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Commission des affaires européennes

mardi 18 novembre 2014

17 heures

Compte rendu n° 170

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

Audition de M. Gil Arias, directeur exécutif de l’agence Frontex

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 18 novembre 2014

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 17 h 15

Audition de M. Gil Arias, directeur exécutif de l’agence Frontex

La Présidente Danielle Auroi. Monsieur le directeur exécutif, je suis très heureuse que vous ayez pu répondre positivement à notre invitation et venir devant notre Commission des affaires européennes.

Il est important pour notre commission de pouvoir vous entendre sur les missions de l’agence Frontex et le développement de son rôle à un moment où l’Union européenne et les États membres, tout particulièrement ceux se situant aux frontières extérieures de l’Union, doivent faire face à de lourdes responsabilités en matière d’accueil des migrants.

Les membres de notre Commission travaillent régulièrement sur ces questions et nos deux rapporteurs sur les questions d’asile et d’immigration, Mme Marietta Karamanli et M. Charles de La Verpillière, préparent un rapport sur la politique de l’Union en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, qu’ils présenteront en début d’année 2015.

Je souhaite rappeler le drame de Lampedusa qui, il y a tout juste un an, a marqué l’opinion internationale. Chaque jour, des migrants meurent, notamment en mer, au cours de déplacements extrêmement périlleux qu’ils entreprennent au péril de leur vie, s’en remettant à des passeurs criminels, dans l’espoir de trouver en Europe une vie meilleure. Comme le montrent les derniers événements, ce sont surtout les femmes et les enfants qui payent un lourd tribut.

La pression migratoire aux portes de l’Europe est très élevée et ne semble pas devoir décroître à moyen terme, compte tenu de la situation internationale, en Afrique ou au Moyen-Orient. L’Agence doit souvent faire face avec les États membres, surtout ceux qui sont aux frontières de l’Europe, à des situations très difficiles que nous ne pouvons pas leur laisser résoudre seuls. C’est pourquoi je souhaiterais que vous puissiez répondre aux interrogations qu’ont soulevé les opérations de coopération coordonnées par Frontex ainsi qu’aux questions que vous poseront mes collègues.

Pourriez-vous présenter vos dernières analyses sur l’évolution récente des migrations aux frontières extérieures de l’Union européenne ? Pourriez-vous rappeler le rôle de Frontex ainsi que ses différentes missions, recouvrant notamment la formation commune, la coordination de la coopération opérationnelle mais également l’analyse des risques ?

Pourriez-vous tout particulièrement présenter l’opération Triton, lancée au début de ce mois en mer Méditerranée, et ses différences avec l’opération Mare Nostrum assumée par les seules autorités italiennes en termes de mission, de zone couverte, de budget, d’équipement et de personnel affecté ? Quelle sera la durée de cette opération ?

Des associations ont dénoncé des atteintes graves aux droits fondamentaux, notamment au droit de non-refoulement des migrants lors d’opérations coordonnées par Frontex, ainsi que les difficultés liées au régime de responsabilité des agents présents et de Frontex. La Médiatrice européenne avait ouvert en 2012 une enquête et souhaité qu’un mécanisme de traitement des plaintes en cas d’atteinte aux droits fondamentaux soit créé au sein de Frontex, l’Agence ayant jugé que cette responsabilité incombe à l’État membre hôte d’une opération.

Vous serait-il possible d’expliciter votre position sur le respect des droits fondamentaux lors des opérations de coopération opérationnelle et plus particulièrement sur ces dernières questions ?

Une nouvelle enquête a, par ailleurs, été ouverte s’agissant des opérations de retour conjointes par la Médiatrice européenne.

Je vous passe maintenant la parole, sachant que vous allez commencer par une présentation par power point. Nous engagerons ensuite le débat, à partir des questions de mes collègues.

M. Gil Arias, directeur exécutif de Frontex. Madame la présidente, je vous prie de bien vouloir m’excuser de parler anglais, mon français n’étant pas assez bon pour que je m’exprime dans votre langue.

Je souhaite vous expliquer brièvement ce qu’est Frontex et la façon dont nous travaillons, avant de répondre à vos questions.

Frontex est un organisme communautaire créé par le règlement du Conseil adopté en 2004. Il a été amendé à deux reprises : en 2007, pour mettre en place un nouveau concept opérationnel avec des équipes d’intervention rapide aux frontières (RABIT) ; en 2011, suite aux conclusions d’une évaluation menée sur les travaux de l’Agence les années précédentes. Le règlement prévoit désormais une évaluation périodique de l’Agence.

