COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mardi 12 juillet 2016
Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission
et de M. Christophe Bouillon, Vice-président de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire
La séance est ouverte à 15 h 05
avec : Mme Amaryllis Verhoeven, chef d’unité adjointe à la direction générale Énergie de la Commission européenne, accompagnée de M. Olivier Coppens, attaché économique à la Représentation de la Commission européenne en France ; Mme Hélène Gassin, membre du collège de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ; M. François Brottes, président du directoire de Réseau de transport d’électricité (RTE), accompagné de M. Jean Verseille, directeur des affaires européennes, et de M. Philippe Pillevesse, directeur des relations institutionnelles ; M. Marc Bussieras, directeur de la stratégie du groupe EDF ; M. Jean-Pierre Roncato, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), accompagné de M Stéphane Delpeyroux ; M. Jean-Arnold Vinois, conseiller pour l’énergie à l’Institut Jacques Delors ; M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, accompagné de M. Alexandre de Montesquiou ; M. Marc Jedliczka, porte-parole de l’association négaWatt
La Présidente Danielle Auroi. Je suis heureuse de vous accueillir autour de cette table ronde, organisée conjointement par la commission des affaires européennes et la commission du développement durable, autour de la réforme du marché européen de l’électricité, et à laquelle participera également Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat.
Il nous a semblé en effet nécessaire d’entendre des représentants de la Commission européenne, des spécialistes de l’énergie et de l’industrie ainsi que des membres d’ONG sur un sujet stratégique d’une très forte actualité et qui, en dépit de son apparence technique, recouvre des enjeux à la fois structurants pour la construction européenne et très concrets pour le quotidien des citoyens européens.
Si les premiers pas de la construction européenne se sont faits autour de l’énergie, avec la CECA, l’organisation des flux et des marchés énergétiques, les réseaux physiques et les interconnexions participent d’une forme de construction européenne souvent pas suffisamment pensée.
Aujourd’hui, les ressources et les besoins en énergie évoluent ; les enjeux climatiques et l’essor des ressources issues de productions intermittentes sont venus s’ajouter aux préoccupations économiques et aux questions d’indépendance énergétique. Au plan international, la COP21 est passée par là. Elle a montré que les enjeux énergétiques et notre modèle de société, notre économie et les impacts environnementaux sont intimement liés.
L’Europe a, quant à elle, fait de l’Union européenne de l’énergie une de ses priorités, et la présidence slovaque qui vient de débuter est très allante sur ce sujet. Dans le cadre de sa stratégie pour concrétiser cette union, la Commission européenne a présenté, il y a un an déjà, des propositions visant à offrir une nouvelle donne aux consommateurs d’énergie, à réorganiser le marché européen de l’électricité, à actualiser l’étiquetage énergétique et à revoir le système d’échange des quotas d’émissions de l’Union.
Dans ce contexte, le système électrique européen subit des évolutions profondes qui sont autant de défis. Avec l’augmentation de la part des énergies renouvelables, les infrastructures énergétiques devront être adaptées, ce qui nécessite de donner des signaux d’investissement pertinents. Les consommateurs seront également appelés à avoir un rôle plus actif sur le marché de l’électricité.
Après le paquet d’hiver de février 2016, axé sur le gaz, la Commission européenne devrait présenter, avant la fin de l’année, des propositions destinées à améliorer le fonctionnement du marché européen, notamment pour renforcer la sécurité énergétique de l’Europe. Vos éclairages devraient nous permettre de mieux cerner ces défis auxquels la nouvelle stratégie européenne prétend apporter des réponses, sachant que des difficultés demeurent dans la définition d’une telle stratégie et des moyens nécessaires à mettre en œuvre.
Afin de favoriser les échanges, cette table ronde sera organisée en deux temps distincts : au cours d’un premier tour de table, chacun d’entre vous pourra s’exprimer et présenter les orientations qu’il défend par rapport à la réforme du marché de l’électricité. Je vous invite à être rapides, concrets et directs, afin de nous permettre, dans un second temps, d’engager le débat.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat. Je me réjouis d’être parmi vous à l’Assemblée nationale pour parler de l’énergie, problématique qui s’inscrit au cœur de la croissance européenne, à travers la question de la réindustrialisation, laquelle suppose une énergie accessible, sécurisée et bon marché. C’est tout l’enjeu de l’Union européenne de l’énergie.
La stratégie pour cette union de l’énergie a été présentée en février 2015. Elle apparaît quelque peu touffue et pointilliste : si tous les grands axes d’une politique énergétique sont abordés, chacun ne l’est que partiellement, tandis que restent ignorés trois défis majeurs : le stockage de l’électricité, la capacité des réseaux à supporter de très fortes variations de la production et le modèle économique des centrales conventionnelles.
En outre, on ne peut ignorer le handicap majeur dont souffre l’Union européenne, à savoir un prix de l’énergie beaucoup plus élevé – parfois jusqu’à trois plus – que les prix pratiqués aux États-Unis. Cela fait craindre une éventuelle délocalisation énergétique vers le continent américain, avec tous les risques de désindustrialisation que cela comporte, qui peuvent entraîner à terme une remise en cause du marché unique de l’énergie.
La Commission européenne s’est abstenue jusqu’ici de tracer le contour des dispositions normatives prévues pour le deuxième semestre 2016 et portant sur la dimension électrique de la stratégie pour l’Union de l’énergie. Il me semble néanmoins que trois grandes questions peuvent être anticipées. D’abord, celle d’un grand ensemble réunissant la concurrence sur les marchés nationaux de l’électricité, les interconnexions entre États membres et les mécanismes de capacité. Ensuite, celle de la place que sont vouées à prendre les énergies renouvelables au sein de l’Union, question que l’on doit aborder en gardant à l’esprit, d’une part, que le bouquet énergétique national reste souverainement déterminé par les autorités de chaque État membre – ce qui n’empêche pas l’Union européenne d’avoir pris en parallèle des engagements en matière d’énergies renouvelables –, et, d’autre part, qu’un recours fortement accru à ces formes d’énergies est loin d’être neutre en matière d’investissements dans nos infrastructures nouvelles. La stratégie pour l’Union de l’énergie nous amènera, enfin, immanquablement à évoquer l’énergie nucléaire, sachant que, non seulement la part du nucléaire dans le bouquet énergétique est une prérogative nationale, mais que, de surcroît, se pose de façon particulièrement prégnante la question de l’évaluation transfrontalière des incidences environnementales éventuelles.
M. Christophe Bouillon, vice-président de la commission du développement durable. En guise de préambule, je vous prie d’excuser le président Jean-Paul Chanteguet, qui est retenu par les dernières auditions sur l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
La situation et l’évolution du marché de l’électricité en Europe sont des questions déterminantes, qui intéressent au premier chef la commission du développement durable, notamment au regard des liens entre les politiques européennes du climat et celles de l’énergie ou des enjeux en termes d’efficacité énergétique, de modération de la consommation ou encore de développement des énergies renouvelables.
Mme Amaryllis Verhoeven, chef d’unité adjointe à la direction générale Énergie de la Commission européenne. La Commission européenne est actuellement dans la phase de préparation du paquet législatif, qui devrait voir le jour en fin d’année. Nous avons lancé un processus de consultation publique en juillet dernier, qui a suscité de nombreuses réponses, ce dont nous nous réjouissons. Entre-temps, nous avons également conduit des discussions, tant au niveau politique qu’avec les professionnels des secteurs concernés.
À la suite de ces concertations et des études que nous avons menées, nous finalisons notre analyse d’impact, étape obligatoire avant de pouvoir mettre sur la table une proposition législative. Il s’agit de recenser l’ensemble des défis auxquels nous sommes confrontés et de décliner les différentes options que nous pourrons proposer en conséquence aux représentants politiques. L’analyse d’impact est, en effet, toujours une phase technique ; ce sont ensuite les acteurs politiques, et notamment le collège des commissaires, qui prennent les décisions.
Rappelons que la politique énergétique européenne existe depuis vingt ans, et que l’on perçoit déjà que la création d’un marché unique de l’électricité comporte pour l’Europe plusieurs avantages. En termes de compétitivité industrielle, d’abord, puisque grâce à la chute des prix de gros et à la convergence, nos prix ont atteint un niveau proche de celui des États-Unis. En termes de sécurité d’approvisionnement, ensuite, car plus les flux transfrontaliers sont importants, mieux chaque pays est en mesure de répondre à sa demande intérieure, surtout en situation de pénurie. Nous avons tout lieu de nous en satisfaire.
Cela étant, il reste encore beaucoup à faire, car le marché est en pleine mutation. Outre qu’il faut continuer à mettre en œuvre la législation européenne en vigueur, ce qui reste parfois une gageure pour les États membres, nous avons dans le futur quatre défis à relever.
Le premier concerne les consommateurs, clients professionnels ou privés, pour qui les avantages du marché unique restent trop limités. Il faut s’assurer qu’ils puissent à l’avenir en tirer un plus grand bénéfice, notamment en leur permettant de comparer les offres et de changer de producteur de manière efficace. Nous souhaitons également, dans cette perspective, faire du consommateur un véritable acteur du marché, à la fois en tant qu’acheteur et que vendeur, en lui permettant de répondre aux fluctuations de l’offre et des prix. Cela se pratique déjà au niveau des grosses industries, mais pas encore dans les petites entreprises, à qui nous souhaitons également offrir cette possibilité.
Notre deuxième défi concerne l’intégration des énergies renouvelables dans le marché. Cela implique une plus grande flexibilité des marchés de court terme mais également un traitement plus équitable de tous les fournisseurs d’électricité. Par ailleurs, cela nécessite également de faciliter l’entrée sur le marché des ressources énergétiques issues du stockage.
En troisième lieu, nous devons faire en sorte de créer un climat propice aux investissements, ce qui implique d’améliorer le fonctionnement du marché afin que les investisseurs puissent répondre à des signaux prix.
Enfin, notre quatrième défi est celui de la sécurité d’approvisionnement. Elle passe, selon nous, par des réponses régionales, appuyées sur des coopérations transfrontalières, tant au regard de l’évaluation des besoins et des capacités que de la gestion des situations de crise. De ce point de vue, il n’existe jusqu’à présent aucun mécanisme européen.
M. François Brottes, président du directoire de Réseau de transport d’électricité (RTE). Je me réjouis que le Parlement ait décidé de se saisir de la question du marché de l’électricité européen avant que la Commission européenne propose ses directives.
Si l’on peut parfois reprocher au corpus idéologique européen d’être trop centré sur la concurrence et le marché, a fortiori dans un pays qui a pratiqué la planification et où subsistent encore quelques monopoles garantissant, de jour comme de nuit, la continuité des missions de service public, le marché de l’électricité européen peut avant tout se définir comme une coopération de plus en plus étroite entre les gestionnaires de réseaux de transport (GRT) européens. Il y a quarante et un opérateurs de réseau en Europe, Réseau de transport d’électricité (RTE) étant le plus important d’entre eux. Dix-neuf pays se trouvent rassemblés au sein d’une zone d’échange unique, permettant à 525 millions de citoyens d’avoir accès aux électrons, qui ne connaissent pas de frontière.
À titre de leçon de modestie à l’endroit des législateurs – cela vaut naturellement pour celui que je fus dans une vie antérieure –, je voudrais signaler par ailleurs que les plus gros progrès réalisés en matière de coopération européenne dans le domaine de l’énergie sont souvent issus d’opérations volontaristes qui ne s’appuient ni sur des règles ni sur des directives. Je pense entre autres à la société Coreso, qui assure les prévisions d’exploitation ou à la bourse EPEX, que l’on doit à l’initiative d’opérateurs européens.
RTE, pour sa part, est une fille de l’Europe de l’électricité, puisque nous devons notre création et notre indépendance aux directives – cette fois, le législateur y est pour quelque chose. En retour, RTE s’est engagée très activement dans la construction du marché intérieur, à travers la mise en place de cinquante liaisons transfrontalières d’électricité à partir de la France, une demi-douzaine d’interconnexions étant en projet, avec, entre autres, l’Italie, l’Angleterre ou l’Irlande. Nous jouons, par ailleurs, un rôle pilote dans la plupart des projets de mise en œuvre de mécanismes de marchés, qu’il s’agisse du mécanisme de capacité, du flow based – c’est-à-dire de la mise en place d’une vaste plateforme qui permet une meilleure fluidité dans l’allocation des ressources et la fluctuation des prix que l’approche par interconnexions –, ou encore du marché de l’effacement.
L’Europe de l’électricité connaît actuellement une transformation radicale, du fait notamment de la multiplication des modes de production et des différents types de consommation. Nous sommes dans une période de turbulences, qui se traduit par la baisse régulière des prix spot : en mai, le prix moyen de la base était de 24 euros le mégawattheure contre 42 euros pour l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) – jamais nous n’aurions pensé, à l’époque où nous avons voté le dispositif, que les prix de marché puissent être en dessous du prix de l’ARENH. Il y a eu, par ailleurs, deux épisodes de prix négatifs en France au cours de ce même mois, tandis qu’en Allemagne, les prix ont atteint la valeur de moins 140 euros le mégawattheure la semaine dernière.
Dans ces conditions, les investissements se tarissent et la sécurité d’approvisionnement n’est plus garantie sur le long terme : lorsque c’est moins cher que gratuit, c’est un problème pour les investisseurs. Pourtant, le consommateur ne constate nullement les effets de cette baisse des prix de gros sur sa facture car, par ailleurs, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) continuent d’augmenter.
La Commission européenne s’apprête donc à modifier les règles du jeu, sachant que demeure la question du rôle qu’elle peut jouer dans un domaine où les États sont souverains. J’ajoute que, désormais, dans une Europe dotée d’une plateforme de l’électricité, les flux n’obéissent plus à une logique d’import-export, et ce n’est plus pour suppléer à un manque de fourniture que l’on va se servir à l’étranger mais parce que les prix y sont, le cas échéant, plus attractifs.
Trois chantiers méritent notre attention. Celui, d’abord, des énergies renouvelables, qui doivent parvenir à maturité et s’organiser de manière responsable, quitte à s’écrêter pour éviter des pics de production. Elles doivent, par ailleurs, disposer des mêmes droits que les autres énergies et pouvoir participer à tous les mécanismes de marché.
Ensuite, il faut s’attacher à ce que les réseaux restent responsables de bout en bout, l’Europe ayant parfois tendance à vouloir prendre la main. Or ne laisser aux opérateurs que le soin de gérer les dernières minutes avant le blackout serait parfaitement contreproductif.
En ce qui concerne les réseaux toujours, et c’est la troisième direction dans laquelle il faut travailler, le système qui combine l’infrastructure et l’exploitation de cette infrastructure doit être maintenue, sans quoi nous aurions les plus grandes difficultés à optimiser son fonctionnement, sachant que celui-ci devient de plus en plus complexe à gérer.
Mme Hélène Gassin, membre du collège de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Un des enjeux auxquels nous sommes confrontés est la crise économique durable que nous traversons et qui s’accompagne à la fois de ce que je pourrais qualifier de baisse de la valeur de l’argent et d’une modification de l’appréhension du risque par les investisseurs.
Le contexte est également marqué par la transition énergétique. Le phénomène avait beau être partiellement prévisible, il n’a été que très imparfaitement intégré dans les anticipations, et l’Europe se trouve aujourd’hui avec une capacité de production qui a augmenté de près de 80 % depuis les années 2000 – ce qui n’est pas uniquement imputable aux énergies renouvelables, la production de gaz ayant elle aussi augmenté de près de 80 % –, tandis que la consommation n’a augmenté, elle, que de 7,5 %. Il y a donc un problème d’adéquation entre l’offre et la demande sur la plaque européenne.
Il faut également souligner la forte chute des prix des combustibles – gaz, pétrole ou charbon – ainsi que la problématique valorisation du carbone, le marché européen du carbone ne donnant pas de signal prix suffisamment significatif. Dans ces conditions, la rentabilité du charbon est supérieure à ce qui avait été anticipé, ce qui entraîne des difficultés pour les opérateurs de centrales à gaz, qui voient leur compétitivité compromise.
Se pose enfin la question du rythme des changements, qui s’accélère dans un secteur encore largement régulé il y a quinze ans à peine et dont l’échelle de temps réelle s’étend sur plusieurs décennies, qu’il s’agisse des infrastructures de réseau ou des outils de production, alors que la visibilité sur les marchés de gros n’excède pas quelques années. Il y a donc aussi un problème de concordance des temps.
En ce qui concerne les prix, on a dit que les prix de marché de gros étaient trop bas – en tout cas, dans le centre-ouest de l’Europe – pour favoriser l’investissement, tandis que les prix de détail avaient, eux, tendance à augmenter ou à moins baisser, pour les raisons qu’a expliquées François Brottes : contributions au financement des infrastructures ou des filières renouvelables, à quoi s’ajoutent des dispositifs de protection des industries électro-intensives qui, mécaniquement, reportent la charge sur les autres consommateurs.
