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Commission des affaires européennes

mercredi 27 novembre 2013

17 heures

Compte rendu n° 101

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente Et de Mme Catherine Lemorton, Présidente de la Commission des affaires sociales

Audition, conjointe avec la Commission des affaires sociales, de Mme Pervenche Berès, présidente de la Commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen

Audition, conjointe avec la Commission des affaires sociales, de Mme Pervenche Berès, présidente de la Commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 27 novembre 2013

Présidence de Mme Danielle Auroi,
Présidente de la Commission des affaires européennes,
et de Mme Catherine Lemorton,
Présidente de la Commission des affaires sociale

La séance est ouverte à 17 heures

Audition, conjointe avec la Commission des affaires sociales, de Mme Pervenche Berès, présidente de la Commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen

La Présidente Catherine Lemorton. Je souhaite d’emblée la bienvenue à nos collègues de la Commission des affaires européennes, ainsi qu’à sa présidente avec laquelle je vais avoir le plaisir de coprésider cette réunion commune, qui constitue une première. À cette occasion, je suis particulièrement heureuse d’accueillir Mme Pervenche Berès, présidente de la Commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen.

Madame Berès, je vous remercie d’avoir accepté cette audition, et je salue votre engagement en faveur de la dimension sociale de l’Union économique et monétaire européenne. Nous aurons d’autres occasions de mener des travaux communs – à commencer par le débat qui aura lieu en séance publique, lundi prochain à dix-sept heures, sur la proposition de la directive « détachement des travailleurs ». Nous devons nous emparer de la dimension sociale de la construction européenne, qui reste aujourd’hui largement insuffisante. Ce défi s’impose à nous tous, si nous voulons que l’Europe gagne en popularité et en légitimité. D’importantes échéances électorales auront lieu en juin 2014 ; et ce genre d’initiative me paraît aller dans le sens de l’intérêt que doivent nourrir nos concitoyens vis-à-vis de l’Europe.

La Présidente Danielle Auroi. Je suis moi aussi très heureuse que nous ayons pu organiser conjointement cette réunion de travail sur un sujet particulièrement important. Nous savons en effet à quel point l’Europe sociale reste à construire.

Nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’échanger avec la Commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen sur un certain nombre de thèmes – en particulier « politique sociale et emploi ». Plus souvent les parlements nationaux dialogueront avec le Parlement européen, mieux nos textes et nos propositions seront reçus. Pour réconcilier les citoyens européens avec la construction d’une Europe unie, il faut d’abord les rassurer, et pour les rassurer, il faut construire l’Europe sociale. Il n’est plus possible, en effet, de fonder un projet politique sur la seule logique économique.

Cette Europe sociale forte, que nous appelons de nos vœux, paraît d’autant plus difficile à atteindre que le taux de pauvreté a augmenté. En 2011, 24,2 % de la population européenne était menacée de pauvreté et d’exclusion sociale. Je précise qu’au même moment, en Allemagne, plus de 16 % des citoyens touchaient moins de 980 euros par mois – soit 60 % du revenu médian de ce pays. Si c’est cela le miracle allemand, on est amené à se demander comment sortir l’ensemble des pays du Nord européen de la précarité sociale, dont les jeunes sont les premières victimes – sujet sur lequel Philip Cordery en train de rédiger un rapport pour notre commission.

De leur côté, Gilles Savary, Chantal Guittet et Michel Piron travaillent sur la directive relative au détachement des travailleurs, dont nous discuterons en séance le 2 décembre. Cette directive fait par ailleurs l’objet d’un débat au Conseil, et Michel Sapin défendra le 9 décembre la position de la France et des États qui, comme nous, souhaitent renforcer les contrôles et responsabilités, face à la Grande-Bretagne et à un certain nombre d’États membres. Il est important que nous puissions nous pencher sur cette directive, qui risque bien d’être l’un des sujets « phare » débattus à l’occasion des élections européennes.

Je ne reviendrai pas sur la dimension sociale de l’Union économique et monétaire, si ce n’est pour dire que nous devrons peut-être revoir la question des indicateurs sociaux intégrés au suivi de la situation économique et financière des États membres. La proposition faite par la Commission européenne, dans la communication du 2 octobre, ne donne qu’une faible portée à ces indicateurs. Qu’en est-il donc ? Quelle est la position du Parlement européen à ce propos ?

Par ailleurs, la perspective d’un salaire minimum européen, auquel vous tenez beaucoup – tout comme nous – semble faire son chemin maintenant que l’Allemagne s’oriente vers une mesure nationale dans ce domaine – établie par branche, et tournant autour d’une base de 850 euros, ce qui constitue un premier pas. Mais nous devons nous demander si chaque État doit avoir une référence, et comment trouver une référence commune ou une référence déclinable d’un salaire minimum européen. De même, nous pouvons nous demander s’il est possible de mettre en place un système d’assurance chômage européen, comme vous l’avez proposé.

Enfin, ayant cosigné une proposition de loi sur la responsabilité sociale des entreprises vis-à-vis de leurs filiales et de leurs sous-traitants, je voudrais savoir où l’on en est, au niveau européen, de cette question. Celle-ci a un lien évident avec la question des travailleurs détachés. De fait, le contournement de la directive relative au détachement des travailleurs passe, notamment, par des filiales fictives ou de faux sous-traitants.

Merci, Madame la présidente Pervenche Berès, de nous éclairer sur tous ces sujets, et sans doute sur bien d’autres.

La Présidente Catherine Lemorton. Madame Berès, sur une recommandation du Conseil du 5 décembre 2012, selon laquelle il fallait faire en sorte que « tous les jeunes de moins de vingt-cinq ans se voient proposer une offre de bonne qualité portant sur un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la perte de leur emploi ou leur sortie de l’enseignement formel », la « garantie jeunesse » a été créée. Ensuite, au cours des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 de l’UE, le Conseil européen s’est accordé, le 8 février dernier, sur le financement de cette « garantie jeunesse » : 6 milliards d’euros sur sept ans, à destination du jeune public très en difficulté. Où en est-on aujourd’hui ?

Mme Pervenche Berès, présidente de la Commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen. Mesdames les présidentes, c’est un grand honneur pour moi de participer à cette réunion conjointe de la Commission affaires sociales et de la Commission des affaires européennes.

Je salue tous ceux qui sont présents dans cette salle et avec lesquels je travaille depuis longtemps, d’une manière ou d’une autre. Notre échange de cet après-midi est dans le droit fil des travaux que vous avez engagés au sein de la Commission des affaires européennes – je pense, notamment, aux auditions de M. Michel Sapin ou de Mme Bernadette Ségol.

Avant d’ouvrir le débat, je voudrais rappeler quelques éléments importants. Tout d’abord, l’Europe a adopté en 2010 la stratégie « UE 2020 », ou « Europe 2020 », dont trois objectifs sur cinq relevaient du domaine social. Trois ans plus tard, les chiffres publiés par Eurostat sont sans appel : le taux d’emploi stagne à 68,5 %, alors que la cible de 75 % devait être atteinte en 2020 ; le nombre de personnes menacées par la pauvreté et l’exclusion sociale est passé de 114 millions en 2009 à 120 millions en 2011, alors que le but poursuivi était de sortir au moins 20 millions de personnes de la précarité à l’horizon 2020. Cette évolution dramatique, dont les 26 millions de chômeurs – et parmi eux, des jeunes – sont le reflet, alimente la défiance des citoyens vis-à-vis du projet européen. D’où l’importance de nous saisir de ces questions.