Le 14 avril 2005, le Conseil a fixé le siège de l’Agence à Varsovie, en Pologne. Vous vous souvenez sans doute qu’en mai 2004 l’Union européenne s’est élargie vers l’Est, accueillant dix nouveaux États membres, dont la Pologne. Il fallait mettre en place l’Agence dans l’un de ces nouveaux États. Le siège de l’Agence n’a rien à voir avec la situation de l’immigration en Pologne ni avec les frontières de ce pays : c’est une décision d’ordre strictement politique. Le règlement est entré en vigueur le 1er mai 2005 et l’Agence est devenue opérationnelle à Varsovie le 3 octobre de la même année.

Le Conseil d’administration de Frontex est composé de vingt-huit membres titulaires avec droit de vote : les représentants des services aux frontières de chacun des vingt-six États membres qui appliquent les règles de gestion des frontières Schengen plus deux représentants de la Commission européenne. La Norvège, l’Islande, la Suisse et le Liechtenstein sont membres de l’Agence, mais avec un droit de vote limité.

Vous connaissez la position du Royaume-Uni et de l’Irlande en ce qui concerne l’espace Schengen. Aussi ne sont-ils pas membres de plein droit de l’Agence. Mais le règlement de Frontex prévoit des dispositions de coopération avec ces deux pays. Par conséquent, ils peuvent participer aux réunions du Conseil d’administration et aux activités coordonnées de Frontex.

Le personnel de Frontex comprend 320 personnes, citoyens de presque tous les pays d’Europe. Ce sont des analystes, des ingénieurs, des administrateurs, des assistants, etc. Ce ne sont pas des gardes-frontières, c’est-à-dire qu’ils ne vérifient pas ce qui se passe aux frontières. Comme je vous l’expliquerai ultérieurement, ces activités sont menées par des experts déployés par les États membres, la coordination étant assurée par Frontex.

En 2014, le budget de Frontex s’établit à 98 millions d’euros. Le budget initial était plus faible, 4 millions d’euros ayant été attribués pour lancer l’opération Triton que je vous présenterai dans un moment ; 4,5 millions d’euros ont également été alloués par la Commission pour la mise en œuvre d’un projet d’assistance technique dans le cadre du partenariat oriental.

Permettez-moi de vous expliquer maintenant la façon dont nous travaillons. L’espace Schengen connait une forte pression migratoire à laquelle nous devons faire face ensemble, ainsi que des problèmes de criminalité. Évidemment, la tâche n’incombe pas seulement à tel ou tel État membre mais à tous les États membres. Le rôle de Frontex consiste essentiellement à soutenir les États membres dans ces tâches, en coordonnant les opérations sur les frontières extérieures, notamment grâce à des opérations conjointes selon le principe de solidarité et de coopération volontaire.

Frontex ne possède pas de navires, de véhicules, d’avions, et ne dispose pas non plus de gardes-frontières pour mener les contrôles aux frontières. Lors des opérations, l’Agence coordonne les ressources humaines et techniques mises à disposition par les États membres. Les ressources restent sous le commandement des États membres. Par exemple, lorsque les douanes françaises déploient un avion, l’équipage reste sous l’autorité des douanes françaises. Il y a toutefois une exception à ce principe : lorsque les opérations maritimes de recherche et de sauvetage sont lancées, le commandement de toutes les ressources déployées dans la zone doit être transféré au centre de coordination et de sauvetage responsable, en vertu du droit international.

Toutes les opérations conjointes sont menées selon un plan opérationnel qui fait l’objet d’un accord avec le pays hôte de l’opération. Une analyse des risques est préparée en amont.

Enfin, le financement des opérations conjointes est pris sur le budget de Frontex avec un remboursement des États membres. Frontex mène et coordonne d’autres activités. Sur la diapositive, vous voyez quelles sont ces autres tâches. Je mets l’accent sur les opérations conjointes parce ce sont celles de nos activités qui sont les plus connues.

J’en viens à la structure de l’Agence. Elle comprend deux directeurs exécutifs, un principal et un adjoint, mais ce dernier a démissionné il y a un an environ. Depuis le 1er juin, je suis directeur exécutif en plus d’occuper le poste d’adjoint.

L’Agence se décompose en trois grandes divisions, avec, à chaque fois, un directeur de division. La direction de la division du renforcement des capacités est assurée par Mme Béatrice Comby, qui est française et travaillait précédemment pour l’Agence européenne de contrôle des pêches, installée à Vigo, en Espagne.

Depuis la modification du règlement du Conseil de 2011, Frontex travaille également avec des organismes consultatifs qui apportent des conseils au Conseil d’administration et au directeur exécutif en matière de droits fondamentaux. Nous avons un forum consultatif et un officier des droits fondamentaux. L’officier des droits fondamentaux, Mme Immaculada Arnaez, a un lien hiérarchique avec le Conseil d’administration. C’est elle qui est responsable du suivi du respect des droits fondamentaux dans les opérations menées par l’Agence. Quant au forum consultatif, il est composé de quinze membres représentant deux agences de l’Union européenne, l’agence des droits fondamentaux et le bureau européen d’appui en matière d’asile, ainsi que les organismes internationaux : l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), l’Agence des nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et le Conseil de l’Europe. Les autres membres sont des représentants d’organisations non gouvernementales (ONG).

