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Commission des affaires européennes

mardi 26 novembre 2013

17 h 15

Compte rendu n° 100

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente Et de M. Jean-Paul Chanteguet Président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Table-ronde, conjointe avec la Commission du développement durable, sur la pêche en eaux profondes, avec la participation de : M. Bernhard Friess, directeur de la direction « Atlantique, Régions ultrapériphériques et Arctique » à la direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission Européenne ; Mme Cécile Bigot-Dekeyzer, directrice des pêches maritimes et de l’aquaculture, du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ; M. Guy Duhamel, professeur chercheur au Muséum National d’Histoire Naturelle ; M. Philippe Cury, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ; M. Olivier Le Nezet, représentant du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) et Président du comité régional des pêches de Bretagne ; Mme Hélène Bourges, chargée de campagne Océans à Greenpeace France ; Mme Claire Nouvian, Présidente de l’association Bloom

Table-ronde, conjointe avec la Commission du développement durable, sur la pêche en eaux profondes, avec la participation de : M. Bernhard Friess, directeur de la direction « Atlantique, Régions ultrapériphériques et Arctique » à la direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission Européenne ; Mme Cécile Bigot-Dekeyzer, directrice des pêches maritimes et de l’aquaculture, du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ; M. Guy Duhamel, professeur chercheur au Muséum National d’Histoire Naturelle ; M. Philippe Cury, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ; M. Olivier Le Nezet, représentant du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) et Président du comité régional des pêches de Bretagne ; Mme Hélène Bourges, chargée de campagne Océans à Greenpeace France ; Mme Claire Nouvian, Présidente de l’association Bloom

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 26 novembre 2013

Présidence de Mme Danielle Auroi,
Présidente de la Commission des affaires européennes,
et de M. Jean-Paul Chanteguet, Président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

La séance est ouverte à 17 h 15

Table-ronde, conjointe avec la Commission du développement durable, sur la pêche en eaux profondes, avec la participation de : M. Bernhard Friess, directeur de la direction « Atlantique, Régions ultrapériphériques et Arctique » à la direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission Européenne ; Mme Cécile Bigot-Dekeyzer, directrice des pêches maritimes et de l’aquaculture, du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ; M. Guy Duhamel, professeur chercheur au Muséum National d’Histoire Naturelle ; M. Philippe Cury, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ; M. Olivier Le Nezet, représentant du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) et Président du comité régional des pêches de Bretagne ; Mme Hélène Bourges, chargée de campagne Océans à Greenpeace France ; Mme Claire Nouvian, Présidente de l’association Bloom

La Présidente Danielle Auroi, Présidente de la Commission des affaires européennes. Je suis particulièrement heureuse d’accueillir, avec la Commission du développement durable et à l’initiative du Président Chanteguet, un certain nombre de personnalités que nous avons invitées à débattre des nombreuses questions que soulève la pêche en eaux profondes. Permettez-moi de vous les présenter.

- M. Bernhard Friess, directeur de la direction « Atlantique, Régions ultrapériphériques et Arctique » à la Direction générale des affaires maritime et de la pêche de la Commission européenne ;

- Mme Cécile Bigot-Dekeyzer, directrice des pêches maritimes et de l’aquaculture au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;

- M. Guy Duhamel, directeur du département Milieux et peuplement aquatique au Muséum national d’histoire naturelle ;

- M. Philippe Cury, directeur de recherche à l’IRD (Institut de recherche pour le développement) ;

- M. Patrick Vincent, directeur général délégué d’Ifremer ;

- M. Olivier Le Nezet, représentant du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) et Président du comité régional des pêches de Bretagne ;

- M. Ivan Lopez, représentant l’Alliance européenne de l’industrie de la pêche de grands fonds ;

- Mme Hélène Bourges, chargée de campagne Océans à Greenpeace France ;

- Mme Claire Nouvian, Présidente de l’association Bloom.

Je vous indique que M. Yvon Lopez, représentant de l’Alliance européenne de l’industrie de la pêche de grands fonds et M. Nicolas Teisseire, représentant de l’association Blue Fish, seront présents aux côtés de M. Olivier Le Nezet et prendront la parole si le débat le nécessite.

Je vous remercie, mesdames et messieurs, d’avoir accepté notre invitation.

La Commission des affaires économiques, qui devait participer à cette table ronde, a malheureusement dû annuler sa participation du fait d’une contrainte liée au contenu particulièrement chargé du calendrier parlementaire. Elle sera naturellement tenue informée de nos échanges.

Notre table ronde survient à un moment clé. En effet, le règlement proposé par la Commission européenne sera débattu par le Parlement européen en séance plénière le 9 décembre prochain, après l’accord intervenu il y a quelques jours au sein de la Commission pêche.

La Commission des affaires européennes est très engagée sur tous les sujets qui relèvent de la politique de la pêche, qui, avec la PAC, la politique de la concurrence et la politique monétaire, est l’une des seules politiques communes de l’Europe. C’est donc au niveau de l’Union que les choix politiques doivent être faits, d’autant que la ressource halieutique ne connaît pas de frontières.

Notre débat s’intéresse à plusieurs enjeux, dont le premier est l’impact environnemental de certaines pratiques de pêche en eaux profondes, en particulier le chalutage de fond et l’usage des filets maillants, sur les écosystèmes marins. La proposition de règlement de la Commission interdirait progressivement ces deux pratiques, son objectif étant d’assurer une exploitation durable des espèces d’eau profonde en réduisant au minimum les répercussions des pêcheries sur le milieu marin.

La pêche en eau profonde est également un sujet sensible sur le plan économique, compte tenu des nombreux emplois qui en dépendent.

Toutefois, un institut de recherche britannique, le New Economics Foundation (NEF), a publié très récemment une étude qui aboutit à la conclusion que le chalutage en eaux profondes ne serait pas économiquement rentable. Nous serions heureux de vous entendre concernant la portée de cette étude, ses conclusions et le nombre exact de navires concernés, tant au niveau de la France que de l’Union européenne.

Il y a quelques jours, la Commission pêche du Parlement européen a modifié la proposition de règlement et est parvenue au compromis qui se trouve à présent sur la table. Dans cette nouvelle version, la proposition ne préconise plus l’interdiction totale du chalutage de fond et des filets maillants, mais un meilleur encadrement de ces pratiques. Ce compromis vous semble-t-il satisfaisant, notamment sur le plan environnemental ?

Les garanties proposées par la Commission pêche, notamment l’obligation pour les pêcheurs de ne pêcher que dans les zones où ils ont déjà pêché, vous semblent-elles suffisantes ?

La proposition de règlement européen prévoit en outre d’accorder une assistance financière, issue du Fonds européen pour la pêche, aux navires qui souhaiteraient changer d’engins de pêche pour continuer de pêcher en eaux profondes. Cette solution vous semble-t-elle réaliste ? Vous satisfait-elle ? Ces navires pourront-ils évoluer vers des techniques de pêche plus durables ?

M. Jean-Paul Chanteguet, Président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je remercie à mon tour les intervenants d’avoir accepté notre invitation. Je regrette naturellement l’absence du Président François Brottes et des membres de la Commission des affaires économiques, mais leur emploi du temps particulièrement chargé ne leur a pas permis de se libérer.

Il était important, mesdames et messieurs, de pouvoir vous entendre sur un sujet aussi sensible au sein de l’Assemblée nationale, qui est un lieu de débat et de confrontation. Je ne doute pas que nos échanges seront fructueux.

M. Bernhard Friess, directeur de la direction « Atlantique, Régions ultrapériphériques et Arctique » à la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne. Je vous remercie de m’avoir invité à participer à cette table ronde qui fait suite au débat qui a eu lieu au Parlement européen pendant près d’un an avec des représentants du secteur de la pêche, des milieux scientifiques et des ONG. La Commission européenne a proposé une mise à jour du règlement européen relatif à la pêche en eaux profondes le 19 juillet 2012. Je vais vous présenter les objectifs de cette proposition et l’état actuel des débats.

La pêche en eaux profondes doit être gérée d’une manière spécifique parce qu’elle agit sur un environnement fragile qui abrite des espèces vulnérables dont la croissance est lente – certains poissons peuvent vivre 100 ans – et la reproduction très fragile.

La pêche en eaux profondes produit une quantité considérable de rejets, qui représentent de 30 à 50 % des prises.

Ces écosystèmes sont également vulnérables du fait de la présence de coraux, essentiellement dans les grandes profondeurs.

La pratique de la pêche en eaux profondes a déjà produit de nombreux dégâts. Dans les années 60 et 70, on pêchait chaque année 10 000, voire 14 000 tonnes de dorade rose. Aujourd’hui, les prises annuelles de cette espèce sont de l’ordre de 200 tonnes.

La Commission européenne entend encadrer uniquement les pêcheurs qui ciblent la pêche profonde, en excluant ceux qui pêchent de petites quantités, ce qui représente 1,7 % de la pêche réalisée en Atlantique Nord – 2 à 3 % des marées.

La Commission souhaite également convertir, après une période de transition, les chaluts et les filets maillants les plus ravageurs et qui présentent un risque spécifique pour les grands fonds. Elle propose à ce titre un faisceau de mesures destinées à soutenir la reconversion des engins par le biais du Fonds européen de la pêche.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Après des débats intenses, certaines mesures ont été contestées vigoureusement par quelques représentants du secteur de la pêche, en particulier français.

