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Commission des affaires européennes

mercredi 23 octobre 2013

16 h 45

Compte rendu n° 90

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

I. Audition de M. Henri Malosse, Président du Comité économique et social européen, sur « L’avenir de l’Europe »

II. Communication de M. Christophe Caresche et de Mme Chantal Guittet sur la réunion, à Vilnius les 16 et 17 octobre 2013, de la Conférence interparlementaire prévue à l’article 13 du traité de stabilité de coordination et de gouvernance

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 23 octobre 2013

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à

I. Audition de M. Henri Malosse, Président du Comité économique et social européen, sur « L’avenir de l’Europe »

La Présidente Danielle Auroi. Le Comité économique et social européen constitue un élément du système institutionnel européen, porteur de sens et permettant une l’expression des groupes économiques et sociaux. Relayant l’avis du monde économique et social, il permet la transmission de précieuses informations, à l’heure où l’opinion publique doute de la logique européenne.

Il s’agit en effet de renouer le fil trop distendu entre l’Union européenne et les citoyens européens. Le Comité économique et social européen que vous présidez plaide ainsi pour que l’Union européenne retrouve la confiance des citoyens, en affirmant qu’elle n’est pas le problème, mais la solution.

Nous entendrons volontiers votre point de vue sur vos liens avec les institutions européennes - que vous avez renforcés -, sur la dimension et sociale de la construction européenne et de l’Union économique et monétaire, ou encore sur la manière de réformer et renforcer la politique de l’immigration.

M. Henri Malosse, président du Comité économique et social européen. Le paradoxe le plus marquant est le suivant : l’Europe n’a jamais été aussi présente dans l’actualité et dans la vie quotidienne des gens, et en même temps elle n’a jamais été aussi lointaine pour nos concitoyens Européens et Français. Selon le dernier sondage Eurostat, 57 % des Français ne font pas confiance aux institutions européennes ; en 2008, ils étaient 47 % à partager cette opinion. Plus de 60 % d’entre eux ne se sentent pas européens : il s’agit d’un « désamour » vis-à-vis de l’Europe, mais aussi vis-à-vis des institutions de l’Union européenne.

L’Europe donne en effet actuellement un sentiment d’impuissance ; elle est perçue comme le cheval de Troie de la mondialisation, souffrant d’une surrèglementation et d’une grande complexité qui la rendent illisible : l’Europe marche aujourd’hui sur la tête, et il faut la remettre sur ses deux pieds !

Un autre paradoxe existe : jamais le besoin ne s’était autant fait sentir de disposer d’un organe institutionnel représentant le monde économique et social ; pourtant, malgré tous ses efforts, le Comité économique et social européen demeure insuffisamment écouté et respecté. L’environnement européen est devenu tellement complexe, les lobbies sont si puissants que ceux qui représentent légitimement des millions de personnes - comme cela est notre cas - se sentent marginalisés dans la construction européenne.

Visant à ce que l’Union européenne s’occupe…des Européens, nos priorités s’inscrivent sur trois fronts.

Tout d’abord, des réformes internes doivent nous permettre d’être plus efficaces. Il nous faut nous concentrer sur des sujets importants en liaison avec le Parlement européen co-décisionnaire, plutôt que de travailler en parallèle à son activité législative.

Il nous faut aussi mieux cibler notre rôle d’initiative et bien choisir les sujets que nous porterons. À cet égard, nous avons été la première institution à porter le sujet de « l’obsolescence programmée ».

Nous agissons également en aval - et pas seulement en amont -, en réalisant des études d’impact. Nous disposons à cette fin d’un observatoire du marché intérieur, d’un observatoire du marché du travail, et d’un observatoire du développement durable. Nous avons ainsi lancé trois études d’impact, portant respectivement sur les travailleurs détachés, les emplois jeunes, et les énergies renouvelables.

Depuis quelques mois, nous repositionnons le Comité économique et social européen auprès des autres institutions européennes : le principe d’une rencontre avec le président du Conseil européen avant chaque sommet européen a été instauré.

