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Commission des affaires européennes

Mardi 7 juin 2016

16 heures 30

Compte rendu no 285

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

I. Audition de M. Michel Barnier, conseiller spécial du président Jean-Claude Juncker pour les questions de défense 

II. Communication de la Présidente Danielle Auroi sur les enjeux de la régulation environnementale : le cas du glyphosate

III. Nomination de rapporteurs d’information

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 7 juin 2016

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 30.

I. Audition de M. Michel Barnier, conseiller spécial du président Jean-Claude Juncker pour les questions de défense 

La Présidente Danielle Auroi. Monsieur le conseiller spécial, je suis heureuse que vous ayez accepté notre invitation et que l’Assemblée nationale puisse évoquer avec vous les sujets qui font l’actualité en matière de défense et de sécurité en Europe. Il me semble qu’ils prennent de plus en plus d’importance.

La longue et riche expérience qui est la vôtre, en France et au niveau de l’Union européenne, montre que vous êtes un Européen convaincu. L’Union européenne, qui, aujourd’hui, est confrontée à de multiples crises, peut compter sur ceux qui, comme vous, la connaissent bien, l’aiment et sont sensibles aux enjeux globaux, qu’il s’agisse du changement climatique ou du drame des migrations – l’Organisation des Nations unies (ONU) estime à plus de 10 000 le nombre de noyés en Méditerranée depuis 2014 ; or, la sécurité, c’est aussi la sécurité de ceux qui veulent rejoindre l’Union européenne. Au-delà, j’espère que nous pourrons aussi évoquer la situation et les perspectives actuelles de l’Union. Autrement dit, nous attendons que vous nous donniez un peu d’espoir…

L’environnement de sécurité de l’Union s’est considérablement dégradé ces dernières années. La stratégie européenne de sécurité de 2003 s’ouvrait par cette phrase : « L’Europe n’a jamais été aussi prospère, aussi sûre ni aussi libre. » Cette époque nous paraît bénie et, malheureusement, révolue. Au Conseil européen des 25 et 26 juin 2015, la Haute Représentante Federica Mogherini a dressé un tableau plutôt sombre, mais extrêmement juste, des menaces et des défis auxquels est confrontée l’Europe – de la Méditerranée au Partenariat oriental, en passant par de multiples autres questions. Le Conseil européen lui a demandé de lancer un « processus de réflexion stratégique en vue d’élaborer, en étroite coopération avec les États membres, une stratégie globale de l’Union européenne concernant les questions de politique étrangère et de sécurité ». Cette nouvelle stratégie, destinée à remplacer celle de 2003, doit être présentée au Conseil européen des 28 et 29 juin prochains. Nos deux grands spécialistes Yves Fromion et Joaquim Pueyo présenteront demain un rapport assorti d’une proposition de résolution européenne sur cette nouvelle stratégie ; je leur laisserai donc le soin de vous interroger à ce sujet.

Pour ma part, je salue à la fois cette initiative, qui s’est longtemps fait attendre, mais également le passage d’une stratégie de sécurité à une stratégie globale en matière de politique extérieure et de sécurité. En effet, la sécurité est une préoccupation majeure de nos concitoyens. Nous avons connu des drames à répétition, avec des attentats, en France ou ailleurs, qui nous ont marqués. La menace terroriste est partout et se présente sous différentes formes – voyez la toute récente arrestation d’un Français en Ukraine.

J’ai la conviction que la réponse à la menace terroriste comme d’ailleurs aux autres menaces ne peut reposer uniquement sur des moyens militaires ou, plus largement, sécuritaires. Il était nécessaire d’intervenir en 2013 au Mali – la France l’a fait – pour stopper l’avancée des djihadistes comme il est nécessaire aujourd’hui d’aider le Mali à lutter contre les terroristes avec les deux opérations civiles et militaires EUCAP Sahel Mali et EUTM Mali. Cependant, tout cela est un problème de long terme, et la sécurité de l’Europe ne pourra être garantie qu’en agissant à la racine du mal, c’est-à-dire cette extrême pauvreté qui fait le terreau du terrorisme.

Si nous nous arrêtons spécifiquement aux questions de sécurité, nous devons aussi envisager, en raison des migrations qu’il pourra entraîner au cours des prochaines années, la lutte contre le changement climatique comme un élément de la sécurité de l’Union européenne. Je vous pose donc la question : la Commission européenne a-t-elle pleinement pris en compte le fait qu’aider les pays en voie de développement, notamment en Afrique, est non pas seulement une obligation morale mais également une condition de notre sécurité à long terme ? Il me semble que le président Juncker l’a à l’esprit.

Sur le même point, figure dans le programme de travail de la Commission la présentation d’une proposition législative relative à ce qu’on appelle le « renforcement des capacités dans le domaine de la sécurité et du développement » – en anglais : capacity building in support of security and defense. Ce nouvel instrument de la politique de développement sera dédié au renforcement des capacités sécuritaires des pays les plus fragiles. Certes, je comprends l’objectif visé, mais ne faut-il pas craindre que le financement de ce nouvel instrument ne vienne amputer les ressources d’autres instruments de développement ? De même, quelle garantie avons-nous que les États concernés ne feront pas usage de ces nouvelles capacités contre leur propre population ? Ce nouvel instrument pourrait ainsi se révéler contre-productif. Pouvez-vous nous rassurer et nous indiquer où en est la réflexion de la Commission et quelles sont ses propositions ?

Par ailleurs, si la sécurité est désormais une préoccupation majeure des pays européens, ne faut-il pas craindre qu’elle n’aboutisse à la remise en cause de nos libertés à l’intérieur de l’Union par le renforcement des moyens de surveillance de masse, du Passenger Name Record (PNR) à la cybersurveillance en passant par les écoutes ? Le travail des États en la matière est très important, mais les parlementaires que nous sommes s’inquiètent toujours pour les droits humains.

Parmi les crises actuelles qu’affronte l’Union, je pense aussi à la situation en Ukraine. Malgré les accords de Minsk et les mesures restrictives adoptées par l’Union contre la Russie, rien n’a changé sur le terrain : la Crimée est toujours occupée et le Donbass aux mains des séparatistes pro-russes, tandis que l’embargo russe frappe particulièrement nos produits agricoles. Il y a aussi la question du gaz. Par ailleurs, la question de dérives autocratiques semble à nouveau pouvoir se poser en Ukraine, après une ouverture démocratique. Plus généralement, quel dialogue envisager avec la Russie, qui est peut-être une menace pour notre sécurité mais aussi un partenaire incontournable ? Pour un certain nombre de pays d’Europe de l’Est qui aspirent à nous rejoindre, il peut être plus intéressant de travailler sur le Partenariat oriental que d’agiter le chiffon rouge de l’OTAN devant la Russie.

Dans le même ordre d’idées, le fait que de nombreux États membres préfèrent se tourner vers l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour assurer leur sécurité interroge la capacité de l’Union à construire une véritable Europe de la défense. Si celle-ci existait, l’OTAN ne paraîtrait pas l’instrument le plus efficace. La France et l’Allemagne souhaitent aller de l’avant, en créant notamment un centre de commandement et une cellule de planification militaire. Est-ce une perspective réaliste ? D’une manière générale, peut-on attendre des annonces lors du prochain Conseil européen, à supposer bien sûr que le résultat du référendum britannique ne remette pas en cause son ordre du jour ? Il y a quelques jours le président Juncker a affirmé, devant la Fondation Robert-Schuman, qu’il faudrait un jour une vraie défense européenne et qu’il fallait vraiment commencer à s’y préparer.

J’ai déjà évoqué les opérations en cours au Mali mais, actuellement, l’Union européenne en conduit au total dix-sept, civiles et militaires, notamment en Somalie, en République démocratique du Congo, en Bosnie-Herzégovine, en Méditerranée et en Ukraine. Ces missions coûtent plusieurs dizaines de millions d’euros et impliquent des centaines d’Européens sur des terrains parmi les dangereux du monde. Ont-elles atteint leurs objectifs ? Peut-être est-il un peu tôt pour en faire le bilan, mais la prise en charge de leurs coûts par le mécanisme de financement européen Athena n’est-elle pas insuffisante ? Le cas échéant, comment l’améliorer pour alléger le fardeau qui pèse sur les Etats membres ?

Enfin, vous avez personnellement beaucoup œuvré, en tant que commissaire, à l’idée d’une capacité européenne en matière de sécurité civile. Ne serait-il pas temps d’envisager à nouveau un corps de casques bleus européen ?

M. Michel Barnier, conseiller spécial du président de la Commission européenne pour la politique de défense et de sécurité. Vous m’offrez, madame la présidente, l’occasion de dialoguer avec vous dans le cadre de la mission que m’a confiée le président Juncker, et j’en suis très heureux. Il y a à peu près un an, le président Juncker m’a effectivement demandé d’être son conseiller spécial pour la sécurité et la défense – les deux mots sont importants, parce qu’ils vont ensemble. C’est la première fois qu’un président de la Commission européenne juge nécessaire d’avoir un conseiller à ses côtés sur ce sujet, historiquement assez improbable pour la Commission européenne. On ne voit pas spontanément en quoi la question est du ressort de celle-ci, mais on a tort. Évidemment, elle ne va pas s’occuper de la projection de forces, de l’organisation, de la mutualisation, de la coordination des services de renseignement, ni des capacités militaires. En revanche, nombreux sont les outils et instruments à sa disposition pour contribuer à une défense européenne, dont l’objectif, soit dit en passant, est inscrit, en ces termes mêmes, dans le traité de Lisbonne.

