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Commission des affaires européennes

Mardi 10 mai 2016

16 h 30

Compte rendu n° 276

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

Table ronde sur l’emploi des jeunes et la mobilité en Europe, avec la participation de Confrontations Europe (M. Marcel Grignard, président ; Mme Katarina Cirodde, chargée de mission), de la Mission locale de Bondy (M. Samir Hariche, directeur ; Mme Laila Ben Achouba, référente Garantie jeunes) du Centre d’information jeunesse du Val d’Oise (Mme Ophélie Boudet, responsable de l’information, et Mme Kelly Baugé), Mme Fatoumata Sylla, M. Yohann Gaudin, Mme Laura Vautrin et M. Omer Kayaham

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 10 mai 2016

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 40

Table ronde sur l’emploi des jeunes et la mobilité en Europe, avec la participation de Confrontations Europe (M. Marcel Grignard, président ; Mme Katarina Cirodde, chargée de mission), de la Mission locale de Bondy (M. Samir Hariche, directeur ; Mme Laila Ben Achouba, référente Garantie jeunes) du Centre d’information jeunesse du Val d’Oise (Mme Ophélie Boudet, responsable de l’information, et Mme Kelly Baugé), Mme Fatoumata Sylla, M. Yohann Gaudin, Mme Laura Vautrin et M. Omer Kayaham

La Présidente Danielle Auroi. Nous sommes réunis aujourd’hui pour une table ronde consacrée à l’emploi des jeunes et la mobilité en Europe. Nous allons débattre d’une démarche novatrice initiée par l’association Confrontations Europe, en partenariat avec les missions locales de Bondy et de Sarcelles, et le Centre Europe Direct du Val-d’Oise. Nous entendrons également quatre jeunes qui, soit ont bénéficié du dispositif Garantie jeunes, soit ont participé à une expérience de mobilité à l’étranger au titre du dispositif Erasmus+. Sur la mobilité comme facteur d’insertion professionnelle, nous entendrons des représentantes du Centre d’information jeunesse du Val-d’Oise.

Les projets législatifs européens et les politiques menées par l’Union européenne en faveur des jeunes nous intéressent particulièrement. Même si l’Europe paraît loin, il est essentiel qu’à travers des expériences aussi concrètes que celles dont nous allons parler, elle renoue avec ses peuples. Pour trouver réellement son sens, cette démarche ne doit pas être à sens unique : il s’agit non seulement d’améliorer l’information sur l’Europe, mais aussi d’entendre les critiques et les aspirations de nos concitoyens sur les dispositifs européens, en particulier celles des jeunes qui sont au cœur du projet européen – je pense particulièrement aux jeunes des quartiers défavorisés. Votre démarche « Hear my voice » exprime bien votre préoccupation : tout le monde doit entendre votre voix – et vous allez aussi entendre les nôtres avec les questions que nous ne manquerons pas de vous poser.

Cette commission a fait de l’emploi des jeunes un cheval de bataille, sujet sur lequel notre collègue M. Philip Cordery est rapporteur. La mobilité des jeunes en Europe est un sujet central pour nous : la Garantie jeunes au niveau national doit entrer en cohérence avec la Garantie européenne pour la jeunesse – vous nous direz si c’est le cas. La réforme du programme Erasmus nous tient également particulièrement à cœur, avec le programme Erasmus+ pour l’enseignement et la formation professionnels.

M. Marcel Grignard, président de Confrontations Europe. Je vous remercie chaleureusement de consacrer du temps à notre travail et, surtout, de permettre à des jeunes acteurs de notre projet de s’exprimer.

En tant qu’interlocuteurs habituels des institutions européennes, nous nous alarmons de l’énorme fossé qui sépare les citoyens et l’Europe : nous jouons un rôle de passerelle, en tissant des liens. Nous nous préoccupons également de la situation des jeunes en Europe, notamment les plus en difficulté, ce qui nous a conduits à travailler avec les missions locales de Bondy et de Sarcelles, dont nous avons rencontré, à deux reprises, une cinquantaine de jeunes. Avec eux, nous avons vérifié ce qu’ils connaissaient des dispositifs de mobilité et d’insertion proposés par l’Union européenne, mis en évidence les difficultés et cherché des pistes à proposer pour améliorer les dispositifs.

Dans un deuxième temps, nous avons organisé un échange entre, d’un côté, ces jeunes, et, de l’autre, des représentants des entreprises, des syndicats, des institutions européennes, du Secrétariat des affaires européennes et du ministère de l’emploi. Nous voulions que s’instaure un dialogue entre les destinataires des dispositifs créés par les institutions et les responsables de ces institutions, pour vérifier si lesdits dispositifs atteignaient leur but, mettre en exergue les difficultés rencontrées par les bénéficiaires, et voir comment apporter des améliorations. Tel a été le sens de notre action.

Mme Fatoumata Sylla. J’ai vingt-trois ans et suis originaire de province. Me trouvant dans de grandes difficultés – j’étais à la rue, sans travail, sans rien –, je suis allée demander de l’aide à la mission locale de Bondy où l’on m’a parlé de la Garantie jeunes, que je ne connaissais pas. Grâce à ce dispositif, j’ai reçu un grand soutien, d’abord, financièrement, ensuite, par un accompagnement à travers plusieurs ateliers collectifs durant cinq semaines. J’y ai gagné en confiance en moi, et j’ai pu saisir cette chance que l’on m’a donnée pour me réinsérer, trouver un travail et un logement. Je peux dire que la Garantie jeunes m’a apporté de la stabilité et, aujourd’hui, j’espère pouvoir me consacrer à mon projet professionnel.

