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Commission des affaires européennes

mercredi 14 janvier 2015

16 h 30

Compte rendu n° 180

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

Audition de M. Harlem Désir, Secrétaire d’État aux Affaires européennes, sur le Conseil européen des 18 et 19 décembre 2014

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 14 janvier 2015

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 30

Audition de M. Harlem Désir, Secrétaire d’État aux Affaires européennes, sur le Conseil européen des 18 et 19 décembre 2014

La Présidente Danielle Auroi. Monsieur le ministre, je vous remercie, au nom de notre commission, d’avoir répondu favorablement à notre invitation.

Nous sommes très heureux de commencer nos travaux de cette nouvelle année avec vous, même si cela se fait dans le contexte bien particulier de ce début d’année, marqué par les évènements des derniers jours, qui ont une forte dimension européenne.

Je profite de votre présence parmi nous aujourd’hui pour nous souhaiter collectivement une année 2015 qui soit la plus démocratique et la plus solidaire possible, pour renforcer notre patrimoine commun qui est celui de la liberté, de la fraternité, de la solidarité, du respect des droits humains et de tous ces principes qui sont fondamentaux, y compris pour le projet européen. C’est le meilleur qui nous rassemble, je l’espère, et nous devons essayer de le faire vivre le mieux possible.

Comme toujours l’actualité européenne est extrêmement chargée. Elle se situe dans le prolongement du Conseil européen des 18 et 19 décembre dernier, sur lequel vous allez nous éclairer, et sur ses suites, mais aussi dans le fil des évènements, qui se sont enchainés ces dernières semaines. Notre rencontre d’aujourd’hui a donc vocation aussi à aborder l’actualité la plus récente.

Mes trois questions, que je vais m’efforcer de faire brèves, porteront donc à la fois sur ce Conseil européen et sur d’autres sujets du moment.

S’agissant du soutien de l’investissement, le commissaire Pierre Moscovici a présenté hier une communication de la Commission relative à l’interprétation du Pacte de stabilité et de croissance qu’elle fera « en vue de stimuler les réformes structurelles et de faciliter les investissements dans les États membres ». Cette communication apporte un certain nombre d’informations positives en matière de soutien à l’activité, sur lesquelles nous serions heureux d’avoir votre point de vue. La Commission indique notamment qu’elle ne comptabilisera pas les contributions au Fonds européen d’investissement (FEIS), comme nous le souhaitions. Nous allons donc partager cette espérance dans ce domaine précis.

Le Conseil des 18 et 19 décembre a par ailleurs débattu de l’Ukraine, et nous serons très attentifs à ce que vous pourrez nous dire, à la fois sur ce qui a été décidé par le Conseil, et par l’évolution de la situation depuis fin décembre. On en a moins parlé ces temps-ci mais la question ne s’en pose pas moins, surtout dans le cadre du début de la Présidence lettone de l’Union européenne pour laquelle – nous le savons bien – c’est un important sujet d’inquiétude.

S’agissant d’autres éléments d’actualité, nous serons bien sûr extrêmement attentifs à ce que vous pourrez nous dire s’agissant des prolongements que les évènements français des derniers jours, et les manifestations de solidarité européenne très largement exprimées, pourront avoir sur le plan de l’Union européenne, en prenant appui sur la Charte des droits fondamentaux.

Il me semble que nous devons à cet égard nous attacher non seulement à la politique à mener sur le plan européen en matière de lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, mais aussi à la nécessité de s’attaquer ensemble aux racines du problème, sur le plan international – en matière de politique étrangère, de défense et de développement – , ou pour la relance politique du projet européen, dans l’esprit de cette solidarité renouvelée qui a été portée ces derniers jours.

Nous serons également heureux de vous entendre sur le Programme de travail de la Commission européenne pour 2015. Pour la première fois, la commission des Affaires européennes va donner un avis sur le programme de travail annuel (communication prévue en commission le 20 janvier), qui fera très probablement l’objet d’une proposition de résolution. Quelle est la position du Gouvernement sur ce programme de travail ? sachant que notre commission s’inquiète des retraits annoncés, s’agissant notamment de textes environnementaux. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de poser une question au Gouvernement qui s’est montré très clair dans sa réponse. Mais qu’en est-il des autres États membres : allons-nous être suivis sur cette position selon laquelle il ne faut pas retirer ces textes ?

Enfin il y a l’actualité des prochaines élections grecques. Comment cette perspective est-elle perçue par le Gouvernement ? Quels en sont pour vous les principaux enjeux ?