Venons-en maintenant à la diapositive qui vous montre l’évolution du franchissement irrégulier des frontières du mois de janvier au mois d’octobre de cette année. D’une façon générale, l’année 2014 connaît une augmentation spectaculaire en matière de franchissement irrégulier des frontières par rapport à 2013 : ce phénomène est en effet 2,5 fois plus important qu’au cours de la période précédente. De janvier à octobre de cette année, les États membres ont détecté 229 073 franchissements irréguliers, contre 107 365 pour l’ensemble de l’année 2013. Autrement dit, nous sommes face à une augmentation de l’ordre de 113 %. Le niveau d’ores et déjà atteint se situe bien au-dessus du total de 2011, année qui avait connu un record du fait du « printemps arabe ». Nous constatons pour le moment une augmentation de 60 % par rapport à 2011, année au cours de laquelle les détections étaient de l’ordre de 141 000. Le nombre total de franchissements irréguliers devrait avoisiner 250 000 cette année.

La carte que vous pouvez voir maintenant à l’écran montre les flux migratoires. Les flèches bleues représentent les flux migratoires par voie maritime et les flèches vertes les flux par voie terrestre, la taille des flèches indiquant la taille des flux. Les chiffres inscrits en gros caractères sont ceux de 2014, tandis que les chiffres plus petits sont ceux de 2013. Les pourcentages notés en rouge montrent l’évolution depuis 2013. On notera que certaines voies ont connu une baisse des flux migratoires tandis que d’autres ont connu une très forte hausse. La Méditerranée centrale a connu 153 603 détections entre janvier et octobre 2014, soit une augmentation de 272 % par rapport à la même période en 2013. En octobre, la baisse des flux migratoires en Méditerranée centrale et Méditerranée orientale est vraisemblablement due aux conditions météorologiques. Au cours de l’automne, un grand nombre de Kosovars ont franchi irrégulièrement la frontière et demandé l’asile une fois qu’ils ont été détectés ou lorsqu’ils ont atteint leur destination finale. Leur destination finale est, dans la plupart des cas, l’Allemagne.

La situation demeure globalement critique. Il y a malheureusement fréquemment des morts. Les choses ne devraient pas s’améliorer durant l’hiver et l’on devrait faire face à des tragédies, notamment en ce qui concerne les franchissements irréguliers par voie maritime.

S’agissant de l’Ukraine, il y a eu une augmentation faible des demandes d’asile. La situation à la frontière entre l’Ukraine et l’Union européenne reste assez stable.

La plupart des migrants sont des Syriens et des Érythréens. Dans la plupart des cas, ils sont passés par la Libye. La plus grande proportion de migrants détectés vient de Syrie : près de 10 000 en octobre, soit environ 35 % du total. Les Syriens sont poussés par le conflit qui sévit dans leur pays. Ils arrivent dans l’Union européenne par la Méditerranée centrale et orientale. Divers indices montrent cependant qu’un certain nombre de ces migrants ne sont pas Syriens, mais prétendent être de nationalité syrienne pour ne pas être renvoyés vers la Turquie, pays de transit le plus fréquent, ou pour éviter de devoir retourner dans leur vrai pays d’origine.

Le mouvement des Érythréens est un peu plus organisé et se concentre sur moins de voies, ce qui montre qu’il y a des passeurs qui visent les États membres de manière assez précise, et vraisemblablement dans les meilleures conditions possibles.

Le graphique qui est maintenant à l’écran vous montre les franchissements irréguliers des frontières de 2009 à 2013 et de janvier à octobre 2014. Comme vous le voyez, on constate deux augmentations significatives. La première a eu lieu en 2011 – je vous en ai déjà parlé – et la seconde concerne la période qui va de janvier à octobre de cette année. En vert, vous avez les franchissements irréguliers par voie terrestre et en bleu par voie maritime. Par rapport aux données précédentes, on remarque que 2014 sera une année record pour le nombre de migrants qui arrivent dans l’Union européenne par voie maritime.

C’est en 2010 que le nombre de franchissements irréguliers par voie terrestre a été le plus élevé, notamment par la Turquie. C’est la seule fois dans l’histoire de l’Agence qu’a été lancée l’opération RABIT.

L’agence Frontex a coordonné nombre d’activités opérationnelles sur tout le territoire européen. Je vous prie de bien vouloir m’excuser car la carte que vous voyez actuellement à l’écran n’est pas à jour. En effet, les deux opérations au sud de l’Italie, Aeneas et Hermès, ne sont plus opérationnelles. Elles ont été remplacées depuis le 1er novembre par l’opération Triton.