M. Yohann Gaudin. Pour ma part, je vis à Noisy-le-Sec et je vais avoir vingt-trois ans en septembre. Titulaire d’un bac techno de la santé et du social, ainsi que du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA), j’ai échoué à plusieurs concours dans le domaine social. En 2014, j’ai bénéficié de la Garantie jeunes, qui n’en était alors qu’au stade de son expérimentation, élargie à soixante-deux départements. Pendant cet engagement d’un an, qui fait l’objet d’un contrat entre le référent Garantie jeunes et le jeune, celui-ci participe à des ateliers collectifs ou individuels et rencontre son référent une à deux fois par mois. J’ai effectué deux stages d’une durée d’un mois : le premier, avec des assistants de service social, ne correspondait pas à mes espérances ; le second, au Point information médiation multiservices de Paris (PIMMS), m’a énormément intéressé. Il m’a alors été proposé de devenir médiateur social, j’ai donc bénéficié d’une formation professionnelle et je travaille aujourd’hui comme médiateur social dans un centre social du « 93 ». La Garantie jeunes m’a permis de me réinsérer et de reprendre confiance en moi et, aujourd’hui, je me bats pour les jeunes, en les orientant vers ce dispositif. En conclusion, grâce à la Garantie jeunes, j’ai bénéficié d’une formation et trouver un emploi immédiatement. J’aimerais que ce dispositif, destiné aux jeunes de seize à vingt-cinq ans en rupture scolaire, soit élargi aux étudiants qui peinent également beaucoup à trouver un travail.

M. Samir Hariche, directeur de la mission locale de Bondy. Je vous remercie d’organiser cette table ronde, car il me semble très important de permettre à des jeunes d’exprimer leur point de vue à d’autres interlocuteurs que leurs interlocuteurs habituels que sont les professionnels au niveau local. Les jeunes sont très souvent éloignés des institutions, et cette rencontre est l’occasion idéale de les entendre et de leur témoigner du respect.

La mission locale de Bondy accompagne chaque année 2 000 jeunes dans leur parcours d’accès à l’emploi et à la qualification. Par rapport aux outils qui nous sont généralement proposés, la Garantie jeunes a été pour nous l’occasion d’ouvrir le champ des possibles. Depuis 2013, plus de 400 jeunes sont entrés dans le dispositif. Nous en avons désormais une certaine expertise, ce qui n’empêche pas de le renouveler chaque année, de le réinventer en fonction de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. C’est un dispositif vivant et qui fonctionne : pour les publics les plus en difficulté, nous obtenons de bons résultats, supérieurs à la moyenne, alors que notre public est très en difficulté.

Non seulement le dispositif fonctionne en Seine-Saint-Denis, mais il constitue un message fort de la part des institutions : au sommet de l’État et d’institutions lointaines comme celles de l’Europe, les jeunes restent une priorité en leur proposant encore des choses nouvelles. Forts de ce gage d’intérêt, nous pouvons travailler avec ces jeunes sur la confiance en eux-mêmes.

L’un des éléments fondamentaux de la jeunesse à ne pas perdre de vue est l’espérance, et la Garantie jeunes peut permettre à certains jeunes de renouer avec celle-ci. Elle peut également avoir le même effet sur les professionnels : face à une vague de mauvaises nouvelles, renouveler un champ d’expertise, en tentant des choses différentes, s’avère particulièrement redynamisant. Les jeunes que nous avons envoyés en stage à Galway, par exemple, ont, à leur retour, trouvé un travail, parfois une vocation. Surtout, ils ont retissé un lien avec la société, l’entreprise, et même avec la famille, qui souffre de son jeune en difficulté. C’est une dynamique qui est impulsée : l’espérance renaît dans la tête du jeune soutenu par un groupe de professionnels, qui eux-mêmes réinventent leur métier, et rejaillit sur son environnement.

Pour ce qui est des résultats, à la mission locale de Bondy, nous dépassons les 60 % de placements emplois, les relations partenariales ont été démultipliées, un nombre très important de professionnels s’occupe de ces jeunes, des entreprises s’associent à cette dynamique, et des politiques au niveau local s’investissent dans l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, laquelle est désormais au cœur des préoccupations politiques. Dans ce domaine, tout est à faire, mais nous avons des résultats concrets, sans compter que nous avons encore des possibilités – et la Garantie jeunes en fait partie.

Je ne crois pas au discours ambiant sur la concentration des moyens. Les artisans que nous sommes ont plutôt besoin d’autres outils supplémentaires et complémentaires pour confectionner le meilleur ouvrage d’insertion professionnelle des jeunes possible. La Garantie jeunes nous a apporté de l’espoir : elle a créé une nouvelle dynamique dans des métiers du secteur social soumis à une usure, une sédimentation des pratiques ; elle nous a donné un argument pour remettre en mouvement la trajectoire des 40 % à 50 % de jeunes pour lesquels le dogme du projet professionnel ne suffit pas à résoudre la problématique de l’inertie dans le parcours. Alors que le projet professionnel procède de l’inventaire de ce qui n’a pas fonctionné – l’école, le diplôme, l’expérience –, la Garantie jeunes se fonde sur le principe inverse : on voit avec le jeune ce qu’on peut faire ensemble, ce qu’on peut capitaliser, et c’est l’expérience qui lui donnera envie, en étant confronté à la réalité, de travailler un projet professionnel. Dans la Garantie jeunes, la priorité est donc l’immersion, et non le projet professionnel.

Mme Laura Vautrin. J’ai vingt-six ans. J’ai effectué un service volontaire européen (SVE) en Italie qui n’a duré que six mois sur les neuf initialement prévus, et je suis ravie de pouvoir vous expliquer pourquoi.

Après mon stage en fin de licence, je ne savais pas trop quoi faire. Je ne voulais pas passer par le master, mais j’avais envie de partir à l’étranger avec mon sac à dos, visiter le monde. Financièrement cet objectif était difficilement réalisable. Je me suis donc renseignée au Point information jeunesse où il m’a été conseillé de me tourner vers l’association Contrôle-Z, une structure d’envoi en service volontaire européen.