La Commission pêche du Parlement européen a mis sur la table plusieurs alternatives, notamment la fermeture de certaines zones écologiquement vulnérables ou l’obligation pour les opérateurs de la pêche en eaux profondes et les États membres qui la gèrent d’évaluer préalablement toute activité de pêche.

Consciente des enjeux socio-économiques de ce secteur, la Commission a fait une proposition claire, simple et facile à mettre en place. Les membres du Parlement européen proposent, quant à eux, une piste plus complexe. Quoi qu’il en soit, si nous voulons gérer efficacement la pêche en eaux profondes, nous devons prendre des mesures claires, efficaces, et qui peuvent être mises en place sans provoquer de dégâts pour le secteur de la pêche.

Mme Cécile Bigot-Dekeyzer, directrice des pêches maritimes et de l’aquaculture, au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je vous remercie de m’avoir invitée à participer à cette discussion. La pêche en eaux profondes s’est considérablement développée à partir des années 80, de façon excessive et peu responsable, ce qui a amené l’Union européenne à adopter en 2002 un régime d’encadrement de l’activité comprenant la mise en place de quotas de pêche, la limitation de l’effort de pêche, le renforcement des contrôles et le développement de la collecte de données en vue d’améliorer la connaissance des stocks halieutiques.

Cet encadrement, en place depuis plus de dix ans, a porté ses fruits sur le plan de la santé des stocks halieutiques. Le Comité international pour l’exploration de la mer (CIEM), organe de référence qui réunit plusieurs milliers de scientifiques, a publié en juin 2012 des avis très encourageants pour les principales espèces exploitées par les pêcheries françaises, à savoir le sabre noir, la lingue bleue et le grenadier de roche.

D’autre part, la Commission européenne souligne à dates régulières l’amélioration des stocks halieutiques de l’Atlantique Nord-Est et des eaux adjacentes, qui sont exploitées par les pêches françaises. Les stocks ont atteint le seuil de rendement maximum durable en passant de 6 % en 2005 à 28 % en 2010 pour atteindre 61 % en 2013, ce qui est très satisfaisant.

L’adoption de la nouvelle politique commune de la pêche (PCP) permettra d’aller encore plus loin et d’atteindre l’objectif de gérer tous les stocks en rendement maximum durable et d’interdire les rejets.

Les instances internationales se sont elles aussi engagées dans le renforcement de l’encadrement de la pêche en eaux profondes. L’Union européenne est très impliquée dans ces discussions au sein de l’Assemblée générale des Nations unies et de deux organisations internationales de pêche en Atlantique, la CEPANE (Organisation pour l’Atlantique Nord-Est) et l’OPANO (Organisation pour l’Atlantique Nord-Ouest).

Pour autant, le Gouvernement français considère qu’il faut aller encore plus loin dans l’encadrement de cette pêcherie, non seulement pour continuer à améliorer l’état de la ressource mais surtout pour renforcer la protection des écosystèmes marins vulnérables, tout en tenant compte des impacts socio-économiques.

Le texte proposé par la Commission européenne va dans le bon sens et contient des éléments très intéressants, notamment en ce qui concerne l’amélioration des connaissances et la collecte de données. En revanche, le Gouvernement considère que certaines dispositions vont trop loin en interdisant totalement et définitivement l’usage du chalutage profond et des filets maillants profonds aux navires considérés comme ciblant les espèces profondes.

En ce qui concerne le nombre de navires concernés, la réglementation actuelle nous permet de considérer que 37 navires, en France, ciblent les espèces profondes. Selon les critères de la Commission européenne, entre 11 000 et 12 000 navires seraient concernés, soit près de 25 % de la flotte de pêche métropolitaine. Les chiffres de la proposition adoptée par le Parlement européen sont un peu en deçà.

La Présidente Danielle Auroi. Voulez-vous dire qu’entre 11 000 et 12 000 navires, à l’heure actuelle, utilisent les filets maillants profonds ?

Mme Cécile Bigot-Dekeyzer. Je dis que 11 000 ou 12 000 navires répondent aux critères de la Commission européenne définissant les navires ciblant les espèces profondes, qui se verront interdire l’utilisation des chalutages et des filets profonds. Dans la proposition du Parlement européen, les critères retenus sont un peu moins larges et correspondent à près de 350 navires.

Depuis le traité de Lisbonne, tous les règlements relatifs à la pêche sont adoptés en codécision par le Parlement européen et le Conseil européen. Le Parlement a examiné de façon approfondie la proposition de la Commission et le 4 novembre, la Commission pêche a adopté le rapport à l’unanimité, moins 4 abstentions. Reste à attendre l’avis qui sera rendu durant la séance plénière du Parlement. De son côté, le Conseil n’a pas encore statué sur la proposition de la Commission. Les États membres qui ont assuré la présidence ont souhaité concentrer leurs travaux sur le chantier considérable que représente la réforme de la politique commune de la pêche.

Le gouvernement français, comme l’a indiqué le Premier ministre lors de la Conférence environnementale, participera très activement aux négociations au sein du Conseil. Le régime actuel a permis d’améliorer la santé des stocks des principales espèces profondes et d’autres améliorations sont à prévoir avec la réforme de la PCP. Pour autant, il faut encore renforcer l’encadrement pour préserver les écosystèmes marins vulnérables tout en tenant compte des impacts socio-économiques. C’est ce que souhaite le Gouvernement français, qui juge inacceptable une mesure qui viserait à interdire purement et simplement l’utilisation de certains engins, notamment le chalut de fond, d’autant qu’une telle mesure n’est recommandée ni par les organisations internationales de pêche, ni par l’Assemblée générale des Nations unies, ni par l’OPANO et la CEPANE, ni par Deepfishman, le projet scientifique commandé et financé à hauteur de plusieurs millions d’euros par la Commission européenne et qui réunit 13 organismes scientifiques européens.

Le gouvernement français souhaite que soient mises en place des mesures de renforcement cohérentes et parfaitement en phase avec les résolutions internationales et il plaide pour que soit gelée l’empreinte écologique des pêches profondes. Il convient pour cela d’établir une cartographie précise des zones de pêche et de limiter les pêches profondes aux zones actuellement exploitées.

En bref, il faut continuer à améliorer nos connaissances en cartographiant les écosystèmes marins vulnérables. S’il y a lieu de protéger les habitats, il convient de prendre des mesures de gestion spatio-temporelles qu’on appelle mesures d’évitement, ou move-on rules, ainsi que des mesures techniques susceptibles d’améliorer la sélectivité des engins.

M. Guy Duhamel, directeur du département Milieux et peuplement aquatique au Muséum national d’histoire naturelle. Je vais tenter d’apporter un éclairage extérieur à la zone européenne, car je travaille sur les zones antarctiques où est également pratiquée la pêche en eaux profondes.

Dans ce domaine, de gros efforts ont déjà été faits pour améliorer les pratiques. Il est indéniable que les filets maillants et le chalut de fond portent atteinte à l’environnement, mais qu’à une partie de cet environnement car il existe dans certaines zones de vastes plaines qui ne recouvrent pas un écosystème marin vulnérable. Ce n’est pas le cas dans les systèmes rocheux, où l’utilisation de ces engins conduit à la destruction massive de coraux, d’éponges et de nombreux organismes qui structurent la biodiversité.

L’impact de la pêche sur ces écosystèmes marins vulnérables n’est pas aussi important qu’on peut l’imaginer, y compris dans les mers européennes. Si nous acceptons de restreindre la pêche à certaines zones et d’interdire l’utilisation d’engins peu adaptés à la pêche en eaux profondes, nous pourrions parvenir à un compromis acceptable qui respecte l’environnement et permette de maintenir une petite pêche en eaux profondes.

Cette approche est celle qu’a adoptée dans les mers australes la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), qui est très en avance sur cette question par rapport à la Commission européenne. Nous avons en effet adopté au sein de cette commission une approche « écosystémique » qu’il conviendrait de mettre en œuvre dans la zone européenne. Le CIEM, qui gère les stocks, doit s’intéresser également aux captures d’espèces accessoires et non uniquement aux espèces de la pêche dirigée. C’est un élément important pour une pêche durable en zone profonde.

Il faut proposer des restrictions de zone et imposer l’observation scientifique embarquée pour récupérer des données fiables, objectives et utilisables en statistiques. En matière de valorisation des produits, il faudrait faire un effort pour valoriser les captures accessoires qui sont en grande partie rejetées à la mer. Il faut privilégier la pêche locale et non faire appel à des pêches lointaines très coûteuses en énergie – je pense aux pêches africaines ou sud-américaines, dont le transport vers l’Europe représente un coût considérable et ne sont pas du tout viables au plan de la gestion durable. Enfin, il faut imposer un dialogue constructif entre les scientifiques, les ONG et l’administration, car il est la clé de voûte d’une pêche durable.

M. Philippe Cury, directeur de recherche à l’IRD (Institut de recherche pour le développement). Je voudrais revenir sur cinq aspects scientifiques de la pêche en eaux profondes.

