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No 395

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2012

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
le brevet européen à effet unitaire,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Audrey LINKENHELD et M. Jacques MYARD,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves Daniel, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Jean-Claude FRUTEAU, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzi HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

___

Pages

RÉSUMÉ DU RAPPORT 9

ZUSAMMENFASSENDER BERICHT 15

A SUMMARY OF THE REPORT 21

INTRODUCTION 27

PREMIÈRE PARTIE : LE RÉGIME ACTUEL DES BREVETS EN EUROPE, UN HANDICAP POUR L’INNOVATION 29

I. LE BREVETAGE DES INVENTIONS CONSTITUE UN MOTEUR INDISPENSABLE POUR L’INNOVATION 31

A. QU’EST-CE QU’UN BREVET ? 31

1. Un titre de propriété industrielle 31

a) Une reconnaissance de la créativité 31

b) Une logique différente de celle du secret d’affaires 31

2. Un titre obtenu au terme d’un processus administratif de validation technique 32

a) Les offices nationaux et supranationaux 32

b) Les quatre critères de brevetabilité 32

3. Un titre qui produit des effets juridiques 33

a) La nature des effets juridiques 33

b) Les conflits d’interprétation sur le champ de la brevetabilité 34

(1) Les bornes fixées par la Convention sur la délivrance de brevets européens (CBE) 34

(2) Le cas des logiciels 35

(3) Le cas des semences végétales 36

B. LA PROTECTION UNIVERSELLE DES DROITS DES INVENTEURS 36

1. Les missions de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) 36

2. Les principales étapes de la procédure de brevetage auprès de l’OMPI 38

a) La phase d’instruction internationale 38

b) La phase de validation nationale 39

3. Le nombre de dossiers déposés par pays 40

II. EN EUROPE, FAUTE DE CONSENSUS SUR UN DISPOSITIF COMMUNAUTAIRE UNIFIÉ, DEUX SYSTÈMES DE BREVETS, L’UN COMME L’AUTRE INSATISFAISANTS, COEXISTENT 43

A. DEUX TYPES DE BREVETS COEXISTENT EN EUROPE 43

1. Les brevets nationaux : l’exemple de l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) 43

a) Les métiers de l’INPI 43

b) Le brevet français 44

(1) Les étapes de la procédure de brevetage 44

(2) Le droit de priorité 45

2. Les brevets européens délivrés par l’Office européen des brevets (OEB) 45

a) Organisation institutionnelle 45

b) Demande et délivrance du brevet européen 46

(1) Les principales étapes de la procédure 46

(2) Quelques données 47

B. CES DEUX SYSTÈMES PRÉSENTENT DES LIMITES QUE LA CRÉATION D’UN BREVET UNITAIRE SE PROPOSE DE DÉPASSER 48

1. Les limites des deux systèmes 48

a) Des limites de trois ordres 48

b) L’Europe, seule grande zone économique mondiale dépourvue de système unifié de protection de la propriété industrielle 49

2. Les tentatives infructueuses de donner corps à un brevet communautaire 50

a) L’idée germe dès 1975 50

b) Les discussions reprennent en 2007 50

DEUXIÈME PARTIE : UN NOUVEL OUTIL POUR FAVORISER L’INNOVATION ET LA COMPÉTITIVITÉ EUROPÉENNES AINSI QUE LA DIFFUSION DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES 53

I. LES GRANDES LIGNES DE LA PROPOSITION PRÉSENTÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE EN 2011 55

A. L’IDÉE DE LA COOPÉRATION RENFORCÉE 55

1. La logique des coopérations renforcées 55

a) Des « groupes pionniers » 55

b) Les « groupes pionniers » en matière économique 55

2. Le cas du brevet à effet unitaire 56

a) Une démarche qui rassemble vingt-cinq États membres de l’Union européenne 56

b) Des conditions à respecter très strictes 56

3. Appliquer la coopération renforcée au brevet unitaire : une idée contestée 58

a) Les recours en annulation devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) 58

b) Des critiques jugées sans fondement par la plupart des États membres et la Commission européenne 58

B. LES MODALITÉS ENVISAGÉES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE 60

1. Les travaux préalables de la Commission européenne 60

a) La consultation sur la politique européenne du brevet 60

b) Trois communications sectorielles 61

(1) La réglementation PME 61

(2) Le marché unique 61

2. Un nouveau système de délivrance qui s’intègre au dispositif résultant de la CBE 62

a) Principes directeurs 62

b) Nouvelles tâches incombant à l’OEB 63

3. Le régime linguistique des traductions 64

a) Les options envisagées par la Commission européenne 64

b) Le régime retenu 64

c) L’outil de traduction automatique développé par l’OEB 65

(1) Une expérience audacieuse 65

(2) Un outil d’avenir 66

4. Le principe d’« accessibilité universelle » 67

C. UNE ORGANISATION JURIDICTIONNELLE IMAGINÉE EX NIHILO 67

1. Un accord international pour assurer l’unité de la jurisprudence 67

a) Pourquoi un accord international ? 67

b) Le projet actuellement en débat 68

(1) Le premier projet invalidé par la CJUE 68

(2) Le schéma juridictionnel 69

(3) Les niveaux de juridiction compétents 70

2. Les conséquences sur le calendrier de la polémique interétatique sur la localisation de la juridiction centrale 70

a) La polémique entre trois États membres 70

b) Le calendrier prévisionnel envisagé sous présidence danoise 71

3. La solution adoptée lors du dernier Conseil européen : complexe mais satisfaisante pour la France 72

a) Une solution complexe 72

b) Un compromis critiqué au Parlement européen 73

c) Le choix de Paris comme siège de la juridiction centrale 74

(1) Un acquis crucial 74

(2) Les conséquences pour l’innovation française 74

II. LA POSITION DE LA FRANCE 77

A. UN SOUTIEN CONSTANT AU PROJET DE BREVET UNITAIRE 77

B. L’INTÉRÊT DE S’INSCRIRE DANS LE CADRE DE LA CONVENTION DE MUNICH 77

C. LA PÉRIODE TRANSITOIRE 78

III. LES HYPOTHÈQUES À LEVER POUR QUE LE BREVET EUROPÉEN À EFFET UNITAIRE ATTEIGNE SES OBJECTIFS 81

A. LE LONG CHEMIN VERS L’ADOPTION DU PAQUET LÉGISLATIF « BREVET UNITAIRE » 81

1. Le problème sensible de la base juridique 81

a) Trois points susceptibles d’alimenter des recours à venir 81

b) L’abandon de pouvoir de l’Union européenne au profit de l’OEB 81

2. Un ultime obstacle imprévu en passe d’être surmonté 82

a) La polémique consécutive à la suppression des articles 6 à 8 de la proposition de règlement mettant en œuvre la coopération renforcée 82

(1) Le revirement du Conseil 82

(2) La réaction du Parlement européen 83

(3) La suspension des négociations interinstitutionnelles 84

b) Le paquet législatif respecte deux principes du droit européen 84

(1) La CJUE conserve l’entièreté de ses prérogatives en matière de renvoi préjudiciel 84

(2) Le champ de la brevetabilité établi par la réglementation européenne existante n’est nullement revisité 85

c) L’adoption des deux règlements est maintenant en bonne voie 85

3. Approuver rapidement l’accord international 86

B. UNE FOIS LE PAQUET ADOPTÉ, VEILLER AU SUCCÈS DE SA MISE EN œUVRE 86

1. Maîtriser le coût du brevet pour ne pas pénaliser et dissuader les inventeurs 86

a) Maîtriser les coûts de validation 87

(1) Comparaison des coûts de validation 87

(2) Les arbitrages des entreprises pour déterminer un périmètre de pays adéquat 87

(3) Raisonner à périmètre identique 88

b) Élaborer un modèle économique couvrant toute la durée de vie du brevet 89

(1) Le système actuel des redevances de maintien 89

(2) La clé de répartition entre États participants 90

2. Garantir la qualité du service rendu par la future juridiction des brevets et sa stabilité 91

a) Le contentieux actuel 91

b) La responsabilité du comité administratif de l’OEB 92

(1) Les missions du comité administratif 92

(2) Les règles de procédure : tirer profit du changement de logique juridictionnelle 93

(3) Les modalités de nomination des juges : les spécificités d’une juridiction spécialisée 93

(a) Les risque de constitution d’un « microcosme des brevets » 94

(b) Des juges choisis parmi les professionnels de la propriété industrielle 94

(4) La fixation des « honoraires de juridiction » 95

3. S’efforcer d’inclure l’Italie et l’Espagne dans le dispositif du brevet unitaire 96

TRAVAUX DE LA COMMISSION 97

CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION 105

VOM AUSSCHUSS BESCHLOSSENE ANTRÄGE 109

CONCLUSIONS ADOPTED BY THE COMMITTEE 113

GLOSSAIRE 117

ANNEXES 119

ANNEXE 1 : PERSONNES AUDITIONNÉES 121

ANNEXE 2 : CLASSIFICATION INTERNATIONALE DES BREVETS (CIB) DE L’OMPI 125

ANNEXE 3 : ÉVOLUTION ENTRE 2000 ET 2011 DU NOMBRE DE BREVETS PUBLIÉS DANS CHAQUE LANGUE DE PROCÉDURE DE L’OEB 127

ANNEXE 4 : COMPARAISON DU COÛT D’OBTENTION D’UNE PROTECTION PAR BREVET SELON LES SYSTÈMES EUROPÉENS ET AMERICAIN 129

ANNEXE 5 : ARTICLE 267 DU TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE 131

RÉSUMÉ DU RAPPORT

Dans l’état actuel du droit, les inventeurs désireux de déposer dans plusieurs pays européens un brevet reconnu par leur office national des brevets ou par l’Office européen des brevets (OEB) sont tenus de le traduire dans chacune des langues nationales concernées – sauf dans les pays qui y ont expressément renoncé – et de faire valider cette traduction par les autorités nationales compétentes, en suivant les règles en vigueur localement. Cette fragmentation de la protection de la propriété industrielle génère des complications administratives, des surcoûts et de l’incertitude juridique, c’est-à-dire autant d’entraves regrettables à la diffusion de l’innovation et à l’établissement d’une bibliothèque scientifique accessible à tous.

Les effets positifs d’un brevet européen à effet unitaire


Un système de brevet à effet unitaire valable sur tout le territoire européen, organisé autour d’un régime linguistique simple, aurait trois effets positifs.

Premièrement, les frais de traduction et de validation des brevets européens seraient significativement réduits – d’environ 80 % selon les calculs de la Commission européenne.

Deuxièmement, les procédures de validation et de maintien en vigueur des brevets, mais aussi d’enregistrement des transferts, des licences et autres droits relatifs aux brevets, seraient rationalisées et harmonisées.

Troisièmement, une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle serait offerte aux agents économiques innovants sur le territoire des États membres contractants.

Pourquoi une coopération renforcée ?


Mais l’Italie et l’Espagne ont toujours brandi leur veto contre un système de brevet unitaire fondé sur le régime de traduction le plus pragmatique, à savoir l’option trilingue privilégiant l’anglais, l’allemand et le français. Suggérée par la Commission européenne, cette formule constitue déjà le fondement du fonctionnement de l’OEB, chargé d’instruire les demandes de brevet classiques sur notre continent.

C’est ce qui a conduit les vingt-cinq autres États membres à entreprendre, à partir de décembre 2010, la mise en place d’une coopération renforcée, comme le prévoient les traités en cas de pareil blocage.

Un
« paquet » composé de deux règlements et d’un accord international


Le 13 avril 2011, la Commission européenne a proposé aux co-législateurs européens l’adoption de deux textes législatifs, relatifs respectivement à la mise en
œuvre de la coopération renforcée et aux modalités applicables en matière de traduction, dont a été saisie la Commission des affaires européennes, conformément à l’article 88-4 de la Constitution.

Parallèlement, les vingt-cinq États membres participants négocient les termes d’un accord international tendant à créer ex nihilo un système juridictionnel européen spécialisé sur les litiges ayant trait aux brevets.

Les difficultés juridiques et politiques


Plus d’un an et demi a passé et les trois textes visés n’ont toujours pas été adoptés. En effet, outre le désaccord linguistique, de multiples difficultés juridiques et politiques se sont dressées.

D’abord, la conformité aux traités du recours à la coopération renforcée dans le cas d’espèce du brevet européen à effet unitaire et la pertinence du véhicule juridique choisi sont contestées par l’Italie et l’Espagne, qui ont déposé un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Ensuite, le choix de la localisation de la future juridiction centrale de résolution des litiges, qui n’est pas dépourvu d’enjeux, a fait l’objet d’une bataille serrée entre la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui défendaient respectivement les candidatures de Paris, Munich et Londres.

Enfin, le Royaume-Uni a obtenu la suppression des articles 6 à 8 de la proposition de règlement relative à la mise en
œuvre de la coopération renforcée, qui mentionnaient des effets juridiques du brevet unitaire faisant référence à des dispositions communautaires susceptibles de justifier le recours en dernière instance à la CJUE.

La « boîte de Pandore » des revendications nationales est régulièrement rouverte. D’une présidence semestrielle du Conseil européen à l’autre, ces désaccords, d’une ampleur imprévue, ont retardé l’adoption du « paquet brevet européen à effet unitaire », maintenant espérée pour le début de l’année 2013 – à supposer que le Conseil et le Parlement européen, entrés depuis le début de l’été 2012 dans un véritable nouveau cycle de négociations, parviennent à s’entendre.

La position constante de la France


La France a toujours fait partie des pays les plus actifs pour défendre le principe du brevet dit « communautaire » puis « unitaire », avec comme préoccupation centrale le potentiel de croissance et d’emploi inhérent à un développement de l’économie des brevets en Europe. Elle s’est particulièrement investie pour enclencher, conjointement avec onze autres États membres, la démarche initiale de demande officielle à la Commission européenne de lancement de cette coopération renforcée.

Lors du Conseil compétitivité du 30 mai 2012, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes, a une nouvelle fois insisté sur l’engagement de la France en faveur du brevet européen à effet unitaire : « Une telle mesure, très attendue par l’industrie, vise à favoriser l’innovation en Europe, élément essentiel à la croissance et à la compétitivité de l’Union. Elle permettra en effet aux entreprises d’obtenir une protection de leurs inventions sur le territoire de l’Union de manière beaucoup plus simple et à un coût fortement réduit par rapport à la situation actuelle. »

L’intérêt du projet pour l’Europe et la France


Dans les conclusions que nous proposons d’adopter à la Commission des affaires européennes en vue d’adresser des recommandations aux négociateurs français, nous avons souhaité insister sur l’intérêt que revêt le projet.

D’une part, en tant qu’Européens, nous nous félicitons que se profile l’adoption d’un dispositif de brevetage unitaire, incitatif pour l’innovation industrielle et facteur de diffusion de la connaissance scientifique et technique.

D’autre part, en tant que Français, nous sommes sensibles au fait que notre pays soit en passe d’obtenir deux garanties indispensables pour la sauvegarde de ses intérêts : le maintien du système issu de la Convention sur la délivrance des brevets européens, qui érige le français en langue de référence, à côté de l’allemand et de l’anglais ; le choix de Paris comme siège de la future juridiction centrale de résolution des litiges, même s’il a fallu consentir à ce qu’une fraction significative des contentieux soient décentralisés à Munich et à Londres.

C’est pourquoi, une fois les propositions de règlements adoptées et l’accord international signé, la France se devra de peser de tout son poids, d’une part, pour enclencher un mouvement d’approbation rapide par les États participants et, d’autre part, pour inciter l’Espagne et l’Italie à rejoindre les vingt-cinq autres États membres.

Trois hypothèques à lever une fois le
« paquet » adopté


Trois hypothèques touchant au fonctionnement du futur système administratif et juridictionnel des brevets devront aussi impérativement être levées pour assurer la réussite du projet, c’est-à-dire emporter la confiance des inventeurs et les inciter à solliciter des brevets européens à effet unitaire plutôt que des brevets nationaux ou des brevets européens simples tels qu’ils existent actuellement.

Premièrement, les coûts d’instruction, de validation et de redevance annuelle devront être compétitifs. Or force est de constater que les textes en discussion n’apportent aucune garantie à ce sujet : seules sont pour l’instant avancées des hypothèses de travail à consolider ; le modèle économique du brevet européen à effet unitaire reste à élaborer.

Deuxièmement, les magistrats choisis par l’OEB pour armer les différents échelons juridictionnels devront présenter un profil très pointu, à deux égards : d’un côté, il faudra sélectionner des experts possédant des compétences techniques incontestables pour juger d’une matière particulièrement complexe ; de l’autre, il conviendra qu’ils conservent leur indépendance par rapport au « microcosme des brevets », en ne prenant en considération que les règles de droit – relatives notamment au champ de la brevetabilité – et en se gardant de fabriquer une jurisprudence trop interprétative.

Troisièmement, l’organisation de la juridiction des brevets dans son ensemble et l’articulation entre ses chambres et ses degrés sera tout autant cruciale, afin que les décisions de justice soient produites aussi rapidement que possible et pour un coût non prohibitif. Il s’agit, là encore, de contribuer à asseoir la sécurité juridique et par voie de conséquence la crédibilité du système tout entier.

ZUSAMMENFASSENDER BERICHT

Nach gegenwärtigem Recht müssen Erfinder, die in mehreren europäischen Ländern ein von ihrem nationalen Patentamt oder vom Europäischen Patentamt (EPA) anerkanntes Patent anmelden wollen, ihr Patent in die jeweiligen nationalen Sprachen übersetzen lassen – mit Ausnahme jener Länder, die ausdrücklich darauf verzichtet haben – und die Übersetzung von den zuständigen nationalen Behörden gemäß den örtlich geltenden Vorschriften bestätigen lassen. Diese Fragmentierung des Schutzes des gewerblichen Eigentums verursacht administrative Erschwerungen, Mehrkosten und Rechtsunsicherheit, d.h. es entstehen bedauernswerte Hürden für die Verbreitung von Innovation und die Schaffung einer wissenschaftlichen Bibliothek, die für alle zugänglich ist.

Die positiven Auswirkungen eines europäischen Patents mit einheitlicher Wirkung


Ein Patentsystem mit einheitlicher Wirkung, das in ganz Europa gültig ist und auf einer einfachen sprachlichen Regelung beruht, hätte drei positive Auswirkungen.

Erstens wären die Kosten für Übersetzung und Bestätigung der europäischen Patente erheblich geringer - um rund 80 % nach den Berechnungen der EU-Kommission.

Zweitens wären die Verfahren zur Bestätigung und Aufrechtserhaltung wie auch die Verfahren zur Eintragung von Rechtsübergängen, Lizenzen und sonstigen Rechten im Zusammenhang mit Patenten rationalisiert und harmonisiert.

Zweitens wären die Verfahren zur Validierung und Aufrechtserhaltung wie auch die Verfahren zur Eintragung von Rechtsübergängen, Lizenzen und sonstigen Rechten im Zusammenhang mit Patenten rationalisiert und harmonisiert.

Warum eine verstärkte Zusammenarbeit?


Italien und Spanien haben stets ein Veto gegen ein einheitliches Patentsystem, das auf einer pragmatischen Übersetzungsregelung beruht, nämlich auf einer dreisprachigen Wahl mit Englisch, Deutsch und Französisch eingelegt. Diese von der EU-Kommission vorgeschlagene Regelung dient bereits als Grundlage für die Arbeitsweise des EPA, das für die Bearbeitung der herkömmlichen Patentanmeldungen auf unserem Kontinent zuständig ist.

Die übrigen fünfundzwanzig Mitgliedstaaten haben daher eine verstärkte Zusammenarbeit seit Dezember 2010 eingerichtet, die in den Verträgen bei einer Blockade wie im vorliegenden Fall vorgesehen ist.

Ein
„Paket“, bestehend aus zwei Verordnungen und einem internationalen Übereinkommen


Am 13. April 2011 hat die EU-Kommission den europäischen Ko-Gesetzgebern die Billigung von zwei Gesetzestexten zur Umsetzung der verstärkten Zusammenarbeit und Anwendung von Übersetzungsregelungen vorgeschlagen, die vom Ausschuss für Angelegenheiten der Europäischen Union gemäß Artikel 88-4 der Verfassung geprüft wurden.

Parallel dazu verhandeln die fünfundzwanzig teilnehmenden Mitgliedstaaten über ein internationales Übereinkommen im Hinblick auf die ex nihilo Schaffung eines europäischen, auf Patentstreitigkeiten spezialisierten Gerichtssystems.

Rechtliche und politische Schwierigkeiten


Seither sind mehr als eineinhalb Jahre vergangen und die drei vorbezeichneten Verordnungen wurden nicht verabschiedet. Abgesehen von der Uneinigkeit über die sprachlichen Regelungen sind zahlreiche rechtliche und politische Schwierigkeiten aufgetreten.

Zunächst wird die Konformität der verstärkten Zusammenarbeit im Bereich des europäischen Patents mit einheitlicher Wirkung mit den geltenden Verträgen und die Anwendung des gewählten Rechtsinstituts von Italien und Spanien, die diesbezüglich eine Beschwerde beim Europäischen Gerichtshof (EuGH) eingereicht haben, bestritten.

Desweiteren wurde über die wichtige Frage der Standortwahl der künftigen zentralen Gerichtsbarkeit für Patentstreitigkeiten zwischen Frankreich, Deutschland und dem Vereinigten Königreich heftig gestritten, die die Kandidaturen von Paris, München und London verteidigen .

Letztlich hat das Vereinigte Königreich die Streichung der Artikel 6 bis 8 des Entwurfs der Verordnung über die Umsetzung der verstärkten Zusammenarbeit durchgesetzt, in denen die rechtlichen Auswirkungen des Einheitspatents unter Bezugnahme auf die gemeinschaftlichen Vorschriften, die eine Beschwerde in letzter Instanz vor dem EuGH zulassen, dargelegt waren.

Die „Büchse der Pandora“ der nationalen Forderungen wird immer wieder geöffnet. Von einer halbjährigen Ratspräsidentschaft auf die andere haben diese Meinungsverschiedenheiten von ungeahntem Ausmaß die Billigung des Pakets „des europäischen Patents mit einheitlicher Wirkung“ verzögert, die nunmehr Anfang 2013 angestrebt wird – sofern der Rat und das europäische Parlament, die seit Anfang Sommer 2012 eine neue Verhandlungsrunde eingeleitet haben, zu einer Einigung gelangen.

Die ständige Position Frankreichs


Frankreich hat stets zu jenen Ländern gehört, die grundsätzlich das sogenannte „Gemeinschaftspatent“ bzw. „Einheitspatent“ im Hinblick auf das zentrale Anliegen des damit verbundenen Wachstums- und Beschäftigungspotentials der Patentwirtschaft in Europa aktiv verteidigt haben. Frankreich hat sich gemeinsam mit elf weiteren Mitgliedstaaten insbesondere dafür eingesetzt, dass die ursprüngliche Initiative eines offiziellen Antrags an die EU-Kommission zur Aufnahme der verstärkten Zusammenarbeit eingeleitet wird.

Beim Rat Wettbewerbsfähigkeit vom 30. Mai 2012 hat der für europäische Angelegenheiten zuständige Minister Bernard Cazeneuve erneut das Engagement Frankreichs für das europäische Patent mit einheitlicher Wirkung unterstrichen: „Eine solche Maßnahme, mit der die Industrie fest rechnet, soll Innovation in Europa, eine wesentliche Voraussetzung für Wachstum und die Wettbewerbsfähigkeit der EU fördern. Sie wird den Unternehmen die Möglichkeit bieten, einen Schutz für ihre Erfindungen im Hoheitsgebiet der EU auf einem viel einfacheren Weg als heute zu deutlich geringeren Kosten zu erhalten.“

Die Bedeutung des Projekts für Europa und Frankreich


In den Anträgen, die wir zur Billigung dem Ausschuss für europäische Angelegenheiten vorlegten, damit er den französischen Unterhändlern entsprechende Empfehlungen erteilt, wollten wir die Bedeutung dieses Projekts unterstreichen.