Après de longues consultations entre Frontex, la Commission européenne et l’Italie, une nouvelle opération maritime, l’opération Triton, a été décidée le 24 septembre avec un concept révisé et un périmètre renforcé. Il s’agit en effet de renforcer les ressources de la zone. La planification de cette opération par ces trois entités que sont l’Italie, la Commission européenne et Frontex a été totalement indépendante de l’opération Mare Nostrum. Nous avons en effet préparé l’opération Triton sans savoir ce qui se passerait pour Mare Nostrum, si elle serait suspendue ou non. L’opération Triton n’a donc jamais été planifiée ni conçue pour remplacer Mare Nostrum.

L’opération Triton a donc débuté le 1er novembre. Nous disposons de deux avions, d’un hélicoptère, de trois patrouilleurs de haute mer, de deux navires de patrouille côtière, de deux patrouilleurs côtiers, d’experts, de gardes-frontières, de cinq équipes de débriefing et de deux équipes de dépistage. En fait, ce sont les premiers contacts qu’ont les migrants avec les autorités pour établir les nationalités présumées des migrants lorsque c’est possible. Quand c’est possible également, on essaie de vérifier les identités et les équipes de débriefing organisent des entretiens avec les migrants, sur une base volontaire, c’est-à-dire que le migrant peut refuser d’être interviewé. L’objectif de cet entretien est de savoir si le migrant a besoin d’une protection internationale, de recueillir des renseignements, d’essayer d’identifier les passeurs, les différents itinéraires empruntés afin de fournir ces informations aux autorités nationales et ainsi lutter contre les passeurs.

Le coût de cette opération s’élève approximativement à 2,9 millions d’euros par mois. Le budget de l’Agence étant presque épuisé, nous avons demandé un transfert de budget à la Commission pour lancer cette opération. La Commission a mis à la disposition de Frontex 3,9 millions d’euros. Nous avons également réalloué des ressources d’autres opérations pour atteindre un chiffre de 7 millions d’euros, ce qui permettra à l’Agence de garantir le financement de cette opération d’ici à la fin du mois de janvier 2015, date à laquelle il sera possible de commencer à utiliser le budget de 2015. J’ajoute que cette opération est à durée indéterminée en Méditerranée centrale, elle prend un caractère permanent. Nous n’envisageons pas de la conclure dans le futur proche.

Comme cette opération est en place depuis deux semaines, il est un peu prématuré de vous proposer des conclusions. Nous avons pu observer une diminution du nombre de migrants qui viennent dans la zone, en Italie, mais ce phénomène est peut-être dû à la météorologie. On ne peut pas donc partir du principe que l’immigration irrégulière a diminué du fait de la mise en place de cette opération. Mais différents facteurs sont à prendre en compte. Par exemple, l’opération est plus proche des côtes de l’Union européenne. Il est donc un peu plus difficile pour les passeurs d’agir, de mettre davantage de gens sur des embarcations de fortune.

Depuis que l’opération Mare Nostrum a été lancée, les passeurs mettent beaucoup moins de choses à bord des embarcations – eau, nourriture etc. Du coup, les migrants se trouvent dans des situations de survie dramatiques.

Comme je vous l’ai dit, nous avons pu observer une diminution du nombre d’arrivées en provenance de Syrie, mais ce phénomène avait déjà été constaté avant le début de l’opération Triton. Certes, nous ne pouvons nous en féliciter, car nous avons encore dénombré deux morts très récemment, mais, en comparaison de ce qui s’est passé auparavant, il est plutôt satisfaisant de se dire que seules deux personnes ont été trouvées mortes hier près des côtes libyennes. C’est un navire italien qui a tenté de les sauver. Peut-être aurons-nous à déplorer moins de décès à l’avenir.

Mesdames, messieurs les députés, je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions et vous donner des explications plus détaillées.

La Présidente Danielle Auroi. Monsieur le directeur, je vous remercie pour votre vaste introduction qui nous donne un panorama précis de la situation.

Mme Marietta Karamanli. Je vous poserai trois questions qui émanent directement de ce que vous avez exposé.

Quels enseignements tirez-vous de l’opération Mare Nostrum en ce qui concerne le sauvetage des vies et le débarquement des personnes ? Je pensais que ces expériences auraient pu orienter l’opération Triton, mais j’ai cru comprendre que Triton n’a pas été conçue en fonction de Mare Nostrum. Comment prendre en considération ces enseignements dans l’opération Triton ?

Ma deuxième question concerne les moyens financiers. Vous avez évoqué les grandes lignes de l’opération Triton. Comment peut-on faire davantage avec des moyens en baisse ? Il s’agit de moyens en présence humaine, de moyens techniques et de transport.

