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Commission des affaires européennes

mercredi 6 juillet 2016

17 h 30

Compte rendu n° 297

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

Audition de M. Harlem Désir, secrétaire d’État aux affaires européennes, sur le Conseil européen des 28 et 29 juin

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 6 juillet 2016

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 17 h 30

Audition de M. Harlem Désir, secrétaire d’État aux affaires européennes, sur le Conseil européen des 28 et 29 juin

La Présidente Danielle Auroi. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes tout particulièrement heureux de vous recevoir à nouveau aujourd’hui au sein de notre commission, sur le Conseil européen du 28 juin, et plus largement sur l’actualité européenne, et en particulier sur les suites du Brexit.

Sur le Conseil, nous serons particulièrement intéressés à vous entendre sur les orientations et décisions prises en matière de migrations. Nous recevions ce matin l’ambassadeur de Slovaquie, dont le pays assure la présidence tournante de l’Union européenne ce semestre. Il nous a semblé exprimer une volonté de protéger et de valoriser l’acquis de Schengen.

Où en sommes-nous concrètement ? Comment peut-on à ce stade évaluer la mise en œuvre de l’accord avec la Turquie ? Peut-on espérer que la Turquie satisfasse à l’ensemble des critères exigés pour la libéralisation des visas ?

En ce qui concerne les flux de migrants qui traversent la Méditerranée centrale, les conclusions du Conseil européen indiquent qu’ils doivent être réduits. On ne peut que souscrire à cet objectif, mais comment le Conseil pense-t-il le mettre en œuvre ? En particulier, nous serons heureux que vous puissiez nous préciser les intentions de l’Union à propos des partenariats prévus avec les pays d’origine, et la mise en œuvre du plan d’action de La Valette. Il prend en effet une actualité forte.

Où en sommes-nous sur les relocalisations et réinstallations ? Nous entendons plutôt des échos positifs. Peut-on espérer voir évoluer les États membres les plus réticents à cet égard ? Nous avons reçu il y a peu nos homologues polonais, qui ne nous ont quant à eux pas du tout rassurés sur ce point.

Par ailleurs je veux saluer l’accord politique intervenu entre le Conseil et le Parlement à propos de la proposition de corps européen de garde-frontières et garde-côtes, proposition que nous soutenons ici depuis longtemps. Peut-on espérer également une réforme du droit d’asile, puisque la présidence paraît allante sur le sujet ?

Bien sûr, nous serions également intéressés de vous entendre sur les décisions prises par le Conseil européen en ce qui concerne l’approfondissement du marché unique, en particulier pour le développement du numérique, ainsi que sur les suites du plan Juncker : peut-on comprendre des conclusions du Conseil européen que la prolongation est décidée, grâce à quels financements et selon quelles modalités ? Je serais heureuse que les priorités définies par la COP21 puissent être prises en compte.

Sur la nouvelle stratégie européenne de sécurité, que notre commission suit attentivement, le Conseil européen apparaît timide. Quels débats avec nos partenaires peuvent-ils conduire à l’adoption de conclusions fortes en ce domaine ? Peut-on, par exemple, espérer progresser vers un Livre Blanc de la défense européenne ?

Au-delà de ces sujets essentiels, l’actualité européenne impose tout de même aujourd’hui de vous entendre et d’échanger avec vous sur les suites du Brexit. Il constitue un tournant dans l’histoire de la construction européenne.

Quelles sont les implications immédiates et les mesures concrètes prises par l’Union européenne pour tirer les conséquences du vote britannique ? Il nous importe fort que la France prenne toute sa part dans le chantier qui s’ouvre maintenant et qu’une orientation franco-allemande permette aux valeurs européennes fondamentales d’avoir toute leur place dans la réforme du projet communautaire.

Cela fait des années que nous soulignons ici la nécessité d’un nouvel élan politique et institutionnel, la consolidation d’un projet permettant à l’Union européenne de s’affirmer sur la scène internationale, tout en garantissant la protection des peuples. Les valeurs fondatrices que sont la paix et la prospérité sont-elles à l’ordre du jour de ce nouvel élan que nous appelons de nos vœux ? Nous aspirons à une cohérence retrouvée ou confortée.

Pour ce faire, y a-t-il, à travers une initiative forte de la France et de l’Allemagne, une mobilisation de l’ensemble des États membres, en particulier des États fondateurs que sont aussi l’Italie et le Benelux ? Mais la Slovaquie fait également preuve de volontarisme, au moment où elle prend la présidence de l’Union européenne.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État aux affaires européennes. Le Conseil européen des 28 et 29 juin derniers avait un caractère totalement inédit, puisque les chefs d’État et de gouvernement se réunissaient pour la première fois après un référendum décidant la sortie d’un État membre de l’Union européenne. Cet événement est exceptionnel et historique, car c’est la première fois qu’un pays quitte l’Union européenne. Or ce pays est la Grande-Bretagne, l’une des plus grandes économies de l’Europe et un acteur mondial de premier plan.

Malgré les particularités du rapport des Britanniques à l’Europe, ce référendum agit comme un révélateur d’une crise plus large en Europe. Dans l’immédiat, l’Union européenne se doit de faire face à deux questions : d’une part, la sortie du Royaume-Uni et la façon dont cette sortie doit s’organiser ; d’autre part, l’avenir du projet européen.

Nous regrettons la sortie du Royaume-Uni, mais elle découle du vote libre des citoyens britanniques. Le sujet doit être traité avec clarté, avec rapidité et avec fermeté sur les principes. Nous y avons veillé en commun avec l’Allemagne, mais aussi avec l’Italie, autre grand pays fondateur, lors d’une réunion préparatoire qui s’est tenue à Berlin le 27 juin.