Als Europäer begrüßen wir einerseits, dass sich die Verabschiedung eines einheitlichen Patentschutzes abzeichnet, der die industrielle Innovation begünstigt und Voraussetzung für die Verbreitung von wissenschaftlichen und technischen Kenntnissen ist.

Als Franzosen sind wir andererseits daran interessiert, dass unser Land zwei unabdingbare Garantien für die Wahrung seiner Interessen erhält: die Beibehaltung des Systems, das auf dem Übereinkommen über die Erteilung europäischer Patente beruht und Französisch neben Deutsch und Englisch als Referenzsprache vorsieht; die Wahl von Paris als Sitz für die künftige zentrale Gerichtsbarkeit zur Lösung von Streitigkeiten, obwohl man hinnehmen musste, dass ein nicht unerheblicher Teil der Streitigkeiten nach München und London verlegt werden.

Sobald die Verordnungsentwürfe gebilligt und das internationale Übereinkommen unterzeichnet sind, wird Frankreich sein gesamtes Gewicht einsetzen, um einerseits eine schnelle Verabschiedung durch die teilnehmenden Staaten in die Wege zu leiten, und andererseits Spanien und Italien davon zu überzeugen, sich den anderen fünfundzwanzig Mitgliedstaaten anzuschließen.

Drei Hürden, die nach der Billigung des
„Pakets“ zu überbrücken sind


Drei Hürden bei der Arbeitsweise des künftigen Patentverwaltungs- und Patentgerichtsbarkeitssystems müssen unbedingt überbrückt werden, um den Erfolg des Projekts zu sichern, und zwar muss das Vertrauen der Erfinder gewonnen werden, damit sie europäische Patente mit einheitlicher Wirkung anmelden anstatt nationale Patente oder einfache europäische Patente, so wie sie heute existieren.

Erstens müssen die Kosten für die Bearbeitung und Bestätigung sowie die Jahresgebühr wettbewerbsfähig sein. Es ist jedoch festzustellen, dass die zur Diskussion stehenden Vorschriften diesbezüglich keine Gewähr vorsehen. Es liegen derzeit lediglich Arbeitshypothesen vor, die es zu festigen gilt. Das wirtschaftliche Modell des europäischen Patents mit einheitlicher Wirkung ist noch zu erstellen.

Zweitens müssen die vom EPA für die unterschiedlichen Instanzen ausgewählten Richter in zweifacher Hinsicht fachlich äußerst kompetent sein: einerseits müssen Experten ausgewählt werden, die unstreitig über technische Kompetenzen verfügen, um in äußerst komplexen Fächern Recht sprechen zu können; andererseits müssen sie gegenüber dem „Mikrokosmos der Patente“ ihre Unabhängigkeit wahren und sich lediglich an die geltenden Rechtsvorschriften halten, insbesondere auf dem Gebiet der Patentierbarkeit – und sich nicht eine vorwiegend auf Auslegung beruhende Rechtsprechung zu eigen machen.

Drittens ist auch die Organisation der Patentgerichtsbarkeit als Ganzes, die Aufteilung auf mehrere Kammern und mehrere Stufen von wesentlicher Bedeutung, damit die Gerichtsentscheidungen möglichst schnell zu erschwinglichen Kosten erlassen werden können. Es handelt sich auch hier um einen Betrag zur Rechtssicherheit und damit zur Glaubwürdigkeit des Systems in seiner Gesamtheit.

A SUMMARY OF THE REPORT

As the law currently stands, inventors wishing to register a patent in several different European countries through their national patent office or the European Patent Office (EPO) must arrange for its translation into the language of each of the countries – with the exception of those who have expressly waived the requirement for translations – and must request validation of the translation by the competent national authorities, in compliance with the rules applicable in that country. This fragmentation of the intellectual property protection rules results in administrative complications, excessive costs and legal uncertainty, all of which constitute regrettable impediments to the diffusion of innovation and the creation of an open-access scientific library.

The positive effects of a European patent with unitary effect


A European patent with unitary effect that is valid throughout Europe and is organised around a simple language regime would have three positive effects.

Firstly, the cost of translating and validating European patents would be significantly reduced – the European Commission has calculated that the savings would be as high as around 80%.

Secondly, the procedures for registering and maintaining patents, and also for registering transfers, licenses and other rights associated with patents, would be streamlined and harmonised.

Thirdly, innovative economic agents in the contracting Member States would benefit from uniform protection of their intellectual property rights.

The need for enhanced cooperation


However, Italy and Spain have always been opposed to a unitary European patent system based on the most pragmatic translation regime, consisting of a trilingual approach giving priority to English, German and French. This solution was suggested by the European Commission – the EPO, which is responsible for examining traditional patent applications in Europe, already operates on this basis.

In view of this, and in accordance with the Treaties in such a deadlock situation, the 25 other Member States agreed about implementing enhanced cooperation from December 2010.

A “package” consisting of two regulations and one international agreement


On 13 April 2011, the European Commission proposed that the European legislators adopt two legislative enactments, covering the implementation of the enhanced cooperation and the translation arrangements, respectively. In France, the proposals were referred to the European Affairs Committee in accordance with article 88-4 of the Constitution.

At the same time, the 25 participating Member States negotiated the terms of an international agreement that would create ex nihilo a European court specialising in patent-related disputes.

Legal and political issues


More than 18 months later, none of the three texts have been adopted. A number of legal and political problems have combined with the linguistic issue to prevent this.

First of all, Italy and Spain have lodged a complaint with the Court of Justice of the European Union (CJEU), arguing that recourse to the enhanced cooperation in connection with the European patent with unitary effect is incompatible with the Treaties, and contesting the appropriateness of the chosen legal vehicle.

Then, much was riding on the choice of location of the future central dispute resolution body. This was tightly fought by France, Germany and the United Kingdom, championing Paris, Munich and London, respectively.

Lastly, the United Kingdom obtained the deletion of articles 6 to 8 of the proposal for a regulation on the implementation of enhanced cooperation, which concerned the legal effects of the unitary patent and referred to provisions of Community law that could be raised to justify an appeal in the last instance to the CJEU.

The “Pandora’s Box of national claims is regularly reopened. From one six-month presidency of the European Council to another, these surprisingly divergent views have delayed the adoption of the “European patent with unitary effect package” This is now scheduled for the start of 2013, provided the Council and the European Parliament, which embarked on a fresh round of negotiations early in the summer of 2012, reach agreement.

France's constant position


France has always been one of the most ardent defenders of the principle of a “community” or, as it is now called, a “unitary” patent, essentially because of the potential for growth and employment that the development of the patent system in Europe would bring. It was heavily involved in the initial process, along with eleven other Member States, that resulted in the official request made to the European Commission to launch enhanced cooperation.

At a meeting of the Competitiveness Council held on 30 May 2012, Mr Bernard Cazeneuve, Minister for European Affairs, once again stressed France's commitment to the European patent with unitary effect: “Such a measure would be welcomed by industry and will encourage innovation in Europe, which is a crucial factor for growth and the European Union's competitiveness. It will enable companies to protect their inventions within the European Union much more easily and at a much lower cost than is currently the case.”

The importance of the project for both Europe and France


In the conclusions that the European Affairs Committee proposes to adopt, before providing the French negotiators with recommendations, we felt the need to stress the importance of this project.

On the one hand, as Europeans, we welcome the future adoption of a unitary patent system, which will encourage industrial innovation and promote the diffusion of scientific and technical knowledge.

On the other hand, as citizens of France, we are aware that our country would benefit from two essential guarantees that its interests would be protected: the maintenance of the system deriving from the Convention on the Grant of European Patents, which establishes French as one of the languages of reference along with German and English; the choice of Paris as the headquarters of the future central dispute resolution body, even though we have had to agree to the decentralisation of a substantial proportion of cases to Munich and London.

That is why, once the proposals for regulations have been adopted and the international agreement has been signed, France needs to bring all its weight to bear in order to rapidly obtain the approval of the participating States, and also to encourage Spain and Italy to join the 25 other Member States.

Three obstacles need to be removed after adoption of the “package”


Three obstacles to the satisfactory operation of the future administrative and judicial system for patents will also need to be removed if this project is to succeed; in other words, if we are to win the trust of inventors and convince them to apply for European patents with unitary effect instead of the national or European patents that currently exist.

Firstly, the cost of examining and validating patent applications and of annual renewal fees must be competitive. However, it has to be noted that the texts that are currently under discussion do not offer any guarantees that this will be the case: at present, we only have working hypotheses that require further refinement; the economic model for the European patent with unitary effect still needs to be defined.

Secondly, the judges appointed to the courts of first instance and appeal by the EPO need to have a very specific profile, on two counts: on the one side, they will need to be specialists in the field with universally acknowledged technical expertise that qualifies them to hear particularly complex cases; on the other side, they will need to remain independent of the “small world of patents”, basing their decisions only on rules of law, in particular with regard to the scope of patentability, and avoiding over-interpretive decisions.

Thirdly, the organisation of the patent litigation system as a whole, and of relations between its various courts and divisions, will be equally important, as we need to ensure that cases are heard and resolved quickly and that costs remain reasonable. Once again, this will reinforce legal security and, as a result, the credibility of the entire system.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La globalisation de l’économie entraîne un développement de la concurrence commerciale et une accélération de la circulation sans frontières des actifs matériels et immatériels. Ces réalités imposent à l’Union européenne, confrontée à la plus grave crise systémique de son histoire – crise vouée, d’après les estimations de croissance publiées le 7 novembre par la Commission européenne, à perdurer jusqu’à 2014 –, de gagner en compétitivité hors-prix.

À cet égard, outre une politique industrielle à construire et une politique de recherche appuyée sur des programmes-cadres financiers pluriannuels, l’Union européenne aurait intérêt à compléter son arsenal de protection des résultats de l’innovation avec un brevet à effet unitaire. L’objectif est d’apporter une protection uniforme, sur le territoire européen, aux détenteurs de droits de propriété intellectuelle, au moyen d’une procédure centralisée incluant les phases de dépôt des demandes, d’instruction des dossiers et de validation des titres.

Le 1er mars 2011 puis le 8 février 2012, notre collègue Philippe Cochet, député du Rhône, a présenté devant notre Commission des affaires européennes deux communications relatives au projet de brevet européen à effet unitaire :

- la première portait sur la proposition de décision du Conseil autorisant l’amorçage de cette coopération renforcée ;

- une fois ce premier texte adopté par le Conseil, la seconde fut consacrée aux deux propositions de règlement relatives respectivement à la mise en œuvre de la coopération renforcée et aux modalités applicables en matière de traduction.

Chargés du suivi des questions de recherche et d’innovation au sein de la Commission des affaires européennes, il nous est paru nécessaire de publier, au terme d’une série d’auditions, un rapport d’information complétant ces travaux de la XIIIe législature.

PREMIÈRE PARTIE :
LE RÉGIME ACTUEL DES BREVETS EN EUROPE,
UN HANDICAP POUR L’INNOVATION

I. LE BREVETAGE DES INVENTIONS CONSTITUE
UN MOTEUR INDISPENSABLE POUR L’INNOVATION

A. Qu’est-ce qu’un brevet ?

1. Un titre de propriété industrielle

a) Une reconnaissance de la créativité

La propriété industrielle est l’une des deux branches de la propriété intellectuelle, avec le droit d’auteur, qui se rapporte, pour sa part, aux créations littéraires et artistiques. L’article 1er, alinéa 3, de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle accorde une vaste portée à la propriété industrielle(2), qui « s’entend dans l’acception la plus large et s’applique non seulement à l’industrie et au commerce proprement dits, mais également au domaine des industries agricoles et extractives et à tous produits fabriqués ou naturels, par exemple : vins, grains, feuilles de tabac, fruits, bestiaux, minéraux, eaux minérales, bières, fleurs, farines ».

Un brevet, ou brevet d’invention, est un titre de propriété industrielle(3) conférant, dans un territoire donné et pour une durée limitée – généralement vingt ans –, un droit exclusif d’exploitation sur une invention, c’est-à-dire sur un produit ou un procédé innovant apportant une solution technique à un problème. Sans être nécessairement complexe, une invention ne peut se résumer à la découverte d’un objet ou d’un phénomène existant dans la nature mais doit résulter de l’intervention, de l’intelligence de l’homme.

Le particulier ou l’entreprise qui devient titulaire d’un brevet obtient par là-même une reconnaissance de sa créativité, susceptible de se traduire en une récompense matérielle si son invention est commercialisable. C’est donc aussi une mesure d’incitation à l’innovation, contribuant au progrès.

b) Une logique différente de celle du secret d’affaires

En contrepartie de ce droit exclusif, son titulaire a obligation de partager l’invention brevetée avec le public, de manière appropriée, afin que d’autres agents économiques puissent acquérir le nouveau savoir puis éventuellement améliorer la technologie. La divulgation de l’invention constitue un élément essentiel de toute procédure d’obtention de brevet : le système des brevets est conçu de façon à établir un équilibre entre les intérêts des inventeurs et ceux de la société.

Il suit donc une logique de contrat implicite entre acteurs économiques, différente de celle du secret d’affaires, qui consiste à s’efforcer d’empêcher les tiers de faire un usage commercial d’une invention en la soustrayant à toute publicité. Le secret d’affaires n’offre qu’une protection relative ; en effet, une fois l’invention divulguée, toute entreprise y ayant accès pourra en faire usage librement, voire, dans certains cas, la faire breveter.

2. Un titre obtenu au terme d’un processus administratif de validation technique

a) Les offices nationaux et supranationaux

L’obtention d’un brevet d’invention passe par le dépôt d’une demande auprès de l’office national compétent. Deux offices supranationaux – dits « régionaux » –, remplissant également cette fonction mais couvrant plusieurs pays, ont aussi été mis sur pied par voie d’accords internationaux :

- l’Office européen des brevets(4) (OEB) ;

- l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle(5) (OAPI).

b) Les quatre critères de brevetabilité

La demande de brevet doit décrire l’invention de façon détaillée et la comparer avec les technologies déjà existantes dans le même domaine afin de démontrer sa nouveauté. Pour être jugée recevable, elle doit remplir quatre critères ou conditions de brevetabilité :

- nouveauté : l’invention doit comporter une caractéristique nouvelle, étrangère au fonds de connaissances existantes dans l’état de la technique ;

- non-évidence : l’invention doit impliquer une activité réellement inventive, c’est-à-dire ne pas être évidente pour quiconque possédant une connaissance moyenne du domaine technique considéré ;

- utilité : l’invention doit avoir une utilité pratique ou pouvoir faire l’objet d’une application industrielle, sous quelque forme que ce soit ;

- champ de la brevetabilité : l’invention doit entrer dans le champ des objets brevetables délimité par le droit national, de nombreux pays excluant les théories scientifiques, les méthodes mathématiques, les découvertes de variétés végétales, animales et de substances naturelles, les méthodes de traitement médical, ou encore les techniques dont l’exploitation commerciale serait exclue au regard de l’ordre public, des bonnes mœurs ou de la santé.

Les conditions de nouveauté et de non-évidence sont généralement appréciées à la date de dépôt de la demande. Les articles 4 et 4 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle prévoient toutefois une exception à ce principe, intitulée « droit de priorité » : une fois sa demande déposée dans un pays partie à la Convention de Paris, l’inventeur ou son ayant droit peut, dans un délai déterminé, continuer à demander la protection de son invention dans tout autre pays partie à ladite Convention, même si les conditions de nouveauté et de non-évidence ne sont plus remplies.

3. Un titre qui produit des effets juridiques

a) La nature des effets juridiques

Un produit ou un procédé protégé par brevet dans un pays donné ne peut y être fabriqué, utilisé, distribué, vendu ou importé sans le consentement du titulaire du brevet. Celui-ci, au cours de la période durant laquelle court la protection, a le droit de décider qui est autorisé à utiliser son invention brevetée et qui ne l’est pas. Il peut, en vertu d’une licence, permettre aux tiers d’utiliser son invention, à des conditions convenues d’un commun accord. Il peut aussi vendre son droit sur l’invention à un tiers, qui devient à son tour titulaire du brevet. À l’expiration du brevet, la protection prend fin et l’invention entre dans le domaine public : le titulaire perd ses droits exclusifs sur l’invention et celle-ci peut être librement exploitée commercialement par les tiers.

Le principe selon lequel une invention brevetée ne peut être légalement exploitée sans l’autorisation du titulaire du brevet considéré admet des exceptions, qui prennent en considération l’équilibre entre les intérêts légitimes du titulaire du brevet et l’intérêt général. L’invention brevetée est alors exploitée par les autorités gouvernementales ou en leur nom, sur la base d’une licence obligatoire qu’elles ont accordée. Une licence obligatoire ne peut néanmoins être concédée que dans des cas très spéciaux, prévus par la législation nationale, et aux strictes conditions que l’entité souhaitant exploiter l’invention ne parvienne pas à obtenir l’autorisation du titulaire du brevet et que celui-ci perçoive une rémunération adéquate.

Les litiges afférents au droit des brevets sont susceptibles d’être sanctionnés au terme d’une action devant les tribunaux. Il peut s’agir :

- d’atteintes aux droits d’un titulaire, qualifiées de « contentieux de la contrefaçon », les plus fréquents ;

- de contestations du bien-fondé de ces droits par des tiers, qualifiées de « contentieux de la validité » ;

- de contentieux contractuel.

En Europe, quiconque désire contester la validité d’un brevet dispose d’une fenêtre temporelle étroite de neuf mois peut l’attaquer devant l’OEB par le biais de la procédure dite « d’opposition ». Par la suite, il convient d’engager une action devant chacune des juridictions nationales où le brevet a été validé. Pour qu’un brevet cesse de produire des effets protecteurs significatifs à l’échelle du continent, il suffit toutefois, dans bien des cas, d’agir dans un nombre restreint de pays – par exemple l’Allemagne et la France –, surtout en matière de contentieux de la validité, dans laquelle les juridictions nationales rendent rarement des jugements divergents.

b) Les conflits d’interprétation sur le champ de la brevetabilité

(1) Les bornes fixées par la Convention sur la délivrance de brevets européens (CBE)

Le champ de la brevetabilité fait notamment l’objet de conflits d’interprétation inextricables, compte tenu des différences d’appréciation, d’un continent à l’autre, sur les matières devant échapper à tout brevetage, mais aussi des divergences d’interprétation des textes en vigueur. L’élaboration d’un nouveau texte régissant le droit des brevets suscite toujours de vives réactions de la part des différents groupes d’intérêts susceptibles de profiter ou de pâtir d’une modification du champ de la brevetabilité.

Pour ce qui concerne l’Europe, les articles 52 et 53 de la Convention sur la délivrance de brevets européens (CBE), visant respectivement les « inventions brevetables » et les « exceptions à la brevetabilité », prévoient :

- que « ne sont pas considérées comme des inventions » :

• « les découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques » ;

• « les créations esthétiques » ;

• « les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d’ordinateur » ;

• « les présentations d’informations » ;

- et que des « brevets européens ne sont pas délivrés » pour :

• « les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs » ;

• « les variétés végétales ou les races animales ainsi que les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux, cette disposition ne s’appliquant pas aux procédés microbiologiques et aux produits obtenus par ces procédés » ;

• « les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal, cette disposition ne s’appliquant pas aux produits, notamment aux substances ou compositions, pour la mise en œuvre d’une de ces méthodes ».

(2) Le cas des logiciels

La brevetabilité des logiciels est inconcevable car ils procèdent de formules mathématiques : autoriser le brevetage d’un logiciel, c’est en réalité autoriser le brevetage, par exemple, de la formule E=mc2, avec un effet contraignant sur la recherche. Elle remettrait en cause les fondements mêmes du partage des connaissances et de la possibilité d’innovation.

Les idées ne sont pas brevetables ou encadrées par le droit d’auteur. Seule la matérialisation, la forme de l’expression est ensuite susceptible de faire l’objet d’un encadrement juridique, soit par le droit d’auteur, s’il s’agit d’une œuvre de l’esprit, soit par le brevet, s’il s’agit d’une application industrielle. En conformité avec les législations internationale, européenne et française, les logiciels sont couverts par le droit d’auteur, qui a pour principale caractéristique de permettre à l’auteur d’un logiciel de décider des modalités d’utilisation et de diffusion de son œuvre. C’est donc grâce au droit d’auteur que les licences libres garantissent la possibilité de chacun d’utiliser, d’étudier, de copier, de modifier et de redistribuer les logiciels libres.

Or l’office américain des brevets, l’United States patent and Trademark Office (USPTO), sous la pression d’une poignée d’acteurs de son industrie informatique, soucieux de conserver leur position dominante, a une vision et une pratique permissives.

Celle-ci tend à influencer les arbitrages de l’OEB et de certains offices nationaux européens, comme le Deutsches Patent und Markenamt (DPMA), voire l’INPI, au péril de l’industrie du continent, alors même que la grande chambre de recours de l’OEB(6) puis la Cour suprême des États-Unis(7), en 2010, ont rendu des jugements restreignant considérablement le champ des brevets logiciels. La Commission européenne comme la France, de leur côté, n’ont jamais varié dans leur opposition à la brevetabilité des logiciels.

Steve Jobs, fondateur d’Apple, avait évoqué, à propos des brevets logiciels, le risque d’un déclenchement d’une « guerre thermonucléaire » dans l’industrie informatique.

(3) Le cas des semences végétales

De même, les industries semencières des pays européens les plus actifs en matière de sélection végétale sont très vigilantes vis-à-vis du maintien de l’interdiction de la brevetabilité des variétés végétales, établi par la CBE, et de la règle d’« exemption de sélection » adoptée dans certaines législations nationales – notamment en Allemagne – pour contrecarrer la directive biotechnologies(8), qui a ouvert la voie au brevetage des gènes. Cette « exemption de sélection » consiste à autoriser les scientifiques en quête de nouvelles variétés végétales à accéder librement et gratuitement à toutes les variétés déjà commercialisées et protégées afin d’exploiter le fonds génétique de ces dernières dans leurs recherche. Un brevet existant ne porte en effet que sur une fraction limitée du génome de la plante voire sur un seul de ses gènes – alors qu’elle en compte des milliers –, les autres pouvant être recombinés sans atteinte aux droits du détenteur du titre.

Dans les faits, 80 % des variétés brevetées le sont à partir de variétés déjà existantes. L’enjeu est donc particulièrement important pour l’Europe, premier marché mondial semencier du monde, notamment pour l’Allemagne et la France, qui, dans le classement nation par nation, arrive en troisième position derrière les États-Unis et la Chine.

B. La protection universelle des droits des inventeurs

1. Les missions de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)

Créée en 1967 par cinquante et un États signataires, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) devient une agence à part entière de l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1974, année de l’adhésion de la France. Elle regroupe aujourd’hui 185 pays membres et son siège est situé à Genève.

Cette institution a pour tâche de garantir la protection universelle des droits des créateurs et des titulaires de titres de propriété intellectuelle, et, partant, de reconnaître les inventeurs, les auteurs et de récompenser leur ingéniosité. C’est un lieu de dialogue au sein duquel il est procédé à l’élaboration des règles et pratiques dans l’ensemble du champ de la propriété intellectuelle, notamment par le biais de l’élaboration et de l’amélioration des traités internationaux.

Elle assure l’administration de vingt et un traités internationaux, notamment du traité de coopération en matière de brevets(9) du 19 juin 1970, ratifié par la France le 25 novembre 1977 et qui lie aujourd’hui 137 États.

Dans une optique d’harmonisation internationale avec les systèmes de protection, parfois vieux de plusieurs siècles, en vigueur dans les pays industrialisés, l’OMPI joue également un rôle d’assistance juridique et technique vis-à-vis de pays nouvellement créés ou en voie de développement, pour les aider à mettre sur pied leur législation relative aux brevets, aux marques et au droit d’auteur, ainsi que les dispositifs administratifs en découlant.

Elle fournit également des systèmes d’enregistrement national pour les brevets, les marques et les dessins et modèles industriels, qui simplifient la procédure à suivre par les demandeurs, dans la mesure où ils permettent de déposer simultanément une demande de protection de propriété intellectuelle dans plusieurs pays : au lieu de devoir déposer plusieurs dossiers nationaux dans plusieurs langues, les déposants, lorsqu’ils recourent à ces systèmes, déposent une demande unique, en une seule langue, et s’acquittent d’une taxe unique à ce titre.