Nous sommes loin de l’avoir atteint. Pourtant, le contexte sécuritaire, géopolitique, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne justifierait, à bien des égards, que l’on avance dans cette direction. La défense européenne, la sécurité des Européens, qui vont donc ensemble, forment ainsi un nouveau champ dans lequel un rebond de l’Union européenne est à la fois nécessaire et, s’il y a une volonté politique, possible. Cela répondrait d’ailleurs aux attentes des citoyens européens. Si les sondages européens sur l’Europe sont généralement très négatifs, la sécurité, la défense apparaissent actuellement en tête des sujets à propos desquels les citoyens estiment qu’il faut « plus d’Europe ». Je suis d’autant plus heureux de pouvoir vous dire où nous en sommes.

Le moment est sensible politiquement. Dans quelques jours se tiendra le référendum britannique et, au cours du Conseil européen qui se réunira ensuite, le 28 juin prochain, Mme Mogherini, Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, présentera cette stratégie globale que vous avez évoquée. Federica Mogherini joue un rôle clé, compte tenu des pouvoirs que lui donne le traité de Lisbonne. Haute Représentante des ministres des affaires étrangères, elle est aussi chargée des questions de défense, pour autant que les ministres veuillent agir ensemble. Elle peut prendre des initiatives, elle suit les questions d’aide au développement, d’aide humanitaire, les politiques de sanctions, les instruments de gestion de crise dont elle a la responsabilité. Nouveauté du traité de Lisbonne, elle est vice-présidente de la Commission européenne. J’étais l’un des négociateurs, avec mon collègue António Vitorino, au sein de la Commission européenne présidée par Romano Prodi, et je me suis battu pour créer ce double hat, ce double chapeau, aujourd’hui consacré par le traité de Lisbonne. Cela lui donne un rôle de coordination important, aux côtés de M. Juncker, pour mettre en cohérence l’action politique extérieure – le maintien de la paix ou son rétablissement, auquel l’Europe peut contribuer – avec l’action économique extérieure : la reconstruction, la formation, le capacity building. Nous avons là un outil.

Mme Mogherini s’appuie désormais sur un service diplomatique dirigé par un diplomate français de grande qualité, M. Alain Le Roy, qui a succédé à M. Pierre Vimont. Je plaidais pour la création d’un tel lieu où s’élabore la culture diplomatique commune. Il ne faut pas demander à vingt-huit États membres aux histoires, aux cultures, aux stratégies diplomatiques et militaires différentes, dont six ne sont pas membres de l’OTAN – et dont cinq sont même neutres et non alignés –, d’avoir, face à une crise, une position commune immédiatement cohérente s’ils n’y ont pas réfléchi auparavant. Ce service que dirige Federica Mogherini avec beaucoup d’autorité est précisément le lieu où se construit cette culture diplomatique commune, cette analyse commune. À force de mettre ensemble des stratèges, des diplomates, des géopoliticiens, des responsables des États membres, des think tanks, nous aboutirons finalement à des positions communes sur tous les sujets importants. Cela n’a pas été le cas il y a quelques années, qu’il s’agisse de la tragédie des Balkans ou du départ de Saddam Hussein, sans parler de problèmes plus récents, comme la Libye. Pour parvenir à une vraie défense européenne, pour être capable d’intervenir militairement ensemble, il nous faut une analyse stratégique cohérente – c’est une condition préalable. Cela suppose un travail patient des États membres, ensemble, dans ce lieu que dirige Federica Mogherini.

Mme Mogherini peut aussi proposer ou mettre en place des missions européennes. Elle s’appuie à cette fin sur un état-major de l’Union européenne, qui a une capacité de planification, et également sur le comité militaire, qui réunit les représentants des États membres. Elle est également responsable de l’organisation, deux fois par an, des réunions des ministres de la défense, et elle préside l’Agence européenne de défense, dont l’actuel directeur est M. Jorge Domecq.

Mme Mogherini travaille naturellement en étroite collaboration avec l’ensemble des commissaires – elle-même est commissaire –, avec Mme Elżbieta Bieńkowska, de nationalité polonaise, commissaire au marché intérieur, à l’industrie, à l’entrepreneuriat et aux petites et moyennes entreprises, qui m’a succédé. C’est vraiment très important, car la Commission européenne veut apporter sa pierre. Au-delà de la Commission, elle est évidemment en relation avec le Conseil des ministres, au rôle clé en matière de défense, et le Parlement européen, qui vote le budget dont nous avons besoin, et vous savez que nous souhaiterions qu’il évolue en ce qui concerne la recherche, le capacity building, le soutien aux États qui en ont besoin en matière de formation, d’entraînement ou d’équipement de leurs forces de sécurité.

Quel est le bilan du travail de la Haute Représentante depuis que cette fonction, exercée d’abord par Catherine Ashton, puis par Mme Mogherini, existe ? Il faut relever des éléments positifs : un rôle très actif dans le règlement du dossier iranien – c’est principalement Catherine Ashton qui s’en est occupée – et en ce qui concerne le dialogue entre la Serbie et le Kosovo. Citons aussi les opérations Atalante, en 2008, au large de la Somalie, pour lutter contre la piraterie, et Sophia, plus récemment, dans des conditions de rapidité très satisfaisantes. Au total, une trentaine d’opérations doivent être mises à l’actif de cette politique, dont une quinzaine, civiles et militaires, sont en cours aujourd’hui. La coordination entre le volet civil et le volet militaire de ces opérations, parfois difficile, justifierait, de mon point de vue, une gouvernance ou un centre opérationnel plus efficaces.

Nous en sommes là, avec ces ombres et ces lumières, avec ces outils qu’offre le traité, que nous n’utilisons pas toujours, dans un contexte qui a totalement changé. Vous avez utilement rappelé, madame la présidente, le préambule de la déclaration de Javier Solana. C’était – il y a moins de quinze ans ! – une Europe qui n’avait « jamais été aussi prospère, aussi sûre ni aussi libre ». Je citerai une autre phrase de ce texte de 2003 : « Face aux nouvelles menaces, c’est à l’étranger que se situera souvent la première ligne de défense. » La stratégie de 2003, un petit peu adaptée ou modifiée depuis lors, est donc entièrement orientée vers les interventions extérieures, puisque c’est à l’extérieur du territoire européen que se situaient les menaces et les risques. Aujourd’hui, on constate plutôt une linéarité qui relie la sécurité intérieure, notamment la lutte contre le terrorisme, et les crises ou les guerres à l’extérieur. Autres éléments de ce nouveau paradigme, une agressivité russe s’est manifestée sur le flanc oriental de l’Union européenne, nous l’avons vu en Crimée et en Ukraine, tandis que se développent, au sud, des zones de non-droit, des réseaux de criminalité qui s’organisent ou se propagent, au Sahel, ou en Libye, et le risque d’une fragilisation ou d’une déstabilisation du Maghreb, qui nous est si proche pour beaucoup de raisons, et nous n’oublions pas le chaos syrien au Moyen-Orient. Tout cela crée les conditions de ce que j’appelle le rebond, ou le nouvel élan politique ; il dépend des dirigeants européens qui se réuniront le 28 juin prochain.

Vous avez bien fait, madame la présidente, de rappeler un autre enjeu que l’on oublie parfois dans les moments de tension que nous traversons, même si nous en avons beaucoup parlé au moment de la COP21 et de l’Accord de Paris : l’enjeu climatique. Sans être chez les Verts, je suis très engagé sur ce sujet depuis très longtemps. Il n’appartient d’ailleurs pas qu’aux Verts, et j’aimerais bien que tout le monde le fasse sien. Las ! On sous-estime les conséquences du changement climatique qui, ajouté à la pauvreté, nous expose au risque de migrations massives de plusieurs millions, sinon de dizaines de millions, de personnes, qui remonteraient du sud vers le nord de l’Afrique. Il y a quelques jours, en Algérie, je me suis longuement entretenu avec le ministre des affaires étrangères d’Algérie, et il recommande que les Européens prennent mieux en compte la capacité stabilisatrice de son pays. Pour nos sociétés, ce problème est l’un des plus graves et des plus profonds : il impose de changer toutes nos habitudes de produire, consommer, de nous transporter, de cultiver. Il peut aussi provoquer des déstabilisations graves à la suite de migrations écologiques.

Soyons lucides : en matière de défense européenne, le rebond se heurte à des difficultés structurelles.

Les premières tiennent à ce qu’on appelle la souveraineté nationale. Vous le disiez, madame la présidente : je suis Européen, mais je suis d’abord passionnément patriote, et je pense que la défense de l’intérêt national ne peut plus être seulement nationale. Elle doit être aussi européenne – pas seulement européenne, bien sûr, car elle reste en partie nationale : quand il s’agit d’engager des soldats, qui risquent d’être blessés ou tués, il appartient évidemment à chaque gouvernement de prendre ses responsabilités. Mais nous nous heurtons à un souci de ne pas partager la souveraineté nationale, et même, pour reprendre un mot d’Hubert Védrine, à une difficulté à imaginer qu’on puisse l’exercer en commun. Selon moi, nous devons précisément nous préparer à exercer en commun notre souveraineté nationale – dans certaines conditions, sur certains sujets.

