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Commission des affaires européennes

mardi 12 mars 2013

16 h 30

Compte rendu n° 43

Présidence de
Mme Danielle Auroi Présidente

I. Communication de MM. Razzy Hammadi et Arnaud Richard sur la question de la politique de change européenne 2

II. Examen du rapport d’information de Mme Annick Girardin et de M. Didier Quentin sur la réforme commune de la pêche 7

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 12 mars 2013

Présidence de Mme Danielle Auroi,
Présidente de la Commission des affaires européennes,

La séance est ouverte à 16 h 40

I. Communication de MM. Razzy Hammadi et Arnaud Richard sur la question de la politique de change européenne 

M. Razzi Hammadi, co-rapporteur. Il s’agit d’un projet de résolution reprenant les diverses contributions formulées il y a deux semaines. Nous avons apporté les modifications de forme qui nous étaient demandées et nous avons enlevé les éléments susceptibles de donner le sentiment que nous pouvions être vindicatifs vis-à-vis des institutions européennes.

Nous demandons donc à la Commission européenne d’engager une réflexion sur l’impact des taux de change sur l’économie européenne. Le président de la Banque centrale européenne, Louis Gallois, dans son rapport, se sont exprimés sur ce sujet, de même que l’OCDE ou le FMI. Nous demandons donc aux différentes institutions de débattre de la définition du rôle de chacun dans la détermination de la politique de change.

Nous avons d’un côté le texte des traités et de l’autre des prises de position qui peuvent apparaître contradictoires, comme celle du président du Conseil qui considère qu’il n’a pas à intervenir, car les traités l’en empêcheraient, ce qui à mes yeux est faux. Aussi demandons-nous qu’un débat sur la stratégie du taux de change soit inscrit à l’ordre du jour du Conseil européen.

Je voudrais souligner également l’excellence du travail de notre commission, notamment sur les marchés publics ; nous avons en effet aujourd’hui une Europe qui n’est pas « ouverte » mais « offerte » et ne doit pas être naïve. Dans le cadre de la mondialisation il nous faut affirmer la voix de l’Europe.

M. Pierre Lequiller. Comme je l’avais indiqué lors de notre précédente réunion consacrée au même sujet, l’UMP, dans sa majorité, s’abstiendra. Nous avions souhaité, il y a deux semaines, que des modifications de forme et de fond soient apportées à la proposition de résolution. Les questions de forme ont été résolues. Sur le fond, le gouvernement est habilité à saisir lui-même le Conseil européen ; aussi notre avis doit-il s’adresser davantage au gouvernement qu’à la Commission européenne. D’une manière générale, il faut faire attention lorsqu’on aborde ces questions de change. En France, on part très communément du postulat selon lequel un euro faible est avantageux pour les exportations françaises. Mais, ainsi que l’avait souligné notre collègue Gilles Savary il y a deux semaines, il s’agit d’un raisonnement franco-français. Il ne faut en effet pas omettre qu’une monnaie faible renchérit le coût des importations. Au total, on n’est pas certain des effets positifs. Je tiens enfin à rappeler que ce n’est pas le Conseil européen qui s’y oppose, mais l’Allemagne qui, même avec un euro fort tel que nous le connaissons, enregistre un excédent commercial de 180 milliards d’euros.

M. Jacques Myard. Je vais m’exprimer en mon nom propre, et je tiens d’ailleurs à préciser que je n’ai jamais été cloné ! Je me félicite que cette question vienne en fin en discussion. Lorsqu’on prend les documents produits par le ministère des finances, notamment le programme de stabilité de la France pour 2012-2016, il est écrit noir sur blanc qu’une appréciation de 10 % de l’euro contre toutes les devises conduirait, à taux d’intérêt réel inchangé, à une moindre activité de 0,6 point la première année. Au bout de trois ans, l’impact serait de – 1,2 point sur l’activité. C’est page 41 du programme de stabilité, si je me souviens bien.

Une monnaie est un instrument qui doit être adapté à l’économie. Il est donc important que le Conseil européen arrête la politique de change. Ce n’est pas de la seule compétence de la Banque centrale européenne, qui ne peut plus dire, comme Jean-Claude Trichet lorsqu’il la gouvernait, « l’euro, c’est moi ».

Il faudrait rajouter un quatrième point dans la proposition de résolution, qui préciserait que le Conseil européen prend ses responsabilités pour adopter un taux de change qui permette la croissance dans tous les pays de la zone euro, et ainsi, la lutte contre le chômage.

Les surplus allemands montrent bien qu’il existe des problèmes d’ajustements monétaires.

Mais, j’approuve la proposition de résolution qui nous est soumise.

Mme Chantal Guittet. J’étais malheureusement absente lors de la précédente réunion, car en déplacement à Moscou. Quelles sont les améliorations qui ont été apportées par rapport au texte précédent ?

M. Christophe Caresche. La discussion a déjà eu lieu il y a deux semaines, je n’y reviendrai pas. Je souhaite toutefois rappeler que la question a été explicitement abordée par le Président de la République lors de son discours au Parlement européen. Mon groupe et moi-même voterons cette proposition de résolution.

M. Pierre Lequiller. Je veux rappeler que l’effort de compétitivité doit d’abord être fait par nous-mêmes. L’Europe ne doit pas être un bouc émissaire. C’est l’un des motifs de mon abstention.

Mme Annick Girardin. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera le texte en l’état.

M. Razzy Hamadi, co-rapporteur. Il est important de ne pas faire une confusion majeure : la dévaluation compétitive n’est pas l’un des objectifs fixés par le texte proposé. Ce que je vous dis, c’est que la volatilité du taux en elle-même est un sujet. Le taux d’élasticité des exportations françaises est quatre fois supérieur à celui de l’Allemagne en fonction du taux de change. L’objectif n’est pas de cibler l’Allemagne.

