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Commission des affaires européennes

mardi 16 juillet 2013

17 heures

Compte rendu n°79

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

I. Audition de M. Philippe Etienne, Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 16 juillet 2013

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 17 h 20

I. Audition de M. Philippe Etienne, Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne

La Présidente Danielle Auroi. Nous sommes particulièrement heureux de recevoir cet après-midi M. Philippe Étienne, ambassadeur et représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, afin de faire un tour d’horizon de l’actualité européenne.

Tout d’abord, quels sont les derniers développements des négociations relatives à l’Union bancaire, sujet suivi au sein de notre Commission par Christophe Caresche, Michel Herbillon et Didier Quentin ? Qu’en est-il notamment de la proposition formulée la semaine dernière par la Commission européenne en matière de résolution bancaire ? Si elle semble poser problème à notre partenaire allemand, elle constitue cependant un élément majeur pour restaurer la confiance et sortir de la crise.

Quant au projet de taxe sur les transactions financières, la presse s’est fait l’écho de reculades de la France. De fait, si onze pays se sont engagés à l’instaurer, le projet semble néanmoins piétiner. Notre commission étant très attachée à ce qu’il suive son cours sans être dénaturé, où en sont les négociations sur ce thème ?

S’agissant de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, thème suivi par Christophe Caresche et Michel Herbillon, nous sommes quelque peu restés sur notre faim après le dernier Conseil européen des 27 et 28 juin, les principaux sujets de discussion ayant été renvoyés à plus tard, notamment celui du budget de la zone euro, et du projet de « contrats de compétitivité », sans parler des perspectives – plus lointaines – de mutualisation progressive et partielle de la dette. Sur quelles bases est-il prévu de progresser dans la prochaine période ?

Quant à la Banque européenne d’investissement, les projets énergétiques qu’elle propose de financer concernent plutôt des énergies non renouvelables, telles que le charbon, ce qui ne nous rassure guère. Disposez-vous d’autres informations en la matière ?

Concernant le cadre financier pluriannuel, sujet suivi par Estelle Grelier, reste-t-il encore des éléments à préciser ? Les textes nécessaires à l’application des politiques dépendant de cet accord budgétaire n’étant pas tous finalisés, qu’en est-il de la politique agricole commune ainsi que des politiques régionales, de la pêche et de la recherche ?

Étant très attachés à la progression des discussions en faveur de la création de nouvelles ressources propres telles que la taxe sur les transactions financières, nous souhaiterions également promouvoir une réflexion sur l’institution d’une contribution climat énergie aux frontières de l’Europe. Cela vous paraît-il envisageable ou plus complexe encore qu’auparavant ?

Dans le domaine des politiques sociales de l’Union européenne, auquel s’intéresse tout particulièrement notre Commission, il importe que le programme d’action en faveur de l’emploi des jeunes – sur lequel Philip Cordery a été désigné rapporteur – produise ses effets le plus rapidement possible. À quel stade en est-on de la mise en application des décisions prises lors du Conseil européen ? Comment les discussions programmées pour les prochains mois sur l’inclusion d’un volet social au sein de l’UEM se présentent-elles ?

Dans leur rapport relatif à la directive sur le détachement des travailleurs, Gilles Savary, Chantal Guittet et Michel Piron soulignent la nécessité que soit assurée une véritable régulation de ce problème extrêmement sensible dans nos régions. De même, le Parlement européen s’est récemment prononcé en faveur de cet objectif. Nos partenaires sont-ils aussi clairs que nous à ce sujet ?

Enfin, les négociations commerciales viennent de débuter entre l’Union européenne et les États-Unis – sujet suivi par Seybah Dagoma et Marie-Louise Fort. Dans ce contexte, notre assemblée a pris fortement position à l’égard du mandat de négociation de la Commission européenne, s’agissant tout particulièrement du thème de la diversité culturelle que j’ai soutenu conjointement avec Patrick Bloche. Comment le Conseil assurera-t-il concrètement le suivi des négociations menées par la Commission ?

M. Philippe Etienne, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne. Je commencerai par évoquer le cadre financier pluriannuel : celui-ci a fait l’objet, au mois de juin, à la fin de la présidence irlandaise de l’Union européenne, d’un accord très important entre le Parlement européen et le Conseil, qui a été confirmé par une résolution à caractère politique adoptée au début du mois de juillet par le Parlement européen à Strasbourg. Cela étant, les textes du paquet central doivent encore être juridiquement finalisés : le règlement portant cadre financier pluriannuel et l’accord institutionnel puis la décision relative aux ressources propres qui, elle, sera soumise à la ratification des parlements nationaux. Et c’est à l’automne que le Parlement européen et le Conseil donneront leur accord définitif sur les deux premiers textes précités.