Le premier est l’exploitation des stocks. Dans son dernier livre, un expert international des ressources halieutiques indique que seule une pêche chirurgicale permettrait d’atteindre une exploitation durable dans les milieux profonds. Selon cet expert, il ne faudrait pas prélever plus de 3 % des ressources. Par ailleurs, une équipe américaine indique qu’il faudrait se contenter de prélever 200 kg de poissons par an sur une zone de 100 km2. C’est peu, comparé aux 1 000 tonnes de poissons qui ont été prélevées dans le Pacifique centre pendant trente ans.

L’utilisation du chalutage a dégradé les stocks des espèces vivant dans les eaux profondes de l’Atlantique Nord-Est. Parmi les 54 espèces de poissons d’eaux profondes citées dans la proposition de la Commission, et c’est également l’avis du CIEM, 21 espèces sont considérées comme épuisées ou présentant un risque d’épuisement, 26 autres espèces n’ont jamais été évaluées, et seules trois espèces possèdent un ou plusieurs stocks considérés comme étant en bon état.

La plupart des espèces profondes ont des caractéristiques biologiques qui les rendent particulièrement vulnérables à la surpêche – croissance lente, maturité sexuelle tardive, faible taux de fécondité. Pour les 30 espèces dont nous avons estimé l’âge maximum, la durée de vie moyenne est de 36 ans et l’âge de maturité sexuelle de 12 ans. Par comparaison, un anchois se reproduit à un an et vit près de 4 ans, et une morue se reproduit à 2 ou 4 ans et vit 25 ans.

En outre, les espèces vivant en eaux profondes sont connues pour leur comportement d’agrégation, ce qui les rend particulièrement accessibles et vulnérables face à la pêche car les pêcheurs, considérant ces agrégations, imaginent que les ressources sont abondantes. Au Canada, où le phénomène a été quantifié, on n’a jamais vu autant de morues qu’en 1992. En réalité, les poissons s’étaient concentrés dans une très petite zone mais la ressource globale avait diminué de 96 %.

L’exploitation séquentielle de ces ressources donne l’apparence d’une capture stable. Les captures par unité d’effort (CPUE) qui sont utilisés par le CIEM sont de très mauvais indicateurs pour calculer un MSY (maximum sustainable yield) ou pour caractériser l’état de santé des stocks, comme le reconnaissent les experts eux-mêmes.

En ce qui concerne la destruction des habitats, il existe 275 papiers dans la littérature scientifique qui reconnaissent que le chalutage profond détruit les habitats des poissons et a un impact sur le long terme. Nous avons quantifié cette destruction. Il apparaît que lors de pêches à l’empereur en Tasmanie, pendant un an, chaque trait de chalut contenait à peu près 1,6 tonne de coraux.

Le chalutage de grands fonds entraîne également la destruction de la biodiversité. Dans l’Atlantique Nord-Est, les chaluts de l’Union européenne capturent entre 40 et 100 espèces non ciblées, et les taux de rejet oscillent entre 20 et 50 % et vont jusqu’à atteindre 80 % des prises.

Outre leur quantité, les rejets concernent certaines espèces sensibles, tels les requins profonds que nous souhaiterions protéger, et de petites espèces qui jouent un rôle très important dans le maintien des écosystèmes. Nous disposons aujourd’hui d’une littérature abondante sur les écosystèmes côtiers et coralliens, mais nous n’avons rien sur les écosystèmes profonds. Ceux-ci doivent être pris en compte dans la gestion des ressources profondes.

M. Olivier Le Nezet, représentant du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) et Président du comité régional des pêches de Bretagne. Je voudrais tout d’abord recentrer le débat sur le sujet qui nous préoccupe, à savoir la pêche en eaux profondes dans les eaux communautaires – or, à ma connaissance, la Tasmanie ne fait pas partie de l’Europe.

S’agissant des emplois, la pêcherie en eaux profondes, depuis une dizaine d’années, est l’exemple même d’une pêcherie encadrée, gérée et régulée. Le CIEM lui-même, qui regroupe plusieurs milliers de scientifiques, reconnaît qu’elle s’intègre dans le développement d’une pêche durable et responsable.

Cette pêcherie a été encadrée par divers moyens – observateurs embarqués à bord des navires, transmission des données aux scientifiques. Elle ne concerne pas seulement quelques ports, mais des navires de plusieurs États européens.

Il s’agit d’une pêcherie à forte valeur ajoutée et dont la valorisation génère plusieurs dizaines de milliers d’emplois en Europe. Il est important de le souligner en période de crise économique.

S’agissant de l’impact de cette pêcherie, les zones chalutées représentent à peine 3 % des zones dont nous parlons, ce qui signifie que 97 % des zones sont protégées.

Il s’agit d’une pêcherie économiquement durable. Les comptes des armements étant publics, je vous invite, mesdames et messieurs les députés, à les consulter.

Enfin, cette pêcherie fait aujourd’hui l’objet d’un encadrement renforcé. Il est plus facile d’interdire une pêcherie que de la réguler et de la réglementer, mais c’est pourtant la solution face au défi alimentaire mondial qui nous attend.

Des études communautaires sont en cours. Nous en attendons les conclusions.

Je souhaite à présent donner la parole à mon collègue espagnol, Ivan Lopez, représentant l’Alliance européenne de l’industrie de la pêche.

La Présidente Danielle Auroi. M. Lopez, vous avez la parole.

M. Ivan Lopez, représentant l’Alliance européenne de l’industrie de la pêche de grands fonds. Je remercie l’Assemblée nationale de me permettre de m’exprimer aux côtés du représentant de l’industrie française. En Espagne, les données du Gouvernement montrent que 382 bateaux seront considérés comme ciblant les espèces profondes, parmi lesquels 183 pêchent près des côtes, en deçà des 6 milles nautiques. Contrairement à ce qu’affirme Mme Damanaki, le nombre de bateaux concernés est donc important.

Je ne comprends pas pourquoi certains s’expriment contre l’industrie de la pêche puisque, depuis le début du processus au Parlement européen tout le monde partage totalement les objectifs de la réglementation. Le problème, ce sont les moyens que nous voulons y consacrer. Ce n’est pas en interdisant certains métiers de la pêche que nous résoudrons le problème. Au contraire, en déplaçant de nombreux bateaux, nous allons en créer un autre. Enfin, dire aux pêcheurs qu’on leur donnera de l’argent pour les aider à changer de métier est pour le moins ironique, car les bateaux conçus pour la pêche profonde sont très différents des autres.

Nous avons fait beaucoup de concessions au cours de la négociation au Parlement européen, et nous sommes parvenus à un accord unanime. Quel est le problème aujourd’hui ?

M. Patrick Vincent, directeur général délégué d’Ifremer. Je voudrais à mon tour évoquer un certain nombre de constats scientifiques.

La pêche en eaux profondes suscite un certain nombre d’interrogations depuis le démarrage de son exploitation dans les années 80, à une époque où nous ignorions la biologie des espèces concernées et les impacts écologiques de cette pratique sur les populations sensibles et les espèces accessoires, et, indirectement, sur les habitats.

Je rappelle les critères de vulnérabilité des espèces concernées : une agrégation dense lors de la reproduction, une grande longévité, une maturité sexuelle tardive et une croissance lente. Le cumul de ces trois derniers critères et de la température basse des eaux profondes explique la très faible productivité de ces espèces. Nous en déduisons que la pression de pêche maximum qu’un stock profond peut supporter, tout en assurant son renouvellement, est très sensiblement inférieure à celle que pourrait supporter un stock côtier.

Ces éléments nous conduisent à penser qu’il faudra ajuster les captures au potentiel reproductif et tenir compte de la capacité de récupération des habitats vis-à-vis des impacts des engins.

Le suivi de la pêche dans les zones européennes est assuré par le CIEM, qui regroupe 4 000 scientifiques de vingt pays différents, dont 300 émanent de divers instituts de recherche et 77 de l’Ifremer, et dont les avis sont le fruit d’un consensus.

Ce consensus est issu de diagnostics concernant la collecte d’informations sur les captures, l’effort de pêche et les campagnes scientifiques dédiées – qui sont quasiment inexistantes pour la pêche en eaux profondes –, le traitement statistique des observations – nous devons éviter certains écueils, liés à la saison des observations et aux tactiques de pêche – enfin, l’utilisation de données dans les modèles statistiques qui tiennent compte de la dynamique des populations. Il reste sur ce point un certain nombre d’incertitudes liées à ce que nous appelons le recrutement. Le recrutement est l’ensemble des processus – éclosion des œufs, survie, croissance des larves et des juvéniles – qui succèdent à la reproduction des adultes.

Tout cela doit permettre d’identifier la pression de pêche qui peut être retirée de façon continue d’un stock, dans les conditions environnementales existantes, sans affecter significativement la reproduction. Ce diagnostic est formulé en comparant l’effort de pêche actuel avec celui intitulé MSY ou RMD (rendement maximal durable).

J’en viens à ce que nous ne connaissons pas. Nous considérons les écosystèmes essentiellement à travers les espèces réglementées et nous apprécions l’impact de l’effort de pêche sur l’espèce exploitée, sans tenir compte des habitats ni des espèces potentiellement structurantes pour l’écosystème. Les espèces étant indépendantes les unes des autres, il serait préférable d’adopter une approche qualitative des habitats.