Une deuxième difficulté tient à l’OTAN. J’étais ministre des affaires étrangères au moment où, sous l’impulsion du président Chirac, nous avons engagé des négociations pour le retour de la France dans le commandement intégré. Je ne le regrette pas, mais, aujourd’hui, il ne faut pas se tromper : ce qui inquiète les Américains, ou nos alliés en général, ce n’est pas le fait que l’Europe s’organise, c’est le fait qu’elle ne s’organise pas. Ce qui inquiète les Américains, c’est le manque de crédibilité des Européens dans l’Alliance, le faible niveau de leurs capacités communes, la faiblesse de leur engagement budgétaire, même si, depuis deux ans, nous constatons une stabilisation et même une remontée des engagements budgétaires. J’ai souvent rencontré des dirigeants américains, au Pentagone et au département d’État – je l’ai encore fait il y a quelques semaines. Et, il y a quelques jours à peine, j’entendais le secrétaire général de l’OTAN, M. Jens Stoltenberg, dire, dans le bureau du président de la Commission, dans le cadre d’un entretien auquel je participais : « Une Europe de la défense, des Européens plus engagés, plus forts, c’est un OTAN plus fort. » N’entretenons donc pas une querelle qui n’est pas d’actualité – c’est notre ligne, avec le président Juncker, et il la rappellera à l’occasion du sommet de l’OTAN, au mois de juillet, à Varsovie. Ce qui est d’actualité, c’est la faiblesse des Européens en général, dans l’OTAN en particulier. Les Américains souhaitent réellement que l’on puisse dépasser ces vieilles querelles et organiser l’Europe et les Européens dans l’esprit de ce qui est écrit. Je recommande beaucoup qu’on n’oublie pas cette déclaration « de base », si je puis dire, la déclaration de Saint-Malo, signée par le président Chirac et le Premier ministre Tony Blair. Il y est question d’une défense européenne « autonome et solidaire » ; cette ligne doit précisément, plusieurs années plus tard, être la nôtre.

Troisième difficulté, les réflexes nationaux en matière d’industrie conduisent à des duplications. Je vous ai remis, mesdames et messieurs les députés, une note qui comporte deux tableaux que j’ai présentés avec le Centre européen de stratégie politique, placé auprès de la Commission européenne et qui travaille avec moi. La liste des duplications, secteur par secteur – aviation, marine, armement – est éloquente. Aujourd’hui, six pays européens lancent en ce moment, parallèlement, un programme de frégates. Pouvons-nous encore nous permettre cela ? Si nous continuons à dupliquer et à nous concurrencer, un jour ou l’autre, nous risquons d’être simplement obligés d’acheter sur étagère le matériel des États-Unis ou d’autres puissances. Des secteurs industriels l’ont compris. Je donne souvent l’exemple de l’entreprise de missiles MBDA, dirigée par le Français Antoine Bouvier, une entreprise intégrée, issue de la fusion d’entreprises française, allemande, anglaise, italienne – sans aller jusqu’à la fusion, on peut aussi coopérer davantage.

La quatrième difficulté, est d’ordre institutionnel. Je l’ai déjà dit la semaine dernière au Sénat : compte tenu du contexte, les ministres de la défense ne sont pas assez représentés et entendus aujourd’hui – ils n’ont pas leur propre formation du Conseil. Vous évoquez d’ailleurs ce point, messieurs Fromion et Pueyo, dans le projet de résolution que vous présentez demain, et vous avez raison. Un jour ou l’autre, il faudra selon moi aller plus loin, en créant une sorte de « Conseil de sécurité européen ». Il faut que la politique de défense soit mieux reconnue et plus autonome dans le logiciel européen ; le traité nous en donne d’ailleurs les moyens, si nous voulons bien les utiliser.

Alors, que faire ? Après ces perspectives historiques, j’en viens à l’actualité. Je pense que nous devons avoir une ambition politique claire. Tout nous y conduit : les menaces, les risques, les guerres autour de nous ; les risques à l’intérieur, ce qu’on appelle les nouvelles menaces hybrides ; les attentes des citoyens ; nos intérêts en termes d’emploi et d’industrie. D’ailleurs, tout est lié, et si nous laissions ce qui nous reste d’industrie en matière de défense se détricoter ou s’affaiblir, nous perdrions du même coup notre culture militaire.

À la Haute Représentante incombe la responsabilité de présenter cette stratégie globale rénovée au mois de juin pour définir notre sécurité collective – celle-ci est d’ailleurs le concept-cadre de tout ce travail, maintenant et dans les prochains mois, et recouvre l’ensemble des moyens, des instruments communautaires ou intergouvernementaux pour assurer la protection et la sécurité à l’extérieur de l’Union mais aussi, naturellement, à l’intérieur. C’est le sens de ma réflexion sur les articles du traité sur l’Union européenne, notamment sur les conséquences de l’intelligente activation de l’article 42.7 par la France. Il comporte d’autres outils, comme l’article 44 et la clause de solidarité, rédigée en 2002 dans le cadre du groupe de travail que je présidais et de la Convention sur l’avenir de l’Europe. On serait bien inspiré de s’interroger sur la manière de l’utiliser. Une lecture attentive montre qu’elle vise des situations de terrorisme, mais aussi des catastrophes industrielles ou naturelles d’une dimension telle qu’un seul pays touché ne peut y faire face. Outre les attentats que nous avons connus à Paris, Londres, Madrid ou Bruxelles, pourraient donc entrer dans son champ un tsunami en Méditerranée, comme il y en a déjà eu au début du siècle dernier, à Messine, ou une catastrophe industrielle ou nucléaire. Mon idée, en rédigeant cette clause, était de nous doter d’un mécanisme pour mobiliser les États membres ensemble, et, le cas échéant, le budget européen en cas de crise ou de catastrophe à l’intérieur de l’Union européenne.

L’un des outils de notre sécurité collective tient à deux mots très importants dont j’espère qu’on les retrouvera dans la stratégie globale de Mme Mogherini : « autonomie stratégique ». L’expérience me l’a appris : quand il y a des mots dans les traités, dans les directives, dans des discours, dans des textes européens, on peut y accrocher des politiques. S’il n’y a pas les mots, on n’accroche rien du tout. Ces deux mots peuvent permettre à la Commission européenne d’utiliser ses instruments en faveur de la base industrielle et technologique de l’Europe. Notons au passage que nos alliés américains font le même travail, sans complexe et avec des moyens bien plus importants, peut-être aussi un autre volontarisme. Ils sont en train de mettre en place la Third Offset Strategy, mobilisation générale de leurs moyens publics et privés, des entreprises grandes ou petites, des clusters, de la Silicon Valley, en faveur de la recherche et de l’innovation. L’équivalent d’une dizaine de milliards d’euros sera mobilisé dans l’objectif très précis de leur permettre de garder leur suprématie mondiale en matière de technologie et d’innovation militaires. Je ne prétends pas que nous puissions nous aussi viser la suprématie, madame la présidente, mais ayons au moins l’ambition de l’autonomie, l’ambition de ne pas être dépendants, sous-traitants ou simplement consommateurs des technologies ou des produits fabriqués par les autres.

Je souhaite que l’on fasse confiance à Mme Mogherini et qu’on la soutienne. Elle présentera cette stratégie dans un contexte politique compliqué, au lendemain du référendum britannique. Les ministres des affaires étrangères se réuniront pour leur part au mois de juillet. Selon moi, une fois cette ambition politique fixée, avec ces mots-clés, il faudra prendre le temps de la décliner, sur tous les sujets qu’évoquera Mme Mogherini, en une ambition militaire et opérationnelle. C’est ce que j’ai appelé le Livre blanc – mais on peut aussi appeler cela Strategic Review, pour reprendre le titre du Livre blanc britannique, ou plan ou feuille de route. Il faudra consolider les procédures de gestion de crise, identifier les technologies clés, les composants clés, des technologies de rupture dans lesquelles investir ensemble, les domaines dans lesquels des mutualisations capacitaires sont possibles, il faudra améliorer la transparence entre les planifications de défense nationale et renforcer les instruments dont nous disposons, en particulier l’Agence européenne de défense. Je suis très heureux que la présidence néerlandaise actuelle, très proactive sur ces sujets, ait fait sienne cette idée d’un livre blanc, qu’on l’appelle ainsi ou autrement.

La Commission européenne aura sa pierre à apporter. Considérez, direction générale par direction générale, tous les outils ou instruments qui peuvent être utiles : il y en a beaucoup. M. Juncker et ses commissaires préparent ainsi pour la fin de l’année un plan d’action pour la défense, auquel je contribue. Ce sera comme une contribution de la Commission au Livre blanc, une contribution pour accompagner les priorités des États membres – pour peu qu’il les ait définies préalablement. Il y a beaucoup de raisons d’agir. Je cite rapidement quelques-uns de ces instruments : les directives européennes sur les marchés publics et les licences ; la politique de recherche ; la politique du développement ; la politique spatiale ; la politique des aides d’État. Toutes ces politiques sont séparées, dispersées, chacun sous l’autorité d’un commissaire différent. Pour la première fois, nous allons essayer, au lieu de considérer séparément ces politiques, de viser des objectifs. Dans cet esprit, la première étape est l’élaboration d’une stratégie globale, qui définisse les besoins de la sécurité collective et les priorités. La Commission veut mettre les instruments que je viens de citer – il y en a d’autres – au service de ces objectifs qui auront été préalablement définis.