Parallèlement, de nombreuses négociations sectorielles sont en train d’aboutir, s’agissant notamment de la politique agricole commune et de la politique de cohésion, sur lesquelles un accord a été trouvé à plus de 95 %. La politique agricole commune a ainsi fait l’objet d’un accord en trilogue, à la fin de la présidence irlandaise, avec le Parlement européen et le Conseil. Ces grandes politiques continuent cependant à faire l’objet de questions ouvertes de la part du Parlement européen sur des points déjà préalablement traités par les chefs d’État et de Gouvernement en février dernier dans le cadre du paquet central et sur lesquels le Parlement européen s’est par conséquent senti dépossédé de son pouvoir de codécision. Cela concerne notamment la conditionnalité macro-économique pour la politique de cohésion, mais aussi des questions de plafonnement et de dégressivité des aides de la politique agricole commune. Quant à la pêche, les ministres européens chargés de ce secteur ont trouvé hier un accord qui doit encore être finalisé avec le Parlement européen sur le Fonds européen pour la pêche et les politiques maritimes.

Dans le cadre de l’accord conclu à la fin du mois de juin, le Parlement européen a obtenu des avancées très importantes en termes de flexibilité qui permettront de dépenser le budget alloué en février dernier concernant les plafonds de crédits de paiement – les fameux 908,4 milliards d’euros. Le Parlement européen a également insisté sur la notion de ressources propres – les États n’ayant pas trouvé d’accord unanime en vue d’en créer de nouvelles. Un programme de travail – c’est-à-dire davantage qu’une simple clause de revoyure à la fin de la période des sept ans à venir – a donc été défini par les institutions afin de dégager de telles ressources qui font de toute évidence défaut, ainsi que nous l’avons constaté en période de difficultés budgétaires nationales, lorsqu’il faut voter les budgets européens.

Si la taxe sur les transactions financières fait précisément partie des recettes susceptibles de constituer de nouvelles ressources propres de l’Union européenne, la question posée par Mme la présidente à ce sujet portait plutôt sur l’état d’avancement de la négociation relative à l’application de la taxe dans le cadre d’une coopération renforcée. Depuis janvier dernier, les institutions européennes ont autorisé onze pays, dont la France, à négocier cette première coopération renforcée en matière fiscale. Si certains commentaires publiés dans la presse ont fait état de la possibilité que le dispositif finalement adopté soit moins ambitieux que prévu, nous souhaitons toujours instaurer une taxe qui aille au-delà d’un simple droit de timbre sur les actions. Depuis le début des négociations sur cette coopération renforcée, la France demande que l’on inclue dans le dispositif une partie au moins des produits dérivés ainsi que les transactions de change – préconisation ne figurant pas dans les propositions de la Commission européenne mais rejoignant l’idée initiale de la taxe Tobin.

Nous visons en même temps, il est vrai, à définir avec précision cette future taxe afin d’en minimiser les effets négatifs sur l’économie et son financement – principal point motivant les travaux des experts fiscaux. Ces derniers négocient actuellement à vingt-huit puisque même les pays qui ne prendront pas part à la coopération renforcée assistent à ces travaux dans un souci de transparence. Cela étant, ce sont évidemment les onze États parties prenantes qui prendront in fine la décision.

Dans le cadre des travaux du groupe, nous essayons d’analyser avec précision les effets de cette taxe et discutons notamment de la méthode à retenir pour taxer les produits dérivés en fonction de la spécificité de chaque type de produit concerné et ainsi éviter que le marché des produits dérivés ne quitte les pays instituant la taxe. Je rappelle que le Royaume-Uni et le Luxembourg, qui ne participent pas au groupe, comptent deux des principales places financières de l’Union européenne, Londres et Luxembourg. Autre exemple de sujet dont nous discutons : selon quel principe de territorialité définit-on la base taxable ? La Commission européenne propose pour sa part de combiner deux principes : le principe de résidence et le principe d’émission. Ce choix peut lui aussi emporter des effets économiques importants.

Les négociations avancent donc : elles ont commencé en début d’année sur la base d’une nouvelle proposition de la Commission européenne, formulée spécifiquement pour cette coopération renforcée, et dont le Parlement européen a achevé l’examen au début de ce mois.

