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Commission des affaires européennes

mercredi 17 septembre 2014

14 h 15

Compte rendu n° 155

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

Réunion interparlementaire sur la protection des données personnelles

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

date

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 14 h 15

La présidente Danielle Auroi. Chers collègues, je vous soumets la proposition de déclaration sur le parquet européen telle qu’amendée par nos débats de ce matin, ainsi que la liste des signataires.

« Déclaration commune relative a la proposition de règlement du Conseil portant création du parquet européen (COM[2013] 534 final), signée à titre personnel par des parlementaires issus de parlements nationaux de l’Union européenne.

« Les représentants de trois parlements nationaux (seconde Chambre des Pays-Bas, Chambre des Communes du Royaume-Uni et Riksdag suédois), présents à cette rencontre, n’ont pas souhaité s’associer à cette proposition.

« Les parlementaires représentants de 16 parlements nationaux de l’ Union se sont réunis le 17 septembre 2014 à l’Assemblée nationale pour examiner cette proposition de règlement.

« L’institution d’un Parquet européen pour renforcer la lutte contre la délinquance financière au détriment de l’Union européenne, qui est rendue possible par l’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, doit être soutenue et doit pleinement tenir compte des positions et des principes fondamentaux défendus par les parlements nationaux.

« La proposition de règlement du Conseil portant création du parquet européen (COM[2013] 534 final) a été largement débattue au sein des parlements nationaux et a fait l’ objet d’une procédure dite de « carton jaune » au titre de la subsidiarité, 14 chambres nationales ayant juge la proposition de règlement contraire au principe de subsidiarité.

« Les signataires de la présente déclaration commune estiment que le Parquet européen devrait être institué sous une forme collégiale, composée de membres nationaux issus de leurs systèmes judiciaires respectifs. Le Parquet européen devrait disposer, non pas d’une compétence exclusive, mais d’une compétence partagée avec les autorités judiciaires des États membres, assortie d’un droit général d’évocation. Plusieurs dispositions clés de la proposition de règlement, telles que le contrôle juridictionnel des actes d’enquête et de poursuite du Parquet européen, l’admissibilité des preuves et les règles de prescription sont lacunaires et doivent faire l’objet d’un travail plus approfondi.

« Il convient de souligner que les travaux menés à ce propos au Conseil de l’ Union européenne sous la présidence grecque vont dans la bonne direction et qu’il est souhaitable que les travaux soient poursuivis sous présidence italienne. Les négociations en cours devraient veiller à assurer l’indépendance, l’efficacité et la valeur ajoutée du Parquet européen. »

La liste des signataires est à ce stade la suivante :

- Luminiţa-Pachel ADAM, Chambre des députés de la République de Roumanie,

- Vilija ALEKNAITE ABRAMIKIEN., Seimas de la République de Lituanie,

- Marc ANGEL, Chambre des députés du Grand-Duché de Luxembourg,

- Danielle AUROI, Assemblée nationale de la République française,

- Vannino CHITI, Sénat de la République d’Italie,

- Johannes FECHNER, Bundestag de la République fédérale d’Allemagne,

- Christian FULLER, Conseil fédéral de la République autrichienne

- Marietta KARAMANLI, Assemblée nationale de la République française,

- Josip KREGAR, Parlement croate,

- Renate KUNAST, Bundestag de la République fédérale d’Allemagne,

- Jérôme LAMBERT, Assemblée nationale de la République française,

- Charles de LA VERPILLIERE, Assemblée nationale de la République française,

- Pierre LEQUILLER, Assemblée nationale de la République française,

- Viviane LOSCHETTER, Chambre des députés du Grand-Duché de Luxembourg,

- Marie-Christine MARGHEM, Chambre des députés du Royaume de Belgique,

- Bogdan NICULESCU DUVĂZ, Chambre des députés de la République de Roumanie,

- Joaquim PUEYO, Assemblée nationale de la République française,

- Patrick SENSBURG, Bundestag de la République fédérale d’Allemagne,

- Michaela STEINACKER, Conseil national de la République d’Autriche,

- Jean-Pierre SUEUR, Sénat de la République française,

- Volker ULLRICH, Bundestag de la République fédérale d’Allemagne,

- Jean-Jacques URVOAS, Assemblée nationale de la République française,

- Kyriakos VIRVIDAKIS, Parlement grec,

- Veli YÜKSEL, Chambre des députés du Royaume de Belgique.

Mme Marie-Christine Marghem, présidente de la commission de la justice de la Chambre des représentants (Belgique). Je souhaiterais m’associer à titre personnel à cette déclaration. Il en est de même pour mon collègue M. Veli Yüksel.

