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N° 3691

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 avril 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

sur la proposition de directive relative aux armes à feu
(COM(2015) 750 final)

ET PRÉSENTÉ

PAR MME Marietta KARAMANLI et M. Charles de La VERPILLIÈRE,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Sandrine DOUCET, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Philippe BIES, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. RÉVISER LA DIRECTIVE POUR MIEUX ORGANISER LE MARCHÉ CIVIL DES ARMES À FEU 9

A. LA DIRECTIVE SUR LES ARMES A CONNU DES ÉVOLUTIONS DEPUIS SON ORIGINE 9

B. LES RISQUES TERRORISTES ONT ACCÉLÉRÉ LE PROCESSUS DE RÉVISION DE LA DIRECTIVE ET CONDUIT À L’ADOPTION D’UN PLAN COMMUNAUTAIRE CONTRE LE TRAFIC D’ARMES 11

1. La nécessité de réviser rapidement la directive sur les armes 11

2. Le plan d’action de la Commission européenne pour lutter contre le trafic illicite d’armes et d’explosifs 12

C. LE SECTEUR ÉCONOMIQUE DES ARMES À FEU DOIT GAGNER EN TRANSPARENCE 14

II. ÉTENDRE LE CHAMP D’APPLICATION DE LA DIRECTIVE ET ASSURER UNE MEILLEURE TRAÇABILITÉ AUX ARMES À FEU 17

A. PRÉCISER LE STATUT DES ARMES D’ALARME 18

B. CLARIFIER CERTAINS TERMES POUR GAGNER EN COHÉRENCE 19

1. Le cas des armes semi automatiques 20

2. La notion de « pièces essentielles » 21

3. La définition des armes historiques 22

4. Le statut des musées et des collectionneurs privés 23

C. AMÉLIORER LA TRAÇABILITÉ DES ARMES 24

1. La conservation des données sur les armes à feu 24

2. Le statut des armes neutralisées 25

3. L’harmonisation des règles de marquage 28

III. ENCADRER LE COMMERCE SUR INTERNET 31

A. LA DÉFINITION DE LA PROFESSION DE COURTIER 32

B. GAGNER EN TRANSPARENCE SUR LES BÉNÉFICIAIRES DES TRANSACTIONS 33

IV. AMÉLIORER LES ÉCHANGES D’INFORMATION ENTRE ÉTATS MEMBRES POUR MIEUX SUIVRE LES TRANSFERTS D’ARMES AU SEIN DE L’UNION 35

A. LA CIRCULATION DES ARMES À FEU DANS L’UNION EUROPÉENNE 35

B. AMÉLIORER LA FIABILITÉ DES INFORMATIONS ÉCHANGÉES ENTRE ÉTATS MEMBRES 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE 43

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 47

TEXTE DE LA RÉSOLUTION EUROPÉENNE ADOPTÉE EN COMMISSION 49

ANNEXES 53

ANNEXE I : OBSERVATIONS SUR LE CLASSEMENT DES ARMES SEMI–AUTOMATIQUES DE M. CHARLES DE LA VERPILLIÈRE, CO-RAPPORTEUR 55

ANNEXE II : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 57

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’initiative de la Commission européenne de présenter une réforme de la directive sur l’acquisition et la détention d’armes en novembre 2015 et son insistance à ce qu’elle soit adoptée rapidement pour des motifs de sécurité publique a suscité des interrogations.

Pourquoi s’attaquer en priorité à la circulation et à la détention d’armes civiles alors que la sécurité publique est menacée avant tout par les activités criminelles et terroristes qui utilisent des armes illégales et qui tirent profit de l’existence d’un marché occulte des armes, notamment via le « darknet » ou le recyclage d’armes provenant de conflits armés, comme celles provenant du conflit de l’ex Yougoslavie ? Cet argument a été largement développé au cours des auditions menées par la Commission du Marché intérieur et protection des consommateurs du Parlement européen notamment par la FACE, Fédération Européenne des Associations de Chasse et Conservation qui estime que la Commission n’a pas été en mesure de prouver en quoi les restrictions apportées à la détention légale d’armes à feu auraient un impact positif dans la lutte contre le terrorisme ou les trafics transfrontaliers d’armes et de munitions.

Les rapporteurs tiennent d’emblée à clarifier les termes du débat. Il est incontestable que cette directive ne cible pas les trafics d’armes puisque son objet est de mieux encadrer l’acquisition et la détention des armes civiles, les armes détenues par les forces armées et les forces de police n’entrant pas dans le champ d’application de cette directive. La Commission européenne n’a jamais cherché à assimiler la détention d’armes civiles à la participation à des activités illégales ou délictueuses. Néanmoins, il faut admettre que les armes ne sont pas des objets anodins et que des contrôles rigoureux sont nécessaires compte tenu de la dangerosité potentielle de ces armes si elles sont détournées de leur usage. Cette réforme de la directive n’a pas du tout pour objectif de décourager l’activité des chasseurs ou des tireurs sportifs et elle cherche toujours à ce que les contraintes imposées aux détenteurs d’armes légales soient justifiées et proportionnées au regard de l’objectif recherché qui est de sécuriser la détention d’armes et de rendre plus transparentes les transactions.

Encadrer le marché des armes à feu civiles et légales est essentiel car comme l’a souligné M. Philippe Nobles, expert français en armes à feu au Ministère de l’intérieur, lors de l’audition publique devant la Commission du Marché intérieur et protection des consommateurs du Parlement européen (1), la plupart des armes illégales en circulation dans l’Union européenne ont eu à l’origine un statut légal mais sont devenues par la suite illicites car elles ont été soit reconditionnées, soit ont changé de titulaire sans autorisation ou encore ont été transférées dans un autre État membre sans aucune traçabilité. Mieux contrôler l’acquisition et la détention des armes à feu civiles a donc un impact direct sur la sécurité de tous les citoyens européens car une meilleure traçabilité rend plus difficile le développement de transactions illégales et l’acquisition d’armes reconditionnées à des fins criminelles.

Les armes à feu sont des articles spécifiques de par leur nature. La plupart des questions de sécurité auxquelles la directive sur les armes à feu tente de remédier ont une dimension transfrontalière. La vulnérabilité d’un seul État membre face à des activités criminelles se répercute sur toute l’Union (comme dans les cas de la transformation des armes d’alarme reconditionnées en armes létales). Les différences entre les réglementations nationales entravent les contrôles et la coopération policière entre les États membres (différences par exemple des exigences d’enregistrement pour un même type d’armes à feu).

Cette réforme de la directive sur les armes fait partie d’une stratégie plus globale définie dans l’Agenda européen sur la sécurité, dont certains aspects plus opérationnels ne relèvent pas du cadre législatif. Il s’agit tout en donnant un cadre légal garanti au marché légal des armes civiles de décourager les milieux criminels de détourner des armes légales pour un usage illicite et de renforcer la connaissance sur ces détournements par des efforts accrus des services de renseignement et des douanes. L’autre volet essentiel de cette stratégie est de renforcer la lutte contre les trafics d’armes comme l’a annoncé la Commission européenne dans sa communication du 2 décembre 2015, où elle exposait son Plan d’action contre le trafic et l’utilisation illicite d’armes à feu et d’explosifs. Les deux volets de cette action, l’un visant le cadre légal du marché des armes à feu et l’autre consistant à intensifier les actions contre le trafic d’armes notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, sont tout à fait complémentaires pour permettre des progrès en termes de sécurité publique.

Il a été fortement reproché à la Commission de ne pas avoir publié d’étude d’impact sur les conséquences de la mise en œuvre de cette réforme, les associations de collectionneurs par exemple soulignant que cette réforme causerait des préjudices économiques du fait de l’obligation de neutraliser certaines armes anciennes, leur faisant perdre ainsi beaucoup de valeur.

La Commission a tout à fait reconnu cette lacune mais s’est justifiée en indiquant que l’accélération du calendrier d’adoption de cette réforme avait empêché la publication de cette étude d’impact. Elle a d’ailleurs souligné qu’un travail approfondi d’évaluation des insuffisances de la directive actuelle avait été réalisé en décembre 2014 par des consultants extérieurs (2). Ce travail d’analyse comportait aussi des recommandations d’améliorations spécifiques.

À l’issue de l’évaluation, la Commission a invité les membres du comité institué en vertu de l’article 13 bis, de la directive (comité «armes à feu») et représentant les 28 États membres de l’Union, à commenter et évaluer les conclusions et les recommandations qui y sont contenues. Les membres du comité se sont réunis à plusieurs reprises et certains États membres (la Belgique, la France, la Suède et le Royaume-Uni) ont complété ces contributions par écrit.

Le rapport d’évaluation final a été remis juste avant les tragiques évènements de Paris et de Copenhague de janvier 2015. Ces derniers ont mis en évidence l’existence de problèmes urgents de sécurité à l’échelle de l’Union. Lors de la réunion du comité sur les armes à feu qui s’est tenue en mars 2015, la Commission a invité les représentants des États membres à faire part de toute autre préoccupation concernant la mise en œuvre de la directive sur les armes à feu, à la lumière de ces tragiques événements, qui n’aurait pas été pris en compte antérieurement.

Un long travail de préparation et de concertation a donc permis d’élaborer une réforme qui réponde aux principales lacunes de la directive actuelle.

Selon les conclusions de l’évaluation, ce n’est qu’à l’échelon de l’Union qu’on peut agir efficacement pour parvenir aux objectifs d’une circulation transfrontières des armes à feu et d’un niveau élevé de sécurité des citoyens européens. L’indéniable valeur ajoutée de la directive sur les armes à feu réside dans la création d’un cadre commun harmonisé s’appliquant aux réglementations sur les armes à feu, lequel n’aurait pas été obtenu par des initiatives nationales ou bilatérales.

La souplesse du dispositif même de la directive a rendu possible le maintien d’un niveau élevé de sécurité et la consolidation du marché intérieur. La directive fixe des exigences minimales communes tout en respectant le principe de subsidiarité et en laissant aux États membres toute latitude pour adopter des règles plus strictes en fonction de leurs besoins et du contexte national. De plus, les États membres et les citoyens de l’Union ont reçu la garantie que les mesures de sécurité communes prévues dans la directive au sujet des armes à feu fabriquées et circulant en Europe sont valables dans tous les États membres.

Les exigences minimales ont aussi contribué au bon fonctionnement du marché intérieur et à la consolidation du marché légal des armes à feu. Concernant le marché, l’effet de l’établissement de catégories communes (différenciation selon la puissance et impliquant un régime juridique de détention plus ou moins contraignant), qui devait être le principal apport de l’intervention de l’Union, a été amenuisé par des interprétations divergentes selon les États membres. Toutefois, l’efficacité de la carte européenne d’arme à feu illustre la valeur ajoutée que peut apporter une intervention de l’Union en faveur de la circulation transfrontière des armes utilisées par les chasseurs et les tireurs sportifs.

I. RÉVISER LA DIRECTIVE POUR MIEUX ORGANISER LE MARCHÉ CIVIL DES ARMES À FEU

A. LA DIRECTIVE SUR LES ARMES A CONNU DES ÉVOLUTIONS DEPUIS SON ORIGINE

La directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes (ci-après la «directive sur les armes à feu») a été adoptée le 18 juin 1991 et modifiée par la directive 2008/51/CE du 21 mai 2008.

L’article 17 de la directive sur les armes à feu disposait qu’«au plus tard le 28 juillet 2015, la Commission soumettait au Parlement européen et au Conseil un rapport sur les résultats de l’application de la [...] directive, assorti, s’il y a lieu, de propositions». En vue de la préparation de ce rapport, la Commission a confié la réalisation d’une étude d’évaluation à des consultants externes (3). Terminée en décembre 2014, cette étude contient une analyse approfondie de la mise en œuvre de la directive et a émis des recommandations pour améliorer l’efficacité de cet encadrement du marché des armes civiles.

La directive sur les armes à feu réglemente l’acquisition, la détention et les échanges commerciaux au sein de l’Union des armes à feu civiles (par exemple, les armes à feu pour la pratique du tir sportif et de la chasse). Elle fixe des normes minimales communes, que les États membres doivent transposer dans leur législation nationale sur les armes, chaque État étant libre d’adopter des normes plus rigoureuses. Ce texte vise à établir un équilibre entre les objectifs du marché intérieur (c’est-à-dire la circulation transfrontières des armes à feu) et les objectifs de sécurité (c’est-à-dire un niveau élevé de sécurité et de protection contre des actes criminels et le trafic illicite) au sein de l’Union.

La directive 91/477/CEE constituait, à l’origine, une mesure d’accompagnement dans la réalisation du marché intérieur. Compte tenu de la suppression des contrôles portant sur la détention d’armes aux frontières intracommunautaires, il était nécessaire d’établir une réglementation efficace pour permettre le contrôle à l’intérieur des États membres. À cet effet, la directive contient des règles sur l’acquisition et la détention d’armes à feu, ainsi que sur le transfert d’armes à feu entre États membres.