Les systèmes de protection internationale administrés par l’OMPI comprennent quatre mécanismes différents de protection des droits de propriété industrielle, notamment, pour ce qui concerne le dépôt de demandes de brevet dans plusieurs pays, le système établi par le PCT(10).

L’OMPI dispose aussi d’un Centre d’arbitrage et de médiation, qui propose des services aux fins du règlement de litiges commerciaux internationaux impliquant des éléments de propriété intellectuelle et opposant des particuliers ou des entreprises privées. Ces litiges peuvent être d’origine :

- contractuelle, pour ce qui concerne les licences d’exploitation de brevets ou de logiciels, les accords de coexistence de marques, les accords de recherche & développement ;

- non contractuelle, pour ce quoi concerne les atteintes aux brevets.

Au contraire des autres entités relevant de l’ONU, l’OMPI est autonome financièrement, grâce aux taxes prélevées sur l’enregistrement des brevets, marques commerciales et autres dessins et modèles, qui excèdent les 300 millions d’euros annuels.

2. Les principales étapes de la procédure de brevetage auprès de l’OMPI

a) La phase d’instruction internationale

Une demande internationale PCT peut être déposée soit auprès d’un office national de brevets, soit directement auprès de l’OMPI. Les offices nationaux ne peuvent recevoir que des demandes internationales PCT émanant de ressortissants du pays dans lequel ils ont autorité. Ils vérifient les conditions de forme et de procédure requises, concernant en particulier les contraintes linguistiques et les taxes à verser. En 2011, l’INPI a ainsi reçu plus de 3 800 demandes PCT.

Les demandes sont ensuite transmises au bureau international de l’OMPI ainsi qu’aux « administrations chargées de la recherche internationale », compétentes sur des zones géographiques données – nationales ou régionales.

Quatorze agences de ce type sont opérationnelles :

- douze agences nationales, en Australie, en Autriche, au Canada, en Chine, en Corée du Sud, en Espagne, aux États-Unis, en Finlande, en Israël, au Japon, en Russie, et en Suède ;

- deux agences régionales, à savoir l’OEB – qui réalise plus de 50 % du nombre total de recherches internationales, ce qui témoigne de la reconnaissance mondiale de la qualité de son travail – et l’Institut nordique des brevets(11), qui couvre le Danemark, l’Islande et la Norvège.

Ces organismes recensent les documents publiés susceptibles d’avoir une incidence sur la brevetabilité de l’invention présentée, à la lumière de quoi ils émettent une opinion sur son caractère. Leur rapport de recherche permet d’évaluer les chances d’obtenir des brevets dans les États contractants du PCT.

Le contenu de la demande internationale est publié dès que possible après l’expiration d’un délai de dix-huit mois courant à compter de la date de dépôt.

Puis l’une des agences chargées de la recherche internationale est désignée « administration chargée de l’examen préliminaire international » afin de réaliser, à la demande du titulaire de la demande PCT, une analyse complémentaire de brevetabilité.

b) La phase de validation nationale

Dans l’état actuel de la réglementation internationale, il n’existe pas de brevets d’invention mondiaux ni même régionaux. Les effets d’un titre sont donc circonscrits au territoire de l’État pour lequel la protection a été accordée et, pour qu’un brevet prenne effet, un inventeur doit déposer des demandes distinctes auprès de chaque pays dans lequel il souhaite faire protéger ses droits, selon les modalités légales en vigueur localement.

Tout résident ou ressortissant d’un État contractant du PCT est certes habilité à déposer une demande internationale selon le PCT ; une demande internationale unique produit le même effet que des demandes nationales qui auraient été déposées dans chaque état contractant désigné du PCT. Toutefois, avec le système du PCT, pour pouvoir obtenir une protection par brevet dans les États désignés, il convient de procéder par voie dite d’« extension », c’est-à-dire de demander explicitement à se faire délivrer par chacun d’entre eux un brevet portant sur l’invention revendiquée dans le dossier instruit au niveau international par l’OMPI. La délivrance des brevets reste sous le contrôle des offices de brevets nationaux ou régionaux dans ce qu’il est convenu d’appeler la « phase nationale ».

L’on entre alors dans la phase nationale de validation des brevets de l’OMPI : les offices nationaux ou régionaux de brevets des États membres désignés dans la demande déterminent s’ils délivreront ou non un titre de propriété intellectuelle. L’OEB fait partie des organisations régionales que le déposant peut désigner dans sa demande de brevet PCT ; celle-ci aura alors la même valeur qu’une demande de brevet européen et entrera dans la catégorie des demandes dites « Euro-PCT ».

La France – tout comme la Belgique, Chypre, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, Monaco, les Pays-Bas et la Slovénie – impose aux déposants de n’être désignée dans leur demande PCT que par l’intermédiaire d’une demande de brevet Euro-PCT et non par une demande de brevet national.

Les exigences quant à la procédure et au fond qui conditionnent la délivrance des brevets ainsi que le montant des taxes exigibles varient d’un pays ou d’une région à l’autre. Il est par conséquent recommandé de consulter un juriste spécialisé dans la propriété intellectuelle ainsi que les services des offices de propriété intellectuelle des pays dans lesquels une protection est sollicitée.

Dans le cadre des systèmes régionaux, le déposant demande la protection de son invention dans un ou plusieurs pays, chacun d’entre eux contrôlant en aval la procédure de validation du brevet conduisant à lui donner un effet juridique dans les limites de ses frontières.

3. Le nombre de dossiers déposés par pays

Nombre de demandes internationales de brevets CPT
par pays et par an entre 2007 et 2011

RANG

PAYS

2007

2008

2009

2010

2011 ESTIMATION

2011 PART

2011 VARIATION

1

États-Unis d’Amérique

54 042

51 642

45 627

45 008

48 596

26,7%

8,0%

2

Japon

27 743

28 760

29 802

32 150

38 888

21,4%

21,0%

3

Allemagne

17 821

18 855

16 797

17 568

18 568

10,2%

5,7%

4

Chine

5 455

6 120

7 900

12 296

16 406

9,0%

33,4%

5

République de Corée

7 064

7 899

8 035

9 669

10 447

5,7%

8,0%

6

France

6 560

7 072

7 237

7 245

7 664

4,2%

5,8%

7

Royaume-Uni

5 542

5 467

5 044

4 891

4 844

2,7%

-1,0%

8

Suisse

3 833

3 799

3 672

3 728

3 999

2,2%

7,3%

9

Pays-Bas

4 433

4 363

4 462

4 063

3 494

1,9%

-14,0%

10

Suède

3 655

4 136

3 568

3 314

3 466

1,9%

4,6%

11

Canada

2 879

2 976

2 527

2 698

2 923

1,6%

8,3%

12

Italie

2 946

2 883

2 652

2 658

2 671

1,5%

0,5%

13

Finlande

2 009

2 214

2 123

2 138

2 080

1,1%

-2,7%

14

Australie

2 052

1 938

1 740

1 772

1 740

1,0%

-1,8%

15

Espagne

1 297

1 390

1 564

1 772

1 725

0,9%

-2,7%

 

Autres

12 595

13 726

12 656

13 346

14 389

7,9%

7,8%

 

Total

159 926

163 240

155 406

164 316

181 900

 

10,7%

Source : OMPI

En 2011, plus de 180 000 demandes de brevet PCT ont été déposées, soit une progression de 10,7 % par rapport à 2010, et le deux millionième dossier de l’histoire de l’OMPI a été enregistré. La Chine – qui, depuis 2007-2008, connaît une explosion de son économie des brevets –, les États-Unis et le Japon ont représenté à eux seuls 82 % de la croissance totale, ces deux derniers pays mobilisant à eux seuls près de la moitié de l’activité du système PCT.

La France s’est placée au sixième rang des plus grands utilisateurs du système PCT, après les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, la Chine et la Corée du Sud.

Il est également intéressant d’examiner les grandes tendances depuis 2007 : en quatre ans, le nombre de demandes émanant d’entités américaines a chuté de 10 %, tandis que celles émanant des pays asiatiques explosaient : plus 40,2 % pour le Japon, plus 47,9 % pour la Corée du Sud et surtout plus 200,8 % pour la Chine ! En Europe, les évolutions suivantes ont été observées : plus 16,8 % pour les demandes d’origine française, plus 4,2 % pour les demandes d’origine allemande, moins 14,4 % pour les demandes d’origine britannique.

L’entreprise chinoise de télécommunication ZTE Corporation est devenue le plus gros déposant de demandes internationales de brevets PCT, avec 2 826 demandes publiées. Elle a pris la première place à l’entreprise japonaise Panasonic Corporation, avec 2 463 demandes, devant l’entreprise chinoise Huawei Technologies, avec 1 831 demandes, l’entreprise japonaise Sharp Kabushiki Kaisha, avec 1 755 demandes, et l’entreprise allemande Robert Bosch Corporation, avec 1 518 demandes. Ces cinq sociétés se sont caractérisées par une croissance à deux chiffres de leur nombre de demandes.

II. EN EUROPE, FAUTE DE CONSENSUS
SUR UN DISPOSITIF COMMUNAUTAIRE UNIFIÉ,
DEUX SYSTÈMES DE BREVETS,
L’UN COMME L’AUTRE INSATISFAISANTS, COEXISTENT

A. Deux types de brevets coexistent en Europe

1. Les brevets nationaux : l’exemple de l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI)

a) Les métiers de l’INPI

Description : http://www.alterna-com.com/src/img_ref/logo-inpi.jpg

Avec le système des brevets nationaux, une entreprise ou un particulier doit effectuer des démarches distinctes auprès des services nationaux de la propriété intellectuelle de tous les États membres dans lesquels il souhaite protéger son invention et traduire le texte de sa demande dans toutes les langues officielles de ces pays.

En France, cette fonction échoit à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Établissement public entièrement autofinancé – ses recettes de fonctionnement se sont élevées à 201,16 millions d’euros en 2011, contre 195,8 millions d’euros en 2010 –, il est placé sous la cotutelle du ministère de l’économie, des finances et du commerce extérieur, et du ministère du redressement productif.

Il délivre les brevets, marques, dessins et modèles et donne accès à toute l’information sur la propriété industrielle et les entreprises. Il participe activement à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques dans le domaine de la propriété industrielle et de la lutte anti-contrefaçon.

Outre son cœur de métier – la délivrance des titres français de propriété industrielle –, l’INPI accueille et informe les innovateurs et les assiste tout au long de leurs démarches. Il aide les entreprises innovantes et les centres de recherche à valoriser et à protéger leurs créations à travers des programmes et des services dédiés :

- une présence active sur le terrain au travers de vingt-trois implantations régionales, plus de trente permanences et quatre représentations internationales ;

- des programmes de sensibilisation et de formation ;

- des pré-diagnostics propriété industrielle, permettant aux PME d’évaluer gratuitement leurs enjeux de propriété industrielle et de trouver une aide dans la mise en œuvre d’une première protection par brevet ;

- des prestations personnalisées.

Dans le cadre de ces activités collaboratives, en 2011, 1 514 stagiaires ont été accueillis, 20 340 heures de formation ont été dispensées et 1 114 pré-diagnostics de propriété industrielle ont été réalisés auprès des PME.

En outre, l’INPI adapte et construit le droit de la propriété industrielle, il participe aux instances européennes et mondiales des brevets et il développe une coopération internationale avec de nombreux pays.

b) Le brevet français

(1) Les étapes de la procédure de brevetage

Une fois saisie d’une demande, l’INPI procède à un examen administratif et technique de l’invention afin de vérifier sa conformité à certaines conditions de recevabilité, notamment au regard de ses caractéristiques techniques et du respect du principe d’unité d’invention. En 2011, 12 619 demandes de brevet français ont été déposées à l’INPI.

La demande de brevet français, sous dix-huit mois après réception du dossier par l’OMPI, est publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle.

Elle fait l’objet d’une recherche qui permet de dresser l’inventaire des antériorités pour identifier l’état de la technique dans le domaine visé par la demande de brevet. Cette recherche est accompagnée d’un premier avis sur l’éligibilité de l’invention, au regard des quatre critères de nouveauté, d’activité inventive, d’application industrielle et de conformité au périmètre réglementaire de la brevetabilité.

L’INPI a confié la responsabilité de l’établissement du rapport de recherche français à l’OEB, ce qui présente un intérêt majeur pour les déposants français : ils disposent de la nécessaire visibilité européenne quant à la qualité de leur invention afin de pouvoir décider d’une extension de leur brevet français au niveau européen. Précisons que le prix du rapport de recherche européen acquitté par les déposants français est largement subventionné par l’INPI.

Le rapport de recherche est transmis au déposant par l’INPI. À la suite d’un dialogue entre le déposant et l’INPI, celui-ci décide de délivrer ou de rejeter la demande. L’INPI peut rejeter la demande si l’invention est manifestement dépourvue de nouveauté ; en revanche, il n’apprécie pas l’activité inventive, les juridictions françaises en étant chargées postérieurement à la délivrance.

Le déposant devra s’acquitter des taxes annuelles de maintien en vigueur auprès de l’INPI.

En moyenne, l’INPI délivre le brevet français vingt-sept mois après le dépôt du dossier de demande.

(2) Le droit de priorité

Le dépôt d’un brevet français auprès de l’INPI fait naître un droit de priorité, attaché à cette demande et qui permet de l’étendre dans les autres États de l’Union, dans un délai maximum de douze mois, tout en conservant le bénéfice, dans ces pays, de la date de dépôt initiale dans l’État d’origine.

Les déposants français obtenant leur rapport de recherche relativement tôt dans la procédure – moins de neuf mois après le dépôt de la requête auprès de l’OEB –, ils sont en mesure de déterminer rapidement, en tout état de cause avant le délai de douze mois requis, l’intérêt d’étendre à l’étranger leur demande de brevet par voie européenne ou par voie internationale. Dans les deux cas, le rapport de recherche pourra être réutilisé.

2. Les brevets européens délivrés par l’Office européen des brevets (OEB)

a) Organisation institutionnelle

La CBE, signée le 5 octobre 1973 et entrée en vigueur le 7 octobre 1977, dite « convention de Munich », crée l’Organisation européenne des brevets, fondée sur deux structures :

- l’Office européen des brevets (OEB), son organe « exécutif », qui possède la personnalité juridique ;

- le conseil d’administration.

La CBE permet, à partir d’une demande rédigée dans une seule langue – l’anglais, l’allemand ou le français –, de solliciter auprès de l’OEB la délivrance d’un titre dit « brevet européen », qui n’est rien d’autre qu’un groupe de brevets nationaux déposés dans autant de pays parties à la Convention que souhaité. Ce traité multilatéral a été ratifié, à ce jour, par trente-huit pays européens(12).

Avec près de 7 000 agents trilingues – la plupart d’entre eux étant des examinateurs techniques, chargés d’analyser les demandes –, l’OEB, présidé par le Français Benoît Battistelli, est devenu l’un des plus gros organismes intergouvernementaux d’Europe et l’une des administrations compétentes en matière de brevets les plus importantes au monde.

Le siège de l’OEB est situé à Munich et il possède des bureaux à Berlin, Bruxelles, La Haye et Vienne. Il a été créé en vue de renforcer la coopération entre les États européens dans le domaine de la protection des inventions. Sa procédure centralisée de délivrance de brevets permet aux inventeurs d’obtenir une protection dans les trente-huit États membres de l’OEB, couvrant ainsi une zone régionale de près de 600 millions d’habitants. L’OEB est entièrement autonome sur le plan financier et tire ses revenus des taxes de procédures et des taxes de maintien en vigueur des brevets.

Le conseil d’administration, où chacun des trente-huit États membres contractants à la CBE dispose d’un siège et d’une voix, tient en général quatre sessions par an. Il exerce des pouvoirs étendus dits « législatifs », est compétent pour les questions politiques et supervise l’activité de l’OEB.

Comme l’INPI, en plus de son cœur de métier, l’OEB s’efforce de diffuser, dans ses trois langues de procédure, l’information contenue dans le fascicule(13) des brevets ainsi que dans la presse et la littérature technologiques. Elle met ainsi gratuitement à la disposition du public et des spécialistes des copies officielles de ces documents.

b) Demande et délivrance du brevet européen

(1) Les principales étapes de la procédure

La demande de brevet européen peut être déposée soit directement auprès de l’OEB, soit par l’intermédiaire d’un office national, par exemple l’INPI. La procédure de demande de brevet européen se déroule dans l’une des trois langues officielles de l’OEB : l’allemand, l’anglais, le français. Une entreprise française peut ainsi déposer à l’INPI une demande de brevet européen rédigée en français et poursuivre toute la procédure avec l’OEB en français.

Comme les demandes de brevets internationaux, les demandes de brevet européen peuvent être déposées auprès de l’INPI, qui joue alors le rôle de « boite aux lettres » et transmet le dossier à l’OEB.

L’OEB pratique un examen de fond de la demande de brevet : il dresse l’inventaire des antériorités afin d’identifier l’état de la technique dans le domaine visé par la demande et détermine si celle-ci satisfait aux critères juridiques de brevetabilité.

À l’issue de ces opérations de recherche et d’examen, l’OEB décide de délivrer le brevet ou de rejeter la demande, ses décisions étant susceptibles de contestation devant des chambres de recours internes. La procédure d’opposition(14) peut être engagée devant l’OEB, dans un délai de neuf mois après la délivrance, par toute personne contestant l’attribution du brevet. La durée de la procédure de délivrance du brevet européen est, en moyenne, de l’ordre de trois à cinq ans à compter du dépôt de la demande.

Pour produire des effets dans les États désignés dans la demande de brevet européen, il est obligatoire, dans la plupart des États – à l’exception de ceux ayant souscrit au protocole de Londres(15) –, de déposer une traduction intégrale du brevet européen dans leur langue officielle. Le titulaire du brevet devra également acquitter les taxes de maintien en vigueur des brevets auprès des offices nationaux de chaque État désigné.

Le brevet européen confère à son titulaire, dans chacun des États contractants pour lesquels il est délivré, les mêmes droits que lui confèrerait un brevet national. Toute contrefaçon du brevet européen est ainsi appréciée conformément aux dispositions de la législation nationale.

(2) Quelques données

En 2011, l’OEB a reçu plus de 250 000 demandes de brevets et il en a délivré quelque 60 000, sur des dossiers qui avaient été déposés quarante mois auparavant en moyenne. La différence correspond à des demandes rejetées ou retirées.

La plupart des dossiers font l’objet d’une demande parallèle au niveau national mais celle-ci est souvent retirée au profit du brevet européen, les inventeurs cherchant à profiter de son effet en faisceau.

Les entreprises françaises arrivent au quatrième rang des usagers du système des brevets européens, derrière les États-Unis, le Japon et l’Allemagne, avec plus de 9 000 demandes de brevet européen déposées par an.

Par ailleurs, la France figure parmi les États membres de l’OEB les plus désignés dans les demandes de brevet européen : en 2011, son taux de désignation a atteint 95 %, derrière celui de l’Allemagne, 99 %, mais devant celui du Royaume-Uni, 94 %.

B. Ces deux systèmes présentent des limites que la création d’un brevet unitaire se propose de dépasser

1. Les limites des deux systèmes

a) Des limites de trois ordres

Les deux systèmes de délivrance de brevets coexistant ne sont pas assis sur un instrument juridique communautaire et, s’ils fonctionnent indiscutablement bien, ils ne répondent que très imparfaitement à l’exigence de favoriser l’innovation car ils induisent une fragmentation de la protection de la propriété industrielle sur le marché européen.

Et le second, quoique présentant, par rapport au premier, l’avantage notable de la centralisation de la demande, reste complexe, source d’insécurité juridique et coûteux, dans la mesure où, une fois la demande examinée et tranchée, l’inventeur doit encore déployer son brevet en un faisceau de titres de protection nationaux.

D’abord, le brevet européen est régi par les différentes législations des pays concernés, ce qui nécessite de faire intervenir des intermédiaires nationaux spécialisés pour accomplir les démarches d’enregistrement. En outre, l’OEB est réputé pour la rigueur avec laquelle il statue, ce qui ne va pas sans créer quelques écueils de procédure pour les demandeurs.

Ensuite, aucune juridiction européenne n’étant chargée de trancher les litiges, les tribunaux nationaux, qui restent compétents, risquent de prononcer des décisions contradictoires.

Enfin et surtout, des coûts de traduction s’ajoutent aux frais de dossier et aux taxes de redevance à la charge des demandeurs prélevés par l’OEB comme par les offices nationaux pour générer les ressources nécessaires à leur autofinancement. Les demandes à l’OEB sont certes rédigées en une seule langue mais les brevets, eux, doivent être traduits dans toutes les langues officielles des pays où ils sont déposés – ou plutôt, depuis l’entrée en vigueur du protocole de Londres, le 1er mai 2008, dans presque toutes les langues, plusieurs pays, dont la France, ayant renoncé à la traduction ou ne la réclamant plus pour l’intégralité du « fascicule » du brevet mais uniquement pour les « revendications »(16). Notons au passage que la baisse des coûts induite par le protocole de Londres est négligeable, l’OEB n’ayant pas tardé, après son entrée en vigueur, à en profiter pour augmenter ses tarifs.

b) L’Europe, seule grande zone économique mondiale dépourvue de système unifié de protection de la propriété industrielle

De fait, compte tenu de son statut singulier – une association sui generis d’États souverains conservant leur propre administration nationale, notamment en matière de brevets –, l’Union européenne, face aux États-Unis, à la Chine et au Japon, est la seule grande zone économique mondiale économiquement intégrée dépourvue de système unifié de protection de la propriété intellectuelle, ce qui entraînerait, d’après la Commission européenne, un surcoût de l’ordre de 700 à 800 millions d’euros par an, supporté par les entreprises.

Même si de telles comparaisons chiffrées doivent être maniées avec précaution eu égard aux différences de périmètres susceptibles de nuire à leur fiabilité, les services de la Commission européenne ont calculé que le montant moyen des frais de validation, de traduction et de publication d’un brevet européen s’élève à 12 500 euros s’il est validé dans treize États membres seulement et à 32 000 euros si, fait exceptionnel, il est validé dans toute l’Union européenne(17), soit environ vingt fois plus que pour un brevet déposé aux États-Unis ou au Japon.

Au demeurant, la plupart des inventeurs européens ne font breveter leur invention que dans un nombre très restreint de pays, ce qui suffit généralement mais peut nuire, dans certains cas, à la compétitivité de l’économie européenne ainsi qu’à la diffusion de la connaissance, à l’innovation et à la croissance, objectifs qui sont au cœur de la Stratégie Europe 2020(18).

Les PME, compte tenu de leurs moyens d’expertise et de financement limités, sont évidemment les plus handicapées dans leur développement par ce système « à la carte », qui, dans certains cas, peut en revanche s’avérer profitable aux grandes entreprises dans leur géostratégie commerciale.

2. Les tentatives infructueuses de donner corps à un brevet communautaire

Le projet de brevet unique, opposable dans tous les États membres, dont la France a toujours été l’une des promotrices, a suivi une genèse mouvementée.

a) L’idée germe dès 1975

L’idée d’un brevet unitaire – alors qualifié de « brevet communautaire » – germe dès 1975, avec la signature de la convention de Luxembourg, qui n’entrera cependant jamais en vigueur et inaugure une série de tentatives avortées, souvent à cause de la querelle linguistique.

Le 1er août 2000, la Commission européenne présente une proposition de règlement du Conseil, qui vise à créer un brevet communautaire coexistant avec les deux systèmes en vigueur. Compte tenu du bon fonctionnement de l’OEB, il est envisagé de lui confier la délivrance de ce brevet communautaire, les demandeurs pouvant librement opter pour le type de brevet le mieux adapté à leurs besoins. Le Conseil, au terme d’un long débat, constate néanmoins qu’il est impossible de recueillir l’unanimité requise, en raison notamment des questions touchant au régime linguistique. L’Italie et l’Espagne, dont les langues sont respectivement la quatrième et la cinquième les plus parlées de l’espace communautaire, exigent en effet qu’elles bénéficient du régime préférentiel dont jouissent l’anglais, l’allemand et le français.

