % par rapport à la loi de finances pour 2016. Je me félicite de cette décision – une première depuis six ans.
La volonté des députés de la majorité d’élargir l’application de la taxe sur les transactions financières aux opérations intra-journalières, permettant de taxer des opérations hautement spéculatives, est une très bonne nouvelle. C’est une demande de longue date de nombreuses ONG et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Malheureusement, cette hausse tardive n’est pas suffisante pour masquer sept années de baisses consécutives des dépenses de solidarité, qui représentent une perte de 640 millions depuis 2010.
La logique de l’aide française privilégiant les prêts, l’éloigne de plus en plus des populations et des pays les plus pauvres. À ce jour, seulement un quart de l’aide française est réellement affecté aux pays les moins avancés. La France se doit de renforcer la part des dons dans le budget de l’APD, tout comme elle se doit de revoir à la hausse l’affectation des crédits aux PMA et aux ONG.
Ces coupes de crédits aux pays les plus pauvres vont de pair avec un discours toujours plus porté sur les enjeux économiques de l’aide, qui fait la « promotion des entreprises françaises à l’international » au détriment de l’aide aux populations les plus pauvres. Cette évolution privilégiant la diplomatie économique aggrave le désengagement des États dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités, au profit d’acteurs du secteur privé qui concentrent l’aide vers le financement de secteurs productifs les plus rentables.
Il est aussi nécessaire d’en finir avec les discours liant l’aide publique au développement avec les politiques de contrôle des flux migratoires et de sécurité. Cette instrumentalisation est injustifiée et inefficace.
Ainsi, en 2015, la France n’a consacré que 0,37 % de son revenu national à l’APD, loin de l’objectif de 0,7 % fixé par l’ONU. Un budget loin d’être à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés, alors que les crises humanitaires liées aux conflits et à la misère se multiplient et se manifestent de manière dramatique par l’arrivée en Europe de centaines de milliers de réfugiés.
Les associations sont unanimes pour dire que l’engagement de la France dans des domaines comme l’éducation primaire ou l’accès à l’eau et à l’assainissement est insuffisant, et qu’il se situe bien en deçà de celui des autres pays développés. La France doit respecter ses engagements au plus vite, et augmenter de 10 % par an les crédits alloués à l’APD dès 2017, pour atteindre les 0,7 % d’ici à 2022. Le chef de l’État a fixé une feuille de route ambitieuse. Nous attendons que ses engagements soient tenus.
Le budget qui nous est proposé est certes en progression sensible. Malheureusement, cette évolution positive ne lève pas les réserves liées à la baisse structurelle des crédits de l’APD depuis plusieurs années. C’est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche s’abstiendront.
Mme Françoise Imbert. Nous ne pouvons que nous féliciter de l’effort consenti, dans le budget 2017, en faveur de la mission « Aide au développement ». La diversité des objectifs comme la lutte contre le changement climatique, la lutte contre la pauvreté, le soutien aux besoins des populations les plus vulnérables montrent l’importance que la France entend donner à l’aide au développement, élément fondamental de sa politique étrangère.
La volonté affichée d’apporter les moyens supplémentaires nécessaires aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables nécessite des ressources financières accrues. La mise en place de la taxe sur les transactions financières permet de financer l’aide au développement. Au niveau national, la TTF est renforcée grâce à l’élargissement de son taux. Nous avons suggéré que cette taxe soit appliquée et élargie, et que son assiette soit étendue aux transactions intra-journalières. C’est le sens des amendements que nous avons présentés et adoptés.
Nous savons que la France a un rôle important à jouer dans l’élaboration d’une initiative européenne visant à mettre en place une taxe sur les transactions financières dont le produit serait affecté aux pays en voie de développement. Dix pays européens – l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, le Portugal, la Slovaquie et la Slovénie – se seraient déclarés récemment favorables à l’adoption d’une directive. Nous sommes impatients de voir se concrétiser cette taxe européenne. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous en dire plus sur l’état d’avancement des négociations européennes concernant le contenu et le calendrier d’une avancée significative pour la mise en œuvre d’une politique plus volontariste envers les pays en voie de développement ?
Mme Chantal Guittet. Avant de nous quitter, le ministre des affaires étrangères et du développement international a évoqué la flexibilité du Fonds de solidarité et de développement. Je n’ai personnellement rien contre la flexibilité ; en revanche, le manque de transparence dans l’utilisation de ce fonds pose véritablement un problème. Alors que les comptes 109 et 210 sont contrôlés par les parlementaires, ce n’est pas le cas du FSD, ce qui est vraiment regrettable.
J’ai étudié le document transversal que nous avons reçu vendredi dernier, en fin de soirée. Je relève, page 70, que les coupes prévues pour le Fonds mondial de lutte contre le sida et Unitaid sont contraires aux engagements pris par la France. Par ailleurs, je constate que les bonifications de prêts sont financées par la TTF et la taxe Chirac alors qu’elles devraient l’être sur le compte 110. Ce n’est pas normal ! Vous dévoyez l’utilisation des fonds innovants en utilisant 88 millions d’euros en 2016 pour bonifier les prêts.
Il faut clarifier tout cela. Nous ne voulons plus avoir systématiquement l’impression que les financements que nous votons sont détournés grâce à l’utilisation du FSD qui n’est pas contrôlable.
M. Jean-Marie Tétart. Nous avons retrouvé le même niveau d’aide qu’en 2012, mais pas sur les mêmes lignes budgétaires. En outre, entre 2012 et aujourd’hui, faute d’avoir suivi une courbe d’évolution normale, beaucoup d’argent a manqué à l’aide au développement.
Nous autres parlementaires, avons beau gagner des combats, nos victoires sont anéanties soit en fin de discussion budgétaire, soit par les modalités d’utilisation de l’argent que nous avons réussi à obtenir par les services ou des forces que je ne connais pas. Ainsi, je trouve ennuyeux que 88 millions de bonifications d’intérêts aient été accordés l’an dernier sur le FSD, alors même que ces bonifications ne sont pas comptabilisées dans l’aide au développement. On touche là au comble du cynisme. C’est comme si l’on nous disait : « Votez des crédits supplémentaires, nous nous débrouillerons toujours pour les ajuster à notre convenance et à notre rythme ». Cela suffit !
Comme le demandait Chantal Guittet, il faut maintenant une vraie transparence sur l’utilisation du FSD, tant en dons qu’en affectations multilatérales. Quant à nos engagements à l’égard de GAVI, d’Unitaid ou du Fonds mondial, nous pouvons contester leur niveau dans le cadre du débat parlementaire, mais dès lors qu’ils sont pris et signés, ils doivent être respectés. Sur ce terrain aussi, on nous roule dans la farine, et sans doute encore davantage que ce que nous croyons, car, au-delà des modifications de l’affectation des fonds, on joue aussi manifestement sur les délais et la trésorerie.