Au final, certains opérateurs sont en grande difficulté et des centrales sont fermées ou mises sous cocon. D’où des inquiétudes qui se multiplient au sujet de la sécurité d’approvisionnement et qui poussent les différents États membres à multiplier les dispositifs nationaux peu, voire pas coordonnés, au risque de perdre une partie des bénéfices de l’intégration, sachant que les objectifs ont globalement été atteints en matière de réseaux et d’intégration des marchés.
Pour conclure sur les principaux enjeux qui doivent nous occuper, il y a d’abord l’adaptation du marché européen aux énergies renouvelables et aux instruments de flexibilité – effacement ou stockage –, et réciproquement. Se pose également la question de la sécurité d’approvisionnement, sachant que le contexte de surcapacité renvoie à une réalité complexe, car l’excédent d’énergie produite n’est pas nécessairement disponible au moment où on le souhaite.
Les États mettent en place des mécanismes de capacité qui soulèvent la question de l’édiction de règles communes d’évaluation de la sécurité d’approvisionnement, afin de rendre compatibles les différents mécanismes nationaux.
La gouvernance globale du système pose à elle seule de nombreuses questions : on parle de renforcer la coopération régionale, mais cela doit-il passer par une coopération renforcée des réseaux de transport d’électricité ou par des transferts de responsabilité, ce qui est très différent, sachant qu’aujourd’hui la logique est celle de coopérations volontaires ? Qu’en est-il du futur rôle de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) et du rôle des régulateurs nationaux ?
Enfin, faut-il persister dans une approche ascendante (bottom-up) du marché, consistant à consolider l’intégration à partir d’initiatives volontaires, ou doit-on désormais privilégier une approche descendante (top-down), plus normative, l’une et l’autre ayant leurs avantages et leurs inconvénients ?
M. Marc Bussieras, directeur de la stratégie du groupe EDF. Le marché européen de l’énergie fonctionne de façon efficace au quotidien, au sens où ce sont les centrales dont les coûts variables sont les moins élevés qui sont sollicitées pour couvrir la demande.
Cela étant, le fait que le mégawattheure soit actuellement à 30 euros en France et à 25 euros en Allemagne n’a aucun sens en termes économiques, et il faudrait au minimum doubler ce prix pour pouvoir couvrir les investissements, qu’il s’agisse du secteur des énergies renouvelables ou conventionnelles.
Le marché est donc extraordinairement et durablement déprimé, en proie à de forts dérèglements. Ainsi, l’Allemagne annonce-t-elle 24 à 25 milliards d’euros de subventions aux énergies renouvelables, payées par les consommateurs d’électricité. Or sa consommation intérieure annuelle intérieure est de l’ordre de 530 térawattheures d’électricité, soit, avec un coût de marché autour de 25 euros, une consommation globale d’une valeur de 14 milliards d’euros au prix de marché. En d’autres termes, mue par l’idée de libéraliser le marché, l’Europe en est arrivée aujourd’hui à instaurer une économie de la subvention, même si l’Allemagne est un exemple extrême.
À ce dérèglement s’ajoute le fait que nous n’avons pas su articuler correctement la politique de libéralisation du marché et la politique de lutte contre le changement climatique. Ainsi, avec un prix du CO2 à 5 euros la tonne, envoie-t-on aux agents économiques un signal de quasi-gratuité qui ne peut que les inciter à en produire. Et c’est ce qui se passe concrètement, les centrales à charbon fonctionnant aujourd’hui à plein. Deuxième exportateur d’électricité derrière la France à l’échelle européenne, l’Allemagne aujourd’hui n’exporte pas du renouvelable mais bien de l’électricité produite par les centrales à charbon, celles-ci ayant gagné la bataille de la concurrence avec les centrales à gaz des pays voisins.
Autrement dit, le dérèglement des prix n’affecte pas uniquement les investissements à long terme mais également le fonctionnement du système à court terme, en favorisant les émissions de CO2. Si nous voulons mettre un terme à ces dérèglements et décarboner la production, il faut donc régler la question du signal prix et donner au CO2 un prix pertinent. Cela fait partie des sujets qui sont sur la table et doit être abordé de façon prioritaire, si l’enjeu dominant est de redonner la main aux acteurs du marché pour qu’ils s’orientent vers les solutions économiques les plus pertinentes et les plus favorables au consommateur.
D’autres points importants méritent également d’être abordés, comme le marché de capacité. Il s’agit d’un enjeu majeur, dans la mesure où la fermeture d’importantes capacités de production est susceptible de remettre en cause notre sécurité d’approvisionnement.
M. Jean-Pierre Roncato, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN). Les prix de marché se sont en effet effondrés il y a dix-huit mois, ce que l’on pourrait considérer comme une bonne nouvelle pour les industriels de l’UNIDEN. Dans la réalité, cela est pourtant perçu comme un dysfonctionnement parce que les prix baissent mais avec une volatilité et une amplitude qui interdisent tout investissement à long terme.
Par ailleurs compte tenu des dysfonctionnements du marché, des mécanismes correcteurs ont été mis en place, mais en ordre dispersé, par les différents États, qu’il s’agisse de mécanismes de capacité, de contracts for differences (CFD) au Royaume-Uni ou de corridors de prix de CO2. Or ces mécanismes qui ne sont pas corrélés entre eux sont créateurs de distorsions au plan intracommunautaire comme extracommunautaire.
Pour des investisseurs qui ont besoin de visibilité à long terme pour réaliser des investissements de maintenance lourde ou pour développer de nouvelles capacités, ce climat n’est pas du tout propice, alors même que, dans le même temps, des solutions beaucoup plus stables et pérennes sont proposées à leurs concurrents dans le reste du monde, que ce soit les contrats à long terme mis en place dans des pays qui possèdent des ressources hydrauliques, comme en Russie, au Brésil ou au Canada où le tarif R fixe le prix à 23 euros le mégawattheure sur vingt-cinq ans. D’autres pays possédant des ressources fossiles les mettent également à disposition de leurs industriels à un prix défini sur le long terme.
En France, des mesures ont été prises en 2015 pour préserver la situation des industries électro-intensives et faire en sorte qu’elles regagnent de la compétitivité. Nous souhaitons que, dans cette phase de transition où les contours du marché européen sont redessinés, ces mesures soient pérennisées, de manière à ne pas accroître l’incertitude.
Permettez-moi, pour finir, d’esquisser trois pistes de réforme qui nous apparaissent nécessaires dans le cadre du marché futur.
En premier lieu, il existe aujourd’hui deux marchés de l’énergie déconnectés l’un de l’autre : un marché libéralisé et un marché des énergies renouvelables (EnR), largement subventionnées. Il est essentiel de mettre fin à cette dualité et de recréer un lien entre les deux marchés.
Deuxième piste, l’Europe a consenti des efforts considérables en matière d’investissements pour développer son parc européen, dans le domaine nucléaire, dans celui de la cogénération ou encore dans celui des EnR, qui ont bénéficié d’aides d’un montant colossal. Pour maintenir une visibilité à long terme, il me semble indispensable, lorsque les contrats en cours arriveront à échéance, d’assurer la continuité du système sur la base de ces investissements initiaux, pour que l’Europe puisse bénéficier d’outils partiellement amortis.
Cela peut être l’occasion, et c’est la troisième piste, de coordonner plus étroitement politique industrielle, réindustrialisation de l’Europe et politique énergétique, en permettant aux industriels de bénéficier de ces outils.
M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables. Depuis les accords de Kyoto, l’Union européenne a diminué ses émissions de gaz à effet de serre, ce qui est moins lié à la crise économique qu’à la progression des énergies renouvelables. Il ne faudrait donc pas que les textes en préparation, qu’il s’agisse de la réforme du marché ou de la directive « Énergies renouvelables », aient pour effet de ralentir cette progression mais qu’au contraire ils stimulent la production d’EnR dans des conditions plus compatibles avec le marché.
On a certes évoqué la part croissante des énergies dites intermittentes dans le système électrique européen, mais ces énergies variables ne représentent encore qu’une petite partie de l’énergie totale, puisque en France elles ne comptent que pour 6 % environ de notre consommation. Il existe, par ailleurs, des moyens de gérer cette variabilité ; j’en citerai trois, directement liés au marché de l’électricité :
Le premier est le développement des interconnexions, entre régions ou entre pays, mais aussi l’exploitation maximale de ces interconnexions. De ce point de vue, la réussite d’EPEX Spot mérite d’être soulignée ;
Le deuxième consiste à miser sur la flexibilité des moyens de production complémentaires, au premier rang desquels l’hydroélectricité qui, outre le fait que sa flexibilité est maximale, a de surcroît la vertu d’être renouvelable et non émettrice de gaz à effet de serre. On peut également citer le cycle combiné gaz, qui est la moins carbonée des énergies fossiles ; extrêmement flexible, elle est cependant défavorisée aujourd’hui par le marché ;
Le troisième moyen – mais il y en a d’autres – consiste à piloter les consommations et le stockage au moyen de réseaux dits « intelligents », ce qui nécessite également d’avoir des tarifs intelligents. Nous avons véritablement besoin d’un signal CO2, comme le montre l’excellente étude de RTE et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), selon laquelle, à partir de 30 euros la tonne de CO2, non seulement le merit order entre le gaz et le charbon s’inverse mais la flexibilité et la rentabilité du stockage sont favorisées.
Cela étant, les attentes du secteur des énergies renouvelables en ce qui concerne la future directive « Énergies renouvelables » pour la période 2020-2030 sont doubles. En premier lieu, nous souhaitons évidemment que cette directive soit compatible avec la réforme du marché de l’électricité. Nous attendons d’elle qu’elle définisse un cadre réglementaire qui sécurise juridiquement les dispositifs de soutien nationaux au développement des énergies renouvelables. En effet, ce soutien restera nécessaire au moins jusqu’en 2030, non seulement parce qu’il n’y a pas d’internalisation suffisante des coûts externes, notamment du CO2, mais également parce que le marché de l’électricité tel qu’il est conçu aujourd’hui ne permet pas le développement d’investissements très capitalistiques avec peu de frais de fonctionnement – ce n’est pas seulement vrai pour les EnR mais également pour le nucléaire.
Nous souhaitons ensuite que les États membres restent maîtres de leur mix énergétique, ce qui signifie que l’intégration au marché ne peut pas se faire par des appels d’offres à neutralité technologique, ainsi que l’envisagent certains au sein de la Commission européenne. Si nous sommes favorables à l’intégration des énergies renouvelables au marché, c’est avec un certain nombre de règles communes qu’il appartient aux États membres de définir sans qu’elles leur soient imposées par la Commission.
M. Jean-Arnold Vinois, conseiller pour l’énergie à l’Institut Jacques Delors. L’Union européenne s’efforce d’optimiser les ressources et les infrastructures dont elle dispose dans le respect des compétences nationales, à savoir le choix du bouquet énergétique, celui de l’exploitation des ressources naturelles et celui de la taxation, trois décisions importantes qui relèvent des États.
Tout ce qui a été entrepris jusqu’à présent dans l’optique de créer un marché intérieur me semble aller dans cette direction, qui s’inscrit, depuis l’accord de Paris signé en décembre dernier, dans la perspective d’une économie bas carbone. Nous devons pour cela tenir compte de la diversité des sources d’énergie : le nucléaire, les énergies renouvelables, le gaz ou le charbon, sachant que ce dernier, malgré l’hypocrisie manifeste qui a empêché le sujet d’être abordé lors de la COP21, est incontestablement un problème. Nous devons désormais être clairs : nous ne voulons plus de charbon et nous devons établir en conséquence une feuille de route pour l’éliminer.
Une autre composante du marché à prendre en compte pour la gestion de la ressource est la demande. Si, jusqu’à présent, elle se limitait à des kilowattheures vendus et consommés bêtement les uns après les autres, cette époque-là est révolue, et nous devons aujourd’hui imaginer une demande « intelligente », qui soit pleinement partie prenante au marché, ce qui exige qu’elle reçoive pour cela les signaux nécessaires.
En ce qui concerne les infrastructures, nos capacités ont augmenté de 80 % depuis l’an 2000 et sont aujourd’hui non seulement largement excédentaires mais mal distribuées. Cela peut se résoudre grâce aux interconnexions qui existent déjà et à celles que nous pouvons encore créer afin d’optimiser notre parc de génération d’électricité en rendant l’ensemble du système et notamment les réseaux plus intelligents. Cela implique d’intégrer au marché l’ensemble des acteurs du secteur, tout en repensant et en approfondissant les relations entre distributeurs, entre distributeurs et transporteurs, entre transporteurs et générateurs.
Cette optimisation requiert une confiance mutuelle entre les États membres, confiance mutuelle qui est à la base de tout ce qui a été entrepris depuis plus de cinquante ans. Sans elle, chacun organisera seul sa sécurité d’approvisionnement, pour aboutir à une production chère et excédentaire, les Européens n’ayant plus d’autre choix que de se partager le gâchis, selon le principe garbage in, garbage out.
Il nous faut donc accroître la coopération entre les gestionnaires de réseaux de transport (GRT). François Brottes a évoqué Coreso ; cet instrument fabuleux, créé en 2006 sur une base purement volontariste pourrait être un formidable outil opérationnel si les États membres y consentaient plutôt que de se borner à élaborer sur dix ans des plans de développement des réseaux strictement nationaux. Il nous faut inscrire la sécurité d’approvisionnement dans un cadre européen fondé sur une même méthodologie d’adéquation des capacités de production, sur des normes de protection communes et sans doute sur un rôle plus important confié à l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), en tant que régulateur européen. Il faut enfin favoriser la coopération régionale ; à ce titre le forum pentalatéral qui réunit l’Allemagne, la France et le Benelux est incontestablement un excellent laboratoire. Jean Monnet disait que l’Europe devait se construire pas à pas sur des choses concrètes : grâce aux efforts accomplis ces dix dernières années, nous pouvons, me semble-t-il, nous atteler aujourd’hui à ces tâches très concrètes.
M. Marc Jedliczka, porte-parole de l’association négaWatt. Négawatt ne peut que se satisfaire de constater que la demande électrique se stabilise, voire décroît, ce qui ne signifie nullement une décroissance de la richesse ou du PIB.
Cela étant, l’avenir de l’énergie aujourd’hui, ce sont deux technologies émergentes mais destinées à être dominantes demain et à remplacer à terme les énergies conventionnelles comme le thermique ou le nucléaire : le photovoltaïque et l’éolien, même si les autres énergies renouvelables ont également leur part à prendre. Ces énergies, déjà compétitives dans de nombreux cas, seront globalement moins coûteuses à l’avenir. En outre, elles sont créatrices d’emplois, comportent moins de risques industriels et sont bonnes du point de vue du changement climatique.
Elles vont nécessiter davantage de flexibilité sur le réseau, au niveau de la production, de la consommation ou du stockage, grâce en particulier, dans ce dernier cas à la valorisation des excédents électriques, puisque la technologie du power to gaz, c’est-à-dire la jonction entre les systèmes électrique et gazier, pourrait permettre, demain, de faire rouler voitures et camions. Certes, nous n’en sommes encore en la matière qu’au stade de la recherche et développement, mais c’est un procédé qui, à l’horizon 2030 – sans doute un peu plus tard en France –, deviendra incontournable, et les décisions d’aujourd’hui doivent donc s’inscrire dans cette vision de moyen terme.
En ce qui concerne la gestion des actifs et les investissements réalisés, soyons clairs : on ne peut lutter contre le changement climatique, réduire les risques d’approvisionnement ou les risques industriels sans admettre qu’il y aura des coûts échoués. L’important est de les limiter, ce qui implique de raisonner régionalement.
Quant à la coopération, il doit s’agir d’une coopération matérielle sur les réseaux mais également d’une concertation globale afin d’aboutir à un retrait coordonné des surcapacités. La chute des prix de l’électricité est aujourd’hui un problème pour tout le monde et rend obligatoire – ne nous voilons pas la face – que certains s’effacent. Ce ne pourra être que les producteurs d’énergies fossiles et, de manière plus générale, les producteurs les moins flexibles, dont le nucléaire. Or aujourd’hui, et c’est bien un signe que le marché dysfonctionne, alors que l’on a besoin de flexibilité, ce sont les producteurs les plus flexibles qui disparaissent en premier, comme les centrales à cycle combiné gaz. Il est donc primordial d’associer à la réforme du marché de l’électricité une réforme du système communautaire d’échange de quotas d’émission de carbone, et de garantir sur la durée les revenus pour les énergies renouvelables.
En ce qui concerne les marchés de capacité, c’est, selon nous, un problème franco-français, lié au poids du chauffage électrique dans la demande actuelle. Or il nous semble qu’il y a d’autres manières de résoudre la question de la sécurité d’approvisionnement que de garder des unités de production sous cocon pendant 8 500 heures par an pour les faire fonctionner quelques dizaines d’heures seulement. Ce n’est raisonnable ni en termes de dépense publique ni en termes de coût collectif et, si ceux qui ont investi dans ces unités souhaitent continuer à gagner de l’argent, mieux vaut qu’ils se reconvertissent dans d’autres activités : tout le monde y gagnera.