Nous négocions actuellement un protocole de coopération avec le Parlement européen : celui-ci prévoit une sorte de coalition entre notre Comité économique et social européen, le Comité des régions, et le Parlement européen.

Nous avons acquis le droit de faire chaque année des propositions à la Commission européenne, portant sur son programme de travail. Sur ce point, nous sommes un peu déçus, dans la mesure où nos propositions pour cette année n’ont pas été retenues.

Nous souhaiterions ensuite davantage communiquer afin d’être plus visible. C’est ainsi que nous avons ouvert nos portes aux initiatives citoyennes qui permettent, en application du Traité de Lisbonne, à un million de citoyens européens d’au moins sept Etats membres de faire une proposition législative sur un sujet de compétence européenne. Nous avons reçu des signataires de l’initiative sur l’eau, en séance plénière en septembre. Nous avons aussi constitué un bureau d’assistance à ces initiatives citoyennes qui sont une procédure complexe.

Nous essayons de faire en sorte de donner une autre image de l’Europe, de montrer que tout en étant à Bruxelles, nous sommes là pour écouter et non pas pour seulement donner des leçons. Je me suis rendu en Grèce dernièrement et nous y avons organisé une audition sur l’emploi des jeunes, en vue de la prochaine présidence grecque. J’ai eu l’occasion de rencontrer des jeunes, des chefs d’entreprise , des bloggeurs et d’autres personnes qui ne se sont jamais impliqués dans la politique européenne.

Nous souhaitons mieux tenir le rôle qui est le nôtre, c'est-à-dire d’ influence sur les politiques européennes. A l’approche des élections, nos efforts devront porter sur trois sujets prioritaires. D’abord concernant l’emploi des jeunes et l’éducation, nous ferons des propositions en matière de formation professionnelle et d’apprentissage. S’agissant de l’investissement, nous avons, ainsi que je l’ai déjà souligné, travaillé sur l’obsolescence programmée ; nous traiterons aussi des questions de politique commerciale et des échanges ainsi que de politique industrielle. Nous nous intéresserons enfin au cadre de vie avec la problématique de la désertification des zones rurales ainsi qu’à la question du revenu minimum européen.

Ce sont des idées concrètes qui rendent le débat européen vivant et qui font que les citoyens européens reprendront confiance dans l’Europe. C’est vrai que la construction européenne s’est éloignée des attentes de la société. Alors que l’Europe s’est bâtie sur la base de solidarités entre forces vives, on a le sentiment que les notions – sans doute avec la globalisation- de concurrence et de compétition ont pris le pas sur celles de solidarité et de coopération. Il faut y revenir et mettre en place un cadre commun qui valorise nos intérêts et ne les met pas en danger.

M. William Dumas. Je remercie M. Malosse de ses propos ainsi que de ses écrits sur le fonctionnement et les priorités de l’Europe. Il y a effectivement urgence à faire évoluer l’Europe et je crains que les prochaines élections ne nous réservent des surprises malheureuses. Avec la présence annoncée de nombreux parlementaires populistes anti européens, il ne sera pas facile de faire avancer l’Europe ! Dans ma circonscription, je rencontre des citoyens qui n’ont plus confiance dans l’Europe. Dès qu’il survient un problème, on pointe la responsabilité de l’Europe. Il est vrai que l’on croule sous la réglementation ; trop de réglementation tue la réglementation ! Il est nécessaire de se recentrer sur l’essentiel plutôt que sur le diamètre des roues ou sur la taille des cornichons. Les sujets qui intéressent vraiment les citoyens sont la lutte contre le chômage, la politique industrielle, l’immigration, l’éducation et ces sujets sont insuffisamment pris en compte au niveau européen. Permettez-moi de vous dire ma surprise en vous entendant dire que c’était la première fois que le Président du comité économique et social européen était reçu par le Président de la Commission européenne ! Mais si c’était pour ne pas tenir compte de vos propositions, cela est inquiétant.

Peut-être les élections allemandes vont-elles débloquer les choses en matière de salaire minimum . Quand on voit les conséquences du dumping social pour certains territoires comme la Bretagne, il est urgent d’agir.