L’organisation de ce départ m’a pris un an, entre l’envoi de CV, de lettres de motivation dans la langue d’autres pays, l’organisation de discussions sur Skype dans un anglais peu maîtrisé… Finalement, je suis partie en mars 2014, en Italie, près de Venise, pour travailler dans une association auprès de personnes handicapées. Une fois sur place, j’ai vite déchanté, car je me suis retrouvée à faire un travail à la chaîne – ce que font les travailleurs sociaux en Italie –, alors que mon contrat signé avec l’association d’accueil stipulait que je devais organiser des projets dans le domaine culturel, ce qui correspondait à mes études à la fac.

J’ai dû me battre pour faire comprendre à mes interlocuteurs qu’il n’était pas normal que je fasse ce travail. Cela a été compliqué, car il est difficile de s’exprimer dans la langue d’un pays étranger où l’on est isolé. Je logeais en colocation avec une Polonaise, une Hongroise et une Espagnole avec lesquelles les échanges se faisaient principalement en anglais ; je devais parler au président de l’association, qui ne savait même pas qui j’étais, en italien… J’ai aussi envoyé une lettre à la Commission européenne : j’ignore si mon courrier a eu un impact, mais en tout cas, l’association ne prend plus de volontaires.

Malgré tout, cela a été une magnifique expérience, qui m’a permis de rencontrer de très nombreuses personnes – je retrouverai d’ailleurs mes anciennes colocataires dans une semaine, en Italie. C’est une expérience de vie qui mérite d’être vécue, une source d’épanouissement. Et je n’aurais pas eu l’occasion de m’exprimer devant vous sans ce voyage, d’autant que j’étais auparavant assez timide.

M. Omer Kayaham. Je suis actuellement en classe de première « accueil et services » au lycée Arthur Rimbaud de Garges-Lès-Gonesse. Pour ma part, j’ai eu l’opportunité de participer à un voyage scolaire à Barcelone, avec six de mes camarades. Lors de ce séjour, aucun d’entre nous ne maitrisait une langue étrangère.

Notre conseiller principal d’éducation était entré en relation avec un lycée proposant, comme le nôtre, une filière dédiée au commerce. Grâce à lui, nous avons eu la chance de passer deux mois à Barcelone. Ce séjour fut difficile notamment concernant l’encadrement. À la différence de nos référents en France qui étaient très présents, le personnel d’encadrement espagnol n’était que peu impliqué à nos côtés. Les échanges entre élèves et enseignants furent particulièrement difficiles.

Lors de l’organisation de ce séjour, nous avions lutté pour obtenir des subventions de l’Union européenne, mais nous n’en avons obtenu que pour un mois. Il nous fallait donc trouver d’autres financements, le Crédit mutuel a participé et nous avons organisé une brocante six jours durant, de huit heures à midi, qui nous a permis de récolter 800 euros supplémentaires.

Nous avons beaucoup appris, lors de cet échange, et nous sommes revenus plus matures. Cette expérience dans un pays dont nous ne parlions pas la langue, où nous n’étions pas à l’aise, où nous ne savions quoi faire ou dire, fut éprouvante, mais bénéfique à bien des égards.

Mme Ophélie Boudet, responsable de l’information du Centre d’information jeunesse du Val d’Oise. Kelly Baugé et moi-même représentons le réseau d’information jeunesse, réseau européen qui compte 1 500 structures sur le territoire français et qui accueille chaque année 5 millions de jeunes. Chargés d’une mission d’intérêt général, nous sommes généralistes de l’information des jeunes, au quotidien. Sous le label « information jeunesse », délivré par le ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, nous accueillons et informons les jeunes, les parents et les professionnels de la jeunesse. Notre action repose sur le principe que l’accès à l’information pour les jeunes est un droit fondamental, qui doit être exercé de façon gratuite et anonyme. L’objectif est de garantir aux jeunes l’autonomie de leur choix en leur apportant l’accompagnement nécessaire. Notre action d’information jeunesse revêt également une dimension résolument européenne, et nous la conduisons dans le respect de chartes des droits fondamentaux et de labels qui garantissent l’objectivité de notre travail.

Les publics et les acteurs présents sur le territoire du Val-d’Oise sont assez similaires à ceux de Seine-Saint-Denis. Notre centre joue le rôle de tête de réseau au sein du département. Nous coordonnons vingt-cinq structures et recevons à peu près 35 000 visiteurs. Nous venons en aide à 50 000 jeunes par an environ.

Promouvoir et favoriser l’accès à la mobilité pour tous les jeunes nous paraît une nécessité absolue. Deux labels décernés par l’Union européenne garantissent la qualité de l’information que nous pouvons délivrer sur la mobilité et l’Europe : Eurodesk, qui nous désigne comme référents dans le département sur les questions de mobilité des jeunes et des professionnels, et Europe Direct, qui ne concerne pas que l’information jeunesse et est plutôt un réseau d’information citoyen ayant vocation à renseigner le grand public sur le fonctionnement de l’Union européenne, ses programmes, ses financements et les opportunités qu’elle offre à chaque citoyen.

Je laisse à Kelly Baugé, qui effectue son service civique au sein de notre structure, le soin de vous expliquer nos actions sur la thématique de la mobilité, qu’elle est précisément chargée de promouvoir.

Mme Kelly Baugé, Centre d’information jeunesse du Val-d’Oise. Je suis effectivement en service civique, depuis la rentrée 2015, au Centre d’information jeunesse du Val-d’Oise. Mes missions s’articulent principalement autour de deux axes.