M. Michel Lesage. Mesdames et messieurs, vos propos confirment que l’Europe doit faire face à un triple défi énergétique : assurer sa sécurité d’approvisionnement, faire face à la diminution et à la volatilité des prix, combattre le réchauffement climatique.
Cela étant, et bien que l’énergie ait été le premier domaine dans lequel l’Europe se soit construite, les États demeurent malheureusement autonomes dans la détermination de leur politique énergétique. Comment, dans ces conditions, atteindre les objectifs du paquet Énergie-Climat 2030 et comment concevoir une politique énergétique commune qui puisse surmonter des intérêts nationaux très divergents ?
En 2014, la Commission européenne avait lancé une procédure contre vingt-quatre pays de l’Union qui n’avaient pas transposé correctement la directive sur l’efficacité énergétique. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Le 11 juillet dernier, le rapport intermédiaire de la mission Mestrallet-Canfin-Grandjean préconisait de relever le prix des émissions de CO2. Quelles seraient les conditions et les modalités de l’intégration d’une composante carbone dans la fiscalité énergétique des pays de l’Union européenne ? Que pensez-vous de la mise en place d’un prix plancher pour la production d’électricité ou d’un corridor de prix pour le carbone européen ?
En ce qui concerne les liaisons transfrontalières, où en sommes-nous ? François Brottes a évoqué les cinquante liaisons transfrontalières mises en place par RTE à partir de la France et les deux projets d’envergure en cours avec l’Italie et l’Espagne. Quelles sont les autres perspectives dans ce domaine ? Pouvez-vous nous indiquer, par ailleurs, comment s’effectue le déploiement progressif du couplage des marchés ?
Enfin, où en est la coordination des opérateurs de réseau européens censée garantir l’équilibre entre l’offre et la demande ?
M. Guillaume Chevrollier. L’énergie est au cœur du projet européen, pourtant, le bilan dressé dans un rapport publié en 2014 par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective est très critique sur les politiques européennes en la matière.
Au plan climatique, le rapport dénonce la tendance à la hausse des émissions de gaz à effet de serre et le remplacement progressif des centrales thermiques à gaz par des centrales thermiques à charbon plus polluantes.
Au plan économique, il met en exergue le paradoxe qui voit la facture électrique des ménages européens augmenter de 28 %, alors que les prix de gros sont parfois négatifs, entraînant une perte de rentabilité des centrales thermiques à gaz et un endettement des gros producteurs d’électricité traditionnels. La cause de ce paradoxe serait le développement de l’électricité d’origine renouvelable, l’éolien et le photovoltaïque, qui sont par ailleurs des énergies intermittentes, pas encore matures. Si les objectifs climatiques sont importants, n’est-il pas également essentiel de tenir compte des réalités économiques, ce qui, pour la France, signifie préserver le nucléaire, secteur clef de notre économie ?
Comment, par ailleurs, envisager une approche plus coordonnée des États membres sur la question des régimes d’aides en faveur des énergies renouvelables ? N’est-il pas paradoxal que ces dernières bénéficient d’importantes subventions, dans un contexte où de nombreux pays, dont le nôtre, connaissent un dérapage budgétaire important ?
Enfin, le marché européen de l’électricité peut-il s’organiser à vingt-sept ou faut-il envisager un champ plus restreint d’États membres, comme c’est le cas dans d’autres domaines ?
M. Franck Reynier. Les deux axes essentiels qui doivent conduire nos travaux sont la sécurité de nos approvisionnements et le prix de l’électricité. Ces objectifs doivent être réaffirmés au niveau européen.
La réduction des émissions carbonées doit également être au cœur de nos politiques énergétiques, et l’usage intensif du charbon ainsi que le développement des centrales à charbon doivent être proscrits.
L’harmonisation des réseaux est nécessaire. Il faut faire tomber les frontières, notamment en matière d’effacement.
Nous devons également soutenir des ambitions fortes en matière de recherche et développement, en particulier dans le domaine du stockage, qui constituera un véritable pas technologique vers l’énergie de l’avenir, mais également en matière d’efficacité énergétique. Les pays européens doivent pour cela mettre en commun leurs moyens stratégiques, ce qui demande une vision politique commune.
M. Jean Bizet. M. Jean-Arnold Vinois a considéré, à juste titre, que les relations devaient être basées sur la confiance pour construire l’Union de l’énergie. Or la confiance se heurte malheureusement aux problématiques liées aux souverainetés nationales. Il ne s’agit pas de supprimer la souveraineté nationale, mais ne pourrions-nous être plus incitatifs, voire directifs, pour susciter la confiance entre États membres et rationaliser la production et la consommation d’électricité, madame Amaryllis Verhoeven ?
S’ils ne sont pas installés côte à côte, M. Jean-Pierre Roncato et M. Marc Jedliczka ont néanmoins eu des positions voisines. Selon M. Jean-Pierre Roncato, il conviendrait de rapprocher des structures conventionnelles amorties et les industriels électro-intensifs ; selon M. Marc Jedliczka, il conviendrait d’opérer un repli stratégique concernant un certain nombre de structures conventionnelles qui ne devraient plus fonctionner. Monsieur Jean-Pierre Roncato, comment imaginez-vous le rapprochement entre des industriels qui ont besoin d’énergie – les électro-intensifs – et les structures amorties qui pourraient leur fournir de l’électricité à des coûts intéressants ?
M. Gilles Savary. Je ne comprends pas bien ce qui se passe sur ce marché tel que vous l’avez décrit. Selon notre ancien collègue François Brottes, que je salue affectueusement, l’effondrement des prix de gros n’est pas répercuté sur la facture des consommateurs. Vous nous expliquez que cet effondrement pose des problèmes de financement des investissements. Quelle est la nature de la détérioration du modèle économique et qui profite de cette baisse des prix, si ce n’est pas le consommateur ?
Je m’adresse plus particulièrement à la Commission européenne – dont je salue ici certains anciens membres que j’ai bien connus à Bruxelles –, selon laquelle la prochaine stratégie prévoit que des efforts devront être consentis en faveur du consommateur. À la Commission européenne, au nom du Dieu consommateur, on n’a parfois pas prêté suffisamment attention à la capacité de production. Que se passe-t-il sur ce marché où les prix baissent sans être répercutés sur la facture du consommateur tout en compromettant l’investissement ? S’agit-il d’une baisse des marges ?
Pour terminer, je voudrais vous interroger sur les énergies renouvelables dont le développement ne peut être assuré que par une politique volontariste. Comment cette nécessaire politique volontariste pourrait-elle s’accommoder d’une telle volatilité des prix de marché ? Dans le domaine des transports, la promotion du chemin de fer a nécessité des politiques longues, des investissements puissants et des aides publiques au moins au moment du lancement de la filière. Avec un marché de l’électricité aussi capricieux et effondré, comment envisager un développement des énergies renouvelables compatible avec un modèle économique tenable ? On nous dit à la fois que l’avenir est aux énergies renouvelables et que celles-ci sont aléatoires – elles n’arrivent pas à fournir la base électrique.
M. Yannick Favennec. La transition énergétique, qui commande une stratégie de substitution des énergies renouvelables aux énergies fossiles, est inséparable d’une stratégie d’optimisation appuyée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication. La plus grande efficience énergétique qui en est attendue doit améliorer la compétitivité. Cette optimisation dépend de la mise en place de réseaux dits intelligents, fonctionnant par interactivité et permettant ainsi une gestion pluridirectionnelle sur la base d’interconnexions rendant possible le transfert des ressources énergétiques entre régions et pays européens.
Appliqués à l’énergie électrique qui, en l’occurrence, est la plus concernée, ces réseaux dits intelligents permettent la compensation géographique des manques et des surplus énergétiques pour réduire les coûts et accroître la compétitivité. Mais l’exigence d’interconnexions à l’échelle européenne exige la mise en place d’une union de l’énergie réclamée par la Commission Juncker, afin de parvenir à un seul et grand marché énergétique doté de sa propre politique et permettant notamment à l’Union de prendre des mesures relatives à l’accroissement de l’interconnexion des réseaux et de l’efficacité énergétique.
En mars 2015, la France, l’Espagne, le Portugal et la Commission européenne se sont engagés à mettre en œuvre un système d’interconnexions pour le gaz et l’électricité. Ces stratégies d’optimisation ont-elles réellement commencé à entraîner une réduction des surcoûts d’approvisionnement liés à l’insuffisance des interconnexions ? Pensez-vous que cette baisse pourra se concrétiser à l’avantage des utilisateurs, compte tenu des politiques nationales de taxation et de soutien en faveur du développement des énergies renouvelables ?
Mme Marie-Noëlle Battistel. Mes questions s’adressent essentiellement aux représentants de la Commission. L’évolution des marchés de l’électricité suscite de vraies inquiétudes dans chacun des États membres, comme cela a été dit et redit autour de la table. Les énergéticiens européens sont affaiblis ; les prix spot ne cessent de baisser, ce qui nuit aux capacités d’investissement, met en péril des dizaines de milliers d’emplois en Europe et fait courir un risque en ce qui concerne la sécurité d’approvisionnement. Les électro-intensifs sont également touchés.
Dans la préparation du quatrième paquet énergie-climat, la Commission européenne fait plusieurs propositions pour surmonter cette crise. En étant un peu directe, je dirais que ces propositions donnent plus de place au marché et à l’interconnexion et réduisent la compétence des États membres, notamment en ce qui concerne leur choix du mix énergétique. D’autres pistes pourraient être explorées. Que pensez-vous de la nécessité d’introduire une nouvelle dimension capacitaire à la rémunération de l’énergie ? Quel est, selon vous, l’avenir du marché de l’effacement industriel ou diffus, qui peut aussi représenter une vraie capacité ?
Concernant la volonté de la Commission européenne d’accélérer la construction des projets d’interconnexion, le Conseil européen avait établi en 2014 un objectif de capacités d’échange au moins égal à 10 % pour chaque État membre. Aujourd’hui, estimant que ce taux est insuffisant, la Commission propose de le relever à 15 %. Est-ce vraiment nécessaire ? En a-t-on évalué le vrai bénéfice pour la collectivité ? Une plus grande coopération – déjà très étroite – entre les gestionnaires de réseau ne serait-elle pas suffisante ?
Pour finir, comme beaucoup ici, j’insisterais sur la nécessité d’instaurer un prix du carbone à un niveau suffisant, dans le cadre de mécanismes qui assurent une réelle visibilité aux investisseurs dans l’ensemble de l’Europe.
Mme Michèle Bonneton. Comment assurer une capacité suffisante ? S’il s’agit d’un problème plutôt français, comme l’a dit l’un des intervenants, peut-être l’interconnexion avec les autres pays peut-elle aider à le résoudre ? Comment disposer au niveau européen d’une capacité suffisante pour faire face aux besoins de base mais aussi à la demande de pointe qui pose un problème en France. Il faut aussi pouvoir faire face à l’intermittence due aux énergies renouvelables.
Selon l’un des intervenants, il serait nécessaire de reconnecter ces énergies, dont le développement est fondamental pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, au marché. Est-ce que cela signifie qu’il faut supprimer les aides au développement dont bénéficient ces énergies ? Comment combiner les deux : aides et présence de ces énergies sur le marché comme les autres sources d’énergie ?
Compte tenu des prix de gros de l’électricité, les investissements lourds ne seraient plus envisageables. Dans ce cas, que va devenir la recherche, en particulier celle qui porte sur le stockage nécessaire pour les énergies renouvelables – nouvelles batteries, stockage de l’hydrogène ?
M. Jean-Pierre Vigier. Ma question, basique et importante, rejoint celle de Gilles Savary et elle est liée à la transition énergétique – baisse de la part du nucléaire et développement des énergies renouvelables, notamment du photovoltaïque et de l’éolien. Quelles sont, à votre avis, les perspectives d’évolution réelle du prix de vente de l’énergie électrique au consommateur, hors subventions, en tenant compte des coûts d’entretien et des investissements réalisés ?
M. Philippe Plisson. Merci d’avoir organisé cette table ronde concernant un enjeu déterminant pour les citoyens et l’Europe. J’entends évoquer les objectifs dictés par la loi du marché et le coût de l’énergie mais, contrairement à mes collègues d’en face, dans ce contexte fixé par la COP 21, je privilégie la sécurité et la vertu environnementale de l’énergie produite.
Les préconisations formulées par la Commission européenne dans son rapport sur l’état de l’Union de l’énergie ont-elles été mises en œuvre en 2016 ? Si oui, quels résultats ont-elles donné ?
Quelle est la part des énergies renouvelables dans la production globale d’énergie au niveau européen ? Quel est l’impact financier de ces énergies en 2015 et 2016 ?
Dans le cadre des interconnexions, existe-t-il des dispositions pour éviter, à terme, que l’électricité issue d’énergies fossiles – et pourquoi pas un jour de gaz de schiste ? – soit distribuée en France, en contradiction avec nos engagements nationaux ?
M. Jacques Alain Bénisti. L’énergie est chère et, d’après ce que nous avons entendu, elle va le devenir de plus en plus. La place des énergies renouvelables reste, aux yeux de certains membres de la commission du développement durable notamment, la solution la plus crédible pour pallier cette hausse de coût. L’Union européenne doit trouver sa place afin de remédier à cette incapacité à freiner l’envolée tarifaire constatée au cours des dernières années.
Malheureusement, le consommateur lambda ne perçoit guère les avantages des énergies renouvelables, les investissements restant trop onéreux et surtout amortissables sur une trop longue durée. Il se demande pourquoi la baisse importante des cours du pétrole ne se répercute pas à due proportion sur le coût de l’énergie. Il ne comprend pas le manque de projets d’envergure en matière d’interconnexions transfrontalières ou régionales. Il ne comprend pas non plus l’éternel message des principaux opérateurs qui ne cessent de répéter que le prix du mégawatt doit passer de 25 à 50 euros pour qu’ils puissent investir dans la réduction des coûts, alors qu’aux États-Unis le mégawatt coûte l’équivalent de 8,40 euros.
Nous pensions être rassurés en venant aujourd’hui à cette table ronde. Malheureusement, vous n’apportez que très peu de réponses aux préoccupations légitimes des administrés que nous rencontrons quotidiennement. Quand pensez-vous parvenir à un véritable accord européen qui permettra d’instaurer une vraie politique cohérente et coordonnée du marché de l’énergie sur notre continent ?
M. Jean-Louis Bricout. Je remercie tous les invités pour la qualité de leur intervention. Les éléments de contexte qui bouleversent le marché européen ont largement été rappelés. Pour des raisons écologiques et climatiques, le Bundestag a adopté, fin juin, une loi relative au développement du marché de l’électricité, qui comprend la mise en veilleuse de 13 % des centrales au lignite. Comment analysez-vous ces évolutions dans un contexte d’interdépendance énergétique ? Plusieurs pistes ont été avancées. On a parlé de l’interconnexion, de l’effacement, du prix du CO2. En attendant, comment les prix de l’énergie et la fiscalité pourraient-ils affecter le pouvoir d’achat de nos concitoyens ?
Quelle est l’évolution des moyens consacrés à la recherche et au développement ? Quelles sont les avancées constatées en matière de stockage de l’électricité ?
M. Julien Dive. Le marché européen de l’électricité dépend de son infrastructure. Le petit maire rural que je suis voudrait vous parler des énergies renouvelables, et plus particulièrement du déploiement des éoliennes dans le monde rural en France.
Au cours des années 2010, les zones de développement de l’éolien terrestre (ZDET) ont été créées pour permettre aux élus de favoriser l’implantation d’éoliennes dans certains territoires afin d’appliquer le rachat d’énergie produite par EDF. Avec la suppression de ces zones par la loi de 2013, on a souhaité s’inscrire en cohérence avec les objectifs européens sur l’énergie et le climat. Cependant, sur le terrain, cette suppression a conduit à une relative anarchie en France, notamment en Picardie où les maires et les conseillers municipaux n’ont pas été consultés et ont assisté, impuissants, au déploiement sporadique d’éoliennes. Alors qu’il devrait y avoir consensus sur le développement des énergies renouvelables, on se retrouve parfois avec un casus belli, comme dans le Vermandois, près de Saint-Quentin, où les habitants se sont constitués en association pour refuser l’installation d’éoliennes. Le problème n’est pas vraiment l’éolien, un type d’énergie renouvelable vital pour la France ; le souci, c’est l’installation parfois non concertée des éoliennes, qui ne tient plus compte des demandes des territoires et des populations.
D’où mes deux questions. Comment le diagnostic préalable à l’installation d’éoliennes chez nos voisins européens est-il réalisé ? Est-il envisageable d’instaurer une uniformisation européenne pour la prise de décision du développement éolien sur nos territoires ruraux ?
M. Christophe Bouillon, vice-président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Dans le cadre des négociations en cours sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (Transatlantic Trade and Investment Partnership – TTIP), qu’en est-il du volet énergétique ? En quoi ce volet énergétique pourrait-il avoir des conséquences sur l’émergence du marché européen dont nous venons de souligner les enjeux ? De quelles marges de manœuvre disposons-nous pour essayer d’orienter ces négociations vers une préservation des approvisionnements et la prise en compte de nos exigences en matière de production d’énergies renouvelables ?