Cela ne veut pas dire que les scientifiques ne font rien. Chacun de ces points fait l’objet d’expériences scientifiques, encore faut-il transférer ces nouvelles connaissances vers des estimations opérationnelles, comme on le fait en météorologie.

En matière de pêche en eaux profondes, nos connaissances sont insuffisantes. La proposition de la Commission européenne insiste sur la collecte d’observations et l’acquisition de connaissances. En tant que représentants de la communauté scientifique, nous ne pouvons qu’être favorables à ces préconisations.

Le projet européen Deepfishman (Management and monitoring of deep-sea fisheries and stocks), coordonné par l’Ifremer et un certain nombre de partenaires européens et qui s’est déroulé de 2009 à 2012, a formulé un certain nombre de recommandations parmi lesquelles le gel de l’empreinte spatiale dans les zones les plus fréquentées au cours de la période récente et l’instauration éventuelle de nouvelles zones de conservation, ainsi que des mesures techniques destinées à améliorer la sélectivité des engins.

Mme Hélène Bourges, chargée de campagne Océans à Greenpeace France. Je vous remercie d’avoir invité Greenpeace à participer à cette table ronde.

Après vous avoir présenté la position de Greenpeace sur la pêche en eaux profondes, j’insisterai plus longuement sur les résultats de l’étude de la New Economics Foundation qui ont été publiés il y a quelques jours et qui soulignent les aspects socio-économiques de cette pêcherie.

Mais je voudrais avant tout rappeler de quoi nous parlons. La pêche profonde est pratiquée de 400 à 1 800 mètres de profondeur et concerne 37 bateaux en France – c’est le nombre de permis attribués pour pratiquer ce type de pêche dans notre pays. Les captures d’espèces profondes correspondent à 1,5 % de l’ensemble des captures de pêche de l’Union européenne.

Le texte initié par la Commission européenne, qui se trouve entre les mains du Parlement européen et qui, je l’espère, parviendra au Conseil européen, a pour objectif d’améliorer la gestion et les pratiques de la pêche en eaux profondes.

La proposition de la Commission visait à interdire progressivement les deux pratiques les plus destructrices que sont le chalutage profond et l’usage des filets maillants, et non à interdire purement et simplement la pêche profonde.

Dans la mesure où il existe désormais un consensus sur le fait que le chalutage profond cause des dommages irréversibles à des écosystèmes marins très vulnérables, je centrerai mon propos sur les aspects socio-économiques de cette pêcherie. Car lorsque le législateur décide d’interdire une activité économique, il doit se poser la question des bénéfices que cette activité rapporte mais également des coûts qu’elle engendre sur le plan environnemental, social et économique. Les experts de la NEF ont analysé le rapport coûts/bénéfices de la pratique du chalutage profond. Pour établir son coût environnemental, ils ont pris en compte plusieurs aspects.

Le premier est l’émission de gaz à effets de serre, car les chalutiers consomment une importante quantité de fioul en traînant des engins lourds sur de longues distances. La NEF estime cette consommation à 920 litres de fioul par tonne de poissons pêchés, ce qui correspond à un coût de 165 euros.

La NEF a également pris en compte le coût des rejets des prises accessoires, puisque 20 à 40 % des captures d’un chalut profond sont rejetées à la mer. Si nous considérons que le taux moyen de rejet est de 20 % et que ces poissons ont une valeur commerciale inférieure de 20 % à celle des espèces commercialisées, nous parvenons à un coût situé entre 71 et 104 euros par tonne de poissons pêchés.

Les experts de la NEF ont aussi analysé les comptes des armateurs, dont ceux du premier armateur français de 2002 à 2011 en prenant en compte les subventions européennes qui lui ont été allouées, les détaxes sur le fioul accordées aux pêcheurs qui pratiquent la pêche en eau profonde et les résultats nets de l’entreprise. Ils ont constaté une perte économique nette chiffrée entre 153 et 225 euros par tonne de poissons.

Il en résulte que la somme des coûts environnementaux et énergétiques du chalutage profond se situe entre 389 à 494 euros par tonne de poisson pêché.

L’impact de la pêche en eaux profondes sur les emplois s’est trouvé au cœur de la négociation, compte tenu de la situation de l’emploi en France et en Europe. Il existe une technique de pêche en eaux profondes qui permettrait de créer six fois plus d’emploi que le chalutage profond, dont le ratio nombre d’emplois/tonnes de poissons pêchés est parmi les plus faibles. Cette technique est celle de la palangre, qui consiste à placer une ligne d’hameçons au fond de l’eau.

Il serait intéressant d’avoir plus de transparence concernant le nombre d’emplois concernés. En 2010, lorsque s’est tenu le Grenelle de la mer, l’industrie de la pêche annonçait 200 emplois dans ce secteur. En 2012, la proposition de la Commission européenne évoquait 600 emplois. Plus récemment, il était question de 3 000 emplois. Ce secteur aurait donc multiplié par 15 les emplois en quatre ans, ce qui paraît totalement féérique dans la période que nous traversons.

Mme Claire Nouvian, Présidente de l’association BlooM. Après les attaques portées contre la BD de Pénélope Bagieu qui a fait le tour du Net et apporté à notre pétition plus de 600 000 signatures, je tiens à confirmer que tout ce qui est dit dans cette BD est vrai et fondé sur de nombreuses publications. Or le secteur et le groupe Intermarché, très concerné par cette pêche, veulent faire passer Bloom pour une association qui exagère et avance des arguments qui n’ont aucun fondement scientifique.

Je me trouvais hier à Londres pour assister à une table ronde en présence de plusieurs dizaines d’universitaires anglais. Ils sont effarés devant la capacité qu’ont les Français à créer des controverses scientifiques là où il n’y en a pas. Les Anglais ont établi une liste de 32 publications scientifiques internationales affirmant que la pêche en eau profonde n’est pas durable.

On entend dire ici ou là que les impacts de la pêche profonde sur les écosystèmes seraient limités, notamment parce que les engins passent sur des fonds sableux ou sédimentaires. Un certain nombre de chercheurs de diverses universités d’Écosse et d’Angleterre insistent sur l’importance des fonds sableux et sédimentaires pour les habitats et la nourriture des poissons, notamment les grenadiers. Ils rappellent également que plus de 3 000 espèces de coraux vivent dans les grandes profondeurs mais qu’une seule de ces espèces construit des récifs coralliens. Nous avons déjà déploré dans le passé les nombreux abus commis par le secteur de la pêche qui, en l’absence de réglementation, a provoqué la destruction rapide et spectaculaire de nombreux récifs coralliens profonds. Certes, un encadrement a été mis en place, mais il ne permet pas de protéger les écosystèmes et les espèces vulnérables. Nous disons vouloir protéger les écosystèmes coralliens profonds, mais nous ne protégerons en réalité qu’une seule espèce de corail parmi les 3 000 qui existent.

Pas moins de 70 publications scientifiques internationales démontrent les impacts du chalutage. On parle d’une pêcherie bien encadrée et bien gérée, or ce n’est pas le cas. En effet, dans 50 % des cas, les captures dépassent les quotas qui eux-mêmes ont été fixés au-delà de ce que préconisaient les scientifiques.

Parmi les prises accessoires qui sont rejetées par-dessus bord, on entend dire que le rejet du mulet noir, Alepocephalus bairdii, ne pose aucun problème dans la mesure où nous ne savons pas la valoriser. Or un article de la revue internationale Nature a signalé que la population de mulets noirs était tombée à 6 % de son niveau normal en 2002, ce qui la rend éligible au titre d’espèce menacée d’extinction selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Parmi les espèces rejetées par les navires, nous trouvons des espèces déjà menacées d’extinction comme certains requins. La pêche en eaux profondes pose également des problèmes éthiques.

Je suis surprise par les chiffres qui ont été avancés. La Commission européenne a réalisé une étude d’impact pour déterminer, sur la base des données fournies par les Nations, le nombre de bateaux concernés par les captures d’espèces profondes. Cette étude montre que 771 bateaux capturent plus de 10 % d’espèces profondes durant au moins une journée par an, mais que 11 bateaux seulement, dont une dizaine sont des bateaux français, capturent des espèces profondes plus de trois journées par an.

Nous avons analysé les comptes de ces flottes. Ils sont totalement déficitaires. Les bateaux de la Scapêche, la société centrale des armements du groupe Intermarché, sont tous déficitaires, à l’exception d’Euronord, armement basé à Boulogne-sur-Mer, qui a amélioré sa performance et s’est beaucoup désengagé de la pêche des espèces profondes.

Je peux vous garantir que tous ces éléments sont véridiques car étant une toute petite ONG, nous ne pouvons nous permettre d’avancer des informations sans les avoir vérifiées.

M. Bernard Friess. Je souhaite apporter quelques éléments pour clarifier le débat. La proposition de la Commission européenne concerne les navires qui pêchent les espèces dont la liste figure en annexe de la proposition de règlement, dont les prises dépassent plus de 100 kilos et représentent plus de 10 % de leur pêche en une seule journée.

