Accueil > Union européenne > Commission des affaires européennes > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires européennes

mardi 19 mai 2015

16 h 15

Compte rendu n° 208

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

I. Communication de M. Joaquim Pueyo et de Mme Marie-Louise Fort sur la consultation publique ouverte par la Commission européenne relative à la révision de la politique européenne de voisinage 

II. Communication de Mme Marietta Karamanli sur le projet de parquet européen 

III. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 19 mai 2015

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 15

I. Communication de M. Joaquim Pueyo et de Mme Marie-Louise Fort sur la consultation publique ouverte par la Commission européenne relative à la révision de la politique européenne de voisinage 

Mme Marie-Louise Fort, co-rapporteure. La Politique européenne de voisinage (PEV), créée en 2004, s’appuie sur deux plateformes régionales : l’Union pour la Méditerranée (UpM), qui s’adresse à dix pays du Proche-Orient et de la rive Sud de la Méditerranée ; le Partenariat oriental, qui couvre six pays d’Europe de l’Est et du Caucase Sud. Elle a pour base juridique l’article 8 du Traité sur l’Union européenne.

Son but est d’encourager des relations plus étroites avec les pays limitrophes de l’Union européenne non engagés dans un processus de négociations d’adhésion et ainsi d’y promouvoir des réformes politiques et économiques de nature à enraciner la prospérité, la stabilité et la sécurité, dans l’intérêt mutuel des deux parties.

Elle se déploie par l’intermédiaire d’accords bilatéraux signés entre l’Union européenne et ses partenaires, qui sont de trois natures : les Accords euro-méditerranéens établissant une association ; les Accords de partenariat et de coopération ; les Accords d’association créant une zone de libre-échange approfondi et complet.

Les pays souhaitant renforcer leurs relations avec l’Union européenne et se rapprocher des standards communautaires concluent en outre à cet effet, pour une durée de trois à cinq ans, des plans d’action bilatéraux, prévoyant un programme de réformes politiques et économiques. Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et la Commission européenne publient annuellement, pour chaque pays partenaire, un rapport de suivi analysant les progrès déjà réalisés et décrivant les actions restant à mettre en œuvre afin de se conformer au plan d’action bilatéral.

La PEV est actionnée par le biais de plusieurs leviers concrets : la coopération sectorielle ; la coopération transfrontalière ; la participation aux agences et programmes communautaires ainsi qu’à des programmes d’assistance technique ad hoc.

En 2011, l’Union européenne a réaffirmé l’importance de ses relations de voisinage à travers une nouvelle approche, encore en vigueur aujourd’hui, fondée sur quatre réorientations : une plus grande différenciation, pays par pays, des objectifs de coopération ; l’accroissement de la conditionnalité de l’aide financière ; le soutien au développement d’une économie solidaire ; le renforcement des synergies régionales.

En 2007, un mécanisme unique de financement a été créé pour l’ensemble de la PEV : l’Instrument européen de voisinage et de partenariat, crédité à hauteur de 13,4 milliards d’euros pour la période 2007-2013.

Ce mécanisme est remplacé, depuis le 1er janvier 2014, par l’Instrument européen de voisinage, l’IEV, qui s’intègre dans le paquet de programmation budgétaire du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Doté d’un budget de 15,4 milliards d’euros pour cette période septennale, il se caractérise notamment par l’application du principe « more for more », c’est-à-dire l’intégration d’un certain degré de conditionnalité en fonction des progrès réalisés en matière de respect de la démocratie et des droits de l’homme.

Les seize pays partenaires ont une vocation commune à se rapprocher de l’Union européenne mais se caractérisent aussi par des disparités imposant des approches variées et des rythmes différenciés.

L’Union pour la Méditerranée est née en 2008, durant la présidence française de l’Union européenne, sur les fondements du partenariat EuroMed, dit « processus de Barcelone ». Inspirée des principes de réciprocité, de solidarité et de codéveloppement, elle a jeté les bases d’une nouvelle forme de coopération régionale, visant à promouvoir la paix, la stabilité et la croissance dans les pays partenaires.

Ne participent à la PEV que les dix pays du pourtour méridional de la Méditerranée non reconnus comme candidats à l’adhésion à l’Union européenne, c’est-à-dire neuf pays arabes – l’Algérie, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, les Territoires palestiniens et la Tunisie, ainsi que la Libye et la Syrie, aujourd’hui inactifs dans l’organisation compte tenu de leur situation domestique – plus Israël.

Cette coexistence a été conçue par l’Union européenne comme un moyen de peser pour avancer vers une résolution du conflit israélo-palestinien, longtemps le principal point noir sécuritaire de la région. La détérioration de la situation au Sahel, en Libye et en Syrie a considérablement compliqué la donne en Méditerranée et au Proche-Orient, et justifie plus que jamais que l’Union européenne y déploie sa politique de voisinage.

Parmi ces dix pays, la coopération politique, culturelle, économique et commerciale est particulièrement fructueuse avec le Maroc et la Tunisie, qui bénéficient d’un statut de « partenaire avancé », ouvrant la voie à la possible constitution d’une zone de libre-échange approfondi et complet dans les années prochaines.

Le Partenariat oriental est une institution très jeune : imaginée par la Pologne, qui s’est ensuite fait l’avocate de l’initiative en compagnie de la Suède, elle n’a vu le jour qu’en 2009, sous présidence tchèque de l’Union européenne – la première à avoir été exercée par un pays d’Europe centrale issu de l’ancien bloc socialiste. Elle est axée sur trois priorités : accélérer l’association politique ; approfondir l’intégration économique ; organiser la mobilité des citoyens.