La Présidente Danielle Auroi. Je vais compléter la question de Christophe Bouillon : la question se pose de la même façon pour l’accord en cours de négociation avec le Canada, le Comprehensive economic and trade agreement (CETA). Dans ce qui nous arrive du Canada, il y a déjà du pétrole de schiste. EDF devrait pouvoir nous le confirmer.
Ma deuxième question s’adresse à François Brottes qui nous a dit, assez justement me semble-t-il, que nous traversions une période de turbulences. Pourrait-il développer un peu son point de vue à ce propos ?
Mme Amaryllis Verhoeven. Merci à tous pour ces questions tout à fait pertinentes. Si je ne peux répondre à toutes, par manque de temps ou parce que certaines d’entre elles sont assez techniques, je vous enverrai une réponse écrite. Avec mon collègue de la représentation permanente, qui est présent ici, nous avons bien noté les questions de chacun et nous prendrons vos coordonnées pour répondre à celles qui seront restées en suspens.
Une question concerne les procédures d’infraction aux transpositions. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, la mise en œuvre reste un souci. La Commission européenne, qui assure un suivi de tous les États membres sans exception, a engagé plusieurs procédures, à différents niveaux, afin de faire en sorte que la transposition correcte devienne une réalité partout en Europe. Ce n’est pas parce que nous sommes en train de préparer un nouveau paquet qu’on oublie le paquet existant, cela va de soi.
Quelles sont les perspectives des liaisons transfrontalières ? Le taux de 15 % de la capacité installée comme objectif d’interconnexion des États membres est-il bien nécessaire ? Oui, nous le croyons. Si ce taux vaut pour toute l’Europe, il faut cependant s’interroger sur les liaisons transfrontalières dont l’Europe ou les régions concernées ont le plus besoin. Nous menons une réflexion interne qui va aboutir à une communication. Où l’Europe doit-elle investir ? Dans quels réseaux de connexion y a-t-il le plus de besoins ? Quels critères doit-on utiliser ? Telles sont les questions que nous nous posons, car il faut évidemment que les investissements aient un sens. Dans le contexte de la norme 15 %, nous faisons toujours une analyse pour déterminer le projet à soutenir par nos moyens.
Une autre question est liée au couplage de marchés, qui a beaucoup aidé à réaliser les flux transfrontaliers et donc le marché intérieur de l’énergie. Quid de la coordination entre les opérateurs de réseaux ? C’est évidemment un chantier important pour nous. Certaines initiatives de coordination régionale en faveur de la sécurité, telles que Coreso, ont été évoquées par M. Brottes. Nous voulons soutenir ces initiatives qui vont dans le bon sens, et donner un cadre pour faciliter une meilleure coordination partout en Europe. La coopération ne doit pas s’arrêter aux opérateurs, il faut aussi que les États membres s’engagent, que les cadres juridiques nationaux se rapprochent, que les ministères et les administrations concernés coopèrent, notamment en situation de crise. Nous travaillons sur ce cadre élargi, afin que cette coopération, dont nous avons tous absolument besoin, devienne réalité.
Cela m’amène à une autre question : il est nécessaire de se faire mutuellement confiance en Europe, dans le domaine de l’énergie comme dans d’autres, mais dans le respect de la souveraineté nationale des États. C’est la tension de base qui existe dans le projet européen : comment gérer notre interdépendance sans perdre de vue que la souveraineté nationale existe et doit être respectée ? Personnellement, je n’y vois pas de contradiction. Dans une coopération, plusieurs parties se mettent autour de la table pour parvenir à des accords. Il s’agit, non pas de transférer ailleurs sa souveraineté nationale, mais de mieux l’exercer pour gérer l’interdépendance qui est une réalité dans le monde de l’énergie comme dans d’autres. Cette réponse est un peu philosophique, mais c’est le cœur de nos projets de coopération. Coopérer signifie que nous prenons la responsabilité ensemble et que nous décidons d’un commun accord. C’est très important dans le domaine de l’électricité, et c’est pourquoi nous voulons promouvoir la coordination pour tous les acteurs.
Faut-il toujours agir à vingt-sept ou dans un groupe plus restreint d’États ? J’espère que le paquet législatif sera approuvé au niveau européen par le plus grand nombre d’États membres. Cela étant, en parlant d’initiatives de coopération concrètes, nous voulons signifier que les régions – c’est-à-dire les pays dont l’interdépendance est la plus tangible – ont un rôle très important à jouer. Même si nous envisageons les solutions dans un cadre commun européen, certaines seront réalisées sur un plan régional.
Venons-en aux énergies renouvelables. Leur intégration dans le marché va-t-elle de pair avec une suppression définitive des subventions ? Cela m’apparaît un peu cru. On ne peut pas exclure le besoin de subventions, mais il faut exploiter à fond les possibilités données par le marché. Pour nous, l’intégration véritable des énergies renouvelables dans le marché, par l’utilisation des mécanismes de ce dernier, est prioritaire. Si un besoin de subventions subsiste, il faut l’organiser de la façon la plus efficace possible, en tenant compte de la réalité transfrontalière.
Mme Hélène Gassin. Commençons par un point factuel sur l’articulation entre les prix des marchés de gros et de détail. Je ne peux pas parler au nom de tous les pays européens parce que les structures de prix de détail sont différentes mais, en France, l’équation est relativement simple : le prix de l’électricité sur le marché de gros ne représente que le tiers de la facture d’un consommateur domestique moyen. Pour plagier Marcel Pagnol et son picon, je dirais que sa facture comporte un gros tiers d’énergie, un gros tiers de réseau – le TURPE et ses équivalents européens – et un dernier gros tiers représentant l’ensemble des taxes, dont la CSPE qui couvre les énergies renouvelables, la péréquation tarifaire, les tarifs sociaux. Au fil des réformes, ces éléments changent. Dans les taxes, il y a aussi la TVA qui s’applique y compris à la CSPE – une taxe qui est taxée à 20 %. Le prix de l’énergie au sens strict représente donc environ un tiers du total, d’où cette déconnexion entre les prix de gros et de détail. Il faut donc diviser par trois l’impact de la volatilité du prix de gros, quand elle existe, sur la facture.
François Brottes va sûrement revenir sur les interconnexions. Pour ma part, je vais me contenter de vous signaler la publication du rapport sur les interconnexions françaises en électricité et en gaz, publié par la Commission de régulation de l’énergie. Vous y trouverez toutes les informations : l’évolution au cours des dernières années, l’état des lieux du couplage de marché, ceux des capacités disponibles et des projets, etc.
En ce qui concerne les signaux d’investissement, je rappelle que les cotations des prix des marchés de gros ne sont pas conçues pour le pilotage de la politique énergétique ; ce sont des outils d’optimisation de court terme. Cela signifie que ces cotations reflètent des fondamentaux : le prix des énergies – fossiles notamment –, le prix du carbone, les impacts des politiques énergétiques. Les possibles incohérences dans le design du marché sont peut-être le reflet d’incohérences plus structurelles des politiques qui ont été mises en œuvre et sur lesquelles les régulateurs n’ont pas à avoir d’opinion. En l’occurrence, le prix de marché est le reflet de certaines choses ; il ne faudrait pas penser qu’il est le seul outil de pilotage, y compris dans les politiques d’investissement. Un investisseur s’intéresse au prix de marché mais aussi au reste, qui inclut les schémas de long terme – ou les schémas décennaux, ce qui n’est pas vraiment du long terme en matière d’électricité – publiés au niveau européen. La décision d’investir ou non intègre donc divers éléments.
Sur les marchés, il y a une articulation entre le court et le long terme. Pour la sécurité d’approvisionnement, il y a une articulation entre celle qui est assurée en temps réel par RTE et ses camarades et celle qui est assurée à long terme par l’adéquation des capacités de production à la demande. Il existe des outils européens différents pour traiter l’une ou l’autre question.
Autre potentiel sujet d’adéquation que nous n’avons pas du tout abordé : l’articulation entre des productions décentralisées et un pilotage de plus en plus centralisé. Nous pourrions rencontrer un problème d’optimisation, selon les objectifs poursuivis. La demande a toujours été diffuse et la production tend à le devenir de plus en plus. Comment gérer un système qui est différent, y compris dans ses lieux de production et de consommation, et donc potentiellement de décision ? La question sera au cœur des débats dans quelques années.
M. François Brottes. L’une des questions de M. Philippe Plisson portait sur la part que représentent les énergies renouvelables dans la production d’énergie à l’échelle européenne. Dans le réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité (European network of transmission system operators for electricity – ENTSO-E), qui dépasse le cadre de l’Union européenne, les énergies renouvelables, y compris l’hydraulique, représentent 33 %. L’éolien représente 8 % à l’échelle européenne, ce qui n’est pas mal.
Gilles Savary l’aura bien compris : le consommateur ne se rend pas compte de la baisse des prix de gros parce qu’il paie de lourdes taxes. La fourniture d’énergie ne représente que 37 % de la facture, rappelons-le. On peut imaginer que si, grâce à une maturité nouvelle, on en vient à réduire les taxes en contrepartie d’une hausse des prix à la production, l’opération sera indolore pour le consommateur. Il faut tendre à cela pour responsabiliser davantage les acteurs du marché. Après une phase de lancement, les énergies arrivent à maturité industrielle. On voit bien que les appels d’offres concernant l’éolien offshore sont à 200 euros le mégawattheure en France mais plutôt à 70 euros dans d’autres pays. Les choses commencent à évoluer. Ne prenez pas peur, monsieur Bal, il ne s’agit pas de supprimer les subventions mais il faut responsabiliser tout le monde, y compris les acteurs du secteur des énergies renouvelables.
Dans cet univers international, je vais vous livrer une donnée significative : sans interconnexions, le risque de défaillance annuel en France serait de trente heures ; grâce aux cinquante interconnexions, il n’est que de deux heures. Nous avons gagné cela. Il faut garder en tête cet élément : les interconnexions nous permettent d’avoir une forme de sérénité quelles que soient les agitations.
Il faut veiller à ce que le métier que font les transporteurs de réseau soit bien perçu. Nous gérons le réseau, électron par électron, seconde après seconde. Cela nécessite des équilibres de fréquence et de tension : il faut des réflexes très rapides parce que ça se joue en quatre ou cinq secondes. Dans la tranche de trente minutes, nous avons les réserves rapides. Dans les deux heures qui précèdent l’action, nous avons un mécanisme d’ajustement. Le marché spot se déroule plutôt dans les vingt-quatre heures précédentes. Avec l’Europe, nous réfléchissons aussi au marché de capacités. J’espère que les nouvelles seront bonnes et que cette option sera retenue plutôt que la réserve, car cela permettrait de responsabiliser les opérateurs quatre ans à l’avance. Autant dire que les joueurs peuvent se positionner à divers endroits. Il faut certes de la coordination, mais si celle-ci est trop coercitive et normative à l’échelle européenne, elle empêchera les opérateurs nationaux d’avoir une gestion fine du temps réel.
J’en viens ainsi à la question de Mme la présidente sur les turbulences. La production est de plus en plus décentralisée, ce qui est heureux puisque ce foisonnement favorise la limitation de l’intermittence. Pour autant, on aura toujours besoin du réseau : il assure en cas de manque et il permet à l’opérateur d’un parc d’éoliennes offshore ou de panneaux photovoltaïques d’écouler ses électrons sur un marché plus large que son village. Cette évolution inéluctable est un élément de la turbulence qui amène les réseaux de transport à vivre un peu moins de transit sur le réseau, d’où le débat que nous avons avec notre régulateur pour être rémunéré à la puissance disponible plutôt qu’au transit.
Nous subissons des injonctions contradictoires. Les États signent des accords aux termes desquels ils s’engagent à réaliser un certain nombre d’interconnexions entre eux. La Commission européenne – et notamment Dominique Ristori, votre directeur – me convoque régulièrement pour me demander où j’en suis dans le domaine des interconnexions à faire avec les Espagnols. À la fin du mois de juillet, je vais signer une étude sur une interconnexion France-Irlande au moyen de 550 kilomètres de câbles sous-marins. C’est un projet qui pourrait apporter de la sécurité à l’île et nous permettre de bien acheminer de l’énergie éolienne offshore.
Quel est le rapport coût/bénéfice de ces interconnexions ? Celles-ci sont supposées représenter 10 % ou 15 % de la production d’un pays. C’est un peu contre-intuitif. Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’il fallait plus d’interconnexions dans les pays en manque de production que dans les pays en surproduction. Or, la Commission européenne a fait un peu l’inverse et nous devons en débattre. Trop d’interconnexion tue l’interconnexion. La vie d’une interconnexion est pertinente, y compris sur le plan financier, quand il y a de la congestion sur le réseau. Si on libère complètement les flux, les prix s’écroulent aux interconnexions. Nous assisterons alors au même phénomène que sur le marché : si les prix s’écroulent, on ne trouvera plus les moyens de financer les interconnexions. Or elles coûtent cher ! Dites à M. Miguel Arias Cañete, le commissaire au climat et l’énergie, que l’interconnexion avec l’Espagne, qui passe par le golfe de Gascogne, va coûter entre 1,4 à 1,9 milliard d’euros. Ce ne sont pas des broutilles...
Nous subissons une autre injonction contradictoire. Il y a quelques jours, le régulateur a commis un rapport où il écrit qu’il ne voit pas pourquoi le consommateur français viendrait financer, via le TURPE, des interconnexions qui ne présentent pas un bon rapport coût/bénéfice. Je vous invite à lire ce rapport et à le transmettre à la Commission européenne.
Nous sommes au milieu de bonnes volontés et d’entités diverses qui nous demandent des choses différentes. C’est un élément de turbulence parmi d’autres, comme la tendance durable à la stagnation de la consommation et à « l’ubérisation » – si vous me permettez le terme – du marché de l’électricité. De plus en plus d’acteurs vont être des multijoueurs mondiaux pour diverses raisons, comme le pilotage par internet de la consommation et le stockage d’énergie sur batteries. Certains d’entre eux vont, petit à petit, se dégager partiellement de la contrainte des réseaux de distribution et de transport. Quand on joue à l’échelle mondiale, on trouve les moyens de revisiter toutes les pratiques utilisées sur le plan national. On n’en peut mais.
Les opérateurs de transport et de distribution doivent être en alerte concernant ces éléments qui créent la turbulence. Pour notre part, nous devons coupler complètement le réseau électrique et un réseau numérique, afin de connaître en permanence ce qui se passe, de pouvoir anticiper, d’utiliser ponctuellement des moyens de stockage, etc. Nous parlons désormais de lignes virtuelles. Plutôt que de construire une nouvelle infrastructure, il s’agit d’avoir un dispositif qui, pendant trois ou quatre heures, permettra de stocker un peu, le temps de faire une réparation sur une ligne consignée afin de maintenir la qualité du service.
Au passage, j’en profite pour demander à tous les élus présents, qui appellent de leurs vœux plus d’interconnexions, d’accompagner la réalisation de ces infrastructures. Pour les opérateurs, réaliser ces infrastructures est un métier très difficile, croyez-moi !
M. Marc Bussieras. Pour ma part, je voudrais revenir sur la compétitivité. Les ressources énergétiques américaines peu chères sont constamment réévaluées à la hausse et annoncées pour des décennies, alors que les réserves fossiles européennes s’épuisent. La trajectoire de compétitivité est donc divergente, ce qui pose aussi la question de la sécurité d’approvisionnement. Selon les projections à vingt ans, les États-Unis seront autonomes en pétrole et en gaz, alors que l’Europe sera quasiment totalement dépendante.
L’électricité joue un rôle particulier. Contrairement à Marc Jedliczka, qui nous pardonnera ce désaccord, nous avons la conviction que la transition énergétique passe par plus d’électricité, tout en étant fondée sur une plus grande efficacité énergétique. L’électricité ne représente pas plus de 22 % à 23 % de la consommation d’énergie finale. Plus d’électricité, cela signifie plus de véhicules électriques, de pompes à chaleur, etc. Ces usages basculent des énergies fossiles à l’électricité, à condition que cette dernière soit décarbonée. C’est l’un des points clefs des tensions énergétiques qui, dans nos visions à moyen et long terme, sont articulées sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et le nucléaire.
Cette question de maîtrise des coûts et de la compétitivité de l’électricité est absolument essentielle pour le consommateur. Au-delà des débats sur les politiques publiques qu’il faut déployer, il me semble que deux critères doivent dominer les évaluations des instruments et des intentions : la facture globale pour le consommateur et les émissions de CO2. Dans la facture globale, il faut tenir compte de tous les éléments et notamment de la maîtrise et de la flexibilité de la demande. Les mécanismes de marché et un prix du CO2 suffisant donnent plus de place au consommateur pour prendre la main sur sa facture et l’ajuster à la baisse. Le critère des émissions de CO2 renvoie à l’atout de l’électricité décarbonée. À cet égard, la situation de la France est assez remarquable : l’an dernier, nos émissions de CO2 étaient de 15 millions de tonnes pour ce secteur alors que les émissions de l’Allemagne s’élevaient à 300 millions de tonnes. La facture des consommateurs était aussi plus que raisonnable, comparée à la moyenne européenne.