Mme Michaela Steinacker, présidente de la commission de la justice du Nationalrat (Autriche). (Interprétation de l’allemand.) A titre personnel, je signerai cette très bonne proposition en espérant ainsi parvenir à une solution satisfaisante.

M. Pierre Lequiller. La formulation choisie pour distinguer le nombre de parlements présents et ceux qui approuvent la déclaration me semble trop ambiguë.

M. Bogdan Niculescu Duvăz (Roumanie). Il doit être clair dans le texte de la proposition que les représentants des douze parlements signent à titre personnel.

La présidente Danielle Auroi. Cette précision figure bien dans le texte.

Je vous indique que le secrétariat vous transmettra le texte et la liste des signataires dès demain, pour observations éventuelles, et que des signataires supplémentaires pourront s’ajouter encore à la liste actuelle s’ils le souhaitent.

Je vous propose d’en venir maintenant au « paquet » législatif relatif à la protection des données personnelles. La déclaration que nous proposons n’a pas la même précision que celle sur le Parquet européen car le processus législatif est moins abouti.

Notre commission souhaite que ce paquet législatif reste ambitieux afin d’éviter un nivellement par le bas.

Certaines délégations ont exprimé leur préférence pour une directive. L’Assemblée nationale s’est en revanche réjouie que ce texte prenne la forme d’un règlement.

La plupart des parlements regrettent le recours trop fréquent à la comitologie. Notre devoir est de rester très vigilants sur cette question très technique qui peut cacher des choix politiques fondamentaux.

L’adoption concomitante des deux textes – la proposition de règlement et la proposition de directive sur le traitement des données par les autorités judiciaires et de police – aurait une forte valeur symbolique du fait de la complémentarité des sujets.

Enfin, la neutralité technologique des textes doit être respectée. Nous n’avons pas souhaité que la déclaration soit trop précise au risque d’être rendue rapidement obsolète par les évolutions technologiques.

Les études démontrent l’intérêt des citoyens pour internet et pour la protection des données. Selon une consultation récente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), 86 % des internautes français vérifient si des données les concernant sont diffusées sur internet. Peut-être les Français sont-ils très sourcilleux, mais cette préoccupation me semble partagée par l’ensemble des internautes européens : 17 % considèrent que la diffusion des données personnelles a une incidence sur leur vie personnelle et professionnelle qui n’a pas lieu d’être.

Ce sujet sensible préoccupe nos concitoyens. La proposition européenne n’a de sens que si elle édicte des principes clairs, chaque pays disposant ensuite d’une marge d’ adaptation.

Mme Marietta Karamanli. Notre assemblée s’est prononcée sur ce texte dès sa publication en 2012 par le biais d’une résolution européenne. J’ai souhaité en mai dernier que nous nous prononcions à nouveau sur ce paquet législatif, au vu des nombreuses évolutions intervenues depuis deux ans.

Notre commission considère que la proposition de règlement est ambitieuse – et qu’il est nécessaire d’être ambitieux lorsque l’on parle de protection des données !

Cette proposition est ambitieuse dans son contenu mais également dans sa forme, puisqu’il s’agira d’un règlement et non plus d’une directive. Mais le débat sur ce point n’est pas encore tranché au sein des parlements nationaux.

Elle doit permettre une véritable harmonisation des droits nationaux, et nous nous en félicitons. Nous sommes tous préoccupés par la protection des données personnelles.

La question du guichet unique est celle qui avait fait l’objet des plus vives critiques de la part de l’Assemblée nationale lors de la présentation de la proposition en 2012.

Nous avions souligné le risque que les entreprises cherchent à s’implanter dans des États membres réputés plus accommodants en la matière, ainsi que la complexité d’un tel système pour les citoyens européens, risquant de mettre en cause leur accès à un régulateur efficace.

Les dernières discussions au Conseil ont permis de progresser sur cette question, en prévoyant un mécanisme de coopération systématique entre l’autorité chef de file et les autorités de contrôle concernées.

Des avancées sont encore nécessaires et possibles : nous souhaitons par exemple que le Comité européen de protection des données soit doté de pouvoirs juridiquement contraignants en cas de désaccord entre deux autorités de protection des données. Toutefois, nous considérons que les négociations sur ce guichet unique vont dans le bon sens.