Le précédent Président de la République et l’actuel ont tous deux porté l’exigence de mettre de la politique dans notre politique de change.

Ce que nous avons enlevé du texte, c’est que le Conseil n’avait pas à se défausser de ses responsabilités.

Sur le quatrième point proposé par notre collègue Jacques Myard, on pourrait ajouter que le Conseil peut fixer, à l’issue d’un débat, le taux de change de l’euro.

M. Gilles Savary. Je voterai le texte proposé. Il est toutefois dommage de ne pas s’adresser au G20. On se trouve dans une situation de totale dérégulation du système monétaire international et il nous revient de poser la question de la stabilisation de ce système. Il est important que les Français envoient un signal sur la politique monétaire et il est intéressant d’interpeller le Conseil. Il existe en réalité, au sein de la zone euro, 17 bons taux de change, en fonction du niveau de compétitivité relative de l’économie de chaque État.

M. Pierre Lequiller. C’est une question qui a été portée devant le G8 et le G20, qui sont davantage les enceintes de discussion de ce sujet.

M. Gilles Savary. Mais cela ne relève pas de notre compétence institutionnelle ici.

La Présidente Danielle Auroi. Le point 4 proposé n’est donc pas retenu et la proposition de résolution, dont le texte figure ci-après, est adoptée à l’unanimité, le groupe UMP s’abstenant.

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur l’Union européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu le traité sur la stabilité, la gouvernance et la coordination au sein de l’Union monétaire ;

Vu la communication de la Commission européenne du 28 novembre 2012 sur l’examen annuel de croissance 2013 (COM [2012] 730) et les prévisions économiques d’hiver présentées le 27 février 2013 ;

Considérant, l’article 3 paragraphe 4 du traité sur l’Union européenne qui dispose que « l’Union établit une union économique et monétaire dont la monnaie est l’euro »,

Considérant le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et notamment son article 3 aux termes duquel la politique monétaire est une compétence exclusive de l’Union européenne,

Considérant que l’article 119 paragraphe 2 du traité sur le fonctionnement de l’Union prévoit « la définition et la conduite d’une politique monétaire et d’une politique de change uniques »,

Considérant qu’à cet effet, les articles 127, paragraphe 1, et 138 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne confie notamment au Conseil, sur proposition de la Commission européenne et après consultation de la Banque centrale européenne, l’adoption de décisions établissant des positions communes au sein des institutions et des conférences financières internationales,

Considérant que ces compétences n’ont à ce jour jamais été exercées.

Considérant que seul trois Etats membres de la zone euro sur dix-sept participent aux travaux du G20 et que si l’Union européenne y participe elle aussi, elle ne peut toutefois se prévaloir d’une position commune concernant la politique de change de l’euro en l’absence de débat préalable au sein de ses instances démocratiques, Conseil, Parlement européen et Commission européenne.

Considérant que la croissance économique de l’Union européenne figure au rang des objectifs établis à l’article 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et que la stabilité du taux de change est un élément essentiel à la prospérité et à la croissance économique.

Considérant que l’amplitude constatée des fluctuations du taux de change de l’euro n’apparaît pas liée aux fondamentaux de l’économie.

Considérant que la position publique arrêtée par la Banque centrale européenne indique que la « BCE a adopté une attitude de neutralité en ce qui concerne l’usage international de l’euro. Elle n’encourage ni ne décourage l’utilisation de sa monnaie hors de la zone euro, considérant qu’elle doit être essentiellement l’expression du libre jeu des forces du marché »,

Considérant qu’il ressort des traités sur l’Union européenne et le fonctionnement de l’Union européenne qu’il appartient au Conseil, sur proposition de la Commission européenne et après avis de la BCE, de prendre position sur la politique de change,

Considérant qu’aux termes de l’article 9 du traité sur la stabilité, la gouvernance et la coordination au sein de l’Union monétaire, « les parties contractantes entreprennent les actions et adoptent les mesures nécessaires dans tous les domaines essentiels au bon fonctionnement de la zone euro, en vue de réaliser les objectifs que constituent le renforcement de la compétitivité, la promotion de l'emploi, une meilleure contribution à la soutenabilité des finances publiques et un renforcement de la stabilité financière »,

Considérant que la politique de change figure parmi les domaines essentiels au bon fonctionnement de la zone euro,

Considérant que l’exigence démocratique implique que les instances représentatives de l’Union européenne débattent régulièrement des questions monétaires.

1. Demande à la Commission européenne d’engager une réflexion sur l’impact des fluctuations de taux de change de l’euro sur la croissance économique, afin de proposer au Conseil, si nécessaire, d’entreprendre les actions prévues dans les traités afin d’assurer le bon fonctionnement, la compétitivité et la prospérité de l’Union économique et monétaire ;

2. Demande que le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne débattent du rôle des différentes institutions européennes dans la définition de la politique de change unique prévue dans les traités ;

3. Demande au Président du Conseil européen et à la présidence semestrielle du Conseil de l’Union d’inscrire la question de la stratégie et de la stabilité du taux de change de l’euro à l’ordre du jour des travaux du Conseil européen et du Conseil de l’Union. »

II. Rapport d’information de Mme Annick Girardin et de M. Didier Quentin sur la réforme commune de la pêche

M. Didier Quentin, co-rapporteur. Madame la Présidente, mes chers collègues, la réforme actuelle de la PCP est, vous le savez, l’objet de vifs débats au sein du Parlement européen et de négociations ardues dans le cadre du trilogue. De fait, il n’est pas simple de réformer une politique qui n’a pas, depuis sa mise en œuvre, totalement porté ses fruits, notamment parce qu’elle a souvent oublié les pêcheurs.