Cette clarté et cette fermeté sont notamment nécessaires en raison du risque financier et économique qui pèse sur le Royaume-Uni depuis cet événement, mais peut aussi avoir une incidence sur l’Europe. Il y aurait aussi un risque politique pour l’Europe si une période d’incertitude s’éternisait indéfiniment. Il n’y a aucune volonté de punition, mais il y a nécessité de clarification. C’est l’intérêt de l’Union européenne comme du Royaume-Uni.

La situation qui s’observe aujourd’hui est le résultat de l’irresponsabilité des mouvements populistes. Elle trouve actuellement une illustration au Royaume-Uni dans le départ des affaires de ceux qui ont fait la campagne en faveur d’une sortie du pays de l’Union européenne. Ils ne sont ainsi plus là pour en assumer les conséquences, alors même que leur pays est confronté à des risques économiques, mais aussi à des risques relatifs à son unité.

Lors du dîner du 28 juin, David Cameron a livré sa présentation de la situation du Royaume-Uni au lendemain du référendum. Il a surtout été invité unanimement par les autres membres du Conseil européen à activer l’article 50 du traité sur l’union européenne, pour engager la discussion sur la sortie. Mais il a renvoyé cette responsabilité à son successeur, qui sera désigné une fois que le parti conservateur britannique aura élu un nouveau leader au mois de septembre.

Illustration tant du caractère inédit de la situation que de l’unité qui règne parmi les autres États membres, une décision a été adoptée à 27 le lendemain pour préciser le cadre dans lequel nous entendons agir. Concernant la négociation de sortie, le texte rappelle des principes : l’article 50 constitue le seul cadre de négociation possible et il doit être activé le plus rapidement possible ; il ne peut y avoir de négociation d’aucune sorte tant que cette notification au titre de l’article 50 n’a pas eu lieu et n’a pas été faite par le Royaume-Uni ; il reviendra au Conseil européen d’adopter les lignes directrices pour la conduite de la négociation, ce qui exclut des négociations qui diviseraient des États membres ou des groupes d’États membres ; le Royaume-Uni va rester, pendant toute la période des négociations, un membre de l’Union européenne qui devra continuer à bénéficier de ses droits, mais devra aussi remplir ses obligations.

Ainsi, le commissaire britannique a démissionné, mais un autre sera proposé au président de la Commission européenne, tandis que le Royaume-Uni conservera ses parlementaires européens. Le Royaume-Uni continuera de transposer les directives, mais aussi de contribuer au budget européen. Il continue de devoir agir sous le contrôle de la Cour de Justice de l’Union européenne. Il est utile de le rappeler à ceux qui, par exemple au Royaume-Uni, seraient tentés de différer la notification de la sortie : tant que le Royaume-Uni reste membre, il reste membre ; l’on est membre ou l’on ne l’est pas. Il n’est pas possible de faire un choix dans les obligations découlant de la reconnaissance des quatre grandes libertés, dont la liberté de circulation.

Or l’accord du mois de février est caduc, puisqu’il n’avait de sens que dans l’hypothèse où le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. Il a décidé d’en sortir et la clarté démocratique doit s’imposer à tous : quand un peuple décide de sortir de l’Union européenne, il faut respecter sa décision, même si nous avons dit pendant la campagne référendaire, tout en ne voulant pas nous en mêler conformément au souhait des autorités britanniques, que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. Mais l’Europe ne se construit pas contre la volonté des peuples. Je crois que ces événements montrent qu’il y a un problème de distance des peuples vis-à-vis du projet européen, et pas seulement au Royaume-Uni. À partir du moment où un référendum a été organisé, il faut en respecter le résultat.

Concernant l’accord sur les relations futures entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, il a été rappelé qu’il devra être équilibré, en particulier concernant les quatre libertés. Si le Royaume-Uni souhaite, comme cela peut se comprendre, conserver l’accès au marché unique, cela passera par l’acceptation de la libre circulation des personnes comme par d’autres formes d’obligation. Même si cet accord reste à négocier et que l’on ne peut préjuger de l’issue de la négociation, l’on peut se référer au cas d’autres pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne parce qu’ils n’ont pas fait le choix de rejoindre le Marché commun ou les Communautés européennes. Ils ont négocié un accès au marché en respectant la libre circulation, mais aussi en participant au financement de politiques européennes.

Car il n’est pas possible de demander seulement d’avoir accès au marché intérieur. Il faut aussi lui permettre d’exister, ce pour quoi il a besoin de politiques de communes qui sont prises en charge par les États membres, notamment des politiques de cohésion. Voilà à quoi servent, entre autres, les fonds structurels et d’autres fonds européens. Des pays comme la Norvège ou la Suisse, qui ont accès au marché intérieur, respectent la libre circulation et contribuent aussi au financement de politiques européennes. La discussion va donc se dérouler dans un cadre qui ne sera pas forcément celui qu’avaient raconté les partisans du Brexit pendant la campagne référendaire.

La deuxième grande question est de savoir comment nous voyons l’avenir de l’Union européenne et comment nous devons répondre aux grands défis auxquels l’Europe est confrontée. Il en va du projet européen. Le vote britannique reflète des fractures sociales, géographiques et générationnelles, mais aussi des peurs et des interrogations sur les frontières et sur l’immigration, un sentiment de déclassement de certains territoires et de certaines populations confrontées à la mondialisation et qui estiment en être les perdants : tout cela existe partout en Europe. La crise européenne ne se réduit non pas à la crise britannique.