M. Harlem Désir, Secrétaire d’État aux Affaires européennes. Je vous remercie beaucoup, Madame la Présidente, chère Danielle Auroi, Mesdames et Messieurs les Députés, de votre invitation. Nous nous retrouvons une semaine exactement après les terribles attaques terroristes qui ont visé Charlie Hebdo, des policiers et un magasin juif ; qui ont vu des Français être tués parce qu’ils étaient juifs, des journalistes parce qu’ils voulaient écrire et dessiner librement, et des policiers parce qu’ils les défendaient et protégeaient notre sécurité. Une semaine après ces événements nous avons tous présente à l’esprit l’immense mobilisation qui s’est déroulée dans toute la France, et en particulier le rassemblement du 11 janvier dernier, où l’on a vu la France debout et l’Europe rassemblée à nos côtés avec les leaders européens qui sont descendus dans la rue auprès du Président de la République. Les citoyens européens ont aussi manifesté leur solidarité sous toutes ses formes : en se rassemblant devant les ambassades de France, en venant signer les registres de nos représentations diplomatiques ou, de façon massive, en communiquant sur les réseaux sociaux. Il faut que cette Europe qui a montré qu’elle avait une âme et qu’elle était capable de se rassembler pour des valeurs comme la liberté - que la France incarne -, la solidarité lorsqu’un de ses peuples est attaqué, qui a montré qu’elle avait de la chair, et qu’elle n’était pas seulement une affaire de textes et de traités, trouve dans cette énergie un nouveau souffle pour aborder les défis de l’avenir.

Et s’agissant d’abord de la lutte contre le terrorisme, et d’une façon plus générale, du défi d’un destin commun. Car ce qui s’est manifesté à travers cette mobilisation, c’est bien le sentiment qu’ont nos peuples et nos nations de devoir affronter ensemble les défis qui s’annoncent. En matière de lutte contre le terrorisme, la dimension européenne est, comme vous l’avez rappelé, très importante. C’est la raison pour laquelle le Ministre de l’Intérieur a réuni dès dimanche un certain nombre de ses collègues avec le Ministre de la Justice américain, et que d’autres réunions doivent être organisées très prochainement, en particulier une réunion informelle JAI le 29 janvier prochain à Bruxelles. La réunion du 19 janvier y sera cependant également consacrée. Il s’agira de savoir quelles leçons tirer en matière de politique extérieure au vu des événements dramatiques qui viennent de se produire et qui font suite à d’autres attentats dans bon nombre d’autres villes et pays comme Madrid, Londres, ou encore, plus récemment, l’attaque du musée juif de Bruxelles, d’autant que le phénomène des combattants étrangers touche également tous les pays de l’Union européenne.

Le diagnostic est clair : les textes actuels ne suffisent pas ; une approche globale et opérationnelle est nécessaire ; un meilleur échange des informations, notamment sur les déplacements et les soutiens des personnes, des groupes et des réseaux terroristes, s’impose ; il nous faut renforcer les contrôles des ressortissants européens lors du franchissement des frontières extérieures de l’Union mais aussi dans leurs déplacements à l’intérieur de l’Union ; la lutte contre la propagande et la radicalisation par Internet doit être renforcée.

Le Premier ministre a mis tout particulièrement l’accent hier devant l’Assemblée nationale sur un point crucial, l’établissement urgent d’un PNR européen, cet outil qui permet l’échange des données concernant les passagers aériens entre les États membres. Nous devons bien entendu nous donner toutes les garanties en matière de protection des données personnelles. Mais nous sommes convaincus de l’utilité irremplaçable de cet outil, au plan européen, pour suivre ceux qui se rendent sur le théâtre des opérations terroristes pour y combattre et ceux qui en reviennent, et lutter contre toutes les filières terroristes organisées. C’est d’ailleurs pourquoi que je me suis rendu à Strasbourg, ce lundi, à l’ouverture de la session du Parlement européen pour y rencontrer notamment le Président du Parlement européen et le Président de la Commission des libertés, pour les convaincre de faire évoluer leur position et de sortir du blocage de ce dossier.

D’autres champs d’action sont également à l’ordre du jour, comme la lutte contre la circulation et le commerce illégal d’armes à feu.

Ces sujets seront au centre des travaux dans les prochaines semaines, avec un rendez-vous essentiel, le Conseil européen informel du 12 février, initialement prévu pour traiter de questions de gouvernance dans la zone euro, mais qui traitera en priorité de la coordination dans la lutte contre le terrorisme.

Concernant le Conseil européen du 18 décembre qui est à l’ordre du jour de notre réunion, je vais vous évoquer les leçons que nous en tirons. Tout d’abord, il s’agissait du premier Conseil européen en présence du nouveau président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, qui a souhaité marquer d’une empreinte nouvelle cette réunion, en faisant en sorte, en premier lieu, que ses conclusions aient un format plus court, plus dense et portent de façon très concrète sur les décisions à prendre en matière d’investissement et de croissance, les points principaux à l’ordre du jour. Dans le même esprit, la réunion a été conçue dans un temps plus court, ce qui supposait au préalable de la part des Chefs d’État et de Gouvernement que les conditions d’un consensus soient organisées.

Le Conseil européen du 18 décembre a endossé, comme nous le souhaitions, le plan d’investissement proposé par le Président de la nouvelle Commission : il appelle clairement à mettre en place un Fonds européen pour les investissements stratégiques, avec l’objectif de mobiliser 315 milliards d’euros de nouveaux investissements entre 2015 et 2017 ; sur cette base, le Conseil européen invite le Parlement européen et le Conseil à adopter d’ici juin 2015, au plus tard, une proposition législative qui mettra concrètement en place le nouveau fonds. La Commission a elle-même adopté hier un projet de règlement – dont je vous dirai quelques mots -, qui doit désormais être soumis à l’examen du Parlement européen et du Conseil.