Je réponds à votre question sur l’instrument que nous préparons, que le président Juncker veut présenter au collège des commissaires comme une proposition, sur le financement de ce qu’on appelle en anglais le capacity building. Je comprends – et peut-être même un peu plus que cela – vos réserves et votre souci que nous prenions des précautions. Simplement, m’intéressant beaucoup au développement, je pense depuis longtemps, comme vous, madame la présidente, qu’on ne peut pas combattre le terrorisme seulement avec des bombardements, de la répression ou de la sécurité. Il faut aussi le combattre par un narratif différent, en Afrique mais aussi chez nous, qui doit être fondé sur le développement, sur la culture, sur la croissance, sur l’avenir qui peut être proposé à des jeunes tentés de céder ou de se laisser manipuler. La politique du développement est très importante. L’Union européenne est le premier contributeur mondial au développement, à hauteur de 70 milliards d’euros sur sept ans. On peut rendre cette contribution encore plus efficace. Il faudrait pour cela, dans beaucoup de pays que je connais, où s’investit beaucoup d’argent européen et souvent, à côté, national, une meilleure coordination entre coopérations bilatérales et coopérations européennes – dans les domaines de l’agriculture, de l’éducation, de la santé, des entreprises. Si un pays dans lequel nous investissons est pris en main par des groupes terroristes – cela a failli être le cas du Mali –, nos efforts ne servent plus à rien. La stabilité des pays concernés, qui ne peut toujours reposer sur des interventions extérieures, est non une précondition du développement, mais c’est l’une des conditions d’une bonne coopération, d’une bonne action de développement. Il faut donc que ces pays disposent de forces de gendarmerie, de forces administratives, de forces de police et d’armée. Nous voulons donc y consacrer une partie des financements européens, mais, aujourd’hui, il nous est juridiquement impossible de financer des armes ou des munitions.

Un instrument spécifique est donc nécessaire, que nous allons proposer. Je voudrais vous demander personnellement, mesdames et messieurs les députés, de bien peser tous les éléments, comme je viens d’essayer de le faire : si l’argent que nous consacrons au développement d’un pays est rendu inutile ou inefficace parce qu’il est pris en main par le terrorisme, nous aurons tout raté. Cet instrument ne devrait pas avoir de conséquences sur l’aide au développement car ce sera un instrument ad hoc, et il faudra trouver dans le budget les ressources pour l’alimenter. De toute façon, il faudra faire des arbitrages, en fonction de l’actualité intérieure et internationale, lors des perspectives financières ; il reviendra aux dirigeants européens d’avoir ce courage.

M. Joaquim Pueyo. Je voudrais vous remercier, monsieur le conseiller spécial. Votre intervention est très forte. Vous êtes un patriote non seulement national mais européen, qui, depuis longtemps, par ses interventions et son action, fait tout pour renforcer la construction européenne. L’Européen convaincu que je suis y est tout à fait sensible.

Vous avez rappelé à juste titre, lors d’une émission radiophonique, que la première menace qui plane sur l’Union est bien la défiance qu’elle inspire. Celle-ci se manifeste aussi dans la réticence des États membres à toute intégration en cette matière régalienne qu’est la défense, mais que pensez-vous du fait que certains États n’investissent guère dans la défense ? L’objectif de dépenses de défense d’un montant équivalent à 2 % du PIB vous paraît-il de nature à permettre à l’Union européenne de remplir son rôle en matière de défense ?

Quant à la mission Sophia, faut-il la renforcer ? Nous en sommes à la deuxième phase.

M. Yves Fromion. Nous en sommes à la phase 2A, en fait. Faut-il entamer la troisième, la phase 2B.

M. Joaquim Pueyo.…importante sur le plan humanitaire mais également pour la lutte contre les différents trafics ? Nous peinons à gérer le problème que ces migrations posent : des milliers de morts, récemment, en Méditerranée, ce n’est pas vraiment tolérable pour nous qui vivons en Europe. Quelle est votre position sur cette opération, qui me paraît quand même très intéressante ?

En ce qui concerne l’OTAN, j’ai bien compris votre message : si l’Europe s’organise mieux au niveau de la défense ou de la politique de défense commune, nous travaillerons mieux avec l’OTAN.

Que pensez-vous que la feuille de route de la Haute Représentante ? Répond-elle vraiment aux enjeux ? Dans un monde quelque peu compliqué – sensiblement plus qu’en 2003 –, avec des pays voisins qui rencontrent de grandes difficultés, quel est votre point de vue sur ce travail ? Et la France joue-t-elle pleinement son rôle dans l’élaboration de cette nouvelle stratégie dont je souhaite l’adoption ce mois-ci ? A-t-elle pesé ?

Quant au financement des opérations extérieures, ne faut-il pas renforcer le dispositif Athena ? La France était un peu seule, au départ, lorsqu’elle est intervenue au Mali, même si, ensuite, l’Union européenne et les pays membres sont intervenus dans différents domaines.

Je suis effectivement convaincu comme vous que si l’Union européenne adopte une bonne stratégie, les conséquences peuvent être très importantes. Le lien des citoyens européens avec l’Union européenne pourrait s’en trouver renforcé, mais il faudrait déjà que les opinions publiques prennent bien conscience que, sans l’Europe, les très difficiles problèmes actuels – les flux migratoires, le terrorisme, l’insécurité – seraient plus graves.

M. Yves Fromion. Il semble que, dans l’ébauche de Mme Mogherini, l’expression « politique de sécurité et de défense commune » (PSDC) et le contenu qu’elle recouvre n’aient pas tout à fait l’importance qu’ils devraient avoir. Je crois d’ailleurs que la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne le relèvent dans la contribution qu’ils lui ont adressée. On a l’impression que l’expression « stratégie globale » a quelque peu tendance à « enfouir » la PSDC, pourtant un élément majeur, vous-même l’avez dit : sans défense, sans sécurité, il n’y a pas de développement. Ne devrait-on pas lui donner un peu plus d’importance dans la stratégie globale ?

Ces dernières années, les relations entre l’OTAN et l’Union européenne, reconnaissons-le, se sont apaisées, mais la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne souhaitent de nouvelles améliorations. Il faudrait normaliser pleinement ces relations. Une idée serait de faire de la défense européenne un pilier autonome de l’OTAN pour que l’Union européenne puisse, dans différentes situations, agir avec les moyens de l’OTAN sans être sous son pavillon. Est-ce possible ? Et, concrètement, qu’envisager pour une parvenir à une normalisation plus poussée ?

La norme des 2 % me laisse très perplexe. Prenons un exemple. La France va très profondément rénover sa dissuasion nucléaire au cours des prochaines années. C’est déjà inscrit dans la loi de programmation militaire actuelle, et ce le sera encore plus dans la prochaine. Cette part considérable de notre budget n’ira naturellement pas à la défense européenne – le nucléaire ne compte pas que des partisans en Europe, il compte même des adversaires. Par ailleurs, les dépenses de fonctionnement d’une armée de professionnels n’ont aucun rapport avec celle d’une armée de conscription. Le critère des 2 % me paraît donc très artificiel. Pourquoi ne pas retenir plutôt la contribution de chaque Etat membre à la défense européenne, ou, en tout cas, aux équipements, au matériel, aux moyens d’une défense européenne capable d’assurer la sécurité des Européens ? Je me méfie beaucoup de ce critère des 2 %, qui n’a jamais fonctionné, même à l’OTAN ; c’est surtout une façon de noyer le poisson.

Quant au Livre blanc, il serait effectivement pertinent de mettre clairement sur la table les éléments nécessaires pour assurer la sécurité de l’Europe. Cela me ramène à ce que je disais à l’instant : les États peuvent contribuer de manière différente, et c’est sur cela que doit se fonder notre dispositif de défense.

Qu’apporterait ce semestre européen consacré à la défense dont on parle ? Les mécanismes financiers ne se limitent pas au système Athéna. Le traité de Lisbonne prévoit aussi des actions préparatoires et comporte un certain nombre de dispositions qu’il faudrait mettre en œuvre pour plus de cohérence.

Enfin, il est extrêmement important d’avancer en matière d’industrie et de recherche. Or, dans certains domaines, les industries de défense sont très redondantes en Europe, avec des surcapacités de production. Il faudra forcément envisager des aménagements des outils de production, une restructuration de l’industrie de défense dans certains domaines, en particulier celui, emblématique, du terrestre. Un accompagnement sera nécessaire, faute de quoi les conséquences sociales et économiques seront désastreuses. Il y a là autant de freins à lever, car ils bloquent toutes les perspectives d’évolution de l’industrie de la défense.

Mme Nathalie Chabanne. Monsieur le conseiller spécial, vous avez brièvement évoqué l’industrie, qui est l’un des axes forts de l’Europe de la défense. Bien évidemment, comme beaucoup de mes collègues, je suis attachée au contrôle des exportations d’armes et de matériel de guerre. Où en sommes-nous de l’harmonisation des règles applicables ? Le dispositif français fonctionne plutôt bien, mais une refonte des directives devait harmoniser les règles, avec un contrôle a priori des autorisations d’exporter et des contrôles a posteriori.

Concrètement, ces industries, qui produisent des biens à double usage, civil et militaire, comme les hélicoptères, sont importantes pour nos territoires. En discutant avec les industriels, on se rend compte que les États membres contournent assez régulièrement les règles, notamment en termes de marchés publics, en arguant d’intérêts essentiels de leur sécurité. Cela leur permet de ne pas acheter des produits européens – pour ne pas dire : de ne pas acheter des produits français. Une politique plus incitative serait-elle possible pour accompagner nos industries européennes ?