Certains sont tentés de faire porter la responsabilité de cette crise sociale aux compétences limitées de l’Union européenne dans ce domaine. Nous pouvons considérer que les dégâts sociaux sont d’abord causés par certaines politiques économiques menées à la suite de la crise qu’a connue, notamment, la zone euro et dont la troïka est l’incarnation la plus visible et la moins démocratique. Ces politiques révèlent, en creux, le retard qu’accuse le social face à une sphère économique européenne aux prérogatives croissantes – et renforcées par la gestion de la crise. Reste que cette situation est aussi le résultat d’un manque d’initiative de la Commission européenne en dépit du volontarisme du Commissaire László Andor. L’absence d’une nouvelle stratégie dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail est très révélatrice, de ce point de vue, des carences de cette Commission. Selon moi, c’est l’un des exemples les plus flagrants d’un défaut d’ambition d’une institution dont le Président a pourtant déclaré, lors de son discours sur l’état de l’Union en 2012, que le modèle social européen est un des éléments de la compétitivité européenne.

Renouer avec l’emploi demande une vision plus dynamique, inspirée par l’exigence d’une cohésion accrue entre les 28 États membres que compte désormais l’Union européenne, en particulier entre les pays de la périphérie et les pays du centre – plutôt qu’entre ceux du Sud et du Nord. C’est le choix de l’intégration solidaire, qui passe par des outils budgétaires efficients, par l’amélioration de certains mécanismes – ce qui nous renvoie, notamment à la directive relative au détachement des travailleurs – et par une conception nouvelle de l’arsenal social européen. Permettez-moi de développer ces trois points.

Les budgets – outils mis à la disposition de la politique sociale européenne – viennent tous d’être renouvelés, dans le cadre de la négociation sur le cadre financier pluriannuel.

Je citerai d’abord le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) et le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, qui démontrent chaque jour leur efficacité. Le soutien qu’ils ont apporté en France aux Restaurants du cœur ou aux banques alimentaires, s’agissant du FEAD, ou au groupe Renault, s’agissant du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, est l’illustration concrète de la valeur ajoutée apportée par l’Union européenne sur le front de l’emploi et de l’inclusion sociale. Je tiens d’ailleurs à rappeler que le Parlement européen est le premier à s’être prononcé en faveur, non seulement du maintien du FEAD, à un moment où certains, ici, en France, voulaient le supprimer, mais aussi à plaider pour le maintien du budget de 3,5 milliards qui lui est alloué. Ensuite, le nouveau Programme européen pour l’emploi et l’innovation sociale, issu de la fusion des projets PROGRESS, EURES, et de l’instrument de micro-financement Progress, offre un terreau fertile à l’émergence et à la dissémination d’innovation sociale sur l’ensemble des territoires. Enfin, il faut bien évidemment saluer le rôle du principal outil qu’est le Fonds social européen (FSE). Je souligne que le Parlement européen a insisté et obtenu que 20 % des fonds ainsi dépensés ou engagés puissent l’être au service de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Et dans le cadre de cette mission de levier pour la promotion de l’emploi, le FSE se voit désormais confier le cofinancement, à hauteur de 3 milliards d’euros, de l’initiative pour l’emploi des jeunes – sur un total de 6 milliards d’euros.

Cette initiative pour l’emploi des jeunes s’inscrit dans le sillon creusé par les résolutions adoptées par le Parlement européen depuis deux ans, demandant la création d’une « garantie jeunesse », et constitue une avancée significative sur le terrain de la lutte contre le chômage des jeunes, à propos de laquelle je salue le travail engagé ici par votre Commission des affaires européennes. Il s’agit d’une prise de conscience utile des risques d’une génération perdue et d’un désamour de la jeunesse au regard de la construction européenne. Mais les 6 milliards d’euros qui ont été alloués ne doivent pas être considérés comme un solde de tout compte. L’Organisation internationale du travail (OIT) nous rappelle que ce sont 21 milliards d’euros qui seraient nécessaires pour faire face à la situation que l’on connaît.

Vous avez, Madame la présidente Lemorton, évoqué les conclusions du Conseil sur cette « garantie jeunesse », qui concernait les jeunes de moins de 25 ans. À l’initiative du Parlement européen, cette limite d’âge a été portée à trente ans, pour tenir compte de la réalité que connaissent beaucoup d’États membres, notamment ceux où les jeunes sont le plus durement frappés par le chômage. Je sais que cela ne fait pas plaisir au ministre Sapin qui craint la dispersion des moyens, mais c’est la position que nous avons défendue au Parlement européen, et je ne peux que m’en réjouir.

Je voudrais attirer votre attention sur l’innovation que représente cette « garantie jeunesse ». C’est en effet la première fois qu’à l’échelle européenne est instituée une politique visant à compenser les désavantages de tel ou tel territoire dans le domaine social. Cette politique cible très précisément un mécanisme de garantie défini à l’échelle européenne, pour que des jeunes, sortis de l’éducation, de la formation ou d’un emploi, puissent, dans les quatre mois suivants, se voir offrir une nouvelle proposition.

Après les outils budgétaires, j’aborderai le second point : les mécanismes défaillants ou les législations sur lesquelles nous devons progresser.

Le premier sujet – d’actualité – est celui de la législation en matière de détachement des travailleurs, étant entendu que les objectifs affichés par la directive d’application sont de lutter contre le dumping social et d’éviter les fraudes, tout en garantissant la libre circulation des travailleurs.

La directive relative au détachement des travailleurs date de 1996. Elle est devenue une vraie question, non seulement avec l’élargissement de l’Union, non seulement avec la crise, mais aussi du fait de la jurisprudence de la Cour de justice, qui a nié la prévalence de certaines conventions collectives, dans des États membres où elles sont importantes pour définir le droit des travailleurs.

Sur le fond et dans le débat national français actuel, je crois qu’il faut être très précis et dire exactement à quel point nous en sommes. Dire qu’il faut supprimer cette directive est une folie. Car ce serait supprimer le principe selon lequel un travailleur détaché a droit, lorsque la situation est plus favorable, de bénéficier des conditions du pays hôte, à l’exception des dispositions en matière de cotisations sociales. Vouloir supprimer ce dispositif, c’est vouloir officiellement ouvrir la porte à toute forme de dumping social. Par ailleurs, j’appartiens à un groupe politique qui a fait campagne, lors de la dernière élection européenne, pour la révision de cette directive, dont nous avons effectivement besoin. En effet, sans une révision explicite de celle-ci, on ne modifiera pas la source du dumping social que constitue la non harmonisation ou la non prise en compte des cotisations sociales ; on ne progressera pas sur la question de la prise en compte d’un salaire minimum dans le détachement ; on n’avancera pas non plus – et je sais que c’est une des propositions que vous avez fort heureusement reprise au plan national – sur la mise en place d’inspections du travail à même d’intervenir dans des chantiers où il peut y avoir seize ou dix-sept nationalités mobilisées, avec autant de droits de référence. C’est bien l’enjeu d’une révision de la directive qui est à l’ordre du jour.

En attendant, le président Barroso et le collège n’ont pas voulu mettre une telle proposition sur la table durant cette mandature. D’où la proposition de directive d’application de la directive relative au détachement des travailleurs, pour essayer de compenser les principales difficultés rencontrées, notamment dans les moyens de contrôle des États membres.