Les États membres sont également invités à contribuer au Fonds. Le Conseil européen a pris note de l’intention de la Commission de considérer favorablement les contributions budgétaires nationales, qui viendraient en sus du fonds, dans le cadre de l’évaluation des finances publiques au titre des flexibilités du pacte de stabilité et de croissance.

Le rôle et l’expertise de la Banque européenne d’investissement en matière d’assistance technique pour sélectionner les projets à l’échelle de l’Union sont clairement affirmés. Enfin, le Conseil européen invite à accélérer les travaux pour renforcer l’attractivité de l’Union et améliorer l’environnement réglementaire pour les investissements, notamment s’agissant de l’intégration des marchés de capitaux.

Il s’agit, selon nous, d’un très bon résultat, et ce à plusieurs titres.

L’investissement est clairement présenté comme l’une des priorités majeures de l’Union européenne et du travail de la nouvelle Commission. La France portait, comme vous le savez, cette demande depuis plusieurs mois. Il s’agit désormais d’une priorité européenne au même titre que les réformes et la consolidation budgétaire. Ce sont trois éléments stratégiques de la nouvelle Commission. Il ne s’agit donc plus d’une approche exclusivement française, ou de certains États membres, mais de celle de l’Union européenne.

Deuxièmement, comme nous le souhaitions, la volonté de mettre rapidement en place le nouveau fonds est fortement affirmée. Il est en effet indispensable de concrétiser le potentiel de croissance future de l’Union européenne dans différents secteurs. L’investissement a en effet pris du retard en Europe notamment par rapport à l’économie américaine. Il s’agit non seulement de répondre à un problème structurel mais également de faire en sorte que la mise en œuvre rapide de ce plan contribue à la relance de la croissance, en complément de ce que fait par ailleurs la Banque centrale européenne. A la demande de la France, le texte précise que la BEI devra commencer à mobiliser ses propres ressources pour lever les financements appropriés dès janvier 2015.

Troisièmement, le rappel des flexibilités du pacte permet d’encourager les États membres qui le souhaitent à amplifier les effets du plan en y apportant des contributions supplémentaires. De la même manière, il est rappelé que les banques publiques nationales, du type de notre Caisse des Dépôts, la Banque publique d’investissement, la KFW allemande, peuvent aussi apporter des contributions supplémentaires au Fonds.

Quatrièmement, enfin, s’agissant du volet réglementaire du plan d’investissement, nous avons obtenu que le texte reste équilibré et ne soit pas excessivement centré sur la seule question de l’achèvement du marché intérieur, en particulier concernant la question sensible des services, mais que la priorité soit aussi accordée aux domaines de l’énergie et du numérique.

Quant au projet de règlement qui a été présenté par la Commission européenne hier, il apporte une première réponse à la question que vous avez soulevée sur le fonctionnement futur du fonds. S’agissant d’abord de la création du fonds, la Commission est chargée de conclure un partenariat avec la Banque européenne d’investissement. Ce dernier aura pour objectif de soutenir l’investissement au sein de l’Union européenne, d’améliorer l’accès à l’investissement des entreprises de 3 000 salariés ou moins, en particulier des PME. Les secteurs visés répondent à notre souhait : infrastructures, éducation, santé, recherche et développement, numérique, énergies renouvelables et efficacité énergétique. Le fonds pourra également participer à des plateformes de financement portées par des banques publiques nationales, elles-mêmes invitées par conséquent à contribuer à la mise initiale. Un bon nombre de modalités techniques – financement par la BEI, appels de fonds publics, etc. – devront être finalisées dans un accord de partenariat entre la Commission européenne et la BEI.

Concernant la gouvernance, les projets d’infrastructure et les grands projets des entreprises intermédiaires seront validés par la structure de gouvernance interne du Fonds européen d’investissement stratégique.

La structure de gouvernance sera composée de deux comités.

Un Comité de supervision déterminera les orientations stratégiques du Fonds et sa doctrine d’investissement. Il sera composé de représentants des contributeurs du Fonds, à savoir, dans un premier temps, de la Commission européenne et de la BEI à hauteur de 75 % pour la première et de 25 % pour la seconde puis, dans un second temps, des États membres s’ils apportent des contributions nationales, et à proportion de leur contribution. Cependant, quel que soit le niveau des contributions des Etats membres, la Commission européenne et la BEI garderont le pouvoir d’invalider la décision, si elles s’y opposent toutes les deux. La supervision du Fonds devra donc veiller à ce que les projets soutenus correspondent toujours à un intérêt général européen. Même s’il s’agit de projets développés dans différents pays, il ne s’agit pas qu’un État membre puisse par sa contribution nationale préempter la stratégie d’investissement du Fonds.

Le Comité d’investissement sélectionnera les projets financés par le Fonds. Il sera composé du directeur général du Fonds, de six experts indépendants, nommés par le Comité de supervision pour un mandat de trois ans renouvelable. Les décisions s’y prendront à la majorité simple et de préférence par consensus. Le projet de règlement souligne que les projets doivent être sélectionnés sur leurs propres mérites sans pré-allocation sectorielle ou géographique. Les projets portés par les PME seront sélectionnés directement par le Fonds européen d’investissement, à savoir la filiale de la BEI qui finance les PME.