Vous avez évoqué des rapprochements d’industries de la défense. Une politique industrielle en ce sens nous manque. Ce fut pourtant l’un des chevaux de bataille de l’Europe, avec la création de grands groupes comme Airbus ou MBDA, évoqué tout à l’heure – et ne parlons pas des programmes spatiaux, avec Ariane. Certes, une ébauche de coopération se dessine pour le développement des drones, mais je pense que les freins aux politiques d’aides d’État représentent, en l’absence d’une véritable politique industrielle, une véritable contrainte. Où en sommes-nous ? Quelle volonté politique et quels financements pour aider nos industries à garder leur capacité, leur avancée technologique ? À défaut d’être des leaders, elles se situent tout de même en bonne place au niveau européen.

M. Charles de La Verpillière. Monsieur le conseiller spécial, cher Michel Barnier, vous nous avez présenté les grandes lignes des projets en matière de politique de sécurité et de défense commune, telles que les voient les institutions européennes, particulièrement la Commission européenne, mais la politique de défense est tout de même, vous-même l’avez souligné, un attribut essentiel de la souveraineté nationale. Les États sont très jaloux de leurs prérogatives en ce domaine. Pourriez-vous esquisser une typologie des positions respectives des gouvernements des vingt-huit États membres sur ce que l’on sait des projets de Mme Mogherini ? Plus précisément, y a-t-il, sur ce sujet, un couple franco-allemand ?

M. Gilles Savary. La politique européenne de défense est une vieille Arlésienne, qui a d’ailleurs beaucoup pâti du « non » français de 1954. Aujourd’hui, nous avons plutôt l’impression d’une Europe en train de se défaire, alors que la création d’une Europe de la défense est presque le stade suprême de la confiance mutuelle. Il faut vraiment être très proches pour mettre en commun sa défense ! Les Français demandent ainsi l’Europe de la défense… à condition de garder leur totale indépendance stratégique, militaire, voire industrielle.

Si nous débarrassons les discours de leurs oripeaux circonstanciels ou politiquement corrects, je suis un peu inquiet. Vous nous parlez de l’élaboration d’une stratégie, c’est très bien, mais le temps du consensus stratégique est le temps long, qui s’oppose au temps très court des menaces. Au cours de ces dernières années, l’Europe a répondu avec un temps de retard à pratiquement toutes les menaces, civiles ou militaires, et toutes les déstabilisations – voyez l’immigration, etc. Je suis donc de ceux qui pensent qu’il faut travailler et je comprends l’agacement des Américains. Ce point de vue, exprimé notamment par le président Barack Obama dans son discours du Caire et selon lequel il faut se prendre en charge et ne pas compter en permanence sur le parapluie des États-Unis, qui n’interviendront que lorsque leurs intérêts vitaux seront en jeu, est tout de même un élément tout à fait inédit dans la géopolitique mondiale. Cependant, si M. Trump est élu, il faut, à en croire ses discours, s’attendre à bien pire en termes d’isolationnisme et de retrait. La faiblesse de l’Europe en matière de défense m’inquiète donc fort. En réalité, l’Europe communautaire a été un frêle écran de fumée derrière lequel les pays membres demeuraient souverainistes. Je suis donc de ceux qui pensent qu’il faudrait peut-être pousser une Europe de la défense au sein de l’OTAN, c’est-à-dire inverser un peu le rapport de force des piliers, plutôt que d’essayer d’en retricoter une que l’on n’a jamais pu mettre en place hors de l’OTAN. Et puisqu’un certain nombre de pays sont attachés à la protection de l’OTAN, nous avons peut-être là un outil…

Par ailleurs, le « Brexit » n’est peut-être pas loin. Or le Royaume-Uni est le deuxième pôle de défense européen, non sans de nombreuses équivoques. Nous avons évoqué la déclaration de Saint-Malo. Il y eut aussi la tentative d’un porte-avions commun. Tout cela a largement échoué. Si les Anglais décident de prendre le large, c’est tout de même assez négatif pour la perspective de l’Europe de la défense – je sais bien que l’on peut coopérer avec n’importe qui, même hors l’Union européenne, mais tout de même… Il est certes possible de construire l’Europe de la défense avec les Allemands, mais on connaît leur prudence diplomatique et leurs préventions face à l’engagement militaire. Comment voyez-vous donc le « Brexit » ? L’avez-vous déjà anticipé ? Envisagez-vous d’autres rapprochements seraient-ils possibles ? Comment envisagez-vous cette stratégie de défense en cas de Brexit ?

M. Didier Quentin. Vous avez parlé d’un « Conseil de sécurité européen ». L’idée me paraît heureuse. Pouvez-vous en dire plus ?

Quand vous étiez ministre des affaires étrangères, vous parliez beaucoup, à propos de la France, d’une diplomatie d’influence et vous vous étonniez que nous ne soyons point assez présents dans certaines directions générales de la Commission européenne. Maintenant, nous avons, certes, des ambassadeurs, notamment avec Alain Le Roy, après Pierre Vimont, mais ne faut-il pas encore quelques progrès pour essayer d’instiller une vision française dans l’équipe de Mme Mogherini ?

Par ailleurs, vous aviez lancé l’idée d’une capacité européenne en matière de sécurité civile. De ce point de vue, j’ai vu que l’opération Sophia avait été considérée comme un échec – je songe notamment aux propos très critiques du représentant spécial de l’ONU en Libye, M. Martin Kobler. Quel jugement porter sur cette opération ? Quant à la mise en place d’un système de garde-côtes, envisagée notamment après les catastrophes de l’Erika et du Prestige, où en sommes-nous ? Nous n’en avons plus guère entendu parler.

Enfin, j’ai été un peu surpris, tout à l’heure, de vous entendre évoquer la « capacité stabilisatrice » de l’Algérie. Nombreux sont ceux qui craignent plutôt une complète dérive de ce pays à l’heure de la chute des cours du pétrole – et l’économie algérienne repose entièrement sur les hydrocarbures – et alors que se profile la fin de l’ère Bouteflika. J’ai du mal à croire en cette « capacité stabilisatrice » vantée par le ministre des affaires étrangères algérien.

M. Michel Barnier. Je ne prétends pas répondre à toutes les interrogations, dont certaines excèdent le champ de ma mission. Même si j’ai mon opinion d’homme politique patriote et européen, vous comprendrez que je ne veuille pas engager la Commission européenne en m’exprimant.

Joaquim Pueyo et Yves Fromion m’interrogent sur cet objectif de dépenses de défense d’un montant équivalent à 2 % du PIB pour chaque pays. Tout d’abord, il ne s’agit pas forcément de 2 % destinés à la défense européenne. Si la France augmente ou maintient son effort budgétaire pour l’armée, y compris en investissant dans la rénovation de sa dissuasion, cela peut faire partie des 2 %. Dans le même ordre d’idées, en Allemagne, le ministre des finances déclare – fait inhabituel pour un ministre des finances – que le budget militaire doit être augmenté afin de rénover les forces armées. L’objectif est d’enrayer le mouvement de baisse de tous les budgets militaires nationaux constaté depuis dix ans – et la baisse des dépenses de recherche et d’innovation est encore plus sensible, puisque notre budget en la matière a diminué de plus de 30 %.

Plusieurs industriels me disaient récemment, madame Chabanne, que les programmes de construction militaire d’aujourd’hui reposent sur la recherche faite il y a vingt ans. Par conséquent, la recherche qu’on ne fait pas aujourd’hui, à cause de cette baisse de 30 %, ce sont autant d’emplois que ne comptera pas notre industrie dans vingt ans, et pas seulement notre industrie militaire, car les applications civiles de la stratégique ou militaire sont nombreuses. La clé, pour moi, c’est donc l’investissement dans la recherche. Heureusement, la baisse a été stoppée.

Il faut ensuite considérer, à l’intérieur des budgets nationaux, la qualité des dépenses. Les dépenses de personnel représentent 33 % du budget militaire américain, mais 51 % de la somme des budgets militaires des vingt-huit États membres de l’Union européenne. Consacrant moins d’argent aux dépenses de personnel, les États-Unis en mettent plus dans la recherche ou l’innovation.

Au-delà du budget et de l’effort engagé pour atteindre ces 2 % – et pas seulement parce qu’un sommet de l’OTAN a fixé cet objectif –, il est nécessaire, plus encore, de faire plus ensemble. Ayant été commissaire au marché intérieur pendant cinq ans, je sais que l’Europe ne doit pas être naïve, qu’il faut des protections – je me suis moi-même dressé contre le grand vent d’ultralibéralisme en reconstruisant la régulation financière –, mais je ne suis pas protectionniste. La première protection, ce n’est pas le protectionnisme, c’est l’investissement en commun : ce qu’on ne peut plus faire chacun chez soi, chacun pour soi, il faut le faire ensemble. Jamais le budget européen n’a été utilisé pour des dépenses de recherche liées à des matériels ou des technologies militaires. Nous essayons, à travers l’action préparatoire évoquée par l’un d’entre vous, de mettre le pied dans la porte. Cela représentera 60 à 90 millions d’euros ; je ne peux pas donner un montant exact, mais j’espère que ce ne sera pas moins. Ce n’est pas symbolique. Des experts, de hautes personnalités, dont Mme Guigou, ont participé à un groupe de travail réuni par la commissaire Bieńkowska, ont travaillé sérieusement pour identifier les sujets : les matériaux, les technologies clés, les composants, sur lesquels nous devons préserver ou retrouver notre autonomie, notre indépendance, notre souveraineté industrielle. Et si nous mettons le pied dans la porte, c’est pour que les prochaines perspectives financières 2021-2027 comportent une ligne budgétaire nouvelle, consacrée aux dépenses pour la recherche militaire et l’industrie militaire, sans amputer le budget civil de la recherche, dont j’estime pour ma part le montant à 3,5 milliards d’euros sur sept ans. Comment encourager consolidations et restructurations, madame Chabanne ? Pour la Commission européenne, la clé est de mener des programmes communs, des recherches communes. Les industriels, les laboratoires qui travaillent ensemble sur les drones, les technologies ou des matériaux conduisent à des opérations de restructuration, de consolidation ou de mutualisation industrielle.