Le premier est d’informer et de sensibiliser les jeunes à l’Union européenne et à l’Europe de manière générale, à travers différentes actions. Nous intervenons en milieu scolaire sur des sujets divers et variés, tels que la construction européenne, les institutions ou la mobilité. Au sein même de notre structure je m’efforce de mettre à la disposition du public des documents informatifs. J’alimente également, sur le site du Centre d’information jeunesse, une page dédiée à l’Europe dans une démarche pédagogique. L’objectif est d’aider les jeunes à comprendre les politiques, connaître les différents dispositifs et savoir comment en bénéficier, autrement dit de permettre une compréhension plus en profondeur tout en rendant l’information plus accessible.

Le deuxième axe est l’accompagnement à la mobilité européenne. Nous accueillons quotidiennement des jeunes, nous les conseillons et les accompagnons dans leur projet de mobilité, qu’il s’agisse de faire des études à l’étranger, d’y travailler ou d’y effectuer un stage. Notre rôle est de les informer sur les démarches, sur la recherche de financement, sur tous les aspects de la mobilité. Ainsi, nous sommes confrontés au quotidien à tous les obstacles qui peuvent empêcher les jeunes de partir à l’étranger.

Nous travaillons actuellement au développement du service volontaire européen. Il s’agit de favoriser l’engagement des jeunes en Europe et dans le Val-d’Oise. Pour le moment, aucune structure, association ou collectivité territoriale n’est en mesure de recevoir de jeunes Européens dans le cadre d’un tel engagement. Nous demandons précisément l’accréditation nécessaire pour en recevoir nous-mêmes, et, à plus long terme, pouvoir en envoyer. Un jeune Européen parmi nous pourrait apporter son propre témoignage, donner envie aux jeunes que nous recevons de partir, les aider à lever certains freins et à surmonter leurs appréhensions.

La Présidente Danielle Auroi. Sans doute la question du suivi, appelle-t-elle une attention particulière, comme l’ont suggéré les témoignages de M. Kayaham et de Mme Vautrin.

M. Marcel Grignard. Mon propos tranchera un peu avec les témoignages. Confrontations Europe a essayé de voir en quoi les dispositifs actuels répondent ou non aux objectifs que se donne l’Union européenne, et quelles améliorations sont nécessaires. Nous retirons des témoignages que nous avons entendus – ici, à Sarcelles ou à Bondy, des échanges que nous avons eus avec les élus locaux et des collègues d’autres régions européennes –, que la garantie jeunes est un bon dispositif, adapté aux jeunes les plus en difficulté. Il ne s’agit pas d’un simple guichet ; cette garantie jeunes permet la mise en place effective de mécanismes d’insertion.

Il n’en reste pas moins que, comme pour tout dispositif visant ce type de public, la grande difficulté est de s’adresser aux jeunes directement concernés. Et cela durera tant que le maillage des acteurs au contact de ces jeunes ne sera pas plus serré. De même, le lien avec les entreprises doit être renforcé. Certes, l’insertion professionnelle n’est pas l’objectif premier, mais elle ne se fera pas si les entreprises ne sont pas davantage motivées sur ces enjeux. Les responsables politiques locaux jouent, à cet égard, un rôle majeur pour animer et structurer les réseaux.

Au vu des expériences de Sarcelles et Bondy, la question de moyens des mi ssions locales – en ressources humaines et financières – se pose. Les missions locales sont souvent amenées à faire des avances financières, mais comment est-ce possible lorsque leur propre situation financière est précaire ? L’enjeu est majeur.

Pour l’ensemble des dispositifs, un vrai problème de valorisation subsite. Les démarches intéressantes, qui fonctionnent et sont validées par les jeunes – même quand ils en soulignent les difficultés – ne sont pas assez valorisées. Elles sont aussi insuffisamment resituées dans une perspective globale : nous n’étudions pas suffisamment la manière dont les mêmes dispositifs sont mis en œuvre dans d’autres territoires européens. Une telle comparaison nous permettrait de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et ainsi d’améliorer nos propres systèmes sans attendre les analyses et le benchmarking des services de la Commission européenne.

En matière de mobilité, Erasmus + est un facteur majeur de démocratisation. On ne le dit pas assez, c’est un formidable moyen d’investissement dans le capital humain. Or cet investissement est absolument crucial pour l’Europe, qui doit aborder la difficile mutation du numérique. Les besoins de formation sont considérables et excèdent les seules compétences strictement numériques : des compétences transversales sont aussi extrêmement importantes, et la mobilité européenne est un facteur important d’acquisition de ces compétences
– dispositifs européens comme Erasmus + ou le service civique européen.

L’Union européenne a trop l’habitude de traiter les problèmes « en silo ». Il ne peut y avoir des politiques en faveur de l’insertion, de la lutte contre la pauvreté ou de l’acquisition des connaissances et, de l’autre, le refus d’allouer les moyens nécessaires aux expériences de mobilité. Un tel cloisonnement laisse inexploité un potentiel considérable alors qu’il faudrait le financer.

Par ailleurs, si les autorités administratives ou politiques ne dédient pas, dans les lycées, les missions locales et les collectivités, des personnes à ces questions de mobilité, les jeunes ne pourront pas être informés sur les possibilités qui leur sont offertes et ne parviendront pas à dépasser les obstacles auxquels ils seront confrontés dans leurs démarches.

M. Michel Piron. J’aurais aimé en savoir un peu plus sur trois de nos jeunes intervenants. Je serais intéressé de connaître le métier que Mme Sylla a trouvé. À Mme Vautrin, forte de l’assurance que lui a donnée son expérience, j’ai envie de demander : et maintenant quelles sont les perspectives ? Quant à M. Kayaham, il a conclu en disant, en substance : « Maintenant, on sait quoi faire. » Que s’agit-il de faire ?

