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Commission des affaires européennes

mardi 9 avril 2013

17 heures

Compte rendu n° 54

Présidence de
Mme Danielle Auroi Présidente

I. Examen du rapport d’information de MM. Joaquim Pueyo et Yves Fromion sur la politique européenne de défense 2

II. Examen de la proposition de résolution européenne de Mme Danielle Auroi et M. Patrick Bloche relative au respect de l’exception culturelle (no 875) 14

III. Nomination à des groupes de travail 19

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 9 avril 2013 à 17 heures

Présidence de Mme Danielle Auroi

La séance est ouverte à 17 heures

I. Examen du rapport d’information de MM. Joaquim Pueyo et Yves Fromion sur la politique européenne de défense 

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Le présent rapport s’inscrit dans le prolongement du rapport d’information, « L’Europe de la défense à la veille du Livre blanc », que nous avions présenté devant la commission des affaires européennes en décembre 2012.

Il aurait pu d’ailleurs porter le même titre, puisque la publication de ce Livre blanc, annoncée d’abord pour fin janvier 2013, a été retardée et est annoncée maintenant pour fin avril.

Ce nouveau rapport comporte de nombreux développements complémentaires et surtout une approche plus analytique, assortie d’un certain nombre d’observations et de suggestions. Plusieurs d’entre elles sont d’ailleurs reprises dans la proposition de résolution européenne que nous avons élaborée.

Le rapport comme la résolution européenne s’inscrivent dans une démarche très pragmatique. Ils n’ont pas pour but de proposer des idées complètement novatrices, mais plutôt de s’appuyer sur des dispositifs déjà en place, ou du moins déjà prévus par le Traité de Lisbonne.

Rien de révolutionnaire donc, mais du pragmatique pour progresser… Il est temps en effet de sortir de la longue litanie des déclarations incantatoires selon lesquelles « il faut relancer l’Europe de la défense ». Elles ont certes un mérite : celui de rappeler qu’un large accord existe sur le principe. Tout au cours de nos auditions et entretiens, y compris avec nos voisins européens, nous avons pu vérifier l’existence de ce large consensus. À l’heure où les États-Unis réorientent leurs priorités stratégiques vers la zone Asie-Pacifique, laissant clairement entendre aux Européens que de plus en plus ils devront assumer eux-mêmes leurs responsabilités, à l’heure surtout où les États membres sont confrontés à une crise budgétaire sans précédent, ils ont intérêt à coopérer pour maintenir l’efficacité de leur outil de défense, et exister encore sur la scène internationale. La coopération capacitaire, industrielle et technologique est perçue comme une solution permettant de maintenir, à l’échelle européenne, la performance de l’outil de défense et, par là-même, l’existence d’une politique européenne de sécurité et de défense (PSDC).

De nombreux exemples de cette coopération existent déjà. Je vous invite vivement à lire notre rapport car il contient beaucoup d’informations qu’il ne m’est pas possible de développer, dans le court laps de temps qui nous est imparti aujourd’hui. Nous avons eu à cœur, durant notre mission, de ne pas jouer les « eurodépressifs » et de mettre au contraire en valeur ces prémices d’une « Europe de la défense » : on trouvera donc tout au long du rapport des illustrations emblématiques de cette coopération , comme autant d’exemples à suivre et surtout à approfondir… Car qui dit capacité d’intervention autonome dit capacités militaires autonomes en Europe : mais plusieurs opérations récentes, telle l’opération en Libye ou plus récemment encore l’intervention au Mali, sonnent comme autant de cruels rappels des lacunes de l’Europe de la défense. Pourtant, l’objectif de « définition progressive d’une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune » a été clairement affirmé par le Traité de Lisbonne.

Il ne s’agit pas d’orienter la PSDC dans une perspective « va-t-en-guerre », loin de là. La majorité des missions PSDC – et nous avons souhaité le souligner particulièrement dans le rapport – s’inscrivent dans une approche globale de prévention des conflits. Beaucoup, malheureusement trop méconnues, sont des missions civiles dont les objectifs pourraient être regroupés sous le terme générique d’ « aides au rétablissement de l’État de droit ». Même les missions de formation militaire, comme EUTM Somalie ou EUTM Mali – à ne pas confondre avec l’opération Serval – s’inscrivent en réalité dans cette perspective d’aide au rétablissement de l’État de droit, donc, à terme, de prévention des conflits. Or même une mission typiquement européenne comme EUTM Mali vient juste de démarrer, non sans difficultés, la solidarité des autres États européens s’étant laissée pour le moins désirer…

Cette dimension « prévention des conflits » doit être, selon nous, clairement reconnue et pose, de façon plus générale, le problème des difficultés de financement de la PSDC. Alors que les dépenses opérationnelles liées à la politique extérieure et de sécurité commune (la PESC, dont la PSDC est partie intégrante) sont en principe à la charge du budget de l’Union européenne, par exception, les « dépenses afférentes à des opérations militaires ou ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense » sont en principe à la charge des États membres.

Ce principe est bien entendu de nature, dans la conjoncture actuelle, à freiner les bonnes volontés des États membres, lorsqu’il s’agit de dépasser le stade des sympathiques déclarations d’intention pour mettre en œuvre des coopérations concrètes. Or, ce frein à la relance de l’Europe de la défense pourrait être atténué, d’une part par le recours à des dispositions méconnues du Traité de Lisbonne, notamment la notion d’« activités préparatoires » qui autorise des financements par le budget de l’Union, d’autre part par la reconnaissance du « caractère dual », civilo-militaire, de beaucoup de missions et coopérations menées dans le cadre de la PSDC. Le rapport s’attache à le souligner.