M. Jacques Myard. Qu’on le veuille non, l’aide au développement doit aussi venir en soutien de notre politique étrangère. Il ne s’agit évidemment pas de tout subordonner à un point de vue strictement égoïste, car il est dans notre intérêt que les pays concernés se développent et gagnent en stabilité. Il n’en demeure pas moins que nous devons agir dans le sens de nos intérêts, proches ou lointain. Par exemple, nous ne voyons toujours pas venir de rééquilibrage entre l’aide multilatérale et bilatérale, y compris s’agissant des crédits communautaires. À mon sens, il s’agit d’une faute. Sans partir la fleur au fusil et le drapeau à la main, il faut tout de même planter ce dernier, faire savoir que c’est la France qui aide. Or les actions multilatérales rendent cette aide anonyme, et je ne suis pas du tout certain que ce soit de bonne politique.
J’ai entendu que le ministre des affaires étrangères venait de dire aux Chinois : « Allons en Afrique ensemble ! » Si cela devait arriver, je serais fort étonné que nous ne nous retrouvions pas – pardon pour l’image – cocus à la sortie. Nous savons parfaitement que les Chinois n’ont pas pour habitude de faire du sentiment en Afrique. Y aller avec eux nous amènerait à adopter des méthodes contraires à nos conceptions ; surtout, ce serait introduire le loup dans la bergerie. Il s’agit peut-être de déclarations de circonstances prononcées par le ministre lors de son voyage en Chine, mais elles sont déplacées. Nous devons revenir à un peu plus de réalisme dans nos relations internationales.
Mme Valérie Fourneyron. Je veux dire ma satisfaction de voir les crédits de l’aide publique au développement augmenter dans ce projet de loi de finances pour 2017, de 6,8 % ou de 5 % selon que l’on inclut le FSD ou pas. Les crédits de 50 millions d’euros que nous avions obtenus l’année dernière par amendements sont maintenus – ils permettent de faire une priorité du problème des réfugiés en Syrie. Je constate aussi avec satisfaction que les crédits du multilatéral en matière de jeunesse et d’éducation sont destinés au Liban qui n’accueille pas des milliers, mais des millions de réfugiés.
Je suis également satisfaite de voir que les choses avancent en matière de gouvernance – même si l’on peut toujours en attendre davantage et souhaiter que cela aille plus vite –, avec la création d’Expertise France et la convention qui sera signée avant la fin de l’année entre l’AFD et la Caisse des dépôts.
Le ministre des affaires étrangères et du développement international a donné le sentiment que le Gouvernement souhaitait conforter le choix des députés qui ont adopté, dans la première partie du budget, trois amendements permettant de dégager 270 millions d’euros supplémentaires fléchés sur l’AFD, et sur les dons et le bilatéral. Ces deux derniers points constituent, à nos yeux, des priorités depuis plusieurs années.
À l’action 03 du programme 110, relative à la dette des pays pauvres, les moyens de l’action bilatérale diminuent tandis que ceux du multilatéral augmentent. J’aimerais en savoir plus sur l’état de cette dette des pays pauvres.
M. Thierry Mariani. Lorsque nous nous sommes retirés d’Afghanistan, après que près de cent de nos soldats y eurent perdu la vie, nous avons pris l’engagement de participer à la stabilisation du pays. Si mes informations sont bonnes, ces engagements financiers ne sont aucunement tenus, alors même que, le Pakistan s’apprêtant à renvoyer plus de 200 000 travailleurs afghans dans leur pays, une nouvelle déstabilisation est en passe de se produire. Quelle est la réalité de l’aide française au développement en Afghanistan ?
Par ailleurs, après qu’un attentat a, en décembre 2014, causé la mort de trois personnes au centre culturel français de Kaboul, d’importants travaux ont été conduits pour remettre les locaux en état. Ils sont achevés et le centre pourrait avoir été rouvert en novembre 2015 ; pourtant, seuls les cours de langue ont repris. Les activités culturelles reprendront-elles dans le centre restauré ou restera-t-il fermé par souci de précaution absolue ?
M. Pascal Cherki. Quand on a pour seul objectif la diplomatie d’influence, on perd à la fois son influence et ses principes. Le quinquennat aura mieux fini qu’il n’avait commencé, en raison de la pression constante des parlementaires qui ont tenu à faire comprendre que la moindre des choses attendues d’un pays membre du Conseil de sécurité des Nations unies – un des cinq seuls pays qui peuvent, en exerçant leur droit de veto, bloquer des résolutions de la communauté internationale – est qu’il tienne ses engagements internationaux. D’autres États le font : le Royaume-Uni a été capable d’imposer à une place financière forte une taxe sur les transactions financières intégrant l’intraday, et de respecter le principe de l’allocation de 0,7 % de son RNB à l’aide publique au développement. On peut tout mener de front.
Il n’y a pas lieu d’opposer aide multilatérale et aide bilatérale. C’est la pénurie de crédits qui conduit à privilégier l’une ou l’autre, alors que les deux sont nécessaires. L’aide multilatérale est un engagement important ; elle permet des effets de levier et des co-financements. Or la France ne remplit pas ses engagements d’abondement de certains fonds ; l’augmentation des crédits doit lui permettre de le faire. Mais il est urgent, aussi, de conforter l’aide bilatérale par des dons plutôt que par des prêts. Sinon, nous ne contribuerons pas à régler les besoins de développement des pays les moins avancés dont beaucoup sont d’anciennes colonies françaises de l’Afrique subsaharienne. Je vous laisse imaginer, chers collègues, ce que seraient les effets collatéraux de l’écroulement du « Sahelistan ». Il y a donc urgence à tout faire. Pour cela, il faut des moyens, sans quoi on reste dans le discours.
Jusqu’à présent, le Gouvernement a eu pour stratégie d’araser les crédits budgétaires directs au profit des taxes affectées. Peu importe, pourvu que l’argent y soit. Mais si l’on choisit de diminuer les crédits de la mission, qu’au moins l’augmentation de l’assiette, du taux et de l’affectation de la taxe sur les transactions financières ne donne pas lieu à un jeu de dupes. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, à supposer que le Sénat supprime la mesure adoptée par notre assemblée en première lecture, consistant à intégrer dans l’assiette de la taxe sur les transactions financières les transactions intraday, le Gouvernement s’engage-t-il à la défendre en deuxième lecture ?