Si la pêche n’est pas un secteur économique dominant de l’économie européenne, elle n’en demeure pas moins un secteur important tant sur les plans de l’aménagement des territoires littoraux, de l’emploi que de la sauvegarde des terroirs. La difficulté réside dans la nécessaire adéquation entre équilibre économique et social et équilibre d’une ressource fragile qu’il convient de pérenniser.

Mais malgré un relatif accord sur ce diagnostic, plusieurs aspects clés de la réforme font l’objet de profonds désaccords institutionnels ; il s’agit notamment de l’interdiction des rejets, de la question du rendement maximal durable et de la question, peut-être encore plus épineuse, de la distribution l’enveloppe consacrée à la pêche entre les différents États membres.

La raréfaction des ressources halieutiques est un phénomène mondial et européen. D’après la FAO, 29,9 % des stocks sont surexploités à l’échelle mondiale, 7% sont complètement épuisés et 57 % des stocks sont pleinement exploités. L’abondance des grands stocks à l’échelle mondiale a été divisée par 10 : le thon rouge, mais aussi la morue, sont emblématiques de cette évolution. La surpêche s’explique par plusieurs facteurs : l’augmentation de la demande en poissons, l’amélioration des techniques de pêche, et la méconnaissance de la réalité des stocks. Les désaccords sur cette question sont nombreux, et il n’y a pas de consensus, même au sein de la communauté scientifique. L’Europe n’échappe pas à la surexploitation des stocks halieutiques, même si ce diagnostic est parfois contesté par les pêcheurs, alors même que la production ne répond pas à la demande. À titre d’exemple, notre production nationale ne couvre qu’un quart de la demande française.

Cette situation implique une gestion raisonnée de la ressource - notamment par la promotion de techniques de pêche plus sélectives – gestion nécessaire à la sauvegarde de l’industrie de la pêche, qui se trouve fragilisée tant en France qu’en Europe. Le déclin tendanciel de la flotte au niveau européen et national a suivi celui de l’emploi. La capacité de la flotte européenne a diminué au cours des dernières années à un rythme annuel moyen de -2 % par an, le nombre d’entreprises de pêche diminuant de son côté de -15 % depuis 2006. En France, en dix ans, les débarquements ont diminué de 25% et les importations ont augmenté de 50 %. La pêche conserve toutefois un poids socioéconomique fort dans certaines régions littorales ; elle représentait ainsi en 2003 presque 4 % de l’emploi total dans la zone Quimper-Cornouaille. C’est dans ce contexte de fragilité qu’émerge actuellement des tentatives de structuration du secteur, notamment via la création de la filière « France Filière pêche » et de la « plateforme pêche artisanale » ; cette structuration est importante pour le renforcement de la filière pêche, pour l’instant encore peu intégrée et ne bénéficiant pas de labels.

Qu’en est-il de la PCP depuis ses origines ? Il apparaît clairement qu’elle n’a pas atteint tous ses objectifs. Historiquement liée à la PAC, la PCP s’est progressivement émancipée pour devenir une politique à part entière. Toutefois, il est vite apparu que celle-ci ne remplissait pas totalement ses objectifs, à savoir prévenir la surpêche, garantir aux pêcheurs des moyens d’existence pérennes, approvisionner les transformateurs et les consommateurs de manière régulière, améliorer la préservation et la gestion des ressources, et assurer un développement équilibré des territoires.

Une première réforme, intervenue en 1992, a cherché une meilleure adéquation entre la capacité de la flotte et la ressource halieutique. Elle n’a pas produit les effets escomptés, notamment parce que certains objectifs de la PCP sont rentrés en contradiction, tels que la modernisation des moyens de production et la limitation des efforts de pêche, ou le maintien de l’emploi et la réduction de la capacité de la flotte. Une nouvelle réforme est ainsi intervenue en 2002, faisant de la lutte contre la surcapacité de la flotte européenne un objectif prioritaire. Celle-ci, qui s’est traduite notamment par l’introduction de la notion « d’effort de pêche » et la remise à plat des totaux admissibles de capture (TAC) par zones de pêche n’a pas atteint son but. La mise en place de mesures de conservation, loin de préserver parfaitement la ressource halieutique, a abouti à exacerber la concurrence entre les pêcheurs et les pays de l’Union, et ce d’autant plus que selon le principe de la stabilité relative, les quotas de pêche ont été attribués sur la base de ce qui avait été pêché par le passé par zones et par espèces.

La Commission a ainsi proposé dès 2009 dans son Livre vert de reformer la PCP, et a présenté par la suite les 13 juillet et 2 décembre 2011 un ensemble de propositions de textes qui constituent la nouvelle réforme de la PCP.

Mme Annick Girardin, co-rapporteure. Malgré un relatif accord sur le diagnostic, plusieurs aspects clés de la réforme font l’objet de profonds désaccords institutionnels.

Le « paquet PCP » propose une réforme d’ampleur mais le débat s’est principalement orienté sur trois des propositions de la Commission européenne : atteindre le rendement maximum durable en 2015 pour tous les stocks, interdire tous les rejets selon un calendrier très rapide entre 2014 et 2016, mettre en place de concessions de pêche transférables (CPT) d’un navire à l’autre d’ici fin 2013. Suite à une levée de boucliers, les CPT ont fait l’objet d’un accord quasi général en faveur de leur abandon ; tant le Conseil que le Parlement européen souhaitent que ce mécanisme soit facultatif, ce que nous ne pouvons que soutenir.

