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Commission des affaires européennes

mardi 8 mars 2016

17 heures

Compte rendu n° 262

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

I. Communication de la Présidente Danielle Auroi sur la mission en Serbie et au Monténégro du 1er au 5 mars 2016

II. Rapport d’information de MM. Joaquim Pueyo et Yves Fromion sur l’opération PSDC Sophia en Méditerranée centrale

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 8 mars 2016

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 17 heures

I. Communication de la Présidente Danielle Auroi sur la mission en Serbie et au Monténégro du 1er au 5 mars 2016

La Présidente Danielle Auroi, rapporteure. Je salue notre collègue Patrice Verchère, président du groupe d’amitié France-Monténégro. Martine Carrillon -Couvreur n’a pu être présente parmi nous car elle préside à cet instant même une réunion du groupe d’amitié France-Serbie.

Avec Christophe Caresche, Yves Fromion et Didier Quentin, ainsi que Joaquim Pueyo et Rudy Salles pour le volet Serbie, et Jean-Luc Bleunven et Michel Piron pour le volet Monténégro, nous avons effectué la semaine dernière une mission à Belgrade et Podgorica, sur le thème des négociations d’adhésion de ces pays à l’Union européenne. En l’espace de trois journées très intenses, nous avons rencontré plusieurs membres du Gouvernement de chacun des deux pays, les Présidents de leurs chambres parlementaires monocamérales, ainsi que de nombreux députés et représentants de la société civile, notamment des Organisations non gouvernementales (ONG).

Cette mission a fait suite à celle que j’avais déjà conduite en avril 2013, conjointement avec une délégation de la Commission des affaires de l’Union européenne du Bundestag. Celle-ci avait donné lieu à la publication d’un communiqué commun, à destination de la presse serbe, réaffirmant « le soutien […] aux efforts de la Serbie en vue de son adhésion à l’Union européenne », position commune obtenue par la délégation française, alors que les représentants du Bundestag s’étaient initialement montrés réticents à l’élargissement à la Serbie.

Ajoutons que, cette année, compte tenu de l’actualité européenne, le dossier des réfugiés cheminant par la route est-méditerranéenne, en majorité originaires des pays en guerre du Moyen-Orient, a évidemment aussi été abordé lors de tous les entretiens.

Après les élargissements à la Slovénie puis à la Croatie, l’ensemble des Balkans occidentaux a vocation à rejoindre l’Union européenne à moyen terme : malgré les conflits récents, ces pays pluriethniques, intriqués géographiquement et héritiers d’une histoire commune, sont liés par une communauté de destin. Il s’agit là, pour l’Union européenne, d’un devoir politique historique, matérialisé par un engagement solennel au sommet de Salonique de 2003.

Cela rejoint au demeurant l’aspiration, courante dans de larges pans des sociétés civiles, à la reconstitution, d’une certaine façon, de la cohésion interethnique yougoslave, au sein, cette fois-ci, de l’Union européenne.

Mais l’adhésion requiert des conditions préalables très exigeantes, qui ne sont pas atteintes, loin s’en faut, chez ces six partenaires : le Président Juncker a donc clairement déclaré qu’un nouvel élargissement ne pourrait pas intervenir avant 2020.

Si leurs quatre voisons sont reconnus comme candidats par l’Union européenne, seules les négociations d’adhésion avec le Monténégro et, plus récemment, avec la Serbie sont d’ailleurs réellement engagées.

Notre Commission soutient cette logique d’une marche réfléchie vers l’élargissement aux pays des Balkans occidentaux, à un rythme adapté à la capacité de transformation politique, économique, sociale et environnementale de chacun d’entre eux. Elle souhaite par conséquent encourager les dirigeants politiques et les acteurs de la société civile qui s’engagent en faveur de cette logique.

Notre mission s’est déroulée à des moments clés de la vie politique nationale des deux pays visités.

Le soir même de notre arrivée, le Président du Gouvernement serbe confirmait la dissolution de l’Assemblée nationale et la convocation d’un nouveau scrutin législatif pour le 24 avril 2016, afin de consolider l’assise de son cabinet en vue de dynamiser les négociations d’adhésion à l’Union européenne. L’essentiel de la classe politique a accompli, ces dernières années, un aggiornamento politique remarquable et est manifestement déterminé à maintenir ce cap pro-européen, même s’il s’agit d’un choix de raison plus que de cœur.

D’autre part, la coalition majoritaire au Monténégro depuis des années ayant éclaté, diverses pistes de recomposition sont explorées, dans la perspective du prochain scrutin législatif, prévu pour octobre 2016. Les tentatives de cette nature sont néanmoins compliquées par la fragmentation extrême au Parlement ; comme à l’Assemblée nationale serbe, le seul point de convergence politique unanime est l’adhésion du pays à l’Union européenne.

Avec son poids économique et sa population relativement importante, mais aussi compte tenu de son implication dans les conflits qui ont endeuillé la région au cours des années 1990, le dynamisme des relations entretenues par la Serbie avec l’Union européenne a une importance stratégique et symbolique spéciale. Tous les responsables politiques serbes que nous avons rencontrés ont au demeurant insisté sur le consensus parlementaire à propos de l’adhésion à l’Union européenne.

La Serbie s’est vue reconnaître le statut de candidat officiel le 1er mars 2012. Mais les négociations avec ce pays présentent une particularité gênante : le chapitre 35, « autres questions », est le plus délicat, puisqu’il inclut la problématique du dialogue avec le Kosovo.

Est principalement en jeu le dossier de l’Association/Communauté des municipalités serbes du Kosovo, qui vise à permettre aux quatre communes à majorité serbe du nord du Kosovo de se réunir pour exercer conjointement un certain nombre de compétences, dans le respect de la réglementation kosovare en matière de décentralisation. Un accord à ce sujet, obtenu en août 2015, tarde à entrer en vigueur.

Et l’autre face de l’appétence unanime de la classe parlementaire serbe pour l’adhésion à l’Union européenne est son rejet non moins unanime de l’indépendance du Kosovo. Exiger de la Serbie, comme condition à son adhésion, qu’elle reconnaisse le Kosovo entraînerait inévitablement le retrait de sa candidature.

Au cours de notre séjour à Belgrade, nous avons systématiquement mis en avant l’amitié historique franco-serbe et l’engagement des autorités françaises en faveur du dossier d’adhésion serbe à l’Union européenne, en soulignant qu’une obligation de reconnaissance du Kosovo n’est nullement à l’ordre du jour, ni pour la Serbie ni pour les États membres de l’Union européenne, cinq d’entre eux s’y refusant d’ailleurs toujours.

En tout cas, deux premiers chapitres de négociation ont enfin été ouverts le 4 décembre 2015 : le 35 mais aussi le 32, de nature technique, consacré au contrôle financier.

La Serbie œuvre maintenant pour l’ouverture rapide de chapitres supplémentaires, à commencer par les 23 et 24, relatifs à la prédominance du droit. Les Serbes se doivent d’adopter des plans d’action concernant la police, la justice et l’administration, particulièrement pour s’attaquer à trois points noirs, sur lesquels tous nos interlocuteurs nous ont alertés : la transparence du secteur judiciaire ; la lutte contre la corruption ; la réforme de l’administration publique.

L’administration serbe semble néanmoins en ordre de marche, structurée, consciente de ce qu’elle peut réaliser à court terme et à l’écoute des attentes et des conseils de ses partenaires communautaires pour améliorer ses performances à moyen terme. En somme, la Serbie est riche d’un vrai appareil étatique, fruit de son histoire institutionnelle, ce qui n’est pas le cas de certains États membres…

Selon la doctrine officielle serbe, le pays sera prêt à l’adhésion fin 2019.