Dans le cadre du grand chantier de rénovation de l’Union économique et monétaire, qui vise à tenir compte de la crise passée et à éviter qu’elle ne se reproduise à l’avenir, c’est le pilier de l’union bancaire qui progresse le plus vite. Un travail considérable a en effet été accompli à ce sujet depuis le Conseil européen de juin 2012, au cours duquel a été formulée la proposition de mécanisme de supervision unique (MSU) des banques des pays de la zone euro et de celles des pays non membres de la zone euro souhaitant s’associer à ce mécanisme. Cette proposition a été adoptée par le Conseil des ministres des finances dès la fin de l’année dernière puis fait l’objet d’un accord avec le Parlement européen au cours de ces derniers mois. Et c’est pour des raisons de procédure parlementaire allemande que le vote final au Parlement européen n’interviendra qu’en septembre prochain. Le mécanisme de supervision entrera alors effectivement en vigueur sans doute en septembre 2014. Au cours de la période transitoire séparant ces deux dates, la Banque centrale européenne se préparera à exercer cette fonction, avec la Banque de France et les autres superviseurs nationaux des banques. Cette mission sera bien séparée de sa fonction monétaire.

Parallèlement, la directive et le règlement fixant des exigences en matière de capitaux pour les banques, en application des accords de Bâle III, entreront en vigueur au début de l’année 2014.

Enfin, nous travaillons à présent sur deux textes relatifs au traitement des crises bancaires : ils concernent notamment le redressement et la résolution des banques, lorsque la supervision nous contraint à agir, de manière ordonnée afin d’éviter des problèmes du type de ceux que nous avons connus récemment.

Il s’agit tout d’abord d’une directive d’harmonisation des mécanismes de résolution des crises bancaires – applicable à toute l’Union européenne et non seulement dans la zone euro : ce texte a fait l’objet d’un accord des ministres de l’économie et des finances au mois de juin, juste avant le Conseil européen, et va donc être à présent examiné en trilogue avec le Parlement européen. Nous espérons qu’il sera définitivement adopté avant la fin de l’année, tout comme la directive sur la garantie des dépôts.

En deuxième lieu, la Commission vient de proposer un mécanisme de résolution unique pour la zone euro et les autres pays participant au MSU. Ce mécanisme s’appuierait non pas sur la Banque centrale européenne mais sur un conseil de résolution central unique, constitué des autorités de résolution existant dans les États-membres et sur des décisions qui devraient être prises par la Commission européenne. Ce conseil de résolution pourrait siéger en deux formations : l’une aurait une compétence réglementaire générale ; l’autre pourrait intervenir dans l’urgence dans des cas spécifiques, en lien direct avec les pays directement concernés. Tirant notamment les leçons de la crise chypriote, il s’agit de faire en sorte que toutes les mesures soient prises de manière ordonnée.

Ces deux textes sont liés : la directive relative à la résolution bancaire fixe en effet une méthodologie de bail in, c’est-à-dire l’ordre dans lequel on appellera les créanciers voire les gros déposants – ces derniers étant cependant protégés, sans parler des dépôts de moins de 100 000 euros qui seront totalement sanctuarisés en cas de problème bancaire. Cette méthodologie sera également utilisée dans le cadre du mécanisme de résolution unique. La directive fait déjà l’objet d’un accord entre les ministres de l’économie et des finances des 28 États membres. 

La dernière proposition de la Commission a toutefois suscité, tout comme en son temps le mécanisme de supervision unique, des réactions assez prudentes de la part d’autorités allemandes qui s’interrogent sur la compatibilité de ce texte avec le traité actuel ainsi que sur la pertinence de la base juridique retenue – à savoir l’article 114 du Traité de l’Union européenne qui porte sur le marché intérieur. Si les discussions risquent d’être délicates sur ce sujet, un consensus se dégage bel et bien pour finaliser l’architecture de l’Union bancaire avant les élections européennes – comme l’illustre la contribution franco-allemande du 30 mai dernier ayant largement servi de base au Conseil européen de juin et annoncée en janvier lors de l’anniversaire du Traité de l’Élysée. Cette finalisation est très importante, compte tenu des crises traversées, pour couper le lien pernicieux entre la crise des dettes souveraines et les crises bancaires.

S’agissant des autres piliers de l’Union économique et monétaire, le Conseil européen de juin n’a effectivement pas pris de décision concernant la coordination des politiques économiques, l’échéance ayant été repoussée à décembre, avec un point de passage lors du Conseil européen d’octobre, afin d’évoquer notamment le choix des indicateurs devant figurer sur le tableau de bord de pilotage pour la coordination, la convergence et la compétitivité de nos politiques économiques.