Le principe d’une gouvernance plus régionalisée des pêches est largement accepté par tous, tout comme la proposition de la Commission de remplacer les accords de partenariat (APP) avec les pays tiers par des accords de pêche durable (APD) davantage axés sur la conservation des ressources.

Des désaccords de fonds subsistent sur les points suivants. Concernant l’interdiction des rejets, la Commission a posé ce principe comme la pierre angulaire de son projet de réforme, estimant que les rejets représentent aujourd’hui 23 % des prises, soit 1,7 millions de tonnes de poissons par an. D’abord réticent mais isolé, le Gouvernement français s’est résolu à accepter le principe de l’interdiction, tout en maintenant une position très ferme pour que soient adoptées des mesures d’application qui rendent le dispositif praticable pour les pêcheurs, et soulignant la nécessité d’augmenter les TAC pour les espèces visées par une obligation de débarquement, de mettre en place une obligation de débarquement pour certaines espèces et une tolérance de rejet de minimis.

La Commission de la pêche du Parlement, puis le Parlement européen, lors du vote en plénière, se sont prononcés en faveur d’une interdiction progressive des rejets pour l’ensemble des espèces exploitées et des espèces réglementées, ce qui constitue une extension considérable du champ de cette mesure par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne. Le calendrier est par ailleurs restreint et ne correspond pas aux possibilités réelles d'adaptation des filières. De même, il n’est pas fait mention d’un nécessaire ajustement à la hausse des possibilités de pêche, dans le respect de la stabilité relative, dans le cadre de la mise en œuvre de l'obligation de débarquement.

Le Parlement européen a néanmoins apporté quelques ajouts positifs par rapport à la proposition de la Commission : la mise en place d’une étude visant à analyser au cas par cas la mise en œuvre graduelle de l’interdiction des rejets, la prise en compte d’exemptions sanitaires à l’obligation de débarquement, le principe de la fixation de flexibilité interannuelles et d’exemptions de minimis.

Il est évident que la situation actuelle n’est pas satisfaisante, mais les limites d'un dispositif d'obligation de débarquement généralisé sont elles aussi évidentes.

D'abord, la pratique des rejets en mer correspond à des réalités variées. Certains rejets sont liés, comme on l’a vu, à la réglementation. Mais certaines prises accessoires sont cependant inévitables, notamment dans le cas de pêcheries mixtes ou multi-spécifiques. La France est particulièrement concernée par ce type de pêche. Or, avec l'interdiction des rejets, elle sera pénalisée : il faudra veiller à consommer ses quotas par espèce au même rythme, ce qui est en pratique quasiment impossible. Lorsque l'un des quotas dont dispose un navire sera épuisé, même s'il lui reste des droits de pêche pour d'autres espèces, il ne pourra plus sortir du port. C’est la raison pour laquelle il est important de prévoir la fixation de flexibilités interannuelles et d’exemptions de minimis.

Le problème devrait être pris à la source. Il faut étudier et mettre en place les conditions permettant de ne faire aucune capture inutile en premier lieu ; la gestion des prises par l’obligation de débarquement n’est qu’un outil de gestion de ce qui découle du manque de sélectivité de la pêche. Comme le disent les pêcheurs, « il vaut mieux trier sur le fond que sur le pont ». Les efforts doivent se concentrer sur la promotion d’outils et de pratiques qui permettent de réduire les prises non souhaitées.

De nombreux progrès ont d’ailleurs été réalisés sur ce point, mais il faut donc encore promouvoir le passage à des méthodes de pêche plus sélectives, notamment grâce à des subventions européennes bien définies, accompagnées de mesures adéquates (aide à la recherche de pratiques et engins plus sélectifs…). Pour valoriser financièrement les rejets, la création d’une filière dédiée pourrait sembler intéressante, au regard des possibilités de les utiliser par exemple en pharmacologie et en cosmétologie. N’est-ce pas irréaliste de créer des filières pour une ressource qui a vocation à s’amenuiser ? Cependant, déployer une véritable filière exige du temps et des investissements, et le principal effet pervers de centrer l’interdiction des rejets sur l’obligation de débarquement est le risque de conduire à la mise en place d'une filière de valorisation de ces prises indésirables, destinée uniquement à une transformation sous forme de farine pour l'alimentation des élevages aquacoles. Enfin, l'interdiction totale des rejets posera d'immenses difficultés pratiques, en termes d’investissement dans de nouveaux moyens de surveillance (caméras installées dans les navires) et de capacité des navires, car les capacités de stockage ne sont pas illimitées et les risques de surcharges réels, avec toutes les conséquences négatives en terme de sécurité que cela comporte (risque de chavirage).

Concernant le rendement maximal durable (RMD), la Commission souhaite atteindre le RMD en 2015 pour tous les stocks. De son côté, le Conseil ne remet pas en cause la proposition de la Commission mais propose un calendrier plus souple, actant le principe de l’atteinte RMD en 2015 quand cela est possible et au plus tard en 2020 pour tous les stocks.

Le Conseil suit en cela les orientations du plan stratégique 2011-2020 pour la biodiversité, adopté à Nagoya en 2010.

La position du Parlement européen parait irréaliste : la Commission de la pêche puis le Parlement européen ont souhaité qu'à partir de 2015, les taux de mortalité soient fixés de sorte qu'en 2020 au plus tard les niveaux des stocks soient maintenus au-dessus du RMD.