L’Europe nous a apporté la paix mais les jeunes n’en ont pas conscience ; pour eux, c’est un acquis. Pour la préserver, recentrons nous sur l’essentiel. A ce propos, je voudrais souligner que les élus ne sont pas suffisamment écoutés et que la technocratie l’a emporté. Merci donc de votre discours qui ouvre des fenêtres !

Mme Estelle Grelier. J’ai écouté vos propos avec beaucoup d’attention mais mon appréciation sera sans doute moins flatteuse que celle de mon collègue. Vous critiquez une Europe trop technocrate et des méthodes intergouvernementales qui ont échoué. Mais j’avoue à avoir du mal à percevoir à la fois votre vision et votre légitimité. En quoi êtes-vous fondé à représenter la société civile ?Vous ne pouvez par ailleurs pas vous substituer à un Parlement européen dont les pouvoirs ont été renforcés par le Traité de Lisbonne. Je note une ambiguïté quant à votre rôle s’agissant des initiatives citoyennes. Vous avez fait un avis sur l’obsolescence programmée, mais sur des thèmes plus généraux comme la directive détachement des travailleurs ou sur la négociation des perspectives budgétaires qui ont acté une baisse du budget européen, quelle est votre vision ? On attendrait de vous que vous soyez force de proposition et non que vous vous limitiez à une rhétorique facile sur la technocratie européenne. Dois-je vous dire que lorsque j’étais parlementaire européenne, je n’ai jamais entendu parler de vous ? Je m’interroge sur le poids qui est le vôtre dans le triangle institutionnel qui est chargé de l’élaboration de la norme européenne. Seule la Commission européenne a l’initiative des textes et l’on sait bien que les rapports d’initiative parlementaire pèsent de peu de poids. J’ai pris, en tant que parlementaire européenne, certaines initiatives, comme celle sur les raffineries ; j’ai été frappée par l’inertie de la société civile et des syndicats sur ce sujet.

Pour résumer, je m’interroge sur votre valeur ajoutée dans le cadre complexe qui est celui de la décision européenne. Quel est votre projet global, votre individualité et quel son positif pouvez-vous apporter dans la « musique européenne » ?

Mme Audrey Linkenheld. une question assez courte qui va assez dans le sens des interpellations de ma collègue. J’accueille plutôt favorablement votre volonté de rapprocher les citoyens de l’Europe, mais ceux qui sont censés représenter les citoyens européens ce sont d’abord les élus du peuple, notamment ceux du Parlement Européen. Les conseils économiques, sociaux et environnementaux, comme au niveau local, représentent plus les forces vives de la société civile – les syndicats, les associations – que directement les citoyens. Le peuple ne sait peut-être plus très bien par qui il doit être représenté.

M. Henri Malosse. Le constat est effectivement désagréable à entendre. Les institutions doivent pourtant faire ce constat d’une Europe loin des citoyens, complexe, qui règlemente trop, qui ne répond pas aux problèmes et est perçu comme le problème alors qu’elle devrait être perçue comme la solution. Dans les institutions, des individus, tout en étant pro-européens, sont conscients des difficultés que l’Europe rencontre.

Le traité de Lisbonne prévoit à la fois une démocratie représentative, par le biais du Parlement européen, et une démocratie participative, que mes collègues et moi représentons et qui représente des « forces » vives en effet. Le Conseil économique et social européen est une idée française, au cœur du projet de Jean Monnet, puisqu’il est issu du comité consultatif de la CECA, qui visait à associer à la fois les représentants du peuple et forces vives concernées Le rôle du CESE est un rôle consultatif et nous n’avons pas la prétention de supplanter les élus du peuple que vous êtes et que sont les parlementaires européens.