Je signale néanmoins un progrès sur le volet social puisqu’en décembre dernier, la France a obtenu qu’il soit intégré au chantier de l’Union économique et monétaire. Ce point est d’ailleurs développé parmi les conclusions du Conseil européen de juin dernier : c’est la première fois que nous nous accordons sur le principe d’indicateurs dans le domaine des politiques sociales et de l’emploi qui seront intégrés dans le semestre européen – l’accent étant mis aussi sur le dialogue social. À cet égard, peut-être aurez-vous constaté que lors du Conseil européen de juin – fait tout à fait inhabituel –, les partenaires sociaux ont été reçus par les chefs d’État et de Gouvernement. Ils ont bien évidemment beaucoup parlé de l’emploi des jeunes et du financement de l’économie. Une communication de la Commission européenne est en outre attendue à l’automne sur le volet social, dans le cadre des travaux sur l’avenir de l’Union économique et monétaire. Cela ne veut pas dire qu’il sera facile de développer ces aspects sur le plan opérationnel mais il reste que l’on a bel et bien progressé.

La directive sur le détachement des travailleurs constitue effectivement un texte extrêmement important et sensible. Sur le plan de la procédure, nous en sommes au stade où la commission compétente en matière d’emploi au sein du Parlement européen a adopté sur ce texte sa position de négociation. En revanche, le Conseil est divisé sur les deux articles les plus sensibles du texte que sont l’article 9 relatif aux mesures de contrôle et l’article 12 relatif à la responsabilité solidaire des contractants. Un groupe d’Etats se montre ainsi assez réticent à renforcer la discipline en ce domaine, tandis que la France fait à l’inverse partie d’un groupe volontariste assez nombreux. Ce texte constitue de fait une très grande priorité pour notre pays. Si l’on peut espérer que son adoption aboutisse à l’automne, le processus n’en sera pas moins difficile.

Parallèlement aboutira la discussion sur le Fonds européen d’aide aux plus démunis, qui a été intégré dans le paquet central du cadre financier pluriannuel, de même que le Fonds social européen, qui constituera le principal instrument de financement des politiques de l’emploi, notamment l’emploi des jeunes. Il s’agit là d’un des points principaux sur lesquels a porté le Conseil européen de juin, et notamment la mise en œuvre, non plus sur sept ans mais dès janvier prochain et sur deux ans seulement, de l’Initiative emploi des jeunes de six milliards d’euros que les chefs d’État et de Gouvernement avaient prise en février dernier.

Quant au projet d’accord entre l’Union européenne et les États-Unis, un mandat excluant les services audiovisuels a été obtenu (conformément à votre demande) au sein du Conseil. Il a donné lieu à une première séance de négociations initiales à Washington la semaine dernière qui a confirmé semble-t-il que l’un des points à la fois les plus importants et les plus complexes de ces discussions portera sur l’agriculture et l’agroalimentaire. L’exercice a débuté dans le contexte que vous connaissez puisque d’autres discussions se sont tenues en parallèle sur la protection des données.

Enfin, concernant le climat et l’énergie, le 22 mai dernier, les chefs d’État et de Gouvernement ont décidé – en vue de la 21e Conférence sur le climat que la France se propose d’accueillir à la fin de l’année 2015 et dont l’objectif est d’aboutir à un accord mondial – de se retrouver en mars 2014 afin notamment de réfléchir aux objectifs climatiques et énergétiques de l’Union européenne pour 2030.

La Présidente Danielle Auroi. Claude Bartolone a reçu hier Ban Ki-moon à l’Assemblée nationale : ce dernier fait du développement durable en général et du climat en particulier la première de ses cinq priorités. Il a également insisté pour que la Conférence de 2015 – dont il espère lui aussi qu’elle se déroulera à Paris – donne lieu à des conclusions contraignantes pour tous les pays.

M. Jean-Luc Bleunven. Dans le domaine des énergies renouvelables, le développement des énergies marines dans l’Ouest de la France se heurte à des obstacles importants, dus notamment à l’obligation de respecter les règles européennes applicables au niveau d’aides publiques accordées aux différents projets. Or, l’ensemble de l’opération étant désormais en place, les acteurs locaux sont véritablement dans l’attente de réponses. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

M. Philip Cordery. Les discussions en cours sur la taxe sur les transactions financières suscitent l’inquiétude. Pierre-Alain Muet a d’ailleurs posé une question au ministre de l’économie et des finances à ce sujet lors des questions d’actualité. C’est en fait la question des transactions qui seront taxées, et plus précisément des produits dérivés qui seront visés, qui constitue le nœud du problème : la plupart de ces produits sont en effet traités sur des marchés de gré à gré ne donnant pas lieu à émission. Par conséquent, si seul le concept d’émission est retenu, et pas le principe d’origine, une grande partie des transactions portant sur les produits dérivés ne sera pas prise en compte. Je voudrais donc m’assurer que la position de la France consiste à faire en sorte que tous les produits dérivés soient pris en compte dans le cadre de cette taxation.