Comme nous le souhaitions, la volonté de mettre rapidement en place le nouveau fonds est fortement affirmée. Il est en effet indispensable de garantir que le plan en faveur de l’investissement puisse avoir un impact à court terme sur l’activité économique. À la demande de la France, le texte précise que la BEI devra commencer à mobiliser ses propres ressources pour lever les financements appropriés dès janvier 2015.

Le rappel des flexibilités du pacte pour encourager les États membres qui le souhaitent à amplifier les effets du plan est naturellement bienvenu. Il est, de plus, en ligne avec les précédents appels du Conseil européen, faits à la demande de la France, à utiliser pleinement les flexibilités des règles budgétaires communes dans la situation économique actuelle.

Enfin, s’agissant du volet réglementaire du plan d’investissement, nous avons obtenu que le texte reste équilibré et ne soit pas excessivement centré sur la question de l’achèvement du marché intérieur, en particulier concernant la question sensible des services ; la priorité donnée aux domaines de l’énergie et du numérique est bienvenue.

Sur cette base, notre action doit à présent être double :

- au plan européen, œuvrer au cours du semestre prochain à la mise en place rapide du nouveau fonds, pour garantir qu’il sera opérationnel mi-2015. La future présidence lettone estime qu’il s’agit de l’une de ses priorités majeures au cours du semestre et elle doit être encouragée. La France doit également poursuivre ses efforts pour que l’impact économique du plan européen soit le plus important et le plus rapide possible, notamment en finançant des projets risqués et en soutenant les PME innovantes ;

- au plan national, poursuivre notre travail de sélection des projets concrets, qui doivent en particulier répondre aux besoins de plusieurs secteurs prioritaires (numérique, transports, transition énergétique, éducation et formation, recherche et innovation).

Par ailleurs, la France a obtenu, avec d’autres partenaires (Espagne, Italie, Allemagne), que les conclusions du Conseil européen reconnaissent l’urgence d’accélérer les efforts dans la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales. Le Conseil européen se félicite de l’annonce par la Commission, dans son programme législatif pour 2015, d’une proposition de directive relative à l’échange automatique d’information en matière de « rulings » fiscaux. Ce message est plus que bienvenu. Au-delà des initiatives déjà annoncées, nous veillerons à ce qu’il débouche rapidement sur une stratégie d’ensemble couvrant tous les champs de lutte contre l’optimisation fiscale des entreprises. Cela passe par des règles communes sur trois aspects majeurs, comme les ministres des finances français, allemand et italien l’évoquent dans leur lettre du 28 novembre à la Commission : la transparence généralisée, la lutte contre les montages organisés pour échapper à toute imposition effective, et des mesures pour faire face aux États et territoires tiers qui alimentent aussi l’optimisation par leur opacité et l’absence de fiscalité.

Un mot enfin sur le programme de travail de la Commission. Il s’agit de la première traduction concrète des priorités que s’est fixée la nouvelle équipe de Jean-Claude Juncker, avec une volonté claire de s’inscrire en rupture par rapport à la précédente Commission.

Ce programme de travail se caractérise en premier lieu par sa concision, seules 23 initiatives (contre plus de 100 lors des précédents programmes de travail) étant annoncées pour l’année à venir avec, comme attendu, un fort accent mis sur le soutien à la croissance. Les premières propositions qui seront soumises au Conseil et au Parlement européen au début du mois de janvier devraient ainsi porter sur la mise en œuvre du plan d’investissement de 315 milliards d’euros, et notamment sur la création du Fonds européen pour les investissements stratégiques dont le principe a été acté par le Conseil européen du 18 décembre. L’objectif sera de permettre une adoption des textes législatifs avant la fin de la présidence lettone du Conseil de l’Union européenne, pour que les premiers financements puissent être accordés au début du second semestre 2015.

Outre le Fonds européen pour les investissements stratégiques, les principaux axes de travail portent sur :

- l’Union de l’énergie. La Commission souhaite présenter un paquet couvrant à la fois le renforcement de la sécurité d’approvisionnement, la réduction de la dépendance énergétique, la réduction des émissions de gaz à effets de serre, la promotion des énergies renouvelables et le soutien à l’innovation ;

- le marché unique du numérique, comprenant la modernisation des règles relatives aux droits d’auteur ;

- la révision à mi-parcours de la stratégie Europe 2020 ;

- l’union des marchés des capitaux.

L’approfondissement de l’Union économique et monétaire figure également parmi les sujets qui rythmeront l’activité européenne, avec en perspective une réunion informelle des chefs d’État ou de gouvernement le 12 février et la remise, au plus tard en juin 2015, d’un rapport des présidents de la Commission européenne, des sommets de la zone euro, de l’Eurogroupe et de la Banque centrale européenne. Ce sujet appellera de notre part une vigilance particulière car la Commission met l’accent sur le suivi des mesures de gouvernance économique (« six-pack », « two-pack ») ainsi que sur les réformes structurelles, sans référence aux questions de convergence et de solidarité, pourtant expressément mentionnées dans la déclaration du sommet de la zone euro du 24 octobre dernier.