Je me tourne maintenant vers les responsables d’organismes. En France, l’importance des stages n’est que mineure ; nous avons tendance à consacrer des moyens considérables à la valorisation des savoirs théoriques et ainsi à considérer les savoirs pratiques avec une certaine condescendance. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les difficultés rencontrées et sur vos réussites ? M. Grignard a lui-même soulevé le problème de la valorisation, qui se pose sans doute avec plus d’acuité en France que dans d’autres pays, notamment l’Allemagne et la Suisse. Comment valoriser l’expérience dans notre pays ?

M. Philip Cordery. Notre échange d’aujourd’hui nous permet de voir les conséquences pratiques des débats théoriques qui se déroulent aussi bien au plan national qu’européen.

À propos de la garantie jeunes – sur laquelle nous avons remis un rapport –, pensez-vous que l’accompagnement est suffisamment personnalisé ? Disposez-vous des outils nécessaires pour répondre à toutes les préoccupations attachées à l’objectif de réinsertion des décrocheurs ? Face à la complexité des démarches administratives à accomplir pour l’accès à l’emploi comme pour l’accès aux programmes, l’accompagnement vous paraît-il à la hauteur des exigences ? Si la mission locale offre une certaine aide, elle ne peut pas forcément répondre elle-même à tous les besoins.

La question des moyens est évidemment prégnante ; afin d’étendre le bénéfice de la garantie jeunes, il faut pouvoir disposer des moyens nécessaires. Existe-t-il cependant d’autres blocages, qui peuvent concerner plus spécifiquement certaines catégories ? Les questions de l’âge requis pour bénéficier de la Garantie jeunes, de l’information disponible pour les jeunes décrocheurs, de la pertinence des critères fixés, sont autant de questionnements auxquels il faut apporter des réponses.

Enfin, vous a-t-on dit, mesdames, messieurs, que le programme dont vous bénéficiiez était européen ?

Mme Sandrine Doucet. Mme Vautrin a fait sa mobilité dans le cadre du service volontaire européen. Quel était le cadre de la vôtre, monsieur Kayaham ?

M. Omer Kayaham. Il s’agissait d’une formation professionnelle effectuée au sein d’un hôtel.

Mme Sandrine Doucet. Les jeunes présents aujourd’hui ont tous eu des expériences et approches différentes de la mobilité. Toutefois ils ont été confrontés aux mêmes obstacles – notamment au niveau de la langue. Avez-vous été suffisamment informés sur ce point ? Cela renvoie aussi à la question de l’encadrement.

Nous retenons de vos récits l’idée que vous avez appris des choses, ce qui s’inscrit dans un de mes sujets de prédilection qui est la validation des apprentissages non-formels et informels. Vous a-t-on donné la possibilité de faire état des compétences ainsi acquises et de les mettre en œuvre ? Certes, ce n’est guère l’esprit du service volontaire européen, qui doit être altruiste, mais beaucoup de jeunes ont envie que leur expérience leur « rapporte » quelque chose.

M. Arnaud Richard. Monsieur Kayaham, madame Vautrin, vous estimez avoir tiré profit des « grosses galères » par lesquelles vous êtes passés ; je suis très sensible à cette idée.

La mise en place du dispositif a pris quelque temps et la négociation menée par Thierry Repentin, alors secrétaire d’État, n’a pas été comprise dès le début. En tant que membre de l’opposition, je suis dans mon rôle en soulignant que le financement n’est pas clair et que le bilan reste incertain, mais vous nous apportez la preuve que ce dispositif fonctionne. Cette main tendue de l’Europe aux jeunes était donc une bonne idée.

Monsieur Hariche, vous avez indiqué que la proportion des bénéficiaires qui trouvent un emploi à la sortie du dispositif est très élevée. Or tous les dispositifs de ce type n’ont pas de si bons résultats. Comment expliquez-vous ce succès ?

Les missions locales qui ont vocation à mettre en œuvre la Garantie jeunes sont des structures extrêmement fragiles, sur lesquelles reposent bon nombre de politiques de l’emploi. Disons que nous avons quelque peu chargé la barque. Mais ces structures sont-elles capables de porter de tels enjeux, à savoir la mise en œuvre d’une politique publique européenne, avec la lourdeur administrative et les délais de paiement que cela implique ?

Enfin, serait-il nécessaire de prévoir, à la sortie du dispositif, un soutien supplémentaire pour aller vers l’emploi ? Il est vrai que les résultats obtenus sont déjà très bons.

Mme Fatoumata Sylla. Je suis actuellement femme de ménage, car je souhaitais pouvoir subvenir à mes besoins rapidement. Le dispositif de la Garantie jeunes m’a procuré un accompagnement et un soutien important dans mes recherches de logement et d’emploi et m’a permis d’apprendre à être autonome.

Cet emploi que j’occupe aujourd’hui n’est pas vraiment celui que je recherchais, mais je viens d’arriver dans le dispositif, et j’ai encore quelques mois pour affiner mon projet professionnel. Je suis satisfaite, car j’ai trouvé une stabilité. J’ai aujourd’hui un peu plus confiance en moi pour continuer d’avancer.

Mme Laila Ben Achouba, référente Garantie jeunes de la mission locale de Bondy. Nous travaillons en même temps sur les court, moyen et long termes. Avec Fatoumata, nous avons en priorité réglé les problèmes d’autonomie, de précarité et de logement avant d’en venir dans un second temps à l’établissement d’une véritable projet professionnel. Le problème de la précarité étant maintenant résolu, nous allons passer à la construction de ce projet avec Fatoumata.

M. Samir Hariche. La Garantie jeunes prend à contre-pied la démarche classique des missions locales, car le projet professionnel ne l’emporte pas sur le pragmatisme. Habituellement, le projet professionnel vient en premier lieu parce qu’il étaye la trajectoire : en effet, il paraît évident qu’une fois le projet établi par le jeune, son investissement et sa motivation viendront naturellement. Avec la Garantie jeunes, nous essayons de faire les choses différemment. L’idée du work first est fondée sur le fait que les opportunités d’un jeune augmentent s’il est sur le terrain, en entreprise. Si le jeune est en contact avec des personnes actives et en totale immersion dans le monde du travail, il aura davantage de chances de comprendre ce qui peut l’intéresser en termes de tâches et de conditions de travail.