Le 3 mars 2003, le Conseil adopte une approche politique commune, incluant un projet de brevet communautaire assorti d’un tribunal dédié, selon laquelle les titulaires d’un brevet communautaire devront fournir la traduction de leurs revendications dans toutes les langues officielles des États membres. Toutefois, cette formule, jugée instable et coûteuse, étant rejetée par tous les utilisateurs du système, le Conseil conclut à nouveau qu’il se trouve dans l’incapacité de parvenir à un accord politique.

b) Les discussions reprennent en 2007

Les discussions reprennent après la publication par la Commission européenne d’une communication exclusivement consacrée à la question des brevets en Europe(19), et, le 4 décembre 2009, le Conseil adopte à l’unanimité un accord de principe sur la création d’un brevet de l’Union européenne, mais en restant muet quant au régime de traduction.

En conséquence, la Commission européenne adopte, le 30 juin 2010, une proposition de règlement du Conseil sur les dispositions relatives à la traduction pour le brevet de l’Union européenne. Mais cette nouvelle tentative échoue de nouveau au Conseil, le 10 décembre 2010 : les débats entre États membres confirment l’existence de difficultés insurmontables à propos du régime linguistique, rendant impossible l’unanimité, dans l’immédiat comme dans un proche avenir.

DEUXIÈME PARTIE :
UN NOUVEL OUTIL POUR FAVORISER
L’INNOVATION ET LA COMPÉTITIVITÉ EUROPÉENNES
AINSI QUE LA DIFFUSION DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES

I. LES GRANDES LIGNES DE LA PROPOSITION
PRÉSENTÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE EN 2011

A. L’idée de la coopération renforcée

La méthode des coopérations renforcées, qui contribue à l’intégration européenne, suit une logique particulière applicable au cas du brevet unitaire.

1. La logique des coopérations renforcées

a) Des « groupes pionniers »

Au fur et à mesure que l’Union s’élargit à de nouveaux États membres, il peut devenir plus difficile – voire impossible dans des champs de compétence exigeant l’unanimité du Conseil – de faire avancer l’intégration européenne. C’est ce spectre du veto qui a justifié l’introduction, dans le traité d’Amsterdam de 1997, du concept d’« intégration différenciée » ou de « coopération renforcée », permettant aux États membres désireux d’aller plus loin et plus vite de le faire au sein de l’Union européenne, sans devoir recourir à des accords intergouvernementaux extra-communautaires.

Compte tenu des conditions juridiques requises – modifiées à la marge par le traité de Lisbonne –, passablement strictes, il a cependant fallu attendre des années pour que cette procédure soit employée pour la première fois : le 12 juillet 2010, afin de surmonter le veto suédois, quatorze États membres ont établi une méthode commune pour déterminer la juridiction nationale compétente en matière matrimoniale, notamment pour régler les litiges consécutifs aux séparations et divorces de couples binationaux.

L’expression « groupes pionniers », employée par Jacques Chirac en 2000 devant le Bundestag, rend bien compte de cet esprit : constituer une avant-garde de pays pour entraîner le reste de l’Union, les autres États membres ayant vocation à les rejoindre ultérieurement.

b) Les « groupes pionniers » en matière économique

Notons qu’un troisième projet de coopération renforcée – politiquement ultra-prioritaire car s’inscrivant dans le cadre des mesures de régulation financière censées lutter contre la crise financière –, vient d’être mis sur les rails, à l’initiative de onze États membres, à propos de la taxe sur les transactions financières. Il n’en est cependant qu’à ses balbutiements puisque la proposition du Conseil autorisant le recours à la coopération renforcée vient d’être déposée par la Commission européenne, le 25 octobre 2012(20).

Enfin, même si la procédure employée est différente, c’est la même philosophie qui a présidé à la mise en place d’une politique monétaire commune et à la monnaie unique, aujourd’hui adoptée par dix-sept États membres.

C’est aussi celle qui a conduit à imaginer le mécanisme de surveillance unique (MSU) des banques de la zone euro, dont les modalités sont en discussion depuis le 12 septembre 2012.

2. Le cas du brevet à effet unitaire

a) Une démarche qui rassemble vingt-cinq États membres de l’Union européenne

Douze États membres – Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Slovénie, Suède et Royaume-Uni – ont adressé des demandes officielles à la Commission européenne, par lettres des 7, 8 et 13 décembre 2010, indiquant leur volonté d’instaurer une coopération renforcée en vue de créer une protection unitaire par brevet à partir des propositions qu’ils avaient soutenues durant les négociations, et invitant la Commission européenne à soumettre une proposition en ce sens au Conseil. Ils ont rapidement été rejoints par tous les autres États membres – ce qui tend à démontrer l’utilité du brevet unitaire et la pertinence de l’option coopération renforcée –, à l’exception de l’Italie et de l’Espagne, qui campent sur leur position critique vis-à-vis du régime linguistique proposé.

Un premier texte, « autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire »(21), a été adopté formellement par le Conseil le 10 mars 2011.

b) Des conditions à respecter très strictes

D’après la Commission européenne, le brevet unitaire, deuxième dossier susceptible de faire l’objet d’une coopération renforcée, remplit scrupuleusement toutes les conditions juridiques imposées à l’article 20 du traité sur l’Union européenne (TUE) et aux articles 326 à 329 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) pour pouvoir engager cette procédure.

Premièrement, cette coopération renforcée contribuera « à favoriser les objectifs de l’Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d’intégration » dans les domaines de l’innovation scientifique et technique et du marché intérieur, que l’Union européenne cherche à établir en vertu de l’article 3, alinéa 3, du TUE.

Deuxièmement, elle ne contreviendra en rien aux « traités et [au] droit de l’Union » ni aux « compétences, droits et obligations des États membres qui n’y [participeront] pas ». En effet, d’une part, la réglementation européenne est vierge dans ce domaine et, d’autre part, le brevet unitaire ne se substituera pas aux systèmes actuels de brevet européen et de brevets nationaux mais sera une option supplémentaire garantissant aux inventeurs et aux entreprises innovantes un degré supérieur de protection de leur propriété intellectuelle.

Troisièmement, le brevet unitaire relève des « domaines visés par les traités », l’article 118 du TFUE faisant expressément référence à « la création de titres européens pour assurer une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l’Union » ainsi qu’à « leurs régimes linguistiques ».

Quatrièmement, la politique des brevets entre dans le cadre du « marché intérieur », cité à l’article 4 du TFUE parmi les compétences partagées avec les États membres, et non dans celui « des compétences exclusives de l’Union », énumérées à l’article 3 du même traité.

Cinquièmement, cette procédure de coopération renforcée a été choisie « en dernier ressort », une fois établi « que les objectifs recherchés […] ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble », le dossier étant en souffrance depuis plus de dix ans et le conseil Compétitivité du 10 décembre 2010 ayant acté l’impossibilité répétée et insurmontable d’obtenir un accord unanime concernant le régime linguistique.

Sixièmement, les États membres désireux de s’engager dans cette coopération renforcée sont vingt-cinq : les douze ayant adressé une demande à la Commission européenne en décembre 2010 plus la Belgique, qui a manifesté, dès le 1er janvier 2011, son intention de les rejoindre, suivie de près par tous les autres pays à l’exception de l’Italie et de l’Espagne. Le nombre minimal, fixé à neuf, est donc largement dépassé.

Septièmement, cette protection unitaire par brevet ne portera « atteinte ni au marché intérieur ni à la cohésion économique, sociale et territoriale » et ne constituera « ni une entrave ni une discrimination aux échanges entre les États membres », au contraire, dans la mesure où tous les déposants y auront accès, qu’ils soient originaires d’un État membre participant ou d’un autre État membre(22).

3. Appliquer la coopération renforcée au brevet unitaire : une idée contestée

a) Les recours en annulation devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)

Le principe même du recours à la coopération appliquée pour créer un brevet européen à effet unitaire est contesté avec véhémence, au premier chef par les deux États restés à l’extérieur du processus, mais aussi par certains praticiens des brevets, à l’instar des militants du logiciel libre.

L’Espagne et l’Italie, en mai 2011, ont intenté devant la Cour de justice de l’Union européenne des recours en annulation contestant la conformité aux traités de la décision du Conseil autorisant la coopération renforcée, en s’appuyant sur les considérations suivantes :

- le système s’appliquerait à un domaine relevant des compétences exclusives de l’Union, pour lesquels la solution d’une coopération renforcée est censée ne pouvoir s’appliquer ;

- il perturberait la cohérence du marché intérieur en « balkanisant » ce qui constituait jusqu’à présent un bloc ;

- il serait en tension avec les fondements de ce mécanisme d’intégration différenciée en violant les principes de loyauté et de solidarité ;

- il ignorerait le rôle protecteur de l’exigence d’unanimité au regard des exigences linguistiques ;

- il causerait un préjudice aux États non participants.

Les partisans du logiciel libre, eux aussi vent debout contre le « paquet brevet unitaire », jugent ce recours pleinement justifié, en considérant la procédure de coopération renforcée comme un aveu de l’échec de la mise en place d’un véritable dispositif communautaire et l’analysent comme un signal de « désunion » et d’« anti-européanisme ».

b) Des critiques jugées sans fondement par la plupart des États membres et la Commission européenne

L’audience orale devant la CJUE a eu lieu en septembre 2012. Le Conseil et la Commission européenne, ainsi que la plupart des autres États membres, se sont exprimés en réponse aux arguments de l’Italie et de l’Espagne. L’avocat général devrait prononcer ses conclusions le 11 décembre 2012 – ce qui fournira déjà quelques éléments d’appréciation – et la CJUE rendre sa décision au premier semestre 2013, sans doute au printemps, s’agissant d’un recours direct d’États membres, la durée totale de la procédure est en moyenne de dix-huit mois.

Jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, mue par des réflexes de nature téléologique, essentiellement soucieuse d’injecter de l’huile dans les rouages de la construction européenne, la CJUE avait tendance à tordre le droit et à ne pas statuer dans un sens faisant obstacle à des avancées politiques européennes. Compte tenu de son changement de pratique jurisprudentielle constaté depuis une vingtaine d’années, une invalidation du règlement fondateur de la démarche n’est pas à exclure totalement.

Les rédacteurs des traités, en ouvrant la possibilité d’avancer par « groupes pionniers », ont certes posé des restrictions à l’option de la coopération renforcée mais en levant toute possibilité de blocage dans les domaines où ils l’autorisaient.

Conformément à l’article 118, alinéa 1, du TFUE, « l’établissement de mesures relatives à la création de titres européens pour assurer une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l’Union » suit la procédure législative ordinaire de codécision.

En revanche, l’article 118, alinéa 2, du TFUE, qui fixe les modalités de traduction des titres, relève du seul Conseil, qui se prononce à l’unanimité : « Le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, établit, par voie de règlement, les régimes linguistiques des titres européens. Le Conseil statue à l’unanimité, après consultation du Parlement européen. »

Il s’agit cependant d’une unanimité réduite aux États membres participants à la coopération renforcée, ainsi que l’établissent les articles 330, alinéas 1 et 2, et 333, alinéa 1, du TFUE :

- certes, « Tous les membres du Conseil peuvent participer à ses délibérations, mais seuls les membres du Conseil représentant les États membres participant à une coopération renforcée prennent part au vote. » ;

- mais « L’unanimité est constituée par les voix des seuls représentants des États membres participants. » ;

- et, « Lorsqu’une disposition des traités susceptible d’être appliquée dans le cadre d’une coopération renforcée prévoit que le Conseil statue à l’unanimité, le Conseil, statuant à l’unanimité conformément aux modalités prévues à l’article 330 peut adopter une décision prévoyant qu’il statuera à la majorité qualifiée. »

Au demeurant, si une protection unitaire de la propriété industrielle – qui suppose obligatoirement d’adopter des dispositions spécifiques sur le plan linguistique – était incompatible avec la procédure de coopération renforcée, les traités l’aurait indiqué noir sur blanc, ce qui n’est pas le cas.

À ceci près que l’article 118, alinéa 1, du TFUE, s’applique « dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur », il n’est pas exclu qu’elle puisse être considérée par la CJUE comme une lex specialis, permettant de déroger à la coopération renforcée telle qu’elle est prévue aux articles 20 du TUE et 326 à 334 du TFUE.

B. Les modalités envisagées par la Commission européenne

1. Les travaux préalables de la Commission européenne

a) La consultation sur la politique européenne du brevet

En janvier 2006, dans le cadre d’une vaste consultation concernant la politique européenne de brevet, la Commission européenne avait collecté plus de 2 500 avis, émanant d’entreprises, de groupements de PME, de fédérations professionnelles, de praticiens du droit du brevet, d’autorités publiques et de chercheurs.

La plupart des parties prenantes réclamaient un nouveau système européen, allant dans le sens de l’encouragement à l’innovation, de la facilitation des transferts de technologie, de l’amélioration de l’accessibilité à tous les acteurs du marché et du renforcement de la sécurité juridique, autant d’éléments concourant à la compétitivité.

La consultation a mis en évidence que le système proposé devrait permettre de répondre aux critiques vis-à-vis de celui en vigueur jusqu’à présent, qui, pour résumer, portaient sur les coûts, la complexité administrative et l’insécurité juridique :

- en réduisant significativement – de 80 % en moyenne, selon les calculs de la Commission européenne – les frais de traduction et de publication des brevets européens ;

- en rationalisant et en harmonisant les procédures de validation et de maintien en vigueur des brevets, mais aussi d’enregistrement des transferts, des licences et autres droits relatifs aux brevets ;

- en offrant une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle sur le territoire des vingt-cinq États membres contractants.

Les professionnels de la propriété industrielle auditionnés – représentants des professions d’avocat et de conseil comme universitaires –, nous ont confirmé leur soutien au projet de brevet unitaire tel qu’il est proposé par la Commission européenne, considérant que leurs clients, qu’il s’agisse de centres de recherche, de gros industriels ou de PME, ont besoin d’un titre plus protecteur, apportant une protection uniforme sur tout un continent et suivant des procédures de délivrance simples et bon marché, à l’instar de celui déjà accessible à leurs concurrents américains.

b) Trois communications sectorielles

(1) La réglementation PME

La question de la protection par brevet unitaire avait également été traitée en profondeur dans la consultation relative au projet de réglementation européenne pour les PME(23), parmi d’autres initiatives destinées à aider les PME européennes. Ces dernières dénonçaient le coût élevé des brevets et la complexité juridique du système de validation comme des handicaps majeurs. L’enjeu économique inhérent aux PME a été particulièrement pris en compte. En effet, dans le cadre du « trilogue » législatif, par amendement à la proposition initiale de la Commission européenne et sans rencontrer d’opposition de sa part, le Conseil et le Parlement européen se sont accordés pour faire bénéficier les PME et les indépendants – ainsi que les établissements publics de recherche, les universités et les organisations à but non lucratif – d’une réduction des redevances de demande et de renouvellement des brevets.

Ces difficultés ne sont certainement pas étrangères au fait que le nombre de brevets déposés en Europe progresse peu depuis 2005 – il a même accusé un recul de 6 % sur l’exercice 2009 –, alors que nos concurrents asiatiques et américains affichent de bons résultats.

(2) Le marché unique

Par ailleurs, la Commission européenne évoquait le projet du brevet unitaire dans ses deux communications relatives au marché unique.

D’abord, dans celle de 2010(24), sous le chapitre « Une croissance forte, durable et équitable avec les entreprises - Encourager et protéger la création », le brevet unitaire européen était la première des cinquante actions proposée : « Proposition n° 1 : Le Parlement européen et le Conseil devraient faire le nécessaire pour adopter les propositions pour le brevet de l’Union européenne, son régime linguistique et le système unifié pour la résolution des litiges. L’objectif est que les premiers brevets de l’UE soient délivrés en 2014. »

Ensuite, dans celle de 2011(25), la troisième action clé vise les droits de propriété intellectuelle : « Législation établissant une protection unitaire par brevet pour le plus grand nombre d’États membres et un système unifié de résolution des litiges, l’objectif étant de délivrer les premiers brevets bénéficiant de cette protection unitaire en 2013. »

Au regard du marché unique, le futur brevet unitaire permettra de supprimer des zones d’ombre : dans certains États membres récents, où il est peu intéressant de valider un brevet compte tenu du faible poids de l’activité économique et de la fiabilité relative de l’organisation administrative et judiciaire, la protection unitaire protégera les entreprises innovantes sans qu’il leur soit nécessaire d’engager des démarches particulières. Cela devrait contribuer à réduire la contrefaçon interne à l’Union européenne.

2. Un nouveau système de délivrance qui s’intègre au dispositif résultant de la CBE

a) Principes directeurs

La proposition de règlement COM (2011) 215, portant mise en œuvre de la coopération renforcée en matière de brevet unitaire, adosse expressément le brevet unitaire européen à l’OEB et calque complètement la procédure d’examen des dossiers de demande sur celle en vigueur pour le brevet européen simple. Il est très satisfaisant que l’organisation proposée n’altère pas le principe du trilinguisme qui fait la particularité de la CBE. Si ce projet de brevet unitaire venait à échouer, il ne peut être exclu que la future proposition consisterait en une coopération renforcée sur la base exclusive de l’anglais.

Voici les principes directeurs de la construction intelligente proposée maintenant par la Commission européenne, préférable aux systèmes parallèles qu’elle avait naguère imaginés et dont l’adoption avait échoué :

- la protection unitaire sera facultative et coexistera avec les brevets nationaux et le brevet européen, ce qui permettra aux entreprises d’adopter la formule la plus adéquate, selon leur stratégie commerciale, en piochant dans une « boîte à outil » plus fournie que par le passé ;

- les modalités d’instruction des demandes et les conditions tarifaires auxquelles devront se soumettre les demandeurs seront communes au brevet simple et au brevet unitaire, le traitement différencié et les frais à assumer ne divergeant que pour la phase postérieure à la délivrance ;

- après la publication de la mention relative à la délivrance d’un brevet européen simple par l’OEB(26), le titulaire pourra présenter à ce même OEB, dans un délai d’un mois, une demande visant à faire enregistrer l’effet unitaire du brevet visé ;

- une fois enregistré, l’effet unitaire offrira « une protection uniforme » et produira « des effets identiques dans tous les États membres participants » à la coopération renforcée, consistant à empêcher toute exploitation directe ou indirecte de l’invention par un tiers en l’absence du consentement du titulaire du brevet ;

- un brevet unitaire européen ne pourra être délivré, transféré, transformé en contrat de licence, limité, annulé ou éteint que pour l’ensemble de ces États pris en bloc ;

- ne seront éligibles à la protection unitaire que les brevets affichant exactement les mêmes revendications dans tous les États participants.

b) Nouvelles tâches incombant à l’OEB

Description : http://www.abondance.com/Bin/logo-oeb.jpg

L’OEB, qui a traité quelque 235 000 demandes de brevet en 2010 et quelque 250 000 en 2011, est régulièrement classé premier parmi les cinq principaux bureaux de brevets mondiaux dans les sondages réalisés auprès des professionnels à propos de la qualité des titres délivrés. La gestion des brevets à effet unitaire lui sera également confiée. En conséquence, les tâches administratives suivantes lui incomberont :

- le traitement des demandes d’effet unitaire ;

- l’organisation du système de compensation des coûts de traduction en allemand, en anglais ou en français des dossiers de demande rédigés dans une autre langue officielle de l’Union européenne ;

- l’inscription des demandes d’effet unitaire au Registre européen des brevets ;

- les déclarations relatives aux licences ;

- la publication des traductions pendant la période transitoire courant jusqu’à ce qu’un système de traduction automatique de grande qualité soit disponible dans toutes les langues officielles de l’Union ;

- la collecte des taxes annuelles de maintien en vigueur ;

- la redistribution de la moitié du produit de ces taxes aux États membres participants.

Aux fins d’assurer la gouvernance et la supervision de ces missions, un comité restreint, constitué des représentants des États membres participant à la coopération renforcée, sera institué au sein du conseil d’administration de l’OEB.

L’OEB, trente-cinq ans après sa création, jouit d’une expérience réussie de gestion rigoureuse d’un système de brevet régional, sur lequel sera adossé le titre unitaire. Il a fait savoir, par la voix de son président, qu’il était « déjà engagé dans les travaux préparatoires nécessaires, de sorte [qu’il pourra] jaillir dans l’action le jour où la première demande de brevet unitaire arrivera ».

3. Le régime linguistique des traductions

a) Les options envisagées par la Commission européenne

La Commission européenne avait étudié quatre options pour le régime linguistique de la protection unitaire par brevet :

- traitement, délivrance et publication en anglais ;

- traitement, délivrance et publication dans l’une des trois langues de travail de l’OEB, les revendications étant traduites dans les deux autres langues de travail ;

- traitement, délivrance et publication dans l’une des trois langues de travail de l’OEB, les revendications étant traduites dans les quatre autres langues officielles de l’UE les plus parlées, solution défendue, évidemment, par l’Italie et l’Espagne, visées au premier chef ;

- traitement, délivrance et publication dans l’une des trois langues de travail de l’OEB, les revendications étant traduites dans toutes les langues officielles de l’Union européenne.

b) Le régime retenu

Le régime retenu dans la proposition de règlement COM (2011) 216 – la deuxième option – avait les faveurs de la France car il tirera profit du système performant de l’OEB, avec ses trois langues de travail, et il conciliera simplicité et bon rapport efficacité/coût, tout en répondant aux impératifs de sécurité juridique et en préservant la diversité linguistique, notamment l’usage du français :

- le fascicule du brevet unitaire sera publié dans une des trois langues de travail de l’OEB et les seules revendications seront traduites dans les deux autres ;

- dans le cas où le demandeur sera ressortissant d’un État n’ayant pas l’allemand, l’anglais ou le français comme langue officielle, la demande pourra être rédigée dans une langue officielle de cet État, sous réserve que soit produite une traduction dans une des langues de travail de l’OEB, traduction compensée financièrement ;

- des traductions supplémentaires vers d’autres langues ne revêtiront pas de valeur juridique, ce qui constituera une garantie de sécurité ;

- en cas de litige, le titulaire du brevet devra fournir, à ses frais, une traduction manuelle de l’intégralité du fascicule dans une langue officielle de l’État membre dans lequel a été commise l’atteinte ou dans lequel est domicilié le contrevenant présumé et dans la langue de procédure du tribunal saisi du litige ; un système de remboursement prendra en charge les frais de traduction pour les demandeurs établis dans un État membre n’ayant pas une langue officielle en commun avec l’OEB ;

- durant une période transitoire qui ne pourra excéder douze ans, toute demande d’effet unitaire devra être accompagnée d’une traduction de l’intégralité du fascicule, soit en anglais quand la langue de procédure devant l’OEB sera l’allemand ou le français, soit dans une autre langue officielle de l’un des États membres participants quand la langue de procédure devant l’OEB sera l’anglais(27).

c) L’outil de traduction automatique développé par l’OEB

(1) Une expérience audacieuse

En septembre 2010, l’OEB a passé en revue son programme de traduction automatique et a décidé d’en installer un nouveau, Patent Translate, qu’il développe en collaboration avec Google. Ce nouveau système est déjà opérationnel dans quatorze langues européennes, y compris les trois principales.

Programmé au départ pour assurer la traduction automatique entre l’anglais d’une part, l’allemand, l’espagnol, le français, l’italien, le portugais et le suédois d’autre part, sa capacité a été élargie, le 25 octobre 2012, au danois, au néerlandais, au finnois, au grec, au hongrois, au norvégien et au polonais, soit quatorze langues au total. Il est prévu que soient couvertes, d’ici à la fin 2014, les vingt-huit langues des trente-huit des États membres de l’OEB, plus les principales langues non européennes, prioritairement le chinois, le coréen, le japonais et le russe.

Tous les offices de brevet de la planète, ainsi que l’ensemble des communautés de chercheurs et d’universitaires, les États, les entreprises et les organisations professionnelles y auront accès. Intégré dans la base de données de brevets gratuite Espacenet de l’OEB – laquelle comporte plus de 75 millions d’entrées en provenance du monde entier –, ce service aidera surtout les entreprises européennes innovantes et les équipes de recherche à identifier et à explorer les documents brevets dans le cadre de leurs projets de R&D.