Il est primordial que ce paquet législatif soit adopté d’ici 2015 ; le temps presse. L’ Europe doit être la première à se doter d’un cadre juridique complet sur les données personnelles, afin d’imposer ses valeurs et ses normes aux entreprises et aux pays tiers. Si nous ne le faisons pas, d’autres le feront à notre place ; je pense évidemment aux États-Unis.

Par ailleurs, même si je ne peux que me féliciter des deux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, qui constituent une avancée considérable, je crois que de telles décisions devraient davantage revenir au législateur : la protection des données personnelles est une question politique, qui doit être réglée par les institutions politiques. Nous ne devons donc pas laisser perdurer trop longtemps un vide juridique qui contraint les juges européens à prendre de telles décisions.

Enfin, la protection des données est attendue par les citoyens européens. Dans un contexte d’euroscepticisme croissant, l’adoption de ce paquet législatif contribuerait à redonner du sens à l’Europe. Elle témoignerait de sa capacité à offrir un droit protecteur, efficace et durable.

C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité aborder aujourd’hui ce sujet. Les discussions ont déjà permis des avancées mais de nombreux parlements n’ont pas pris position sur ce texte. La proposition de déclaration a plutôt une valeur informative mais nos échanges sont susceptibles de nourrir les travaux parlementaires à venir. À nous de faire en sorte que chaque parlement se positionne dans les mois à venir afin que ce paquet puisse être adopté dans le courant de l’année 2015.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale du Sénat. J’entends bien que de nombreux parlements ne se sont pas encore prononcés sur le paquet législatif. Il me semble néanmoins que nous pourrions aller plus loin que la déclaration proposée qui est empreinte d’une certaine prudence.

Dans cette déclaration, nous nous félicitons du « nouvel élan donné aux négociations depuis octobre 2013, notamment quant aux avancées importantes intervenues sur l’encadrement des transferts internationaux de données et sur le mécanisme du guichet unique qui doit garantir un véritable droit au recours pour les citoyens européens » et nous soulignons qu’« il est plus que jamais nécessaire d’aboutir à l’adoption d’ici 2015 d’un cadre général ».

Il conviendrait selon moi d’affirmer clairement trois principes : en premier lieu, la nécessité d’éviter le dumping juridique, permettant à une entreprise de s’implanter dans l’État membre dont la législation est la moins contraignante ; en second lieu, le droit des citoyens à la protection de leurs données personnelles ne saurait régresser à la faveur de la mise en place d’un dispositif commun ; en troisième lieu, les États doivent conserver la possibilité d’édicter des règles plus fortes que celles prévues par le dispositif européen.

La protection des données personnelles est un élément essentiel des libertés individuelles.

Je ne conteste pas la nécessité d’une règle européenne, ni la mise en place d’un guichet unique, à condition toutefois que ceux-ci soient pleinement articulés avec les droits nationaux actuels. Il serait ainsi dommageable que l’existence d’un guichet unique prive les citoyens de l’accès à l’autorité de leur pays. Toute régression des droits et protections des citoyens serait inacceptable.

Je comprends la prudence de la déclaration mais ne pourrait-on pas encourager une meilleure garantie des droits des citoyens ?

M. Claude Moraes, président de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen (Intervention filmée et interprétation de l’anglais). Au nom de la commission des libertés civiles et de ses rapporteurs sur le paquet législatif, je tiens à féliciter la commission des Affaires européennes de l’ Assemblée nationale française d’avoir pris l’initiative d’organiser cette réunion interparlementaire.

Les différents événements qui se sont produits dans le domaine de la protection des données à caractère personnel prouvent combien l’inscription à l’ordre du jour de cette réunion était justifiée.

La protection des données personnelles est devenue importante dans notre vie quotidienne, tant l’avènement des nouvelles technologies facilite le traitement des données personnelles. Ces évolutions présentent des avantages indéniables mais le risque d’intrusion dans la vie privée et de violation de notre droit à la protection des données a considérablement augmenté.

Il n’est que de lire la presse pour savoir combien d’entreprises ont été victimes d’intrusion, de piratage de données stockées sur le cloud, d’usurpations d’identité, de phishing de leurs données bancaires, sans parler de la surveillance électronique massive effectuée par les services de renseignement américains et plusieurs services européens.

Les nouvelles techniques de traitement des données permettent aux organismes et autorités publiques d’avoir une connaissance impressionnante et détaillée des individus, de leurs activités, de leurs croyances, et de leurs déplacements, quelle qu’en soit la finalité.

La mondialisation et le partage des données rendent plus aisé le déplacement de données à travers le monde. La situation asymétrique dans laquelle se trouvent les individus a pris des proportions considérables : les organisations et autorités publiques ont accru et approfondi leurs connaissances sur nous alors que nous ignorons qui détient ces informations et à quelle fin.