Le Parlement européen, au sein de la Commission emploi et affaires sociales, a adopté, sur cette directive d’application de la directive, un mandat très ambitieux sur les deux points qui font le plus débat dans notre pays : d’une part, les mesures de contrôle qui peuvent être mises en œuvre au plan national sans avoir à en demander l’autorisation à la Commission européenne ; d’autre part, la possibilité d’instituer, de manière obligatoire, dans tous les secteurs, le principe de la responsabilité conjointe et solidaire. Sur ces deux points essentiels, le gouvernement français s’est engagé de manière très significative. Cela devrait permettre, non seulement de renverser la majorité telle qu’elle se dessinait jusqu’à présent au Conseil, mais éventuellement de l’emporter, avec une proposition qui, certes, sera moins ambitieuse que ce que le Parlement européen a voté, s’agissant notamment de la responsabilité conjointe et solidaire, mais qui, à tout le moins, permettrait d’engager la négociation.

J’ai compris, lors du sommet qui a réuni, il y a une dizaine de jours à l’Élysée, les chefs d’État et de gouvernement sur les enjeux de l’emploi des jeunes, que si rien ne se passait au Conseil européen des ministres des affaires sociales, le président Herman Van Rompuy était déterminé à évoquer le sujet au niveau du Conseil européen. Mais si rien ne se passe dans l’une ou l’autre de ces réunions, il faudra attendre la mandature suivante. Certes, nous pourrons rouvrir la discussion pour une révision de la directive, mais le peu qui était peut-être à portée de main, nous ne l’aurons pas non plus. Pour ma part, j’espère que le 9 décembre, M. Sapin parviendra à arracher de ses partenaires un accord pour définir une position commune, qui permettrait d’ouvrir avec le Parlement européen une négociation qui pourrait débuter, dans ce cas-là, dès le 17 décembre.

Le troisième point que je voudrais aborder est le plus significatif et le plus important à moyen et long terme : la dimension sociale, à proprement parler, de l’Union économique et monétaire.

Dans cet esprit, le salaire minimum constitue un socle absolument majeur. Au Parlement européen, c’est une question qui divise, comme au Conseil, mais je sens que les positions progressent. De façon très objective, on peut considérer que si l’accord de coalition entre la CDU et le SPD devait être finalisé, ce qui semble aujourd’hui en bonne voie, l’adoption en Allemagne d’un salaire minimum – là où les accords de branche n’en définissent pas – permettrait de progresser, à tout le moins au sein de la zone euro. Si une telle situation se mettait en place, nous serions dans une dynamique du type de celle qui a été créée lorsque l’on a ouvert en France le débat sur les congés payés, quelques années avant que cela devienne possible. Je sens néanmoins que certains de mes collègues s’interrogent sur la définition de ce salaire minimum, dès lors qu’elle serait assise – ce qui semble être un consensus – sur la base de 60 % du salaire médian. En effet, dans plusieurs pays, et notamment ceux où la troïka est intervenue, le salaire médian est devenu si bas que cela pourrait soulever des problèmes.

Au-delà du socle que constituerait le salaire minimum, la Commission européenne, à la suite des conclusions du Conseil européen demandant l’engagement d’une réflexion sur cette dimension sociale de l’Union économique et monétaire, a formulé une initiative. Le tableau de bord proposé, notamment par le Commissaire Andor, sur la dimension sociale de l’Union économique et monétaire, est un élément tout à fait essentiel pour rééquilibrer la grille d’analyse de la Commission et du Conseil quant aux situations de polarisation et de déséquilibre qui peuvent exister, en particulier au sein de la zone euro. Je souhaite toutefois – et nous pourrions peut-être plaider ensemble en ce sens – que les partenaires sociaux soient associés à la définition des indicateurs. En effet, on parle beaucoup de relancer le dialogue social et on oublie parfois qu’il y a là des objets très concrets auxquels ils pourraient être utilement associés. Il n’en demeure pas moins, qu’au-delà de leur définition, l’enjeu est de savoir comment ceux-ci seront utilisés. Quelles seront les conclusions tirées de l’observation retenue sur la base d’indicateurs définis en commun ?

Je terminerai sur l’enjeu de la polarisation, en particulier au sein de la zone euro. En effet, tous les travaux académiques avaient identifié une polarisation de la zone euro avant même le déclenchement de la crise, c’est-à-dire avant 2007. Et depuis 2010, on a observé que les stabilisateurs qui apparaissaient comme étant, d’une certaine manière, la « bouée de sauvetage » de la zone euro, avaient cessé de jouer pleinement leur rôle en son sein. Ce qui conduit à cette situation où, entre les pays où le chômage est le plus important et les pays où le chômage est le moins important, il y a 10 points de différence au sein de la zone euro, et 1 point de différence en dehors de la zone euro, le chômage s’aggravant plus vite au sein de la zone euro qu’en dehors. C’est une vraie source d’inquiétude. Il faut y remédier.

Certaines propositions conduisent à faciliter et à favoriser la simple mobilité des travailleurs. J’y suis favorable, car c’est un des principes clé du Traité de Rome auquel nous ne devons pas renoncer. Simplement, je ne crois pas que cette mobilité puisse être présentée comme étant la seule réponse à la crise sociale et à la polarisation des situations sociales, qui sont tout aussi dangereuses pour la survie de la zone euro que la polarisation en matière de déficit ou de dettes. C’est la raison pour laquelle je crois que les propositions qui ont été faites en matière d’union bancaire ont un intérêt majeur pour le maintien ou le retour de l’investissement dans les pays de la périphérie, et pour la fixation des créations d’emploi.

Face à la destruction des stabilisateurs automatiques, plusieurs propositions sont sur la table, comme la mutualisation de la dette ou la définition d’un budget spécifique pour la zone euro. Une troisième, que je porte avec d’autres, est à l’étude depuis quelque temps. Je veux parler de la mise en place d’une indemnité chômage minimum à l’échelle de la zone euro, destinée à permettre de compenser cette polarisation et de reconstruire, à une échelle pertinente, c’est-à-dire à l’échelle de la zone, les stabilisateurs automatiques qui nous font défaut.

À quelques mois des élections européennes, cette question de l’ambition sociale est un des symboles forts d’une Europe qui avance ou qui recule. Quelles qu’elles soient, les pistes sur lesquelles nous choisirons de nous engager au niveau européen auront un impact sur les législations que vous aurez à mettre en œuvre. Je me réjouis donc de l’occasion qui m’est donnée d’échanger avec vous sur des propositions que nous pourrions porter ensemble, que ce soit au plan européen ou au plan national.

M. Joaquim Pueyo. Je voudrais saluer l’intervention de Mme Berès, à laquelle je poserai quelques questions.

La Commission a proposé la création d’un tableau de bord constitué de cinq indicateurs sociaux et d’emploi : le taux de chômage ; le taux des jeunes ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation ; le revenu brut disponible des ménages ; le taux de risque de pauvreté ; et le taux d’inégalités. Mais concernant le régime européen d’assurance chômage, il n’y a pas eu beaucoup de propositions concrètes. Il me semble toutefois que, sur une idée développée par le Commissaire à l’emploi et aux affaires sociales et soutenue par le FMI, une communication a été faite l’année dernière sur la question, et qu’un groupe de travail s’y consacre actuellement. Pouvez-vous nous donner des informations à ce propos ?

Par ailleurs, compte tenu des énormes différences de niveaux de vie existant entre les pays, notamment ceux de la zone euro, l’institution d’un revenu minimum ne constitue-t-elle pas un leurre ? Ou alors, il faudrait que la Commission oblige chaque pays à en mettre un en place. Un revenu minimum européen serait l’idéal. C’est ce que souhaitent de nombreux Français, précisément pour éviter la concurrence déloyale. Quand une entreprise ferme, on dit que c’est à cause de l’Europe.