Afin de déterminer la flotte concernée, nous avons demandé aux États membres de nous fournir les données de localisation et celles des journaux de bord électroniques de leurs navires de pêche. Nous avons traité 14 millions de lignes de données. Il en ressort qu’en 2011, sur les 37 579 navires que compte la flottille de pêche européenne opérant dans l’Atlantique, 4 456, soit 12 %, pratiquent la pêche profonde. 1 245 d’entre eux utilisent un chalut de fond ou un filet maillant. Parmi ces derniers, 935 pêchent plus de 100 kilos et 771 peuvent faire des prises représentant plus de 10 % de leur volume de pêche dans une journée. La France est assurément le pays plus concerné car la pêche en eaux profondes y est plus pratiquée que dans d’autres États membres.

Nous ne cherchons pas à détruire cette pêcherie mais à l’aider à se développer. Ces chiffres sont soumis à la discussion – une erreur n’est pas exclue – mais ils sont le signe que le projet de la Commission s’appuie sur un important travail de comptage.

Mme Geneviève Gaillard. Je suis heureuse que cette réunion permette d’aborder un sujet important et sensible qui a été ignoré pendant des années et qui surgit aujourd’hui en raison des dangers encourus par les espèces vivant en eaux profondes.

Les différentes interventions révèlent des avis contradictoires et des inconnues persistantes sur la durabilité de la pêche profonde.

Je constate que nous avons dans notre pays une faculté extraordinaire à minimiser les conséquences des atteintes à la biodiversité, qu’elle soit marine ou terrestre. Nous nous décidons à agir lorsque les dégâts sont irréparables. Il serait pourtant souhaitable de laisser aux générations futures une planète protégée.

J’ai entendu les scientifiques, les ONG et les pêcheurs. Il est légitime que ces derniers souhaitent conserver leurs emplois mais si les écosystèmes marins ne sont plus viables, il n’y aura plus rien à pêcher…

J’ai plusieurs questions : premièrement, la pêche en eaux profondes n’est-elle pas la conséquence des mesures non prises il y a plusieurs années en matière de pêche ? La diminution des ressources halieutiques, liée à leur surexploitation et à des rejets importants, n’est-elle pas le signe de la mauvaise gestion passée ? Deuxièmement, la pêche d’espèces profondes est-elle vraiment avantageuse sur le plan financier compte tenu des coûts des chalutiers ? Enfin, est-il possible d’accentuer la recherche pour disposer d’une meilleure évaluation des effets de la politique actuelle ?

Je considère que les politiques doivent s’appuyer sur les travaux scientifiques pour prendre des décisions. Ceux que j’ai entendus semblent s’accorder sur le fait que la pêche en eaux profondes n’est pas durable. Qu’en est-il ?

M. Philippe Le Ray. Je souhaite rester concret. Je ne m’aventurerai pas à commenter les chiffres qui ont été avancés.

Le débat sur la pêche en eaux profondes pose la question suivante : quel avenir pour la pêche ? On sait que, pour certains ports, une réglementation plus contraignante sonnerait presque la fin de cette activité.

Certains intervenants remettent en cause l’avis du CIEM alors que celui-ci se prononce clairement en faveur de la régulation et de la gestion des stocks.

Je souhaite souligner quelques points positifs : il faut faire confiance aux professionnels et faire appel à leur esprit de responsabilité : les pêcheurs vivent de la mer ; ils ont besoin que les ressources soient préservées pour continuer à exercer leur métier demain. Les zones protégées, qui ont été évoquées, peuvent peut-être suffire à maintenir la biodiversité ou à assurer la pérennité de certaines espèces.

Quelques questions : comment peut-on faciliter l’adaptation des engins de pêche à la future réglementation ? N’accorde-t-on pas trop d’importance à certaines ONG et à des personnes dont le militantisme – que je respecte – nuit à leur objectivité. La gestion participative n’est-elle pas une solution pour parvenir au maintien de la pêche, si tel est bien votre objectif ?

M. Bertrand Pancher. Aujourd’hui, j’ai enfin compris la cause de la cacophonie française sur la pêche qui m’interpelle depuis des années. Chacun défend des positions diamétralement opposées, les uns plaidant pour la pêche au nom de l’emploi, les autres pour son interdiction au nom du respect de l’environnement. Les différences d’analyse sont très frappantes.

Certains ont déploré l’absence de stratégie au plus haut niveau de l’État. Le Premier ministre s’est déclaré favorable à la participation de la France aux discussions européennes sur la pêche en eaux profondes dans son discours de clôture de la conférence environnementale alors que ce sujet n’était même pas inscrit au programme de la table ronde sur la biodiversité marine. Dans le même temps, le très environnementaliste ministre des transports, M. Frédéric Cuvillier, a fait connaître son opposition à l’interdiction de la pêche en eaux profondes au nom de ses lourdes conséquences socio-économiques.

La position française au niveau européen n’est guère plus cohérente. Les députés français ont voté le 4 novembre en faveur du rapport de la commission Pêche alors que l’examen par le Parlement européen de la proposition de règlement, déposée en juillet 2012, avait été maintes fois repoussé notamment parce que la France refusait d’y participer. Certains voient dans le lobby de la pêche industrielle la cause des incohérences françaises.

Quand j’entends M. Cury ou M. Duhamel, personne n’est d’accord sur rien. La première chose à faire serait de commencer à travailler ensemble. Le besoin de dialogue est criant entre les ONG, les scientifiques, les administrations mais aussi les pêcheurs. Quant à ces derniers, on peut s’interroger sur le fait que trois armateurs réalisent plus de 95 % du chalutage en eaux profondes.

Peut-on, selon vous, aboutir, malgré tout, à un diagnostic partagé qui permettrait de mettre en place les bonnes solutions ? Peut-on mener des expertises pluridisciplinaires, soutenue par tous et financée par le plus grand nombre, afin d’éviter de renvoyer dos à dos les différentes études disponibles ?

M. Patrice Carvalho. Il convient tout d’abord de dire que la pêche en eaux profondes n’est pas nouvelle puisque les flottes des pays de l’Est la pratiquent dans l’Atlantique depuis les années 60. Elle s’est développée dans les eaux européennes depuis le milieu des années 80 sous l’impulsion de la France en particulier.

La flottille française se compose d’une dizaine de chalutiers exploités à partir des ports de Boulogne-sur-Mer, Lorient et Concarneau. Un certain nombre d’espèces d’eaux profondes sont également capturées par de nombreuses pêcheries artisanales de l’Union européenne.

Pour le consommateur français, cette pratique de pêche a fait débarquer dans son assiette le grenadier, l’empereur, le sabre noir, la lingue, le flétan... des poissons devenus de consommation courante à moindre coût.

La pêche profonde est encadrée, depuis 2003, par l’Union européenne par le biais d’une réglementation qui limite les captures, qui restreint l’accès aux zones concernées aux seuls navires munis d’un permis de pêche en eaux profondes et qui renforce le contrôle et le suivi des pêcheries. Ces dispositions ont eu pour conséquences la baisse des quotas de captures, de l’effort de pêche et du nombre de bateaux.

Des questions sur cette activité restent néanmoins posées. La communauté scientifique considère que les espèces exploitées en eaux profondes ne sont pas adaptées à un taux d’exploitation élevé du fait de leur rythme biologique lent.

D’où ma première question : savons-nous estimer l’impact de l’activité actuelle sur l’évolution des espèces concernées ? Faut-il renforcer la vigilance et la réglementation ?

Ce type de pêche aurait également, selon certains, des effets néfastes sur les habitats fragiles, en particulier sur les coraux profonds et porterait donc atteinte à la biodiversité. Qu’en est-il ?

La Commission européenne a envisagé d’interdire dans un délai de deux ans le chalutage en eaux profondes. Tous les pays ne partagent pas ce point de vue, à l’instar de la France et de l’Espagne. Certains n’hésitent pas à comparer cette pratique à celle de bulldozers labourant le fond des océans ou à la déforestation en Amazonie.

Je ne suis pas dupe des enjeux économiques liés à cette pêche. Nous savons bien que les intérêts financiers sont parfaitement capables de s’affranchir des exigences environnementales.

Cette table ronde avec des spécialistes et donc utile pour obtenir une évaluation réelle du danger.

Mme Laurence Abeille. Je vous remercie d’avoir rassemblé des opinions diverses.

Nous parlons d’une pêche qui détruit des écosystèmes précieux dans les milieux marins profonds et qui menace des réserves de biodiversité.

Je m’interroge sur le revirement, dicté par des intérêts industriels pourtant mineurs, qui a conduit à revenir sur le principe qui avait été acté d’une interdiction de cette technique brutale de pêche qu’est le chalutage. Il ressort en outre des interventions que cette pêche est dénuée d’intérêt.

Le document établi par The new economics foundation est très éclairant puisqu’il envisage les conséquences pour la biodiversité mais aussi les aspects économiques et sociaux, chiffres à l’appui. Il apparaît, d’une part, que cette activité représente une part peu importante du secteur de la pêche, qu’elle est peu rentable et très subventionnée. Elle coûte cher à la société pour un intérêt économique limité voire inexistant. D’autre part, il est avéré que les fonds marins sont toujours menacés et qu’ils doivent être protégés.

Je m’étonne donc de ce revirement soudain de la commission pêche du Parlement européen et j’espère que les choses vont évoluer dans un sens plus favorable.