M. Bertrand Pancher. L’absence de transparence du FSD a été maintes fois évoquée, et pour cause : le suivi financier de ce fonds, inextricable, est condamné par les ONG et par les citoyens. Un décret portant réforme de la gestion du FSD prévoirait-il enfin l’obligation de présenter un document budgétaire prévisionnel annexé au projet de loi de finances et la publication d’un bilan comptable annuel ?
S’agissant de l’amélioration de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, la Coalition Eau nous alerte une nouvelle fois sur le déséquilibre entre prêts et dons et sur les conséquences du mauvais ciblage de l’aide publique au développement en ce domaine. La Coalition souligne la nécessité de flécher une partie des crédits non plus vers les pays solvables mais vers les pays les plus déshérités. Comment le Gouvernement s’y emploiera-t-il ? Pour conclure, je me réjouis de l’augmentation, si longtemps attendue, du budget de la coopération.
Mme Catherine Coutelle. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez assisté en ces lieux, le 5 juillet dernier, à un colloque organisé sur la place des femmes dans l’aide publique au développement. Nous le savons, qu’il y ait davantage de femmes formées, actives et capables de réussir est une chance pour le développement. Or vous aviez souligné que la pauvreté est « fondamentalement sexiste » : 70 % de ceux qui, dans le monde, vivent avec un revenu inférieur à un dollar par jour sont des femmes, et les deux tiers de l’ensemble des adultes analphabètes sont aussi des femmes. Faute de scolarisation, d’accès aux droits sexuels et reproductifs et à la contraception, faute de structures d’accueil, de lutte contre les violences, d’accès aux postes de responsabilité, le développement ne se fera pas de manière harmonieuse et le PIB n’augmentera pas. Comment le Gouvernement orientera-t-il les crédits de l’aide au développement vers le renforcement de l’égalité entre les femmes et les hommes ?
Nous souhaitons que la stratégie « genre et développement » adoptée en 2013 pour la période 2013-2017 soit reconduite, car la boussole de l’égalité est d’une importance capitale. L’AFD signale que si les femmes constituent 43 % de la main d’œuvre agricole, 10 % sont propriétaires et seules 7 % d’entre elles bénéficient de l’aide au développement. Les objectifs du millénaire ont en partie échoué faute d’avoir insisté sur le renforcement de l’égalité entre les sexes ; les objectifs de développement durable en tiennent compte. Il faut vraiment faire des femmes les principales actrices du changement et avoir pour priorité, comme il est indiqué dans la loi Canfin, que 50 % des projets de développement français aient comme objectif principal ou significatif l’amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes. Je déposerai un amendement relatif aux politiques transversales, visant à rendre plus claire l’orientation de notre aide publique au développement, bilatérale et multilatérale – car je suis de celles et de ceux qui ne sont pas favorables à une politique uniquement dirigée vers l’aide bilatérale.
M. Lionel Tardy. L’aide au secteur privé est un bon vecteur de développement. À ce sujet, le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP) est doté pour 2017 de 18,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 21,51 millions d’euros en crédits de paiement ; mais, depuis l’année dernière, les projets d’investissements qui seront financés par ce biais ne sont plus détaillés. Quels seront-ils ?
M. Yves Censi. Au nom du groupe Les Républicains, notre collègue Michel Terrot a souligné la diminution globale du budget alloué à l’aide publique au développement depuis 2012 et rappelé, hélas ! le recul de la France en cette matière au regard des engagements pris par le Président Jacques Chirac au cours des années 1990 et toujours poursuivis. Alors que, pendant des années, notre pays a montré la voie tant en matière d’aide publique au développement que pour les financements innovants, le budget du FSD montre que des coupes ont été opérées en 2016 dans les crédits alloués au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et à Unitaid et que d’autres coupes auront lieu en 2017. En outre, les produits des financements innovants seront utilisés pour bonifier les prêts accordés par l’AFD. Cette évolution traduit un véritable désengagement de l’État.
Le Président de la République, inaugurant hier l’exposition L’Histoire commence en Mésopotamie, a dit l’importance que la France accorde à cette région qui est à l’origine de la civilisation, et aux liens qui nous unissent. Mais l’on ne peut s’en tenir aux symboles ! Alors que l’on assiste à une flambée de cas de tuberculose multi-résistante associée au sida, le désengagement de la France dans les budgets du FMSTP et d’Unitaid est incompréhensible. Quels engagements pouvez-vous prendre à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, au nom de la France, passée du premier au cinquième rang mondial en ce domaine ?
Mme Nicole Ameline. L’aide au développement doit être liée aux priorités géostratégiques de la France. L’aide accordée aux pays du Sahel, qui occupent les dernières places du classement mondial en termes de développement humain, répond à ce critère. Mais la situation en Méditerranée n’a pas été suffisamment mise en exergue. Or la transition politique dans les pays du Maghreb, la pression croissante des flux migratoires et la lutte contre le terrorisme appellent une aide massive en faveur du développement de la région. La France conduit une politique bilatérale tout à fait satisfaisante avec l’Égypte, mais nous devons faire plus et mieux à l’échelle régionale. Une réunion dans le cadre du dialogue « 5+5 » a eu lieu il y a quelques jours. Il est important de lier développement, stabilité et tout ce qui peut être fait pour donner à ce qui est en somme la rive sud de l’Europe l’importance stratégique historique que nous lui devons, car sa sécurité est aussi la nôtre. Nous devons mobiliser les fonds consacrés à l’aide multilatérale à condition de pouvoir créer une task force dont nous pourrions assumer le leadership.
M. François Loncle. Je me félicite, monsieur le secrétaire d’État, de ce que vous faites, notamment en Afrique ; cela honore la France. Le rapport que la Commission sur l’emploi en santé et la croissance économique de l’Organisation mondiale de la santé, coprésidée par les présidents François Hollande et Jacob Zuma, a publié en septembre dernier comprend dix recommandations visant à stimuler l’investissement en personnel de santé. La couverture universelle en santé, garantie d’une sécurité sanitaire mondiale, n’est possible que par le biais d’investissements adaptés en personnel de santé, pilier d’un système de santé solide et résilient. Une pénurie de professionnels de ce secteur augmente les inégalités d’accès aux services de santé, entraîne des maladies et des handicaps, et menace la santé publique, la croissance économique et le développement. Le rapport souligne la rentabilité de cet investissement, estimant qu’un quart de la croissance économique entre 2000 et 2011 dans les pays à revenus faibles et intermédiaires provenait de l’amélioration en matière de santé ; le retour sur investissement dans ce secteur est estimé à 9 pour 1. Quelles suites pratiques seront données à ce rapport ? Comment seront mises en œuvre les recommandations qu’il contient, notamment en matière de création d’emplois, de formation, de prestations et d’organisation des services de santé et de gestion de crises ?