Quelques années après, la Commission a négocié, pour le compte des États membres de l’Union européenne, le protocole des Nations unies contre le trafic illicite des armes à feu dans le cadre de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (4). Ce protocole allait fixer de nouvelles règles, notamment en ce qui concerne la traçabilité (marquage et enregistrement) et la neutralisation des armes à feu.

À la suite de l’entrée en vigueur du protocole relatif aux armes à feu en 2005, la directive 91/477/CE a été modifiée par la directive 2008/51/CE afin de renforcer les mesures de sécurité, ce qui a permis un alignement partiel sur le protocole lui-même. La directive sur les armes à feu fait partie d’une série d’initiatives prises à l’échelle internationale et européenne pour mettre en œuvre le protocole relatif aux armes à feu. Certaines dispositions de ce dernier ont été transposées dans la législation européenne par le règlement nº 258/2012 instaurant des règles pour les autorisations d’exportation, ainsi que des mesures concernant l’importation et le transit d’armes à feu à usage non militaire provenant de pays tiers ou destinés à ces derniers. La principale contribution de ce règlement est le principe selon lequel le transfert d’armes à feu à usage civil entre États membres ne peut avoir lieu que si tous les pays concernés en sont informés et ont donné leur autorisation et si l’origine de ces armes est connue.

Il convient de souligner que les principes guidant l’action de la Commission européenne en vue de réduire les risques liés aux armes à feu civiles ont été intégrés dans une stratégie globale énoncée dans la communication intitulée « Les armes à feu et la sécurité intérieure dans l’Union européenne: protéger les citoyens et déjouer les trafics illicites » qui a été lancée en octobre 2013 (5). Cette communication proposait des mesures visant à renforcer la sécurité des citoyens de l’Union concernant les armes à feu et à préserver le marché licite de ces dernières. Cette approche transversale qui prend en compte la circulation des armes légales mais aussi les trafics d’armes a été récemment complétée avec la communication de la Commission intitulée «Le programme européen en matière de sécurité» présentée le 28 avril 2015 (6). Dans cette communication, la priorité est donnée à la définition d’une approche commune en matière de neutralisation des armes à feu afin d’empêcher les criminels de les réactiver et de les utiliser. Ce texte prône aussi le réexamen de la législation existante sur les armes à feu en 2016 afin d’améliorer le partage d’informations (par exemple, en enregistrant dans le système d’information d’Europol des informations sur les armes à feu saisies), d’accroître la traçabilité, d’harmoniser le marquage.

B. LES RISQUES TERRORISTES ONT ACCÉLÉRÉ LE PROCESSUS DE RÉVISION DE LA DIRECTIVE ET CONDUIT À L’ADOPTION D’UN PLAN COMMUNAUTAIRE CONTRE LE TRAFIC D’ARMES

1. La nécessité de réviser rapidement la directive sur les armes

À la suite des événements tragiques qui se sont produits le 13 novembre 2015 à Paris, la Commission a décidé d’anticiper la révision de la directive sur les armes à feu en se fondant sur les préconisations du rapport d’évaluation précité et en intégrant de nouvelles dispositions plus directement liées à la prévention des trafics d’armes et de munitions.

La révision de la directive doit être l’occasion d’un changement de philosophie. Les armes à feu ne sauraient être traitées comme de simples bien manufacturés d’usage courant et la sécurité des personnes sur le territoire de l’Union Européenne doit s’imposer comme priorité au-delà de l’intérêt d’assurer la fluidité du commerce légal des armes. Il convient de souligner que les imprécisions juridiques de la directive dans sa rédaction actuelle facilitent le développement d’un marché légal d’armes à feu pouvant profiter à des activités illégales.

Lors des auditions, plusieurs interlocuteurs ont souligné la porosité entre les circuits légaux de transaction des armes civiles et les échanges partiellement ou totalement illicites. Certaines transactions apparemment légales nourrissent en fait des trafics liés au banditisme ou au terrorisme. On peut ainsi citer le cas d’armes à feu en provenance principalement de Slovaquie et qui sont mises sur le marché en tant qu’armes « à blanc ». En réalité, il s’agit d’armes fonctionnelles, souvent d’anciens stocks militaires, qui ont été modifiées en « armes acoustiques », le canon de ces armes étant légèrement modifiée par l’introduction de goupilles interdisant le passage d’un projectile. Mais cette transformation étant réversible, ces armes peuvent facilement redevenir létales. Lors des attentats de janvier 2015, l’un des terroristes a utilisé deux fusils d’assaut qui avaient été acquis comme des armes d’expansion acoustique puis reconditionnées. La mise en circulation de telles armes concerne un volume important et donne toute apparence de légalité, alors que les premiers acheteurs sont des réseaux criminels.

Un fait divers remontant à 2013, souligne la facilité de se procurer des armes dites neutralisées. À Istres (Bouches du Rhône), un jeune homme de 19 ans a ouvert le feu sur des inconnus à l’aide d’un fusil d’assaut de type « Kalachnikov » tuant trois personnes et blessant grièvement une quatrième. Entendu lors de son arrestation il a indiqué avoir acquis une arme « neutralisée » ainsi que des pièces nécessaires à sa réactivation (canon et pièces de mécanisme) sur des sites Internet, les munitions étant achetées auprès d’un particulier sur un forum. Le tout a été payé par carte Visa et livré au domicile de sa mère.

La Commission a donc présenté l’adoption de la réforme de la directive sur les armes comme une priorité mais elle a aussi souligné l’importance d’agir de manière globale pour lutter aussi contre les trafics d’armes et améliorer la connaissance sur les transferts d’armes à feu pour être à même de cerner les mécanismes qui conduisent à ce que des armes qui étaient initialement dans le circuit des armes à feu légales soient progressivement détournées de leur utilisation initiale pour servir ensuite à diverses activités illicites.

2. Le plan d’action de la Commission européenne pour lutter contre le trafic illicite d’armes et d’explosifs

Soucieuse de promouvoir une politique globale visant à la maîtrise de la circulation des armes à feu, la Commission européenne a présenté le 18 novembre 2015, une communication inspirée par le programme européen en matière de sécurité et qui détaillait plusieurs mesures pour intensifier la lutte contre l’utilisation illicite d’armes à feu (7).

Rappelons que la Commission apporte déjà une aide financière conséquente à plusieurs projets visant à mieux connaître les diverses formes de trafics d’armes. La Commission finance ainsi deux études par le biais du fonds pour la sécurité intérieure (FSI), à savoir les projets EFFECT et FIRE, qui ont respectivement pour objectif d’améliorer les connaissances sur le trafic illicite d’armes à feu et de faciliter l’élaboration d’actions pour détecter les transactions illégales. Elle a également alloué quelque 60 millions d’euros à quinze projets liés aux explosifs. Par ailleurs, Europol devrait intensifier son travail d’expertise sur les innovations technologiques en matière d’armement. À titre d’exemple on peut citer l’impression 3D qui peut être utilisée pour fabriquer des armes à feu et des composants essentiels permettant de réactiver des armes à feu désactivées. Les armes non métalliques, telles que celles fabriquées en kevlar ou en céramique, comportent un potentiel de risque qui requiert une surveillance étroite. Ce sont des sujets encore assez confidentiels mais les réseaux de trafiquants ont déjà montré leur bonne connaissance des dernières innovations.

Les principaux axes de ce plan d’action portent sur :

• Restreindre l’accès aux armes à feu et aux explosifs illégaux : le plan d’action invite tous les États membres à créer des points de contact nationaux interconnectés sur les armes à feu afin de développer leur expertise et d’améliorer l’analyse et l’établissement de rapports stratégiques sur le trafic d’armes à feu. Europol devrait intensifier ses actions relatives au trafic en ligne et au détournement des flux commerciaux licites, en mettant également à profit l’unité de signalement des contenus sur Internet (surveillance de la propagande terroriste et les activités extrémistes violentes) pour surveiller également les sources illicites d’armes à feu, d’explosifs et de précurseurs d’explosifs. La Commission suggère d’interdire les règlements en espèces pour les opérations d’achat et de vente d’armes à feu et de munitions par des personnes physiques.

• Intensifier la coopération opérationnelle entre États membres et renforcer les contrôles aux frontières extérieures ainsi que la coopération policière et douanière (contrôles des marchandises en fonction des risques et en créant une action de contrôles douaniers prioritaires).

• S’inspirer du système existant sur le contrôle des explosifs (approbation électronique des transferts intra-européens- système SCEPYLT-) pour instaurer un système d’échange d’informations sur la circulation d’armes à feu au sein de l’Union Européenne.

• améliorer la collecte et le partage d’informations opérationnelles : inclure systématiquement les informations sur les armes à feu recherchées dans le Système d’information Schengen (SIS) (8) et dans le Système INTERPOL de gestion des données sur les armes illicites et du traçage des armes (iARMS) (9).

• Améliorer l’échange d’informations balistiques : Il n’existe à ce jour aucun système à l’échelle de l’UE d’analyse des données balistiques et aucun référentiel central permettant d’intégrer et de comparer ces analyses. À ce jour les États membres de l’Union Européenne utilisent en général deux systèmes distincts. La Commission européenne a soutenu un projet, appelé plate-forme Odyssey, qui visait à résoudre le problème de l’analyse de données criminalistiques et balistiques issues de systèmes balistiques disparates à travers l’Europe. L’expérimentation étant positive, la Commission soutiendra la pérennisation de cette plate-forme spécialement dédiée à l’échange d’informations balistiques en s’appuyant sur le réseau d’information balistique et d’autres systèmes pertinents utilisés par les États membres.

• Renforcer le projet « i’Trace » : ce projet vise à recenser les filières du commerce illicite d’armes conventionnelles détournées ou faisant l’objet d’un trafic. D’autre part, le projet i’Trace poursuit expressément l’objectif de soutenir la mise en œuvre du traité sur le commerce des armes en aidant les autorités nationales à détecter le détournement des armes conventionnelles transférées et à évaluer les risques de détournement lors de l’examen de demandes de licences d’exportation. Les enquêtes de terrain menées par des spécialistes de la société privée Conflict Armement Research (CAR) dans 21 pays (en particulier en Afrique et au Moyen-Orient) alimentent une «base de données sur le trafic d’armes» accessible au public sur les armes détournées ou faisant l’objet d’un trafic (http://www.conflictarm.com/itrace)

• Consolider la coopération avec les pays tiers: afin de réduire l’importation illégale d’armes à feu dans l’Union européenne et l’accès aux explosifs sur son territoire. La Commission européenne propose, aussi, de renforcer la coopération avec les pays-clés des Balkans occidentaux, d’approfondir celle menée avec des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, ainsi qu’avec la Turquie et l’Ukraine. Une attention particulière est accordée à l’instauration d’un dialogue avec les pays de la région du Sahel avec la Libye tout particulièrement et avec la Ligue arabe.

Rappelons que depuis 2002, l’Union Européenne soutient les efforts déployés pour atténuer la menace découlant de l’accumulation à grande échelle d’armes légères et de petit calibre (ALPC) et de réserves de munitions en Europe du Sud-Est. Elle a ainsi financé plusieurs projets dans la région des Balkans occidentaux dans le but d’améliorer la sécurité de la gestion de ces stocks. Un réseau régional d’experts sur le trafic d’armes à feu a été constitué en 2013 et un plan d’action régional a ensuite été adopté en 2014. Les pays des Balkans occidentaux mettent en œuvre des stratégies nationales destinées à faire obstacle au trafic d’armes et à la prolifération d’armes légères et de petit calibre. Un suivi des progrès réalisés dans ce domaine est également assuré dans le cadre des négociations d’adhésion au chapitre 24 - Justice, Liberté et Sécurité. Au cours du Premier semestre 2016, il est prévu que la Commission organise une deuxième conférence avec ses partenaires des Balkans occidentaux pour discuter des étapes suivantes, parmi lesquelles la proposition d’étendre le plan aux explosifs illicites et discutera de la pertinence de programmes de rachat des armes à feu dans la région.

Les rapporteurs tiennent à souligner l’importance d’agir de manière globale et transversale en matière d’armes à feu. Il ne s’agit pas de jeter la suspicion sur les sportifs et chasseurs qui utilisent tout à fait légalement des armes civiles, mais il faut souligner que les armes ne sont pas des objets anodins. C’est pourquoi il faut des efforts coordonnés pour mieux contrôler le marché des armes légales et rendre ainsi plus difficile le développement des transactions des armes illicites.

C. LE SECTEUR ÉCONOMIQUE DES ARMES À FEU DOIT GAGNER EN TRANSPARENCE

Le rapport d’évaluation de la directive précité insiste à plusieurs reprises sur le manque d’informations statistiques sur ce secteur d’activité, les chiffres étant souvent globalisés et ne permettant pas de distinguer la production d’armes civiles et ceux concernant les armes utilisées par les forces armées ou de police.