Le cas de Fatoumata montre qu’au-delà d’une activité alimentaire, le travail consiste à stabiliser les jeunes, à les sortir de la « zone rouge » où la survie prend le dessus sur tout. Le succès de la Garantie jeunes tient sans doute au fait qu’elle permet de sortir de l’isolement, de briser un carcan totalement oppressant qui empêche toute confiance en soi et toute socialisation. D’une situation sans espoir, dans laquelle il se heurte à des murs, le jeune est invité à suivre une méthode très simple : nous le mettons immédiatement en situation et, en même temps, nous réglons les problématiques sociales. Ainsi, nous échappons à la situation du « serpent qui se mord la queue » : comment accéder au logement sans un emploi, mais comment trouver un emploi sans un logement ?

Nous avons passé quelques partenariats. En matière de logement, nous avons obtenu des foyers de jeunes travailleurs qu’ils réservent des places dédiées aux allocataires de la Garantie jeunes. Il est impossible de commencer une trajectoire d’insertion sociale et professionnelle si toute l’énergie et toutes les maigres ressources sont consacrées à la survie. Ainsi nous permettons aux jeunes de dégager de la ressource temps : la jeunesse a beau être « multitâche », il arrive un moment où il est impossible de cumuler : survie, apprentissage, recherche d’emploi, qualification ...

Nous avons identifié dix compétences, dites « fortes », pour s’insérer professionnellement dans n’importe quelle activité. Le travail en équipe apparaît comme nécessaire et peut s’apprendre ailleurs que dans le métier que l’on souhaite exercer. Cette approche pragmatique augmente le champ des possibles, et permet de chercher un emploi dans tous les domaines. Fatoumata a ainsi pu passer d’un mi-temps précaire à une situation plus stable qui lui a permis de trouver un logement. Après six mois difficiles, elle est maintenant en mesure, dans les six prochains mois, de passer à autre chose, et de construire un projet professionnel. Cela ne pouvait pas être la priorité lorsqu’elle est entrée dans le dispositif.

Passer la porte de la mission locale en se disant que l’on va peut-être trouver de l’aide, c’est déjà franchir un cap. Cette démarche est très pragmatique, c’est ce qui permet son fonctionnement. Jamais je ne me suis dit que je deviendrai un jour directeur d’une mission locale ; j’ai profité de l’école, j’ai étudié, travaillé dans plusieurs secteurs, rencontré des gens et, par ricochets, je me suis retrouvé dans la voie que j’ai fini par épouser.

Nos jeunes passent un an dans une dynamique de ce type : ils voient « à l’usage » si quelque chose leur plaît, si cela déclenche des vocations. Ils ne sont pas seuls face à un logiciel qui détermine de façon théorique ce qui devrait leur plaire ; ils sont dans une expérience pratique. Grâce aux stages, aux emplois qu’ils acceptent – même si ce n’est pas ce qu’ils recherchent –, ils capitalisent des compétences dont ils auront besoin dans leur futur professionnel.

Mme Laura Vautrin. Mon retour d’Italie n’a pas été facile, après cette expérience ; j’étais « cassée ». Étant titulaire du BAFA, j’ai travaillé dans l’animation, comme je le faisais avant mon départ. Je voulais trouver un emploi dans un secteur qui soit en rapport avec mes études, mais, même lorsque l’on a une expérience professionnelle à l’étranger, la recherche d’emploi s’avère difficile ; les réponses sont souvent les mêmes : le manque d’expérience, la jeunesse. À la mission locale de Bondy, un très bon conseiller m’a permis de trouver un petit travail alimentaire qui me convenait parfaitement. J’ai ensuite obtenu un contrat d’avenir dans un Point information jeunesse en tant qu’informatrice jeunesse, puis j’ai postulé dans ce secteur et, depuis un an, je suis informatrice jeunesse à Noisy-le-Sec.

M. Omer Kayaham. Dans mon lycée, le personnel d’encadrement – CPE et le conseil de la vie lycéenne –, souhaite renouveler l’expérience de la mobilité, et en faire bénéficier d’autres étudiants : ainsi il est envisagé que des élèves de logistique et transport effectuent un stage dans un pays du nord de l’Europe, et que ceux de mécanique et carrosserie se rendent en Allemagne. L’idée est de faire partir toutes les sections au cours de la même année. Nous qui avons déjà vécu l’expérience, nous nous chargeons d’en expliquer aux autres les points négatifs et positifs. Nous les aidons et les soutenons dans la construction de ce projet car nous savons qu’ils vont réussir comme nous l’avons fait.

M. Samir Hariche. La question des moyens doit certes être abordée, mais les missions locales disposent de ressources et de compétences que l’on ne retrouve nulle part ailleurs et qui peuvent être utilement mobilisées dans le cadre de politiques publiques très ambitieuses. En la matière, l’État nous a fait assez régulièrement confiance, et personne n’n conteste l’efficacité.

Pour autant, s’agissant de la Garantie jeunes, le compte n’y est pas, car certaines difficultés sont liées au cahier des charges du dispositif. Je suis ravi que la mission locale de Bondy ait été la première à le lancer en Seine-Saint-Denis ; mais c’était en 2013 et, depuis, certains défis sont encore devant nous. Il est nécessaire de convaincre le monde économique de se mobiliser. Nous mettons les entreprises au cœur du dispositif, en leur demandant des parrainages, mais cela demande beaucoup de temps et d’investissement dont nous ne disposons pas toujours. De plus, nous avons besoin de locaux. Les collectivités locales peuvent parfois nous aider, mais elles sont soumises à des considérations de coût, de disponibilité et d’engagement. Une convention Garantie jeunes n’a pas la même temporalité qu’un bail ; si vous vous arrêtez au bout de deux ans, cela peut mettre les structures en difficulté. Nos responsables politiques sont parfaitement rationnels ; ils évaluent les risques avant de prendre une décision, et cela peut constituer un frein insurmontable.