Il est en outre nécessaire de taxer chaque transaction afin que cette taxe exerce un effet régulateur, sans quoi, si elle ne devait s’appliquer qu’une fois par jour, les transactions à haute fréquence pourraient y échapper.

Ces deux points sont capitaux si l’on souhaite instaurer une taxe ambitieuse, comme l’a réaffirmé le ministre de l’économie et des finances cet après-midi.

M. Bernard Deflesselles. Que pensez-vous tout d’abord de la préparation du G20 du début du mois de septembre à Saint-Pétersbourg par les Russes ?

D’autre part, j’ai eu l’honneur, avec un autre député socialiste, de représenter l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne lors d’une réunion plénière à Bruxelles en mars dernier. La position de l’Union européenne a-t-elle évolué vis-à-vis de l’Union pour la Méditerranée ?

Enfin, le système de constellation satellitaire Galileo constitue un projet scientifique d’une importance majeure pour l’Union européenne, dont on parle malheureusement peu. Il nous permettra de disposer d’un GPS plus performant que celui des Américains. Or, nous sommes soumis en ce domaine à une concurrence indienne, chinoise et russe, et rencontrons en outre des problèmes technologiques et financiers. Comment la Commission – véritable bras armé de ce projet – compte-t-elle le faire aboutir ?

Mme Estelle Grelier. Monsieur l’Ambassadeur, comment sentez-vous le climat ? Le rejet de l’Europe ? Le fait que les décisions prises ne soient pas toujours à la hauteur des espoirs ? Dans le secteur maritime, par exemple, l’Union européenne exprime sa volonté de libéraliser le service public du pilotage maritime ; et elle vient de décider un encadrement du tarif de rachat de l’électricité, alors qu’un parc d’éoliennes offshore va être déployé. Sur ces deux sujets anxiogènes, avez-vous des éléments à nous communiquer ?

En outre, le sentiment s’exprime que nous sommes passés à côté de la vraie bonne négociation sur le cadre financier pluriannuel. En effet, les chiffres ne sont pas à la hauteur de l’accroissement des compétences, prévu par le Traité de Lisbonne, et de l’augmentation du nombre de pays intégrés, au dernier rang desquels figure la Croatie. Ce sujet nous préoccupe, malgré la résolution du Parlement européen, au demeurant assez légère dans ses intentions.

Le Conseil envisage-t-il l’affectation du produit de la taxation sur les flux financiers ? Et si oui, comment ? En effet, si l’affectation du produit est dédiée au budget communautaire, nous aurons peut-être des raisons d’espérer sur le cadre financier pluriannuel, éventuellement au regard de sa révision à mi-parcours ?

De quels éléments disposez-vous sur le budget 2014 ?

Enfin, malgré l’affaire Snowden, les négociations sur le traité transatlantique ont commencé. Je trouve l’attitude de la France un peu légère à l’endroit de notre partenaire américain. Êtes-vous moins angélique qu’un certain nombre d’observateurs en la matière ?

M. Didier Quentin. Sur la profession de pilotes maritimes, le commissaire européen en charge des transports, M. Kallas, est complètement à côté de la plaque ! Je crois qu’il y a unanimité pour le dire.

S’agissant du Fonds européen d’aide aux plus démunis, pourriez-vous nous préciser les orientations et le calendrier ?

Enfin, Fitch Ratings a abaissé lundi de AAA à AA + sa note accordée au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Quelles seront, selon vous, les conséquences de cette dégradation ?

M. Gilles Savary. Deux Europe sont dorénavant à l’œuvre : l’Europe communautaire, quelque peu vacillante avec une Commission qui cherche à s’affirmer, et l’Europe intergouvernementale, qui s’est beaucoup développée sous l’effet de la crise. Les perspectives sont plutôt à l’intergouvernemental, malgré l’embarras dû à la « triple couronne » intégrée par le Traité de Lisbonne – les choses ne fonctionnent pas toujours très bien entre M. Van Rompuy, M. Barroso et Mme Ashton. On entend dire qu’il faudrait probablement renforcer la gouvernance de l’Eurogroupe et qu’il serait intéressant de prévoir un budget pour ce dernier. Il faudrait alors que les parlements nationaux contrôlent l’Eurogroupe. Le Parlement européen considère ce sujet comme une agression. Cette très grande confusion sera inexplicable sur le terrain lors des prochaines élections, même si ce n’est pas sur ce sujet qu’elles se gagneront… Comment vivez-vous ce « grand écart » ?