Le rapport souligne l’intérêt de mieux collecter les informations relatives à l’utilisation des armes civiles et d’être en mesure de suivre la part d’entre elles qui ont été utilisées pour commettre des infractions pénales. Il est aussi très difficile d’avoir des données sur la part d’infractions commises avec des armes détenues légalement et la part d’armes illégales.

Selon les données Eurostat, le marché des armes civiles et des munitions représenterait une production évaluée à 1,7 milliard d’euros, avec une croissance annuelle moyenne de 3,1% entre 2007 et 2013. Ce secteur de production des armes emploierait de l’ordre de 15600 salariés (chiffre donné par le rapport d’évaluation de la directive précité). Quant aux commerçants et courtiers en armes à feu leur nombre est évalué à 20 000 et le nombre de salariés également à 20 000, ces chiffres devant être considérés avec prudence car aucune source officielle ne les recense, ces statistiques émanant d’une organisation professionnelle de négociants d’armes. Les collectionneurs d’armes à feu sont évalués à 300 000 personnes au sein de l’Union européenne.

La majorité des entreprises sont de petite taille, 76,5% d’entre elles ayant moins de dix salariés mais quelques gros fabricants, soit 4% du total emploient 79% des salariés du secteur et représentent 80% du chiffre d’affaires.

L’Italie est le principal pays produisant des armes civiles avec 37% de la production totale, l’Autriche représentant 31% et l’Allemagne 9%.

Les exportations d’armes à feu se font pour moitié (en valeur et 33% en volume) à destination des États-Unis, alors que celles destinées à la Russie représentent 8% du total des exportations. Les principaux pays exportateurs sont l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne. Les exportations ont connu une progression annuelle sensible, surtout à destination des pays en voie de développement.

Le nombre de détenteurs d’armes à feu fait aussi l’objet d’estimations car si la détention d’armes est soumise à une procédure de déclaration ou d’autorisation, de nombreuses personnes détiennent des armes non déclarées notamment des armes anciennes qui font partie du patrimoine de certaines familles. La fréquence de la détention d’armes est très disparate en Europe : en Finlande 29% de la population en détient une, 20% en Suède alors que ce taux est très faible en Hollande (1,4%) en Pologne ou encore en Hongrie.

Des efforts doivent être faits pour parvenir à évaluer plus précisément les utilisations délictueuses des armes à feu civiles.

La Commission européenne a évalué à 10 000 homicides sur une durée de dix ans le nombre d’homicides causés par des armes à feu. Le taux d’homicide est très variable selon les pays membres, il est de 7,1 par million d’habitants en Italie, de 6,7 en Bulgarie, de 4,1 en Suède mais seulement de 0,6 en France ou encore de 0,2 en Roumanie.

La question de savoir si ces homicides ont été commis par des armes illégales ou non est très difficile à évaluer statistiquement. De même que le nombre d’armes volées est largement sous-évalué et estimé à près de 500 000 selon les données enregistrées dans le fichier Schengen information system (SIS II). La France et la Hollande ont insisté auprès des autorités communautaires sur l’importance des vols d’armes et sur la nécessité de prévoir des conditions au stockage des armes particulièrement dangereuses.

Les rapporteurs partagent tout à fait la recommandation faite dans le rapport d’évaluation de la directive sur la nécessité d’intensifier la collecte de données sur les armes à feu civiles et sur les infractions pénales impliquant celles-ci dans le but d’éclairer les prises de décision politiques au niveau communautaire. Il est très dommage, par exemple, que les infractions pénales ne soient pas ventilées par catégorie d’armes à feu, et que peu d’informations fiables soient disponibles sur les armes reconditionnées.

Lors de l’évaluation de la directive, les cabinets conseils ont insisté sur la difficulté à trouver des informations homogènes dans l’ensemble de l’Union européenne. Les évaluateurs ont pallié le manque de données et de statistiques agrégées sur les armes à feu civiles à l’échelle de l’Union en contactant les organisations nationales du secteur et en rassemblant les informations utiles manquantes au fil d’entretiens avec des professionnels ou acteurs du secteur. Ils ont pu croiser des informations provenant de sources différentes pour obtenir des données fiables mais cette démarche a été longue et aurait pu être beaucoup plus fiable si un effort de transparence avait été organisé lors de l’adoption de la première version de la directive.

II. ÉTENDRE LE CHAMP D’APPLICATION DE LA DIRECTIVE ET ASSURER UNE MEILLEURE TRAÇABILITÉ AUX ARMES À FEU

Le projet de réforme de cette directive comporte des avancées significatives pour préciser un certain nombre de définitions qui permettent de cerner avec précision à qui s’applique cette directive et quelles sont les armes concernées. Cet effort doit être complété pour lever un certain nombre d’ambiguïtés.

Le champ d’application de la directive est décrit dans son annexe I. Les catégories d’armes à feu correspondant à des régimes différents y sont décrites comme suit:

- «Catégorie A - Armes à feu interdites»: armes automatiques et armes de guerre;

- «Catégorie B - Armes à feu soumises à autorisation»: armes à feu principalement utilisées par les tireurs sportifs et les chasseurs;

- «Catégorie C - Armes à feu soumises à déclaration»: armes à feu essentiellement utilisées par les chasseurs;

- «Catégorie D - Autres armes à feu»: concerne essentiellement les armes à feu longues à un coup par canon lisse.

Lors de l’évaluation de la directive , il est apparu que certains types d’armes avaient été exclus du champ d’application de la directive comme les armes exclusivement détenues par les forces armées étatiques, les armes neutralisées, les armes antiques ou encore les armes dites d’alarme ou armes à blanc. La directive dans sa rédaction initiale ne comportait pas de critères précis pour exclure certains objets ressemblant à des armes véritables du champ d’application de ce texte. Il revenait aux États membres de définir eux-mêmes ces critères d’exclusion. Les États membres ont ainsi des critères très variés pour définir la notion d’armes antiques, certains États considèrent que les armes fabriquées avant 1870 doivent être automatiquement considérées comme antiques, d’autres se réfèrent à la date de 1889 alors que la Grande Bretagne n’a pas de date butoir mais applique un faisceau de critères qui conduit à considérer que les armes antérieures à 1939 sont antiques.

C’est surtout les critères de neutralisation et de réversibilité qui posent problème, certaines armes pouvant être apparemment neutralisées mais en réalité étant susceptibles d’être assez facilement reconditionnées pour devenir létales. De même, les armes d’alarme ou d’expansion acoustique ne forment pas une catégorie homogène. Certaines résultent de la transformation d’armes véritables alors que d’autres ont été conçues « ab initio » pour être des armes à blanc ou d’alarme. Une clarification de ces différentes catégories d’armes est donc essentielle.

A. PRÉCISER LE STATUT DES ARMES D’ALARME

Les « armes d’alarme » (ou à blanc) ne sont pas aujourd’hui considérées par la directive comme des « armes à feu » mais comme des objets. Elles ne font en conséquence l’objet d’aucun suivi. La seule condition pour qu’elles soient considérées comme des objets est qu’elles « soient conçues » et « ne puissent être utilisées » que pour servir comme « armes d’alarme ». Le règlement 258/2012 du 14 mars 2012 impose à cet effet que les matériaux dans lesquels elles sont fabriquées ne permettent pas de les utiliser pour tirer une munition à projectile métallique.

Or, la qualification « d’armes à blanc » est parfois détournée et certaines armes qui devraient être soumises aux dispositions d’encadrement des armes à feu prévues par la directive, sont mises indûment sur le marché comme « armes à blanc ». On les trouve ainsi en vente libre, notamment sur Internet, à destination de particuliers. C’est notamment le cas des armes conçues au départ pour le tir et qui ont été ensuite modifiées pour devenir des armes « d’expansion acoustique », par exemple par une légère modification du canon, par introduction d’une ou deux goupilles interdisant le passage d’un projectile : aucune autre pièce essentielle n’ayant été rendue inapte au tir, il est facile d’ôter les goupilles à ces armes, leur rendant leur létalité première.

Cette question des armes d’alarme ou de salut qui semblent inoffensives mais qui en fait peuvent être reconditionnées en armes réelles est longuement évoqué dans le rapport d’évaluation de la directive. Au plan quantitatif, on estime que le marché européen des armes d’alarme et assimilées concerne une production annuelle comprise entre 250 000 et 370 000 unités, 30 % étant exportées. Le rapport d’évaluation insiste sur la très grande hétérogénéité du statut juridique de ces armes qui dans certains pays ne sont pas considérées comme des armes (en Italie par exemple pour les armes à blanc), alors que dans d’autres sont assimilées à des armes de catégorie C. Il donne de multiples exemples de l’utilisation frauduleuse de ces armes qui reconditionnées permettait à des groupes criminels de faire d’importants profits. C’est ainsi que des pistolets à gaz achetés 100 euros en Lituanie étaient transformés en armes à feu et revendus en Grande Bretagne pour 2000 livres sterling. Devant la gravité de ce phénomène en Lituanie, où 30% des crimes et braquages étaient commis avec des armes reconditionnées en 2013, le gouvernement lituanien a pris des mesures rigoureuses pour contrôler la circulation des pistolets à gaz, ce qui a permis de réduire l’ampleur de ce phénomène. En Grande Bretagne, des faits similaires ont été observés qui ont conduit le Gouvernement britannique à interdire en 2010 certains modèles de pistolets à air comprimé. Récemment, les forces de police hollandaises et françaises ont alerté la Commission sur les risques spécifiques d’armes d’alarme en provenance de Turquie très facilement convertibles en armes à feu opérationnelles.

La proposition de directive apporte des améliorations notables sur ce point en élargissant le champ d’application du texte actuel, en soumettant certaines armes ou leurs éléments aux règles de la directive : elle introduit en effet des définitions communes précises et actuelles sur des notions telles que les « composants essentiels », les « armes neutralisées », les « armes d’alarmes et de signalisation », les « armes acoustiques et de salut », et enfin sur les « répliques. Cette évolution est essentielle car le flou dans les définitions a suscité l’émergence de situations juridiques incertaines et permis à certaines catégories d’armes dangereuses d’échapper à la réglementation, en particulier les armes « acoustiques et de salut ».

Ainsi, même si les définitions proposées méritent encore d’être affinées, la démarche visant à différencier les « armes acoustiques et de salut » des « armes à blanc » peut permettre une première amélioration. Toutefois, cette amélioration serait inopérante si elle n’était accompagnée d’une classification judicieuse de ces armes telles qu’elles figurent en annexe I.

Le maintien des armes acoustiques et de salut dans leur catégorie d’origine (avant transformation) est nécessaire. Il est rappelé que les modifications opérées sur une arme fonctionnelle apte au tir pour la transformer en arme acoustique et de salut laissent aux éléments leur caractère fonctionnel, y compris le mode de fonctionnement (ex : tir en rafale).

Les rapporteurs soutiennent la rédaction actuelle de l’article 10 bis qui énonce les deux principes suivants :

« Les États membres prennent des mesures pour empêcher que les armes d’alarme et de signalisation ainsi que les armes de spectacle puissent être transformées en armes à feu.

La Commission adopte des spécifications techniques relatives aux armes d’alarme et de signalisation ainsi qu’aux armes de spectacle pour empêcher qu’elles puissent être transformées en armes à feu.

Ces actes d’exécution sont adoptés conformément à la procédure d’examen visée à l’article 13 ter, paragraphe 2. »

B. CLARIFIER CERTAINS TERMES POUR GAGNER EN COHÉRENCE

La révision de cette directive doit être l’occasion de réaliser un travail de définition pour éviter des conflits d’interprétation ultérieurs dont peuvent profiter ceux qui souhaitent jouer sur les failles de la directive, notamment pour alimenter « le marché gris des armes » et des composants d’armes.

1. Le cas des armes semi automatiques

Un des exemples les plus frappants concerne le statut des armes semi automatiques.

Les rapporteurs ont reçu des témoignages sur la dangerosité particulière de ce type d’armes qui proviennent souvent d’armes initialement automatiques et qui ont été ultérieurement transformées en armes semi automatiques pour pouvoir plus facilement être écoulées sur le marché légal (recyclage par exemple de stocks militaires par exemple). La principale difficulté est d’apprécier si ces armes semi automatiques sont ou non « réversibles » et pourront être reconditionnées en armes automatiques c’est-à-dire devenir des armes interdites à la détention pour les particuliers dans la plupart des cas.

Compte tenu de leur dangerosité, la Commission propose de les interdire.