M. de La Verpillière et moi-même nous sommes rendus à la frontière gréco-turque et en Turquie, et nous avons pu suivre l’opération Mare Nostrum. Quelles sont les coopérations organisées avec les pays tiers, soit d’origine, soit de passage ? Je pense notamment aux pays du Maghreb et à la Turquie.

M. Charles de La Verpillière. Monsieur le directeur, à mon tour je vous remercie pour votre exposé très précis et très intéressant.

Vous nous avez très bien expliqué que Frontex a un rôle d’encadrement, de coordination et de contrôle, et que ce n’est pas un corps de gardes-frontière. Les moyens humains sur le terrain et les moyens matériels sont ceux des États membres. Ma question concerne l’évolution possible des missions de Frontex. Certains États membres envisagent de confier à Frontex des missions plus étendues et plus directement opérationnelles. Cela vous semble-t-il réaliste ? Dans l’affirmative, cela nécessiterait-il une modification des traités ? Est-ce souhaitable ? Pouvez-vous imaginer qu’un jour Frontex devienne un corps de gardes-frontière européen agissant pour son propre compte et sans utiliser directement les moyens des États membres ?

M. Joaquim Pueyo. Au-delà des enjeux budgétaires se pose la question de l’opportunité de cette mission. Certains pays redoutaient que ce programme de surveillance et de sauvetage ne crée un appel d’air. Cela semble être malheureusement le cas, puisque les chiffres que vous nous avez communiqués montrent que le nombre de franchissements irréguliers en Méditerranée centrale a été multiplié par huit en quelques mois. Nous ne pouvons décemment laisser périr des milliers de migrants en mer, alors que ce sont souvent les victimes des conflits, de la misère et des passeurs criminels. Quelles pistes pourraient être étudiées pour traiter ce fléau sans engendrer de nouvelles arrivées massives ?

Comment vous situez-vous par rapport au dispositif Eurosur de surveillance des frontières qui a été mis en place le 2 décembre 2013 ? Ce sujet a été évoqué à plusieurs reprises lors de la conférence interparlementaire qui a eu lieu à Rome sur la politique de sécurité et de défense communes. Je sais que les Italiens y sont attentifs puisqu’ils nous ont dit à plusieurs reprises que leur dispositif pesait, dans leur budget, 100 millions d’euros par an (le chiffre atteindrait 114 millions d’euros).

Mme Sandrine Doucet. Vous avez souligné l’étroite liaison entre les événements politiques intervenus au Sud de la Méditerranée et l’accroissement du nombre des migrants qui tentent d’arriver en Europe. On sait avec quelle habileté les passeurs contournent les dispositifs de surveillance des frontières européennes ; on constate qu’ils en tirent même bénéfice. Ainsi, comme vous l’avez très bien expliqué, l’opération Mare nostrum a eu pour effet pervers que les passeurs ne se sont plus embarrassés de prévoir des moyens de survie pour les passagers qu’ils embarquaient, les abandonnant à leur sort en sachant qu’ils seraient très vite recueillis par les patrouilles de la marine italienne. Maintenant, au motif que le dispositif Triton est limité aux eaux territoriales européennes alors que le champ d’action de Mare nostrum s’étendait plus près des côtes libyennes, les passeurs exigent des candidats à l’émigration des sommes encore plus importantes que précédemment. Comment renforcer la lutte contre ces trafiquants ?

D’autre part, lors d’une conférence de presse tenue en août dernier, Mme Cecilia Malmström, alors commissaire européenne aux affaires intérieures, avait indiqué que l’opération Triton prendrait le relais de Mare nostrum ; vous nous dites maintenant qu’il n’en est rien. Comment s’expliquent ces interprétations dissonantes ?

La Présidente Danielle Auroi. Je fais mienne cette dernière question. Si l’Italie met fin au dispositif Mare nostrum sans que l’opération Triton ne s’y substitue, que se passera-t-il en mer ? Évoquant les vies sauvées, M. Angelino Alfano, ministre de l’intérieur italien, a déclaré qu’avec Mare nostrum l’Italie avait empêché que la Méditerranée ne devienne une « Mer morte » ; qu’en sera-t-il à l’avenir ? La Médiatrice européenne s’alarme d’autre part du respect des droits fondamentaux des migrants et de l’application du principe de non-refoulement au cours des opérations coordonnées par Frontex ; qu’en penser ? Enfin, comme nos rapporteurs, je m’interroge : l’Agence a-t-elle les moyens de remplir ses missions avec le budget qui lui est alloué ?