Il nous faudra ainsi traiter à la fois, avec beaucoup de clarté, de minutie et de fermeté, la question de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et des nouveaux arrangements concernant ses relations futures avec cette dernière, mais aussi, et peut-être plus encore, nous concentrer sur ce que nous voulons faire à 27. Comment pouvons-nous répondre, à 27, à la désaffection des citoyens vis-à-vis de l’Union européenne, à l’exploitation des insuffisances de l’Union européenne par les populistes, les extrémistes et les nationalistes anti-européens. Une réponse forte passe par une nouvelle impulsion et, finalement, une relance du projet européen.

La survie du projet européen est en jeu, selon que des réponses pourront être apportées à ces questions auxquelles l’Europe était mal, voire parfois pas du tout préparée. Outre l’insécurité dans son environnement, d’autres questions n’ont pas trouvé de réponse satisfaisante, notamment depuis la crise de 2008. Cette crise a laissé des traces très profondes sur le plan économique et sur le plan social, en particulier en termes de chômage. Tout cela contribue à une crise de confiance dans l’Union européenne.

Les questions de sécurité et de migration, de protection face aux grandes crises extérieures et de défense commune doivent, à notre sens, être absolument traitées, avec des instruments. Cela fut mis à l’ordre du jour que les Vingt-Sept se sont fixés, notamment pour une réunion qui se tiendra à Bratislava au mois de septembre.

De même, il faut pouvoir avancer sur les questions de croissance, d’emploi et d’investissement, en particulier dans l’énergie et le numérique, ainsi que, pour ce qui est de la zone euro, sur la convergence économique, sociale et fiscale. Nous estimons que l’Europe doit être une protection pour l’économie et l’emploi dans la mondialisation – elle ne l’est pas suffisamment aujourd’hui.

Cette observation nous renvoie aux questions de commerce. La bataille que nous avons menée sur ce plan avec la Commission européenne a permis d’obtenir d’elle hier une clarification quant à la façon dont les parlements nationaux seraient associés à la ratification de l’accord de commerce avec le Canada, puisqu’il est désormais reconnu comme un accord mixte, comme nous le souhaitions.

Enfin, l’Union européenne doit prendre de nouvelles initiatives en faveur de la jeunesse, de l’emploi des jeunes, de la formation, de la mobilité, de l’extension du programme Erasmus, en particulier aux apprentis, aux jeunes qui accomplissent un service civique et aux lycéens : il n’y a pas que les étudiants qui devraient bénéficier de cette mobilité. Au Royaume-Uni, les jeunes ont majoritairement voté pour le maintien dans l’Union européenne, en particulier à Londres, ville qui est la plus ouverte sur l’Europe.

Ce sont tous les jeunes Européens, toutes les jeunes générations, qui devraient faire l'objet d’un investissement prioritaire. C’est un investissement dans l’avenir de l’Europe, c’est la construction d’une citoyenneté européenne qui est en jeu.

Cette relance européenne doit donc être ambitieuse et audacieuse. Elle doit porter le message d’une Europe qui protège, mais qui se projette aussi dans l’avenir et dans la mondialisation, ainsi que dans la sécurité et la stabilité de son environnement. Elle doit reposer sur des actions pragmatiques qui doivent pouvoir être mises en œuvre rapidement. Certaines décisions ont déjà commencé d’être prises. Aujourd’hui même, le Parlement européen a adopté, après que le texte a fait l’objet d’un accord au Conseil entre les États membres, le règlement qui permettra de mettre en place des garde-côtes européens. Mais il faut aller beaucoup plus loin dans tous ces domaines, y compris celui de la défense.

Nous pensons qu’il faut le faire sans se lancer dans un vaste chantier institutionnel qui serait long et incertain, car l’on peut agir sans réformer les traités, mais en changeant, à traités constants, les politiques de l’Union et en se concentrant sur les grandes priorités. Une réunion à 27 a été fixée à Bratislava au mois de septembre ; elle doit être préparée activement. C’est ce que fera le gouvernement français, en liaison étroite avec ses partenaires, et en premier lieu avec l’Allemagne.

Mais les conclusions du Conseil européen portent aussi sur d’autres sujets d’actualité, qui font l’objet d’un travail permanent de sa part. Sur les migrations, les conclusions ont porté sur les aspects externes, à savoir sur la route des Balkans et sur celle de la Méditerranée centrale : aujourd’hui, les inquiétudes les plus fortes concernent les départs de la Libye vers l’Italie, car les naufrages continuent et les trafiquants continuent de mettre des réfugiés ou des migrants sur des bateaux en mettant en péril leur vie.

L’accord entre l’Union européenne et la Turquie fonctionne. Il a permis de faire baisser de façon drastique les arrivées illégales de migrants et, partant, les naufrages, en mer Égée. Mais il faut accélérer les relocalisations depuis la Grèce, où se trouvaient de nombreux migrants dès avant la conclusion de cet accord et la fermeture de la route des Balkans. Environ 50 000 personnes, pour l’essentiel des réfugiés, se trouvent ainsi dans ce pays et doivent être accueillies en Europe. D’autres migrants doivent être réadmis dans leur pays d’origine.

Des engagements ont été pris. La France respecte les siens. En termes de relocalisation depuis la Grèce, nous sommes le premier pays en nombre de réfugiés. Nous le faisons pour montrer que c’est possible même en respectant les critères de sécurité. Nous invitons tous les États membres à faire de même. C’est une question de solidarité. La frontière a été fermée, mais la Grèce, pays de première arrivée, a dû faire face, dans une situation humanitaire très difficile, à un afflux de migrants très importants. Nous avons aussi adopté un programme d'aide humanitaire et de protection civile (ECHO) pour aider la Grèce à accueillir, à scolariser et à héberger dans les meilleures conditions les migrants qui étaient sur place.