Enfin, Madame la présidente, je voudrais vous remercier parce que vous contribuez, par vos interventions, à faire adhérer de très nombreux Français à la cause européenne. Je crois que c’est très important, à quelques mois des élections, qui seront l’occasion, pour les eurosceptiques, de monter au créneau. Il est bon de rappeler ce que fait l’Europe, même si la situation économique est actuellement difficile.

M. Pierre Lequiller. Madame la présidente, je voudrais vous interroger sur la directive relative au détachement des travailleurs.

Nous avons adopté un rapport parlementaire qui ouvrait un certain nombre de pistes : l’information mutuelle entre États membres ; la lutte contre les sociétés dites « boîtes aux lettres », la responsabilité solidaire de l’employeur et des divers donneurs d’ordre ; l’extension des investigations sur dossiers et sur place ; l’élaboration d’une nouvelle législation européenne anti-dumping social ; la création d’une carte électronique du travailleur européen ; la mise en place d’une Agence européenne du travail mobile ; l’institution d’une double déclaration de travail détaché. Si je fais cette liste « à la Prévert », c’est pour vous dire que je suis inquiet de ce qui se passe au niveau européen. En effet, si je vous ai bien compris, le Parlement européen est beaucoup moins ambitieux que cela. Certes, la situation évolue et l’Allemagne a décidé de nous soutenir. Mais l’opposition reste assez forte au Conseil des ministres, et la question risque d’être reportée au Conseil des chefs d’État et de gouvernement. J’aimerais donc savoir sur quelles propositions se bat le Parlement européen.

Je voudrais ajouter, pour terminer, qu’il faut aussi tenir compte de considérations intérieures. On a parlé des différences de revenus mais, s’agissant de cette directive, c’est surtout la différence de cotisations sociales patronales qui est en cause. Et comme nous avons les cotisations patronales les plus élevées d’Europe, le phénomène des travailleurs détachés s’en trouve amplifié.

M. Christian Paul. Merci, Madame Berès, de faire souffler le vent du Parlement européen dans cette enceinte, et de nous apporter un écho de ses débats. Pourriez-vous nous parler de ceux qui ont porté sur le salaire minimum des salariés de l’Union ? Je m’intéresse autant au principe qu’à la méthode à adopter. Nous savons par ailleurs que les deux principales forces politiques allemandes ont conclu un accord de gouvernement, dont la question du salaire minimum constitue un point clé. Selon vous, quel impact cet accord de gouvernement pourrait-il avoir sur le débat européen ? Cette question est en effet essentielle pour nous.

M. Arnaud Richard. Madame la présidente Berès, je ne peux que me réjouir, au nom du groupe UDI, de votre venue dans cette commission, qui participe de l’intensification des relations entre nos parlements nationaux et le Parlement européen. Mon groupe s’est toujours exprimé sur son souhait de voir se réaliser une Europe fédérale, certes économique et budgétaire, mais aussi plus protectrice. L’harmonisation fiscale et sociale en Europe, le développement de l’Est du continent et la production d’une législation sociale équitable et juste, sont des conditions incontournables si l’on veut restaurer la confiance des Européens en leurs dirigeants. Ces derniers temps, l’Europe a été accusée de tous les maux, car elle n’arrive pas souvent à se faire comprendre. Les différences de standard de vie contribuent par ailleurs à cette forme de haine de l’autre. Après la campagne contre le plombier polonais, se développe la campagne contre le travailleur détaché.

Je ne reviendrai pas sur les détails de la directive relative au détachement des travailleurs, sur laquelle nos collègues, dont M. Michel Piron, ont rendu un excellent rapport. J’espère que, le 2 décembre, nous serons nombreux dans l’hémicycle pour tenter d’adopter une position commune. Je souhaiterais seulement avoir votre avis sur deux points très précis. Quelle est l’importance des fraudes à la législation européenne en matière de détachement ? Est-ce que les administrations nationales disposent des moyens nécessaires à une meilleure harmonisation des contrôles ?

Je terminerai sur quelques petites questions sur lesquelles nos collègues se sont déjà penchés : la possible création de l’Agence européenne du contrôle du travail mobile et la définition du salaire minimum de référence, à laquelle vous êtes très favorable. Mais, sur le plan pratique, comment procéder ? Estimez-vous qu’un compromis pourra être trouvé entre les États membres ? Pensez-vous que l’application aux principes du droit du pays d’accueil soit justifiée en ce qui concerne les charges sociales ? Dans le cas contraire, quelle solution permettrait de rétablir une situation plus juste, sans grever la situation de la sécurité sociale des pays d’origine ?

M. Michel Liebgott. Madame la présidente, je voudrais vous remercier encore une fois pour la visite que vous avez effectuée en novembre 2012 en région Lorraine, avec plusieurs députés européens, pour soutenir les sidérurgistes. Vous avez pu prendre la mesure du drame que vivent aujourd’hui ces régions en reconversion. Mais je voudrais aussi insister sur le fait qu’il nous faut plus d’Europe – économique et sociale – et que nous ne devons en aucun cas reculer, mais au contraire nous projeter vers l’avenir.

Nous constatons, dans notre région, que des personnes qui avaient émigré en Italie, en Espagne ou au Portugal reviennent dans leur famille parce qu’elles n’ont plus l’espoir de trouver du travail dans ces pays. À l’inverse, des Lorrains décident, au moment de la retraite, de s’expatrier vers ces pays. C’est dire si la crise est profonde. Dans un tel contexte, je me félicite les politiques menées au niveau européen, qu’il convient de renforcer. Je pense plus particulièrement au FSE, qui représente à peu près 10 % du budget de l’Union européenne, et au Fonds de développement européen régional (FEDER). À propos de ce dernier, j’ai cru comprendre que les contrats de Plan, en France, intégreraient à peu près 10 % des crédits FEDER affectés directement aux quartiers difficiles ou en difficulté. Cette solidarité européenne est plus que jamais indispensable.

J’ai participé à la commission d’enquête sur la situation de la sidérurgie, et j’ai rencontré ce matin l’ambassadeur du Luxembourg avec un certain nombre de collègues, dont Philip Cordery, ici présent. Je constate qu’il nous faudra sans doute réfléchir à des mesures protectionnistes, qui deviennent indispensables. Et ce qui est vrai dans le domaine industriel le sera peut-être aussi dans le domaine bancaire, qui semble pourtant protégé. Au Luxembourg, qui est considéré comme l’un des pays les plus riches par tête d’habitant, le nombre de banques est passé en quelques années de 146 à 140. Même dans ce domaine, la crise pointe. Aujourd’hui, les places financières comme Singapour ou Hong-Kong ne nous font aucun cadeau.

Nous avons incontestablement besoin de plus d’Europe, mais nous avons sans doute aussi besoin de mener une réflexion sur l’Europe par rapport au monde. Quelle politique adopter pour se confronter à ce monde libéral qui, petit à petit, dérégule l’ensemble des systèmes ?

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la présidente, je concentrerai mon intervention sur l’emploi des jeunes. Comment expliquez-vous que dans certains pays européens, le taux de chômage des jeunes soit à 8 %, alors que chez nous il est à 25 % ? On a tendance à expliquer la situation française par une mauvaise orientation et le refus de promouvoir l’apprentissage et l’alternance. C’est en effet dans les pays où l’apprentissage est le plus développé que le taux de chômage est le plus faible. J’aimerais donc savoir où en est l’Erasmus de l’apprentissage. Ce programme se met-il en place dans tous les pays, et notamment dans le nôtre ?