La crédibilité de la PSDC passe également, et peut-être en premier lieu, par la clarification du rôle des multiples instances – rassemblant des experts dont la compétence n’est absolument pas en cause – qui sont à son service, et par la nécessité de mieux utiliser les outils – souvent remarquables – dont elle dispose déjà. L’un des objectifs du Traité de Lisbonne était d’améliorer la lisibilité de la PSDC : le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas atteint, pour des raisons diverses évoquées dans le rapport. Sans doute le Haut Représentant actuel, Mme Ashton, est-il resté trop en retrait. Mais il semble urgent également de pouvoir répondre à une question simple :« qui fait quoi et qui décide de quoi ? » tant on s’y perd dans l’enchevêtrement de tous ces organismes – dont la lecture du seul sommaire du rapport peut donner un aperçu.

Par ailleurs, il faut se poser la question de la sous-utilisation ou non-utilisation d’outils remarquables pourtant théoriquement à la disposition de l’Union européenne : l’Eurocorps, la Brigade franco-allemande, les groupements tactiques… Pourquoi aucun d’entre eux n’a-t-il, par exemple, pu être utilisé dans la crise malienne ?Nous sommes allés à la rencontre de ces instances, qui elles-mêmes ne semblent pas hostiles à un engagement opérationnel dans ce type de circonstances, si la volonté politique existe. En résumé, très prosaïquement, voici la question que l’on est immanquablement conduit à poser : pourquoi tant d’instances, pourquoi tant d’efforts pour en arriver à si peu de résultats pour « l’Europe de la défense » ? Et l’actualité malienne a rendu cette question encore plus lancinante.

Encore une fois, il ne s’agit pas d’être eurosceptiques mais pragmatiques : il est évident que « l’Europe de la défense » ne se construira pas à vingt-sept. Le Traité lui-même, si on y regarde de plus près, même sans être juriste ni expert, est construit de toute évidence de manière à rendre possible l’approfondissement de la construction européenne entre les États membres qui le souhaitent. C’est un instrument permettant que cette construction européenne puisse s’étendre à tous les domaines, y compris les plus sensibles, comme la politique étrangère et la défense, en empêchant que les pays qui ne souhaitent pas participer à une Europe véritablement intégrée soient en mesure de bloquer ceux qui au contraire sont déterminés à construire la véritable unité européenne.

C’est pourquoi il faut privilégier dans ce domaine très sensible de la PSDC les solutions non contraignantes : les coopérations qui fonctionnent déjà sont d’ailleurs des coopérations souples, comme le montre, dans le domaine de la coopération aérienne, l’exemple de l’EATC (European Air Transport Command).

Les pistes à explorer doivent l’être en gardant à l’esprit cette idée de flexibilité : la possibilité de mise en place d’une coopération structurée permanente mériterait d’être enfin sérieusement étudiée par les États membres, mais sous l’angle de la souplesse. C’est pourquoi le rapport s’attache à démontrer que cet instrument, offert par le Traité de Lisbonne, ne présenterait en réalité, pour peu que l’on veuille bien se pencher de près sur la question, aucun caractère contraignant.

Enfin, les propositions figurant dans le rapport et dans le texte de la résolution européenne s’inscrivent dans le prolongement direct des conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012, qui visent à préparer sa réunion de décembre 2013 dédiée à l’Europe de la défense. Les suggestions et observations de vos Rapporteurs ont pour but de respecter parfaitement l’esprit des conclusions du Conseil, sans jamais s’écarter des axes de réflexions qu’il a lui-même définis, ce qui renforce leur pragmatisme.

Le Conseil a déclaré, dans ces conclusions, vouloir associer étroitement les États membres aux travaux de réflexion préparatoires à la réunion de décembre 2013. En conséquence, nous souhaiterions, au moyen de cette résolution européenne, pouvoir associer la représentation nationale française à l’effort de réflexion demandé par le Conseil.

Nos observations et nos suggestions sont en outre parfaitement dans la ligne définie par le Président de la République. Le 5 février 2013, le Président François Hollande déclarait en effet devant le Parlement européen : nous devons « avoir la lucidité indispensable pour élaborer une stratégie pour conduire une véritable politique extérieure commune, pour avoir une défense européenne. La France y est prête. Il est temps là encore d’en finir avec la dispersion des initiatives, de rassembler nos forces et nos moyens, de rapprocher nos industries, d’harmoniser aussi nos positions dans les instances internationales où l’Europe doit parler d’une voix, d’agir pour résoudre les conflits qui heurtent les consciences humaines ». Il s’agit bien, à nouveau, d’un appel clair en faveur de l’Europe de la défense.

« L’Europe de la défense » est d’ailleurs un terme utilisé surtout en France : nos voisins européens lui préfèrent en général celui, sans doute plus explicite de « politique de sécurité et de défense commune » – PSDC – consacré par le Traité de Lisbonne en 2007. Il s’agit en effet non pas tant d’assurer la « défense de l’Europe », rôle dévolu en principe à l’OTAN, que de préserver les intérêts de l’Europe en matière de sécurité, où qu’ils soient menacés dans le monde : le propos précité du Président de la République française va d’ailleurs clairement dans ce sens, lorsqu’il évoque la nécessité d’agir pour résoudre les conflits qui heurtent les consciences humaines…

Encore une fois, comme nous avons tenu à le souligner dans ce rapport, l’Europe de la défense, c’est aussi et peut-être surtout la prévention de nouveaux conflits. Elle ne fait pas double emploi avec l’OTAN, elle doit se construire en complément et en coopération avec elle.