Au plan bilatéral, nous avons envoyé des matériels de secours et d’aide humanitaire, mais aussi des personnels de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) pour aider les services d’asile de la Grèce et le Bureau européen d’appui à l’asile. Des personnels français de police et de douane assistent également l’agence Frontex en Grèce, dans ses opérations de retour depuis les îles vers la Turquie, dans le cadre de l’accord conclu avec ce pays.

Avec d’autres États membres, nous procédons aussi à des réinstallations de réfugiés depuis la Turquie. Une facilité financière, c’est-à-dire un budget de trois milliards d’euros, a été adoptée à son profit ; elle est progressivement mise à disposition d’opérations d’aide humanitaire aux réfugiés syriens qui sont en Turquie, en particulier dans des camps. L’essentiel des réfugiés syriens se trouve en effet en Turquie, au Liban et en Jordanie, car ils cultivent l’espoir de retourner le plus rapidement possible dans leur pays quand les conditions le permettront. Nous devons aider ces trois pays à venir en aide aux réfugiés qui se trouvent sur le sol, de façon à éviter aussi qu’ils ne soient tentés de chercher asile plus loin en Europe. Même s’il fut difficile à conclure, l’accord entre l’Union européenne et la Turquie fonctionne ainsi, sous le contrôle du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et des organisations humanitaires

En Méditerranée centrale, nous sommes confrontés à une situation différente à cause de la Libye et de l’effondrement de l’État dans ce pays. Nous soutenons le gouvernement d’entente nationale qui est issu du processus de médiation des Nations unies. Il est le seul à avoir une légitimité. Il combat Daesh, qui s’était installé sur plusieurs portions du territoire, en particulier à Syrte, tout en devant recevoir le soutien de toutes les anciennes autorités issues des différentes élections successives de différents parlements en Libye. Nous travaillons avec ce gouvernement libyen pour l’aider à assurer lui-même un meilleur contrôle de ses côtes.

Nous avons obtenu du Conseil de sécurité des Nations unies qu’il étende le mandat de l’opération EUNAVFOR MED Sophia : elle peut donc désormais non seulement lutter contre trafiquants de personnes et l’immigration illégale en Méditerranée centrale, mais aussi arraisonner les bateaux pour faire respecter l’embargo sur les armes, de façon à éviter que ne soient alimentées en armes des factions rivales au gouvernement libyen d’union nationale reconnue par la communauté internationale.

Le Conseil européen a également adopté des conclusions sur le partenariat avec des pays d’Afrique, dans le cadre du plan d’action qui avait été adopté à La Valette. Pour être efficaces, nous devons à la fois faire respecter des règles et lutter contre les trafiquants et criminels, mais aussi traiter les causes profondes des migrations, telles que le sous-développement ou l’insécurité dans les pays d’origine. Les accords de réadmission et de contrôle des frontières doivent aller de pair avec des accords de partenariat et d’aide au développement. L’Europe doit travailler et agir bien davantage avec l’Afrique et investir dans cet environnement méridional.

Il en va de notre sécurité, mais aussi de notre avenir économique, qui dépend de notre relation avec ce continent qui va connaître la plus grande croissance démographique et économique du vingt-et-unième siècle. D’autres se substitueraient à nous si nous passions à côté de la réponse aux besoins gigantesques en infrastructure et en formation. D’autres États-continents, l’Inde et la Chine, ont compris l’intérêt stratégique de l’Afrique. Mais leur approche n’est pas marquée au coin des valeurs européennes et ils n’ont ni la même proximité ni la même histoire commune avec l’Afrique. La France doit faire partager à ses partenaires la nécessité d’avoir une stratégie africaine et méditerranéenne beaucoup plus ambitieuse.

Le Conseil européen a également traité de questions économiques. Sur l’approfondissement du marché commun dans le domaine du numérique, nous avons veillé à maintenir l’équilibre entre les enjeux de croissance et la protection des créateurs et du droit d’auteur. Sur le plan Juncker, le Parlement européen et le Conseil ont été invités à en examiner rapidement les propositions de prolongation : c’est un succès, en particulier en France ; il mérite d’être amplifié pour continuer à soutenir l’investissement dans l’ensemble de l’Union européenne.

Concernant l’union économique et monétaire, les travaux vont se poursuivre sur la base du rapport des cinq présidents pour en renforcer la meilleure gouvernance et approfondir la convergence économique. Le conseil ECOFIN a en particulier adopté une feuille de route pour achever l’union bancaire. Sur la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale, les deux récentes révisions de la directive sur la coopération administrative doivent apporter plus de transparence sur les pratiques fiscales des multinationales en Europe.

Enfin, dans l’agriculture, des mesures additionnelles sont attendues de la Commission pour faire face aux tensions sur les marchés du lait et de la viande de porc.

Le Conseil a également entendu un rapport de la Haute-Représentante lui présentant la stratégie globale de sécurité. Il reprend nos grandes priorités et nous devons veiller à sa déclinaison opérationnelle, en particulier, comme votre collègue Joaquim Pueyo y est attentif, en matière d’Europe de la défense.

Nous sommes à un moment où il convient de défendre le projet européen, en l’améliorant et en l’armant mieux pour relever aux nouveaux défis de notre temps, mais aussi en le revendiquant et en rappelant ses acquis de paix, de démocratie et de solidarité. Refusons de le laisser affaiblir par les populistes, par les extrémistes et par les nationalistes. Alors que la perspective du référendum britannique a trop longtemps suspendu les initiatives, nous devons être prêts à faire des pas en avant décisifs.