Quoi qu’il ne possède pas le statut d’organisation internationale, le Partenariat oriental s’est avéré dynamique, grâce, d’une part, au volontarisme marqué de la part de plusieurs des États y participant et, d’autre part, du leadership politique fort manifesté à son égard par le SEAE.

Son fonctionnement est cependant handicapé par le fait que quatre de ses six pays sont amputés d’une partie de leur territoire à la suite d’opérations de séparatisme agressif et que deux d’entre eux, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, s’affrontent directement.

La Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine ont signé avec l’Union européenne, le 27 juin 2014, des accords d’association instituant des zones de libre-échange approfondi et complet. Pour ce qui concerne les deux premiers bénéficiaires, ils sont effectifs de manière provisoire depuis le 1er septembre 2014, en attendant leur ratification par tous les États membres. Pour ce qui concerne l’Ukraine, dans un souci d’apaisement avec la Russie, l’entrée en vigueur du texte, initialement prévue le 1er novembre 2014, a été repoussée au 1er janvier 2016 et des consultations trilatérales relatives à sa mise en œuvre ont été ouvertes.

La décennie qui s’est écoulée depuis la création de la PEV a été marquée par des bouleversements politiques profonds aux frontières méridionales et orientales de l’Union européenne, et la plupart des États y ont perdu en stabilité ; le mouvement centrifuge s’est même considérablement accéléré depuis 2011, année de sa première révision.

La PEV n’a pas toujours permis d’apporter des réponses adéquates à ces situations nouvelles ni à l’évolution des aspirations des partenaires de l’Union européenne. Dès lors, elle n’a pas non plus entièrement satisfait les intérêts européens, d’autant qu’elle n’est pas exempte de critiques : elle souffre d’un certain flou conceptuel, de la tension perpétuelle entre valeurs politiques et intérêts économiques, de la modestie des crédits au regard des enjeux, de lourdeurs bureaucratiques, mais aussi des différences de positionnement stratégique et des divergences politiques – voire des conflits – entre les seize pays partenaires.

Cet outil institutionnel constitue toutefois un vecteur permanent efficace pour faire avancer, à ses frontières, les valeurs politiques et économiques de l’Union européenne. C’est pourquoi la Commission européenne et le SEAE ont décidé de la réviser et ont publié, à cet effet, un Livre vert ouvrant une consultation publique jusqu’au 30 juin 2015.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Cet exercice de consultation publique a d’ores et déjà donné lieu à une multiplicité d’initiatives qui nourrissent la réflexion collective. La commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale a souhaité, elle aussi, y participer. Avec Marie-Louise Fort, nous avons donc organisé deux initiatives : une table ronde réunissant des représentants des ambassades de sept pays participant à la PEV ; une série d’auditions menées à Bruxelles.

Au terme de ce travail, nous vous proposons d’adopter une proposition de résolution européenne contenant une série de recommandations, qui ont en réalité un objectif unique : mieux adapter la PEV aux enjeux régionaux et nationaux contemporains

Une décennie après son découpage, force est de constater que le périmètre des pays couverts par la PEV conserve sa cohérence, dans la mesure où il couvre : à l’Est, tous les pays possédant une frontière terrestre ou maritime soit avec l’Union européenne, soit avec un pays reconnu comme candidat à l’adhésion, hormis évidemment la Russie ; au Sud, tous les pays côtiers des bordures méridionale et orientale de la Méditerranée, plus la Jordanie, dont le destin est intriqué à celui du reste du Proche-Orient.

Il n’en demeure pas moins que l’Union européenne doit aussi se garder de donner l’impression d’ériger un nouveau mur et s’adresser aux « voisins des voisins ». Sont concernés la Russie mais également les pays d’Asie centrale, du golfe Persique et de la ceinture sahélienne, zones sensibles au regard des défis énergétiques, sécuritaires et migratoires auxquels nous sommes confrontés.

Politiques de voisinage et d’élargissement ont parfois tendance à être mélangées. Cela pose surtout problème pour la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, qui revendiquent leur accession immédiate au statut de candidat à l’adhésion. La crise géorgienne de 2008 et plus encore le conflit ukrainien actuel invitent précisément l’Union européenne à se montrer vigilante vis-à-vis de la Russie. Il faut rappeler le fait qu’un partenariat approfondi avec l’Union européenne n’équivaut pas à un passeport pour l’adhésion. Il n’est pas question de décourager les peuples des pays du Partenariat oriental en leur fermant définitivement la porte mais tout milite pour n’envisager une telle perspective qu’à l’horizon de plusieurs décennies.

La PEV a été imaginée comme un tout et, comme c’est souvent le cas pour les politiques européennes, elle procède d’un consensus : ne pas opposer les voisins du Sud et Est mais au contraire les faire bénéficier de la même attention politique et des mêmes mécanismes de financement et d’accompagnement juridique et administratif parce que, de par leur contiguïté avec l’Union européenne, ils méritent le même degré d’intérêt de sa part. Telle est la doctrine sous-tendant la PEV : il n’y a pas deux voisinages mais un seul.

L’Union européenne reste indéfectiblement attachée à l’État de droit et à une certaine conditionnalité « coopération contre démocratie ». Mais elle doit aussi appréhender sa politique de voisinage avec pragmatisme, y compris, d’ailleurs, pour atteindre au final cet objectif d’exportation de ses valeurs. Il convient donc, dans le cadre de la PEV, de créer les conditions pour être entendue, en promouvant des politiques favorables au développement économique et à l’essor de la société civile.

Depuis la création de la PEV, dans tous les documents stratégiques y afférents, la différenciation politique a toujours été identifiée comme importante. Il convient dorénavant d’aller plus loin et de prendre en considération les attentes manifestées par chaque partenaire, en respectant leurs ambitions et leurs choix stratégiques souverains. En particulier, le statut avancé, dont jouissent six pays doit être enrichi. Ce recalibrage de la PEV est essentiel pour que l’Union européenne cesse d’organiser son offre en fonction des espoirs de 2003 : elle doit s’adapter au monde réel de 2015.

En corollaire, la Commission européenne doit disposer d’une certaine marge de souplesse dans l’utilisation des instruments financiers de la PEV pour répondre à l’évolution dans le temps des besoins manifestés par les pays partenaires, notamment pour se montrer réactive dans son soutien aux pays en proie à une situation politique, économique ou sociale critique, comparable au printemps arabe ou au conflit ukrainien.

Mais la prévisibilité budgétaire ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la flexibilité, d’autant que l’IEV est un outil bien conçu, qui procède d’un compromis subtil. Il est régi par la combinaison de deux clés de répartition quantitative qu’il convient de préserver : d’abord, 10 % des crédits sont alloués en fonction du principe « more for more » ; ensuite, en ce qui concerne la fraction de 90 % restante, deux tiers des crédits sont affectés au voisinage Sud et un tiers au voisinage Est, afin de prendre partiellement en compte l’écart démographique entre les deux zones.

Un phénomène de déperdition des crédits votés est à déplorer, avec un taux d’exécution de 63,65 % au Sud et de 75,04 % à l’Est. Celui-ci s’explique par la faiblesse des structures administratives de la plupart des pays partenaires. Il ne doit aucunement conduire à revoir le principe ou le mode de répartition de l’aide que l’Union européenne leur apporte, mais au contraire l’inciter à mieux accompagner leur appareil d’État dans la conduite des réformes de bonne gouvernance.

Les pays partenaires de la PEV jugent que la méthode itérative des plans d’action et des rapports de suivi n’apporte guère de valeur ajoutée par rapport aux accords bilatéraux mais qu’elle induit une conditionnalité politique accrue pesante et des pressions excessives pour l’ouverture des marchés de biens et services. Il convient donc de revoir ce système, d’une façon ou d’une autre.

Pour que nos voisins aient moins le sentiment de ne pas avoir prise sur la PEV, il convient de mieux les associer à la définition de ses objectifs et à la conception de ses priorités. C’est du reste ce que la Commission européenne et la haute-représentante ont amorcé en les incitant à participer à la consultation publique.

L’appropriation de la PEV par les partenaires passe par la fixation de priorités générales correspondant à des enjeux communs ; nous en avons identifié deux absolument cruciaux. Premièrement, les catastrophes humanitaires récentes au large de la Méditerranée ont mis en évidence l’importance d’une meilleure gestion des flux migratoires, notamment par le biais de la PEV, nos partenaires du voisinage étant à la fois pays d’origine et pays de transit pour les migrants. Deuxièmement, les pays du Partenariat oriental comme ceux de l’UpM ont beaucoup à apporter pour aider l’Union européenne à diversifier et sécuriser ses approvisionnements énergétiques.

Enfin, il convient de reconsidérer la PEV à travers une réflexion stratégique plus soutenue : à l’Est, elle est indissociable du positionnement de l’Union européenne à l’égard de la Russie ; au Sud, elle doit reposer sur une bonne appréciation des défis sécuritaires. L’Union européenne, dans son voisinage, sera alors présente sur le front du développement comme sur celui de la sécurité, aujourd’hui essentiellement assumé par les États membres. Elle a en effet vocation à occuper un rôle majeur sur la scène internationale et à intervenir plus efficacement pour contribuer à la résolution pacifique des crises qui enflamment l’aire méditerranéenne et l’espace post-soviétique.

La Présidente Danielle Auroi. Mardi prochain, à dix-sept heures, après le vote solennel en séance, nous auditionnerons M. Harlem Désir, secrétaire d’État aux affaires européennes, afin de l’entendre à propos des développements récents dans les Balkans, notamment dans l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), et en Méditerranée. Ce sera l’occasion de l’interroger plus largement sur la PEV mais aussi sur les questions migratoires et la préparation du prochain Conseil européen.

M. Pierre Lequiller. La politique de voisinage devrait être un instrument politique, permettant de traiter avec flexibilité les problèmes lorsqu’ils surviennent. Je pense par exemple au problème des migrants. L’une des difficultés capitales de la Libye est que deux gouvernements y coexistent, malgré les efforts de rapprochements entrepris par la communauté internationale. N’est-ce pas l’occasion de pratiquer une politique de flexibilité, selon le principe du bâton et de la carotte, en proposant davantage d’aide contre davantage d’efforts, afin d’obtenir une entente entre les deux camps ? Il en va de même pour l’Ukraine : même si la Russie exerce une politique inadmissible à son encontre, ce pays doit se donner les moyens de progresser sur les plans de la démocratie et de la lutte contre la corruption. N’y a-t-il pas matière, là aussi, à une forme de conditionnalité de l’aide, alors que celle-ci donne actuellement l’impression d’être allouée de façon automatique ?

La Présidente Danielle Auroi. Ce sont nos voisins du Sud qui accueillent la majorité des migrants, personnes en grande difficulté et réfugiés ; n’oublions pas que ces pays paient le plus fort tribut à ces déséquilibres.

S’agissant de votre proposition de résolution, à la fin du point 3. k), je suggère que nous ajoutions les mots : « y compris dans sa dimension approfondissement de la démocratie et des droits humains », ce qui irait dans le sens de la remarque de Pierre Lequiller à propos de l’Ukraine.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec cet amendement car il ne faut pas oublier la démocratie – dans le corps de notre rapport d’information, nous y consacrons d’ailleurs de longs développements. Mais il convient de se montrer pragmatique et de promouvoir, à cet effet, une politique favorable au développement économique et à l’essor de la société civile.

Les Marocains, notamment, avec lesquels l’Union européenne travaille étroitement, se montrent très intéressés par les questions de développement économique et de maîtrise concertée des flux migratoires, et se disent attachés à la démocratie, sans pourtant en donner la même définition que nous. Dans nos débats avec les partenaires de la PEV, il convient d’être attentifs à cette problématique. Avec des États où les institutions fonctionnent bien, comme le Maroc, la Tunisie ou l’Algérie, il est plus facile de mettre en place une politique de voisinage tout en rappelant en permanence nos valeurs de démocratie et de respect des droits humains ; là où ce n’est pas le cas, comme en Libye, c’est beaucoup plus difficile. Quant à l’Ukraine, il est tout à fait possible de conditionner notre aide en sa faveur car elle vient de signer un Accord d’association avec l’Union européenne.

La Présidente Danielle Auroi. Mon second amendement porte sur le point 3. l) : après le mot : « notamment », remplacer les mots : « sur la question du contrôle des flux migratoires et sur celle de la gestion durable des ressources énergétiques » par les mots : « sur les questions de l’emploi et du développement économique, des flux migratoires et de la mobilité, et de la gestion durable des ressources énergétiques ».

Mme Marie-Louise Fort, co-rapporteure. Cet amendement me semble enrichir utilement la proposition de résolution. Pour aller dans le sens de notre collègue Pierre Lequiller, j’ajoute qu’il est nécessaire de donner à la PEV une dimension plus politique ; nous serions alors moins désarmés en matière de gestion des flux migratoires.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. La haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini, se trouve manifestement dans la même disposition d’esprit que nous : à la fois pragmatique et attachée aux valeurs de l’Union européenne comme ligne de conduite.

La Commission a ensuite adopté, à l’unanimité, la proposition de résolution ainsi rédigée :

« L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 8, 21 et 22 du Traité sur l’Union européenne (TUE),

Vu les articles 208 à 213 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE),

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen COM(2003) 104 final du 11 mars 2003 : « L’Europe élargie – Voisinage : vers un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud »,

Vu la communication conjointe de la Commission européenne et de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions COM(2011) 303 final du 25 mai 2011 : « Une stratégie nouvelle à l’égard d’un voisinage en mutation »,

Vu le règlement (UE) nº 232/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 instituant un instrument européen de voisinage,

Vu le document de consultation conjoint de la Commission européenne et de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité JOIN(2015) 6 final du 4 mars 2015 : « Vers une nouvelle politique européenne de voisinage »,

Considérant que la Politique européenne de voisinage souffre d’un certain flou conceptuel, de la tension perpétuelle entre valeurs politiques et intérêts économiques, de la modestie des crédits au regard des enjeux et de lourdeurs bureaucratiques,

Considérant que, après une décennie d’existence, elle ne s’est pas imposée comme antidote à la multiplicité de problèmes institutionnels, politiques, économiques, sociaux, environnementaux, migratoires et sécuritaires dont souffrent les pays de notre voisinage et dont l’Union européenne subit le contrecoup direct,

Considérant qu’elle constitue toutefois un vecteur permanent efficace pour faire avancer, à ses frontières, les valeurs politiques et économiques de l’Union européenne,

Considérant que la crise économique d’une ampleur inédite que celle-ci traverse depuis 2008 réduit ses marges de manœuvre budgétaires et lui donne obligation d’optimiser l’ensemble de ses politiques,

Considérant que les bouleversements politiques récents à nos frontières, dans le Maghreb, dans le Machrek, au Proche-Orient, en Europe orientale et dans le Caucase Sud, à l’origine de l’apparition ou de l’aggravation de plusieurs conflits violents, créent des zones de grande instabilité et sont source d’inquiétude pour l’Union européenne,

1. Estime que l’Union européenne doit s’investir pour penser une Politique européenne de voisinage renouvelée, adaptée au contexte géopolitique et répondant plus efficacement à l’enjeu identifié dès 2003, à savoir la constitution d’une zone de prospérité, de stabilité et de sécurité incluant l’Union européenne et les pays mitoyens ;

2. Prend acte de la consultation publique ouverte par la Commission européenne et la haute représentante, et salue la qualité de leur Livre vert, qui présente un état des lieux clairvoyant de la Politique européenne de voisinage et propose des orientations intéressantes sans fermer la porte à aucune piste de réflexion ;

3. Recommande :

a) que le périmètre géographique actuel de la Politique européenne de voisinage, dont la pertinence est avérée, soit conservé ;

b) que l’Union européenne approfondisse néanmoins, dans des domaines d’intérêt commun, les synergies politiques avec les « voisins des voisins », c’est-à-dire la Russie ainsi que les pays du golfe Persique, du Sahel et d’Asie centrale ;

c) que la distinction entre partenariat et élargissement soit clairement affirmée en toutes circonstances, sans pour autant fermer définitivement à certains pays du voisinage la perspective d’adhésion à l’Union européenne ;

d) que soit maintenue l’unicité de la stratégie de voisinage pour l’ensemble des pays des deux zones, à savoir le flanc méridional et le flanc oriental de l’Union européenne ;

e) que l’Union européenne et ses États membres adoptent une approche pragmatique de la conditionnalité, en misant sur la « spécialisation intelligente » pour mieux faire entendre ses messages relatifs à la question de la démocratie et des droits humains ;

f) qu’une plus grande différenciation politique, pays partenaire par pays partenaire, soit possible, en tenant compte non seulement de leurs performances mais aussi de leurs attentes, afin de tirer le meilleur parti des potentialités de coopération, notamment en enrichissant le contenu du statut avancé ;

g) que l’ensemble des instruments financiers mobilisés dans le cadre de la Politique européenne de voisinage soient relativement flexibles, afin de répondre au mieux aux besoins de chaque pays partenaire, notamment en cas de situation politique, économique ou sociale critique ;

h) que l’économie générale de l’Instrument européen de voisinage, outil de financement bien conçu combinant équilibre entre subventions accordées au titre d’actions bilatérales et régionales, valorisation des progrès réalisés par chaque pays et juste répartition des allocations entre les deux zones géographiques couvertes, ne soit pas pour autant réexaminée ;

i) que l’Union européenne accompagne mieux l’appareil d’État des pays partenaires dans la conduite de leurs réformes de bonne gouvernance, afin d’améliorer le taux d’exécution des crédits engagés ;

j) que la procédure contestée des plans d’action et des rapports annuels de suivi, qui n’a pas fait la preuve de son efficacité, soit revue, voire abandonnée ;

k) que la Commission européenne prenne des dispositions pour promouvoir l’appropriation de la Politique européenne de voisinage par les pays partenaires et leur société civile, y compris dans sa dimension approfondissement de la démocratie et des droits humains ;

l) que la Politique européenne de voisinage soit recentrée sur des priorités plus restreintes, susceptibles d’apporter des bénéfices aux deux parties, notamment sur les questions de l’emploi et du développement économique, des flux migratoires et de la mobilité, et de la gestion durable des ressources énergétiques ;

m) que le volet sécurité de la Politique européenne de voisinage soit renforcé, en s’appuyant sur une refondation de la réflexion stratégique. »

II. Communication de Mme Marietta Karamanli sur le projet de parquet européen 

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Madame la Présidente, mes chers collègues, la présente communication a pour objet de réaliser un point d’étape dans la négociation de la proposition de règlement relative à la création d’un parquet européen déposée le 17 juillet 2013, avant le prochain Conseil justice et affaires intérieures du 15 juin 2015, au cours duquel une orientation générale partielle portant notamment sur la structure du futur parquet européen pourrait être dégagée.

À titre liminaire, il convient de souligner que la proposition initiale de la Commission européenne était assez éloignée des positions défendues depuis plus de dix ans par l’Assemblée nationale.

La dernière résolution européenne de l’Assemblée nationale du 31 janvier 2014 (texte adopté no 285), portant sur la proposition de règlement et que j’ai eu l’honneur de rapporter devant notre commission, rappelle notre soutien constant à la création du Parquet, soutient l’idée d’une compétence partagée assortie d’une obligation d’information et d’un droit général d’évocation, soutient la proximité géographique avec Eurojust (La Haye), souhaite une structure collégiale et la formation de chambres, recommande des procédures de nomination inspirées de celles des membres de la CJUE, juge très insuffisantes les dispositions relatives au contrôle juridictionnel et suggère de compléter les règles relatives à l’admissibilité des preuves et à la prescription.

Je me permets aussi ici d’indiquer que notre commission, avec l’appui de notre Présidente Danielle Auroi, et sur une proposition que j’ai faite conjointement avec le professeur Patrick Sensburg, président de la sous-commission du droit européen du Bundestag, a tenu le 17 septembre 2014 une rencontre interparlementaire regroupant des représentants de seize parlements nationaux de l’Union Européenne sur la question du Parquet européen.

Cette rencontre interparlementaire à l’Assemblée nationale a débouché sur une recommandation commune des représentants de treize parlements nationaux en vue que le Parquet européen :

- soit institué sous une forme collégiale,

- soit composé de membres nationaux issus de leurs systèmes judiciaires respectifs, et

-  qu’il dispose, non pas d’une compétence exclusive, mais d’une compétence partagée avec les autorités judiciaires des États membres, assortie d’un droit général d’évocation.

Dans un contexte d’euroscepticisme persistant, cette prise de position mérite, me semble-t-il, d’être rappelée et saluée !

Il convient enfin de rappeler brièvement que la proposition de règlement a fait l’objet d’un « carton jaune » au titre de la subsidiarité, 14 chambres nationales ayant émis un avis motivé jugeant le texte non conforme au principe de subsidiarité. L’Assemblée nationale, soutenant la création du Parquet européen, a jugé la proposition de la Commission européenne conforme au principe de subsidiarité, tout en contestant nombre des principes proposés par la Commission européenne, tels que la structure du Parquet ou encore les pouvoirs du Procureur européen.

Les négociations progressent relativement bien au Conseil. La présidence et la Commission européenne souhaitent qu’une orientation générale soit obtenue d’ici le Conseil Justice et affaires intérieures du 15 juin sur les 35 premiers articles qui portent sur le statut des membres du parquet européen, la structure et l’organisation des travaux du parquet européen, la procédure pour les enquêtes, les poursuites et les procès, ainsi que sur le contrôle juridictionnel. Cet objectif parait difficile à atteindre et ne doit pas conduire à réduire l’ambition du texte en se reportant sur le plus petit dénominateur commun.

La Commission européenne souhaiterait aboutir à un texte complet d’ici la fin de l’année 2015. Là encore, ce délai parait trop bref.

A ce stade, il apparait qu’un accord au sein du Conseil pourrait se dégager sur les articles premier à 16, comprenant l’architecture du Parquet européen (statut et structure, procédures de nomination et révocation). Au-delà, beaucoup d’incertitudes demeurent et des questions majeures n’ont pas été tranchées.

L’optique de la négociation n’est plus de créer une coopération renforcée à neuf États membres mais bien d’aboutir, si ce n’est à 25 (28 moins le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark), avec le maximum d’États membres.

Le Conseil JAI du 4 mars 2014 a acté le principe de la collégialité et celui de la compétence concurrente, avec l’exercice prioritaire de sa compétence par le Parquet européen. Le Parquet européen serait un organe de l’Union, dont la structure serait décentralisée. Le niveau central comprendrait le collège, les chambres permanentes, le chef du parquet et les membres du collège. Au niveau décentralisé, les procureurs européens délégués agiraient dans les États membres.

J’en viens à la structure du Parquet européen. Le chef du Parquet ou procureur européen en chef serait désigné d’un commun accord par le Conseil (majorité simple) et le Parlement européen.

La sélection serait fondée sur un appel à candidatures (le chef du Parquet ne serait pas issu du collège). Un panel indépendant dresserait une liste des candidats qualifiés soumise au Conseil et au Parlement européen. Le chef du Parquet serait désigné pour un mandat de 7 ans non renouvelable. La CJUE pourrait révoquer le chef du Parquet, sur requête du Parlement européen, du Conseil ou de la Commission européenne.

Le chef du Parquet européen rendrait compte des activités générales du Parquet une fois par an devant le Conseil et le Parlement européen. Il pourrait également se présenter devant les parlements nationaux, à leur invitation, pour participer à des échanges de vue. Il pourrait cependant demander à un adjoint de se substituer à lui pour cette tâche.

Le chef du Parquet serait assisté de quelques adjoints (peut-être deux), nommés par le collège pour une période trois ans renouvelable.

Le collège serait composé des procureurs européens. Le chef du Parquet européen présiderait les réunions du collège, qui superviserait de façon générale les activités du Parquet et adopterait les décisions stratégiques. Il adopterait le règlement intérieur. Le collège ne participerait pas aux décisions opérationnelles sur des dossiers particuliers. Le collège adopterait ses décisions par consensus et, en l’absence de consensus, par vote (majorité simple), le chef du Parquet ayant une voix prépondérante.

Les procureurs européens seraient nommés par le Conseil à la majorité simple, après avis d’un panel, sur la base d’une liste de trois personnalités issues des services judiciaires ou de poursuite des États membres, fixée par chaque État membre (le nombre de trois est en débat). Ils seraient nommés pour une période de 6 ans non renouvelable. Les procureurs européens devraient superviser les enquêtes et les poursuites menées par le procureur européen délégué, interviendraient et donneraient les instructions nécessaires.

Les procureurs européens pourraient être révoqués par la CJUE sur requête du Parlement européen, du Conseil ou de la Commission européenne.

La quasi-totalité des États membres souhaite que les procureurs européens soient en charge des enquêtes et poursuites dans leur État membre d’origine, soient le rapporteur du dossier devant la chambre permanente et en supervisent l’exécution. Toutefois, la Commission européenne (soutenue par la seule Bulgarie) est très opposée à cette idée, en ce qu’elle « renationaliserait » excessivement le Parquet européen, dont la valeur ajoutée européenne serait amoindrie, et en ce qu’elle ferait peser un doute sur l’indépendance du Parquet européen. Elle estime que ce système maintiendrait le caractère fragmenté des politiques de poursuite. Il faut toutefois prendre en compte le rôle de la chambre permanente dans l’instruction d’un dossier (voir infra) et le procureur européen en charge du dossier pourrait tout à fait ne pas prendre part au vote dès lors qu’il concerne une affaire dont il a la charge. Cette dernière position n’est cependant pas majoritaire parmi les États membres pour lesquels le procureur européen doit conserver son droit de vote. Les États membres font valoir que la connaissance très précise du système juridique de l’État dans lequel le procureur devrait diriger l’enquête serait un atout et assurerait la nécessaire réactivité du Parquet.

Des chambres permanentes (composées de trois procureurs européens dont le chef du parquet ou un de ses adjoints qui présiderait) dirigeraient les enquêtes et poursuites. Elles prendraient les décisions clés à la majorité avec voix prépondérante au président de chambre : ouvrir une enquête, attribuer une enquête, réattribuer une enquête, porter une affaire en jugement, choisir de l’État d’engagement des poursuites, classer une affaire, décider d’une transaction, approuver la décision d’un procureur européen de conduire lui-même une enquête.

Les facultés de délégation de ses pouvoirs (au procureur européen ou au procureur européen délégué) par la chambre, pour certaines décisions, ne sont pas établies à ce stade, la France n’y étant pas favorable, car il est selon elle important de maintenir l’analyse de la chambre sur toutes les décisions évoquées plus-haut et la collégialité. Ceci est d’autant plus important si le lien national est maintenu avec le procureur européen. L’Allemagne et les Pays-Bas notamment souhaitent établir des possibilités de déléguer ces pouvoirs. Il conviendra de bien veiller à maintenir une réelle plus-value pour le Parquet européen, dont les chambres doivent exercer leurs pouvoirs. Il existe un risque certain à vider de leur substance les compétences des chambres et à orienter le Parquet européen vers des formes plus classiques de coopération judiciaire.

Les procureurs européens délégués seraient désignés par le collège, après validation par le chef du Parquet, sur la base d’une proposition des États membres, pour une durée de cinq ans renouvelable.

Le champ de compétence du Parquet européen n’est pas encore fixé (articles 16 à 19), car il dépendra de la définition de la protection des intérêts financiers qui sera retenue dans la directive relative à la protection des intérêts financiers de l’Union actuellement en négociation. La question de la lutte contre la fraude à la TVA (carrousel TVA), qui n’impacte directement ni les recettes ni les dépenses de l’Union, mais qui impacte indirectement (par le biais de l’assiette de la TVA perçue puisque les ressources propres de l’UE comprennent 0,3 % de cette assiette) les recettes de l’Union et pour laquelle la lutte au niveau européen peut être pertinente, demeure très discutée. Le Parlement européen et la Commission européenne souhaitent inclure la fraude à la TVA dans le champ de la directive. Les trilogues sont en cours.

Le Parquet disposerait d’une compétence prioritaire (et d’une compétence accessoire pour les infractions inextricablement liées), avec une obligation d’information de la part des États membres et un droit général d’évocation, ce-dernier ne devant cependant, sauf cas particulier, pas s’appliquer lorsque le préjudice causé est inférieur à 10.000 euros.

Le devoir d’information des États vis-à-vis du Parquet fait encore l’objet de négociations, la France souhaitant notamment tenir compte des difficultés posées par une obligation d’information trop étendue (un seuil pour certains types d’infractions est en discussion). Il convient en effet de relever qu’en France, les infractions relatives aux intérêts financiers de l’Union sont pénales (y compris les infractions douanières).

Le principe de la légalité des poursuites serait retenu, aménagé, et avec une possibilité de transaction.

Pour certaines infractions (un seuil de préjudice pourrait être fixé), une liste minimale des mesures d’enquête à la disposition du Parquet européen serait fixée à l’article 26 mais son principe même demeure très discuté. Les Allemands sont très opposés à l’idée même de cette liste. Or, il faut souligner qu’il s’agit d’un élément central garantissant les pouvoirs minimaux du Parquet et qui assurerait la confiance mutuelle dans les procédures.

Les négociations futures devront encore trancher de nombreuses questions. Le mode de coopération transfrontalière entre procureurs européens délégués devrait être sui generis et non pas reposer sur les instruments d’entraide et de reconnaissance mutuelle existants. Cette question présente un lien avec les mesures d’enquêtes minimales et le haut niveau de confiance mutuelle nécessaire entre les États membres.

S’agissant de l’admissibilité des preuves, les débats n’ont pas progressé et nombre de questions épineuses demeurent (administration de la preuve devant le parquet européen, avant le renvoi devant une juridiction, socle minimal de garanties procédurales).

Le choix de la juridiction nationale de renvoi reposerait sur des critères encore peu détaillés.

En matière de recours juridictionnel, la solution initiale de la Commission européenne renvoyant aux juridictions nationales est écartée (le Parquet organe de l’Union pouvant, selon la Commission, être considéré comme un organe national aux fins du contrôle), comme le souhaitait notre Assemblée.

En conclusion, le texte actuellement en négociation me paraît devoir être soutenu, en ce qu’il permet, sur la base de compromis équilibrés, d’avancer avec le plus grand nombre d’États possible et de réaliser une première étape en vue de l’institution d’un Parquet européen.

Néanmoins, à ce stade, et c’est ma principale observation critique et mon principal regret, la compétence matérielle du parquet européen se limite aux infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.

Cette compétence pourrait être étendue à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière par le Conseil européen statuant à l’unanimité, après approbation du Parlement européen et ce conformément aux dispositions de l’article 86, paragraphe 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union. La plus-value apportée par un tel parquet européen permettrait de répondre de façon plus efficace aux préoccupations importantes exprimées par les citoyens européens. Ceux-ci attendent davantage de l’Union qu’elle renforce l’efficacité de la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue ou la traite des êtres humains.

Cette extension que nous avons demandée dans notre résolution de 2014 garde son actualité notamment lorsque l’on présume, et c’est l’actualité qui nous le rappelle, que les trafiquants et passeurs d’immigrés clandestins en méditerranée utilisent des réseaux, des comptes et des complicités analogues à ceux des autres trafiquants de grande criminalité.

De nombreux débats s’annoncent dès à présent sur des points majeurs (mode de coopération entre procureurs européens délégués, liste minimale des mesures d’enquête à la disposition du Parquet), et des parties importantes du texte doivent faire l’objet de travaux approfondis (admissibilité de la preuve, recours juridictionnel). Les débats prennent du temps.

M. Pierre Lequiller. Merci Madame la rapporteure. Je reprendrai votre dernière phrase : ces négociations prennent du temps. Souvenons-nous que nous discutions déjà du Parquet européen lorsque M. Hubert Haenel était président de la commission des Affaires européennes du Sénat. C’est tout de même décourageant de voir qu’un tel sujet avance avec autant de difficultés. Il existe encore des réticences de certains États membres. Je souscris par ailleurs pleinement à l’objectif d’étendre les compétences du futur Parquet européen à la lutte contre la grande criminalité.

La Présidente Danielle Auroi. Je rappelle pour mémoire que le Sénat avait émis un avis motivé au titre de la subsidiarité sur ce projet de règlement.

Mme Nathalie Chabanne. J’ai une question sur l’avancée des négociations et le nombre des États membres soutenant ce projet. Il est bien sûr nécessaire d’aboutir et les délais écoulés sont déjà très longs. Mais ne faut-il pas embarquer avec nous un maximum d’États membres ?

La Présidente Danielle Auroi. Pour ce qui est de l’extension des compétences à la lutte contre la grande criminalité transfrontalière, la plupart des États membres sont contre, dont la France. Notre rôle de parlementaires est de pousser cette question en avant.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Il est certain que les négociations prennent du temps mais il nous appartient de faire passer des messages. Le cadre du traité le permettant, le contexte étant ce qu’il est, même si le Conseil est opposé à une extension des compétences, nous devons mettre en avant cet objectif. Les gouvernements peuvent évoluer si leurs parlements se saisissent de questions. C’est pourquoi je me suis permis de faire ce rappel sur le champ des compétences du Parquet.

S’agissant du nombre d’États membres participants, nous n’étions, au départ, pas certains de réunir neuf États membres pour mettre en œuvre une coopération renforcée. Nous n’en sommes plus là. Tous les États membres participent aux négociations et nous saurons ultérieurement combien sont fermement attachés au Parquet européen.

Nous devons convaincre nos gouvernements et essayer de faire avancer le débat.

M. Pierre Lequiller. Je souhaiterais savoir quels sont les pays qui sont favorables et ceux qui sont hostiles au Parquet européen.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Aujourd’hui, nous voulons aboutir à un accord le plus large possible, afin d’arriver au plus près des 25 États membres, c’est-à-dire les 28, moins le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark qui ont d’ores et déjà marqué leur refus du projet. L’initiative de la France, nos initiatives en tant que parlementaires également, la Commission européenne ayant répondu à notre commission, et le travail du Conseil portent leurs fruits.

III. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Communication écrite

La Commission a approuvé le texte suivant :

Ø ESPACE LIBERTE SECURITE JUSTICE

- Projet de décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations en vue de la conclusion d'accords d'exemption de visa de court séjour entre l'Union européenne, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part (7568/15 - E 10253).

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø COMMERCE EXTERIEUR

- Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'application de la clause de sauvegarde et du mécanisme anticontournement permettant la suspension temporaire des préférences tarifaires prévues dans l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la République de Moldavie, d'autre part (COM(2015) 154 final - E 10214).

- Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'application du mécanisme anticontournement permettant la suspension temporaire des préférences tarifaires prévues dans l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part (COM(2015) 155 final - E 10215).

- Proposition de Décision du Conseil relative à la position à adopter au nom de l’Union européenne, au sein du Comité mixte de l’EEE, en ce qui concerne une modification de l’annexe II (Réglementations techniques, normes, essais et certification) de l’accord EEE (nouveaux aliments) (COM(2015) 167 final - E 10226).

Ø ENVIRONNEMENT

- Règlement (UE) de la Commission modifiant l'annexe XVII du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne le benzène (D039050/01 - E 10249).

Ø SECURITE ALIMENTAIRE

- Règlement (UE) de la Commission modifiant les annexes II, III et V du règlement (CE) nº 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus d'azoxystrobine, de dimoxystrobine, de fluroxypyr, de méthoxyfénozide, de métrafénone, d'oxadiargyl et de tribenuron présents dans ou sur certains produits (D038141/02 - E 10235).

- Règlement de la Commission modifiant les annexes II et III du règlement (CE) nº 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de difénoconazole, de fluopicolide, de fluopyram, d'isopyrazam et de pendiméthaline présents dans ou sur certains produits (D038038/02 - E 10248).

Ø UNION POUR LA MEDITERRANEE

- Proposition de Décision du Conseil relative à la position à adopter au nom de l’Union européenne au sein du Conseil d’association institué par l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République tunisienne, d’autre part, en ce qui concerne le remplacement du protocole no 4 de cet accord, relatif à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative, par un nouveau protocole qui, pour ce qui est des règles d’origine, fait référence à la convention régionale sur les règles d’origine préférentielles paneuro-méditerranéennes (COM(2015) 175 final - E 10245).

Textes « actés » de manière tacite

Accords tacites de la Commission liés au calendrier d’adoption par le Conseil

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø POLITIQUE ETRANGERE ET DE SECURITE COMMUNE (PESC)

- Décision d’exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie (7522/15 - E 10278).

- Règlement d’exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (7523/15 - E 10279).

La séance est levée à 17 h 25

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 19 mai 2015 à 16 h 20

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Isabelle Bruneau, Mme Nathalie Chabanne, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, Mme Marie-Louise Fort, M. Michel Herbillon, Mme Marietta Karamanli, M. Marc Laffineur, M. Charles de La Verpillière, M. Pierre Lequiller, M. Joaquim Pueyo, M. Didier Quentin

Excusés. - Mme Chantal Guittet, M. Arnaud Richard