M. Jean-Pierre Roncato. M. Jean Bizet a demandé quel couplage on peut imaginer entre le parc de production européen existant et le développement d’une politique industrielle.
Sur notre marché, qui est mature, certains parcs de production sont amortis et d’autres le seront bientôt. Le nucléaire et l’hydraulique sont amortis et certains parcs éoliens commencent à sortir des tarifs garantis. Vu les efforts consentis pour le développement de ces investissements, il est important de continuer à les utiliser une fois qu’ils ont été amortis. Des industriels, qui seraient prêts à s’engager à long terme à payer un prix raisonnable et compétitif, ne pourraient-ils pas être un outil permettant d’assurer une visibilité utile aux deux parties ? Ces contrats à long terme donneraient de la visibilité aux industriels tout en permettant de prolonger la durée de ces investissements.
Il y a des exemples. Lors de la signature en 2006 du contrat Excelsium, d’une durée de vingt-cinq ans, les industriels ont accepté d’investir 2 milliards d’euros. Il est possible aussi d’envisager des co-investissements, prévus dans la loi « NOME » (nouvelle organisation du marché de l’électricité) qui évoquait notamment le nucléaire, l’hydraulique et l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique.
M. Jean-Louis Bal. Suite à l’intervention de Jean-Pierre Roncato, je voudrais rappeler qu’il faut parfois investir pour prolonger la durée de vie d’équipements dits amortis, ce qui représente un coût. Cela dit, les premiers parcs éoliens qui sont sortis de l’obligation d’achat ainsi que de multiples installations de petit hydraulique vendent désormais sur le marché sans aucun soutien.
Il y a eu beaucoup de commentaires sur les énergies renouvelables qui seraient notamment responsables de l’effondrement du marché de l’électricité européen. Je voudrais m’inscrire en faux contre une telle assertion. Rappelons que le développement des énergies renouvelables a été annoncé, dès 1999, dans la première directive sur l’électricité renouvelable. En 2007, le paquet énergie-climat tendait à faire passer la part des énergies renouvelables à 20 % du mix énergétique européen. Le pourcentage est désormais fixé à 27 %, un objectif qui n’est peut-être pas très ambitieux mais qui représente quand même un effort considérable.
Nombre de compagnies d’électricité européennes n’ont pas pris ces projections au sérieux, d’où un défaut d’anticipation. La crise économique de 2008, qui était imprévisible, a provoqué une stagnation de la consommation. Néanmoins, cela n’a pas empêché certains grands acteurs européens du secteur de l’énergie d’investir dans des moyens de production d’énergie carbonée alors que nous avions des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de développement des énergies renouvelables. Accuser les énergies renouvelables me semble un peu exagéré.
Il est vrai que ces énergies renouvelables doivent aujourd’hui entrer dans le marché, du moins quand elles sont produites par les plus grandes installations ; il ne s’agit pas de demander aux particuliers de s’adapter au marché de gros de l’électricité. Pour les grandes installations, nous sommes favorables à une intégration au marché qui s’accompagne d’un complément de rémunération, comme cela a été prévu en France dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Nous pensons qu’il faudra maintenir ces compléments de rémunération, à des niveaux qui vont forcément évoluer, au moins jusqu’en 2030 ou, en tout cas, jusqu’à ce que l’on ait une vision de long terme des conditions de marché, notamment en matière de CO2. Sur ce point, je pense que nous sommes en phase avec beaucoup d’administrations et d’organisations professionnelles en Europe.
Il a été fait mention d’un déploiement anarchique des éoliennes, sans consultation des maires. Si les maires ne sont pas consultés, c’est que des administrations ne respectent pas la loi : la consultation est obligatoire à la fois pour la délivrance du permis de construire, l’autorisation d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et la création des schémas régionaux éoliens (SRE). Si cette information est fondée, il faut faire un procès à l’administration.
Venons-en au stockage. Les équipements de production ne constituent plus la priorité des politiques de recherche et développement en matière d’énergies renouvelables, même s’il faut, bien sûr, continuer à améliorer le rendement des panneaux photovoltaïques, des turbines d’éolienne, etc. Les priorités actuelles sont le stockage de l’énergie, en allant jusqu’au power to gas, et les réseaux intelligents permettant de gérer les consommations. Où en est-on ? Le stockage le plus performant sur les plans technique et économique reste, dans le domaine de l’hydraulique, les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Cependant, des progrès spectaculaires ont été réalisés au cours des dernières années en matière de batteries. Il faudra rapidement s’interroger sur le niveau le plus pertinent de stockage. Faut-il du stockage chez tous les consommateurs ? Faut-il qu’il soit régionalisé ? C’est une vraie question.
M. Jean-Arnold Vinois. Au cours des interventions, il a été question de la confiance mutuelle qui est nécessaire si nous voulons approfondir l’intégration européenne et améliorer la sécurité d’approvisionnement. Il existe un obstacle majeur au déploiement de cette confiance mutuelle : nombre d’États membres n’ont pas de stratégie énergétique à moyen et long terme. La Belgique, par exemple, fait du stop and go sur le nucléaire et ne donne absolument aucune visibilité aux investissements. Beaucoup de pays européens sont dans ce cas. Si l’on veut essayer de faire converger les systèmes et optimiser les ressources, il est essentiel de résoudre ce problème dans le cadre d’une amélioration de la gouvernance au plan européen.
Les énergies renouvelables sont souvent critiquées. Pour m’être beaucoup occupé de la sécurité d’approvisionnement en gaz, je puis vous dire que les subventions accordées aux énergies renouvelables ont permis notamment de réduire considérablement la consommation et les importations de gaz. L’économiste en chef de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) m’a indiqué que, pour 80 milliards d’euros de subventions aux énergies renouvelables, nous avions une réduction d’autant de la facture gazière annuelle. En termes d’indépendance énergétique de l’Union, nous avons ainsi favorisé des ressources domestiques au détriment de ressources importées. C’est un élément extrêmement important à considérer dans la politique générale.
S’agissant de l’acceptation publique des énergies renouvelables, un règlement de l’Union européenne de 2013 essaie de promouvoir les bonnes pratiques en matière de consultation des populations pour des projets d’infrastructures énergétiques. Il y a de bonnes pratiques : au Danemark, la plupart des investissements en éolien se font à travers des communautés ; les gens constatent un bénéfice immédiat en électricité, et ils sont à la fois investisseurs et consommateurs.
Quant au système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE), dit « ETS », il n’est pas une grande réussite. La tonne de CO2 est à 5 euros alors qu’on attendait un prix de 30 euros en 2009. Le problème est collectif : tout le monde est coupable d’avoir largement distribué des allocations libres. La réforme en cours vise à faire baisser le nombre de ces permis de polluer gratuits. La Suède a décidé de racheter des permis de polluer pour un montant de 700 millions d’euros, afin de soutenir le prix du CO2. On peut discuter des mérites respectifs d’un mécanisme de marché comme celui du SCEQE ou d’une taxe carbone. Sur le plan européen, soyons clairs, il n’y aura jamais l’unanimité des États membres, nécessaire pour imposer une taxe carbone.
Tout le monde veut exclure le charbon mais ce sont les banquiers qui sont en train de s’imposer dans cette affaire. La Banque européenne d’investissement indique ainsi qu’elle ne financera plus les projets qui dégagent plus de 650 grammes de CO2 par kilowattheure produit. Dans ces conditions, aucune centrale à charbon ne pourra être financée. En France, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) suit. La Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) va-t-elle faire de même en Allemagne ? C’est la grande question. Quoi qu’il en soit, on est quand même sur une voie de verdissement et de complément au SCEQE. Cela ne soutiendra pas le prix du CO2 mais c’est une autre approche.
M. Marc Jedliczka. Le prix du carbone est à mettre en relation avec la baisse des prix de l’électricité sur le marché puisque c’est ce qui permet au charbon ou au gaz de schiste américains d’être compétitifs. Les phénomènes n’ont rien à voir avec les énergies renouvelables, comme l’a dit Jean-Louis Bal.
En ce qui concerne le mécanisme de capacité, j’ai voulu dire qu’il s’agit d’un problème franco-français dû à notre important problème de pointe de consommation électrique. Aux députés qui ont refusé de voter en faveur de l’obligation de rénovation des logements, j’indique que ce serait pourtant la solution la plus intelligente, à tout point de vue, pour résoudre le problème. Il ne suffit pas de gérer la pointe de consommation électrique de 100 gigawattheures du mois de février, bien connue de RTE, il s’agit de la réduire. Pour ce faire, la meilleure solution consiste à transformer les passoires énergétiques en logements bien isolés, bien chauffés, dotés de systèmes électriques efficaces et éventuellement de pompes à chaleur.
À Marc Bussieras, je répondrais que la part de l’électricité va bien augmenter dans la consommation totale de la France, mais elle ne va pas croître en valeur absolue. Comme le constate RTE, le confort augmente et, avec lui, le nombre d’objets électriques que nous utilisons. Pour autant, la consommation en kilowattheure, en mégawattheure ou en gigawattheure a tendance à stagner, voire à baisser. C’est une très bonne nouvelle, sauf pour les gens incités à vendre du kilowattheure par leur modèle économique. Ils vont devoir s’adapter au nouveau monde, d’une manière ou d’une autre.
Un élément n’a pas été cité : la connexion des marchés au niveau thématique, je veux parler de tous les ajustements rapidement évoqués par François Brottes. À moyen et long terme, des opérations comme le réglage de la fréquence ne seront plus opérées par quelques grandes installations – machines tournantes, gros alternateurs de centrales nucléaires ou thermiques –, mais elles seront régies par des milliers, voire des dizaines de milliers d’éoliennes ou de parcs photovoltaïques. La recherche appliquée s’intéresse à ces sujets, et les technologies sont déjà comprises et disponibles. Comme l’a dit François Brottes, la sécurité d’approvisionnement sera assurée grâce à la numérisation qui permettra au réseau de dialoguer avec ces milliers ou dizaines de milliers de machines.
François Brottes a aussi parlé de « l’ubérisation » que je perçois comme un risque et un danger, mais une autre évolution me paraît beaucoup plus intéressante : la relocalisation. Comme l’a dit Hélène Gassin, la consommation a toujours été diffuse et la production va le devenir de plus en plus. Le phénomène se produit dans des territoires où se trouvent des collectivités locales, des opérateurs économiques, des agriculteurs, des habitants. Ces gens-là, qui ne sont que consommateurs d’électricité, vont devenir aussi producteurs. Ces systèmes impliquent des ajustements sur le plan technique, mais ils sont solides en termes de durabilité – dans le temps et sous l’aspect environnemental.
« L’ubérisation », la blockchain et autres ne permettront pas au système électrique de fonctionner correctement ; ils vont le fragiliser. Que ce soit pour la production ou le stockage, mieux vaut compter sur une échelle locale. À notre avis, il ne faut pas installer des batteries chez M. Tout le monde, ni construire d’immenses systèmes de stockage au seul niveau du réseau de transport. Il faut réfléchir à des échelles locales, régionales, cantonales. Que ce soit en ville ou dans le monde rural, nous devons envisager des échelles collectives, à taille humaine et cohérentes avec les échelles de production que les technologies actuelles nous permettent d’imaginer.
Revenons sur les subventions aux énergies renouvelables, dont il est tant question. Qui mentionne les subventions accordées aux énergies fossiles et nucléaires ? Avez-vous une idée du nombre de dizaines ou de centaines de milliards d’euros dont ces industries ont bénéficié dans le passé ? Le dernier arrivant essuie cette critique à longueur de temps mais je pense qu’il faudrait faire la vérité des prix en remontant dans l’histoire.
Le pétrole est encore subventionné et, du reste, l’absence de taxation du CO2 est une forme de subvention déguisée qui devrait cesser. Le nucléaire aussi a des avantages : il n’est pas assuré à hauteur des risques qu’il engendre pour l’ensemble de la société ; sa R&D a été financée par les impôts et non par le kilowattheure électrique. Il serait d’autant plus malvenu de leur opposer cet argument des subventions, que les énergies renouvelables ont fait des progrès techniques et industriels absolument remarquables : elles étaient réservées à la conquête spatiale et sont devenues des produits compétitifs en quelques dizaines d’années à peine.
Dans les appels d’offres de Dubaï – certes, ce n’est pas chez nous et il y a beaucoup de soleil là-bas –, le prix du kilowattheure est de 3 centimes pour les grandes centrales au sol. Il n’y a pas si longtemps, moi qui suis dans le photovoltaïque depuis trente ans, je n’imaginais pas que cela arriverait avant 2050. Il faut relativiser cette question de subventions. Au moins jusqu’en 2030, il faut garantir aux producteurs un revenu correct pour qu’ils puissent investir. Ce ne sont pas les énergies renouvelables qui doivent s’adapter au marché, c’est le marché qu’il faut reconstruire pour que les énergies renouvelables puissent se développer correctement. Il faut respecter bien d’autres conditions que les règles du marché pour inscrire les politiques énergétiques, et les politiques électriques en particulier, dans une perspective de long terme.
La Présidente Danielle Auroi. Nous n’avons pas épuisé le sujet et nous y reviendrons. Il était très utile de travailler sur cette question transversale. Si je puis me permettre une petite remarque : le jour où l’Europe parviendra à imiter le Chili qui distribue désormais gratuitement son électricité grâce à l’énergie solaire, elle aura fait plus que d’énormes progrès. Merci à tous pour la qualité de vos interventions.
La table ronde s’achève à dix-sept heures quinze.
La Présidente Danielle Auroi. Mes chers collègues, nous allons poursuivre nos travaux avec l’examen du rapport d’information de nos collègues Bernard Deflesselles et Joaquim Pueyo sur la politique spatiale européenne.
M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Nous avions commencé notre communication en novembre 2014, à la veille d’une échéance décisive sur le programme de lanceurs européens Ariane et Vega, en insistant sur l’importance des choix à opérer dans la politique spatiale européenne compte tenu des nouvelles réalités internationales et du déséquilibre entre la mise en place et l’utilisation des infrastructures spatiales.
Ces propos conservent toute leur pertinence plus d’an an et demi après, alors que 2016 constitue une année cruciale pour l’Europe spatiale, avec la conjonction en fin d’année de plusieurs rendez-vous d’importance et la perspective d’adoption de documents structurants : la communication de la Commission européenne sur « Une stratégie spatiale pour l’Europe », qui fait l’objet d’une consultation publique dans laquelle s’inscrivent nos propositions de conclusions, la définition de la stratégie globale de sécurité et d’un plan d’action européen en matière de défense, qui prendra en compte les capacités de synergie offertes par l’Europe spatiale, l’engagement de la revue à mi-parcours du cadre financier 2014-2020, qui ouvrira la voie aux prochaines perspectives financières à partir de 2021, la déclaration de services initiaux de Galileo, et enfin, la conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne, avec, en particulier, un point d’étape sur la stratégie « Ariane 6 », mais plus généralement la définition des grandes priorités programmatiques pour les années à venir.
Nous vivons aujourd’hui une « révolution spatiale » qui présente d’étranges similitudes avec les débuts de la conquête spatiale. Hier comme aujourd’hui, une révolution technologique préside à la mise en place d’un nouvel ordre mondial et au développement de projets autour de l’homme dans l’espace (hier la course à la Lune, aujourd’hui un horizon martien qui se fait de plus en plus proche, puisque estimée possible en 2030-2040 voilà six mois, une mission habitée vers Mars pourrait être lancée dès 2025, en tout cas avant 2030).
Une différence est toutefois notable : aujourd’hui l’espace est partout, sans que cela soit toujours perceptible pour nos concitoyens. Qu’il s’agisse de la logistique, des déplacements, des systèmes financiers, de la planification des récoltes, des communications, et même de l’enthousiasme partagé autour d’un match de football, comme, voilà récemment, au moment de l’Euro 2016. Une coupure de l’accès à l’espace aurait très rapidement des conséquences dramatiques sur le fonctionnement régulier de nos économies et de nos sociétés.
Outil stratégique majeur, le spatial aujourd’hui est donc aussi un outil socioéconomique et scientifique essentiel au service des citoyens et des politiques sectorielles de l’Union, ce qui accroit son impact sur la définition de l’identité et de l’idéal européens, ce qui n’est pas à négliger en ces temps d’incertitudes post Brexit.
Ce caractère résolument transverse a permis une montée en puissance de l’Union européenne, concrétisée par le traité de Lisbonne, qui a fait de l’Union européenne un acteur politique aux côtés des États membres et de l’Agence spatiale européenne.
Dans un tel contexte, l’exercice efficient de cette compétence spatiale partagée doit être l’un des enjeux de la stratégie spatiale pour l’Europe, et le soutien politique et financier à la politique spatiale européenne doit être réaffirmé.