La France et l’Allemagne, au cours de la réunion du Conseil européen, ont, avec l’Italie, proposé de mettre ce sujet à l’ordre du jour des Vingt-Sept. Nous souhaitons que tous puissent travailler à cette avancée, qu’ils aient ou non rejoint l’Union européenne avant l’élargissement de 2004. Comme pour la zone euro et pour l’espace Schengen, il est cependant important que ceux qui veulent aller de l’avant puissent le faire. Tel est l’intérêt de l’Union européenne. Nous ne voulons exclure personne ; il n’y a pas de volonté de notre part de délimiter des cercles qui seraient excluants, alors qu’un État vient déjà précisément de partir. Mais nous ne voulons pas non plus être bloqués, car nous sommes absolument convaincus que l’Europe doit prendre des initiatives pour répondre à ces grandes questions, sans remettre à plus tard.

J’ai mentionné la défense, les gardes-frontières, l’approfondissement de l’union économique et monétaire, la lutte contre l’évasion fiscale, le dumping social… Je pourrais parler aussi des déclarations très claires du Premier ministre concernant la révision de la directive sur le détachement des travailleurs, sujet sur lequel vous avez pris des initiatives et adopté une législation en avance sur la législation européenne.

Un programme ambitieux s’ouvre devant nous. Si elle sait y travailler, la rencontre des vingt-sept États membres à Bratislava au mois de septembre trouvera tout son sens.

M. Pierre Lequiller. J’ai beaucoup apprécié votre exposé, monsieur le ministre, mais ni votre ton ni le contenu ne sortent du train-train habituel. Nous traversons pourtant un séisme énorme. Ce que vous dites, nous le disons depuis des mois et des années : il faut réformer Schengen, ce qui, en intervenant plus tôt, aurait pu changer le résultat au Royaume-Uni, quoique l’électorat paraisse y avoir plutôt été obsédé par l’immigration polonaise.

Depuis des années, nous appelons également de nos vœux une réforme de la zone euro. Je vous ai posé à ce sujet de nombreuses questions ici et en séance publique. Là encore, cela aurait dû être fait depuis longtemps et le résultat du référendum n’aurait peut-être pas été le même en ce cas.

Son issue constitue un séisme pour l’Union européenne et pour le Royaume-Uni. Pour ce dernier, vous n’avez pas mentionné le risque d’une scission de l’Écosse et d’une réunification de l’Irlande, l’indépendance écossaise pouvant au demeurant donner de nouvelles inspirations à la Catalogne.

Pendant ce temps, en Autriche, l’élection présidentielle a failli être remportée par un extrémiste – il ne s’en est fallu que de 30 000 voix. Dans son programme, il préconise une hausse des dépenses militaires et une récupération du Tyrol italien…

Quant à la procédure de l’article 50, que vous appelez le Royaume-Uni à mettre en œuvre le plus rapidement possible, sera-t-elle enclenchée en septembre ou en octobre prochain ? Je crains que les Britanniques ne fassent durer le plaisir, en multipliant entre-temps les demandes d’exemption. L’Union européenne doit faire preuve de fermeté, faute de quoi d’autres États risquent d’emprunter la voie du référendum : en connaissez-vous déjà qui seraient tentés de le faire ?

Les acteurs économiques ne peuvent travailler dans une telle situation d’instabilité. Ils se demandent aujourd’hui si nous n’allons pas au-devant d’une crise financière majeure. Or la seule réponse de l’Union européenne est de ne pas s’inquiéter et d’attendre la réunion du Conseil européen à Bratislava en septembre. Je crois qu’il faut plutôt aller vite vers une réforme de Schengen et vers la constitution d’un fonds monétaire européen pour la zone euro.

Je suis vraiment inquiet. Je lisais récemment le livre qu’a consacré l’historien britannique Beevor à la seconde guerre mondiale et à la période qui l’a précédée, et j’y trouve beaucoup de similarités avec la situation actuelle, notamment la montée des extrêmes tant à droite à gauche, comme l’a montré le dernier scrutin législatif en Espagne. Les phénomènes sont les mêmes, à part celui de la militarisation. Nous portons aujourd’hui une lourde responsabilité vis-à-vis de nos enfants et de nos petits-enfants.

M. Philip Cordery. Monsieur Lequiller, je crois que la France fait justement les propositions que vous avancez, mais qu’elle n’est pas toujours suivie.

Je me félicite de la ligne ferme et claire adoptée par le président de la République relativement au référendum britannique. La situation n’est pas facile. Nous sommes en face d’un État ami, d’un État frère avec qui la coopération est très étroite. Voilà ce qu’a dit le chef de l’État à la conférence de presse qui a suivi le Conseil européen, en affirmant que le Royaume-Uni est encore un partenaire, même s’il n’est plus membre de l’Union européenne.

À cette occasion, il a apporté la clarification nécessaire sur le fait que les quatre grandes libertés consacrées par les traités sont indissociables. À l’heure où les populismes montent en Europe, le risque de la contagion est un risque grandissant.

Dans les conclusions du conseil, la priorité est donnée à la sécurité, à la jeunesse et à l’investissement. Mais nous ne devons cependant pas oublier d’approfondir l’union économique et monétaire. Peut-être une parole française ou une parole franco-italienne peut-elle s’exprimer en ce sens ? Il y a sinon, je crois, un vrai risque de contagion, car l’instabilité économique actuelle est due à un inachèvement de l’union économique et monétaire, qui est, pour ainsi dire, restée au milieu du gué, faut de convergence fiscale et salariale. Je me réjouis que les trois grands pays fondateurs aient entamé une réflexion sur une nouvelle impulsion, l’Italie ayant été invitée à Berlin à la table des discussions du couple franco-allemand.