Le système reçoit d’ores et déjà quotidiennement environ 30 000 demandes de traduction automatique de brevets, essentiellement vers l’anglais, à partir de brevets délivrés en français et en allemand. Nombre de ces demandes émanent de l’office américain, désireux de prendre connaissance de brevets délivrés en français et en allemand.

Des améliorations sont encore nécessaires et le service, toujours en voie de développement, ne pourra jamais prétendre à la panacée, la linguistique n’étant pas une science exacte.

(2) Un outil d’avenir

Il n’en demeure pas moins que le retour des utilisateurs, notamment des experts de l’OEB, est positif : la traduction n’est certes pas élégante sur le plan de la syntaxe et de la grammaire mais le contenu technologique est assez précis pour permettre à un homme de l’art de comprendre le contenu du brevet. Il ne s’agit du reste pas de donner une valeur juridique à ces traductions automatiques mais de favoriser l’accès à la connaissance scientifique.

Les examinateurs de l’OEB et de l’USPTO, auxquels il a été demandé de faire remonter leurs remarques sur d’éventuelles mauvaises traductions, ne se sont pas encore manifestés négativement et jugent au contraire que ce système les aide considérablement, qu’il répond bien à sa finalité. Les traductions automatiques de l’anglais vers l’allemand ou le français, ou vers l’anglais à partir de l’allemand ou du français, les plus rodées, sont dorénavant jugées particulièrement fiables.

Cet outil est essentiel pour favoriser l’information publique à travers des bibliothèques scientifiques européennes, mises à la disposition des chercheurs. Cela vaut en particulier dans les petites PME, qui sont dans l’obligation de vérifier que les solutions techniques qu’elles imaginent n’ont pas encore été découvertes, afin d’être sûres d’avoir toute latitude pour développer un nouveau produit ou procédé. Or, dans certaines disciplines scientifiques comme la biologie moléculaire, si les revendications peuvent être résumées en deux pages, les fascicules en font cent.

À l’avenir, Patent Translate devrait aussi faciliter la mise en œuvre du brevet unitaire, qui comporte un chapitre important relatif à la traduction. En allégeant la charge que représentent les traductions obligatoires pour les entreprises, le brevet unitaire ne fera qu’accroître l’importance de la traduction automatique comme moyen d’accéder gratuitement à la documentation brevets dans n’importe quelle langue officielle. Le développement de cet outil met en lumière le rôle de l’OEB en tant que dispensateur mondial d’information brevets.

4. Le principe d’« accessibilité universelle »

En outre, cette coopération renforcée ne crée aucune discrimination entre inventeurs. La protection unitaire par brevet leur sera ouverte, qu’ils soient ressortissants de l’un des vingt-cinq co-contractants, ou bien d’Espagne, d’Italie ou de l’un des onze autres membres de l’OEB, ou bien encore d’un pays du reste du monde.

L’esprit est en effet de favoriser l’accès au marché intérieur en développant un raisonnement fondé sur la stimulation scientifique et la diffusion de la connaissance : le titulaire d’une protection par brevet bénéficie en effet d’un monopole des droits d’exploitation de son invention mais il consent, en contrepartie, à ce que celle-ci soit communiquée aux autres acteurs économiques par le biais d’une publication officielle.

Cette « accessibilité universelle », pourrait-on dire, qui était déjà la règle pour le brevet européen, est d’ailleurs un principe de droit international pour les 169 États signataires du traité de Paris pour la protection de la propriété industrielle, un accord datant de 1883.

Au demeurant, les premiers bénéficiaires de ce nouveau dispositif de brevet à effet unitaire seront évidemment les entreprises européennes, en particulier les PME, un inventeur ayant pour première préoccupation de se protéger sur son marché primaire, c’est-à-dire son marché domestique ou continental.

C. Une organisation juridictionnelle imaginée ex nihilo

1. Un accord international pour assurer l’unité de la jurisprudence

a) Pourquoi un accord international ?

Les deux propositions de règlements dont est saisie la Commission des affaires européennes au titre de l’article 88-4 de la Constitution sont complétées par un projet d’accord international, destiné à être signé par les vingt-cinq participants à la coopération renforcée, non appuyé juridiquement sur les traités, portant création d’une juridiction spécialisée compétente en matière de brevets. Il s’agirait d’une juridiction commune aux États membres, garante de l’unité de la jurisprudence à l’échelle des Vingt-cinq, en aucun cas d’un tribunal international ou d’une cour de l’Union européenne.

Actuellement, il n’existe pas de juridiction internationale du brevet. L’instauration d’un tel système à l’échelon européen présenterait le mérite d’assurer l’unité de la jurisprudence et par conséquent de sécuriser juridiquement les droits de propriété intellectuelle en évitant le risque de multiplication des litiges et de décisions divergentes d’un État membre à l’autre. Un paquet associant brevet unitaire et juridiction unifiée aurait un effet attractif, en particulier vis-à-vis des PME.

Une juridiction unifiée éviterait aux entreprises détentrices d’un brevet d’avoir à mener des procédures dans chaque État où elles constatent une contrefaçon, ce qui s’avère particulièrement coûteux, long et hasardeux juridiquement, surtout pour les PME : l’idée est de trancher les litiges par un seul jugement, ayant valeur sur l’ensemble du territoire des vingt-cinq États membres.

Ce système ôterait aux acteurs économiques dotés des services juridiques les plus agressifs les moyens d’obtenir un avantage compétitif en recourant au « forum shopping », c’est-à-dire en agissant dans les fors susceptibles d’être les plus favorables à leur cas, eu égard aux législations et aux jurisprudences nationales.

L’entreprise est délicate car il s’agit de bâtir ex nihilo une organisation au fonctionnement tenant compte des pratiques de l’OEB et des offices nationaux tout en satisfaisant aux intérêts des usagers des brevets et en recueillant l’agrément des États participants.

Précisons que, aux termes de l’article 58, alinéa 1, du projet d’accord international, après une période transitoire de sept ans, les tribunaux des brevets seront dotés d’une compétence exclusive, couvrant non seulement les titres à effet unitaire mais aussi les titres européens simples, y compris ceux délivrés antérieurement à l’installation de la juridiction. Le Royaume-Uni a toutefois obtenu un opt out, inscrit à l’alinéa 3 du même article : sur tout « brevet européen délivré ou demandé avant la fin de la période transitoire », les entreprises pourront demander à ne pas être soumises à la juridiction centrale.

Cette compétence exclusive concernera les ressortissants des vingt-cinq États participants ; pour ceux des treize autres membres de l’OEB, les juges nationaux conserveront leurs prérogatives.

b) Le projet actuellement en débat

(1) Le premier projet invalidé par la CJUE

Une première version de l’accord avait été retenue comme base de travail par la Commission européenne le 23 mars 2009 puis adoptée par le Conseil compétitivité du 4 décembre 2009, sous présidence suédoise. La CJUE l’a toutefois jugée incompatible avec les traités(28), pour deux motifs :

- elle ne respectait pas l’obligation de laisser aux juges spécialisés la possibilité de poser des questions préjudicielles, argument suffisant à lui seul, la CJUE se montrant généralement jalouse de ses prérogatives ;

- en outre, elle disposait que les États n’auraient pu être tenus responsables des éventuelles méconnaissances du droit de l’Union européenne dont ils se seraient rendus fautifs.

(2) Le schéma juridictionnel

À la suite de cet avis négatif, le projet d’accord a dû être remanié par la Commission européenne et le Conseil, parallèlement à l’avancement de la procédure de négociation sur la coopération renforcée. Le schéma juridictionnel imaginé pour résoudre les litiges relatifs aux brevets européens, selon la nouvelle version examinée par le Conseil le 14 juin 2011, devrait donc suivre les grandes lignes suivantes :

- un tribunal de première instance organisé en :

• une division centrale ;

• des subdivisions décentralisées(29) :

o nationales, dites « chambres locales », implantées dans les États membres ayant à connaître d’un nombre important de litiges relatifs aux brevets et étant en capacité de créer et d’entretenir des infrastructures les hébergeant, chaque pays concerné ne pouvant en accueillir plus de trois sur son territoire ;

o supranationales, dites « chambres régionales », pour regrouper les litiges constatés dans plusieurs États membres volontaires, chacune d’entre elle pouvant répartir ses activités entre plusieurs localisations ;

- une Cour d’appel et un greffe situés à Luxembourg ;

- un centre de médiation et d’arbitrage.

Les créations de chambres locales et régionales seront actées par déclarations annexées à l’accord international.

(3) Les niveaux de juridiction compétents

Les chambres locales ou régionales saisies des actions en contrefaçon seront celles du ressort de l’État domicile d’un défendeur ou lieu de la contrefaçon. Lorsque le défendeur ne sera pas domicilié dans un État membre, l’affaire pourra être portée devant la division du lieu où se sera produite la contrefaçon ou devant la division centrale.

La division centrale sera également compétente pour connaître des actions principales en nullité et des actions en déclaration de non-contrefaçon.

Dans le cas des actions reconventionnelles en nullité, la division locale ou régionale concernée pourra soit décider par elle-même, avec l’appui d’un juge technicien, soit renvoyer devant la division centrale la question de la nullité, voire, avec l’accord des parties, l’intégralité de l’affaire.

Les parties pourront également se mettre d’accord pour porter l’affaire devant la division de leur choix.

La division centrale sera saisie de toutes les affaires dans lesquelles le demandeur sera ressortissant d’un État ne s’étant pas doté d’une chambre locale et ne s’étant pas affilié à une chambre régionale.

2. Les conséquences sur le calendrier de la polémique interétatique sur la localisation de la juridiction centrale

a) La polémique entre trois États membres

Le 20 décembre 2011, la commission des affaires juridiques du Parlement européen votait en faveur du premier règlement – soumis à la procédure de codécision – et donnait un avis favorable sur le second, ce qui semblait ouvrir la voie à une adoption définitive des deux textes dans des délais rapides, l’objectif étant que le dispositif soit opérationnel en 2014.

Mais la concrétisation de la coopération renforcée s’est alors heurtée à un nouvel obstacle de taille : le choix de la ville dans laquelle sera localisée la juridiction centrale de résolution des litiges, entre Paris, Londres ou Munich. Les présidences polonaise puis danoise – qui soutenaient ouvertement la candidature de Paris, à l’instar de toutes les autres capitales des pays contractants, Allemagne et Royaume-Uni exclus – se sont employées, avec le soutien de la Commission européenne, à sceller un accord au second semestre 2011 puis au premier semestre 2012, mais sans succès, ce qui a retardé l’adoption globale du dispositif.

b) Le calendrier prévisionnel envisagé sous présidence danoise

Au Conseil européen du 24 mai 2012, la présidence danoise et la future présidence chypriote, dans une déclaration commune relative au brevet unitaire, traçaient toutefois les perspectives optimistes suivantes :

- accord final sur la juridiction unifiée lors de la session du Conseil compétitivité du 30 mai 2012 ;

- vote du Parlement européen, dans les meilleurs délais, sur les trois rapports ayant trait respectivement aux deux propositions de règlement et à l’accord international ;

- adoption par le Conseil des deux règlements, si possible en juillet 2012 ;

- rédaction, entre juin et octobre 2012, d’un projet de règlement intérieur de procédure applicable à la juridiction centrale ;

- organisation d’une conférence diplomatique, avant fin octobre 2012, pour signer l’accord international et ouvrir la voie au processus de ratification par les parlements nationaux ;

- constitution du comité restreint du conseil d’administration de l’OEB avant la fin de l’année 2012 ;

- avant le terme des ratifications nationales, finalisation du règlement de procédure par ce comité restreint ;

- ratification de l’accord international par au moins treize États membres participants d’ici à novembre 2013 ;

- entrée en vigueur de l’accord international le 1er février 2014 ;

- entre février et avril 2014, fixation de toutes les dispositions relatives au comité administratif, au comité budgétaire, aux orientations budgétaires, à la nomination des juges et du président et au recrutement de personnel, les pays d’accueil devant fournir les infrastructures requises ;

- 1er avril 2014, mise en ordre de bataille du système pour enregistrer les premières demandes de brevet de l’Union européenne à effet unitaire.

Cet échéancier, aujourd’hui caduc, donne cependant une idée du délai qu’il faut raisonnablement anticiper entre la date de l’adoption de l’accord international par le Conseil compétitivité et l’entrée en vigueur définitive du dispositif : près de deux ans. Dans l’hypothèse, vraisemblable à ce jour, où la première étape – à savoir l’accord définitif sur la juridiction unifiée – interviendrait au cours de l’hiver 2013, l’entrée en vigueur définitive du brevet européen à effet unitaire pourrait être espérée pour le début de l’année 2015. La Commission européenne comme les autorités gouvernementales françaises conservent cependant en ligne de mire une entrée en vigueur au 1er janvier 2014(30).

3. La solution adoptée lors du dernier Conseil européen : complexe mais satisfaisante pour la France

a) Une solution complexe

Section de LONDRES

Siège de PARIS

Section de MUNICH

 

Bureau du président

 

A) Nécessités courantes de la vie

B) Techniques industrielles, transports

F) Mécanique, éclairage, chauffage, armement, sautage

C) Chimie, métallurgie

D) Textiles, papier

 
 

E) Constructions fixes

 
 

G) Physique

 
 

H) Électricité

 

Faute de pouvoir trancher entre les trois villes candidates – en dépit du soutien très net à la candidature française exprimé par le président Herman Van Rompuy –, le Conseil européen des 28 et 29 juin, en désespoir de cause, a trouvé un arrangement complexe :

- Paris hébergerait le siège effectif de la Cour et le cabinet de son président, qui serait un ressortissant français ;

- la gestion administrative serait localisée à Munich ;

- les litiges seraient traités sur les trois sites, à travers des chambres spécialisées, réparties selon la classification internationale des brevets de l’OMPI(31).

Cette répartition des affaires au sein de la future division centrale figure sous forme de tableau en annexe du projet d’accord international, reproduit ci-dessous.

Sans doute ce compromis contient-il des faiblesses mais il était impossible de trouver une formule satisfaisant tout le monde et une coopération renforcée ne saurait voir le jour sans concessions réciproques.

Surtout, ce compromis permet de créer un système juridictionnel unifié, corollaire indispensable à la création du brevet unitaire.

b) Un compromis critiqué au Parlement européen

Dans un communiqué publié en préparation du Conseil européen des 18 et 19 octobre 2012, le Conseil espérait encore que le vote du Parlement européen en séance plénière intervienne en automne, ce qui aurait permis une adoption finale du « paquet » ainsi que la signature de l’accord international en décembre.

Mais les membres du Parlement européen, très sévères vis-à-vis des différents aspects de l’accord du Conseil des 28 et 29 juin(32), ont continué de le contester en bloc, critiquant en particulier cet éclatement géographique. L’eurodéputée Cecilia Wikstrom (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, Suède) a souligné que ce compromis était « regrettable » et ne devait pas être « un précédent pour de futures décisions sur l’emplacement des agences et organes communautaires », faute de quoi l’Europe deviendrait « un cirque itinérant ». Quant à son collègue Bernhard Rapkay (Socialistes & Démocrates, Allemagne), rapporteur de la Commission des affaires juridiques sur la proposition de règlement mettant en œuvre la coopération renforcée, il a comparé ce schéma à un « bazar oriental »

L’option retenue par le Conseil n’est en effet pas sans rappeler le compromis concernant le Parlement européen :

- ses douze sessions plénières annuelles se tiennent au siège, à Strasbourg ;

- les commissions parlementaires se réunissent à Bruxelles, de même que six « sessions plénières additionnelles » par an, dites « mini-sessions » ;

- Luxembourg a hérité du secrétariat général, incluant l’administration ainsi que les services de traduction et d’interprétation.

c) Le choix de Paris comme siège de la juridiction centrale

(1) Un acquis crucial

Il n’en demeure pas moins que l’accord négocié au Conseil constitue un bon compromis pour les entreprises innovantes françaises, la future installation de la cour centrale à Paris étant un motif majeur de satisfaction.

Localiser le siège à Munich aurait été inconcevable et contraire à l’esprit européen puisque auraient alors été concentrés dans une même ville l’OEB, organisme chargé de la délivrance des brevets, et l’instance juridictionnelle compétente pour juger de leur validité. Quant à l’option Londres, la plupart des praticiens y étaient défavorables, en raison de la spécificité du droit britannique.

Paris, en revanche, place juridique au cœur du continent, offrait objectivement tous les atouts : c’était la solution légitime et conforme aux intérêts de l’Union européenne requis pour rééquilibrer la carte européenne du système de gestion des brevets. Cette option recueillait évidemment le soutien de toutes les organisations professionnelles françaises. Loin de constituer une victoire à la Pyrrhus, le fait d’avoir obtenu le siège – même si une partie des affaires seront décentralisées dans les deux autres sections – aura des effets économiques très positifs.

Une étude d’impact britannique avait évalué à pas moins d’1,5 milliard de livres sterling(33) par an – compte tenu des dépenses directes dans les travaux publics et des dépenses induites dans l’hôtellerie, la restauration et les autres services – les retombées potentielles d’une éventuelle implantation du siège de la division centrale à Londres.

(2) Les conséquences pour l’innovation française

Au-delà, eu égard au découpage sectoriel envisagé, 50 à 60 % des affaires devraient être traitées à Paris. En outre, une chambre locale sera vraisemblablement créée à Paris, afin de récupérer des litiges qui, sur le fondement du secteur d’activité, relèveraient d’une autre localisation(34). Cela contribuera à muscler les services juridiques proposés à nos entreprises et à diffuser la culture de la propriété industrielle dans notre pays, qui dépend aujourd’hui de quelque 1 100 avocats, conseils ou universitaires, soit environ la moitié des effectifs allemands(35).

Ajoutons que la langue de procédure sera celle du lieu de la plaidoirie, ce qui garantira l’usage du français dans plus de la moitié des affaires traitées par la juridiction centrale de première instance. Le français s’installe donc comme l’une des langues de référence en matière de brevets, qu’il s’agisse des procédures de validation comme du contentieux.

Cette dynamique sera favorable à l’innovation française, en attente de telles impulsions publiques pour trouver un nouveau souffle. Le nombre de PME déposant des brevets est beaucoup plus élevé en Allemagne qu’en France. Même de grosses entreprises hexagonales exportatrices, investissant beaucoup dans la recherche et le développement technologiques, ont tardé à se doter d’une direction de la propriété industrielle.

Pour les praticiens américains, japonais ou chinois, par exemple, l’Europe est un territoire compliqué à cerner et la ville européenne de l’innovation et de la propriété industrielles était jusqu’à présent Munich ; cette décision est de nature à modifier la perception générale des grandes puissances industrielles et des économies émergentes vis-à-vis de la France, à crédibiliser et à conforter la place parisienne comme pôle d’« intelligence industrielle ».

I. LA POSITION DE LA FRANCE

A. Un soutien constant au projet de brevet unitaire

La France, a toujours fait partie des pays les plus actifs pour défendre le principe du brevet dit « communautaire » puis « unitaire », avec comme préoccupation centrale le potentiel de croissance et d’emploi inhérent à un développement de l’économie des brevets en Europe. Elle s’est particulièrement investie pour enclencher, conjointement avec onze autres États membres, la démarche initiale de demande officielle à la Commission européenne de lancement de cette coopération renforcée.

Lors du Conseil compétitivité du 30 mai 2012, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes, a une nouvelle fois insisté sur l’engagement de la France en faveur du brevet européen à effet unitaire : « Une telle mesure, très attendue par l’industrie, vise à favoriser l’innovation en Europe, élément essentiel à la croissance et à la compétitivité de l’Union. Elle permettra en effet aux entreprises d’obtenir une protection de leurs inventions sur le territoire de l’Union de manière beaucoup plus simple et à un coût fortement réduit par rapport à la situation actuelle. »

B. L’intérêt de s’inscrire dans le cadre de la convention de Munich

L’inscription du brevet européen à effet unitaire dans le cadre de la convention de Munich permettra aux entreprises françaises de travailler en terrain administratif et juridique connu, avec le français comme langue de procédure.

L’examen du nombre de brevets publiés par langue de procédure de l’OEB(36) montre que le français, avec 4 250 titres en 2011, est certes largement distancé par l’anglais et l’allemand, avec respectivement 43 504 et 14 357 titres. En pourcentage, la répartition est la suivante :

- 70 % de brevets déposés en anglais ;

- 23,1 % de brevets déposés en allemand ;

- 6,8 % de brevets déposés en français ;

Ces statistiques méritent toutefois quelques nuances.

D’abord, près des quatre cinquièmes des brevets de l’OEB publiés en France – 3 770 sur 4 802 – sont rédigés en français.

Ensuite, des ressortissants de la moitié des États parties à la CEB – dix-neuf sur trente-huit ont publié au moins un brevet en français en 2011.

Enfin, la courbe d’évolution du nombre de brevets publiés par langue de procédure, entre 2005 et 2011, n’est pas défavorable au français. Alors que la progression totale du nombre de brevets publiés par l’OEB a atteint 16,6 % au total sur cette période, elle se décompose ainsi langue par langue :

- plus 22,5 % pour les brevets en anglais ;

- plus 17,7 % pour les brevets en français ;

- plus 0,02 % pour les brevets en allemand.

Surtout, le taux de brevets publiés en français a été stable entre 2005 et 2011, ce qui confirme la capacité de la France à lutter à la fois contre le recul de sa langue par rapport à l’anglais et à l’érosion de sa capacité d’innovation. La bataille linguistique a été rude et les autorités gouvernementales françaises comme les services des administrations centrales impliqués dans les négociations se sont démenées pour obtenir ce résultat. Les données chiffrées communiquées par l’OEB démontrent que ces efforts n’ont pas été accomplis en vain.

C. La période transitoire

L’article 6 de la proposition de règlement relative au régime des traductions prévoit toutefois une mesure transitoire favorable à l’anglais : durant une période d’au moins six ans et qui ne pourra excéder douze ans à compter de l’entrée en vigueur du dispositif, toute demande d’effet unitaire devra être accompagnée :

« d’une traduction en anglais de l’intégralité du fascicule […] si la langue de procédure est le français ou l’allemand » ;

« d’une traduction de l’intégralité du fascicule [dans une langue de l’un des vingt-cinq États participants autres que l’anglais] si la langue de procédure est l’anglais ».

Cette exception limitée dans le temps, qui entraînera un surcoût de 1 000 à 1 700 euros pour le titulaire du brevet, a été demandée par des États dont la langue n’est pas langue de procédure de l’OEB, soucieux d’obtenir, pour leurs ressortissants, une traduction fiable de l’intégralité des documents vers l’anglais, en attendant que le système automatique de l’OEB devienne pleinement opérationnel. Les négociateurs français, là encore, se sont battus pour que cette disposition soit bien bordée dans le temps – c’est l’objet de l’article 6, alinéa 5 –, pour éviter que l’anglais n’obtienne, à l’arraché, un avantage définitif sur les deux autres langues de procédure.

II. LES HYPOTHÈQUES À LEVER
POUR QUE LE BREVET EUROPÉEN À EFFET UNITAIRE
ATTEIGNE SES OBJECTIFS

A. Le long chemin vers l’adoption du paquet législatif « brevet unitaire »

1. Le problème sensible de la base juridique

a) Trois points susceptibles d’alimenter des recours à venir

Force est de constater que la construction juridique imaginée par la Commission européenne est originale. L’Italie et l’Espagne ont d’ores et déjà annoncé que, dans l’hypothèse où leurs recours contre le principe de la coopération renforcée seraient rejetés, elles ne baisseraient pas les bras et attaqueraient les propositions de règlement d’avril 2011 devant la CJUE. Il pourrait alors être excipé de trois motifs d’annulation.

Primo, l’entrée en vigueur des règlements est liée à l’adoption d’un accord international, ce qui constitue une première originalité.