L’accès autonome à l’espace constitue la condition nécessaire à toute politique spatiale ambitieuse. Mais l’Europe dispose d’une palette d’infrastructures plus larges que la simple question des lanceurs, avec les actifs de premier plan que constituent, pour l’ESA, la Station Spatiale Internationale, et pour l’Union européenne, ses deux programmes phares, Galileo et Copernicus. L’Europe spatiale doit poursuivre l’effort déjà engagé sur le secteur amont tout en intégrant les évolutions recentes.
La politique spatiale est et doit être au service direct du citoyen. Le défi des applications spatiales est donc une autre priorité à nos yeux, avec deux axes à privilégier : connecter et observer. Ces deux fonctions, en effet, vont permettre l’émergence d’applications innovantes dans l’Internet pour tous, les transports connectés ou encore la surveillance du climat.
Le Parlement européen s’est prononcé, le 8 juin dernier, avec deux résolutions sur l’ouverture d’un marché de l’espace et sur les capacités spatiales pour la sécurité et la défense en Europe et la Présidence slovaque vient d’indiquer que la « Stratégie spatiale pour l’Europe » de la Commission sera débattue lors du Conseil Compétitivité du 29 novembre.
Leader de l’Europe spatiale, la France doit être une force d’entraînement pour une Europe spatiale plus intégrée et plus efficiente. Nous y contribuons à notre modeste niveau, en vous proposant des pistes qui privilégient une approche équilibrée, qui permette à la fois de préserver et de tirer parti de l’héritage construit depuis cinquante ans tout en ouvrant vers des voies plus innovantes.
Alors que c’est un outil essentiel de cohésion européenne, l’Europe spatiale se trouve confrontée à un double défi.
Le « New Space » américain est en passe de créer une nouvelle industrie spatiale, qui ne remplace pas l’industrie traditionnelle avec ses grands acteurs étatiques et privés, mais qui la bouscule avec une logique entrepreneuriale, innovante sur le plan à la fois des techniques et des pratiques mais qui bénéficie toujours d’un soutien institutionnel.
Cette nouvelle politique spatiale américaine consiste à orienter l’essentiel des efforts de la NASA vers l’exploration lointaine et à encourager en parallèle, par un soutien financier massif, le développement d’un « Espace des entrepreneurs » pour la desserte de l’orbite basse terrestre sous la forme de contrats de service. Cette émergence d’une industrie spatiale d’initiative privée chargée de la « logistique » est marquée par l’arrivée en force d’investisseurs américains venus du secteur numérique. C’est Blue Origin, créée en 2000 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.com, et SpaceX, fondée en 2002 par Elon Musk, actionnaire de Tesla, ancien actionnaire de l’entreprise PayPal.
Parallèlement, les acteurs de la filière numérique ont la volonté de devenir opérateurs de système d’information et de réseaux sociaux, ce qui implique la maîtrise de leur propre réseau de diffusion sur l’Internet. Couplé à l’émergence de la propulsion tout-électrique dans le domaine des satellites, ce phénomène aboutit aux projets de constellations de petits satellites sur orbite basse de Google ou de OneWeb, avec un impact majeur sur le marché des satellites et donc sur les lanceurs.
Enfin, Blue Origin et surtout SpaceX sont à l’origine d’une rupture technologique majeure, le lanceur réutilisable.
Alors qu’en novembre 2014, au début de notre réflexion, la réutilisation était vue comme un horizon à 10 ans, le pari de la récupération d’un lanceur est réussi depuis mai dernier. C’est la moitié du chemin puisqu’il faut encore prouver que la réutilisation apporte une réduction effective des coûts de lancement sans dégrader les performances de mise en orbite du lanceur.
SpaceX prévoit d’être en mesure de procéder à un lancement dès cet automne avec l’étage du Falcon 9 récupéré le 8 avril. Voilà donc un rendez-vous supplémentaire cet automne, même s’il convient d’être prudent : nos amis américains ont un sens de la communication beaucoup plus développé que nous ! Seuls des vols répétés, à une cadence annuelle élevée, fourniront une réponse à la question de la réutilisation.
Mais si le pari de la réutilisation est réussi, la rupture sera spectaculaire, avec une diminution conséquente du coût de l’accès à l’espace, que nous ne pourrons pas ignorer car elle posera alors à terme un enjeu technique et de compétitivité pour le lanceur Ariane.
L’émergence de nouveaux acteurs est le deuxième défi. De nouvelles puissances spatiales ont fait leur apparition : l’Iran (qui a lancé en février 2015 son quatrième satellite, de fabrication iranienne), les deux Corée. Et d’autres s’annoncent, comme les Emirats Arabes Unis, qui envisagent de lancer une sonde martienne en 2021. D’autres pays investissent également l’espace, comme l’Azerbaïdjan, ou encore le Bengladesh.
L’Inde et la Chine revendiquent aujourd’hui le statut de grande puissance spatiale, et éclipsent les anciennes « puissance établies » comme la Russie et le Japon. L’Inde est la quatrième puissance spatiale à disposer d’un engin spatial martien avec la sonde « Mars Orbiter Mission » lancée en 2013, la Chine est le premier pays, depuis la mission soviétique Luna 24 en 1976, à poser un robot explorateur sur la Lune. Cette revendication d’un « statut » se double d’ambitions commerciales sur les marchés internationaux.
Dans ce paysage spatial mouvant, l’Europe doit avoir une exigence fondamentale: le maintien d’une autonomie stratégique.
Sans un accès à l’espace indépendant et efficient, il n’est pas possible de réaliser des missions spatiales, ni même d’exporter des satellites, y compris commerciaux. C’est aussi l’illustration parfaite du caractère dual, puisque les lanceurs spatiaux sont développés et produits en étroite synergie avec les missiles balistiques, la plupart des compétences et technologies requises leur étant communes.
Deuxième aspect stratégique, la sécurité dans l’espace, centrée notamment sur la protection des infrastructures spatiales, et la sécurité depuis l’espace, qui vise à tirer profit des applications spatiales pour la défense et la sécurité sur terre, et qui est à la croisée des trois initiatives mentionnées en introduction. La surveillance et le suivi doivent bénéficier du même degré d’attention que celui que, depuis l’origine, l’Europe spatiale porte à l’accès à l’espace, et pour les mêmes raisons.
La miniaturisation des satellites, la prolifération des débris orbitaux, la dépendance croissante envers les moyens spatiaux pour les opérations militaires, la nécessité de surveiller l’activité de satellites étrangers survolant des zones sensibles sont quelques-unes des menaces auxquelles les Européens et nous-mêmes sommes confrontés aujourd’hui. L’infrastructure spatiale européenne peut faire l’objet de contre-mesures ou d’agressions allant de l’entrave à leur bon fonctionnement jusqu’à la destruction des moyens au sol et/ou des satellites : les moyens dont disposent les grandes puissances spatiales leur permettent dès à présent de mettre en œuvre de telles mesures.
Face à cette exigence, l’Europe spatiale présente une gouvernance complexe, avec trois acteurs publics majeurs (les États membres, l’Agence spatiale européenne -ESA- et l’Union européenne), une montée en puissance de l’industrie, qui doit être encouragée et soutenue, et une articulation encore à trouver avec d’autres agences européennes.
En matière d’acteurs publics, le paysage spatial a largement évolué depuis le Traité de Lisbonne de 2008, qui a conféré à l’Union européenne une compétence dans les questions spatiales.
Alors que l’effort spatial européen avait été initialement porté par les agences spatiales nationales – notamment le Cnes, au premier rang – l’Union européenne est progressivement montée en puissance, bénéficiant à la fois d’une légitimité politique plus forte que celle de l’Agence spatiale européenne et de financements nettement supérieurs aux budgets spatiaux nationaux. Cette évolution « organique » du paysage a entrainé un débat à la fois sur le portage politique du sujet Espace, flou en raison de la multiplicité des acteurs, mais surtout sur la gouvernance du « triangle institutionnel » ESA, Commission, États membres.
Pour le directeur de l’ESA que nous avons rencontré, deux espaces de politiques spatiales différents entre la Commission et l’Agence ne permettent pas aux citoyens d’avoir une compréhension claire de l’Europe spatiale. La Commission pour sa part semble privilégier à terme un rapprochement de l’ESA vers l’Union. Les États membres, notamment les États « spatiaux », sont attachés à ce que l’ESA garde entière sa capacité à mener des programmes à géométrie variable, attractifs pour ces derniers, tout en restant l’agence de mise en œuvre des programmes spatiaux de l’Union.
L’objectif politique d’une organisation du spatial européen plus intégrée doit-elle passer par un acteur unique ? Ce n’est pas la seule solution pour assurer une cohérence institutionnelle ; le nouveau paysage européen post Brexit rend, de plus, encore plus difficile une redéfinition aussi radicale de la gouvernance spatiale européenne.
L’Union européenne a une légitimité politique à impulser les grandes orientations en matière de politique spatiale mais elle doit nécessairement aussi prendre en compte les compétences, les initiatives et les priorités des États membres, ainsi que celles de l’ESA.
L’enjeu primordial de la gouvernance spatiale en Europe est donc d’utiliser l’ensemble des capacités spatiales européennes en faisant converger les objectifs, en coordonnant les programmes, les moyens et les calendriers de mise en œuvre, et c’est à nos yeux ce à quoi la Stratégie de l’Europe pour l’Espace doit s’attacher en matière de gouvernance générale, en mettant en place un mécanisme de coordination politique plutôt qu’en lançant un vaste mécano institutionnel. Tous nos interlocuteurs ont insisté sur le contexte favorable aujourd’hui, avec un réel portage politique tant au niveau de la Commission, de l’ESA que des États membres.
Deuxième aspect, les acteurs privés, pour lesquels il est essentiel que la Stratégie spatiale pour l’Europe fasse de la promotion de la compétitivité industrielle un de ses principes directeurs.
Les acteurs privés sont déjà très présents dans le secteur amont, avec par exemple pour les lanceurs, la nouvelle répartition des rôles actée lors de la conférence ministérielle de l’ESA en décembre 2014 : les agences définissent les besoins, les industriels définissent les solutions. Un poids plus grand que par le passé leur est donc donné en matière de conception, de développement et gestion des programmes spatiaux. C’est encore plus vrai en matière d’applications, dont le développement repose sur le croisement des capacités du secteur spatial avec celles d’autres secteurs économiques.
Dans un contexte où l’industrie spatiale européenne, à l’inverse de ses concurrentes américaine mais aussi émergentes, dépend en grande partie du marché commercial en raison de la taille limitée du marché institutionnel européen, le développement d’un écosystème industriel robuste et créatif sur les plans technique et économique repose à notre sens sur trois exigences : primo, la structuration de la demande publique, avec une politique d’agrégation de la demande institutionnelle permettant d’obtenir un volume critique ; secondo, une nouvelle approche pour le soutien à la recherche et au développement, en favorisant des projets plus ambitieux, dotés de ressources financières appropriées sur plusieurs années – la « crise Galileo » en 2007-2008 doit nous servir à tous de leçon …– ce qui pose le sujet des perspectives financières et de leur modulation en fonction des crises – ; tertio, le soutien à un écosystème favorable à l’émergence au niveau européen, d’acteurs du numérique et du spatial, d’autre part. Cela doit passer par une action règlementaire si nécessaire mais aussi par l’accompagnement de jeunes entreprises créatrices de valeur, avec la mise en place d’un capital risque européen, afin de rattraper autant possible, l’accès quasi illimité de nos concurrents américains à des financements de marché.
Soutenir la compétitivité industrielle, c’est à la fois permettre à nos industriels de concourir sur les marchés commerciaux à des conditions équitables vis-à-vis de leurs concurrents qui bénéficient d’un fort soutien de leurs États, mais aussi induire des effets positifs pour les clients institutionnels européens.
Enfin, la montée en puissance du secteur aval et la volonté de tirer pleinement profit du caractère dual du spatial implique une articulation avec les agences européennes « sectorielles », qu’il s’agisse de l’Agence européenne de la défense, ou bien de celles chargées des transports ou de l’environnement.
Voilà donc posés les piliers transversaux sur lesquels devraient, à notre sens, reposer la politique spatiale européenne, et donc ceux sur lesquels nous attendons la vision de la Commission dans sa publication, à l’automne, en souhaitant qu’elle en partage l’importance et les éléments constitutifs.
M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. Voyons maintenant de façon plus précise leurs déclinaisons en termes de programmes européens.
L’accès à l’espace autonome a été confirmé lors de la conférence ministérielle de l’ESA du 2 décembre 2014 à Luxembourg, où la conception d’une famille cohérente de lanceurs a été décidée, et une nouvelle organisation industrielle adoptée.
Le succès des futurs lanceurs Ariane 6 et Vega C, basé sur une stratégie de diminution du prix des lancements, repose à la fois sur des modifications techniques et une réorganisation complète de la filière, avec une rationalisation du design du lanceur, simplifié et standardisé à partir de la reprise d’éléments existants sur Ariane 5 et Vega, une simplification du circuit de fabrication, avec la remise en cause en partie du principe du retour (le retour géographique sous la forme financière est maintenu mais les sites ont été rationnalisés), une nouvelle organisation industrielle, qui autonomise les industriels par rapport aux agences, et spécialise les productions sur un site unique, dont la mise en place est en voie d’achèvement.
Le changement le plus « spectaculaire », c’est bien sûr le regroupement des activités « lanceurs » d’Airbus Group et de Safran dans une filiale commune (Airbus Safran Launchers-ASL), annoncé en juin 2014, et opéré depuis quelques jours. La question du traitement fiscal de la soulte versée par Safran a été réglée, reste la validation de l’évolution de l’actionnariat d'Arianespace par les autorités anti-trust de la Commission européenne. La phase 2 de l’instruction s’achève aujourd’hui 12 juillet et selon le secrétaire d’Etat à la recherche, M. Thierry Mandon, la décision s'annonce plutôt favorable grâce au travail mené par ASL pour améliorer la gouvernance et garantir le droit des actionnaires minoritaires, ainsi que pour rassurer les fabricants de satellites comme OHB, qui avaient émis des inquiétudes sur les conditions de concurrence.
Le raisonnement qui a présidé à l’idée de cette « intégration verticale » dans ASL repose sur une prise en compte du marché des lancements à l’échelle mondiale – ce qui correspond à la réalité – mais la direction générale de la Concurrence a par le passé à de nombreuses reprises adopté une conception plus restrictive du « marché pertinent », désavantageant ainsi les entreprises européennes par rapport à leurs concurrentes américaines ou chinoises, par exemple. Poursuivre dans une telle vision restrictive serait, à nos yeux, une grave erreur.
Ariane 6 a été pensée pour à la fois répondre aux futurs besoins institutionnels de l’Europe et être compétitive sur ce marché marqué par de profondes évolutions. Avec une échéance fixée à 2020-2023 dans le cadre du modèle économique européen basé sur 11 à 12 lancements commerciaux par an jusqu’en 2030 au moins alors que le marché des constellations reste encore indécis, le programme Ariane 6/Vega C offre donc une réponse pertinente. Par ailleurs, ce n’est pas un programme figé : Ariane 6 est conçue selon le concept de « briques technologiques », et l’une d’entre elles vise spécifiquement à identifier les évolutions possibles des lanceurs européens, dont le réutilisable.
Pour autant, il faut aussi préparer l’avenir et anticiper d’éventuelles autres ruptures de paradigmes dans le secteur des lanceurs, alors que les autres puissances spatiales se lancent également dans la direction du réutilisable : l’Inde a réussi le 23 mai dernier le lancement d’un modèle réduit de navette spatiale réutilisable à bas coûts, et la Chine ambitionne également d’investir dans ces technologies.
Le Cnes et ASL explorent la faisabilité d’un moteur destiné à un futur lanceur européen réutilisable, le moteur Prométhée, et Airbus Defence & Space travaille aussi sur un autre concept, baptisé Adeline, qui permet de réutiliser la partie la plus chère du lanceur.
Dans un contexte international extrêmement concurrentiel, où les autres acteurs du marché des lanceurs bénéficient d’un fort soutien de leurs gouvernements, c’est un sujet sur lequel l’Union européenne est en mesure d’apporter une réelle plus-value pour préparer l’avenir post-2030 en misant sur les technologies permettant de réduire les coûts des lancements, avec notamment un soutien à des études sur les techniques de réutilisation. Au lendemain du choix du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, ce serait également une affirmation claire du rôle de cette dernière comme protectrice de l’avenir des citoyens et catalyseur des efforts de financement d’investissements essentiels à l’autonomie de l’Europe et à sa croissance économique.
L’effort doit aussi porter sur deux aspects plus structurels : d’une part, comme nous l’avons vu, une politique d’agrégation de la demande institutionnelle ; d’autre part, une participation au financement des coûts liés au Centre Spatial Guyanais. Cette infrastructure essentielle pour l’Europe doit être modernisée. Au-delà du simple maintien indispensable de la capacité opérationnelle, cela pourra permettre un surcroit de performance, d’efficacité et de compétitivité. C’est d’ailleurs une demande qui nous a été faite par les industriels.
Deuxième aspect stratégique, le volet sécurité doit être développé tout en évitant les redondances. Pour la stratégie spatiale, ce volet recouvre deux aspects principaux : les initiatives SST et le projet de satellites de communications gouvernementales Govsatcom.