Mme Edith Gueugneau. Près de 225 millions de femmes n’ont ni accès aux services de planification familiale ni les moyens de décider librement du nombre d’enfants qu’elles ont. L’accès à la santé sexuelle et reproductive est un droit humain fondamental ; pourtant, chaque jour, plus de 800 femmes et jeunes filles meurent en donnant la vie. Combler les besoins non satisfaits de planification familiale permettrait d’éviter plus de 1,1 million de morts infantiles. En 2014, l’aide internationale de la France pour la planification familiale ne représentait que 0,41 % de l’aide publique au développement française. Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) est la seule agence de de l’ONU chargée de la santé sexuelle pour tous et du droit pour chaque femme à disposer de son corps. Or, en 2015, la France devançait le Pakistan au dix-neuvième rang des contributions régulières à UNFPA et elle était au dixième rang pour les contributions par voie de co-financement, avec 3,6 millions d’euros, soit près de deux fois moins que le Niger, qui y consacre 6,3 millions d’euros.
À l’aube de la mise en œuvre de nouveaux engagements internationaux pour le développement durable, l’augmentation par la France de sa contribution régulière à l’UNFPA à hauteur de 30 %, soit 200 000 euros environ, constituerait, en dépit d’un contexte budgétaire contraint, une démarche réaliste et utile après des années de sous-investissement dans la planification familiale dans les pays en développement. Comment, monsieur le secrétaire d’État, comptez-vous agir en faveur de la planification familiale dans le monde ?
M. Jean-Louis Dumont. Le Président de la République a annoncé le rapprochement de l’AFD et de la Caisse des dépôts. Il a été question d’intégration, d’adossement, de filialisation et l’on parle aujourd’hui d’une convention, qui serait assortie d’une recapitalisation de l’Agence. Le Parlement est représenté à la commission de surveillance de la CDC et l’on sait que la gestion de la Caisse est professionnelle et éthique. Mais, pour avoir siégé en qualité de suppléant au conseil de surveillance de l’AFD, j’aimerais être sûr que le rapprochement envisagé ne vise pas uniquement à obtenir un peu d’argent supplémentaire – bien qu’un complément de ressources soit nécessaire pour parvenir à un montant d’aide publique au développement égal à 0,7 % du RNB. Pouvez-vous détailler, monsieur le secrétaire d’État, la démarche envisagée et les conditions éthiques qui seront définies dans la convention ?
Dans un autre domaine, je rappelle à M. Myard que l’AFD a fait en son temps un contrat de prêt à la Chine, alors pays émergent.
Mme la présidente Élisabeth Guigou. La commission des affaires étrangères, qui apporte une grande attention à l’aide publique au développement, a été quelque peu frustrée par les budgets alloués à cette mission au fil des ans, puis réconfortée depuis l’an dernier. La bataille que nous avons menée avec le Gouvernement a en effet permis, l’année dernière et cette année, l’adoption d’amendements qui ont fait heureusement progresser le montant de notre aide publique au développement, ce que le rapporteur spécial a souligné.
Certaines interventions m’incitent à rétablir la réalité des choses. Le projet de budget qui nous est présenté prévoit bien une hausse de ces crédits, et les amendements adoptés en première lecture auront pour effet une augmentation supplémentaire de 270 millions d’euros. Il en résulte, pour la mission « Aide publique au développement » et pour le FSD, un budget total de 3,647 milliards d’euros, en augmentation de 399 millions d’euros par rapport à la loi de finances de 2016. Je précise, monsieur Terrot, que le budget de l’aide publique au développement a diminué de 6 % à partir de 2010…
M. François Rochebloine. Et de 20 % depuis cinq ans…
Mme la présidente Élisabeth Guigou. …et que le projet de budget pour 2017 aura pour effet, s’il est adopté en l’état, de rétablir des crédits supérieurs à ce qu’ils étaient en 2012. Il est effectivement souhaitable que l’on en finisse avec des hausses et des baisses en dents de scie pour en venir à une augmentation régulière des crédits alloués à l’aide publique au développement ; j’espère que l’évolution constatée en ce sens depuis l’année dernière se confirmera dans le temps.
Je suis heureuse que le Gouvernement ait accepté nos amendements, pour que nous puissions augmenter la part des dons et celle de l’aide bilatérale, et que nous ayons accru significativement – 50 millions d’euros – notre aide aux pays qui accueillent des réfugiés. Valérie Fourneyron a donné un coup de chapeau mérité au Liban, qui accueille 1,5 million de réfugiés ; rapporté à sa population, cela correspond à l’accueil de 20 millions de personnes par la France. On voit l’ampleur de l’effort consenti par ce petit État et aussi par la Jordanie et les autres pays limitrophes des conflits.
Je partage le point de vue de ceux de nos collègues qui ont appelé à ne pas opposer aide multilatérale et aide bilatérale ; les deux se complètent. L’exemple du Royaume-Uni a été donné : l’aide bilatérale doit servir de levier à la meilleure utilisation de l’aide multilatérale. Dans un contexte de pénurie des ressources publiques, c’est évidemment ce vers quoi nous devons tendre. Par ailleurs, puisque l’aide publique au développement est évidemment un support majeur de notre politique étrangère, il nous faut entraîner nos partenaires européens à allouer une aide bien supérieure aux pays du sud de la Méditerranée et aux pays de l’Afrique subsaharienne, car nous n’y pourvoirons pas seuls.
Je ne saurais faire mienne l’expression de M. Myard selon laquelle le ministre des affaires étrangères « introduirait le loup dans la bergerie ». La Chine n’est-elle pas déjà présente en Afrique ? Puisqu’il en est ainsi, n’est-il pas de bonne pratique, étant donné les excellentes relations politiques que nous entretenons avec un pays qui dispose de moyens de financement autrement plus considérables que ceux qu’aucun autre État est disposé à investir, de chercher à mieux orienter, au bénéfice de notre politique étrangère, l’affectation de crédits qui seront dirigés vers le continent africain quoiqu’il en soit, soit pour acquérir des terres agricoles en Afrique subsaharienne, soit pour privilégier un mode de développement uniquement fondé sur l’exploitation des matières premières et non sur des investissements productifs ?