Cette position va au-delà des engagements internationaux souscrits par l’Union Européenne à savoir que les taux de mortalité soient fixés au RMD en 2015 lorsque cela est possible, et en 2020 au plus tard. Il s’agit d’une approche trop brutale qui pourrait conduire la France à fermer 50 % de ses pêcheries, avec des conséquences économiques et sociales irréversibles.

Nous plaidons pour une application différenciée et progressive de l’objectif d’atteinte du RMD, qui entraînerait néanmoins probablement des difficultés importantes à court terme pour un secteur de la pêche déjà fragilisé. Nous allons devoir accompagner nos filières et nos ports.

Enfin, la définition des TAC au niveau européen doit tenir compte des discussions avec les pays tiers, lorsque ceux-ci partagent des zones de pêche avec l’Union européenne, comme par exemple en Méditerranée. L'Union européenne ne peut fixer d'objectif d'atteinte du RMD différent de celui visé par les autres flottes de pêche, qui se nourrissent du même stock, sinon cela pénaliserait les pêcheurs européens sans permettre d’atteindre le RMD.

Concernant le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), il s’agit du volet budgétaire du paquet sur la réforme de la PCP, qui s’inscrit dans le contexte de la proposition de la Commission pour le cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2014-2020.

La proposition insiste particulièrement sur la nécessité de mieux intégrer les préoccupations environnementales dans la PCP, qui doit réaliser les objectifs et les cibles de la politique environnementale de l’Union et la stratégie Europe 2020.

La Commission européenne propose de consacrer 6,5 milliards d'euros au FEAMP pour la période 2014-2020. L'enveloppe consacrée à la pêche et aux affaires maritimes sera renforcée sur la même période d'un milliard d'euros, situés en dehors du FEAMP, destiné à financer les accords de pêche durable dans le cadre du volet externe de la PCP.

La proposition de la Commission européenne met fin à l'aide européenne aux plans de sortie de flotte ou encore à l'aide à l'installation des marins. De même, les aides à l'investissement seront strictement limitées : seuls les investissements destinés à améliorer la sécurité à bord, à mieux protéger l'environnement, à améliorer la sélectivité ou encore à favoriser la transformation à terre des prises accessoires pourront être soutenus, cette dernière action bénéficiant d'une enveloppe de 45 millions d'euros.

Chaque État membre devra établir un programme opérationnel (PO) dans lequel il définira ses dispositifs prioritaires et les enveloppes attribuées à chacun d'eux, à partir de l'enveloppe globale réservée pour l'État membre. La répartition de l'enveloppe globale entre États membres n'est pour l'instant pas connue, et sera décidée par la Commission européenne au moyen d'un acte d'exécution.

Toutefois, nous estimons que la France doit recevoir une enveloppe qui soit plus en rapport avec ses besoins. La clé de répartition des enveloppes entre les États membres constitue un enjeu majeur pour la France, qui conteste le critère historique du Fonds européen pour la pêche (FEP) sur la période 2007- 2013; des personnes auditionnées par vos rapporteurs ont indiqué qu’en effet, la France ne touchait que 4% du FEP alors qu’elle dispose de l’une des flottes les plus importantes de l’UE. Il est donc nécessaire, a minima, de se fonder non sur la répartition initiale de l’enveloppe mais sur le niveau de consommation du FEP au cours de la programmation.

Je souhaite enfin souligner que ce travail est le fruit d’une collaboration avec la Commission des Affaires économiques avec laquelle nous avons travaillé dans le cadre d’un groupe de travail, collaboration agréable et enrichissante.

Mme Annick Le Loch. J’ai participé aux auditions et ce rapport exprime les inquiétudes rencontrées : le nombre des bateaux et celui des marins-pêcheurs diminue, la pêche et les ressources de la mer ne sont plus ce qu’elles étaient. D’où ce constat : il faut revisiter nos méthodes de pêche. La proposition de résolution européenne correspond à ces inquiétudes et au souci de conserver cette activité économique. Le rapport fait le constat d’un échec : malgré toutes les décisions prises, il n’a pas été possible de faire évoluer cette activité ; malgré une diminution du nombre des navires, la capacité de pêche de la flotte a augmenté…

Tout cela doit changer. Ce rapport le dit. Il pose des orientations fortes sur le rendement maximum durable. Il pose le principe de l’élimination progressive des rejets. Des inquiétudes subsistent néanmoins : nos flottilles sont-elles adaptées à cette élimination des rejets ? Les quotas de pêche sont-ils suffisants pour maintenir cette activité économique ? C’est le sens de cette résolution : il faut que la pêche reste quand même une activité dynamique. Il en va aussi de notre souveraineté alimentaire car nous importons beaucoup de poissons, alors que tous les États ne sont pas exemplaires dans leurs méthodes de pêche. Au lieu d’importer du poisson parfois pêché dans des conditions douteuses, il faut nous efforcer de maintenir cette activité.

M. Daniel Fasquelle. Ce rapport arrive à un moment crucial. La future politique commune de la pêche est à élaborer maintenant. Si nous prenons de mauvaises décisions, nos marins-pêcheurs auront à en supporter les conséquences pendant plusieurs années… Nous avons déjà discuté de cette question à Bruxelles mais il est tout-à-fait utile de revenir sur le sujet.