En préambule, il est clair à nos yeux que toute initiative portée par la Stratégie spatiale pour l’Europe devra reposer sur un principe de coopération fondé sur la complémentarité des acteurs concernés (États membres, Agence européenne de Défense, Agence spatiale européenne, Commission) et donc prendre en compte les capacités développées par les États ainsi que les enjeux de souveraineté nationale.
L’ amélioration de la protection des systèmes spatiaux européens repose aujourd’hui sur un programme européen qui fonctionne sous la forme de subventions à un groupe d’Etats membres acceptant de mettre en commun (selon des règles en cours de définition) leurs moyens. Mais il démarre lentement. Un premier consortium ouvert d’Etats membres (France, Italie, Espagne, Angleterre et Allemagne) a été créé mi 2015, une première subvention de 20 millions d’euros (sur les 70 millions affectés à ce programme) a été allouée, et selon la Commission, les premiers services seront disponibles à la mi-2016, et d’autres États membres sont intéressés à prendre part à ce consortium.
Une condition sine qua none à un tel élargissement est une pérennisation des ressources, en dotant ce programme d’un budget propre, et une rationalisation de la gouvernance, pour éviter la dispersion des ressources.
Ce sujet espace et sécurité pose aussi la question de la règlementation pour réduire le risque de production des débris lors du lancement et de l’exploitation des objets spatiaux, ainsi que celle du « nettoyage » des débris existants.
La loi sur les opérations spatiales de 2008 a fait de notre pays un précurseur en la matière, et la France étant son État de lancement, la future Ariane 6 se conformera à ses prescriptions visant à réduire la production de déchets.
L’enlèvement d’une dizaine de grosses épaves par an permettrait, selon Airbus Space and Defense, de stabiliser la situation en matière de déchets. L’idée d’un véhicule permettant de désorbiter des objets spatiaux en fin de vie a été évoquée par plusieurs de nos interlocuteurs, avec une double fonction d’ailleurs, puisqu’il pourrait en premier lieu aider au positionnement des satellites à propulsion électrique. Pour les débris plus petits, l’utilisation de lasers de puissance a été évoquée.
Pour séduisantes que ces différentes idées puissent paraître, il convient de garder à l’esprit que, d’une part, toutes les restrictions mises au nom de la lutte contre la production de débris peuvent apparaître aux yeux des puissances spatiales émergentes comme autant de barrières à l’entrée. Trouver un consensus sur des bonnes pratiques, et plus encore sur une réglementation contraignante, n’est donc pas chose aisée.
Quant aux systèmes laser, tant un éventuel financement reposant sur le principe pollueur-payeur que leur concept d’emploi posent problème, car ce type de système pourrait être perçu comme une menace par tous les pays dotés de satellites.
La Commission pousse par ailleurs une nouvelle infrastructure pour fournir des services de télécommunications gouvernementales à accès garanti, Govsatcom. Cela répond à son sens à un besoin de certains gouvernements européens, et permettrait de pallier un éventuel retrait de la demande militaire américaine, dont dépendent fortement les opérateurs de télécommunications par satellite européens.
Compte tenu des solutions ou moyens déjà mis en œuvre par les États ou en voie de l’être au niveau européen, avec le futur service public réglementé de Galileo, et d’une valeur ajoutée limitée en termes d’innovation, il est essentiel de vérifier en tout premier lieu l’absence de redondances avec d’autres infrastructures satellitaires : les fonds disponibles sont limités, il faut prioriser les initiatives.
Si cette demande était avérée, il faudrait ensuite garantir la bonne gouvernance du système et mettre au centre du processus l’autonomie stratégique, en particulier pour ce qui concerne les contrats industriels, afin de renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne.
Enfin, troisième et dernière déclinaison, mieux promouvoir et développer les applications pour rapprocher l’espace des citoyens. Après avoir énormément investi dans des infrastructures spatiales et développé un socle solide de compétences dans le secteur industriel au cours des cinquante dernières années, l’Europe, et au premier rang la France, doit à présent en garantir une utilisation maximale et donc concentrer leurs efforts sur le développement des services, car ce sont eux qui aujourd’hui présentent la plus forte valeur ajoutée socio-économique.
L’impératif majeur de la politique spatiale européenne, c’est réussir les programmes existants.
La constellation du programme Galileo est en voie de stabilisation, pour un objectif d’une déclaration de services initiaux fin 2016. Après le lancement de deux satellites le 24 mai dernier, la moitié des satellites est déjà en place. Ce lancement Soyouz sera suivi des lancements de trois Ariane 5 spécialement adaptées, qui emporteront chacune quatre satellites Galileo d'un coup, à partir du 17 novembre prochain, améliorant ainsi au fur et à mesure les performances du système. Après le lancement prévu à la fin de cette année, le projet devrait atteindre la masse critique minimale pour la fourniture des services initiaux. L'Europe est donc en voie de s’affranchir du GPS américain vingt ans après le premier forum organisé à Bruxelles sur un futur système de navigation par satellite 100 % européen !
Le lancement des services initiaux est fondamental pour ancrer la crédibilité de Galileo auprès des utilisateurs : il s’agit en effet de démontrer aux investisseurs potentiels, aux fabricants de puces et aux concepteurs d’application que le programme entre en phase opérationnelle. Cela doit donc être la priorité à court terme.
Mais, pour ce concurrent direct du GPS américain et du Glonass russe (déjà opérationnels) et du système chinois Beidou (en cours de déploiement), l’enjeu central réside dans l’utilisation effective du signal par les utilisateurs et dans l’émergence d’un véritable écosystème autour des applications. C’est lui qui justifiera les investissements publics réalisés, en contribuant à la croissance et à l’innovation européennes dans des secteurs de pointe, et qui crédibilisera Galileo auprès des utilisateurs internationaux, et permettra que des puces compatibles soient systématiquement incluses dans les équipements grand public (téléphones intelligents, voitures connectées, etc.)
Or dans un environnement très compétitif, le développement des applications en Europe ne va pas de soi. Certes, Galileo comporte certains avantages que d'autres constellations GNSS ne proposent pas, comme l'authentification de service ouvert ou la précision et fiabilité de très haut niveau du service commercial, mais ces constellations ont pris un temps d’avance…
La Stratégie spatiale de l’Europe doit donc comporter des actions ciblées de plusieurs ordres : d’abord, une politique de communication ambitieuse autour de Galileo ; ensuite, l’élaboration d’une stratégie ambitieuse de développement du secteur applicatif par la GSA, dont le rôle, central pour améliorer la gouvernance du programme, va être accru avec la conduite de l’exploitation de la constellation le 31 décembre 2016 ; mais également si nécessaire des initiatives règlementaires comportant des mandats d’emport dans certains secteurs stratégiques comme l’aviation civile, le secteur ferroviaire ou les infrastructures critiques. Le secteur des véhicules connectés et autonomes pourrait aussi être concerné. Certes, l’imposition de mandats d’emport est contraire à l’approche traditionnelle de la Commission européenne et suscitera donc sans doute de fortes réticences. L’exigence d’une « Union plus efficace par la preuve » est toutefois encore accrue depuis le vote britannique du 23 juin...
Lancée en 1998 et longtemps dans l’ombre de Galileo, Copernicus s’affirme aujourd’hui au premier plan. Des accords de délégation pour la coordination des services ont été conclus avec diverses agences européennes et après une série de lancements réussis ces derniers mois, les satellites Sentinel délivrent des premiers services de qualité, et le nombre d’utilisateurs augmente régulièrement : 3,5 millions de produits ont été distribués à 25 000 utilisateurs enregistrés.
Il faut maintenir des moyens financiers et valoriser les services en définissant un cadre de distribution des données adapté, afin d’éviter les écueils rencontrés par le programme français d’observation de la terre Spot, dont le plein succès technique s’est pourtant accompagné d’un relatif succès commercial.
Pour la phase de déploiement opérationnel, le budget adopté par le Conseil pour la période 2014-2020, d’un montant de 3,8 milliards d’euros, a été réduit de manière significative (– 35 %) par rapport à la demande initiale de la Commission européenne, ce qui a conduit à étaler le déploiement des satellites et ne permet plus le financement de la prochaine génération des Sentinelles sur fonds de l’Union.
D’autre part, si la composante in situ est fournie par et à la charge des États membres, des manques ont été identifiés, principalement dans la diffusion des données dans le cadre du segment « Sol » du programme, opéré par l’ESA. Face à l’accroissement des données concernées, le programme - et donc le budget de l’Union - devrait pouvoir prendre en charge tout ou partie de ces manques.
Nos interlocuteurs nous ont signalé un paradoxe : les données sont beaucoup plus utilisées en dehors de l’Union qu’à l’intérieur de cette dernière... Les géants du numérique représentent la majeure partie des téléchargements de données Copernicus, à partir d’une infrastructure pourtant financée sur des fonds européens ! C’est donc une question qui doit être abordée par la future Stratégie de la Commission.
Continuer à faire vivre l’Europe spatiale nécessite enfin une nouvelle méthode et un nouveau projet.
L’Europe spatiale a longtemps pensé l’offre (les infrastructures) sans prendre en compte l’impact de ces dernières sur la demande, ni l’inverse d’ailleurs. Si cela a permis à l’Europe de disposer aujourd’hui d’une offre d’infrastructures spatiale à la qualité reconnue, ce n’est pas la manière la plus efficience de développer le secteur applicatif. Le développement futur des programmes spatiaux européens devrait être orienté vers l'utilisateur et reposer sur les besoins des utilisateurs des secteurs public, privé et scientifique.
À cette fin, une double approche devrait être privilégiée : d’une part, conjuguer une approche « thématique » pour favoriser la prise en compte du spatial dès l’élaboration des politiques sectorielles (agriculture, transports, lutte contre le changement climatique, en particulier, mais le marché intérieur et l’agenda numérique sont également concernés), avec une inclusion croissante des acteurs des secteurs spatial et numérique, d’une part, et des autres secteurs économiques, d’autre part, via des « boosters » ou « clusters » ; d’autre part, conjuguer le soutien aux outils de production industriels à un soutien à l’acquisition de services spatiaux.
La proposition de l’ESA de mise en place d’une centrale d’achat de services spatiaux au niveau de l’Union, permettant à la fois de satisfaire les besoins des différentes directions générales en matière de données spatiales, d’offrir une visibilité de long terme aux fournisseurs de données et de constituer une masse critique nécessaire à la viabilité de certaines applications dérivées de données spatiales mérite à cet égard un examen attentif.
Enfin, il nous faut nous mobiliser sur un nouveau projet.
Le rôle de l’outil spatial en matière de compréhension du climat et de ses changements est indéniable : ce sont les satellites qui ont mis en évidence le réchauffement climatique et l'augmentation du niveau moyen des océans.
Après l’Accord de Paris, le spatial peut contribuer à vérifier le respect des décisions et engagements internationaux en matière de réduction des émissions pris lors de la COP21.
Les technologies sont matures, le coût de tels satellites reste relativement modeste. Or l’Europe est la dernière grande puissance mondiale à ne pas avoir pris d’initiative dans ce domaine : les États-Unis et le Japon ont déjà des satellites opérationnels, la Chine se prépare à le faire. La France a pour sa part décidé de lancer deux programmes de mesure des gaz à effet de serre (MicroCarb, pour l’observation du gaz carbonique et Merlin, pour l’observation du méthane, développé, lui, avec l'Allemagne), selon une approche de partage de données avec l'ensemble des agences spatiales de la planète.
L’Europe ne peut pas rester indifférente à ce nouvel écosystème mondial du climat en gestation, elle peut se donner pour nouvel objectif une constellation opérationnelle de satellites pour la mesure des gaz à effet de serre.
Je conclus en quelques mots, sur l’aspect scientifique.
Le programme scientifique spatial européen, porté principalement par l’ESA avec le soutien des agences et des laboratoires nationaux, a engrangé des succès retentissants au niveau mondial, pour un rapport « qualité/prix » inégalé : l’atterrissage du robot Philae, l’apport du satellite Mars Express en orbite autour de Mars, etc…et cela devrait continuer : et si Einstein… avait tort ? La théorie de la relativité générale va peut-être être invalidée par la mission du Cnes de physique fondamentale portée par le satellite Microscope.
Il faut donc continuer à favoriser cette dynamique de la connaissance scientifique. La Stratégie devrait retenir deux axes prioritaires, le soutien aux technologies critiques, pour les infrastructures, et l’archivage, l’accès et l’exploitation scientifique des données, pour l’aval, en mobilisant le programme de recherche et développement H2020, et le suivant !
Ces missions, qui font progresser la science, fascinent en outre le public, dont la curiosité et l’envie pour l’espace ont été ravivées ces dernières années par une série de films : Prometheus, en 2012, Gravity en 2013, Interstellar et Seul sur Mars en 2015.
C’est quand il est médiatisé que l’espace reconquiert l’opinion publique. Alors tirons parti de la conjonction qui s’offre à l’Europe cet automne, avec Galileo, la Conférence de l’ESA, la publication de la Stratégie Spatiale pour l’Europe de la Commission, pour remettre au cœur de la politique spatiale européenne les citoyens et leur offrir un avenir européen plein d’étoiles.
M. Arnaud Richard. Je souhaite féliciter les rapporteurs pour cet exposé très complet, et aussi rappeler le rôle fondamental joué par Mme Geneviève Fioraso, Secrétaire d'État chargée de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, entre 2012 et 2015.
Je m’interroge pour ma part sur la capacité réelle d’Ariane 6 à être à terme concurrentielle face à SpaceX, et sur l’état de notre préparation à l’après Ariane 6. Ma deuxième question porte, enfin, sur l’impact du Brexit sur l’ESA.
M. Philip Cordery. La politique spatiale est une politique clé au niveau européen car elle fonctionne, et vous avez eu raison de mettre en valeur cet aspect positif, c’est important aujourd’hui.
Je partage votre analyse sur l’importance, pour Galileo, de « transformer l’essai » des applications. La France est-elle en pole position à cet égard? Avez-vous des inquiétudes quant aux décisions à venir de la Conférence ministérielle de l’ESA en matière budgétaire ? Enfin, je crois comme vous que la Commission ne peut pas tout faire. La politique spatiale illustre à merveille les différents niveaux de gouvernance possible dans notre Europe, avec de l’intergouvernemental, du communautaire et des coopérations renforcées.
M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. La question du caractère concurrentiel d’Ariane 6, tout le monde la prend très au sérieux : il y a une logique industrielle de réduction des coûts, c’est un lanceur modulaire et évolutif je l’ai dit, l’analyse de marché et l’incertitude sur la réutilisation font de ce lanceur, pour les conditions de marché pour lesquels il a été défini, est pertinent. Mais il faut rester vigilants. Les acteurs le sont déjà, et nous demandons à l’Union européenne de participer aussi à cette « vigilance ».
M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur. L’ESA est une agence intergouvernementale dont tous les membres ne sont pas membres de l’Union européenne, le Royaume-Uni peut donc en rester membre en dépit de sa décision de sortir de l’Union européenne.
La Présidente Danielle Auroi. Je mets donc aux voix les propositions de conclusions.
La Commission a adopté à l’unanimité les conclusions suivantes.