Ensuite, lorsque le dispositif de la « garantie jeunesse » a été présenté, je m’en suis réjouie. Il était en effet question de proposer à des jeunes en situation difficile des stages, une formation ou un emploi. Au même moment, on lançait en France l’expérimentation de la « garantie jeunes » qui n’a rien à voir et que j’assimilerais plutôt à un revenu de solidarité active (RSA) Jeunes. La formule européenne de la « garantie jeunesse » me plaît beaucoup, mais je n’ai pas le sentiment que ce soit celle-là qui ait été retenue dans notre pays. Nous avons en effet tendance à considérer qu’avec les contrats aidés et la « garantie jeunes », on peut résoudre les problèmes d’emploi des jeunes. Je n’ai pas le sentiment que, dans les autres pays européens, c’est cette voie-là qui ait été choisie. Pour moi, la « garantie jeunesse » est une très bonne mesure. Comment pourrait-on la « traduire en français » ?

Mme Chaynesse Khirouni. Madame, nous saluons votre engagement pour la jeunesse. Dans le cadre des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 de l’Union européenne, le Conseil européen s’est accordé le 8 février sur un financement de la « garantie jeunesse » : 6 milliards d’euros sur sept ans, à destination des jeunes de régions où le taux de chômage dépasse 25 %.

Nous l’avons rappelé, le taux de chômage des jeunes en Europe s’élève à près de 24 %. Dans un tel contexte, il est important que les jeunes ne deviennent pas une variable d’ajustement sur le marché du travail, et ne se voient pas proposer des sous-emplois qui conduisent à une précarisation.

Les jeunes sont particulièrement touchés par la crise et leur insertion professionnelle est mise à mal. Je travaille actuellement avec mes collègues sur un renforcement de l’encadrement des stages en France, qui sont trop souvent utilisés de manière abusive. J’aimerais connaître la place des stages dans le dispositif de la « garantie jeunesse », et savoir si, au niveau européen, une harmonisation de la réglementation sur les stages est envisagée. Par exemple, en France, au-delà de deux mois de stage, une gratification est obligatoirement accordée, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays de l’Union.

M. Jean-Louis Costes. Je trouve moi aussi cette initiative de réunion tout à fait judicieuse et je vous en remercie.

Madame la présidente, considérez-vous l’apprentissage comme une des solutions au chômage des jeunes, au regard de ce qui est pratiqué dans certains pays, notamment en Allemagne ?

M. Philip Cordery. Je voudrais moi aussi saluer l’action que mène Mme la présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen, dans un environnement qui n’est pas toujours facile, voire hostile. J’entends aujourd’hui les bonnes paroles, très sociales, de l’opposition. Mais dans le passé, l’action de celle-ci n’a pas été toujours de même nature, que ce soit au niveau national ou au niveau européen. Toutefois, la Commission emploi et affaires sociales a toujours travaillé pour faire en sorte que l’Europe sociale devienne une réalité, et nous lui en savons gré.

Ma première question porte sur le détachement des travailleurs. Il est essentiel que nous soyons très fermes et que nous n’acceptions pas « un accord au rabais ». Il en va de la crédibilité de l’Union européenne, comme du soutien des populations européennes aux projets portés par l’Europe. J’observe que la question du salaire minimum et celle de la directive relative au détachement des travailleurs forment un tout. Mais nous sommes un peu inquiets des prises de position des différents pays européens. Pensez-vous qu’un accord puisse être trouvé le 9 décembre ?

Ma deuxième question porte sur la dimension européenne des stages, sur laquelle nous travaillons avec Mme Khirouni. Le projet de charte européenne des stages n’est pas passé au niveau du Conseil européen. Quelle action menez-vous au niveau parlementaire ?

Ma dernière question concerne les retraites et les problèmes liés à la mobilité des travailleurs, que ce soit dans les régions transfrontalières ou à l’étranger. De plus en plus de personnes travaillent dans différents pays. Il existe bien un règlement de coordination au niveau européen, mais nous nous sommes aperçus, lors du dernier débat sur les retraites, qu’il comportait de nombreuses failles. D’un pays à l’autre, certains éléments ne sont pas pris en compte de la même façon et les trimestres sont calculés différemment. Que pourrait-on faire ? La Commission a-t-elle commencé à réfléchir à ces problèmes ? Faut-il renforcer ce règlement de coordination, pour aller vers un règlement d’harmonisation du calcul des trimestres ?

M. Yannick Favennec. Madame la présidente, la directive européenne sur le temps de travail risque de mettre en péril l’organisation de la sécurité civile dans notre pays, en raison de l’obligation d’un temps de repos journalier, qui toucherait notamment les sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers volontaires. Si l’activité de sapeur-pompier volontaire était assimilée à une activité professionnelle, le sapeur-pompier volontaire qui travaille devrait s’arrêter onze heures avant de regagner le centre de secours, et dès lors, s’arrêter onze heures avant de reprendre son activité professionnelle. En France, et notamment dans les territoires ruraux, les sapeurs-pompiers volontaires représentent 80 % des effectifs, soit 20 000 sur les 250 000 que compte notre pays. Sans volontariat, tout le système de sécurité civile de notre pays sera mis à mal. Je voudrais connaître votre sentiment sur ce sujet très sensible.

Mme Chantal Guittet. Vous avez parlé du FSE, dont 20 % de fonds sont consacrés à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Prévoyez-vous un choc de simplification en faveur des associations et, plus généralement, de toute l’économie sociale et solidaire ? Il est tellement compliqué de constituer les dossiers et les fonds arrivent si tardivement que beaucoup ne les utilisent pas.

Vous avez dit que le Parlement européen avait réussi à maintenir les 3,5 milliards du FEAD. Mais il semblerait qu’il s’agisse de 2,5 milliards plus, éventuellement, 1 milliard, ce qui n’est pas la même chose. Je voudrais savoir si vous avez une idée de la conséquence du cofinancement de ce FEAD. Selon moi, c’est une catastrophe pour les pays les plus démunis qui risquent de ne pas profiter de cette éligibilité, parce qu’ils n’auront pas les moyens de payer une participation de 15 %. J’aimerais également savoir si ces fonds seront fongibles dans le FSE ou distribués uniquement pour l’aide alimentaire ?

Ensuite, la France est un pays qui détache beaucoup. Il n’a jamais été question d’être contre la directive relative au détachement des travailleurs. Pour autant, je ne pense pas qu’il faille voter des propositions qui constituent un recul, notamment en matière de contrôle. En particulier, la liste des mesures que peut imposer un État membre sera-t-elle ouverte ou fermée ?

Enfin, si la responsabilité conjointe et solidaire existe déjà dans notre droit français, elle n’existe pas dans le droit européen. Là-dessus, il faut rester très ferme. Sinon, inutile de réviser la directive.

M. Jean-Patrick Gille. À mon tour de vous remercier pour cette initiative. Mieux vaut organiser ce type d’échanges que de s’en prendre à la Commission européenne.

Je commencerai par la « garantie jeunesse », qui commence à se dessiner. Que notre collègue Le Callennec se rassure : la « garantie jeunes » qui vient d’être lancée est un dispositif distinct de celui de la « garantie jeunesse ». Reste que nous sommes un peu dans le brouillard. Cette « garantie jeunesse » concernerait les régions où le chômage dépasse 25 %. Or il semblerait que les représentants du Gouvernement, avec lesquels nous avons pu échanger, caressent l’espoir que les sommes dégagées viennent financer des dispositifs globaux. Qu’en est-il ? Plus généralement, ne pensez-vous pas qu’il serait opportun que, parfois, les régions soient chargées de gérer directement les dispositifs ?