Mais il est sujet à des fragilités économiques qu’il convient de corriger progressivement pour envisager un approfondissement des négociations d’adhésion : la grande pauvreté, surtout dans les régions du sud du pays ; le niveau et de la dette publique, qui atteint 75 % du PIB ; l’ampleur de la capitalisation publique dans le secteur industriel.

Quatre chapitres supplémentaires, sur lesquels la position de négociation de la Serbie est pratiquement finalisée, pourraient cependant être ouverts dans le courant de 2016.

Si l’adhésion à l’Union européenne constitue un objectif prioritaire pour la Serbie, elle n’envisage nullement l’adhésion à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), dans la mesure où elle entend conserver sa souveraineté militaire et où elle entretient des relations d’amitié avec la Russie. L’Assemblée nationale serbe a du reste adopté une résolution réaffirmant l’indépendance stratégique nationale.

Rien ne fait obstacle, cela dit, ni sa coopération technique, ni à son engagement dans les missions pour lesquelles l’Union européenne la sollicite, ni à sa participation aux exercices otaniens.

Sur la marche vers l’adhésion à l’Union européenne, il n’en demeure pas moins qu’elle devra progressivement se rapprocher des positions européennes.

Le Monténégro, avec ses 600 000 habitants – ce qui en fait le plus petit pays des Balkans – a pour réputation d’être le « bon élève » : c’est le pays le plus avancé, et de loin, dans l’exigeant processus des négociations d’adhésion.

Les négociations d’adhésion du Monténégro à l’Union européenne ont débuté le 29 juin 2012. Trois ans après, le pays continue de se rapprocher des critères politiques : il a accompli de nouveaux progrès dans l’établissement d’une économie de marché effective et a amélioré sa capacité à assumer les obligations futures qui lui incomberont après son adhésion. À ce jour, depuis septembre 2012, pas moins de vingt-deux chapitres – soit près des deux tiers – ont d’ores et déjà été successivement ouverts, dont deux sont déjà provisoirement refermés. En réalité, la totalité des chapitres font l’objet de discussions formelles et six supplémentaires pourraient être officiellement ouverts courant 2016.

Ajoutons que le Monténégro a adopté unilatéralement l’euro comme monnaie unique dès sa création, en 2002.

Enfin, il est l’un des rares pays au monde à avoir inscrit, dans sa Constitution, l’objectif de l’agriculture durable, ce qui lui donne un temps d’avance dans le développement de la production biologique.

Mais toutes les personnes que nous avons rencontrées, quoique se félicitant que leur pays démontre les meilleurs résultats, sur la route vers l’Union européenne, par rapport à leurs voisins, ont évoqué de multiples manquements en matière de respect de l’État de droit et de lutte contre la corruption. Le Parti démocratique des socialistes (DPS), issu de l’ancien Parti communiste, est au pouvoir, seul ou en coalition, depuis 1992. Cette absence d’alternance – cas unique parmi les candidats à l’adhésion à l’Union européenne – entraîne un contrôle de tous les rouages de la vie administrative et économique par l’entourage des responsables gouvernementaux, ce qui crée une situation relativement malsaine.

Les négociateurs monténégrins se révèlent très compétents et efficaces, contrairement à l’administration locale, faiblement dimensionnée, servie par des fonctionnaires mal formés et victime de sa tradition de corruption, naguère érigée en mode de fonctionnement, notamment pour ce qui concerne les marchés publics. Au final, si le pays adapte régulièrement sa réglementation au fil des négociations, les nouvelles normes de droit en vigueur ne sont pas toujours correctement appliquées.

Les décideurs monténégrins font preuve d’un grand esprit de responsabilité par rapport aux exigences inhérentes à la candidature de leur pays : ils admettent que les mauvaises expériences des phases d’élargissement précédentes incitent l’Union européenne à davantage de prudence et de rigueur, et considèrent même que le Monténégro a intérêt à se voir imposer des exigences élevées afin de mieux se préparer à son avenir européen et par conséquent assurer sa stabilité, sa démocratie et sa prospérité.

En alignant ses positions diplomatiques sur celles de l’Union européenne, le Monténégro apporte un soutien utile à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Le pays a notamment mis en œuvre les mesures restrictives adoptées par l’Union européenne à l’encontre de la Russie.

Les forces armées monténégrines sont très modestes mais présentent un bon degré d’interopérabilité et le pays a démontré son intérêt pour les missions de paix pilotées par l’Union européenne, en particulier au Mali et en République centrafricaine.

Surtout, le Monténégro se singularise par sa candidature à l’OTAN, qui suscite le rejet de la frange proserbe et prorusse de l’opinion publique mais recueille tout de même l’adhésion de plus de 60 % de la population. Le protocole d’adhésion pourrait être signé dès le printemps 2016, avant d’être ratifié par les parlements nationaux des vingt-huit Alliés.

Jeunes démocraties, les pays des Balkans occidentaux étaient tous des économies administrées il y a encore vingt-cinq ans. Ils sont aujourd’hui confrontés aux mêmes problématiques de développement économique et social, de mauvaise administration, de corruption, de faible transparence du système judiciaire, de puissance des réseaux mafieux et de difficultés à accepter les règles du jeu démocratique et à intégrer le corpus européen de respect des droits fondamentaux, notamment en faveur des minorités ethniques ou sexuelles.

Ils doivent en outre combattre les démons du nationalisme et du repli sur soi. De ce point de vue, les facteurs potentiellement déstabilisateurs restent préoccupants.

Un autre enjeu fondamental est celui des réseaux d’infrastructures lourdes et de connectivité : voies routières et fluviales, transports des ressources énergétiques, télécommunications et Internet.

Deux processus de coopération multilatéraux parallèles ont été lancés parallèlement depuis 2014. Lors du sommet avec les pays des Balkans occidentaux que la France organisera à Paris le 4 juillet prochain, elle s’efforcera de les unifier, afin de renforcer la coordination sur trois dossiers : l’amitié entre les jeunes, à travers la création d’un Office de coopération régionale pour la jeunesse des Balkans occidentaux, sur le modèle de l’Office franco-allemand pour la jeunesse, et la mise en œuvre d’un Agenda pour la jeunesse tendant à promouvoir le développement des dispositifs de mobilité ; la stimulation des investissements et l’amélioration du climat des affaires ; le soutien aux projets d’infrastructures de transport et d’interconnexion électrique.

La Serbie ne revendique pas le rôle de leader régional mais est appelée à jouer un rôle moteur vis-à-vis de ses voisins. Quant au Monténégro, il est prêt à les aider à en leur faisant profiter de son expérience plus approfondies des négociations d’adhésion. De fait, la coopération politique et économique progresse bien, appuyée sur de multiples initiatives.

Les Balkans occidentaux constituent aussi une zone extrêmement sensible en ce qui concerne le dossier des migrations.

Environ 600 000 réfugiés fuyant les conflits du Moyen-Orient ont transité par la Serbie en 2015 et 100 000 depuis le début de l’année 2016.

Pour être efficaces, les réponses coordonnées en cours de construction au sein de l’Union européenne doivent impérativement s’accompagner d’une réflexion commune avec tous nos partenaires des Balkans – y compris la Turquie, d’ailleurs –, toujours dans un esprit de responsabilité et de solidarité, notamment en vue de renforcer l’efficacité des hot-spots et de constituer des voie d’accès légales et sécurisées.

Les autorités monténégrines et surtout serbes ont assuré à la délégation que, par souci de solidarité, elles resteraient dévouées aux décisions européennes pour gérer de façon concertée les conséquences de l’afflux de réfugiés. En vérité, cela ne les engage guère : car même si la Serbie et le Monténégro proposent aux migrants en transit sur leur territoire de demander le droit d’asile, un nombre infime d’entre eux répond à l’invitation, les autres préférant rejoindre l’Union européenne, particulièrement l’Allemagne, l’Autriche et les pays scandinaves.