Le Parlement européen accorde une grande importance aux propositions sur la protection des données. Il a constamment plaidé pour un niveau élevé de protection qui réponde aux impératifs de la Charte européenne des droits fondamentaux. La réforme du système de protection arrive à point nommé. L’objectif est d’élaborer un système solide et moderne, fondé sur une neutralité technologique qui renforce les droits individuels, approfondisse le marché intérieur, traite de la mondialisation du traitement des données et couvre les activités des organisations privées et publiques. Le Parlement européen considère le paquet législatif comme un instrument capital.

Le traitement des données personnelles requiert le même niveau de protection, qu’il s’agisse d’activités commerciales, administratives ou de police.

L’adoption de ce texte en première lecture le 12 mars par une écrasante majorité envoie un message fort sur la nécessité d’un cadre exigeant pour la protection des données.

Face aux exemples croissants de violation de la vie privée, nous devons accélérer le travail afin d’accroître la confiance des individus à l’égard des États et des entreprises.

Nous devons nous assurer qu’un cadre strict – reposant sur le principe d’un guichet unique, avec des pouvoirs contraignants et un système de sanctions fort – sera en place en 2015.

Nous sommes heureux que l’Assemblée nationale française soutienne ce texte. La participation des parlements nationaux est importante. Les avis émis par certains d’eux contribuent au travail du Parlement européen. Les parlements ont aussi un rôle à jouer pour inciter les gouvernements à accélérer les discussions au sein du Conseil afin que le paquet soit adopté en 2015 et à garantir un haut niveau de protection. Ils vont également devoir adopter des législations nationales dans le domaine de la justice et dans le domaine pénal pour transposer les textes.

La surveillance électronique massive des individus a fait l’objet d’une enquête qui a donné lieu à une résolution adoptée le 12 mars 2014. Malgré nos ressources limitées, nous avons révélé une situation préoccupante : le risque pour nos sociétés d’être confrontées à un Big Brother, sans garantie du respect des droits fondamentaux. Cette surveillance doit être soumise à une gouvernance démocratique. Les gouvernements nationaux sont en première ligne pour la surveillance de ce type d’activités et pour contribuer à restaurer la confiance des individus.

Sir Alan Beith, président de la commission de la justice de la Chambre des Communes (Royaume-Uni). (Interprétation de l’anglais.) Il est temps de mettre à jour la législation européenne en matière de protection des données compte tenu de la situation actuelle. Nous examinons un projet de paquet législatif qui fait encore l’objet de négociations et que le nouveau commissaire souhaitera peut-être faire évoluer dans un sens différent.

Sur le paquet de 2012, il me semble que les préoccupations exprimées par les parlementaires ont été prises en compte.

Nous préférons, d’autres l’ont dit également, que le paquet législatif prenne la forme d’une directive, moins prescriptive puisqu’elle fixe des principes sans imposer de processus aux États.

La difficulté tient au coût d’un système tel qu’il est envisagé dans la proposition de règlement. Comment réussir à harmoniser le fonctionnement des différentes autorités en maîtrisant les coûts ? Il faut également être attentif à l’impact pour les petites entreprises. Elles ont certes à gagner à cette législation mais elles peuvent y perdre aussi.

Je soutiens l’idée de ce paquet législatif, mais nous ne pouvons pas encore nous prononcer sur des propositions qui ne sont pas finalisées.

S’agissant de la directive sur les autorités judiciaires et de police, il faut une cohérence entre le règlement et la directive. Il est essentiel de garder à l’esprit que le traitement des données par les forces de loi est régi par les gouvernements nationaux et non par les agences européennes. Au Royaume-Uni, nous avons été confrontés à un cas dramatique : deux jeunes filles ont été assassinées, et les informations qui auraient permis de l’éviter n’ont pas circulé entre les différentes forces de police à cause d’une mauvaise interprétation de la législation sur la protection des données. Il faut veiller à ne pas entraver la capacité des forces de l’ordre à sauver des vies.

M. João Lobo, membre de la commission des affaires constitutionnelles, des droits, des libertés et des garanties de l’Assemblée de la République (Portugal). À titre personnel, je suis favorable à l’examen du paquet législatif et à l’adoption d’un cadre européen, pour lequel j’espère un nivellement par le haut, permettant d’imposer des valeurs européennes en matière de protection des données. Je soutiens la proposition de déclaration.