Je continuerai par l’ambitieux projet d’une assurance-chômage et d’un SMIC européen, ou d’une indemnité chômage minimum. Mais à titre personnel et en tant que présidente de commission, pourriez-vous nous dire où en est la question du coût du travail entre les différents pays ? Car c’est bien ce qui est en jeu.

Je terminerai sur le SMIC. Si on va vers un SMIC européen, ce qui est mon souhait, se posera la question de l’institution d’un SMIC jeunes, ce qu’en revanche je ne souhaite pas. A-t-on engagé une réflexion au niveau européen à ce propos ?

M. William Dumas. Madame la présidente, l’Europe a décidé de dégager une enveloppe de 6 milliards pour lutter contre le chômage des jeunes. Ma région, le Languedoc-Roussillon, est malheureusement classée parmi les dix premières région de France touchées par ce fléau. Pouvez-vous nous préciser quand ces fonds seront débloqués ?

Ma seconde question concerne l’orientation des fonds européens 2014-2020 et leur programmation. L’objectif de ces fonds est, notamment, le renforcement de la compétitivité, la création et la préservation de l’emploi. Les collectivités locales des régions rurales et semi-rurales s’inquiètent des conséquences d’une perception purement mathématique de la région, d’une analyse qui ne s’appuierait que sur des chiffres globaux, sans traduire les disparités démographiques, économiques ou numériques de ces vastes territoires. Afin d’éviter cet inconvénient, ne serait-il pas opportun de prendre en compte des affectations qui ne reposeraient pas seulement sur le PIB par habitant, mais également sur la réalité des territoires qui composent ces régions ?

Mme Pervenche Berès. Je vous remercie pour toutes ces questions qui permettent d’aller au fond des quelques éléments que j’ai pu mettre sur la table.

Monsieur Pueyo, au Parlement européen, nous avons réagi à ces propositions d’indicateurs en indiquant d’ores et déjà qu’il y avait peut-être d’autres indicateurs à prendre en compte. Je pense tout particulièrement à celui qui a été le plus relayé parce qu’ayant été à l’origine d’une interpellation de la part de nombreuses ONG : la pauvreté des enfants, qui est très significative, notamment, de la polarisation. Pour ma part, je continue à penser que si ces indicateurs doivent voir le jour et être utilisés effectivement dans la procédure d’examen des déséquilibres macro-économiques, la fameuse MIP, ils devront faire l’objet d’une élaboration en consensus, y compris avec les partenaires sociaux. Je crois que c’est la meilleure manière de procéder.

Sur la question de l’indemnité chômage minimum, je serai très franche : c’est une idée sur laquelle je me suis engagée depuis un certain temps et à propos de laquelle j’ai pu organiser avant l’été, au sein de la Commission emploi et affaires sociales, une audition d’un très haut niveau – étude disponible sur internet et à laquelle je vous invite à vous reporter. Étaient présents : un membre du cabinet de M. Moscovici, qui a maintenant rejoint une université aux États-Unis ; un expert allemand ; un collègue des universités du Portugal ; un membre des services de M. Andor, qui travaille sur ce sujet. Nous avons pu observer très sereinement quels sont les enjeux de ce débat, pourquoi il est posé et quelles sont les pistes de réflexion à partir desquelles on peut progresser. Il ne s’agit évidemment pas de se substituer à la négociation entre les partenaires sociaux, ni d’harmoniser entièrement les dispositifs d’indemnité chômage, qui font partie des éléments de cohésion nationale dans beaucoup d’États membres et ont une symbolique très forte, mais bien de définir un socle commun minimum permettant, notamment, de corriger les effets de la polarisation lorsqu’elle est trop forte.

J’ai également demandé à notre unité d’analyse de la valeur ajoutée européenne d’examiner cette question. Le Commissaire Andor lui-même avait pu, à la fin de l’année dernière, lorsque la Commission avait mis sur la table une communication – qu’on a appelé le « Blue Print » – en faveur d’une véritable Union économique et monétaire, instiller des propositions en ce sens. Mais depuis l’été, une forte résistance s’est manifestée. Elle est fondée sur l’idée qu’une telle proposition se substituerait à d’autres qui sont déjà sur la table comme, par exemple, celle d’un budget de la zone euro. Lorsque le Commissaire Andor a voulu réintroduire cette proposition dans la communication de la Commission sur la dimension sociale de l’Union économique et monétaire, nous avons assisté à un bras de fer entre la DG ECFIN et la DG Emploi. Certains ont mis en avant que toute évolution en ce sens nécessiterait une réforme des traités. Quand on commence à dire qu’il faut réformer les traités avant de pouvoir faire quoi que ce soit, c’est bien qu’on n’a pas tellement envie de le faire.

Il y a donc un vrai débat, mais je crois qu’il faut le nourrir et le poursuivre. Je continue à penser, avec d’autres, que la divergence en matière sociale est tout aussi insoutenable pour la zone euro que la divergence en matière de déficits ou de niveaux d’endettement.

Sur la question du revenu minimum, il y a des différences entre États membres. Mais je note que vous avez évoqué le « revenu minimum », et non pas le « salaire minimum », ce qui est encore plus ambitieux. Je pense, pour ma part, que la question du revenu minimum est posée. Selon moi, l’une des raisons pour lesquelles nous avons tant de poches de pauvreté est que nos mécanismes de protection sociale ne permettent pas d’aborder toutes les nouvelles situations qui se sont créées ; la nature du chômage a en effet radicalement changé. Lorsque j’ai été interrogée par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, j’ai indiqué que nous devions partir du constat que tout notre système de protection sociale est hérité de ce qui existait avant l’institution de la sécurité sociale. Notre système est un système d’assurance sociale, où les droits sont liés au statut de travailleur ou de salarié. La question qui se pose aujourd’hui, en raison de l’évolution de la nature des modèles économiques et des relations du travail, est plutôt celle du revenu minimum, et donc des droits attachés non pas au salarié mais au citoyen. Je n’ai toutefois aucune prétention de résoudre cette question à l’échelle européenne, alors même que dans un pays comme le nôtre, ce débat n’est qu’embryonnaire. Pour autant, je salue votre ambition.

En attendant, je pense qu’il faut faire le détour par le débat sur le salaire minimum, qui est plus urgent. Mais comment le calculer ? Lorsque l’on dit que le salaire minimum doit représenter 60 % du salaire médian, cela pose un problème. Par exemple, nos amis portugais m’ont fait remarquer que ce n’était pas suffisant.

Je pense en outre – et je réponds ainsi à M. Paul – que si l’Allemagne adopte le principe d’un salaire minimum, il ne sera pas défini par la loi comme c’est le cas en France. Les conditions de la négociation salariale font partie des traditions que nous devons respecter. Nous n’accepterions pas que Bruxelles nous impose une définition du salaire minimum par branche. Ne faisons pas aux autres ce que nous ne voudrions pas que l’on nous fasse. Ce qui compte, c’est que chaque État membre trouve les voies et moyens de définir ce salaire minimum.

J’observe que la convergence est une vraie question. Les Grecs nous font remarquer que lorsqu’ils étaient rentrés dans la zone euro et dans l’Union européenne, tout le monde avait mis en avant la convergence « vers le haut », mais qu’aujourd’hui la troïka leur impose une convergence « vers le bas ». On peut même parler de divergence, puisque la première chose que demande la troïka, c’est la diminution du salaire ou du niveau des retraites. Il nous faudra aborder ensemble lucidement cette question.