M. Gil Arias. Nous ne pouvons pas véritablement tirer d’enseignements de Mare nostrum, pour deux raisons. La première est que l’opération n’est pas terminée : elle a été rationalisée mais elle se poursuit, et les Italiens sont toujours actifs en Méditerranée dans ce cadre. La seconde est que Mare nostrum est menée par la marine italienne, sans lien ni coordination d’aucune sorte avec les opérations Aeneas et Hermes de Frontex qui ont été fusionnées au sein de Triton. Mare nostrum a incontestablement permis de sauver de très nombreuses vies. Mais il est également vrai que, la marine italienne conduisant ses opérations à proximité des côtes libyennes, les passeurs ont mis en danger beaucoup plus de vies. Dès le lancement de Mare nostrum, en novembre 2013, après la tragédie de Lampedusa, les flux migratoires ont commencé d’augmenter et, au même rythme, le nombre de victimes. On a dénombré 3 000 morts par noyade depuis le lancement de Mare nostrum et en dépit de cette opération, alors que moins de 50 personnes avaient péri en mer en cherchant à émigrer de janvier à octobre 2013, avant que ne se produise le drame de Lampedusa. D’évidence, davantage de migrants ont pris la mer, et les risques se sont multipliés, à la fois parce que les embarcations dans lesquelles ils sont entassés ne sont pas sûres et parce que, sachant qu’ils seraient secourus par la marine italienne à quelques milles marins de la côte libyenne, les passeurs ont trouvé le moyen de profits supplémentaires en s’abstenant de dépenser ce qu’il convenait de leur laisser en eau, vivres et combustible. Voilà qui explique la tragédie, car on sait le sort qui attend malheureusement les migrants s’ils ne sont pas secourus à temps.

J’ignore si M. Dimitris Avramopoulos, nouveau commissaire européen aux affaires intérieures, a parlé de Mare nostrum et, si oui, en quels termes. En revanche, Mme Cecilia Malmström, qui l’a précédé dans cette fonction, a souligné comme je l’ai fait devant vous que Triton ne remplacerait jamais Mare nostrum. Le périmètre des deux opérations diffère. Si sauver des vies est une priorité lorsque Frontex mène des opérations conjointes et si nos opérations se transforment en sauvetages parce que, lorsqu’on nous signale des périls en mer, nous intervenons immédiatement pour sauver les migrants, l’Agence n’est pas chargée des recherches et du sauvetage en mer, mais de la gestion des frontières. Il n’existe malheureusement pas d’organisme européen chargé des recherches et du sauvetage en mer. Ces opérations relèvent de la responsabilité des États membres, et ils doivent l’exercer. Avec tout le respect que je dois aux autorités, pour des raisons de politique intérieure, M. Alfano a dû expliquer qu’à partir de maintenant Mare nostrum ne coûterait pas un euro supplémentaire aux contribuables italiens ; mais, bien sûr, des Italiens sont encore actifs dans le dispositif, et toutes les autorités nationales doivent faire ce qui leur incombe pour éviter des morts en Méditerranée.

L’Italie estime à 9 millions d’euros le coût mensuel de Mare nostrum ; l’opération Triton coûte moins de 3 millions d’euros par mois.

Mme Marietta Karamanli. Ma question portait sur les moyens de Frontex en général. Je voulais savoir comment vous pourriez faire davantage avec un budget moindre.

M. Gil Arias. Nos ressources sont effectivement en baisse. L’opération Triton coûtera moins cher que l’opération Mare nostrum, pour laquelle ont été déployés des navires de guerre afin de secourir les migrants, ce qui entraîne une très forte dépense. Les bateaux de Frontex sont d’un tout autre gabarit et les garde-frontières mis à disposition de l’Agence coûtent moins cher que les militaires italiens. Frontex n’ayant pas participé à Mare nostrum, j’ai appris en lisant la presse que l’armée italienne aurait mis 35 navires à disposition pour cette opération. Un tel nombre de bateaux serait inconcevable pour nous. Notre budget total est de 90 millions d’euros, dont 30 millions vont aux opérations maritimes ; il nous faut aussi poursuivre nos activités aux frontières terrestres, payer notre personnel et régler nos frais fixes. Allouerions-nous même l’ensemble de notre budget aux opérations maritimes que nous l’épuiserions en un temps très bref si nous procédions dans la même configuration que celle de Mare nostrum.

Aussi avons-nous cherché à établir des synergies avec les autorités nationales. Ainsi, c’est l’Italie qui paye ses ressources déployées dans le cadre de l’opération Triton. Sur le fond, nous espérons que l’éloignement des navires de la côte libyenne aura un effet dissuasif sur les passeurs et que les migrants eux-mêmes seront plus réticents à embarquer dans des conditions de grande précarité s’ils savent qu’il sera impossible aux navires de Triton de les secourir en quelques heures ou en peu de jours en cas de nécessité. Nous avons bon espoir que les chiffres tragiques des péris en mer baisseront.