Le traité établit clairement deux légitimités différentes. Les deux comités viennent seulement en appui du Parlement européen. L’objectif de la réforme interne que nous sommes en train de mener vise d’ailleurs à réduire notre rôle consultatif parallèle à celui du Parlement, ou tout du moins à le circonscrire là où il est vraiment complémentaire avec celui du Parlement européen. Nous souhaitons travailler davantage en amont du processus législatif, avec des idées qui viennent des forces vives. Le Parlement européen lui-même, très fréquemment, se concentre sur son rôle législatif, et il n’a pas de véritable droit d’initiative. Il est donc très intéressé pour travailler avec nous, par exemple, sur l’obsolescence programmée, sur la formation, sur l’emploi, sur la garantie jeunesse. Le Parlement européen nous demande de faire des études d’impact parce qu’il en a besoin. Il y a quelques années la Commission européenne a demandé une étude à la London School of Economics sur les travailleurs détachés, pour trois millions d’euros, qui a démontré que tout fonctionnait bien. Mais j’imagine que les auteurs ont cherché surtout à faire plaisir aux commanditaires de l’étude, ce qui n’est pas notre cas Nos travaux ne sont pas forcément statistiquement représentatifs, mais c’est leur aspect qualitatif qui prime.

Nous avons proposés récemment l’extension de la garantie jeunesse. Le redéploiement des crédits est possible, et nous proposons d’étendre le bénéfice de cette garantie aux plus de 25 ans, ou à d’autres zones. Nous avons fait des propositions dans ce domaine. Tout ça reste assez confus ; dans beaucoup de pays le système risque de ne pas marcher, tout du moins dans les années à venir.

Notre légitimité est bien sur relative, liée à celle des organisations qui nous ont demandé de les représenter. Le poids des lobbies n’a jamais été aussi présent, nous l’avons vu il y a quelques mois avec le débat sur la directive tabac, sur laquelle nous avons été consultée. Il faut associer à la construction européenne les acteurs économiques et sociaux. Nous ne sommes pas assez écoutés, nous ne sommes pas assez respectés. Notre rôle doit être redéfini par rapport à celui du Parlement européen pour ne pas faire doublon. Mais supprimer le Conseil économique et social européen, c’est supprimer le rôle des acteurs économiques et sociaux ; et ce sont d’ailleurs les plus eurosceptiques qui demandent notre suppression.

Sur la directive travailleurs détachés, nous sommes extrêmement critiques ; et je suis critique au sein de mon propre groupe, des employeurs, sur la façon dont cette directive légalise le dumping social. Partout où je passe, quelques soient les pays et les régions, des sociétés d’intérim ont trouvé leur niche qui est de faire du dumping social et de proposer des travailleurs bulgares ou polonais pour 1000 euros par mois tout compris, au lieu du double avec les charges sociales, dans des conditions sociales totalement inhumaines. La mobilité doit être développée dans un cadre légal, et, dans certains secteurs, on ne trouve pas des personnes qualifiées. Mais ce système de trois mois de détachement dans des conditions lamentables nuit à la fois aux salariés et aux entreprises.

Sur le budget européen, nous aurions aimé qu’il soit plus important ; il est aujourd’hui ridicule. Les politiques pour l’éducation, pour la recherche restent les parents pauvres du budget européen. La part des ressources propres reste également un problème. Nous sommes favorables à la taxe sur les transactions financières et à des transferts de fiscalité, notamment de la fiscalité des entreprises.

Au comité, nous partageons, avec chacun des sensibilités différentes, une vision d’une Europe qui fasse des choses concrètes, bâtisse une Europe de la solidarité. Nous souhaitons une Europe qui réponde au défi de la formation, alors que 900 000 postes de travail restent vacants dans toute l’Union européenne dans le domaine des nouvelles technologies. Aujourd’hui, nous sommes dans une Europe qui diverge alors que nous devrions être dans une Europe qui converge, une « Europe solide et solidaire », qui mise sur les entreprises, par davantage de coopération industrielle, aujourd’hui freinée par une politique de la concurrence dogmatique, et qui est handicapée par une politique commerciale qui néglige les intérêts européens, comme le montrent les négociations sur le partenariat transatlantique. Actuellement, trois modèles sont présentés aux Européens : la destruction, qui est le scénario catastrophe, le scénario tout rose des fédéralistes européens, irréaliste parce que l’on voit bien que les citoyens n’en veulent pas ; la stagnation du système actuel, avec un bricolage comme avec l’union bancaire, qui n’est pas tout à fait comme on le souhaitait. Ce que je préconise, c’est une véritable union économique, monétaire et sociale, avec une convergence fiscale et sociale, avec un calendrier et des outils pour amener cette convergence sans préjuger de la base sur laquelle elle se fera. Comme à l’époque de Monnet ou de Delors, c’est avec les acteurs économiques et sociaux que nous pourrons avancer. Delors, quand il a pris ses fonctions à la Commission, une des premières chose qu’il a fait fut de demander au CESE une réflexion sur l’Europe sociale, devenue l’ossature du volet social du traité de Maastricht. Il avait compris qu’on ne pouvait pas le faire sans les forces vives.