Secundo, les références au droit matériel des brevets – qui figuraient aux articles 6 à 8 de la version initiale de la proposition de règlement COM (2011) 215 – devront être calibrées avec soin.

Tertio, l’article 12 de cette même proposition de règlement prévoit que les États membres participants confient sa mise en œuvre à un comité restreint de l’OEB, c’est-à-dire à une structure extérieure, ce qui peut être considéré comme une atteinte au droit communautaire.

b) L’abandon de pouvoir de l’Union européenne au profit de l’OEB

Surtout, le véhicule juridique retenu n’est pas exempt de critiques.

L’exposé des motifs de la proposition de règlement mettant en œuvre la coopération renforcée évoque l’article 118, alinéa 1, du TFUE « comme la base juridique pour établir des titres européens assurant une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l’Union, par voie de règlement adopté par le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire ».

De même, dans l’exposé des motifs de la seconde proposition de règlement, il est indiqué que l’article 118, alinéa 2, du TFUE « fournit une base juridique spécifique permettant d’établir les régimes linguistiques des titres européens assurant une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l’Union, par voie de règlements adoptés par procédure législative spéciale, le Conseil statuant à l’unanimité après consultation du Parlement européen ».

L’article 118, également cité dans les considérants des deux règlements, n’apparaît cependant pas dans le corps de la rédaction proposée pour ce règlement, au contraire de :

- l’article 45, alinéa 1, du PCT, portant définition du « traité de brevet régional » ;

- l’article 142 de la CBE, dont l’alinéa 1 dispose : « Tout groupe d’États contractants qui, dans un accord particulier, a disposé que les brevets européens délivrés pour ces États auront un caractère unitaire sur l’ensemble de leurs territoires, peut prévoir que les brevets européens ne pourront être délivrés que conjointement pour tous ces États. »

Certains praticiens des brevets, à l’instar des militants du logiciel libre, voient dans cette architecture juridique un abandon de pouvoir de l’Union européenne au profit de l’OEB – d’autant que, n’étant pas un État, il n’est pas prévu qu’elle adhère à cette agence –, alors que les règles édictées dans le CBE ne font pas partie du droit communautaire. L’Union européenne en arriverait donc, par le biais du véhicule juridique des règlements, à délivrer des titres ne ressortissant pas de son droit.

2. Un ultime obstacle imprévu en passe d’être surmonté

a) La polémique consécutive à la suppression des articles 6 à 8 de la proposition de règlement mettant en œuvre la coopération renforcée

(1) Le revirement du Conseil

Outre l’éclatement du tribunal de première instance en trois localisations, un autre amendement adopté par le Conseil des 28 et 29 juin 2012 a suscité une réaction courroucée du Parlement européen : une concession supplémentaire au Royaume-Uni, consistant à limiter les possibilités de recours à la CJUE.

Les chefs d’État et de Gouvernement ont en effet proposé de supprimer les articles 6 à 8 de la proposition de règlement soumise à la procédure de codécision – qui avaient été introduits, dans la version originelle de la Commission européenne, à la demande de l’Allemagne –, ce qui reviendrait à empêcher la saisine de la CJUE à propos de points de droit matériel des brevets, ces articles étant respectivement consacrés :

- au « droit d’empêcher l’exploitation directe de l’invention » ;

- au « droit d’empêcher l’exploitation indirecte de l’invention » ;

- à la « limitation des effets » du brevet unitaire.

Les Britanniques, à l’instar de nombreux industriels et conseillers en propriété industrielle, estiment qu’une juridiction unique suffira – même si leur capitale n’en est pas le siège et si elle n’obtient qu’une section décentralisée. Ils craignaient que le recours à la CJUE n’allonge les procédures et surtout que, dépourvue de juges spécialisés, elle n’ait pas les compétences requises sur les questions de propriété industrielle, ce qui la conduirait à rendre des jugements inappropriés.

Au fond, il s’agissait surtout, pour le Gouvernement britannique, sous la pression de ses chambres parlementaires, de contester la légitimité d’une institution, considérée comme symbolique d’une Union européenne trop centralisée et bureaucratique, à juger sur le droit matériel, limitant ainsi les prérogatives des juridictions nationales.

(2) La réaction du Parlement européen

Le Parlement européen, au contraire, souhaite que soit maintenu le système prévu, qui ferait de la CJUE le juge en dernier ressort, en cas de question préjudicielle, pour interpréter les deux règlements relatifs au brevet unitaire sur les points énumérés dans les articles incriminés.

M. Klaus-Heiner Lehne (Parti populaire européen, Allemagne), président de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, saisie au fond, a déclaré :

- que le système proposé par le Conseil européen « émasculerait » la proposition, dans la mesure où les articles supprimés répondaient à l’objectif de l’article 118, alinéa 1, à savoir « assurer une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l’Union » ;

- que, au demeurant, l’exclusion de la CJUE entacherait le paquet législatif d’illégalité, toute juridiction de l’Union européenne devant être habilitée à l’interroger lorsque se pose une question d’interprétation du droit communautaire.

Tout aussi critique sur la méthode que sur la substance, il a dénoncé la « violation scandaleuse » de la procédure de codécision, le rôle dévolu à la CJUE en matière de brevet unitaire ayant été fixé en décembre 2011 entre les deux institutions, dans le cadre d’un trilogue anticipé, avant l’examen en première lecture en séance plénière par le Parlement européen.

Du point de vue du Parlement européen, le revirement du Conseil européen, sans constituer un vice de procédure formel, est un court-circuitage inédit, en conséquence duquel le règlement visé perd tout objet.

(3) La suspension des négociations interinstitutionnelles

Cette analyse a conduit le Parlement européen à décider unanimement, le 2 juillet 2012, de retirer le vote de son ordre du jour et de le reporter à la session de septembre, après un nouveau passage devant la commission des affaires juridiques.

Le lendemain, le président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, émettait à son tour des réserves sur le compromis du Conseil européen, regrettant qu’il ait été obtenu « au prix de la suppression d’importants éléments communautaires » et concluant que la situation nécessitait une nouvelle « évaluation entre les trois institutions ».

Le 10 juillet 2012, le texte était donc de nouveau examiné en commission des affaires juridiques et celle-ci décidait, pour manifester son opposition catégorique, de laisser passer la période estivale afin que les services juridiques des institutions européennes puissent analyser les conséquences de l’accord arraché en Conseil.

Ce nouveau rebondissement, intervenu en tout début de présidence chypriote, a suscité, le 11 juillet 2012, une réaction déterminée du ministre des affaires européennes de la République de Chypre, M. Andreas Mavroyiannis, qui a affiché son ambition d’obtenir un accord « aussi vite que possible ». Las, les avis juridiques attendus ne sont toujours pas finalisés.

b) Le paquet législatif respecte deux principes du droit européen

(1) La CJUE conserve l’entièreté de ses prérogatives en matière de renvoi préjudiciel

Pour revenir au fond, l’article 14 ter du projet d’accord international dispose : « En tant que juridiction commune aux États membres contractants et dans la mesure où elle fait partie de leur système judiciaire, la Juridiction coopère avec la Cour de justice de l’Union européenne afin de garantir la bonne application et l’interprétation uniforme du droit de l’Union, comme toute juridiction nationale, conformément, en particulier, à l’article 267 du TFUE(37). Les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne sont contraignantes pour la Juridiction. »

Le juge européen, pour éclairer ses décisions, prendra en compte les différentes sources de droit : les traités, les règlements relatifs au brevet unitaire, les directives sectorielles ayant un impact sur le champ de la brevetabilité – notamment celle relative aux biotechnologies – et les lois nationales.

La jurisprudence créée sous la supervision de la CJUE en réponse aux questions préjudicielles sera applicable pour les Vingt-sept car elle interprétera le droit de l’Union européenne.

(2) Le champ de la brevetabilité établi par la réglementation européenne existante n’est nullement revisité

Les entreprises de certains secteurs d’activité énumérés dans les articles 6 à 8 s’émeuvent de leur suppression car l’article 8 limite les effets du brevet unitaire en renvoyant à des législations communautaires en vigueur, protectrices pour leurs activités.

Mais le « paquet brevet européen à effet unitaire » ne pose pas pour autant la question du champ de la brevetabilité et ne touche par conséquent pas à l’état du droit en la matière. Dès lors que le mot « brevet » sera employé, des groupes de pression ne manqueront certes pas de tirer profit des débats qui se tiendront à l’occasion des ratifications nationales pour soulever de nouveau des questions relatives au champ de la brevetabilité, mais sans aucune conséquence sur la réalité juridique.

c) L’adoption des deux règlements est maintenant en bonne voie

Le Royaume-Uni, à l’origine de la dernière crispation, n’a aucun intérêt à jouer la carte du blocage ; la menace du veto sur le règlement requérant l’unanimité – celui relatif au régime de traduction – ne sera donc vraisemblablement pas mise à exécution.

Il semblerait que le Comité des représentants permanents (COREPER) négocie actuellement un accord politico-technique, voie moyenne consistant à condenser les anciens articles 6 à 8 en un seul, renvoyant leurs dispositions de fond vers un autre cadre réglementaire, la CBE, via l’accord international.

La Commission européenne comme la présidence du Conseil et le Gouvernement français espèrent que cette solution sera rapidement validée, ce qui permettrait l’adoption en Conseil compétitivité courant décembre 2012, avant même que la CJUE n’ait rendu sa décision concernant le principe de la coopération renforcée.

Vos rapporteurs, tout comme le Gouvernement, estiment, en tout cas, que les articles 6 à 8 de la proposition de règlement peuvent être supprimés sans dommage pour l’équilibre général du projet.

3. Approuver rapidement l’accord international

L’objectif politique de la Commission européenne est de délivrer le premier brevet européen à effet unitaire avant les élections européennes d’avril 2014. Les procédures pré-validation du brevet unitaire étant communes avec celles du brevet européen en faisceau, le premier brevet unitaire susceptible d’être délivré est sans doute déjà en cours d’instruction à l’OEB ; sa conversion en brevet unitaire, le moment venu, ne prendra pas plus de deux mois.

Dans cette perspective, les autorités européennes insistent sur la nécessité, dès l’adoption des règlements législatifs et la signature de l’accord international relatif à une juridiction unifiée en matière de brevets, d’impulser un mouvement rapide de ratifications nationales à partir des trois pays naturellement leaders – c’est-à-dire l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, dont la langue peut être utilisée dans la procédure et qui se partageront l’hébergement de la juridiction centrale de première instance. En effet, d’après l’article 59 de l’accord, celui-ci doit entrer en vigueur le 1er janvier 2014, à moins que treize pays ne l’aient pas encore ratifié trois mois et un jour auparavant, c’est-à-dire au 30 septembre 2013.

Si ces trois pays, qui ont le plus intérêt à voir aboutir le projet, réagissent vite, les autres pays seront incités à leur emboiter le pas. Les deux règlements prendront force de loi en même temps que l’accord.

Pour leur part, ils sont susceptibles d’être adoptés dans les premiers mois de 2013.

Dans l’hypothèse où certains États contractants tarderaient à approuver l’accord après son entrée en vigueur, ils en resteraient provisoirement exclus, en attendant d’adopter leur instrument d’approbation.

B. Une fois le paquet adopté, veiller au succès de sa mise en œuvre

1. Maîtriser le coût du brevet pour ne pas pénaliser et dissuader les inventeurs

L’hypothèque touchant au coût du futur brevet unitaire devra impérativement être levée pour assurer la réussite du projet, c’est-à-dire emporter la confiance des inventeurs et les inciter à solliciter des brevets européens à effet unitaire plutôt que des brevets nationaux ou des brevets européens simples tels qu’ils existent actuellement.

a) Maîtriser les coûts de validation

(1) Comparaison des coûts de validation

Il convient de partir d’une comparaison internationale à partir des statistiques de la Commission européenne(38).

Les frais de procédure pré-délivrance, incluant la rédaction des dossiers, l’instruction des demandes et la délivrance, s’élèvent à :

- 1 850 euros aux États-Unis ;

- 4 045 euros en Europe – et le brevet à effet unitaire n’aura aucun effet sur cette ligne de dépenses.

En revanche, les frais de validation post-délivrance, qui sont nuls aux États-Unis, compte tenu de l’usage unique de l’anglais en matière de brevets, connaîtront une baisse significative en Europe, allant de :

- 32 112 euros, dans le système actuel du brevet en faisceau, pour une validation – rare, il est vrai –, dans les vingt-sept États membres ;

- à 2 380 euros, durant la période transitoire imposant une traduction du fascicule dans une langue, pour le brevet unitaire valable dans vingt-cinq États ;

- à 680 euros au terme de la période transitoire, toujours pour le brevet unitaire valable dans vingt-cinq États, en tenant compte de la traduction de revendications en deux langues.

Le coût total moyen de validation d’un brevet, en Europe, devrait donc chuter de 36 157 à 4 725 euros, soit moins 87 %.

(2) Les arbitrages des entreprises pour déterminer un périmètre de pays adéquat

Toutefois, pour certaines inventions et, plus généralement, dans certains secteurs économiques, pour qu’un brevet prenne force, il suffit de le faire valider dans un nombre restreint de pays, où se concentre l’essentiel de l’activité de production et de recherche. Compte tenu de la taille de leur marché et de leur faible poids économique, le dépôt d’un brevet dans certains petits États membres ne présente d’intérêt que dans de rares cas. C’est en particulier valable pour les PME, qui ne disposent de toute façon pas des moyens de veille juridique pour vérifier le respect de leur propriété intellectuelle sur tout le territoire de l’Union européenne.

Les derniers chiffres disponibles de l’OEB sont à cet égard éclairants. Sur 100 brevets validés en 2009 :

- 73, soit une majorité écrasante, ont été déployés dans un à cinq pays ;

- 19 dans six à dix pays ;

- 4 seulement dans onze à quinze pays ;

- 4 seulement dans seize à trente-huit pays.

Le taux particulièrement faible de ces deux derniers groupes de brevets peut être interprété de deux manières : la validation d’un brevet dans plus de dix pays est inutile dans certains cas et, quand elle pourrait présenter un intérêt, elle est trop onéreuse pour la plupart des entreprises.

Si la validation d’un brevet dans un grand nombre de pays – parfois jusqu’à vingt-cinq ou trente – est nécessaire, par exemple, pour les brevets pharmaceutiques, dans d’autres branches industrielles, comme la plupart des secteurs de l’automobile et de la mécanique, il suffit de se protéger dans trois, quatre ou cinq pays pour faire respecter ses droits de propriété industrielle : des brevet allemand, français, britannique et italien, plus un polonais, un suédois ou un néerlandais dans certaines niches permettent de bloquer toute concurrence déloyale fondée sur l’exploitation indue de l’invention protégée.

Or la validation d’un brevet dans cinq pays ne reviendra pas à 32 000 euros mais plus vraisemblablement à environ 5 000 euros, ce montant étant susceptible de varier dans des proportions importantes selon les pays choisis.

(3) Raisonner à périmètre identique

Pour calculer le gain financier dont bénéficieront les inventeurs grâce à la validation d’un brevet unitaire européen par rapport au système des brevets en faisceau découlant du titre européen simple actuel, il serait par conséquent illusoire de calculer la somme des coûts exigés par chacun des vingt-cinq offices nationaux lors de l’enregistrement ; un raisonnement à périmètre identique s’impose.

Cette considération sur l’intérêt limité de valider son brevet dans un nombre élevé d’États membres de l’Union doit être nuancée. En effet, lorsqu’un container de marchandises contrefaites pénètre dans le marché unique via un port situé dans un pays où l’invention n’est pas protégée, les autorités douanières locales, si elles sont saisies par l’entreprise pénalisée, ne sont pas habilitées à ordonner le blocage de ces marchandises ; celles-ci peuvent donc circuler sans trop d’entraves sur l’ensemble du territoire européen et être acheminées, notamment, dans les pays où un brevet avait été déposé.

De surcroît, une protection dans un nombre trop restreint de pays constitue un frein aux stratégies de développement international, y compris pour les PME.

Pour que le brevet unitaire présente un intérêt réel, compte tenu des pourcentages ci-dessus, il ne faudrait pas qu’il revienne plus cher qu’un brevet en faisceau validé dans cinq pays ou moins, car près des trois quarts des déposants – 73 % exactement – seraient incités à privilégier un brevet européen simple, quitte à perdre en qualité de protection de leur propriété industrielle.

En tout état de cause, dans un souci anticoncurrentiel – ou offensif commercialement, selon leur point de vue –, certains grands groupes industriels innovants, pour certains produits ou procédés, préfèreront démultiplier nationalement leurs demandes de brevets afin de ne pas prendre le risque de perdre la protection dont ils jouissent en un seul procès. Ces stratégies d’entreprises sont difficiles à anticiper.

b) Élaborer un modèle économique couvrant toute la durée de vie du brevet

(1) Le système actuel des redevances de maintien

Le modèle économique à élaborer doit inclure les taxes de maintien annuelles, qui contribuent à l’équilibre des offices de brevet. Le succès du futur brevet unitaire dépendra en effet dans une large mesure de l’attractivité de son coût sur la totalité de sa durée de vie, incluant les volets validation et redevances annuelles, puisque ne seront modifiés ni les modalités de délivrance, ni les critères de brevetabilité.

Les taxes prélevées dans les pays européens sont beaucoup moins conséquentes que celles dont doivent s’acquitter les détenteurs de brevets américains. Néanmoins, puisqu’il est nécessaire de cotiser à plusieurs offices nationaux, la facture s’alourdit vite. Ainsi, sur toute la durée de vie d’un brevet, en incluant les honoraires des conseils locaux en propriété industrielle, le coût de dépôt et de maintien d’un brevet avoisinera :

- 10 000 à 15 000 euros en France ;

- 18 000 euros aux États-Unis ;

- 63 700 euros pour cinq États membres de l’Union européenne ;

- 200 000 euros pour treize États membres de l’Union européenne.

Aujourd’hui, chaque État membre fixe unilatéralement le montant des redevances de maintien qu’il prélève puis en rétrocède 50 % à l’OEB. Ce système présente deux désavantages pour la stabilité du système :

- d’une part, les États membres, en fonction de leur situation domestique, augmentent régulièrement, voire diminuent – c’est déjà arrivé en France et Italie –, le montant de leur taxe, ce qui prive l’OEB de visibilité budgétaire ;

- d’autre part, les prélèvements s’effectuent selon des modalités diverses d’un pays à l’autre, ce qui nécessite, pour les professionnels, le recours à des conseils en propriété industrielle.

(2) La clé de répartition entre États participants

Un transfert important de volume de brevets étant attendu, au bout de quelques années, lorsque le brevet unitaire aura gagné sa crédibilité, il importe de fixer un nouveau système de reversement, cette fois-ci de l’OEB vers les offices nationaux apportant trois garanties :

- ne pas peser sur l’équilibre financier des entreprises innovantes ;

- être neutre pour le budget de l’OEB ;

- ne pas pénaliser les offices nationaux, qui verront leur principale ressource traditionnelle s’assécher.

Les offices nationaux auront un rôle important à jouer en termes de soutien et de conseil aux entreprises, notamment aux PME, pour les aider à développer un portefeuille de propriété industrielle, en appréciant l’opportunité de breveter une invention ou bien de la protéger par le secret d’affaires, en sélectionnant les pays prioritaires et en évaluant les risques encourus.

Le retour global versé aux offices nationaux sera de 50 % ; il reste à fixer la clé de répartition entre États participants. Les trois principales puissances économiques européennes ne s’attendent qu’à un impact extrêmement réduit sur leurs revenus, de 1 à 3 %. L’inquiétude est vive, en revanche, dans les offices des petits pays, qui réclament un taux de retour garanti pour assurer le « service après-vente » des brevets. Le fait que l’Italie et l’Espagne – pays intermédiaires en termes d’importance industrielle et par conséquent de volume de brevetage – se tiennent à l’écart du dispositif facilitera sans doute l’établissement de la clé de répartition.

Des scenarios, avec des simulations chiffrées, sont en cours d’étude, mais aucun schéma n’est encore délivrable. Après l’adoption des règlements, un groupe de travail restreint ad hoc interne à l’OEB, appelé « comité budgétaire »(39), sera constitué entre les États participants à la coopération renforcée pour débattre de ces questions.

Une réflexion engagée au Conseil a permis de dégager plusieurs critères pour déterminer la clé de répartition :

- le PIB ;

- le nombre de demandes de brevets enregistrées ;

- le rapport entre volume d’activité nationale relative aux brevets et volume d’activité constaté à l’échelle des Vingt-cinq ;

- la prise en compte du handicap des pays dont la langue n’est pas langue de procédure de l’OEB, par le biais du versement d’une prime pour leur permettre de financer une partie des traductions assumées par leurs entreprises.

Au total, le coût de la redevance européenne devrait s’inscrire dans une fourchette de cinq à huit fois le montant d’une redevance perçue par un office national.

Ajoutons que les options qui seront retenues pour les premières années pourront être ajustées après retour d’expérience.

2. Garantir la qualité du service rendu par la future juridiction des brevets et sa stabilité

a) Le contentieux actuel

Seulement 1 à 2 % des brevets déposés font l’objet d’un litige porté devant la justice, mais un contentieux peut être ruineux en frais de procédure. En réalité, nombre de procès sont intentés pour obtenir une indemnité transactionnelle, les deux parties ayant souvent intérêt à éviter un jugement au résultat hasardeux et aux conséquences financières lourdes. Un défendeur mis en cause pour contrefaçon peut aussi lancer des contre-feux en répliquant dans cinq ou dix autres pays, où il arguera de la nullité du brevet ; il a ainsi de fortes chances de contraindre le demandeur à transiger. Vont jusqu’au délibéré, en revanche, les affaires dans lesquelles un vrai problème d’interprétation technique se pose.

Le nombre d’affaires relatives à des brevets traitées annuellement s’élève à :

- 50 au Royaume-Uni ;

- 350 en France ;

- 1 000 en Allemagne.

Les litiges sont plus fréquents dans certains secteurs que dans d’autres. Dans l’industrie pharmaceutique, par exemple, les contentieux pour des motifs identiques engagés parallèlement dans plusieurs juridictions nationales requièrent le recrutement d’équipes dans chaque État membre concerné mais aussi la constitution d’une structure centrale, coordonnant les équipes nationales. Dans de grosses affaires, le montant des honoraires facturés par cette seule structure peut atteindre 100 000 euros par mois. Le coût moyen total d’un procès en première instance, pour une firme internationale, s’établit dans une fourchette de 250 000 à 300 000 euros.

Aux États-Unis, la partie perdante n’est jamais condamnée aux dépens alors que des dommages astronomiques sont souvent accordés, ce qui pénalise doublement les petites entreprises défenderesses face à des structures suffisamment solides pour multiplier les procès sans discernement.

En France, les procédures de première instance s’étalent sur une durée de dix-huit à vingt-quatre mois ; il faut compter à peu près autant en appel et deux ans supplémentaires en cassation, soit un total de six ans pour de petits litiges. Mais il y a des exceptions notables : un litige important, à Paris, court depuis vingt-deux ans en première instance !

Le plus difficile, dans les tribunaux français, consiste à vulgariser les idées techniques, souvent très complexes, pour que le juge assimile les points importants, car un procès dure une heure à Paris alors que, sur un contentieux similaire, le tribunal de Londres y consacrera quatre jours.

b) La responsabilité du comité administratif de l’OEB

(1) Les missions du comité administratif

Le comité restreint ad hoc de l’OEB, le « comité administratif »(40), sera chargé de déterminer une série d’éléments déterminants :

- les règles de procédure et de fonctionnement de la juridiction ;

- les modalités de nomination des juges ;

- le niveau des « honoraires de juridiction ».

Le fait que l’ensemble du dispositif soit placé sous les auspices de l’OEB incline à être relativement optimiste car cette agence, qui a à connaître de contentieux dans le cadre de la procédure dite « d’opposition », se caractérise par la qualité et la stabilité de ses décisions en la matière, même si le système est trop lent quand la technologie en cause s’avère complexe.