Je veux féliciter l’association Bloom pour sa bande dessinée qui a le mérite de faire comprendre aux citoyens de manière pédagogique et simple des choses compliquées. Mais nous ne pouvons pas nous en contenter. Il appartient aux hommes politiques de mener des actions en faveur de la biodiversité.

Il ne s’agit pas de pointer du doigt la pêche en eaux profondes mais de condamner le chalutage et les autres techniques employées qui s’apparentent à un labourage au bulldozer des fonds marins. En outre, la pêche est confrontée à des défis plus importants qui réclament toute notre attention.

M. Olivier Falorni. Je me réjouis de la tenue de cette table ronde, à quelques jours du vote du Parlement européen sur la réglementation de la pêche en eaux profondes, qui devrait, je l’espère, décrisper les positions de chacun.

D’un côté, une bande dessinée qui dénonce la pêche en eaux profondes qui affole les réseaux sociaux et donne un sérieux coup de main à la pétition de l’association Bloom dont l’appel en ligne approche désormais les 600 000 signatures.

De l’autre, les pêcheurs de grands fonds dont l’armement, pour le premier d’entre eux, emploie quelque 260 personnes, dont 220 marins et officiers, et qui a réalisé en 2012 un chiffre d’affaires de 43,9 millions d’euros pour un résultat d’exploitation de 1,4 million d’euros.

600 000 signatures en quelques jours, est-ce à dire que la forme l’emporte sur le fond ? Ce n’est pas le débat d’aujourd’hui, mais toujours est-il que nous devrons encore une fois nous poser la question du rôle des réseaux sociaux.

Le Parlement européen qui devra se prononcer le 10 décembre, étudie donc une proposition de la Commission européenne visant à durcir le système des autorisations et à supprimer progressivement les engins de pêche qui ciblent spécifiquement les espèces d’eau profonde, à savoir les chaluts de fond et les filets maillants de fond.

Aussi, depuis quelques jours j’ai lu ici et là arguments, vérités, contre-arguments et contre-vérités. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, il serait peut-être bon de dire que cette pêche pratiquée aujourd’hui est parfaitement contrôlée par les autorités et qu’elle est strictement conforme à la réglementation de plus en plus contraignante.

L’Union européenne a pris des mesures drastiques depuis dix ans en réduisant les autorisations pour certaines espèces des grands fonds, voire en interdisant la pêche pour d’autres. Le nombre de bateaux français a été divisé par trois. La France est le septième plus gros pêcheur derrière l’Espagne et le Portugal.

Sur les stocks de poissons, un document de l’Ifremer concède que la pêche en eaux profondes a connu un développement rapide et non encadré dans les années 90 qui a entraîné un déclin important des ressources halieutiques. Mais dès 2003, des quotas ont été établis pour mieux gérer les stocks jusqu’à l’interdiction de certaines espèces. L’Ifremer reprend à son compte les conclusions du CIEM et précise que l’exploitation des stocks de poissons profonds a été portée à un niveau soutenable.

Sur cette même question, j’ai lu aussi que les données sur lesquelles se base l’Ifremer sont fournies par l’industrie et concernent uniquement dix espèces de référence, ce qui peut être sujet à caution.

Ma première question qui pourrait lever toute ambiguïté est donc la suivante : sur quelle base scientifique se fonde la Commission européenne pour rédiger sa proposition de réglementation ?

Il est établi que le chalutage de fond a considérablement endommagé les écosystèmes d’eau profonde. Comment limiter les zones de pêche aux plaines de sable et de vase pour réduire cet impact néfaste sur l’écosystème ?

Enfin, s’agissant de l’emploi, 32 bateaux disposent en France de la licence pour pêcher en eaux profondes et bénéficient des subventions européennes depuis 2004. Comment envisager la reconversion de cette flotte et avec quels moyens si demain les restrictions étaient mises en œuvre ? La palangre est-elle la solution, comme le propose la Commission européenne ? Est-il exact que cette technique génère six fois plus d’emplois que le chalutage profond ?

M. Philippe Plisson. La proposition de la Commission européenne prévoit l’attribution de fonds européens à la reconversion des navires et à la préservation de l’emploi. Quelles activités alternatives peuvent être envisagées ? La pêche à la palangre a-t-elle des effets sur les écosystèmes comme certains l’affirment ? Le nombre d’emplois liés à la pêche profonde a été estimé à 200 lors du Grenelle et il serait aujourd’hui de 3 000. Ces chiffres sont-ils exacts ? Ils semblent indiquer un développement de cette activité, à l’inverse de ce qui est recommandé.

La réglementation est européenne alors que la pêche de grands fonds se pratique principalement en haute mer, donc dans les eaux internationales qui sont régies par les conventions internationales sur le droit de la mer. Est-ce qu’il ne serait pas du ressort des Nations unies de définir les conditions d’accès et de partage des bénéfices de l’exploitation des ressources marines ?

M. Gwendal Rouillard. Je suis le député de la ville de Lorient qui a le plaisir d’accueillir la Scapêche. Au vu de l’enthousiasme suscité par ce débat, je vous invite à venir visiter cette entreprise et les infrastructures portuaires.

Je vous livre quelques commentaires. 70 % du poisson consommé en France est importé. Le gouvernement français, socialiste, s’est prononcé lors de la conférence environnementale en faveur de l’encadrement de la pêche en eaux profondes. Le Premier ministre connaît le sujet, il sait les efforts qui ont été faits et ceux qui restent à accomplir. L’encadrement – chacun l’a compris – n’est pas l’interdiction.

Le Parlement européen votera le 10 décembre le compromis adopté par la commission pêche et soutenu par le PSE et le PPE.

La note de l’Ifremer de juin, que j’ai transmise aux députés socialistes, indique que 73 % des trois principales espèces – grenadier, lingue bleue et sabre noir – ont atteint le seuil de durabilité.

La pêche en eaux profondes est le navire amiral de la filière pêche de l’amont à l’aval. Le pays de Lorient, ce sont 3 000 emplois et 300 entreprises dans le secteur de la pêche. Je vous y invite de nouveau afin de vous faire découvrir nos réalités.

M. Jean-Louis Roumegas. Il me semble qu’il y a un problème de méthode. Nous ne pouvons pas admettre la controverse sur un avis scientifique, issu de la recherche publique, de la part de ceux qui ont des intérêts économiques à défendre.

Les travaux scientifiques nous alertent sur la faible résilience des stocks d’eau profonde. Ce message doit être la base de la discussion et non l’objet de la controverse. La solution proposée par la représentante du ministère de l’environnement – qui tenait plutôt le discours du ministère de la pêche – consistant à encadrer la pêche n’est pas à la hauteur des enjeux.

L’absence de cartographie fine des zones nous condamne à travailler à l’aveugle. Nous ne sommes même pas en mesure de protéger les zones côtières. Nous allons détruire des milieux que nous ne connaissons pas. Ce n’est pas acceptable.

Il faut tenir un langage de vérité qui ne peut être que celui de la reconversion vers des techniques moins destructrices. La pêche en eaux profondes est un secteur faible sur le plan économique et fortement subventionné. L’argent public ne peut pas continuer à entretenir une pêche non durable.

Mme Annick Le Loch. Je ne suis ni une experte ni un pêcheur mais je suis soucieuse de la biodiversité et de la préservation des ressources halieutiques ainsi que de l’impact socio-économique de la pêche.

J’ai conscience qu’il y a un malaise entre nous aujourd’hui. La discussion va être difficile.

Les connaissances ont évolué – l’expertise s’est améliorée et les données sont fiables. La pêche est réglementée – des mesures de gestion ont été prises, des interdictions prononcées, des licences attribuées et des ports sélectionnés pour débarquer cette pêche spécifique. L’encadrement est donc déjà une réalité.

De gros efforts ont été accomplis dans la collecte de données afin d’établir un diagnostic robuste. L’avis du CIEM le confirme et indique que l’exploitation des stocks a été amenée à un niveau soutenable. J’ai envie de faire confiance à l’expertise des scientifiques. J’ai l’impression que certains tentent de mettre en cause l’objectivité scientifique. Qu’en pensez-vous ?

Le compromis adopté par la commission pêche prévoit d’encadrer le chalutage des grands fonds en protégeant les écosystèmes vulnérables et en définissant des zones dans lesquelles l’empreinte de pêche est gelée. Ce dispositif fera l’objet d’une évaluation. J’espère que ce compromis équilibré sera adopté en séance plénière.

M. Christophe Priou. Dans un pays peu maritime comme le nôtre, nous entendons souvent des raisonnements terre à terre.

La pêche côtière a payé un lourd tribut aux restructurations. Je constate un changement de mentalité chez les pêcheurs. Les anciens pensaient qu’il y aurait toujours du poisson et que le tonnage faisait le chiffre d’affaires. Pour les jeunes, le chiffre d’affaires dépend aujourd’hui de la sélectivité et de la qualité de la pêche. Le poisson, pour certaines espèces, est devenu un produit de luxe, ce que l’on peut regretter.

Je partage l’avis selon lequel la législation devrait être internationale puisque cette pêche est pratiquée en dehors des eaux nationales.

Ce débat suscite beaucoup de passion. Je rappelle que la force de l’Assemblée tient au travail de réflexion qui y est fait. Nous avons produit d’excellents rapports, souvent approuvés à l’unanimité. Je pense notamment au rapport sur l’avenir des pêches profondes, fruit d’un groupe de travail dans le cadre du Grenelle de la mer. Il serait dommage que ces travaux consensuels restent lettre morte.