La France affiche donc fermement cette ambition de relance de l’Europe de la défense et souhaite associer à sa démarche les autres États européens. Nous avons pu constater, au cours de nos déplacements - que ce soit à Berlin, à Londres, à Varsovie, à Madrid, à Dublin - que nos partenaires européens seraient prêts à nous suivre, sous réserve que l’Europe parvienne à une définition claire de ses objectifs stratégiques prioritaires. C’est pourquoi notre proposition de résolution aborde également cette question : mais je vais laisser à mon collègue, Yves Fromion, le soin de vous la présenter de façon plus détaillée.

Je voudrais simplement conclure en rappelant que lors du Sommet du 6 mars 2013 à Varsovie visant à préparer le Conseil européen de décembre 2013, qui a réuni les représentants des États du Groupe Weimar (Allemagne, France, Pologne) et ceux du Groupe de Visegrád (Pologne, République tchèque, Slovaquie et Hongrie), la Chancelière Angela Merkel, le Président François Hollande et leurs homologues des quatre États d’Europe centrale ont déclaré voir dans la crise économique actuelle une raison de plus pour relancer l’Europe de la défense. « À l’heure de la crise financière globale persistante et de son impact négatif sur les budgets de défense, nous devrions nous concentrer sur un renforcement de la coopération multinationale de défense » ont déclaré les ministres de la Défense des six pays, en prélude à ce Sommet inédit.

Ils ont souligné, à cette occasion, que l’Europe doit permettre de mutualiser et de coordonner l’effort de défense européen, y compris en matière industrielle. Et de fait, c’est par la mutualisation et le partage – « le Pooling and Sharing » – que l’on peut encore espérer faire quelques économies budgétaires sans déboucher sur de véritables ruptures capacitaires, à l’heure où globalement l’Europe ne consacre plus que 1,6 % de son PIB à la défense.

Mes chers Collègues, l’année 2013 semble être l’année de tous les défis pour l’Europe de la défense. Il s’agit de ne pas laisser passer cette fenêtre d'opportunité que représente la mise à l'agenda du Conseil européen d'enjeux majeurs pour les intérêts stratégiques et économiques de l'Union européenne. Car au-delà des considérations internes et de compétitivité technologique et industrielle, la PSDC demeure un élément essentiel dans la pluralité des politiques qui permettront à l'Union européenne de maintenir sa place demain et de mieux défendre sa vision et son rôle sur la scène internationale à l'avenir.

Je vous remercie pour votre attention et passe maintenant la parole à mon collègue Fromion qui va vous présenter plus spécifiquement notre proposition de résolution européenne.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Notre proposition de résolution s’inscrit dans le cadre des trois objectifs définis dans les conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012, relatives à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), à savoir : augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la PSDC ; renforcer le développement des capacités en matière de défense ; renforcer l’industrie européenne de défense.

Nous nous sommes attachés particulièrement au pragmatisme, à l’optimisation du Traité de Lisbonne, à l’amélioration des dispositifs existants. Nous nous sommes calés sur le texte du Traité et notamment sur les dispositions prévoyant que, sauf exceptions, les dépenses de défense ne doivent pas être financées sur fonds communautaires. Nous avons respecté le principe selon lequel la PSDC doit se développer en compatibilité avec les missions de l’OTAN.

Dans le cadre du premier objectif des conclusions du Conseil, notre proposition de résolution demande tout d’abord une mise en œuvre plus complète des dispositions du Traité de Lisbonne. Je rappelle que c’est la première fois qu’un traité européen développe véritablement ce thème de la défense et il serait dommage de ne pas exploiter ces dispositions acceptées par les 27 États membres.

Nous estimons ensuite qu’il est nécessaire de réactualiser, au bout de dix ans, la stratégie européenne de sécurité définie en 2003 et qu’il serait utile que l’Europe réfléchisse à ce qui pourrait être un « Livre blanc », à ses orientations prioritaires.

Nous avons insisté sur la Coopération structurée permanente (CSP), une des dispositions du traité de Lisbonne, à titre d’« itinéraire de progrès ». La CSP devrait s’inscrire dans une démarche inclusive ouverte : les États membres pourraient rejoindre ce « club » de la CSP au fur et à mesure de l’intérêt qu’ils y portent et de leurs possibilités d’y adhérer.

Il conviendrait également, à travers cette démarche, de mettre en cohérence tous les dispositifs existants et pour certains mal utilisés : par exemple les Groupements tactiques, jamais utilisés, l’Eurocorps – dont je rappelle qu’il peut encadrer jusqu’à 60 000 hommes – la Brigade franco-allemande jamais utilisée sous le « chapeau » européen, l’EATC, exemple réussi de coopération, le Centre satellitaire de Torrejon en Espagne – que nous avons visité et qui est un excellent outil d’analyse d’images satellitaires même s’il ne dispose pas de ses propres satellites – son niveau est en effet comparable à celui de la Direction du renseignement militaire. Il est urgent que toutes ces initiatives puissent être remises dans une cohérence globale.

Nous recommandons d’envisager la possibilité d’un financement au titre des « activités préparatoires » permettant, après consultation du Parlement européen, de déroger au principe général d’interdiction de financement par l’Union européenne des dépenses de défense ; dans le même ordre d’idées, il faudrait amplifier le mécanisme Athena permettant de financer 10 % au maximum de certaines dépenses militaires, afin que les États acceptant de participer à des opérations ou actions en matière de défense ne soient pas les seuls à payer.

Nous portons enfin un regard positif sur ce que Mme Catherine Ashton appelle « l’approche globale ». Quand il y a une crise, il faut analyser globalement la situation et pas seulement sous l’angle militaire.