Les deux pays se sont du reste associés, avec tous leurs voisins balkaniques, à l’initiative autrichienne de fin février qui a acté la fermeture de la porte d’entrée en Europe via l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM).

M. Joaquim Pueyo. Cette excellente communication fait suite à une mission très intéressante. L’enjeu est d’importance car la Serbie joue un rôle central dans les Balkans. Après l’adhésion de la Slovénie et de la Croatie, il faut absolument que ce processus se poursuive, sans faire fi de l’histoire.

Depuis que ces pays ont déposé leur candidature à l’adhésion, une dynamique d’amélioration des droits fondamentaux a été amorcée, y compris en ce qui concerne la lutte contre la corruption et la réforme judiciaire. Il faut acter l’effort des gouvernements et des partis politiques pour mettre ces évolutions en œuvre. Nous avons intérêt à ce que les élections qui se tiendront dans quelques jours en Serbie aille dans le sens de ce processus.

Le risque serait d’instiller quelques doutes ; cela favoriserait le nationalisme, qui demeure l’ennemi de l’Union européenne – d’ailleurs partout, pas uniquement dans les pays des Balkans, mais aussi dans les États membres, France incluse.

Je suis favorable à l’entrée de la Serbie et du Monténégro dans l’Union européenne à l’horizon 2020.

M. Yves Fromion. Je joins mes compliments car cette communication est en effet fidèle à ce que nous avons observé. Je formulerai cependant deux observations concernant le Monténégro.

Vous avez dit qu’il avait adopté l’euro. Pour être plus en rapport avec l’histoire, je serais tenté d’inverser la logique : c’est l’euro qui a adopté le Monténégro !

Par ailleurs, ce pays est tout petit, il ne compte que 650 000 habitants ; ses moyens économiques et ses capacités administratives et de contrôle sont sans doute du même ordre. Dans ces conditions, on peut s’interroger sur le challenge qui lui est imposé par l’Union européenne. Comment ce pays pourra-t-il répondre aux critères qui lui sont demandés pour être reconnu comme admissible ? Les coûts de fonctionnement qui en découlent ne vont-ils pas obérer ses capacités d’investissement ? Ceux qui connaissent mieux le Monténégro que moi pourront répondre.

M. Patrice Verchère. Je vous remercie de m’avoir invité, en ma qualité de président du groupe d’amitié France - Monténégro, pour entendre ce compte - rendu de mission en Serbie et au Monténégro.

Pour m’être rendu au Monténégro avec le groupe d’amitié à plusieurs reprises – la dernière fois en juin dernier – et pour recevoir régulièrement des parlementaires et des ministres monténégrins de passage en France, je trouve que votre communication reflète bien la situation. La difficulté actuelle est cette tension entre le Premier ministre et le Président du Parlement – qui n’est pas membre du parti majoritaire –, alors qu’ils étaient liés par un accord depuis dix-huit ans. C’est un peu dû à leurs histoires familiales, comme souvent dans les petits pays.

Il y a tout de même des divergences notables à propos de l’entrée dans l’OTAN : certains veulent absolument y adhérer, y voyant une porte d’entrée dans l’Union européenne, même si je leur ai dit que ce n’est pas forcément le cas ; d’autres, plutôt pro-russes, sont farouchement opposés à cette entrée dans l’OTAN ; d’autres enfin, jouent un jeu politique, sentant la population un peu tiraillée. Je crois d’ailleurs que des manifestations ont lieu depuis décembre à ce propos, notamment à Podgorica.

Cette jeune démocratie pays a effectivement accompli beaucoup d’efforts en dix ans mais je rejoins Yves Fromion : l’Europe demande beaucoup et le Monténégro est un petit pays qui ne peut atteindre la qualité d’administration exigée. Les Monténégrins sont d’ailleurs demandeurs de formations pour leur personnel et de renforcement des liens administratifs avec les États membres de l’Union européenne, notamment à travers des visites en France, y compris dans nos assemblées parlementaires.

Par ailleurs, il est vrai que le Monténégro n’est pas complètement au clair en ce qui concerne la corruption, mais c’est un jeune pays qui a effectué de gros efforts en matière économique.

Il possède en outre de vrais atouts, en particulier l’agriculture biologique. C’est l’un des premiers pays à avoir inscrit la dimension environnementale dans sa Constitution, vous l’avez rappelé, madame la Présidente.

Quand les Monténégrins auront compris qu’ils doivent protéger leurs magnifiques côtes, un autre atout formidable sera le tourisme. Ils sont très intéressés par notre loi littoral, car, par le passé, tout et n’importe quoi a été fait. Les sports de nature peuvent aussi être développés car ils possèdent le plus grand canyon d’Europe. L’aspect économique ne m’inquiète pas ; avec le soutien de l’Europe, de vraies possibilités existent. Des consortiums internationaux investissent déjà, notamment dans les bouches de Kotor – un grand complexe de luxe est en train de se monter sur l’ancienne base des sous-marins de Tito.

Le plus gros problème, je le répète, est la capacité à se former des fonctionnaires de haut niveau.

La Présidente Danielle Auroi. Pas moins de 1 600 fonctionnaires monténégrins travaillant à l’intégration de l’acquis communautaire ! Ce sont des effectifs pléthoriques au regard de la population du pays !

M. Michel Piron. En effet, pour un pays de la dimension d’un département français moyen, il est difficile d’assumer les coûts inhérents à une administration d’État, notamment pour assumer des relations internationales.

Au Monténégro, j’ai aussi été frappé par le degré extrêmement poussé des nuances politiques : dix-huit partis coexistent au Parlement ! C’est une science et même un art assez remarquable de la variation politique ! Après avoir entendu le Président du Parlement exposer son appréciation du Gouvernement, nous comprenons que la synthèse relève de l’art plus encore que de la science…

Mme Marietta Karamanli. En Serbie et au Monténégro, pays de transit, comment la question des migrants est-elle perçue ? Quelle est, plus précisément, leur position quant à une relocalisation, au prorata de leur population et de leurs capacités ? Les États membres récents de l’Union européenne ont malheureusement pris position contre la relocalisation. Cette question a-t-elle été posée durant votre mission et quelles réponses ont été apportées ?

La Présidente Danielle Auroi. La Serbie et le Monténégro ont tout à fait conscience d’être des pays de transit et n’ont pas envie de devenir autre chose. Néanmoins, si l’Union européenne manifeste une volonté politique commune de relocalisation, ils sont déterminés à se montrer loyaux : pour l’amélioration des hotspots et la constitution de couloirs sécurisés, ils sont prêts à jouer le jeu.

Ils sont bien plus conscients du drame des réfugiés que ne le sont les pays du groupe de Visegrád. Et je souhaiterais que nous suivions leur exemple dans notre façon d’accueillir les réfugiés à Calais ; ce serait déjà plus humain.

Leur sincérité se mesurera lorsqu’ils seront directement confrontés à une crise. Tant que les problèmes restent théoriques, tout se passe bien ; lorsque la réalité se fait plus difficile, les choses deviennent différentes. Mais nos interlocuteurs ont reconnu que la Grèce était dans une situation impossible et qu’ils ne voulaient pas la laisser seule dans cette affaire.

M. Didier Quentin. Nous avons senti, parmi les Serbes, une nostalgie très nette de la Yougoslavie.

Nous avons aussi ressenti – même si cela a été exprimé courtoisement –, que la France n’avait peut-être pas été à la hauteur de l’amour qu’ils lui portent. Le monument en l’honneur de notre pays, sur lequel est inscrit : « Aimons la France comme elle nous a aimés », en souvenir de nos combats communs de la Première Guerre mondiale, est d’ailleurs un peu défraichi ; il faudrait songer à le restaurer.

Les Serbes ont également le sentiment d’être victimes de « deux poids, deux mesures ».