Monsieur Lequiller, vous avez évoqué la directive relative au détachement des travailleurs. Comme vous le savez, j’ai eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises avec Gilles Savary et Chantal Guittet sur ce sujet, et je me réjouis que certaines des propositions que j’avais formulées – notamment en matière d’inspection du travail ou d’inspection volante à l’échelle européenne – aient été reprises. Mais le niveau d’ambition qui a été défini par votre Commission des affaires européennes et qui est celui de la proposition de loi qui sera discutée lundi, n’est pas partagé au niveau européen. De manière très réaliste, nous sommes en train d’essayer d’arracher un compromis pour avancer sur la « petite » proposition de la Commission Barroso. Il ne s’agit pas d’une directive de révision de la directive relative au détachement des travailleurs, mais d’une directive d’application de la directive relative détachement des travailleurs. L’objectif est : d’une part, de permettre aux États membres d’accroître leurs moyens de contrôle en définissant ce qu’est un travailleur détaché, et en précisant les conditions dans lesquelles l’entreprise intervient pour détacher les travailleurs ; d’autre part, d’introduire le principe de la responsabilité conjointe et solidaire. Ce principe existe en droit français, mais l’enjeu est d’en faire un principe applicable partout en Europe, et obligatoire, en liaison avec le détachement. C’est là-dessus que se bat M. Sapin. J’espère qu’il obtiendra une majorité en ce sens lors du Conseil du 9 décembre. Bien sûr, cela n’épuisera pas le sujet. Mais engrangeons au moins ce que l’on peut engranger, et continuons la bataille sur les autres volets. Celle-ci sera alimentée, notamment, par les propositions que vous avez faites ici, en tant qu’Assemblée nationale.

Le Parlement européen est-il moins ambitieux ? Très honnêtement, sur les deux articles clés – sur la liste à partir de laquelle les États membres peuvent exercer leur contrôle et sur la responsabilité conjointe et solidaire – le mandat du Parlement européen est le plus ambitieux que j’ai vu. Et ma question est de savoir comment nous maintiendrons ce niveau d’ambition lorsque nous entrerons en discussion avec le Conseil.

Sur les autres points, la majorité qui s’est dégagée au Parlement européen, notamment sous l’influence de la rapporteure, une collègue polonaise du PPE (Parti populaire européen), ne correspond pas à ce que nous souhaitons. C’est la raison pour laquelle le groupe auquel j’appartiens au Parlement européen a voté contre le résultat final de la négociation relative à la définition du mandat.

Plusieurs d’entre vous sont revenus sur la question des cotisations sociales. De fait, si l’on a demandé une révision de la directive relative au détachement des travailleurs, et pas uniquement une directive d’application, c’était pour soulever cette question. Mais que proposer ? Une harmonisation généralisée des définitions de cotisations sociales ? Je ne crois pas. Nous devrons trouver comment nous organiser. Nous venons de conclure hier soir, après dix ans de négociations, dont huit ans de blocage au Conseil, la négociation de la directive sur la portabilité des droits à pension, et nous devrions également progresser en matière de portabilité des droits sociaux. Mais comme vous pouvez l’imaginer, c’est une affaire de longue haleine.

À propos du salaire minimum, et pour revenir sur la question de M. Paul, j’ajouterai que c’est un élément tout à fait essentiel, qu’il faut relier au débat sur la dimension sociale de l’Union économique et monétaire. Ce débat a été lancé à deux reprises, notamment à l’initiative de la France, au Conseil européen. Il sera peut-être ouvert en décembre, mais risque d’être reporté à nouveau, tant que le gouvernement allemand ne sera pas installé. Il n’en demeure pas moins que la communication que la Commission a mise sur la table évoque la question des stabilisateurs automatiques et des indicateurs, mais pas celle du salaire minimum. Nous devons donc absolument plaider pour que la question du salaire minimum soit considérée comme faisant partie du débat sur la dimension sociale de l’Union.

Monsieur Richard, vous vous êtes exprimé sur la question des fraudes au détachement et M. Lequiller sur les entreprises « boîtes aux lettres ». C’est tout l’enjeu de la directive. Chacun connaît ces agences d’intérim qui sont créées dans des pays où les cotisations sociales sont faibles, et qui font semblant de détacher des travailleurs en France. Même des entreprises françaises procèdent de cette façon. Encore une fois, l’un des objets de la directive d’application est de permettre un contrôle effectif de ces entreprises boîtes aux lettres.

Vous vous êtes interrogé également sur les moyens mis à la disposition des administrations nationales pour lutter contre ces fraudes. Je considère que, dans ces affaires, il faut se battre sur les deux fronts. Certaines actions doivent être menées au niveau européen, et d’autres au niveau national. La réflexion que le ministre du travail a engagée ici sur le renforcement des moyens de l’inspection du travail est une vraie question mais, en tant que députée européenne, il ne m’appartient pas de juger.

Monsieur Michel Liebgott, je vous remercie d’avoir rappelé l’échange que nous avons eu à Fleurange, qui fut un moment important. Je participe à la table ronde que le M. Antonio Tajani, commissaire à l’industrie et à l’entrepreunariat, a lancée à la suite des initiatives que j’avais prises, avec les syndicats européens du secteur, en faveur de la mise en place d’une table ronde de l’acier. Mais la question des mesures de protection, telle que vous la posez, n’y fait pas consensus. Par exemple, à plusieurs reprises, j’ai indiqué qu’il faudrait traiter de la taxation écologique aux frontières. Or on ne l’a pas fait. La majorité des représentants de la production sidérurgique plaide au contraire pour la diminution des contraintes en matière environnementale ou sociales au sein de l’Union européenne, plutôt que pour l’affirmation de cette notion de protection.

Je ne suis pas protectionniste, mais je pense que l’Europe doit retrouver sa capacité à protéger ses citoyens car, sinon, ils vont se retourner contre elle. Il y a donc une dialectique à mettre en place, y compris en matière de politique industrielle. Si, au niveau européen, le débat sur la politique industrielle tourne uniquement autour des éléments de la compétitivité, réduits à la question du coût unitaire du travail, sans même que soit évoquée la question de la productivité, nous n’en sortirons pas gagnants. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je vous invite à suivre avec beaucoup de vigilance l’évolution de la négociation sur le Traité transatlantique.

Mme Le Callennec m’a parlé du niveau du chômage en Europe, comparé à celui d’autres États membres, y compris les États voisins. Pour ma part, j’observe de très grandes différences : d’une part, le niveau d’investissement du secteur privé est très en déficit dans notre pays ; d’autre part, s’agissant de l’engagement des partenaires sociaux en faveur de l’apprentissage, et cela me donne l’occasion de répondre à M. Costes, une vraie marge d’amélioration existe dans notre pays.

Avant de faire les propositions en matière de « garantie jeunesse » et de relance de l’apprentissage, j’ai regardé là où le système fonctionnait le mieux. Partout où il fonctionne bien, la qualité du dialogue social est tout à fait exceptionnelle et les entreprises s’engagent. Elles définissent leurs besoins et proposent des postes d’apprentissage après avoir dialogué avec les syndicats. Maintenant, quand et comment la « garantie jeunesse » rentre-t-elle en vigueur ? Quand trois éléments sont sur la table : la base législative, et c’est le cas ; le vote du budget pluriannuel, et il a eu lieu ; enfin, après que les États membres ont envoyé leur propre programme de travail. À la suite du sommet sur l’emploi des jeunes qui s’est tenu à l’Élysée il y a une dizaine de jours, l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement présents se sont engagés à déposer avant le mois de décembre ces plans, qui devront ensuite être validés par la Commission pour permettre l’engagement des fonds.