La Commission propose que « les armes à feu civiles semi-automatiques qui ont l’apparence d’armes automatiques » soient désormais interdites (passage de la catégorie B7 à A7). Cette disposition n’est pas compréhensible et elle est impossible à appliquer dans sa forme actuelle, étant donné qu’elle ne fait pas de distinction entre l’apparence physique et les caractéristiques techniques. Plutôt que de s’appuyer sur l’apparence de l’arme, ce sont les critères techniques qui devraient être pris en compte, comme l’énergie d’excitation de l’arme à feu, le calibre et la possibilité d’attacher un chargeur de grande capacité, ou encore d’autres caractéristiques qui ne sont pas justifiées par des raisons valables comme la poignée du pistolet, la crosse pliable, les systèmes de refroidissement, etc. La Commission devrait revoir sa proposition en conséquence.

Elle considère en effet que les armes à feu semi-automatiques peuvent être facilement transformées en armes à feu automatiques, ce qui fait peser une menace sur la sécurité. Même sans être transformées en armes de la catégorie A, certaines armes semi-automatiques peuvent être très dangereuses lorsque la capacité de leur chargeur est élevée. Tout usage civil de ces armes semi-automatiques devrait donc être interdit. Cette interdiction absolue risque cependant de poser un certain nombre de difficultés notamment pour certains tireurs sportifs.

L’interdiction absolue n’est sans doute pas la solution la plus pragmatique mais que cette révision doit être l’occasion de poser des critères clairs sur la notion de réversibilité.

Sur ce point, il convient de souligner que les États membres peuvent adapter finement leur règlementation en évaluant les critères de dangerosité évoqués ci-dessus: à titre d’exemple, en France les chasseurs sont autorisés à utiliser des armes d’épaule semi-automatiques dont le projectile a un diamètre inférieur à 20 mm, équipées de systèmes d’alimentation inamovibles permettant le tir de 3 munitions au plus sans qu’intervienne le réapprovisionnement. Ces armes semi-automatiques sont classées en catégorie C, conformément à la réglementation européenne. Elles ne sont pas impactées par la proposition de révision.

Il est suggéré soit de renforcer les conditions pour autoriser la détention d’armes semi automatiques (vérification plus poussée du profil du demandeur, imposer une formation spécifique, des conditions de stockage pour limiter les vols…) soit de considérer que seules les armes ayant certaines spécifications techniques (capacité du chargeur, type de munitions…à préciser dans un acte d’exécution) pourront être classées en catégorie B. Les autres armes semi automatiques plus puissantes seront classées en catégorie A7 et interdites aux particuliers.

Lors de son audition devant le Parlement Européen, Cédric Poitevin du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) a expliqué que deux solutions étaient envisageables. Il serait d’abord possible d’interdire la conversion des armes semi-automatiques en automatiques et d’adopter sur la base de critères clairs et précis, une norme commune de limitation des chargeurs (et de soumettre ceux-ci à autorisation) afin de limiter la capacité de tirs. L’autre possibilité serait de spécifier que les armes semi-automatiques de catégorie B7 sont rendues techniquement intransformables (ou à tout le moins très difficiles à transformer) par les fabricants, comme c’est déjà le cas pour de nombreux modèles en circulation. L’application de ces nouvelles normes pourrait être vérifiée par un organisme indépendant, à l’image de l’ATF (Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives) américain.

Sur ce point de la classification des armes semi automatiques, les deux rapporteurs ont une position divergente. M. Charles de la Verpillère considère qu’il ne faut pas s’orienter vers un régime trop strict qui conduirait à supprimer le classement en classe C (régime de la simple déclaration) pour les armes semi –automatiques les plus courantes notamment les armes de chasse. Il souligne que les armes semi-automatiques susceptibles d’être détournées à des fins terroristes, ne concerne que certains types d’armes très spécifiques, seules celles-là devraient être interdites. Sa position est exposée de manière plus détaillée en annexe I.

2. La notion de « pièces essentielles »

Un autre aspect de la directive actuelle doit être amélioré et porte sur la définition même de la notion d’arme à feu et de « ses parties essentielles ». La précision terminologique est en effet très importante car le marché des armes à feu évolue vers un marché des composants ou des pièces détachées pouvant servir à conditionner une arme. Si certaines pièces ne sont pas définies comme parties essentielles d’une arme elles pourront être acquises sans autorisation ou déclaration et pourront servir à constituer des armes illégales. Tous les efforts menés pour assurer une réelle traçabilité des armes peuvent être remis en question si des pièces importantes échappent à la classification et au marquage.

Les rapporteurs se félicitent de la nouvelle rédaction proposée concernant les parties essentielles (art 1ter) qui désormais devraient être définies ainsi :

« …on entend par “partie essentielle” le canon, la carcasse, la boîte de culasse, la glissière ou le barillet, la culasse mobile ou le bloc de culasse ainsi que tout dispositif conçu ou adapté pour atténuer le bruit causé par un tir d’arme à feu qui, en tant qu’objets séparés, sont compris dans la catégorie dans laquelle l’arme à feu dont ils font partie ou sont destinés à faire partie a été classée.»

Il paraît important que cette nouvelle définition clarifie le statut des silencieux qui sont inclus dans la catégorie des parties essentielles d’une arme.

Il faudrait aussi clarifier le statut des chargeurs.

3. La définition des armes historiques

Les rapporteurs regrettent que la réforme de la directive n’ait pas donné de définition des armes historiques ou « antiques ».

Dans son annexe n°1, qui définit les armes objets de la directive et leur classification , la directive 91/477 stipule que ne sont pas classées comme armes celles considérées comme « antiques ou historiques» ou leurs reproductions, celles conçues aux fins d’alarme (à blanc), de signalisation ou destinées à des fins industrielles , celles qui ont été neutralisées.

Ces trois types d’armes ne peuvent donc se voir appliquer les dispositions de l’article 3 qui indique que les États-membres peuvent adopter des dispositions plus strictes. En outre, ces éléments sont soumis au principe de libre circulation des biens.

Il paraît aujourd’hui essentiel que ces armes réintègrent le champ de la directive.

Toutefois, la Convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985, qui ne s’applique qu’à 25 États membres et à la Suisse, apporte quelques précisions au chapitre 7 – armes et munitions – dans son article 82. Elle indique notamment que la liste des armes interdites, soumises à autorisation ou à déclaration, ne comprend pas « les armes à feu dont le modèle ou l’année de fabrication sont – sauf exception – antérieurs au 1er janvier 1870, sous réserve qu’elles ne puissent tirer des munitions destinées à des armes prohibées ou soumises à autorisation ».

Mais l’article 3 du règlement 258/2012 portant application de l’article 10 du protocole des Nations-Unies exclut de son champ d’application les armes à feu anciennes et leurs répliques pour autant qu’elles ne soient pas « fabriquées après 1899 ».

En l’absence de définition posée par la directive dès 1991, les États membres ont été amenés à légiférer en la matière et à fixer leurs propres règles de classement des armes historiques. Ces règles sont fort disparates et une arme considérée comme « historique » dans un pays peut ne pas l’être dans un autre. Les raisons de la classification peuvent être variables : année de modèle, année de fabrication, rareté, absence de munitions sur le marché, et peut comporter de nombreuses exceptions.

Ce qui est accessible librement dans un pays est donc de fait amené à circuler dans l’espace européen. Dans cette situation également, les délinquants se jouent des différences réglementaires nationales pour se livrer à des trafics d’armes.

Il conviendrait donc qu’une définition précise soit donnée par la directive et que ces armes réintègrent également le champ d’application de celle-ci. Cela permettrait aux États d’avoir un socle légal minimal et standardisé, tout en leur permettant de prendre des mesures plus restrictives.

Concernant les munitions, la directive devrait clairement indiquer qu’elles ne peuvent être acquises que pour les titulaires disposant légalement d’une arme. La même règle devrait s’appliquer aux accessoires comme les silencieux qui peuvent s’adapter sur plusieurs catégories d’armes.

4. Le statut des musées et des collectionneurs privés

Le champ d’application de la directive devrait aussi être précisé pour les musées et les collectionneurs. Jusqu’à présent ces deux catégories détentrices d’armes anciennes ne figuraient pas dans le champ d’application de la directive. Ces dernières années, certains faits divers ont permis de constater que certains collectionneurs, personnes privées étaient assez proches du milieu du banditisme et ont accepté de céder des armes à des délinquants.

La question centrale est de savoir si les musées sont autorisés à conserver des armes notamment de catégorie A, les plus dangereuses, sans qu’elles soient neutralisées.

Interrogé sur ce point, Dr Edward Impey, directeur général du Royal Armouries Museum a souligné lors de son audition par la commission du Marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen, que la neutralisation systématique des armes détenues dans les musées ferait perdre beaucoup de leur intérêt historique et culturel à ces collections mais surtout que les conséquences en termes de sécurité publique seraient très dommageables. En effet, les forces de police par exemple ont fréquemment recours à ces collections lors d’enquête comme ce fut le cas lors des attentats en Irlande du Nord ou pour des trafics d’armes venant de l’ex Yougoslavie. Ces armes servent de point de référence notamment lorsqu’il s’agit d’enquêter sur des armes reconditionnées avec des pièces détachées provenant d’armes souvent anciennes.

Concernant les collectionneurs, la principale difficulté consiste à trouver une définition suffisamment précise pour leur attribuer un « statut particulier par rapport aux personnes privées de droit commun. Il faudrait limiter le nombre d’armes de catégorie A pouvant être détenues à titre de collection et prévoir que les États membres définissent des conditions rigoureuses pour obtenir ce statut (absence d’antécédents judiciaires, examen médical et psychologique…). La question du dédommagement des collectionneurs a aussi évoquée car les armes neutralisées auront une valeur marchande beaucoup plus faible qu’auparavant.

Enfin, la directive devrait être complétée pour prévoir que la détention d’armes à titre de collection devrait être subordonnée au respect de normes de sécurité pour le stockage de ces armes.

L’initiative de Mme Valero, rapporteure pour avis de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du parlement européen doit être soutenue.

Elle a l’intention de déposer l’amendement suivant à l’article 6 – alinéa 2 :

« Sans préjudice du paragraphe 1, les États membres peuvent autoriser les organismes à vocation culturelle et historique en matière d’armes et reconnus comme tels par l’État membre sur le territoire duquel ils sont établis à détenir des armes à feu de la catégorie A acquises avant le [date d’entrée en vigueur de la présente directive], à condition que ces armes à feu aient été neutralisées conformément au règlement d’exécution de la Commission (UE) 2015/2403 ou aient été exemptées de la neutralisation pour des motifs liés à la conservation du patrimoine culturel et historique et s’il peut être démontré que leur stockage ne comporte pas de risques pour la sécurité publique ou l’ordre public. »

C. AMÉLIORER LA TRAÇABILITÉ DES ARMES

1. La conservation des données sur les armes à feu

L’article 4.4 de la directive dans sa rédaction actuelle, indique que les données informatisées des fichiers concernant les armes doivent être conservées au moins vingt ans. Ce délai est notoirement insuffisant et il faudrait conserver les données durant toute la durée d’existence des armes.

De plus, le rapport d’évaluation souligne les difficultés de partage d’informations entre les États membres, notamment dans le cadre d’enquêtes judiciaires du fait notamment du manque de rigueur dans la manière dont les informations relatives aux armes ont été consignées dans les différents fichiers. De plus, pour les armes anciennes, ces informations sont souvent encore plus lacunaires.

La modification de la directive sur ce pont semble très pertinente car elle permettra de réellement améliorer la traçabilité des armes à feu.

La nouvelle rédaction prévoit ainsi :

«Les données suivantes de chaque arme à feu sont enregistrées dans ce fichier: type, marque, modèle, calibre, numéro de série, ainsi que les noms et adresses du fournisseur et de l’acquéreur ou du détenteur de l’arme à feu. Les données enregistrées d’une arme à feu, y compris d’une arme neutralisée, sont conservées jusqu’à ce que la destruction de l’arme à feu ait été certifiée par les autorités compétentes.»

Il convient de rappeler certaines informations sur les armes utilisées dans différentes affaires criminelles.

À Toulouse (Haute-Garonne) en mars 2012, l’auteur des attentats contre l’école juive Ozar Hatorah disposait, entre autres, d’un pistolet Remington modèle 1911 A 1, datant de 1942 et d’un pistolet-mitrailleur STEN fabriqué pendant la seconde guerre mondiale.

À Paris lors des attentats terroristes de janvier 2015, l’un des auteurs était porteur de deux fusils d’assaut CZ modèle 58 datant des années 1960 et d’un pistolet Tokarev TT 33 fabriqué en 1952. À son domicile étaient découverts quatre pistolets Tokarev TT 33 datant des années quarante ainsi qu’un revolver Nagant de 1932 ; deux autres auteurs portaient deux pistolets Zastava fabriqués à la fin des années 50, ainsi que deux fusils d’assaut Zastava, de 1983 et 1987.

Dans ces différentes affaires, il a été très difficile de trouver des informations sur la provenance de ces armes et sur la manière dont elles avaient été acquises par les délinquants du fait de leur ancienneté et aussi parce que certaines d’entre elles avaient été reconditionnées.

Un autre aspect du problème de la traçabilité des armes est celui de la conservation des données relatives aux armes neutralisées, certains pays considérant qu’une fois qu’elles sont totalement désactivées ces armes perdent leurs caractéristiques létales et n’ont plus à être soumises à un contrôle.

2. Le statut des armes neutralisées

Le rapport d’évaluation a souligné qu’une des faiblesses actuelles de la directive était liée à l’absence de normes communes au niveau communautaire pour la neutralisation des armes.

Au plan terminologique, les textes européens emploient pour désigner l’acte de neutraliser de manière irréversible une arme à feu le terme de « neutralisation » ou l’expression « armes désactivées » qui sont équivalents. Il est apparu dans les discussions préparatoires à la révision de la directive que certains États membres comme le Danemark ou les Pays Bas vont au-delà de la neutralisation qui n’affecte pas l’apparence de l’arme et exigent que les armes soient découpées par moitié pour être considérées comme neutralisées.

En l’absence de lignes directrices communes sur les normes et techniques de neutralisation, les armes à feu neutralisées en circulation présentent différents niveaux de sûreté et n’excluent pas une réactivation. Outre les aspects techniques de la neutralisation, il est aussi important de prendre en compte les exigences de détention, de vente ou de transfert des armes concernées. Dans la plupart des États membres, les armes à feu neutralisées ne sont plus considérées comme des armes à feu. Elles sont donc radiées des registres officiels et il devient alors impossible de remonter jusqu’à leur propriétaire initial. Or, ces armes peuvent être utilisées pour des actes d’intimidation et constituer un problème de sécurité.

Grâce à une intense mobilisation de la Commission européenne et à une prise de conscience des États membres de l’urgence de la situation il a été possible d’adopter un Règlement d’exécution de la Commission, le 15 décembre 2015 établissant des lignes directrices communes concernant les normes et techniques de neutralisation des armes à feu (2015/2403).

Ce règlement définit des critères communs et stricts sur la manière dont les États membres doivent neutraliser les armes de façon à les rendre inopérantes. Ce règlement repose sur les critères de neutralisation élaborés par la Commission internationale permanente pour l’épreuve des armes à feu portatives (CIP). Ce règlement d’exécution entrera en vigueur le 8 avril 2016.

Il est prévu que la Commission révise et mette régulièrement à jour les spécifications techniques établies dans le présent règlement. À cet effet, la Commission devrait tenir compte de l’expérience acquise par les États membres lors de l’application des mesures de neutralisation supplémentaires.

Ce texte prévoit que les armes à feu neutralisées sont munies d’un marquage unique commun conforme au modèle figurant dans l’annexe II pour indiquer qu’elles ont été neutralisées conformément aux spécifications techniques figurant dans l’annexe I. Le marquage est apposé par l’organisme certifiant la neutralisation sur tous les éléments modifiés pour la neutralisation de l’arme à feu ce procédé de marquage doit être clairement visible et inamovible et comporter des informations sur l’État membre dans lequel a été réalisée la neutralisation et sur l’organisme de vérification qui a certifié la neutralisation. Le ou les numéros de série d’origine de l’arme à feu sont maintenus afin de disposer d’éléments assurant la traçabilité.

Ce texte précise aussi que des armes à feu neutralisées ne peuvent être transférées dans un autre État membre que si elles portent le marquage unique commun et si elles sont accompagnées d’un certificat de neutralisation conformément au présent règlement.

Il s’agit d’un incontestable progrès qui va dans le sens d’une véritable harmonisation des normes de neutralisation, les États membres restant libres d’aller au-delà des normes communes figurant à l’annexe 1 de ce texte.

La réforme de la directive traite aussi de la question de la neutralisation car des problèmes délicats restent en suspens, notamment du fait que des armes qui ont été neutralisées avec des normes moins contraignantes continuent à circuler en Europe.

L’article 10 ter du projet de révision de la directive prévoit que les États membres prennent des dispositions pour que la neutralisation des armes à feu soit vérifiée par une autorité compétente, afin de garantir que les modifications apportées à une arme à feu la rendent irréversiblement inutilisable. Le texte précise en outre que les États membres prévoient, dans le cadre de ladite vérification, la délivrance d’un certificat ou d’un document attestant la neutralisation de l’arme à feu ou l’application à cet effet sur l’arme à feu d’une marque clairement visible.

Un certificat de neutralisation établi sur un modèle unique sera délivré par chaque État Membre. Ce certificat énumérera les opérations effectuées (dans la langue de l’État qui l’a délivré). Tout État Membre pourra demander l’assistance d’un autre État pour contrôler une neutralisation effectuée dans ce dernier.

Cette neutralisation sera attestée par l’apposition d’un marquage unique pour toutes les armes neutralisées dans l’Union Européenne indiquant par un code : le pays dans lequel l’arme a été neutralisée, l’organisme qui s’est chargé de l’opération et l’année de la neutralisation. Ce marquage sera apposé en entier sur la carcasse et partiellement sur chacune des pièces modifiées par la neutralisation.

La présence du marquage de neutralisation et ce certificat seront exigés pour tout transfert d’une arme neutralisée d’un État de l’Union Européenne à l’autre, après l’entrée en vigueur du 8 avril 2016.

L’efficacité de la neutralisation c’est-à-dire son caractère irréversible dépend des normes appliquées qui ne sont pas figées et devront évoluer avec l’évolution des caractéristiques techniques des armes. C’est pourquoi, le projet de texte précise-t-il que la Commission européenne adoptera des normes et techniques de neutralisation afin de veiller à ce que les armes à feu neutralisées soient irréversiblement inutilisables. Ces actes d’exécution seront adoptés conformément à la procédure d’examen visée à l’article 13 ter, paragraphe 2, c’est-à-dire avec l’assistance d’un comité technique en mesure de tenir compte des retours d’expérience des différents États membres et d’expertiser les difficultés d’application recensées.

La question la plus délicate qui reste à régler est de savoir comment classer les armes neutralisées. La Commission propose que les armes de catégorie A restent dans leur catégorie initiale même si elles ont été neutralisées du fait de leur dangerosité (risques d’intimidation, reconditionnement possibles pour les armes neutralisées sous les normes précédentes).

Cette position très rigoriste manque de pragmatisme.

Concernant les armes désactivées, la proposition de directive comporte certaines incohérences. En effet, si l’inclusion de ces armes dans le champ d’application est une très bonne chose, on peut se demander pourquoi les armes de la catégorie A, une fois désactivées, restent dans cette catégorie A. Il y a là une incohérence alors que l’on vient d’adopter un règlement sur les mesures communes de désactivation : d’une certaine manière, maintenir l’interdiction revient à reconnaître que les nouvelles normes communes de désactivation sont insuffisantes et, si c’est le cas, il faudrait peut-être renforcer le règlement d’exécution. Une alternative serait de maintenir dans la catégorie A uniquement les armes de catégorie A désactivées non couvertes par le règlement, à savoir celles qui ont été désactivées avant la date de mise en application dudit règlement, et qui répondent à des normes moins strictes en matière de désactivation (R, art. 1.1). Et, à tout le moins, il est nécessaire qu’à des fins de traçabilité, toutes les armes désactivées soient reprises comme armes de la catégorie C.

3. L’harmonisation des règles de marquage

La directive actuelle prévoit une obligation de marquage qui n’est actuellement pas normée, chaque État membre ayant ses propres normes de marquage.

Rappelons que le marquage des armes à feu est un procédé consistant à apposer une marque sur les parties essentielles de l’arme permettant de l’identifier.

Cette question de l’harmonisation du marquage a déjà été évoquée à plusieurs reprises notamment dans une Communication de la Commission européenne du 21 octobre 2013 relative aux armes à feu et à la sécurité intérieure où l’établissement d’une norme européenne en matière de marquage était présenté comme une priorité.

Le rapport d’évaluation de la directive a recommandé d’insérer dans la directive une obligation de marquage de toutes les parties essentielles au moment de la fabrication ou de l’importation. La difficulté est que certains États membres n’assimilent pas certaines parties essentielles des armes à des armes à feu et comme l’obligation de marquage ne concerne qu’une «partie essentielle», il en est résulté des différences qui compliquent la tâche des autorités répressives quand elles retracent le parcours d’armes à feu impliquées dans des infractions pénales transfrontières. Cela peut aussi entraver le fonctionnement du marché intérieur, puisque les marques risquent de ne pas être reconnues dans tous les États membres.

La directive précise dans son article 4 l’obligation de marquage mais ne va pas jusqu’à imposer une norme unique de marquage européenne.

Le texte prévoit en effet que :

«1. Les États membres veillent à ce que toute arme à feu ou pièce mise sur le marché ait été marquée et enregistrée conformément à la présente directive.

2. Aux fins de l’identification et du traçage de chaque arme à feu assemblée, au moment de la fabrication de chaque arme à feu ou de son importation dans l’Union, les États membres exigent un marquage unique incluant le nom du fabricant, le pays ou le lieu de fabrication, le numéro de série et l’année de fabrication (si elle ne figure pas dans le numéro de série). Cette disposition n’exclut nullement l’apposition de la marque de fabrique.

Le marquage est apposé sur la boîte de culasse de l’arme à feu.

Les États membres veillent au marquage de chaque conditionnement élémentaire de munitions complètes, afin que soient indiqués le nom du fabricant, le numéro d’identification du lot, le calibre et le type de munition.

En outre, les États membres veillent à ce que, lors du transfert d’une arme à feu de leurs stocks en vue d’un usage civil permanent, celle-ci soit dotée d’un marquage unique permettant d’identifier les autorités ayant effectué le transfert.

Ces dispositions sont novatrices en ce qu’elles traitent aussi des munitions et du cas des stocks militaires recyclés en armes civiles mais un travail considérable reste à faire pour améliorer la traçabilité.

Sur ce point comme l’indiquait le rapport d’évaluation une analyse approfondie des pièces d’armes à feu réglementées et marquées dans les différents États membres doit être menée pour cerner à l’échelon de l’Union les divergences existantes sur la définition des «parties essentielles».

La question du marquage étant très technique, il a été décidé, après avoir consulté la Commission internationale permanente pour l’épreuve des armes à feu portatives, que la Commission européenne travaillerait à l’élaboration de normes communes pour ce marquage, lesquelles pourront être arrêtées par un acte d’exécution.

III. ENCADRER LE COMMERCE SUR INTERNET

La directive modifiée a pour objectif d’encadrer plus strictement les transactions sur les armes par le biais de techniques de communication à distance et en tout premier lieu par Internet. La Commission propose d’interdire aux particuliers l’acquisition ou la revente d’armes à feu, seuls les armuriers ou courtiers en armes dument habilités seraient autorisés à mener de telles transactions.

Le développement du commerce par Internet des armes à feu est un problème complexe tant les législations nationales sont hétérogènes. Il est très facile de trouver sur Internet des conseils pratiques pour réussir à se procurer des armes, notamment aux États Unis alors que l’acheteur réside dans un État beaucoup plus rigoureux en matière de détention d’armes.

Très récemment, il faut citer l’initiative du groupe américain propriétaire de Facebook et de l’application de partage de photos Instagram d’interdire aux utilisateurs qui ne sont pas des vendeurs d’armes licenciés d’utiliser Facebook pour proposer des armes à la vente ou négocier des transactions entre particuliers. Le réseau social, outre sa fonction première de lien entre amis, est de plus en plus utilisé pour réaliser des ventes entre particuliers. En témoignent les nombreux groupes thématiques où les utilisateurs postent des photos des objets à vendre accompagnés de leur prix. Un développement encouragé par Facebook, qui avait inséré une fonction « prix » dans la description des photos. Certains commerces y ont même ouvert une « boutique virtuelle » où leur catalogue est affiché. Il suffit de contacter le vendeur sur son profil pour finaliser ensuite la vente hors du réseau social.

Mais si depuis le 29 janvier 2016, les membres de Facebook et Instagram ne peuvent plus publier d’annonces pour vendre ou négocier des armes entre eux, à moins d’être vendeur licencié, il n’en reste pas moins que les commerçants qui ont une licence pourront continuer à faire la promotion d’armes via Facebook.

Cette entreprise avait déjà pris en 2014 des mesures restrictives pour interdire aux mineurs les transactions relatives aux armes et a poursuivi cette démarche en raison des fortes pressions des organisations anti armes à feu qui soulignaient que le réseau social était désormais fréquemment utilisé par des réseaux criminels.

Le rapport d’évaluation cite aussi les témoignages de plusieurs services de renseignement dont celui des Pays Bas qui se sont émus du fait que l’on pouvait trouver très facilement sur Internet des conseils pratiques sur la manière d’acheter des composants d’armes à feu aux États Unis et les consignes à suivre pour acheter en Europe les pièces complémentaires pour reconditionner l’arme à feu. Dans ce type de transactions, le recours à des armes désactivées est très fréquent, ces armes étant démontées et vendues par pièces pour contourner les interdictions d’acquisition de certains types d’arme.

Cet effort de clarification des transactions sur Internet doit être salué. Par ailleurs, il est important que le même régime soit appliqué aux transactions à l’intérieur de l’Union européenne que pour celles étant réalisées par un ressortissant européen avec un particulier ou un professionnel hors Union européenne.

A. LA DÉFINITION DE LA PROFESSION DE COURTIER

Pour organiser le contrôle des transactions par Internet la Commission européenne propose de limiter les transactions aux armuriers ou aux courtiers

Dans sa version actuelle, la directive n’encadre pas la profession de courtier (art.1er. 1 sexies), le courtier ne détenant aucune arme et mettant simplement en relation un vendeur et un acheteur contre rétribution. Cette activité n’est pas soumise à agrément par la directive.

Afin de parvenir à une meilleure régulation de ce marché, le projet de révision comporte une définition plus précise de cette profession de courtier en arme à feu qui n’existe pas en tant que telle en France par exemple.

La définition proposée est la suivante : « Aux fins de la présente directive, on entend par “courtier” toute personne physique ou morale, autre qu’un armurier, dont l’activité professionnelle consiste, en tout ou en partie, en l’acquisition, la vente ou l’intervention dans le transfert à l’intérieur d’un État membre, d’un État membre à un autre État membre ou l’exportation vers un pays tiers d’armes à feu entièrement assemblées, de leurs pièces et de leurs munitions». (Art 1 sexies)

Le projet de texte prévoit aussi que cette profession soit soumise à des conditions d’accès restrictives pour vérifier l’honorabilité du titulaire de cette licence de courtier.

Les États membres soumettent l’exercice de l’activité d’armurier ou de courtier sur leur territoire à une autorisation octroyée sur la base d’au moins un contrôle de l’honorabilité professionnelle et privée et des compétences de l’armurier ou du courtier. S’il s’agit d’une personne morale, le contrôle porte sur la personne morale et sur la personne qui dirige l’entreprise (Art 4 ter).

Vos rapporteurs soutiennent cette initiative qui vise à obtenir une meilleure transparence sur les professionnels concernés.

De même, il est nécessaire de veiller à établir une distinction entre personne morale et personne physique s’agissant du contrôle conditionnant l’octroi d’une autorisation d’exercer une activité d’armurier ou de courtier. Dans le cas des personnes morales, c’est l’honorabilité professionnelle des dirigeants et non la compétence technique qui doit être vérifiée. Par ailleurs, concernant les courtiers, la surveillance de l’activité commerciale importe d’avantage que la compétence technique.

Enfin les achats en liquide ou au moyen de paiements non bancarisés devraient être soumis à un encadrement plus strict. La révision de la directive devrait être l’occasion d’intégrer ce point dans la législation communautaire.

B. GAGNER EN TRANSPARENCE SUR LES BÉNÉFICIAIRES DES TRANSACTIONS

L’interdiction totale des transactions aux particuliers parait sans doute peu pragmatique et de nombreux États membres ont fait valoir leur opposition à cette solution. La rapporteure du Parlement européen, Mme Vicky Ford a expliqué qu’elle menait actuellement une consultation auprès des députés européens et des autorités des États membres pour définir la solution de compromis qui serait acceptable et véritablement opérationnelle.

Vos rapporteurs tiennent ici à souligner l’importance de la meilleure organisation du commerce par Internet. Certains faits divers survenus en France montrent la facilité de l’obtention d’armes à feu ou de composants d’armes via Internet. On peut ainsi citer l’exemple d’un jeune homme de 19 ans qui, le 25 avril 2013, à Istres (Bouches du Rhône), a ouvert le feu sur des inconnus à l’aide d’un fusil d’assaut de type « Kalachnikov » tuant trois personnes et blessant grièvement une quatrième. Entendu lors de son arrestation il indiquait avoir acquis une arme « neutralisée » ainsi que des pièces nécessaires à sa réactivation (canon et pièces de mécanisme) sur des sites Internet, les munitions étant achetées auprès d’un particulier sur un forum. Le tout a été payé par carte bancaire et livré au domicile de sa mère.

De même, en 2013 à Bron (Rhône), un individu utilisant une autorisation de commerce appartenant à un armurier de Saint-Étienne (Loire) qui achetait des armes en France et en Italie était interpellé. Les armes étaient stockées puis revendues sur un site de vente en ligne entre particuliers à des acquéreurs non détenteurs des autorisations idoines. Un chiffre d’affaires de 250.000 euros en moins de 18 mois avait été généré. 187 armes, notamment de catégorie B et C, étaient saisies en sa possession.

Il convient de soutenir la proposition faite par Mme Vicky Ford qui consisterait à autoriser les particuliers à des transactions via Internet mais la remise physique de l’arme ou des pièces d’une arme devrait être vérifiée.

Ainsi dans son document de travail daté du 18 février 2016, la rapporteure suggère d’autoriser « l’utilisation des techniques de communication à distance tout en imposant que la livraison se fasse dans des conditions permettant de vérifier l’identité et l’autorisation de l’acheteur, par exemple dans les locaux d’un armurier, au poste de police local ou dans un autre service autorisé aux termes de la législation de l’État membre. Cela serait en cohérence avec la distinction faite à l’article 11 entre les ventes par correspondance et le transfert d’une arme à feu résultant d’une telle vente ».

Elle incitait d’ailleurs les autres parlementaires ou les autorités des États membres à faire des suggestions appropriées, pour adapter la procédure de remise physique pour les régions isolées.

Cette procédure de contrôle de l’acquéreur final permettrait de vérifier que l’acheteur répond bien aux conditions pour être autorisé à détenir telle ou telle catégorie d’armes et a bien subi les examens médicaux nécessaires pour apprécier sa capacité à détenir une arme.

En conclusion de cette partie sur les ventes par Internet, les rapporteurs soulignent l’importance d’adopter par ailleurs des mesures pour tenter de limiter l’extension du trafic d’armes via le « darknet » mais qui ne relèvent pas de cette directive.

IV. AMÉLIORER LES ÉCHANGES D’INFORMATION ENTRE ÉTATS MEMBRES POUR MIEUX SUIVRE LES TRANSFERTS D’ARMES AU SEIN DE L’UNION

A. LA CIRCULATION DES ARMES À FEU DANS L’UNION EUROPÉENNE

Le rapport d’évaluation a permis de constater que le mécanisme actuel d’autorisation pour les transferts d’armes intracommunautaires a une efficacité très limitée car il repose sur la démarche individuelle de chaque demandeur qui souhaite être autorisé à transporter des armes d’un pays membre à l’autre.

En effet, selon l’article 11 de la directive les transferts intracommunautaires d’armes à feu dites «civiles», munitions et leurs éléments sont soumis à la délivrance préalable d’autorisations :

- les autorités de l’État membre de destination de la marchandise délivrent à un demandeur (personne morale ou physique), un accord préalable) de transfert, sous réserve que le demandeur satisfasse aux exigences réglementaires ;

- les autorités de l’État membre de départ de la marchandise délivrent, sur la base de l’accord préalablement émis, un permis de transfert.

Lorsque les transferts se font entre professionnels (armuriers), ils peuvent être dispensés de cette formalité préalable sous réserve que les armuriers aient obtenu un agrément préalable autorisant sur une période donnée tous les transferts effectués avec un autre professionnel.

Par ailleurs, pour faciliter les déplacements fréquents de certains sportifs ou chasseurs, il est possible d’obtenir une carte européenne d’arme à feu qui permet d’avoir une autorisation de déplacement de certaines armes précisément énumérées et pour une durée de un an au maximum, le titulaire de la carte n’ayant plus alors qu’à justifier de la raison du voyage qui l’amène à déplacer son ou ses armes (invitation à une compétition..).

Le dispositif actuel ne permet pas d’assurer la traçabilité des flux d’armes «de bout en bout ».

En effet, l’absence de mise en relation systématique entre l’accord préalable et le permis de transfert fragilise le suivi de la circulation des armes à feu entre les États-membres de l’Union. Il en résulte des risques de dissémination de matériels et d’utilisation indue ou détournée des autorisations.

Afin de garantir un encadrement efficace des mouvements intra-européens d’armes à feu (article 11 de la directive), le principe d’échange d’informations prévu à l’article 13 de la directive n° 91/477 doit se traduire par un dispositif d’échange systématique et structuré des données des accords préalables et des permis de transfert correspondants.

La nécessité d’une parfaite cohérence entre la décision des autorités de l’État-membre de destination des armes et la décision d’autoriser le transfert des armes d’un autre État-membre est primordiale en termes de sécurité.

Il faut donc que l’autorité du pays d’expédition soit systématiquement informée et de la manière la plus sécurisée possible de la décision du pays de destination (autorisations de transferts délivrées ou refusées, interdictions d’acquisition d’armes décidées par une autre autorité nationale...). Pour assurer la sécurité du dispositif, il faut que le demandeur soit exclu de la chaîne du contrôle.

Or, actuellement, le demandeur intervient dans cette chaîne, dans la mesure où il présente lui-même l’accord préalable sur la base duquel le permis de transfert est accordé.

Cette pratique comporte des risques d’exploitation irrégulière du système, y compris par des personnes qui sont interdites d’acquisition ou de détention d’armes dans le cadre national.

Il faut absolument éviter que la mise en œuvre du principe de libre circulation de ce type de marchandises permette de contourner les mesures de sécurité publique nationale.

De ce point de vue, seul un système dématérialisé et automatisé d’échange d’informations au niveau européen devrait permettra de sécuriser les flux et d’assurer une traçabilité réelle des armes, munitions et leurs éléments.

Dans le projet de révision, l’article 13 est modifié et prévoit que :

« Les autorités compétentes des États membres échangent des informations sur les autorisations de transfert d’armes à feu vers un autre État membre ainsi que sur les refus d’octroyer des autorisations au sens de l’article 7.

La Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 13 bis, en ce qui concerne les modalités d’échange d’informations sur les autorisations octroyées et refusées

Afin de veiller à ce que les États membres puissent échanger comme il convient des informations sur les autorisations octroyées et refusées, la Commission devrait se voir déléguer le pouvoir d’adopter des actes conformément à l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pour ce qui est de l’adoption d’un acte permettant aux États membres de mettre sur pied un système d’échange d’informations sur les autorisations octroyées et refusées.

B. AMÉLIORER LA FIABILITÉ DES INFORMATIONS ÉCHANGÉES ENTRE ÉTATS MEMBRES

Pour améliorer la fiabilité des informations relatives aux armes, il conviendrait d’introduire un dispositif commun sous la forme d’une plate-forme européenne permettant l’échange de données entre télé-services de délivrance des autorisations de flux des États membres.

Les échanges d’informations entre téléservices permettraient :

• d’opérer un rapprochement automatique, via l’interface, entre un permis de transfert et l’accord préalable sur la base duquel il a été délivré ;

• de signaler à l’autorité de l’État membre de destination la délivrance d’un permis de transfert émis sur la base d’un accord préalable délivré par lui ;

• d’informer les autres EM des refus de délivrance d’autorisation de flux intracommunautaires ainsi que des interdictions d’acquisition d’armes décidées par une autre autorité nationale.

La dématérialisation permettrait notamment de mieux encadrer et suivre les flux licites d’armes, de mieux démarquer les flux licites des activités illicites, de prévenir les risques d’utilisation indue d’autorisations, de prévenir les risques de dissémination/d’utilisation indue des armes à feu, munitions et leurs éléments, de structurer un système complet de traçage des armes tout au long de leur cycle de vie sur le territoire européen.

La mise en œuvre d’une plate-forme européenne d’échanges de données nécessiterait :

-une modification de l’article 13 de la directive 91/477. Il conviendrait d’intégrer, au travers d’une nouvelle rédaction de cet article, l’objectif du développement d’une plate-forme d’échanges entre téléservices européens de délivrance des autorisations de flux intracommunautaires d’armes à feu. Dans ce cadre, il serait important d’inscrire une date limite à laquelle l’ensemble des EM devront satisfaire à l’obligation de mise en place d’un téléservice national de délivrance des autorisations de transferts ainsi qu’une date limite pour l’interconnexion de ces systèmes nationaux via la plate-forme d’échanges ;

le développement d’un dispositif technique inspiré du système EMCS (« Excise Movement and Control System »). La plate-forme européenne d’échanges de données relatives aux flux intracommunautaires d’armes à feu pourrait transposer les principes de fonctionnement d’EMCS, dont l’objectif est d’assurer le suivi des produits (boissons alcoolisées, alcools, tabacs manufacturés, produits énergétiques) qui circulent en suspension d’accises au sein du territoire de l’Union européenne sous couvert de documents d’accompagnement dématérialisés. Ce système fait fonctionner un mécanisme d’autorisations de flux intracommunautaires de marchandises et d’apurement des mouvements, qui permet de signifier à l’État expéditeur l’arrivée de la marchandise au point de destination prévu, ainsi qu’un dispositif de coopération administrative entre les États membres. Un tel système permettrait le suivi des armes à feu, munitions et leurs éléments depuis leur point de départ jusqu’à leur arrivée définitive, assurant ainsi une traçabilité totale, notamment lors d’une circulation à travers plusieurs territoires.