Mme Sylviane Alaux. Je veux apporter mon petit grain de sel.

Je fais partie de ceux qui se félicitent du compromis adopté par la commission pêche qui est le fruit de longs mois de travail et de nombreuses auditions. Il fallait trouver un point d’équilibre entre les préoccupations environnementales et économiques.

Depuis 2003, la pêche en eaux profondes est très encadrée. Les volumes de pêche autorisés ont été divisés par deux entre 2003 et 2006. Aux termes du texte adopté, une nouvelle évaluation devrait être faite dans quatre ans ; les zones de reproduction seront protégées.

J’ai le plus grand respect pour les scientifiques et leurs études ainsi que pour les ONG et le rôle moteur qu’elles jouent souvent. Mais je déplore le peu de place faite aux professionnels qui sont pourtant plutôt de bons élèves. Il ne faut pas diaboliser les pêcheurs. Dépassionnons le débat. Les pêcheurs doivent être pleinement associés à tous les travaux d’observation et de gestion. N’oubliez pas que la mer est leur quotidien. Ils ont eux aussi intérêt à préserver ce qui est leur gagne-pain d’aujourd’hui et de demain.

Je souhaite que le vote en séance plénière soit conforme à l’avis émis par la commission pêche.

M. Daniel Fasquelle. Après la Bretagne et la Méditerranée, je serai le porte-parole du Nord-Pas-de-Calais et de Boulogne-sur-Mer.

Nous devons tous rechercher un objectif de pêche durable qui suppose de réunir plusieurs conditions.

Premièrement, il faut des connaissances scientifiques solides. Elles existent mais il faut les approfondir et les préciser. Deuxièmement, il faut appliquer le principe de précaution aux entreprises et aux filières. Il faut se garder de mesures dévastatrices pour l’emploi qui s’avéreraient après coup inappropriées. Troisièmement, il faut nouer des rapports de confiance avec les pêcheurs. Ce sont ces derniers qui connaissent le mieux la mer. Cessez de les pointer du doigt. Ils n’ont pas intérêt à ce que les poissons disparaissent.

On connaît les pratiques des ONG. Je m’étonne qu’elles aient tant de moyens dont nous ignorons d’ailleurs l’origine. Les marins pêcheurs n’ont malheureusement pas les mêmes moyens en matière de lobbying. Mais il se trouve des députés pour les défendre.

La dernière condition de la pêche durable est d’éviter de prendre des mesures unilatérales. La France et l’Europe ne doivent pas être isolées.

Le compromis, adopté et défendu par le PPE et le PSE, est raisonnable et respectueux de la pêche durable. Je le soutiens.

M. Bernard Friess. Sur quelle base scientifique est fondée la proposition de la Commission ? Nous avons procédé à une analyse extensive de toutes les publications – je peux vous en fournir la liste – sur les effets des engins de fond sur l’environnement. Nous disposons aussi des résultats provisoires de projets de recherche européens qui ont été évoqués, comme le projet Deepfishman. Je félicite d’ailleurs les pêcheurs pour leur collaboration avec les scientifiques. Elle a permis au CIEM de donner un avis scientifique sur les possibilités de pêche reposant sur une analyse plus complète des stocks. Sur les 26 stocks en eaux profondes identifiés, nous disposons d’études scientifiques complètes pour deux d’entre eux, les autres étant encore partielles. Nous devons continuer à travailler. Il est inexact de dire que les stocks sont stables. C’est le cas pour certains d’entre eux seulement.

Quel soutien l’Union européenne peut-elle apporter à la reconversion ? Le fonds européen pour la pêche peut apporter un cofinancement pour l’adaptation des engins, la reconversion des navires ou encore la formation. Mais comme vous le savez, ces sommes sont entre les mains des autorités françaises qui gèrent les fonds structurels.

Peut-on se contenter de geler l’empreinte de la pêche profonde actuelle ? Nous ne le pensons pas parce que les zones déjà pêchées comportent aussi des écosystèmes vulnérables. Le projet Coralfish montre que les coraux peuvent se trouver partout. Vouloir sanctuariser des zones pourrait donc nous conduire très loin voire à fermer des zones de pêche actuellement exploitées.

Mme Cécile Bigot-Dekeyzer. Je réaffirme que l’état des stocks halieutiques dans les eaux de l’Atlantique dans lesquelles les navires français opèrent s’améliore. La commissaire, Mme Maria Damanaki, l’a dit devant le Conseil en juin dernier. De plus en plus de stocks sont exploités de manière durable et sont conformes au rendement maximal durable : 61 % des stocks répondent à ces exigences.

La disponibilité des données s’améliore ce qui permet au Conseil de définir des quotas sur la base de données scientifiques solides.

La politique du Gouvernement consiste à encourager une meilleure connaissance en y consacrant les moyens nécessaires et à suivre les avis scientifiques comme il l’a encore fait récemment au sein de la commission internationale sur le thon rouge.

Je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement n’a pas de stratégie sur la pêche profonde. Il plaide pour un renforcement de l’encadrement mis en place depuis 2002 et qui a porté des fruits. Il faut aujourd’hui aller plus loin pour améliorer la connaissance, l’état des stocks et la protection des écosystèmes marins vulnérables. Mais le Gouvernement considère que cette protection peut être assurée sans interdire systématiquement certains engins. L’objectif peut être atteint par le gel de l’empreinte, par l’identification précise des écosystèmes vulnérables et par des dispositifs de gestion des zones qui en possèdent.

La position du Gouvernement est en phase avec celle des organisations internationales, notamment des Nations unies et avec celle de la Commission pêche du Parlement européen. Le compromis adopté devra bien sûr être évalué comme c’est le cas aujourd’hui.

Le secteur de la pêche est très subventionné mais il ne l’est pas plus que d’autres secteurs. Les crédits publics permettent également de financer l’amélioration de la connaissance des stocks, le contrôle des pêches, la réduction de l’effort de pêche, l’amélioration de la sélectivité des engins, la sécurité à bord des navires – la pêche est l’un des métiers les plus accidentogènes au monde. Quant à la reconversion des navires, celle-ci n’est pas aisée : transformer un chalutier en palangrier ne va pas de soi car la conception même du navire est différente.

Le recours à la palangre est une idée intéressante mais il faut savoir que cette technique présente aussi des inconvénients : elle occasionne par exemple des captures de requins importantes alors que la pêche de cette espèce protégée est interdite depuis plusieurs années.

M. Guy Duhamel. Un dialogue constructif entre scientifiques, ONG et professionnels est indispensable pour améliorer la pêche profonde.

J’insiste sur un point qui a été évoqué : il faut donner aux scientifiques les moyens de travailler sur la gestion et l’approche écosystémique des stocks exploités en eaux profondes. Il serait utile que les chercheurs, aujourd’hui trop peu nombreux, puissent travailler sur ces questions afin de désamorcer les polémiques qui sont nourries par une vision empreinte de sentimentalisme.

M. Ivan Lopez. Nous partageons les objectifs de la Commission européenne mais nous n’approuvons pas les moyens qui ont été choisis pour les atteindre. Comme souvent, la Commission a consulté les ONG mais pas les gens qui vont à la mer ni les inspecteurs qui contrôlent l’application de la réglementation pêche.

Nous sommes favorables au gel de l’empreinte. Là où des indices laissent présager la présence d’espèces vulnérables, la proposition de la Commission prévoit de fermer les zones de pêche.

La bande dessinée est très sympathique mais elle colporte de grands mensonges fondés sur de petites vérités. Cela s’appelle de la démagogie !

Vous avez recueilli 600 000 signatures, fort bien. Mais je suis sûr que les soutiens au compromis adopté par le Parlement européen seraient plus nombreux. Les électeurs qui ont voté pour les partis soutenant le texte représentent plus de 600 000 personnes. Cela s’appelle la démocratie !

Sur le nombre d’emplois procuré par les différentes techniques de pêche, encore une fois vous faites de la démagogie. Si vous supprimez tous les équipements électroniques et informatiques d’une voiture, vous créez aussi des emplois.

Vous évaluez le coût des émissions de gaz à effet de serre produites par les chalutiers mais vous pourriez procéder à ce même calcul pour tous les modes de transport. L’argent public européen devrait être utilisé pour rendre les bateaux plus respectueux de l’environnement au lieu de les transformer pour pratiquer une autre pêche.

Je ne comprends pas certains arguments. Nous sommes tous d’accord pour protéger les espèces profondes et limiter les dégâts causés par l’activité humaine. Je rappelle que le texte au Parlement européen a été adopté avec 19 voix pour, quatre abstentions et aucune voix contre. Pourquoi menez-vous aujourd’hui campagne contre ce texte ?

Dans les enceintes qui débattent de ces questions, il y a une surreprésentation des ONG et une sous-représentation des professionnels qui sont de surcroît mis en accusation. Les professionnels ont dépensé 250 000 euros pour se défendre quand la fondation finançant l’association Bloom déclare un budget de lobbying de 200 millions d’euros.

M. Philippe Cury. L’histoire de la pêche est marquée par une surexploitation séquentielle des ressources, d’abord locales, puis hauturières et maintenant profondes.