D’autres développements étaient sans doute moins attendus. Il en va ainsi du paquet « mobilité du travail », qui aura pour objet de soutenir la mobilité du travail dans l’Union et de traiter les cas d’abus par une meilleure coordination des systèmes de sécurité sociale. La Commission envisage également une révision ciblée de la directive sur le détachement des travailleurs, qui pourrait conduire à étendre le principe de responsabilité conjointe et solidaire à d’autres secteurs que la seule construction.

Dans le domaine fiscal, la Commission annonce une directive sur l’échange obligatoire d’informations concernant les cas de « rulings » transnationaux, ainsi qu’un plan d’action pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales.

Enfin, il convient de relever la proposition d’un paquet migration, qui entend développer une nouvelle approche sur le sujet, en mettant l’accent sur la problématique de l’attractivité de l’Union.

Le programme de travail de la Commission marque également une forte volonté de procéder à une simplification et à une rationalisation du fonctionnement de l’Union européenne. 80 des 452 textes présentés par la Commission précédente et non encore adoptés en raison de blocages au sein du Parlement européen ou du Conseil seront ainsi amendés voire retirés. Cet objectif est en soi louable. Toutefois, il concerne plusieurs textes sensibles comme ceux relatifs à la fiscalité énergétique, à la qualité de l’air, à l’économie circulaire et au congé maternité, ou encore à la réciprocité en matière de marchés publics.

La Commission a toutefois indiqué, précision importante même si elle n’a pas retenu l’attention médiatique, qu'elle « attendrait l’avis du Parlement européen et du Conseil sur ces propositions avant d’en confirmer le retrait dans les mois à venir ». Il existe donc encore un espace de discussion avec la Commission, dont il faut que nous continuions à nous saisir, comme nous l’avons fait lors de la présentation de son programme en décembre. Par ailleurs, la Commission entend ajuster ou évaluer 79 textes actuellement en vigueur.

M. Joaquim Pueyo. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous éclairer sur l’évolution de la situation de l’Ukraine ?

M. Philip Cordery. Je salue l’action de l’exécutif face aux évènements récents, ainsi que la mobilisation européenne. Il est évident que celle-ci doit se concentrer sur la lutte contre le terrorisme et l’affirmation des valeurs européennes démocratiques et des libertés. Par ailleurs, je m’interroge sur le plan d’investissement : quelles sont les liquidités mises en œuvre et où en est le débat de la garantie entre la BEI et le budget européen ? Par ailleurs, pour ce qui est de la lutte contre la fraude fiscale, pouvez-vous nous préciser les prochaines étapes concrètes de mise en œuvre du plan ?

Mme Marietta Karamanli. Au vu des évènements récents, le dossier PNR prend un relief particulier. Auparavant, le Président du Conseil avait appelé le Parlement européen à se saisir de ce sujet ; nous ne pouvons, à l’instar de la Commission, que regretter l’absence de cadre juridique stabilisé à ce sujet. Il est évident que l’existence d’un PNR européen devient indispensable ; quelles seront les initiatives des autorités françaises à ce propos ?

M. Bernard Deflesselles. Au-delà de l’effet d’annonce, le plan Juncker ne règle pas les modalités concrètes de sa mise en œuvre, en matière de dotation, de budget et de garantie budgétaire. Il est annoncé 315 milliards d’euros, dont 8 milliards seraient financés par l’Union européennes et 5 milliards par la BEI ; qui va financer le reste ? La négociation commencerait le 29 janvier, soit après demain. Quelles sont les possibles contributions des États ? Quelle serait, dans ce cas, la dotation de la France ? Je rappelle que le plan doit être bouclé au mois de juin.

M. Jérôme Lambert. Je tiens d’abord à vous faire part de mes préoccupations sur les négociations relatives au projet de traité transatlantique, l’ampleur potentielle de leurs conséquences et les modalités pratiques de mise en œuvre pour parvenir à sa ratification. Je voudrais par ailleurs souligner que le Conseil européen de décembre dernier a permis plusieurs avancées qui vont dans le bon sens. Je souhaiterais en outre connaître, Monsieur le Ministre, la contribution des États européens au financement des opérations extérieures. Je suis enfin offusqué de l’ingérence ou des tentatives d’ingérence de certains membres de la Commission européenne dans le processus électoral en Grèce. Vous avez souligné, Monsieur le Ministre, que seul le parti néonazi Aube dorée était favorable à une sortie de la Grèce de la zone euro, mais je voudrais dire ici que, même si parmi les autres partis, certains défendaient également l’abandon de l’euro, il ne reviendrait pas à des acteurs extérieurs de s’immiscer dans un débat interne. Nous sommes face à un processus démocratique qui doit aller à son terme et qui concerne avant tout les Grecs.

M. Michel Piron. Le plan Juncker représente certes une somme très modeste à l’échelle de l’Europe, mais il a le mérite d’exister.

Comment des États comme la Grèce, le Portugal, l’Espagne et même l’Italie, qui ont fait des efforts considérables et continuent de mener des réformes structurelles importantes et qui sont confrontés à des conditions d’emprunt difficiles – avec des écarts de taux d’intérêt supérieur de 2 à 4 points avec ceux des autres États européens – vont - ils pouvoir financer de nouveaux investissements ? Quel message le gouvernement français entend-il porter à ce sujet au niveau européen ?

Pour le reste, je souscris aux questions déjà posées. Que pense en particulier l’Europe de l’Ukraine ?

M. Jacques Cresta. S’agissant de l’Europe de l’énergie, force est de constater plusieurs signes forts qui permettent un certain optimisme, comme les prises de position du nouveau président du Conseil européen Donald Tusk sur l’approvisionnement et la diversification des ressources lorsqu’il était Premier ministre, le document d’orientation politique présenté par Jean-Claude Juncker et, enfin, l’invitation adressée par le dernier Conseil européen à la Commission européenne de présenter, avant son prochain sommet, une nouvelle proposition globale en matière d’énergie. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Mme Estelle Grelier. Je souscris également aux questions qui ont été posées.

Alors que l’Union européenne souffre d’un manque d’incarnation et qu’on se demande si l’Union n’est pas que budgétaire et économique, je trouve l’image envoyée dimanche dernier au peuple européen très belle. À cet égard, le positionnement adopté par Angela Merkel, sa proximité et son empathie avec le peuple français, m’ont profondément touchée, alors qu’elle-même est confrontée à des manifestations d’islamophobie à Dresde.

Pourriez-vous expliciter les avancées proposées par la Commission européenne en matière de flexibilité dans l’application du pacte de stabilité et de croissance ? Nous demandons en effet depuis longtemps une plus grande souplesse dans son interprétation, notamment un rythme d’ajustement plus soutenable, tenant davantage compte des évolutions économiques et sociales.

On sait par ailleurs que le budget européen est particulièrement étriqué et que le cadre financier pluriannuel n’est pas à la hauteur des défis auxquels l’Europe est confrontée. L’analyse de notre Commission est à cet égard confirmée d’année en année. Dès lors, comment la mobilisation du budget européen va-t-elle pouvoir contribuer à la relance de l’investissement ? La question est d’autant plus importante qu’au final tout cela a un impact sur le budget français au travers du prélèvement sur recettes qui figure dans une enveloppe normée dont on connaît les difficultés à la maîtriser.

La Présidente Danielle Auroi. Je crois qu’il faut tout d’abord insister pour que le Conseil européen du 12 février prochain soit consacré à la lutte contre toutes les formes de terrorisme et de fanatisme. On a cité Aube dorée et il y a effectivement eu des morts en Grèce. Je vous renvoie à Voltaire qui a donné une définition du fanatisme qui, malheureusement 250 ans après, correspond tout à fait à ce qui se passe aujourd’hui, que ce soit en Norvège ou chez nous.

Ensuite, est-ce que le dossier de la taxe sur les transactions financières va repartir ? Va-t-on enfin aboutir à quelque chose d’opérationnel ? Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Enfin, s’agissant du projet de traité transatlantique, nous avons rencontré un peu avant Noël la commissaire Malmström, qui nous a fait part de sa volonté d’une plus grande transparence. Quelle est la stratégie du Gouvernement alors que les négociations sur ce projet de traité vont reprendre ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international. Sur l’Ukraine, une réunion des ministres des affaires étrangères en format « Normandie » s’est tenue ce lundi à Berlin pour faire suite aux discussions que le Président de la République a engagées l’an dernier avec le président Poutine, le président Porochenko et la chancelière Angela Merkel. Dimanche dernier, le Président de la République s’est d’ailleurs à nouveau entretenu avec le président Porochenko et la chancelière à ce sujet.

Notre objectif est de faire aboutir le processus de Minsk, alors que la situation sur le terrain s’est à nouveau dégradée ces derniers jours, faisant de nouvelles victimes. Il faut que soient mis en œuvre les engagements pris et réaffirmés lors de dernière la rencontre du Président de la République et du président Poutine, à savoir : le respect effectif du cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes, la définition de lignes de démarcation au-delà desquelles il n’y a plus d’armement, l’arrêt de tout soutien aux séparatistes de l’Est de l’Ukraine, la reconnaissance de la souveraineté territoriale de l’Ukraine, la poursuite des échanges de prisonniers – qui a été une avancée permise par la rencontre entre le président de la République et le président Poutine à la fin de l’an dernier – , et, enfin, l’approfondissement du dialogue national en Ukraine, pour donner, dans le cadre constitutionnel ukrainien, un statut stable et durable aux régions de l’Est de ce pays, avec notamment l’élection de représentants. Il faut évidemment que la situation des populations et des minorités russophones soit prise en compte. Ainsi, c’est un règlement global qui doit avancer. Nous essayons, étape par étape, sur chacun de ces points, de faire en sorte que les engagements pris soient tenus, de telle sorte que la rencontre des chefs d’État et de gouvernement à Astana puisse aboutir à un règlement politique définitif, car il n’y a pas d’autre voie possible. Nous tiendrons bien évidemment l’Assemblée nationale au courant des avancées sur ce sujet.

Le projet de traité transatlantique sera soumis à la ratification de tous les États membres et du Parlement européen. Il s’agit d’un traité international, donc il devra requérir l’accord de tous les gouvernements, à l’unanimité, et être ratifié par tous les États membres et le Parlement européen. Il doit être négocié en toute transparence, car il en va de l’intérêt économique et démocratique de l’Union mais aussi parce qu’il ne pourra être mis en œuvre que s’il y a une approbation très large. À cet égard, la Commission européenne vient de rendre publics les résultats de la consultation qu’elle avait lancée sur la procédure d’arbitrage entre les investisseurs privés et l’État, d’où il ressort de grandes inquiétudes. Le secrétaire d’État au commerce extérieur Matthias Fekl a ainsi rappelé hier que nous n’accepterons pas qu’un mécanisme international aboutisse à ce que des entreprises multinationales puissent mettre en cause la capacité de l’Union ou d’un État à réguler les domaines d’intérêt public comme l’environnement, la santé ou les services publics. Nous pensons qu’avoir voulu introduire l’idée d’un tel mécanisme dans les négociations n’est de nature à favoriser un aboutissement rapide. Comme l’a dit le Conseil européen, qui mentionne dans ses conclusions la date de 2015, l’objectif doit être d’obtenir un accord commercial ambitieux qui permette d’ouvrir le marché américain à de nombreux secteurs économiques et entreprises européens et d’aboutir le plus rapidement possible. Pour cela, je crois qu’il ne faut pas introduire dans la négociation des éléments de nature à la bloquer.

Il y a beaucoup d’intérêts économiques à aboutir à un très bon accord entre les États-Unis et l’Union européenne. Je pense par exemple, dans le domaine de l’agriculture, à la protection des indications géographiques, qui ont été introduites dans l’accord avec le Canada, et qui n’existent pas aujourd’hui dans les relations avec les États-Unis. Je pense également aux marchés publics, qui sont très fermés aux États-Unis, alors qu’ils sont très ouverts en l’Europe. C’est un élément sensible de cette négociation puisque, comme vous le savez, l’administration fédérale affirme qu’elle ne peut pas, en la matière, s’engager pour tous les États fédérés alors que la plupart des marchés publics relève des États fédérés. Il y a aussi la convergence réglementaire, qui concerne les produits industriels et qui doit permettre d’exporter plus facilement des automobiles et toutes sortes de produits issus de l’industrie européenne qui se heurtent aujourd’hui à des obstacles pour accéder au marché américain.

Philip Cordery a rappelé l’importance de travailler sur les valeurs fondamentales de l’Europe dans l’esprit du 11 janvier 2014, qui est un esprit de la République, car cela a été une mobilisation de toute la France, mais partagé par nos amis européens qui étaient présents à nos côtés. Cette manifestation marque une date pour tous en Europe. D’ailleurs, je crois que quand la chancelière est allée manifester hier contre d’autres formes de menaces pour les valeurs de l’Union comme la propagande anti-islam que certains essaient de répandre en Allemagne, elle l’a fait dans la suite de sa participation à la manifestation du 11 janvier. Elle a voulu avec le président Gauck et avec le vice-chancelier Sigmar Gabriel montrer qu’en Allemagne aussi il y avait des dirigeants qui étaient aux côtés des citoyens qui se dressaient dans la rue contre ceux qui veulent propager la haine qui est un ferment de division inacceptable dans notre société et de remise en cause de nos valeurs démocratiques.

Je crois qu’il y a eu un regard porté sur la France qui était atteinte dans ses valeurs les plus profondes, la liberté et une solidarité qui sont des points d’appui pour continuer à défendre une Europe, qui n’est pas qu’un ensemble économique, mais un projet profondément démocratique qui doit mobiliser nos concitoyens.

S’agissant des mécanismes de fonctionnement du futur Fonds d’investissement, le plan Juncker instaure une garantie qui vise à favoriser la mobilisation d’investissements publics ou privés, dans des secteurs essentiels pour la croissance et pour la compétitivité future de l’Union européenne. On constate en effet qu’aujourd’hui les investisseurs privés hésitent car ils n’anticipent pas une croissance forte au sein de l’Union européenne. Il faut redonner confiance en l’avenir de l’Union européenne, afin d’encourager les banques à prêter et les entreprises à investir.

Le message porté par ce Fonds est le suivant : « si vous contribuez  - par exemple - à financer des recherches dans le domaine du Big Data (stockage de données), nous vous garantissons des prêts à taux extrêmement bas, et s’il existe un risque, celui-ci sera couvert ». Ce mécanisme a été voulu par M. Juncker suite à l’expérience de la BEI : en 2012, à partir d’une augmentation de capital de 10 milliards d’euros, la BEI a augmenté ses propres prêts de 60 milliards d’euros et ses investissements de 180 milliards d’euros. En France, les prêts de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) sont déjà passés de 4 à 8 milliards d’euros en 2013, et on a pu constater un fort effet de levier.