Ce qui me paraît important, aussi, c’est la qualité de ces dépenses, pour faire plus ensemble. Je rappelle ce que veut le président Juncker, avec des objectifs qui rejoignent ceux de l’Agence européenne de défense : 35 % en coopération pour les équipements ; 20 % en coopération pour la recherche et le développement.

Je lie cette question des budgets et de la part qui peut en être mutualisée à celle d’Yves Fromion sur le Semestre européen. En matière de défense européenne, malgré toutes les déceptions passées, toutes les réponses insatisfaisantes aux crises ou aux défis d’aujourd’hui, je recommande de ne pas être fataliste : il n’y a de fatalité que si on le veut bien. Si nous franchissons la première étape de cette stratégie globale sur la sécurité collective, avec les mots-clés que les ministres seront ensuite chargés de décliner, que l’on appelle cela Livre blanc ou non, si la Commission, encouragée par cette déclaration solennelle et politique, fait un vrai plan d’action et prévoit de mettre tous les moyens que j’ai évoqués au service de la base industrielle et technologique et de recherche, si un nouveau Conseil européen évalue, au mois de décembre prochain, le travail fait en commun, nous ne pourrons pas nous arrêter là. C’est en cela que le Semestre européen est important. Il faut un processus dynamique et continu. Nous ne pouvons pas nous arrêter à un Conseil européen au mois de décembre et prétendre que tout est fait. Il faudra de gros efforts, vérifiés régulièrement, comme sur la convergence budgétaire et fiscale dans la zone euro, une planification, une vérification du respect des engagements. C’est cela, le Semestre européen.

L’opération Sophia a été lancée rapidement, sous l’impulsion personnelle de Mme Mogherini, avec le service diplomatique, dans des délais extrêmement courts. Il n’est pas possible d’aller au bout du mandat fixé. L’objectif global de cette opération est évidemment d’arrêter les trafics d’êtres humains et de neutraliser les modes d’action des trafiquants, mais, actuellement, faute d’un mandat des Nations unies ou de l’accord d’un gouvernement d’union nationale de Libye, nous ne pouvons intervenir dans les eaux territoriales de la Libye. Aujourd’hui, nous faisons donc des opérations de sauvetage en mer, ce qui n’est déjà pas négligeable : 15 000 rescapés ont été secourus, 200 navires détruits, 70 trafiquants mis hors d’état de nuire et remis à la justice italienne. Naturellement, comme les flux de migration s’accroissent, mon opinion est qu’il faut maintenir Sophia, l’évaluer et obtenir un plus fort soutien des Nations unies. Les flux en Méditerranée ne vont pas se tarir, même s’ils sont différents : réduits du côté de la Turquie, grâce à l’action commune des Européens et de la Turquie, plus importants sur d’autres secteurs. La mise en œuvre de l’embargo sur le trafic d’armes, décidée la semaine dernière, marque aussi un progrès. L’opération Sophia est imparfaite, ou incomplète, mais c’est une bonne mission, qu’il faut poursuivre.

La feuille de route de la Haute Représentante est-elle à la hauteur, monsieur Pueyo ? Ce que j’ai appelé, pour ma part, la « feuille de route », tout à l’heure, c’est le Livre blanc, la déclinaison de la stratégie, mais peut-être ne parlons-nous pas de la même chose. J’appelle donc à soutenir Mme Mogherini – que le Président de la République et le Gouvernement la soutiennent lors du Conseil – pour qu’indépendamment du résultat du référendum britannique elle fixe l’ambition politique la plus élevée possible. Tout dépend de cela. Au passage, cher Yves Fromion, je ne pense pas que vous ayez vu la totalité du projet de Mme Mogherini : elle travaille et consulte par « morceaux ». Le document qu’elle proposera comptera quelques dizaines de pages et une partie importante sera consacrée à la PSDC, en deux volets. Je souhaite que cette partie soit conservée et renforcée mais le président de la Commission européenne, membre du Conseil européen, dira ce qu’il pense, comme il l’a fait devant la Fondation Robert-Schuman, madame la présidente. Il faut également que le Président de la République, que je verrai dans quelques jours, fasse entendre très fortement la voix de la France sur cette question – mais je le lui ai déjà dit en tête-à-tête, et je sais qu’il le fera. Une parole commune franco-allemande serait souhaitable, mais, soyons clairs, oui, Allemands sont assez volontaristes sur cette question. J’ai souvent parlé avec la ministre fédérale de la défense, Mme Ursula von der Leyen, et je note une disponibilité d’esprit et une mobilisation de moyens en Allemagne actuellement. Si la France en est d’accord – et je crois que c’est le cas de Jean-Yves Le Drian –, il sera possible de bâtir une proposition franco-allemande commune, qu’appuieront le président de la Commission et aussi d’autres États.

Il serait toutefois imprudent de ma part, cher Charles de La Verpillière, de brosser cette typologie que vous demandez. J’ai parlé de vingt-huit traditions politiques, militaires et diplomatiques différentes. Certaines viennent de très loin, et sont très opposées, mais tout ce que je vous ai dit, mesdames et messieurs, est possible à vingt-huit et intéresse les vingt-huit États membres. D’ailleurs, fait assez nouveau, la Commission a entamé la semaine dernière des consultations ciblées sur le plan d’action dont je vous ai parlé comme d’un accompagnement de la stratégie globale. Elle consulte, chapitre par chapitre, les États membres sur ce plan, qui touche davantage à l’industrie, à la recherche, aux incitations fiscales. Nous fournissons des debate papers, pour que les États membres s’approprient ce plan d’action et qu’il ne tombe pas d’en haut, d’un seul coup, à la fin de l’année. Je les sens intéressés, leur réaction est positive, et nous allons continuer ce travail.

Dans le cadre du Livre blanc – quelque dénomination que l’on retienne –, la question d’Athena et du partage du fardeau du financement devra être posée. Jean-Yves Le Drian dit souvent que la solidarité, actuellement, c’est 10 %. Il faut aller au-delà de cette solidarité à 10 %. Pour ce faire, la confiance, mot-clé prononcé par Gilles Savary, est nécessaire. J’espère qu’elle sera possible à vingt-huit, sur la base de ce que nous faisons, y compris avec les Britanniques, si, comme je le souhaite, ils restent. Je sais qu’il est possible de travailler avec eux. Pendant cinq ans, j’ai été chargé du sujet le plus sensible pour les Britanniques : le dialogue avec la City, les services financiers. J’ai proposé quarante et un textes de régulation financière pour mettre en œuvre le discours du Bourget… (Sourires.) Ce n’est pas qu’une plaisanterie : c’était la feuille de route qui m’incombait, à la suite du G20, en tant que vice-président de la Commission européenne chargé de la régulation financière. J’ai rebâti la régulation financière de l’Union européenne. Sur trente-neuf de ces quarante et un textes, nous avons obtenu l’accord des Britanniques. Nous ne sommes pas allés aussi loin que nous aurions voulu ou pu, mais nous sommes parvenus à des accords qui marquaient des progrès – les deux exceptions concernent les bonus, dont la limitation a finalement été imposée à la City malgré les Britanniques, et les ventes à découvert. C’était ma stratégie que d’avoir les Anglais à bord, et je pense possible d’agir de même, avec les précautions nécessaires, de manière pragmatique, sur la défense, dans le cadre de la déclinaison de la stratégie globale.

Cher Yves Fromion, j’ai l’espoir que la PSDC ne sera pas marginalisée.

En ce qui concerne l’OTAN, pas d’idéologie ! L’une des clés, pour travailler au sein de l’OTAN, est la procédure des « nations-cadres », que les Allemands poussent d’ailleurs beaucoup actuellement. Elle consiste pour un pays, par exemple l’Allemagne, à devenir chef de file d’un programme de coopération bilatérale, trilatérale, parfois multilatéral, dans le cadre de l’OTAN, sur des questions concrètes. En regardant ce qui se passe, je me dis – à titre personnel – que la France pourrait utilement faire la même chose. Ces programmes communs sont ensuite utilisables dans la défense européenne, sans demander la permission à l’OTAN – j’ai posé la question à des responsables de l’Alliance. Peut-être est-ce plus facile ainsi pour les pays concernés : travailler d’abord grâce à ce concept de nations cadres et, ensuite, si le travail fait en commun, en matière de soutien médical, d’hélicoptères ou de technologie, est utilisable par la défense européenne, il est possible de l’utiliser sans demander la permission. En tout cas, ne faisons pas d’idéologie à propos de l’OTAN et de l’Union européenne, il s’agit d’être pragmatique.

Madame Chabanne, je vous ai déjà donné quelques éléments de réponse mais, en matière d’industrie, la prévention coûte moins cher que la réparation, d’une manière générale. Pour éviter de réparer des dégâts industriels ou des pertes totales de substance de notre industrie, il faut anticiper, faire de la prévention, et, pour moi, c’est la recherche en commun, qui permettra, demain, des programmes de construction.