Nous espérons aussi que, si l’Union européenne ne parvient pas à trouver une solution communautaire, les États membres finiront par conclure des accords de coopération bilatérale destinés à éviter que les gens ne quittent leurs pays d’origine dans les conditions connues jusqu’à maintenant. L’instabilité en Libye est actuellement très grande, mais l’on peut imaginer que les États membres sauront trouver les moyens diplomatiques et les ressources nécessaires pour mettre au point une solution de ce type. Si ce n’est pas possible avec la Libye, ce serait envisageable avec l’Égypte et la Tunisie, et l’on éviterait ainsi de nouvelles morts en Méditerranée.

L’austérité budgétaire nous oblige à couper dans les dépenses de personnel et, par ricochet, à mettre l’accent sur nos activités prioritaires. Elle nous conduit aussi à rechercher des synergies avec d’autres agences internationales spécialisées telles que le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (IOM). C’est la seule manière de travailler efficacement, même si les ressources sont rares.

La coopération avec les pays tiers dépend des régions considérées. Frontex a signé un protocole d’accord de coopération avec la Turquie, mais l’honnêteté me commande de dire que les tensions politiques persistantes entre Turcs et Grecs nuisent parfois à une coopération que l’on souhaiterait plus étroite entre la Turquie et l’Union européenne. Bref, des progrès existent mais, pour l’instant, ils sont encore limités. J’ai bon espoir que, lentement mais sûrement, la situation s’améliorera.

Aucun accord n’est malheureusement signé à ce jour avec les pays du Maghreb ni avec l’Egypte. Nous avons mandat de notre Conseil d’administration pour négocier, mais nos efforts n’aboutissent pas, faute que nous puissions offrir à nos interlocuteurs un partenariat attractif car nous ne sommes pas en mesure de leur proposer une assistance financière. Nous ne pouvons faire don aux gouvernements concernés de vaisseaux et de véhicules ; ils préfèreront donc conclure des accords bilatéraux avec les États membres plutôt qu’avec un petit organisme comme Frontex, doté de faibles moyens.

Le nouveau mandat confié à Frontex en 2011 a permis à l’Agence de lancer des projets d’assistance technique avec le Maroc et la Tunisie ; ce sont, pour l’essentiel, des programmes de formation. Nous avons aussi mis au point un projet d’assistance technique aux pays d’Europe de l’Est. Le budget consacré à ces missions est de 4,5 millions d’euros pour trois ans. J’espère que nous pourrons mettre au point d’autres activités qui auront des résultats un peu plus tangibles pour les pays tiers. Cela rendra Frontex plus séduisant à leurs yeux et nous permettra, à terme, de signer de nouveaux accords.

Quoi qu’il en soit, des accords bilatéraux, formels et informels, existent entre les pays situés sur les rives de la Méditerranée et Frontex participe à leur mise en œuvre. La France a ainsi signé un accord avec la Tunisie, l’Espagne avec le Maroc et avec la Mauritanie. C’est dans le seul cadre de la coopération bilatérale que Frontex travaille avec les États membres.

Vous m’avez interrogé sur l’évolution possible des missions de l’Agence. Pour l’instant, Frontex a un rôle de coordinateur, mais la Commission européenne, dans le cadre d’une évaluation de l’Agence dont nous pensons qu’elle sera terminée en 2015, conduit une étude de faisabilité relative à la création d’un corps de garde-frontières européens. On peut certes envisager une police des frontières européenne, mais je me dois de vous dire mon scepticisme. Le sujet figure à l’ordre du jour de bon nombre de réunions de l’Union européenne depuis des années. Travaillant alors pour le gouvernement espagnol, j’ai ainsi participé à une réunion organisée à Paris, M. Nicolas Sarkozy étant ministre de l’intérieur. À cette époque déjà, il avait été proposé de créer une police des frontières européenne ; les pays de l’Est de l’Europe avaient refusé cette proposition, peu favorables, pour les raisons historiques que chacun a à l’esprit, à l’idée que des garde-frontières d’autres pays surveillent leurs frontières. Le projet a donc été enterré et, à titre personnel, je crains que son exhumation ne soit improbable.

L’audit en cours donnera lieu à des recommandations et à des modifications du mandat de Frontex qui conduiront sans doute à lui confier de nouvelles tâches, comme ce fut le cas en 2011. Lorsque M. Dimitris Avramopoulos, en passe de devenir le nouveau commissaire aux affaires intérieures de l’Union, a présenté son projet au Parlement européen, il a dit que « Frontex devrait devenir un organisme chargé à la fois de sauver des vies et de protéger les frontières ». Il nous rendra visite sous peu, et je lui demanderai de bien vouloir préciser son propos car, étant donné la période d’austérité que nous connaissons, je ne vois pas comment l’on pourrait surmonter les obstacles qui s’opposent à l’élargissement des activités de Frontex. Toute extension de son mandat supposerait évidemment d’augmenter son personnel et ses ressources, alors que la tendance est aux coupes budgétaires. La Commission européenne peut faire des propositions, mais c’est aux États membres et au Parlement européen qu’il reviendra de les avaliser.