Pour ce qui concerne le second objectif fixé par le Conseil, le développement des capacités en matière de défense, en attendant une éventuelle modification de l’article 41-2 interdisant de financer les dépenses de défense, nous préconisons la recherche de procédures favorisant le développement de capacités nationales sous la bannière de l’Union européenne, grâce à un soutien communautaire. L’Agence européenne de défense (AED) est un bel outil à faire prospérer, dont les missions devraient être développées. Enfin le financement des équipements à caractère dual , civilo-militaire, via le PCRD devrait être encouragé.

Pour ce qui concerne le troisième objectif, le développement de l’industrie européenne de défense, nous préconisons tout d’abord un renforcement de la base industrielle de technologie et de défense – la BITD – par accélération de la consolidation des entreprises de défense, selon une démarche concertée permettant prioritairement de préserver les capacités indispensables à l’indépendance de l’Union européenne. Nous savons qu’il y a en Europe une surcapacité dans beaucoup de domaines ; il faudra bien résoudre cette question mais il y aura des conséquences sur les bassins d’emplois industriels et il sera nécessaire que l’Union européenne apporte des fonds pour accompagner ceux qui seront fragilisés dès lors qu’ils entreront dans une démarche de restructuration.

Le rapprochement AED/OCCAR doit par ailleurs être poursuivi dans une optique de fusion des deux organismes. Il est nécessaire également que soient révisées les procédures mises en œuvre par l’AED sur la propriété intellectuelle partagée. Elles impliquent qu’à partir du moment où un programme de recherche lancé par un État membre est financé sur des fonds européens, les bénéfices doivent en revenir à chacun des vingt-sept États membres ; peu d’industriels ont envie de se lancer dans cette aventure, ce qui entraîne un piétinement dans la recherche. Nous plaidons également pour que l’enveloppe dédiée à la recherche duale en matière de défense et de sécurité soit portée à 1 milliard d’euros.

En ce qui concerne la réciprocité des échanges, nous sommes pour : nous vendons à ceux qui achètent et réciproquement. En même temps, il est nécessaire d’avoir à défaut de réciprocité un mécanisme de préférence communautaire, car il faut que les industriels puissent vendre chez nous avant de laisser les États européens acheter ailleurs. Nous sommes enfin pour qu’une part des crédits affectés par les États à la sécurité de l’Europe ne soit pas prise en compte dans le calcul des déficits budgétaires des États plafonnés à 3 % : c’est une idée qui circule actuellement et que nous reprenons à notre compte. Si elle s’avère trop irréaliste, nous souhaitons qu’au moins soit créé un mécanisme de dédommagement tenant compte de l’effort particulier de certains États pour le financement d’un bien public européen.

M. Jacques Myard. Vous me rappelez cette phrase d’Élisabeth Ire d’Angleterre : « salut aux chercheurs d’aventures » ! La PESC est quasiment morte née et je ne pense pas que cela puisse se développer. Il faut sortir du cadre de l’Union européenne, où il n’existe pas de solution, en matière de propriété intellectuelle notamment. De plus, vous semblez oublier que, du point de vue juridique, c’est l’OTAN qui est le cadre en matière de défense.

Je suis d’accord pour dire que nous avons une chance, dans la mesure où les Américains ne peuvent pas tout faire. Néanmoins, la volonté manque du côté de nos partenaires européens. De plus, les moyens budgétaires sont insuffisants ; d’aucuns disent que si l’on veut enterrer un projet, il suffit de le placer au niveau européen… Pour que cela fonctionne et que des synergies puissent se créer, il faut des coopérations bilatérales, avec un pilote dans l’avion !

Par ailleurs, la Cour des comptes a dit qu’il fallait dissoudre la brigade franco-allemande. Je maintiens que pour avancer dans le domaine de la défense, il faut sortir de l’Union européenne.

Le point 21 est dangereux : conditionner l’ouverture des marchés à l’exigence de réciprocité signifie que ce sont les prix qui vont l’emporter. Il ne faut plaider que pour un seul objectif, celui de la préférence communautaire ; mais si la concurrence des prix est totale, ce sont les États-Unis qui emporteront tous les marchés.

Le dernier point doit être particulièrement mis en avant, car certains pays poursuivent effectivement un effort de défense en Europe, notamment la France et le Royaume-Uni.

Je m’abstiendrai sur ce texte.

M. Pierre Lequiller. Ma conclusion sera différente de celle de Jacques Myard. Je partage l’avis des rapporteurs sur la nécessité de faire avancer l’Europe de la défense, et je regrette que tel n’ait pas été le cas ces derniers temps.

Je voterai cette résolution car elle donne une direction. Les instruments sont là. Le problème, c’est la volonté politique.

Notre entrée dans l’OTAN a été une bonne chose, utile. Il n’y a pas de politique communautaire s’agissant de la Syrie, seulement une coopération franco-britannique. Cela est inquiétant : on n’avance pas en matière d’industrie de la défense, même s’il existe des programmes qui aboutissent.

La « coopération structurée », dont on parle depuis le traité de Lisbonne, n’est toujours pas définie. On n’a pas dit quels sont les pays « qui le peuvent et qui le veulent », pour reprendre une expression de jacques Delors. Il est temps de le faire. Il faut que la volonté politique s’exprime. À cet égard, le fonctionnement de Mme Ashton sur les questions de défense m’inquiète, dans la mesure où les différents scénarii possibles ne sont pas anticipés et préparés.

Alors que le budget diminue, il faut faire un effort de coopération en matière industrielle. Je souhaite que le budget de la France ne diminue pas trop sensiblement.

S’agissant du dernier point évoqué par le Rapporteur, la coopération industrielle est un préalable à l’Europe de la défense.

Mme Seybah Dagoma. Je partage l’avis de Jacques Myard s’agissant des réserves qu’il a émises sur le principe de réciprocité tel qu’il est évoqué aux points 20 et 21 de la proposition de résolution.