L’intérêt de la France est d’entraîner les États européens. Nicole Ameline et moi-même, qui revenons de l’assemblée générale des Nations unies à New York, pouvons témoigner que, dans les enceintes internationales, on est reconnaissant à la France des efforts qu’elle accomplit en faveur de la sécurité de l’Europe – et donc du monde – en luttant contre l’extrémisme violent, et de ce qu’elle fait pour essayer d’en finir avec des réflexes archaïques. Nous devons, à mon sens, repenser entièrement notre aide au développement. Au-delà du commerce, qui reste nécessaire et utile, nous devons nous orienter vers de nouvelles formes de partenariat, avec des investissements partagés conduisant au partage de la valeur ajoutée. Si notre aide publique au développement en Afrique s’inspire davantage de ces principes, tout le monde sera gagnant et l’image de la France en sera considérablement renforcée.
M. André Vallini, secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie. Lorsque j’ai pris mes fonctions, en février dernier, la discussion budgétaire était en cours au sein du Gouvernement, et j’ai eu la satisfaction de constater qu’à ce moment déjà, le budget de l’aide publique au développement était en hausse. À la fin de l’examen du projet de loi de finances en première lecture, la hausse était encore plus forte ; j’en ai été très heureux, et j’espère qu’au terme du débat sur la loi de finances pour 2017, elle sera au moins équivalente à celle que nous constatons aujourd’hui.
Je précise que le ministre des affaires étrangères a évoqué des pistes de coopération avec la Chine en Afrique et en Asie. Dans la lignée de la visite du Président de la République en octobre 2015, il s’agira de financer la contribution de nos entreprises au développement d’infrastructures dans ces régions du monde. La gouvernance du fonds en gestation garantira un traitement équitable des entreprises françaises et des entreprises chinoises. J’espère, monsieur Myard, vois avoir ainsi rassuré : nous ne sommes pas plus naïfs que vous ne l’êtes à l’égard des Chinois, mais nous considérons que la coopération est préférable à l’affrontement, y compris dans le domaine économique.
Mme Guigou a eu raison d’évoquer le Liban, ce petit pays si proche de la France, dont le général de Gaulle disait : « Aucun peuple de la terre n’a eu le cœur battant à l’unisson du cœur de la France plus que le peuple libanais. » Le Liban accueille 1,5 million de réfugiés sur 4,5 millions d’habitants. Nous avons annoncé 200 millions d’euros d’aide en 2016-2018 pour les pays du Proche-Orient qui accueillent beaucoup de réfugiés syriens, dont le Liban. Dès 2016, 83 millions d’euros ont été versés, dont 50 millions pour le seul Liban, et nous poursuivons nos efforts en 2017.
Le rapprochement entre l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts a été évoqué par M. Dumont. Le Président de la République a annoncé cette décision lors de la conférence des ambassadeurs, à la fin de l’été 2015. Il était d’abord question d’une fusion entre les deux organismes, mais elle s’est avérée difficile à réaliser. Il s’agit maintenant d’établir une convention cadre pluriannuelle, qui sera conclue entre les deux institutions au début du mois de décembre, à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’AFD. L’Agence a, en effet, été créée en 1941 par le Général de Gaulle, à Londres ; elle ne portait pas alors ce nom, mais l’esprit était le même.
Cette convention cadre facilitera la mise en commun d’expertises sectorielles entre les deux organismes et l’émergence de synergies opérationnelles et stratégiques, notamment dans le domaine de l’ingénierie du financement de projets, dans les pays que nous aidons traditionnellement comme en outre-mer. Elle permettra aussi de développer la mobilité des personnels entre les deux organismes et de faire converger les réseaux de l’AFD et de la CDC pour bâtir des partenariats avec tous les acteurs du développement, notamment les collectivités territoriales. C’est très important, et la CDC est évidemment très bien placée pour amener les collectivités locales à accroître encore leur part dans l’aide au développement sous forme de coopération décentralisée.
Conformément aux engagements pris par le Président de la République, un fonds d’investissement de 500 millions d’euros commun aux deux groupes sera créé pour financer les grands projets d’infrastructure dans les pays concernés.
Le rapprochement stratégique pourrait se traduire par la participation de la CDC au conseil d’administration de l’AFD. Si elle était décidée, cette participation imposerait de modifier le décret portant statuts de l’AFD. Je vous rassure, l’État conservera une présence forte dans la gouvernance de l’AFD au titre du pilotage de la politique de développement. Enfin, quant à l’éthique et au professionnalisme, monsieur Dumont, je pense qu’autant du côté de la CDC que de l’AFD, nous n’avons pas de crainte particulière à avoir.
De nombreuses questions portent sur les dons, les prêts, et la répartition entre les deux. Nous sommes, bien sûr, très attachés à renforcer notre politique de dons. Elle permet d’intervenir auprès de pays qui, du fait de fragilités politiques ou économiques, ne sont pas éligibles à notre aide sous forme de prêts.
Comme l’a annoncé M. Ayrault, les 270 millions d’euros supplémentaires prélevés au titre de la taxe sur les transactions financières suite à l’amendement que vous avez voté seront affectés à l’aide française sous forme de dons. Si l’on ajoute les 83 millions d’euros que nous avions prévus dans le programme 209 de la mission « Aide publique au développement », les dons devraient donc augmenter en 2017 de 353 millions d’euros. Cela signifie que nous allons devancer de trois ans la réalisation de l’engagement pris par le Président de la République d’augmenter l’aide française sous forme de dons à hauteur de 370 millions d’euros d’ici à 2020.
S’ajoute à cela le doublement des crédits de bonification des prêts, qui ne représentent pas du don, mais plus que du prêt. Il s’agit du programme 110, qui permet à l’AFD de continuer à intervenir sous forme de prêts dans les zones géographiques les plus pauvres avec des prêts très concessionnels.
Plus généralement, il ne faut pas opposer prêts et dons, qui sont complémentaires. Ce fut affirmé lors de la conférence d’Addis-Abeba de 2015 sur le financement du développement : chaque mode opératoire a ses spécificités et ses avantages. Les prêts de l’AFD sont, pour la plupart, bonifiés et concessionnels, c’est-à-dire qu’ils comportent une partie en don. Les prêts permettent également un effet de levier dans des secteurs rentables à moyen et long termes qui répondent à des besoins essentiels, tels que l’eau potable, l’énergie ou les infrastructures urbaines.
Cette palette d’outils – prêts, dons, prêts bonifiés – et l’approche différenciée par pays constituent la principale valeur ajoutée de l’AFD par rapport à d’autres bailleurs, notamment américains ou britanniques, qui n’interviennent qu’en dons.