Par ailleurs, où en sommes-nous dans le domaine du ciel unique européen ? Et quelle est la position des États membres sur la nouvelle proposition de la Commission ?

M. Pierre Lequiller. Monsieur l’Ambassadeur, comment fonctionnera le mécanisme de supervision unique en 2014 ?

Pour ma part, je suis très inquiet pour les élections européennes. Quand je vois les erreurs qui sont faites, la façon dont la Commission traite les pays, je me dis qu’il y a un vrai problème de communication et que les gens supposés avoir une expérience européenne procèdent à un torpillage pour que les élections européennes soient ratées.

Enfin, le Portugal a connu une grave crise avec la démission de deux ministres. Que pouvez-vous nous dire sur la situation de ce pays, de l’Espagne et de l’Italie ?

M. William Dumas. La fraude fiscale à l’échelle des 27 pays de l’Union européenne représente 1 000 milliards. L’Autriche et le Luxembourg considèrent que l’accord sur l’échange d’informations fiscales devrait s’inscrire dans un contexte international au motif que l’UE ne doit pas être la seule à adopter des contraintes qui risqueraient de favoriser d’autres pays. Quel rôle la France peut-elle jouer sur ce sujet important ?

À la suite des problèmes soulevés en Europe par les écoutes effectuées par les États-Unis, je souhaite vous interroger sur les services de renseignement travaillant pour l’Union européenne. Les États membres fournissent les renseignements finis. En 2010, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, fonction instituée par le Traité de Lisbonne, souhaitait fusionner en un seul organisme plusieurs services : le centre de gestion de crise du Conseil européen, le centre de crise de la Commission, ainsi que le dispositif de veille au sein du secrétariat général du conseil de l’UE. Ce service a-t-il été créé ? Et quelles relations existent aujourd’hui entre les services de renseignement français et ceux de l’Union ?

M. l’Ambassadeur Philippe Étienne. S’agissant de la négociation climatique, un sommet des Nations unies est prévu à l’automne 2014entre le conseil européen de mars 2014 et la vingt et unième Conférence des parties (COP 21) qui aura lieu fin 2015. Nous nous réjouissons de ce rôle très précieux des Nations unies en matière de négociations climatiques.

Les énergies marines figurent parmi les énergies renouvelables les plus prometteuses. Il est vrai qu’il existe au sein de l’Union européenne un encadrement des aides publiques aux énergies renouvelables. Je ne connais pas le dossier que vous avez mentionné. Comme l’a montré le conseil européen du 22 mai, il y a une réflexion sur le fait que les systèmes d’aides, notamment par les tarifs de rachat d’électricité aux énergies renouvelables, sont extrêmement variés d’un pays à l’autre. Ce problème d’égalité doit être réglé de manière dynamique pour soutenir et accompagner le développement de ces énergies renouvelables. Je vous propose donc, Monsieur le député, de rester en contact avec vous pour voir comment ce problème peut être réglé concrètement.

S’agissant de la taxe sur les transactions financières, nous restons ambitieux sur le projet. Le problème est de définir la base taxable en matière de produits dérivés, afin d’éviter une fuite des transactions qui serait contre-productive. Le travail réalisé par les experts vise donc à définir la base de la taxe, même si l’on sait que l’assiette ne sera jamais totalement stable. Cela est très important au regard de la place du gré à gré et des spécificités des produits dérivés.

N’étant pas compétent pour la préparation du G20 de Saint-Pétersbourg en tant que tel, je répondrai sur la position de l’Union européenne au G20. Un certain nombre de pays membres, d’une part, et les institutions représentées par M. Barroso et M. Van Rompuy, d’autre part y participent. La préoccupation de l’UE est d’arriver au G20 avec une position aussi unie que possible. En vue de ce sommet, des réunions des adjoints des ministères des finances et des ministres des finances ont lieu sur des sujets financiers préparés par l’UE : d’une part, la stabilité économique en vue de favoriser la sortie de crise et surtout la croissance, celle-ci étant un enjeu majeur au sein de l’Union européenne mais aussi dans le monde y compris au regard de certaines évolutions moins positives dans certains pays émergents, et, d’autre part, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, sujet sur lequel le G8 a déjà mis l’accent.

S’agissant de l’Union pour la Méditerranée, nous préparons une réunion qui aura lieu en France en septembre consacrée au renforcement du rôle des femmes. L’UPM est également acceptée grâce au renforcement et à la crédibilité du secrétariat de Barcelone, dont le chef est une personnalité respectée, dans l’optique de ce qu’on appelle « la Méditerranée des projets ». Nous nous efforçons donc de reprendre le rythme des réunions ministérielles thématiques dans un contexte multilatéral, mais aussi d’avoir des projets s’inscrivant dans le contexte de l’UPM. Par ailleurs, la politique de voisinage de l’Union européenne au Sud est aussi influencée par les événements qui se déroulent actuellement en particulier en Syrie et dans d’autres pays. Enfin, l’UE développe sa coopération bilatérale avec ces partenaires, par exemple en Libye où les enjeux sécuritaires sont importants.