Je formulerai trois remarques générales :

- tout d’abord, Bruxelles est dans une attitude de défiance vis-à-vis des marins-pêcheurs et c’est dommage. Il faut en effet construire avec eux, et non contre eux, les bases d’une politique de pêche durable. Les marins souhaitent respecter les ressources. La défiance de l’Europe vis-à-vis des marins entraîne leur défiance vis-à-vis de l’Europe ;

- les marins-pêcheurs sont rendus responsables de la diminution de certains stocks. Or, ils ne sont pas les seuls, loin de là, à intervenir dans l’espace marin ou à influer sur lui. À titre d’exemple, le réchauffement climatique entraîne une évolution de certaines espèces de poissons. D’autres phénomènes scientifiques sont mal maîtrisés : les scientifiques auraient tout intérêt à travailler en concertation avec les pêcheurs, qui sont constamment et depuis des années sur le terrain, qui ont pu faire certaines constatations, pour mener à bien leurs analyses scientifiques. Si ces dernières ne sont pas bonnes, elles entraîneront derrière elles de mauvaises décisions !

- certains choix politiques ne sont pas faits. On peut pêcher les mêmes quantités de poissons en maintenant beaucoup de bateaux et d’emplois. Cette décision n’est pas prise. Alors que dans le cadre de la politique agricole commune, on subventionne l’agriculture pour maintenir des emplois, on ne fait pas de même pour la pêche. Le résultat est que l’on va détruire la pêche artisanale au profit de la pêche capitalistique. Je peux le constater à Boulogne-sur-mer. Il y a là un vrai débat : une politique commune de la pêche ne sert à rien si elle ne fait qu’accompagner un phénomène qu’elle s’avère incapable de maîtriser.

J’exprimerai par ailleurs très brièvement trois inquiétudes. La première concerne l’objectif de rendement maximal durable (RMD) en 2015 pour tous les stocks : c’est beaucoup trop rapide et l’on va détruire des filières. La seconde concerne l’interdiction des rejets : ce qui est proposé par la commission ne semble pas raisonnable. La troisième est relative aux concessions de pêche transférables.

Je ferai part enfin de trois idées. L’une est qu’il faudrait limiter la puissance des navires existants tout en autorisant la construction de nouveaux bateaux, le refus de les construire conduisant à la surpêche. L’autre est qu’il faudrait mieux organiser les filières, car les marins vendent trop peu cher. La dernière est qu’il faudrait régler certains problèmes de cohabitation, dus à l’arrivée intempestive de certaines flottilles de pêche : le résultat est en effet que ceux qui étaient là avant ne peuvent plus pêcher !

Mon constat final est qu’il existe encore des lacunes importantes que notre rapport pourrait contribuer à combler.

M. Jean-Louis Roumegas. J’ai participé au groupe de travail et je dois dire que je ne me retrouve pas dans les conclusions de la proposition de résolution. On a surtout entendu, dans la présentation de ce rapport, le point de vue d’une partie des pêcheurs, représentant surtout la pêche industrielle, au nom de l’économie et de l’emploi. Or les professionnels privilégient plutôt des objectifs de court terme, alors qu’il faudrait considérer les possibilités d’évolution de la filière sur le long terme. Voilà pourquoi ce rapport ne me convient pas. Je regrette que la position de la France soit aussi défensive alors que c’est une vision durable de la pêche qu’il faudrait privilégier. C’est une défense presque corporatiste et non européenne. Il faudrait au contraire que la France aille de l’avant, car l’intérêt de la pêche et de l’économie, c’est avant tout la reconstitution des stocks.

Mme Estelle Grelier. La France se trouve aujourd’hui en position minoritaire même si l’on peut espérer qu’au sein du Conseil elle pourra trouver des appuis. La proposition de la Commission européenne ne prend pas en compte la diversité des pêcheries en Europe. Les industries de pêche, en France, sont plus mixtes que celles qui se trouvent dans les autres pays européens. Cette position de la Commission européenne ne peut avoir pour seul effet que celui de fragiliser le tissu industriel français de la pêche. La position française n’est pas une position anti-écologiste.

Les délais proposés par la Commission concernant l’interdiction des rejets sont trop serrés. Par ailleurs, la question du rejet des poissons en mer repose la question des farines animales, ce qui, a priori, n’est pas l’objet de la réforme.

En outre, en ce qui concerne le RMD, les analyses du terrain montrent que les pêcheurs n’y sont pas opposés, à condition que l’établissement des données scientifiques sur lesquelles elles sont fondées soit incontestable, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Le problème inhérent à la réforme de la PCP depuis son origine, contrairement à la réforme de la PAC, réside dans le fait que les pêcheurs ne voient que les contraintes très fortes qui pèseront sur eux sans que celles-ci ne soient compensées par des avantages. Ainsi l’objectif qui devrait permettre de mettre en place la sélectivité des bateaux achoppe-t-il, par exemple, sur la faible dotation du fonds qui lui est attribué ; il suffit pour cela de se rapporter aux négociations relatives aux perspectives financières pour 2014-2020.

En outre ces propositions visent seulement à infléchir la capacité de pêche alors que la consommation des ressources halieutiques est relativement élevée, et qu’il n’y a pas de contrôle sur ce qui est pêché par les autres pays. Cela pose la question de la réciprocité vis-à-vis des pays tiers. Ce n’est pas le fait de poser un simple éco label qui permettra de venir à bout de cette question. De fait, cette réforme demeurera soit inapplicable sur le terrain, soit elle sera contournée, soit elle sera la fossoyeuse des petites unités de pêche que nous défendons.

Sur ce sujet, nous sommes confrontés à la douloureuse mise en œuvre de l’extension de la procédure de co-décision permise par le Traité de Lisbonne. La Commission ne joue pas son rôle d’intermédiaire entre le Conseil et le Parlement européen.

Nos rapporteurs pourrait-il préciser qui se trouve juridiquement responsable de la détermination des quotas ?