Mme Marie-Christine Marghem, présidente de la commission de la justice de la Chambre des représentants (Belgique). Le Parlement belge s’est saisi de cette question. Il a rendu un avis en trois points. La législation européenne a évolué sur deux d’entre eux : que la Commission européenne ne puisse pas bloquer par une réglementation les décisions de contrôle, d’une part et qu’une trop large délégation de pouvoir ne soit pas accordée au guichet unique.

La législation belge, qui date de 1992, est arrivée à maturité. Il ne faudrait pas que la réglementation européenne vienne affaiblir les droits fondamentaux que la Belgique octroie à ses citoyens.

La question du dumping est aiguë. Il faut permettre aux citoyens de se plaindre, avec des garanties minimales, de pratiques ne respectant pas la protection des données relatives à sa vie privée dans un autre pays.

Nous devons rechercher un socle de valeurs communes et intangibles qui fonde la protection des données des citoyens comme des entreprises.

Mme Viviane Loschetter, présidente de la commission des lois de la Chambre des députés (Luxembourg). Au Luxembourg, cette question a fait l’objet de deux consultations de la part du Parlement en juin et juillet dont les conclusions ont été présentées au gouvernement. À l’instar de ma collègue belge, nous posons deux exigences : que les droits fondamentaux soient respectés et que la réglementation européenne n’amoindrisse pas les droits des citoyens luxembourgeois.

Deux remarques : en premier lieu, la France plaide pour un mécanisme s’apparentant au principe du pays de résidence alors que le Luxembourg préfère un fonctionnement fondé sur le principe du pays d’origine. En second lieu, le texte peut encore être renforcé : la protection des données personnelles ne se justifie pas seulement au regard des valeurs européennes, il s’agit d’un droit consacré par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Enfin, le gouvernement luxembourgeois prendra position la semaine prochaine sur ce sujet à la suite des consultations parlementaires.

Mme Renate Künast, présidente de la commission des affaires juridiques et de la protection des consommateurs du Bundestag (Allemagne). (Interprétation de l’allemand.) Les décisions au niveau européen sur ce sujet sont urgentes. Les technologies ne les ont pas attendues pour évoluer. Le citoyen européen est devenu un citoyen transparent. Il n’est pas acceptable de continuer ainsi eu égard aux droits fondamentaux, nationaux ou européens. Il n’est pas plus acceptable que certains gagnent de l’argent avec nos données sans nous consulter, battant en brèche le droit à disposer librement de ses données personnelles.

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne consacre le droit à l’ oubli. En la matière, l’Europe est dépourvue de règles, laissant le champ libre à Google pour trouver les moyens de transposer ce jugement. L’entreprise a mis en place un conseil qui parcourt l’Union européenne pour des consultations publiques sur ce sujet. On est en droit de se demander à quoi servent les parlements si ce n’est pas le législateur mais Google qui fixe les règles.

En Allemagne, il est prévu que dans quelques années, la correspondance juridique entre les avocats et les tribunaux se fera par voie électronique. Comment imaginer que cette correspondance ne sera pas lue par d’autres ? Ce n’est pas acceptable.

L’ existence de ce texte est une bonne chose mais il nous faut maintenant accélérer. La nouvelle Commission européenne doit s’attaquer rapidement à cette question. Peut-être la déclaration pourrait-elle souligner le caractère prioritaire de cette question. En revanche, je conviens que celle-ci ne peut pas être trop précise au risque de se perdre dans les détails, nombreux en la matière, vous l’avez souligné. La référence aux valeurs européennes en matière de protection et de sécurité des données personnelles me paraît suffisante. L’ urgence mérite d’être rappelée également parce que le droit national dépend de la législation qui sera adoptée.

La protection des données constitue un droit fondamental mais il faut être attentif à le conjuguer avec les opportunités économiques.

M. Josip Kregar, président de la commission judiciaire du Sabor (Croatie). (Interprétation de l’anglais.) Nous sommes tous d’accord pour reconnaître l’importance de cette question. La technologie évolue beaucoup plus rapidement que la législation. Ce décalage doit être corrigé. Nous devons inciter toutes les institutions à adopter des mesures. Au nom du Parlement croate, nous soutenons les décisions récentes de la Cour de justice sur la protection des données.

Nous connaissons la nécessité du développement des nouvelles technologies qui, dans le même temps, peuvent violer la vie privée. Les règles doivent aussi être mises en balance avec la liberté d’expression et les besoins en matière de sécurité dans certains États.