Dans le cadre financier pluriannuel, un débat a porté sur Galileo, GMES (Global monitoring for environnement and security) – appelé maintenant Corpernicus, l’autre grand projet spatial de l’Union européenne – et ITER (International thermonuclear experimental reactor), le projet de fusion nucléaire. Alors que la Commission avait proposé de ne pas les inclure dans le cadre budgétaire, le Conseil et le Parlement européen ont voulu intégrer ces grands projets dans l’ensemble du budget européen, mais en les singularisant par rapport aux actions de recherche. S’agissant de Galileo, les premiers satellites ont été lancés et les premières démonstrations de géolocalisation sont actuellement opérées par les satellites déjà en orbite. Si ce projet a un énorme impact stratégique en termes d’indépendance économique, il est aussi un très beau projet en termes de visibilité politique et d’identité européenne. En tout cas, il constitue une grande priorité pour nous au regard des enjeux de concurrence avec les grands pays du monde.

L’ »  ambiance » est en effet une question importante à quelques mois des élections européennes. Une grande inquiétude s’exprime aussi à Bruxelles sur le risque de rejet, à partir de différents signaux. Ceux envoyés de Bruxelles - vous avez parlé de la libéralisation dans le domaine des transports (ports, ciel européen, on pourrait ajouter le quatrième paquet ferroviaire) -, vu de la France, ne sont guère perçus comme positifs. Certes, les réactions à ces projets ne sont pas identiques dans l’ensemble des pays de l’Union. S’agissant du TTIP (Transatlantic trade and investment partnership), il est très important d’avoir mené le combat au niveau du mandat pour obtenir l’exclusion des services audiovisuels. Cette question revêt en effet une dimension culturelle, économique, mais aussi a valeur de signal politique. À Bruxelles, et c’est bien l’une des difficultés, tous les États membres n’ont pas la même sensibilité ; la négociation sur les services audiovisuels vient encore de le démontrer.

Pour l’instant, la taxe sur les transactions financières n’est pas négociée en tant que future ressource pour l’Union, faute de consensus. Plusieurs pays faisant partie de la coopération renforcée, à commencer par l’Allemagne, ne voulaient pas de nouvelles ressources propres. Plusieurs d’entre vous ont abordé l’idée d’un budget de la zone euro ou d’un fonds spécifique pour la zone euro. Elle a été intégrée le 30 mai dans « la contribution franco-allemande pour la compétitivité et l’emploi en Europe ». Ces mécanismes de solidarité feront partie des sujets qui devront être discutés au mois de décembre. D’autre part, l’accord entre le Parlement et le Conseil sur le cadre financier pluriannuel à 28 prévoit la clause de révision fin 2016 et un plan de travail sur les ressources propres avec une convergence possible. L’absence de nouvelles ressources propres constitue l’une des explications du niveau de ce cadre financier pluriannuel, mais deux axes de travail se dégagent donc pour l’avenir : la révision du cadre financier en 2016, y compris sur le plan des ressources, et le travail sur la zone euro et d’éventuelles ressources spécifiques.

L’entrée de la Croatie dans l’UE a justifié un budget rectificatif – le Traité d’adhésion comporte un chapitre financier. En outre, le Parlement européen a demandé pour le budget 2013 d’ajouter, en plus des 7,3 milliards d’euros, 3,9 milliards afin de saturer les plafonds.

Le budget 2014 est en cours de vote – il fait l’objet d’une première lecture au Conseil et au Parlement. Il constituera le premier budget du nouveau cadre financier pluriannuel. Il sera plus facile en cas d’accord sur le cadre financier pluriannuel, comme il semble devoir y en avoir un.

Sur les pilotes maritimes, il y a en effet une incompréhension. Sur le ciel unique, je vous donnerai les positions des différents groupes des États membres une fois que le sujet sera dans la mécanique du Conseil.

Grâce au Parlement européen qui l’a inclus dans le paquet central du cadre financier pluriannuel, et grâce à la France qui a obtenu une augmentation de son enveloppe de 2 à 2,5 milliards lors du conseil européen de février, le programme du Fonds européen d’aide pour les plus démunis – qui devrait bénéficier en outre d’une contribution volontaire de un milliard – a désormais les meilleures chances d’aboutir en dépit de l’existence jusque-là d’une minorité de blocage au sein du Conseil. Inclure le programme dans le paquet central du cadre financier pluriannuel était la seule façon d’obtenir du Conseil le vote de la base juridique, vote qu’on peut espérer à l’automne.