Si je suis favorable à la réciprocité s’agissant des marchés publics, la directive qui a été adoptée en est seulement à ses prémisses. Je pense par exemple, qu’il faut exclure l’industrie de la défense de l’accord transatlantique entre les États-Unis et l’Union européenne.

De plus, la libéralisation des marchés de sécurité et de défense irait à l’encontre des objectifs mêmes de la directive que nous avons adoptée, à savoir conserver notre capacité stratégique vis-à-vis des pays tiers.

En l’état du texte, je m’abstiendrai sur la proposition de résolution

La Présidente Danielle Auroi. Je suis favorable à cette proposition de résolution, dans la mesure où vous avez souligné que la situation a changé : du point de vue de la défense, les États-Unis sont désormais davantage orientés vers le Pacifique que vers l’Atlantique.

Vous avez, de plus, bien intégré la logique de la réflexion sur la prévention des conflits.

Enfin, le dernier point de la proposition de résolution, qui « propose qu’une part des crédits affectés par certains États à la sécurité de l’Europe ne soit pas prise en compte dans le calcul des déficits budgétaires des États plafonnés à 3 % », me paraît être une bonne chose. Cette proposition est très fondée, je voterai le texte.

M. Joaquim Pueyo. Nous avons surtout insisté sur les innovations du traité de Lisbonne, en particulier bien sûr la coopération permanente structurée. Cela ne signifie pas pour autant, évidemment, que nous ignorons les autres dispositions traditionnelles des traités sur l’articulation avec l’Alliance atlantique.

La brigade franco-allemande, quant à elle, a une portée historique et symbolique d’une toute autre ampleur que les petites préoccupations comptables. Mais il demeure vrai qu’elle pourrait sans doute être plus utilement encore employée.

M. Pierre Lequiller a plus que raison : il est désormais temps d’agir avec force vers une défense commune, et c’est bien pourquoi nous proposons des avancées concrètes et précises. Pour réussir, il nous faudra être pragmatique. C’est d’autant plus vrai en matière de coopération industrielle, comme le montrent les succès réels engrangés jusqu’ici, qu’il s’agisse des A330 MRTT, de l’A400M ou des missiles…

Enfin, notre proposition de résolution rappelle avec ambition l’importance du principe de réciprocité. Il ne faut pas oublier, en effet, que s’il convient de protéger nos marchés des concurrents déloyaux, nous devons aussi prendre en compte la nécessité d’exporter. Sans doute notre formulation est-elle perfectible, mais je crois que son esprit est partagé par tous ici.

M. Yves Fromion. Je confirme que pour les échanges extra-communautaires nous cherchons à promouvoir le principe de réciprocité. Par ailleurs, nous parlons, ce qui représente une innovation considérable – convenons en – si l’on se replace quelques années en arrière, de préférence communautaire.

Pour le reste, je partage pleinement les remarques exposées par mon co-rapporteur : l’industrie est l’indispensable avant-garde de l’Europe de la défense et la coopération structurée permanente ne fonctionnera que si elle est réaliste, et empreinte de souplesse et de pragmatisme, compte-tenu de l’extrême hétérogénéité des situations militaires des États membres.

S’agissant enfin du Service européen d’action extérieure, je pense qu’il importe de rompre avec le dénigrement systématique en soulignant qu’il se met petit à petit en place et que sa montée en puissance sera très vite un grand atout pour la politique étrangère commune.

M. Philippe Armand-Martin. Concernant précisément l’hétérogénéité des contributions et des forces des Etats, pourriez-vous nous donner quelques précisions sur la nature des engagements fournis par la France à Bruxelles, s’agissant notamment du COPS ?

M. Yves Fromion. Ces données sont publiques et aisément accessibles. Nous vous les transmettrons très rapidement par écrit.

La Commission a adopté la proposition de résolution suivante à l’unanimité, moins deux abstentions.

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur l’Union européenne et notamment son titre V relatif aux dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union et aux dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment sa cinquième partie relative à l’action extérieure de l’Union ;

Vu le protocole sur la coopération structurée permanente annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu les conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 relatives à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) ;

Considérant qu’il est de la responsabilité de l’Union européenne d’assurer la mise en œuvre des dispositions des traités précités, telles que modifiées par le traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2009 ;

Considérant que certaines de ces dispositions, notamment celles relatives à la coopération structurée permanente, n’ont pas encore été mises en œuvre ;

Rappelant que le Conseil européen, dans la perspective de sa réunion de décembre 2013, a invité la Haute Représentante et la Commission à élaborer de nouvelles propositions et actions visant à renforcer la PSDC et à lui faire rapport au plus tard en septembre 2013 sur les initiatives prises en la matière ;

Rappelant qu’il a également indiqué dans ses conclusions des 13 et 14 décembre 2012 que les États membres seront étroitement associés aux travaux tout au long de ce processus ;

Prenant acte qu’il insiste notamment sur trois objectifs :

• Augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la PSDC ;

• Renforcer le développement des capacités en matière de défense ;

• Renforcer l’industrie européenne de la défense.

Et souhaitant s’inscrire au plus près des axes de réflexion proposés dans lesdites conclusions, formule les propositions et observations suivantes :

I.– En vue d’augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la PSDC :

1) Estime nécessaire une mise en œuvre plus complète et volontariste des dispositions figurant au Traité de Lisbonne (TUE) concernant la PSDC.

2) Invite le Conseil européen de décembre 2013 à une révision de la Stratégie européenne de sécurité définie en 2003 et adaptée en 2008, afin de recenser les nouveaux défis et menaces auxquels l’Union européenne entend répondre et les objectifs stratégiques qu’elle entend privilégier.

3) Suggère que ces travaux de recensement des objectifs prioritaires de l’Union européenne servent de base à un futur Livre blanc sur la sécurité et la défense européenne.

4) Souhaite que soit favorisée l’émergence de la Coopération structurée permanente (CSP) prévue à l’article 42 § 6 du TUE et au Protocole additionnel sur la CSP, et invite en conséquence la Commission et le Conseil européen de décembre 2013 à en étudier la possibilité.

5) Souligne que la CSP offrirait un réservoir de capacités nationales dans lesquelles l’Union européenne pourrait puiser avec l’accord des États ainsi que, sans préalable contraignant, un cadre propice au développement d’initiatives concertées et concrètes en matière d’interopérabilité et d’adaptation des capacités à des engagements spécifiques dans les domaines civils et militaires.

6) Souligne que la CSP devrait permettre d’accueillir, dans des conditions de souplesse, d’adaptabilité et de pragmatisme, des initiatives éparses de coopération, telles que l’Eurocorps, la Brigade franco-allemande, les Groupements tactiques, Euromarfor, l’EATC, etc, dont certaines sont peu concluantes pour la PSDC.

7) Estime que l’Union européenne et les États membres de la CSP devraient pouvoir s’appuyer, d’une part, sur un organisme de planification, à créer sur la base du réemploi de compétences dispersées ou en déshérence, et, d’autre part, sur l’Eurocorps, outil de conduite des opérations existant mais non utilisé par l’Union européenne.

8) Estime que l’Union européenne, si elle agréait la création de la CSP, ne pourrait s’exonérer de la soutenir ; que dès lors devrait être utilisée la possibilité d’accès au budget de l’Union européenne pour le financement d’« activités préparatoires » prévu, après consultation du Parlement européen, par l’article 41-3 du TUE, pour des missions visées aux articles 42-1 et 43 ; que cette procédure pourrait être utilisée également pour financer l’acquisition de capacités indispensables à la préparation d’engagements civilo-militaires de l’Union européenne : capacités de renseignement, satellitaire notamment, de transmissions, de transport logistique ou tactique ou acquisitions d’équipements spécifiques, etc.

9) Suggère que le mécanisme de financement Athena soit amplifié pour se révéler plus efficace et surtout plus équitable pour les États missionnés par l’Union européenne.

10) Se déclare favorable au développement d’une approche globale en matière de prévention des conflits, de gestion des crises et de stabilisation, et déplore à cet égard le manque de moyens et l’insuffisant formatage de la plupart des missions civiles lancées au titre de la PSDC.

11) Observe que la multiplication des structures dédiées à la PSDC est de nature à nuire à sa lisibilité et à son efficacité, et appelle à leur clarification et à leur rationalisation.

II.– En vue de renforcer le développement des capacités en matière de défense :

12) Souligne que l’Union européenne est dépourvue de capacités propres en matière de défense mais également de l’aptitude à s’en doter, et devrait en conséquence progresser dans deux directions, étant observé que la CSP offrirait un moyen cohérent d’y parvenir : d’une part, l’évolution des dispositions institutionnelles de l’Union européenne afin qu’elle puisse acquérir en propre des capacités en rapport avec ses objectifs stratégiques ; d’autre part, dans l’attente d’une réforme institutionnelle souhaitable, la recherche de procédures favorisant le développement de capacités nationales susceptibles d’être engagées sous la « bannière » de l’Union européenne, grâce à un soutien communautaire.

13) Souhaite que le recensement des doubles emplois et des lacunes et l’établissement d’un ordre de priorité des besoins futurs dans le domaine des capacités civiles et militaires européennes puissent être conduits rapidement, sous l’égide de l’Agence européenne de défense (AED).

14) Propose que la dualité civilo-militaire de nombreux projets de recherche soit reconnue au niveau de l’Union européenne et que le PCRD puisse être sollicité plus largement et plus systématiquement pour le financement de la recherche-développement duale.

15) Propose que le financement des activités préparatoires prévu par l’article 41-3 puisse s’appliquer au renforcement des capacités nationales susceptibles d’être mises en œuvre au profit de l’Union européenne, à l’acquisition progressive par l’Union européenne d’équipements patrimoniaux dans des domaines tels que le renseignement militaire ou les transmissions par exemple.

III.– En vue de renforcer l’industrie européenne de la défense :

16) Observe que la base industrielle de technologie et de défense (BITD) européenne souffre de handicaps structurels qui la rendent de plus en plus vulnérable à l’évolution du marché mondial, et suggère en conséquence d’accélérer la consolidation des entreprises, selon une démarche concertée permettant prioritairement de préserver les capacités indispensables à l’indépendance de l’Union européenne.

17) Estime que l’Union européenne doit accompagner la nécessaire restructuration des industries de défense par un soutien approprié aux bassins industriels qui seront impactés.

18) Suggère que les États travaillent à une harmonisation de la demande, sous l’égide de l’AED, et que l’AED et l’OCCAR, dont les missions sont complémentaires et indissociables, soient fusionnées par souci de cohérence, de lisibilité, d’efficacité.

19) Observe que le soutien de l’Union européenne à la Recherche-Développement (R&D) de défense et de sécurité implique une révision des procédures mises en œuvre par l’AED (propriété intellectuelle partagée) car elles constituent une entrave majeure ; estime souhaitable que l’Union européenne consacre une enveloppe de 1 milliard d’euros en fonds communautaires à la R&D de défense et de sécurité.

20) Demande que l’Union européenne apporte un soutien aux exportations de produits et équipements issus de la BITD européenne car elles contribuent à son développement et sa pérennité ; souhaite que le principe de réciprocité soit pris en compte en matière de marchés publics.