Je me permets également de préciser, de manière franche et directe, que l’on se trouve face à un problème de méthode et de commissaire. Si des concertations ont eu lieu avec les ONG, les pêcheurs se plaignent régulièrement de leurs difficultés d’accès tant à la Commissaire qu’aux services de la Commission. Alors que la profession a fait un travail sur elle-même, notamment en développant des techniques de pêche respectueuses de la ressource halieutique, la manière dont ont été décidés la réglementation et bientôt l’interdiction de pêcher en eaux profondes me semble une bonne illustration de cette absence de méthode.

Quelques remarques sur la proposition de résolution. En ce qui concerne le point 1, le parlement européen est également favorable à fixer comme échéance 2020 pour les RMD lorsque que cela est nécessaire. Sur les aides au stockage elles sont dégressives jusqu’à zéro dans le projet de règlement sur le FEAMP, il faudrait le préciser.

Concernant le point 8, il serait également opportun de préciser que la France souhaite distinguer les deux types de chalut.

La Présidente Danièle Auroi. Ce rapport me met mal à l’aise, tant sur la forme que sur le fond. La France me semble s’opposer à l’Union européenne et certains arguments importants, que vous avez énoncés lors du débat, ne figurent pas dans la proposition de résolution. Ainsi la défiance que vous évoquiez entre les pêcheurs et l’Union européenne n’apparaît pas explicitement. La nécessité de garder des ressources halieutiques en quantité suffisante pour les générations futures ne figure pas non plus. La défense d’une forme de pêche artisanale ne se trouve qu’à la fin du texte alors qu’elle devrait être davantage mise en exergue. En l’état du texte, je serai amené à voter contre, alors que la discussion met en évidence que nos positions ne sont pas si éloignées qu’il n’y paraît et qu’un consensus pourrait être trouvé.

Il faudrait également souligner les problèmes et les questions que soulève la pêche industrielle, notamment en ce qui concerne l’utilisation des filets. Cela pourrait également figurer dans les considérants.

En ce qui concerne le protocole de Nagoya relatif à la défense de la biodiversité, plus précisément de l’entièreté de la biodiversité, que ni la France ni l’Union européenne n’ont encore ratifié, il est toujours en débat. Sur la notion d’entièreté de la biodiversité cela me semble en contradiction avec ce qui figure dans le projet de résolution. Le soutien à l’aquaculture pose très sérieusement la question de la réintroduction de l’utilisation des farines animales.

M. Christophe Caresche. La question que je me pose est de savoir si ce projet de résolution s’adresse aux marins pêcheurs ou aux institutions européennes. Si elle a été écrite pour les marins pêcheurs elle est parfaite, si elle l’a été pour les institutions européennes, elle est à revoir. Dans le considérant 1, qui semble faire consensus, vous privilégiez et soutenez le rôle économique de la pêche, alors qu’il faudrait l’inverser avec le considérant 2 de la proposition de la résolution. Défendre nos intérêts avec plus de souplesse, de manière plus adaptée me semblerait plus opportun, plutôt que de présenter nos positions de manière orthogonales et hexagonales. Que signifie par exemple la sauvegarde d’un bien public pour qu’il ne soit pas privatisé ? Cela veut-il dire que les pêcheurs privatiseraient la mer ?

Mme Estelle Grelier. Il s’agit de la position du Parti socialiste, qui défend les ressources halieutiques comme étant un bien public.

Mme Annick Girardin, co-rapporteure. La question de la privatisation de la mer ne concerne en rien les pêcheurs. L’idée est d’éviter qu’il y ait des ventes ou des échanges de quotas.

M. Christophe Caresche. Il faudrait, dès lors, reprendre clairement la rédaction de ce point, pour éviter les ambiguïtés.

Le point développé au paragraphe 5, en revanche, est très bien. De manière générale il faudrait être plus sélectifs dans les arguments que l’on souhaite développer, moins caricatural afin d’être davantage audibles par les institutions européennes.

La Présidente Danièle Auroi. Je propose, afin que nous parvenions à un vote à l’unanimité sur ce projet de résolution, d’affiner nos arguments pour qu’un nouveau projet de résolution soit présentée la semaine prochaine devant notre commission, avant le passage devant la commission des affaires économiques.

M. Jean-Louis Roumegas. En tout état de cause, c’est un exercice intéressant qui permet, au-delà des oppositions de forme, de mieux voir les véritables divergences de fond, notamment en ce qui concerne le calendrier relatif aux RMD.

La Présidente Danièle Auroi. Le 19 mars, après l’audition de la Commissaire européenne Mme Vassiliou, le texte pourra être, à nouveau soumis au vote dans une forme remaniée. Reprenons maintenant précisément le débat sur la proposition de résolution afin de pouvoir nous accorder ensuite sur un texte définitif.

Mme Annick Girardin, co-rapporteure. Je suis assez d’accord sur cette proposition de méthode, mais nous devons encore débattre de ce dossier.

M. Didier Quentin, co-rapporteur. Je pense qu’il faut que nous, députés français, affirmions que la pêche joue un rôle essentiel pour l’économie littorale française. Je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point.

Mme Annick Girardin, co-rapporteure. Je tiens à souligner que la France ne s’inscrit pas dans une logique anti-écologique. Je viens d’un territoire où la surpêche a détruit l’activité de pêche et je suis donc sensible à cette question. Malgré ce moratoire, la morue n’est pas revenue en masse. Il nous faut trouver le lien entre les considérations écologiques et l’activité économique. Je suis très opposée aux moratoires car, je sais d’expérience que, les filières concernées ne s’en relèvent pas. Aussi cette idée de RMD progressive apparaît importante. J’ai des regrets : ce qui manque dans cette résolution et qui ne figure pas dans les textes européens, c’est l’impact de la pêche illicite qui représente, selon le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental, 30 % des activités de pêche dans le monde. Aussi, je pense qu’il nous faudra évoluer vers une réglementation internationale de la pêche dans le monde, faute de quoi nous n’atteindrons pas nos objectifs, mais nous aurons tué la pêche en Europe et particulièrement en France. Il nous faut donc trouver de justes mesures sur ces questions là.