Sur les initiatives citoyennes, j’ai également été signataire de celle contre les frais d’itinérance téléphonique. Nous avons rencontré les initiateurs de cette initiative, nous avons soutenu cette initiative, organisé une audition de membres de la Commission européenne sur ce sujet et appuyé cette initiative par un avis, et aujourd’hui- même nous organisons une audition sur ce sujet avec le Parlement européen.

Ma vision de notre comité, c’est d’être une maison ouverte apportant notre appui au Parlement européen.

La Présidente Danielle Auroi. Merci à vous pour les informations précises et utiles que vous nous avez données aujourd’hui. Cela nous encourage à vous rendre visite à Bruxelles et à travailler ensemble, peut- être sur un sujet plus précis comme les nouvelles technologies.

II. Communication de M. Christophe Caresche et de Mme Chantal Guittet sur la réunion, à Vilnius les 16 et 17 octobre 2013, de la Conférence interparlementaire prévue à l’article 13 du traité de stabilité de coordination et de gouvernance

M. Christophe Caresche. Nous avons participé à la première réunion de la conférence interparlementaire prévue par l’article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, qui est une initiative que nous avons fortement soutenue ici lors de la ratification du traité. C’est sur la base des conclusions de la réunion de la Conférence des Présidents de parlements qui s’est tenue à Nicosie en avril dernier, qui fixaient quelques orientations, que la conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière s’est réunie à Vilnius.

La présidence lituanienne avait préparé un projet de règlement intérieur ainsi qu’un projet de conclusions particulièrement fourni et intéressant, qu’elle avait envoyés aux différentes délégations avant la tenue de la conférence.

En réaction, le président du Parlement européen Martin Schulz a adressé un courrier à la présidence lituanienne pour indiquer que, selon lui, le principe d’un projet de règlement intérieur n’était pas conforme aux conclusions de Nicosie et qu’il était, en conséquence, opposé à toute discussion sur ce projet. Le président du Bundestag a également envoyé une lettre à la présidence lituanienne soulignant son hostilité à la possibilité, prévue dans la proposition lituanienne, d’introduire un vote à la majorité qualifiée dans les règles de procédure de la conférence. Les autres courriers adressés par les parlements nationaux soutenaient, sur le principe, l’initiative lituanienne.

C’est donc dans ce contexte tendu qu’a commencé la conférence. J’ai tout d’abord participé à la réunion préalable du groupe des sociaux-démocrates, d’où il ressortait une grande confusion. Il s’est ainsi avéré impossible de savoir si le « quartet », qui réunissait la troïka présidentielle (Irlande, Lituanie et Grèce) et le Parlement européen, avait décidé de proposer l’inscription du projet de règlement intérieur à l’ordre du jour. La conférence a officiellement commencé avec les interventions de plusieurs délégations, dont la nôtre, demandant que soit débattu le projet de règlement intérieur, ce à quoi s’est opposé vigoureusement le Parlement européen. En conséquence, il n’y a pas eu d’adoption de l’ordre du jour.

Les débats sur les sujets de fond ont donc été engagés sans adoption préalable de l’ordre du jour, tandis que les discussions sur les projets de documents finaux étaient conduites de manière parallèle par les délégations.