Il faut également accompagner de très nombreux jeunes dans des métiers nouveaux, ce qui nécessite du personnel et demande parfois de réviser nos procédures et nos outils. Tout cela a un impact sur nos structures.

Le manque de moyens humains et financiers peut constituer un obstacle absolu à la généralisation de la Garantie jeunes. Nous savons que le dispositif fonctionne, mais l’enjeu est maintenant de sortir de l’expérimentation et d’assurer l’équité de traitement sur tout le territoire. La Garantie jeunes doit être ouverte sur tout le territoire national, au risque qu’une offre asymétrique provoque une migration des publics concernés.

La Garantie jeunes fonctionne parce que nous réinventons le métier et les méthodes, sans être enfermés dans un carcan : nous pouvons expérimenter. Nous avons, par exemple, organisé des séjours à l’étranger et la visite de la Commission européenne a permis de rapprocher les jeunes de leur condition de citoyen et des institutions. Nous travaillons aussi sur tous les obstacles auxquels les jeunes sont confrontés ; le travail de groupe permet de donner des priorités et travailler de façon concrète – et un peu atypique – pour lever tel ou tel obstacle.

Si beaucoup a déjà été fait, en réalité tout reste à faire. Il y a aujourd’hui assez d’énergie dans les territoires et dans les structures pour transformer l’eau en vapeur, et pour qu’une véritable dynamique se mette en place dans l’ensemble du pays. Bien sûr, le dispositif ne peut pas concerner toute la population d’une mission locale. Les jeunes pour lesquels cette proposition d’accompagnement sera mise en place doivent être bien identifiés, mais encore faut-il que tous ceux auxquels elle pourrait être utile puissent y accéder.

Mme Ophélie Boudet. Si notre structure est un peu moins concernée par la Garantie jeunes, nous observons toutefois un certain manque de lisibilité du dispositif ainsi que des inégalités – notamment en termes de dynamiques locales ou de bourses. Cette situation est difficile à justifier auprès des jeunes qui s’en étonnent. Il serait souhaitable d’uniformiser le dispositif, mais aussi de renforcer les moyens humains, car nous manquons considérablement de référents pour accompagner les jeunes. En trois ans, les demandes de rendez-vous individuel pour un accompagnement de projet de mobilité ont augmenté de plus de 140 %, ce qui a justifié que nous embauchions Kelly Baugé afin de répondre dans l’urgence à cette situation. Dans le Val-d’Oise, le CIJ est la seule association prenant en charge l’accompagnement du programme de service volontaire européen, ce qui n’est guère étonnant car la tâche est très lourde au regard des faibles moyens dont disposent aujourd’hui les structures associatives.

Mme Kelly Baugé. Pour faire écho aux propos de M. Piron, je souhaite souligner que la valorisation des compétences, en particulier celles que les jeunes peuvent acquérir en effectuant une mobilité, peine à se développer et à être reconnue en France. Notre système éducatif continue de fonctionner selon un mode ne permettant pas de valoriser les compétences – pourtant essentielles –, acquises en dehors du cadre formel, que ce soit dans le cadre du service civique ou du service volontaire européen. Je pense notamment aux aptitudes à vivre en société, à travailler en équipe, à évoluer dans un environnement professionnel, toutes compétences qui ne s’acquièrent pas au moyen d’une formation classique, mais plutôt par le biais d’une expérience humaine.

Les choses ont commencé à s’améliorer avec la mise en place de l’Europass, sorte de passeport où sont consignés les savoirs et compétences acquis dans un autre pays européen, et du Youthpass, remis à chaque jeune ayant effectué un service volontaire européen. Ces deux documents permettent aux jeunes qui en sont titulaires de valoriser plus facilement leurs compétences auprès de leurs futurs employeurs ou de l’éducation nationale lorsqu’ils souhaitent réintégrer une formation. Les progrès dans ce domaine sont nécessaires : il ne faut pas que les jeunes considèrent que seuls les savoir-faire acquis dans le cadre de la formation classique pourront leur ouvrir des portes. Il serait souhaitable de promouvoir et de mieux valoriser ces formes d’engagement que sont le bénévolat et le volontariat : si, de ce point de vue, le service civique a constitué une avancée, nous sommes encore loin de l’Allemagne ou de certains pays scandinaves.

La Présidente Danielle Auroi. Comme on le voit, c’est souvent sur place que les jeunes peuvent être confrontés à des difficultés, résultant de l’écart qui existe toujours entre ce à quoi ils s’attendent et la réalité. C’est donc à ce niveau qu’il conviendrait de renforcer le suivi. Comment pourrait-on mettre en place un suivi plus efficace ? Par ailleurs, en dépit des difficultés, considérez-vous que les jeunes vivent des expériences globalement positives ?

Mme Katarina Cirodde, chargée de mission à Confrontations Europe. Nous avons été très étonnés de constater qu’en dépit du taux de chômage des jeunes de Sarcelles, la mission locale ne mettait pas en place le dispositif de la Garantie jeunes. Les responsables s’autocensurent, considérant que leurs capacités financières sont très insuffisantes en l’état actuel, et qu’il convient d’attendre que les comptes soient assainis avant de se lancer. Ainsi le dispositif qui existe depuis 2013, au moins à titre expérimental, ne pourra être mis en œuvre dans cette commune qu’à partir de 2017, ce qui est dommage.