Un tel système permettrait un réel progrès en termes de transparence des mouvements d’arme mais doit encore faire l’objet de travaux préparatoires pour préciser certains aspects de faisabilité comme la vérification de l’interopérabilité des fichiers nationaux.

À court terme, les rapporteurs soutiennent la proposition de la rapporteure Vicky Ford au sujet de la carte européenne d’arme à feu.

Le rapport d’évaluation de décembre 2014 relève certains points sur lesquels le fonctionnement de la carte européenne d’arme à feu pourrait être amélioré. Ces points comprennent le nombre d’armes à feu inscrites par les États membres sur la carte européenne d’arme à feu, la possibilité pour le titulaire d’une carte européenne d’arme à feu d’acquérir des munitions dans l’État membre de destination, la possibilité pour les États membres d’exiger des autorisations d’entrée supplémentaires, ainsi que les frais extrêmement variables de délivrance de la carte européenne d’arme à feu, sans lien avec les coûts réels de traitement d’une demande, des modifications ultérieures ou des renouvellements de la carte.

Dans sa version initiale, la réforme de la directive ne comporte pas de modification du régime de la carte européenne d’arme à feu. Il serait peut-être opportun d’introduire des amendements sur ce point qui auraient l’avantage de montrer aux sportifs et chasseurs que cette réforme a aussi pour objectif d’améliorer les conditions de leur pratique sportive.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 26 avril 2016, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« M. Joaquim Pueyo. je remercie les rapporteurs pour cette communication et je voudrais faire part de ma préoccupation quant à la facilité avec laquelle il est possible de se procurer des armes de guerre comme le prouvent les récentes statistiques publiées par le Ministère de l’Intérieur sur le nombre d’armes saisies dans le cadre des contrôles liés à l’État d’urgence. Il faut saluer la mobilisation du Conseil Européen du 18 décembre 2015 qui s’est engagé à doter l’Union européenne de moyens d’action coordonnés contre les trafics d’arme à feu et le financement du terrorisme. C’est aussi dans ce cadre qu’il a été décidé d’accélérer l’adoption d’une révision de la directive sur les armes. La France, de son côté, s’est aussi dotée en novembre 2015 d’un plan contre les trafics d’armes qui se traduit par des contrôles renforcés dans les quartiers sensibles et dans la mise en place de brigades spécialisées pour surveiller les transactions sur Internet avec pour objectif de chercher à démanteler les filières. Un effort tout particulier sera fait en matière d’échanges d’information entre les services de police au sein de l’Union européenne et avec les pays de la zone des Balkans, cette région étant à l’origine de nombreuses transactions plus ou moins licites.

Je voudrais interroger nos rapporteurs pour savoir quelle est leur appréciation sur cette mobilisation européenne en matière de sécurité, est –elle suffisante et pourquoi rien n’a été fait pour harmoniser les sanctions en matière de répression des trafics d’armes ?

Mme Nathalie Chabanne. Cette directive risque d’avoir des répercussions sur les activités de chasse. La France dispose d’une législation nationale assez stricte avec le contrôle des demandeurs de permis de chasse mais au niveau européen il semble que de fortes disparités existent encore. Ce projet de texte représente-t-il un progrès en termes d’harmonisation ? La directive comporte -t-elle des dispositions relatives aux sanctions pour non-respect des normes posées par ce texte ?

Mme Marie Louise Fort. Je partage moi aussi l’inquiétude déjà exprimée sur la circulation d’armes de guerre et sur la difficulté d’enrayer le développement de circuits parallèles d’approvisionnement. De nouvelles zones de conflit viennent nourrir les trafics, comme la Syrie ou la Lybie, alors que les Balkans continuent d’être une zone d’intenses transactions. Ce commerce étant souterrain, il est bien difficile d’en mesurer l’ampleur et il est dommage que les États membres de l’Union européenne ne fassent pas davantage d’efforts pour connaitre les caractéristiques des trafics et pour élaborer en commun un véritable plan d’action contre ces trafics.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Je voudrais souligner que l’Union européenne s’est vraiment mobilisée pour trouver des solutions face aux différentes menaces qui compromettent sa sécurité. J’en veux pour preuve l’accélération du calendrier d’examen de cette directive qui aurait dû être présentée au cours de l’année 2016 et dont l’adoption sera beaucoup plus rapide que prévue. Bien évidemment des résistances existent et, en matière de détention d’armes, les cultures nationales sont assez disparates. La France dispose d’une législation rigoureuse et a été une force de proposition pour aboutir à cette révision de la directive et pour élaborer des compromis.

Certains domaines ne relèvent pas du droit communautaire comme le régime de sanctions, car il s’agit là d’une branche du droit pénal essentiellement, qui reste de la compétence des États membres. Il faut rester pragmatique et constater que de gros progrès ont été faits rapidement, comme sur les normes de neutralisation. D’autres domaines seront plus difficiles mais une réelle dynamique est lancée pour améliorer la traçabilité des armes.

Pour évoquer la question de la classification des armes semi automatiques, je tiens surtout à attirer l’attention sur la nécessité d’arriver à des critères objectifs clairs alors que le recours à la notion « d’apparence », comme le faisait la Commission, est tout à fait inopérant au plan pratique. Je tiens à souligner que des discussions sont en cours et que les États membres sont bien conscients de la nécessité de trouver un équilibre entre les contraintes imposées aux sportifs et chasseurs et les exigences de sécurité publique. Le ministère de l’intérieur français a d’ailleurs indiqué que si au demeurant le compromis final était très strict, il demanderait des dérogations spécifiques notamment pour les compétitions sportives.

La Présidente Danielle Auroi. Nous allons passer à la discussion des deux amendements alternatifs présentés par les deux rapporteurs. Il est difficile de trouver une classification satisfaisante pour ces armes semi-automatique mais recourir au critère de la puissance et de la capacité des chargeurs est au moins un élément objectif et représente un progrès.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur. Comme je viens de l’expliquer, je ne suis pas favorable à l’amendement de Mme Karamanli car cela revient à considérablement durcir le régime de détention de ces armes semi automatiques qui devront faire l’objet soit d’une autorisation préalable soit être interdite pour les plus puissantes. Je regrette que pour les armes de chasse la classe C, c’est-à-dire le régime de la déclaration simple, ne soit plus prévu. Il faut bien comprendre que seule une minorité d’armes semi automatiques sont susceptibles d’être détournées à des fins terroristes, notamment en étant reconditionnées.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Je ne pense pas que le fait de soumettre les armes semi automatiques à un régime d’autorisation représente une atteinte disproportionnée aux droits des chasseurs et des sportifs alors que ces armes sont très fréquemment reconditionnées et qu’elles deviennent ainsi très dangereuses. Il est important de vérifier les caractéristiques personnelles des détenteurs de ces armes pour des raisons de sécurité publique, les armes semi-automatiques n’étant pas des objets quelconques. Je crois que mon amendement est équilibré et permet de souligner la nécessité d’aboutir à une classification reposant sur la puissance de ces armes. »

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 4 paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne,

Vu les articles 68 et 72 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen portant Évaluation REFIT de la directive 91/477/CE du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, telle que modifiée par la directive 2008/51/CE du 21 mai 2008,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes présenté, le 24 novembre 2015,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 28 avril 2015 : « Le programme européen en matière de sécurité » (COM(2015) 185 final),

Vu les conclusions du 20 novembre 2015 du Conseil de l’Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur la lutte contre le terrorisme et sur les armes à feu,

Vu le Plan d’Action de la Commission européenne contre le trafic et l’utilisation illicite d’armes à feu et d’explosifs, adopté le 2 décembre 2015 (COM (2015) 624 final),

Considérant que les États membres et l’Union européenne sont confrontés à d’importantes menaces pour leur sécurité et que les évolutions du contexte sécuritaire soulignent la vulnérabilité et l’interdépendance croissantes entre les sociétés,

Considérant que le risque actuel d’attaques terroristes contre les citoyens de l’Union Européenne a mis en évidence l’existence d’un marché européen pour les armes d’assaut militaires illégales,

Considérant qu’il est indispensable de lutter à la fois contre le trafic et l’utilisation illicite d’armes à feu et d’explosifs mais aussi d’harmoniser les conditions d’acquisition et de détention des armes civiles légales au sein des États membres, afin d’améliorer la traçabilité des armes au sein de l’Union,

Considérant que si la sécurité nationale et le maintien de l’ordre public relèvent de la compétence des États membres, l’Union européenne a toutefois un rôle d’impulsion et de coordination des actions mises en place à jouer pour lutter efficacement contre des menaces transfrontières ;

1°Salue la volonté de la Commission européenne d’accélérer l’adoption de la révision de la directive sur l’acquisition et la détention des armes et se félicite de l’adoption du règlement d’exécution sur les critères communs pour la neutralisation des armes, qui entrera en vigueur en avril 2016 ;

2. Demande à ce que le champ d’application de la directive soit élargi pour y intégrer les armes d’alarme ou à blanc, les armes de salut, ainsi que les armes à expansion acoustique, compte tenu du risque de reconditionnement de ces armes visant à ce qu’elles retrouvent leur caractère létal, ces armes devant par conséquent être assimilées pour leur classement à des armes létales ;

3. Demande que les catégories d’armes distinguent bien celles qui ont été conçues ab initio comme armes à blanc, leur matériau ne supportant pas l’éjection de munitions, et les autres armes conçues initialement pour le tir et désactivées, la classification des armes semi automatiques devant tenir compte de la possibilité technique de les transformer en arme automatique ;

4. Demande que les armes semi automatiques classées en catégorie B soient limitées aux armes dont le projectile a un diamètre inférieur à une certaine norme et dont le chargeur a une capacité limitée à dix coups, selon des spécifications techniques fixées par un acte d’exécution, les autres armes semi automatiques devant être classées en catégorie A, compte tenu de la dangerosité particulière de ces armes qui peuvent facilement être transformées en armes automatiques ;

5. Souhaite que les musées soient autorisés à acquérir et à détenir des armes de catégorie A (armes interdites aux civils) non neutralisées, à la condition expresse que ces armes soient présentées et conservées dans des locaux sécurisés ;

6. Souligne l’importance du travail technique d’une définition rigoureuse des différentes catégories d’armes et des composantes essentielles des armes figurant à l’annexe I de la directive, celui-ci conditionnant l’effectivité de l’harmonisation des législations nationales, sur les armes et étant indispensable aux échanges d’information opérationnels entre États membres ;

7. Se félicite que la proposition de directive introduise l’obligation de conserver les données d’identification des armes durant toute la durée de leur existence, jusqu’à leur destruction avérée, ce qui permettra d’assurer une meilleure traçabilité des armes sur le territoire européen, alors que jusqu’à présent la durée de conservation des informations est de vingt ans ;

8. Insiste sur l’importance de la traçabilité des armes et sur la nécessité d’améliorer la fiabilité des fichiers nationaux, les informations sur l’identification des armes et sur leurs propriétaires devant être rigoureusement contrôlées, cette exigence s’appliquant aussi aux armes neutralisées, afin de limiter les risques de trafics organisés à partir de pièces essentielles d’armes neutralisées et ultérieurement reconditionnées pour obtenir de nouvelles armes illégales ;

9. Souligne l’importance d’un marquage des armes selon un procédé unifié au plan européen avec, soit la création d’un poinçon spécifique pour l’Union européenne, soit l’attribution d’un identifiant électronique unique, cet élément étant essentiel pour assurer une véritable traçabilité des armes.