Beaucoup d’éléments des conclusions du conseil sont passés sous silence, alors qu’ils sont très intéressants. Le marché intérieur se renforce de la suppression des obstacles au commerce électronique ou grâce à la portabilité des contenus numériques ; les conseils de compétitivité se transforment en conseils de productivité.

Dans mon rapport présenté la semaine dernière, nous demandons que ces conseils portent la question salariale. Car la solution réside dans la convergence des salaires et une législation sur le salaire minimum.

Monsieur le ministre, quelles nouvelles propositions pouvons-nous attendre sur l’union économique et monétaire, dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois, de la part de la France, en partenariat avec l’Allemagne et l’Italie ?

Mme Sandrine Doucet. Nous sommes confrontés, à mon sens, à l’exigence de ressouder l’unité européenne. Une partie du Royaume-Uni se découvre européenne au lendemain du résultat. J’éprouve pour ma part une inquiétude quant à la mobilité des personnes et à la présence tant de citoyens européens au Royaume-Uni que de citoyens britanniques en Europe : je suis élue du Sud-Ouest, qui en compte de nombreux.

Ce qu’il faut avant tout préserver, c’est la jeunesse. Quand une crise d’identité s’annonce, c’est elle qu’il convient de mettre en avant, comme nous l’avons dans les années 1980 grâce à Erasmus. En ce qui concerne ce programme, je crains cependant qu’il finisse par couvrir tant de types de mobilités différentes qu’il en perde sa spécificité. En s’étendant aux apprentis, il me semble qu’il ne devient rien d’autre qu’un moyen pour accommoder l’offre et la demande à travers l’Union européenne. Il me semblerait que cela pourrait fait l’objet d’un dispositif différent.

Le service civique européen ne pourrait-il quant à lui être davantage soutenu ?

M. Michel Piron. Votre exposé me laisse une impression mitigée, m’ayant semblé à la fois détaillé et peu hiérarchisé. Quoique vous ayez dit que l’issue du référendum britannique est révélatrice d’une crise plus large en Europe, il me semble que vous êtes passés à côté de certains aspects. Aussi tenterais-je une remise en perspective.

D’abord, la convergence des Vingt-Sept n’est pas une question qui se résoudra en l’état actuel des institutions, les divergences au sein du couple franco-allemand s’accroissent et elles ne s’atténuent pas sur la question des migrants, l’Italie ne nous réconciliant d’ailleurs pas sur ce plan, si nous songeons à la situation qui prévaut à Vintimille… Autrefois, une théorie des différents cercles s’était fait jour. Mais les règles de gouvernance des origines, telles que l’exigence de l’unanimité, se sont finalement maintenues. Y a-t-il des pays qui seraient tentés par une convergence accrue sur le plan économique, fiscal et social ?

Nous devons faire le point sur les attentes de l’Allemagne, de l’Italie et de la France en matière européenne. Monsieur le ministre, vous nous avez prévenus contre la tentation de remettre en cause les traités maintenant. Certes, cela ne saurait avoir lieu avant fin 2016, mais il me semble que la question doit être posée dès maintenant. Je suis donc favorable à votre proposition d’agir sans remettre en cause les traités, mais avec de fortes réserves.

S’agissant des migrants, nous aurions tort de tirer fierté de nos résultats en matière de relocalisation, quand nous voyons le total de personnes concernées et que nous le comparons avec les chiffres en Grèce, en Italie et avec le 1,1 millions de personnes accueillies en Allemagne, non sans un certain courage de la chancelière.

Je ne vous ai pas non plus, monsieur le ministre, entendu sur la Tunisie. En parlant de la Libye, vous avez évoqué « son » gouvernement. N’y en a-t-il vraiment qu’un ? Je crains que non. Alors que l’Italie supporte des coûts gigantesques du fait des migrants en provenance de ce pays, quelle est notre position sur le sujet ?

M. Arnaud Richard. Comme mon collègue Pierre Lequiller, j’ai trouvé, monsieur le ministre, que votre attitude était celle du business as usual. Votre flegme est vraiment tout britannique… Je suis quant à moi très en colère.

S’agissant de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et de l’avenir du projet européen, nos collègues ont souligné les enjeux, en ce qui concerne l’euro, le budget européen ou l’espace Schengen. Nous parlons souvent de grands concepts, mais je voudrais plutôt vous interroger sur la vie concrète des Français à Londres, par exemple sur l’incidence de l’évolution politique sur les frais de scolarité dont ils devront s’acquitter.

Le ministère des affaires étrangères a certes mis en place une commission pour évaluer les conséquences pratiques de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Mais il conviendrait de répertorier tous les sujets de manière opérationnelle. Il me semble que les services des ministères eux-mêmes devraient se saisir de la question, ainsi, s’agissant des étudiants français en Angleterre, les services du ministère de l’éducation en coopération avec la commission internationale de la conférence des présidents d’université (CPU).

La Présidente Danielle Auroi. Je crois avoir ressenti une inquiétude des populations en Europe. Lors d’un récent déplacement en délégation à Londres, j’étais ainsi revenue en prédisant, seule du groupe, une victoire pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. J’aurais certes préféré me tromper.

Pourquoi observe-t-on cette montée des populismes ? Nos trois États, France, Italie et Allemagne, devraient se poser des questions sur les mécanismes à l’œuvre en Hongrie, mais aussi, peut-être, en Pologne. Comme notre collègue Michel Piron, je crois qu’il faudrait se poser la question institutionnelle à un délai assez bref. Plutôt que la refondation nécessaire, nous n’aurons sinon qu’un ronronnement.