Je suis, comme mon collègue britannique, favorable à une certaine flexibilité. Nous avons besoin de principes clairs pour établir l’équilibre entre la liberté d’expression et la protection de la vie privée dans un monde où la technologie est intimement liée à l’échange d’informations et à l’expression des différentes opinions.

Il faut garder à l’esprit certains événements récents qui font redouter l’existence d’un Big Brother. À tout le moins, il est avéré que la capacité technique est beaucoup plus avancée que nos capacités à contrôler le respect de la vie privée.

Quant à l’échange d’informations sur les données judiciaires, il me paraît nécessaire de mettre en place des règles souples, prévoyant des cas d’urgence, qui permettent de concilier l’intérêt commun de la société et la protection des individus.

M. Marc Angel, président de la commission des affaires étrangères et européennes, de la défense, de la coopération et de l’immigration (Luxembourg). Non seulement j’approuve les propos de Mme Loschetter, mais je suis d’avis, comme Mme Künast, qu’ il faut insister, dans la proposition de déclaration, sur l’urgence qu’il y a à légiférer en la matière : il ne faut pas laisser les entreprises prendre le dessus. C’est aux parlements et à l’Europe qu’il appartient d’agir en premier lieu.

Mme Marietta Karamanli. Je vous remercie tous de vos prises de parole, au travers desquelles se sont parfois exprimées des inquiétudes.

Les questions qui se posent aux parlementaires sont encore nombreuses, même si le débat qui porte sur les données personnelles a évolué. L’urgence a été soulignée par nombre d’entre vous : il convient en effet d’améliorer notre cadre législatif qui, compte tenu des évolutions du numérique, n’est pas suffisamment efficace en termes de protection des données.

Il est important d’éviter le dumping juridique et de protéger les droits des citoyens, que la législation européenne ne saurait faire régresser.

Si la proposition de déclaration commune est prudente, compte tenu du fait qu’un grand nombre de parlements n’ont pas encore pris position sur ce texte, nous avons toutefois la volonté d’envoyer un message à la nouvelle Commission européenne pour lui rappeler le caractère prioritaire revêtu par la question de la protection des données qui, face aux évolutions numériques, doit trouver au plus vite une réponse législative tant nationale qu’européenne, au plan économique comme à celui de la protection des droits des citoyens.

Les dispositions prévues par le Parlement européen sont à prendre en considération, qu’il s’agisse de l’augmentation du plafond des sanctions qui pourraient s’ élever à 100 millions d’euros ou à 5 % du chiffre d’affaire annuel mondial d'une entreprise lorsque celle-ci viole les règles européennes, de la réduction du nombre de cas dans lesquels le marketing direct est considéré comme automatiquement licite, en les limitant aux produits et services du responsable de traitement initial, ou de l’encadrement du transfert de données par des entreprises soumises au droit de l'Union européenne à des autorités publiques. Si ces dispositions ont été différemment appréciées par les gouvernements et les parlements des pays membres de l’Union européenne, nous ne pouvons que prendre acte du travail législatif réalisé par le Parlement européen.

Je partage votre analyse : la proposition de déclaration vise plus que jamais à souligner la nécessité qu’il y a à aboutir, au cours de l’année 2015, à l’adoption d’un texte qui rappelle le respect des valeurs européennes, auxquelles nous sommes attachés, en matière de protection des données personnelles. Il serait peut-être souhaitable de compléter cette déclaration en soulignant que tout dumping juridique doit être évité : les États devront pouvoir garder leur propre législation si elle est plus protectrice, afin de rendre impossible toute régression des droits des citoyens.

Cette proposition de déclaration commune est un message que nous adressons à la Commission européenne. Compte tenu du fait que nombreux sont les parlements qui ne sont pas saisis de la question depuis 2012 et n’ont pas pu, de ce fait, se prononcer sur les évolutions que ce dossier a connues courant 2013, nous devrons être les ambassadeurs de cette déclaration auprès de tous les parlements de l’Union européenne pour que chacun d’ entre eux s’en saisisse et que, le plus rapidement possible, nous arrivions à imposer à la Commission européenne l’idée qu’il est urgent d’avancer sur le sujet. N’attendons pas la fin de l’ année 2015 pour adopter une position sur la protection des données personnelles. Les entreprises outre-Atlantique n’attendent pas. Un cadre législatif est nécessaire pour protéger et sécuriser les droits des citoyens : il nous fait défaut aujourd'hui.

La présidente Danielle Auroi. Il est vrai que la présente proposition de déclaration ne se trouve pas dans une phase aussi avancée que la proposition de déclaration commune, examinée ce matin, relative à la proposition de règlement du Conseil portant création du parquet européen.