Les financements doivent bien sûr être dirigés sur des investissements utiles d’un point de vue économique ; mais il s’agit aussi de répondre à une défaillance de marché ainsi qu’à la frilosité des investisseurs. Avec 21 milliards d’euros, on peut financer des projets d’un montant de 315 milliards d’euros sur la période allant de 2015 à 2017.

Par exemple, les projects bonds dits « axione » sont destinés à financer les équipements numériques des régions en zone rurale : la garantie de quelques dizaines de millions d’euros par la BEI a permis que quelques centaines de millions d’euros soient investis, avec un prêt de la Caisse des Dépôts ; le projet sera rentable sur le long terme. Il faut donc encourager les États membres à contribuer. Il n’y aucune raison que la France soit le seul pays à le faire.

La création d'une base de données communautaire rassemblant des informations personnelles sur les passagers des compagnies aériennes (PNR) au sein de l’Union européenne est souhaitable. S’il n’y a pas de dispositif européen, il y aura des dispositifs nationaux : ceux-ci seront moins efficaces, car ne faisant pas l’objet d’une mise en cohérence, et la réponse souhaitable en matière de protection des données et de liberté ne sera pas. Un cadre européen est indispensable en la matière.

S’agissant du traité transatlantique, il faut identifier les secteurs économiques où il existe des gains et travailler sur ceux-là, sans remettre en cause les règles de régulation publique en Europe. Il existe des lignes rouges à ne pas franchir, comme par exemple en ce qui concerne l’audiovisuel.

S’agissant des priorités de financement des projets du plan Juncker, il y aura effectivement des différences entre les États, en fonction de leurs priorités respectives. La France ayant une économie très diversifiée, elle aura des projets dans tous les domaines, et travaillera en complémentarité avec les régions, dans un souci de cohérence.

Vous m’avez interrogé sur l’action de la Banque Centrale Européenne (BCE) pour que les conditions d’emprunts soient les mêmes, et que les spreads diminuent. La France emprunte à 0,74 %, soit une baisse de 82 points de base en six mois : le différentiel de taux d’emprunt avec l’Allemagne est minime, tandis qu’il est élevé comparé la Grèce. Ces derniers mois, les taux ont diminué tant pour la France que pour l’Allemagne, mais ils sont augmenté pour d’autres pays. Mario Draghi devrait annoncer, le 22 janvier prochain, que le rachat de dettes souveraines par la BCE a pour objectif de faire diminuer les taux d’intérêt dans les pays où les spreads sont les plus importants.

La création d’une Europe de l’énergie constituait un point majeur des conclusions du Conseil européen du 18 décembre dernier. La Commission présentera un paquet visant notamment à renforcer la sécurité d’approvisionnement, à diminuer la dépendance énergétique, qui soit en lien avec le paquet énergie-climat et soutienne l’innovation ainsi que les investissements en matière d’infrastructures et de recherche. Deux grands projets doivent ainsi voir le jour cette année : l’Europe de l’énergie, et l’Europe du numérique.

La communication de la Commission du 13 janvier dernier, portant sur la coordination budgétaire et le fonctionnement du pacte de stabilité, constitue un tournant et confirme une plus grande flexibilité accordée aux États. Ce texte permet d’aller plus loin : on tiendra compte, dans les évaluations des finances publiques des États membres, des situations budgétaires des États ainsi que de leur position dans le cycle économique (vérification de l’absence de politique procyclique), des besoins d’investissement et de l’accompagnement des réformes structurelles. Il ne s’agit pas de renoncer au pacte de stabilité et de croissance, ni à l’objectif de réduction de la dette et du déficit public, mais de le faire à un rythme compatible avec la réussite des réformes, les besoins d’investissement et le cycle économique.

L’approche de Jean-Claude Juncker et de la Commission est nouvelle. Elle donne la priorité à la croissance et au soutien de l’activité économique. La croissance mondiale ne saurait avoir lieu qu’aux seuls États-Unis, ne reposer que sur un seul moteur.

Le Président de la République a réitéré, le 5 janvier dernier, que la France poursuit l’objectif de la mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières, dans le cadre de la coopération renforcée entre onze États membres. Elle devra avoir l’assise financière la plus large, et des taux pouvant être limités, mais devant permettre la mise en œuvre de cette taxe. Le produit de cette taxe devra poursuivre des objectifs d’intérêt commun à l’Union européenne ; à cet égard, le Président de la République a indiqué que le produit de cette taxe pourrait servir à financer le futur Fonds vert pour le climat. Les onze pays seront soumis à cette taxation, et l’on veillera à l’absence d’effet de contournement. C’est un combat que, à titre personnel, je mène depuis des années.

La Présidente Danielle Auroi. Merci beaucoup, Monsieur le ministre, pour vos réponses très précises et complètes à nos interrogations.

La séance est levée à 17 h 45

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 14 janvier 2015 à 16 h 30

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Philip Cordery, M. Jacques Cresta, M. Bernard Deflesselles, Mme Estelle Grelier, M. Laurent Kalinowski, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Michel Piron, M. Joaquim Pueyo

Excusés. - M. Jean-Luc Bleunven, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Rémi Pauvros, M. Jean-Louis Roumegas