Comme nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, une attention particulière devra être portée à l’accessibilité de la justice des brevets pour les PME. Mais l’attractivité de la future juridiction unique jouera aussi sur les comportements des multinationales, sensibles au risque de voir annulé un brevet, par une seule procédure, sur tout le territoire européen ; le nouveau système devra présenter d’autres avantages comparatifs pour compenser cet inconvénient et les intéresser.

(2) Les règles de procédure : tirer profit du changement de logique juridictionnelle

Il importera de tirer profit du changement radical de logique juridictionnelle, avec la création de ce tribunal spécialisé, pour construire un système très rigoureux et professionnel, combinant les meilleures pratiques judiciaires des trois États principaux, notamment :

- la possibilité d’auditionner des témoins et de procéder à des contre-interrogatoires, ou encore la traduction simultanée des débats et la publication d’un procès-verbal, comme au Royaume-Uni ;

- la séparation du jugement sur le fond et de l’estimation des dommages subis, pour éviter la commande d’expertises judiciaires trop longues, comme en Allemagne.

Les premières années, peu de demandes de brevets unitaires seront sans doute émises. Mais si les justiciable constatent que de bons arrêts sont rendus, dans des délais et à des coûts raisonnables, l’ensemble du mécanisme du brevet européen à effet unitaire gagnera en crédibilité et prendra de l’ampleur après une période de latence.

L’organisation de la juridiction des brevets dans son ensemble et l’articulation entre ses chambres et ses degrés sera cruciale, afin que les décisions de justice soient produites aussi rapidement que possible. Il s’agit, là encore, de contribuer à asseoir la sécurité juridique et par voie de conséquence la crédibilité du système tout entier. L’objectif est de rendre des décisions sous huit mois ; la procédure juridictionnelle européenne serait alors la plus rapide du monde.

(3) Les modalités de nomination des juges : les spécificités d’une juridiction spécialisée

Les magistrats choisis par l’OEB pour armer les différents échelons juridictionnels devront présenter un profil très pointu, à deux égards :

- d’un côté, il faudra sélectionner des experts possédant des compétences techniques incontestables pour juger d’une matière particulièrement complexe ;

- de l’autre, il conviendra qu’ils conservent leur indépendance par rapport à ce que ses détracteurs appellent le « microcosme des brevets » ou la « bulle des brevets », en ne prenant en considération que les règles de droit – relatives notamment au champ de la brevetabilité – et en se gardant de fabriquer une jurisprudence trop interprétative.

(a) Les risque de constitution d’un « microcosme des brevets »

Un brevet a théoriquement vocation à protéger les inventions des acteurs économiques – entreprises et chercheurs – innovants. Il doit être conçu comme un élément nodal, au service d’une politique d’innovation globale. Or les offices de brevets, au fur et à mesure qu’ils gagnent en puissance juridique, administrative et financière, risquent, d’une part, de s’isoler vis-à-vis du tissu productif, de s’autonomiser par rapport aux principes juridiques et d’échapper au contrôle du pouvoir politique. Le danger est qu’ils perdent de vue leur raison d’être et poursuivent comme objectif non plus l’essor de l’innovation et de la connaissance scientifique mais la croissance irraisonnée du nombre de demandes de brevets enregistrées.

Au cours des deux dernières décennies, le nombre de demandes de brevets a plus que doublé, passant de moins d’un million à plus de deux millions par an, dont environ la moitié correspondant à des demandes prioritaires, les autres consistant en des requêtes d’extension d’une demande initiale à une ou plusieurs juridictions supplémentaires. Cet essor peut être interprété à la fois comme un indice de la vitalité de l’économie de l’innovation, mais aussi comme le fruit d’un dévoiement du système des brevets en une compétition déloyale. De fait, les offices de brevets s’autofinançant, il leur est plus avantageux d’accepter une demande de brevet que de la rejeter.

Une telle dérive peut favoriser l’activité des « trolls » de brevets, c’est-à-dire de sociétés ou de personnes physiques ayant pour principale activité économique d’acquérir des brevets développés par d’autres, pour concéder des licences d’exploitation et animer des litiges sur des brevets. Ce parasitage de l’innovation met en évidence le pouvoir de nuisance du brevet, qui peut être employé comme arme anti-concurrentielle, quitte à exclure des entreprises plus innovantes.

La stratégie des brevets dits « en essaim » ou « en grappe » est aussi couramment employée, notamment aux États-Unis, pour annihiler la concurrence : une firme en position commerciale dominante dépose jusqu’à plusieurs dizaines de brevets dénués d’intérêt industriel autour d’un brevet utile, sur un seul produit, afin de dissuader le petit chercheur détenteur de l’antériorité de la découverte d’intenter une action en justice, coûteuse en argent et en temps.

(b) Des juges choisis parmi les professionnels de la propriété industrielle

Néanmoins, le droit de la propriété intellectuelle est tellement technique qu’un tribunal généraliste ne dispose pas forcément, parmi ses magistrats, des compétences humaines nécessaires pour bien juger en connaissance de cause – cela se constate notamment dans les juridictions nationales françaises. C’est la raison pour laquelle l’option de tribunaux spécialisés, avec des juges sélectionnés parmi les experts en propriété industrielle, a été retenue.

Leurs candidatures seront proposées par les États membres, après quoi une sélection sera opérée par l’OEB, de manière centralisée, sans considérations de nationalité. Il ne s’agira pas de magistrats professionnels à temps plein mais d’experts conservant leur activité professionnelle principale, choisis pour leurs compétences. Les mêmes juges pourront officier alternativement dans les différentes chambres et sections.

La CJUE, qui n’est habituellement guère encline à se laisser dépouiller sans raisons de ses prérogatives, ne voit manifestement pas d’objection à cette solution, même si son appréciation est ambivalente : elle ne souhaite pas se charger de contentieux de ce type mais n’apprécie pas que se créent des juridictions sectorielles.

(4) La fixation des « honoraires de juridiction »

Parmi les grands pays, la France est le seul où ne sont pas prélevés des « honoraires de juridiction »(41) – comportant une part fixe plus une part variable, proportionnelle à la valeur économique des intérêts en jeu dans le litige –, pour financer le tribunal. Le risque est que ce système, décliné au niveau européen, n’entraîne une hausse importante du coût des contentieux. D’un autre côté, si les « honoraires de juridiction » sont trop faibles, ils n’auront pas d’effet dissuasif sur des plaideurs abusifs.

Pour concilier les impératifs d’autofinancement de la juridiction et de garantie d’accès à la justice, les PME bénéficieront d’« honoraires de juridiction » réduits, la différence étant prise en charge par les États.

Sous réserves d’études complémentaires, la Commission européenne a envisagé des montants indicatifs pour la part fixe des « honoraires de juridiction », à laquelle il conviendrait d’ajouter la part proportionnelle. Le niveau intermédiaire retenu s’établirait ainsi pour les différents types de procédures :

- 6 000 euros pour une action en contrefaçon ;

- 6 000 euros pour une action en nullité ;

- 9 000 euros pour un appel après décision finale.

3. S’efforcer d’inclure l’Italie et l’Espagne dans le dispositif du brevet unitaire

L’Europe ne doit pas jouer avec les querelles linguistiques ; maintenir un clivage fondé sur la langue en laissant croître un sentiment de discrimination parmi les dirigeants voire la population de certains États membres pourrait s’avérer délétère pour la confiance mutuelle et l’avenir de l’Union européenne.

Nier l’importance symbolique, culturelle et politique du respect de la pluralité linguistique européenne constitue aussi un risque pour la langue française, jalouse de sa place en Europe comme dans le monde mais de plus en plus confrontée à l’omniprésence de l’anglais dans les cénacles internationaux, voire, plus préoccupant encore, dans les institutions et administrations européennes.

Il conviendra par conséquent, dans l’esprit de la construction européenne et conformément aux visées du marché intérieur, d’examiner les voies et moyens pour intégrer l’Italie et l’Espagne au dispositif du brevet européen à effet unitaire.

Si elles le rejoignent finalement, la coopération renforcée ne pourra cependant pas muter automatiquement en politique communautaire ; il serait alors nécessaire de légiférer de nouveau car les deux règlements dont nous parlons aujourd’hui « mettent en œuvre la coopération renforcée ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 13 novembre 2012, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

M. Jacques Myard, co-rapporteur. Un brevet est un titre de propriété qui confère à son titulaire ou à quiconque détient une licence le droit d’exploiter une invention sur un territoire donné. Mais c’est aussi un outil de politique anti-concurrentielle, notamment avec la technique des brevets « en grappe », souvent pratiquée par les Américains.

Un brevet est constitué de revendications, à savoir deux ou trois pages expliquant en quoi consiste l’invention, puis d’une description, qui permet à l’homme de l’art de suivre la démonstration technique. La description s’étalant parfois sur cent ou cent cinquante pages, des efforts magistraux sont nécessaires pour comprendre de quoi il s’agit, surtout quand elle est rédigée dans une langue étrangère.

Il existe aujourd’hui deux types de brevets : le brevet national ; le brevet dit « européen », mis en place par la Convention de Munich et placé sous la responsabilité de l’Office européen des brevets (OEB). Il s’agit en réalité d’une sorte de faisceau de brevets nationaux permettant à l’inventeur de désigner les États dans lesquels il souhaite voir protéger ses droits, parmi trente-huit pays européens, dont les vingt-sept de l’Union européenne. Ce brevet européen fonctionne bien : 250 000 demandes sont instruites chaque année par l’OEB, qui accomplit un travail de qualité, reconnu au plan mondial.

Un autre accord international, le Patent Cooperation Treaty (PCT, ou Traité de coopération en matière de brevet), placé sous la responsabilité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), permet d’étendre le brevet national ou européen à d’autres pays du monde, voire au monde entier.

Les Européens ont longtemps désiré instituer un brevet dit « communautaire » mais ce fut toujours un échec. Il s’agit aujourd’hui de créer un brevet dit « à effet unitaire », avec une construction juridique intéressante. Ce titre serait reconnu en bloc dans l’ensemble des États de l’Union européenne. La description serait rédigée dans l’une des trois langues de travail de l’OEB – l’anglais, le français et l’allemand –, les seules revendications étant traduites dans les deux autres langues, et la protection de la propriété industrielle serait uniforme, ce qui entraînerait une simplification des procédures de validation et une baisse des frais de traduction, de rémunération des intervenants et d’enregistrement des transferts de licences.

Le projet a buté sur un problème majeur : au terme de tractations assez rudes, l’Italie et l’Espagne ont refusé le projet, au nom de la défense de leurs langues. Deux États, et non des moindres, restent donc sur le côté. Il fallait bien avancer mais c’est un point très sensible, avec lequel il ne faut pas jouer et sur lequel je souhaite insister. L’Italie et l’Espagne ont d’ailleurs saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour contester le principe de cette coopération renforcée – qui doit répondre aux règles définies aux articles 326 à 334 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. J’ai moi-même des interrogations car le véhicule juridique retenu est un hybride – mais les bâtards sont parfois les créatures vivant le plus longtemps et la perfection, dans ce domaine, est sans doute illusoire.

Mme Audrey Linkenheld, co-rapporteure. Et les véhicules hybrides sont à la mode…

M. Jacques Myard, co-rapporteur. En effet !

L’article 118, qui fonde le projet, dispose que « le Parlement européen et le Conseil […] établissent les mesures relatives à la création de titres européens pour assurer une protection uniforme des droits de propriété intellectuelle dans l’Union », alors que vingt-cinq États membres seulement sont ici concernés. La Cour tranchera dans les premiers mois de 2013.

Le paquet est constitué de deux règlements. Le premier est relatif au régime linguistique. Le second, qui porte sur la création du brevet à effet unitaire, renvoie à l’article 142 de la Convention de Munich, consacré aux brevets dits « européens », et reprend tout le processus de délivrance du brevet européen tel qu’il est bâti dans ladite Convention. Le brevet unitaire sera donc un titre de l’Union européenne mais s’appuiera sur les dispositions de la Convention de Munich, ce qui est assez intelligent.

Dans une vie antérieure, j’avais essayé de porter sur les fonts baptismaux le brevet dit « communautaire ». Il s’agissait, par convention, de créer un titre s’appliquant dans le strict champ du droit communautaire ; cette usine à gaz n’a jamais pu marcher.

J’ajoute que l’entrée en vigueur des deux règlements est subordonnée à la signature puis à l’adoption d’un accord international à vingt-cinq, qui devra être approuvé, pour ce qui concerne la France, conformément aux articles 52 et suivants de la Constitution.

Ce projet résulte donc d’une imbrication entre droit international public et droit communautaire.

La négociation entre les vingt-cinq États concernés a été extrêmement dure. Le dernier rebondissement s’est produit lorsque le Royaume-Uni a exigé d’extraire du règlement créant le brevet à effet unitaire ses articles 6 à 8, afin d’ôter à la Cour de justice sa capacité à juger du champ de la brevetabilité. Cette ultime modification ne me semble pas poser de problème, dès lors que l’accord international prévoit que toute question préjudicielle de droit européen sera renvoyée à la Cour de justice ; ses prérogatives seront donc préservées.

L’avant-dernière mouture de l’accord international adoptée par le Conseil, qui ne respectait pas ce principe, a justement été censurée par la Cour de justice, qui a réagi « comme une belle-mère », nous a-t-on indiqué, avec un humour suave, à la Commission européenne : la Cour a jugé illégal le dispositif prévu, au regard des obligations incombant aux États, au titre des traités de Rome et suivants, pour faire respecter le corpus des règles communautaires. Cette logique juridique est implacable.

Rappelons au passage une jurisprudence très ancienne de la Cour : elle reconnaît les titres nationaux créateurs de droits de propriété, puisque, en vertu de l’article 345 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le régime de la propriété relève du droit national, même s’il doit respecter les règles communautaires comme la libre circulation des produits, la libre concurrence et la non-discrimination. C’est d’ailleurs sur cette base que Mitterrand a fondé les nationalisations de 1981.

Nous arrivons là au bout du processus, avec, semble-t-il, un accord en train de se dessiner au Conseil. Les textes devraient entrer en vigueur au cours de l’année 2013.

Mais je ne vous cache pas qu’il s’agit d’abord, selon moi, d’un brevet politique, car le système en vigueur aujourd’hui répond à 95 % des besoins. Le nouveau titre permettra toutefois de compléter la boîte à outils, avec un brevet national, un brevet protégeant les droits de propriété industrielle dans quelques États et un brevet à effet unitaire, protecteur dans vingt-cinq pays.

Mais une dernière hypothèque reste à lever : le brevet à effet unitaire devra être compétitif en termes de coût, ce dont je suis beaucoup moins certain.

Mme Audrey Linkenheld, co-rapporteure. Nous sommes donc en phase ; je suis même parvenue à convaincre Jacques Myard de l’intérêt des nationalisations…

La question du brevet unitaire est ancienne, les négociations ont été assez longues et difficiles. La Commission des affaires européennes a d’ailleurs déjà eu l’occasion d’évoquer la question au travers de deux communications de notre collègue Philippe Cochet, en mars 2011 puis en février 2012.

Les deux propositions de règlement étudiées dans cette seconde communication n’étant toujours pas adoptées, il nous a paru intéressant de nous repencher sur la question afin de produire un rapport d’information approfondi, au terme d’une série d’auditions, à Paris et à Bruxelles.

Au-delà des péripéties survenues et des discussions encore en cours, il nous semble important de faire savoir aux négociateurs français que ce projet de brevet européen à effet unitaire garde tout son intérêt pour l’Europe comme pour la France.

D’abord, ce dispositif constituera une incitation forte en faveur de l’innovation industrielle et un facteur de diffusion de la connaissance scientifique et technique, ce qui, dans un contexte de globalisation et de crise économique aggravée, n’est pas neutre pour l’Union européenne. Pour nos pays comme pour l’Union en général – on en a beaucoup parlé la semaine dernière –, il est nécessaire d’améliorer la compétitivité, en l’occurrence la compétitivité hors prix, en renforçant l’arsenal législatif européen.

S’agissant de la France, nous avons été collectivement sensibles aux négociations entre États participants. D’abord, le système proposé préserve le français comme langue de référence, avec l’anglais et l’allemand, conformément à la Convention de Munich, ce qui est important pour le poids économique de notre pays. En outre, une juridiction unifiée traitera les litiges de façon uniforme, avec une décision de justice unique, alors que, précédemment, il était nécessaire d’intenter des procès dans autant de pays que nécessaire pour faire valoir ses droits de propriété industrielle. Or Paris a été choisie comme siège de la cour centrale de cette future juridiction ainsi que comme siège de la présidence et son premier président sera français. Des sections décentralisées seront certes implantées à Munich et à Londres mais le choix de Paris comme siège est déterminant.

Cela constitue d’ailleurs un juste retour des choses, la France s’étant toujours montrée particulièrement active sur les projets successifs de brevet communautaire puis unitaire. Elle a aussi joué un rôle particulier dans le déclenchement de la coopération renforcée, à douze dans un premier temps, à vingt-cinq aujourd’hui.

Le ministre délégué chargé des affaires européennes, Bernard Cazeneuve, au conseil compétitivité de mai 2012, a encore rappelé l’intérêt de ce brevet et la nécessité de le faire réussir, ce qui dépend de deux conditions : il doit faire la démonstration de sa simplicité, ce qui semble acquis, mais aussi de ses avantages en termes de coût pour les inventeurs, sujet qu’il reste à travailler et sur lequel nous devons encourager les négociateurs français et européens à apporter des garanties. En tout cas, le développement de la traduction automatique, de ce point de vue, constitue un atout.

J’en arrive aux conclusions que nous vous proposons d’adopter.

Nous pensons que les orientations générales de ce « paquet européen à effet unitaire », malgré les soubresauts récents, notamment les dissensions entre le Conseil et le Parlement européen, vont dans le bon sens pour l’innovation et la connaissance dans l’Union européenne.

Il importe de continuer à travailler sur la question des coûts, afin qu’ils soient aussi peu pénalisants que possible pour les inventeurs et par conséquents attractifs, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises, qui rencontrent aujourd’hui le plus de difficultés pour protéger leurs droits de propriété industrielle.

Il conviendra de veiller à ce que la future juridiction centrale – dotée d’une architecture complexe et néanmoins pertinente, avec cet éclatement en trois localisations – rende des décisions de justice de qualité afin d’assurer la sécurité juridique du système, ce qui contribuera aussi à ce que les inventeurs, dans l’avenir, optent pour le brevet à effet unitaire plutôt que pour le brevet national ou européen.

Pour notre part, après les auditions que nous avons menées, il ne nous semble pas dérangeant de renvoyer à l’accord international les articles 6 à 8, qui font l’objet de la divergence de vues entre le Conseil et le Parlement européen. En effet, les textes dont il est question aujourd’hui ne touchent pas au champ de la brevetabilité défini par les réglementations nationales et européennes, qu’il soit satisfaisant ou non pour les uns et les autres.

Il reste quelques obstacles à lever mais nous espérons qu’un compromis pourra être trouvé rapidement, pour des raisons politiques – qui concernent notamment le commissaire français, chargé du marché intérieur et des services – mais aussi économiques, car les entreprises européennes en général et les PME françaises en particulier ont à en espérer des gains de compétitivité.

Nous espérons aussi, une fois les propositions de règlement adoptées et l’accord international signé, que la France pèsera de tout son poids pour enclencher le processus de ratification dans les différents États membres. Il serait bon qu’elle soit l’un des premiers pays à approuver ce texte, dont la Commission des affaires étrangères pourra s’emparer quand il aura été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Enfin, parce que nous sommes profondément Européens, nous souhaitons que l’Italie et l’Espagne, même si elles ont choisi de se tenir à l’écart du jeu de la coopération renforcée, rejoignent à court ou moyen terme le dispositif du brevet européen à effet unitaire. Cela irait dans le sens de l’Europe.

La Présidente Danielle Auroi. Votre duo de co-rapporteurs s’est montré extrêmement efficace. Je vous remercie pour votre exposé très clair et très complet. Je trouve plutôt rassurante la proposition qui est sur la table, notamment en ce qui concerne le maintien de l’interdiction de la brevetabilité du vivant.

J’ai néanmoins une petite question complémentaire à vous poser, qui porte sur l’efficacité du logiciel de traduction automatique développé par l’OEB. Les logiciels de ce type proposent en effet parfois des traductions sympathiques mais pas tout à fait adaptées. Ainsi, lorsque j’étais députée européenne, dans le cadre d’un travail sur la protection des animaux et les modalités d’abattage, le logiciel de traduction automatique utilisé avait transformé « abattoirs itinérants » en « petites tueries locales » !

M. Philip Cordery. Ce brevet unitaire européen, dont on parlait depuis longtemps, représente une avancée certaine : il aidera avant tout les PME à mieux se protéger et à innover, grâce à la diminution des coûts de traduction et de validation.

L’OEB, dont les examinateurs accomplissent un travail formidable, restera-t-il une agence indépendante gouvernée par le Traité de Munich ou est-il question que l’Union européenne en prenne le contrôle ?

Quelles sont les perspectives d’entrée de l’Italie et de l’Espagne dans le système, à court ou moyen terme ? Des discussions sont-elles en cours à ce sujet ?

M. Jacques Myard, co-rapporteur. La qualité de la traduction automatique progresse et l’OEB s’en sert de plus en plus.

Mme Audrey Linkenheld, co-rapporteure. Elle est déjà opérationnelle dans quatorze langues. Et l’Office – en coopération avec une entreprise bien connue du secteur Internet… – travaille à améliorer encore le système, spécifiquement adapté aux brevets. Du point de vue de l’OEB et des entreprises utilisatrices, ce logiciel est de plus en plus satisfaisant : les traductions, quoique imparfaites, sont de plus en plus compréhensibles et exploitables par les entreprises.

M. Jacques Myard, co-rapporteur. L’important, pour un utilisateur, est de pouvoir accéder à la description dans sa propre langue ; cela favorise la diffusion des connaissances.

Mme Audrey Linkenheld, co-rapporteure. La proposition législative, telle qu’elle est formulée, prévoit une période transitoire, pouvant courir de six à douze ans, durant laquelle l’anglais restera obligatoire. La fin de cette période transitoire sera précisément subordonnée à l’efficacité de la traduction automatique.

M. Jacques Myard, co-rapporteur. Pour ce qui concerne les PME, à titre personnel, j’ai un doute. Le problème, ce n’est pas la traduction, ce sont les redevances, car l’enregistrement d’un brevet unitaire entraînera l’obligation de rémunérer les offices nationaux, qui font bénéficier les entreprises locales de leur savoir-faire. Il n’est donc pas certain que ce brevet « holistique » sera la panacée ; des brevets nationaux seront sans doute toujours demandés.

Il ne faut pas toucher au champ de la brevetabilité. Pour ce qui concerne la brevetabilité des logiciels, en particulier, la prudence s’impose : l’autoriser donnerait un avantage déterminant aux États-Unis et mettrait l’industrie européenne en coupe réglée !

Mme Audrey Linkenheld, co-rapporteure. L’OEB fait l’unanimité en sa faveur. Le fait qu’il reste au cœur du dispositif incite à l’optimisme. Il n’est pas envisagé qu’il se transforme en une agence de l’Union européenne. L’accord international prévoit la constitution, au sein du conseil d’administration de l’OEB, d’un comité restreint, réunissant les vingt-cinq États participants, chargé notamment de la fixation du montant des redevances.

M. Jacques Myard, co-rapporteur. Il a été intelligent de partir de l’acquis de la Convention de Munich, sans monter une usine à gaz avec un brevet dit « communautaire ».

Mme Audrey Linkenheld, co-rapporteure. Quant à l’Italie et à l’Espagne, le problème est d’ordre linguistique. Elles ont déposé un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, ce qui n’est pas de bon augure pour leur coopération… Nous n’en savons pas plus. Il n’en demeure pas moins que, du point de vue économique, il pourra être avantageux, pour ces deux États, de rejoindre le système à un moment ou un autre.

Paradoxalement, le fait qu’ils n’y soient pas intégrés actuellement facilite les négociations financières entre les trois pays principaux et les plus petits, qui comptent bénéficier de retombées de la part de l’OEB.