Comment expliquer à nos concitoyens que le Royaume-Uni est prié d’être réactif pour mettre en œuvre l’article 50, alors que les bourses de Londres et de Francfort continuent dans le même temps leur rapprochement ? Voilà les questions que j’entends. Quant à l’Espagne et au Portugal, les décisions qui seront prises à propos de l’évolution de leur déficit budgétaire serviront de référence chez nous. Va-t-on voir à l’œuvre une Europe de la compassion ou restera-t-on dans le train-train habituel ? Comment reconstruire une Europe qui partage ?

M. le secrétaire d’État. Non, nous ne restons pas dans le train-train habituel, monsieur Lequiller. Mais nous voulons éviter que la panique s’installe. Alors que les États membres ne sont plus qu’à 27 au lieu de 28, la fermeté s’impose sur les règles et sur les principes. La sortie du Royaume-Uni doit s’organiser sous le signe de la clarté et de l’unité, loin de toute tentation d’éparpillement.

Monsieur Piron, au cas où d’autres demandes de référendum s’exprimaient ailleurs en Europe, il faut rappeler que l’article 50 constitue le seul cadre de négociation d’une sortie de l’Union européenne et qu’il impose un calendrier de deux ans, période reconductible uniquement à l’unanimité des États membres. En tout état de cause, il ne saurait y avoir de négociation avant la notification prévue à cet article. Or l’absence de notification ne respecterait pas la volonté du peuple britannique.

Ce référendum, nous ne l’avons pas convoqué. Nous étions prêts à apporter notre aide pour dire que le maintien dans l’Union européenne était conforme aux intérêts du Royaume-Uni comme de cette dernière. Pour ce qui est du Royaume-Uni, les premières conséquences l’ont déjà montré.

Oui, les acteurs économiques ne peuvent travailler dans l’incertitude. Aussi le référendum a-t-il des conséquences graves sur l’économie réelle. Une hausse sur les marchés obligataires d’Europe du Sud a eu lieu, mais la Banque centrale européenne est heureusement intervenue. Des interrogations pèsent aussi, désormais, sur la poursuite des investissements des entreprises au Royaume-Uni.

Ce sera un enjeu pour l’avenir de la place de Paris. Le Premier ministre s’est rendu aujourd’hui à une réunion d’Europlace. Paris a beaucoup d’atouts, même si Francfort est bien placé également. La compensation des transactions en euros devra avoir lieu au sein de l’Union européenne et les banques britanniques ne détiendront plus à terme de passeport financier pour opérer comme des banques de l’Union européenne. Tant le commerce des biens que celui des produits industriels et agricoles fera l’objet d’une négociation.

Jusqu’à présent, la compensation des transactions en euros avait lieu au Royaume-Uni, même s’il n’était pas dans la zone euro, mais parce qu’il appartenait à l’Union européenne. Cela est appelé à changer.

Monsieur Lequiller, lorsque vous nous reprochez de ne pas bouger d’un pouce, je regrette de dire que vous cédez à la polémique. Depuis 2012, le fonctionnement de l’union économique et monétaire a beaucoup évolué. Sous la commission Barroso, en 2012, il n’était question que d’austérité et de consolidation budgétaire. Aujourd’hui, le plan Juncker – je dois le reconnaître même si le président de la Commission n’est pas de ma famille politique – donne la priorité à la croissance. Il y a une certaine ironie à voir que l’on répète ce que le président de la République avait souligné dès juin 2012, en disant qu’il ne fallait pas ajouter l’austérité à la récession. Il a fallu s’y reprendre à deux fois pour que les choses avancent, mais à une première série de mesures arrêtées en juin 2012 a ainsi succédé le plan Juncker.

Pour la zone euro, il faut rappeler que la Grèce y est restée grâce à la France, qui a pesé de tout son poids en ce sens, et grâce à un accord avec l’Allemagne. Certes, monsieur Piron, des divergences se font parfois jour, mais nous travaillons à davantage de convergence. C’est aussi le cas au niveau économique puisque, grâce aux réformes menées, le coût du travail s’est beaucoup réduit en France et il y est désormais plus bas qu’en Allemagne dans le secteur industriel, du fait du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, du pacte de responsabilité et, bientôt, de la loi El Khomri. Les réformes déjà menées à bien sur le marché du travail, grâce aux accords nationaux interprofessionnels, vont également dans le bon sens, et ramènent la France vers des niveaux plus élevés de compétitivité.

Monsieur Cordery, je vous félicite d’avoir salué la fermeté du président de la République. Un approfondissement de l’union économique et monétaire doit en effet faire l’objet d’une réflexion avec l’Allemagne et avec l’Italie. Cela nous renvoie à la question de la différenciation. De fait, il en existe déjà une, puisque certains États membres appartiennent à la zone euro, tandis que d’autres n’en font pas partie.

En principe, tous ont vocation à y entrer, sauf exemption expresse, telle que celle qu’a obtenue le Danemark au moment de la signature du traité, puis la Suède à l’issue du référendum national organisé sur cette question. Mais tous les États membres sont ainsi concernés par l’approfondissement de l’union monétaire et il faut éviter de les mettre définitivement dans ce qui serait un deuxième cercle. Néanmoins, il est clair que, sans convergence économique, sans harmonisation fiscale et sociale, cela ne fonctionne pas bien. L’absence de convergence économique crée des difficultés. Nous devons les surmonter en intensifiant la convergence sociale et fiscale, grâce à l’Italie, même si d’autres États membres refusent d’avancer au même rythme.