Les règles d’exportation sont actuellement des compétences nationales, comme vous l’avez rappelé, et la France fait son travail. Cependant, si nous allons vers plus de coopération industrielle, nous devons réfléchir à une convergence des réglementations nationales en matière d’exportation. J’observe d’ailleurs que les États-Unis, qui, eux, sont un État fédéral, ce que nous ne sommes ni ne voulons être, viennent de décider de simplifier considérablement leur standard d’exportation pour une partie de leurs matériels militaires, pas les plus sensibles, pour faciliter massivement les exportations de leurs industries vers le reste du monde. Je pose donc la question, ici comme dans le cadre des instances européennes, de la disparité des politiques d’exportation, qui peut décourager les coopérations et affaiblir les capacités d’exportation. Je souhaite à tout le moins un dialogue politique sur cette question. La Commission devrait en soutenir l’idée dans le cadre de son plan d’action et indiquer qu’elle est prête à y travailler.

Vous avez dit un mot des aides d’État. Olivier Guersent, mon directeur de cabinet pendant cinq ans à Bruxelles, aujourd’hui directeur général chargé des services financiers, auprès du commissaire britannique, est sans doute le Français qui connaît le mieux les questions de concurrence et d’aides d’État : c’était le directeur de la lutte anticartels lorsque je l’ai nommé à la tête de mon cabinet, en 2010. Il m’a dit qu’il n’y avait d’exemple de politique d’aides d’État et de concurrence qui ne s’adapte pas lorsqu’une stratégie est définie ; en revanche, en l’absence de stratégie, la concurrence libre et non faussée, avec tout ce qu’elle a de libéral, s’impose, parce qu’il n’y a rien en face. Je recommande donc que l’on travaille à cette stratégie globale. Affirmons notre volonté d’une autonomie stratégique de l’industrie européenne, en ce qui concerne des technologies clés, des composants clés, des secteurs clés. Le jour où cette stratégie se heurtera à la politique d’aides d’État, je pense que cette dernière s’adaptera. S’il n’y a pas de stratégie, c’est la politique de concurrence libre et non faussée qui s’applique.

Gilles Savary a bien fait de parler de « temps de retard », mais la réalité est encore plus grave. Avec l’euro ou sur Schengen, que s’est-il passé ? Des dirigeants européens prennent, à l’aide des traités, des décisions importantes, stratégiques. Cela demande un tel effort politique qu’au lendemain de la prise de décision – par exemple au lendemain du référendum sur le traité de Maastricht, ou de la conclusion du traité d’Amsterdam, qui a intégré l’accord et la convention de Schengen aux traités – il y a une sorte de respiration très longue, et on ne fait pas ce qui est le plus difficile, qui est pourtant tout aussi nécessaire : on fait l’euro, on en profite avec des emprunts abondants et pas chers, on s’endette excessivement – pas seulement les Grecs –, et on ne fait pas la coordination économique, budgétaire, fiscale et sociale que Jacques Delors avait recommandée. On fait Schengen, le plus facile, la liberté de circulation, sans la gestion commune, sinon fédérale, des frontières extérieures… et on en subit les conséquences aujourd’hui. En matière de défense, nous n’en sommes pas encore là, car nous n’avons pas encore pris les décisions, mais tirons les leçons de l’expérience. En raison des menaces intérieures et extérieures, sans parler des menaces hybrides – qui concernent la cyber-sécurité, la protection de nos infrastructures stratégiques d’énergie et de télécommunications, l’espace –, je recommande de tirer les leçons du passé. Faisons peut-être moins vite mais faisons ensemble, et tout ensemble.

Voilà les enjeux. La stratégie globale doit être globale et forte. Le plan d’action, le livre blanc, doit la nourrir, et, ensuite, pendant ce semestre européen régulier, l’ensemble des institutions européennes doivent mettre en œuvre. Il est une chose qu’on ne trouvera jamais dans un traité ou une directive européenne, c’est la volonté politique. Je forme donc le vœu que le président de la République, le Gouvernement et vous-mêmes, parlementaires, souteniez cette volonté politique. Dans une réunion du Conseil européen, si la France et l’Allemagne, ensemble, avec d’autres, l’Italie, l’Espagne, la Pologne, disent des choses, cela fait bouger les lignes. Je le sais.

La Présidente Danielle Auroi. Merci de tout ce que vous nous avez appris, détaillé, expliqué. Cet échange fut extrêmement riche. Nous aurons peut-être de nouvelles occasions de vous interroger après que le Conseil se sera prononcé et que Mme Mogherini aura fait ses propositions.

II. Communication de la Présidente Danielle Auroi sur les enjeux de la régulation environnementale : le cas du glyphosate

La Présidente Danielle Auroi. Passons à présent à un autre sujet sensible, et même mouvant. Il m’a semblé utile de faire un point sur un sujet, représentatif à mes yeux des enjeux de la régulation environnementale aujourd’hui, la question du renouvellement de l’autorisation du glyphosate, le fameux Round-up, pour donner une référence que tout le monde connaît, même si ce n’est pas le seul produit à en contenir, loin de là.

L’autorisation d’utilisation dans l’Union européenne du glyphosate expire en effet le 30 juin prochain, et sa réautorisation, d’abord traitée comme un sujet technique, est devenue éminemment politique, pour la Commission européenne comme pour les États membres.

Le débat autour de ce renouvellement et autour, finalement, de l’application du principe de précaution cumule en effet une controverse scientifique, un fort enjeu économique, l’inquiétude des populations et la mobilisation de la société civile, et un mode de décision politique peu clair pour nos concitoyens.

Premier point, et il est essentiel, les avis scientifiques divergent sur cette substance. Tout au long de 2015, différentes instances scientifiques ont rendu des avis sur la nature potentiellement cancérigène du glyphosate, et ce dernier fait l’objet d’un âpre débat scientifique, tant sur le fond – le caractère nocif de la substance – que sur la forme – le respect des critères scientifiques usuels et des règles de déontologie –. Se pose aussi la question de savoir si cette substance est un perturbateur endocrinien, comme le considère la France.  

Alors que le processus d’expertise européen de réévaluation des risques présentés par la substance est conduit par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, c’est finalement à l’Agence européenne des produits chimiques qu’est renvoyée aujourd’hui la responsabilité d’évaluer la toxicité du glyphosate. Cette Agence ne sera toutefois pas en mesure de rendre sa décision avant mi-2017.

C’est une lourde responsabilité qui est confiée à cette dernière car les enjeux économiques mais aussi sociaux sont importants.

Le glyphosate est aujourd’hui l’herbicide le plus vendu au monde. Il est commercialisé par plus de 90 fabricants, et plus de 750 produits contenant du glyphosate sont actuellement enregistrés en Europe – dans des pays soucieux de l’environnement comme dans des pays favorables aux cultures transgéniques – pour une utilisation sur les cultures mais aussi pour des usages urbains et domestiques.

Or, face à la demande de réautorisation pour une durée encore plus longue que l’autorisation initiale, exprimée par les acteurs économiques – industrie phytosanitaire, certains agriculteurs – les opinions publiques et la société civile sont très mobilisées.

La publication successive d’études, aux États Unis, en Allemagne, etc… mettant en évidence la présence du glyphosate dans le corps humain et dans l’environnement ont ainsi conduit près de 1,4 million de personnes à signer une pétition appelant l’Union européenne à suspendre l’autorisation du glyphosate en attendant d’autres évaluations.

En conséquence, les États membres sont divisés, et leurs divergences sur la manière de prendre en compte l’incertitude scientifique et d’appliquer le principe de précaution expliquent les propositions successives de la Commission européenne et l’absence de majorité qualifiée chez les États membres.

 Dans un premier temps, la Commission européenne avait choisi de s’en tenir au « business as usual » : renouvellement de l’autorisation et prise en compte ultérieure d’éventuels développements scientifiques, jugeant ne pas avoir de raisons, au vu des conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, de traiter ce cas de manière différente par rapport à d’autres substances.

Elle avait alors recommandé le 8 mars dernier le renouvellement de l’approbation du glyphosate pour la durée maximum prévue par l’article 14 du règlement 11/07/2009, soit 15 ans – jusqu’en 2031 ! –, tout en la nuançant par, d’une part, l’obligation d’utiliser des coformulants inertes dans les formulations, et la publication « dès que possible » dans un acte séparé de la liste des coformulants inacceptables (ce travail étant en cours mais inachevé) et, d’autre part, l’engagement à revoir sans délai cette autorisation en cas de classement défavorable du glyphosate par l’Agence européenne des produits chimiques en 2017.

Cette position de la Commission était soutenue par une majorité d’États membres, mais sans atteindre la majorité qualifiée nécessaire à l’adoption, soit 55 % des États membres représentant 65 % de la population de l’Union.

Une petite dizaine d’États membres n’ont pas exprimé de position – dont l’Allemagne, l’État rapporteur – et trois pays, dont la France, se sont opposés à ce que l’autorisation du glyphosate soit renouvelée avant que l’Agence européenne des produits chimiques ne se soit prononcée.

La Commission avait alors renoncé à soumettre ce projet de règlement d’exécution au vote.

Sa deuxième proposition, en mai, reprenait pour l’essentiel la proposition faite en mars, avec pour différence majeure, un renouvellement pour seulement neuf années. La Commission européenne voulait ainsi prendre en compte la position du Parlement européen, qui s’était entre-temps exprimé par le biais d’une résolution non contraignante, mais sans reprendre les conditions d’utilisations suggérées par le Parlement européen – qu’elle considérait relever des États membres.

En effet, si la Commission ENVI avait adopté le 22 mars, à une large majorité, une résolution s’opposant à ce renouvellement, lors de l’examen en plénière le 13 avril, l’adoption d’un amendement a fait prévaloir un renouvellement de l’autorisation pour sept ans assorti de conditions d’utilisations.