M. Jean-Pierre Sueur. Ne serait-il pas possible d’ajouter les mots suivants : « Le nouveau cadre européen ne doit en aucun cas se traduire par une régression par rapport aux protections existantes dans les différents États membres » ? Il conviendrait également de préciser que : « Le guichet européen devrait être articulé avec les dispositifs existants dans chaque État. »

La présidente Danielle Auroi. Ces ajouts, auxquels je suis favorable, permettent de renforcer le troisième paragraphe qui porte notamment sur « l’encadrement des transferts internationaux de données » et « le mécanisme du guichet unique ».

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis favorable à la création d’un dispositif européen à partir du moment où il ne pourra pas se traduire par une régression pour qui que ce soit en Europe.

Mme Marie-Christine Marghem (Belgique). Peut-être conviendrait-il de mettre également l’accent sur la protection des données des entreprises.

J’ai été très sensible à l’argumentation développée par Mme Künast.

La garantie des données personnelles vise avant tout à protéger le citoyen : or il faut également protéger les entreprises qui, chaque jour, peuvent se faire voler leurs données – un vol qui profitera à d’autres.

Mme Michaela Steinacker, présidente de la Commission de la justice du Conseil national (Autriche) (Interprétation de l’allemand.) Il faudrait préciser dans la proposition de déclaration que les parlementaires signent en leur nom personnel. Nous avons des compétences différentes.

La présidente Danielle Auroi. Je suis tout à fait favorable à cette précision.

Mme Viviane Loschetter (Luxembourg). Ne serait-il pas possible, au troisième paragraphe, de remplacer les mots : « un véritable droit au recours pour les citoyens européens » par les mots : « une application uniforme des règles », le droit au recours existant de toute façon ?

Cette nouvelle rédaction nous permettrait de signer la proposition de déclaration commune car elle résoudrait le problème posé par la distinction entre pays de résidence et pays d’origine.

Mme Renate Künast (Allemagne) (Interprétation de l’allemand.) Il convient en effet d’éviter le forum shopping, qui consiste simplement à déplacer le siège d’une entreprise.

Il serait toutefois préférable non pas de supprimer l’évocation du droit au recours mais d’ajouter votre précision relative à une application unique des règles.

Mme Marietta Karamanli. En effet, ces deux éléments ne s’opposent pas, mais se complètent. Il faut, conformément aux avancées de 2013, conserver l’évocation d’un véritable droit au recours. L’un ne remplace pas l’autre.

La présidente Danielle Auroi. Il me semble que vous êtes tous favorables à cette proposition de Mmes Künast et Karamanli.

Mme Viviane Loschetter (Luxembourg). Nous sommes également très sensibles à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : ne serait-il pas possible de faire explicitement allusion, dans le dernier paragraphe, au respect du « droit fondamental » à la protection des données personnelles ?

Mme Marietta Karamanli. J’y suis d’autant plus favorable que l’ Union européenne avance vers l’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme.

Je suis également favorable à la proposition de M. Sueur : la législation européenne en matière de données ne saurait se traduire par une régression par rapport aux protections existantes dans les différents États membres.

Je suis en revanche plus prudente s’agissant du guichet unique : la rédaction actuelle peut être acceptée par chaque État membre.

La présidente Danielle Auroi. Contrairement à ce matin, je demanderai à ceux qui seraient opposés à la proposition de déclaration telle qu’elle a été modifiée de lever la main et de se faire connaître, estimant que les autres, à titre personnel, y sont favorables. Il me semble en effet que ce texte est particulièrement consensuel.

Je demande à Mme Karamanli de bien vouloir lire la proposition de résolution telle qu’ elle a été modifiée. Les noms des signataires seront inscrits sous la réserve que la rédaction aura été vérifiée et correspond bien à celle qui aura été adoptée en séance.

M. Johan Linander, président de la commission de la justice du Riksdag (Suède) (Interprétation de l’anglais.) Vous le savez, des élections législatives ont eu lieu il y a trois jours en Suède et le nouveau parlement se réunira dans deux semaines. Or, ne m’étant pas représenté, je n’en ferai pas partie. Je ne peux donc pas signer la proposition de déclaration commune, même si j’y suis favorable.

La présidente Danielle Auroi. Je vous comprends parfaitement cher collègue.

Je tiens toutefois à rappeler que les parlementaires ici présents signeront cette déclaration à titre personnel : ce faisant, ils n’engageront pas leur parlement – cette remarque vaut pour la déclaration adoptée ce matin comme pour celle qui le sera dans quelques instants.