Je ne peux encore répondre précisément sur la répartition des moyens additionnels en dons, puisqu’elle dépendra des grandes orientations qui seront décidées par le CICID qui devrait se tenir début décembre. Il ne s’est pas réuni depuis 2013, il est donc très attendu, et le Président de la République a annoncé lors de la conférence des ambassadeurs qu’il se tiendrait avant la fin de l’année. Matignon et tous les ministères concernés travaillent d’arrache-pied à l’organiser avant cette échéance.
Beaucoup de questions portent sur le FSD et plus généralement sur les financements innovants qui sont nés du constat des limites des flux traditionnels d’aide au développement pour répondre aux défis spécifiques du développement durable. Ils se distinguent en deux catégories : les sources innovantes de financement, comme les taxes de solidarité ou les micro-dons, qui permettent de mobiliser de nouvelles ressources pour le développement ; les mécanismes innovants de financement, qui permettent d’optimiser les ressources existantes en les fléchant sur des investissements à impact sur le développement et/ou de les décupler par effet de levier.
Les financements innovants, qu’il s’agisse des sources ou des mécanismes, ont vocation à répondre au double enjeu de la raréfaction des ressources consacrées au développement et de l’impératif d’efficience des ressources mobilisées. Depuis sa création, en 2006, la taxe sur les billets d’avion a permis de collecter plus de 1,8 milliard d’euros. La France est le seul pays à consacrer une partie des recettes de la TTF, créée en 2012, au développement – en 2016, la moitié du 1,1 milliard d’euros dégagé par la TTF. Ainsi, en 2016, le FSD a atteint un niveau de 738 millions d’euros, 528 provenant de la TTF et 210 de la taxe sur les billets d’avion.
La gestion de ce fonds, que vous trouvez trop opaque, est effectuée par l’AFD pour le compte de l’État, sur instruction et sous la supervision d’un comité de pilotage interministériel qui rassemble la direction du budget, la direction du Trésor et la direction de la mondialisation du ministère des affaires étrangères. L’AFD y est présente, mais elle n’a pas voix délibérative.
Nous sommes conscients qu’il faut améliorer le mode de gestion du FSD et sa transparence, et nous allons faire un effort dans ce domaine en 2017. Nous préparons un projet de décret pour que les priorités du FSD soient plus claires : principalement la santé et le climat, auxquelles j’espère ajouter l’éducation. Je ne suis pas hostile, à titre personnel, à l’idée d’un budget prévisionnel – même s’il devra évidemment évoluer, car le FSD est par définition évolutif – et d’un bilan comptable. Je souhaite que la transparence de la gestion du FSD et le décret en préparation sur ce point soient à l’ordre du jour du CICID. En 2017, le Parlement pourra noter une véritable évolution positive de sa capacité d’analyse de la gestion du FSD.
Madame Guittet, vous m’avez interrogé sur le Fonds sida et l’Alliance GAVI. En 2013, la France s’est engagée à verser 1,08 milliard au Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Nous avons versé 352 millions d’euros en 2014 et 320 en 2015. Au titre de 2016, 328 millions sont actuellement fléchés, ce qui porterait le total des versements français à 1 milliard d’euros sur la période 2014-2016. Pour 2017, la contribution sera considérablement augmentée de manière à apporter dès le début de l’année les 80 millions d’euros restants. Cela nous placerait donc au niveau prévu en 2013.
Pour la période 2017-2019, j’ai confirmé, lors de mon récent déplacement à Montréal pour la reconstitution du Fonds mondial, que la participation de la France serait maintenue au même niveau de 1,08 milliard, et je peux vous assurer que l’accueil a été très positif de la part de tous les participants. Nous devrions rester le deuxième contributeur mondial, après les États-Unis, même si la Grande-Bretagne vient de décider une augmentation très forte de sa participation. Nous serons donc « en concurrence » avec la Grande-Bretagne sur la contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose.
Concernant l’Alliance GAVI, lors de la conférence de mobilisation des ressources qui s’est tenue à Londres le 13 juin 2011, la France avait annoncé une contribution additionnelle de 100 millions d’euros pour 2011-2015. Les versements ont été intégralement honorés, le dernier à hauteur de 22 millions d’euros, le 31 mars de cette année. Nous sommes donc à jour de nos obligations à l’égard de l’Alliance GAVI, que j’ai visitée récemment à Genève. En marge du sommet de la francophonie à Madagascar, j’ai prévu de me rendre sur le terrain dans un village où GAVI vaccine les enfants. Depuis sa création, l’Alliance a permis de vacciner 580 millions d’enfants dans le monde.
L’engagement du Président de la République de doubler le financement transitant par les ONG a bien été tenu. La loi de 2014 a officialisé le rôle croissant des ONG dans le domaine du développement et de la solidarité internationale. Cette participation est fondamentale et de plus en plus reconnue. Cela se traduit par une augmentation de la part de l’aide publique au développement qui transite par les ONG : de 1,2 % au début du quinquennat, elle a dépassé 2 % en 2015. Depuis 2015, l’augmentation de l’enveloppe dédiée aux initiatives des ONG est de 8 millions d’euros par an, dont 1 million alloué à l’abondement du Fonds d’urgence humanitaire. Le PLF 2017 prévoit une augmentation de 9 millions d’euros en faveur du guichet des initiatives ONG de l’AFD : 79,9 millions d’euros iront à l’appui aux ONG, contre 41,8 en 2012 et 72 en 2016. Avec ce seul guichet, l’engagement du Président de la République de doubler le montant de l’aide publique au développement transitant par les ONG est en passe d’être tenu à la fin du quinquennat.
Tous canaux de financement confondus, les résultats sont encore meilleurs, puisque les crédits en faveur des ONG françaises ont augmenté de 30 % entre 2012 et 2015, pour atteindre 141,1 millions d’euros. Cela correspond à 2,1 % de notre APD bilatérale, et ce chiffre monte à 3 % en incluant le financement d’ONG internationales et étrangères. Sur ce dernier point, les montants ont plus que doublé.
Jusqu’à l’an dernier, il était difficile de suivre avec précision l’intégralité des financements publics au bénéfice des ONG françaises. Nous pouvons désormais identifier ces financements par ONG, par zone géographique ou par thématique. Cela va nous permettre d’améliorer notre exercice de redevabilité à l’égard du comité d’aide au développement de l’OCDE, qui est très exigeant en ce domaine. Nous sommes presque à jour, nous allons pouvoir fournir toutes ces données précises par zone, par thématique et par ONG à l’OCDE et au Parlement.
S’agissant des parts relatives du bilatéral et du multilatéral, comme Mme Guigou et Pascal Cherki l’ont dit à juste titre, il ne faut pas opposer bilatéral et multilatéral. Les deux sont utiles et efficaces, à condition d’être vigilant, et les deux sont complémentaires. L’APD française reste néanmoins majoritairement bilatérale, même si la part de l’aide multilatérale s’accroît – respectivement 58 % et 42 %.