Cette deuxième proposition n’ayant pas réussi, elle non plus, à recueillir l’avis favorable d’un nombre d’États membres suffisants pour atteindre une majorité qualifiée, en dépit du ralliement de deux États membres, la Commission européenne a renoncé à la soumettre à un vote formel et à enclencher le mécanisme du comité d’appel.

La Commission européenne a alors changé son fusil d’épaule et le Commissaire Andriukaitis a annoncé le 1er juin dernier que la Commission européenne proposait dorénavant une extension de l’approbation existante pour 6 mois à compter de la réception de l’avis de l’Agence européenne des produits chimiques, avec une date butoir au 31 décembre 2017, accompagnée par une recommandation aux États membres portant de nouvelles mesures de gestion du risque.

Formellement soumis au vote lors de la troisième réunion, hier, du CP VADAAA, cette nouvelle proposition n’a toutefois pas recueilli de majorité qualifiée, même si les États membres opposés au renouvellement de l’autorisation avaient, cette fois, fait le choix de l’abstention – y compris, donc, la France. En conséquence, la proposition de recommandation n’a pas été examinée.

Un comité d’appel est convoqué le 23 juin, le Commissaire Andriukaitis vient de l’annoncer cet après-midi à l’issue de la réunion des commissaires européens. Dans l’hypothèse – possible voire probable – d’une nouvelle absence de majorité qualifiée chez les États membres, il reviendrait alors à la Commission européenne soit de décider seule soit de choisir de ne pas exercer cette compétence.

La Commission européenne avait fait clairement savoir qu’elle souhaitait un soutien affirmé de la part des États membres, et qu’elle était prête à renoncer à soumettre le renouvellement de l’autorisation au vote et à laisser cette dernière arriver à expiration. Le Commissaire Andriukaitis a d’ailleurs réitéré, dans un tweet en début d’après-midi, cette demande aux États membres.

Mais la Commission européenne a finalement fait le choix de lancer une procédure d’extension de l’autorisation en cours, et pas d’octroi d’une nouvelle autorisation. Tous les États membres initialement opposés au projet de renouvellement ayant modifié leur position, soit en faveur d’un vote pour la prolongation de l’autorisation existante ou soit en choisissant de s’abstenir, il pourrait donc être envisageable qu’elle renonce à son exigence, en mettant en avant l’argument de la responsabilité. Dans cette hypothèse, il est essentiel que la recommandation aux États membres portant révision des conditions d’utilisation du glyphosate soit reprise.

Quels enseignements faut-il tirer de la manière dont Commission comme États membres ont choisi de répondre à cette question : si un doute subsiste sur la nocivité d’une substance, faut-il autoriser temporairement cette dernière ou la suspendre par précaution?

On peut regretter le procédé, par concessions successives, sous la pression d’une partie des États membres et de l’opinion publique, quand, compte tenu des incertitudes scientifiques, il aurait pu être proposé dès l’origine de faire appel à la contre-expertise scientifique de l’Agence européenne des produits chimiques et aux mesures de gestion de risque. Ces tâtonnements donnent l’image d’une Commission européenne et d’États membres plus sensibles aux arguments économiques voire aux lobbies qu’aux inquiétudes pour la santé et l’environnement des Européens. Il faut aussi noter qu’en ne parvenant pas à une majorité qualifiée, les États membres laissent par conséquent cette décision à la seule Commission européenne, quitte à s’en plaindre ensuite. Il faut sans doute le déplorer dans cette période où les institutions européennes sont fragilisées.

Certes, et la Commission européenne l’a souligné, les États membres peuvent, s’ils le souhaitent, interdire ou restreindre sur leur territoire l’utilisation des produits finis herbicides ou pesticides dont la substance active est autorisée au niveau européen, au risque, cependant, d’introduire une distorsion de concurrence au détriment de leurs agriculteurs. Or la transition vers une agriculture durable et saine au service de tous les citoyens et sans danger pour les agriculteurs et les écosystèmes est une priorité, et une action au niveau européen permet de supprimer ces distorsions qui non seulement la ralentissent mais sont aussi utilisées pour affaiblir l’idée de solidarité européenne.

Avec cette proposition d’extension pour une durée limitée de l’autorisation existante, la Commission européenne temporise, en espérant que la pression de la société civile retombe. De fortes attentes pèsent donc sur l’Agence européenne des produits chimiques, d’autant que l’Agence américaine de protection de l’environnement est, elle aussi, en train de réévaluer le glyphosate.

Qu’adviendra-t-il en cas de positions divergentes entre ces deux agences ? Comment l’Agence européenne va-t-elle traiter de la toxicité hormonale alors que les critères scientifiques pour définir les perturbateurs endocriniens n’ont toujours pas été proposés par la Commission européenne, cette dernière vient d’ailleurs d’être condamnée par la Cour de Justice de l’Union européenne.

Le Médiateur européen, en février dernier, a invité la Commission européenne à revoir sa position vis-à-vis de la définition et de la mise en œuvre des mesures d’atténuation des risques afin d’y inclure davantage de critères pour déterminer les mesures d’atténuation relatives aux substances potentiellement dangereuses.

Les restrictions d’utilisation proposées ne seront pas suffisantes, étant donné l’utilisation massive de la substance et sa nature probable de perturbateur endocrinien. Il aurait été préférable que ces recommandations soient les plus larges possibles, car en dépit de leur caractère non contraignant, de telles préconisations forment un cadre européen fort utile à une pratique harmonisée et jouent un rôle moteur pour choisir un haut niveau de protection.

En effet, lorsque des États membres sont disposés à mettre en place un encadrement, force est de constater que même les plus allants sur le sujet – la France en fait partie, félicitons-nous en – n’en sont pas encore à des mesures d’interdiction pour un usage non professionnel, comme le demandait d’ailleurs le Parlement européen.

M. Joaquim Pueyo. Les conclusions que vous proposez sont mesurées, tout en mettant bien l’accent sur l’exigence de précaution, compte tenu des risques potentiels. J’y suis très favorable.

M. Didier Quentin. Je partage cet avis.

La Présidente Danielle Auroi. Je vous remercie pour ce consensus.

La commission des Affaires européennes a approuvé les conclusions suivantes :

« L’Assemblée nationale,

« Vu l’article 88-4 de la Constitution,

« Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 191,

« Vu le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, et notamment son article 20, paragraphe 1,

« Vu le projet de règlement d’exécution de la Commission portant renouvellement de l’approbation de la substance active glyphosate, conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011,

« Vu le projet de règlement d’exécution de la Commission portant extension de la période d’approbation de la substance active glyphosate et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011,

« Vu les conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur l’examen collégial de l’évaluation des risques liés à la substance active glyphosate, utilisée en tant que pesticide,

« Vu la résolution du Parlement européen du 13 avril 2016 sur le projet de règlement d’exécution de la Commission portant renouvellement de l’approbation de la substance active glyphosate, conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 (D044281/01 – 2016/2624(RSP)),

« Considérant que la présence de glyphosate, herbicide systémique dont le volume de production est le plus élevé au monde, et/ou de ses résidus a été constatée dans l’eau, le sol, les denrées alimentaires, les produits non comestibles et le corps humain (notamment dans les urines et le lait maternel),

« Considérant qu’il existe non seulement des inquiétudes sérieuses quant à la cancérogénicité du glyphosate, mais aussi des doutes quant à ses effets perturbateurs possibles sur le système endocrinien,

« 1. Rappelle que l’objectif du règlement (CE) n° 1107/2009 consiste à « assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement et à améliorer le fonctionnement du marché intérieur par l’harmonisation des règles concernant la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, tout en améliorant la production agricole » et que ses dispositions « se fondent sur le principe de précaution afin d’éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine et animale ou à l’environnement » ;

« 2. Se félicite de la renonciation de la Commission européenne à proposer un renouvellement pour presque une dizaine d’année de l’approbation du glyphosate et prend acte de la position des États membres revenant à ce stade à ne pas prolonger l’autorisation du glyphosate ;

« 3. Souhaite que l’Agence européenne des produits chimiques soit en mesure d’achever ses travaux dans le délai prévu, et souligne le caractère impératif de la présentation rapide par la Commission européenne des critères scientifiques permettant de définir les perturbateurs endocriniens en vue de les réglementer ;

« 4. Juge nécessaire la mise en place de façon harmonisée de strictes mesures concernant l’utilisation des produits contenant du glyphosate, et en particulier d’en interdire l’utilisation à des fins non professionnelles, dans les parcs et jardins publics et dans les aires de jeux publiques, ou à proximité de ces endroits, ainsi que des écoles, et en période de prérécolte dans l’agriculture ;

« 5. Appelle à plus de transparence dans le dispositif européen d’autorisation des produits phytosanitaires, et donc à la publication de la totalité des études sur le glyphosate fournies par l’industrie phytosanitaire et utilisées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments. »

III. Nomination de rapporteurs d’information

Sur proposition de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a nommé rapporteurs d’information :

– MM. Jacques Cresta et André Schneider, sur la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

La séance est levée à 18 h 24.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Présents. - Mme Danielle Auroi, Mme Nathalie Chabanne, M. Yves Fromion, M. Charles de La Verpillière, M. Joaquim Pueyo, M. Didier Quentin, M. Gilles Savary

Excusés. - M. Jean-Luc Bleunven, Mme Isabelle Bruneau, Mme Chantal Guittet