Mme Marietta Karamanli. Nos interlocuteurs grecs et nos interlocuteurs turcs ont souligné devant nous l’amélioration de la coopération entre les deux pays en ces matières, même si elle n’est pas facile. Sur un autre plan, quelles difficultés empêchent l’échange de données personnelles entre Frontex et Europol ? Enfin, mon collègue Charles de La Verpillière et moi-même aurons l’occasion de demander demain aux services de M. Avramopoulos comment il conçoit l’évolution des missions de Frontex.

M. Gil Arias. Des progrès ont eu lieu dans la coopération avec la Turquie et les relations sont bien entendu meilleures qu’elles ne l’étaient il y a quelques années, mais un long chemin reste à faire. Cela gêne les possibilités d’accroissement d’efficacité de notre agence.

La seule possibilité qu’a Frontex pour traiter des données personnelles est de coopérer avec Europol. Un accord en ce sens a été négocié ; il n’attend plus que le feu vert du Contrôleur européen de la protection des données, condition sine qua non d’une signature dont nous espérons qu’elle aura lieu d’ici la fin de l’année. Je précise qu’il s’agit uniquement de traiter des données personnelles d’individus dont nous pensons qu’ils sont des criminels ; nous n’entendons pas traiter les données personnelles des migrants.

J’ai le sentiment d’une certaine désinformation du public au sujet du système de surveillance des frontières Eurosur, qui est, ni plus ni moins, une plate-forme d’échanges d’informations et qui ne dispose ni de satellites ni de radars ni d’aucun équipement de cette sorte. Une partie du coût de ce programme est prélevé sur le budget de Frontex, à hauteur de 6 millions d’euros. Nous sommes en train d’élargir le réseau, qui comprend 18 États membres et Frontex.

Les entretiens menés avec les migrants par les experts de Frontex servent à rassembler le plus d’informations possibles sur les passeurs ; ces informations sont ensuite mises à la disposition des polices nationales.

Enfin, vous m’avez interrogé sur le respect du principe de non-refoulement. Toutes les opérations conjointes de l’Agence sont mises en œuvre en fonction d’un plan opérationnel qui a fait l’objet d’un accord avec le pays hôte – dans le cadre de Triton, l’accord a été signé avec l’Italie. Ces accords sont examinés par le responsable des droits fondamentaux de Frontex, qui s’assure qu’ils sont conformes à toutes les obligations juridiques qui s’imposent à l’Agence – et le règlement de Frontex lui interdit toute opération contraire au respect des droits fondamentaux. Si l’on pensait de façon étayée que des activités de Frontex ne respectaient pas la Charte des droits fondamentaux, elles seraient interrompues et nous pourrions envisager des solutions plus drastiques. La médiatrice européenne n’a jamais reçu de plainte pour violation des droits fondamentaux en matière d’opérations de retour conjointes.

Dans un rapport, la Commission européenne a souligné que la moitié seulement des opérations de retour conjointes ont lieu sans la vigilance d’un observateur indépendant, chargé de s’assurer de la conformité de ces opérations avec le règlement de l’Agence. Mais, conformément à la directive, c’est aux États membres qu’incombe cette obligation. Nous avons donc proposé aux États membres de faire appel à des ONG ou à des agences spécialisées dans les cas où les États sont dans l’incapacité d’opérer les contrôles qui leur reviennent ; pour l’instant, considérant que cette tâche leur échoit, ils ont refusé cette solution. Je tenais à clarifier ce point et, quoi qu’en disent les médias, à vous rassurer. La Médiatrice européenne a certes ouvert une enquête sur la mise en pratique par Frontex de ses obligations relatives aux droits fondamentaux des migrants dans le cadre des opérations de retour conjointes, mais je peux vous rassurer sur ces opérations.

La Présidente Danielle Auroi. Monsieur le directeur, je vous remercie pour ces réponses précises.

La séance est levée à 18 h 30

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 18 novembre 2014 à 17 h 15

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Christophe Caresche, M. Bernard Deflesselles, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, Mme Marie-Louise Fort, M. Yves Fromion, Mme Marietta Karamanli, M. Marc Laffineur, M. Charles de La Verpillière, M. Jean-Claude Mignon, M. Joaquim Pueyo, M. Rudy Salles

Excusés. - M. Philip Cordery, Mme Chantal Guittet, M. Rémi Pauvros, M. Jean-Louis Roumegas