10. Soutient la démarche de la Commission visant à mieux contrôler les transactions commerciales d’armes en soumettant les courtiers aux mêmes conditions d’exercice que les armuriers ;

11. Souligne que le commerce des armes sur Internet présente des risques spécifiques notamment pour identifier l’acheteur réel et par conséquent soutient la solution de compromis proposé par le Parlement européen prévoyant d’autoriser les transactions aux particuliers à la condition qu’une procédure de contrôle de l’identité du détenteur soit opérée lors de la remise physique de l’arme à son acheteur ;

12. Soutient la Commission dans sa volonté de mieux contrôler les transferts d’armes intracommunautaires en renforçant les échanges d’informations sur les autorisations ou les refus de transferts ;

13. Propose une modification de l’article 13 de la proposition de directive pour prévoir le développement d’une plate-forme d’échanges entre téléservices européens de délivrance des autorisations de flux intracommunautaires d’armes à feu, cette plateforme permettant au pays de départ et au pays de destination de vérifier la légalité du transfert sans intervention du demandeur et préalablement au transport des armes ;

14. Insiste à cet égard pour que l’ensemble des systèmes d’informations de suivi et de traçabilité des armes établis par les États membres soient conçus de façon à permettre leur interconnexion, l’échange des informations utiles et l’effectivité des contrôles, dans le cadre d’une réglementation harmonisée.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

26 avril 2016

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE SUR LA DIRECTIVE RELATIVE
AUX ARMES À FEUX

 

AMENDEMENT

No 1

présenté par

M. Charles de La Verpillière, Rapporteur

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Rédiger le 4° de la façon suivante :

« Demande que, parmi les armes civiles semi-automatiques, seules celles présentant un risque avéré de détournement à des fins terroristes, notamment par transformation, soient classées en catégorie A, les autres étant, en fonction de leurs caractéristiques, réparties entre les catégories B et C ; »

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

26 avril 2016

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE SUR LA DIRECTIVE RELATIVE
AUX ARMES À FEUX

 

AMENDEMENT

N ° 2

présenté par

Mme Marietta Karamanli, Rapporteure

----------

Rédiger le 4° de la façon suivante :

« Demande que les armes semi -automatiques classées en catégorie B soient limitées aux armes dont le projectile et le chargeur ont une capacité limitée , selon des spécifications techniques fixées par un acte d’exécution de la Commission européenne, les autres armes semi automatiques devant être classées en catégorie A, compte tenu de la dangerosité particulière de ces armes qui peuvent facilement être transformées en armes automatiques ; »

   

Exposé sommaire

Le projet de texte actuel fait référence aux armes semi automatiques qui ont « l’apparence d’une arme à feu automatique » , cette notion d’apparence étant inopérante au plan juridique, il convient de distinguer les armes semi automatiques , selon leur puissance et leurs caractéristiques techniques , comme par exemple le fait que le chargeur soit amovible ou non. L’essentiel est que la classification entre catégorie A (interdiction) et B (détention après autorisation) repose sur des critères objectifs.

TEXTE DE LA RÉSOLUTION EUROPÉENNE ADOPTÉE EN COMMISSION

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 4 paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne,

Vu les articles 68 et 72 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen portant Évaluation REFIT de la directive 91/477/CE du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, telle que modifiée par la directive 2008/51/CE du 21 mai 2008,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes présenté, le 24 novembre 2015,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 28 avril 2015 : « Le programme européen en matière de sécurité » (COM(2015) 185 final),

Vu les conclusions du 20 novembre 2015 du Conseil de l’Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur la lutte contre le terrorisme et sur les armes à feu,

Vu le Plan d’Action de la Commission Européenne contre le trafic et l’utilisation illicite d’armes à feu et d’explosifs, adopté le 2 décembre 2015 (COM (2015) 624 final),

Considérant que les États membres et l’Union européenne sont confrontés à d’importantes menaces pour leur sécurité et que les évolutions du contexte sécuritaire soulignent la vulnérabilité et l’interdépendance croissantes entre les sociétés,

Considérant que le risque actuel d’attaques terroristes contre les citoyens de l’Union Européenne a mis en évidence l’existence d’un marché européen pour les armes d’assaut militaires illégales,

Considérant qu’il est indispensable de lutter à la fois contre le trafic et l’utilisation illicite d’armes à feu et d’explosifs mais aussi d’harmoniser les conditions d’acquisition et de détention des armes civiles légales au sein des États membres, afin d’améliorer la traçabilité des armes au sein de l’Union,

Considérant que si la sécurité nationale et le maintien de l’ordre public relèvent de la compétence des États membres, l’Union européenne a toutefois un rôle d’impulsion et de coordination des actions mises en place à jouer pour lutter efficacement contre des menaces transfrontières ;

1. Salue la volonté de la Commission européenne d’accélérer l’adoption de la révision de la directive sur l’acquisition et la détention des armes et se félicite de l’adoption du règlement d’exécution sur les critères communs pour la neutralisation des armes, qui entrera en vigueur en avril 2016 ;

2. Demande à ce que le champ d’application de la directive soit élargi pour y intégrer les armes d’alarme ou à blanc, les armes de salut, ainsi que les armes à expansion acoustique, compte tenu du risque de reconditionnement de ces armes visant à ce qu’elles retrouvent leur caractère létal, ces armes devant par conséquent être assimilées pour leur classement à des armes létales ;

3. Demande que les catégories d’armes distinguent bien celles qui ont été conçues ab initio comme armes à blanc, leur matériau ne supportant pas l’éjection de munitions, et les autres armes conçues initialement pour le tir et désactivées, la classification des armes semi automatiques devant tenir compte de la possibilité technique de les transformer en arme automatique ;

4. Demande que les armes semi-automatiques classées en catégorie B soient limitées aux armes dont le projectile et le chargeur ont une capacité limitée, selon des spécifications techniques fixées par un acte d’exécution de la Commission européenne, les autres armes semi automatiques devant être classées en catégorie A, compte tenu de la dangerosité particulière de ces armes qui peuvent facilement être transformées en armes automatiques ;

5. Souhaite que les musées soient autorisés à acquérir et à détenir des armes de catégorie A (armes interdites aux civils) non neutralisées, à la condition expresse que ces armes soient présentées et conservées dans des locaux sécurisés ;

6. Souligne l’importance du travail technique d’une définition rigoureuse des différentes catégories d’armes et des composantes essentielles des armes figurant à l’annexe I de la directive, celui-ci conditionnant l’effectivité de l’harmonisation des législations nationales, sur les armes et étant indispensable aux échanges d’information opérationnels entre États membres ;

7. Se félicite que la proposition de directive introduise l’obligation de conserver les données d’identification des armes durant toute la durée de leur existence, jusqu’à leur destruction avérée, ce qui permettra d’assurer une meilleure traçabilité des armes sur le territoire européen, alors que jusqu’à présent la durée de conservation des informations est de vingt ans ;

8. Insiste sur l’importance de la traçabilité des armes et sur la nécessité d’améliorer la fiabilité des fichiers nationaux, les informations sur l’identification des armes et sur leurs propriétaires devant être rigoureusement contrôlées, cette exigence s’appliquant aussi aux armes neutralisées, afin de limiter les risques de trafics organisés à partir de pièces essentielles d’armes neutralisées et ultérieurement reconditionnées pour obtenir de nouvelles armes illégales ;

9. Souligne l’importance d’un marquage des armes selon un procédé unifié au plan européen avec, soit la création d’un poinçon spécifique pour l’Union européenne, soit l’attribution d’un identifiant électronique unique, cet élément étant essentiel pour assurer une véritable traçabilité des armes.

10. Soutient la démarche de la Commission visant à mieux contrôler les transactions commerciales d’armes en soumettant les courtiers aux mêmes conditions d’exercice que les armuriers ;

11. Souligne que le commerce des armes sur Internet présente des risques spécifiques notamment pour identifier l’acheteur réel et par conséquent soutient la solution de compromis proposé par le Parlement européen prévoyant d’autoriser les transactions aux particuliers à la condition qu’une procédure de contrôle de l’identité du détenteur soit opérée lors de la remise physique de l’arme à son acheteur ;

12. Soutient la Commission dans sa volonté de mieux contrôler les transferts d’armes intracommunautaires en renforçant les échanges d’informations sur les autorisations ou les refus de transferts ;

13. Propose une modification de l’article 13 de la proposition de directive pour prévoir le développement d’une plate-forme d’échanges entre téléservices européens de délivrance des autorisations de flux intracommunautaires d’armes à feu, cette plateforme permettant au pays de départ et au pays de destination de vérifier la légalité du transfert sans intervention du demandeur et préalablement au transport des armes ;

14. Insiste à cet égard pour que l’ensemble des systèmes d’informations de suivi et de traçabilité des armes établis par les États membres soient conçus de façon à permettre leur interconnexion, l’échange des informations utiles et l’effectivité des contrôles, dans le cadre d’une réglementation harmonisée.

ANNEXES

ANNEXE I : OBSERVATIONS SUR LE CLASSEMENT DES ARMES SEMI–AUTOMATIQUES DE M. CHARLES DE LA VERPILLIÈRE,
CO-RAPPORTEUR

Les armes semi-automatiques sont utilisées en grand nombre par les chasseurs pour le tir du grand gibier : sangliers, cervidés, chevreuils, etc…

Le vocable « d’armes semi-automatiques » s’applique en réalité à des armes dont les caractéristiques techniques sont très variables. Si elles ont en commun de pouvoir tirer au coup par coup sans qu’il soit nécessaire de réarmer, la puissance, la longueur du canon, la capacité du magasin et l’apparence sont très différentes d’un modèle à l’autre.

Le risque de détournement à des fins terroristes n’est donc pas le même pour toutes les armes semi-automatiques et doit être apprécié au cas par cas.

C’est ainsi que, dans son texte actuellement en vigueur, l’annexe I de la directive 91/477 classe les armes semi-automatiques :

- En catégorie B (autorisation) : armes courtes ; armes longues dont le magasin et la chambre peuvent contenir plus de 3 cartouches ; armes longues dont le magasin et la chambre ne peuvent contenir plus de trois cartouches, dont le chargeur n’est pas inamovible ou pour lesquelles il n’est pas garanti que ces armes ne puissent être transformées, par un outillage courant, en armes dont le magasin et la chambre peuvent contenir plus de trois cartouches ; armes longues à canon lisse dont le canon ne dépasse pas 60 cm ; armes qui ont l’apparence d’une arme à feu automatique ;

- En catégorie C (déclaration) : les autres armes longues semi-automatiques.

Le projet initial de la Commission européenne proposait de remonter en catégorie A (interdiction) les armes semi-automatiques qui ont l’apparence d’une arme à feu automatique.

Devant le Parlement européen, certaines propositions vont dans le sens d’une interdiction presque générale des armes semi-automatiques.

Cette orientation parait très excessive et porterait préjudice aux activités sportives et de chasse.

Il conviendrait de s’en tenir à la proposition initiale de la Commission ou, à défaut, de ne viser que les armes qui, par leurs caractéristiques techniques, présentent au risque avéré, notamment par transformation, de détournement à des fins terroristes.

ANNEXE II : :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

Représentants du Comité Guillaume Tell :

– M. Thierry Coste, secrétaire général ;

– M. Bruno Valluet, secrétaire général de la Fédération Française de Tir ;

– M. Yves Gollety, président de la Chambre Syndicale Nationale des Armuriers Professionnels.

Représentants du SGAE :

– Mme Isabelle Jegouzo, secrétaire générale adjointe ;

– M. Frédéric Mollard, chef du secteur sécurit de l’espace européen.

Représentants du ministère de l’intérieur :

– Mme Muriel Sylvan, chargé de mission auprès du Conseiller diplomatique, cabinet du ministre de l’intérieur ;

– M. Philippe Nobles, chef de la section centrale, des armes, explosifs et matières sensibles de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).

- Mme Vicky Ford, députée européenne, rapporteure sur le projet de révision de la directive pour la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen (par visioconférence).

Entretiens téléphoniques avec :

- M. Pascal Durand, député européen ;

- Mme Christine Revault d’Allones, députée européenne ;

- Mme Virginie Rozière, députée européenne ;

- M. Cédric Poitevin, directeur adjoint – chef de recherche « Armes légères et transferts d’armes » du Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP).

1 () Audition publique devant la Commission Marché intérieur et protection des consommateurs du Parlement européen le 15 mars 2016.

2 () Évaluation REFIT de la directive 91/477/CE du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes- COM(2015) 751 final.

3 () Cette évaluation a été réalisée par des consultants externes ; les cabinets Technopolis group , EY et VVa consulting.

4 () Le protocole relatif aux armes à feu a été ratifié par la Commission en 2014. Décision 2014/164/UE du Conseil du 11 février 2014 relative à la conclusion, au nom de l’Union européenne, du protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée.

5 () Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen — Les armes à feu et la sécurité intérieure dans l’Union européenne: protéger les citoyens et déjouer les trafics illicites (COM(2013) 716 final).

6 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — « Le programme européen en matière de sécurité »- COM(2015) 185 final.

7 () Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil relative à la mise en œuvre du programme européen en matière de sécurité – Plan d’action de l’UE contre le trafic et l’utilisation illicite d’armes à feu et d’explosifs- COM(2015) 624 final.

8 () Le SIS est la plus grande plate-forme d’échange de données sur les armes à feu perdues et volées dans l’UE et les pays associés à Schengen, reliant à ce jour 29 pays en Europe. La priorité est d’améliorer la qualité des données car de nombreux États membres n'enregistrent pas le calibre, et que les numéros de série des armes à feu ne sont pas uniques.

9 () Le système de gestion des données sur les armes illicites et du traçage des armes d’Interpol (iARMS), facilite l’échange d’informations et la coopération judiciaire sur la circulation internationale d’armes à feu illicites ainsi que d’armes à feu licites qui ont été utilisées dans un crime. Actuellement cette base contient très peu d’informations provenant de l’Union européenne.