Madame Khirouny et monsieur Gille, j’attire votre attention sur une difficulté : lorsque la Commission définit un taux de 25 % de chômage au niveau des régions, cela ne correspond pas aux poches de chômage auxquelles nous devons faire face. J’ai fini par comprendre pourquoi : les organes statistiques européens – y compris français – raisonnent sur la base d’une définition du chômage qui est celle arrêtée par le Bureau international du travail – la même dans tous les États membres. Les données à partir desquelles Eurostat travaille, c’est le chômage collecté par les instituts statistiques, par sondages, au niveau de la région. Mais cette méthode par sondages s’applique difficilement sur des territoires de plus petite dimension, par exemple au niveau du bassin d’emplois ou du territoire : les chiffres ne sont pas assez significatifs. En revanche, les informations qui remontent au ministre, à travers les données collectées par Pôle emploi, donnent une photographie immédiate de la réalité du chômage sur les territoires. C’est un problème de définition statistique, d’affinement de l’outil d’analyse sur lequel nous devrons sans doute nous pencher.

Une des questions de M. Philip Cordery portait sur l’encadrement des stages. Il faut savoir que le Commissaire Andor doit mettre sur la table une proposition en ce sens dans les jours qui viennent. Je note que les partenaires sociaux avaient été sollicités pour définir éventuellement entre eux un accord cadre dans ce domaine et que le patronat ne l’a pas souhaité. Fera-t-on un « copier coller » de ce qui existe en France ? Sûrement pas. Pourra-t-on définir quelques lignes directrices permettant d’encadrer effectivement les stages ? Je crois que c’est ce que nous devons essayer de faire.

Sur le détachement des travailleurs, notre collègue Philip Cordery a dit que nous ne devions pas accepter d’accord au rabais. C’est tout à fait la position du groupe socialiste au Parlement européen. Cela signifie que l’accord qui sera conclu le 9 décembre sera difficile à faire accepter comme suffisant par notre groupe.

Sur les retraites, je rappelle que nous venons de conclure la négociation sur la portabilité des droits à pension. C’est une négociation très importante, qui a été très difficile à arracher au Conseil. Je rappelle aussi que le règlement de coordination des régimes de sécurité sociale est revu régulièrement et qu’il est donc possible de soulever les problèmes lorsqu’ils apparaissent. Faut-il s’engager vers une définition harmonisée des trimestres ? Vu la nature des débats qui se déroulent en France, je ne proposerais pas cela comme une piste pour résoudre, dans l’immédiat, les problèmes qui se posent à nous. La portabilité des retraites devrait déjà en résoudre un certain nombre.

Monsieur Favennec, la directive sur le temps de travail, qui a beaucoup mobilisé les sapeurs-pompiers, est aujourd’hui totalement enterrée. Les partenaires sociaux n’ont pas réussi à rouvrir la négociation, et comme la Commission avait laissé aux partenaires sociaux la possibilité de trouver une solution pour une reprise de cette directive, celle-ci n’est pas à l’ordre du jour.

Mme Guittet appelle de ses vœux un « choc de simplification », s’agissant des fonds du FSE. Mais nous devons balayer devant toutes les portes : il y a des responsabilités au niveau européen comme au niveau national, et la question des doubles contrôles est souvent une question nationale.

L’exigence de gouvernance des fonds européens est forte, s’agissant notamment du Fonds social européen dont les enveloppes sont souvent très petites. Il n’en demeure pas moins que, dans ma région, l’Île-de-France, qui n’est pas la plus sous-administrée d’Europe, les règles de gouvernance européenne obligent parfois à revisiter dans le bon sens certaines règles nationales – en termes d’analyse des résultats et de définition des objectifs. Je regrette aussi que lorsque le Parlement européen, à l’occasion de cette nouvelle programmation, a défendu l’idée que l’on puisse consacrer une partie de ces fonds à améliorer et à soutenir la capacité administrative des régions, le Conseil s’y soit systématiquement opposé.

Par ailleurs, la programmation, telle qu’elle est aujourd’hui sur la table, mobilise les 3,5 milliards du Fonds européen d’aide aux plus démunis. Mais ces 3,5 milliards ne sont pas fongibles dans le Fonds social européen. Cinq États ont demandé à pouvoir bénéficier, dans le cadre de ce Fonds d’aide aux plus démunis, d’une programmation qui serait davantage fléchée sur les travaux d’inclusion sociale que sur l’aide alimentaire et/ou en matériel. Ceux-là devront appliquer des règles, en termes de gestion et de contrôle, qui ressemblent aux règles du Fonds social européen, même si elles sont allégées. Mais cela ne concerne pas ceux qui émargent à l’aide alimentaire pure.

Monsieur Gille, la gestion en région du dispositif « garantie jeunesse » se règlera au plan national. L’Europe n’interfère pas dans cette question. Ensuite, c’est bien le coût du travail entre États membres qui est en jeu, quand on parle indemnité chômage et salaire minimum. Il ne s’agit cependant que de définir un minimum, un tout petit socle. Mais si on y parvient, cela aura un impact considérable en termes de stabilisateurs automatiques. Enfin, en est-on déjà à discuter d’un SMIC Jeunes ? La réponse est « non ». Chaque jour suffit à remplir l’escarcelle des combats européens que nous devons mener.

Monsieur Dumas, je vous ai déjà répondu à propos du déblocage des fonds pour l’emploi des jeunes. Et je vous précise que lorsque nous avons adopté la nouvelle base législative en matière de Fonds social européen, nous nous sommes battus, avec succès, pour qu’il soit possible de tenir compte des disparités de territoires, et notamment des handicaps que connaissent les populations en milieu rural.

La Présidente Catherine Lemorton. Madame la présidente de la Commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen, cette réunion commune avec la Commission des affaires européennes, était une première, et une initiative heureuse.

Mon sentiment est que nous sommes bien représentés. Le message que vous véhiculez, vos engagements, votre volonté d’aboutir et d’améliorer la situation de l’emploi, notamment celui des jeunes, me paraissent en adéquation – presque totale – avec M. Michel Sapin, notre ministre du travail et de l’emploi. Le fil rouge de ce gouvernement est en effet de remettre le plus grand nombre possible de citoyens au travail, malgré la conjoncture actuelle.

La Présidente Danielle Auroi. À mon tour de remercier Madame la présidente de la Commission des affaires sociales du Parlement européen. Quand on échange, on enrichit le débat. Vous le savez, la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale s’efforce de jouer un rôle d’interface entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Plus nous nous rapprocherons des échéances du printemps, qui sont des échéances électorales lourdes, plus nous aurons à expliquer que même si elle n’est pas parfaite, l’Union européenne est encore ce qui protège le mieux le citoyen européen.

La séance est levée à 18 h 35

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 27 novembre 2013 à 17 heures

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Philip Cordery, M. William Dumas, M. Jean-Patrick Gille, Mme Chantal Guittet, M. Pierre Lequiller, M. Arnaud Leroy, M. Joaquim Pueyo, M. Arnaud Richard

Excusés. - Mme Annick Girardin, M. Jean-Claude Mignon

Assistaient également à la réunion. - M. Gérard Bapt, Mme Kheira Bouziane, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Yannick Favennec, Mme Sandrine Hurel, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Michel Liebgott, M. Christian Paul