L’aide multilatérale est utile pour atteindre une masse critique hors de portée de l’aide bilatérale dans certains domaines. Elle permet d’avoir une plus grande efficacité notamment sur les grandes pandémies, par exemple à travers le Fonds mondial sida, tuberculose, paludisme. Elle est également utile pour traiter des sujets globaux et assurer une cohérence de l’action globale : quand de nombreux pays interviennent sur une zone et une thématique, le multilatéral évite le saupoudrage, voire la concurrence entre pays. Elle nous permet aussi d’orienter selon nos priorités l’aide dispensée par les grands fonds internationaux. Plus la France est présente au sein d’un de ces fonds, plus elle peut peser sur les décisions, car les droits de vote sont souvent fonction du pourcentage de la participation au budget. Prenons l’exemple du fonds Bêkou. Je participerai, dans quinze jours, à une conférence des bailleurs à Bruxelles. La France a mis en œuvre cette action multilatérale, elle y participe à une hauteur importante, ce qui lui permet de peser au profit de la Centrafrique. Il en va de même pour le Mali ou, dans le cadre de l’action contre le virus Ebola, pour la Guinée, et pour la lutte contre le changement climatique.
Pour que cette stratégie multilatérale soit plus claire et plus lisible pour les parlementaires et les citoyens, il a été décidé, lors du CICID de juillet 2013, d’élaborer une stratégie multilatérale de la France. Elle est toujours en cours de rédaction, mais la finalisation approche. Elle a nécessité un très gros travail de concertation avec les ONG et nos partenaires institutionnels internationaux. Le travail interministériel se termine, j’en ai parlé lors du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale. Un premier document, une version longue, a été validé par le ministère des finances et le Quai d’Orsay. Une synthèse est en cours de rédaction, dont la publication devrait intervenir début 2017.
La loi de 2014 que vous avez votée définit les critères de l’aide publique au développement française sur la base de quatre partenariats différenciés : les pays pauvres prioritaires, très majoritairement africains et francophones ; l’Afrique subsaharienne ; les pays du voisinage sud et est de la Méditerranée, c’est-à-dire le Moyen-Orient ; les pays en crise ou en sortie de crise, et en situation de fragilité.
J’en viens maintenant à la taxation des transactions financières intraday. Nous y sommes tous favorables. Le problème est de savoir quand et comment.
S’agissant de la faisabilité de cette taxation intraday, beaucoup d’amendements déposés sur la première partie de la loi de finances prenaient exemple sur la Grande-Bretagne, notamment sur le stamp duty, qui taxe les transactions intraday sur actions avec un taux de 0,5 %. Mais cette comparaison est limitée par deux éléments. D’une part, le stamp duty exonère intégralement les banques, ce qui n’est pas le cas de la TTF française ni du projet de TTF européenne. Ce sont essentiellement les hedge funds et les fonds de pension qui la paient, or il n’y en a quasiment pas sur le marché parisien. D’autre part, elle est en place depuis longtemps à Londres, dans une place financière qui dispose des infrastructures pour la traiter. Aujourd’hui, techniquement, ni le fisc français ni les banques françaises ne sont en mesure de prélever une TTF intraday. Il faudrait modifier les systèmes informatiques de traitement des négociations des intermédiaires, modifier un grand nombre de conventions entre les clients et les intermédiaires financiers, sans parler du fait qu’il faudrait faire en sorte que les acteurs financiers de Londres ou de Francfort la paient également au fisc français. C’est pourquoi il faut avancer de manière groupée et au niveau européen.
Le 10 octobre dernier, dix États européens, dont la France, se sont mis d’accord sur les contours d’une taxe européenne. Pierre Moscovici a annoncé que la Commission rédigerait un texte avant la fin de l’année. Ce serait une grande avancée, car, pour la première fois, on n’en resterait pas au niveau des principes : nous pourrions avancer sur un texte de droit, une directive. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite la mise en place d’une taxe intraday au niveau européen, dans ces dix pays, qui pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2018.
M. Pascal Cherki. Et si l’on n’y arrive pas, que fait-on ?
M. André Vallini, secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie. Il faut faire preuve de volontarisme pour que ces dix pays, qui sont volontaires, avancent. Les échos qui nous parviennent de Bruxelles nous laissent penser que c’est le cas et que nous allons vers un texte normatif avant la fin de l’année.
En réponse à MM. Tétart et Censi, les 738 millions de financements innovants ont été répartis comme suit : 80 millions pour l’UNITAID ; 328 millions au Fonds mondial ;1 million à l’Initiative solidarité santé Sahel ; 22 millions à l’Alliance GAVI ; 26 millions à l’IFFIm (International Finance Facility for Immunisation) ; 38 millions pour les dépenses du programme 110 ; 62 millions pour le Fonds vert ; 60 millions pour les projets climat AFD ; 25 millions pour le Fonds climat pour l’Afrique, et le fonds PMA ; 15 millions pour les projets forêt CREWS ; 15 millions de report 2015 sur 2016 de dépenses FSD ; 8 millions au partenariat mondial pour l’éducation ; 2 millions pour Expertise France (fonds de cofinancemement) ; 21 millions d’euros d’aide budgétaire en dons à l’Afrique.
Mesdames Coutelle et Gueugneau, le ministère a arrêté une stratégie genre et développement pour la période 2013-2017. Le CICID de 2013 avait chargé le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) d’évaluer la mise en œuvre de cette stratégie sur une base annuelle. Les conclusions du HCE sont positives s’agissant du portage politique et l’engagement du ministère sur cette thématique. En revanche, elles relèvent la faiblesse des montants de l’aide que nous sommes en mesure de rattacher à la problématique du genre. Alors que l’objectif est d’avoir 50 % de notre APD sensible au genre, nous n’en étions qu’à 17 % en 2015, dernier chiffre connu. Cela s’explique en partie par les difficultés à identifier statistiquement la part « genrée » de notre aide, et par la non-prise en compte de notre aide multilatérale sensible au genre dans la comptabilisation.
Le ministère continuera ses efforts, notamment en améliorant les outils de comptabilisation de notre aide sensible au genre, tout en accroissant le volume de celle-ci. Notre aide bilatérale sensible au genre devrait passer de 55 millions d’euros en 2015 à 62 millions d’euros en 2016. L’augmentation de l’aide publique au développement pour 2017 devrait permettre de consolider cette trajectoire favorable à la stratégie « genre » dans notre APD. La problématique du genre sera, bien sûr, l’une des problématiques importantes du prochain CICID.