21) Demande qu’en matière de marchés publics de défense et de sécurité, l’Union européenne mette en œuvre un mécanisme d’incitation à l’abandon des obstacles à l’exercice de la libre-concurrence, de façon à assurer le principe d’ouverture des marchés publics européens aux pays tiers en cas de réciprocité ; à défaut de cette réciprocité, demande que l’Union européenne réfléchisse à un mécanisme de préférence communautaire, inspiré des pratiques de préférence nationale observées de façon générale sur le marché mondial des équipements de défense et de sécurité.

22) Préconise une initiative de relance du projet de fusion EADS-BAE.

23) Propose qu’une part des crédits affectés par certains États à la sécurité de l’Europe ne soit pas prise en compte dans le calcul des déficits budgétaires des États plafonnés à 3 % , ou que soit créé un mécanisme de dédommagement tenant compte de l’effort particulier de certains États pour le financement d’un bien public européen. »

II. Examen de la proposition de résolution européenne de Mme Danielle Auroi et M. Patrick Bloche relative au respect de l’exception culturelle (no 875)

La présidente Danielle Auroi. La Commission européenne a adopté le 13 mars 2013 un projet de mandat autorisant l’ouverture de négociations concernant un accord global sur le commerce et l’investissement, intitulé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique », qui inclurait, notamment, les services audiovisuels.

Cette extension du mandat de la Commission aux services audiovisuels est contraire au fragile équilibre trouvé lors des négociations commerciales au sein de l’OMC, qui sous l’expression « respect de l’exception culturelle » entérine le fait que la culture n’est pas une marchandise comme les autres. Fragile équilibre, fragile consensus, qui a eu pour effet de ne pas inclure les services audiovisuels dans la libéralisation des échanges lors des négociations commerciales multilatérales.

Si « l’exception culturelle » a aujourd’hui laissé place « au respect de la diversité des expressions culturelles », sa protection se trouve garantie tant par le Traité de Lisbonne que par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005, à laquelle l’Union européenne est partie.

Or c’est bien cette diversité des expressions culturelles que nous entendons faire respecter, sachant que les États-Unis ont refusé de signer et de ratifier cette Convention de l’Unesco !

La Commission des affaires européennes a toujours été particulièrement attentive aux négociations commerciales ainsi qu’aux questions culturelles. Et j’en profite pour saluer l’implication de nos collègues Marietta Karamanli et Rudy Salles sur le financement européen du cinéma ainsi que celle de Seybah Dagoma et de Marie-Louise Fort sur le juste échange.

Le sujet d’aujourd’hui concerne des sujets traités par ces deux rapports.

La question posée à travers la proposition de résolution examinée aujourd’hui revêt une importance stratégique et également un caractère d’urgence pour le gouvernement s’agissant de la sauvegarde de la diversité des expressions culturelles, reconnue tant par la France que l’Union européenne. Aussi Patrick Bloche et moi-même, avons-nous décidé de présenter cette proposition afin que le gouvernement puisse demander une exclusion explicite des services audiovisuels lors du vote au Conseil affaires générales qui aura lieu le 14 juin 2013, vote qui doit entériner le projet de mandat de négociation de la Commission.

Le caractère d’urgence est d’autant plus prégnant que le vote du 14 juin ne sera qu’un vote formel, les négociations auront déjà commencé en amont. Aussi est-il nécessaire que le gouvernement puisse s’appuyer sur ce projet de résolution pour faire respecter la diversité des expressions culturelles.

Dans l’hypothèse où une exclusion de principe des services audiovisuels ne pourrait avoir lieu, il faudrait que le gouvernement fasse valoir le droit de veto qu’il détient, en vertu de l’article 207 paragraphe 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, pour que le respect de la diversité culturelle et linguistique soit préservé.

Les services audiovisuels représentent un secteur crucial pour le commerce américain. Selon les chiffres fournis par l’agence fédérale de promotion des entreprises américaines à travers le monde, Select USA, le secteur de l’industrie du divertissement a généré 95,4 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2010, dont 84 % enregistrés par le secteur audiovisuel et 16 % par la musique.

Selon la Motion Picture Association of America (MPAA), la production et la distribution de films représentaient près de 2,1 millions d’emplois aux États-Unis en 2010, et cette industrie était l’une des seules à enregistrer une balance commerciale positive. En 2001, le marché international représentait environ 50 % des recettes pour les films américains, et cette part de marché s’est élevée à 69 % en 2011 du fait d’une politique commerciale agressive envers les pays émergents, se traduisant par une baisse des droits de douane et des quotas protégeant les marchés nationaux.

En outre, le marché audiovisuel américain s’est largement réorienté vers les nouveaux services offerts par les nouvelles technologies de l’information. Ainsi, selon le cabinet d’analyse Digital Entertainment Group, la distribution de contenu en ligne a augmenté de 28,5 % entre 2011 et 2012 et généré un revenu d’environ 5,13 milliards de dollars.

À cet égard, il importe de rappeler l’attachement au principe de neutralité technologique en vertu duquel la nature du support ne serait modifier le contenu de l’œuvre.

Ces chiffres démontrent, s’il en était besoin, que si des négociations venaient à s’engager sur la libéralisation du secteur audiovisuel, le rapport de force serait déséquilibré et particulièrement favorable aux États-Unis et conduirait, à terme, à un déclin rapide du secteur audiovisuel européen, au détriment de la préservation de la diversité des expressions culturelles.

Il importe de souligner que la mention expresse dans le mandat de négociation de la Commission de la protection de la diversité culturelle ne saurait suffire à protéger efficacement cette même diversité.