Le Parlement européen a tenu une position dure, refusant tout vote sur le règlement intérieur, ainsi que sur les conclusions. Les Allemands, qui ne souhaitaient pas non plus adopter des conclusions et estimaient que le champ proposé par les Lituaniens était trop large, ont fait une proposition de « contribution » très brève, se limitant à trois paragraphes, dont l’un lançant le « processus de Vilnius », pour le document final de la conférence. La présidence lituanienne a souhaité le compléter. Le Parlement européen a voulu défendre sa conception de la répartition des rôles entre lui-même et les parlements nationaux et a soutenu ses revendications sur le semestre européen auquel il veut être totalement associé.

Finalement, à la fin de la conférence, la présidence lituanienne nous a distribué un projet de contribution tentant une synthèse, mais soulevant en réalité de nombreux problèmes. Alors que plusieurs délégations avaient demandé la parole, le président de séance a déclaré que le texte distribué était adopté. Je n’ai ainsi pas pu intervenir pour indiquer les points avec lesquels j’étais en désaccord.

La mise en place d’un groupe de travail sur le projet de règlement intérieur est prévue. Au départ, le Parlement européen souhaitait que seul le « quartet » y participe, mais il est finalement précisé dans la contribution que tous les parlements nationaux peuvent y participer. C’est sur la base du projet de règlement élaboré par les Lituaniens que le groupe de travail doit avancer d’ici à la prochaine réunion de la conférence qui est prévue en janvier prochain à Bruxelles.

Pour être complet, je voudrais préciser les principaux points qui ont fait débat. Il s’agit tout d’abord de l’articulation de la conférence avec la semaine européenne organisée par le Parlement européen et les réunions des présidents des commissions des finances, que le projet lituanien proposait de remplacer par la conférence. Cela posait problème au Parlement européen. Je suis intervenu pour souligner que si on maintenait plusieurs instances, on portait atteinte à la lisibilité de la conférence et on l’affaiblissait. Ensuite, deux conceptions de la conférence se sont affrontées : la nôtre, où la conférence doit pouvoir prendre des positions, et celle d’autres parlements qui préfèrent la réduire à un simple « forum ».

Mme Chantal Guittet. C’était la première fois que je participais à une conférence interparlementaire et je dois avouer que j’ai été particulièrement étonnée par la façon dont cela s’est déroulé. En particulier, la fin de la conférence nous a sidérés. Il apparaît en outre que la contribution qui est finalement diffusée de manière officielle par la présidence lituanienne diffère de celle qui avait été décrétée comme adoptée par le président de séance ! Si le mérite de cette première réunion est d’avoir permis d’identifier les difficultés, il apparaît difficile que le groupe de travail parvienne à une proposition consensuelle d’ici à la prochaine réunion de la conférence.

Mme Estelle Grelier : La présentation des rapporteurs confirme les doutes que j’exprimais à l’égard de cette conférence. Il y a à mes yeux quelque chose d’hétéroclite et d’antinomique au fonctionnement de l’Union à mélanger ainsi des légitimités nationales et européennes, sans possibilité de décider, et je ne pense pas que les débats, parfois ubuesques, que vous nous décrivez aient fait quoi que ce soit pour affermir la légitimité démocratique de l’Union.

La Présidente Danielle Auroi : Je suis quant à moi confortée dans mes convictions que la solution n’est pas d’abandonner, et de la part des parlements nationaux de renoncer à prétendre peser et se concerter au niveau de l’Union, mais à l’inverse de persévérer en allant vers l’indispensable Assemblée des parlements nationaux que j’appelle de mes vœux dans mon rapport sur la démocratisation de l’Europe. Dans ce sens la conférence budgétaire est une étape très positive. Et je veux féliciter les rapporteurs pour la qualité de leur participation à cette première conférence, dont la concrétisation montre bien que nous avons eu raison d’y croire, comme nous devons, je le crois, continuer d’œuvrer pour qu’elle soit une vraie réussite.

La séance est levée à 18 h 25

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 23 octobre 2013 à 16 h 45

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Christophe Caresche, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, Mme Estelle Grelier, Mme Chantal Guittet, M. Jérôme Lambert, Mme Audrey Linkenheld

Excusés. - M. Philip Cordery, M. Bernard Deflesselles, Mme Marie-Louise Fort, Mme Annick Girardin, M. Pierre Lequiller, M. Jean-Claude Mignon, M. Rudy Salles