S’agissant des droits sexuels et reproductifs, j’ai lancé, le 4 octobre dernier, à la maison de la femme à Paris, avec des associations et les ONG concernées, la première stratégie sur les enjeux de population, de droits et santé sexuels et reproductifs. Elle cible prioritairement l’augmentation des taux de prévalence contraceptive et la santé sexuelle des jeunes et adolescents dans huit pays du Sahel. L’initiative de Muskoka a pris fin en 2015, mais face aux défis sanitaires et démographiques persistants en Afrique de l’Ouest et du Centre, et au vu des résultats de l’évaluation à mi-parcours réalisée en 2015, il a été décidé de poursuivre le financement du fonds français Muskoka, financé à hauteur de 10 millions d’euros en 2016. La priorité ira au renforcement de la complémentarité des différents canaux utilisés, en renouvelant notre partenariat avec les quatre agences des Nations unies, et en poursuivant l’action bilatérale de l’AFD. L’aide sera concentrée géographiquement vers les pays du Sahel et priorisée vers la santé sexuelle et reproductive des adolescents, la nutrition et le renforcement transversal des systèmes de santé.
S’agissant de l’Afghanistan, je me suis rendu, au nom de la France, à la conférence des pays donateurs, le 5 octobre dernier. J’y ai annoncé le maintien de notre soutien à ce pays d’un montant de 100 millions d’euros sur cinq ans – nous n’abandonnons donc pas l’Afghanistan. L’éducation et la santé seront nos priorités. Quant au centre évoqué par M. Mariani, son activité est en train de reprendre, pas seulement pour l’apprentissage de la langue française, mais aussi en matière culturelle. Il n’y a pas encore de grands événements programmés, mais l’activité va progressivement monter en puissance. Je me rendrai, en janvier ou février, à Kaboul pour inaugurer l’hôpital mère-enfant avec l’Aga Khan, dont la fondation a également beaucoup contribué au financement.
La commission des Nations unies sur l’emploi en santé et la croissance économique, créée par le secrétaire général Ban Ki-moon en mars 2016 et coprésidée par le président Hollande et le président sud-africain Zuma, s’est réunie à Lyon en présence de ses deux présidents en mars dernier, et en septembre à New York. Les travaux de la commission nous ont permis de dresser plusieurs constats fondateurs. En particulier, investir dans les emplois en santé représente un levier majeur de croissance économique inclusive et durable, et de cohésion sociale. Près de 40 millions de postes, de brancardiers et femmes de service à infirmières diplômées et médecins, sont nécessaires d’ici à 2030 pour répondre aux besoins sanitaires de la population des pays concernés. Des ressources humaines additionnelles en santé sont un élément clé pour mettre en œuvre la couverture santé universelle, qui est notre objectif pour 2030. La couverture santé universelle fait partie des dix-sept objectifs de développement durable.
Pour la mise en œuvre des recommandations de cette commission au sein de chaque pays, nous avons fait le choix de travailler au sein de la francophonie. Lors du sommet de l’Organisation internationale de la francophonie, qui se tiendra à Tananarive les 26 et 27 novembre prochains, la thématique de l’emploi dans le domaine de la santé fera partie des résolutions qui seront adoptées. Nous allons également aborder ce sujet lors de l’assemblée mondiale de la santé en mai prochain, car c’est un sujet très important qui fait partie de nos priorités.
La dette des pays les plus pauvres fait l’objet de l’action 03 du programme 110. Le calendrier de ces crédits est très lié à celui de la conclusion des accords internationaux d’annulation de la dette. Dans le PLF 2017, l’action 03 du programme 110 est stable par rapport à 2016, à 103 millions d’euros. Les autorisations d’engagement augmentent fortement, à 330 millions d’euros, contre zéro en 2016. Le recul relatif des crédits ces dernières années était lié à la fin progressive des Accords de Dakar, qui ont représenté une étape importante de l’annulation de la dette de la part de la France.
Nous restons vigilants sur l’endettement des pays en développement ; la France promeut une doctrine de financement soutenable du développement. Nous avons une technique qui fonctionne bien : les contrats de désendettement et de développement (C2D). Lorsqu’un pays rembourse sa dette, son remboursement est affecté par la France à des actions de développement. J’ai ainsi signé un C2D en Côte d’Ivoire très important financièrement. Cette technique fonctionne très bien, à la grande satisfaction de nos partenaires africains et de nous-mêmes.
Les projets du Fonds d’étude et d’aide au secteur privé et les prêts du Trésor font tous l’objet d’une communication publique. Parmi les projets en cours, on trouve une ligne à grande vitesse au Maroc pour 70 millions d’euros en 2016 ; le métro de Hanoï pour 40 millions d’euros ; la construction d’un TER reliant la garde de Dakar, pour 72 millions d’euros ; le métro du Caire, pour 71 millions d’euros. Il s’agit d’un outil très important contribuant à la fois à l’aide au développement et à notre commerce extérieur, notamment lorsqu’il s’agit d’infrastructures de transport, de trains ou de métros.
Monsieur Pancher, concernant l’eau, les chiffres officiels de l’APD française disponibles auprès de l’OCDE montrent que la part des dons reste stable depuis 2010, autour de 60 millions d’euros par an, hormis un pic à 79 millions d’euros en 2013. En 2014, ce chiffre, fourni par l’AFD, est de 58 millions d’euros. Le montant des prêts varie, en revanche, selon les années, avec un pic à 833 millions d’euros en 2014. C’est ce qui explique la forte variation de l’équilibre entre prêts et dons dans ce secteur selon les années : 93 % contre 7 % en 2014, mais 71 % et 29 % en 2013. Tout dépend des projets identifiés et « bankables », qui ne sont pas constants sur douze mois.
Dans ce secteur comme dans bien d’autres, l’AFD mélange souvent prêts et dons car les deux canaux ne s’opposent pas, et parfois se combinent. Le partenariat qui se développe dans ce secteur entre l’AFD et la Fondation Gates aboutit dans un premier projet au Sénégal. Lors d’un débat organisé par le journal Le Monde, j’ai essayé de convaincre Bill Gates d’orienter les financements de sa fondation vers le secteur de l’éducation. La Fondation Gates fait beaucoup pour la santé, elle élargit sa palette d’intervention, notamment dans le domaine des infrastructures, de l’eau et de l’assainissement. Elle est intéressée par l’éducation, et réfléchit au sujet.
M. Dominique Baert, président. Merci, monsieur le secrétaire d’État, vous avez parfaitement exécuté cet exercice en embrassant la totalité des sujets soulevés.
La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures cinq.