S’agissant de l’effet sur le FESF ou le MES de la dégradation de la note de Fitch Ratings, je n’ai pas le sentiment que les épisodes précédents de même nature aient provoqué des effets de renchérissement significatifs.

Si le chantier de l’avenir de l’Union économique et monétaire n’a pas encore complètement débouché aujourd’hui, c’est aussi parce que la dimension fondamentale de la légitimité et du contrôle démocratique n’a pas encore été réellement traitée. Faute de la légitimité apportée par les parlements nationaux, il sera impossible d’ancrer dans nos États des politiques économiques beaucoup plus cohérentes et convergentes. C’est le sens de vos travaux sur la création d’une conférence budgétaire associant le Parlement européen et les parlements nationaux.

S’agissant du Mécanisme de supervision unique, la Banque centrale européenne procèdera à une analyse de la qualité des actifs, d’une part, et l’Autorité bancaire européenne, basée à Londres, réalisera une nouvelle série de stress tests, d’autre part. Parallèlement, la BCE met en place son dispositif administratif avec les autorités de supervision nationales. C’est un très gros travail, mais tout devrait être en place pour septembre 2014.

Il m’est difficile de faire le point sur la situation au Portugal, en Espagne et en Italie, qui connaissent actuellement des développements de politique intérieure et pas seulement des évolutions financières. Quoi qu’il en soit, les réformes financières sont menées dans ces pays. Reste que l’acceptabilité par la population pose problème, comme on l’a vu au Portugal.

S’agissant de la fraude fiscale, le Conseil européen a établi un programme de travail dans les conclusions du 22 mai ; les négociations sur la fiscalité de l’épargne ont démarré avec la Suisse, et il a été indiqué que la directive épargne modifiée serait adoptée avant la fin de l’année à la lumière de ces négociations. Par ailleurs, la Commission a tenu son engagements en mettant sur la table en juin une proposition très importante qui modifie la directive sur l’assistance mutuelle et qui étend l’échange automatique d’informations sans condition à tout ce qui n’était pas prévu soit par cette directive, soit par la directive épargne, et qui se trouve dans le projet FATCA (projet initié par les cinq ministres des finances, dont le ministre français). L’OCDE mène quant à elle des travaux importants sur la lutte contre l’érosion des bases fiscales, on le voit : les choses avancent. En la matière, le G8 et le G20 doivent aussi jouer leur rôle.

Je ne sais pas si l’on peut parler de service de renseignement de l’Union européenne. Le SITCEN, le centre de situation recevant des collaborations des États membres, est devenu INTCEN : cet organisme dépend de la Haute représentante, Mme Ashton, et concentre l’information disponible pour les institutions européennes et qui peut être alimentée par les États membres.

Quant aux centres de crise, ils ont fait l’objet d’autres arrangements. En effet, l’un des points positifs depuis le développement du Service européen pour l’action extérieure est la rationalisation des arrangements qui permettent dorénavant de réunir toutes les compétences au niveau de l’Union européenne quand celle-ci doit réagir en cas de crise dans le monde.

Pour reprendre le terme d’Estelle Grelier, il ne faut pas être « angélique » quand l’UE négocie avec ses partenaires. Une négociation est menée sur la protection des données entre l’Union européenne et les États-Unis. Le plus important aujourd’hui pour l’UE est sans doute d’accélérer et de finaliser sa propre négociation interne sur sa nouvelle réglementation relative à la protection des données, la directive de 1996 étant en passe d’être remplacée par un nouveau règlement. L’Union européenne aura ainsi une base solide, y compris pour négocier l’accord avec les Etats-Unis sur la protection des données.

Je n’ai pu répondre précisément à l’ensemble des questions. Je reviendrai notamment vers certains d’entre vous s’agissant des énergies marines et éoliennes en mer, et du ciel unique.

La Présidente Danielle Auroi. Merci infiniment, Monsieur l’Ambassadeur.

La séance est levée à 18 h 25

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 16 juillet 2013 à 17 heures

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, M. Christophe Caresche, M. Philip Cordery, M. Yves Daniel, M. Bernard Deflesselles, M. William Dumas, Mme Estelle Grelier, M. Christophe Léonard, M. Pierre Lequiller, M. Didier Quentin, M. Arnaud Richard, M. Gilles Savary

Excusés. - Mme Annick Girardin, M. Jean-Claude Mignon