La question des filets et de la pêche de fond, puisqu’on parle de ne pas descendre en dessous de 400 mètres, est un vrai débat. Nous sommes assez opposés à l’aquaculture et à la farine de poissons. Or, la politique du zéro rejet débouche inéluctablement sur la commercialisation de la farine de poissons. On a une vraie réflexion à mener. J’insiste sur la nécessité des progrès techniques pour aller vers des bateaux moins polluants et générant moins de rejets. Nous souhaitons protéger la pêche artisanale, qui – on l’oublie souvent – génère également beaucoup de tourisme dans nos ports. La pêche industrielle existe mais ne doit pas être prioritaire et nous partageons la même vision de protection de la pêche artisanale et de la pêche durable.

M. Didier Quentin, co-rapporteur. Je vais dans le sens de la co-rapporteure. Nous ne devons pas nous auto flageller car nous avons été les bons élèves. Comme l’a dit Daniel Fasquelle, il est nécessaire d’établir un climat de confiance entre les pêcheurs et les institutions européennes. Mme Bonino, commissaire européenne, avait réussi à le faire, à la différence du commissaire autrichien Fischer. La sécurité des navires doit être prise en compte et l’interdiction des rejets peut compromettre la sécurité des petits bateaux. Comme député d’une zone touristique, je confirme l’intérêt touristique de la pêche.

M. Daniel Fasquelle. Au sujet des moratoires, je confirme les propos du co-rapporteur. Il a été impossible de reconstituer la filière du hareng après la fin du moratoire. Aussi, le RMD ne doit-il pas être trop brutal – la question des rejets est cruciale dans les ports de ma circonscription, où les bateaux pratiquent une pêche multiprises qui génère nécessairement des rejets supérieurs à la pêche d’une seule espèce, pratiquée par certains ports. On ne peut pas appliquer la même politique dans toute l’Union européenne, sinon on va faire disparaître la pêche artisanale. En écoutant l’analyse des considérants par Christophe Caresche, je constate l’existence d’accord sur certains points, par exemple la pêche durable, le soutien à la pêche artisanale que nous pourrions affirmer dès le début de la résolution.

M. Jean-Louis Roumegas. Je pense qu’il faut rééquilibrer les considérants. S’agissant de la mention des « efforts considérables » de la France, je suis réservé car ils ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il faut aussi insister sur l’apport des scientifiques. On pourrait se contenter de dire qu’il faut prendre en compte la variété des modes de pêche. Il manque, pour être équilibré, un considérant sur les risques d’épuisement de certains stocks et il est utile de le rappeler. Trois points, pour moi, sur la formulation et la remise en cause du RMD. Je ne pense pas vous suivre à ce sujet, car l’engagement de l’Union européenne, pris à Johannesburg, remonte à 2002. Nous ne pouvons pas justifier d’être en-deçà des engagements pris il y a dix ans ; on peut entendre les arguments économiques,mais la situation s’est aggravée et les scientifiques nous alertent et ce ne sont pas des anti-pêcheurs, mais ils ont une approche globale. Par contre, je puis entendre que l’on se batte pour des adaptations meilleures.

Sur les rejets, nous continuons à être à 30 % de rejets et nous n’avons pas pris de mesures sélectives sur certaines espèces. Sur la pisciculture, on peut encourager celle des espèces herbivores, mais celle des espèces carnivores est indéfendable sur le plan sanitaire. Il faut faire évoluer les quotas vers une meilleure répartition pour favoriser la petite pêche qui n’a pas su s’organiser bien qu’ils représentent le maximum d’emplois. J’aimerais que nous soyons plus précis vis-à-vis de la répartition des quotas vers la pêche artisanale.

Mme Annick Le Loch. Je vous trouve extrêmement sévère vis-à-vis de ce rapport. Beaucoup de vos questions sont traitées dans ce document. En particulier, pour la petite pêche dont les revendications ont été introduites. Il faut prendre la mesure des conséquences économiques des actions conduites. On tient compte également du long terme et de la ressource et nos positions sont défendues à Bruxelles par le Gouvernement. Nous faisons la part des choses car les positions de la Commission européenne sur ce sujet peuvent être caricaturales. On en s’oppose pas à l’Union européenne et nous pouvons entendre les questions de rédaction.

La Présidente Danièle Auroi. Merci à tous. J’espère que nous arriverons à un consensus, sur la base d’un texte remanié.

M. Daniel Fasquelle. J’insiste sur la définition de la pêche artisanale qui, pour moi, n’est pas liée à la taille du bateau, mais à l’exploitation d’un seul bateau par un patron-pêcheur.

Mme Annick Girardin, co-rapporteure. Il serait souhaitable que les commissaires aient le texte du projet de rapport avant notre réunion du 19 mars.

La séance est levée à 18 h 25

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 12 mars 2013 à 16 h 30

Présents. – Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, M. Christophe Caresche, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, Mme Annick Girardin, Mme Estelle Grelier, Mme Chantal Guittet, M. Razzy Hammadi, M. Pierre Lequiller, M. Jacques Myard, M. Didier Quentin, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary

Excusés. - M. Philip Cordery, M. Bernard Deflesselles, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Lionnel Luca, M. Arnaud Richard

Assistaient également à la réunion. - M. Daniel Fasquelle, Mme Annick Le Loch