« La Commission des affaires européennes,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses articles 4, paragraphe 3, et 189,
Vu le règlement (UE) nº 1285/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la mise en place et à l’exploitation des systèmes européens de radionavigation par satellite et abrogeant le règlement (CE) nº 876/2002 du Conseil et le règlement (CE) nº 683/2008 du Parlement européen et du Conseil,
Vu le règlement (UE) nº 377/2014 du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 établissant le programme Copernicus et abrogeant le règlement (UE) nº 911/2010,
Vu le règlement (UE) n° 512/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant le règlement (UE) n° 912/2010 établissant l’Agence du GNSS européen,
Vu la résolution du Conseil du 21 mai 2007 relative à la politique spatiale européenne (2007/C 136/01),
Vu les conclusions du Conseil du 26 mai 2014 vers une vision commune UE-ASE dans le domaine spatial pour renforcer la compétitivité,
Vu la décision n° 541/2014/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 établissant un cadre de soutien à la surveillance de l’espace et au suivi des objets en orbite,
Vu la communication de la Commission du 14 juin 2010 sur un plan d’action relatif aux applications basées sur le système mondial de radionavigation par satellite (GNSS) (COM(2010) 308),
Vu la communication de la Commission du 4 avril 2011 « Vers une stratégie spatiale de l’Union européenne au service du citoyen » (COM(2011) 152),
Vu la communication de la Commission du 28 février 2013 « La politique industrielle spatiale de l’Union européenne - Libérer le potentiel de croissance économique dans le secteur spatial » (COM(2013) 108),
Vu la communication de la Commission du 19 avril 2016 « Initiative européenne sur l’informatique en nuage – Bâtir une économie compétitive des données et de la connaissance en Europe » (COM(2016) 178),
Vu les résolutions du Parlement européen du 8 juin 2016 sur, respectivement, l’ouverture d’un marché de l’espace et les capacités spatiales pour la sécurité et la défense en Europe,
Vu les conclusions, adoptées le 4 novembre 2014, par la commission des affaires européennes sur la politique spatiale européenne,
Vu la consultation publique, lancée par la Commission européenne le 19 avril 2016, sur la future Stratégie spatiale pour l’Europe,
Considérant que la politique spatiale est un élément essentiel de l’identité et de l’idéal européens, tant par l’autonomie stratégique qu’elle permet que par l’outil fondamental de cohésion européenne qu’elle représente à travers son apport au progrès scientifique et technique et sa participation à toutes les priorités politiques identifiées par la Commission européenne (la croissance économique et la création d’entreprises, la cohésion sociale et la création d’emplois, le marché unique numérique, les défis transnationaux, etc.),
Considérant la valeur de « l’Europe par l’exemple » dont témoignent en matière de coopération, au niveau de l’Union, la politique en matière de lanceurs ainsi que la réalisation des programmes spatiaux phares,
Considérant le grand nombre d’acteurs participant à la mise en œuvre de la politique spatiale européenne, notamment l’Agence spatiale européenne (ESA), la Commission européenne, les États membres, l’Agence du GNSS européen (GSA), l’Agence européenne de défense, les agences européennes dans les domaines de la sécurité, de l’environnement, des transports, mais aussi l’industrie,
Considérant que la mise en place et le maintien de capacités spatiales tant pour la sécurité et la défense en Europe qu’en matière économique et scientifique requièrent une coopération efficace et des synergies entre tous ces acteurs publics et privés, mais aussi avec d’autres institutions internationales,
Considérant l’évolution mondiale de l’offre de lanceurs ainsi que celle du marché des satellites de télécommunications et institutionnels, et leur impact respectif sur l’activité des lanceurs européens Ariane et Vega,
Considérant la réactivité manifestée par l’Agence spatiale européenne et les agences nationales, ainsi que par les acteurs industriels, et les efforts d’adaptation d’ores et déjà mis en œuvre par tous les acteurs,
Considérant le caractère opérationnel (système européen de navigation par recouvrement géostationnaire – EGNOS – et Copernicus) ou quasi opérationnel (Galileo) des deux programmes majeurs de l’Union européenne, dont les données sont ou seront très bientôt, respectivement, librement accessibles dans le monde entier,
Considérant toutefois que les investissements massifs consentis par l’Union européenne dans les infrastructures spatiales s’accompagnent d’une utilisation des applications et des services aval jusqu’à présent inférieure aux attentes,
Juge nécessaire une approche globale, intégrée et à long terme du secteur spatial au niveau de l’Union européenne et appelle la Commission européenne à retenir, pour sa Stratégie spatiale pour l’Europe, un triple objectif de maintien de la position éminente de l’Europe dans la hiérarchie des puissances spatiales, de maintien de la position dominante des lanceurs européens face à l’apparition de nouveaux concurrents soutenus avec force par des modèles de financement compétitifs – objectif essentiel tant pour le secteur civil que pour le secteur de la sécurité et de la défense –, et de contribution de la politique spatiale aux autres politiques de l’Union ainsi qu’aux enjeux majeurs de coopération internationale que sont la sécurité, le maintien de la paix et la lutte contre le changement climatique ;
Rappelle avec force le caractère indispensable d’une autonomie européenne pour l’accès à l’espace, les systèmes critiques et les applications duales, et demande en conséquence que, d’une part, cette Stratégie affirme le soutien institutionnel (fédération de la demande institutionnelle en vue d’atteindre une masse critique) et financier (avec notamment une participation au Port Spatial de l’Europe en Guyane) indispensables au maintien d’une filière européenne de lanceurs, et que, d’autre part, des conditions de concurrence équitable soient assurées à l’industrie spatiale européenne ;
Est d’avis que la politique spatiale doit, plus qu’elle ne l’est aujourd’hui, être au service direct des femmes et des hommes européens, et qu’en conséquence la future Stratégie spatiale pour l’Europe doit apporter des réponses à la fois politiques et techniques au défi des applications spatiales, en replaçant l’expression des besoins au centre de celles-ci, d’une part, et en garantissant la continuité des données, d’autre part ;
Souligne le grand nombre d’acteurs participant à politique spatiale de l’Union et considère qu’un des enjeux majeurs de la future Stratégie est la mise en place d’un mécanisme de coordination institutionnelle afin de s’assurer d’une cohérence de leurs objectifs, de leurs moyens et de leurs calendriers de mise en œuvre ;
Considère que si le rôle des acteurs publics reste central dans l’économie du spatial, l’accent aujourd’hui mis sur les services commerciaux pour consolider l’acquis des infrastructures implique de trouver un nouvel équilibre entre les différents acteurs, et appelle donc à la définition dans cette Stratégie d’une nouvelle méthode, plus inclusive et permettant une « fertilisation croisée » entre secteurs et entre acteurs, s’appuyant sur les initiatives des États membres spatiaux, mais aussi à mettre l’accent sur le financement de la recherche et développement et à accepter, pour stimuler le secteur amont, de soutenir des systèmes précurseurs à vocation opérationnelle ;
Constate l’apport notable des réorganisations qui ont d’ores et déjà été opérées – et qui demeurent pertinentes aujourd’hui, dans un contexte pourtant mouvant –, qu’il s’agisse des projets de développement des lanceurs européens Ariane 6 et Vega C, de la redéfinition des rôles respectifs des agences (définition des besoins) et des industriels (définition des solutions) pour les lanceurs, de l’accélération de mise en orbite et la montée en puissance de la GSA, pour Galileo, mais note qu’il est nécessaire de faciliter l’accès aux données de Copernicus – aujourd’hui essentiellement utilisées par les plateformes numériques américaines – et s’inquiète du handicap que représente, pour Galileo, le retard pris dans sa mise en œuvre en dépit des avantages indéniables de ce dernier par rapport à ces concurrents (authentification, précision et fiabilité de haut niveau) ;
Considère en conséquence que la Stratégie devra inclure un plan d’action pour accélérer l’utilisation effective de ces deux constellations ainsi qu’un financement adapté – le coût des programmes Copernicus et Galileo est aujourd’hui bien au-delà des dotations budgétaires initiales -, avec pour objectifs principaux :
- pour Galileo : faire de Galileo et EGNOS des standards mondiaux, y compris par le biais d’initiatives législatives comportant des mandats d’emport dans certains secteurs stratégiques comme l’aviation civile, le secteur ferroviaire ou les infrastructures critiques ; une mise en cohérence institutionnelle, avec la GSA ; la pérennisation du service, avec la préparation de la génération suivante de satellites ;
- pour Copernicus : étendre l’utilisation des données par les acteurs économiques et scientifiques, ainsi que par le grand public, européens ; anticiper sur la revue du programme, prévue en 2017, en esquissant des pistes d’évolution des missions ; pérenniser le service, avec la préparation de la génération suivante de satellites ;
Prend acte de l’éventail étendu des possibilités de financement existants (Horizon 2020, fonds structurels et d’investissement européens, fonds européen pour les investissements stratégiques) et appelle à soutenir en priorité l’émergence d’une filière européenne de production de composants et de sous-systèmes critiques, le développement d’outils permettant l’archivage, l’accès et l’exploitation, notamment scientifique, des données, selon une approche renouvelée (financements pluriannuels, concentration sur des projets plus ambitieux) susceptible d’aboutir à des démonstrateurs technologiques ;
Rappelle, six mois après la conclusion de l’Accord de Paris, le rôle établi du spatial en matière de compréhension du climat et de ses changements mais aussi encore à construire, à l’échelle européenne, en matière de contrôle du respect des décisions et engagements internationaux, alors que d’autres puissances spatiales ont déjà des outils opérationnels ou se préparent à le faire, et appelle l’Union européenne, les États membres et l’Agence spatiale européenne à continuer à faire vivre l’Europe spatiale à travers un nouveau projet européen, la contribution à la maîtrise du changement climatique par un programme de surveillance du climat depuis l’espace ;
Insiste, en matière de capacités duales, sur l’importance de la surveillance et du suivi dans l’espace en matière de gestion des débris spatiaux mais aussi de prévention des conflits, et invite, en priorité, l’Union européenne à améliorer, dans le cadre de cette Stratégie, les capteurs SST existants ainsi que leur gouvernance avec un programme doté d’un budget propre, tout en présentant une vision générale des initiatives duales fondée sur la complémentarité des acteurs concernés et prenant en compte les capacités développées par les États ainsi que les enjeux de souveraineté nationale ;
Est d’avis que l’Union européenne doit aussi prendre une part active dans l’élaboration d’un accord international qui fournisse une définition juridique des débris spatiaux, établisse des normes et des règles concernant leur élimination, et précise les aspects liés à la responsabilité ;
Souligne, enfin, l’absolue nécessité d’une appropriation de l’Europe spatiale par ceux qui en sont, in fine, les bénéficiaires ultimes, et suggère donc d’intensifier les efforts de communication, de valorisation et de vulgarisation scientifique. À cet égard, il serait particulièrement opportun d’utiliser la conjonction de la publication par la Commission de sa Stratégie, du lancement des services initiaux de Galileo et de la réunion de la Conférence ministérielle de l’ESA. »
Sur proposition du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la commission a désigné M. Philip Cordery pour la représenter au sein de la mission d’information de la Conférence des Présidents sur les suites du référendum britannique.
Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
l Communication écrite
La Commission a approuvé les textes suivants :
Ø DROIT CIVIL
- Proposition de décision du Conseil autorisant la République d'Autriche et la Roumanie à accepter, dans l'intérêt de l'Union européenne, l'adhésion du Pérou à la convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (COM(2016) 367 final – E 11250).
- Proposition de décision du Conseil autorisant certains États membres à accepter, dans l'intérêt de l’Union européenne, l'adhésion du Kazakhstan à la convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (COM(2016) 368 final – E 11251).
- Proposition de décision du Conseil autorisant certains États membres à accepter, dans l'intérêt de l'Union européenne, l'adhésion de la République de Corée à la convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (COM(2016) 372 final – E 11252).
l Textes « actés »
Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :
Ø CLIMAT
- Proposition décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, de l'accord de Paris adopté au titre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COM(2016) 395 final – E 11264).
Ø COMMERCE INTERIEUR et SERVICES
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à contrer le blocage géographique et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2009/22/CE (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (COM(2016) 289 final – E 11212).
Ø CONSOMMATION et PROTECTION des CONSOMMATEURS
- Règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (UE) nº 432/2012 établissant une liste des allégations de santé autorisées portant sur les denrées alimentaires, autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu'au développement et à la santé infantiles (D043783/03 – E 11164).
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (COM(2016) 283 final – E 11209).
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché (COM(2016) 287 final – E 11211).
Ø PÊCHE
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) 2015/104 en ce qui concerne certaines possibilités de pêche pour le bar (COM(2015) 0041 final – E 10019).
- Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'établissement d'un cadre de l'Union pour la collecte, la gestion et l'utilisation de données dans le secteur de la pêche et le soutien aux avis scientifiques sur la politique commune de la pêche (refonte) (COM(2015) 294 final – E 10367).
- Proposition de Règlement du Conseil établissant, pour 2016, les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables dans les eaux de l'Union et, pour les navires de l'Union, dans certaines eaux n'appartenant pas à l'Union (COM(2015) 559 final/2 – E 10781).
- Recommandation de décision du Conseil visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations au nom de l'Union européenne en vue de la conclusion d'un accord de partenariat et d'un protocole dans le domaine de la pêche durable avec la République du Kenya (COM(2016) 264 final – E 11199).
- Proposition de règlement du Parlement et du Conseil définissant les caractéristiques des navires de pêche (refonte) (COM(2016) 273 final – E 11200).
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) 2015/2265 du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires autonomes de l'Union pour certains produits de la pêche pour la période 2016-2018 (COM(2016) 315 final – E 11231).
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures de gestion, de conservation et de contrôle applicables dans la zone de la convention de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) et modifiant les règlements (CE) n° 1936/2001, (CE) n° 1984/2003 et (CE) n° 520/2007 du Conseil (COM(2016) 401 final – E 11268).
Ø SANTE
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2004/37/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (COM(2016) 248 final – E 11169).
Ø SERVICES FINANCIERS (BANQUES - ASSURANCES)
- Proposition de règlement d'exécution du Conseil remplaçant les listes des procédures d'insolvabilité, des procédures de liquidation et des syndics figurant aux annexes A, B et C du règlement (CE) n° 1346/2000 relatif aux procédures d'insolvabilité (COM(2016) 366 final – E 11249).
l Textes « actés » de manière tacite
Accords tacites de la Commission, du fait de la nature du texte
En application de la procédure d’approbation tacite, dite procédure 72 heures, adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d’ajustement à la mondialisation), et 1er décembre 2015 (mesures de dérogations en matière de TVA, de décisions relatives à la réduction facultative de droits d’accise et de décisions relatives aux contributions nationales pour financer les tranches du Fonds européen de développement), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :
Ø BUDGET COMMUNAUTAIRE
- Virements de crédits n° DEC 12/2016 à l'intérieur de la Section III - Commission du budget général pour l'exercice 2016 (DEC 12/2016 – E 11295).
- Proposition de virement de crédits n° DEC 13/2016 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2016. (DEC 13/2016 – E 11296).
- Virement de crédits n° DEC 15/2016 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2016 (DEC 15/2016 – E 11305).
- Virement de crédits n° DEC 16/2016 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2016 (DEC 16/2016 – E 11306).
- Virement de crédits n° DEC 17/2016 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2016 (DEC 17/2016 – E 11307).
- Virements de crédits n° DEC 18/2016 à l'intérieur de la Section III - Commission du budget général pour l'exercice 2016 (DEC 18/2016 – E 11308).
- Virements de crédits n° DEC 19/2016 à l'intérieur de la Section III - Commission du budget général pour l'exercice 2016 (DEC 19/2016 – E 11309).
- Virement de crédits n° DEC 20/2016 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2016 (DEC 20/2016 – E 11310).
Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES
- Nomination des membres du comité de surveillance de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) (10610/16 – E 11286).
- Décision du Conseil portant nomination d'un membre du Comité économique et social européen, proposé par le Royaume de Belgique (10686/16 – E 11287).
- Décision du Conseil portant nomination d'un membre et d'un suppléant du Comité des régions, proposés par le Royaume d'Espagne (10703/16 – E 11288).
- Décision du Conseil portant nomination d'un membre du Comité des régions, proposé par la République fédérale d'Allemagne (10718/16 – E 11299).
Accords tacites de la Commission liés au calendrier d’adoption par le Conseil
La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :
Ø ESPACE LIBERTE SECURITE JUSTICE
- Projet de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés dans l'évaluation de 2015 de l'application, par les Pays-Bas, de l'acquis de Schengen dans le domaine du système d'information Schengen (10603/16 – E 11283).
- Projet de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés dans l'évaluation de 2015 de l'application, par les Pays-Bas, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la politique commune en matière de visas (10606/16 – E 11284).
- Projet de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés dans l'évaluation de 2015 de l'application, par la Hongrie, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la gestion des frontières extérieures (10609/16 – E 11285).
Ø POLITIQUE ETRANGERE ET DE SECURITE COMMUNE (PESC)
- Décision du Conseil portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s'appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2015/2430 (10263/16 LIMITE – E 11276).
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d'exécution (UE) 2015/2425 (10264/16 LIMITE – E 11277).
- Décision du Conseil modifiant la décision (PESC) 2015/2052 du Conseil prorogeant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne au Kosovo1 (10333/16 LIMITE – E 11298).
Ø POLITIQUE SÉCURITÉ & DÉFENSE COMMUNE (PSDC)
- Décision du Conseil modifiant l'action commune 2005/889/PESC établissant une mission de l'Union européenne d'assistance à la frontière au point de passage de Rafah (EU BAM Rafah) (8948/16 LIMITE – E 11281).
- Décision du Conseil modifiant la décision 2013/354/PESC concernant la mission de police de l'Union européenne pour les territoires palestiniens (EUPOL COPPS) (8950/16 LIMITE – E 11282).
- Décision du Conseil relative au lancement de la mission militaire de formation PSDC de l'Union européenne en République centrafricaine (EUTM RCA) (10275/16 LIMITE – E 11297).
La séance est levée à 18 h 20
Membres présents ou excusés
Commission des affaires européennes
Réunion du mardi 12 juillet 2016 à 15 heures
Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Philip Cordery, M. Bernard Deflesselles, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, M. Laurent Kalinowski, M. Christophe Léonard, M. Pierre Lequiller, M. Jean-Claude Mignon, M. Joaquim Pueyo, M. Arnaud Richard, M. Gilles Savary
Excusés. - M. Yves Daniel, Mme Chantal Guittet, M. Lionnel Luca
Assistaient également à la réunion. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Jacques Alain Bénisti, M. Jean Bizet, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Alain Calmette, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Julien Dive, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jacques Kossowski, M. Jean-Luc Laurent, Mme Viviane Le Dissez, M. Philippe Le Ray, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, M. Gérard Menuel, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, M. Franck Reynier, M. Pascal Thévenot, M. Philippe Vigier