Par ailleurs, à la question de savoir si la Garantie jeunes constitue un accompagnement suffisant, je souhaite vous indiquer que j’ai eu la chance de rencontrer de nombreux jeunes, notamment de la mission locale de Bondy, qui font tous preuve d’un grand enthousiasme à l’idée de se voir offrir une deuxième chance après avoir décroché au collège ou au lycée. Cela dit, force est de constater que ce dispositif n’a pas fonctionné avec tout le monde, comme nous avons eu l’occasion de nous en rendre compte auprès de jeunes ayant intégré une école de la deuxième chance.

M. Jean-Patrick Gille. Je rappelle que la Garantie jeunes en est encore au stade de l’expérimentation. Elle fera l’objet d’une évaluation officielle avant l’automne prochain, qui confirmera sans doute le sentiment positif dont font d’ores et déjà état les personnes concernées sur le terrain. Ces résultats positifs justifient la volonté de renforcer ce dispositif au plus vite. Pour ce qui est des moyens dont disposent les missions locales pour l’accompagnement du dispositif, certaines missions ont effectivement renoncé à postuler parce qu’elles ne disposaient pas du financement nécessaire. Ces structures de nature associative vivent de subventions publiques et ne disposent donc que d’une trésorerie de trois ou quatre mois, qui ne leur permet pas d’effectuer les investissements nécessaires à l’accompagnement de la Garantie jeunes, notamment en termes de locaux et de personnels. La loi « El Khomri » prévoit la généralisation du dispositif sur l’ensemble du territoire au 1er janvier 2017, ce qui fait que les missions locales n’auront plus à postuler ; je souhaite rappeler que j’ai moi-même déposé un amendement visant à garantir que les missions locales soient chargées de la mise en œuvre de la Garantie jeunes.

Par ailleurs, s’il est prévu que les missions locales touchent 1 600 euros pour chaque jeune suivi, il n’est pas certain que ce financement soit suffisant. La grande avancée de la Garantie jeunes est la période initiale de prise en charge du projet de chaque jeune dans un cadre collectif, qui constitue une innovation pertinente. Auparavant, les missions locales accompagnaient les jeunes dans le cadre du dispositif de l’ANI jeunes, qui coûtait 1 500 euros par jeune, alors même qu’il ne comportait pas cette phase de prise en charge collective.

La lourdeur administrative reste préoccupante, surtout au moment où le dispositif, encore en phase expérimentale, doit s’articuler avec les crédits européens. Il faut surtout éviter que cette lourdeur ne vienne réfréner l’enthousiasme des jeunes concernés ainsi que la motivation des équipes chargées de les accompagner.

Pour conclure, la dimension européenne des dispositifs s’adressant aux jeunes me paraît primordiale : j’y vois un axe de développement incontournable.

M. Marcel Grignard. Ce que vient de dire M. Gille répond en grande partie à la question d’ordre culturel, qui porte sur la différence d’appréciation de la formation dispensée, en France et dans les autres pays européens. De ce point de vue, il me paraît vital de resituer les débats à l’échelle européenne afin de progresser sur les enjeux financiers. La question essentielle est celle de l’investissement, en matière de compétences ou sur le plan social, économique et sociétal, car la formation permet de resocialiser les personnes qui en bénéficient. Je rappelle que le plan Juncker ne prévoit, pour le moment, aucun projet de dimension sociale ou sociétale, ce qui laisse entrevoir une situation marquée par un inquiétant déséquilibre.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que la construction de l’Europe, c’est aussi l’harmonisation des compétences et du regard sur les compétences. Le développement des multinationales présentes en Europe entraînant un besoin croissant en personnels formés aux métiers nouveaux, notamment ceux du numérique. Nous ne pouvons faire l’économie d’une approche commune, ou du moins d’une tentative de définir ces compétences à l’échelle européenne. Dans cette optique, il me paraît essentiel de réhabiliter les compétences transverses, acquises par l’expérience, qui seront extrêmement utiles aux entreprises se trouvant au cœur de la mutation du numérique.

Pour cela, il est important d’avoir une vision plus européenne des choses, et établir des comparaisons entre les territoires au niveau européen : l’expérience nous montre que, face à telle ou telle problématique, les choses ne sont pas envisagées de la même manière et les solutions ne sont pas les mêmes selon que l’on se trouve en Émilie-Romagne ou à Göteborg. Les différences culturelles entre États membres ne doivent cependant pas nous empêcher de définir ensemble de nouveaux moyens de redonner de l’espoir aux jeunes, qui sont l’avenir de l’Europe.

La Présidente Danielle Auroi. Comme cela a été dit, l’articulation entre les dispositifs nationaux, notamment la Garantie jeunes, et les dispositifs européens tels que l’Initiative pour l’emploi des jeunes, ne se fait peut-être pas de manière optimale. L’empilement de dispositifs aboutit à des situations complexes que nous devons nous efforcer de simplifier, en faisant en sorte de nous appuyer sur les aspects positifs d’ores et déjà reconnus. N’oublions pas que les jeunes ayant passé plusieurs mois à l’étranger, même s’ils ont connu des galères lors de leur séjour, reviennent en France en ayant acquis de bonnes notions, si ce n’est la maîtrise, d’une deuxième langue, ce qui constitue un formidable atout que nous devons les aider à valoriser.

Au nom de notre commission, je vous remercie toutes et tous pour vos témoignages, qui portent la marque d’un grand engagement.

La séance est levée à 18 h 15

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 10 mai 2016 à 16 h 45

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Philip Cordery, M. Yves Daniel, Mme Sandrine Doucet, M. Jean-Patrick Gille, M. Laurent Kalinowski, M. Michel Piron, M. Joaquim Pueyo, M. Arnaud Richard

Excusé. - M. Kader Arif

Assistait également à la réunion. - Mme Isabelle Le Callennec