C’est pourquoi, enfin, le respect de la diversité des expressions culturelles ne saurait être véritablement garanti que si l’ensemble des services audiovisuels était explicitement exclu de cet accord commercial envisagé entre les États-Unis et l’Union européenne.

Nous allons donc examiner la proposition de résolution à laquelle je souhaiterais apporter deux amendements.

Un premier amendement concerne le titre de la proposition. Afin d’éviter un positionnement trop franco-français, je vous propose de remplacer le titre « respect de l’exception culturelle » par « respect de la diversité des expressions culturelles » expression davantage conforme à la sensibilité européenne et à ce que nous souhaitons défendre.

Un second amendement concerne le point 5 de la résolution. Je vous propose, pour plus de clarté, que nous remplacions le segment de phrase « Demande à ce que le gouvernement s’oppose, en utilisant son droit de veto si nécessaire, » par « Demande, pour le cas où la diversité culturelle ne serait pas préservée de manière adéquate, notamment par l’exclusion explicite des services audiovisuels dans le mandat de négociation, à ce que le gouvernement utilise son droit de veto si nécessaire ».

[En réaction à la proposition de la présidente de modifier le titre de la proposition de résolution] :

M. Christophe Caresche. Très bien !

Mme Seybah Dagoma. J’aurais toutefois une question. Pourquoi la proposition de résolution n’aborde-t-elle pas le sujet de la protection des données ?

La présidente Danielle Auroi. Nous avons fait le choix de limiter la proposition de résolution examinée aujourd’hui au champ spécifique de la culture, et en particulier de la protection audiovisuelle, compte tenu de l’urgence signalée par la ministre de la Culture et de la communication. Nous examinerons prochainement une seconde proposition de résolution, plus globale, qui abordera notamment les sujets relatifs à la protection des données et à la politique agricole commune.

La commission a adopté à l’unanimité la proposition de résolution dans le texte suivant :

– Titre de la proposition de résolution :

« Proposition de résolution européenne relative au respect de la diversité des expressions culturelles ».

– Dispositif de la proposition de résolution :

« L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux,

Vu l’article 3 du Traité sur l’Union européenne,

Vu les articles 167 et 207, paragraphe 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005,

Vu la recommandation du 13 mars 2013 de la Commission européenne au Conseil d’adopter la décision autorisant l’ouverture de négociations concernant un accord global sur le commerce et l’investissement, intitulé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique » [COM (2013) 136 final],

Considérant que la Charte des droits fondamentaux précise que « l’Union européenne respecte la diversité culturelle (...) et linguistique »,

Considérant que le Traité de l’Union européenne promeut et défend la diversité culturelle au sein de l’Union européenne, notamment dans le cadre de la négociation d’accords commerciaux entre l’Union européenne et des pays tiers,

Considérant que le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne exige un vote à l’unanimité au sein du Conseil de l’Union européenne pour la négociation et la conclusion d’accords avec un ou des pays tiers « dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union »,

Considérant que l’Union européenne est, comme la France, partie à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005,

Considérant que les États-Unis ont refusé, à l’inverse, d’être partie à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005,

Considérant que les biens et services culturels ne sauraient être assimilés à des marchandises comme les autres,

1. Regrette que le vote, lors de la réunion du collège des commissaires du 12 mars 2013, portant sur le projet de mandat de négociation de la Commission concernant un accord global sur le commerce et l’investissement, intitulé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique », n’ait pas permis de prendre pleinement en compte la protection et la promotion de la diversité culturelle, notamment en excluant explicitement les services culturels et audiovisuels de ce mandat de négociation,

2. Demande, par conséquent, que les services audiovisuels soient expressément exclus du mandat de négociation de la Commission concernant le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, afin d’assurer la pérennité de l’industrie cinématographique et audiovisuelle européenne, ce notamment dans le monde numérique,

3. Précise son attachement au principe de la neutralité technologique, en vertu duquel la nature du support ne modifie pas le contenu de l’œuvre, et souligne que l’insertion des technologies de l’information et de la communication dans l’accord de libre-échange ne saurait être un moyen de contourner la protection de la diversité culturelle, attachée en particulier aux contenus audiovisuels et cinématographiques,

4. Considère que la mention expresse de la protection de la diversité culturelle dans le texte de la recommandation de décision du Conseil, du 13 mars 2013 autorisant l’ouverture de négociations concernant un accord global sur le commerce et l’investissement, intitulé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, entre l’Union européenne et les États-Unis », ne saurait ni suffire à garantir la protection effective de la diversité culturelle ni à faire obstacle à ce que le Conseil puisse exiger un vote à l’unanimité en son sein afin de garantir le respect de la diversité culturelle,

5. Demande, pour le cas où la diversité culturelle ne serait pas préservée de manière adéquate, notamment par l’exclusion explicite des services audiovisuels dans le mandat de négociation, à ce que le gouvernement utilise son droit de veto si nécessaire, au titre de la protection de la diversité culturelle, en vertu de l’article 207 paragraphe 4 a) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lors de l’examen par le Conseil de l’Union européenne prévu le 14 juin 2013. »

III. Nomination à des groupes de travail

Sur proposition de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a nommé :

– Mmes Seybah Dagoma et Marie-Louise Fort, pour le groupe de travail sur la négociation d’un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l'Union européenne et les États-Unis.

La séance est levée à 18 h 15

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 9 avril 2013 à 17 heures

Présents. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, M. Christophe Caresche, Mme Seybah Dagoma, M. William Dumas, M. Yves Fromion, Mme Chantal Guittet, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Philippe Armand Martin, M. Jacques Myard, M. Joaquim Pueyo, M. Didier Quentin

Excusé. – Mme Marietta Karamanli