Mme Marietta Karamanli. Je lis la proposition de déclaration telle que nous l’ avons modifiée en séance – aucune modification n’a été apportée aux premier et deuxième paragraphes.

« Les parlementaires représentants 16 parlements nationaux de l’ Union européenne se sont réunis le 17 septembre 2014 à l’Assemblée nationale pour examiner le paquet législatif relatif à la protection des données personnelles.

Les parlementaires estiment que ce paquet législatif répond à une préoccupation croissante des citoyens européens, et doit être soutenu.

Ils considèrent également qu’il convient de se féliciter du nouvel élan donné aux négociations depuis octobre 2013, notamment quant aux avancées importantes intervenues sur l’ encadrement des transferts internationaux de données et sur le mécanisme du guichet unique qui doit garantir un véritable droit au recours pour les citoyens européens ainsi qu’une application uniforme des règles.

Le nouveau cadre européen ne doit en aucun cas se traduire par une régression par rapport aux protections existantes dans les différents États membres.

Ils soulignent qu’il est plus que jamais nécessaire d’aboutir à l’adoption d’ici 2015 d’ un cadre général permettant de garantir le respect du droit fondamental à la protection des données et d’imposer de manière effective les valeurs européennes en matière de protection et de sécurité des données personnelles. »

La présidente Danielle Auroi. Je demande aux parlementaires ici présents qui ne souhaitent pas, au moins à ce stade, signer la proposition de déclaration de lever la main.

La déclaration commune est donc adoptée. Je tiens toutefois à rappeler que les membres de la délégation néerlandaise ont déclaré, avant de partir, qu’ils ne souhaitaient pas signer la déclaration.

Quant à notre collègue suédois, qui a expliqué les raisons qui lui interdisaient de prendre part au vote, j’espère qu’il fera valoir la teneur de ce texte auprès des parlementaires de son pays.

Je vous précise que, comme pour la déclaration sur le parquet européen, le secrétariat vous transmettra dès demain le texte avec la liste actuelle des signataires, pour observations éventuelles, et que des signataires supplémentaires pourront se rajouter à cette liste.

Mme Marietta Karamanli. Je tiens à vous remercier tous de votre implication dans cette première réunion interparlementaire.

Je vous remercie, madame la présidente, de la volonté que vous avez manifestée, depuis le début de la législature, d’intensifier le travail mené en commun avec les autres parlements nationaux et avec le Parlement européen, en direction de la Commission européenne. Une nouvelle étape a été franchie aujourd'hui. Nous devons donner du sens à l’Europe : c’est ce qu’attendent de nous nos concitoyens.

La présidente Danielle Auroi. Je me joins à notre collègue Marietta Karamanli, qui s’est fortement investie dans cette démarche, et que je remercie encore, pour espérer que le travail interparlementaire que nous avons réalisé aujourd'hui sur le parquet européen et sur la protection des données ne s’arrête pas en si bon chemin et que nous nous emparions ensemble d’autres sujets tout aussi transversaux. De telles réunions sont la preuve que les parlements, lorsqu’ils débattent entre eux, participent, à côté du Parlement européen, à la construction de l’Union européenne. Ils font savoir ainsi au Conseil européen et à la Commission européenne qu’ils doivent toujours écouter le plus attentivement possible la voix des citoyens européens, que nous représentons tous ici.

Au nom de tous les parlementaires français, députés et sénateurs, je vous remercie de votre présence et de l’aspect très constructif de votre participation. Ces échanges nous permettent de mieux nous comprendre dans la richesse de nos différences culturelles.

M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à remercier Mmes Danielle Auroi et Marietta Karamanli d’avoir pris l’initiative de cette réunion. Il est important que les parlements nationaux prennent de telles initiatives. Je pense que la Commission européenne lira les deux déclarations communes adoptées aujourd'hui, dont le poids nous permettra d’avancer sur des sujets importants pour l’Europe, l’Europe de la protection des libertés à laquelle nous sommes tous très attachés.

La présidente Danielle Auroi. Tous, par votre participation, vous nous avez permis de faire un pas ensemble. Je ne doute pas que nous en ferons un nouveau sur un autre sujet.

Sachez que nous serons toujours ravis de vous accueillir ici pour réaliser un travail constructif car nous sommes tous des Européens convaincus.

La séance est levée à 15 heures 30

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 17 septembre 2014 à 14 h 15

Présents. - Mme Danielle Auroi, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Joaquim Pueyo

Excusé. - M. Lionnel Luca