Enfin, en qualité d’ancien président du Conservatoire du littoral, je rejoins M. Verchère à propos de la question du littoral : les bouches de Kotor et les autres sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO ne doivent pas être massacrés, bétonnés. Nous avons recommandé à notre ambassadrice à Podgorica de prendre contact avec le Conservatoire du littoral.

II. Rapport d’information de MM. Joaquim Pueyo et Yves Fromion sur l’opération PSDC Sophia en Méditerranée centrale

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. L’opération EUNAVFOR Méd, dite Sophia, a été lancée après la catastrophe humanitaire du 18 avril 2015, qui a vu 700 migrants se noyer au large des côtes libyennes. Deux jours après, lors d’un sommet extraordinaire, les ministres des affaires étrangères et de l’intérieur revoient leur approche du phénomène migratoire en adoptant un plan d’action global en dix points.

Sophia, assise sur des décisions du Conseil de mai et juin 2015, est la traduction opérationnelle du deuxième point de ce plan d’ensemble : mener un « effort systématique pour capturer et détruire les embarcations utilisées par les contrebandiers ». Elle a pour objectif de contribuer à démanteler le modèle économique des réseaux de trafic de clandestins et de traite des êtres humains dans la partie Sud de la Méditerranée centrale.

Ce n’est donc pas une mission de combat mais une mission de police accomplie par des unités militaires dans un cadre légal très restrictif. Il ne s’agit pas d’un blocus de l’Afrique du Nord ni d’une intervention contre la Libye, et elle ne doit faire ni victimes civiles ni dommages collatéraux.

La recherche, l’assistance et le sauvetage des naufragés ne font pas explicitement partie de la mission. Toutefois, en réalité, tout marin a la responsabilité juridique et l’obligation morale d’agir en ce sens.

La mise en œuvre de la mission s’est avérée extrêmement rapide, puisqu’elle a pris à peine trois mois, entre l’élaboration du concept de management de crise et l’entrée de l’opération en pleine capacité opérationnelle, intervenue le 27 juillet.

Elle a été conçue selon trois phases : la phase 1 était destinée à améliorer la compréhension du modèle économique des trafiquants et passeurs ; la phase 2, en cours, a pour but, d’abord en haute mer puis dans les eaux territoriales, de procéder à l’arraisonnement, à la fouille, à la saisie et au déroutement des embarcations soupçonnées d’être utilisées pour le trafic illicite de migrants ; la phase 3 sera l’occasion de prendre toutes les mesures nécessaires à l’encontre de ces embarcations et des ressources connexes, y compris en les éliminant ou en les mettant hors d’usage, sur le territoire libyen, au moyen d’opérations spéciales et amphibies limitées et temporaires.

À la fin de cette troisième phase, le trafic de migrants sera réduit à un niveau gérable individuellement par les États côtiers.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Vingt-deux États membres de l’Union européenne participent à Sophia, mettant à disposition 1 327 personnels. Leurs moyens sont coordonnés par un état-major international situé à Rome, commandé par un vice-amiral italien. L’état-major est placé sous les ordres directs du Comité politique et de sécurité (CoPS) de l’Union européenne.

L’Italie, compte tenu de sa situation géographique en première ligne et de sa sensibilité à la question des migrations en provenance de la Libye, a évidemment manifesté la volonté de prendre le leadership et d’être désignée nation-cadre. Il faut dire que Sophia s’articule avec Mare Sicuro, une opération nationale italienne aux objectifs et au champ d’action similaires.

Depuis décembre 2015, sept bâtiments sont déployés, derrière le porte-aéronefs Cavour, sur lequel nous avons été reçus. Fleuron de la marine italienne, son équipage est constitué de 600 marins et il peut héberger 400 personnels de l’aéronavale.

Actuellement, quatre hélicoptères sont embarqués à bord et trois avions de patrouille et de reconnaissance maritimes sont mis à disposition à partir de bases terrestres.

La force navale bénéficie de l’appui de trois bases logistiques italiennes : les ports d’Augusta, au sud-est de la Sicile – là où nous ont été reçus sur le Cavour –, et de l’île de Pantelleria, plus la base aérienne de Sigonella.

En cette période hivernale, moins propice aux passages des embarcations des trafiquants, les moyens mobilisés sont en retrait par rapport aux débuts de la phase 2a, durant lesquels étaient employés onze bâtiments. La frégate légère furtive française Courbet et le patrouilleur Falcon 50M, engagés par la suite en Méditerranée orientale, au sein du groupe aéronaval du Charles-de-Gaulle, ont ainsi participé à Sophia, respectivement durant 50 jours et 11 jours.

À partir d’avril, une remontée en puissance sera nécessaire pour répondre au regain prévisible de passages d’embarcations chargées de migrants.

La Libye possède un réel savoir-faire dans le trafic des migrants, dont la régulation était naguère conçue par le régime du colonel Kadhafi comme un moyen de pression contre les Occidentaux.

Nous tenons d’abord à appeler l’attention sur le fait que la grande majorité des migrants concernés par la « filière libyenne » sont originaires d’Afrique sub-saharienne. La plupart d’entre eux sont animés par des motivations économiques mais certains fuient aussi des régimes dictatoriaux et peuvent être considérés comme des réfugiés politiques.

En 2015, alors que 810 663 migrants ont été comptabilisés sur la « route orientale » balkanique et 3 209 sur la « route occidentale » nord-africaine, 154 725 migrants passant par la « route centrale » libyenne ont été recensés par les autorités italiennes. On estime que pas moins de 500 000 à 1 million de migrants séjournent actuellement en transit sur le territoire libyen, soit, au rythme d’émigration actuel, un potentiel de plusieurs années de passages par la Méditerranée.

Depuis le passage à la phase 2a de Sophia, il existe deux modes opératoires.

Le premier consiste à former un migrant, appelé « joker », et à le mettre à la manœuvre d’un zodiac, après lui avoir confié un GPS et un téléphone satellite pour appeler les secours juste avant de parvenir dans les eaux internationales. Le coût de la traversée pour chaque migrant est de 500 à 1 000 euros ; avec une centaine de passagers, le chiffre d’affaires s’élève à 75 000 euros environ pour chaque traversée.

Le second consiste à utiliser une grosse barque en résine ou en bois, escortée par un skiff à bord duquel deux ou trois trafiquants se chargent d’appeler les secours. Ces bateaux peuvent transporter jusque 450 personnes, alors qu’ils ne sont prévus que pour une vingtaine. Ces embarcations étant réputées plus fiables, les migrants sont prêts à payer plus de 1 000 euros par personne, soit un chiffre d’affaires moyen de 480 000 euros par traversée.

Ce modèle économique est tellement profitable que les trafiquants consentent désormais à abandonner les embarcations, ce qui leur garantit tout de même un bénéfice moyen par trajets de 67 000 euros pour ceux qui utilisent un zodiac et même de 380 000 euros pour ceux qui utilisent une embarcation en bois.

Les revenus totaux tirés de l’exploitation de la misère des migrants ont été estimés, pour 2015, à 4,5 milliards d’euros, soit plus du tiers du PIB libyen.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Au cours de cette mission d’information, nous avons pu nous entretenir avec de nombreux officiers des échelons stratégiques et opérationnels de Sophia, parmi lesquels : le contre-amiral français Hervé Bléjean, vice-commandant de l’opération ; le contre-amiral italien chef de la force multinationale, c’est-à-dire de l’ensemble des bâtiments déployés ; le commandant italien du porte-aéronefs Cavour et son équipage.

Sept mois après le début de l’opération, il ressort de ces entretiens des résultats indéniables mais mitigés : en dépit des obstacles et en attendant le passage aux phases ultérieures, l’opération répond globalement aux attentes, en termes de sécurité et d’humanité.

Il a été décidé de passer à la phase 2a afin de faire cesser la présence de bateaux d’escorte dans les eaux internationales. Le basculement, intervenu le 7 octobre 2015, a été validé par le Conseil de sécurité des Nations unies pour un an.

L’information a toutefois circulé rapidement, au point que ne sont le plus souvent interpellés que les « jokers ». Au total, si la police italienne fait état de 400 à 500 passeurs arrêtés, seulement 48 trafiquants ont été interpelés et remis aux autorités italiennes, à la suite de quoi une quinzaine de procédures judiciaires ont pu être intentées.

À la date du 12 février 2016, 76 bateaux avaient été interceptés. Le remorquage s’avère le plus souvent impossible. Le processus opérationnel autorise alors la force à couler l’embarcation, après avoir procédé à une fouille approfondie – qui permet parfois de mettre la main sur des listes ou des coordonnées de personnes impliquées dans le trafic –, vidé le réservoir de son carburant et démonté le moteur.

Pour ce qui concerne la mission officiellement assignée à Sophia – le démantèlement des réseaux –, la phase 1 et le début de la phase 2a se soldent par un demi -succès : d’un côté, peu de trafiquants sont mis hors d’état de nuire et le trafic se poursuit ; cependant, de l’autre, les autorités européennes possèdent désormais une bonne connaissance de ce système mafieux et des personnes physiques qui en portent la responsabilité, la ressource en embarcations tend à se raréfier, les réseaux criminels se voient interdire l’accès à la haute mer et le nombre de migrants comptabilisés a baissé de 9 % entre le second semestre 2014 et le second semestre 2015.

Et puis, l’opération européenne a tout de même permis de secourir pas moins de 9 088 migrants et seulement trois corps ont été repêchés depuis juillet 2015.

Une structure de partage des connaissances et de déconfliction, dite « Shade Méd », a par ailleurs été constituée. Elle a vocation à accueillir l’ensemble des acteurs intervenant sur les différents volets sécuritaires et humanitaires : organisations internationales, agences européennes et opérations de politique de sécurité et de défense commune (PSDC), Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), organisations non gouvernementales (ONG) et États tiers.

Notons que l’OTAN est très présente en Méditerranée centrale, à travers son opération Active Endeavour. La haute représentante et le commandement de l’OTAN encouragent les interactions et la coopération tactique et technique, d’autant que le chef du commandement allié maritime de l’OTAN est depuis peu un Britannique, ce qui facilite la connexion entre les deux opérations.

Quant à l’agence européenne Frontex, elle pilote deux missions afin de garder les zones frontalières maritimes et terrestres de l’Union européenne par lesquelles transitent les grands flux de migrants actuels : Poséidon en mer Égée ; Triton en Méditerranée centrale.

Avec cette seconde opération, Sophia a élaboré un protocole commun et échange des officiers de liaison en état-major et sur les bâtiments. La collaboration avec Frontex – tout comme, dans une moindre mesure, avec Europol et Eurojust – est donc étroite et saine.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. En revanche, nous estimons que, parmi les neuf opérations PSDC actuellement menées par l’Union européenne en Afrique, trois pourraient davantage prendre en compte le problème des migrations à destination de la Libye : EUBAM Libye, chargée d’aider les autorités libyennes à renforcer la sécurité à leurs frontières ; EUTM Mali, qui a pour objectif de former les forces armées maliennes ; EUCAP Sahel Niger, destinée à conseiller les autorités nigériennes dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. C’est d’ailleurs aussi le cas de l’opération française Barkhane au Sahel.

Le principal reproche susceptible d’être adressé à l’opération Sophia est en effet qu’elle agit comme un « accélérateur migratoire », sans que des actions efficaces soient conduites, ni pour limiter ce mouvement humain à sa source ni pour se donner les moyens d’opérer des reconduites dans les pays d’origine. La passivité de l’Union européenne en la matière n’échappera pas éternellement à la critique publique ; il arrivera un moment où les autorités bruxelloises ne pourront plus entretenir l’« illusion humanitaire ».

La reconduction de Sophia suppose l’adoption d’une nouvelle décision avant le 27 juillet2016. Celle-ci apparaît aujourd’hui nécessaire afin de poursuivre l’action dans trois directions : maintenir la pression sur les trafiquants ; continuer à sauver des vies ; rester prêts à passer à la phase 2b.

Si les deux premières phases se sont déroulées conformément à la planification et aux attentes des donneurs d’ordres politiques, les résultats stratégiques tangibles obtenus ne constituent qu’une étape : l’opération n’a certes de sens que dans sa progression vers sa phase ultime, mais il aurait été impossible de commencer par celle-ci, ex nihilo.

Les conditions juridiques nécessaires au passage aux phases ultérieures rendent toutefois celui-ci hypothétique. Elles prévoient en effet l’intrusion de la force de Sophia dans l’espace de souveraineté maritime puis terrestre de la Libye, ce qui imposera le consentement du gouvernement local, assorti de nouvelles résolutions de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Aux deux étapes, une résolution des Nations unies pourrait certes suffire et se substituer à une invitation puis à une coopération de la Libye, mais encore faudrait-il qu’aucun membre permanent du Conseil de sécurité n’y mette son veto. Il serait au demeurant préférable, voire indispensable, d’intervenir avec l’aval des autorités locales, afin de ne pas se les aliéner en s’aventurant dans une confrontation avec elles.

Quoi qu’il en soit, la Libye doit sortir de sa condition actuelle d’État failli. Or les tentatives d’obtenir un accord en vue de constituer un gouvernement d’entente nationale ont jusqu’à présent échoué.

Parallèlement aux efforts de recherche d’un accord en vue de la constitution d’un gouvernement d’entente nationale, la communauté internationale réfléchit aux modalités du soutien sécuritaire qui pourra lui être apporté une fois en fonctions. La sécurité de la Libye et, par extension, de l’aire méditerranéenne, dépend du désarment des milices et du démantèlement du bastion de Daesh dans le golfe de Syrte.

Ce renforcement des capacités étatiques libyennes pourrait être ajouté au mandat de Sophia, qui pourrait alors travailler en coordination avec EUBAM Libye.

Deux autres axes de coopération méritent d’être explorés : le soutien aux secteurs économiques alternatifs au trafic de migrants et la coordination des dispositifs de lutte contre le terrorisme.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Avec Yves Fromion, nous vous proposons maintenant d’adopter les conclusions suivantes : saluer la qualité et l’efficacité de la coordination des moyens mis par les États membres à la disposition de la force navale de l’opération Sophia ; se féliciter des premiers résultats obtenus durant la phase 1, consacrée à l’analyse de la situation, et la phase 2a, en cours, consacrée à la sécurisation en haute mer ; constater que les réseaux de trafiquants ont adapté leurs modes opératoires pour contourner les obstacles dressés par l’Union européenne ; souligner que celle-ci doit veiller à ce que son action ne serve pas les desseins des trafiquants, en sécurisant la route migratoire centre-méditerranéenne sans réduire à néant leur modèle économique ; considérer par conséquent que les efforts doivent redoubler en vue de passer à la phase 2b puis à la phase 3, à savoir les volets offensifs de l’opération, destinés à sécuriser les eaux territoriales libyennes puis à neutraliser les réseaux à terre, dès que les conditions institutionnelles et politiques seront réunies en Libye ; estimer que le mandat d’un an accordé à l’opération Sophia devra être prorogé d’au moins six mois à son échéance, le 27 juillet 2016 ; appeler l’attention sur la nécessité de mieux coordonner Sophia avec les autres opérations relevant de la politique de sécurité et de défense commune qui interviennent sur les routes migratoires africaines, afin de contenir au maximum à la source ces mouvements de population ; inviter les autorités européennes à réfléchir d’ores et déjà activement aux modalités de leur contribution future au renforcement des capacités étatiques libyennes.

Mme Marietta Karamanli. Je félicite les rapporteurs pour ce travail complet, sur un sujet complexe.

Le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, a déclaré que cette opération « montre ses limites et doit évoluer rapidement » pour qu’une intervention dans les eaux territoriales libyennes devienne possible. Quelles sont les conditions politiques à réunir, du côté de la Libye et du côté de l’Union européenne, pour y parvenir ?

M. Jean-Louis Roumégas. Ce rapport d’information est intéressant et instructif car il décrit bien le modèle économique des passeurs libyens. La mission Sophia est nécessaire, elle se déroule dans de bonnes conditions et a obtenu des résultats humanitaires – même si son succès est relatif, puisque les réseaux n’ont pas été démantelés.

Cela dit, il conviendrait d’adopter un point de vue politique plus global : si des personnes sont prêtes à payer 500 ou 1 000 euros et à risquer leur vie, ce n’est pas uniquement parce que des petits trafiquants leur proposent une offre de transport, mais aussi parce qu’ils sont poussés à partir, pour des motifs sérieux, de nature politique ou économique, ou à cause d’une guerre. Or cela n’apparaît absolument pas dans l’analyse des rapporteurs. C’est la logique de l’« Europe forteresse », qui n’interroge pas les raisons des migrations et ne recherche pas de solutions politiques. Même à propos du renforcement de l’État libyen, il est uniquement question des moyens de lutte contre les trafics et les migrations, et pas de la lutte contre la violence dans la zone sahélienne, qui permettrait d’agir sur leurs causes. Je trouve gênant que nous ayons l’air de cautionner cette logique. J’ajoute que la situation découle de l’action des Occidentaux, qui n’avaient pas anticipé les conséquences de leur politique.

Il faudrait conduire une mission allant au-delà des opérations de police, ayant un objectif humanitaire explicite. Et nous devons avoir la volonté d’obtenir un règlement politique global, ne pas nous contenter de demander aux Libyens de faire la police pour notre compte.

M. William Dumas. Les deux rapporteurs ont bien expliqué que l’objectif était de sauver le maximum de vie. Ce trafic rapporte sans doute davantage aux Libyens que l’activité pétrolière ; pour Daesh, c’est vraiment de l’or en barre. Tant qu’un gouvernement libyen stable n’aura pas été institué, il faudra maintenir de telles opérations et donc effectivement proroger Sophia, sans doute même au-delà de six mois supplémentaires. Sophia est une belle réussite, les phases 1 et 2a ont bien fonctionné, elle ont été plus efficaces que Frontex ; il faut maintenant passer à la suivante et se rapprocher le plus près possibles des côtes libyennes. Mais je crains que la constitution d’un gouvernement en Libye se fasse attendre…

Mme Marietta Karamanli. Dans les conclusions, il faudrait mettre en évidence les conditions politiques exigées pour passer aux phases ultérieures.

La Présidente Danielle Auroi. C’est de la prospective ; on ne peut pas s’adresser à un gouvernement qui n’existe pas encore.

Dans une autre vie, j’ai travaillé dans l’humanitaire. Il est facile de se défausser suer Daesh, mais n’oublions pas que les trafiquants d’êtres humains, qui exploitent la misère, sont de la même origine que leurs victimes – ceux qui font traverser le désert aux Sénégalais sont des Sénégalais. Les réalités du terrain sont bien plus compliquées que les slogans. Ces considérations ne résolvent rien mais il faut les avoir en tête.

Une réflexion plus large serait nécessaire. Je rejoins M. Roumégas sur son constat d’une « Europe-forteresse » et je rappelle à mon tour que les Occidentaux portent une responsabilité désolante dans la situation des pays en crise : les Américains pour ce qui concerne l’Irak, les Européens pour ce qui concerne la Libye. L’opération Barkhane a accentué la « clochardisation » des Touaregs vivant aux confins de la zone saharienne, alimentant les itinéraires de radicalisation au profit de Daesh.

L’opération Sophia, tout en présentant de l’intérêt – les rapporteurs l’ont remarquablement expliqué –, montre des limites importantes et ses résultats ne sont pas à la hauteur. Une fois de plus, on s’attaque au plus visible mais pas forcément au plus dangereux.

J’ai donc déposé trois amendements à la proposition de conclusions, pour insister sur la nécessité du passage indispensable par l’ONU et pour manifester notre solidarité à l’égard des réfugiés. La solution n’est pas de les rejeter en Méditerranée et elle n’est pas non plus uniquement militaire. Les Italiens restent d’ailleurs extrêmement inquiets.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Notre rapport d’information porte sur Sophia, qui, je le rappelle, s’inscrit dans le cadre de la PSDC. Il ne s’agit pas d’une opération humanitaire, même si elle a eu des conséquences humanitaires non négligeables, avec 10 000 vies sauvées.

Il a été question d’« Europe-forteresse ». Ceux qui traversent la Méditerranée depuis la Libye, pays en état de décomposition, ne fuient pas la guerre mais la misère, parfois aussi l’arbitraire. L’Europe ne pourra malheureusement pas accueillir ces millions de femmes et d’hommes fuyant leur pays, pour de bonnes raisons, au risque de perdre la vie. Edgar Pisani, alors professeur au Collège de France, prônait le rééquilibrage entre pays riches et pauvres, afin que le monde entier ne soit pas tiré vers le bas ; tant que nous n’y parviendrons pas, notamment concernant l’Afrique – et nous en sommes loin –, nous connaîtrons des pressions migratoires.

Nous avons effectué ce travail dans un cadre précis, afin de dresser un état des lieux de Sophia après avoir entendu ceux qui en ont la charge. J’ai conscience que la lutte contre les trafiquants n’est pas encore très efficace mais ils faut la poursuivre.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Il est évident que l’Europe ne saurait limiter son action à la dimension militaire, ne nous égarons pas. Mais M. Pueyo et moi-même avions une mission claire : analyser le fonctionnement de l’opération européenne Sophia et en tirer le bilan. Nous n’avons pas été mandatés pour porter une appréciation générale à propos des déséquilibres entre l’Europe et l’Afrique, les migrations, l’aide au développement ou encore le taux de natalité en Afrique. Nous sommes tous d’accord quant à l’ampleur des finalités à recherche, mais ce n’était pas le job.

La Présidente Danielle Auroi. Nous en venons aux amendements à la proposition de conclusions.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Je propose de clarifier le point 4, afin de lever toute ambiguïté, en le rédigeant ainsi : « Souligne que celle-ci ne doit pas se contenter de sécuriser la route migratoire centre-méditerranéenne mais doit surtout veiller à ce que son action contrecarre les desseins de trafiquants en réduisant à néant leur modèle économique ; ».

M. Jean-Louis Roumégas. C’est un vœu pieux !

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Pardonnez-moi, mais il s’agit d’insister sur l’importance des phases 2b et c de la mission attribuée à Sophia par l’Union européenne, afin de faire cesser les exactions des trafiquants, qui chargent les migrants comme du bétail, et pire encore : ils entassent jusqu’à 400 personnes dans des bateaux ne pouvant en supporter que 40 et certains meurent asphyxiés dans les cales ! Il est inacceptable de laisser perdurer ce modèle économique. À l’Union européenne de prendre ses responsabilités et de passer aux phases suivantes. Nous pensons qu’il le faut et les militaires que nous avons auditionnés le pensent également ; la décision relève de l’échelon politique européen voire de l’ONU.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix l’amendement nº 1 :

« Rédiger ainsi le point 4 de la proposition de conclusions : “Souligne que celle-ci ne doit pas se contenter de sécuriser la route migratoire centre-méditerranéenne mais doit surtout veiller à ce que son action contrecarre les desseins de trafiquants en réduisant à néant leur modèle économique ;”. »

L’amendement nº 1 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi. Mon premier amendement consiste à ajouter, à la fin du point 5, les mots suivants : « , dans la perspective d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui le permette », afin de respecter le droit international.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Avis favorable.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Avis favorable.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix l’amendement nº 2 :

« À la fin du point 5 de la proposition de conclusions, ajouter les mots : “, dans la perspective d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui le permette”. »

L’amendement nº 2 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi. Je propose d’ajouter un autre point, ainsi rédigé : « Insiste sur la nécessité d’une coordination politique pour réguler et ouvrir des voies légales d’accès ; ». Seule l’ouverture des voies sûres et légales d’accès permettra une résolution durable de la crise actuelle.

M. Joachim Pueyo, co-rapporteur. Avis favorable.

Mme Marietta Karamanli. Je suis d’accord avec le principe mais avec qui cette « coordination politique » sera-t-elle menée ?

Mme Nathalie Chabanne. À la lecture de l’amendement, j’attends en effet davantage de précisions sur les acteurs de cette coordination.

La Présidente Danielle Auroi. Nous pourrions faire référence à « une coordination politique entre les pays concernés ».

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Cette formulation serait trop floue. Je préférais la rédaction initialement proposée par la Présidente.

M. Jean-Louis Roumégas. En réalité, il faudrait commencer par coordonner l’action des États membres de l’Union européenne eux-mêmes… En tout cas, pour détruire le modèle économique des trafiquants, il importe d’ouvrir des voies d’accès légales et d’assurer une prise en charge des migrants dans les pays comme la Libye. Mais je souscris pleinement à cet amendement, qui répond à ma préoccupation.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Quand les migrants arrivent en Libye, il est déjà trop tard. Ils ne souhaitent pas faire demi-tour. Je suis partisan de conserver la rédaction que proposait la Présidente.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Moi aussi. Il est délicat d’entrer dans le détail ici ; mieux vaut énoncer le principe de la nécessité d’une coordination politique.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix l’amendement nº 3 :

« À la fin de la proposition de conclusions, ajouter un alinéa ainsi rédigé : “Insiste sur la nécessité d’une coordination politique pour réguler et ouvrir des voies légales d’accès ;”. »

L’amendement nº 3 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi. Mon troisième et dernier amendement tend à ajouter un alinéa supplémentaire : « Insiste sur la nécessité de mettre en place une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage en Méditerranée, seule à même de répondre à l’urgence humanitaire ». Les ONG craignent que Sophia ne se résume à son volet militaire, au détriment des opérations de sauvetage en Méditerranée. Cette inquiétude rejoint au demeurant celle de l’Italie, pour succéder à Mare Nostrum, qui a été abandonnée.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. S’agirait-il d’une opération parallèle à Sophia ou d’une réorientation de Sophia, à qui l’on donnerait un tour plus humanitaire ?

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Je suis favorable à cet amendement car l’humanitaire fait déjà partie de l’état d’esprit de la mission Sophia : les migrants sont pris en charge et soignés sur le porte-hélicoptère, qui est même doté d’un hôpital.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Je rappelle qu’a été constituée une structure de partage des connaissances et de déconfliction, et qu’une première réunion s’est tenue à Rome, associant ONG et militaires. Plutôt que de lancer une nouvelle opération, il vaudrait mieux encourager cette initiative.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Peut-être pourrions-nous juste rappeler que l’opération Sophia répond à l’urgence humanitaire ?

Mme Nathalie Chabanne. Je suis plutôt d’accord avec l’amendement de la Présidente car Sophia est avant tout une mission de police, sous couvert de la PSDC. Or il est évident qu’une mission humanitaire doit être conduite.

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Sophia, ne l’oublions pas, a été lancée pour répondre au choc de l’opinion publique européenne à la suite de la noyade de centaines de migrants et assure, de fait, une prise en charge humanitaire.

La Présidente Danielle Auroi. Où est la cohérence européenne si nous laissons les Italiens se débrouiller seuls pour régler le problème humanitaire en remettant en place une opération de sauvetage similaire à Mare Nostrum ?

M. Jean-Louis Roumégas. Il est évident que cette opération de police a des conséquences humanitaires très positives, sa pertinence n’est nullement remise en cause ; les migrants doivent être ravis de voir les navires militaires venir à leur rencontre. Sur le plan politique, il n’en est pas moins crucial que la Commission des affaires européennes affiche sa volonté de voir l’Union européenne assumer la dimension humanitaire. De surcroit, la prise en charge humanitaire ne se résume pas au sauvetage en mer.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Mais l’amendement proposé ne fait pas référence aux suites, une fois que les personnes ont accosté à Lampedusa ou à Tarente. Sa rédaction conduirait à s’interroger sur d’éventuelles redondances avec Sophia et par conséquent sur son maintien.

La Présidente Danielle Auroi. Il n’en demeure pas moins que Sophia est une opération militaire, pas une opération de recherche et de sauvetage.

Je vous propose, dans mon amendement, de modifier les mots : « la nécessité de mettre en place une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage », par les mots : « la nécessité d’une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage ».

M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Avis favorable.

M. Yves Fromion, co-rapporteur. Avis favorable.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix l’amendement nº 4, tel que je viens de le sous-amender :

« À la fin de la proposition de conclusions, ajouter un alinéa ainsi rédigé : “Insiste sur la nécessité d’une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage en Méditerranée, seule à même de répondre à l’urgence humanitaire.” »

L’amendement nº 4 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix la proposition de conclusions ainsi modifiée.

La proposition de conclusions, ainsi modifiée, est adoptée à l’unanimité.

« La Commission,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 8, 21, 22 et 42 à 44 du Traité sur l’Union européenne (TUE),

Vu la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies S/RES/2240 du 9 octobre 2015 sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales,

Vu la décision (PESC) 2015/778 du Conseil du 18 mai 2015 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED),

Vu la décision (PESC) 2015/972 du Conseil du 22 juin 2015 lançant l’opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED),

Vu la décision (PESC) 2015/1926 du Conseil du 26 octobre 2015 modifiant la décision (PESC) 2015/778 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED),

Vu la décision (PESC) 2015/1772 du Comité politique et de sécurité du 28 septembre 2015 concernant le passage de l’EUNAVFOR MED à la deuxième phase de l’opération, tel que prévu à l’article 2, paragraphe 2, point b) i), de la décision (PESC) 2015/778 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED),

Considérant que la Libye ressortit à la politique européenne de voisinage,

Considérant que l’Union européenne, pour des motifs à la fois sécuritaires et humanitaires, ne saurait rester inactive face aux réseaux criminels exploitant et favorisant les migrations illicites vers ses États membres en provenance des côtes libyennes,

1. Salue la qualité et l’efficacité de la coordination des moyens mis par les États membres à la disposition de la force navale de l’opération Sophia ;

2. Se félicite des premiers résultats obtenus durant la phase 1, consacrée à l’analyse de la situation, et la phase 2a, en cours, consacrée à la sécurisation en haute mer ;

3. Constate que les réseaux de trafiquants ont adapté leurs modes opératoires pour contourner les obstacles dressés par l’Union européenne ;

4. Souligne que celle-ci ne doit pas se contenter de sécuriser la route migratoire centre-méditerranéenne mais doit surtout veiller à ce que son action contrecarre les desseins des trafiquants en réduisant à néant leur modèle économique ;

5. Considère par conséquent que les efforts doivent redoubler en vue de passer à la phase 2b puis à la phase 3, à savoir les volets offensifs de l’opération, destinés à sécuriser les eaux territoriales libyennes puis à neutraliser les réseaux à terre, dès que les conditions institutionnelles et politiques seront réunies en Libye, dans la perspective d’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui le permette ;

6. Estime que le mandat d’un an accordé à l’opération Sophia devra être prorogé d’au moins six mois à son échéance, le 27 juillet 2016 ;

7. Appelle l’attention sur la nécessité de mieux coordonner Sophia avec les autres opérations relevant de la politique de sécurité et de défense commune qui interviennent sur les routes migratoires africaines, afin de contenir au maximum à la source ces mouvements de population ;

8. Invite les autorités européennes à réfléchir d’ores et déjà activement aux modalités de leur contribution future au renforcement des capacités étatiques libyennes ;

9. Insiste sur la nécessité d’une coordination politique pour réguler et ouvrir des voies légales d’accès ;

10. Insiste sur la nécessité d’une véritable opération européenne de recherche et de sauvetage en Méditerranée, seule à même de répondre à l’urgence humanitaire. »

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø COMMERCE EXTERIEUR

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire de l'accord de partenariat économique entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et les États de l'APE CDAA, d'autre part (COM(2016) 8 final – E 10897).

- Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l'Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des produits et services originaires de l'Union aux marchés publics des pays tiers (COM(2016) 34 final – E 10903).

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2015/936 du Parlement européen et du Conseil relatif au régime commun applicable aux importations de produits textiles en provenance de certains pays tiers non couverts par des accords, protocoles ou autres arrangements bilatéraux, ou par d'autres régimes d'importation spécifiques de l'Union (COM(2016) 44 final – E 10910).

- Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter au nom de l’Union européenne au sein du sous-comité douanier institué par l’accord d’association entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République de Moldavie, d’autre part, en ce qui concerne le remplacement du protocole II de cet accord, concernant la définition de la notion de « produits originaires » et les méthodes de coopération administrative, par un nouveau protocole qui, pour ce qui est des règles d’origine, fait référence à la convention régionale sur les règles d’origine préférentielles paneuro-méditerranéennes (COM(2016) 68 final – E 10928).

Ø ENERGIE

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel et abrogeant le règlement (UE) n° 994/2010 (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (COM(2016) 52 final – E 10923).

- Proposition de décisions du Parlement européen et du Conseil établissant un mécanisme d'échange d'informations en ce qui concerne les accords intergouvernementaux et les instruments non contraignants conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie, et abrogeant la décision n° 994/2012/UE (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (COM(2016) 53 final – E 10924).

Ø POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil accordant une assistance macrofinancière supplémentaire à la Tunisie (COM(2016) 67 final – E 10920).

Ø SANTE ENVIRONNEMENTALE

- Règlement (UE) de la Commission modifiant l'annexe XVII du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne les fibres d'amiante (la chrysotile) (D041942/03 – E 10938).

- Règlement de la Commission modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne les sels d’ammonium inorganiques (D042858/03 – E 10939).

Ø SERVICES FINANCIERS (BANQUES - ASSURANCES)

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne certaines dates, la directive 2014/65/UE concernant les marchés d’instruments financiers (COM(2016) 56 final – E 10914).

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant, en ce qui concerne certaines dates, le règlement (UE) n° 600/2014 concernant les marchés d'instruments financiers, le règlement (UE) n° 596/2014 sur les abus de marché et le règlement (UE) n° 909/2014 concernant l'amélioration du règlement de titres dans l'Union européenne et les dépositaires centraux de titres (COM(2016) 57 final – E 10918).

Ø TRANSPORTS

- Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter au nom de l'Union européenne au sein de l'Organisation maritime internationale lors de la 40e session du comité de facilitation, de la 69e session du comité de la protection du milieu marin et de la 96e session du comité de la sécurité maritime, sur l'adoption des amendements à l'annexe IV de la convention MARPOL, aux règles SOLAS II-2/13 et II-2/18, au Recueil de règles sur les systèmes de protection contre l'incendie et au recueil 2011 de règles applicables au programme renforcé d'inspections (COM(2016) 77 final – E 10937).

Textes « actés » de manière tacite

Accords tacites de la Commission, du fait de la nature du texte

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), et 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d’ajustement à la mondialisation), celle-ci a pris acte tacitement des documents suivants :

Ø BUDGET COMMUNAUTAIRE

- Proposition de virement de crédits n° DEC 03/2016 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2016 (DEC 03/2016 – E 10960).

Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

- Décision du Conseil portant nomination d'un membre titulaire et d'un membre suppléant du comité consultatif pour la coordination des systèmes de sécurité sociale pour la Slovaquie (5788/16 – E 10956).

Accords tacites de la Commission liés au calendrier d’adoption par le Conseil

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø ENVIRONNEMENT

- Proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter, au nom de l'Union européenne, lors de la septième session du comité intergouvernemental de négociation sur le mercure et lors de la première réunion de la conférence des parties à la convention de Minamata sur le mercure, en ce qui concerne l'adoption provisoire, puis définitive, des orientations visées à son article 8, paragraphes 8 et 9 (COM(2016) 3 final – E 10865).

Ø ESPACE LIBERTE SECURITE JUSTICE

- Proposition de décision du Conseil établissant la position à adopter au nom de l'Union européenne dans le cadre du comité de réadmission mixte sur une décision du comité de réadmission mixte relative aux modalités d'application des articles 4 et 6 de l’accord entre l’Union européenne et la République de Turquie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier au 1er juin 2016 (COM(2016) 72 final – E 10915).

Ø FISCALITE

- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal (COM(2016) 25 final – E 10898).

Ø MARCHE INTERIEUR

- Proposition de décision du Conseil établissant la position à adopter au nom de l'Union européenne, au sein des comités compétents de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies, sur les propositions d'amendements aux règlements nos 10, 34, 41, 46, 48, 50, 51, 53, 55, 60, 73, 83, 94, 107, 110, 113, 118, 125, 128, 130 et 131 de l'ONU et sur la proposition de nouveau règlement concernant l'homologation des véhicules routiers silencieux (QRTV) (COM(2016) 76 final – E 10936).

Ø POLITIQUE ETRANGERE ET DE SECURITE COMMUNE (PESC)

- Décision du Conseil modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (5884/16 – E 10954).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) n° 208/2014 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (5885/16 – E 10955).

- Décision du Conseil modifiant la décision 2013/183/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (6726/16 – E 10961).

- Décision du Conseil modifiant la décision 2013/183/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée - Annexe (6726/16 ADD 1 – E 10962).

Ø RELATIONS EXTERIEURES

- Proposition conjointe de décision du Conseil relative à la conclusion de la procédure de consultation avec la République du Burundi au titre de l'article 96 de l'accord de Cotonou (JOIN(2016) 5 final – E 10913).

Ø SECURITE ALIMENTAIRE

- Règlement de la Commission modifiant les annexes II, III et V du règlement (CE) nº 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus d'atrazine présents dans ou sur certains produits. (D042722/16 – E 10847).

- Règlement de la Commission modifiant les annexes II et III du règlement (CE) nº 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de captane, de propiconazole et de spiroxamine présents dans ou sur certains produits (D042723/16 – E 10848).

- Règlement de la Commission modifiant les annexes II et III du règlement (CE) nº 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de cyazofamide, de cycloxydime, d'acide difluoroacétique, de fenoxycarb, de flumétraline, de fluopicolide, de flupyradifurone, de fluxapyroxad, de krésoxim-méthyl, de mandestrobine, de mépanipyrim, de métalaxyl-M, de pendiméthaline et de téfluthrine présents dans ou sur certains produits (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (D042689/16 – E 10862).

La séance est levée à 18 h 45

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 8 mars 2016 à 17 heures

Présents. - Mme Danielle Auroi, Mme Nathalie Chabanne, M. William Dumas, Mme Marietta Karamanli, M. Michel Piron, M. Joaquim Pueyo, M. Didier Quentin, M. Arnaud Richard, M. Jean-Louis Roumégas

Excusés. - M. Philip Cordery, M. Pierre Lequiller

Assistait également à la réunion. - M. Patrice Verchère