M. Jacques Myard, co-rapporteur. Je ferai une dernière remarque incidente. À Bruxelles, dans les nombreux immeubles de la Commission européenne où nous nous sommes rendus, tous les visuels étaient en anglais. Pour l’anecdote, au Conseil européen de la recherche, il n’y avait qu’une exception, une affiche rédigée en français, que voici : « N’encouragez pas le vol ! » C’est inadmissible ! Nous devons absolument nous saisir de ce problème !

La Présidente Danielle Auroi. Ce n’est pas nouveau mais je suis tout à fait d’accord. Nous devons lutter ensemble pour promouvoir l’utilisation de la langue française !

À l’issue du débat, la Commission a adopté, à l’unanimité, les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le Traité sur l’Union européenne, notamment ses articles 3, alinéa 3, et 20,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 118 et 326 à 334,

Vu le Traité de coopération en matière de brevets, notamment son article 45, alinéa 1,

Vu la Convention sur la délivrance de brevets européens, notamment son article 142, alinéa 1,

Vu la décision du Conseil du 10 mars 2011 autorisant une coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire (2011/167/UE),

Vu les conclusions des communications de M. Philippe Cochet des 1er mars 2011 et 8 février 2012 relatives au brevet européen à effet unitaire,

Considérant la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil mettant en
œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire (COM [2011] 215 / no E 6205),

Considérant la proposition de règlement du Conseil mettant en
œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection par brevet unitaire, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction (COM [2011] 216 / no E 6206),

Considérant le projet d’accord international relatif à une juridiction unifiée en matière de brevet et le projet de statuts annexé,

Considérant qu’elle juge utile de doter l’Union européenne d’un système de brevet à effet unitaire, afin de favoriser l’innovation scientifique et technologique, conformément aux visées de la stratégie Europe 2020, et d’enrichir le marché intérieur,

Considérant qu’une coopération renforcée permettra de lever le veto posé par l’Espagne et l’Italie en raison de l’exclusion de leurs langues nationales du régime de traduction,

1. Approuve les orientations générales du « paquet brevet européen à effet unitaire », constitué de deux propositions de règlement et d’un projet d’accord international ;

2. Invite les co-législateurs à trouver rapidement un compromis afin que les règlements puissent être adoptés et l’accord international signé ;

3. Se félicite, en particulier, que le dispositif proposé s’intègre dans l’organisation résultant de la Convention sur la délivrance de brevets européens ;

4. Demande aux autorités françaises la plus grande vigilance quant à la promotion du français dans ce domaine sensible pour la compétitivité hors-prix de notre pays ;

5. Souligne que ce « paquet » ne revisite pas le champ de la brevetabilité établi par les réglementations européennes et nationales existantes, notamment pour ce qui concerne l’exemption de sélection applicable aux semences végétales et les logiciels informatiques ;

6. Ne voit aucune objection à ce que le contenu des anciens articles 6 à 8 de la proposition de règlement mettant en
œuvre la coopération renforcée soit renvoyé à l’accord international relatif à une juridiction unifiée en matière de brevets ;

7. Fonde de grands espoirs sur le logiciel de traduction automatique développé par l’Office européen des brevets pour faire avancer la diffusion de la connaissance dans tous les États membres et mettre un terme aux querelles linguistiques ;

8. Juge crucial que le coût du brevet européen à effet unitaire, sur toute sa durée de vie – frais d’instruction de la demande, de délivrance du titre, de traduction des revendications et honoraires de juridiction –, soit le moins pénalisant possible pour les entreprises innovantes ;

9. Appelle l’attention sur la nécessité de s’assurer que l’éclatement en trois localisations – un siège et deux sections – de la division centrale du tribunal de première instance de la juridiction unifiée en matière de brevets ne nuise pas à la sécurité juridique des titres validés ;

10. Attend de cette future juridiction unifiée qu’elle rende des jugements d’une rapidité et d’une qualité exemplaires, afin d’assurer la sécurité juridique du futur brevet européen à effet unitaire ;

11. Souhaite que le Gouvernement, une fois l’accord international signé, dépose au plus vite l’instrument d’approbation sur le bureau de l’Assemblée nationale et que la Commission des affaires étrangères s’en empare immédiatement, afin que la France puisse être l’un des premiers États membres à mener la procédure à son terme ;

12. Émet le v
œu que l’Espagne et l’Italie adhèrent au système du brevet européen à effet unitaire.

VOM AUSSCHUSS BESCHLOSSENE ANTRÄGE

Der Ausschuss für europäische Angelegenheiten,

gestützt auf Artikel 88-4 der Verfassung,

gestützt auf den EU-Vertrag, insbesondere Artikel 3 Absatz 3 und Artikel 20,

gestützt auf den Vertrag über die Arbeitsweise der Europäischen Union, insbesondere Artikel 118 und 326 bis 334,

gestützt auf den Vertrag über die Zusammenarbeit auf dem Gebiet des Patentwesens, insbesondere Artikel 45 Absatz 1,

gestützt auf das Übereinkommen über die Erteilung europäischer Patente, insbesondere Artikel 142 Absatz 1,

gestützt auf den Beschluss des Rates vom 10. März 2011 über die Ermächtigung zu einer verstärkten Zusammenarbeit im Bereich der Schaffung eines einheitlichen Patentschutzes (2011/167/EU),

gestützt auf die Anträge in den Berichten von Herrn Philippe Cochet vom 1. März 2011 und 8. Februar 2012 im Hinblick auf das europäische Patent mit einheitlicher Wirkung,

in Kenntnis des Entwurfs der Verordnung des europäischen Parlaments und des Rates über die Umsetzung der verstärkten Zusammenarbeit bei der Schaffung eines einheitlichen Patentschutzes (COM [2011] 215 / Nr. E 6205),

in Kenntnis des Entwurfs der Verordnung des Rates über die Umsetzung der verstärkten Zusammenarbeit bei der Schaffung eines einheitlichen Patentschutzes im Hinblick auf die anzuwendenden Übersetzungsregelungen (COM [2011] 216 / Nr. E 6206),

in Kenntnis des Entwurfs des internationalen Übereinkommens zur Schaffung einer einheitlichen Patentgerichtsbarkeit sowie des beigefügten Satzungsentwurfs,

in der Erwägung, dass seiner Ansicht nach ein Patentsystem mit einheitlicher Wirkung für die Europäische Union von Nutzen ist, um die wissenschaftliche und technologische Innovation im Sinne der Zielvorgaben der Europa 2020 Strategie zu begünstigen und den Binnenmarkt zu vertiefen,

in der Erwägung, dass ein verstärkter Zusammenhang die Aufhebung des von Spanien und Italien eingelegten Vetos wegen des Ausschlusses ihrer nationalen Sprachen von der Übersetzungsregelung ermöglichen wird,

1. Billigt die allgemeinen Ausrichtungen des Pakets „europäisches Patent mit einheitlicher Wirkung“, das aus zwei Verordnungsentwürfen und einem internationalen Übereinkommensentwurf besteht;

2. Fordert die Ko-Gesetzgeber auf, schnell zu einem Kompromiss zu gelangen, um die Verabschiedung der Verordnungen und die Unterzeichnung des internationalen Übereinkommens zu ermöglichen;

3. Begrüßt insbesondere, dass die Eingliederung des geplanten Systems in die Organisation des Übereinkommens über die Erteilung europäischer Patente möglich ist;

4. Fordert die französischen Behörden auf, auf die Förderung der französischen Sprache in dem für die preisunabhängige Wettbewerbsfähigkeit unseres Landes sensiblen Bereich besonders zu achten;

5. Unterstreicht, dass dieses „Paket“ nichts in dem durch bestehende europäische und nationale Vorschriften geregelten Bereich der Patentierbarkeit ändert, insbesondere nicht die Ausnahmeregelung für Software und die Auswahl von Pflanzensamen;

6. Hat nichts dagegen einzuwenden, dass der Inhalt der früheren Artikel 6 bis 8 im Entwurf der Verordnung über die Umsetzung der verstärkten Zusammenarbeit im internationalen Übereinkommen über eine einheitliche Gerichtsbarkeit für Patentstreitigkeiten übernommen wird;

7. Setzt große Hoffnungen in die Software für automatische Übersetzungen, die vom Europäischen Patentamt entwickelt wurde, um die Verbreitung von Kenntnissen in allen Mitgliedstaaten zu fördern und die sprachlichen Streitigkeiten zu beenden;

8. Erachtet als wesentlich, dass die Kosten für das europäische Patent mit einheitlicher Wirkung während seiner gesamten Lebensdauer – Kosten für die Antragsbearbeitung, Erteilung des Titels, Übersetzung der Ansprüche und Streitkosten – für innovative Unternehmen erschwinglich bleiben;

9. Macht darauf aufmerksam, dass die Aufspaltung der Zentralkammer des Gerichts erster Instanz des einheitlichen Patentgerichts auf drei Standorte – Sitz des Gerichts und zwei Abteilungen – der Rechtssicherheit der bestätigten Titel nicht schaden darf;

10. Erwartet von der künftigen einheitlichen Gerichtsbarkeit, dass Entscheidungen unter Einhaltung hoher Qualitätsnormen schneller erlassen werden, um die Rechtssicherheit des künftigen europäischen Patents mit einheitlicher Wirkung zu gewährleisten;

11. Wünscht, dass die Regierung nach der Unterzeichnung des internationalen Übereinkommens die Ratifizierungsurkunde so schnell wie möglich beim Büro der Nationalversammlung hinterlegt und der Ausschuss für auswärtige Angelegenheiten sich sofort damit befasst, so dass Frankreich als eines der ersten Mitgliedstaaten das Verfahren zum Abschluss bringt;

12. Bringt die Hoffnung zum Ausdruck, dass Spanien und Italien dem europäischen Patentsystem mit einheitlicher Wirkung beitreten werden.

CONCLUSIONS ADOPTED BY THE COMMITTEE

The European Affairs Committe,

Having regard to article 88-4 of the Constitution,

Having regard to the Treaty on the European Union, and notably its articles 3, paragraph 3, and 20,

Having regard to the Treaty on the Functioning of the European Union, and notably its articles 118 and 326 to 334,

Having regard to the Patent Cooperation Treaty, and notably its article 45, paragraph 1,

Having regard to the Convention on the Grant of European Patents, and notably its article 142, paragraph 1,

Having regard to the Council Decision of 10 March 2011 authorising enhanced cooperation in the area of the creation of unitary patent protection (2011/167/EU),

Having regard to the conclusions of Mr Philippe Cochet’s communications of 1 March 2011 and 8 February 2012 on the European patent with unitary effect,

In view of the proposal for a regulation of the European Parliament and of the Council implementing enhanced cooperation in the area of the creation of unitary patent protection (COM [2011] 215 / no. E 6205),

In view of the proposal for a regulation of the Council implementing enhanced cooperation in the area of the creation of unitary patent protection with regard to the applicable translation arrangements (COM [2011] 216 / no. E 6206),

In view of the draft international agreement for a unified patent litigation system and the appended draft rules of procedure,

Whereas, it is in favour of a system of patents with unitary effect within the European Union in order to encourage scientific and technological innovation, in accordance with the objectives of the Europe 2020 Strategy, and in order to strengthen the interior market,

Whereas, enhanced cooperation will overcome the hurdle of continued opposition by Spain and Italy, based on the exclusion of their national languages from the translation regime,

1. Approves the general lines of the “European patent with unitary effect package” consisting of two proposals for regulations and a draft international agreement;

2. Invites the European legislators to work swiftly to reach a compromise so that the regulations can be adopted and the agreement can be signed;

3. Is particularly pleased to note that the proposed system meshes with the existing structure resulting from the Convention on the Grant of European Patents;

4. Asks the French authorities to exercise the utmost vigilance and continue to promote the use of the French language in this area, which is crucial for the non-price competitiveness of our country;

5. Points out that this “package” does not seek to alter the scope of patentability established by the existing European and national regulations, and in particular the exemption covering plant seeds and software applications;

6. Has no objection to former articles 6 to 8 of the proposal for a regulation implementing enhanced cooperation referring to the international agreement for a unified patent litigation system;

7. Holds high hopes for the automatic translation software developed by the European Patent Office, believing that it will improve diffusion of knowledge within all the Member States and bring an end to linguistic quarrels;

8. Considers it of paramount importance that the cost of the European patent with unitary effect at all stages – including the cost of examining applications, registering patents, translating the claims and legal fees – should not be an obstacle for innovating companies;

9. Draws attention to the need to ensure that the decision to split the central division of the unified patent court of first instance into three locations – the seat and two sections – does not adversely affect the legal security of patents;

10. Trusts that the speed and quality of the decisions delivered by this future unified court will be exemplary, in order to guarantee the legal security of the future European patent with unitary effect;

11. Requests that, after signature of the international agreement, the Government promptly seek the approval of the National Assembly and that the Foreign Affairs Committee immediately examine the matter, to ensure that France is one of the first Member States to complete the procedure;

12. Expresses a wish that Spain and Italy join the system of the European patent with unitary effect.

GLOSSAIRE

CBE : Convention sur la délivrance de brevets européens

CJUE : Cour de justice de l’Union européenne

COREPER : Comité des représentants permanents

PCT : Patent Cooperation Treaty

DPMA : Deutsches Patent- und Markenamt

INPI : Institut national de la propriété intellectuelle

NPI : Nordic Patent Institute

OAPI : Organisation africaine de la propriété intellectuelle

OEB : Office européen des brevets

OMPI : Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

ONU : Organisation des Nations unies

PCT : Patent Cooperation Treaty

TFUE : Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TUE : Traité sur l’Union européenne

USPTO : United States patent and Trademark Office

ANNEXES

ANNEXE 1 :
PERSONNES AUDITIONNÉES

Institutions européennes

• Parlement européen

Mme Françoise Castex (Socialistes & Démocrates, France)

• Direction générale marché intérieur et services de la Commission européenne

Mme Kerstin Jorna, directrice de la propriété intellectuelle et chef du département propriété industrielle

Mme Martina Blasi, experte nationale détachée de l’Office européen des brevets

Mme Andrea Liesenfeld, chargée de mission affaires juridiques et politiques

Administration française

• Secrétariat général des affaires européennes

M. Jean-Christophe Gracia, conseiller juridique

• Représentation permanente auprès de l’Union européenne

M. Alexis Dutertre, représentant permanent adjoint

M. Jean-Baptiste Laignelot, conseiller juridique

• Ministère du redressement productif

M. Éric Huber, conseiller technique innovation, financement et territoires au cabinet de Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

M. Thibault Lacarriere, chargé de mission innovation au cabinet de Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

M. Jean-Marc Le Parco, sous-directeur de la qualité‚ de la normalisation‚ de la métrologie et de la propriété industrielle à la direction générale de la compétitivité‚ de l’industrie et des services (DGCIS)

Agences de brevets

• Office européen des brevets (OEB)

Mme Margot Fröhlinger, directrice principale droit des brevets et affaires internationales

• Institut national de la propriété industrielle (INPI)

M. Yves Lapierre, directeur général

M. Fabrice Claireau, directeur des affaires juridiques et internationales

Associations et groupements professionnels

• Association des praticiens européens des brevets (APEB)

M. Dominique Ménard, président d’honneur, avocat

M. Jean-Robert Callon de Lamarcq, président, conseil en propriété industrielle

M. Jean-Frédéric Gaultier, avocat

• Association pour la promotion du logiciel libre (APRIL)

M. Gérald Sédrati-Dinet, conseiller bénévole sur les questions de brevets

• Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS)

Mme Delphine Guey, responsable des affaires publiques

• Union française des semenciers (UFS)

Mme Christiane Duchêne, responsable réglementation et propriété intellectuelle de Limagrain Europe

Personnalité qualifiée

M. Didier Intès, professeur associé au Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle (CEIPI)

ANNEXE 2 :
CLASSIFICATION INTERNATIONALE DES BREVETS (CIB)
DE L’OMPI

La classification internationale des brevets (CIB), créée par l’Arrangement de Strasbourg de 1971, est un système hiérarchique de symboles indépendants de la langue pour le classement des brevets et des modèles d’utilité selon les différents domaines technologiques auxquels ils appartiennent.

SECTION A : Nécessités courantes de la vie

SECTION B : Techniques industrielles – Transports

SECTION C : Chimie – Métallurgie

SECTION D : Textiles – Papier

SECTION E : Constructions fixes

SECTION F : Mécanique – Éclairage – Chauffage – Armement – Sautage

SECTION G : Physique

SECTION H : Électricité

Source :
Brochure de l’OMPI
« Comprendre la propriété industrielle »

ANNEXE 3 :
ÉVOLUTION ENTRE 2000 ET 2011
DU NOMBRE DE BREVETS PUBLIÉS
DANS CHAQUE LANGUE DE PROCÉDURE DE L’OEB

Langue

Publication en 2000

Publication en 2005

Publication en 2011

Origine

Ang.

All.

Fr.

Ang.

All.

Fr.

Ang.

All.

Fr.

Albanie

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Autriche

6

206

1

16

517

0

98

639

0

Belgique

204

35

61

346

32

80

594

39

68

Bulgarie

3

0

0

5

0

0

6

2

0

Suisse

222

668

112

735

1006

180

1288

1024

218

Chypre

9

0

0

5

2

0

13

8

0

République Tchèque

2

3

0

17

9

0

45

11

0

Allemagne

192

5188

12

739

11718

29

1683

11845

53

Danemark

200

4

0

400

31

1

547

45

0

Estonie

0

0

0

3

0

0

6

0

0

Espagne

107

4

14

285

5

29

357

8

16

Finlande

262

1

0

741

13

0

576

10

1

France

118

49

1936

496

127

3115

944

88

3770

Royaume-Uni

1352

18

2

2105

23

15

1928

14

4

Grèce

5

0

0

14

1

0

28

1

0

Croatie

0

1

0

8

1

0

5

0

0

Hongrie

11

3

0

26

6

0

42

3

1

Irlande

32

7

1

101

14

3

170

5

5

Islande

2

0

0

18

0

0

20

1

1

Italie

877

28

7

1804

40

20

2237

36

13

Liechtenstein

8

31

0

2

102

0

12

117

0

Lituanie

0

0

0

1

0

0

3

0

0

Lettonie

12

8

12

50

14

12

132

22

12

Luxembourg

0

0

0

0

0

0

10

1

0

Monaco

5

1

2

4

0

7

3

0

6

Ex-RY de Macédoine

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Malte

1

0

0

3

0

0

13

12

0

Pays-Bas

851

47

35

1381

89

52

1767

38

13

Norvège

108

9

0

206

15

0

176

11

7

Pologne

5

2

0

13

2

0

34

10

1

Portugal

10

0

4

17

4

1

23

1

2

Roumanie

1

0

0

5

0

0

1

1

0

Serbie

0

0

0

0

0

0

1

2

0

Suède

534

21

0

1303

31

11

1448

35

6

Slovénie

2

1

0

21

3

0

41

1

0

Slovaquie

1

1

0

8

2

0

3

0

0

San Marin

0

0

0

3

0

0

3

0

0

Turquie

3

0

0

20

0

0

92

2

1

Ensemble États CBE

5145

6336

2199

10901

13807

3555

14349

14032

4198

autres

13683

128

31

24626

310

56

29155

325

52

Total

18828

6464

2230

35527

14117

3611

43504

14357

4250

Source : OEB

ANNEXE 4 :
COMPARAISON DU COÛT D’OBTENTION D’UNE PROTECTION PAR BREVET SELON LES SYSTÈMES EUROPÉENS ET AMERICAIN

 

Brevet européen
en faisceau
(27 États
membres)

Brevet européen à effet unitaire - période transitoire (27 États membres)

Brevet européen à effet unitaire - après la période transitoire
(27 États membres)

Brevet américain

Frais de procédure (dépôt du dossier, recherche, examen et délivrance)

4 045 €

4 045 €

4 045 €

1 850 €

COUTS
DE DELIVRANCE

4045 €

4045 €

4045 €

1850

Traductions

23 375 €

2 380 €

680 €

0

Conseils en propriété industrielle

5 750 €

0

0

0

Offices nationaux

2 987 €

0

0

0

COUTS
DE VALIDATION

32 112 €

2 380 €

680 €

0

COUT TOTAL

36 157 €

6 425 €

4 725 €

1 850 €

Source : direction générale marché intérieur et services
de la Commission européenne

ANNEXE 5 :
ARTICLE 267
DU TRAITÉ SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE

Article 267 (ex-article 234 TCE)

« La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

« a) sur l’interprétation des traités,

« b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union.

« Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

« Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

« Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. »

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Traité international signé en 1883 entre onze pays et dont sont aujourd’hui parties un total de 174 pays.

3 () La propriété industrielle est également protégée par les dessins et modèles – créations esthétiques définissant l’apparence d’un produit –, les marques de produits et de services, les schémas de configuration de circuits intégrés, les noms commerciaux, les désignations commerciales et les indications géographiques.

4 () Voir pages 45 et suivantes.

5 () Créé en 1962, elle réunit seize pays, essentiellement d’Afrique francophone : le Benin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée équatoriale, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo.

6 () Décision du 12 mai 2010.

7 () Arrêt Bilski du 28 juin 2010

8 () Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.

9 () Ou PCT, pour Patent Cooperation Treaty.

10 () Pour mémoire, les trois autres sont les systèmes concernent l’enregistrement international des marques, l’enregistrement international des dessins et modèles industriels et l’enregistrement international des appellations d’origine.

11 () Ou NPI, pour Nordic Patent Institute.

12 () Outre les vingt-sept États membres de l’Union européenne, ont ratifié l’Albanie, la Croatie, l’Islande, le Liechtenstein, l’ex-République yougoslave de Macédoine, Monaco, la Norvège, Saint-Marin, la Serbie, la Suisse et la Turquie. De plus, depuis le 1er octobre 2010, il est possible de procéder à des extensions de brevets européens en Bosnie-Herzégovine et au Monténégro.

13 () Ce document détaille les caractéristiques techniques du brevet, ainsi que les spécifications commerciales et juridiques de son exploitation.

14 () Voir page 34.

15 () Voir page 48.

16 () Figurant en conclusion du fascicule, elles visent à cadrer la portée des droits exclusifs protégeant le titulaire du brevet.

17 () Ce document détaille les caractéristiques techniques du brevet, ainsi que les spécifications commerciales et juridiques de son exploitation.

18 () Communication de la Commission européenne COM (2010) 2020 du 3 mars 2010 : « Europe 2020, une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive ».

19 () Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil COM (2007) 165 du 3 avril 2007 : « Améliorer le système de brevet en Europe ».

20 () COM (2012) 631.

21 () Décision du Conseil 2011/167/UE.

22 () Voir page 67.

23 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions COM (2008) 394 du 25 juin 2008 : « “Think Small First” : priorité aux PME – Un “Small Business Act” pour l’Europe ».

24 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions COM (2010) 608 du 27 octobre 2010 : « Vers un Acte pour le Marché unique, pour une économie sociale de marché hautement compétitive : 50 propositions pour mieux travailler, entreprendre et échanger ensemble ».

25 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions COM (2011) 206 du 13 avril 2011 : « L’Acte pour le marché unique, douze leviers pour stimuler la croissance et renforcer la confiance : ensemble pour une nouvelle croissance ».

26 () Mention qui sera publiée dans le Bulletin officiel des brevets.

27 () Voir pages 78 et 79.

28 () Avis 1/09 du 8 mars 2011.

29 () Conformément au souhait exprimé par les utilisateurs lors de la consultation organisée par la Commission européenne en 2006, afin d’assurer, autant que faire se peut, une justice de proximité (voir page 60).

30 () Voir page 86.

31 () Voir annexe 2.

32 () Voir pages 83 et 84.

33 () Soit 1,88 milliard d’euros.

34 () L’Allemagne, dans le même but, a déjà fait savoir qu’elle comptait implanter trois chambres locales.

35 () Le nombre d’avocats plaidant à temps plein sur des dossiers concernant les brevets, inférieur à 15 en France, s’élève à environ cent cinquante en Allemagne.

36 () Voir annexe 3.

37 () Voir annexe 5.

38 () Voir annexe 4.

39 () Article 9 ter de l’accord international.

40 () Article 9 bis de l’accord international.

41 () Ou court fees.