S’agissant de la sécurité et de la défense, il est plus que souhaitable que nous travaillions à 27. Des avancées ont déjà eu lieu en matière de garde-côtes et de lutte contre le terrorisme. À l’heure où l’immense majorité des États membres sont désormais dans l’espace Schengen, chaque restriction apportée à la liberté de circulation est immédiatement perçue par les citoyens européens. S’agissant de cette liberté, les pays fondateurs se sentent une responsabilité particulière.

Les ministres des affaires étrangères se rencontreront à Rome la semaine prochaine, pour préparer la réunion de Bratislava à 27 en septembre. Ce sera l’occasion d’exprimer notre volonté d’avancer.

Madame Doucet, monsieur Richard, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aura bien sûr des conséquences pour les populations et nous avons mis en place un groupe de travail interministériel, sous l’égide du ministère des affaires étrangères, qui recense tous les sujets couverts par la prochaine négociation, parmi lesquels la situation des Français au Royaume-Uni. Les accords bilatéraux ne sont quant à eux pas remis en cause, l’accord de Lancaster House en matière de défense ou l’accord du Touquet pour ce qui s’agit de la prise en charge du contrôle de la frontière britannique. Au sommet d’Amiens, il a été possible d’obtenir du Royaume-Uni 20 millions d’euros supplémentaires pour l’assurer.

Il faudra s’assurer aussi que les échanges d’étudiants puissent se poursuivre. Aujourd’hui, plus de 200 000 Français vivent à Londres, et 300 000 au total au Royaume-Uni. Beaucoup de Britanniques vivent à l’inverse en France, dans le Sud-Ouest mais aussi dans les autres régions. Nous souhaitons que cela continue. Dans les deux années qui viennent, il n’y aura en tout état de cause pas de changement. Mais la clarté est encore à faire sur la situation en vigueur à l’issue de cette période. Nous voulons éviter que les arguments économiques aient une incidence sur la vie des citoyens et que leur liberté de circulation soit remise en cause.

Un programme est en effet, madame Doucet, nécessaire pour les jeunes. Tout en conservant sa spécificité à Erasmus, il me semble qu’on peut l’élargir à d’autres types d’échanges que les échanges d’étudiants. Erasmus Plus n’en donne-t-il déjà pas la preuve ? Même si c’est plus difficile à organiser au niveau des apprentis, il leur est bénéfique de partir se former dans d’autres pays, qu’ils aspirent à devenir électriciens, maçons ou chaudronniers. Le parlement allemand soutient d’ailleurs une initiative Erasmus en faveur des apprentis.

Il en va de même pour le service civique. Beaucoup d’États membres en ont un et il est important que les jeunes puissent le faire ailleurs que dans leur propre pays, le service civique européen étant quant à lui assez modeste.

Monsieur Piron, je vous mets en garde contre la tentation de faire de la question institutionnelle un préalable. S’il s’avère que des bases juridiques nouvelles sont nécessaires pour certaines politiques, il est possible d’en créer, comme l’a montré la mise sur pied du Mécanisme européen de stabilité. Mais la dernière fois que les traités ont été rouverts, cela a duré plus de sept ans.

S’agissant de l’Écosse et de l’Irlande, je ne les ai pas passées sous silence, puisque j’ai fait référence aux conséquences du référendum sur l’intégrité du Royaume-Uni. Tout le monde est attentif cependant à éviter que les tensions puissent, par exemple, reprendre en Irlande. En tout état de cause, le Royaume-Uni est pour l’instant le seul partenaire de négociations, non ses composantes. Si d’autres interrogations se font jour, il faudra aviser, mais gardons-nous de les alimenter.

D’un mal, faisons un bien. Le rapport du Royaume-Uni à l’Union européenne a toujours été très particulier. Il n’a rejoint le marché commun que dans les années 1970. Puis, sur place, l’on a dit pis que pendre de l’Europe pendant des années, dans une presse souvent caricaturale. En quelques mois, il s’est avéré impossible de renverser la tendance.

Nous devons pouvoir faire face à la montée des populismes en Europe et sur les autres continents. Nous suivrons de près le déroulement du second deuxième tour de l’élection présidentielle autrichienne.

En matière de lutte contre le terrorisme, votre assemblée a récemment publié un rapport qui déplorait le manque de coopération. Au Conseil « Justice et affaires intérieures », Bernard Cazeneuve s’est pourtant employé, non sans succès, à faire avancer les choses.

S’agissant du Portugal, la Commission a bien fait de reporter la décision sur son déficit excessif. Il serait paradoxal qu’un gouvernement portugais pâtisse des décisions prises sous les gouvernements précédents. Les responsabilités sont à tout le moins très partagées et il convient d’en tenir compte.

Nous espérons que le message de l’Union européenne vis-à-vis de l’Europe du Sud soit celui d’aider à la reprise économique, de soutenir les investissements et de trouver un bon équilibre entre la consolidation budgétaire, les réformes et ce soutien aux investissements. Les Européens doivent voir la démonstration que la solidarité européenne permet de sortir de la crise et du chômage, et de retrouver de la cohésion entre les États membres.

La Présidente Danielle Auroi. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

La séance est levée à 18 h 45

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 6 juillet 2016 à 17 h 30

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Christophe Caresche, M. Philip Cordery, Mme Sandrine Doucet, Mme Marietta Karamanli, M. Pierre Lequiller, M. Michel Piron, M. Joaquim Pueyo, M. Arnaud Richard

Excusé. - M. Jean-Luc Bleunven