La France importe 70 % du poisson consommé parce que les captures sont en chute libre à cause d’une gestion européenne catastrophique. 87 % des stocks sont surexploités en Méditerranée, 50 % dans l’Atlantique. Qu’avons-nous fait ces trente dernières années ?

À propos de l’objectivité scientifique, j’ai constaté que le succès de la gestion des pêches dans le monde repose sur une recherche solide et sur la concertation. Pourquoi la pêche profonde n’a-t-elle pas donné lieu à une expertise collégiale ?

On attaque les ONG. Mais si elles ont pris une place importante, c’est parce qu’elles s’appuient sur les travaux scientifiques, contrairement aux pêcheurs. Lors du Grenelle de la mer, lorsque le chalutage a été évoqué, les professionnels nous ont dit : « vous n’allez pas nous apprendre à pêcher ! ». Nous devons réussir à travailler ensemble.

Le CIEM indique que sur les 56 stocks profonds, trois sont durables. Vous ne pouvez pas faire dire à ces chiffres plus que ce qu’ils disent. On demande aux scientifiques de déterminer le total admissible de capture permettant d’atteindre le rendement maximal durable (RMD). On ne leur demande pas de se prononcer sur la durabilité de la pêche. Or, la gestion avec le RMD comme seule référence n’est pas assez précautionneuse pour des ressources aussi fragiles. Nous manquons de connaissance pour évaluer l’impact écosystémique de la pêche profonde.

La création d’emplois dans ce secteur est un sujet de préoccupation quand on sait que la moitié des pêcheurs ont disparu en vingt ans.

Les ressources profondes peuvent participer de la croissance bleue. Leur intérêt réside davantage dans l’incroyable potentiel de biodiversité et de génétique qu’elles recèlent que dans les quelques tonnes de protéines qu’elles fournissent…Les gisements d’emploi sont là.

Mme Hélène Bourges. Le ratio entre emploi et tonnes de poissons pêchés pour la palangre que j’ai cité est tiré du rapport annuel économique sur l’état de la flotte européenne de 2013, publié par le Comité scientifique, technique et économique de la pêche.

L’avis du CIEM prête à confusion. Il montre en effet une amélioration de l’état des stocks entre 2012 et 2013. Il est également vrai que les stocks de l’Atlantique se portent moins mal. Mais nous ne pourrons nous prononcer sur la durabilité que dans plusieurs années en vérifiant que les stocks ont retrouvé le niveau qui était le leur avant le début de la pêche industrielle. Il faut étudier une tendance sur le long terme et non pas les chiffres d’une année sur l’autre. Il en va de même que pour le chômage.

Vous êtes nombreux à faire valoir que la pêche profonde est déjà très encadrée et que les règles sont bien observées. Mais c’est bien la moindre des choses que la réglementation soit respectée ! Cet argument me paraît particulièrement inopportun.

Vous êtes nombreux à revendiquer une place pour les pêcheurs dans le débat. Elle leur est faite. Mais, lors du Grenelle de la mer, le débat sur la pêche profonde qui réunissait toutes les parties prenantes s’est déroulé dans un climat de mauvaise foi délétère. Il faudrait pouvoir poursuivre cet effort de concertation mais il y a un préalable : la transparence. Celle-ci est la condition d’un dialogue serein. Dans cette perspective, une coalition d’ONG travaillant sur les océans a demandé au ministre chargé de l’environnement de saisir officiellement le système d’information halieutique de l’Ifremer. Les données incontestables existent, il suffit d’aller les chercher.

Enfin, je note que le représentant du comité national des pêches est accompagné par deux lobbyistes qui n’étaient pas prévus dans le programme. Deux représentants de l’industrie de la pêche se sont incrustés dans cette réunion.

Mme Claire Nouvian. Il y a un désarroi sur le statut scientifique de la littérature publiée. Sur le site de l’Ifremer, figure un article sans signature qui prend position. Nous le contestons. Cet article interprète l’avis rendu par le CIEM en disant que la pêche profonde est devenue durable. Or, 32 publications scientifiques disent le contraire. Quant à l’avis du CIEM, il n’est écrit nulle part que les stocks sont conformes au RMD. Il est indiqué que le RMD pourrait être atteint si les tendances étaient confirmées. Mais ces dernières sont à prendre avec précaution car les seules évaluations dont nous disposons reposent sur les captures par les bateaux. Il n’y a pas d’évaluation indépendante de la ressource. Les chiffres des pêcheurs sont intéressants mais ils ne rendent pas compte du nombre de poissons dans la mer. Le CIEM a d’ailleurs mis en garde contre l’utilisation des données de pêche pour évaluer la biomasse. Il faut davantage d’objectivité. Les revues scientifiques internationales posent des garde-fous importants en la matière. C’est pourquoi il est essentiel de s’y référer.

Aujourd’hui, la pêche en eaux profondes n’est plus de la pêche mais de la captation de ressources publiques permettant de dégager une marge bénéficiaire. 80 % de la pêche en France est faite par des artisans ; selon nous – mais je sais que nombre de pêcheurs partagent cette conception – elle consiste à avoir un bateau, à aller chercher du poisson, à le vendre et à vivre du produit de sa pêche. En revanche, la pêche profonde est le fait de trois conglomérats industriels qui réalisent une marge sur le consommateur final. L’activité est en outre chroniquement déficitaire. Les comptes certifiés par le cabinet KPMG, une référence solide, et déposés au tribunal de commerce en témoignent. Le modèle économique sur laquelle elle repose est défaillant.

Le secteur de la pêche artisanale se tourne vers les ONG car les pêcheurs constatent avec dépit que les ressources publiques ne sont pas consacrées au maintien de leur activité et des emplois. Le rapport de la Cour des comptes sur les aides de l’État à la pêche, dont Le Nouvel Observateur s’est fait l’écho, souligne l’absence de volonté et de réflexion sur l’avenir de la pêche et la préservation des emplois alors que cette préoccupation est probablement notre seul dénominateur commun.

La réponse ne peut pas être dans le maintien d’une activité de pêche problématique sur le plan écologique et dont le modèle économique est dysfonctionnel. Ce débat n’a lieu qu’en France. Pourquoi des fonds publics devraient-ils soutenir ce genre d’activité ?

Le budget de l’association Bloom s’élevait à 100 000 euros l’année dernière, deux personnes sont salariées. Par ailleurs, je doute que les services de lobbying du cabinet GPlus Europe n’aient pas coûté aux pêcheurs plus de 250 000 euros.

M. Patrick Vincent. L’avis du CIEM dit précisément que « pour les espèces suivies dans le cadre de la réglementation, l’effort de pêche a été abaissé au niveau qui conduit au rendement maximum durable ce qui permet d’espérer restaurer, à un horizon à préciser, le stock au voisinage de la biomasse cible à l’équilibre ». Nous ne sommes pas au RMD mais la réglementation a permis d’abaisser l’effort de pêche.

Je suis fier que la littérature de l’Ifremer connaisse une telle publicité. Mais j’en tire une leçon scientifique : un même papier peut être reçu de manière différente par les lecteurs. Cela signifie que cet article n’est pas assez précis. En revanche, cet article ne prend pas position, il a une vocation pédagogique. Mais les raccourcis pour expliquer simplement des choses compliquées sont probablement trop importants. Je le dis avec humilité, nous avons encore des progrès à faire dans l’expression scientifique sur cette question.

Cet article indique que trois espèces ont atteint le RMD. Peut-on en tirer des conclusions sur la durabilité ? Il faut en déduire que pour ces stocks, les données disponibles ont permis de porter une appréciation et que pour les autres, la connaissance est insuffisante. Les scientifiques doivent continuer à travailler. Donnez-leur les moyens de le faire ! Nous avons réussi à passer d’une connaissance nulle à une connaissance imparfaite. Des efforts ont été accomplis sur l’approche halieutique de la pêche profonde mais l’approche écosystémique doit être améliorée.

Je terminerai par deux bonnes nouvelles. L’Ifremer met en place avec l’IRD une unité mixte de recherche sur les écosystèmes marins exploités. Dans le contrat que nous négocions avec l’État, le plan stratégique comporte un axe scientifique permettant d’identifier les trajectoires de développement durable de la pêche et de l’aquaculture face au changement global. La pêche en eaux profondes fera partie des questions abordées dans ces travaux.

La Présidente Danielle Auroi. Le débat a été difficile mais je remercie chacun pour ses efforts d’écoute et de dialogue, dialogue qui est appelé à se poursuivre

Le Président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie. Nous avons apprécié les échanges qui ont parfois dépassé la simple confrontation d’idées. Nous repartons avec quelques réponses et des questions que nous aurons l’occasion de poser de nouveau.

La séance est levée à 20 heures

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 26 novembre 2013 à 17 h 15

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Jacques Cresta, M. Lionnel Luca, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary

Excusés. - Mme Annick Girardin, M. Jean-Claude Mignon, M. Joaquim Pueyo

Assistaient également à la réunion. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Olivier Falorni, M. Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Gaillard, M. Michel Heinrich, Mme Viviane Le Dissez, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Hervé Pellois, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, M. Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, M. Gwendal Rouillard, M. Gilbert Sauvan, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier